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Full text of "Traite d'orthophonie; voix normale, bégaiement, vices de parole, sons esthétiques, physiognomonie"

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TRAITE 


D'ORTHOPHONIE 


PUBLICATIONS   DU   MÊME  AUTEUR 


Éléments  d'ortlioplionie  Bégaiement  et  vices  de  la  [)ai'ole). — Asselin. 
libraire-éditeur. 

De  lamusique  dans  ses  rapports  avec  la  santé  publique. — Asselin, 
libraire-éditeur. 

Du  cours  d'articulation  dans  l'enseignement  des  sourds-muets 
(Mémoire  présenté  à  l'Académie  des  sciences). —  L.  Larose,  libraire- 
éditeur. 

L'Enseignement  orthophonique  nu  Conservatoire  national  de  mu- 
sique et  de  déclamation  de  Paris  (Vices  de  la  parole  chantée  et 
parlée).  —  Asselin,  libraire-éditeur. 

L'Orthophonie  au  point  de  vue  pédagogique  'J\Iémoire  présenté  à 
l'Académie  de  médecine).  —  Asselin,  libraire-éditeur. 

Méthode  rationnelle  d'articulation  à  l'usage  des  institutions  do 
sourds-muels  (École  française).  Méthode  présentée  à  l'Académie 
de  médecine.  —  Asselin.  libraire-éditeur. 


(^oiiBi  II..  Tyi'.  i-t  stêr.    CnuTt. 


TRAITÉ 

D'ORTHOPHONIE 


VUIX   NOllMALE 

B  É  G  A  I  E  M  E  N  T 

yiGES  DE   PAROLE 

SONS    ESTHÉTIOUES 
PHYSIOGNOMONIE 


E.   COLOMBAT  (de   l'Isère) 

OFFlCIKll    d'aCADÉMIK 

nioFESSKiR  b'oriTnnpiioNib;  a  l'institit  national  i)i:s  souiius-suirr.» 

Dli  PAUIS 

EX-pnoFESsian  au  conseiivatoiri;  national. 


PARIS 

ASSELIN  ET  (;'%  LIBRAIRES  DE  LA  FACULTÉ  DE  MÉDECINE 

PLACE    DE    l"ÉC0LE-1)E-MÉDECINE 

1880 


M 


''3^ 


PREFACE 


Ce  traité,  divisé  en  trots  parties^  et  présenté 
■SOUS  la  forme  de  notes,  expose  d'abord  des 
principes  et  des  développements  uouveaiix  sur 
le  rôle  de  la  volonté,  de  la  docilité  et  de  la  mé- 
moire dans  Fétude  de  la  parole  ; 

Sur  les  manifestations  internes  et  externes  de 
la  phonation  ; 

Sur  le  rôle  de  l'élément  pédago«^ique  dans  le 
redressement  vocal  du  bégaiement  et  des  vices 
de  la  parole  ; 

Sur  le  rôle  de  l'enseignement  de  l'ortliopho- 


VI  PRÉFACE. 

nie  technique  dans  l'étude   du  son  esthétique. 

La  seconde  partie  de  ce  hvre  expose  en- 
suite, avec  de  certaines  modifications  et  de  cer- 
taines additions  dictées  par  l'expérience  et  affir- 
mées par  une  pratique  spéciale,  la  synthèse  de  la 
méthode  d'orthophonie  du  docteur  Colomhat,  de 
l'Isère,  augmentée  toutefois  de  deux  appendices. 

Lorsque  le  côté  méthodique,  et  en  quelque 
sorte  artificiel,  du  redressement  vocal  a  été  en- 
seigné aux  élèves  bègues  ou  aux  élèves  affectés 
d'un  vice  de  la  parole,  il  est  de  toute  utilité  de  leur 
faire  connaître  la  phonation  esthétique  (1)  comme 
s'ils  avaient  toujours  été  libre-parlants  et  de  leur 
apprendre  eu  même  temps  ce  que  dans  l'art  ora- 
toire on  nomme  V action.  Pendant  cette  transi- 
tion vocale  on  leur  fera  donc  étudier  les  lois 
psycho-physiologiques  qui  sont  indiquées  dans  la 
troisième  partie  de  notre  ouvrage.  Ces  lois  prési- 
dent subjectivement  au  jeu  de  la  physionomie  et 
donnent  objectivement  au  geste  et  aux  attitudes 
du  corps  une  tonalité  harmonique  eu  rapport 
avec  celle  de  la  parole. 

D'ailleurs,  la  physiocjnomonie  jointe  à  la  pa- 

(I)  Voiries  notes  aiinoses  :  Autholo;/ie  orlhrqihoniqnc. 


PREFACE.  VU 

rôle  non  seulement  facilite  h  l'orateur,  au  discou- 
reur, au  coûférenciei*.  au  causeur,  à  l'artiste 
dramatique  ou  lyrique  farl  de  la  pose  de  la  voix, 
mais  encore  donne  aux  dysphones  le  temps  iS^d.}^- 
^\\^^):  mus  trouble  et  à  propos,  soit  les  procédés 
de  redressement  vocal  précisés  dans  la  méthode 
d'orthophonie,  soit  les  procédés  protecteurs  ou 
prophylactiques  qui  y  sont  indiqués. 

Bien  que  ces  matières  didactiques  publiées 
sous  le  titre  :  Traité  d'Orthophonie,  ne  parais- 
sent pas  former  un  tout  absolument  homo- 
gène, elles  s'éclairent  cependant,  se  complètent 
l'une  par  l'autre,  et  s'unissent  par  le  lien  d'une 
origine  et  d'un  l)ut  communs  :  Manifestations 
externes  de  la  ppnsi'o. 


Eu  présence  des  honorables  lémoignages 
adressés  à  notre  enseignement,  et  des  marques 
d'encouragement  données  au  Cours  officiel  d'or- 
thophonie par  les  premiers  corps  savants  de 
l'Etat,  les  assemblées  électives  du  pays  et  parles 
différents  ministres  qui  se  sont  succédé  au  minis- 
tère de  l'iutérieur  ou  nu  dépai'tement  de  l'instruc- 


VIII  PREFACE. 

tioD  publique  et  des  heaux-aris,  nous  regardons 
comme  un  devoir  professionnel  de  publier  con- 
stamment sur  la  science  de  l'orthophonie  tout  ce 
qui  peut  être  de  nature  à  fixer  les  esprits  sur  un 
sujet  dans  lequel  divers  points  importants  ne  sont 
pas  encore  suffisamment  mis  en  lumière. 

E.  Colomb  AT,  de  l'Isère. 


HISTORIQUE  DU   COURS 

D'ORTHOPHONIE 

CRÉÉ  EN    1828  ET  ANNEXÉ  DEPUIS   1868 

A  L'INSTITUTION  NATIONALE  DES  SOURDS-MUETS 

DE    PARIS 

POUR    LE    REDRESSEMENT    VOCAL 

DU  BÉGAIEMENT  ET  DE  TOUS  LES  YICES 

DE    LA     PAROLE 


HISTORIQUE    DU    COUBS 


D'ORTHOPHONIE 


En  18:^8,  le  docteur  Golombat,  de  l'Isère,  fut  le  pre- 
mier créateur  de  l'Institut  orthophonique  de  Paris, 
fondé  pour  le  redressement  de  tous  les  vices  de  la  pa- 
role et  en  particulier  du  bégaiement. 

C'est  à  l'étude  physiologico-pathologique  des  organes 
de  la  voix,  mais  surtout  à  celle  du  bégaiement  et  des 
vices  de  la  parole  que  se  rattache,  en  médecine,  le 
nom  de  Golombat. 

Une  idée  bien  simple  le  guida  dans  cette  dernière 
étude  :  il  avait  remarqué  que  les  bègues,  dans  certai- 
nes circonstances,  articulent  avec  netteté,  par  exemple 
lorsqu'ils  chantent;  il  lui  parut  alors  complètement 
illusoire  d'aller  chercher  les  causes  de  cette  infirmité 
dans  une  conformation  vicieuse   des  organes  vocaux. 


4  HISTORIQUE   DU    COURS  D'ORTHOPHONIE. 

Les  deux  corps  scientifiques  les  plus  haut  placés  dans 
l'opinion  publique,  l'Académie  des  sciences  et  l'Aca- 
démie de  médecine,  donnèrent  la  plus  éclatante  appro- 
bation à  ses  travaux  et  à  l'empressement  qu'il  a  mis  à 
en  faire  connaître  les  résultats  au  public. 

Trop  tôt  enlevé  à  ses  études  physiologiques,  il  mou- 
rut en  1851,  sans  avoir  pu  donner  à  sa  Méthode  d'Or- 
thophonie tous  les  développements  qu'il  lui  avait  fixés 
dans  sa  pensée. 

M.  E.  Colombat,  désireux  de  vulgariser  cette  méthode 
de  redressement  vocal,  et  poursuivant  les  travaux  or- 
thophoniques de  son  père,  ouvrit  à  son  tour  des  cours 
particuliers  qui,  sur  sa  demande,  furent  l'objet  d'une 
enquête  administrative. 

Le  Ministre  de  l'Intérieur,  en  1866,  confia  à  une  Com- 
mission spéciale  le  soin  d'étudier  la  question,  qu'un 
grand  nombre  de  personnes  notables  dans  les  sciences 
et  dans  les  lettres  recommandaient  à  son  attention. 

La  Commission  se  livra  à  une  étude  nouvelle  et  ap- 
profondie de  la  méthode  et  fit  faire  devant  elle  des 
expériences  multipliées.  Non  contente  d'examiner  les 
élèves  bègues  ou  affectés  d'un  vice  de  la  parole,  qui  lui 
étaient  présentés  par  le  professeur,  elle  choisit  elle- 
même  un  grand  nombre  de  sujets  qu'elle  avait  fait  re- 
chercher. Ces  nouveaux  élèves,  instruits  sous  ses  yeux, 
ne  furent  quittés  qu'après  une  complète  éducation  vo- 
cale. 

Le  rapport  scientifique  de  cette  Commission,  présenté  au 
Ministre  de  l' Intérieur  par  M.  le  docteur  Danet,  concluait 


HISTORIQUE  DU    COURS   D'ORTHOPHONIE.  5 

à  Vutilité  de  la  création  d'un  cours  d'orthophonie  et  à  l'an- 
nexion de  ce  cours  à  l'Institution  nationale  des  Sourds- 
Muets  de  Paris. 

Un  arrêté  ministériel  adopta  ces  conclusions,  et  le 
cours  d'orthophonie  fut  ouvert  au  public. 

Les  résultats  obtenus  pendant  de  nombreuses  an- 
nées, et  successivement  appréciés  par  plusieurs  Mi- 
nistres de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  Publique,  con- 
firmèrent l'efficacité  de  la  méthode  adoptée  par  l'État. 

A  la  suite  d'amendements  au  budget  du  ministère  de 
l'Intérieur,  dus  à  l'initiative  parlementaire  et  acceptés 
par  le  Gouvernement,  le  Corps  législatif  d'abord,  l'As- 
semblée Nationale  ensuite,  assuraient  la  permanence 
du  Cours  d'Orthophonie  en  ouvrant  et  plus  tard  en 
augmentant  un  crédit  exclusivement  afl'ecté  à  l'exis- 
tence officielle  de  cette  nouvelle  institution  de  bien- 
faisance. 

En  même  temps,  à  la  suite  d'une  délibération  du 
Conseil  municipal  de  la  ville  de  Paris,  M.  le  préfet  de  la 
Seine  autorisait  les  instituteurs  à  faire  participer  au 
bénéfice  de  la  méthode  les  enfants  des  Écoles  Commu- 
nales reconnus  bègues  ou  affectés  d'un  vice  de  la  parole. 

Enfin,  en  1874,  à  propos  de  recherches  sur  la  ques- 
tion du  bégaiement  et  des  vices  de  la  parole,  l'Académie 
de  Médecine,  après  avoir,  pour  la  seconde  fois,  soumis 
à  l'étude  d'une  Commission  la  Méthode  d'Orthophonie, 
a  consacré  les  principaux  points  suivants  : 

1°  Le  docteur  Colombat  [de  l'hère)  est  le  premier  qui  se 


6  niSTORIQUE   DU   COURS  D'ORTHOPHONIE. 

soit  occupé  à  la  fois  de  rechercher  la  nature  du  bégaiement, 
de  redresser  ce  vice  de  la  parole,  enfin  de  foi  muler  et  de 
publier  une  méthode  rationnelle  pour  combattre  cette  infir- 
mité et  tous  les  vices  de  la  parole; 

2°  De  cette  méthode  couronnée  en  1833 /îor  V Académie 
des  Sciences,  découlent  les  divers  modes  d'application  que 
l'on  a  cherché  depuis  lors  à  mettre  enusage  en  France  et  à 
l'étranger  ; 

3°  Le  redressement  du  bégaiement  est  sorti  du  domaine 
de  la  médecine  pour  entrer  datis  celui  de  renseignement. 
Ce  point  essentiel  a  été  mis  en  lumière  par  M.  E .  Colombat 
dans  un  mémoire  adressé  à  l'Académie  et  intitulé  :  De  C Or- 
thophonie au  point  de  vue  pédagogique. 

L'Académie  a  terminé  l'examen  de  celte  question  en 
adoptant  à  l'unanimité  les  conclusions  suivantes  :  «  La 
méthode  Colombat,  qui  a  été  l'objet  d'un  rapport  favorable 
à  l'Académie  de  médecine  en  1830,  rapport  fait  par  Itard 
au  nom  d'une  nombreuse  Commission,  continue  à  donner 
de  bons  résultats,  prouvés  par  une  expérience  de  bien  des 
années.  —  Elle  mérite  les  encouragements  de  l' Administra- 
tion pour  les  services  quelle  rend  tous  les  jours,  n 

Les  conséquences  pénibles  qui  résultent  des  vices  de 
la  parole,  soit  dans  les  relations  quotidiennes,  soit 
dans  le  choix  d'une  carrière  ou  d'une  profession,  sont 
trop  connues  pour  qu'on  insiste  longtemps  sur  les  avan- 
tages que  procure  le  redressement  de  ces  infirmités. 

Qu'il  suffise  de  rappeler  qu'il  n'est  jamais  trop  tard 


HISTORIQUE   DU   COURS  D'ORTHOPHONIE.  7 

pour  se  livrer  à  l'éducation  de  la  voix  parlée.  Sans  doute 
il  vaut  toujours  mieux  s'y  consacrer  dès  le  jeune  âge. 
Mais  on  peut  encore,  même  dans  l'âge  mûr,  arriver  à 
se  donner  une  diction  régulière  lorsque  l'enseignement 
vocal,  accepté  avec  confiance,  est  appliqué  méthodi- 
quement et  observé  par  l'élève  avec  une  sérieuse  exac- 
titude. 

La  Méthode  d'Orthophonie  comprend  1°  le  redresse- 
ment de  toutes  les  variétés  du  bégaiement  ;  —  2°  le 
redressement  de  tous  les  vices  de  la  parole;  —  3»  le 
redressement  vocal  des  enfants  arriérés  ;  —  4°  le  re- 
dressement des  vices  de  l'articulation  de  la  voix  dé- 
clamée ou  chantée  ;  —  5"  l'enseignement  de  l'articu- 
lation aux  sourds-muets  dits  A//w2si!o/>Aones,  ou  sourds- 
muets  chez  qui  la  perte  de  l'ouïe  n'a  pas  entraîné  la 
perte  complète  de  la  faculté  de  parler. 

Le  cours  d'Orthophonie  annexé  à  l'Institut  national 
est  ouvert  au  mois  d'octobre  et  se  termine  au  mois  de 
juillet. 

Les  cours  se  font  isolément  et  en  commun,  mais 
toujours  en  dehors  de  la  présence  de  toute  personne 
étrangère.  —  Mesure  prise  dans  le  double  but  de  mé- 
nager la  légitime  susceptibihté  des  bègues  et  de  facili- 
ter le  fonctionnement  régulier  des  cours,  en  évitant 
aux  élèves  pendant  la  durée  des  leçons  tout  ce  qui  pour- 
rait les  fatiguer  inutilement,  les  troubler  ou  les  im- 
pressionner. 

Le  redressement  du  bégaiement  et  des  vices  delà  pa- 
role est  direct  et  immédiat  ;  —  il  importe  que  le  profes- 
seur se  trouve  face  à  face  avec  l'élève  et  lui  donne  visi- 


8  HISTORIQUE   DU    COURS  D'ORTHOPHONIE. 

blement  les  procédés  orthophoniques  préparatoires , 
nécessaires  pour  l'intelligence  et  la  bonne  application 
de  la  méthode.  —  C'est  dans  ces  conditions  absolues 
d'enseignement  que  la  personne  affectée  d'un  vice  de 
parole  quelconque  pourra  poursuivre  la  tâche  entre- 
prise et  arriver  avec  succès  au  but  qu'elle  désire  at- 
teindre. 


PREMIÈRE    PARTIE 


NOTES    DIDACTIQUES 

D'ORTHOPHONIE 


NOTE   A 

LEÇON     PRÉPARATOIRE    A    L'ENSEIGNEMENT 
ORTHOPHONIQUE 


NOTE   A 

LEÇON  PRÉPARATOIRE  A   L'ENSEIGNEMENT 
ORTHOPHONIQUE. 


a  C'est  la  joie  de  fout  homme  de  forcer  la   na- 

1  ture  de  s'engager  dans  les  voies  qu'elle  avait  fer- 

«  mées  devant   lui,  d'y  réussir  en  dépit  d'elle.  Le 

<  sentiment  de  l'effort  double  le  prix  du  succès.  » 

(F.  Sabcbï.) 


En  général,  avant  d'aborder  l'enseignement  de 
Torthophonie,  nous  pensons  qu'il  est  bon  de  faire 
comprendre  à  l'élève  bègue,  dans  wie  leçon  prélimi- 
naire, toute  la  valeur  intellectuelle  et  physique  dont 
chaque  individu  présente  une  formule  isolée. 

Cette  leçon  doit  être  appropriée  à  l'âge  et  à  l'ins- 
truction du  bègue  ;  elle  le  pénètre  moralement  et  lui 
fait  pressentir  que  le  succès  de  son  éducation  pho- 
nétique dépend  beaucoup  de  l'énergie  personnelle 
qu'il  apportera  au  redressement  vocal  de  son  vice  de 
parole. 

Il  ne  peut  entrer  dans  l'esprit  du  professeur  d'or- 
thophonie de  vouloir  exphquer  et  étudier  l'homme 


1+  N.  A.   —   LEÇON    PRÉPARATOIRE 

SOUS  ses  divers  aspects.  —  Les  sciences  de  la  phy- 
siologie, de  la  biologie,  de  la  sociologie,  de  la  philo- 
logie s'occupent  d'ailleurs,  chacune  selon  le  but  qu'elle 
poursuit,  de  l'être  humain  envisagé  au  point  de  vue 
de  sa  nature  physique,  intellectuelle  ou  sensible^, 
de  ses  évolutions  vitales  ou  sociales,  enfin  de  son 
esprit  de  civilisation  manifesté  par  Thistorique  du 
langage  interhumain. 

Dans  le  cas  spécial  qui  nous  intéresse,  il  suffit  de 
présenter  sommairement  et  plutôt  par  voie  de  com- 
paraison que  par  voie  d'abstraction,  les  quelques 
notions  suivantes  : 

Physiologiquement,  le  corps  est  un  composé  com- 
plexe de  substances  organiques,  qui,  à  un  moment 
donné,  se  font  équilibre  et  produisent  la  vie. 

Le  phénomène  de  la  vie  se  manifeste  par  une  lutte 
sérielle  de  composition  et  de  décomposition  chimi- 
que, lutte  qui  préside  à  la  naissance,  à  la  croissance, 
à  la  maturité  et,  lorsque  la  décomposition  l'emporte, 
à  la  décroissance  et  à  la  dissolution  du  corps,  der- 
nier phénomène  appelé  la  mort. 

Pendant  le  moment  d'équilibre  instable,  d'oscil- 
lation continue  qui  constitue  l'évolution  vitale  de 
l'homme,  le  système  économique  des  tissus  cellu- 
laires du  corps  agit  et  réagit  sur  lui-même  au  moyen 
du  jeu  incessant  des  nerfs  et  des  muscles  entretenus 


A  L'ENSEIGNEMENT   ORTHOPHONIQUE.  15 

parla  perception  interne  de  la  plupart  des  phéno- 
mènes qui  constituent  l'existence. 

Cette  perception  interne,  dénommée  indifférem- 
ment :  conscience  du  7noi^  sens  intime,  chnc,  a  fait 
de  tout  temps  l'objet  de  curieuses  recherches. 

Les  philosophes  et  les  psychologues,  s'appuyant 
sur  les  manifestations  caractéristiques  de  la  nature 
humaine,  ont  généralement  distingué,  dans  les  évo- 
lutions du  sens  intime,  trois  séries  spéciales  de 
faits  qui  ont  été  ramenés  à  trois  facultés  direc- 
trices :   sensibilité,  intelligence,  activité. 

Les  évolutions  cérébrales  en  générai  et  celles 
de  chaque  individu  en  particuher  sont  intimement 
liées  à  la  constitution  physique,  aux  aptitudes  natu- 
relles, au  milieu  dans  lequel  il  a  été  élevé,  dans 
lequel  il  se  meut  et  dans  lequel  il  vit  tous  les  jours  (1). 
—  De  cette  organisation  et  des  lois  qu'elle  suppose, 
surgit  ce  que  les  hommes  en  société  désignent  sous 


(l)Si  certains  penseurs  avaient  d'abord  étudié  la  physiologie,  la 
société  eût  suivi  probablement  une  marche  ascendante  tout  autre 
que   celle  qui  lui  a  été  imprimée  depuis  plusieurs  milliers  d'années. 

Si  la  direction  des  idées  n'a  pas  été  ce  qu'elle  aurait  pu  être,  il  n'en 
faut  pas  moins  reconnaître  que  l'histoire  des  philosophies  et  des  re- 
ligions, que  l'histoire  des  peuples  et  de  leurs  révolutions,  renferment 
un  bien  curieux  inventaire  des  actes  sociaux  de  l'humanité. 

La  philosophie  de  l'histoire  et  les  découvertes  modernes  ont  im- 
primé aux  sciences  une  direction,  plus  vraie,  plus  sûre  et  reposant 
sur  des  bases  plus  fécondes  en  idées  saines  et  en  applications  utiles. 


16  N.   A.    —  LEÇON  PRÉPARATOIRE 

le  nom  de  morale,  code  variable  selon  les  nations, 
selon  les  siècles. 

Circonscrivant  ces  réflexions  dans  un  cadre  plus 
étroit,  on  éveillera  l'attention  de  l'élève  surtout  sur 
les  manifestations  du  moHiumain. 

Qu'est-ce  que  le  moi  ? 

C'est  la  résultante,  consciente  et  active,  de  cette 
admirable  machine  mécanico-chimique  connue  sous 
le  nom  de  corps. 

Comment  les  deux  éléments  de  notre  moi,  le 
corps,  chose  palpable  et  visible,  et  Xâme,  puissance 
interne  et  dont  le  corps  extérieur  semble  ne  traduire 
que  les  modifications,  comment  ces  deux  éléments 
si  disparates  dans  leur  essence  peuvent-ils  coexister 
et  s'unir  au  point  de  n'être  qu'une  seule  et  même 
entité  ? 

Une  comparaison  empruntée  à  la  physique  fera  cer- 
tainement comprendre  à  l'élève  le  lien  qui  existe  en- 
tre l'âme  et  le  corps. 

L'électricité  est  une  force,  mais  cette  force  ne  peut 
exister  que  dans  certaines  conditions  chimico-physi- 
ques  ;  ses  effets  varieront  suivant  les  agents  qui  lui 
seront  donnés  comme  auxiliaires. 

Prenons  une  pile  électrique  : 

Adaptons  à  ses  deux  conducteurs  un  appareil  té- 
légraphique ou  téléphonique,  et  l'électricité  transmet- 


A  l'enseignement  orthophonique.  17 

Ira  à   des   distances   considérables    des  idées,  des 
mots,  des  sons. 

Adaptons  à  ces  mêmes  conducteurs  un  autre  ap- 
pareil —  deux  cônes  de  charbon,  et  l'électricité  pro- 
duira de  la  lumière. 

Adaptons  maintenant  aux  conducteurs  une  cuvette 
galvanoplastique,  dans  laquelle  ils  plongent,  et  le  cou- 
rant électrique  produira  une  décomposition  chimique. 

Ainsi,  cette  seule  et  même  force  appelée  électricité 
produit,  tout  en  restant  la  même  dans  les  divers  cas, 
mais  en  changeant  chaque  fois  les  agents  de  sa  ma- 
nifestation, des  elTets  bien  différents  :  transmission 
rapide  de  signes  ou  de  sons, —  lumière, —  décom- 
position chimique. 

Sans  la  pile,  l'électricité  n'eût  pas  eu  d'instru- 
ment générateur  propre  à  lui  donner  une  impulsion  ; 
—  sans  les  agents  auxiliaires^  cette  impulsion  n'au- 
rait pu  manifester  ses  effets. 

Appliquons  maintenant  cette  comparaison  à  la 
machine  humaine. 

L'âme  dans  le  corps  humain  ou  le  moi  conscient^ 
c'est  l'électricité  dans  la  pile,  mais  une  électricité 
ordonnatrice  et  intelligente,  qui  sait  ce  qu'elle  sent 
et  les  actes  qu'elle  produit,  tandis  que  l'électricité 
physique  est  subordonnée  et  inconsciente,  mécani- 
que, fatale;  — le  cerveau  est  la  pile  génératrice, — 


18  N.   A.   —   LEÇON   PRÉPARATOIRE 

■es  nerfs  sensitifs  et  moteurs  sont  les  conducteurs, 

—  les  organes  ou  instruments  des  sens  sont  les 
agents  de  ses  modifications  diverses,  sensitives, 
intellectuelles  et  actives. 

Adaptez  aux  nerfs  sensitifs  l'appareil  visuel  :  le 
moi  recevra  plus  ou  moins  \ite,  plus  ou  moins  len- 
tement, plus  ou  moins  profondément^  agréablement 
ou  péniblement,  selon  la  qualité  de  l'organe  et  de 
l'impression,  la  sensation  des  couleurs,  des  formes  et 
des  mouvements. 

Adaptez  aux  nerfs  sensitifs  l'appareil  olfactif,  le 
moi  recevra  la  sensation  des  odeurs  ;  —  adaptez  l'ap- 
pareil auditif,  le  moi  recevra  la  sensation  des  sons  ; 

—  adaptez  l'appareil  gustatif,  le  moz  recevra  la  sen- 
sation des  saveurs  ;  —  adaptez  l'appareil  du  toucher, 
et  le  moi  recevra  alors  la  sensation  de  la  densité,  de 
l'étendue,  de  la  distance,  de  la  dureté. 

Une  seule  force  simple  et  immatérielle  reçoit  donc 
ainsi,  tout  en  restant  la  même  dans  les  cinq  cas  pré- 
cités, mais  en  s'adaptant  chaque  fois  à  un  nouveau 
sens,  à  un  nouvel  appareil,  comme  agent  de  ses  ma- 
nifestations, la  perception  de  cinq  sensations  diffé- 
rentes :  couleur,  odeur,  sons,  saveurs  et  propriétés 
des  corps.  —  Ceci  est  pour  Tordre  des  faits  sensitifs, 
mais  ce  qu'il  importe  d'indiquer  à  l'élève  bègue,  c'est 
ce  qui  se  passe  dans  l'ordre  métaphysique. 


A  l'enseignement  orthophonique.  19 

Adaptez  aux  nerfs  sensilifs  un  sixième  appareil, 
organe  invisible  mais  réel,  irrécusable,  résidant  dans 
les  cellules  cérébrales,  démontré  par  ses  effets  qui 
supposent  une  cause  agissante  et  que  plusieurs  sa- 
vants ont  désigné  sous  le  nom  de  sens  de  lapeiisée,  et 
l'âme  produira  les  nombreuses  manifestations  de  la 
faculté  intellective. 

Les  phénomènes  de  cette  faculté  comprennent  dans 
la  sensibilité  le  pouvoir  de  distinguer  les  sentiments 
qui  résultent  des  sensations  ;  —  dans  \ activité,  la 
propriété  de  vouloir  et  d'agir  selon  les  déterminations 
qui  nous  sont  suggérées  par  l'état  de  notre  système 
nerveux,  et  Tensemble  des  impressions  concomitan- 
tes; —  dans  le  domaine  intellectuel,  la  propriété  qu'a 
l'esprit  de  percevoir,  d'acquérir  des  notions,  de  con- 
cevoir des  idées,  de  se  souvenir  et  de  coordonner  les 
connaissances  reçues  pour,  à  leur  aide,  établir  les 
sciences,  les  lettres,  les  arts  ou  créer  un  langage 
vocal. 

Prenons  en  dernier  lieu  des  faits  de  Tordre  volon- 
taire, ceux  que  l'on  appelle  les  phénomènes  de  l'acti- 
vité. 

Adaptez  aux  nerfs  sensitifs  et  moteurs  l'appareil 
des  jambes  et  des  pieds,  et  l'âme,  avec  le  concours  de 
la  volonté,  produira  la  marche,  la  course,  la  natation 
(ce  dernier  acte  avec  les  mainspour  auxiliaires);  adap- 


20  N.   A.   —  LEÇON  PRÉPARATOIRE. 

tez  l'appareil  des  bras  et  des  mains,  et  l'âme,  avec  le 
concours  de  la  volonté^  produira  toutes  les  industries 
humaines.  Enfin,  dernier  exemple  et  plus  particulière- 
ment intéressant  à  notre  point  de  vue,  adaptez  à  ces 
nerfs  sensitifs  et  moteurs  un  appareil  multiple  pour 
concourir  à  un  seul  acte:  les  poumons,  les  muscles  de 
la  respiration  et  de  l'expiration,  la  trachée-artère  et 
les  bronches,  le  larynx,  la  glotte,  le  pharynx,  l'épi- 
glotte,  la  luette,  le  voile  du  palais,  la  voûte  palatine, 
les  fosses  nasales,  les  sinus  maxillaires,  la  langue, 
les  lèvres,  les  joues,  —  et  l'âme,  toujours  avec  le 
concours  de  la  volonté^  produira  des  sons  et  des  arti- 
culations syllabiques. 

L^homme,,  doué  naturellement  de  la  faculté  d'ana- 
lyser et  d'imiter,  apprendra  dans  le  commerce  de  ses 
semblables  et  avec  le  secours  de  la  mémoire,  le  lan- 
gage que  ses  ancêtres  ont  créé  ;  —  et  s'il  y  a  quelque 
embarras  dans  la  réaction  nerveuse  et  musculaire  de 
ses  organes^  il  pourra,  grâce  à  la  volonté  et  à  l'é- 
ducation, triompher  de  beaucoup  d'obstacles,  amélio- 
rer son  état  physique  ou  même  dans  certains  cas 
le  transformer  complètement. 


NOTE   B 

DU    RÔLE    DE    LA    VOLONTÉ 
DANS  L'ORTHOPHONIE 


NOTE  B 


DU  ROLE  DE  LA  VOLONTE   DANS  L'ORTHOPHONIE 


«  Le  redressemeut  vocal  du  bégaiement  est  sorti 
«  du  iloniaine  de  la  médecine  pour  entrer  dans 
«  celui  de  l'enseignement; on  ne  tiaite  pas  le  bègue, 
<i  on  fait  sou  éducation.  Le  bègue  n'a  pas  un  mé- 
«  decin,  mais  un  professeur.  —  Pour  guérir,  le 
«  malade  n'a  pas  besoin  de  l'intelligence,  ce  n'est 
"  donc  pas  à  elle  que  le  médecin  s'adresse,  tandis 
11  que  c'est  à  l'intelligence  du  bègue  que  le  profes- 
M  seur  doit  s'adresser.  » 

[Acod.  de  médecine,  séance  du  5  janvier  1875.) 


Dans  une  de  ses  séances,  où  la  question  du  Bégaie- 
ment et  des  vices  de  la  parole  faisait  l'objet  de  ses 
délibérations,  TAcadémie  de  médecine  a  reconnu  que 
le  redressement  vocal  du  bégaiement  était  sorti  du 
domaine  de  la  médecine  pour  entrer  dans  celui  de 
l'Enseignement  (1). 

Ce  point  une  fois  constaté  et  consacré,  il  nous  a 
paru  utile  de  développer  ce  sujet  en  indiquant  et  en 

(1)  «  Cette  vérité,  ajoutait  ruii  des  membres  de  ce  corps  savant,  a 
été  mise  en  lumière  par  M.  E.  Colombat,  de  l'Isère,  dans  un  mé- 
moire adressé  à  l'Académie  et  intitulé  :  De  l'orthophonie  au  point 
de  vue  pédagogique.  » 


24  iN.   B.   —   DU    ROLE   DE   LA  VOLONTÉ 

démontrant  au  moyen  de  quel  agent  auxiliaire  de  l'in- 
telligence l'instituteur  de  bègues  doit  avec  le  con- 
cours de  la  méthode  d'orthophonie  du  docteur  Co- 
lombat,  de  l'Isère,  appliquer  pédagogiquement  les 
procédés  pubUés  dans  la  méthode  pour  combattre  le 
bégaiement  et  les  différentes  variétés  de  ce  vice  grave 
de  l'articulation  vocale. 

Dans  l'intérêt  de  la  question  qui  nous  occupe,  il 
est  nécessaire  tout  d'abord  de  voir  sous  son  double 
aspect  objectif  et  subjectif,  ce  que  nous  entendons 
par  la  parole  du  libre-parlant  (1). 

Objectivement,  la  parole  articulée  est  l'ensemble 
des  mots  qui  forment  le  dictionnaire  d'une  langue  et 
l'ensemble  des  règles  de  la  syntaxe  qui  autorisent  la 
combinaison  de  ces  mots  entre  eux. 

Subjectivement,  la  parole  est  l'ensemble  des  mul- 
tiples évolutions  psychiques  qui  accompagnent  la 
pensée,  et  l'ensemble  des  phénomènes  physiologiques 
qui  précèdent  et  déterminent  l'expression  formulée 
et  sonore  de  cette  pensée. 

Au  point  de  vue  objectif  la  parole  est  donc  la  prise 
de  possession  d'une  langue  ou  mieux  la  connaissance 

(1)  C'est-à-dire:  non  afTecté  d'un  vice  idiopatliiiiue  ou  symplo- 
matique  de  la  parole. 


DANS  L'ORTHOPHONIE.  25 

de  la  valeur  de  sens  et  de  la  valeur  de  so7i  de  chacun 
des  mots  du  vocabulaire  national.  Cette  prise  de  pos- 
session se  fait  pour  l'entendant-parlant  par  l'éduca- 
tion de  l'oreille  (Ij,  éducation  qui  elle-même  se  forme 
d'abord  par  la  nourrice,  par  la  mère  et  qui  plus  tard 
se  développe  par  le  commerce  des  camarades  d'école, 
par  l'instruction  des  classes ,  par  l'apprentissage 
d'une  carrière,  d'une  fonction  ou  d'un  métier.  Ces 
diverses  influences  sont  indéniables  et  deviennent 
les  causes  de  la  bonne  comme  de  la  mauvaise  élocu- 
tion,  de  la  bonne  comme  de  la  mauvaise  prononcia- 
tion syllabique.  On  complète  en  outre  l'éducation 
première  par  l'analyse  des  auteurs  que  l'on  lit  et  l'au- 

(1)  Nous  disons  pour  les  entendaiits-parlants  par  T oreille...  — 
Car  pour  les  sourds-muets  la  prise  de  possession  de  la  valeur  de 
sens  des  mots  de  la  langue  nationale  a  lieu  par  le  langage  naturel 
des  signes,  par  la  dactylologie,  par  l'écriture.  —  Il  existe  néanmoins, 
au  point  de  vue  de  la  phonation,  un  certain  nombre  de  sourds-muets, 
organiquement  privilégiés,  qui  peuvent  seulement  comme  instruc- 
tion complémentaire  acquérir  automatiquement  la  valeur  de  son  des 
mots  par  l'enseignement  de  l'articulation.  Ce  dernier  enseignement 
se  fait  par  l'appareil  visuel. 

Ajoutons,  en  passant,  que  cette  étude,  appelée  improprement  lec- 
ture sur  les  lèvres,  doit  être  appelée  lecture  phonographométrique. 
—  L'expression  de  lecture  sur  les  lèvres,  en  effet,  laisse  entendre 
qu'on  ne  fait  étudier  à  ces  élèves  sourds-muets  privilégiés  que  les 
lettres  labiales,  —  tandis  que  dans  renseignement  de  l'articulation 
on  sait  que  l'élève  a  tout  à  la  fois  à  étudier  la  mesure  et  le  dessin 
des  lettres  voyelles  on  glottales  et  des  lettres  consonnes  gutturales, 
linguales  et  labiales. 

Nous  avons  d'ailleurs  précisé  la  valeur  de  ces  manœuvres  dans 
notre  méthode  d'articulation,  à  l'usage  des  institutions  de  sourds- 
muets.  (École  française.) 


26  N.   B.   —  DU   ROLE  DE  LA  VOLONTÉ 

(lition  attentive  des  orateurs  et  des  causeurs  érudits 
que  Ton  écoute. 

La  connaissance  de  la  grammaire  du  langage  na- 
tional étant  du  domaine  exclusif  de  l'école,  soit  pri- 
maire, soit  secondaire,  soit  spéciale,  l'instituteur  de 
bègues  n'a  pas  à  l'entreprendre.  —  Il  ne  doit  dans 
la  seconde  période  de  l'enseignement  orthophoni- 
que (1),  que  donnera  ce  sujet  des  indications  esthé- 
tiques et  contribuer  ainsi  par  voie  complémentaire  et 
purement  spéculative  au  développement  littéraire  et 
intellectuel  de  ses  élèves. 

Pour  plus  de  clarté  et  afin  de  mieux  déterminer 
tout  à  l'heure  le  moment  psycho-physiologique  où 
apparaît  le  phénomène  du  Bégaiement  et  les  Hens 
qui  existent  entre  ce  phénomène  nerveux  et  les  évo- 
lutions multiples  de  la  pensée  ,  nous  divisons  en 
quatre  groupes  les  faits  qui  caractérisent  les  phases 
de  la  parole  subjective. 

Cette  quadruple  série  comprend  : 

Un  fait  interne,  absolument  passif,  qui  n'est  autre 

(1)  Ce  second  enseignement,  non  moins  utile,  non  moins  indis- 
pensable que  le  premier,  est  celui  qui  consiste  dans  la  transition 
normale  et  progressive  de  renonciation  orthophonique  artificielle  à 
une  énonciaiion  se  rapprochant  de  plus  en  plus  de  renonciation 
onhophonique  naturelle  et  dissimulant  complètement  les  procédés 
méthodiques  de  redressement  et  les  procédés  prophylactiques  qui 
ont  été  donnés  par  le  professeur.  —  Cette  seconde  partie  comprend 
également  l'étude  du  son  esthétique. 


DANS  l'orthophonie.  27 

que  l'impression  faite  sur  nous  d'un  mouvement  ex- 
térieur dont  nous  avons  conscience; 

Un  fait  substantiel  intérieur  dans  lequel  l'objet  de 
l'impression  perçue  passe  en  quelque  sorte  à  l'état  de 
matière  extra-personnelle  sur  laquelle  l'esprit  s'exerce 
après  l'avoir  considérée  ; 

Une  série  confuse  d'actes  psychologiques  pendant 
lesquels  l'esprit,  à  l'aide  du  langage,  manipule  la 
pensée,  puis  agit,  par  l'intermédiaire  du  fluide  ner- 
veux, sur  les  organes  de  l'appareil  vocal  pour  les 
engager,  les  déterminer  à  énoncer  par  la  voix  la 
pensée  revêtue  de  sa  formule  correcte  et  défini- 
tive (1)  ; 

Enfin,  un  acte  simultanément  subjectif  et  objectif 
qui  n'est  autre  que  l expectoration  (2)  de  la  phrase 
in  se,  rendue  sonore  par  le  jeu  des  muscles  internes 
et  externes  de  l'appareil  vocal.  Ce  quatrième  terme 
de  l'évolution  cérébrale  est/e  finale  symphonique  de 
la  parole  subjective. 

La  parole  objective  et  la  parole  subjective  sont 
donc  intimement  liées,  —  la  parole  objective  est 
indispensable   pour  activer,  faciliter,  diriger  le  tra- 

(1)  Cette  deuxième  fraction  des  actes  de  la  troisième  série  se 
rapporte  à  des  phénomènes  étudiés  en  physiologie  dans  la  partie 
spéciale  appelée  myologie  (partie  de  l'analomie  qui  traite  des  mus- 
cles). 

(2)  Les  auteurs  latins  ont  écrit  dans  un  sens  figuré  expectorare, 
bannir  de  son  esprit,  ôter  de  sa  mémoire. 


28  N.   B.  —  DU  ROLE  DE  LA  VOLONTÉ 

vail  intime  de  la  pensée,  puis  formuler  extérieure- 
ment cette  pensée  par  le  langage  sonore  résultant 
de  la  parole  subjective. 

Or,  dans  ce  phénomène  de  la  parule  subjective 
considérée  au  point  de  vue  de  l'exécution,  se  ren- 
contre un  agent  important  qui  intervient  inces- 
samment et  règle  par  son  autorité  toutes  les  opé- 
rations qui  concourent  à  la  formation  de  la  parole 
vocale. 

Cette  faculté  constamment  active,  c'est  la  volonté. 
—  Les  définitions  de  cet  agent  spécial  du  moi  sont 
nombreuses  et  ont  donné  matière  à  bien  des  contro- 
verses ;  nous  nous  en  tiendrons  aux  dernières  études 
faites  sur  ce  sujet  et  nous  définirons  la  volonté  : 
Une  force  interne^  immanente  et  agissant  en  vertu 
d'actions  multiples  et  complexes  sur  les  nerfs  mo- 
teurs pour  produire  spécialement  certains  mouve- 
ments musculaires  conformes  à  l'acte  auquel  le  moi 
s'est  déterminé. 

D'après  cette  définition,  il  est  facile  de  voir  que  la 
volonté,  qui  constitue  l'individualité  propre  de 
l'homme,  donne  à  son  activité  la  direction  intention- 
nelle que  comportent  les  différentes  forces  mises  en 
jeu  par  la  sensibilité  et  l'intelligence;  et  qu'elle 
préside  non  seulement  à  ces  différentes  forces,  mais 


DANS  l'orthophonie.  29 

préside  encore  comme  ressort  à  tous  les  actes  psy- 
chologiques de  l'organe  vocal  qui  ont  pour  but  de 
manifester  extérieurement  les  modifications  précon- 
çues et  intentionnelles  du  langage  in  se. 

Étant  donné  ce  rôle  spécial  de  la  volonté  dans  la 
faculté  du  langage^  on  comprendra  logiquement  son 
action    dans  le  redressement  vocal  du  bégaiement. 

Maintenant,  rendons-nous  compte,  en  la  préci- 
sant, de  la  cause  secrète  qui  détermine  cette  infir- 
mité vocale. 

Comme  tous  les  faits  humains,  le  bégaiement  doit 
être,  selon  nous,  considéré  sous  ses  deux  faces  : 
interne  et  externe. 

Le  bégaiement  interne  est  cette  lutte  psycho-phy- 
siologique qui  existe  entre  les  nerfs  moteurs  trans- 
mettant la  pensée  et  les  muscles  vocaux  qui  l'expri- 
ment par  la  parole  articulée.  C'est  pendant  et  après 
cette  lutte  muette  que  les  muscles  de  la  phona- 
tion, rebelles  à  l'influx  nerveux,  tantôt  ont  des  con- 
tractions involontaires  spéciales,  tantôt  hésitent, 
chancellent  et  se  trouvent  finalement  neutralisés 
ou  arrêtés  dans  la  formation  et  l'ordonnance  du  jet 
vocal. 

Quand,  après  de  nombreux  mouvements  spasmo- 


30  N.   B.  —  DU  ROLE  DE  LA  VOLONTÉ 

cliques,  cette  lutte  intérieure  cesse  d'être  muette, 
alors,  apparaît  cette  expression  irrégulière,  désa- 
gréable, dysphonique  de  la  parole,  cette  chorée 
des  articulations  et  cette  réitération  syllabique  qui 
n'est  autre  que  la  caractéristique  du  bégaiement 
externe, 

La  division  des  faits  intérieurs  psychiques,  produc- 
teurs et  moteurs  de  la  parole  sonore,  telle  que  nous 
l'avons  donnée  plus  haut,  permettra  de  déterminer 
à  quelle  série  de  faits  de  la  parole  subjective  nous 
pouvons  rapporter  les  causes  immédiatement  géné- 
ratrices du  bégaiement. 

En  effet  : 

Le  bègue  ne  bégaye  pas  quand  il  chante  ; 

Les  intermittences  journalières  du  bégaiement  et 
l'inspection  anatomique  des  organes  de  l'appareil 
vocal  du  bègue  prouvent  que  son  infirmité  n'est  pas 
le  résultat  d'un  vice  organique  ; 

Le  bègue,  lorsqu'il  écrit,  n'éprouve  aucune  hési- 
tation et  exprime  sa  pensée  par  Vécriture,  aussi  rapi- 
dement et  aussi  correctement  que  tout  libre-parlant. 

Ce  n'est  par  conséquent  ni  dans  la  première,  ni 
dans  la  seconde,  ni  dans  la  quatrième  phase  des 
phénomènes  psychiques  qui  préexistent  à  l'acte  de 
la  parole  qu'il  faut  localiser  la  cause  génératrice 
du  bégaiement. 


DANS  L  ORTHOPHONIE.  31 

Reste  la  troisième  phase  qui  est  le  «  centre  de 
coordination  de  la  parole  y),  phase  où  se  parachève 
le  travail  du  dessin  grammatical  et  orlhographique  de 
la  pensée  et  où  Fappareil  vocal  s'apprête  à  rendre 
oralement  par  le  langage  articulé  le  dessin  psychi- 
que de  cette  pensée. 

C'est  alors,  pendant  ce  moment  psychologique,  que 
se  produit  cette  lutte,  celte  discordance  entre  la  pen- 
sée parlée  intérieurement  et  les  muscles  de  l'appareil 
vocal  chargés  de  l'expectorer. 

Ce  point  acquis,  est-il  possihle  au  hègue  de  para- 
lyser les  effets  de  cette  discordance  psycho-physiolo- 
gique qui  se  téléphonise  par  l'appareil  phonateur  ? 

A  cette  question  on  répondra  :  oui,  on  peut  se 
rendre  maître  du  hégaiement;  oui,  on  peut  le  com- 
battre ;  oui,  on  peut  le  dissimuler  complètement. 

Comment  arrive-t-on  à  un  résultat  aussi  absolu  ? 

1°  Par  l'enseignement  des  principes  de  redres- 
sement vocal  indiqués  dans  la  méthode  d'ortho- 
phonie ; 

2"  Par  l'influence  de  la  volonté  dirigée  méthodi- 
quement pour  la  pratique  des  procédés  orthophoni- 
ques et  prophylactiques. 

N'ayant  pas  à  exposer  ici  la  méthode  Colombat  (1), 

(1)  Voir  la  note  0. 


32  N.   B.   —  DU    ROLE  DE   LA  VOLONTÉ 

il  ne  nous  reste  plus  maintenant  qu'à  démontrer 
comment  la  volonté  peut  agir  sur  le  redressement  du 
Bégaiement. 

Chez  les  êtres  intelligents,  les  véritables  transfor- 
mations, les  évolutions  définitives  du  Moi  doivent 
provenir  de  moyens  internes.  —  Les  moyens  externes 
ou  physiques  employés  isolément  ne  donnent  que  des 
résultats  superficiels  et  apparents. 

Donc  le  but  de  la  pédagogie,  dans  Téducation, 
consiste  à  amener  l'enfant  à  vouloir  par  lui-même  et 
en  quelque  sorte  de  lui-même  étudier,  accomplir  et 
apprendre  ce  que  l'on  a  l'intention  de  lui  enseigner. 

Ou  bien  encore,  en  d'autres  termes  : 

Par  une  série  de  motifs  déterminants,  substituer 
sa  propre  volonté  aux  tendances,  aux  désirs  ou  aux 
résistances  de  l'enfant  et  substituer  cette  volonté  de 
façon  telle  que  l'enfant  ou  l'élève  croie  n'agir,  et  de 
fait  n'agisse  que  d'après  ses  déterminations  person- 
nelles. 

Or  ici,  ce  que  le  bègue  doit  être  amené  à  vouloir 
accomplir,  c'est  une  série  d'actes  volontaires  lui  per- 
mettant de  maîtriser  et  de  guider  les  courants  ner- 
veux qui  précèdent  et  accompagnent  l'émission  de 
sa  parole. 

Ce  premier  travail  intime  du  professeur  d'ortho- 


DANS  l'orthophonie.  33 

phonie  sur  l'élève,  cette  action  directrice  qu'il  im- 
porte d'exercer  demande  un  temps  assez  long  surtout 
avec  les  natures  possédant  un  esprit  indocile  (1). 

Il  y  a,  en  efTet,  chez  le  bègue,  de  nombreux  élé- 
ments dysplioniques  qu'il  s'agit  de  combattre  tour  à 
tour,  puis  simultanément. 

Les  principaux  éléments  dysphoniques,  sont  : 

1°  Manifestation  du  bégaiement  devant  certaines 
syllabes  spéciales,  et  prodrome  nerveux  du  bègue 
obligé  de  prononcer  ces  syllabes  ; 

2°  Timidité  naturelle  aux  bègues,  provenant  de  la 
conscience  de  leur  infirmité  ; 

3°  Influences  physiques  ou  morales  ; 

4°  Tendance  congéniale  au  bégaiement  variant 
selon  telle  ou  telle  individualité. 

I!  suffit  d'avoir  vu  des  bègues  pendant  quelques 
années  pour  affirmer  que  le  bégaiement  est  une  des 
infirmités  les  plus  bizarres  et  les  plus  capricieuses 
qui  existent.  —  Autant  de  bègues,  autant  de  bégaie- 
ments divers  ;  et  bien  que  le  bégaiement  au  point  de 
vue  de  ses  manifestations  puisse  se  diviser  en  variétés 
spéciales  plus  prononcées  et  se  rencontrant  plus  sou- 
vent, il  serait  inexact  de  ramener  tous  les  différents 
cas  de  bégaiement  à  quelques  types  absolument  iden- 

(I)  Voir  la  note  sur  la  docilité. 


34  N.  B.  —  DU  ROLE   DE   LA  VOLONTÉ 

tiques  :  sur  cent  élèves  bègues  réunis  dans  une  salle, 
il  n'y  a  pas  deux  personnes  bégayant  d'une  manière 
pareille  aux  mêmes  passages ,  aux  mêmes  mots ,  aux 
mêmes  lettres. 

Une  chose  à  observer  chez  les  bègues,  et  Ton  peut 
faire  cette  observation  sur  chacun  d'eux,  c'est  que  le 
bégaiement  a  pour  caractère  distinctif,  l'intermit- 
tence. 

Vous  n'en  rencontrerez  pas  un,  même  celui  dont 
cette  affection  serait  portée  au  plus  haut  degré,  qui 
ne  compte  des  jours  où  il  a  peu  ou  pas  souffert  de 
son  infirmité;  c'est  une  preuve  incontestable  que 
l'opinion,  quelquefois  émise,  que  le  bégaiement  est 
un  défaut  organique,  est  complètement  fausse.  Car, 
si  tel  était  le  cas,  le  bègue  ne  serait  pas  plus  capable 
de  prononcer  un  son  aujourd'hui  qu'il  n'a  pu  le  pro- 
noncer hier  et  il  ne  pourrait  pas  mieux  le  prononcer 
demain,  tandis  que  ce  qu'il  n'a  pu  dire  hier  il  le  dit 
parfaitement  aujourd'hui  ;  demain,  ce  même  mot, 
cette  même  phrase  lui  fera  éprouver  de  grandes  dif- 
ficultés, et  ainsi  de  suite  (1). 


(1)  Cette  curieuse  dissemblance  de  forme  orale  démontre  bien 
que  la  cause  du  bégaiement  est  une  tendance  psychique  intime  se 
révélant  avec  plus  ou  moins  d'intensité. 

Une  dysplionie  si  diversement  accentuée,  indique  naturellement 
à  l'instituteur  de  bègues  sur  quel  point  doivent  être  portés  sa  di- 
rection orthophonique,  son  contrôle,  ses  efforts,  ses  conseils. 


DANS  l'orthophonie.  35 

Quand  dans  la  lecture  ou  le  dialogue,  le  bègue  s'a- 
perçoit qu'il  va  avoir  à  surmonter  une  difficulté  d'ar- 
ticulation, une  torpeur  relative  du  cerveau  s'empare 
de  lui  et  bien  avant  que  le  mot  qu'il  redoute  soit  à 
énoncer,  il  bégaie  déjà  par  prévision  ou  par  affinité, 
et,  ce  qui  donne  naissance  à  tant  de  variétés  de  ce 
vice  de  la  parole,  le  bégaiement  se  produit  tantôt 
plus  tôt,  tantôt  plus  tard;  —  cette  crise  nerveuse  se 
manifeste  le  plus  souvent  dans  l'exercice  de  la  réci- 
tation, parce  que,  connaissant  par  avance  les  mots  de 
la  proposition,  il  est  plus  vite  frappé  d'inertie  vocale 
que  dans  la  conversation.  Toutefois,  dans  la  lecture 
à  haute  voix,  il  arrive  souvent  que  le  même  trouble 
l'agite  parce  que  son  œil,  parcourant  les  lignes  qui 
doivent  être  lues,  s'arrête  soudain  sur  un  mot  difficile 
qui  renferme  quelqu'une  des  syllabes  redoutées. 

Il  n'est  pas  illogique  d'assimiler  cette  appréhen- 
sion nerveuse  à  celle  qu'éprouvent  certains  chevaux 
ombrageux  qui,  sur  une  route,  s'arrêtent  toujours  à 
côté  du  même  buisson,  du  même  arbre  difforme,  et 


Il  est  certain  que  si,  étant  donné  un  passage  à  lire  ou  une  phrase 
b.  énoncer,  le  bègue  n'iiésite  pas  oralement  pendant  une  période  de 
temps  toujours  de  la  même  façon  pendant  l'émission  des  syllabes  de 
cette  phrase,  c'est  que  la  réaction  nerveuse  accidentelle  ou  inopinée, 
qui  produit  le  bégaiement  varie  selon  le  tempérament,  selon  le  mo- 
ral et  selon  les  préoccupations  personnelles  dans  lesquelles  se  trouve 
le  bègue. 


36  N.   B.   —   Dl    ROLE   DE   LA  VOLONTÉ 

refusent  d'avancer  comme  s'ils  étaient  réellement  en 
présence  d'un  grand  danger. 

Si  avant  de  quitter  le  logis  l'on  couvre  les  yeux  du 
cheval  de  manière  à  ne  pas  lui  laisser  soupçonner 
l'objet  de  sa  défiance,  il  parcourt  le  chemin  sans  dif- 
ficulté. 

Il  en  est  de  même  des  bègues,  pour  qui  la  mé- 
thode joue  parfois  le  rôle  de  bandeau  protecteur. 

On  atteindra  ce  but  en  les  accoutumant  à  combattre, 
à  dominer  leur  émotion,  en  leur  faisant  faire  chaque 
jour  certaines  manœuvres  orthophoniques  visant  spé- 
cialement les  syllabes  qui  les  arrêtent  et,  d'autre  part, 
en  les  exerçant  à  modérer  mota proprio  le  flux  de  leur 
pensée,  de  façon  à  avoir  le  temps  de  diriger  les  cou- 
rants nerveux  qui  précèdent  les  contractions  muscu- 
laires de  l'appareil  vocal,  enfin  à  articuler  les  mots 
d'une  phrase  ensuivant  un  mode  rythmique  intérieur. 

La  volonté  du  bègue  dans  cette  période  de  son  édu- 
cation vocale  joue  ici,  on  le  voit,  un  très  grand  rôle. 

11  est  une  autre  cause  de  troubles  qui  surexcite  le 
bégaiement  :  c'est  le  phénomène  nerveux  de  la  timi- 
dité (1). 

Le  professeur  habituera  le  bègue  à  maîtriser  cet  état 
purement  subjectif. 

(1)  Voir  la  note  0. 


DANS   L'ORTHOPFIO.ME.  37 

Les  exercices  publics  de  gymnastique  phonique  et 
phonétique  concourent  à  donner  de  l'assurance  ;  les 
exercices  d'orthophonie  esthétique  pratiqués  égale- 
ment en  commun  amènent  peu  à  peu  l'élève  à  ne 
plus  redouter  la  présence  d'autres  témoins,  —  la  sa- 
tisfaction qu'on  éprouve  à  parler  d'une  façon  plus  ré- 
gulière, plus  élégante,  rend  confiant,  affermit  la  vo- 
lonté et  encourage  à  tenter  de  nouvelles  épreuves 
pour  vaincre  la  timidité. 

Dans  la  lutte  contre  le  deuxième  élément  dysphoni- 
que,  le  rôle  de  l'instituteur  est  indisjtensable,  mais 
celui  de  l'élève  dans  l'action  interne  (1)  exercée  sur 

(1)  A  propos  de  la  timidité  des  bègues,  nous  devons  remarquer 
cependant,  que  cet  état  physiologique  est  loin  d'être  exclusivement 
leur  partage.  —  Que  de  personnes,  que  d'enfants  exempts  de  toute 
infirmité  vocale  sont  sujets  à  celte  faiblesse  craintive  qui  les  amoin- 
drit aux  yeux  de  tous  et  les  empêche  de  faire  valoir  leurs  quahtés 
individuelles,  les  connaissances  qu'ils  possèdent  !  Seulement,  chez 
les  bègues,  cette  timidité,  fille  de  leur  infirmité,  provoque  à  son 
tour  une  gêne  spéciale  qui  augmente  les  occasions  de  chuîe  et  rend 
le  phénomène  du  bégaiement  plus  intense  etparsuite  plus  sensible. 
Xous  ajouterons  même  ce  fait,  c'est  qu'une  fois  débarrassés  de  leur 
infirmité,  beaucoup  de  bègues  non  seulement  ont  perdu  toute  es- 
pèce de  timidité,  mais  tout  k  coup  donnent  à  leur  langage  une 
certaine  insolence  de  jet  vocal,  comme  s'ils  tenaient  à  faire  dûment 
et  authentiquement  constater  par  tout  le  monde  qu'ils  ne  sont  plus 
bègues.  —  D'où  il  suit  que  la  timidité  du  bègue  procède  presque 
toujours  de  son  infirmité,  qu'elle  peut  en  augmenter  l'intensité,  mais 
que  contrairement  à  l'opinion  générale  tUe  n'en  est  nullement  la  cause 
efficiente  et  directe.  De  même  qu'un  individu  faible  des  bras  est  crain- 
tif et  redoute  de  lutter  corps  à  corps,  de  même  on  peut  affirmer  que 
le  bègue  est  timide  surtout  parce  qu'il  a  conscience  du  fonctionne- 
ment irrégulier  de  son  appareil  vocal. 


38  N.    B.   —   DU   ROLE   DE  LA  VOLONTÉ 

lui-même  est  relativement  très  considérable,  car  ce 
n'est  que  par  l'habitude  qu'il  arrivera  plus  tard  à 
produire  instinctivement  ce  qu'il  ne  produit  d'abord 
qu'au  prix  d'un  sévère  contrôle  et  d'une  réelle  appli- 
cation d'esprit. 

L'influence  de  l'atmosphère  et  du  climat,  l'in- 
fluence de  la  constitution  et  les  influences  psychiques 
sont  l'occasion  fréquente  d'un  redoublement  d'inten- 
sité dans  le  bégaiement  (1). 

11  est  impossible  que  les  différentes  causes  anti- 
phoniques disparaissent  rapidement,  d'une  manière 
complète  ;  tout  au  plus,  peut-on  chercher  à  enrayer 
en  partie  les  efl'ets  qu'elles  tendent  à  produire.  —  Ces 
effets  sont  d'ailleurs  tellement  bizarres  et  irréguliers 
dans  leur  intensité  et  dans  leur  forme,  qu'il  serait 
très  difficile  de  dresser  une  sorte  d'échelle joAoTzome- 
trique  permettant  de  les  chiffrer  mathématiquement. 
Pour  que  l'instituteur  puisse  utilement  prémunir  son 
élève  contre  ces  troubles,  il  importe  qu'il  reste  un 
certain  temps  sous  son  contrôle  afin  de  recevoir 
en  temps  opportun  les  encouragements  et  les  indi- 
cations prophylactiques  qui  lui  permettent  d'entraver 

(1)  Voir  la  note  H,  la  note  I  et  la  note  0  pour  l'étude  du  troisième 
élément  dysphonique. 


DANS  L'ORTHOPHONIE.  39 

la  marche  de  ces  manifestations  intimes  et  excep- 
tionnelles. Il  importe  également  d'employer  de  pré- 
férence les  diverses  manœuvres  de  gymnastique 
muette  dont  le  bénéfice  est  de  brider  pour  ainsi  dire 
les  ressorts  de  l'appareil  phonateur  en  l'obligeant  à 
subir  le  contrôle  de  la  volonté.  En  dernier  lieu,  on 
cherchera  à  combattre  au  point  de  vue  moral  la  ten- 
'  dance  vicieuse  de  mollesse  physique  et  d'insouciance 
intellectuelle  inhérente  à  beaucoup  de  bègues.  C'est  là, 
on  le  comprend  de  reste,  une  question  de  puissance 
nerveuse,  de  persévérance,  de  tact  et  de  mesure  que 
le  professeur  d'orthophonie  ne  connaît  bien  qu'après 
une  longue  pratique  de  son  art  et  l'emploi  des  moyens 
naturels  (1). 

La  tendance  interne  au  bégaiement  constitue  le 
quatrième  élément  dysphonique,  qui  est  la  cause  gé- 
nératrice du  bégaiement  externe  :  ce  caractère  con- 
génial  est  commun  à  presque  tous  les  bègues. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  l'habitude  du  bégaie- 
ment devant  certaines  syllabes,  que  la  crainte  préalable 
qu'elle  provoque,  que  la  timidité  du  bègue  peuvent 
être   supprimées   par  l'enseignement  orthophonique 


(1)  On  appeUe  moyens  naturels,  le  jeu  des  organes  de  la  voix  et 
de  la  parole  qui,  sans  autre  secours  que  leur  propre  impulsion, 
agissent  à  notre  volonté. 


40  N.   B.   —  DU   ROLE   DE   LA  VOLONTÉ 

et  par  une  éducation  vocale  spéciale;  —nous  avons 
vu  également  que  les  influences  physiques  ne  peuvent 
être  qu'enrayées  ;  —  à  plus  forte  raison,  ne  peut-on 
que  combattre  seulement  la  tendance  interne  au  bé- 
gaiement qui  est  unie  par  immanence  à  la  nature  même 
du  bègue. 

A  l'instituteur  de  bègues  revient  le  soin  d'étudier 
attentivement  cette  cause  secrète  de  TinOrmité  pour 
accommoder  son  enseignement  au  bégaiement  qu'il 
veut  redresser. 

Dans  ce  but  il  tiendra  constamment  compte  du  tri- 
ple mode  sous  lequel  s'affirme  l'activité  humaine, 
savoir  :  le  tempérament  constitutionnel  de  l'individu, 
—  la  délerminatiun  volontaire  ou  actes  engendrés 
par  la  réflexion,  l'attention,  l'examen,  en  un  mot  par 
la  délibération^  —  l'habitude,  c'est-à-dire  la  faculté 
qui  est  engendrée  par  la  répétition  fréquente  des 
mêmes  actes  et  qui  nous  porte  instinctivement  et 
sans  eflorts  à  faire  ce  que  déjà  nous  avons  fait 
mille  fois. 

Les  trois  facteurs  qui  concourent  à  la  réalisa- 
tion des  actes  humains  sont  donc  très  intéressants 
à  étudier,  pour  être  dirigés  dans  le  sens  du  redres- 
sement vocal  du  bégaiement  et  pour  familiariser 
l'élève  diVQCÏ  effort  (l)qui  est  la  plus  haute  expression 

(I;  Pour  entruînyr  un  jeune  enfant  bègue  à  produire   volontiers 


DANS   L'ORTHOPHONIE.  4t 

de  la  volonté  et  la  meilleure  garantie  du  succès. 
L'habitude,  en  effet,  lorsqu'elle  ne  dégénère  pas  en 
routine,  ne  provient  pas  de  la  nonchalance,  et  qu'elle 
est  au  contraire  le  fruit  de  la  volonté,  permet  d'ac- 
quérir par  l'usage  de  l'instrument  ou  de  l'organe,  la 
dextérité,  le  savoir-faire  qui  dans  la  vie  de  relation 
aident  si  puissamment  à  triompher  des  obstacles  quo- 
tidiens de  l'existence. 

En  résumé,  au  point  de  vue  orthophonique  nous 
devions  étudier  : 

1°  La /?«;'o/e  divisée  en  parole  objective  ou  mots  de 
la  langue  avec  leur  valeur  de  sens  et  de  son  et  parole 
subjective  ou  synthèse  des  fiiits  psycho-physiologiques 
qui  aboutissent  à  l'expression  sonore  de  la  pensée  ; 

2°  La  volonté,  force  initiale  de  l'homme  qui  inter- 
vient dans  tous  les  actes  individuels  et  dont  l'influence 
dans  la  parole  subjective  est  constante  ; 

3°  Le  bégaiement,  infirmité  nerveuse,  involontaire, 

cet  effort  vocal,  on  évitera  d'employer  devant  lui  des  mots  vagues 
ou  abstraits;  quand  ils  se  présenteront  forcément  dans  la  conver- 
sation, on  évitera  alors  d'en  altérer  la  prononciation  sous  le  pré- 
texte de  la  lui  rendre  plus  facile. 

Afin  que  l'enfant  bègue,  dès  le  début  de  son  éducation  orthopho- 
nique, s'habitue  immédiatement  h.  coordonner  sa  pensée,  on  le  for- 
cera à  attacher  des  idées  claires  et  précises  aux  mots  dont  il  se  sert. 
Ce  résultat  s'obtiendra  en  lui  faisant  prononcer  d'abord  un  certain 
nombre  de  mots  représentant  des  objets  sensibles  et  dont  le  sens 
sera  facilement  appréciable. 


42      N.  B.  —  DU  ROLE  DE  LA  VOLONTÉ  DANS  L'ORTHOPHONIE. 

cependant  disciplinable,  ayant  un  double  caractère 
interne  et  externe,  et  prenant  sa  cause  dans  la  troi- 
sième phase  de  révolution  psycho-physiologiqae  de 
la  parole  subjective. 

Ceci  établi,  il  fallait  démontrer  que  : 

La  volonté  esi,  dans  l'éducation  vocale  des  bègues, 
le  premier  instrument  dont  le  professeur  doit  ensei- 
gner l'usage  pour  appliquer  utilement  les  procédés 
prophylactiques  indiqués  dans  la  méthode  orthopho- 
nique et  combattre  efficacement  les  quatre  influences 
principales  qui  provoquent,  accélèrent  et  détermi- 
nent les  phénomènes  véritables  du  bégaiement. 


NOTE   G 


INFLUENCE  DE  LA  MÉMOIRE  DANS  L'ÉDUCATION 
ORTHOPHONIQUE 


NOTE   C 


INFLUENCE  DE  LA  MÉMOIRE  DANS  L'ÉDUCATION 
ORTHOPHONIQUE. 


Comme  nous  avons  examiné  le  rôle  important  joué 
par  la  volonté  dans  le  redressement  vocal  du  bé- 
gaiement, il  est  à  propos  d'indiquer  ici  l'influence 
obtenue  dans  l'éducation  orthophonique  par  l'exer- 
cice de  la  mémoire. 

Dans  l'étude  de  la  récitation,  la  volonté  du  bègue 
est  toujours  présente  :  par  son  action,  elle  développe 
les  puissances  d'attention,  de  comparaison,  de  juge- 
ment, de  souvenir,  d'association  d'idées,  et  augmente 
ainsi  la  force  de  la  discipline  intellectuelle. 

Nous  allons  plus  loin^  et  nous  disons  que  des  leçons 
apprises  et  récitées  sont  indispensables  pour  com- 
battre efficacement  le  bégaiement. 

Les  mémoires  partielles  qui  se  meuvent  différem- 


46  N.    C.  —  INFLUENCE  DE  LA  MÉMOIRE 

ment  quoique  agissant  d'une  manière  siraullanée  sont 

au  nombre  de  six  : 
Mémoire  des  mots, 
Mémoire  des  idées, 
Mémoire  du  langage  correct, 
Mémoire  des  règles  de  la  diction, 
Mémoire  des  efforts  vocaux  antérieurs, 
Mémoire,  pour  les  bègues,  des  nouveaux  efforts 

méthodiques  à  faire  pour  redresser  oralement  une 

articulation  rebelle. 

Celte  sextuple  série  de  mémoires  partielles  prove- 
nant de  la  faculté  de  la  mémoire  correspond  forcé- 
ment dans  ses  manifestations  actives  à  une  série 
également  sextuple  d'efforts  partiels,  identiques  dans 
leur  essence,  divergents  dans  leur  but  mais  harmo- 
niques dans  leur  résultat  final.  —  Une  union  aussi 
intime  d'actes  simultanés  de  mémoire  est  pour  le 
professeur  d'orthophonie  un  des  plus  puissants 
moyens  pour  développer  chez  le  bègue  l'énergie 
voulue  et  l'obliger  à  articuler,  selon  la  méthode  de  re- 
iressement  vocal,  les  mots  qui  sont  confiés  à  son  esprit 
et  dont  il  aura  plus  tard  à  se  servir  soit  dans  l'impro- 
visation instantanée,  soit  dans  l'improvisation  fictive. 

Le  souvenir  des  mots  est  dû  à  une  mémoire  isolée. 


DANS  L'ÉDUCATION   ORTHOPnONIQL'E.  47 

particulière,  qui  procède  d'une  aptitude  cérébrale  siii 
generis^  inhérente  à  telle  ou  telle  personne.  L'es- 
prit est  doué  en  quelque  sorte  d'un  appareil  mnémo- 
technique interne  qui  enregistre  spontanément  et 
phonographie  une  série  de  syllabes  dont  parfois  on 
ignore  absolument  le  sens. 

C'est  un  don  dans  lequel  l'intelligence  n'a  souvent 
aucune  part,  qu'il  est  facile  d'augmenter  par  la  pra- 
tique et  qu'il  faut  se  garder  de  confondre  avec  l'in- 
tellect :  en  elïet,  que  d'écoliers  récitent  une  fable  de 
La  Fontaine  sans  y  comprendre  autre  chose  qu'une 
suite  mécanique  de  sons,  que  d'adolescents  récitent 
des  pages  entières  de  latin  ou  de  grec  sans  y  entendre 
davantage  ! 

Le  souvenir  partiel  du  son  aide  souvent  la  mémoire 
des  idées  et  réciproquement.  Nous  savons,  par  exem- 
ple, que  la  rime  des  vers  français  est  un  puissant 
auxihaire  pour  les  retenir. 

En  matière  de  mots,  tout  le  travail  de  la  mémoire, 
quant  au  souvenir,  est  supporté  par  le  sens  de  l'ouïe, 
et,  quant  à  la  reproduction  sonore,  par  la  coordina- 
tion de  mouvements  physiologiques. 

La  mémoire  des  mots  n'implique  pas  nécessaire- 
ment la  mémoire  des  idées,  et  la  mémoire  des  idées 
n'implique  pas  nécessairement  la  mémoire  des  mots. 
Ce  sont  là  deux  mémoires  pouvant  avoir  parfois  entre 


48  N.   C.  —  INFLUENCE  DE  LA  MÉMOIRE 

elles  une  très  grande  intimité,  mais  qui  pour  s'entr'ai- 
der  mutuellement  n'en  sont  pas  moins  distinctes 
l'une  de  l'autre  et  peuvent  exister  l'une  sans  l'autre 
avec  des  difTérences  considérables. 

La  mémoire  des  idées,  qui  se  confond  avec  l'intel- 
lect, s'acquiert  ou  existe  d'une  autre  façon  que  la 
mémoire  des  mots,  puisque  les  idées  résident  non  pas 
dans  notre  ouïe,  mais  là  où  notre  entendement  les  a 
mises.  Cette  mémoire  est  comme  une  vision  interne 
qui  saisit  rapidement  la  connexité  d'une  chaîne  de 
pensées  que  l'on  a  vue  ou  étudiée. 

L'idée  est  un  fait  passif  ou  volontaire  ;  on  la  reçoit 
ou  on  la  provoque.  C'est  la  dernière  perception  interne 
des  séries  de  conceptions  liées  entre  elles  par  la  logi- 
que, par  l'imagination,  par  l'association  ou  l'analogie 
de  la  forme  ou  de  l'essence. 

Cette  perception  interne  suppose  déjà  un  esprit 
cultivé,  doué  soit  d'une  intuition  spéciale,  soit  d'une 
connaissance  étendue  des  multiples  propriétés  et 
affinités  des  êtres  et  des  choses.  Tout  en  étant  une 
précieuse  aptitude  congéniale  de  l'individu,  la  mé- 
moire des  idées  est  éminemment  susceptible  de  déve- 
loppement par  le  travail  et  par  la  volonté  ;  toujours 
elle  est  la  preuve  d'un  esprit  apte  à  saisir  un  ensem- 
ble synthétique  (1). 

(I)  C'est  ainsi  que,  dans  chaque  spécialité,  la  mémoire  des  idées 


DANS  L'ÉDUCATION   ORTHOPHONIQUE.  49 

Par  sa  valeur  potentielle  elle  reproduit  la  suite  des 
pensées  qui  constitue  dans  le  cas  présent  de  récita- 
tion, l'ordre  synoptique  et  la  succession  graduelle 
ou  mouvementée  d'un  morceau  de  prose,  de  poésie, 
d'éloquence,  etc..  elle  le  fait  sans  y  juxtaposer  ce- 
pendant l'ordre  mathématique  des  vocables  qui  est 
dû  à  cette  première  mémoire  que  nous  avons  appelée 
la  mémoire  des  mots. 

L'intelligence,  lorsqu'elle  veut  soliloquer,  c'est-à- 
dire  se  donner  la  représentation  intime  de  ses  actes, 
provoque  d'abord  en  elle  par  l'excitation  cérébrale  la 
reproduction  du  phénomène  sonore  du  mot  et  en  quel- 
que sorte  simultanément  la  reproduction  intime  des 
mouvements  cérébraux  qui  enfantent  réellement  cette 
impression.  Nous  prêtons  ainsi  l'oreille  aux  opérations 
tacites  de  notre  pensée  que  figurent  les  mots. 

Mais  il  importe  avant  tout,  pour  que  ce  travail  rapide 
ne  produise  pas  de  résultat  négatif,  que  notre  force 
d'attention  soit   telle  que  le  sens  propre  attaché  à 

crée  les  véritables  individualités.  —  Pour  le  naturaliste,  le  philo- 
logue, le  professeur,  le  médecin,  cette  mémoire  des  idées  est  sy- 
nonyme de  connaissance  des  lois  naturelles,  des  harmonies 
sérielles,  des  sympathies  et  des  antipathies  qui  existent  dans  les 
êtres,  dans  les  mots,  dans  les  lettres  ou  les  sciences,  dans  le  corps 
humain.  —  Dans  d'autres  conditions,  pour  l'agriculteur,  la  mémoire 
des  idées  est  la  connaissance  des  traditions  et  des  procédés  agri- 
coles; pour  l'ouvrier,  c'est  la  connaissance  de  tout  ce  qui  a  trait  à 
son  niétier,  à  son  état,  et,  dans  chacune  de  ces  spécialités,  elle  est 
l'indice  d'une  supériorité  particulière. 

4 


ûO  N.   C.  —  INFLUENCE   DE  LA  MÉMOIRE 

chaque  mot  soit  bien  défini  dans  notre  esprit  :  autre- 
ment l'imperfection  de  notre  parole  répondrait  à 
Fimperfection  de  notre  pensée  et  nous  prouverions 
mieux  que  jamais  que  nous  pouvons  avoir  la  mémoire 
des  mots  sans  avoir  celle  des  idées,  la  mémoire  des 
sons  sans  avoir  celle  des  sens. 

A  ces  deux  mémoires  se  joignent  la  mémoire  du 
langage  correct  et  la  mémoire  des  règles  delà  diction. 
Ces  deux  nouvelles  mémoires  sont  soumises  à  une 
série  de  règles  grammaticales  et  orthophoniques 
qu'elles  doivent  absolument  observer. 

La  mémoire  des  règles  grammaticales  n'est  autre 
chose  que  la  connaissance  exacte  des  faits  verbaux 
d  une  langue  et  des  lois  syntaxiques  qui  régissent  et 
unissent  les  mots  dans  l'ordre  exigé  par  l'usage,  les 
traditions  orales  et  la  logique  naturelle.  Une  pareille 
connaissance  suppose  en  travail  les  facultés  d'atten- 
tion, de  comparaison  et  de  jugement  s'accordant 
entre  elles  pour  produire  l'espèce  particulière  d'éru- 
dition qu'on  nomme  la  science  de  la  grammaire.  Cette 
science  facilite  les  exercices  de  récitation  intelligente, 
de  même  qu'elle  simplifie  le  travail  de  l'orateur  dans 
rimprovisation,  les  conférences  ou  les  simples  cau- 
series. 

Ajoutons  que  l'étude  des  lois  prosodiques  pour  les 
exercices  de  récitation  est  également  utile,  quant  à 


DANS  L'ÉDUCATION  ORTHOPHONIQUE.  51 

l'analyse  des  morceaux  de  poésie  :  c'est  un  des  moyens 
de  garantir  la  mémoire  de  certains  écarts  dus  à  la 
divergence  apparente  qui  existe  entre  les  règles 
syntaxiques  et  les  licences  poétiques. 

Pour  la  mémoire  de  la  diction  il  faut  non  seulement 
tenir  compte  des  lois  naturelles  et  organiques  qui 
président  à  la  formation  du  son  oral,  mais  encore 
'  appliquer  à  propos  les  règles  esthétiques  de  l'ortho- 
phonie. 

Dans  la  mémoire  des  articulations  syllabiques  des 
mots,  c'est  l'attention  qui  s'exerce  et  qui  grave 
peu  à  peu  dans  l'Imaginative  du  bègue  le  mode  prin- 
cipal et  normal  gouvernant  l'articulation  correcte 
d'un  mot.  Cette  attention  est  d'ailleurs  développée 
par  les  gymnastiques  phoniques  et  phonétiques  où 
chaque  syllabe  est  étudiée  à  part  ;  elles  forment  ainsi 
chacune  comme  autant  d'éléments  dynamiques  de  la 
parole. 

Le  point  le  plus  important  à  obtenir  par  l'exercice 
delà  mémoire  des  articulations  syllabiques  est  la  per- 
manence de  ses  effets. 

Avec  la  seule  faculté  de  la  mémoire  et  alors  qu'elle 
serait  nativement  peu  développée,  on  est  certain 
d'obtenir  celle  des  articulations  ;  il  dépendra  toujours 
du  travail  de  Télève  d'en  prolonger  indéfiniment  la 
durée.  D'où  il  suit  que  l'oubli  des  procédés  articula- 


52  N.  C.  —  INFLUENCE  DE  LA  MÉMOIRE 

toires  ne  peut  résulter  que  du  défaut  d'un  travail 
fort  simple  et  de  l'absence  absolue  de  la  volonté. 

Leurs  bons  effets  ne  sont  pas  seulement  perma- 
nents, ils  sont  encore  progressifs.  Ils  ne  sont  pas 
simplement  proportionnels  au  temps  exigé  pour  le 
complet  redressement  vocal  du  bégaiement,  mais 
dans  un  rapport  beaucoup  plus  grand.  Si  dans  une 
semaine,  par  le  souvenir  du  mode  normal  des  articu- 
lations, on  obtient  un  résultat  quelconque,  dans  deux 
on  en  obtiendra  un  quatre  fois  plus  considérable, 
dans  trois,  douze  fois,  et  ainsi  de  suite. 

D'un  autre  côté,  ce  que  cette  mémoire  a  de  pé- 
nible dans  son  évolution  cérébrale,  pour  de  certains 
dysphones,  diminue  continuellement,  ainsi  que  la  né- 
cessité de  l'exercer. 

La  mémoire  euphonique  des  sons  esthétiques  due 
à  l'esprit  d'analyse  et  à  l'intuition  passionnelle  ou 
psychologique  se  fortifie  elle-même  par  l'esprit  de 
comparaison  et,  soit  par  goût,  soit  par  étude,  l'élève 
restitue  bientôt  aux  mots  la  valeur  mesurée  qui  leur 
appartient. 

L'application  soutenue  par  la  volonté  et  affermie 
par  le  jugement  donne  peu  à  peu  au  bègue  la  mémoire 
des  efforts  vocaux  antérieurs  et  des  efforts  méthodi- 
ques de  redressement  vocal  qu'il  doit  produire  pour 
rendre  telle  articulation  rebelle.  Par  une  évolution 


DANS  l'éducation  ORTHOPHONIQUE.  33 

particulière  de  son  intelligence  et  l'exercice  des  autres 
mémoires  il  conservera  présentes  à  l'esprit  les  indi- 
cations physiologiques  rationnelles  qui  lui  ont  été 
données  concernant  la  phonation  ;  enfin  se  souvenant 
des  difficultés  premières  vaincues  et  des  efforts  faits 
dans  tel  sens  pour  produire  un  mouvement  d'articula- 
tion correct,  il  se  remémorera  presque  instinctive- 
ment la  marche  orthophonique  indiquée  par  le  pro- 
fesseur pour  prononcer  prestement  tel  assemblage  de 
lettres,  de  syllabes,  de  mots  et  de  phrases. 

C'est  au  concours  de  ces  nombreux  efforts  intellec- 
tuels, qui  doivent  être  liés  entre  eux  et  qui  se  corro- 
borent mutuellement,  qu'est  dû  en  partie  le  redresse- 
ment vocal  du  bégaiement  ou  d'une  dysphonie,  et  inci- 
demment la  manœuvre  normale  et  rapide  de  la  parole. 

Quand  on  rencontre  une  mémoire  rebelle,  il  im- 
porte de  laisser  provisoirement  le  côté  progressif  de 
la  méthode  d'orthophonie  afin  de  se  livrer  exclusive- 
ment à  l'éducation  muthonomique  de  cette  mémoire 
ingrate  qui  plus  tard  entraverait  l'éducation  vocale 
dans  l'exercice  si  important  de  l'improvisation. 

On  sait,  d'ailleurs,  qu'une  mémoire  pénible,  no- 
tamment celle  des  mots,  incite  à  l'hésitation,  au  bal- 
butiement ;  un  manque  de  mémoire  peut  être  par 
conséquent  un  des  agents  secrets  qui  disposent  d'a- 
vance le  bègue  au  bégaiement  interne. 


54  N.  C.   —  INFLUENCE  DE   LA  MÉMOIRE,  ETC. 

Il  est  dès  lors  facile  de  se  rendre  compte  pourquoi 
dans  le  redressement  du  bégaiement  les  exercices  de 
mémoire  sont  indispensables  puisqu'ils  sont  pour  la 
mémoire  et  pour  la  volonté  un  sextuple  thème  d'exer- 
cices distincts  :  mots,  idées,  langage  correct,  règles 
de  diction,  efforts  vocaux  antérieurs,  nouveaux  efforts 
méthodiques  à  faire  pour  redresser  oralement  une 
articulation  rebelle. 


NOTE   D 

DE     LA    DOCILITÉ    INTELLECTUELLE 
DANS  L'ÉDUCATION  VOCALE 


NOTE   D 

DE  LA  DOCILITÉ  INTELLECTUELLE  DANS 
L'ÉDUCATION  VOCALE. 


En  pédagogie,  la  docilité  intellectuelle  est  cette 
qualité  qui  désigne  l'enfant  comme  susceptible  d'être 
dirigé  éducativement  et  comme  susceptible  d'accepter 
sans  conteste  les  conseils  du  maître. 

Tel  est  également,  en  orthophonie,  le  double  élé- 
ment qui  doit  préoccuper  le  professeur  spécial  quand 
il  entreprend  de  combattre  le  bégaiement,  et  que  l'un 
ou  l'autre  de  ces  deux  éléments  semble  faire  défaut. 

Sans  doute,  il  n'est  pas  toujours  facile  de  doter 
tout  d'abord  d'intelligence  vocale  le  bègue  qui  en 
manque  ;  mais  comme  l'enseignement  orthopho- 
nique, dans  le  principe,  ne  comprend  que  des  exer- 
cices progressifs  et  automatiques  de  phonation,  il  est 
certain  qu'on  trouvera  toujours  chez  n'importe  quel 
bègue  une  intelligence  suffisante  pour  étudier  la  no- 


58  N.   D.   —  DE  L.\  DOCILITÉ  INTELLECTUELLE 

menclature    et  aborder  la   pratique   des   exercices 
vocaux. 

Dans  la  suite,  le  bègue,  affermi  par  une  éducation 
ultérieure,  offrira  le  spectacle  d'une  compréhension 
plus  déliée  et  plus  accessible  à  un  enseignement  eS' 
thétique. 

Reste  la  disposition  à  obéir,  base  importante  de  la 
docilité  et  qu'il  appartient  également  au  maître  de 
provoquer  par  tous  les  moyens  qui  sont  en  son  pou- 
voir. 

Cette  disposition  à  obéir  peut,  sans  difficulté,  naître 
chez  bon  nombre  de  bègues  quand  ils  se  sont  trouvés 
quelque  temps  en  rapport  avec  le  professeur. 

Elle  provient  d'un  mélange  de  confiance  et  de  res- 
pect. —  Si  on  veut  en  pénétrer  les  causes,  on  remar- 
quera que  cette  sécurité  et  cette  déférence  prennent 
leur  source  dans  la  tenue  professionnelle  du  maître, 
dans  l'efficacité  reconnue  de  la  méthode  employée, 
dans  la  certitude  pour  l'élève  que  ses  efforts  tourne- 
ront à  son  utilité  et  à  son  profit  personnel. 

Toutefois,  dans  toute  éducation  et  surtout  dans 
l'enseignement  orthophonique,  un  ennemi  redoutable 
se  rencontre  assez  fréquemment,  c'est  V inertie. 

On  a  peine  à  le  croire,  et  pourtant  on  trouve  des 
enfants ,  des  adolescents ,  des  adultes  même  qui 
paraissent  envisager  le  redressement  vocal  de  leur 


DANS  L'ÉDUCATION   VOCALE.  59 

infirmité  avec  la  plus  grande  insouciance.  En  vain  leur 
représente-t-on  combien  leurs  parents,  leurs  amis 
souffrent  de  leur  bégaiement  ;  en  vain  leur  met-on 
sous  les  yeux  les  nombreux  inconvénients  qui  résul- 
teront pour  eux  dans  le  monde  d'une  aussi  fâcheuse 
infirmité  ;  —  la  satisfaction  de  leur  famille,  le  souci 
de  leur  propre  avenir,  les  conseils  de  la  prévoyance 
et  de  la  raison  n'exercent  souvent  aucune  influence  ; 
ils  restent  indifférents  devant  les  conséquences  qu'ils 
pourraient  si  bien  éviter.  —  Cette  attitude  se  pro- 
longe quelquefois  de  façon  à  décourager  et  la  famille 
et  le  professeur. 

Les  moyens  de  la  faire  disparaître,  quand  Télève 
a  accepté  le  professeur,  varient  selon  le  tempérament 
de  l'élève  bègue  et  l'éducation  première  qu'il  a  reçue. 

Cette  inertie  volontaire  diminue  ordinairement  par 
la  répétition  plus  renouvelée  des  gymnastiques  pho- 
nique et  phonétique,  et  surtout  par  l'application  im- 
médiate et  constante  du  rythme. 

En  effet,  par  l'emploi  du  rythme,  on  obtient,  même 
chez  l'élève  indocile,  une  amélioration  instantanée 
dans  l'arliculatiou  vocale  :  —  cette  première  trans- 
formation, bien  qu'éphémère,  est  une  sorte  ^entraî- 
nement qui  permet  au  professeur  de  faire  envisager 
au  bègue  les  effets  possibles  qu'il  obtiendra  par  l'étude 
postérieure  et  l'application  de  la  méthode  d'ortho- 


m  N.   D.  —   DE   LA  DOCILITÉ   INTELLECTUELLE 

phonie.  La  sollicitude  et  l'influence  du  maître  faisant 
le  reste,  la  soumission  effective  du  bègue  sera 
bientôt  acquise. 

La  défiance  est  quelquefois  un  sentiment  qu'il  im- 
porte également  de  combattre. 

Il  ne  manque  pas  de  bègues  qui,  sans  nier  la  va- 
leur de  la  méthode,  doutent  de  la  possibilité  réelle  de 
redresser  leur  variété  de  bégaiement. 

Cette  défiance  tient  à  bon  nombre  de  raisons  dont 
nous  dirons  les  principales. 

Un  certain  nombre  de  bègues,  ayant  eu  alîaire  à 
des  maîtres  ne  procédant  que  par  tâtonnements 
ou  par  application  inopportune  ou  fragmentaire  de 
procédés  méthodiques,  n'ont  obtenu  aucun  résultat 
rationnel  ou  durable  ;  d'autres,  n'observant  pas  les 
prescriptions  de  la  méthode  qui  leur  est-  donnée  ou 
entreprenant  isolément,  sans  le  secours  d'un  profes- 
seur spécial  et  avec  les  seules  indications  d'un  livre,  la 
tâche  de  combattre  leur  infirmité,  ne  se  sont  préparé 
que  des  déceptions  et  n'ont  inévitablement  éprouvé 
que  des  ennuis  dans  le  pénible  labeur  qu'ils  se  sont 
imposé. 

Comment  rendre  ces  autres  élèves  plus  disposés  à 
accepter  le  mouvement  pédagogique  de  l'orthophonie? 

Comment  dissiper  les  appréhensions  qu'ils  éprou- 
vent en  abordant  cet  enseignement? 


DANS  L'ÉDUCATION  VOCALE.  61 

L'exposé  clair  et  précis  des  procédés  prophylacti- 
ques de  redressement  vocal,  l'indication  de  la  marche 
à  suivre  dans  leur  pratique,  les  résultats  possibles  à 
atteindre  pour  supprimer  les  habitudes  prises  et  les 
remplacer  par  de  nouvelles,  l'explication  de  la  nature 
du  bégaiement  et  du  mode  qui  permet  de  le  dissi- 
muler, enfin  la  simplicité^  le  dévouement  et  le  bon 
sens,  voilà  généralement  les  meilleurs  moyens  de 
faire  disparaître  les  germes  de  doutes  regrettables 
qui  paralysent  souvent  une  partie  de  la  soumission 
morale. 

De  plus,  en  mettant  sous  les  yeux  des  nouveaux 
bègues  les  résultats  obtenus  par  leurs  devanciers  on 
augmentera  chez  eux  le  désir  de  s'adonner  à  l'étude 
de  l'orthophonie. 

Enfin,  par  la  coutume  des  exercices  vocaux,  on 
cherchera  sans  cesse  à  faire  ressortir  que  les  diffi- 
cultés orthophoniques  sont  précisément  une  garantie 
et  une  assurance  du  succès,  que  la  méthode  pro- 
fessée étant  rationnelle  est  par  suite  pratique  et 
sûre,  que  les  exercices  vocaux  même  les  plus  péni- 
bles sont  une  suite  d'anneaux  de  la  même  chaîne, 
—  que,  par  conséquent,  logiquement,  l'emploi  de  la 
méthode  doit  se  faire  en  totalité  pendant  un  cer- 
tain temps,  —  qu'à  ce  seul  prix  ils  peuvent  espérer 
l'affranchissement  du  bégaiement  et  la  fin  de  leur 


62  N.  D.  —  DE  L\  DOCILITÉ  INTELLECTUELLE' 

servage  intellectuel  et  physique  ;  —  par  toutes  ces 
considérations,  disons-nous,  le  professeur  obtiendra 
des  plus  soupçonneux  les  deux  éléments  principaux 
de  la  discipline  intellectuelle. 

Nous  avons  vu  aussi  des  bègues  indociles  sans 
mauvaise  volonté  ;  c'est-à-dire  que  si  les  procédés 
théoriques  indiqués  dans  la  méthode  étaient  acceptés 
par  eux  avec  docilité,  le  contraire  avait  lieu  dans  la 
pratique. 

Expliquons-nous  par  un  exemple  : 

Supposons  que  pour  pouvoir  parler  avec  facilité,  il 
faille,  toutes  les  fois  qu'on  parle,  exécuter  certain 
acte  qui  exige  de  l'attention  de  la  part  de  l'esprit,  et 
que,  l'élève,  malgré  son  bon  vouloir,  par  l'efiet  seul 
de  l'impétuosité  naturelle  ou  de  l'irrésolution  de  son 
caractère,  ne  puisse  conserver  cette  attention  d'esprit 
indispensable  pour  l'apphcation  des  procédés  de  re- 
dressement ;  pourra-t-on  dans  ce  cas  considérer  l'é- 
lève comme  indocile  ?  Assurément  non  ;  car,  si  étant 
mis  en  pratique,  les  procédés  théoriques  sont  capa- 
bles de  triompher  de  la  partie  externe  de  son  infir- 
mité vocale,  ils  seront,  à  cause  de  son  manque  d'é- 
nergie et  malgré  son  réel  bon  vouloir  de  travailler, 
sans  puissance  sur  la  partie  interne,  savoir  «  l'éduca- 
bilité  »  de  son  caractère.  C'est  cela  seul  qui  empê- 
chera l'élève  d'être  docile^  et  c'est  cela  seul  qui,  dans 


DANS  L'ÉDUCATION  VOCALE.  63 

ce  cas  particulier,  empêchera  les  procédés  orthopho- 
niques d'être  prophylactiques. 

Au  point  de  vue  pédagogique  qui  nous  occupe,  la  do- 
cililé  du  bègue  est  quelquefois  un  légitime  sujet  de  satis- 
faction ;  car,  outre  le  résultat  particulier  nous  sommes 
assurés  que  l'élève,  dans  cette  lutte  constante  contre 
son  inflrmité,  a  fait  l'acquisition  de  qualités  person- 
nelles qui  ne  contribueront  pas  peu  à  son  bien-être 
intellectuel  et  au  parachèvement  de  son  éducation. 

Au  contraire,  le  bègue  qui  ne  sait  pas  se  pher  à  l'en- 
seignement orthophonique  ou  qui  n'essaye  pas  de  se 
réformer,  observons-le  : 

N'ayant  pas  le  courage  de  lutter  contre  son  infir- 
mité, il  s'abandonne  et  s'isole  peu  à  peu  ;  —  la  né- 
gligence, la  paresse,  l'insouciance  le  dominent,  et 
demain,  avec  ce  relâchement  du  caractère,  arrive- 
ront les  habitudes  vicieuses,  Tignorance,  une  timidité 
exagérée  qui  n'est  plus  alors  que  la  honte  de  lui- 
même. 

On  ne  saurait  dire  jusqu'à  quel  degré  d'abaisse- 
ment peut  descendre  une  telle  nature,  quand  on  n'a 
pas  apporté  à  temps  un  remède  à  ses  déplorables  ten- 
dances. 

Tant  il  est  vrai  que  les  diverses  branches  de  l'en- 
seignement se  prêtent  un  mutuel  appui  et  exercent 
l'une  sur  l'autre  une  influence  réelle  et  visible  de 


64     N.  D.  —  DE  LA  DOCILITÉ  INTELLECTUELLE,   ETC. 

conséquences  ;  tant  il  est  vrai  qu'en  développant  d'une 
manière  appropriée  à  l'entendement  les  utiles  notions 
du  devoir,  on  systématise  l'éducation  morale  par  l'édu- 
cation psycho-physiologique  ;  —  tant  il  est  vrai  enfin 
qu'habitués  à  veiller  sur  eux-mêmes,  les  bègues, 
notamment,  deviennent  aptes  à  se  gouverner  dans 
l'évolution  tout  intime  de  la  voix,  évolution  qui  ré- 
clame simultanément  le  double  concours  de  la  disci- 
pline intellectuelle  et  de  la  discipline  physique. 


APPENDICE  DE  LA  NOTE  D 

DU    BÉGAIEMENT    CHEZ   LES    ENFANTS 
ET  CHEZ  LES  ADULTES 


APPENDICE 


Les  effets  du  bégaiement  sont-ils  plus  aisés  à  com- 
battre chez  les  enfants  que  chez  les  adultes? 

Si  dans  cette  question  Ton  s'en  tenait  aux  premières 
apparences^  on  risquerait  souvent  de  se  tromper. 

L'appareil  articulateur  chez  les  enfants  étant  pour 
ainsi  dire  plus  vierge,  les  habitudes  vocales  moins 
enracinées,  on  peut,  lorsque  Tenfant  est  docile  dès  le 
début  de  ses  études,  obtenir  automatiquement,  plus 
promptement  que  chez  les  adultes,  une  phonation  re- 
lativement satisfaisante  ;  chez  les  adultes,  au  contraire, 
les  mauvaises  habitudes  de  l'appareil  vocal  au  point  de 
vue  voix^  étant  plus  enracinées,  jouent  pendant  plus 
longtemps  le  rôle  de  forces  perturbatrices. 

Comme  dans  renseignement  orthophonique  le  côté 
automatique  est  secondaire,  et  qu'il  s'agit  d'obtenir, 
non  des  améliorations  éphémères,  mais  un  résultat 
positif,  la  question  du  redressement  vocal  chez  les 
enfants  et  chez  les  adultes  change  par  conséquent  de 
face. 

On  sait  que  l'instruction  orthophonique  du  bègue 


68  APPENDICE   DE   LA  N.   D. 

doit  comprendre  non  seulement  la  pratique  des  articu- 
lations, l'éducation  de  la  pensée,  mais  encore  la  ré- 
gularisation des  phénomènes  psychiques  de  la  parole 
par  la  direction  de  la  volonté  et  de  la  mémoire. 

Or,  chez  les  adultes,  ce  résultat  final  et  substantiel 
est  atteint  beaucoup  plus  tôt  que  chez  les  enfants. 

Si  l'on  considère,  en  effet,  que  la  triple  éducation 
précitée  nécessite  de  la  part  des  bègues  une  persé- 
vérance dans  le  travail,  une  somme  d'attention,  nu 
esprit  de  comparaison  dont  les  adultes  sont  plus  ca- 
pables que  les  enfants  (I)  ;  si  l'on  considère  en  outre 
que  l'enfant  est  moins  susceptible  de  fournir  les  éner- 
gies constantes  dont  il  a  besoin  pour  la  discipline  de 
la  pen?ée  et  la  persistance  de  la  volonté,  on  com- 
prendra qu'en  dépit  des  conditions  locales  de  l'appa- 
reil phonateur  plus  favorables  chez  l'enfant,  l'évolution 
ultime  de  l'éducation  orthophonique  est  plus  rapide- 
ment et  plus  solidement  accomplie  chez  les  adultes  que 
chez  les  enfants. 

Des  centaines  d'exemples  viennent  confirmer  cette 
vérité,  que  l'on  peut  d'ailleurs  établir  d'une  manière 
conjecturale. 

(1)  Signalons  ce  fait  que  le  bégaiement  n'apparaît  réellement 
chez  les  enfants  qu'à  l'âge  où  commence  à  s'établir  chez  eux  l'esprit 
(le  comparaison,  l'association  des  idées,  c'est-à-dire  de  5  à  10  ans. 
Auparavant,  leur  bégaiement  est  comme  informe  et  à  peu  près 
latent. 


NOTE  E 


DU  BEGAIEMENT  DANS  LES  CLASSES  AISEES 

ET  NON  AISÉES 


NOTE    E 


DU   BÉGAIEMENT  DANS   LES   CLASSES   AISÉES 
ET   NON  AISÉES. 


L'homme  qui  jouit  des  avantages  de  la  fortune 
puise  ordinairement  dans  cet  élément  de  sécurité 
matérielle,  tantôt  une  confiance  excessive  en  lui- 
même,  tantôt  des  habitudes  de  nonchalance  corpo- 
relle', tantôt  une  trop  grande  indépendance  de  tenue 
d'esprit. 

Aussi  est-il  plus  disposé  à  se  soumettre  à  tout  ce 
qui  exige  une  contrainte  physique. 

Cette  absence  d'énergie  musculaire  des  organes  se 
trouve  également  quelquefois  chez  les  bègues  non 
fortunés  mais  instruits  quand  ils  s'escriment  à  faire 
des  exercices  vocaux. 

Leur  instruction  même  est  parfois  une  cause  accé- 
lératrice de  bégaiement.  —  Chez  eux,  en  effet,  les 
idées  étant  plus  abondantes  et  le  jet  grammatical  plus 


72    N.  E.  —  DU  BÉGAIEMENT  DANS  LES  CLASSES 

prompt,  l'influx  nerveux  se  produit  avec  une  plus 
grande  rapidité  et  donne  à  l'appareil  vocal  des  cou- 
rants d'une  intensité  plus  déréglée. 

Il  en  est,  sans  doute,  qui  font  de  sérieux  efforts  pour 
pratiquer  les  règles  articulatoires,  mais  on  en  rencon- 
tre qui  aiment  mieux  donner  publiquement  cours  à 
la  manifestation  de  leur  bégaiement  que  de  les  appli- 
quer et  semblent  ainsi  redouter  d'être  pris  en  flagrant 
délit  de  discipline  orale.  — D'autres  boudent  en  quel- 
que sorte  contre  leur  vice  de  parole  sans  faire  le 
moindre  effort  pour  bien  parler. 

Dans  la  classe  nécessiteuse,  chez  les  personnes  qui 
n'ont  reçu  qu'une  instruction  rudimentaire,  le  flot 
d'idées  que  nous  signalions  tout  à  l'heure  est  moins 
à  redouter,  car  la  construction  de  la  phrase  se  for- 
mant plus  lentement,  elles  sont  moins  portées  à  s'ex- 
primer à  la  hâte. 

D'un  autre  côté,  habitués  à  la  lutte  par  le  soin  de 
la  vie  matérielle,  les  bègues  ouvriers,  en  vertu  de 
l'éducation  mécanique  acquise  par  l'apprentissage 
d'un  métier  manuel,  sont  mieux  préparés  à  la  conti- 
nuité d'un  exercice  physique  qui  s'affirme  par  la 
mise  en  mouvement  journalière  des  organes  externes 
du  corps.  —  Enfin  le  milieu  secondaire  dans  lequel 
ils  vivent  et  leur  docilité  naturelle  font  qu'ils  mettent 
plus  tôt  et  plus  volontiers  en  usage  les  conseils  et  les 


AISÉES   ET   NON  AISÉES.  7:^ 

leçons    donnés    par    le    professeur    d'orthophonie. 

Or,  on  sait  que  pour  diriger  le  travail  de  redresse- 
ment et  favoriser  l'évolution  phonique,  une  bonne  vo- 
lonté exempte  de  toute  indécision  et  de  tout  préjugé 
est  indispensable  chez  l'élève. 

Les  observations  qui  précèdent  visent  surtout  la 
première  phase  de  l'éducation  ortbophonique. 

Dans  la  deuxième  phase  de  l'enseignement  vocal, 
c'est  le  contraire  qui  peut  avoir  heu. 

On  a  vu  que  la  deuxième  phase  de  l'enseignement 
est  le  complément  indispensable  de  notre  méthode. 
Cette  étude  (orthophonie  esthétique)  fait  disparaître 
ce  qu'il  y  a,  dans  les  gymnastiques  phoniques  prépa- 
ratoires, de  trop  précis,  de  trop  anguleux  ou  de  trop 
mathématique  pour  l'émission  euphonique  des  mots. 
Elle  rétablit  la  vérité  harmonique  de  l'articulation  et 
finalement  la  dépouille  de  son  caractère  automatique 
qui,  au  début  du  redressement  du  bégaiement,  sert  à 
l'élève  de  guide  et  de  défense  dans  la  production  sac- 
cadée de  ses  syllabes. 

Or,  dès  que  les  bègues  instruits  ont  envisagé  les 
ressources  que  cette  seconde  éducation  leur  apporte, 
ils  acceptent  alors  plus  volontiers  la  première  marche 
pédagogique  qui  avait  d'abord  soulevé  leurs  préven- 
tions. 

Toutefois,  pendant  la  direction  du  second  enseigne- 


74      N.   E.   —   DU   BÉGAIEMENT  DANS  LES   CLASSES,    ETC. 

ment,  le  professeur  est  obligé  de  lutter  contre  un 
nouvel  obstacle  qui  souvent  retarde  le  redressement 
complet  du  bégaiement  des  personnes  instruites. 

Le  côté  esthétique  de  lorlhophonie  les  intéressant 
plus  vivement  que  les  bègues  non  instruits,  ils  y  sont 
plus  sensibles  et,  le  comprenant  mieux,  s'y  livrent 
souvent  avec  trop  d'ardeur.  Cette  séduction  les  en- 
traîne à  délaisser  trop  tôt  les  exercices  rythmiques 
qui  leur  sont  indispensables  tant  qu'ils  n'ont  pas  ac- 
compli révolution  définitive  de  leur  éducation  vocale. 

A  ce  moment,  apparaît  le  même  phénomène  de 
distraction  dangereuse  que  celui  qui  se  produit  chez 
les  élèves  d'un  conservatoire  qui  apprennent  soit  la 
musique  instrumentale,  soit  la  musique  vocale.  — 
Dès  que  le  professeur  leur  a  enseigné  quelques  airs  de 
composition  suivie,  ils  abandonnent  soudain  les  gam- 
mes, les  exercices  de  solfège,  si  nécessaires  au  main- 
tien et  au  développement  de  leur  talent  pour  s'adon- 
ner exclusivement  aux  airs  qu'ils  viennent  d'apprendre. 
—  Le  professeur  d'orthophonie  doit  mettre  ses  élèves 
en  garde  contre  cette  tendance  qui  leur  fait  perdre 
souvent  le  fruit  de  leurs  efforts  antérieurs. 


NOTE   F 


DU  BÉGAIEMENT  IMAGINAIRE 


NOTE    F 


DU   BÉGAIEMENT  IMAGINAIRE. 


11  n'y  a  pas  que  les  vrais  bègues  qui  bégaient.  — 
Il  existe  en  effet  une  catégorie  de  personnes  qui, 
quoique  n'ayant  aucune  tendance  congénitale  au  bé- 
gaiement, aucune  prédisposition  au  bredouillement 
ou  au  balbutiement,  s'imaginent  être  bègues.  Ces 
personnes  contractent  involontairement  de  plus  en 
plus  une  sorte  d'ânonnement  spécial  parce  qu'elles 
ne  savent  poser  la  voix  ou  produire  couramment  le 
jet  vocal. 

Le  bégaiement  imaginaire  dont  les  manifestations 
peuvent  devenir  extérieurement  analogues  à  celles  du 
bégaiement  essentiel  résulte  quelquefois  également 
d'un  jeu  bizarre  de  l'esprit,  produisant  le  phénomène 
cérébral  de  la  monomanie  oratoire.  —  Tous  les  jours 
ne  rencontrons-nous  pas  ainsi,  dans  un  autre  ordio 
d'idées,  des  personnes  qui,  ayant  l'Imaginative  de  la 


78  N.    F.    —  DU    BÉGAIEMENT  IMAGLNAIRE. 

musique,  de  la  peinture,  de  la  poésie,  cultivent  l'un 
de  ces  arts  sans  avoir  les  aptitudes  voulues  pour  y 
réussir?  —  Ceux  qui  ont  la  fièvre  du  langage  et  qui 
ne  peuvent  exprimer  rapidement  leur  pensée,  se 
frappent  aussi,  par  analogie,  de  cette  idée  qu'ils  sont 
bègues. 

On   a  surtout  observé  cet  état  anormal  chez   les 
hommes   ayant  reçu  une   éducation    complète.    — 
La    variété    de   leurs  connaissances    littéraires,    la 
société    qu'ils    fréquentent,    où  l'art  de  bien    dire 
est  en  honneur,  leur  ont  donné    le  violent  désir  de 
briller  par  ce  côté.  Malheureusement  pour  eux,  leur 
impuissance  à   discourir  inopinément  sur  un  sujet 
quel  qu'il  soit,  les  déconcerte,  et  après  plusieurs  essais 
infructueux,  irrités  de  ces  maladresses  qu'ils  consta- 
tent eux-mêmes,  ils  s'obstinent  à  regarder  cette  dys- 
lalie  cérébrale  (1)  comme  la  preuve  manifeste  d'une 
impuissance  vocale.  Le  dépit  qu'ils  ressentent   à  ne 
pouvoir  satisfaire  leur  amour-propre  détermine  chez 
eux,  au  point  de  vue  delà   phonation,  une   raideur 
gutturale  caractérisée  par  un  frémissement  fébrile  de 
la  glotte.  Ce  frémissement  est  la  marque  évidente  de 
leur  préoccupation. 
Un  exemple  fera  mieux  ressortir  les  divers  carac- 

(1)  Cette  dyslalie  résulte  en  général  d'un  manque  de  mémoire  des 
mots. 


DU    BÉGAIEMEINT  IMAGINAIRE.  7-9 

lères  sous  lesquels  se  manifestent  ces  phénomènes 
dyslaliques. 

M.  A.  B.,  âgé  de  quarante  ans,  homme  lettré  et 
maître  d'une  fortune  considérable,  ayant  étudié  inu- 
tilement pendant  dix  ans  Tart  de  la  diction,  est 
venu  nous  prier  de  lui  corriger  un  vice  grave  de  la  pa- 
role qui  se  produisait,  disait-il,  seulement  dans  les  soi- 
rées qu'il  fréquentait  cependant  volontiers.  Là,  il  lui 
était  alors  impossible,  malgré  les  encouragements  de 
ses  amis  les  plus  intimes,  de  se  décider  à  prendre  la 
parole.  M.  B.  racontait  môme  que,  quand  il  voulait, 
après  de  grands  efforts  de  volonté,  semêler  à  un  entre- 
tien, il  était  obligé  de  se  commander,  soit  de  faire  un 
faux  pus,  soit  de  tousser  fortement,  soit  de  heurter 
un  siège  afin  d'avoir  ainsi,  en  s'excusant  de  sa  mala- 
dresse feinte,  un  prétexte  tout  trouvé  d'engager  la 
conversation  avec  les  personnes  qui,  par  politesse, 
répondaient  à  ses  paroles  d'excuse. 

Pour  lui,  c'était  du  bégaiement. 

Il  ne  nous  fut  pas  difficile  de  nous  convaincre  bien- 
tôt que  ce  qu'il  appelait  bégaiement,  n'était  qu'une 
aphonie  nerveuse  résultant  d'une  imagination  apeu- 
rée. 

Cependant  comme  M.  B.  se  trouvait  chaque  jour 
avec  des  personnes  habiles  à  manier  la  parole  et 
qu'il  soutTrait  réellement  de  son  manque  d'aplomb 


80  N.   F.  —   DU  BÉGAIEMENT  IMAGINAIRE. 

vocal,  nous  nous  décidâmes  à  entreprendre  son  éduca- 
tion orthophonique  et  nous  adoptâmes  le  mode  parti- 
culier employé  pour  le  redressement  vocal  d'une  des 
variétés  du  bégaiement  gutturo-tétanique. 

Nous  eiimes  soin  de  phis  d'utiliser  pour  l'étude 
de  la  diction  esthétique  la  propension  ou  plutôt  le 
besoin  de  notre  élève  de  parler  en  public. 

Ce  fut  une  grande  joie  pour  lui  quand,  sans  la 
moindre  hésitation,  il  posa  normalement  sa  voix  et 
put  dire  des  vers  dans  un  salon  avec  succès. 

L'éducation  orthophonique  poursuivie  dans  le 
même  sens  pendant  deux  mois  se  termina  très  heu- 
reusement. 

Il  en  est  donc  de  ces  faux  bègues  comme  de  la 
plupart  des  malades  imaginaires  :  pour  les  guérir 
plus  sûrement,  il  faut  paraître  abonder  dans  leur 
sens  (1),   leur  faire  saisir  de  temps  en  temps  le  tra- 

(1)  Un  maçon,  sous  l'empire  d'une  monomanie  qui  pouvait  dégé- 
nérer en  folie  absolue,  croyait  avoir  avalé  une  couleuvre;  il  disait 
la  sentir  remuer  dans  son  ventre.  Un  chirurgien  de  l'hôpital  Saint- 
Louis,  à  qui  il  fut  amené,  pensa  que  le  meilleur,  peut-être  le  seul 
moyen  pour  guérir  ce  monomane,  était  de  se  prêter  à  sa  folie. 
Il  offre,  en  conséquence,  d'extraire  la  couleuvre  par  une  opération 
chirurgicale.  Le  maçon  y  consent.  Une  incision  longue,  mais  super- 
ficielle, est  faite  à  la  région  de  l'estomac;  des  linges,  des  com- 
presses, des  bandages,  rougis  par  le  sang,  sont  appliqués.  La  tête 
d'une  couleuvre,  dont  on  s'était  précautionné,  est  passée  avec 
adresse  entre  les  bandes  et  la  plaie.  «  Nous  la  tenons  enfin,  s'écria 
l'adroit  chirurgien;  la  voici.  »  En  même  temps,  le  patient  arrache 
son   bandeau  ;   il   veut    voir   le  reptile   qu'il   a   nourri  dans   son 


DU   BÉGAIEMENT  IMAGINAIRE.  81 

vail  d'amélioration  qui  se  produit  chez  eux,  et  enfin, 
au  moment  psychologique  voulu,  leur  faire  dûment 
constater  que  le  résultat  recherché  est  enfin  obtenu. 

C'est  là  surtout  une  question  de  transformation  in- 
tellectuelle. 

Mais,  de  même  que,  chez  le  malade  imaginaire,  il 
y  a  une  tendance  morbide  qu'il  est  impossible  de  nier, 
de  même  chez  le  bègue  imaginaire  on  trouve  une 
réelle  affection  morale  qui  mérite  d'attirer  l'attention 
du  professeur  d'orthophonie. 

Cette  anomalie  a  son  contraire  :  dans  les  classes 
aisées,  il  existe  des  bègues  qui,  bien  qu'affectés  d'un 
bégaiement  très  accentué,  prétendent,  même  en 
venant  d'un  département  éloigné  pour  nous  con- 
sulter, n'être  tout  au  plus  affligés  que  d'un  léger 
vice  de  parole. 

Pour  entreprendre  le  redressement  vocal  de  ces 
sortes  d'infirmes,  les  difficultés  abondent  au  moment 
où  il  s'agit  d'assurer  pour  l'avenir  la  bonne  pratique 
de  la  méthode. 

Ce  singulier  entêtement  a  sa  cause  dans  un  amour- 
propre  excessif  du  bègue  qui  ne  veut  point,  tout  en 

sein.  —  Quelque  temps  après,  une  nouvelle  mélancolie  s'empare  de 
lui  ;  il  gémit,  il  soupire;  le  médecin  est  rappelé.  «  Monsieur,  lui  dit- 
il  avec  anxiété,  si  elle  avait  fait  des  petits?  —  Impossible!  C'est  ui 
mâle.  » 

6 


«2  N.   F.   —  DU    BÉGAIEMENT   IMAGLNAIRE. 

le  recherchant,  admettre  le  contrôle  des  autres;  il 
ne  saurait  accepter  les  conseils  que  s'ils  lui  sont 
donnés  pour  une  particularité  vocale  qu'il  croit 
moins  blessante  que  le  bégaiement  —  et  pourtant 
l'intensité  des  manifestations  est  telle  parfois  qu'il 
n'est  point  d'oreilles,  si  inexpérimentées  qu'elles 
soient,  qui  s'y  pourraient  méprendre. 

Lorsque  l'élève  est  intelligent  et  que  plus  tard  son 
esprit  soucieux  de  son  intérêt  reconnaît  la  valeur  des 
observations  qui  lui  sont  faites,  les  difficultés  alors 
sont  aplanies. 


NOTE   G 


DES  EXERCICES  VOCAUX 

ET    DE    LEUR    INFLUENCE    PHYSIQUE 

SUR  LE  BÉGAIEMENT 


NOTE  G 


DES  EXERCICES  VOCAUX  ET  DE  LEUR  INFLUENCE 
PHYSIQUE  SUR  LE  BÉGAIEMENT. 


Les  instituteurs  de  bègues  se  sont  exagéré  au  point 
de  vue  organique  la  valeur  finale  des  exercices  vo- 
caux. 

Ils  ont  attribué  aux  diverses  gymnastiques  de 
phonation  qui  en  font  partie  une  influence  physique 
très  prononcée. 

Cette  influence  cependant  n'existe  pas  et  ne  sau- 
rait exister. 

Chez  les  bègues,  en  effet,  les  muscles  phonateurs 
ne  sont  ni  déformés,  ni  insuffisamment  élastiques, 
encore  moins  peut-on  les  accuser  d'être  incomplets 
dans  leur  essence  et  dans  leurs  multiples  combinai- 
sons, —  leur  fonctionnement  régulier  dans  le  chant 
le  démontre  suffisamment;  —  ce  n'est  donc  que  par 
contre-coup,  par  une  espèce  de  choc  en  retour  que 


86  N.   G.   —  DES  EXERCICES  VOCAUX. 

les  exercices  peuvent  agir  sur  les  muscles  vocaux. 

Le  véritable  but  des  exercices  phonétiques  est  de 
préparer  et  d'habituer  le  bègue  à  faire  usage  de  la 
volonté  devant  certaines  syllabes  rebelles.  —  Ils  ha- 
bituent également  le  bègue  à  être  constamment  en 
garde  sur  lui-même,  et  comme  le  bégaiement  externe 
n'est  que  la  manifestation  du  bégaiement  interne,  il 
est  constant  que  si  l'influx  nerveux  qui  accompagne 
tout  mouvement  intellectuel  se  trouve  disciphné  par 
ces  exercices^  d'autre  part  l'activité  physiologique 
des  muscles  vocaux  subira  alors  l'ascendant  de  l'influx 
nerveux,  ascendant  qui,  par  un  résultat  forcé  de 
l'habitude,  leur  dictera  méthodiquement  et  instinc- 
tivement les  mouvements  prophylactiques  à  accom- 
plir. Les  exercices  phoniques  ne  produisent  donc  sur 
les  muscles  qu'une  action  médiate  et  indirecte. 

Un  exemple  fera  mieux  saisir  la  nature  de  cette 
influence. 

Nous  avons  dit  que  dans  la  lecture  certains  bègues, 
dont  l'œil  a  parcouru  à  l'avance  les  quelques  mots 
qu'ils  ont  à  prononcer,  se  trouvent  tout  à  coup  arrêtés, 
hésitent  et  finalement  bégaient  devant  certaines  syl- 
labes que  pourtant  ils  articulent,  par  intermittences, 
sans  la  moindre  difficulté. 

Or,  observation  curieuse,  lorsque  le  bègue  chante 
et  qu'il  articule  les  paroles  qu'il  a  à  chanter,  il  sem- 


INFLUENCE  SUK  LE  BÉGAIEMENT.         87 

blerait  que  la  même  hésitation  dût  se  produire  et  que 
le  bégaiement  préalable  occasionné  par  des  syllabes 
qu'aperçoit  à  l'avance  son  œil  dût  également  dans  le 
chant  le  troubler,  l'arrêter  et  le  faire  hésiter.  Il  n'en 
est  rien  cependant;  le  bègue  voit  parfaitement  ces 
syllabes  qu'il  redoute  tant  dans  la  voix  parlée  et  il 
n'en  continue  pas  moins  et  sans  la  moindre  inquiétude 
à  chanter.  —  Pourquoi  cela?  —  C'est  que,  dans  le 
chant,  il  se  sent  maître  de  son  organe  vocal;  il 
sait,  depuis  son  enfance,  qu'il  n'a  pas  à  redouter 
de  bégaiement  et  sans  s'en  douter  il  fait  instinc- 
tivement l'application  du  rythme  prolongé  qui  cons- 
titue une  des  surfaces  de  nos  procédés  méthodiques. 

Les  exercices  orthophoniques  ont  pour  but  préci- 
sément de  procurer  au  bègue  la  même  sécurité  men- 
tale et,  en  le  familiarisant  chaque  jour  avec  certaines 
articulations  pénibles  à  prononcer,  de  lui  permettre, 
puisqu'il  s'agit  ici  de  lecture  à  haute  voix,  de  conti- 
nuer à  lire  sans  être  émotionné  par  l'approche  de  telle 
lettre  ou  de  telle  syllabe. 

La  discipline  de  l'appared  vocal  est  la  conséquence 
d'un  travail  orthophonique,  mais  la  valeur  potentielle 
de  cette  discipline  ne  vient  qu'en  second  lieu  puisque 
le  véritable  but  poursuivi  dans  le  redressement  vocal 
du  bégaiement  est  la  discipline  des  actes  générateurs 
de  \a  parole  in  se  et  simultanément  la  discipline  des 


88  N.  G.  —  DES  EXERCICES  VOCAUX. 

éléments  divers  de  la  volonté  qui  précèdent  et  accom- 
pagnent la  parole. 


Nous  pensons  qu'il  est  utile,  à  ce  propos,  de  ré- 
péter combien  la  pensée  de  redresser  le  bégaie- 
ment en  trois  ou  quatre  semaines  est  imprudente. 

Qu'après  quinze  ou  vingt  jours  d'efîorts  redoublés, 
on  obtienne  un  résultat  relativement  satisfaisant, 
c'est  possible;  qu'il  y  ait  une  amélioration  appréciable 
dans  l'élaboration  régulière  de  la  voix  et  dans  l'émis- 
sion normale  des  mots,  c'est  encore  possible,  c'est 
même  exact;  mais  il  est  de  toute  évidence  que  le 
bègue,  n'ayant  pu  se  familiariser  qu'avec  un  des  côtés 
sommaires  d'nne  méthode  trop  vite  inculquée^,  ne 
pourra  pas  dans  l'imbroglio  d'exercices  se  succédant 
rapidement  ou  forcément  mal  coordonnés  acquérir  la 
présence  d'esprit  nécessaire  pour  lutter  avantageuse- 
ment contre  son  infirmité. 

La  faculté  de  contracter  des  habitudes  n'étant  pas 
la  même  chez  tous  les  hommes,  il  est  impossible  de 
fixer  d'une  manière  précise  l'époque  où  l'application 
d'une  méthode  cessera  d'être  un  art,  c'est-à-dire  sera 
applicable  sans  la  volonté  persévérante  et  par  la  seule 
force  de  l'habitude.  —  A  plus  forte  raison,  ces  dis- 
positions  sont-elles  nécessaires  quand  il  s'agit  de 


INFLUENCE  SUR   LE   BÉGAIEMENT.  89 

redresser  un  vice  de  parole  dont  le  caractère  distinc- 
tif  est  l'intermittence. 

Il  nous  est  arrivé,  dans  bien  des  cas,  d'obtenir 
aussi,  même  après  quelques  jours  d'eiïorts  et  quelques 
principes  méthodiques,  une  prononciation  rytbmi- 
quement  correcte. 

Ce  fugitif  résultat  facile  à  obtenir  par  le  professeur 
est,  malheureusement  pour  les  bègues  mal  renseignés, 
encore  exploité  en  France  et  à  l'étranger  par  des 
spécialistes  inconséquents  (1). 

On  nous  avait  conseillé  de  rapporter  dans  une  note 
spéciale  l'historique  des  redressements  vocaux  que 
nous  avons  obtenus  dans  nos  cours  officiels  et  dans 
nos  cours  particuliers;  nous  avons  écarté  ce  conseil. 

La  meilleure  manière  de  prouver  l'efficacité  des 
procédés  indiqués  dans  une  méthode  d'enseignement 
et  le  moyen  le  plus  digne  de  la  vulgariser  consistent,, 
selon  nous,  à  attendre  patiemment  les  occasions  fa- 
vorables de  la  faire  connaître.  Les  provoquer  par  des 
citations  personnelles,  c'est  imiter  les  imposteurs 
quelle  que  soit  la  vérité  de  leurs  témoignages.  D'ail- 
leurs, les  certificats  sont  toujours  bons,  on  n'en  mon- 
tre jamais  de  mauvais. 

(1)  L'enseignement  de  la  parole  aux  sourds-muets  se  trouve  géné- 
ralement, encore  aujourd'hui,  dans  des  conditions  analogues  d'ex- 
ploitation. 


90  N.  G.   —  DES  EXERCICES  VOCAUX. 

L'éducation  vocale  a  besoin  d'être  entreprise  avec 
plus  de  réserve,  de  conscience  et  d'étude. 

En  présence  d'un  instituteur  qui  viendrait  nous 
dire  :  «  Yoilà  un  élève  qui  était  paresseux  ;  je  l'ai  guéri 
de  sa  paresse,  après  quelques  jours  d'efforts  pédago- 
giques  »  —  Si  nous  sourions  à  cette  déclaration 

et  pensons  que  ce  n'est  pas  un  éducateur  bien  expéri- 
menté puisqu'il  ignore  qu'une  tendance  ne  se  supprime 
pas  en  quelques  jours,  —  nous  pouvons  également 
affirmer  qu'en  se  servant  d'un  modus  faciendi raT^ide 
pour  supprimer  le  bégaiement,  on  ne  paraît  pas 
connaître  la  nature-habitude  de  ce  vice  grave  de  la 
parole. 

Bien  qu'il  ne  faille  pas  attribuer  aux  exercices 
orthophoniques  un  but,  une  destination  qu'ils  n'ont 
pas,  nous  devons  également  dire  que  néghger  la  pra- 
tique de  ces  exercices  est  une  faute  sérieuse  qui  peut 
devenir  funeste  aux  élèves  bègues. 

Il  arrive  en  efTet  ceci  dans  certains  cas: 

Lorsque,  soit  par  insouciance,  caprice  ou  timidité, 
le  bègue  se  détourne  de  l'observation  exacte  des  pro- 
cédés orthophoniques  de  la  méthode,  il  contracte 
peu  à  peu,  par  suite  de  cette  suspension  prématurée, 
une  élocution  vicieuse  qui  souvent  dégénère  en  vice 
de  parole  plus  ou  moins  dessiné.  Pour  peu  que  ces 
exercices  soient  négligés,  l'harmonie  qui  les  unit  et 


LXFLUENCK   SUR  LE   BÉGAIEMENT.  91 

qui  fait  valoir  le  résultat  définitif  extérieur  de  leur 
application  se  trouve  par  le  fait  brisée  et,  au  lieu  d'une 
diction  précise,  c'est  une  diction  incorrecte  et  dou- 
teuse qui  apparaît  ;  —  le  bégaiement  peut  être  mas- 
qué, mais  il  fait  place  alors  à  des  blésités  de  différents 
genres,  dont  l'origine  est  due  à  ce  manque  de  suite 
dans  la  pratique  des  séries photiométriques  des  articu- 
lations. —  C'est  ainsi  que  dans  un  morceau  d'ensemble 
exécuté  par  divers  instruments  dont  le  but  final  est  de 
concourir  à  un  effet  harmonique  simultané,  un  et 
complet  dans  sa  variété,  si  l'un  des  exécutants  vient 
à  oublier  la  mesure  et  à  jouer  à  contre-temps,  l'effet 
général  est  manqué  et,  au  lieu  de  l'ensemble  harmo- 
nique attendu,  se  produit  une  suite  de  cacophonies 
qui,  se  succédant,  jettent  le  trouble  et  la  confusion 
parmi  les  autres  exécutants.  — La  négligence  apportée 
dans  la  pratique  des  exercices  vocaux  oblige  souvent 
l'élève  à  commencer  une  autre  éducation  orthopho- 
nique, pour  redresser  l'articulation  défectueuse  dont 
il  vient  de  contracter  l'habitude. 

Le  meilleur  moyen  d'éviter  cette  mésaventure  est 
de  contraindre  les  bègues  à  pratiquer  régulièrement 
les  exercices  de  redressement  vocal  qui  s'appliquent 
à  leur  espèce  de  bégaiement.  Ils  doivent  non  seule- 
ment les  exécuter  minutieusement,  mais  même  forcer 
plutôt  la  note  en  exagérant  pour  ainsi  dire  l'articu 


^2  N.   G.   —  DES   EXERCICES  VOCAUX,   ETC. 

lation  de  certains  groupes  phonétiques.  Quand  la 
leçon  est  terminée,  ils  pratiqueront  encore  en  dehors 
du  professeur  ces  gymnastiques  gloltnles,  gutturales, 
hnguales  et  lahiales,  et  ils  y  reviendront  régulièrement 
de  temps  à  autre  pour  entretenir  et  augmenter  la 
souplesse  nerveuse  et  tactile  du  jet  vocal. 

En  agissant  ainsi,  le  bègue  sera  assuré  de  neutra- 
liser de  plus  en  plus  sa  tendance  interne  au  bégaie- 
ment. 


NOTE  H 


DE  LA  DOMINANIE  CHEZ  LES  BEGUES 


NOTE    H 


DE  LA  DOMINANTE  CHEZ  LES  BEGUES. 


Les  physiologistes,  comme  les  psychologues,  ont 
constaté  que  tout  individu  subit,  dans  les  actes  im- 
portants ou  secondaires  de  son  existence,  l'influence 
constante  d'une  qualité  maîtresse,  qualité  qui  donne 
à  ces  actes  un  caractère  propre  et  distinctif. 

Ce  cachet  autographe  de  la  personnalité,  ce  signe 
authentique  se  trouve  dans  toutes  les  affirmations  du 
moi  ;  dans  l'expression  de  la  physionomie  comme 
dans  le  geste,  dans  la  parole  comme  dans  les  attitudes 
volontaires  ou  involontaires  de  la  vie  de  relation  :  c'est 
donc,  à  proprement  parler,  la  caractéristique  même 
de  l'individu,  et  c'est  ce  que  nous  appelons  la  domi- 


96  N.    H.   —  DE    LA   DOMINANTE 

liante.  Elle  s'accentue  par  habitude  et  nous  la  retrou- 
vons dans  chacune  des  exceptions  saines  ou  mala- 
dives, vertueuses  ou  vicieuses  qui  se  déroulent  au 
sein  de  toute  évolution  vitale. 

Dans  le  bégaiement  ou  plutôt  chez  les  bègues, 
en  dehors  de  la  dominante  générale,  on  remarque 
de  plus  une  dominante  dysphonique^  c'est-à-dire  une 
tendance  plus  particulière  dans  un  cas  donné  à 
provoquer  le  bégaiement. 

Cette  observation  est  d'ailleurs  la  clef  du  ventable 
diagjiostic  du  bégaiement. 

La  dominante  dysphonique  n'est  pas  toujours  sai- 
sissable  au  premier  examen.  Elle  ne  se  révèle  parfois 
qu'après  une  étude  attentive  et  un  contrôle  prolongé 
des  diverses  manifestations  du  bégaiement.  La  diffi- 
culté de  pénétrer  ce  secret,  que  le  bègue  ignora 
lui-même  très  souvent,  est  certainement  une  des 
raisons  qui  peuvent  retarder  le  succès  définitif  du 
redressement  vocal  entrepris  par  le  professeur.  — 
Faute  de  pouvoir  discerner  puis  de  subjuguer  cette 
dominante,  l'éducation  de  la  voix  ne  produira  que  des 
améhorations  transitoires. 

La  question  vaut  donc  la  peine  d'être  signalée  et, 
dans  l'état  actuel  de  la  science  orthophonique,  nous 
la  considérons  comme  fort  importante. 

En  vertu  de  son  caractère  essentiellement  ner- 


CHEZ  LES   BÈGUES.  97 

veux,  le  bégaiement  offre,  dans  ses  manifestations, 
des  phénomènes  si  bizarres  et  si  complexes,  qu'il 
devient  à  peu  près  impossible  parfois  à  l'obser- 
vateur même  expérimenté  de  discerner,  dans  les 
premiers  temps,  le  caractère  spécifique  de  la  domi- 
nante. 

Nous  disons  :  le  caractère  spécifique.  —  La  domi- 
nante, en  effet,  peut  résider,  pour  tel  bègue,  maté- 
riellement en  quelque  sorte,  dans  telle  articulation; 
pour  tel  autre  bègue,  exclusivement  dans  tel  état 
nerveux;  pour  celui-ci,  dans  une  propension  à  la  timi- 
dité, à  la  crainte;  pour  celui-là,  dans  diverses  condi- 
tions physiques,  extérieures  ou  malsaines  qui  réagis- 
sent sur  les  organes  vocaux.  —  H  y  a  tant  de  cas 
multiples  où  cette  dominante  peut  élire  domicile  chez 
le  bègue  qu'il  faudrait,  pour  les  énumérer,  passer  en 
revue  toutes  les  modifications  physiques  ou  morales 
dont  la  nature  humaine  est  susceptible. 

La  dominante  dysphonique  est  indépendante  de  la 
tendance  congéniale  au  bégaiement. 

La  tendance  est  la  cause  génératrice,  persistante 
et  immanente  à  l'individu. 

La  dominante  dysphonique  ou  dominante  syllabi- 
que  et  muthonomique  est  l'occasion  particulièrement 
personnelle  du  bégaiement,  elle  apparaît  dans  cer- 

7 


98  N.   IL  —   DE   LA   DOMINANTE 

taines  circonstances  données  auxquelles  elle  em- 
prunte sa  tonalité  individuelle.  Plus  tard,  dans  le  rou- 
lement phonétique,  la  parole  bégayée,  à  son  tour, 
signale  avec  plus  ou  moins  d'intensité  la  présence  de 
la  dominante. 

La  découverte  de  la  dominante  est  donc  une  œuvre 
de  patiente  et  attentive  investigation  pour  le  profes- 
seur ;  elle  se  révèle  à  lui  par  l'observation  prolongée 
de  la  tenue  vocale  du  bègue,  dans  la  conversation, 
dans  la  lecture,  dans  la  récitation,  dans  l'improvisa- 
tion fictive  ou  surtout  l'improvisation  réelle  ;  elle  se 
révèle  aussi  par  l'expérimentation  de  tel  ordre  d'exer- 
cices orthophoniques,  par  la  réitération  et  la  compa- 
raison de  ces  exercices  entre  eux  dans  les  divers  états 
moraux  et  physiques  du  bègue  ;  états  qu'il  importe 
de  provoquer  et  que  l'on  doit  saisir  quand  ils  se  pré- 
sentent. 

Lorsque  la  dominante  est  connue  et  que  le  profes- 
seur possède  bien,  au  point  de  vue  vocal,  sa  véritable 
physionomie,  l'éducation  de  la  volonté,  l'éducation 
orthophonique,  l'enseignement  technique  de  la  pa- 
role, en  un  mot  tout  ce  qui  contribue  à  cette  formule 
générale  :  Éducation  vocale  sera  dirigé  contre  la 
dominante  pour  en  paralyser  les  funestes  effets,  on 
ne  les  supprimera  qu'en  la  combattant  elle-même. 

Voilà,  en  ce  qui  concerne  la  dominante  du  bégaie- 


CHEZ   LES   BÈGUES.  99 

ment,  le  moyen  le  plus  efficace  pour  l'application 
utile  de  la  doctrine  orllioplionique  ;  il  en  est  une 
autre  que  simultanément  le  professeur  emploiera  et 
le  sujet  môme  que  nous  traitons  l'indique  naturelle- 
ment. 

Dans  tout  caractère,  avons-nous  dit  au  commence- 
ment de  cette  note,  se  rencontre  une  force  maîtresse 
qui  apparaît  dans  chacune  des  actions  de  l'individu. 
Cette  dominante  qui  imprime  une  direction  spéciale 
à  chaque  homme  et  donne  à  la  couleur  de  son  tempé- 
rament une  nuance  propre,  le  professeiu'  doit  égale- 
lementFétudier,  la  trouver,  la  reconnaître,  pour  fina- 
lement l'utiliser,  elle  aussi^  dans  l'instruction  techni- 
que de  l'orthophonie  et  l'éducation  esthétique  de  la 
voix.  Elle  varie  naturellement  selon  les  individus,  et 
c'est  ce  qui  explique  la  nécessité  d'ordonner  pour 
chaque  bègue,  dans  l'ensemble  général  des  exercices 
de  redressement  et  des  actes  d'éducation  vocale,  un 
ensemble  d'exercices  et  de  direction  pédagogique  ap- 
plicable à  lui  seul  et  plus  particulièrement  profitable 
à  son  infirmité  vocale. 

Concluons  de  ce  qui  précède  que  l'observation 
psychologique  du  bègue  est  aussi  indispensable  pour 
obtenir  des  résultats  utiles  que  l'analyse  des  manifes- 
tations phénoménales  du  bégaiement  est  nécessaire 
pour  appliquer  un  système  avantageux  d'exercices 


100  N.   H.    —   DE   Lk  DOMINANTE,  ETC. 

et  de  conseils  orthophoniques.  Tant  il  est  vrai  que 
le  redressement  vocal  du  bégaiement  est,  dans  l'en- 
semble des  moyens  employés  comme  dans  le  cycle  des 
procédés  orthophoniques  enseignés,  une  œuvre  de 
pédagogie  prophylactique. 


NOTE  I 


DE  L'INFLUENCE  MÉTÉOROLOGIQUE 

PENDANT    LE  REDRESSEMENT    VOCAL 

DU  BÉGAIEMENT 


NOTE     l 


DE  L  INFLUENCE  MÉTÉOROLOGIQUE  PENDANT  LE 
REDRESSEMENT  VOCAL  DU   BÉGAIEMENT. 


On  sait  que  le  bégaiement,  par  cela  même  qu'il 
résulte  d'une  affection  nerveuse,  subit  parfois  des  re- 
doublements d'intensité  dus  aux  divers  changements 
de  saison  et  plus  particulièrement  aux  changements 
brusques  de  température  (1).  Ce  redoublement  d'in- 
tensité s'explique  facilement,  si  l'on  songe  que  le  poids 
de  l'atmosphère  sur  une  personne  varie  de  15,000 
à  18,000  kilogrammes,  selon  la  taille  et  la  surface 
corporelle.  —  Une  diminution  ou  une  augmentation 
subite  de  la  densité  de  l'air  peut  amener  un  chan- 
gement soudain  de  quelques  centaines  de  kilos  dans 
le  poids  de  la  colonne  d'air  supportée. 

Or,  les  bègues  et  toutes  les  personnes  dites  à  tem- 
pérament nerveux  sont  excessivement  sensibles  à  ces 

(1)  Voir  la  note  0. 


104  N.  I.  —  INFLUENCE  MÉTÉOROLOGIQUE. 

variations  de  la  pression  atmosphérique,  et  ce  n'est 
pas  sans  raison  qu'on  les  assimile,  en  quelque  sorte, 
à  de  véritables  baromètres  vivants. 

Pendant  l'hiver  et  pendant  l'été,  on  a  remarqué 
également  que  le  bégaiement  augmentait,  tandis 
qu'il  diminuait  au  printemps  et  à  l'automne  lorsque 
ces  saisons  étaient  tempérées  et  humides. 

L'air  sec  des  gelées  et  des  grandes  chaleurs  agit 
toujours  en  sens  inverse. 

Que  se  passe-t-il,  en  effet? 

Les  liquides,  les  humeurs,  les  diverses  vapeurs 
qui,  dans  le  corps  de  l'homme,  font  équilibre  à  la 
colonne  d'air  et  dont  la  densité,  en  outre,  change, 
de  leur  côté,  avec  la  température  ambiante,  opposent 
à  la  pression  atmosphérique  une  résistance  d'une 
efficacité  variable,  selon  leur  degré  de  dilatation.  De 
là,  dans  les  énergies  distribuées  incessamment  dans 
l'économie  animale  par  les  agents  du  système  nerveux , 
une  division  plus  ou  moins  grande,  ou,  selon  les  cas, 
une  nwdtiplication  plus  ou  moins  importante  des 
forces  actives  de  la  vie.  De  là,  par  conséquent,  un 
état  fébrile  diversement  accentué  qui  se  traduit  de  mille 
manières  selon  les  personnes,  et  pour  les  bègues  par 
une  surabondance  de  prédispositions  au  bégaiement. 

Les  bègues  n'ignorent  pas  cette  tendance  dyspho- 
nique  qui  les  assaille  d'une  manière  soudaine  et  les 


REDRESSEMENT  DU   BÉGAIEMENT.  105 

surprend  accidentellement  dans  les  perturbations 
atmosphériques. 

La  plupart  d'entre  eux  jugent  d'avance,  par  la 
difficulté  qu'ils  éprouvent  à  parler,  qu'un  changement 
plus  ou  moins  considérable  va  avoir  lieu  dans  l'at- 
mosphère. 

Mais  au  lieu  de  prendre  en  temps  opportun  les 
mesures  prophylactiques  que  nécessite  cet  état  ner- 
veux et  de  redoubler  d'efTorts  dans  l'apphcation 
technique  de  l'orthophonie,  la  plupart  paraissent  en 
quelque  sorte  heureux  de  pouvoir  rejeter  sur  ces 
variations  atmosphériques  les  perturbations  phoné- 
tiques auxquelles  ils  se  trouvent  plus  spécialement 
soumis. 

Il  importe  au  professeur  de  prévenir  les  bègues 
contre  cette  trop  facile  défaite.  —  C'est  dans  ces  mo- 
ments-là précisément  qu'ils  doivent  redoubler  d'ef- 
forts et  faire  appel  à  toute  l'énergie  dont  ils  sont 
capables  pour  maîtriser  la  nonchalance  nerveuse  et 
les  divers  écarts  auxquels  leurs  organes  phonateurs 
pourraient  se  laisser  entraîner. 

Et  cela  se  conçoit  : 

N'est-ce  pas  justement  en  vue  de  ces  luttes  parti- 
culières que  la  métliode  leur  offre  son  appui  et  leur 
prépare  des  armes  de  redressement  vocal? 

Loin  d'être  donc  une  occasion  de  relâchement,  de 


J06  N.  I.  —  INFLUENCE    METEOROLOGIQUE. 

détente  et  d'abandon,  nous  regardons  ces  périodes 
critiques  comme  un  stimulant  significatif  qui  indique 
au  bègue  que  le  moment  est  venu  pour  lui  de  faire 
plus  volontiers  acte  de  volonté. 

Et,  ce  n'est  pas  un  paradoxe  que  nous  soutenons, 
quand  nous  disons  que  ces  difficultés  momentanées, 
provoquées  par  les  influences  atmosphériques  sur  le 
bégaiement  doit  être  un  stimulant  :  elles  sont,  en 
effet,  comme  la  pierre  de  touche  qui  sert  à  vérifier 
la  valeur  authentique  de  l'évolution  vocale  accom- 
plie par  le  bègue  ;  c'est  à  ce  moment  difficile  de  la 
mise  à  exécution  des  principes  de  la  méthode  que 
nous  reconnaissons  manifestement  le  travail  de  re- 
dressement vocal  réalisé  par  la  volonté,  la  mémoire^ 
en  un  mot  par  la  pleine  possession  de  soi-même. 

Des  exemples  nombreux  ont  démontré  que  les 
bègues,  qui  avaient  su  ainsi  maintenir  et  affirmer  la 
correction  de  leur  parole  dans  de  pareilles  circon- 
stances ,  étaient  à  tout  jamais  prémunis  contre  le 
retour  offensif   de   leur  bégaiement  (1)  ;    d'autres, 

(1)  Le  terme  de  rechute  employé  pour  désigner  la  réapparition 
du  bégaiement,  est  un  terme  qui  ne  peut  être  employé  que  dans 
un  sens  figuré.  Par  ce  fait  seul  que  la  tendance  interne  du  bégaie- 
ment persiste  chez  le  sujet,  même  après  ses  études  orthophoniques^ 
il  est  certain  que,  si  le  bègue  qui  est  arrivé  à  dissimuler  son  in- 
firmité oubUe  de  s'observer  et  de  pratiquer  la  méthode,  le  bégaie- 
ment peut  reparaître;  mais,  ce  n'est  pas  là  une  rechute,  c'est  tout 
simplement  la  manifestation  d'un  phénomène  naturel  d'intermit- 
tence. 


REDRESSEMEiNT   DU  BÉGAIEMENT.  107 

au  contraire,  qui  paraissaient  à  peu  près  débarras- 
sés de  leur  infirmité  vocale  dans  les  circonstances 
ordinaires  de  climat,  mais  qui,  dans  les  moments  de 
malaise  nerveux,  délaissaient  ou  négligeaient  une 
partie  de  l'application  constante  des  principes,  re- 
tombaient insensiblement  dans  leurs  premiers  er- 
.rements  vocaux  et  n'accusaient  par  la  suite  que  des 
modifications  insuffisantes  dans  leur  élocution  habi- 
tuelle. 

L'afi'ection  du  bégaiement  est  aussi  plus  sensible  le 
matin  que  dans  la  journée  ;  cela  tient  à  ce  que  l'in- 
telligence étant  plus  ouverte  en  ce  moment,  l'irra- 
diation cérébrale  qui  suit  la  pensée  jaillit  avec  plus 
de  vitesse,  et  par  cela  même  avec  moins  de  pru- 
dence ;  peut-être  aussi  faudrait-il  trouver  la  cause  de 
ce  phénomène  dans  le  repos  prolongé  où  s'est  trouvé 
la  nuit  tout  le  système  nerveux,  principalement  celui 
de  la  vie  de  relation,  qui  pour  cela  serait  plus  exci- 
table le  matin  que  le  soir,  époque  où  les  fatigues  de 
la  journée  ont  dû  diminuer  la  sensibilité  générale. 

Donc,  ce  n'est  pas  quand  l'intensité  du  bégaiement 
redouble  par  suite  de  ces  dernières  circonstances 
ou  par  suite  des  changements  climatériques  que  les 
bègues  peuvent  abandonner  leurs  habitudes  ortho- 
phoniques. C'est  alors,  plus  que  jamais,  qu'ils  doi- 
vent veiller  sur    eux-mêmes,  exercer   un   contrôle 


108       N.   I.  —  INFLUENCE  MÉTÉOROLOGIQUE,   ETC. 

minutieux  sur  leur  articulation  et  sur  tous  les  phéno- 
mènes vocaux  qui  accompagnent  la  parole  ;  les  résul- 
tats satisfaisants  qu'ils  obtiendront  dans  ces  conditions 
plus  particulièrement  pénibles  seront  la  marque  assu- 
rée que  leur  instruction  orthophonique  est  accomplie 
et  que  la  manifestation  vocale  de  leur  infirmité  n'est 
plus  à  redouter. 


NOTE  J 


PROPHYLAXIE  ORTHOPHONIQUE 


NOTE   J 


PROPHYLAXIE  ORTHOPIIOMQUIi. 


La  difficulté  de  trouver  dans  la  langue  française, 
un  terme  qui  explique  exactement  la  nature  et  la 
portée  des  services  rendus  aux  bègues  par  une  mé- 
thode d'orthophonie  nous  a  fait  jusqu'ici  fréquem- 
ment employer  pour  le  public  les  mots  de  redresse- 
ment vocal. 

Le  mot  guérison  serait  un  contre-sens,  car  il  assi- 
milerait le  bégaiement  à  une  maladie  que  l'on  traite 
par  un  médicament,  à  une  infirmité  que  l'on  redresse 
par  l'emploi  d'un  instrument  ou  à  un  vice  organique 
que  l'on  fait  disparaître  par  une  opération  chirur- 
gicale. 

On  a  dû,  faute  de  mieux,  prendre  dans  le  vocabu- 
laire usuel  le  mot  de  redressement. 

Ce  dernier  terme  toutefois,  ne  correspond  pas 
encore  assez  à  la  vérité  des  résultats  obtenus  par  l'en- 


U2     N.  J.  —  PROPHYLAXIE  ORTHOPHONIQUE. 

seignement  orthophonique  pour  qu'il  soit  admis  sans 
réserves  dans  le  langage  scientifique. 

Nous  devons,  sur  ce  point,  des  expHcations  de  na- 
ture à  satisfaire  tout  à  la  fois  ceux  qui  s'intéressent 
à  la  question  des  infirmités  vocales,  et  ceux  qui 
désirent  trouver  dans  les  termes  employés  l'indica- 
tion précise  et  légitimée  de  leur  valeur. 

Dans  l'espèce,  que  se  passe-t-il  en  réalité  ? 

Par  l'enseignement  orthophonique  et  par  l'éduca- 
tion psychologique  spéciale  qui  le  suit  parallèlement 
le  bègue  est  protégé  contre  son  infirmité  ;  il  est  dans 
le  sens  précis  et  même  étymologique  du  mot  :  in- 
struit (inslructus),  c'est-à-dire  ai^mé. 

Au  moment  donc  où  il  s'est  soumis  à  l'éducation 
proposée,  lorsqu'il  a  su,  par  son  attention  et  par  ses 
efforts,  tirer  parti  de  l'enseignement  qui  s'adresse 
tout  à  la  fois  à  son  appareil  vocal,  à  son  intelligence, 
à  sa  mémoire,  à  sa  volonté,  le  bègue  est  en  mesure  de 
lutter  efficacement  contre  le  bégaiement  interne  ;  il 
peut  le  réduire,  le  vaincre,  en  contrarier  les  efiets 
externes  et  les  dissimuler  à  tel  point  que  le  phéno- 
mène sonore  du  bégaiement  n'existe  plus,  ou  tout  au 
moins  n'est  généralement  plus  apparent. 

Or,  peut-on  sans  hésitation  qualifier  ainsi  les  bé- 
néfices de  l'instruction  orthophonique. 

Non,  ce  n'est  pas  là  un  redressement,  car  l'état 


PROPHYLAXIE  ORTHOPHONIQUE.         H 3 

nerveux  du  bègue,  subsiste  encore  même  après  sa 
transformation  \ocaIe.  Cet  état  au  point  de  vue  de 
l'articulation  n'est  plus  palpable,  mais,  quoique  dissi- 
mulé, il  existe  d'une  manière  latente  et  dans  un  mo- 
ment de  surprise  ou  d'émotion  violente,  il  pourra^ 
si  le  bègue  n'y  prend  garde,  s'affirmer  derechef  et 
occasionner  de  désagréables  mécomptes. 

On  le  voit,  il  n'y  a  là  ni  suppression  ni  surtout  re- 
dressement du  bégaiement. 

C'est  donc  une  méthode  de  préservation  et  pour 
employer  un  terme,  médicale  est  vrai  par  l'usage, 
mais  qui  peut  parfaitement  se  prendre  dans  le  sens 
pédagogique,  c'est  un  ensemble  de  procédés  prophy- 
lactiques. 

Qu'appelle-t-on^  en  elîet,  prophylaxie,  mesures  pro- 
phylactiques?—  Des  précautions  permettant  de  pré- 
server un  individu  d'une  maladie,  d'une  épidémie. 
Ce  sont  des  moyens  qui  le  sauvegardent  contre  l'in- 
vasion, les  dangers  d'une  atmosphère  morbifique  ; 
le  mal  est  ambiant,  mais  grâce  aux  mesures  adoptées, 
on  est  armé  contre  lui.,  et  l'on  n'a  plus  à  le  re- 
douter. 

C^est  également,  par  analogie,  ce  qui  se  produit 
dans  le  cas  qui  nous  occupe. 

Le  bégaiement  existe  et,  en  termes  d'école,  poten- 
tiellement; mais  par  l'instruction   spéciale^  on  n'a 


H4     N.  J.  —  PROPHYLAXIE  ORTHOPHONIQUE. 

plus  à  redouter  les  effets  de  sa  puissance  interne,  ni 
les  inconvénients  qui  en  résultent  (1). 

La  méthode  d'orthophonie,  pour  indiquer  le  but 
particulier  qu'elle  poursuit,  devrait,  par  conséquent, 
pour  rester  dans  la  vérité  scientifique,  s'appeler  non 
pas  méthode  de  redressement  vocal,  mais  bien  mé- 
thode (£Orthopho7iie  prophylactique  contre  le  bé- 
gaiement et  les  vices  de  la  parole. 

Si  nous  n'avons  pas  cru  pouvoir  adopter  dans  la 
pratique  le  mot  de  prophylaxie,  c'est  que,  nous  le  ré- 
pétons, il  semble  avoir  une  physionomie  plutôt  médi- 
cale que  pédagogique,  physionomie  qui,  étant  moins 
accessible  aux  habitudes  du  public,  pouvait  prêter, 
dans  le  jugement  de  la  chose,  à  une  interprétation 
erronée. 

A  ce  sujet,  nous  dirons  que  nous  avons  entendu  à 
l'Académie  de  médecine  non  sans  quelque  surprise, 
l'opinion  émise  par  le  rapporteur  d'une  commission 
nommée  par  elle  pour  étudier  la  question  du  bégaie- 
ment. 

S'appuyant  sur  une  brochure  que  nous  venions  de 
publier  et  dans  laquelle  nous  traitions  la  question  de 

(1)  La  pédagogie  n'est  pas  autre  chose,  en  définitive,  qu'un  ensem- 
ble de  procédés  prophylactiques  qui  préservent,  au  point  de  vue 
moral  comme  au  point  de  vue  intellectuel  ou  professionnel,  des  er- 
reurs et  des  fautes  que  l'ignorance  ferait  inévitablement  commettre. 


PROPHYLAXIE  ORTHOPHONIQUE.        iiS 

l'orthophonie  considérée  au  point  de  vue  pédagogi- 
que^ M.  le  docteur  Moutard -Martin  a  pris  au  pied  de 
la  lettre  le  mot  «  pédagogie  »  et  n'a  pas  craint  de 
plus,  au  sein  même  de  ce  corps  savant,  de  propager 
dans  un  rapport,  avec  d'autres  erreurs  fastidieuses 
à   développer  ici   (1),   cette   inexacte   proposition: 

«  et  d'ailleurs  maintenant  que  tout  le  monde  a 

«  renoncé  aux  moyens  mécaniques  et  chirurgicaux, 
«  les  moyens  pédagogiques  seuls  so?it  mis  en  usage.  » 

On  conviendra  que  dans  une  pareille  assemblée 
où  l'exactitude  scientifique  dans  les  mots,  dans  les 
définitions,  dans  les  faits  est  de  rigueur,  c'était  quel- 
que peu  s'aventurer. 

Si  l'éminent  docteur,  quoique  chargé  d'examiner  la 
matière,  avait  mieux  connu  la  question  du  bégaie- 
ment, ou  s'il  avait  pénétré  plus  avant  dans  le  sens 
général  du  travail  précité,  il  eût  mieux  compris  que 
toute  notre  argumentation  tendait  à  démontrer  que 
le  bégaiement  n'étant  ni  une  maladie,  ni  un  vice  de 
conformation,  le  rôle  du  professeur  d'orthophonie 
était  non  celui   d'un  médecin  mais  bien  celui  d'un 


(1)  '<  Les  rechutes  ne  sont-eUes après  un  traitement —  La 

«  base  de  ces  exercices  est  l'imitation —  L'imitation  qui  joue  un 

«  si  grand  rôle  dans  toutes  les  affi'Ctions  nerveuses  !...  .  —  Le  chant 

«  est  une  gymnastique  de  la  respiration —  Le  bégaiement  est  un 

«  état  choréique — Les  élèves  qui  ont  été  débarrassés —  La 

«  courte  durée  du  traitement  offre  un  avantage  très  grand...,»  etc.,etc. 


H6     N.  J.  —  PROPHYLAXIE  ORTHOPHONIQUE. 

guide-éducateur,  et  que  par  suite  le  bégaiement  de- 
vait être  combattu  non  par  un  mode  de  jiédagogie 
essentielle^  mais  par  un  mode  particulier  de  pro- 
phylaxie p  édagogique . 

Aussi,  nous  étonnons-nous  à  juste  titre,  que  la 
sagacité  du  savant  rapporteur  ne  lui  ait  pas  permis  de 
dégager  ce  point  essentiel  qui  aurait  dû  être  le 
point  intéressant  du  travail  présenté  par  lui  à  l'Aca- 
démie (1). 

(1)  L'opinion  émise  par  un  membre  de  l'Académie  de  médecine 
n'implique  pas  de  la  part  de  l'Académie  l'approbation  de  cette  opi- 
nion. —  L'Académie  n'est  responsable  que  des  conclusions  d'un  rap- 
port votées  et  acceptées  par  elle. 


APPENDICE  DE  LA  NOTE  J 

DES  PRODUITS  PHARxMACEUTIQUES 
DANS   LE   REDRESSEMENT    DU    BÉGAIEMENT 


APPENDICE 


On  a  vu  que  l'Académie  de  médecine  avait  reconnu 
que  le  redressement  vocal  du  bégaiement  était  une 
question  d'éducation  orthophonique,  et,  par  consé- 
quent, ne  ressortissait  plus  à  la  médecine. 

Cette  prescription  cependant  ne  paraît  pas  avoir 
été  acceptée  par  tous  les  praticiens  qui,  malgré  l'au- 
torité de  ce  corps  savant,  cherchent  encore  à  guérir 
le  bégaiement  à  l'aide  de  produits  pharmaceutiques, 
moyens  indignes  de  la  vérité  scientifique  et  peu 
conformes  aux  progrès  réalisés  aujourd'hui  sur  ce 
sujet. 

Quel  est  le  résultat  d'une  pareille  thérapeu- 
tique ? 

Au  point  de  vue  du  redressement  du  bégaiement, 
elle  est  absolument  nulle  ;  au  point  de  vue  de  l'es- 


120  APPENDICE  DE   LA   NOTE   J. 

poir  qui  anime  le  bègue  clans  le  redressement  de  son 
infirmité,  elle  est  très  regrettable. 

En  effet,  les  bègues  après  l'emploi  des  produits 
pharmaceutiques  ne  constatant  aucune  amélioration 
dans  leur  parole,  s'imaginent  volontiers  ou  que  la  mé- 
decine est  une  science  d'une  application  douteuse, 
ou  qu'on  les  a  pris  pour  dupes. 

A  côté  de  ce  dommage  possible  causé  à  la  vérité 
scientifique  ne  serait-il  pas  humain  de  chercher  à 
prévenir  les  conséquences  morales  qui  découlent 
nécessairement  de  ces  médications  fantaisistes? 

Soumis  à  ces  remèdes  qu'on  leur  donne  comme 
devant  opérer  la  cure  de  leur  infirmité,  les  bègues 
se  livrent  d'abord;,  sans  arrière-pensée,  à  l'espoir 
d'une  sûre  guérison  ;  mais  les  mois  se  passent,  les 
années  s'écoulent,  les  produits  pharmaceutiques  se 
succèdent,  et  le  bégaiement  subsiste  ;  à  la  déception 
inévitable  qui  survient  s'ajoutent  bientôt  le  découra- 
gement^ la  défiance,  puis  finalement  le  dégoût  de 
la  vie. 

Les  bègues  qui  avaient  d'abord  accepté,  sans  hé- 
sitation, les  remèdes  les  plus  incroyables,  parce  que 
la  pensée  de  l'amélioration  promise  les  aveuglait  sur 
le  choix  à  faire  parmi  les  moyens  proposés,  n'ont 
plus  aucune  foi  dans  la  possibilité  de  redresser  leur 
bégaiement;   craignant  de  nouvelles  déceptions,  ils 


PRODUITS   PHARMâCEUTIOL-ES.  121 

laissent  de  côté  les  procédés  orthophoniques  qui 
leur  seraient  utiles. 

Telle  est  la  conséquence  ordinaire  de  ces  essais 
de  médications,  ridicules  quand  ils  ne  sont  pas  cou- 
pables. 

Nous  citerons,  entre  autres  faits^,  le  cas  d'une 
mère  qui,  pendant  plus  de  dix-huit  mois,  s'est  livrée 
à  la  tâche  quotidienne  de  frotter  la  colonne  verté- 
brale de  son  fils  bègue  avec  de  la  pommade  cam- 
phrée. Lassée  de  cette  besogne  inutile  et  n'ayant  pu 
constater  la  plus  légère  modification  dans  le  bégaie- 
ment de  son  enfant,  la  trop  crédule  mère  comprit 
qu'elle  était  trompée  ,  et  cessa  alors  ce  singulier 
traitement.  Le  hasard  lui  apprit  enfin  que  ce  n'était 
pas  par  des  moyens  médicaux  qu'elle  devait  cher- 
cher à  débarrasser  son  fils  de  l'infirmité  vocale  dont 
il  était  affecté. 

Cet  exemple,  pris  parmi  plusieurs  autres  que  nous 
pourrions  certes  multiplier  et  où  les  médications  or- 
données étaient  plus  particulièrement  le  bromure  de 
potassium,  démontre  l'inefficacité  des  applications 
pharmaceutiques  dans  le  redressement  vocal  du  bé- 
gaiement. 

Outre  le  respect  légitimement  dû  à  l'art  médical  et 
qu'on  doit  éviter  d'amoindrir  par  des  consultations 
données   à    l'aventure,  les  praticiens  qui   agissent 


122  APPENDICE   DE  LA  NOTE  J. 

encore  de  cette  manière  deviendront  probablement 
plus  circonspects,  en  se  souvenant  des  conséquences 
fâcheuses  qui  se  produisent  dans  l'état  moral  du 
bègue  qu'ils  ont  inutilement  jeté  dans  de  fausses  es- 
pérances. 

Il  y  a  là  une  question  d'humanité  qui  est  spé- 
cialement mise  en  jeu. 


NOTE  K 


CONSEILS  ORTHOPHONIQUES-PROPHYLACTIQUES 

A  L'USAGE  DES  ÉDUCATEURS  DE  L'ENFANCE 

ET  DE  LA  JEUNESSE 


NOTE    K 


CONSEILS  ORTHOPHONIQUES-PROPHYLACTIQUES 
A  l'usage  des  éducateurs  de  l'e>tance 

ET   DE  LA  JEUNESSE 


Préparer  l'homme  aux  devoirs  de  la  société,  en 
développant  chez  l'enfant  toutes  les  forces  vives 
qui  sont  en  lui,  en  dirigeant  d'une  manière  nor- 
male ses  divers  organes,  instruments  naturels  qui 
feront  valoir  ses  forces  ;  tel  est  le  but  que  chaque 
éducateur  de  la  jeunesse  doit  avoir  sans  cesse 
présent  à  la  pensée;  tel  est  le  but  que,  en  dépit 
des  difQcultés,  il  faut  viser  et  savoir  atteindre. 
(Un  AXCiEN  Professeur.) 


Certains  vices  de  parole  sont  dus  en  grande  partie 
à  la  négligence  des  parents  ou  à  l'insouciance  des 
éducateurs  de  la  jeunesse  ;  c'est  là  une  cause  d'ins- 
truction incomplète,  d'embarras  dans  le  choix  d'un 
état,  c'est  là  bien  souvent  une  occasion  fréquente  de 
troubles  dans  les  occupations  sociales. 

L^agrément  des  relations,  la  carrière  même  du  ci- 
toyen se  trouvent  atteints,  entravés,  parce  que,  dès 


126  N.   K.  —  CONSEILS  ORTHOPHONIQUES. 

l'enfance,  on  n'a  pas  combattu  certaines  tendances 
vicieuses  de  l'appareil  vocal. 

Il  y  a  de  ce  chef  un  tort  regrettable  fait  à  l'indi- 
vidu; car,  dans  bien  des  cas,  le  remède  est  à  la  por- 
tée des  parents  et  des  instituteurs. 

Il  semble  donc  juste  d'affirmer  que  les  parents  et 
notamment  les  personnes  s'occupant  de  pédagogie 
doivent,  pour  prévenir  de  pareils  mécomptes,  tra- 
vailler à  réprimer,  dans  la  mesure  de  leurs  moyens, 
les  irrégularités  de  prononciation  qui  commencent  à 
se  manifester  chez  les  enfants. 

Conseils  aux  parents. 

En  choisissant  une  nourrice,  une  bonne,  une  gou- 
vernante, la  famille  recherche  les  qualités  qui  assu- 
rent un  bon  service  et  ne  se  préoccupe  que  peu  ou 
point  de  leur  manière  de  parler.  Or,  dès  aussitôt 
(ju'il  commence  à  articuler,  l'enfant  répète  d'ins- 
tinct ce  qu'il  entend,  il  grandit  et  se  développe  en 
copiant  avec  fidélité  ce  qui  est  bien  et  surtout  ce 
qui  est  mal  ;  c'est-à-dire  l'accent  provincial,  l'ac- 
cent campagnard;  tel  vice  de  parole,  telle  articula- 
tion défectueuse.  La  famille  doit  donc  se  hâter  de 
surveiller  le  langage  des  personnes  qui  entourent  le 
petit  être. 


CONSEILS  PROPHYLACTIQUES.  127 

Celte  tendance  à  l'imitation  produit  déjà  des  ef- 
fets fâclieux  :  le  zézaiement,  par  exemple,  est  dû 
bien  souvent  à  la  façon  de  parler  qu'affectent  d'em- 
ployer les  personnes  qui  vivant  avec  les  babys;  le 
langage  dont  elles  se  servent,  le  balbutiement  en- 
fantin qu'elles  reproduisent  volontiers  comme  pour 
converser  plus  familièrement  avec  eux  contribue 
puissamment  à  développer  ce  goût  de  la  parole 
«  smgée  » . 

Sans  doute  il  est  difficile  de  prévenir  les  exemples 
donnés  par  les  domestiques,  sans  doute  on  ne  peut 
espérer  trouver  tous  les  jours  des  serviteurs  ayant 
une  articulation  correcte  ;  mais  quand  on  s'aperçoit 
que  l'organe  vocal  reçoit  une  direction  fausse,  il  im- 
I)orte  de  leur  interdire  d'entretenir  chez  l'enfant 
cette  fâcheuse  disposition  à  mal  parler.  On  leur  re- 
commandera d'employer  avec  lui  les  formes  phoné- 
tiques usuelles  en  rapport  avec  le  génie  de  la  langue 
maternelle;  si  la  bonne  parle  trop  mal,  il  est  pru- 
dent de  lui  laisser  l'enfant  le  moins  longtemps  pos- 
sible en  tâchant  de  rectifier  dès  lors  tout  ce  qui 
pourrait   déjà   faire   naître  quelipie  inquiétude. 

Malheureusement,  ce  n'est  pas  toujours  seulement 
aux  gens  de  la  maison  qu'il  faut  adresser  des  repro- 
ches ;  les  parents,  soit  qu'ils  négligent  Téducation 
de  l'enfant,  soit  qu'ils  ignorent  eux-mêmes  la  valeur 


128  N.   K.   —  CONSEILS  ORTHOPHONIQUES. 

et  la  nécessité  (l\ine  bonne  élocution,  sont  parfois 
les  premiers  coupables.  —  D'ailleurs,  la  nonchalance 
qu'ils  apportent  clans  leurs  conversations,  trouve  éga- 
lement un  disciple  fidèle  dans  l'enfant. 

Et  comment  voudrait-on  qu'il  en  fîit  autrement? 

Bons  ou  mauvais,  le  père  et  la  mère  sont  nécessai- 
rement ses  premiers  modèles,  ses  instituteurs  natu- 
rels. Par  conséquent,  les  parents  doivent  avoir 
une  réelle  prudence  dans  leur  langage,  en  présence 
des  enfants,  et  en  tout  temps  un  certain  soin  dans 
leur  articulation  syllabique.  L'habitude  qu'ils  auront 
contractée  d'une  prononciation  ferme,  précise  et  régu- 
lière leur  rendra  la  tâche  plus  facile  quand  ils  auront 
à  réprimer  les  mauvaises  inchnations  de  langage  dans 
leur  jeune  famille. 

Mais  combien  y  a-t-il  de  parents  qui_,  même  le 
désirant,  soient  capables  de  s'imposer  à  eux-mêmes 
cette  tâche? 

Combien  y  en  a-t-il  qui,  pouvant  le  faire,  donnent 
à  une  bonne  phonation  toute  l'importance  qu'elle 
exige  et  comprennent  la  nécessité  de  cette  partie 
de  l'éducation? 

Les  uns  espèrent,  lorsque  le  défaut  d'articulation 
n'est  pas  très  sensible,  que  le  temps  fera  disparaître 
ces  irrégularités  de  parole  ;  les  autres,  lorsque  le  défaut 
réclame  des  soins  assidus  et  des  efforts  constants, 


CONSEILS  PROPHYLACTIQUES.  129 

sont  rebutés  de  la  lenteur  des  progrès  ou  de  l'impos- 
sibilité probable  d'arriver  à  les  supprimer:  ainsi,  soit 
impuissance,  soit  négligence,  soit  découragement, 
soit  excès  d'indulgence,  l'enfant  est  délaissé  et  les 
mauvaises  habitudes  vocales  triomphent. 

C'est  rendre  aux  enfants  le  pire  des  services  que  de 
fermer  ainsi  lesyeuxsur  des  imperfections  qui  doivent 
tenir  en  éveil  toute  leur  sollicitude.  Lorsque  l'âge  sera 
venu,  que  les  défauts  d'élocution  se  seront  enracinés 
dans  l'organe  vocal,  il  sera  quelquefois  trop  tard  pour 
songer  soi-même  à  les  faire  disparaître  ;  et  alors,  le 
sacrifice  réel  que  nécessiterait  cette  réformation 
sera,  pour  plus  d'une  raison,  une  difficulté  nouvelle 
à  surmonter. 


Conseils   aux  instituteurs. 

A  défaut  des  parents,  c'est  à  l'instituteur,  au  pré- 
cepteur, au  professeur  qu'incombe  le  soin  dont  nous 
parlons. 

Éducateur  de  la  jeunesse,  ils  ne  sauraient  alléguer 
que  cette  tâche  est  en  dehors  de  leurs  attributions  ; 
ils  n'ont  pas,  en  effet,  qu'à  s'occuper  du  développe- 
ment intellectuel  et  moral  de  leurs  élèves.  Tout  ce 
qui  contribue  à  mettre  en  valeur  les  bienfaits  de  l'in- 


i30  N.    K.   —  CONSEILS  ORTHOPHONIQUES. 

slruction,  appartient,  dans  une  certaine  mesure,  aux 
devoirs  de  leurs  fonctions. 

L'enseignement  de  Torthophonie  rationnelle  dans 
l'éducation  est  des  plus  importants.  Pourtant,  nos 
Écoles  communales,  nos  Etablissements  secondaires 
d'instruction,  nos  lycées,  sont  remplis  d'enfants  igno- 
rant entièrement  ou  à  peu  près  tout  ce  qui  touche  à 
cette  question. 

Pour  mieux  préciser  et  circonscrire  les  devoirs  du 
maitre,  nous  classons  en  trois  catégories  les  enten- 
dants-partants affectés  d'un  vice  de  la  parole  ou  de 
bégaiement  : 

1°  Les  entendants-parlants  dont  la  prononciation 
vicieuse  est  le  simple  résultat  d'un  manque  d'éduca- 
tion et  d'attention  [balbutiement  enfantin  dû  à  la  né- 
gligence du  père  ou  de  la  mère)  ; 

2°  Les  entendants-parlants  dont  la  paraphonie  est 
le  résultat  d'une  légère  imperfection  de  l'appareil 
phonateur  ouïe  résultat  de  mauvaises  habitudes  voca- 
les contractées  dans  l'enfance,  que  l'on  corrige  en  ob- 
servant certains  procédés  orthophoniques  [bégaie- 
ment imitatif,  bredouillement,  balbutiement  essen- 
tiel^ sifflement  dentaire ,  nasillement,  accents  du 
Nord  ou  du  Midi)  —  [négligence  des  i?istituteiirs)  ; 

3°  Les  entendants-parlants  dont  les  vices  d'arti- 
culation vocale  sont  le  résultat  d'une  affection  de  na- 


CONSEILS   PROPHYLACTIQUES.  j3l 

lure  nerveuse  et  qui  sont  modifiés  par  une  éducation 
personnelle  donnée  par  le  professeur  d'orthophonie 
[bégaiement  et  ses  multiples  variétés^  grasseyement 
sijmptomatique  et  ses  variétés^  blésité  et  ses  variétés, 
claudication  linguale^  zézaiement,  empâtement  buc- 
cal, lallation,  jotacisme,  accents  des  étrangers,  vices 
de  parole  congénitaux). 

Pour  les  élèves  appartenant  à  la  première  catégo- 
rie, la  tâche  de  l'instituteur  est  indiquée.  La  gram- 
maire, que  professeurs  et  instituteurs  enseignent, 
n'est-elle  pas  Vart  de  parler^  et  d'écrire  correcte- 
ment? Or,  par  ce  mot  «  parler  »  il  faut  entendre,  à 
coup  sûr,  non  seulement  la  construction  régulière  de 
la  phrase,  mais  encore  renonciation  réguUère  de  cette 
phrase.  En  visant  ce  but,  les  instituteurs  ne  feront 
que  se  conformer  au  programme  de  l'instruction 
qu'ils  ont  à  donner. 

Pourtant  que  d'instituteurs  pour  qui  cette  éduca- 
tion de  la  voix  est  considérée  comme  un  hors- 
d'œuvre  !  Que  d'enfants,  que  de  jeunes  gens,  même 
dans  les  écoles  universitaires,  qui,  à  quinze  ans,  à  dix- 
huit  ans,  sont  absolument  incapables,  non  pas  d'énon- 
cer une  phrase  avec  plus  ou  moins  d'élégance,  mais 
d'articuler  les  mots  avec  netteté  !  A  quoi  leur  ser- 
vent dans  la   conversation,  les  connaissances  va- 


i32  N.    K.   —  COxNSEILS  ORTHOPHONIQUES. 

riées  qu'ils  ont  acquises,  s'ils  ne  peuvent  les  faire 
valoir  oralement  par  suite  de  défauts  dans  la  pronon- 
ciation? Qui  les  écoutera,  qui  s'entretiendra  volontiers 
avec  eux,  s'ils  sont  incapables  de  parler  clairement? 

Pourquoi  donc  négliger  cette  partie  si  essentielle 
de  l'éducation  ? 

Sans  doute  la  famille^  le  milieu  où  vit  l'enfant, 
voilà  la  première  cause  du  mal;  mais  est-ce  que  pré- 
cisément l'instituteur  et  le  professeur  ne  sont  pas  là 
pour  suppléer  à  l'incapacité,  à  l'ignorance,  à  la  né- 
gligence de  certaines  familles?  N'est-ce  point  leur 
rôle  de  diriger  le  développement  intégral  des  facultés 
de  l'enfant,  «  d'élever  »  enfin,  dans  l'acception  en- 
tière du  mot? 

C'est  surtout  dans  les  classes  élémentaires  qu'il 
convient  de  veiller  plus  particulièrement  à  la  diction. 
Les  élèves  sont  d'un  âge  encore  tendre  :  leur  organe 
vocal  possède  encore  une  sorte  de  virginité  qu'il  faut 
savoir  utiliser. 

Pour  cela,  que  l'instituteur  se  trace  quelques  rè- 
gles orthophoniques  auxquelles  il  se  soumettra  avec 
soin. 

Les  meilleurs  conseils  sont  souvent  inutiles  lors- 
qu'ils ne  sont  pas  confirmés  par  l'exemple  :  que  dans 
tous  les  exercices  à  haute  voix,  il  ne  laisse  rien  passer 
qui  puisse  faire  croire  un  seul  instant  que  son  atten- 


CONSEILS  PROPHYLACTIQUES.  133 

tien  se  ralentit;  qu'il  habitue  l'écolier  à  parler  posé- 
ment^ en  prenant  toujours  le  ton  naturel. 

Qu'il  évite  avec  soin  ces  leçons  où  l'élève,  conser- 
vant toujours  le  même  registre  vocal,  semble  ne  point 
comprendre  le  sens  des  paroles  récitées.  Il  contracte 
ainsi  l'articulation  monotone  ou  criarde  connue  sous 
le  nom  de  «  ton  écolier  » . 

Beaucoup  d'enfants,  soit  dans  les  exercices  de  mé- 
moire, soit  dans  les  explications  d'auteurs,  escamo- 
tent les  syllabes,  défigurent  les  mots,  transposent 
les  consonnes,  suppriment  plusieurs  lettres  redou- 
blées^ changent  la  valeur  de  certaines  voyelles,  traî- 
nent sur  les  dernières  syllabes  des  mots,  intercalent 
des  syllabes  nouvelles,  répètent  le  même  mot  deux 
ou  trois  fois  pour  se  donner  le  temps  de  chercher  les 
mots  suivants,  débitent  une  phrase  tantôt  avec  une 
lenteur  fatigante,  tantôt  avec  une  précipitation  ridi- 
cule ;  ce  sont  là  autant  de  mauvaises  habitudes  qu'il 
faut  enrayer  dès  qu'elles  commencent  à  naître. 

Bien  plus,  que  l'instituteur  suive  la  réformation 
du  langage  jusque  dans  les  causeries  familières  avec 
ses  élèves. 

Des  exercices  particuliers  pourraient  être  consacrés 
plus  spécialement  dans  le  sens  orthophonique;  une 
leçon  d'histoire,  la  récapitulation  hebdomadaire  des 
devoirs  serviraient  heureusement  de  thème  à  ces 


134  N.   K.   —  CONSEILS  ORTHOPHONIQUES. 

exercices  et  ne  distrairaient  point  de  l'emploi  général 
du  temps. 

La  tâche  sera  longue,  pénible  parfois;  le  profes- 
seur devra  revenir  sur  les  mêmes  règles,  adresser 
fréquemment  les  mêmes  remarques  ;  mais  c'est  là  le 
propre  de  tout  enseignement. 

Pour  les  élèves  de  la  deuxième  catégorie  d'enten- 
dants-parlants ,  on  constate  que  l'instituteur,  le 
professeur  ne  font  généralement  rien  qui  puisse  ar- 
rêter le  développement  des  vices  de  parole. 

L'enfant  qui  est  affecté  d'une  paraphonie,  plus  ou 
moins  prononcée,  devient  souvent,  même  sous  les 
yeux  du  maître,  un  jouet  pour  ses  camarades,  cepen- 
dant il  a  droit  à  toute  sa  sollicitude. 

Sur  ce  point  que  convient-il  de  faire? 

L'instituteur  doit  acquérir  la  connaissance  in- 
dispensable des  éléments  de  la  physiologie  de  la 
voix. 

Cette  étude  physiologique  facilite  rintelligence  du 
mouvement  orthophonique  des  sons  articulés. 

Par  l'examen  attentif  de  notre  alphabet  et  par  l'étude 
de  son  mécanisme  analytique,  le  professeur  abordera 
avec  espoir  de  succès  le  redressement  vocal  de  plu- 
sieurs défauts  de  prononciation,  de  ceux  surtout  qui 
ressemblent  au  balbutiement  enfantin  et  qui ,  non 


CONSEILS  PROPHYLACTIQUES.  135 

neutralisés  à  propos,  se  transforment  bientôt  en 
vices  d'articulation  plus  compliqués. 

Lorsqu'il  aura  incité  l'élève  à  l'examen  du  vice  de 
parole  dont  il  est  aflTecté  et  qu'il  lui  aura  fait  faire  les 
exercices  prophylactiques  nécessaires,  si  le  résultat 
n'est  pas  immédiatement  appréciable,  qu'importe? 
—  Un  travail  lent  se  fait  chez  l'enfant,  son  atten- 
tion est  éveillée  et  peu  à  peu  les  progrès  deviendront 
de  plus  en  plus  sensibles. 

Pour  les  élèves  du  second  classement,  l'essentiel 
est  de  leur  bien  déterminer  au  triple  point  de  vue 
labial,  lingual  et  guttural,  la  nature  des  efforts  pho- 
nateurs auxquels  ils  doivent  se  livrer,  de  les  encou- 
rager dans  les  soins  qu'ils  prennent  pour  entrer  dans 
cette  nouvelle  étude;  de  les  reprendre  avec  bienveil- 
lance chaque  fois  que  l'occasion  s'en  présentera,  en 
classe  ou  dans  les  récréations. 

Quand  l'enfant  voit  qu'on  cherche  non  pas  à  le 
tourner  en  dérision,  mais  à  le  conseiller  en  vue  de 
son  intérêt,  il  ne  s'y  trompe  pas,  et,  sensible  à  la  sol- 
licitude dont  il  se  sent  l'objet,  il  cherche  bien  vite  à 
s'en  rendre  digne. 

Il  est  toutefois  des  affections  idiopathiques  et 
symptomatiques  de  la  parole  qui  ne  peuvent  être  com- 
battues que  par  un  réel  professeur  d'orthophonie. 


136  N.    K.  —  CONSEILS  ORTHOPHONIQUES. 

Les  élèves  qui  appartiennent  à  cette  dernière  ca- 
tégorie malheureusement  très  nombreuse,  ont  be- 
soin, plus  que  tous  les  autres,  de  toute  Tindulgence 
de  leurs  maîtres. 

Plus  un  enfant  se  trouve  isolé  de  ses  camarades 
par  les  difficultés  orales  qu'il  éprouve  à  communi- 
quer avec  eux,  par  la  honte  et  le  dépit  qu'il  ressent 
à  cette  occasion,  plus  on  doit  chercher  à  diminuer  cet 
isolement. 

Tant  que  l'enfant  paraîtra  pouvoir  profiter  des 
conseils  et  des  indications  qui  lui  seront  donnés,  le 
maître  se  fera  une  obligation  de  l'aider  à  combattre 
les  tendances  mauvaises  de  son  articulation  ;  son  but 
sera  plutôt  d'empêcher  une  aggravation  fâcheuse  dans 
son  état. 

Pour  cela,  prenant  l'enfant  à  part,  il  s'efforcera 
de  l'habituer  à  se  dominer  phonétiquement  au  moyen 
du  Rijthme,  moyen  qui  a  pour  effet  de  diminuer  l'in- 
tensité des  mouvements  choréiques  ou  tétaniques  des 
organes  externes  de  l'appareil  vocal.  Voilà  à  peu 
près  tout  ce  que  l'on  peut,  dans  ce  dernier  cas,  exi- 
ger du  maître. 

Les  instituteurs,  les  professeurs,  les  parents  com- 
prendront, nous  osons  l'espérer,  toute  l'importance 
qu'ils  doivent  attacher  à  la  bonne  diction  des  enfants 


CONSEILS   PROPHYLACTIQUES.  137 

et  au  redressement  vocal  des  irrégularités  de  l'ar- 
ticulation phonétique,  redressement  vocal  dont  ils 
peuvent  eux-mêmes  dans  certains  cas  tenter  heureu- 
sement l'essai.  Leurs  généreux  efforts  ne  resteront 
pas  toujours  infructueux. 


Nous  croyons  utile  de  donner  ici,  d'après  la  défini- 
tion de  M.  Martin  Etcheverry,  le  sens  précis  des 
mots  :  méthode  et  procédé. 

La  méthode.  —  Pour  qu'un  travail  produise  des 
résultats  sérieux,  ces  résultats  doivent  être  prévus. 

Pour  qu'ils  soient  prévus,  il  faut  :  T  que  chacune 
des  opérations  qui  concourent  à  la  production  de  ces 
résultats,  prépare  l'opération  qui  la  suit  immédiate- 
ment ;  2°  que  ces  opérations  soient  la  mise  en  œuvre 
de  combinaisons  déduites  de  principes  fixes  ;  3°  que 
des  règles  précises  développent  ces  combinaisons. 

Une  méthode  est  donc  la  disposition  de  matières 
et  de  pensées  propres  à  enseigner  un  art,  une  science, 


138  N.   K.   —  CONSEILS  ORTHOPHONIQUES. 

dans  l'ordre  le  plus  conforme  à  la  raison  et  le  plus 
capable  d'en  faciliter  l'étude. 

Les  procédés.  —  Les  procédés  ne  sont  pas  la  mé- 
thode elle-même. 

C'est  de  la  méthode  que  les  procédés  tirent  leur 
origine  ;  ils  en  proviennent,  ils  procèdent  d'elle. 

Mais  si  la  méthode  n'existe  pas,  si  des  principes  ne 
sont  pas  établis  pour  l'enseignement  d'un  art,  d'une 
science  ;  si  des  combinaisons  de  mise  en  œuvre  ne 
sont  pas  formulées,  si  des  développements  de  ces  com- 
binaisons ne  tracent  pas  le  chemin  dans  lequel  l'é- 
lève doit  marcher,  soit  sous  la  conduite  d'un  maître, 
soit  sous  l'action  des  seuls  conseils  de  la  doctrine, 
affirmée  par  la  raison  et  démontrée  par  l'expérience, 
il  s'ensuit  que  la  voie  n'est  pas  éclairée  et  que  les 
résultats  du  travail  sont  à  la  merci  des  inspirations 
individuelles.  — 11  n'y  a  pas  de  méthode  alors,  il  n'y 
a  que  des  procédés,  c'est-à-dire  des  moyens  pratiques 
très  discutables. 


NOTE  L 


DES  PETITS  TRAITÉS  DE  LECTURE 


NOTE    L 


DES  PETITS  TRAITÉS  DE  LECTURE. 


Le  nombre  de  bons  lecteurs  est  excessivement 
restreint.  On  est  donc  obligé  de  convenir,  que,  dans 
les  petits  traités  de  lecture  à  haute  voix  livrés  à  la 
curiosité  du  public  sur  ce  sujet,  se  trouvent  des 
lacunes  importantes  qui  les  empêchent  de  rendre 
des  services  efficaces  à  l'éducation  orale  de  la  jeu- 
nesse. 

Il  nous  a  été  souvent  demandé  quelle  pouvait  être 
l'utilité  pratique  des  livres  composés  sur  cette  ma- 
tière. 

«  Nous  avons  lu  ces  livres,  nous  dit-on  générale- 
«  ment,  et  nous  n'y  avons  point  trouvé  ce   que  nous 


Ii2   N.  L.  —  DES  PETITS  TRAITÉS  DE  LECTURE. 

"  y  cherchions  :  une  marche  pédagogique.  —  Ce 
«  sont  des  anecdotes  amusantes ,  des  indications 
"  yagues  sur  ce  qu'il  y  aurait  à  faire,  des  aperçus 
«  parfois  ingénieux  touchant  quelques  points  par- 
ce ticuliers,  mais  non  une  méthode  fixe  avec  des 
«  procédés  propres  à  assurer  la  connaissance  réelle 
«  de  la  diction  et  la  prononciation  normale  des  lettres, 
«  des  syllahes,  des  mots  et  des  phrases.  »  — 

A  ces  réflexions,  nous  faisons  d'ordinaire  la  ré- 
ponse suivante  : 

«  Dans  Tart  de  la  lecture  se  trouve  une  partie 
«  essentiellement  technique  qui  est  du  domaine  de 
«l'orthophonie  élémentaire.  Cette  partie  fondamen- 
«  taie  qui  consiste  à  'pétrir  et  à  façonner  la  voix  est 
«  la  hase  même  de  la  lecture  à  haute  voix,  et  c'est 
«  elle  précisément  que  les  traités  de  lecture  omettent 
«  d'indiquer  ou  de  préciser  dans  les  généralités  peu 
«  substantielles  qui  composent  ordinairement  l'en- 
«  semble  théorique  de  leurs  chapitres.  »... 
(1) 

Malheureusement  ces  traités  sont  non  seulement 
incomplets  sur  ces  points  essentiels,  mais  certaines 
questions,  telles  que  celles  des  vices  de  la  parole  et 

(1)  Puis  nous  donnons  la  marche  à  suivre  telle  qu'elle  est  indiquée 
dans  la  note  M  :  Personnalisme  phonétique. 


DES  PETITS  TRAITÉS  DE  LECTURE.       143 

(lu  bégaiement  en  particulier,  y  sont  tranchées-  avec 
une  imprudence  regrettable. 

C'est  à  ce  propos  que  nous  avons  reçu  la  visite 
de  personnes  bégayant  ou  parlant  mal.  Dernière- 
ment, disait  l'un  d'eux,  pour  m'éclairer,  j'ai  par... 
par. ..par.. .cou. ..cou. ..couru  l'art  de  la  lecture,  ré- 
.  digé  par  M.  Legouvé  l'aimable  eau. ..eau...  l'aimable 
eau.. .eau. ..causeur.  » 

N'ayant  trouvé  dans  son  traité  aucune  méthode  ap- 
préciable, ce  bègue  était  venu  nous  voir,  mais  non 
sans  une  certaine  appréhension,  car  il  avait  remarqué 
que,  d'après  le  même  auteur,  le  bégaiement  ne  pou- 
vait être  combattu  par  voie  d enseignement. 

Cependant,  n'en  déplaise  au  spirituel  membre  de 
l'Académie  française,  nous  avons  entrepris  au  cours 
d'orthophonie  l'éducation  vocale  de  ce  bègue  et, 
après  quelques  mois  d'études,  notre  élève  se  trouvait 
en  mesure  de  bien  parler  et  de  dire  alors  couram- 
ment :   «  M.  Legouvé,  l'aimable  causeur.  » 

Un  cas  analogue  s'était  déjà  présenté  avec  un  élève 
de  l'École  normale  supérieure,  lequel  a  pu,  grâce  à 
la  méthode  d'orthophonie  du  docteur  Colombat,  pour- 
suivre avec  succès  sa  carrière  universitaire  où  il  re- 
doutait de  rencontrer  de  sérieuses  difficultés  de 
phonation  pour  la  pratique  de  sa  profession. 

Ces  souvenirs  nous  ont  rendu  quelque  peu  incré- 


144       N.  L.  —  DES  PETITS  TRAITÉS  DE  LECTURE. 

dule  à  Tendroit  des  résultats  pratiques  obtenus  par 
ceux  qui  cherchent  à  faire  leur  éducation  vocale 
ou  à  combattre  leur  vice  de  parole  au  moyen  des 
traités  de  lecture  et   de  récitation. 


NOTE  M 


DU  PERSONNALISME  PHONÉTIQUE 

DANS  LA  DÉCLAMATION  LYRIQUE  OU  DRAMATIQUE 

ET  DANS  LA  LECTURE  A  HAUTE  VOIX 


10 


NOTE    M 


DU  PERSONNALISME  PHONÉTIQUE  DANS  LA  DÉ- 
CLAMATION LYRIQUE  OU  DRAMATIQUE  ET  DANS 
LA  LECTURE  A  HAUTE  VOIX. 


Quels  sont  les  moyens  les  plus  propres  à  assurer 
chez  les  artistes  (déclamation  ou  chant)  le  libre  épa- 
nouissement de  leurs  aptitudes  vocales  et,  par  suite,  à 
permettre  aux  plus  habiles  de  donner  «  une  note  per- 
sonnelle »  qui,  en  les  élevant  au-dessus  de  la  foule, 
leur  assigne  une  place  marquée  dans  l'histoire  de 
l'art? 

Celte  question  ne  sollicite  pas  seulement  l'atten- 
tion des  artistes;  elle  intéresse,  à  un  autre  titre, 
beaucoup  de  critiques  et  de  bons  esprits  désireux 
de  voir  la  solution  de  certains  problèmes  d'esthétique 
appliquée. 

Poser  la  question  dans  ces  termes,  c'est  essayer 
d'y  répondre. 


148        N.   M.  —  DU  PERSOiNNALIS.ME  PHONÉTIQUE. 

Tout  métier  suppose  un  ouvrier,  un  instrument, 
une  matière  première. 

Il  est  logique  de  penser  que,  plus  l'instrument  sera 
arrivé  à  un  état  relatif  de  perfectionnement,  plus 
l'ouvrier,  lorsqu'il  saura  s'en  servir,  sera  en  mesure 
de  donner  des  produits  approchant  de  la  perfec- 
tion. 11  est  évident  en  outre  que,  plus  la  matière  pre- 
mière sur  laquelle  s'exerce  l'ouvrier  est  douée  de  ses 
qualités  essentielles,  plus  l'œuvre  produite  offrira  les 
garanties  de  pureté,  de  goût,  de  solidité. 

Transportons  ici  ce  mode  de  raisonnement:  dans 
l'art  de  la  déclamation  lyrique  ou  dramatique,  quel 
est  l'ouvrier?  l'artiste;  —  l'instrument?  l'appareil 
vocal;  —  la  matière  première?  la  voix.  —  Or,  avant 
la  véritable  période  de  l'enseignement  de  la  décla- 
mation ou  du  chant,  n'est-il  pas  évident  que  l'élève- 
artiste  doit  étudier  et  connaître  les  rouages  multiples 
de  son  appareil  vocal?  n'est-il  pas  évident  qu'il  doit 
faire  de  sa  voix  une  matière  première  essentiellement 
riche  de  toutes  les  qualités  exigées  pour  produire  une 
bonne  phonation  et  une  bonne  modulation? 

L'enseignement  technique  de  l'orthophonie  (théorie 
et  pratique)  forme  dans  son  exposé  comme  dans 
l'ensemble  sériel  de  ses  leçons  la  préparation  natu- 
relle à  l'exercice  du  grand  art.  Bien  compris  et  bien 
appliqué  par  les  élèves-artistes,  il   devient  pour  les 


DU   PERSONNALISME  PHONÉTIQUE.  149 

professeurs  spéciaux  un  puissant  auxiliaire  dès  qu'il 
s'agit  de  mettre  en  pratique  leurs  règles  et  leurs 
conseils  (I). 

L'utilité,  la  nécessité  des  études  orthophoniques, 
au  point  de  vue  technique  et  préparatoire,  n'est  pas 
également  comprise  par  tous. 

Pour  mieux  en  saisir  la  valeur,  voyons  comment  on 
procède  généralement. 

Parmi  les  professeurs  de  déclamation,  par  exemple, 
les  uns  s'en  tiennent  exclusivement  aux  résultats 
obtenus  par  des  artistes  antérieurs  et  d'après  ces 
souvenirs  enseignent  la  déclamation  au  moyen 
d'un  système  particulier  de  signes  graphiques  ou 
d'annotations  uniformes  indiquant  le  degré  de 
flexions  à  faire  dans  l'art  dramatique,  la  lecture,  le 
débit  oratoire. 


(1)  Nous  ne  craignons  pas  de  dire  que  l'orthophonie  techni- 
que est,  notamment  dans  le  chant,  un  auxiliaire  indispensable. 
Par  elle,  le  chanteur  peut,  tout  en  développant  sa  voix,  assurer, 
entre  les  centres  cérébraux  d'audition,  de  volonté  et  d'articulation, 
cette  concordance  qui  est  nécessaire  pour  l'émission  correcte  du 
son  modulé,  la  pose  normale  de  la  voix  et  l'articulation  grammati- 
cale des  mots  de  la  langue  nationale.  L'appareil  articulateùr  et 
vocalisateur  se  prête  d'autant  mieux  aux  leçons  du  professeur  de 
chant  que  l'élève  a  reçu  plus  longtemps  l'éducation  orthopho- 
nique préparatoire,  qu'il  a  étudié  plus  à  fond  le  mécanisme  rationnel 
des  lettres,  qu'il  possède  mieux  enfin  la  connaissance,  la  produc- 
tion, la  valeur  et  la  pose  physiologique  du  son  vocal. 


iûO        N.    M.  —  DU   PERSONNALISME  PHONÉTIQUE. 

Que  peut  produire  un  tel  mode  d'enseignement? 
peu  de  chose 

Il  existe,  pour  la  musique,  entre  chaque  note,  un 
intervalle  précis,  mathématiquement  déterminé  qui 
peut  se  chiffrer  sur  le  papier  et  se  traduire  à  l'aide 
de  n'importe  quel  instrument  de  musique  ;  mais  il 
n'en  est  pas  de  même  dans  les  flexions  et  les  into- 
nations qui  accompagnent  la  diction;  —  ici,  les  in- 
tervalles précis  et  déterminables  n'existent  pas  ;  dans 
la  même  phrase,  souvent  dans  le  même  mot,  les  in- 
tonations se  succèdent  par  gradation  lente  et  liées 
entre  elles  par  d'imperceptibles  nuances  d'une  flexi- 
bilité telle  qu'elles  varient  selon  la  volonté,  la  voix, 
le  timbre,  la  passion  individuelle  de  celui  qui  parle; 
—  il  est  donc  impossible  de  transmettre  utilement, 
par  le  moyen  de  sigiies  des  intonations,  le  secret  des 
véritables  flexions  de  la  parole  dans  l'art  de  la  diction 
au  théâtre,  à  la  tribune,  dans  les  salons. 

D'autres  professeurs  et  cest  le  plus  grand  nombre 
trouvent  plus  naturel  de  ne  s'adresser  qu'à  la  mémoire 
auriculaire  de  l'élève  en  lui  répétant  le  répertoire 
d'un  acteur  ou  de  donner  leur  propre  débit  comme  le 
modèle  exclusif  auquel  il  doit  conformer  sa  diction, 
son  rythme  phonique  et  son  style  esthétique.  Ils  lisent, 
déclamentou  chantent  telle  phrase;  ils  séduisent  leurs 
auditeurs;  puis,,  de  temps  en  temps,  ils  font  répéter  ce 


DU   PERSONNALISME  PHONÉTIQUE.  loi 

même  passage  par  un,  par  deux  élèves,  les  obligeant 
à  rendre  les  mêmes  intonations,  les  mêmes  nuances 
phonétiques  dans  les  mêmes  mots,  les  reprenant, 
quand  ils  y  manquent,  bref  se  bornent  à  exiger  la 
réédition  exacte  et  conforme  de  leur  phonation  per- 
sonnelle. 

Cette  méthode  est-elle  au  point  de  vue  artistique 
supérieure  à  l'autre?  et  est-elle  de  nature  à  provoquer 
l'essor  de  nouveaux  talents? 

Nous  ne  le  pensons  pas  également. 

Nous  affirmons  au  contraire  qu'elle  aurait  pour 
résultat,  si  elle  était  continuée,  de  faire  déchoir  l'art 
de  degré  en  degré  jusqu'au  plus  parfait  imniobi- 
bilisme. 

Elle  semble,  en  effet,  assimiler  l'élève-artiste  à  un 
véritable  automate. 

Certes  nous  sommes  loin  de  contester  la  valeur 
scénique  de  ceux  qui  consacrent  la  maturité  de  leur 
talent  à  former  des  élèves  qui  soient  auprès  des  géné- 
rations futures  comme  l'écho  subsistant  de  leurs  pré- 
décesseurs. Mais  nous  blâmons  ce  mode  didactique, 
nous  le  trouvons  incomplet,  et  contraire  à  l'initia- 
tive esthétique. 

Comment  donc  faudrait-il  procéder?  Quant  à 
nous,  voici  pour  cette  matière  la  marche  pédago- 
gique à  suivre. 


i52        N.   M.   —  DU   PERSONNALISME   PHONÉTIQUE. 

Pour  rendre  scientifiquement  par  la  voix  les  mul- 
tiples effets  des  passions  les  plus  diverses,  il  faut 
étudier  la  voix  de  l'homme  sous  cinq  rapports , 
savoir  : 

Son  générateur, 

—  articulé, 

—  lyrique, 

—  dramatique, 

—  esthétique. 

Cette  classification  indique  l'ordre  et  la  progression 
ascendante  des  sons  à  étudier  pour  entrer  en  pleine 
possession  du  grand  art  vocal. 

Quand,  d'abord  on  veut  rendre  normalement  le 
son  générateur  et  le  son  articulé,  il  faut,  d'une 
part: 

L'habitude  des  gymnastiques  phoniques  et  phoné- 
tiques comprenant  tour  à  tour  et  tout  à  la  fois  les 
gymnastiques  buccale,  labiale,  linguale^  gutturale, 
glottale,  laryngienne  et  pectorale. 

Cette  première  instruction  se  fait  en  suivant  les 
manœuvres  physiologiques  indiquées  dans  la  méthode 
d'orthophonie  technique. 

Elle  produit  : 

1°  La  science  de  Y  alimentation  aérophonique 
(inspiration  et  expiration); 

2"  La  sûreté  de  l'appareil  vocal  au  point  de  vue 


DU   PERSOiNNALISME  PHONÉTIQUE.  153 

glottal  et  articulatoire  (émission  du  son  et  production 
normale  des  lettres)  ; 

3°  La  précision  mathématique  des  sons  de  la 
langue  nationale  (syntaxe  syllabique  des  mots  et 
phrases). 

Quand,  ensuite,  on  veut  rendre  normalement  le 
son  lyrique  et  le  son  dramatique  il  faut,  d'autre  part, 
outre  les  enseignements  spéciaux  : 

1°  L'étude  du  son  esthétique  (couleur  et  chaleur 
des  sons); 

2°  L'étude  psychologique  des  mouvements  pas- 
sionnels et,  selon  les  caractères  des  personnages 
et  le  tempérament  du  diseur,  leur  concordance  avec 
les  nuances  et  les  commas  du  son  esthétique  ; 

3°  Enfin,  l'analyse  httéraire  des  morceaux  à  lire, 
à  dire  ou  à  chanter  avec  l'étude  des  repos  épipho- 
niques  qui  mettent  en  valeur  tel  mot,  telle  phrase,  tel 
membre  de  phrase  (interprétation  orale  et  spéciale  du 
génie  littéraire  des  écrivains). 

On  le  voit,  l'étude  du  son  générateur  et  l'étude  du 
son  articulé  fort  l'objet  des  gymnastiques  phonique 
ou  sons  glottaux,  phonétique  ou  sons  articulateurs, 
orthophonique  primaire  ou  sons  liés  entre  eux  méca- 
niquement par  la  tension  vocale. 

L'étude  du  son  lyrique  est  l'objet  de  méthodes 
sui  generis  et  regarde  les  professeurs  de  chant  ;  — 


154        N.   M.   —  DU   PERSONNALISME  PHONÉTIQUE. 

L'étude  du  son  dramatique  est  également  l'objet 
de  méthodes  sui  generis  et  regarde  les  professeurs 
de  déclamation. 

Toutefois  ces  deux  études  du  son  lyrique  et  du  son 
dramatique  sont  d'autant  plus  complètes  que  l'élève 
a  mieux  étudié  le  jeu  des  sons  générateurs  et  le  mé- 
canisme des  sons  articulés . 

Comme  complément  et  comme  couronnement  de 
l'éducation  lyrique  ou  dramatique  doit  avoir  lieu 
l'étude  du  son  esthétique  qui  forme  seule  les  indivi- 
dualités scéniques  et  procure  à  l'art  théâtral  de  réels 
artistes. 

Qu'est-ce  à  proprement  parler  que  le  son  esthé- 
tique ? 

Le  son  esthétique  est  cette  combinaison  des  in- 
tonations et  des  flexions  du  son^  les  plus  propres  à 
faire  passer  dans  l'esprit  de  l'auditeur  l'impression 
sentimentale,  passionnelle,  contenue  dans  tel  mot, 
telle  phrase, telle  série  de  paroles  ;  en  deux  mots,  c'est 
la  couleur  et  la  chaleur  du  son. 

Cette  connaissance  du  son  esthétique  nécessite  une 
étude  attentive  des  moyens  personnels  qui  permettent 
de  rendre  exactement  les  nombreuses  nuances  carac- 
térisant les  sentiments  les  plus  opposés  comme  aussi 
les  sentiments  rapprochés  ou  mélangés. 

L'étude  intrinsèque  du  son  esthétique  se  poursuit, 


DU   PERSONNALISME   PHONÉTIQUE.  to3 

se  complète  et  s'achève  par  la  comparaison  des  sons 
naturels  pathologiques,  par  les  manœuvres  mêmes 
de  ces  sons,  l'observation  psychique  des  passions  et 
des  sentiments,  l'analyse  des  morceaux  que  l'on 
doit  lire,  déclamer,  dire  ou  chanter,  enfin  et  à  ce 
moment  seulement  de  l'éducation  artistique,  j^ar  le 
souvenir  et  l'appréciation  bien  entendue  des  inter- 
prétations ducs  aux  modèles  de  l'art. 

Pour  cette  dernière  étude  voici  quel  doit  être  son 
mode  de  développement. 

Faire  étudier  in  se,  les  diverses  flexions,  intona- 
tions, modulations  conformes  aux  mouvements  des 
diverses  passions  avec  un  certain  nombre  d'exemples 
à  l'appui;  et  avant  même  de  donner  les  flexions  ou  les 
intonations  de  tel  morceau,  étudier  avec  l'élève  les 
pensées^  le  sens  exact  du  morceau  que  l'on  doit  dire; 

—  en  analyser  attentivement  les  principales  idées, 

—  s'assimiler  l'intention  de  l'auteur;  —  s'en  entre- 
tenir avec  l'élève;  —  lui  demander  comment  il 
entend  tel  passage  et  le  lui  faire  interpréter  avant 
tout  d'après  ses  propres  conceptions. 

De  tels  exercices  non  seulement  développent 
chez  l'élève  l'esprit  d'attention  esthétique  et  d'ana- 
lyse vocale,  mais  surtout  lui  font  sentir  et  bien 
constater  l'analogie  exacte  ou  la  différence  qui  existe 
entre  les  pensées  de  l'auteur  et  sa  bonne  ou  mau- 


156        K.   M.   —  DU   PERSONNALISME  PHONÉTIQUE, 

vaise  diction.  —  Dès  lors,  la  déclamation  dramatique 
ou  l'articulation  esthétique  du  chant  de  l'artiste, 
au  lieu  de  reposer  seulement  sur  des  réminiscences 
auriculaires,  reposent  sur  des  réminiscences  psycho- 
logiques attentivement  analysées  et  sur  ce  que  nous 
appelons  les  analogies  psycho-pho7iétiques. 

La  tâche  principale  du  professeur  consiste  donc  à 
faire  chez  l'élève-arliste  Véducation  de  Vesprit, 
après  avoir  fait  \ éducation  technique  de  la  voix  qui 
prépare  et  achève  \ éducation  esthétique  de  r oreille  ; 
et  cela  sans  fatigue  pour  l'artiste,  car  il  approprie 
alors  rapidement  à  son  tempérament  la  corrélation 
qui  existe  entre  les  sentiments,  les  passions  et  les 
sons  suprêmes  qui  leur  conviennent  (1). 

Cette  éducation  tricycle  marchcmt  i^tarallèlement 
avec  r  orthophonie  spéciale  crée  comme  conséquence 
le  personnalisme  phonétique. 

De   même    que    différents    peintres    traitant   un 

(1)  Ace  sujet,  nous  pouvons  regretter  qu'aujourd'hui  on  ne  trouve 
plus,  même  chez  nos  meilleurs  acteurs,  le  souci  de  l'interprétation 
délicate  des  chefs-d'œuvre  de  la  tragédie. 

Pour  vouloir  trop  dramatiser,  on  a  négligé  l'art  de  bien  dire,  des 
repos  intentionnels,  des  silences.  Il  semble  que  l'on  ait  hâte  d'a- 
chever ses  tirades  ;  les  finesses  du  style,  qu'on  faisait  trop  sentir  jadis, 
ne  se  laissent  plus  assez  voir  maintenant  ;  on  oublie  volontiers  que  la 
tragédie  française  est  surtout  un  plaisir  de  dilettantisme  littéraire 
et  que  négliger  l'interprétation  élevée  de  cette  langue  admirable  et 
pure  comme  un  marbre  antique,  c'est  supprimer,  par  cela  môme, 
tout  l'intérêt  du  théâtre  classijque  qui  réside  eâseutiellement  dans 
sa  langue. 


DU   PERSONNALISME   PHONÉTIQUE.  Vol 

même  sujet,  lui  donneront  chacun,  tout  en  se  con- 
formant à  leur  modèle,  une  note  personnelle,  une 
tonalité  à  part  qui  est  la  marque  spécifique  de  leur 
talent  et  de  leur  façon  de  voir  ;  de  même  chaque 
artiste  dramatique  ou  lyrique  peut  interpréter  un 
morceau  d'une  manière  exactement  expressive  et 
conforme  à  l'intention  de  l'auteur,  en  lui  donnant 
toutefois  un  cachet  individuel  variant  selon  sa  nature 
morale  et  son  tempérament  physique. 

Il  est  évident  que  si  l'on  retrouve  toujours  dans 
un  débutant  l'écho  et  la  copie  servile  d'un  artiste 
connu,  le  public  pourra  peut-être  lui  savoir  quel- 
que gré  d'avoir  profité  si  habilement  de  l'instruction 
donnée,  maisbientôtil  selassera  de  cette  servilité  (1). 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  citer  sur  ce 
point  ce  que  disait  le  célèbre  Garrick. 

«  L'acteur  qui  ne  sent  rien,  voulant  emprunter  la 

(1)  Il  nous  souvient,  à  ce  propos,  d'avoir  vu  un  jour  se  produire, 
sur  une  de  nos  scènes  de  genre,  cette  spirituelle  critique  de  l'ensei- 
gnement donné  dans  certaines  classes  de  déclamation,  enseigne- 
ment exclusivement  traditionaliste ,  contre  lequel  nous  nous 
élevons  :  —  Quatre  jeunes  filles  vêtues  identiquement  de  la  même 
façon  apparurent  sur  la  scène;  elles  débitaient  simultanément, 
chacune  de  leur  côté  et  sans  paraître  soupçonner  la  présence  de 
leur  voisine,  le  même  morceau,  très  émouvant,  d'une  de  nos  tra- 
gédies classiques  ;  c'étaient  exactement  les  mêmes  expressions  de 
physionomie,  les  mêmes  gestes,  les  mêmes  intonations,  les  mêmes 
pauses,  les  mêmes  attitudes.  Le  public  n'y  put  tenir  et  un  immense 
éclat  de  rire  accueillit  cette  fantaisie  de  l'auteur,  qui  avait  voulu 
ridiculiser  ainsi  renseignement  mécanique  des  choses  de  l'art. 


158         N.    M.   —  DU   PERSONNALISME  PHONÉTIQUE. 

«  sensibilité  d'un  autre,  tâche  en  vain  de  l'imiter  ;  il 
«  se  tourmente,  il  s'épuise,  il  étouffe  le  comédien; 
«  pour  donner  de  la  vie  au  personnage,  il  contrefait 
«  l'action,  la  voix,  le  débit  et  le  geste;  il  croit  déro- 
«  ber  le  feu  céleste,  il  n'en  est  que  le  froid  parodiste. . . 
«  au  lieu  qu'un  seul  trait  passionné,  rendu  d'après 
«  nature,  nous  enlève,  nous  met  à  la  place  du  poète, 
«  de  l'acteur  et  du  personnage  ;  l'art  méprisable 
«  d'imiter  au  théâtre ,  n'est  pour  l'acteur  que  le 
<(  malheureux  talent  de  copier  une  copie.  Celle-ci  a 
«  pu  être  parfaite,  si  la  nature  a  pu  être  son  premier 
«  modèle  ;  l'autre,  toujours  incertaine  et  obscure, 
«  n'offre  que  des  traits  affaiblis  ou  défigurés  qui ,  même 
«  en  approchant  le  plus  de  ce  second  original,  ren- 
«  dent  encore  l'affectation  plus  sensible.  » 

Rappelons  d'ailleurs  que  la  véritable  imitation,  ce 
qu'on  appelle  l'imitation  des  grands  modèles,  ne  con- 
siste pas  à  copier  humblement  les  intonations  de  leur 
voix,  leurs  attitudes,  la  forme  caractéristique  de  leurs 
gestes  et  à  s'approprier  sans  contrôle  tout  ce  qui  est 
en  eux  pour  avoir  la  vanité  de  leur  ressembler  ;  mais 
qu'elle  consiste  à  étudier  leurs  résultats  dramatiques 
pour  s'en  inspirer,  à  saisir  en  eux  ce  qui  est  bien,  ce 
qui  est  beau  pour  l'adapter  à  ses  propres  moyens  ; 
c'est  dans  ce  sens-là  seulement  que  l'élève-artiste 
doit  rechercher  et  accepter  l'imitation. 


DU  PERSONNALISME  PHONÉTIQUE.        1j9 

De  cette  façon,  l'artiste  habitué  à  prendre  conseil  de 
ses  études  personnelles  trouvera  la  mesure  exacte  et, 
en  quelque  sorte,  adéquate  des  intonations  ortho- 
phoniques :  par  là,  il  évitera  les  intonations  qui 
n'expriment  rien  et  qui  sont  le  résultat  de  l'ignorance 
et  de  l'insensibilité  dramatique  ;  celles  qui  exprimeiit 
à  faux  et  qui  sont  inspirées  par  le  mauvais  goût 
ou  un  manque  d'instruction  ;  celles  qui  expriment 
trop  et  qui  sont  le  fruit  d'une  sensibilité  trop  vive, 
de  l'envie  immodérée  de  flatter  le  public,  d'une 
imagination  trop  ardente,  ou  d'un  amour-propre 
ridicule  et  déréglé;  enfin,  celles  qui  expriment  dys- 
phoniquement  et  qui  proviennent  de  quelque  vice  de 
parole. 

Terminons  en  rappelant,  malgré  l'avis  de  plusieurs, 
que  les  connaissances  grammaticales,  littéraires  et 
psychologiques,  sont  indispensables  pour  développer 
l'intelligence  des  acteurs  et  les  amener  à  ce  qu'on 
nomme  le  grand  art.  Elles  seules  prédisposent  les 
artistes  à  la  justesse  et  à  la  vérité  des  intonations 
psycho-phonétiques  qui  donnent  à  la  maturité  de  leur 
talent,  un  caractère  personnel  et  sincèrement  ori- 
ginal. 

Sans  doute  ces  connaissances  ne  sauraient  donner 
du  talent  à  ceux  qui  en  sont  dépourvus  ;  mais  qui- 
conque est  doué  d'aptitudes  vocales  dramatiques  ou 


^60        N.   M.   —   DU    PERSONNALISME  PHONÉTIQUE. 

lyriques  est  assuré,  grâce  à  elles,  de  conquérir  le 
suffrage  des  délicats  et  d'être  véritablement  goûté 
du  public. 


APPENDICE  DE  LA  XOTE  M 


ou  RYTHME  EUPHOMQU:^  DANS  LA  VOIX  CHANTÉE 


il 


APPENDICE 


Un  des  exercices  esthétiques  qui  doivent  le  mieux 
favoriser  l'évolution  externe  de  la  voix  chantée  est  le 
travail  que  nous  désignons  sous  la  formule  générale 
de  :  Etîide  du  rythme  euphonique. 

Toutes  les  langues,  et  la  langue  française  comme  les 
autres,  sont  soumises  à  certaines  lois  phonétiques 
qui  classent  les  syllabes  d'un  mot  en  syllabes  fortes 
et  en  syllabes  faibles. 

Dans  les  mots  simples,  la  syllabe  forte  est  la  syllabe 
racine  qui  donne  au  mot  sa  valeur  générique  de 
sens  ;  les  syllabes  faibles  sont  celles  qui  entrent  dans 
la  contexture  du  mot  pour  indiquer  sa  fonction  dans 
le  discours  avec  l'indication  des  diverses  nuances  de 
temps,  de  mode,  de  personne,  de  genre,  de  nom- 
bre, etc.,  selon  la  nature  même  du  mot. 


104  APPENDICE   DE  LA  NOTE  M. 

Dans  le  mot  composé,  plusieurs  syllabes  fortes 
peuvent  se  trouver  réunies,  indiquant  ainsi  la  multi- 
ple origine  du  mot  ;  dans  les  mots  simples,  plusieurs 
syllabes  faibles  peuvent  se  rencontrer  et  de  fait  se 
rencontrent  fréquemment  selon  les  diverses  idées  qui 
se  trouvent  en  quelque  sorte  agglutinées  autour  de  l.i 
même  racine  pour  indiquer  le  rôle  du  mot  comme  aussi 
les  diverses  nuances  de  sens. 

Ce  premier  classement  est  dû  surtout  à  l'origine 
phonétique;  les  connaissances  philologiques  permet- 
tent de  le  déterminer  d'une  façon  certaine  ;  mais  il 
existe  un  second  classement  dîi  simplement  à  la  dif- 
férence phonique  de  la  vo^ielle  d'appui. 

Sont  considérés  comme  sons  pleins  et  forts  toutes 
les  voyelles  ayant  dans  leur  centre  d'émission  un  des 
sons  voyelles  a,  e,  i,  o,  u,  ou,  au,  in,  un,  on,  etc. 
Sont  considérés  comme  so?is  faibles  ei  ferme's,  toutes 
les  syllabes  où  le  son  de  Ve  muet  domine. 

Lorsque  le  mot  se  termine  par  un  son  plein  on  dit 
qu'il  a  une  terminaison  masculi?ie  ;  quand  il  est 
terminé  par  le  son  de  Ve  muet,  on  dit  qu'il  a  une  termi- 
naison féminine. 

De  là,  au  point  de  vue  de  la  prosodie  française,  la 
grande  division  en  rimes  mascuhnes  et  rimes  fe'mi- 
nijies;  tous  les  mots  dont  la  dernière  syllabe  accuse 
la  présence  de  l'e  muet,  quelle  que   soit  d'ailleurs 


DU  RYTHME  EUPHONIQUE  DANS  LA  VOIX  CHANTEE.  l(3o 

Vorthographe  de  cette  syllabe,  sont  des  rimes  fémini- 
nes :  mère;,  fdle,  iiie,  aiment,  etc.,  etc.  Les  antres 
apparlie::ncnt  aux  rimes  masculines. 

Or,  dans  la  musique,  cette  distinction  se  trouve 
également  entre  les  sons  pleins  on  forts  et  les  sons 
faibles  ;  ils  sont  déterminés  par  la  mesure  du  morceau. 
Cette  série  de  sons  forts  et  de  sons  faibles  rpii  est 
précisément  la  caractéristique  d'une  mélodie  doit, 
autant  que  possible,  être  en  harmonie,  quand  il  y  a 
des  paroles,  avec  les  syllabes  fortes  et  faibles  du 
mot;  il  importe  donc  qu'il  y  ait  euphoniquement  rela- 
tion et  jonction  exacte  du  rythme  musical  non  seule- 
ment avec  le  sens  grammatical  de  la  phrase,  mais 
encore  avec  la  valeur  phonétique  de  chaque  syllabe. 
C'est  au  compositeur  de  musique  à  se  conl'ormer  à 
cette  règle. 

Ceci  dit,  pour  développer  chez  l'artiste  qui  se  con- 
sacre à  rétude  du  chant  la  connaissance  du  rythme 
euphonique,  on  comprendra  qu'il  est  nécessaire  pour 
lui  de  se  livrer  à  des  exercices  spéciaux  sur  cette 
{)artie  de  l'interprétation  musicale  par  la  voix 
chantée. 

On  devra  par  conséquent,  pour  l'habituer  à  saisir 
nettement  cette  union  de  la  musique  et  des  paroles 
dans  les  sons  forts  et  les  sons  faibles,  faire  un  choix 
particulier  de  morceaux  où  cette  règle  a  été  soigneu- 


166  APPENDICE  DE  LA  NOTE  M.  . 

sèment  observée    et   offre  ces  caractères   d'accord 
musical,  grammatical  et  verbal. 

Cette  étude  spéciale  de  VEuphonie  est  indispen- 
sable pour  obtenir  des  élèves-artistes  lyriques  une 
modulation  complète  et  vraiment  harmonique  de  leur 
art;  elle  fait  partie  de  l'enseignement  préparatoire  de 
l'orthophonie  esthétique. 


NOTE  N 


DE    LA  SOCIABILITÉ    DES   SOURDS-MUETS 

(dédiée   aux   professeurs   d'orthophonie) 


NOTE  N 


DE   LA   SOCIABILITÉ  DES   SOURDS-MUETS. 


DEDIEE    AUX   PROFESSEURS   D  0RTH0P1I0^'IE 


Dans  un  premier  travail  que  nous  avons  publié 
en  1872  et  eu  1874,  sur  l'enseignement  de  l'arlieula- 
tion  à  donner  aux  élèves  sourds-muets,  comme  com- 
plément désirable  de  leur  éducation^  nous  avons 
avancé  qu'il  y  aurait  utilité  pour  ceux  d'entre  eux  qui 
s'adonneraient  à  la  pratique  de  l'articulation  d'être 
mis  en  contact  avec  les  élèves  d'un  cours  d'ortho- 
phonie, c'est  à-dire  avec  des  entendants-parlants. 

Nous  croyons  devoir  revenir  aujourd'hui  sur  cette 
idée  et  faire  ressortir  ici,  en  rééditant  avec  de  cer- 
taines modifications  (1),  les  raisons  qui  autorisent  ce 
rapprochement  entre  deux  groupes  de  jeunes  gens 
si  diversement  privés  du  libre  usage  de  la  parole. 

(1)  L'opuscule  :  De  la  sociabilité  des  sourds-muets,  a  paru  chez 
Asselin,  éditeur. 


170      N.   N.   —   DE   LA   SOCIABILITE   DES  SOURDS-MUETS. 

Développer  les  moyens  de  communication  entre 
les  sourds-muets  et  les  entendants -parlants,  tel  est 
le  véritable  but  à  envisager  dans  l'enseignement  de 
Tarticulation.  Ce  but,  on  peut  l'atteindre  tout  à  la  fois 
par  la  lecture,  improprement  nommée  lecture  sur  les 
lèvres  (1)  et  par  Tarticulation,  qui  sont  les  deux 
parties  constituantes  de  l'enseignement  de  l'articu- 
lation. 

Pour  ne  pas  rester  une  étude  stérile  et  sans  utilité 
ultérieure,  la  phonographo7nétne  doit  êlre,  dans  la 
pratique,  soumise  autant  que  possible  à  des  essais 
multiples  comme  à  des  épreuves  successives  qui 
n'existent  pas  si  les  sourds-muets  restent  toujours  iso- 
lément en  présence  de  leur  seul  professeur. 

Nous  avons  classé  en  trois  catégories  les  enfants 
sourds-muets. 

Dans  la  première  catégorie,  sont  réunis  tous  les 
sourds-muets  Aphones.  Ces  sourds-muets  laissent, 
il  est  vrai,  de  temps  en  temps,  échapper  des  sons- 
cris,  mais  puisqu'ils  ne  sont  point  susceptibles  de 
profiter,  même  à  un  faible  degré,  de  l'enseignement 
de  l'articulation,  ils  doivent  être  considérés  comme 
absolument  privés  de  la  parole  et,  par  conséquent, 
désignés  sous  ce  nom. 
Dans  la  seconde  et  dans  la  troisième  catégorie, 

(1)  Voir  note  B,  page  25. 


N.   N.   —  DE   LA.  SOCIABILITÉ   DES  SOURDS-MUETS.     171 

sont  classés  les  sourds-muels  Tictophones  et  Am?iis- 
tophones  qui  émettent  des  sons-valeurs  et  dont  la 
surdi-mutité  congéniale  ou  accidentelle  remonte  aux 
premières  années  de  la  vie,  et  chez  qui  la  perte  de 
l'ouïe  n'a  pas  entraîné  la  perte  complète  de  la  faculté 
d'articuler  les  lettres,  les  syllabes  et  les  mots. 

Ces  deux  classes  comprennent  également  un  nom- 
bre assez  considérable  de  sujets,  pour  qui  les  facultés 
intellectuelles  sont  inégalement  réparties.  Les  plus 
intelligents  seulement  trouveront  un  profit  appré- 
ciable dans  l'étude  de  l'articulation  ;  c'est  à  ces  élèves, 
progressivement  préparés^  que  nous  croyons  utile 
de  donner  comme  moniteurs  les  élèves  d'un  cours 
d'orthophonie. 

Ce  commerce,  tout  à  la  fois  social  et  en  quelque 
sorte  pédagogique,  profitera  doublement  à  cette  élite 
de  sourds  demi-muets. 

En  effet,  les  applications  méthodiques  des  principes 
de  redressement  vocal  exigent,  de  la  part  de  ceux  qui 
s'y  livrent,  une  précision  mécanique  dont  la  vue  seule 
exercera  sur  les  élèves  sourds-muets  la  plus  salutaire 
influence.  Ces  derniers  apprécieront  par  les  yeux  la 
nécessité,  la  portée  de  nos  laborieux  exercices,  et, 
poussés  par  le  désir  secret  d'imiter  les  mouvements 
qu'ils  verront  faire,  contracteront,  presque  à  leur 
insu,  l'habitude  de  ces  mouvements. 


\~2      N.    N.   —   DE   LA  SOCIABILITE   DES   SOURDS-.MUETS. 

Un  exemple  pris  dans  nn  autre  ordre  d'idées 
pourra  mieux  faire  comprendre  révidence  de  notre 
théorème. 

Essayez  de  faire  manœuvrer  militairement  un 
jeune  homme  nouvellehient  appelé  sous  les  drapeaux  ; 
—  s'il  est  seul,  vous  rencontrerez  les  plus  grandes 
difficultés;  —  mettez-le  au  milieu  de  ses  camarades, 
il  prendra  instinctivement  le  pas  et  l'allure  militai- 
res ;  il  suhira  par  la  vue  l'intluence  du  milieu  et  sera 
emporté  dans  le  mouvement  général,  comme  électrisé 
par  une  force  magnétique.  Cette  influence  n'est  point 
ignorée  des  officiers  instructeurs  ;  dès  que  les  jeunes 
soldats  ont  été  initiés  aux  premiers  éléments  del'é- 
ducation  militaire  et  qu'ils  ont  une  idée  suffisante 
des  manœuvres,  ils  sont  répartis  çà  et  là  parmi  de 
vieux  sdldats,  leurs  aînés^,  au  miheu  desquels  ils  ont 
bien  ^ite  acquis  l'exactitude,  la  précision,  la  ponctua- 
lité qui  leur  manquaient. 

Il  en  est  de  même  dans  bon  nombre  d'autres  cas  ; 
tout  ce  qui  est  mouvement  se  communique  rapide- 
ment aux  êtres  organisés  ;  que  nous  ayons  conscience 
du  rythme  par  l'oreille  ou  par  le  regard,  peu  importe  ; 
notre  esprit  cède  à  la  secousse  qui  lui  est  donnée  et 
s'identifie  subjectivement  aux  mouvements  extérieurs 
qu'il  perçoit.  Ce  rythme,  visible  et  facile  à  constater 
quand  il  se  produit  dans  les  bras  ou  dans  les  jambes, 


N.   N.   —   Dh;   LA  SOCIABILITÉ   DES   SOURDS-MUETS.     173 

n'est  pas  moins  sensible  quand  il  se  manifeste  dans 
d'autres  organes  ;  et  lorsque  l'intérêt  personnel  se 
trouvera  en  cause,  il  excitera  lui-même  à  l'imitation. 

Cette  sympathie  de  mouvements,  cette  concor- 
dance de  l'esprit  avec  le  milieu  qui  l'entoure  sem- 
blant inhérente  à  notre  nature  ,  doit  évidemment 
se  retrouver  à  un  degré  digne  d'attention  chez  les 
enfants  sourds-muets.  —  Il  nous  parait  hors  de  doute 
que,  mis  en  présence,  non 'plus  seulement  du  pro- 
fesseur, mais  d'un  certain  nombre  de  personnes  ins- 
truites phonétiquement,  les  sourds-muets  n'éprouvent 
un  intérêt  particulier  et  ne  sentent  décupler  en  eux 
tout  à  la  fois  le  désir  de  la  parole  articulée  et  l'assi- 
duité nécessaire  pour  arriver  à  la  posséder. 

Malgaigne  écrivait  :  «  Prenez  des  sourds  demi- 
muets^  mettez-les  avec  des  sourds-muets  près  de  qui 
ils  ne  voient  que  des  signes  et  vous  en  ferez  de  par- 
faits sourds-muets.  «  Nous  dirons,  nous,  avec  non 
moins  de  vérité,  en  retournant  la  proposition  du  cé- 
lèbre professeur  :  Mettez  des  sourds,  demi-muets, 
avec  des  parlants  près  de  qui  ils  verront  arliculer, 
et  vous  en  ferez  à  la  longue  des  sourds-parlants  tou- 
jours compréhensibles. 

Mais,  objectera-t-on,  le  professeur  ne  suffit-il  pas 
pour  opérer,  lui,  cette  transformation  souhaitée,  et 
le  cours  d'articulation  n'est-il  pas  précisément  créé 


m     N.   N.   —  DE   LA  SOCIABILITÉ  DES  SOURDS-MUETS. 

en  vue  de  l'obtenir?  —  Sans  cloute,  le  but  du  cours 
d'articulation  est  précisément  d'obtenir,  chez  certains 
sourds-muets^  le  fonctionnement  possible  des  divers 
organes  de  l'appareil  vocal  ;  et  les  gymnastiques  de 
phonation  dont  nous  avons  parlé  (1)  sont  des  exer- 
cices préparatoires  d'une  excellence  et  d'une  efficacité 
indiscutables;  mais  est-ce  que  la  valeur  de  la  mé- 
thode d'enseignement  sera  en  quoi  que  ce  soit  amoin- 
drie parce  que  le  professeur,  jugeant  que  tel  exercice 
nouveau,  telle  classe  commune  doit  être  utile,  vou- 
dra tirer  parti  de  cette  force  nouvelle?  Certes,  non  ; 
c'est  au  contraire  un  devoir  impérieux  pour  lui  de 
préparer,  de  hâter  la  solution  de  son  enseignement 
par  tous  les  moyens  pratiques  dont  il  peut  disposer. 
Un  spécialiste,  en  effet,  l'a  dit  avec  raison  :  le  tra- 
vail du  professeur  d'articulation  enseignée  aux  sourds- 
muets  est  un  travail  de  manœuvre.  —  Il  exige  une 
dépense  considérable  de  forces  physiques  et,  quelles 
que  soient  d'ailleurs  les  aptitudes  du  professeur,  il  est 
souvent  obligé,  par  suite  de  la  lassitude  qu'entraîne 
cet  enseignement,  de  modérer  ses  eflorts.  Au  cours 
d'orthophonie,  l'enseignement  de  l'articulation  trou- 
vera des  moniteurs-auxihaires  instruits  spécialement 


{{]  Méthode  rationnelle  d'articulation  ù  l'usage  des  J7istitutions  de 
Sourds-muets  (École  française}.  Méthode  présentée  h  l'Académie  de 
médtcine.  —  Asselin,  libraire-éditeur. 


N.    iN.   —  DE  LA   SOCIABILIIE   DES  SOURDS-MUETS.       175 

parmi  les  élèves  du  cours  qui  successivement,  après  le 
maître,  articuleront,  automatiquement  et  phonogra- 
p}iométriqueme7it,\QS  syllabes  et  les  mots  en  présence 
des  sourds  demi-muets  et,  par  suite,  favoriseront 
normalement  le  développement  des  facultés  vocales 
soit  des  tictophones  soit  des  amnistophones. 

Qu'on  les  mette  avec  des  parlants,  sans  vice  de  pa- 
role, volontiers,  ajoutera-t-on;  mais  vous  voulez 
mettre  les  sourds-muets  en  relation  avec  des  person- 
nes affectées  d'une  infirmité  vocale  et  vous  préten- 
dez que  ceux-ci  seront  des  modèles  suffisants  pour 
ceux-là?  Ne  suffit-il  pas  d'élever  une  telle  objection 
pour  détruire  votre  thèse? 

On  peut  accepter  cette  objection  ,  tout  d'abord 
quelque  peu  spécieuse.  Il  semble  en  effet  assez  bi- 
zarre qu'on  songe  à  donner,  comme  moniteurs,  des 
élèves  qui  viennent  à  un  cours  d'orlbophonie  pour  se 
débarrasser  ou  bien  du  bégaiement,  ou  bien  d'un 
vice  de  la  parole. 

EIi  bien!  cependant,  oui,  nous  prétendons,  nous 
affirmons  que  ces  élèves  seront  des  moniteurs  suf- 
fisants et  excellents. 

Et  voici  pourquoi  : 

La  méthode  de  redressement  vocal  repose  essentiel- 
lement sur  des  principes  d'articulations  rythmées  ; 


ITG      N.   N.   —  DE  LA  SOCIABILITÉ   DES  SOURDS-MUETS. 

elle  nécessite  une  série  d'efforts  proportionnés,  mé- 
thodiques, permettant  au  sujet  de  rentrer  graduelle- 
ment en  pleine  possession  des  organes  de  l'appareil 
phonateur. 

Les  bègues  qui -se  soumettent  à  l'enseignement 
orthophonique  sont  donc  obligés  pendant  le  début  de 
leurs  études  de  s'observer  en  parlant^  de  s'étudier  à 
prononcer  avec  «emboîtement»,  de  forcer,  d'exagé- 
rer  même  la  ^wononciadon,  démontrer  enfin  d'une 
manière  ostensible  et  très  facile  à  constater  les  efforts 
spéciaux  faits  pour  activer  le  jeu  du  mécanisme  de  la 
prononciation  et  de  l'émission  du  son,  dans  chacun 
de  leurs  plus  minutieux  détails. 

C'est  précisément  cette  obligation  d'articuler  les 
lettres,  les  syllabes,  les  mots,  les  phrases  d'une  ma- 
nière scrupuleusement  dessiîiée  et  sous  la  condition 
d'efforts  mécaniques  visibles,  qui  sera  avantageuse 
aux  sourds  demi-muets  (1). 

L'entendant-parlant  qui  n'a  aucun  vice  de  parole 
n'est  pas  habitué  à  analyser,  à  décomposer  les  sons, 
à  observer  les  conditions  nécessaires  à  leur  produc- 
tion normale;  il  parle  par  habitude  et,  à  le  voir 
parler,  on  ne  peut  tout  d'abord  se  rendre  un  compte 
exact  et  raisonné  du  jeu  des  organes  vocaux.  Pour 

(1)  Ce  travail  sera  égilemeat  très  précieux  pour  l'élève  bègue  car 
il  l'habituera  de  plus  en  plus  à  Veffurt  vocal. 


N.    N.   —  DE   LA  SOCIABILITE   DES  SOURDS-MUETS.      177 

nous  qui  avons  l'ouïe,  l'oreille  supplée  à  l'insuffisance 
de  l'attention  oculaire,  mais  pour  le  sourd-muet  il 
faut  que  l'organe  de  la  vue,  qui  joue  le  rôle  d'unique 
observateur  de  la  façou  d'émeltre  le  son,  trouve  une 
satisfaction  complète. 

Le  tableau  d'une  personne  parlant  forcément  avec 
lenteur,  obligée  de  s'étudier,  de  s'écouter,  de  se  con- 
trôler, de  faire  volontairement  et  dans  son  intérêt  des 
efforts  méthodiques,  réfléchis,  donnera  cette  satisfac- 
tion au  sourd- muet. 

Cette  mutualité,  déjà  utile  pour  l'articulation  es- 
sentielle, est  indispensable  pour  développer  chez  eux 
V habitude  de  la  lecture  plionorjraphoinétrique . 

Les  sourds-muets,  mis  à  même  d'articuler,  dans 
une  mesure  suffisante,  les  mots  de  la  langue  natio- 
nale, suppléent  à  la  surdité  ou  demi-surdité  congé- 
niale  ou  accidentelle  de  leur  organe  auditif,  en  com- 
plétant par  la  vue  les  paroles  de  leur  interlocu- 
teur dont  la  totalité  ou  une  notable  partie  échappe 
à  leur  oreille.  Cette  faculté  est  le  merveilleux 
résultat  de  l'intuition  qui  chez  les  sourds-muets 
se  concentre  presque  tout  entière  dans  le  regard. 
Le  professeur  dirigera  cette  aptitude  si  précieuse, 
si  féconde  en  résultats  pratiques  pour  les  sourds- 
muets,  il  la  guidera,  la  développera  d'une  manière 

normale   et    méthodique  ;   mais  peut-il  et   doit-il  le 

12 


178      N.   N.   —   DE   LA   SOCIABILITÉ   DES  SOURDS-MUETS. 

faire   seul?  Nous  n'hésitons  pas  à  répondre  :  Dans 
Tinlérêt  des  sourds-muets,  non. 

Pour  que  la  phonographométrie  soit  une  étude 
sérieusement  utile,  pour  que  cette  éducation  complé- 
mentaire soit  donnée  d'une  manière  fructueuse,  il  im- 
porte qu'elle  soit  faite  avec  le  concours  d'entendants- 
parlants  :  ici  ce  n'est  plus  la  fatigue  du  professeur  qu'il 
faut  envisager  :  d'autres  considérations  entrent  en  jeu. 

Par  cela  même  que  la  lecture  spéciale  a  pour 
but  d'habituer  les  sourds-muets  à  traduire  par  la 
vue  les  paroles  qu'ils  n'entendent  point  prononcer, 
il  est  de  toute  évidence  que,  pour  arriver  à  traduire 
ainsi  le  langage  des  différentes  personnes  avec  les- 
quelles ils  seront  plus  tard  appelés  à  vivre,  ils  doi- 
vent, sous  la  direction  de  leur  professeur,  être  mis 
en  contact  avec  le  plus  grand  nombre  possible  d'en- 
tendants-parlants. 

La  lecture  sur  les  lèvres,  la  langue,  la  gorge  et 
le  jeu  du  carlillnge  tyréoïde  du  professeur  sera,  pour  les 
sourds-muets,  le  premier  exercice  sans  conteste  ;  mais 
est-ce  que,  au  bout  d'un  certain  temps,  alors  qu'ils  se  se- 
ront familiarisés  avec  la  manière  même  du  professeur, 
il  n'en  résultera  pas  pour  eux  une  seule  habitude  exclu- 
sive de  lecture  sur  les  mêmes  organes?  Et  qui  peut 
affirmer  que  par  suite  de  cette  routine  ils  auront  la 
même  faciUté  pour  lire  sur  les  organes  vocaux  d'au- 


N.   N.   —  DE   LA  SOCIABILITE   DES  SOURDS-MUETS.      179 

1res  personnes?  Où  seront  le  contrôle  et  la  certi- 
tude de  l'habileté  qu'on  prétend  développer  en 
eux  ? 

Les  exemples  sont  là,  dit-on,  qui  prouvent  cette 
habileté  chez  un  certain  nombre  de  sourds-muets  ; 
on  les  a  mis  en  présence  de  leurs  professeurs  ;  le 
professeur  a  parlé  et  aussitôt  les  élèves  ont  reproduit 
les  paroles  du  maître,  paroles  qu'ils  avaient  lues, 
pensait-on,  phonographométriquement. 

Est-il   nécessaire  de  discuter  la  vanité  d'une  pa- 
reille démonstration  ?  N'y   a-t-il   pas  grande  appa- 
rence que  le  plus  souvent  les  questions  posées  aux 
élèves,  se  reproduisant  toujours  dans  le  même  ordre, 
sont,  en  quelque  sorte,  connues  à  l'avance,  et  que, 
pour  les  reproduire  et  pour  y  répondre,  l'élève   a 
besoin    de  faire  appel   non  à  son  habileté  dans  la 
lecture  spéciale,  mais  simplement  à  sa  mémoire  de 
quelques  jeux   physiognomoniques    de  la  bouche  ? 
C'est,  en  effet,  là,  d'autres  le  savent  bien,  ce  qui  s'est 
produit  maintes  fois,  et  c'est  ainsi  que  peut-être  on 
a  pu  surprendre  la  religion  d'hommes  considérables 
cherchant  à  se  rendre  compte  des  résultats  pratiques 
que  pouvait  produire  cette  branche  de   l'enseigne- 
ment.  On  prétendait  avoir  exercé  les  élèves   à  la 
phonographométrie,   parce  qu'on  leur   avait  donné 
une  mimique  labiale  de  convention  remplaçant  celle 


180      N.   N.   —   DE   LA   SOCIABILITÉ  DES  SOURDS-MUETS. 

des  gestes,  et  parce  que,  à  l'aide  de  cette  mimique, 
l'élève  se  remémorait  certaines  petites  phrases  con- 
nues, phrases  qu'il  ne  pouvait  se  remémorer  qu'en 
voyant  le  jeu  labial  et  physionomique  de  son  maître. 
—  Mais,  en  admettant  même  que  le  sourd-muet  ne 
connut  point  à  l'avance  les  questions  qui  lui  sont 
posées,  ne  demeure-t-il  pas  moins  vrai  que  l'ensei- 
gnement, que  la  direction  du  professeur  doit  s'exercer 
sur  des  paroles  prononcées  par  des  tiers,  se  renou- 
velant et  se  succédant  fréquemment^  de  façon  à  fami- 
liariser les  sourds-muets  avec  le  roulement  phono- 
graphométrique  des  diverses  articulations  de  la 
langue  nationale  ? 

Mis  tour  à  tour  en  présence  de  personnes  différen- 
tes, leur  œil  saisira  mieux,  par  la  suite,  le  caractère 
général  de  l'articulation  naturelle. 

Nous  n'hésitons  donc  pas  à  l'affirmer  :  dès  que  les 
sourds-muets  ont  été  mis  à  même  d'articuler,  dès 
que  leur  sens  particulier  de  la  lecture  spéciale  a 
été  éduqué  chez  eux  méthodiquement,  la  sollicitude 
de  leur  maitre  doit  tout  entière  être  dirigée  sur  ce 
point  :  les  mettre,  tandis  qu'ils  sont  encore  sur  les 
bancs  de  l'école,  le  plus  souvent  possible  en  commu- 
nication avec  les  parlants. 

C'est  là,  d'aillieurs,  le  vrai  côté  pratique  des  mé- 
thodes expérimentales. 


N.   N.  —  DE   LA  SOCIABILITÉ   DES  SOUllDS-MUETS.      181 

De  même  que  dans  renseignement  de  la  phy- 
sique et  de  la  chimie,  la  réelle  marche  pédagogique 
est  de  mettre  les  élèves  aux  prises  avec  les  expérien- 
ces dont  ils  sont  témoins,  et  de  les  habituer  ainsi 
par  le  maniement  des  instruments  et  les  applications 
matérielles  à  bien  comprendre  les  principes  des  théo- 
ries qui  leur  sont  enseignées. 


Cependant,  dira-t-on,  certaines  Écoles  françaises 
et  les  Écoles  allemandes  en  général  n'ob tiennent- 
elles  pas,  au  point  de  vue  de  l'articulation,  des  ré- 
sultats probants  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  mettre 
les  élèves  en  communication  avec  les  parlants? 

A  cela  nous  répondrons  : 

1°  Que  ces  institutions  n'admettent  et  ne  maintien- 
nent dans  leurs  classes  de  sourds-muets  que  des 
enfants  ayant  déjà  parlé  ou  pouvant  parler  ; 

2°  Que  l'allemand  se  prononçant  presque  toujours 
comme  il  s'écrit,  cela  facilite  singulièrement  l'ensei- 
gnement de  l'articulation  en  Allemagne  ; 

3°  Que,  d'ailleurs,  les  résultats  mis  en  avant  par 
quelques  individualités,  par  les  Écoles  étrangères  ou 
par  des  congrès  fantaisistes,  c'est-à-dire  n'ayant  au- 


182     N.   N.  —  DE  LA  SOCIABILITE  DES  SOURDS-MUETS. 

cun  mandat  pour  se  constituer  et  par  contre  pour 
décréter,  ont  besoin  d'être  sérieusement  contrôlés 
quant  à  l'état  originel  des  individus  spécimens  pré- 
sentés comme  ayant  appris  à  articuler  au  moyen  de 
telle  ou  telle  méthode  ; 

4°  Enfin  que,  ces  résultats  fussent-ils  aussi  satis- 
faisants que  possible,  cela  ne  prouve  nullement  que 
l'introduction  des  sourds-muets  au  milieu  des  par- 
lants, pour  s'y  fortifier  dans  la  phonographométrie, 
doive  être  rejetée,  du  moment  que  cette  adjonction 
parait  devoir  accélérer  l'efficacité  de  l'enseigne- 
ment, 

La  maison  de  l'abbé  de  TÉpée  et  la  plupart  des 
institutions  départementales  de  France  ne  recrutent 
pas  leurs  élèves,  comme  en  Allemagne,  avec  des  pré- 
cautions aussi  étroites  et  aussi  exclusives  ;  leur  solli- 
citude paternelle  et  éclairée  embrasse  toutes  les  caté- 
gories de  sourds-muets,  et  il  n'est  pas  de  surdi-mutite^ 
si  absolue  qu'elle  pidsse  être,  qui  ne  soit  assurée  de 
rencontrer  dans  les  établissements  de  notre  pays  un 
dévouement  philanthropique.  Voilà,  en  partie,  pour- 
quoi les  méthodes  ne  sont  pas  les  mêmes  en  France  et 
en  Allemagne  ;  et  voilà  pourquoi  certainement  la  mé- 
thode française  s'adressant  le  plus  souvent  à  de  véri- 
tables sourds-muets,  l'enseignement  de  l'articulation 


X.   N.   —   DE  LA  SOCIABILITÉ  DES  SOURDS-MUETS.      183 

ne  peut  être  donné  que  plus  tard  et  seulement 
comme  complément  désirable  de  leur  éducation. 

Les  élèves  ticlophones  que  des  aptiludes  certaines 
auront  fait  désigner  pour  un  cours  d'articulation  pour- 
ront, en  attendant  que  leur  instruction  première  soit 
terminée  et  qu'ils  aient  une  intelligence  suffisante  de 
la  langue  nationale,  être  réunis  dans  un  cours  prépa- 
ratoire^ où  ils  seront  exercés  sur  les  éléments  de  la 
méthode  spéciale,  avant  de  faire  partie  définitive- 
ment du  cours  d'orthophonie. 

Ce  cours  préparatoire,  qui  aurait  pour  but  de  les 
familiariser  avec  les  mouvements  préalables  des 
organes  de  l'appareil  vocal,  avec  l'élaboration  pour 
ainsi  dire  du  son,  serait  la  classe  primaire,  où  les 
élèves  s'étudieraient  non  à  hurler.,  mais  l\  solfier  (1) 
en  quelque  sorte  les  sons  qu'ils  devront  plus  tard 
transformer  en  syllabes  et  en  mots.  Il  aurait  pour 
principal  résultat  de  ne  pas  laisser  endormis,  chez  ces 


(1)  A  ce  sujet  nous  dirons  un  mot  des  cours  où  l'on  fait  crier  les 
enfants  sous  Xa  prétexte  de  développer  leur  voix.  —  Au  lieu  d'assouplir 
normalement  les  organes  vocaux  par  une  série  de  tons  dont  la  va- 
leur est  classée  et  par  conséquent  prévue,  on  croit  favoriser  l'étudo 
de  la  phonation  en  sui-excitant  outre  mesure  l'appareil  de  la  voix. 
—  Les  cris  poussés  ainsi  donnent  un  ensemble  de  phonomachie  qui 
aisse  aux  élèves  une  voix  fausse  dont  ils  ne  pourront  presque  ja- 
mais, par  la  suite,  se  débarrasser.  —  Loin  donc  de  donner  à  la  voix 
de  la  facilité  et  de  la  clarté,  comme  plusieurs  le  prétendent,  il  n'y 
a  h  attendre  d'une  telle  élaboration  vocale  que  de  la  confusion  pour 


)8i      X.   N.   —  DE   LA  SOCIABILITE    DES  SOURDS-MUETS. 

enfants,  les  organes  qui  concourent  à  rarliculation  ; 
et  ce  n'est  qu'après  avoir  passé  par  le  cours  prépa- 
ratoire que  les  élèves  véritablement  doués  seraient 
autorisés  à  continuer  l'étude  de  rarliculation. 

Est-ce  à  dire  que,  par  voie  de  conséquence,  on 
veiiille  inférer  de  tout  ceci  qu'il  faille  nécessairement, 
h  côté  des  diverses  institutions  de  sourds-muets, 
créer  des  cours  publics  d'orthoplionie?  Telle  n'est 
pas  notre  pensée. 

Il  était  intéressant,  du  moins,  de  signaler  à  l'at- 
tention des  professeurs  d'orthophonie  qui  s'occupent 
de  \ articulation  spéciale  à  enseigner  aux  sourds- 
muets  ce  que  nous  considérons  comme  une  améliora- 
tion désirable  à  introduire  dans  l'éducation  vocale 
de  ces  derniers. 

les  aninistopliones,  et,  pour  les  tictopliones,  de  graves  difficultés 
à  surmonter  dans  l'enseignement  ultérieur  de  la  parole. 


DEUXIÈME    PARTIE 


SYNTHESE  DE  LA  MÉTHODE 

D'ORTHOPHONIE 

DU  D'  COLOMBAT,  DE  L'ISÈRE 


NOTE   0 


SYNTHÈSE    ORTHOPHONIQUE 


NOTE   0 


SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 


L'éducation  des  organes  de  la  parole  se  rattache 
essentiellement  à  l'art  de  penser,  à  la  logique,  à 
*outes  les  sciences  enfin  qui  ont  pour  objet  de  régler 
l'exercice  de  nos  facultés  intellecluelles. 


Description  de  l'appareil  vocal. 


L'appareil  vocal  est  l'ensemble  des  organes  qui 
forment  et  qui  modifient  la  voix,  dans  les  cris,  la  pa- 
role et  le  chant. 

Pa  rmi  les  organes  qui  concourent  à  la  production 
des  sons  vocaux,  on  doit  ranger  les  suivants  :  1°  les 
poumons  qui  sont  les  réservoirs  de  l'air  ;  2°  les  mus- 
cles de  la  respiration,  les  parois  de  la  poitrine  et  le 
diaphragme  qui  agissent  comme  un  soufflet  ;  3°  la 


190  N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

trachée-artère  et  les  bronches  qui  constituent  un 
porte-vent  cylindroïde,  flexible,  dilatable,  bifurqué 
inférieurement  pour  communiquer  avec  les  deux  pou- 
mons, et  composé  d'une  vingtaine  de  cerceaux  car- 
tilagineux, incomplets  en  arrière,  placés  au-dessus 
les  uns  des  autres,  mais  complétés  postérieurement 
et  unis  à  leurs  bords  supérieurs  et  inférieurs  par  une 
membrane  fdjreuse  ;  4°  le  larynx  proprement  dit,  qui 
est  une  sorte  d'embouchure  élastique  et  mobile  ;  5°  la 
glotte,  fente  oblongue  ;  6°  le  pharynx  ou  arrière-bou- 
che, le  voile  du  palais,  qui  agissent  surtout  dans  les 
cris  et  les  sons  aigus,  les  piliers  de  cet  organe,  la 
luette  qui  en  est  un  appendice  ou  prolongement  de 
son  bord  libre  ;  les  amygdales  ;  l'épiglolte,  espèce  de 
soupape,  la  voûte  palatine,  les  fosses  nasales,  les 
sinus  maxillaires,  la  langue,  les  lèvres,  les  joues, 
les  arcades  dentaires,  enfin  l'ouverture  antérieure 
de  la  bouche  et  des  narines,  qui  représentent  le 
tuyau,  la  caisse,  les  touches,  les  clefs  et  le  pavillon 
de  l'instrument  vocal,  contribuent  plus  ou  moins  à  la 
production,  à  l'intensité  et  aux  diverses  modifications 
de  la  voix. 

Avant  de  parler  du  mécanisme  des  sons  vocaux, 
on  aurait  peut-être  dû,  pour  être  plus  complet,  donner 
une  description  détaillée  de  toutes  les  parties  consti- 
tuant l'appareil  de  la  phonation  ;  mais  cet  ouvrage 


N.  0.   —  SYiNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  191 

étant  par  sa  nature  autant  destiné  aux  médecins^  aux 
professeurs  d'orthophonie  qu'aux  gens  du  monde, 
nous  nous  bornons  à  rappeler  ici  ce  qu'il  y  a  de  plus 
important  à  connaître  sur  la  forme,  la  structure,  les 
variétés  de  conformation,  et  l'anatomie  du  larynx 
et  de  la  langue^  qui  jouent  le  principal  rôle  dans  le 
chant  et  la  parole. 

Du  larynx. 


Le  larynx,  principal  organe  de  la  voix,  est  une 
espèce  de  boîte  cartilagineuse,  qui,  considérée  dans 
son  ensemble,  a  la  forme  générale  d'un  conoïde  creux 
et  renversé,  dont  la  base,  tournée  en  haut  vers  la 
langue,  forme  un  triangle  évasé  qui  s'ouvre  dans  le 
pharynx  ou  arrière-bouche^  et  dont  le  sommet,  uni 
inférieurement  à  la  trachée-artère,  continue  avec  ce 
canal  par  une  ouverture  arrondie.  L'orifice  supérieur 
du  larynx  présente  un  espace  ovalaire  circonscrit 
en  avant  par  l'épiglotte,  en  arrière  par  les  aryté- 
noïdes,  et  sur  les  côtés  par  les  replis  de  la  membrane 
muqueuse.  Cette  ouverture  supérieure  du  larynx, 
que  l'on  a  confondue  souvent  avec  la  glotte  qui  est 
au-dessous,  parce  qu'on  est  porté  à  croire  que  Tépi- 
glotle  couvre  immédiatement  la  glotte,  cette  ouver- 


192  iN.   0.   —   SYN'IIIÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

ture,  reste  constamment  ouverte  et  comme  passive 
par  rapport  à  la  formation  de  la  voix  et  de  la  respi- 
ration. L'orifice  intérieur  du  larynx  est  large  et  cir- 
culaire, tandis  que.  le  supérieur,  qui  est  plus  étroit, 
représente  un  triangle  à  base  antérieure. 

Les  parois  de  cet  organe  sont  essentiellement  for- 
mées par  la  réunion  de  cinq  principaux  cartilages, 
qui  sont  :  le  thyréoïde^  les  deux  aryténoïdes^  le  cri- 
coïde  et  Vépiglotte  qui  est  un  fibro-cartilage. 

Le  cartilage  tliyréoïde,  qui  est  le  plus  grand  carti- 
lage du  larynx,  forme  la  paroi  antérieure  de  cet  or- 
gane et  la  saillie  plus  ou  moins  considérable  appelée 
vulgairement  pomme  d'Adam.  Ce  cartilage,  qui  donne 
insertion  à  des  muscles  et  à  des  ligaments,  est  d'au- 
tant plus  mobile  que  les  sujets  sont  moins  avancés  en 
âge. 

Les  deux  cartilages  aryténoïdes,  situés  à  la  partie 
postérieure  et  supérieure  du  larynx,  s'articulent  par 
leurs  bases  avec  le  bord  supérieur  de  la' partie  posté- 
rieure de  Fanneau  cricoïdien. 

Le  cartilage  cricoïde,  de  forme  circulaire,  comme 
son  nom  l'indique,  mais  plus  large  en  arrière  qu'en 
avant,  est  situé  à  la  partie  inférieure  du  larynx  et  se 
trouve  uni  par  ses  bords  supérieurs,  au  moyen  d'une 
membrane,  aux  bords  inférieurs  des  trois  autres  car- 
tilages cités   plus   haut;   inférieurement,  il  corres- 


N.  0.   —  SYNTHESE   ORTHOPHONIQUE.  193 

pond  au  premier  cerceau  de  la  trachée-artère  dont  il 
est  une  cuntinualion. 

II  reste  encore  quatre  cartilages,  qui  sont  les  deux 
cornicidés,  et  les  cunéiformes. 

Les  premiers  consistent  dans  deux  tubercules  car- 
tilagineux unis  immédiatement  au  sommet  des  carti- 
lages arylénoïdes  pur  une  membrane  qui  les  rend  très 
mobiles.  Nous  dirons  aussi  que  ces  cartilages  sont  de 
forme  triangulaire,  et  que  leur  face  inférieure  qui  est 
concave  correspond  au  sommet  convexe  de  l'aryté- 
noïde.  Les  seconds  ou  cunéiformes  sont  logés  dans 
l'expansion  membraneuse  qui  unit  les  cartilages  aiy- 
ténoïdes  avec  l'épiglolte;  cette  dernière  est  placée  à 
l'ouverture  supérieure  du  larynx  et  se  trouve  fixée  au 
bord  supérieur  du  cartilage  thyréoïde,  un  peu  au-des- 
sous de  la  base  de  la  langue  ;  ce  fibro-carlilage  prin- 
cipal a  pour  usage  de  s'opposer  au  passage  des  sub- 
stances alimentaires  dans  les  voies  aériennes. 

On  voit  donc  que  les  cartilages  aryténoïdes  sont, 
par  leur  situation  à  la  partie  postérieure  et  supérieure 
du  larynx,  opposés  au  thyréoïde,  qui  forme  la  partie  an- 
térieure et  supérieure  de  cet  organe.  Les  connexions 
que  ces  trois  cartilages  entretiennent  entre  eux  sont  de 
la  plus  haute  importance  pour  la  formation  du  son  vocal. 
En  effet,  deux  ligaments  formés  de  fibres  élastiques  et 
parallèles  renfermés  dans  un  repli  de  la  membrane  mu- 

13 


194  N.  0.   —  SYNTHESE   ORTHOPHONIQUE. 

queuse  prennent  en  arrière  leur  insertion  à  une 
saillie  antérieure  que  1  on  remarque  à  la  base  des 
arytéuoïdes,  et  viennent  se  fixer  en  avant  au  milieu  de 
l'angle  rentrant  qui  exisle  au  cartilage  thyréoïde.  Ces 
ligaments,  appelés  par  Colombat  lèvres  du  larynx, 
ont  reçu  le  nom  de  cordes  vocales,  et  sont  nommés 
aujourd'hui  ligaments  inférieurs  de  la  glotte,  ou  thyréo- 
aryténoïdiens.  L'intervalle  qui  les  sépare  forme  la 
glotte  (1),  fente  oblongue  qui,  dans  son  diamètre 
antéro-postérieur,  olfre  chez  l'homme  adulte  de  23  à 
2o  millimètres  et  chez  la  femme  un  peu  moins.  Le  dia- 
mètre transversal  de  la  glotte  est  très  variable  ;  dans 
son  point  le  plus  large,  qui  est  en  arrière,  il  ne  présente 


(1)  Cette  expression  de  glotte  est  assez  impropre.  Si  l'on  s'en  rap- 
porte au  sens  étymologique  le  mot  glotte  viendrait  de  yAtocreja, 
langue,  qu'on  écrivait  Y)wTTa  dans  le  dialecte  attique,  ou  de  y/tôTxi;, 
petite  langue  (y/.wTTi;  voulait  dire  aus^i  luette);  évidemment  il  n'y 
a  rien  dans  le  larynx  qui  ressemble  à  une  langue  ou  à  une  petite 
langue.  Il  est  probable  que  l'expression  de  glotte  n'a  été  donnée  îi 
la  partie  rétrécie  du  larynx  que  parce  que  le  nom  d'é/Aglotte  avait 
été  donné  d'abord  à  l'oijercule  cartilagineux  qu'on  supposait  s'ap- 
pliquer au  moment  de  la  déglutition  sur  ce  qui  est  appelé  aujour- 
d'hui la  glotte  ;  or  on  sait  aujourd'hui  que  l'épiglotte  ne  se  renverse 
pas  sur  la  glotte,  mais  sur  rorifi('e  supérieur  du  larynx. 

Quant  au  nom  d'épiglotte,  son  nom  vient  très  ceriainement  de  ce 
que  ce  fibro-cartilage  a  été  d'abord  aper.;u  par  la  bouche  ouverte  ; 
l'épigiotte,  en  effet,  apparaît  au-dessus  de  la  base  de  la  langue,  et 
sa  face  antérieure  est  légèrement  inclinée  sur  elle. 

D'après  les  deux  étymologies  du  mot  glotte,  on  peut  donc  dire 
ou  écrire  lettres  ylottales  de  y/.iùTTa,  ou  lettres  glottiques  de 
y).ioTTt;. 


iN.    0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  195 

que  5  ou  7  millimètres  ;  en  avant,  il  est  beaucoup 
moins  considérable,  puisque  les  cordes  vocales  se 
rapprochent  au  point  de  se  toucher  à  l'endroit  de 
leur  insertion  au  cartilage  tliyréoïde  ;  chez  les  enfants, 
les  dimensions  de  la  glotte  sont  proportiunnellement 
beaucoup  moins  grandes,  et  c'est  au  petit  diamètre  de 
cette  fente  dans  îe  premier  âge  de  la  vie  qu'est  dû 
à  cette  époque  l'extrême  danger  des  angines  et  du 
croup. 

Ces  ligaments,  recouverts  par  des  fibres  charnues 
formant  les  muscles  thyréo-aryténoïdiens  auxquels 
ils  adhèrent,  et  qu'ils  séparent  des  muscles  crico- 
aryténoïdiens  latéraux,  sont  enveloppés  par  la  mem- 
brane muqueuse  laryngée  dans  le  reste  de  leur  éten- 
due. Leur  face  supérieure,  inclinée  en  dehors,  cons- 
titue la  paroi  inférieure  d'un  enfoncement  nommé 
ventricule  du  larijnx^  dont  la  paroi  supérieure  est 
formée  par  les  ligaments  supérieurs  de  l'instrument 
vocal,  lesquels  sont  situés  plus  en  dehors  entre  le  mi- 
lieu de  la  face  antérieure  du  cartilage  aryténoïde. 
Ces  ligaments,  formés  seulement  par  une  plicature  de 
la  membrane  muqueuse  du  larynx,  ne  sont  pas  fi- 
breux, sont  moins  élastiques  que  les  inférieurs,  et  re- 
présentent supérieurement  une  seconde  glotte  qui 
est  séparée  de  la  vraie  glotte  par  les  cavités  ventri- 
culaires. 


196  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTflOPHOiNIQUE. 

Les  ligaments  Ihyréo-arylénoïdiens  qui,  comme 
cela  a  été,  circonscrivent  l'aire  de  la  glotte,  ne  sont 
pas  les  seuls  qui  unissent  les  différentes  pièces  car- 
tilagineuses  formant  le  squelette  du  larynx  ;  ainsi 
le  tliyréoïde  est  uni  au  cricoïde,  et  celui-ci  avec  les 
deux  aryténoïdes,  et  inférieurement  avec  le  premier 
cerceau  de  la  trachée-artère,  au  moyen  de  plusieurs 
ligaments  fibreux  et  membraneux. 

Plusieurs  muscles  prennent  leurs  insertions  au  la- 
rynx ;  les  uns  sont  extrinsèques  et  destinés  à  le  mou- 
voir en  totalité,  comme  à  l'abaisser  ou  à  l'élever^  à  le 
porter  en  avant  ou  en  arrière,  ou  enfin  à  le  fixer. 
Parmi  ces  derniers,  qui  lient  le  larynx  aux  parties 
voisines,  senties  slerno-thyréoïdiens ,  les  constricteurs 
du  pharynx^  et  tous  les  muscles  de  la  région  hyoï- 
dienne. Les  autres  muscles  du  larynx  sont  intrinsè- 
ques, c'est-à-dire  qu  ils  sont  chargés  d'imprimer  tous 
les  mouvements  des  cartiiages  qui  composent  l'or- 
gane. On  les  a  subdivisés  en  constricteurs  et  en  dila- 
tateurs; dans  les  premiers,  au  nombre  de  trois,  on 
range  les  deux  thyréo-aryténoïdiens  e\.Varyténoïdien, 
et  dans  les  seconds,  ou  muscles  dilatateurs  dont  le 
nombre  est  de  six,  trois  de  chaque  côté,  sont  compris 
les  crico-thyréoïdiens y  les  crico-aryténoldiens  posté- 
rieurs et  les  crico-aryténoïdiens  latéraux. 

Les     muscles    thyréo  -  aryténoïdiens    s'étendent , 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  197 

comme  leur  nom  l'indique,  du  cartilage  thyréoïde  aux 
aryténoïdes,  ou  ils  vont  s'insérer  en  avant  à  la  partie 
moyenne  et  inférieure  de  sa  face  interne,  près  de 
l'angle  que  forme  la  réunion  de  ses  lames  et  en  ar- 
rière à  la  partie  inférieure  des  aryténoïdes,  au-dessus 
des  crico-aryténoïdiens.  Le  troisième  muscle  cons- 
tricteur ou  aryténoïdien  s'étend  de  l'un  à  l'autre  des 
cartilages  aryténoïdes.  Lorsque  ces  muscles,  entière- 
ment charnus,  se  contractent,  les  premiers  attirent 
le  cartilage  aryténoïde  en  avant,  rétrécissent  la  glotte 
d'avant  en  arrière  et  tendent  les  cordes  vocales  qu'ils 
rapprochent;  le  second,  dont  les  fibres  s'entre-croi- 
sent  en  arrière,  contribue  également  à  rétrécir  l'ou- 
verture glottale,  en  rapprochant  l'un  de  l'autre  les 
cartilages  aryténoïdes  et  en  les  portant  en  arrière.  Le 
muscle  crico-thyréoïdien,  qui  est  mince  et  de  forme 
quadrilatère,  se  trouve  situé  à  la  partie  latérale  et  un 
peu  antérieure  du  cartilage  cricoïde.  Ses  fibres,  qui 
s'attachent  sur  les  côtés  et  un  peu  en  avant  de  ce 
dernier,  se  portent  obliquement  en  haut  et  en  arrière 
pour  venir  s'insérer  sur  le  bord  inférieur  du  cartilage 
thyréoïde,  et  un  peu  en  avant  de  sa  corne  inférieure. 
Ce  muscle  et  son  congénère  a  pour  but  de  rapprocher 
le  thyréoïde  du  cricoïde,  d'où  il  résulte  que  les  aryté- 
noïdes se  trouvant  éloignés  du  thyréoïde,  la  glotte  est 
dilatée  d'avant  en  arrière.  Le  muscle  crico-aryté- 


198  N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

noïdien  postérieur,  qui  est  situé  à  la  partie  posté- 
rieure, du  larynx,  s'attache  de  chaque  côté  sur  la  face 
externe  du  cricoïde  ;  ses  fibres  se  dirigent  oblique- 
ment, pour  aller  s'insérer  en  haut  et  en  dehors  de 
l'aryténoïde  entre  les  muscles  aryténoïdiens  et  le 
crico-aryténoïdien  latéral  ;  en  se  contractant,  le  mus- 
cle crico-aryténoïdien  postérieur  porte  le  cartilage 
aryténoïde  en  dehors,  et  le  fait  tourner  sur  lui-même 
pour  contribuer  aussi  à  la  dilatation  de  la  glotte.  En- 
fin, le  muscle  crico-aryténoïdien  latéral,  qui  est 
mince,  allongé  et  quadrilatère,  et  comme  le  précé- 
dent contribue  à  élargir  la  glotte,  prend  en  bas  ses 
points  d'insertion  sur  le  bord  supérieur  du  cricoïde  et 
va  se  fixer  obliquement  en  haut  et  en  arrière,  au  de- 
vant de  la  base  et  en  dehors  du  cartilage  aryténoïde. 

Dans  le  larynx,  au  devant  de  la  partie  inférieure 
de  la  face  linguale  de  l'épiglotte,  deriière  le  cartilage 
thyréoïde  et  la  membrane  thyréo-hyoïdienne,  se 
trouve  également  un  lobule  de  tissus  adipeux;  et  dans 
les  replis  que  forme  la  membrane  muqueuse  en  se 
portant  de  l'épiglotte  aux  cartilages  aryténuïdes  et 
de  ces  derniers  au  thyréoïde,  sont  logées  de  chaque 
côté  les  glandules  aryténoïdes. 

Quatre  petites  artères  alimentent  le  larynx  ;  ainsi 
que  les  veines  qui  ont  le  même  nom,  elles  sont  for- 
mées par  les  thyréoïdiennes  supérieures  et  inférieu- 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  199 

res  ;  deux  branches  assez  considérables,  nommées 
laryngées,  pénètrent  dans  cet  organe  en  traversant 
la  membrane  thyréo- hyoïdienne,  et  sont  accompa- 
gnées d'un  fdet  nerveux  ;  enfin  les  vaisseaux  lympha- 
tiques se  rendent  aux  glandes  jugulaires  inférieures. 

Les  nerfs  du  larynx,  fournis  par  la  huitième  paire 
[pneumo- gastrique)^  et  au  nombre  de  deux  de  chaque 
côté,  ont  reçu  le  nom  de  laryngés  pour  les  supé- 
rieurs, et  de  récurrents  pour  les  inférieurs.  Les  pre- 
miers, qui  s'anastomosent  avec  les  seconds,  se  dis- 
tribuent à  la  membrane  muqueuse ,  aux  glandes 
mucipares  ainsi  qu'aux  muscles  thyréo-aryténoïdiens, 
crico-aryténuïdiens  latéraux  et  postérieurs ,  et  à 
l'aryténoïdien.  Les  seconds  ou  récurrents  se  ren- 
dent également  à  ces  trois  derniers  muscles  laryngiens. 

La  section  de  ces  nerfs  entraîne  V aphonie  ou  perte 
de  la  voix. 

Le  larynx,  comme  la  trachée-artère,  est  tapissé  par 
une  membrane  muqueuse  ;  mais  elle  est  plus  sensible 
que  celle  de  cette  dernière,  car  le  contact  du  plus 
petit  corps  étranger  détermine  sur  elle  une  irritation 
excessive. 

Le  larynx  n'existe  que  dans  les  animaux  chez  les- 
quels la  respiration  s'effectue  par  des  poumons. 

Cet  organe  principal  de  la  voix  offre  toujours  plus 
de  développement  et  plus  de  saillie  chez  Thomme  que 


200  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

chez  la  femme,  dont  cet  organe,  situé  chez  elle  beau- 
coup plus  haut,  se  cache  presque  sous  la  mâchoire 
inférieure,  et  ne  présente  que  les  deux  tiers  et  même 
la  moitié  du  volume  de  celui  de  l'homme;  chez  ce  der- 
nier, l'angle  rentrant  du  cartilage  thyréoïde  est  aigu, 
tandis  qu'il  est  arrondi  chez  la  femme,  dont  l'épi- 
glotte  est  également  moins  large,  moins  épaisse  et 
moins  saillante.  Des  différences  aussi  tranchées  se 
font  moins  remarquer  chez  le  fœtus  et  l'enfant.  Seu- 
lement le  larynx  est  beaucoup  moins  développé  qu'il 
le  sera  plus  tard ,  proportionnellement  dans  l'un 
comme  dans  l'autre  sexe. 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  c'est  que  cet  accrois- 
sement n'est  pas  progressif  comme  celui  des  autres 
organes  ;  il  se  développe  au  contraire  presque  tout  à 
coup  à  l'époque  de  la  puberté,  et  l'énergie  de  ses 
fonctions  se  fait  remarquer  en  même  temps  que  celle 
des  organes  génitaux.  C'est  môme  cet  accroissement 
rapide  correspondant  avec  la  mue  de  la  voix  qui  nous 
fournit  les  signes  les  plus  certains  de  la  puberté.  Après 
cette  époque,  le  larynx  n'éprouve  aucun  changement 
notable  ;  seulement  ses  formes  se  prononcent  d'une 
manière  plus  marquée  et  l'on  voit  ses  cartilages  se 
durcir  et  s'ossifier  après  l'âge  mùr,  à  l'exception  de 
répiglotte,  dans  laquelle  on  n'a  jamais  observé  aucun 
rudiment  d'ossification. 


N.   0.   -—  SYXTEIÈSE   ORTiïOPnONIQUE.  201 


De  la  langue. 

La  langue  est  l'agent  principal  qui  modifie  la  voix 
pour  former  les  sons  et  les  articulations  qui  consti- 
tuent la  parole. 

C'est  un  organe  musculeux,  symétrique,  essentiel- 
lement mobile,  presque  entièrement  charnu,  et  logé 
dans  la  cavité  buccale  en  s'étendant  depuis  l'os  hyoïde 
et  l'épiglotte  jusqu'à  la  face  postérieure  des  arcades 
dentaires.  Sa  forme  est  celle  d'une  pyramide  aplatie, 
arrondie  sur  ses  bords  et  vers  sa  pointe,  et  devenant 
de  plus  en  plus  épaisse  vers  sa  base.  Sa  face  supé- 
rieure ou  dorsale,  qui  correspond  à  la  voûte  palatine, 
et  qui  est  libre,  est  plate  dans  toute  son  étendue, 
présente  dans  son  milieu  un  sillon  désigné  générale- 
ment sous  le  nom  de  ligne  médiane  de  la  langue.  Sur 
ce  sillon,  et  en  arrière,  près  de  la  base  de  l'organe, 
se  trouve  un  enfoncement  qui  est  l'orifice  commun  à 
plusieurs  follicules  muqueux,  et  auquel  on  a  donné  le 
nom  de  trou  borgne;  autour  de  cet  enfoncement,  qui 
souvent  est  peu  visible  et  qui  manque  même  quelque- 
fois, on  remarque,  ainsi  que  sur  toute  la  face  dorsale 
de  la  langue,  une  multitude  d'aspérités  formées  par 
des  papilles  qu'on  distingue  en  trois  classes  d'après 


202  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

leurs  configuralions  extérieures  :  les  premières,  nom- 
mées coniques  ou  filiformes^  1res  petites  et  très  nom- 
breuses, occupent  le  milieu,  les  bords  et  le  bout  de 
la  langue  ;  les  secondes,  appelées  foncjif ormes,  plus 
grosses,  moins  nombreuses,  et  ayant  assez  bien  la 
forme  d'un  pelit  champignon,  sont  situées  derrière 
les  précédentes  sur  la  partie  moyenne  de  l'organe. 
Enfin  les  troi>ièmes,  désignées  sous  le  nom  de  lenti- 
culaires, de  grosseur  variable,  se  trouvent  à  la  base 
de  l'organe,  disposées  symétriquement  en  forme  d'un 
V  dont  l'écartement  en  avant  loge  les  papilles  fongi- 
formes.  Ces  diverses  éminences  ou  papilles  sont  pour 
la  langue  les  organes  exclusifs  du  tact  et  du  goût,  ou 
sont  destinées  à  une  sécrétion  muqueuse  et  à  une 
excrétion  locale  surabondante  de  matière  cornée. 

La  face  inférieure  de  la  langue,  lisse  et  dépourvue 
de  papilles,  n'est  libre  que  dans  son  tiers  antérieur, 
car  à  ses  deux  tiers  postérieurs  viennent  se  fixer  les 
faisceaux  musculaires  qui  l'unissent  aux  parties  voisi- 
ne^: ;  mais  on  observe  qu'elle  présente  également  à  la 
partie  moyenne  un  sillon  qui  sépare  deux  saillies  la- 
térales, correspondant  aux  muscles  linguaux,  et  sur 
lesquelles  on  \oit  un  repli  muqueux  oblique  et  frangé, 
au  niveau  duquel  existe  une  ligne  bleuâtre  qui  indique 
le  trajet  de  la  veine  ranine.  Ce  sillon  médian  de  la 
face  inférieure  de  la  langue  donne  attache  en  arrière 


N.  0.   —   SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  203 

à  un  repli  triangulaire  de  la  muqueuse,  qui  est  plus 
ou  moins  saillant,,  et  auquel  on  donne  le  nom  df^  frein 
ou  filet  de  la  langue.  Ce  repli,  dont  les  deux  faces  la- 
térales sont  libres  ainsi  que  le  bord  antérieur,  s'atta- 
che par  son  bord  postérieur  à  la  langue  quelquefois 
depuis  son  sommet  jusqu'à  la  paroi  inférieure  de  la 
bouche,  avec  laquelle  la  face  inférieure  de  l'organe 
phonateur  se  confond.  Il  est  bon  d'ajouter  que  le 
frein  lingual  est  sujet  à  des  excès  de  longueur  ou  de 
brièveté  qui,  nuisant  soit  à  la  prononciation,  soit  à  la 
déglutition,  soit  à  la  succion  du  lait  chez  les  enfants, 
exigent  souvent  diverses  opérations. 

La  langue  est  l'organe  le  plus  musculaire,  le  plus 
souple  et  le  plus  facilement  mobile  du  corps  humain. 

Les  parties  fondamentales  ou  solides  de  la  langue 
sont  :  l°un  fibro-cartilage  médian,  qui  s'étend  de  l'os 
hyoïde  à  la  pointe  de  la  langue,  mais  qui  est  plus  déve- 
loppé en  arrière  qu'en  avant,  sert  à  l'insertion  d'un  cer- 
tain nombre  de  fibres  charnues,  surtout  de  celles  qui 
sont  dirigées  transversalement  ;  2°  la  membrane  glosso- 
hyoïdienne,  qui  fixe  la  langue  et  spécialement  le  car- 
tilage médian  au  corps  de  l'os  hyoïde  ;  3"  la  membrane 
muqueuse  qui  revêt  toutes  les  parties  libres  de  la  langue , 
et  qui,  par  son  tissu  doux  et  consistant,  sert  à  l'inser- 
tion d'un  grand  nombre  de  fibres  charnues  que  l'on  dis- 
tingue en  extrinsèques  et  intrinsèques.  Les  premières 


20i  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

appartiennent  auxmnsdes géfiio-giosses,  stylo-glosses, 
hyoglosses^  constricteurs  supérieurs  du  'pharynx  et 
glosso-staphylins  ;  les  secondes  constituent  les  mus- 
cles linguaux  proprement  dits,  dont  les  fibres  charnues 
sont  disposées  en  tous  sens;  les  muscles  génio-glosses, 
qui  vont  en  divergeant  de  l'apophyse  génienne  (1) 
vers  la  face  inférieure  delà  langue  et  de  l'os  hyoïde, 
soulèvent  ce  dernier  et  portent  l'organe  phonateur 
en  avant,  par  la  contraction  de  leurs  fibres  inférieu- 
res, tandis  que  les  fibres  supérieures  contractées 
tirent  la  langue  en  arrière  et  la  ramènent  à  sa  posi- 
tion naturelle  lorsqu'elle  est  sortie  de  la  cavité  buc- 
cale; les  fibres  moyennes  contribuent  à  creuser  en 
gouttière  la  face  dorsale  de  cet  organe.  Les  muscles 
stylo-glosses,  fixés  en  arrière  à  l'apophyse  styloïde  du 
temporal  et  au  ligament  stylo-maxillaire,  et  en  avant 
sur  les  bords  de  la  langue,  la  tirent  sur  les  côtés  et  en 
haut  en  agissant  séparément,  tandis  qu'ils  la  portent 
en  arrière  et  relèvent  lorsqu'ils  se  contractent  simul- 
tanément. Enfin^  les  muscles  hyo-glosses  s'insèrent  à 
trois  points  différents  de  l'os  hyoïde,  c'est-à-dire  à  la 
grande  corne  de  cet  os  [kérato-glosse),  à  la  partie 
supérieure  de  son  corps  [basio-cérato-glosse) ,  enfin  à 
sa  petite  corne  et  au  cartilage  placé  entre  son  corps 

(I)  Génien,  ienne,  adj.  (de  vévctov,  le  menton),  qui  a  rapport  au 
menton. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE    ORTHOPHONIQUE.  205 

et  sa  grande  corne  [ckrondro-glossé).  Ces  trois  fais^ 
ceaiix  qui  forment  les  muscles  liyo-glosses,  dont  les 
fibres  se  portent  en  avant,  dans  les  parties  latérale  et 
inférieure  de  la  langue,  la  tirent  sur  les  côtés  lors- 
qu'ils agissent  séparément,  et  en  se  contractant  en- 
semble abaissent  la  base  de  cet  organe,  ou,  lorsque 
celui-ci  est  fixé,  élèvent  l'os  hyoïde. 

Le  muscle  constricteur  supérieur  du  pharynx  qui 
s'insère  en  bus  à  la  base  de  la  langue,  et  le  glosso- 
staphylin,  qui  en  part  également  pour  se  porter  à  la 
partie  latérale  et  inférieure  du  voile  du  palais,  ont 
pour  usage,  le  premier  de  resserrer  le  pharynx  et  de 
fixer  la  langue,  et  le  second  de  resserrer  l'isthme  du 
gosier,  en  abaissant  la  luette  et  en  élevant  la  région 
hyoïdienne  de  l'organe  phonateur.  Cette  masse  mus- 
culaire est  revêtue  d'une  membrane  muqueuse,  super- 
posée elle-même  à  une  couche  vasculaire  formée  par 
l'enlacement  de  myriades  de  petits  vaisseaux  sanguins 
qui  communiquent  à  la  langue  la  richesse  de  colora- 
tion qui  lui  est  particuhère. 

Les  artères  de  la  langue  émanent  des  linguales 
fournies  par  les  carotides  externes,  et  des  tonsillaires 
et  des  palatines  qui  partent  des  labiales  ;  les  veines 
qui  en  reportent  le  sang  dans  la  veine  jugulaire  in- 
terne sont  les  ranines,  les  linguales  et  les  submenta- 
les ;  enfin,  les  vaisseaux  lymphatiques  de  la  langue 


206  N.    0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

s'abouchent  dans  les  ganglions  latéraux  et  sous- 
maxillaires  du  col.  Les  nerfs  qui  la  font  mouvoir 
viennent  de  la  neuvième  paire,  grand  hypoglosse, 
et  se  distribuent  à.  ses  muscles^,  tandis  que  ceux  qui 
président  aux  sécrétions,  à  la  perception  des  saveurs 
et  aux  sens  tactiles,  sont  fournis  par  un  rameau  du 
glosso-pharijngien  de  la  huitième  paire,  et  par  la 
branche  linguale  du  maxillaire  inférieur  de  la  cin- 
quième paire.  Eu  un  mot,  le  grand  hypoglosse  est  le 
nerf  moteur  de  la  langue,  le  lingual  en  est  le  nerf 
sensilif,  et  le  nerf  glosso-pharyngien  préside  aux  di- 
verses sécrétions  qui  ont  lieu  à  la  base  de  l'organe. 

La  langue,  qui  manque  dans  les  premiers  temps 
de  la  vie  intra-utérine,  et  qui  cependant  offre  plus 
tard  chez  le  fœtus  un  volume  considérable  propor- 
tionnellement aux  os  maxillaires,  existe,  à  peu  d'ex- 
ceptions près,  chez  tous  les  animaux  vertébrés.  Cet 
agent  phonateur,  qui  dans  la  prononciation,  dans  la 
déglutition  et  dans  l'expuition  (1),  prend  une  part  en- 
core plus  active  que  les  autres  parties  de  la  bouche, 
est  sujet  à  plusieurs  vices  de  conformation. 

Il  est  facile  de  concevoir  que  l'absence  partielle  et 
congéniale  ou  accidentelle  de  la  langue  ne  permet 
d'abord  que  d'ébaucher  quelques  sons  inintelligibles, 

(1)  Expuition  :  l'action  de  cracher,  son  produit. 


N.    0.   ~  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  207 

mais  on  peut  cependant  parvenir  à  parler  d'une  ma- 
nière assez  distincte,  à  l'aide  de  certains  exercices 
vocaux  et  quelquefois  de  moyens  artificiels. 

Lorsqu'on  explore  la  cavité  buccale  des  personnes 
chez  qui  la  langue  manque,  on  trouve  que  l'espace 
compris  entre  l'arcade  dentaire  inférieure  est  beau- 
coup plus  déprimé  qu'à  l'état  normal,  et  que,  vers  la 
partie  moyenne  de  cet  espace,  sont  logés  deux  corps, 
de  forme  ovalaire,  mais  peu  saillants,  quoique  doués 
d'une  grande  mobilité.  On  observe  également  que 
la  voûte  palatine  est  moins  profonde  et  plus  aplatie 
et  que  les  dents  de  la  mâchoire  inférieure  et  môme  de 
la  supérieure  sont  beaucoup  plus  inclinées  en  dedans 
que  chez  les  individus  dont  la  langue  est  à  l'état 
normal. 

Cet  organe  est  sujet  à  d'autres  vices  de  conforma- 
tion ;  ainsi,  on  l'a  vu  bifurqué  à  sa  pointe,  et  même 
être  double  (1). 

L'adhérence  de  la  langue  au  plancher  de  la  bouche 
constitue  un  autre  vice  de  conformation  qui  est 
presque  toujours  congénial,  mais  qui  cependant 
peut  être  accidentel  et  dépendre  d'une  cicatrice 
vicieuse  succédant  à  une  opération  sur  la  langue  et 
sur  le  plancher  de  la  bouche.  Celte  adhérence  de 

(I)  Transactions  philosophiques  février,  et  mars  1748  ;  Éphé)né- 
rides  des  curieux  de  la  tiature,  1G84. 


208  N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

l'organe  phonateur  présente  plusieurs  degrés  :  tantôt 
la  langue  entière  est  collée  au  plancher  huccal,  tan- 
tôt elle  est  fixée  en  bas  par  un  excès  de  longueur  ou 
par  une  brièveté  ejctraordinaire  du  filet  lingual.  Dans 
tous  les  cas,  il  en  résulte  une  gêne  plus  ou  moins 
considérable  dans  les  fonctions  de  l'organe  et  surtout 
dans  l'articulation,  au  point  de  déterminer  une  réelle 
infirmité  vocale.  On  remédie  facilement  à  ces  ad- 
hérences anormales  de  la  langue,  au  moyen  d'une 
opération  simple  et  en  employant  des  procédés  et  des 
instruments  spéciaux. 

La  langue  peut  être  très  large  ou  aussi  mince  que 
celle  d'un  chat;  elle  est  quelquefois  congénialement 
hypertrophiée,  enfin  elle  peut  être  déviée  sur  l'un  ou 
l'autre  côté  dans  l'intérieur  de  la  bouche,  par  la 
présence  de  tumeurs  développées  dans  son  voisinage, 
les  engorgements  des  ganglions  sous-maxillaires,  ou 
enfin  la  grenouillelte  (1). 

Cet  organe  présente  aussi,  dans  quelques  cas  rares, 
un  état  de  procidence  (2)  habituel  qui  consiste  dans 
sa  sortie  continuelle  hors  de  la  bouche,  sans  que  son 
tissu  soit  altéré.  Lorsque  cette  affection  est  ancienne, 
la  langue  se  tuméfie  et  s'hypertrophie,  soit  par  l'irri- 

(1)  Le  nom  de  grenouillelte  vient  de  ce  que  ceux  qui  portent  une 
pareille  tumeur  parlent  en  coassant  et  pour  ainsi  dire  en  grenouillant. 

(2)  Chute  d'une  partie  comme  de  l'iris,  du  rectum. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  209 

tation  que  détermine  sur  elle  le  contact  permanent 
de  l'air,  soit  aussi  parce  que  l'organe  n'est  pas  sou- 
mis à  la  pression  qu'exercent  ordinairement  sur  lui 
les  arcades  dentaires  dans  l'intérieur  de  la  bouche. 
On  observe  également  que  la  lèvre  inférieure  se  dé- 
tourne et  se  déprime  et  que  les  dents  de  la  mâchoire 
correspondante   s'altèrent  plus   ou  moins,    surtout 
lorsque  le  prolapsus  (1)  lingual  est  congénial.  Dans 
ce  cas,   elles  sont  projetées  en  avant,  deviennent 
même  horizontales,  mais  elles  finissent  par  se  carier 
complètement  et  par  tomber  bientôt,  si  la  procidence 
de  la  langue  n'est  survenue  qu'après  la  dentition.  En 
outre  il  faut  remarquer  que  les  os  maxillaires  eux- 
mêmes  se  recourbent  en  bas,   que  la  salive  coule 
continuellement  hors  de  la  bouche,  ce  qui  nuit  beau- 
coup à  la  digestion,  enfin  que  le  larynx,  entraîné  en 
haut,  ne  forme  plus  de  saillie  à  la  partie  supérieure 
du  cou  :  les  malades  qui  présentent  ce  fâcheux  état 
sont  non  seulement  très  gênés  dans  l'articulation  des 
sons  vocaux  et  dans  la  déglutition,  mais  encore  sont 
tourmentés  par  une  soif  continuelle  et  une  aridité 
de  la  bouche  et  de  la  gorge,  que  les  boissons  ne  font 
que  calmer  pour  un  instant,  et  qui  se  trouvent  encore 
augmentées  par  les  ulcérations  et  les  diverses  produc- 
tions végétatives  qui  se  développent  souvent  sur  la 

(1)  Synonyn7e  de  procidence. 


210  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

surface  de  l'organe  en  état  permanent  de  prolapsus. 
On  ne  saurait  donc  trop  tôt  porter  remède  à  cette 
affection. 

La  langue  est  quelquefois  aussi  le  siège  d'abcès, 
d'inflammation,  d'ulcères,  de  pustules,  de  kystes,  de 
tubercules,  de  cancer  et  d'autf es  affections  qui  n'en- 
trent pas  dans  le  cadre  de  cette  monographie. 

Physiologie  de  la  voix    et  de    ses   diverses 
modifications. 

Chaque  être  a  une  voix  qui  lui  est  propre,  et  qui 
est  comme  un  caractère  distinctif  de  son  espèce. 
Ces  grandes  différences  de  la  voix  dépendent  d'une 
organisation  particulière  des  parties  qui  servent  à  la 
former.  On  a  remarqué  que  la  structure  du  larynx  est 
extrêmement  simple  dans  les  animaux  qui  ont  une 
voix  douce  et  agréable,  comme  le  serin,  le  rossignol; 
tandis  que  cet  organe  est  très  compliqué  chez  les 
animaux  dont  la  voix  est  forte  et  désagréable,  tels 
que  les  porcs,  les  singes,  les  ânes. 

La  cause  déterminante  de  la  voix  ne  peut  être  at- 
tribuée qu'à  l'état  de  l'âme  et  aux  besoins  auxquels  son 
expression  actuelle  se  rapporte.  Si  l'air  en  est  la  cause 
matérielle,  le  larynx  et  plus  particulièrement  la 
glotte  en  sont  la  cause  efficiente. 


N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  211 

Tous  les  êtres  organisés  chez  qui  la  respiration 
s'etTectue  par  des  poumons  peuvent  faire  entendre 
des  sons  vocaux,  puisqu'ils  sont  tous  pourvus  d'une 
glotte  et  d'un  larynx  :  il  n'y  a  donc  que  ceux-ci  qui 
puissent  faire  entendre  une  voix  proprement  dite. 

Les  poissons  qui  respirent  par  des  branchies  ne 
peuvent  par  cette  raison  produire  des  sons  vocaux, 
et  on  ne  doit  pas  regarder  comme  tels  les  bruits 
que  font  entendre  quelques  insectes  :  les  cigales, 
les  grillons,  les  sauterelles  et  la  plupart  des  mou- 
ches, etc.  ;  le  bruit  que  produisent  ces  animaux  ne 
vient  pas  de  leur  bouche,  mais  il  est  le  résultat  du 
frottement  mécanique  de  certaines  membranes  élasti- 
ques qui  sont  agitées  rapidement.  Ces  organes  sonores 
sont  tantôt  les  élytres  (1)  et  les  ailes  des  insectes,  ou 
tantôt  une  espèce  de  partie  membraneuse  en  forme  de 
tambour,  ou  enfin  une  sorte  de  raclement  produit  par 
les  mouvements  des  cuisses  postérieures  à  la  manière 
de  l'archet  des  instruments  à  cordes. 

La  voix  présente  des  différences  notables,  selon 
l'âge.  Elle  est  faible  et  aiguë  chez  les  enfants,  mais 
elle  se  renforce  plus  tard  ;  chez  la  femme  le  timbre 
vocal  change  beaucoup  moins  que  chez  l'homme  et  il 
conserve  presque  toujours  les  caractères  de  l'a- 
dolescence. 

(1)  Aile  supérieure  chez  les  coléoptères. 


212  N.  0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

Le  timbre  vocal  peut  aussi  être  changé  et  modifié 
par  les  habitudes  de  certains  individus:  par  exemple, 
ceux  qui  se  livrent  à  des  professions  bruyantes,  telles 
que  celles  de  chaudronnier,  de  meunier,  de  boulan- 
ger, etc.,  ou  ceux  qui,  comme  les  marins,  habitent 
les  bords  de  la  mer  et  les  rives  des  grands  fleuves,  ont 
ordinairement  la  voix  plus  forte,  parce  que,  obligés 
de  couvrir  toujours  en  parlant  des  bruits  souvent  très 
intenses,  ils  exercent  davantage  leurs  organes  vo- 
caux. 

La  voix  des  hommes  est  généralement  d'autant 
plus  forte  que  leur  larynx  est  plus  développé  et  que 
leur  poitrine  a  plus  de  capacité.  C'est  pour  cette  rai- 
son que  le  timbre  vocal  semble  beaucoup  plus  fai- 
ble, lorsque,  après  le  repas,  l'estomac,  distendu  par 
les  aliments,  diminue  la  capacité  de  la  poitrine  en 
refoulant  le  diaphragme  supérieurement. 

Aucun  son  ne  va  plus  directement  au  système  ner- 
veux que  celui  de  la  voix  humaine  ;  c'est  pour  cela 
que  les  instruments  qui  en  approchent  le  plus,  comme 
le  cor  d'harmonie,  le  basson,  le  hautbois,  ont  une 
expression  plus  touchante  et  plus  mélancolique,  sur- 
tout dans  les  tons  mineurs,  et  la  musique  triste. 

Le  chant  est  une  modification  de  la  voix  qui  se 
rapporte  plus  particulièrement  aux  diverses  formes 
de  Vamour;  c'est  peut-être  pour  cette  raison  qu'à 


N.   0.   —  SYiNTHÉSE   ORTnOPnONIQUE.  2i3 

l'époque  intime  de  la  vie  la  nature  développe  d'une 
manière  si  rapide  les  organes  vocaux,  et  change 
presque  tout  à  coup  le  timbre  de  la  voix.  Au  milieu 
du  printemps,  où  les  oiseaux  ont  Thabitude  de 
s'accoupler,  le  chant  du  rossignol  est  dans  toute 
sa  beauté,  tandis  que  dans  le  mois  de  juin,  épo- 
que où  il  a  des  petits,  sa  voix  est  si  déplaisante 
et  si  changée,  qu'elle  est  tout  à  fait  méconnais- 
sable. 

De  toutes  les  actions  qui  sont  propres  à  l'homme, 
celle  de  chanter  lui  est  la  plus  familière  :  il  n'est 
point  de  peuples,  même  les  moins  civilisés,  chez 
lesquels  le  chant  ne  soit  en  usage.  C'est  donc  à  tort 
que  Rousseau  a  dit  que  le  chant  n'était  pas  naturel 
à  l'homme. 

Pour  une  oreille  délicate,  la  voix  d'un  individu 
peut  nous  apprendre  beaucoup  de  choses  sur  sa 
manière  de  vivre,  sur  son  caractère  et  sur  les  dis- 
positions de  son  esprit.  Il  est  certain  que  la  situa- 
tion du  77ioi  influe  d'une  manière  assez  marquée  sur 
Torgane  de  la  voix,  qui  diffère  toujours  suivant  les 
circonstances. 

Si  la  voix,  dans  une  situation  ordinaire  de  l'esprit, 
peut  faire  connaître  les  penchants  et  les  qualités  mo- 
rales de  l'homme,  elle  découvrira  bien  plus  sûrement 
encore  les  différentes  passions  dont  il  est  agité. 


214  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

Platon  savait  si  bien  que  le  son  de  la  voix  pouvait, 
jusqu'à  un  certain  point,  découvrir  l'état  moral  des 
hommes,  que,  lorsqu'il  voulait  connaître  ceux  qui 
l'abordaient  pour  la  première  fois,  il  leur  disait  : 
Parlez,  afin  que  je  vous  connaisse. 

La  voix  peut  aussi  souvent  révéler  l'état  de  santé 
du  corps,  à  cause  de  ses  rapports  de  sympathies  avec 
le  système  nerveux  en  général. 

En  efTet,  dans  de  certaines  fièvres,  la  voix  pré- 
sente une  altération  remarquable  ;  dans  le  début  des 
maladies  aiguës,  les  malades  se  plaignent  souvent  de 
douleurs  à  la  gorge  qui,  n'étant  point  le  résultat 
d'une  inflammation  apparente,  annoncent  en  géné- 
ral une  affection  grave  qui  sera  accompagnée  d'acci- 
dents nerveux. 

Dans  les  saisons  chaudes,  la  voix  est  plus  belle  et 
plus  aiguë  ;  dans  l'hiver,  elle  est  au  contraire  plus 
grave  et  plus  rauque.  C'est  sans  doute  pour  cette 
raison  que  les  méridionaux  ont,  en  général,  la  voix 
plus  belle  et  plus  sonore  que  les  habitants  des  pays 
froids.  Les  étrangers  conviennent  que,  au  point  de 
vue  de  la  parole,  c'est  en  France  que  l'on  trouve  le 
plus  grand  nombre  de  belles  voix.  Cela  tiendrait-il  au 
développement  de  la  poitrine  que  nous  avons  en 
général  mieux  conformée? 

Les  langues  du  Midi  sont  plus  favorables  à  la  mu- 


N.  0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  215 

sique  vocale  que  les  langues  du  Nord.  Toutefois,  après 
M.  Legouvé,  nous  empruntons  bien  volontiers  à  l'il- 
lustre maestro  Gounod  les  réflexions  et  les  paroles 
suivantes  : 

« Certes,  bien  loin  de  moi  la  pensée  de  nier 

la  sonorité  et  l'éclat  de  la  langue  italienne;  mais 
tout  dans  la  musique  est-il  donc  éclat  et  sonorité?  La 
langue  italienne  est  une  interprète  incomparable 
pour  exprimer  ce  qui  est  brillant  et  charmant  dans 
la  vie,  ce  qui  est  aimable  dans  les  sentiments,  élé- 
gant dans  la  douleur,  ardent  mais  un  peu  superficiel 
dans  les  passions.  Mais  si  le  compositeur  a  d'autres 
visées,  s'il  veut  descendre  dans  le  détail  des  senti- 
ments, s'il  veut  rendre  les  nuances,  s'il  a  quelque 
répulsion  pour  le  théâtre,  pour  le  convenu,  s'il 
recherche  l'intime,  le  vrai,  le  profond  des  choses  et 
des  cœurs,  qu'il  s'adresse  à  la  langue  française!  Elle 
est  moins  riche  de  colons,  soit,  mais  elle  est  plus 
variée  et  plus  fine  de  teintes  ;  elle  a  moins  de  rouge 
sur  sa  palette,  j'y  consens,  mais  elle  a  des  violets, 
des  lilas,  des  gris-perle,  des  ors  pâles  que  la  langue 

italienne  ne  connaîtra  jamais! Laissez-moi  vous 

citer  un  exemple. 

((  Dans  Faust,  l'air  du  jardin  commence  par  : 

Salut,  demeure  chaste  et  pure  ! 


216  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

On  a  traduit  en  italien  et  on  a  mis  : 
Dimora  casta  e  pura. 

«  Les  mots  mêmes,  les  mots  traducteurs,  ne  peu- 
vent pas  être  plus  exacts,  plus  fidèles  ;  mais  le  son 
de  ces  mots  m'a  trahi.  Casta  est  le  contraire  de 
chaste.  Cet  accent  expansif,  qui  éclate  comme  une 
fusée  sur  casta,  détruit  tout  le  mystère,  toute  la  pu- 
deur de  mon  harmonie  !  ce  terrible  casta  fait  trop  de 
bruit  autour  de  la  petite  maison,  elle  en  trouble  le 
repos...  tandis  qu'avec  mon  modeste  mot  chaste, 
avec  son  a  un  peu  terne,  et  comme  (pardonnez-moi 
cette  expression),  comme  ouaté  par  cet  s,  ce  t  et  cet 
e  final,  j'arrive  à  peindre  le  demi-silence,  la  demi- 
ombre  qui  est  l'image  de  ce  qui  se  passe  dans  l'âmo 
de  Marguerite  !  Oh  !  la  langue  française  !  la  poésie 
française!  ne  la  calomnient  que  ceux  qui  ne  la  com- 
prennent pas!  Elle  a  des  douceurs,  elle  a  des  inti- 
mités qui  répondent  à  ce  que  nous  ressentons  de  plus 
profond  ! 

«  Savez-vous  à  quoi  je  compare  la  langue  italienne? 
à  un  magnifique  bouquet  de  roses,  de  pivoines,  de 
crocus,  de  rhododendrons...,  mais  auquel  il  manque 
des  héliotropes,  des  résédas,  des  violettes  !  » 

Si  l'on  chantait  une  même  phrase  musicale  avec 
des  paroles  traduites  dans  les  principales  langues  de 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  217 

l'Europe,  la  différence  serait  énorme  à  l'oreille  pour 
l'harmonie  et  la  douceur.  La  langue  italienne  et  la 
langue  hollandaise,  prises  pour  les  deux  extrêmes  de  la 
comparaison,  suivraient  une  marche  progressive  dans 
l'ordre  suivant  :  italien,  grec  moderne, portugais,  es- 
pagnol, français,  russe,  allemand, anglais,  hollandais. 

Les  peuples  du  Midi  aiment  beaucoup  les  voix 
aiguës  ;  ceux  des  pays  tempérés  préfèrent  les 
moyennes;  enfin  les  habitants  des  régions  du  Nord 
semblent  donner  la  préférence  aux  basses.  La  dif- 
férence des  climats  influe  certainement  sur  le  goût 
des  nations  comme  sur  la  douceur  des  langues.  En 
Italie,  les  premiers  rôles  d'hommes,  dans  les  opéras, 
sont  remphs  par  des  soprani;  en  France,  par  des 
ténors;  en  Allemagne,  par  des  basses. 

Comme  chaque  individu  se  distingue  d'un  autre  par 
ses  traits  et  ses  formes  physiques,  on  peut  de  même 
le  distinguer  facilement  par  la  nature  et  le  timbre  de 
sa  voix  ;  mais  seulement  il  y  a  de  ces  différences  qui 
sont  communes  à  plusieurs,  et  qui  forment  autant 
d'espèces  de  voix,  ayant  reçu  une  dénomination  par- 
ticuhère. 

Pour  pousser  le  système  vocal  à  retendue  de  celui 
des  grands  chanteurs,  qui  est  souvent  de  trois  octa- 
ves, on  est  convenu  de  le  diviser  en  six  parties  qui 
représentent  six  espèces  de  voix. 


218  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

\°  Le  premier  dessus  :  soprcmo  primo  ; 

2°  Le  second  dessus  :  soprano  seconda  ; 

3°  Le  contr'ulte  (haute-contre):  contralto; 

4"  Le  ténor; 

5°  Le  baryton  ; 

6"  La  basse. 

Ce  n'est  donc  pas  d'après  le  timbre  et  le  volume 
des  voix,  mais  d'après  leur  étendue  dans  l'échelle 
musicale,  qu'on  a  désigné  le  caractère  général  qui  les 
distingue. 

Les  voix  graves  ne  se  remarquent  ordinairement 
que  chez  les  hommes  après  la  puberté  ;  tandis  que 
les  voix  aiguës  se  rencontrent  le  plus  souvent  chez 
les  femmes,  chez  les  enfants  et  chez  la  plupart  des 
hommes  qui  prennent  Xafaucet  en  chantant. 

On  distingue  encore  les  voix  par  beaucoup  d'autres 
différences  que  celles  du  grave  à  l'aigu.  Ainsi,  il  y  a 
des  voix  fortes,  dont  les  sons  sont  forts  et  éclatants; 
des  voix  douces,  dont  les  sons  paraissent  flùlés  ;  des 
voix  étendues,  celles  qui  parcourent  une  grande 
échelle  musicale;  des  voix  belles,  dunt  le  timbre  est 
plein,  juste  et  harmonieux.  Il  y  a  également  le  con- 
traire de  tout  cela  :  par  exemple,  on  trouve  des  voix 
dures,  intermittentes,  raboteuses,  c'est-à-dire  celles 
dont  les  belles  notes  sont  inégalement  distribuées,  soit 
dans  la  première,  soit  dans  la  seconde  ou  la  troisième 


N.  0.  —  SYiNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  219 

octave.  On  appelle  au  contraire  voix  égale,  celle  dont 
le  timbre  est  toujours  le  même  dans  toute  son  éten- 
due; enfin  on  désigne  par  les  épithètes  de  flexibles  et 
légères,  les  voix  qui  passent  sans  transition  brusque 
du  grave  à  l'aigu,  et  qui  parcourent  avec  la  même 
douceur  et  la  même  flexibilité  toutes  les  modulations 
qui  constituent  l'harmonie  musicale  et  vocalisante. 
On  n'a  jamais  bien  déierminé  en  quoi  les  sons 
articulés  diffèrent  des  sons  modulés  ;  cependant  cette 
différence  serait  sensible,  lors  même  qu'il  ne  man- 
querait à  la  voix  qui  forme  la  parole  que  la  perma- 
nence des  sons  qui  constitue  la  voix  du  véritable 
chant.  D'ailleurs,  le  vrai  caractère  distinctif  de  cette 
dernière  espèce  de  voix  est  de  former  des  sons  har- 
moniques et  appréciables,  dont  on  puisse  prendre  et 
sentir  l'unisson,  et  que  de  plus  il  soit  possible  d'ex- 
primer par  des  signes  faisant  partie  de  notre  système 
de  musique.  Dans  la  voix  parlante  au  contraire,  les 
tons  ne  sont  pas  assez  soutenus  pour  être  appréciés, 
et  les  inflexions  diverses  qui  les  séparent  ne  présen- 
tent que  des   intervalles  incommensurables. 

Mécanisme  de   la  voix. 


L'air  que  l'inspiration  a  introduit  dans  les  poumons 


220  N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

est  repoussé  de  ses  cavités  dans  le  larynx,  par  le 
mouvement  de  l'expiration  et  le  jeu  des  muscles  de  la 
poitrine. 

C'est  là  le  premier  acte  nécessaire  pour  la  produc- 
tion de  la  voix,  puisque  c'est  pendant  le  temps  de 
l'expiration  que  les  sons  vocaux  sont  produits. 

Les  travaux  des  physiologistes  permettent  d'affir- 
mer que  parmi  les  parties  qui  donnent  passage  à  l'air 
expiré,  c'est  le  larynx  qui  forme  la  voix,  et  que  des 
diverses  pièces  qui  composent  celui-ci,  c'est  la  glotte 
qui  est  l'organe  essentiellement  phonateur. 

La  théorie  qui  compare  le  mécanisme  de  la  voix  à 
celui  des  instruments  à  anche,  c'est-à-dire  ceux  dont 
le  son  est  produit  et  modifié  par  des  lames  élas- 
tiques, comme  dans  le  hautbois,  le  basson,  est  inac- 
ceptable. 

Dans  les  instruments  ordinaires,  pour  faire  monter 
et  baisser  les  tons,  on  raccourcit  ou  on  allonge  les 
anches  dans  le  sens  longitudinal  :  tandis  que,  pour 
produire  le  même  effet  dans  le  larynx,  les  cordes 
vocales  se  tendent  ou  se  relâchent  dans  le  sens  ho- 
rizontal.  Dans  les  instruments  de  musique,  il  n'arrive 
jamais,  comme  dans  les  ligaments  de  la  glotte,  que 
les  lames  mobiles  des  anches  varient  à  chaque  ins- 
tant d'épaisseur,  de  longueur  et  d'élasticité;  d'ail- 
leurs, ces  lames  sont  composées  de  fibres  rectilignes 


N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  221 

fixées  par  un  seul  côté  et  libres  dans  les  trois  autres  ; 
tandis  que  les  lames  ou  cordes  vocales  du  larynx 
sont  au  contraire  fixées  par  trois  côtés  et  libres  par 
un  seul,  et  forment,  par  leur  réunion,  une  espèce  de 
sphincter  curviligne  dont  les  fibres  ne  présentent 
jamais  une  ligne  droite,  si  ce  n'est  lorsque  les  lèvres 
de  la  glotte  s'appliquent  avec  force  l'une  contre  l'au- 
tre ;  elles  ferment  alors  si  hermétiquement  la  trachée, 
qu'aucune  particule  d'air  ne  peut  s'échapper  des 
poumons.  Enfin,  on  ne  peut  admettre  que  des  parties 
charnues,  molles,  humectées,  recouvertes  d'une 
membrane  muqueuse  toujours  lubrifiée  par  des  mu- 
cosités, adhérentes  dans  trois  sens  et  ne  remplissant 
aucune  des  conditions  que  doit  avoir  une  anche, 
puissent  rendre,  par  le  même  mécanisme  que  celui 
de  cette  dernière,  des  sons  aussi  forts,  aussi  variés, 
aussi  harmonieux  et  aussi  beaux  que  ceux  de  la  voix 
humaine. 

La  voix  n'est  donc  pas  comparable  au  mécanisme 
des  anches,  et  on  ne  peut  pas  mieux  adopter  cette 
théorie  que  celle  des  cordes. 

Les  personnes  qui  regardent  le  larynx  comme  un 
instrument  à  vent,  surtout  celles  qui  comparent  l'ap- 
pareil vocal  à  un  trombone,  disent  que,  dans  cet  ins- 
trument, et  tous  les  autres  dans  lesquels  l'air  est  le 
corps  vibrant,  les  sons  deviennent  plus  aigus  à  me- 


222  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

sure  que  le  tuyau  se  raccourcit  ;  de  même  l'éléva- 
tion du  larynx  augmente  la  longueur  du  tuyau  et  les 
sons  changent  en  proportion  ;  ils  ajoutent  encore 
que  les  tons  baissent  à  mesure  que  le  tube  s'allonge 
et  que  le  larynx  descend  de  la  même  manière  pour 
produire  les  tons  bas.  Ces  mouvements  du  larynx 
sont  évidents  et  incontestables,  mais  ils  ne  sont  que 
des  phénomènes  accessoires  dans  l'émission  des  sons . 
Les  variations  de  capacité  dont  le  tuyau  est  suscep- 
tible déterminent  moins  par  elles-mêmes  les  divers 
degrés  d'élévation  de  la  voix,  qu'elles  ne  sont  desti- 
nées à  correspondre  à  l'état  de  la  glotte  dans  la  pro- 
duction des  sons  plus  ou  moins  graves. 

Un  fait  observé  souvent  et  que  tout  le  monde  peut 
répéter,  c'est  qu'il  est  possible,  avec  un  peu  d'atten- 
tion, de  fixer  son  larynx  de  manière  qu'après  avoù' 
pris  la  note  la  plus  aiguë  de  la  voix^  on  puisse  par- 
venir à  passer  subitement  à  la  ?iote  la  plus  grave 
possible,  non  en  abaissant  et  en  relâchant  l'instru- 
ment vocal,  mais  au  contraire  en  contractant  encore 
plus  fortement  tous  les  muscles  de  l'appareil  phona- 
teur, de  manière  à  faire  monter  encore  plus  haut  le 
larynx  (1).  C'est  également  par  le  même  mécanisme, 
c'est-à-dire  en  relâchant  les  cordes  vocales  au  moijen 

(I)  Le  son  qui  résulte  de  ce  mécanisme  n'est  pas  pur,  c'est  une 
voix  qui  tient  de  l'enrouement. 


N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  223 

(Tune  ascension  forcée  et  exagéi^ée  du  larijnx,  qu'est 
produit  le  son  rauque,  brusque  et  très  grave,  qui  est 
l'expression  du  dépit,  de  la  colère,  de  certains  ju- 
rements, et  qui  résulte  aussi  de  la  toux  dans  les 
rhumes,  la  coqueluche,  et  le  croup. 

Ce  n'est  certes  point  une  théorie,  c'est  un  fait  que 
tout  le  monde  peut  observer  sur  soi-même,  les  mou- 
vements du  larynx  ne  sont  que  des  mouvements  ac- 
cessoires à  la  formation  des  sons  et  destinés  à  facili- 
ter le  jeu  des  parties  qui  contribuent  à  tendre  ou  à 
relâcher  les  cordes  vocales.  En  effet,  lorsque  le 
muscle  sterno-thyréoïdien  se  contracte  pour  abaisser 
le  larynx,  il  ouvre  et  dilate  par  sa  contraction  le  car- 
tilage thyréoïde,  ce  qui  contribue  à  la  production  des 
sons  graves  par  la  dilatation  de  la  glotte.  De  même 
le  constricteur  inférieur  du  pharynx  qui,  avec  le 
thyréoïdien,  concourt  à  l'élévation  de  l'instrument 
vocal,  resserre  le  thyréoïde  dont  il  embrasse  les  lames 
cartilagineuses  ;  ces  lames  du  cartilage  thyréoïde 
rapprochent  les  lèvres  de  la  glotte,  en  pressant  les 
muscles  crico-aryténoïdiens  latéraux  et  Ihyréo-aryté- 
noïdiens.En  contribuant  au  rapprochement  des  lèvres 
de  la  glotte,  le  constricteur  inférieur  du  pharynx 
concourt  à  la  production  des  sons  aigus  ;  mais  si  le 
larynx  était  fixé  invariablement,  le  resserrement  ou 
le  relâchement  plus  ou  moins  grand  de  la   glotte 


224  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

produiraient  seuls  tous  les  tons  de  la  voix  humaine. 

Les  variations  de  capacité  et  de  longueur  du  tuyau 
vocal  n'ont  pas  d'influence  sur  la  production  des 
sons.  Cependant  Colombat  était  loin  de  croire  que  ces 
variations  ne  soient  pour  rien  dans  l'émission  de  la 
voix  ;  seulement,  si  elles  n'influent  que  sur  le  timbre 
et  la  force  des  sons,  ordinairement  elles  ne  partici- 
pent nullement  à  la  production  génératrice  de  ces 
derniers,  qui  sont  entièrement  formés  par  la  glotte. 
En  effet,  la  longueur  du  canal  vocal  ne  varie  pas  assez 
pour  rendre  raison  des  sons  nombreux  et  variés  que 
produit  la  voix  humaine,  et  qui  embrassent  quelque- 
fois trois  octaves  ou  quarante-huit  demi-tons  ;  le 
larynx,  qui  ne  peut  se  déplacer  le  plus  souvent  que 
de  deux  centimètres  et  demi  environ,  ne  raccourcit 
par  conséquent  le  tube  phonateur  que  d'un  cin- 
quième, ce  qui  devrait  donner  seulement  la  tierce 
majeure  au-dessous  du  premier  ton,  et  non  la 
double  ou  la  triple  octave. 

Les  mouvements  des  lèvres  et  de  la  langue  ne  peu- 
vent pas  mieux  faire  varier  le  ton  de  la  voix  ;  car  le 
chant  articulé  serait  très  difficile  et  exigerait,  pour 
être  produit,  que  le  larynx  changeât  de  place  pour 
chaque  syllabe  différente.  D'ailleurs,  en  fermant  la 
bouche  on  devrait  changer  le  son  ;  cependant  il  n'en 
est  pas  ainsi,  et  le  son  seul  est  modifié  en  devenant 


N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  225 

plus  sourd.  Enfin  en  bouchant  les  narines  et  en 
adaptant  à  l'orifice  buccal  un  long  tube  et  même  un 
porte-voix,  on  devrait  augmenter  la  gravité  du  son, 
tandis  qu'on  ne  fait  que  le  rendre  plus  sonore  et  plus 
intense.  11  résulte  de  toutes  ces  considérations  qu'on 
ne  conçoit  pas  pourquoi  on  a  voulu  pendant  long- 
temps comparer  le  mécanisme  du  larynx  à  celui  de 
différents  instruments  de  musique;  il  semble  au 
contraire  qu'il  est  plus  naturel  de  comparer  ces  der- 
niers au  larynx. 

Le  larynx  ne  ressemble  qu'à  un  larynx,  c'est  un 
intrument  à  vent  sui  generis,  inimitable  par  l'art,  et 
dont  le  mécanisme  vivant  ne  peut  se  comparer  à 
celui  d'aucun  autre. 

Quant  à  la  glotte,  elle  est  l'instrument  qui  produit 
les  sons,  ou  plutôt  c'est  l'air  chassé  des  poumons 
qui,  sous  l'influence  de  la  volonté,  en  se  brisant  con- 
tre les  lèvres  de  la  glotte,  produit  des  ondulations  so- 
nores qui  sont  modifiées  par  le  pharynx,  la  langue, 
les  lèvres,  les  fosses  nasales,  enfin  par  tout  l'appareil 
vocal. 

Si,  pour  produire  un  son  simple,  ainsi  que  le  prou- 
vent les  cris  que  font  entendre  sans  motifs  appré- 
ciables les  sourds-muets  non  instruits  et  les  idiots, 
on  n'a  pas  besoin  du  concours  d'organes  étrangers 
à  l'appareil  vocal,  il  est  indispensable  qu'il  s'établisse 


226  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

une  mutuelle  correspondance  entre  cet  appareil  et 
l'encéphale,  lorsque,  par  la  parole  ou  la  voix  mo- 
dulée on  veut  exprimer  des  sensations  ou  des  idées. 
Comme  dans  ce  cas  l'instrument  vocal  ne  produit 
que  des  sons  appréciés  par  le  cerveau  par  rintermé- 
diaire  de  l'oreille  qui  les  reçoit,  il  s'ensuit  que  la  voix 
est  nécessairement  dysphonique  s'il  y  a  un  défaut  de 
concordance  entre  ces  derniers  organes  et  le  larynx, 
c'est-à-dire  entre  ce  qu'on  entend  et  ce  qu'on  exprime. 
Le  sens  de  l'ouïe  est  par  conséquent  la  boussole  de 
la  voix,  puisqu'il  est  la  seule  base  sur  laquelle  repose 
l'imitation  des  sons  modulés  ou  articulés  auxquels  on 
attache  une  idée  (1). 

Le  mécanisme  de  l'instrument  vocal  peut  être 
compris,  sans  avoir  besoin  de  le  comparer  aux  autres 
instruments  de  musique  :  d'ailleurs  ces  instruments, 
qui  n'ont  été  créés  que  pour  imiter  ou  soutenir  la  voix, 
sont  bien  loin  de  réunir  au  même  degré  de  perfec- 
tion les  conditions  les  plus  favorables  à  la  production 
des  sons,  tant  sous  le  rapport  du  timbre  que  sous 
celui  de  l'harmonie.  C'est  probablement  pour  cette 
raison  que  les  instruments  qui  approchent  le  plus  de 


(1)  Il  est  donc  évident  que  les  praticiens  qui  s'efforcent  à  rendre  la 
parole  aux  sourds-miiels  par  l'emploi  de  la  médecine  ou,  par  la  pra- 
tique de  la  chirurgie,  avant  de  chercher  à  leur  rendre  Vouie,  ont  un 
point  de  départ  complètement  illogique. 


i\.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  227 

la  voix  humaine  ont  une  expression  plus  touchante  et 
vont  plus  directement  à  l'àme. 

L'organe  de  la  voix  humaine  ne  produit  pas  de  la 
même  manière  tous  les  sons  qui  lui  sont  propres, 

La  voix  articulée  et  la  voix  esthétique  qui  est  l'ex- 
pression mesurée  du  sentiment  et  des  passions;  les 
divers  cris  qui  comprennent  les  sons  les  plus  in- 
tenses que  le  larynx  puisse  former,  et  qui  expri- 
ment les  besoins  de  l'économie  et  en  général  toutes 
les  sensations  vives;  la  ventriloquie  ;  enfin  cette 
voix  qui  a  reçu  dans  notre  langue  le  nom  de  faucet; 
toutes  ces  voix  dépendent  de  mécanismes  différents  : 
c'est  ce  qui  sera  successivement  examiné. 


Physiologie  du  faucet. 

On  a  vu  que  la  glotte  est  l'organe  essentiellement 
phonateur,  et  que  les  diverses  variations  dont  le  tube 
vocal  est  susceptible  n'ont  pas  pour  but  de  rendre 
les  sons  plus  graves  ou  plus  aigus,  mais  seulement  de 
les  rendre  plus  ou  moins  intenses  et  plus  ou  moins 
éclatants,  selon  la  forme  que  prennent  le  tube  vocal  et 
toutes  les  parties  qui  concourent  aux  diverses  modi- 


228  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

fications  phoniques.  Mais  si,  dans  la  plus  grande 
étendue  de  l'échelle  vocale,  la  glotte  est  l'organe 
générateur  des  sons,  il  n'en  est  pas  de  même  dans 
les  cris  aigus  et  dans  le  faucet  (1)  :  alors  le  diapason 
de  la  voix  naturelle  est  poussé  au  delà  de  sa  portée, 
et  l'on  est  obligé  d'avoir  recours  à  une  autre  espèce 
de  voix  dépendant  d'un  mécanisme  particulier.  Le 
point  de  départ  de  celte  nouvelle  série  de  sons  com- 
mence après  la  dernière  note  du  premier  registre 
vocal,  c'est-à-dire  à  la  première  note  du  second  qui 
peut  être  porté  à  Toctave  de  cette  note,  plus  ou 
moins,  suivant  les  individus.  C'est  à  la  réunion  des 
sons  qui  constituent  ce  second  registre  qu'on  donne 
ordinairement  le  nom  de  voix  de  tète  ou  de  faucet. 

Les  notes  aiguës  dépendantes  du  faucet  sont 
dues  au  travail  presque  exclusif  ou  plutôt  à  la  con- 
traction forcée  de  la  partie  supérieure  de  l'appareil 
vocal. 

Alors  élevé  au  moyen  des  contractions  des  mus- 
cles thyréo-hyoïdien^  génio-hyoïdien^  mylo-hyoïdien, 
stylo-hyoïdien,   les   digastriques^   les   génio-glosscs, 


(1)  C'est  avec  intention  que  Colombat  écrivait  faucet  avec  un  c-, 
au  Heu  de  deux  ss;  il  n'admettait  pas  l'étymologie  de  ceux  qui  écri- 
vent fausset,  comme  venant  de  faux,  opposé  de  juste;  on  trouvera 
plus  rationnelle  l'étymologie  du  latin  fauces,  fauciwn,  la  gorge,  le 
gosier,  qui  n'attache  aucune  idée  de  faux  aux  sons  aigus  de  la 
voix. 


N.    0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  229 

et  les  hyo-glosses,  et  enfin  les  constricteurs  inférieurs 
dwpharynx,  l'instrument  vocal  se  fixe  et  se  restreint 
par  l'action  des  muscles  hyo-ihyréoïdiens  latéraux, 
hyo-aryténo'idicns  obliques  et  transverses  et  les  thy- 
réo-aryténoUliens  inférieurs  et  supérieurs;  en  même 
temps  le  pharynx  se  contracte  et  se  resserre,  le 
voile  du  palais,  dont  la  face  antérieure,  presque  ver- 
ticale, est  devenue  inférieure  et  horizontale,  se  tend 
de  manière  à  houcher  les  orifices  pharyngiens  des 
sinus  nasaux;  les  piliers  postérieurs  se  rapprochent 
au  point  de  former  une  sorte  de  glotte  ou  fente  ellip- 
tique. 

La  luette,  qui  se  raccourcit,  se  contracte  et  s'élève 
de  plus  en  plus,  à  mesure  qu'on  passe  des  premiers 
sons  du  faucet  aux  notes  plus  aiguës  de  ce  registre, 
finit  par  s'effacer  tout  à  fait  lorsqu'on  est  arrivé  au 
summum  d'acuité.  La  langue  devient  très  convexe, 
s'élève  et  se  contracte  fortement,  surtout  à  sa  base; 
les  amygdales  se  tuméfient  considérablement  et  se 
rapprochent  l'une  de  l'autre,  l'isthme  du  gosier  se 
resserre,  enfin  l'épiglotte  repliée  en  cornet  dirige 
l'air  qui  s'échappe  de  la  glotte  en  mince  filet,  dans  la 
fente  elliptique  ou  glotte  supérieure  formée,  comme 
nous  l'avons  dit,  par  le  rapprochement  des  piliers 
postérieurs  et  les  contractions  exagérées  de  toutes 
les  parties  dont  il  vient  d'être  question.  Les  ^ow^sus- 


230  N.    0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

laryngiens  qui  résultent  de  ce  mécanisme  ne  s'échap- 
pent plus  en  partie  par  le  nez,  comme  dans  les  notes 
du  premier  registre,  mais  ils  retentissent  seulement 
dans  la  bouche  après"  avoir  été  produits  par  le  brise- 
ment de  l'air  contre  les  lèvres  de  la  nouvelle  glotte 
formée,  comme  cela  a  été  dit,  par  le  rapproche- 
ment des  piliers  postérieurs.  Ces  derniers  sont  sus- 
ceptibles de  vibrations  plus  évidentes  encore  que 
celles  des  cordes  vocales  proprement  dites,  que  l'on 
peut  comparer  aux  vibrations  labiales  qui  ont  lieu 
dans  le  sifflement,  et  surtout  lorsqu'on  cherche  à 
imiter  avec  les  lèvres  certains  sons,  tels  que  ceux  du 
cor,  du  basson,  le  raclement  d'un  archet  sur  les 
cordes  d'un  violoncelle,  ou  enfm  le  bruit  produit  par 
les  ailes  d'une  mouche,  d'un  hanneton  et  de  tous  les 
insectes  coléoptères. 

Dans  le  mécanisme  qui  produit  les  sons  aigus, 
c'est  surtout  la  forme  du  tuyau  vocal  qui  paraît  le 
plus  changer;  en  effet,  dans  la  voix  laryngienne  le 
tuyau  a  deux  orifices  externes,  le  nez  et  la  bouche.  Il 
est  recourbé  supérieurement,  tandis  que  dans  le 
faucet  il  n'a  qu'un  orifice  et  prend  une  direction 
verticale  et  droite,  favorisée  par  l'élévation  du  larynx 
et  la  tête  renversée  en  arrière,  ce  qui  facilite  le  res- 
serrement des  organes  et  empêche  que  le  son  ne 
sorte  par  les  sinus  des  fosses  nasales.  Enfin  dans  la 


N.   0.    —  SYNTHESE  ORTHOPHONIQUE.  231 

voix  du  premier  registre,  appelée  voix  de  poitrine^  la 
cavité  bucco-pharyngienne  forme  deux  cônes  creux 
dont  les  bases,  tournées  vers  la  glotte,  se  confondent 
et  dont  les  sommets  séparés  sont  antérieurs;  au 
contraire,  dans  la  voix  du  second  registre,  la  bouche 
et  le  pharynx  ne  forment  qu'un  cône  à  sommet  pos- 
térieur et  à  base  antérieure.  Pendant  le  mécanisme  du 
faucet,  le  larynx  ou  plutôt  la  glotte  ne  vibre  plus  d'une 
manière  apparente;  son  usage  alors  est  de  rétrécir 
considérablement  rorificepar  où  s'échappe  le  petit  lilet 
d'air  qui,  joint  à  celui  qui  se  trouve  déjà  dans  la  bou- 
che, suffit  pour  produire  les  sons  du  faucet  et  les  sons 
des  cris  aigus  dontnous  aurons  bientôtà  nous  occuper. 
Ce  qui  prouve  encore  que  l'air  ne  sort  que  par  la 
bouche  dans  la  voix  aiguë,  et  non  par  cet  orifice  et 
parle  nez  comme  dans  les  sons  graves,  c'est  qu'il  est 
très  difficile  de  prononcer  purement  les  sons  nasaux, 
dans  les  notes  élevées  du  faucet.  Ainsi,  pour  dire  : 
main  ^lointain  ^  on  dira  :  ma,  loiiata.  C^estpour  cette 
raison  que  les  femmes  en  général,  les  ténors,  surtout 
les  soprani,  sont  moins  facilement  compris,  lorsqu'ils 
chantent  des  paroles,  que  les  barytons  et  les  basses. 
Aussi  les  personnes  qui  ont  une  voix  nasonnée  et  dé- 
sagréable dans  les  sons  du  médium  et  surtout  les 
notes  basses,  font  en  général  entendre  des  sons  écla- 
tants et  purs  en  prenant  le  faucet. 


232  N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

La  glotte  pharyngienne  ne  se  forme  que  lorsque 
celle  (lu  larynx  a  épuisé  toutes  ses  notes  et  produit 
son  plus  haut  diapason.  A  la  simple  inspection  des 
organes  vocaux,  il  est  facile  avec  un  peu  d'habitude 
de  reconnaître  le  genre  de  voix  de  chaque  individu  ; 
les  différences  de  conformation  et  surtout  de  capacité 
de  ces  organes  sont  tellement  sensibles  qu'il  n'est 
presque  pas  possible  de  se  tromper  à  cet  égard.  Les 
chanteurs  à  voix  étendue,  surtout  dans  les  notes 
hautes,  tels  que  les  soprani  et  les  ténors,  ont  les 
parties  supérieures  de  l'appareil  vocal  beaucoup  plus 
développées  et  plus  mobiles  que  les  basses -tailles. 
Chez  ces  derniers  le  larynx  est  beaucoup  plus  grand 
et  descend  presque  jusqu'au  milieu  du  cou  ;  la  saillie 
antérieure  du  cartilage  thyréoïde  est  plus  prononcée  ; 
le  nez  est  ordinairement  plus  saillant,  les  sinus  na- 
saux sont  plus  vastes,  peut-être  parce  que  l'air  les 
traverse  constamment,  les  épaules  et  la  poitrine  sont 
plus  larges  ;  mais  la  bouche  au  contraire  est  plus  pe- 
tite, le  voile  du  palais  plus  épais  et  moins  grand,  la 
luette  moins  procidente  et  moins  mobile^  enfin  toutes 
les  parties  qui  constituent  l'arrière-bouche  sont  en 
général  plus  rétrécies.  Chez  les  ténors  et  surtout  chez 
les  soprani,  la  figure  est  en  général  plus  petite,  quoi- 
que le  gosier  soit  plus  grand  ;  le  larynx  monte  sous  la 
mâchoire  inférieure  ;  les  narines  sont  quelquefois  si 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPMOiNlQUE.  233 

étroites,  qu'elles  permettent  à  peine  le  passage  de 
l'air  ;  mais  la  luette  est  développée  et  très  contractile, 
le  voile  du  palais  est  plus  grand  et  plus  mince,  et  la 
langue  est  à  proportion  plus  épaisse  et  plus  large.  Ce 
qui  peut-être  fait  également  que  ces  organes  sont  plus 
développés  et  plus  mobiles  chez  les  soprani,  c'est  que 
les  chanteurs  de  ce  genre  de  voix  exercent  plus  sou- 
vent la  partie  supérieure  du  tubevocal.  Aussi  ces  parties 
ne  sont-elles  jamais  plus  fatiguées  qu'après  les  rôles 
qui  sont  écrits  pour  être  chantés  dans  les  notes  hautes 
du  second  registre  qui  exigent  que  l'on  prenne  le  faucet. 
Les  enrouements,  les  aphonies  et  les  dysphonies 
des  personnes  à  voix  grave  se  font  remarquer  sur 
toutes  les  notes  et  dans  toute  l'étendue  de  l'é- 
chelle vocale;  chez  les  ténors,  au  contraire,  le  plus 
souvent  les  sons  aigus  du  faucet  ou  du  second  re- 
gistre sont  seuls  altérés  ou  détruits,  tandis  que  la 
voix  de  poitrine  ou  de  second  registre  conserve  à 
peu  près  son  timbre,  son  éclat  et  sa  force  ordinaire. 


Mécanisme  des  cris. 

Le  mécanisme  de  la  formation  des  cris  ne  diflère 
pas  essentiellement  de  celui  des  autres  phénomènes 


-234  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

vocaux.  Il  peut  se  rapporter  tout  à  la  fois  à  la  forma- 
tion des  sons  les  plus  graves  de  la  voix  et  à  celle  des 
sons  aigus  du  faiicet.  En  général,  le  ton  des  cris  est 
beaucoup  plus  intense  que  celui  des  autres  émissions 
vocales,  et  il  offre  toujours  quelque  chose  de  strident 
qui  blesse  l'oreille,  et  qui  est  susceptible  de  mille 
nuances.  Ajoutés  à  la  voix  articulée,  les  cris  forment 
chez  riiomme  une  partie  importante  de  son  langage 
et  deviennent  un  moyen  supplémentaire  de  la  parole, 
qui,  quoique  accidentel  et  temporaire^  est  néanmoins 
le  plus  énergique  et  le  plus  rapide  pour  exprimer 
les  sensations  vives  et  subites,  ainsi  que  toutes  les 
douleurs  physiques  et  morales.  L'espèce  de  langage 
que  le  cri  établit  étant  instinctif  et  naturel  se  trouve, 
par  cela  même,  le  plus  puissant  de  tous  ;  c'est  lui 
qui  nous  ébranle  le  plus  fortement  et  qui  excite  en 
nous  les  sentiments  les  plus  vifs  ;  enfin,  c'est  lui  qui 
seul  est  compris  de  tous  les  hommes,  et  qui  provoque 
en  eux  les  déterminations  les  plus  soudaines. 

Les  cris  et  certaines  inflexions  vocales  affectives, 
ayaut  pour  cause  déterminante  l'état  du  moi  et  la 
sensation  pénible  ou  agréable  auxquels  leur  expression 
actuelle  se  rapporte,  sont  pour  cela  même  éminem- 
ment propres  à  fixer^.  sur  ceux  qui  les  poussent,  l'at- 
tention de  ceux  qui  les  entendent. 

C'est  ainsi  que  les  cris  de  la  douleur  et  ceux  qui  sont 


N.    0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  235 

le  résultat  d'un  péril  imminent,  etc.,  nous  émeuvent 
d'une  manière  bien  diverse.  Les  cris  bruyants  du 
plaisir  nous  rendent  joyeux,  tandis  que  les  cris  du  dé- 
sespoir nous  navrent  le  cœur  et  nous  remplissent 
de  tristesse.  Ceux  qui  résultent  des  souffrances  phy- 
siques contribuent  à  les  rendre  plus  supportables^  et 
semblent  être  un  mouvement  salutaire  de  la  nature 
qui  concourt  à  généraliser  le  mal  pour  en  dimiuuer 
l'intensité.  C'est  ainsi  qu'une  couleur  s'affaiblit  quand 
on  rétend  dans  un  liquide. 

Mo?it (ligne diûil  «que les criset'rt/Jore?ida douleur.  » 

Si  l'on  considère  l'espèce  de  collapsus  et  de  sou- 
lagement qui  paraît  résulter  des  cris,  on  serait  au- 
torisé^ jusqu'à  un  certain  point,  à  les  ranger  parmi 
les  contre-slimulants. 

Le  cri,  étant  une  sorte  de  voix  commune  à  Ihu- 
manité,  nous  offre  sur  les  animaux  un  moyen  d'ac- 
tion et  un  langage  qu'ils  semblent  mieux  comprendre, 
parce  qu'il  se  rapproche  plus  du  leur. 

Si,  comme  cela  a  été  dit,  chaque  douleur  a  son 
intonation  et  son  inflexion  phonique  particulière  ;  si 
les  cris  des  souffrances  physiques  dilTèrent  de  ceux 
des  douleurs  morales,  et  si  les  uns  et  les  autres  diffè- 
rent entre  eux  selon  l'expression  et  les  sensations 
auxquelles  ils  se  rapportent,,  il  est  incontestable  que 
l'étude  des  cris  chez  l'homme  peut  aider  les  physio- 


236  N.   0.   —  SYNTHESE  ORTHOPHONIQUE. 

logistes  à  porter  un  diagnostic   plus  sûr  dans  cer- 
taines affections. 

Quoique  le  diapason  des  cris  dépende  du  timbre 
naturel  de  la  voix;  et  soit,  par  conséquent,  variable 
à  l'infini,  même  cbez  les  individus  qui  les  profèrent 
dans  de  semblables  circonstances,  on  peut  expri- 
mer approximativement^  par  des  chiffres  ou  des  si- 
gnes de  musique,  les  intervalles  des  doubles  sons 
qui  constituent  les  cris  propres  à  chaque  douleur. 

Les  cris  et  les  autres  inflexions  vocales  alTectives 
sont,  chez  l'homme,  composés  de  deux  intonations 
distinctes,  produites,  avec  leurs  diverses  modifica- 
tions, par  des  eff'orts  particuliers  et  des  contractions 
exagérées  de  l'appareil  vocal.  Le  son,  qui  est  d'abord 
grave,  devient  subitement  plus  ou  moins  aigu  et  plus 
ou  moins  prolongé,  et  ces  deux  intonations  presque 
simultanées,  dont  la  réunion  forme  le  cri,  présentent 
des  intervalles  toniques  qui  sont  toujours  semblables 
chez  les  individus  se  trouvant  dans  les  mêmes  condi- 
tions physiques  et  morales,  mais  qui  changent  à 
rinfini,  selon  l'expression  et  la  douleur  auxquelles  les 
difîérents  cris  se  rapportent.  Il  y  a  donc  deux  sons 
dans  la  formation  du  cri  :  le  premier,  qui  est  très 
bref  et  dont  le  diapason  est  aussi  variable  que  le 
timbre  naturel  de  la  voix,  se  confond  avec  le  second 
qui   est  plus  prolongé,  et  qui   correspond  selon  la 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  237 

nature  du  cri  à  la  tierce^  à  la  quarte,  à  la  quinte,  à 
\octave  de  son  congénère  (I),  ou  enfin,  ce  qui  a 
lieu  le  plus  souvent,  à  une  des  notes  aiguës  du  faucet. 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  notre  espèce  que 
les  cris  sont  formés  par  deux  intonations,  mais 
presque  tous  les  animaux  vertébrés,  ceux  surtout 
qui  ont  été  classés  dans  l'ordre  des  mammifères, 
font  entendre  des  cris  composés  d'au  moins  deux 
sons  offrant  des  accents  et  des  intervalles  qui  diffè- 
rent dans  chaque  espèce,  mais  qui  sont  invariables 
chez  les  individus  de  la  même  espèce  et  se  trouvant 
impressionnés  par  les  mômes  causes. 

Pour  faire  mieux  comprendre  les  différents  cris, 
on  prendra,  d'après  la  théorie  de  Colombat,  pour  dia- 
pason ou  point  de  départ  \ut  au-dessous  des  lignes 
d'une  portée  de  la  musique  notée,  en  rappelant  de 
nouveau  que  cette  note,  choisie  pour  tonique,  peut 
changer  selon  les  individus,  mais  qu'entre  ce  point  de 
départ  ou  tout  autre,  les  intervalles  résultant  des 
doubles  sons  qui  forment  les  cris  sont  presque  tou- 
jours les  mêmes,  et  peuvent  être  notés  approximati- 
vement. 


(1)  Congénère  :  qui  est  du  même  genre,  appartient  à  la  môme 
espèce. 


238  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHOMOL'E. 


Intonations  des  cris  dans  les  douleurs  physiques  et 
morales.  —  Différentes  inflexions  vocales  affec- 
tives. 


On  a  observé  que  les  cris  causés  par  l'application 
du  feu  sont  graves  et  profonds,  et  que  le  double  son 
qui  en  résulte  peut  être  représenté  par  Voctave  basse 
et  la  tie?'ce,  par  exemple  Viitque  plus  haut  on  a  indi- 
qué et  lemzsur  la  première  ligne.  Le  sonvocalde  ces 
cris  est  représenté  par  Ve  muet  et  l'interjection  ah  ! 

Les  cris  arrachés  par  l'action  d'un  instrument 
tranchant  sont  aigus  et  perçants,  et  peuvent  être 
exprimés  d'abord  par  un  son  très  rapide  ou  une  tri- 
ple croche  de  loctave  du  médium  qui  serait  à  peu 
près  le  5o/,  sur  la  seconde  ligne  et  presque  en  même 
temps,  par  un  son  aigu  et  prolongé,  ou  une  blanche 
correspondante  au  si  aigu  au-dessus  des  lignes. 
Les  sons  vocaux  de  ce  cri  sont  :  e,  ah  !  e,  ah  !  la, 
la. 

Les  cris  qui  résultent  des  douleurs  pulsatives  pro- 
duites par  une  inflammation  phlegmoneuse,  un  pana- 
ris, un  furoncle,  etc.,  présentent  quatre  sons  presque 
d'égale  durée  ;  le  plus  bas  est  Xoctave^  le  plus  haut 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHO.NIOL'E.  239 

la  sixte  naturelle,  puis  baissée  d'un  demi-ton  pour 
arriver  à  la  quinte;  le  premier,  qui  est  une  double 
croche,  correspond  à  Vut  pris  pour  diapason  ;  le  se- 
cond, qui  est  une  noire,  correspond  au  la  naturel 
dans  la  portée,  et  le  troisième  au  la  bémol,  qui  est 
une  croche  ainsi  que  le  dernier  finissant  par  la  quarte, 
c'est-à-dire  par  le  50/ sur  la  seconde  ligne.  Les  sons 
vocaux  du  cri  désigné  ordinairement  sous  le  nom 
de  gémissement  forment,  pour  la  première  note,  la 
voyelle  a,  et,  pour  les  trois  autres ,  la  syllabe  on 
syncopée  trois  fois. 

Le  double  son,  résultant  du  cri  des  douleurs  lanci- 
nantes déterminées  par  une  névralgie  faciale ,  un 
mal  de  dents,  la  goutte,  etc.,  sera  représenté  par 
une  triple  croche,  par  exemple  le  re,  sous  la  portée 
et  par  son  octave  sur  la  quatrième  ligne  qui  doit  être 
plus  prolongée  et  suivie  d'une  sorte  de  trémolo.  Les 
sons  vocaux  de  ce  cri  donnent  les  voyelles  a  et  0. 

Le  cri  déterminé  par  les  douleurs  gravatives  (1) 
est  assez  bien  indiqué  par  trois  sons  du  médium,  le  sol 
sur  lui  la  première  ligne  et  le  demi-ton  suivant,  c'est- 

(1)  Se  dit  de  la  douleur  quand  elle  cause  un  sentiment  de  pesan- 
teur. Cette  sorte  de  douleur  est  souvent  occasionnée  par  l'épan- 
chement  d'un  liquide  dans  une  cavité,  ou  par  le  poids  d'un  or-anc 
engorgé.  ° 


240  N.   0.   —   SYNT[1ÈSE  ORTIIOPÎIONIQUE. 

à-dire  le  la  bémol,  puis  le 50/ naturel  déjà  indiqué;  le 
premier  son  est  représenté  par  une  croche,  le  second 
par  une  noire  pointée^  et  le  troisième,  qui  est  le  même 
que  le  premier,  également  par  une  croche.  Les  sons 
vocaux  de  ce  cri  forment  les  voyelles  e  muet  et  la 
syllabe  nasale  wi. 

Les  douleurs  de  l'accouchement  arrachent  les  cris 
les  plus  aigus  et  les  plus  intenses  de  tous  ;  ils  ont 
une  expression  particulière  bien  connue  et  beaucoup 
plus  remarquable  encore  que  celle  des  autres  cris 
déjà  indiqués  et  notés.  Le  double  son  qui  les  pro- 
duit sera  représenté  par  Voctave  basse  et  la  dix- 
septième^  par  exemple  Vut  sous  la  portée  et  le  ré 
aigu  du  faucet. 

Il  semble  que  les  douleurs  atroces  de  l'accouche- 
ment élèvent  le  diapason  naturel  de  la  voix  et  aug- 
mentent en  même  temps  son  étendue.  Les  voyelles 
qui  représentent  les  deux  intonations  de  ce  cri  sont 
\a  muet,  et  \e,  comme  dans  le  cri  déterminé  par 
l'action  d'un  instrument  tranchant. 

Le  critrès  distinct  qui,  dans  la  toux  spasmodique, 
caractérise  spécialement  la  coqueluche,  est  assez 
bien  reproduit  par  deux  notes  du  premier  registre, 
offrant   entre   elles   Tintervalle   d'une    quinte,    par 


N.    0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  241 

exemple  IV^  au-dessous  de  la  première  ligne  et  le  sol 
sur  la  seconde.  Le  premier,  très  bref  et  saccadé,  est 
une  triple  croche,  et  le  second,  qui  est  d'abord  une 
noire  pointée^  puis  une  croche  et  une  double  croche, 
finit  par  s'unir  au  premier  et  par  devenir,  comme 
lui,  une  triple  croche.  Les  sons  vocaux  de  ce  cri  for- 
ment les  deux  syllabes  que  et  ot.  L'expression  de 
quinte  de  /02/^  vient,  probablement,  de  l'observation 
qu'on  a  faite  que  certaines  toux  étaient  composées 
de  deux  sons  offrant  entre  eux  l'intervalle  d'une 
quinte. 

Enfin,  le  vagissement  ou  voix  native  qui  forme  le 
seul  langage  des  enfants  du  premier  âge,  et  qui  est 
composé  des  deux  syllabes  ou  in,  peut  être  noté 
au  moyen  d'une  croche  et  d'une  noire  pointée, 
séparées  par  l'intervalle  d'une  octave,  par  exemple 
le  sol  sur  la  seconde  ligne  et  son  octave  au-dessus  de 
la  portée  (I). 

Si  la  connaissance  des  diverses  intonations  des  cris 
résultant  des  douleurs  physiques  peut  être  utile  aux 
médecins^  celle  des  cris  alfectifs  peut  également 
olfrir  aux  compositeurs  de  musique  dramatique  et 

(1)  Un  philosophe  grec  ne  voulait  pas  qu'on  réprimât  entièrement 
les  cris  des  enfants  nouveau-nés,  parce  qu'il  les  regardait  comme 
une  sorte  d'exercice  qui  supplée  aux  autres  mouvements. 

16 


242  N.    0.   —   SYNTHÈSE   ORTIIOPHO.MQUE. 

aux  artistes  des  théâtres  comiques  et  tragiques  le 
plus  vif  intérêt. 

Ayant  toujours  présente  à  la  mémoire  l'échelle 
diatonique  des  passions  ou  des  afTections  vives  et 
soudaines  de  Tàme,  les  musiciens  parviendront  plus 
facilement  à  faire  de  l'harmonie  imitative  et  expres- 
sive, et  les  comédiens  à  varier  et  à  reproduire  d'une 
manière  naturelle  toutes  les  inflexions  vocales  qui  se 
rapportent  à  la  situation  actuelle  des  personnages 
dont  ils  jouent  le  rôle. 


Le  cri  de  la  joie,  comme  la  plupart  des  cris,  est 
formé  de  deux  so?is,  dont  l'un  bref  et  l'autre  prolongé 
présentent  l'intervalle  àhme  octave,  par  exemple  le 
ré  sous  la  portée  et  la  même  note  sur  la  quatrième 
hgne. 

Le  cri  de  vivat  est,  comme  le  cri  de  joie,  formé 
par  deux  sons;  mais  ils  n'ont  entre  eux  qu'un  inter- 
valle d'une  note,  par  exemple  le  reet  le  mi. 

Les  deux  sons  qui  constituent  le  cri  d'appel,  offrent 
l'intervalle  d'une  neuvième,  qui  doit  être  notée  par 
le  ré  grave  et  le  mi  entre  la  quatrième  et  la  cin- 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  2i-3 

quième  ligne.  Les  sons  vocaux  qui  le  constituent 
forment  l'interjection /zo/«.V  et  l'exclamation  ah!  Le 
premier  son  est  bref  et  le  second  est  prolongé. 

La  double  intonation,  résultant  du  cri  causé  par 
une  terreur  vive  et  subite  ou  par  un  péril  imminent, 
est  le  plus  discord  de  tous  :  on  peut  l'exprimer  par 
r«^  grave  du  violon,  et  le  s?  aigu  du  faucet  qui  sem- 
ble faire  en  même  temps  un  accord  avec  Viit  du  mé- 
dium. 

Le  cri  du  sanglot  ou  pleurs  est  formé  d'abord  par 
trois  notes  saccadées  ou  trois  triples  croches  sembla- 
bles, produites  pendant  l'inspiration,  et  ensuite  par 
une  blanche^  portée  à  la  quinte  mineure  ou  six  demi- 
tons  plus  baut  et  par  trois  croches  saccadées  corres- 
pondant à  la  quarte. 

Les  trois  premiers  sons  seront  représentés  par 
trois  ré  sous  la  portée,  le  quatrième  par  un  la  bé- 
mol, et  les  derniers  par  trois  sol  sur  la  seconde  ligne. 

Le  cri  du  dégoût  est  formé  par  deux  inflexions 
vocales  presque  d'égale  durée  et  offrant  entre  elles 
Tintervalle  d'une  quarte^  \ut  et  le  /«,  par  exemple. 
Les  sons  vocaux  de  ce  cri  donnent  l'articulation  la- 
biale pou,  et  l'exclamation  ahl 


244  N.   0.  —   SYNTHÈSE    ORTHOPIIOXIQUE. 

On  voit  qu'il  serait  jusqu'à  un  certain  point  possi- 
ble de  faire,  d'après  les  différents  registres  de  voix 
de  chaque  individu,  une  échelle  diatonique  des  multi- 
ples cris  personnels.  . 

Si  les  langues  sont  toujours  insuffisantes  pour 
exprimer  les  intonations  des  divers  sentiments  du 
moi,  il  n'en  est  pas  ainsi  de  la  musique,  qui  peut 
reproduire  d'une  manière  assez  précise  les  intervalles 
des  sons  vocaux  formant  les  cris  auxquels  les  dou- 
leurs physiques  et  morales  se  rapportent.  Il  n'y  a 
donc  pas  de  relations  conventionnelles  entre  les 
inflexions  vocales  qui  sont  propres  à  chaque  douleur, 
mais  bien  des  relations  physiques  qui  sont  toujours 
invariables  chez  les  individus  de  la  même  espèce  et 
se  trouvant  impressionnés  de  la  même  manière. 


De  l'engastrimythisme. 

L'engastrimythisme  ou  ventriloquie  est  une  espèce 
de  voix  sourde,  tantôt  lointaine,  tantôt  rapprochée, 
qui  produit  les  illusions  vocales  les  plus  étonnantes  et 
les  plus  variées. 

L'art  des  ventriloques  a  été  connu  de  la  plus  haute 
antiquité,  car  il  en  est  question  dans  le  livre  (ÏHipno- 
crate,  et  dans  d'autres  auteurs  des  temps  les  plus  re- 


N.  0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOFFIONIQUE.  24o 

culés.  Aristophane  parle  d'un  certain  Eurycle  qui 
était  ventriloque  et  qui  se  faisait  passer  pour  devin 
dans  la  ville  d'Athènes.  Il  paraît  même  que  chez  les 
peuples  anciens  la  ventriloquie  était  spécialement  ré- 
servée aux  magiciens  et  aux  pythonisses  qu'on  dési- 
gnait aussi  sous  le  nom  à'engastnmenthes  ow  ventri- 
loques. 

C'est  en  France  particulièrement  que  l'histoire  du 
ventriloquisme  trouve  les  faits  les  plus  authentiques 
et  les  plus  propres  à  répandre  quelques  lumières  sur 
les  procédés  et  les  effets  des  illusions  vocales  de  cet 
art. 

Pour  produire  la  voix  des  ventriloques  on  doit  em- 
ployer le  mécanisme  suivant  :  d'abord,  après  avoir 
fait  une  profonde  inspiration  orthophonique,  on  con- 
tracte très  fortement  le  voile  du  palais,  le  pharynx, 
le  larynx,  la  base  de  la  langue  et  tous  les  mus- 
cles   expirateurs,  de  manière  à   ce  que  l'émission 
de  la  voix  s'effectue  en  chassant  le  moins  possible 
d'air  hors  des  poumons,  et  de  telle  sorte  que  les  sons 
ne  retentissent  que  dans  la  bouche.   Ce  résultat  est 
assez  facilement  obtenu  par  les  raccourcissements 
forcés  du  voile  du  palais  et  par  ceux  de  tous  les  muscles 
du  ventre,  de  la  poitrine  et  du  cou.  On  doit  dire  aussi 
que  pour  rendre  la  voix  de  plus  en  plus  lointaine  on 
cherchera  à  la  baisser  insensiblement  d'un  huitième, 


246  N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPOOIIIQUE. 

d'un  quart  et  d'un  demi-ton,  et  en  même  temps,  pour 
en  adoucir  le  timbre,  on  relèvera  la  pointe  de  la 
langue  vers  la  luette,  de  telle  sorte  que  la  concavité 
que  présente  cet  orgdne  ainsi  disposé  agisse  comme 
la  sourdine  d'un  instrument  à  vent  ou  la  main  d'un 
joueur  de  cor  d'harmonie. 

On  voit  que  le  principal  secret  des  ventriloques  est 
d'empêcher  que  l'air  ne  sorte  par  le  nez,  et  de  faire 
en  sorte  que  ce  fluide  ne  s'échappe  par  la  bouche  que 
d'une  manière  lente  et  tout  à  fait  forcée.  Il  résulte  de 
ce  mécanisme,  que  la  voix  semble  être  sourde  et  avoir 
la  faiblesse  et  le  timbre  de  la  voix  éloignée,  ce  qui, 
pour  cette  raison,  fait  croire  qu'elle  vient  de  loin. 
On  augmentera  encore  Tillusion,  en  donnant  à  la 
voix  un  son  qui  paraît  venir  d'un  Heu  déterminé  ;  il 
suffit  d'appeler  adroitement  l'attention  vers  ce  lieu, 
et  de  parler  ensuite  dans  celte  direction  en  élevant 
plus  ou  moins  le  voile  du  palais  pour  que  la  >oix 
s'éloigne  ou  s'approche  à  volonté.  Il  faut  aussi  tâcher 
de  parler  en  faisant  le  moins  possible  des  mouve- 
ments de  la  mâchoire  inférieure  et  avoir  soin  d'arti- 
culer en  quelque  sorte  la  bouche  fermée  ;  enfin,  le 
ventriloque  devra  se  présenter  presque  toujours  de 
profil,  afin  que  sa  figure  paraisse  plus  impassible  et 
aussi  dépourvue  de  physionomie  que  celle  d'un 
aveugle.  Par  ce  moyen,  il  semblera  encore  plus  ne 


N.   0.   —  SYNTHESE  ORTHOPHONIQUE.  247 

prendre  aucune  part  aux  sons  vocaux  qu'il  fait  en- 
tendre. 

On  aura  soin  de  parler  de  temps  en  temps  avec  la 
voix  ordinaire,  afin  de  faire  mieux  ressortir  le  con- 
traste qui  existe  entre  elle  et  les  sons  ventriloques, 
dont  l'oreille  ne  peut  jamais  distinguer  exactement 
la  direction. 

Il  est  bon  d'ajouter  encore  que  la  ventriloqnie  exer- 
cerait en  vain  toutes  ses  ressources  d'imitation  et  de 
prononciation  artificielle,  si  le  son  était  comme  la  lu- 
mière propagé  en  ligne  droite,  et  si  l'oreille  pouvait 
apprécier  la  direction  de  ce  dernier,  aussi  exacte- 
ment que  l'œil  apprécie  celle  des  rayons  lumineux. 

Il  faut  en  outre  être  doué  d'une  faculté  instinctive 
d'imitation. 

Un  célèbre  ventriloque  se  trouvait  un  jour  dans 
un  cercle  où  on  venait  de  lire  une  comédie.  Après 
la  lecture,  il  amena  la  conversation  sur  les  prestiges 
des  prétendus  ventriloques,  et  avança  que  les  voix 
qu'ils-  faisaient  entendre  étaient  celles  de  personnes 
cachées  de  diverses  manières,  et  postées  en  des  lieux 
convenables;  de  telle  sorte  qu'une  scène  de  ventri- 
loquie  devait  être  préparée  d'avance,  et  ne  pou- 
vait être  improvisée.  A  peine  avait-il  exprimé  cette 
opinion,  qu'il  reçut  une  réponse  dont  les  assistants 
furent  très  surpris  :  l'interlocuteur  paraissait  être  à 


248  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPIIONIQUE. 

l'étage  au-dessou?  et  se  faire  entendre  à  travers  le 
plancher.  Mais  la   conversation  devint  bientôt  plus 
étonnante  :   des  bustes  et  d'autres  objets  y  prirent 
part,  énoncèrent  leur  avis  et  discutèrent  même  avec 
feu.  La  curiosité  des  spectateurs  étant  suffisamment 
excitée,  l'opérateur  expliqua  ses  procédés,  les  exer- 
cices rpi'il  avait  faits,  les  études  auxquelles  il  s'était 
livré;  il  fit  comprendre,  non  seulement  par  une  expo- 
sition clairement  développée,  mais  par  des  applica- 
tions faites  sur-le-champ,  comment  les  spectateurs  et 
les  auditeurs  non  prévenus  peuvent  être  trompés  sur 
la  distance  et  le  lieu  d'où  la  voix  semble  venir.  Après 
avoir  montré  les  ressources  de  cette  première  partie 
de  son  art,  le  ventriloque-artiste  parla  de  la   se- 
conde^ où  l'intelligence  a  plus  de  part  encore,  où  la 
flexibilité  de  l'organe  ne  suffit  plus;  il  fit  voir  qu'il 
avait  médité  sur  l'art  du  comédien,  qu'il  en  connaissait 
tous  les  secrets  et  qu'il  savait  les  employer.  Sa  figure, 
qui  exprimait  les  diverses  passions  avec  vérité  et 
énergie,  passait  de  l'une  à  l'autre  avec  une   éton- 
nante rapidité  :   dans  l'intervalle  de  quelques  minu- 
tes, on  le  voyait  grand,  petit,  fluet,  d'un  embonpoiut 
excessif,  gai,  sombre,  affligé,  simple,  maniéré;  enfin, 
il  possédait  un  talent  d'imitation  vraiment  extraor- 
dinaire. 


N.   0.   —   SYNTHESE   ORTHOPHONIQUE.  249 

Mécanisme  naturel  des  sons  articulés. 

ALPHABET   ORTHOPHONIQUE. 


On  prononce  un  mot  devant  l'enfaut,  il 
le  répète  en  -vertu  du  rapport  de  l'or- 
gane  auditif  et   de   l'organe    vocal. 

On  ne  lui  apprend  pas  quels  mou- 
vements il  doit  faire  pour  les  prononcer. 
Il  résulte  nécessaii-ement  de  là  que  la 
moindre  imperfection  organique  produit 
une  infirmité  vocale. 

11  est  clair  que  si  les  mouvements  qui 
président  au  mécanisme  naturel  des  sons 
articulés  étaient  généralement  étudiés,  il 
serait  facile  dans  l'enfance  de  rectifier 
beaucoup   de  vices   d'articulation  vocale. 


C'est  avec  raison  qu'on  a  dii;  que  tout  le  méca- 
nisme du  langage  consistait  dans  les  diverses  modi- 
fications que  nous  faisons  éprouver  aux  cinq  sons 
fondamentaux  A,  E,  I,  0,  U,  désignés  sous  le  nom 
de  voyelles  ou  vocales.  Ce  qui  distingue  essentielle- 
ment ces  cinq  lettres  de  toutes  les  autres,  c'est  que, 
naissant  d'une  simple  situation  des  organes  vocaux 
et  non  d'un  mouvement  ou  battement  de  la  langue 
ou  des  lèvres,  le  son  glottal  qu'elles  représentent 
peut  être  prolongé  aussi  longtemps  que  dure  la  sortie 
de  l'air  qui,  pendant  leur  production,  s'échappe  du 
larynx. 

D'après  cette  définition  des  voyelles,  il  est  facile  de 


250  N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

concevoir  que  si  les  grammairiens  n'en  comptent  que 
cinq,  les  physiologistes  doivent  porter  leur  nombre 
au  moins  à  seize  pour  représenter  les  seize  sons  fon- 
damentaux que  nous  classons  selon  l'analogie  de  la 
disposition  de  la  bouche  et  des  autres  organes  néces- 
saires à  leur  production  :  a,  a,  an,  ê,  è,  in,  é,  i,  eu^ 
e,  lin,  ô,  0,  0)1,  u,  ou,  que  l'on  trouve  exprimés  par 
une  ou  plusieurs  lettres,  dans  les  mots  pâte,  palte, 
pante,  tête,  tète,  tinter,  lézard,  misère,  jeunesse, 
revenir,  chacun,  côte,  cote,  conte,  univers,  oublier. 
Quoique  ces  divers  sons  vocaux  ne  soient  pas  écrits 
par  une  seule  lettre,  comme  cela  a  lieu  dans  a,  e,  i, 
0,  u^  ils  n'en  sont  pas  moins  des  voyelles,  parce  que 
ces  dernières  ne  dépendent  pas  du  nombre  de  carac- 
tères qui  les  représentent,  mais  bien  delà  simplicité 
du  son  dont  elles  sont  le  signe,  et  de  la  possibilité 
qu'il  y  a  de  le  soutenir  comme  celui  des  voyelles 
aussi  longtemps  que  dure  l'expiration. 

Les  autres  espèces  de  lettres  qui  font  partie  de  l'al- 
phabet, et  qu'on  a  désignées  sous  le  nom  de  con- 
sonnes, ne  produisent  par  elles-mêmes  aucun  son  ; 
mais  elles  sont  les  signes  de  l'action  passagère  et  des 
divers  mouvements  qu'exécutent  la  mâchoire  infé- 
rieure, les  lèvres,  la  langue  ou  le  pharynx  pour  mo- 
difier le  son  des  voyelles  ou  lettres  glottales  à  me- 
sure qu'il  s'échappe  de  la  bouche  ou  des  narines. 


N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  'Toi 

C'est  l'union  et  la  combinaison  de  ces  deux  espèces 
de  lettres  qui  constituent  ce  qu'on  appelle  les  syllabes; 
mais,  comme  ces  dernières  peuvent  n'être  composées 
que  d'une  voyelle  seule,  on  doit,  pour  en  donner  une 
définition  exacte,  dire  qu'elles  consistent  dans  un  son 
.  vocal  simple  ou  composé,  mais  prononcé  par  une 
seule  impulsion  de  voix. 

Toutes  les  consonnes  sont  du  genre  masculin,  et 
terminées,  lorsqu'on  les  prononce  isolément  ou 
qu'elles  sont  à  la  fin  d'un  mot,  par  un  E  muet  faible  ; 
ainsi,  au  lieu  de  dire,  effe,  elle,  emme,  cnne^  erre, 
esse,  pour  indiquer  les  lettres  F,  L,  M,  N,  R,  S,  on 
prononce  fe,  le,  me,  ne,  re,  se,  etc.  On  voit  d'après 
cela  que,  si  l'E  muet  n'existe  comme  lettre  que  dans 
la  langue  française,  il  se  trouve  comme  son  faible 
dans  toutes  les  langues  à  la  fin  des  mots  terminés 
par  une  consonne,  comme  par  exemple,  en  français, 
bal,  rob^  cap;  en  anglais,  man,  foot,  child ;  en  alle- 
mand, Gott^  Mûtter,  arm  ;  enfin  en  latin  templnm, 
domi?iiis,  Carmen,  etc. 

En  prenant  pour  guide  le  jeu  des  organes  qui  agis- 
sent principalement  dans  la  production  des  voyelles, 
chacune  d'une  manière  propre  à  son  éclosion,  et  des 
articulations  ou  consonnes,  qui  sont  représentés  par 
des  lettres,  ces  dernières  se  trouvent  naturellement 
divisées  en  lettres  labiales^  linguales  et  gutturalcst 


252  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

selon  que  les  lèvres,  la  langue  ou  la  gorge  contri- 
buent plus  organiquement  à  leur  formation. 

Dans  les  premières  ou  labiales^  se  trouvent  les 
lettres  B,  F,  M,  P,.V;  dans  les  secondes  ou  linguales^ 
sont  comprises  D,  J,  L,  N,  R,  S,  T,  X,  Z;  enfin  dans 
les  troisièmes  ou  gutturales^  sont  rangées  les  con- 
sonnes C  et  G  durs,  K  et  Q.  Nous  avons  supprimé 
le  C  et  le  G  doux  dont  les  descriptions  phonétiques 
sont  inutiles,  et  la  lettre  H,  qui  n'est  pas  précisément 
une  consonne,  mais  seulement  un  signe  d'aspiration. 

L'alphabet  français  serait  beaucoup  plus  parfait 
si  l'on  remplaçait  ces  dernières  lettres  par  des  signes 
graphiques  représentant  les  consonnes  CH,  le  GN  et 
L  mouillé. 

Après  avoir  classé  les  différentes  lettres  d'après 
l'ordre  physiologique  et  générateur  de  leur  articula- 
tion, nous  allons  indiquer  le  mécanisme  qui  produit 
les  sons  ainsi  que  les  modifications  vocales  et  tactiles 
qu'elles  rappellent,  en  suivant  l'ordre  dans  lequel  elles 
sont  rangées  dans  l'alphabet. 


La  voyelle  A,  qui,  dans  l'enfance  de  l'écriture, 
était  le  signe  hiéroglyphique  de  l'homme,  fut,  par 
cette  raison,  placée  la  première  dans  presque  tous 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  253 

les  alphabets.  Peut-être  aussi  qu'on  a  donné  à  cette 
lettre  la  première  place,  qu'elle  a  conservée  jusques 
aujourd'hui,  parce  que  le  son  vocal  qu'elle  représente 
est  en  quelque  sorte  le  plus  simple  et  le  plus  naturel 
de  tous,  puisque  c'est  le  premier  que  les  enfants  com- 
mencent à  former,  et  que,  malgré  les  différences 
d'idiomes  et  de  langages,  il  sert  chez  tous  les  peuples 
à  exprimer  instinctivement  les  mêmes  mouvements 
du  moi^  surtout  ceux  de  la  douleur  et  de  l'admiration. 

Le  mécanisme  physiologique  de  la  voyelle  A  est 
très  sim[de. 

Pour  produire  le  son  dont  elle  est  le  signe,  il  suf- 
fit d'ouvrir  la  bouche  ;  la  langue  étant  abandonnée  à 
elle-même  et  mollement  étendue  dans  cette  cavité 
doit  se  retirer  un  peu  en  arrière  pour  faciliter  «  l'é- 
coulement »  du  son,  afin  qu'il  soit  rendu  plus  sonore 
par  la  voûte  du  palais  et  par  les  deux  rangées  de 
dents  (1). 


Cette  consonne  s'articule  en  laissant  la  langue  im- 
mobile, en  rapprochant  légèrement  les  lèvres,  et  en 
ouvrant  brusquement  la  bouche.  Le  son  du   B  est 

(1)  On  modifiera  Touverture  de  la  bouche  selon  la  valeur  de  la 
voyelle  à  émettre  et  de  l'accentuation  à  produire. 


254  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

précédé  d'un  frémissement  sonore  qui  part  du  fond 
de  la  cavité  buccale,  suit  le  palais,  et  sort  ensuite 
vivement,  après  avoir  été  modifié  par  les  lèvres. 

D'après  certains,  auteurs,  Tarticulation  représentée 
par  cette  lettre,  que  les  Allemands  confondent  souvent 
avec  celle  du  P,  comme  le  font  aussi  les  Espagnols  et 
les  Gascons  avec  celle  du  V,  était  figurée  dans  les 
hiéroglyphes  égyptiens  par  une  brebis,  parce  que 
cet  animal  imite  par  son  bêlement  le  son  dont  le  B 
est  le  signe  graphique. 

C  dur,  K 

Le  C  dur,  troisième  lettre  de  notre  alphabet,  s'ar- 
ticule en  appuyant  fortement  la  face  dorsale  de  la 
langue  contre  le  palais,  après  l'avoir  retirée  du  fond 
de  la  bouche  ;  ce  qui  force  l'air  qui  distend  le  gosier 
de  ne  sortir  que  lorsqu'on  a  abaissé  l'organe  phona- 
teur, en  articulant  en  même  temps  avec  explosion  la 
voyelle  qui  suit  le  C. 


D 


Le  D,  qui  n'est  qu'un  adoucissement  du  T,  s'arti- 
cule en  frappant  avec  la  pointe  de  la  langue  la  face 
postérieure  des  dents  incisives  de  la  mâchoire  supé- 


M.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTIIOPHUNIQUE.  235 

Heure,  et  en  prononçant  en  même  temps  la  voyelle 
qui  suit.  L'articulation  de  cette  lettre,  que  les  gram- 
mairiens rangent  parmi  les  dentales,  est  précédée, 
comme  celle  du  B,  d'une  légère  sonorité  gutturale, 
qui  est  à  peu  près  le  son  faible  de  l'E  muet. 

Les  côtés  de  la  langue  se  joindront,  par  son  circuil, 
à  toutes  les  dents  de  la  mâchoire  supérieure. 


E 


Pour  produire  le  son  naturel  assigné  à  cette  lettre, 
qui  est  en  quelque  sorte  le  Protée  des  voyelles,  il 
suffit  que  le  corps  de  la  langue  s'élève  pour  que  sa 
face  dorsale  s'applique  contre  le  palais,  afin  de  dimi- 
nuer la  cavité  buccale  et  de  rétrécir  de  tous  côtés  le 
passage  de  l'air  ;  les  lèvres  doivent  être  médiocre- 
ment écartées  et  se  replier  sur  elles-mêmes,  et  les 
dents  incisives  inférieures,  sur  lesquelles  appuie  lé- 
gèrement le  bout  de  la  langue,  doivent  être  plus  rap- 
prochées des  supérieures  que  pour  l'articulation  de 
la  voyelle  A. 

F 

Les  mouvements  que  nécessite  l'articulation  de  la 
consonne  F  consistent  à  retirer  un  peu  en  arrière  la 
mâchoire  inférieure,  de  manière  à  toucher  légèrement 


2o6  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

la  lèvre  de  cette  mâchoire  avec  l'arcade  dentaire  su- 
périeure ;  les  lèvres  doivent  s'ouvrir  avec  vivacité,  et 
l'air  qui  s'est  d'abord  échappé  des  commissures  doit 
sortir  de  la  bouche  avec  impétuosité. 

G  dur  (G  doux,  comme  le  J). 

Le  mécanisme  physiologique  du  G  dur  consiste  à 
appuyer  légèrement  la  pointe  de  la  langue  contre  la 
face  postérieure  des  dents  incisives  de  la  mâchoire 
inférieure,  en  même  temps  que  l'on  applique  la  face 
supérieure  ou  dorsale  de  cet  organe  contre  la  voûte 
palatine;  puis,  après  une  contraction  de  toutes  les 
parties  logées  dans  le  pharynx,  on  doit  vivement 
remettre  dans  un  relâchement  complet  l'organe  pho- 
nateur contracté,  pour  laisser  s'échapper  l'air  par 
une  sorte  d'explosion  subite,  de  manière  à  articuler 
dans  le  fond  du  gosier  cette  consonne,  qui  ne  diffère 
du  C  dur  que  parce  qu'elle  est  précédée  d'un  frémis- 
sement ayant  à  peu  près  le  son  faible  de  l'E  muet. 


H 


La  lettre  H  est  plutôt  un  signe  d'aspiration  qu'une 
véritable  consonne. 

Pour  la  prononcer,  il  suffit  d'employer  le   méca- 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTIIOPHOMQUE.  257 

nisme  de  l'articulation  des  voyelles  qu'elle  précède, 
ayant  toutefois  le  soin  d'abaisser  un  peu  plus  la 
mâchoire  inférieure  lorsqu'elle  est  précédée  des 
voyelles  A,  E,  1,  et  de  faire  saillir  plus  en  avant  les 
lèvres,  lorsque  la  lettre  H  est  suivie  des  deux  autres 
voyelles  0  et  U. 

I 

La  voyelle  1,  représente  un  son  moins  plein  «pie 
celui  de  l'E.  Elle  exige  que  le  tuyau  vocal  se  trouve 
rétréci  le  plus  possible,  soit  au  moyen  des  màcboires 
qui  se  rapprochent,  soit  au  moyen  de  la  langue  dont 
la  pointe  s'applique  fortement  contre  les  dents  inci- 
sives inférieures,  pour  que  sa  partie  charnue  reflue 
plus  aisément  vers  le  palais  et  puisse  s'y  attacher  en 
s'élargissunt  comme  pour  sortir  entre  les  dents  mo- 
laires des  deux  cotés  ;  l'an'  doil  presque  entièrement 
se  porter  sur  les  incisives  qu'il  va  heurter  avant  de 
s'échapper  de  la  cavité  buccale. 


On  articule  cette  consonne  en  donnant  une  vive 
impulsion  à  l'air,  que  l'on  fait  s'échapper  avec  force 
après  avoir  appliqué  à  peu  près  le  tiers  antérieur  de 
la  face  dorsale  de  la  langue  à  quelques  lignes  en 

17 


258  iN.   0.    —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

avant  des  dents  incisives  de  la  mâchoire  inférieure. 
Le  son  du  J  et  du  G  doux  est  accompagné  d'une 
espèce  de  frémissement  sonore  qui  se  fait  entendre 
dans  rarrière-bouche. 

K 

La  lettre  K  s'articule  comme  le  C  dur. 


Cette  consonne,  se  prononce  en  repliant  la  langue 
sur  elle-même,  de  telle  sorte  que  son  sommet,  en 
s'élevant,  aille  frapper  le  palais  un  peu  au-dessus  des 
alvéoles  des  dents  incisives  supérieures.  Ce  méca- 
nisme doit  être  précédé  d'un  bruissement  guttural 
semblable  à  celui  du  B,  du  D  et  du  G  dur. 


M 


Le  mécanisme  de  cette  consonne  consiste  à  rap- 
procher les  lèvres  l'une  de  l'autre,  en  faisant  sortir 
une  partie  de  l'air  par  les  fosses  nasales  en  même 
temps  que  l'on  abaisse  brusquement  la  mâchoire  infé- 
rieure. Une  sorte  de  frémissement  sonore,  semblable 
au  son  faible  de  l'E  muet,  précède  l'articulation  de 
l'M  et  se  fait  entendre  dans  l'arrière-bouche. 


N.   0.    —   SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  2o9 

N 

Pour  l'endre  le  son  que  représente  la  lettre  N,  il 
faut  porter  la  pointe  de  la  langue  sur  les  alvéoles  des 
dents  incisives  supérieures  et  l'abaisser  vivement  jus- 
qu'au milieu  de  la  bouche^  en  chassant  l'air  dans  les 
narines  et  en  faisant  précéder  l'abaissement  de  l'or- 
gane phonateur  du  son  de  l'E  muet  que  l'on  entend 
dans  le  pharynx  avec  un  frémissement  des  cordes 
vocales,  semblable  à  celui  qu'offre  l'articulation  na- 
turelle des  consonnes  J,  L,  M. 

O 

La  voyelle  0  exige  à  peu  près  le  môme  mécanisme 
que  l'A,  mais  les  lèvres  se  portent  en  avant,  de  ma- 
nière à  arrondir  Touverture  de  la  bouche,  comme 
pour  faire  une  petite  moue;  la  langue  est  suspendue 
et  courbée  en  forme  d'arc,  et  le  son  produit  est  plus 
intérieur  que  celui  de  l'A. 

La  forme  arrondie  de  l'O  rappelle  la  position  des 
lèvres  pendant  l'émission  de  cette  voyelle. 

P 

Le  mécanisme  du  P  ne  diffère  de  celui  du  B  que 


260  N.  0.   —  SYiNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

parce  que  la  première  de  ces  deux  lettres  exige  que 
l'air  sorte  de  la  bouche  avec  plus  de  violence  et  que 
les  lèvres  se  pressent  plus  fortement  l'une  contre 
l'autre.  Le  son  du  B  est  plus  profond  et  se  trouve 
précédé  d'un  tremblement  sonore  de  la  glotte,  tandis 
que  le  son  du  P  est  plus  explosif,  parce  que  l'air,  se 
trouvant  comme  retenu  dans  la  bouche,  sort  ensuite 
avec  plus  d'impétuosité  au  bout  des  lèvres. 


La  consonnance  que,  représentée  par  les  cinq  con- 
sonnes QU,  K,  C,  CH,  G,  se  forme  en  pliant  le  bout 
de  la  langue  le  plus  bas  possible,  afin  qu'elle  touche  à 
sa  racine  vers  le  filet.  Dans  cette  position  le  dessus  de 
la  langue  le  plus  rapproché  de  Tarrière-bouche  devra 
être  en  point  tactile  avec  le  palais,  afin  de  neutraliser 
l'air  au  moment  de  sa  sortie.  Alors,  après  avoir  pro- 
duit la  voix,  et  en  rompant  le  point  palatal,  on  fait 
entendre  facilement  les  articulations  :  quâ,  quà,  que, 
que,  que,  que,  qui,  quô,  quo,  quu,  quou. 


R 


Pour  produire  l'espèce  de  ronflement  oscillatoire 
que  représente  cette  lettre,  il  importe  que  la  langue 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  201 

se  replie  supérieurement,  de  manière  que  sa  face  dor- 
sale soit  concave  et  que  sa  pointe  soit  portée  vers  le 
palais,  un  peu  au-dessus  des  alvéoles  des  dents  inci- 
sives supérieures.    Dans  cette  position,   Textrémité 
linguale  mise  en  mouvement  par  l'air  chassé  bruyam- 
ment doit  céder  à  ce  fluide  avec  une  sorte  d'élasti- 
cité qui  lui  permette  de  vibrer  aussi  longtemps  que 
l'on  veut  prolonger  le  frémissement  sonore  qui  pré- 
cède l'union  de  l'R  avec  une  voyelle.  Il  faut  de  plus, 
pour  éviter  le  grasseyement  proprement   dit,  avoir 
soin  de  laisser  dans  l'inaction  la  plus  complète  la 
base  de  l'organe  phonateur,  les  lèvres  et  la  mâchoire 
inférieure. 

S 

Cette  lettre  s'articule  en  plaçant  la  langue  à  l'ex- 
trémité des  dents  incisives  supérieures,  de  façon  à 
ne  laisser  qu'une  petite  issue  à  l'air,  qui  doit  être 
chassé  avec  force,  mais  en  s'échappant  en  filets  dé- 
liés, afin  de  produire  le  sifflement  qui  doit  précéder 
le  son  vocal  et  s'unir  avec  lui,  au  moment  même  de 
l'abaissement  subit  de  la  mâchoire  inférieure. 

T 

Le  T  a  un  mécanisme  très  simple,   qui  consiste  à 


262  N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

placer  le  bout  de  la  langue  sur  la  face  postérieure 
des  dents  incisives  supérieures,  afin  de  frapper  ces 
dernières  en  même  temps  qu'on  abaisse  vivement  la 
mâchoire  inférieure,  pour  laisser  échapper  l'air  de 
la  cavité  buccale.  L'articulation  du  T  ne  diffère  de 
celle  du  D  que  parce  qu'elle  est  plus  explosive  et 
n'est  pas  précédée  d'un  frémissement  guttural  comme 
celle  de  cette  dernière  lettre. 


U 


L'U  français  s'obtient  facilement  en  portant  les 
lèvres  en  avant,  de  manière  à  arrondir  et  à  rétrécir 
l'ouverture  de  la  bouche,  dans  le  but  de  chasser  l'air 
par  une  petite  issue,  et  pour  modifier  convenablement 
l'espèce  de  sifflement  grave  qui  est  le  son  naturel  de 
cette  voyelle. 

V 

On  articule  cette  lettre  en  retirant  un  peu  en 
arrière  la  mâchoire  inférieure,  et  en  plaçant  légère- 
ment l'arcade  dentaire  supérieure  sur  la  lèvre  du 
côté  opposé,  de  telle  sorte  que  l'air  ne  puisse  s'échap- 
per que  vers  les  deux  commissures  labiales.  Il  ré- 
sulte de  ce  mécanisme  d'abord  une  espèce  de  siffle- 
ment qui  est  précédé  d'un  frémissement  guttural, 


N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  263 

puis  une  sorte  d'explosion  qui  complète  rarticulation 
(lu  V,  lorsque  les  lèvres  inférieures,  cessant  d'être 
appliquées  contre  la  face  postérieure  des  dents  in- 
cisives de  la  mâchoire  supérieure,  ont  permis  à  l'air 
de  s'échapper  avec  violence  de  la  cavité  buccale. 


Dans  notre  langue,  le  caractère  X  est  le  signe  d'un 
plus  grand  nombre  d'articulations  que  dans  la  langue 
latine,  puisque  cette  lettre  représente  tantôt  CS 
comme  dans  luxe.,  GZ  comme  dans  Xavier.,  tantôt 
deux  SS,  comme  dans  soixante,  un  Z  comme  dans 
deuxième.,  enfin  un  K,  un  Q  ou  un  C  dur  comme 
dans  excès.  11  est  donc  impossible  d'indiquer  un  mé- 
canisme physiologique  qui  convienne  aux  articulations 
si  différentes  de  l'X;  d'ailleurs  le  mécanisme  qui  pro- 
duit les  sons  qu'elle  représente  est  le  même  que 
celui  des  autres  consonnes  doubles  ou  simples  dont 
elle  est  une  abréviation  ou  dont  elle  tient  la  place. 


Cette  lettre  est  désignée  dans  l'alphabet  français 
sous  le  nom  de  I  grec,  parce  que  nous  en  faisons 
usage  au  lien  de  l'U  ou  upsilon  des  Grecs,  dans  les 


264  N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

mots  qui  viennent  de  leur  langue,  tels  que  syllabe, 
symbole,  martyrs,  qui  sont  prononcés  comme  s'ils 
étaient  écrits  avec  un  I. 

Comme  la  lettre  Y  représente  le  son  d'un  I  simple 
ou  d'un  I  double,  elle  exige  le  même  mécanisme  que 
cette  dernière  voyelle  qui  pourrait  toujours  la  rem- 
placer avec  avantage,  sans  faire  perdre  beaucoup  à 
l'étymologie  des  mots  dans  lesquels  on  la  trouve. 

Z  et  S  dur 

La  consonne  Z  est  produite  par  un  mécanisme  à 
peu  près  semblable  à  celui  de  l'S  adouci  ;  mais  il 
exige,  ainsi  que  celui  de  l'S  dur,  que  la  langue  vibre 
à  sa  base  et  soit  moins  élevée,  pour  fournir  à  l'air  un 
passage  plus  large  et  un  son  sifflant  accompagné  d'un 
frémissement  guttural  qui  doit  s'unir  à  la  voyelle  au 
moment  où  cette  dernière  se  fait  entendre. 

C'est  seulement  dans  les  langues  française  et  an- 
glaise que  le  Z  est  une  consonne  simple  ayant  la  va- 
leur indiquée  plus  haut.  En  allemand  et  en  espagnol 
le  Z  représente  TS  ;  en  italien,  elle  est  tantôt  le  signe 
de  l'articulation  TS,  et  tantôt  celui  de  la  double  con- 
sonnante  DZ. 


N,   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  20j 

COMPLÉMENT    DE   L'ALPHABET  ORTHOPHONIQUE 

CH 

Pour  représenter  la  consonnance  che,  notre  idiome 
n'a  point  de  loltre  ;  elle  est  formée  par  les  deux  con- 
sonnes C  H. 

L'articulation  de  ces  deux  lettres  réunies  se  pro- 
duit en  élevant  la  langue,  en  mettant  les  bords  de 
ce  muscle  en  attouchement  avec  les  grosses  dénis 
supérieures  et  en  relevant  son  bout  contre  le  palais 
au-dessus  des  gencives  supérieures  de  manière  à  ce 
qu'elle  forme  un  peu  gouttière. 

A  ce  moment  on  doit  chasser  l'air  avec  une  cer- 
taine impétuosité  et  produire  ainsi  le  son  cho. 

Il  est  facile  également  par  une  ouverture  de  bou- 
che un  peu  plus  grande  de  faire  entendre  les  articula- 
tions : 

Châ,  chà,  che,  ché,  chè,  chê,  chî,  chi,  cliô,  chù, 
chu,  chou. 

GN 

L'articulation  gno^  représentée  par  les  deux  con- 
sonnes G  N,  peut  s'obtenir  en  portant  le  dessus  de 
la  langue  au  palais,  le  bout  étant  contre  les  dents  de 


26*)  N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

la  mâchoire  inférieure,  de  façon  à  neutraliser  l'air. 
Au  moment  de  l'expiration,  la  base  de  la  langue 
donnera  à  peine  passage  à  l'air  afin  que  le  son  sourd 
produit  par  celte  résistance  continue  de  passer  par  les 
fosses  nasales,  pendant  toute  la  durée  de  Tarticula- 
tion  vocale  de  la  syllabe. 

En  ajoutant  le  son  de  la  voyelle  I  à  toutes  les  arti- 
culations on  aura  : 

gnâ-nia,  gna,  gne, 
gné-nié,  gnè,  gnô-niê,  gnî, 
gni,  gnô,  gno,  gnu,  gnou. 

ILL 

Au  moment  où  on  veut  produire  cette  conson- 
nance,  la  bouche  doit  être  peu  ouverte  et  la  langue 
dirigée  en  haut  contre  le  palais;  elle  interceptera 
l'air  vers  l'arrière-bouche,  où  elle  s'élargit  pour  être 
en  point  d'attouchement  avec  les  joues. 

L'articulation  il  ou  ill  est  sous  tous  les  rapports 
d'une  exécution  facile. 


ST 


ST  se  prononce  d'abord  comme  la  consonne  S, 
c'est-à-dire  qu'elle  s'articule  en  élevant  la  langue  au 
palais  et  en  formant  un  petit  espace  dans  tout  le  mi- 


N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTFIOPnONIQUE.  267 

lieu  de  sa  longueur.  Mais  quand  le  hout  de  la  langue 
se  joint  subitement  aux  arcades  dentaires,  l'air  qui 
sort  des  poumons  étant  alors  concentré  prend  la  force 
de  vaincre  un  nouvel  obstacle  et  de  faire  entendre  la 
consonnance  te. 

Ce  double  mécanisme  vocal  est  ordinairement  si 
prompt  que  la  prononciation  st  a  lieu  presque  d'un 
seul  temps. 

DE   L'ORTHOPHOME 
Classification  de  tous  les  vices  de  la  parole. 

La  grammaire   est   le    droit  écrit,  l'ortho- 
phonie est  le  droit  parlé. 

Après  avoir  fait  connaître  le  mécanisme  de  la  for- 
mation des  diverses  modifications  de  la  voix, on  arrive 
naturellement  à  l'étude  des  vices  de  la  parole  qui 
constitue  une  nouvelle  branche  des  sciences  et  à  la- 
quelle le  docteur  Colombat  a  donné  le  nom  d'Ortho- 
phonie, du  grec  ocOh^,  droit,  7'égulie7\  et  çwvy),  la  voix. 

En  prenant  pour  base  l'étiologie,  le  diagnostic  et 
le  traitement  des  différentes  anomalies  de  l'articula- 
tion, on  les  divise  en  cacomiithies  et  en  dyslalies 
formant  deux  classes  principales  bien  distinctes. 

La  première  comprend  tous  les  défauts  de  pro- 


268  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORïnOPFIOMQUE. 

nonciation,  qui  consistent,  soit  dans  l'altération  du 
son  que  représentent  certaines  letlres,  soit  dans  la 
substitution  d'une  articulation  à  une  autre,  comme 
cela  a  lieu  dans  les  diverses  espèces  de  grasseye- 
ments et  de  hlésités,  etc. 

La  seconde  grande  classe  de  \ Orthophonie  réunit 
sous  le  nom  générique  de  dyslalies  tous  les  vices  de 
l'articulation  caractérisés  par  la  répétition  et  la  pro- 
nonciation plus  ou  moins  pénibles  des  syllabes  et  des 
mots,  ainsi  qu'on  l'observe  dans  le  hrechuillement^  le 
balbutiement  et  le  bégaiement. 

L'étude  de  la  physiologie  et  de  la  thérapeutique 
orthophonique  de  ces  diverses  anomalies  de  la  parole 
est  subdivisées  en  trois  sections  :  1°  les  cacomuthies 
et  les  dyslalies  idiopathiqucs  (1);  2°  les  cacomuthies 
et  les  dyslalies  symptomatiqaes  (2)  ;  3"  les  cacomu- 
thies et  les  dyslalies  dépendant  d'un  vice  organique^ 
primitif  ou  accidentel. 

(1)  Idiopnthie  :  affection  qui  existe  par  elle-même,  et  non  par  le 
fait  de  la  coexistence  d'une  autre  affection. 

(2)  Sympfomatique  :  affection  syniptomatique,  celle  qui  n'est  qu'un 
symptôme  d'une  autre  affection  et  qui,  quand  cette  autre  affection 
se  termine,  cesse  elle-même  aussitôt. 


N.  0. 


SYNTHESE   ORTHOPHONIQUE. 


269 


TABLEAU  SYNOPTIQUE 

DES  VICES   DE   LA  PAROLE 


r«  SECTION. 

VICES 

IDIOPATHIQUKS 
DE     LA    PAU  OLE. 


CACOMUTHIES 

réunit ant  de  l'al- 
t.ération  du  f^on 
de  certaines  let- 
tres ou  de  la  sub- 
stitution d'une 
articulation  à 
une  autre. 


l'ésullant  du  dé- 
faut de  coordi- 
nation des  ,nou- 
I  veuients      des 
\  oryanes   pJiona- 
*  leurs. 


Les  divers  grasseyements, 
la  blésité,  la  lallation  ou  lamb- 
daclsme,  le  jotacisme,  le  zé- 
zaiement, le  nasillement. 


Le  bredouillement,  le  bé- 
gaiement lahio-choréique  lo- 
quax,  le  diflbrme,  le  bégaie- 
ment des  femmes  ou  lubio- 
c/ioréique  aphone,  le  lingual. 

LehégaiGment;/utturo-téta- 
nique  muet  ou  nasal,  Tinter- 
miitent,  le  chorciforme,  le 
canin,  l'épileptiforme,  enfin 
le  bégaiement  mixte. 


Tous  ces  vices  idmpathiques  de  l'articulation  peu- 
vent être  congénitaux,  ou  être  le  résultat  de  l'imita- 
tion et  d'une  mauvaise  habitude  qu'on  a  prise  dès 
l'enfance. 


11^    SECTION. 

VICES 

SYMl'TOMATIQUES 

DE    LA 

PAROLE. 


Le  grasseyement,  certaines 
blésités,  le  zézaiement. 

Le  balbutiement  propre- 
ment dit,  le  bégaiement  gut- 
turo-tétanique  avec  balbutie- 
,;'  meut,  la  paraphonie  (1),  la  ba- 
i  ryphonie  ou  parole  lourde,  le 
I  mutisme  incomplet  sans  sur- 
\  dite  ou  avec  surdité. 

(1)  Vice  de  la  voix  consistant  dans  un  timbre  désagréable. 


CACOMUTHIES. 


DVSLALIES. 


270  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

Tous  les  vices  symptomatiques  de  la  parole  qui  sont 
compris  dans  celte  section  peuvent  être  déterminés 
par  un  état  pathologique  des  organes  de  l'articula- 
tion, par  la  paralysie  des  nerfs  qui  les  animent,  par 
une  affection  morbide  du  cerveau,  par  la  diminution 
et  la  perte  de  la  mémoire  ou  de  l'ouïe,  l'idiotisme, 
l'état  d'ivresse,  la  cliorée  générale,  par  une  modifica- 
tion organique  des  centres  nerveux  ;  par  la  perte 
des  dents  incisives  supérieures^  par  la  grenouillette, 
riiypertropliie  accidetelle  de  la  langue,  enfin  par  les 
lésions  vitales  et  les  productions  morbides  qui  peuvent 
avoir  leur  siège  sur  les  organes  de  l'articulation. 


IIP  SECTION. 

VICES 

DE  LA  PAKOLE 

dépendant  d'une 
lésion  orgaiiiijue, 
primitive  ou  acci- 
dentelle. 


CACOMUTUIES. 


DYSLALIES. 


Le   grasseyement,   le    zé- 
zaiement, certaines  blésités, 
I  le  jotacisme,  le  lambdacisme 
f  ou  lallation. 

ILe  bégaiement  lingual,  le 
mogiclieîlalisme  ou  difficulté 
do  prononcer  les  consonnes 
labiales,  le  mogilalisme  pro- 
prement dit  ou  difficulté  de 
prononcer  les  mots,  l'ischno- 
phonie  ou  faiblesse  de  la  voix, 
l'oxyplionie  ou  voix  perçante. 


Les  défectuosités  de  l'articulation  qui  sont  rangées 
dans  cette  section  peuvent  être  occasionnées  par 
l'hypertrophie  congéniale  de  la  langue,  par  le  manque 
de  développement  de  cet  organe,  la  longueur  excès- 


N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  271 

sive  du  filet,  la  trop  grande  profondeur  de  la  voûte 
palatine,  la  division  de  la  luette,  et  celle  du  voile  du 
palais,  l'écartement  et  la  perforation  des  os  palatins, 
enfin  le  manque  de  développement  du  larynx. 

Cette  classification  a  l'avantage  de  signaler  les  cau- 
ses générales  et  les  caractères  distinctifs  de  tous  les 
vices  delà  parole  ;ce  qui  est  de  la  plus  haute  impor- 
tance pour  découvrir  les  principes  généraux  de  re- 
dressement vocal  et  les  moyens  prophylactiques  et 
orthophoniques  spéciaux  qui  conviennent  plus  parti- 
cuhèrement  à  chacun  d'eux. 

En  résumé,  la  parole  peut  être  dérangée  de  quatre 
manières  principales,  c'est-à-dire  par  une  lésion  de 
l'appareil  cérébral,  par  une  lésion  de  l'appareil  mé- 
canique, par  une  lésion  des  agents  de  communication 
entre  ces  deux  appareils,  enfin  par  un  défaut  de  coor- 
dination entre  l'action  nerveuse  et  l'action  musculaire 
des  divers  organes  qui  prennent  part  à  Tarticulation. 

Les  anomalies  ou  vices  de  l'articulation  vocale 
seront  étudiés  dans  Fordre  suivant  : 


I"  CLASSE. 

CACOMUTHIES. 


1"  Le  grasseyement  et  ses  variétés. 
2"  La    blésité ,    qui    comprend    le    zézaiement, 
la  lallation  ou  le  jotacisme. 
!  3"  Le  balbutiement  essentiel,  la  baryphonie  et  le 
II'  CLASSE.     I  mogilalisme. 

DïSLALiEs.       j  4"  Le  bredouillement. 

l  6"  Le  bégaiement  et  ses  diverses  variétés. 


N.   0.   —  SYNT^Èi^E   ORTHOPHONIQUE. 


Du  grasseyement  et  de  ses  variétés. 

Le  tous  les  vices  de  la  parole  rangés  dans  la  classe 
des  cacomuthies  (du  grec  xaxo'î,  mauvais^  et  (jlïïôoç, /;«- 
role)^  celui  qui  se  rencontre  le  plus  souvent  est  sans 
contredit  le  grasseyement,  qui  consiste  soit  à  articuler 
dans  l'arrière-bouclie  ou  de  toute  autre  manière  dé- 
fectueuse la  lettre  R,  soit  à  lui  substituer  le  son  d'une 
autre  lettre,  soit  enfin  à  supprimer  plus  ou  moins  cette 
consonne. 

Ce  qui  fait  que  le  grasseyement  proprement  dit 
est  le  vice  de  la  parole  le  plus  fréquent,  c'est  sans 
doute  parce  que  l'articulation  naturelle  de  la  con- 
sonne Il  exige  de  plus  grands  efforts  des  muscles  pho- 
nateurs que  celle  de  toutes  les  autres  lettres  de  l'al- 
phabet. 

Le  grasseyement  proprement  dit  ou  rostacisinc^ 
tel  qu'on  entend  généralement  ce  mot,  est  le  vice  de 
la  parole  qui  consiste  à  articuler  comme  les  guttu- 
rales, dans  l'arrière-bouche,  la  linguale  R,  de  ma- 
nière à  donner  à  cette  lettre  un  son  sourd  et  traî- 
nant. Lorsque  cette  articulation  est  peu  sensible,  on 
lui  trouve  généralement  quelque  chose  de  doux.  C'est 
cette  fausse  persuasion  que  le  grasseyement  est  sou- 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  273 

vent  une  sorte  de  mignardise,  qui  fait  qu'on  en  laisse 
contracter  l'habitude  aux  enfants,  surtout  aux  jeunes 
lilles. 

On  classe  aussi  dans  la  première  espèce  de  gras- 
seyement tous  ceux  qui  ne  peuvent  prononcer  Vr 
double  que  comme  un  simple  r  ou  qui  dans  le  chant, 
par  exemple,  prononcent  Vr  simple  avec  un  d  un  peu 
muet  et  faiblement  aspiré.  Ceux-ci  pour  dire  Jltmie 
prononceront  dhome.  Il  est  raisonnable  de  critiquer 
ceux  qui  grasseyent,  puisque  ce  vice  de  la  parole, 
étant  rarement  naturel,  est  presque  toujours  le 
résultat  de  l'affectation,  de  l'imitation  ou  d'une 
habitude  dont  on  peut  se  défaire. 

Dans  la  conversation  ordinaire,  le  grasseyement  est 
un  défaut  désagréable,  mais  il  l'est  bien  plus  encore 
dans  le  chant  et  dans  la  déclamation  ;  aussi  on  ne  le 
supporte  guère  au  théâtre. 

Comme  la  définition  donnée  du  grasseyement  com- 
prendtoutes  les  altérations  du  son  naturel  de  la  con- 
sonne R,  ce  vice  do  la  parole  est  divisé  en  six  espèces 
principales  qui  diffèrent  entre  elles  autant  par  le  mé- 
canisme qui  les  produit  que  par  le  son  qui  en  est  le 
résultat. 

Dans  la  première  espèce,  on  range  le  grasseyement 
proprement  dit,  c'est-à-dire  celui  qui  consiste  à  pro- 
noncer l'R  entièrement  de  la   gorge,  en  sorte  que 


274  N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

rarticulation  de  celte  lettre  se  forme  par  iin  son 
multiple  qui  semble  être  précédé  d'un  C,  ou  d'un  G, 
et  rouler  dans  l'arrière-bouche.  Ce  grasseyement, 
lorsqu'il  est  bleu  marqué,  dépend  de  ce  que  la  pointe 
de  la  langue,  au  lieu  d'être  j^ortée  vers  le  palais^  se 
trouve  retirée  en  bas  vers  la  partie  postérieure  des 
dents  incisives  de  la  mâchoire  inférieure,  d'où  il  ré- 
sulte que  la  face  dorsale  de  cet  organe  est  alors  con- 
vexe au  lieu  d'être  concave,  ce  qui  le  force,  pour 
articuler  l'R,  de  vibrer  vers  sa  base,  au  lieu  de  vibrer 
à  son  sommet.  C'est  par  un  mécanisme  diamétrale- 
ment opposé  que  ce  vice  de  l'articulation  doit  être 
combattu.  D'abord  on  fait  porter  la  langue  vers  la 
voûte  palatine,  à  peu  près  à  trois  ou  quatre  lignes 
plus  en  arrière  que  la  partie  postérieure  des  dents  in- 
cisives de  la  mâchoire  supérieure,  de  manière  que 
la  face  dorsale  de  l'organe  phonateur  soit  concave, 
et  que  sa  pointe  élevée  soit  libre  et  puisse  seule  vibrer. 
Ce  résultat  est  obtenu  sans  beaucoup  de  difficulté,  si 
on  a  le  soin  de  dire  à  la  personne  de  laisser  l'arrière- 
bouche  dans  l'inaction,  et  surtout  de  ne  pas  vouloir 
d'abord  articuler  l'R,  mais  seulement  se  contenter  de 
chercher  à  faire  osciller  la  pointe  de  la  langue  en 
chassant  une  grande  masse  d'air,  comme  pour  imiter 
le  ronflement  des  chats,  ou  encore  mieux  le  bruit 
sourd  produit  par  le  mouvement  de  la  corde  et  de  la 


N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  275 

grande  roue  d'un  émouleur.  Lorsque  par  le  moyen 
de  cette  gymnastique  on  est  parvenu  à  faire  agir 
seulement  le  sommet  de  la  langue,  il  résulte  alors  un 
son  naturel  qui  irnile  à  peu  près  celui  de  la  syllabe  re, 
à  laquelle  on  lait  ajouter  une  autre  syllabe  tour  par 
exemple,  ce  qui  donne  le  mot  retour,  ou  tout  autre, 
selon  la  dernière  syllabe  ajoutée. 

Quand  on  a  obtenu  ce  résultat,  il  s'agit  de  faire 
prononcer  l'R,  précédée  d'une  autre  consonne,  comme 
dans  le  moi  français;  pour  y  parvenir,  on  fait  pro- 
noncer l'F  seule,  et  l'on  dit  d'imiter  ensuite  le  bruit 
dont  nous  venons  de    parler,  et  enfin  d'ajouter  les 

deux  dernières  syllabes  ançais,  ce  qui  donne  fe 

rrr ançais,  français,  que  l'on  prononce  bientôt 

convenablement.  Il  en  est  de  même  pour  toutes  les 
autres  lettres  qui  peuvent  se  trouver  avant  l'R. 

La  deuxième  espèce  de  grasseyement  est  celle  qui 
consiste  à  donner  à  l'R  le  son  du  V.  Elle  a  pour  cause 
la  mauvaise  habitude  qu'on  a  contractée  de  vouloir 
articuler  la  première  de  ces  consonnes  seulement  en 
faisant  agir  les  lèvres  ;  d'où  il  résulte  que  l'air  chassé 
par  la  bouche  et  les  joues  n'a  qu'un  étroit  passage 
pour  elfectuer  sa  sortie,  comme  dans  la  prononcia- 
lion  des  labiales  sifflantes  F  et  V  ;  la  langue,  le  palais, 
la  cavité  buccale  et  toutes  les  autres  parties  qui  agis- 
sent dans  l'articulation  naturelle  de  l'R,  restent  dans 


27G  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

l'inaction  et  sont  remplacées  parles  lèvres^  tandis  que 
ces  dernières,  qui  devraient  rester  immobiles,  font 
seules  l'office  de  tous  les  autres  organes  de  la  parole. 
Ceux  qui  sont  affectés  de  cette  espèce  de  grasseye- 
ment disent,  v7'ois  pour  trois,  vive  pour  rire. 

Pour  faire  cesser  ce  vice  de  l'articulation  vocale, 
il  faut  apprendre  à  prononcer  l'R,  d'après  la  gym- 
nastique indiquée  plus  haut,  ayant  de  plus  le  soin 
de  tenir  les  lèvres  rapprochées  de  manière  à  les  em- 
pêcher d'agir,  de  se  porter  en  avant,  et  de  ne  laisser 
échapper  que  très  peu  d'air  par  le  petit  intervalle 
qui  doit  les  séparer.  On  parviendra  à  ce  double  résul- 
tat au  moyen  de  deux  doigts,  l'index  et  le  pouce, 
portés,  le  premier  sur  la  lèvre  supérieure  et  le  second 
sur  l'inférieure  ;  on  continuera  cet  exercice  jusqu'à 
ce  qu'on  ait  compris  le  vrai  mécanisme  de  l'articula- 
tion de  l'R.  Ce  grasseyement  est  heureusement  très 
rare. 

La  troisième  espèce  de  grasseyement  consiste  à 
donner  à  la  consonne  R  deux  sons  à  la  fois  comme 
dans  la  première  espèce  ou  grasseyement  proprement 
dit  ;  mais  il  diffère  essentiellement  de  ce  dernier  : 
1°  en  ce  que  les  lettres  superflues  ne  sont  jamais  le 
C  et  le  G  ;  2°  en  ce  que  Tarticulation  de  l'R,  au  lieu 
d'être  formée  au  fond  de  la  gorge  par  la  base  de  la 
langue,  a  lieu,  au  contraire,  vers  la  pointe  de  cet  or- 


i\'.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  277 

gane,  sorti  de  la  cavité  buccale  et  porté  entre  les 
dents  incisives  des  deux  mâchoires,  de  manière  à 
aller  toucher  la  face  postérieure  de  la  lèvre  supé- 
rieure. Il  résulte  de  cette  articulation  vicieuse  que 
la  langue  est  obligée  de  joindre  d'abord  au  son  de  la 
lettre  R  celui  du  Z  ;  ainsi  on  dit  zrizre,  mezre,  zre- 
veniz)\  tzraitzre,  pour  rire^  mère,  revenu^  traître. 
Cette  troisième  variété .  du  grasseyement  a  plusieurs 
degrés  qui  peuvent  la  rendre  plus  ou  moins  péni- 
ble. Pour  combattre  ce  vice  de  la  parole,  on  prati- 
quera les  préceptes  indiqués  pour  combattre  la  pre- 
mière espèce  du  grasseyement. 

La  quatrième  variété  de  ce  vice  du  langage  est  celle 
qui  consiste  à  substituer  au  son  de  l'R  le  son  de  la 
syllabe  gue  ;  ainsi,  au  lieu  de  dire  r  are  ^  rentrer  ^ 
français^  trente -trois ,  on  dit  giiagiie,  guentgueri, 
fgiiançais,  tgiiente-tgois.  Ce  grasseyement  n'est  pas 
aussi  rare  qu'on  pourrait  le  croire  ;  c'est  surtout 
dans  certaines  parties  de  l'est  de  la  France  qu'il 
semble  être  le  plus  fréquent.  Porté  à  l'excès^  il  est  le 
plus  désagréable  de  tous,  mais  lorsque  le  son  giœ  es.t 
articulé  faiblement,  comme  cela  arrive  le  plus  sou- 
vent, il  devient  moins  pénible  à  entendre. 

La  cinquième  variété  est  celle  qui  consiste  à  sub- 
stituer la  lettre  L  à  l'R  ;  ceux  qui  en  sont  affectés  di- 
sent laie,  lile,  loage,  plendle,  pour  rare,  rire,  rouge. 


278  N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTIIOPIIONIQL'E. 

'prendre.  Cette  articulation  dysphonique  l'est  encore 
davantage,  lorsque,  au  lieu  de  remplacer  simplement 
TR  par  L,  on  mouille  celte  dernière  lettre  comme 
dans  bouteille,  'paille;  ainsi  on  dirait  peille  pour 
père.,  mile,  pour  rire. 

Enfin  la  sixième  espèce  de  grasseyement,  que  l'on 
pourrait  appeler  négatifs  se  reconnaît  par  la  soustrac- 
tion plus  ou  moins  complète  de  l'R.  Ce  vice  de  la 
parole,  de  tous  les  grasseyements  le  moins  pénible  à 
l'oreille,  est  le  résultat  de  cette  fureur  de  vouloir 
copier  certaines  gens  de  prétendu  bon  ton  qu'une 
inspiration  maladroite  porte  à  se  donner  des  défauts 
dont  voudraient  se  débarrasser  ceux  qui  en  sont  réel- 
lement affligés. 

Toutes  les  variétés  de  grasseyement  ont,  comme 
cette  dernière  espèce,  pour  cause  principale,  une 
mauvaise  habitude  que  dans  l'enfance  on  a  laissé 
prendre  aux  personnes  chez  qui  peut-être  déjà  une 
conformation  particulière  des  organes  de  la  parole 
rendait  l'articulation  de  l'R  un  peu  difficile,  et  récla- 
mait certains  efforts  que  des  parents  trop  indulgents 
ou  plutôt  trop  insouciants  n'ont  pas  eu  le  courage 
d'exiger  de  leurs  enfants  (1),  qui  souvent  se  croient,  au 
contraire,  autorisés  à  mal  parler,  parce  qu'on  se  plaît 
à  répéter  comme   eux  les  syllabes  qu'ils  articulent 

(I)  Voir  la  note  K. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTOOPRONIQUE.  279 

irrégulièrement.  Ce  qui  prouve  que  l'imitation  est 
également  la  cause  la  plus  ordinaire  du  grasseye- 
ment, c'est  qu'on  observe  ce  vice  de  la  parole  chez 
tous  les  membres  d'une  même  famille,  chez  une  classe 
de  peuple  de  la  même  ville,  et  même  entin  chez  pres- 
que tous  les  habitants  de  certaines  provinces. 

Lorsque  le  professeur  a  fait  comprendre  et  appli- 
quer convenablement  les  moyens  préconisés,  il  a 
soin  de  rappeler  que  l'articulation  natiu'elle  de  l'R 
exige  non  seulement  que  la  langue  se  replie  supé- 
rieurement de  manière  à  ce  que  sa  face  supérieure 
soit  concave,  mais  encore  que  la  pointe  de  cet  or- 
gane mis  en  mouvement  par  l'air,  s'échappant  avec 
force,  doit  céder  à  ce  fluide  par  une  sorte  d'élasticité 
qui  le  fait  revenir  rapidement  sur  lui-même  aussi 
longtemps  que  Ton  veut  prolonger  l'espèce  de  frémis- 
sement ou  trémolo,  que  cette  lettre  représente. 

Le  grasseyement  causé  par  le  manque  ou  l'excès 
de  développement  de  la  langue  est  généralement  in- 
curable. 

De  la  blésité  et  de  ses  diverses  variétés. 

La  blésité,  regardée  mal  h  propos  par  quelques 
auteurs  comme  synonyme  de  bégaiement,  est  une 


280  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTIlOPHONIQUi:. 

cacomuthie  qui  consiste  soit  à  changer  ou  à  alté- 
rer le  son  représenté  par  certaines  lettres,  soit  à  sub- 
stituer une  articulation  à  une  autre. 

Toutes  ces  espèces  de  blésilés,  qui  peuvent  quel- 
quefois être  causées  par  un  vice  de  conformation, 
sont,  dans  beaucoup  de  cas,  comme  le  grasseyement, 
le  résultat  d'une  fâcheuse  direction  prise  dans  l'en- 
fance par  l'articulation  vocale. 

Il  y  a  encore  un  autre  genre  de  blésité  qu'on  remar- 
que surtout  chez  les  étrangers,  et  qui  a  pour  cause 
le  transport  de  certaines  articulations,  dans  une  lan- 
gue, un  idiome  ou  un  patois  chez  lesquels  ces  arti- 
culations manquent  ou  se  prononcent  autrement. 


PREMIERE  ESPECE  DE  BLESITE  OU   JOTACISME. 

Le  jotacisme  comprend  deux  espèces  de  blésités 
qui  consistent  à  donner  au  J  et  au  G  doux  le  son  du  Z 
et  de  rS,  ou  celui  de  cette  dernière  consonne  àl'ar- 
liculalion  représentée  parle  Cil.  Dans  le  premier  cas, 
on  dit  :  zanvicr  \)our  Janvier,  zenou  \tov\Y genou;  dans 
le  second  on  prononce  :  château,  chevreuil,  chimère, 
comme  s'il  y  avait  sàteau,  sevreuil,  simère. 

Pour  combattre  ces  vices  de  l'articulation,  il  con- 
vient, dans  la  première  variété,  de  faire  retirer  la 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  281 

langue  dans  rarrière-bouche,  et  de  porter  cet  organe 
vers  le  voile  du  palais  ;  alors,  en  faisant  une  forte 
expiration,  la  langue  vibrera  de  manière  à  produire 
un  son  analogue  à  celui  de  la  syllabe /e,  sans  cepen- 
dant avoir  eu  l'intention  de  produire  aucun  son  avec 
un  E  muet.  Il  importe  d'ajouter  que,  pour  articuler 
convenablement  le  J  et  le  G  doux,  on  devra  non  seu- 
lement chasser  l'air  avec  force,  mais  encore  avoir  le 
soin  de  porter  les  lèvres  en  avant  comme  pour  faire 
une  sorte  de  moue.  Il  en  est  de  même  pour  la  seconde 
variété  de  blésité  ;  cependant  la  forte  expiration  et  la 
position  de  la  langue  telles  que  nous  venons  de  l'in- 
diquer imitent  mieux  l'articulation  du  CH,  dont  le 
mécanisme  a  la  plus  grande  analogie  avec  celui  de 
l'action  de  se  réchauffer  les  mains.  C'est  même  le 
meilleur  moyen  et  le  plus  simple  pour  faire  cesser 
promptement  le  jotacisme  et  arriver  à  la  prononciation 
facile  du  CH;  aussi,  au  lieu  de  parler  d'abord  de  cette 
dernière  articulation,  on  se  borne  à  faire  imiter  le  siffle- 
ment qui  résulte  de  Xaction  de  se  souffler  dans  les 
mains,  puis,  sans  faire  connaître  d'avance  aux  élèves 
les  mots  qu'ils  vont  prononcer,  on  joint  à  l'articulation 
artificielle  du  CH  les  voyelles  avec  lesquelles  elle  devra 
se  confondre  pour  former  une  syllabe.  Par  exemple, 
quand  on  veut  faire  prononcer  le  mot  chocolat,  on  dit 
sans  en  indiquer  le  but,  ce  qui  est  important^  d'imiter 


282  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTIIOPilOMQLE. 

d'abord  l'action  de  se  souffler  dans  les  mains,  puis  de 
faire  entendre  isolément  la  voyelle  0,  qui  est  suivie 
des  deux  syllabes  colat  pour  achever  le  mot  chocolat 
prononcé  ainsi  :  ch,-:0^- colat. 

Quand  on  veut  faire  suivre  le  J  et  le  G  doux  d'une 
voyelle  autre  que  l'E  muet,  on  adopte  un  artifice  qui 
diffère  peu  de  celui  indiqué  précédemment  pour 
le  CH,  c'est-à-dire  que,  pour  unir  le  J  à  une  des 
voyelles,  on  articule  séparément  comme  s'il  était 
suivi  d'un  Emuet  prononcé  faiblement.  Ainsi  les  mots 
jaloux,  Jupiter,  çfirafe,  mijaurée,  sont  articulés 
comme  s'ils  étaient  écrits,  je-a-loux,  Je-u-piter, 
ge-i-rafe,  me-i-jaurée^  de  même  que  les  mots  cha- 
meau, chirurgien,  mo2<C)^oz>  sont  d'abord  prononcés, 
che-a-meau,  che-i-rurgien,  mou-che-oir,  avec  un  CH 
produit  isolément  par  l'air  chassé  brusquement  des 
poumons  pendant  Faction  précitée.  Lorsqu'au  moyen 
de  ces  artifices  orthophoniques,  on  articule  passable- 
ment le  J  et  le  G  doux,  il  est  facile  de  concevoir  qu'on 
arrive  bien  vite  à  leur  donner  la  prononciation  natu- 
relle qui  leur  est  propre. 

DEUXIÈME    ESPÈCE  DE   BLÈSITÈ  OU   LAMBDACISME. 

Le  lambdacisme  ou  lallation  est  un  vice  de  la  pa- 
role dans  lequel  la  consonne  L  simple  ou  mouillée  est 


N.   0,    --  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  283 

prononcée  iVune  manière  défectueuse,  ou  bien  est 
substituée  à  une  autre  lettre. 

Cette  cacomuthie  otîre  trois  variétés  principales  : 
la  première,  qui  consiste  clans  l'articulation  vicieuse 
de  L  mouillé,  est  le  résultat  de  la  coutume  qu'ont 
certaines  personnes  d'altérer  le  son  naturel  des  let- 
tres dans  le  but  de  l'adoucir.  Ce  vice  de  la  parole  est 
fréquent  dans  le  département  de  la  Seine,  où  l'on 
remplace  les  L  mouillés  comme  s'ils  étaient  des  Y. 
Ainsi,  les  ouvriers  parisiens  disent  fiye,  pairoinjc, 
boKteye,  hhjard,  biyot,  pour  fdle,  patrouille,  bou- 
teille, billard,  billot. 

Pour  remédier  au  lambdacisme  de  ce  genre,  on 
décompose  les  mots  dans  lesquels  se  trouve  des 
L  mouillés,  en  ayant  la  précaution  de  les  faire  arti- 
culer comme  un  seul  L  suivi  d'un  I;  ainsi,  les  mots 
billard^  bataillon,  billot,  conseil,  patr(Aiille,  travail- 
ler., d'ailleurs,  sont  prononcés  comme  si  l'L  était 
suivi  d'un  I,  c'est-à-dire,  comme  si  ces  mots  étaient 
écrits,  bi-liard,  bata-lion,  bi-liot,  con-sé-il,  palrou- 
li-e,  trava-lier,  d' a- lieiirs ,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans 
alliance,  liard,  million,  etc. 

La  seconde  variété  du  lambdacisme,  qui  consiste  à 
prononcer  L  mouillé  comme  un  L  simple,  est  très 
commune  dans  les  départements  du  Nord  de  la  France, 
où  Ton  dit  généralement,  file  \^our  fille ,  carilon\wuv 


284  N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

carillon^  jjâle  pour  paille,  boutele  pour  bouteille. 
Cette  manière  défectueuse  de  prononcer  L,  qu'on  re- 
marque aussi  presque  toujours  chez  les  Allemands 
qui  parlent  français,  exige  les  mêmes  moyens  ortho- 
phoniques que  la  première  variété  de  lambdacisme, 
c'est-à-dire,  qu'il  faut  également  décomposer  les  mots 
et  faire  prononcer  les  L  mouillés  comme  s'ils  étaient 
des  L  simples  suivis  d'un  I. 

La  troisième  espèce  de  lambdacisme  consiste  à 
substituer  L  simple  ou  L  mouillé  à  la  consonne  R, 
comme  le  font  les  enfants  qui  commencent  à  parler. 
Ce  vice  de  la  parole  réclame  les  moyens  curatifs  qui 
sont  indiqués  pour  la  première  variété  du  grasseye- 
ment, c'est-à-dire  qu'il  faut  bien  faire  comprendre  la 
prononciation  naturelle  de  l'R  et  la  différence  (1)  qui 
existe  entre  l'articulation  de  cette  consonne  et  celle 
du  L;  ce  vice,  plus  spécialement  désigné  sous  le  nom 
àQ  lallation,  est  incurable  quand  il  est  le  résultat  du 
manque  de  développement  de  la  langue. 


TROISIÈME   ESPÈCE  DE   BLÉSITÉ    OU  SESSEYEMENT. 

Le  sesseyement  est  une  cacomiithie  qui  consiste  à 
altérer  les  consonnes  sifflantes,  S,  Z,  CH,  J,  X,  soit 

(1)  Consulter  l'alphabet  ortliophonique. 


N.    0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  285 

en  y  ajoutant  le  son  de  deux  L  mouillés  et  d'un  I, 
soit  en  rendant  trop  fortes  et  trop  retentissantes  les 
articulations  qu'elles  représentent  de  mauière  à 
produire  un  sifflement  empâté  et  désagréable,  soit 
enfin  en  substituant  le  T  à  i'S  adouci.  Aiusi,  pour 
dire  sergent ,  soixante,  zèle,  seize,  c/iuchottement, 
chapeau,  gibier,  jambe,  projet,  les  personnes  affec- 
tées de  la  troisième  espèce  de  blésité,  qui  est  la 
plus  fréquente,  prouoncent  slliergllient^sllioixlliante^ 
zllicle,  sllièzllie,  chlliuchlliotement ,  chlliapeau, 
gllibier,  jlliambe,  projliet,  comme  si  les  S,  les  Z, 
les  CH,  les  G  doux,  les  J  et  les  X  étaient  suivis  de 
deux  L  mouillés  et  d'un  I. 

Le  second  sesseyement  consiste  à  articuler  I'S 
et  le  Z  en  faisant  sortir  la  pointe  de  la  langue  bors 
de  la  bouche,  au  lieu  de  la  laisser  dans  cette  ca- 
vité, et  de  l'appuyer  contre  la  face  postérieure  des 
dents  de  la  mâclioire  supérieure  ;  enfin  la  variété 
est  caractérisée,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  par 
la  substitution  du  T  à  l'S^  au  CH,  au  C  doux  ou 
à  rx.  Ceux  qui  sont  affectés  de  cette  cacomutbie 
disent  tûcre  pour  sucre,  toiipton  pour  soupçon,  tel 
pour  sel,  taititement  pour  saisissement,  tate  pour 
chasse^  étertite  pour  exercice. 

Pour  remédier  au  sesseyement  du  premier  genre, 
il  suffit  de  faire  produire  isolément  l'articulation  de 


286  N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

ces  consonnes  de  telle  sorte,  que  l'espèce  de  siffle- 
ment qu'elles  représentent  ait  lieu  sans  être  joint  aux 
voyelles  qui  suivent  et  avec  lesquelles  elles  s'unissent 
pour  former  des  syllabes  ou  des  mots.  Comme  le 
sesseyement  de  ce  genre  a  lieu  parce  que  l'air  poussé 
trop  fortement  s'échappe  sur  l'un  des  côtés  de  la 
langue,  on  doit  faire  en  sorte  que  ce  fluide  suive 
avec  lenteur  et  sans  etTort  le  milieu  de  cet  organe,  et 
aille  se  briser  par  un  mince  filet  contre  le  bord  des 
dents  incisives  supérieures. 

Lorsqu'on  est  parvenu  à  articuler  isolément  les 
lettres.  S,  J,  Cil,  sans  faire  eutendre  le  son  mouillé 
qui  constitue  le  premier  sesseyement,  il  faut  alors 
joindre  les  voyelles  à  ces  consonnes  en  les  faisant 
prononcer  séparément;  ainsi,  silence,  charger,  se- 
ront prononcés  s-i-len-ss-e,  ch-arger. 

La  seconde  variété  du  sesseyement  cesse  aussitôt 
que  Ton  fait  prononcer  le  S  et  le  Z  en  maintenant  la 
langue  dans  la  bouche,  par  le  rapprochement  des 
mâchoires  et  le  serrement  des  dents  incisives  infé- 
rieures et  supérieures  ;  enfin  ,  la  troisième  variété 
réclame  les  mêmes  moyens  que  la  première,  c'est-à- 
dire  qu'il  faut  d'abord  prononcer  le  S  et  le  Z  seuls,  et 
sans  y  joindre  les  voyelles  qui  suivent. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  287 


QUATRIÈME    ESPECE   DE    BLESITE    OU    BLESITÉ    GUTTURALE. 

La  blésité  de  cette  espèce  est  celle  qui  consiste 
dans  la  substitution  de  la  labiale  T  aux  consonnes 
gutturales  C  dur,  K  et  Q,  et  dans  celles  du  D  au  G 
dur  et  du  C  au  G.  Ceux  qui  en  sont  aiïectés  disent 
tapitaine,  terelle,  tintina^  darder^  jar don,  crandew\ 
cloire  pour  capitaine,  querelle^  kinkina,  garder^  jar- 
gon, grandeur  y  gloire. 

Pour  remédier  à  ces  diverses  cacomulhies,  on  em- 
ploiera un  procédé  qui  réussit  constamment. 

Si  c'est  sur  le  C,  le  K  et  le  Q  que  la  substitution 
de  la  lettre  T  a  lieu,  on  fait  refouler  le  plus  pos- 
sible la  langue  dans  la  bouche;  puis,  en  maintenant 
l'organe  phonateur  relevé  et  en  arrière,  le  dysphone 
doit  prononcer  les  syllabes  ta,  té.,  ti,  to,  tu,  qui 
n'offrent  ordinairement  aucune  difficidté,  mais  qui 
sont  articulées  alors  ka,  ké,  là,  ko,  ku,  à  cause 
de  la  position  dans  laquelle  la  langue  est  main- 
tenue. Pour  la  blésité  sur  le  G  dur,  ou  place  la  lan- 
gue de  la  même  manière,  mais,  au  lieu  d'articuler 
ta,  te,  ti,  to,  tu,  on  fait  dire  da,  de,  di,  do,  du, 
qui  sont  alors  forcément  prononcés  ga,  gué,  gui, 
go,  gu.  Après  avoir  essayé  plusieurs  fois  ces  divers 


288  i\.   0.   —  SYiNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

mécanismes  artificiels,  on  fait  remarquer  aux  per- 
sonnes sur  lesquelles  l'expérience  a  eu  lieu,  que, 
sans  s'en  douter,  elles  ont  prononcé  toutes  les  let- 
tres gutturales  qu'elles  remplaçaient  par  les  lin- 
guales T  et  D. 

Il   y  a  encore   une  cinquième  espèce   de  blésité 
mentionnée  plus  haut,   qui  résulte  de  la  substitu- 
tion d'une  ou  plusieurs  articulations  d'une  langue 
aux  articulations  d'une  autre  langue  dans  laquelle 
elles  représentent  un  autre  son.  Ainsi  les  uns  disent, 
bai7i  pour  vain^  bibier  pour  vivier;  les  autres,  réner 
^OMY  régner ,  file  \iOUT  fille;  oun,  ounité,  oiinir,  pour 
iiu^  wiité^  unir  ;  popincr  pour  bobiner,  douce  pour 
c/o?<2e, enfin  les  Allemands  prononcent  Aa^z^ pour  ^«m/, 
tocile  pour  docile^  chardin,  pour  jardin,  tiner^  pour 
dîner.  Comme  cette  espèce  de  blésité  est  plutôt  un 
accent  étranger  à  la  langue  française  qu'un  véritable 
vice  de  la  prononciation,  nous  nous  bornerons  à  dire 
qu'il  suffît,  pour  la  voir  disparaître,  d'indiquer  le  mé- 
canisme et  \eson?iaturelde  ces  diverses  articulations, 
en  ayant  le  soin  de  ne  pas  montrer  les  signes  gra- 
phiques, ou  rappeler  les  lettres  qui  les  représentent. 
C'est  de  cette  manière  qu'on  fait  facilement  dispa- 
raître; la  plupart  des  accents  étrangers,  et  qu'on  par- 
vient à  bien  prononcer  les  langues  vivantes,  qu'il  ne 
faut  étudier  dans  les  livres  que  lorsqu'on  sait  déjà 


N.   0,   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  2S'J 

bien  les  parler.  Si  les  petits  enfants  prononcent  aussi 
purement  les  divers  idiomes  qu'ils  entendent,  c'est 
moins,  comme  on  le  croit,  parce  que  leurs  organes 
sont  plus  flexibles,  que  parce  que,  ne  sachant  pas 
encore  lire,  ils  apprennent  les  consonances  sylla- 
biques  sans  théorie,  et  sont,  par  cela  même,  dans 
l'impossibilité  de  prononcer  les  syllabes  d'après  les 
lettres  qui  les  composent,  et  qui  n'ont  pas  la  même 
valeur  dans  toutes  les  langues. 


Du  balbutiement  et  de  ses  variétés. 

Le  balbutiement  est  un  vice  de  la  parole  qui  con- 
siste à  prononcer  les  mots  avec  hésitation,  inteimp- 
tion,  peu  distinctement,  et  quelquefois  même  à  les 
répéter,  mais  toujours  avec  calme,  à  voix  basse  et 
sans  précipitation  ni  secousses  convulsives. 

Si  le  balbutiement  est  assez  souvent  le  symp- 
tôme de  quelque  maladie,  ce  vice  de  l'articulation 
peut  aussi  être  essentiel;  mais,  dans  ce  cas,  il  accom- 
pagne les  premiers  essais  des  enfants  dans  la  forma- 
tion du  langage  articulé,  ou  bien  il  est  le  résuKat 
d'un  manque  d'intelligence,  ou  enfin  il  peut  dépen- 
dre d'une  sorte  de  paresse  et  de  nonchalance  nalu- 
relles  à  certains  individus. 

19 


290  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

Cette  imperfection  du  langage,  surtout  lorsqu'elle 
est  idiopathique^  offre  plusieurs  variétés.  Dans  quel- 
ques cas,  le  balbutiement  consiste  tout  simplement 
dans  l'addition  plus  ou  moins  prolongée  de  plusieurs 
E  muets  à  la  fin  de  la  majeure  partie  des  mots  ;  dans 
d'autres  cas,  les  E  muets  sont  remplacés  par  certains 
sons  ou  certaines  articulations  insignifiantes,  telles 
que  kne  kne  kne^  que  que  qiie^  heim  hehn  heim  ou 
toute  autre  du  même  genre;  enfin,  chez  quelques 
individus,  le  balbutiement  a  pour  seul  caractère  le 
prolongement  de  la  plupart  des  articulations.  C'est 
cette  dernière  variété  qui  constitue  ce  qu'on  appelle 
la  baryphonie  ou  parole  lourde.  Les  phrases  sui- 
vantes donneront  une  idée  assez  exacte  des  diverses 
imperfections  du  langage  qui  ont  été  signalées. 
Excusez-moi  eeee^  si  je  parle  eeee  avec  eeee  diffi- 
culté eeee  ;  ou  bien  :  Messieurs  et  mesdames  kne  kne 
kne,  je  ^ais  vous  entretenir  kne  kne  kne,  d'une  kne 

kne,  affaire  importante  kne  kne  kne ;  ou  enfin  : 

Si  je  prends  que  que  que  la  parole  que  fine  aujour- 
dlmi  que  que  que....,  cest  heim  heim,  pour  vous 
annoncer  heim  heim.,  etc.,  etc.  La  baryphonie  est 
à  peu  près  imitée  dans  la  phrase  suivante  :  hon- 
on-on  jour-our  mon- on- on- sieur- eur  co  oooment-erd 
vous  ou  ou  ou-por  ortez-vous-ou.  Ces  sons  pro- 
longés et  ces  articulations  supplémentaires,  si  dés- 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  291 

agréables  à  l'oreille  de  rauditeur,  se  trouvant  ajoutés 
et  placés  machinalement  ou  par  habitude  au  milieu 
ou  à  la  fin  de  chaque  phrase,  donnent  aux  per- 
sonnes qui  les  font  entendre  le  temps  de  trouver  les 
expressions  propres  à  rendre  leurs  pensées,  sans 
laisser  des  intervalles  de  silence  plus  ou  moins 
longs  entre  les  mots  qu'elles  cherchent  et  qu'elles 
articulent  avec  lenteur  et  hésitation. 

Le  balbutiement  enfantin  dépend  moins  du  déve- 
loppement incomplet  des  organes  vocaux  et  de  leur 
manque  d'usage  que  de  l'imperfection  des  idées. 
L'hésitation  de  la  parole,  déterminée  parcelle  cause, 
cède  bientôt  aux  progrès  de  l'âge  qui  développe  le 
cerveau,  et  accroît  l'intelUgence  à  mesure  qu'il  for- 
tifie les  organes  de  l'articulation.  Les  enfants  dont 
l'esprit  est  précoce,  et  qui,  par  cela  môme,  éprou- 
vent plus  tôt  le  besoin  d'exprimer  leurs  pensées  par 
la  parole,  cessent  en  général  de  balbutier  de  très 
bonne  heure.  Ceux  au  contraire  qui  sont  dans  des 
conditions  opposées  sont  quelquefois  très  long- 
temps avant  de  s'exprimer  nettement.  Dans  ce  cas, 
il  est  important  de  faire  en  sorte  que  le  balbutiement 
ne  dégénère  en  habitude,  car  il  serait  beaucoup 
plus  difficile  à  combattre  dans  un  âge  plus  avancé. 
On  devra  donc  s'appliquer  à  faire  articuler  distinc- 
tement toutes  les  syllabes,  ou  en  apprenant  à  lire 


292  N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

aux  enfants,  ou  dans  la  conversation,  ou  en  leur 
faisant  réciter  les  leçons.  C'est  au  moyen  d'une 
attention  soutenue  et  avec  le  secours  de  fréquents 
exercices  que  l'on  parvient  à  triompher  presque  tou- 
jours du  balbutiement  qui  menace  de  survivre  à  Tâge 
où  les  enfants  parlent  ordinairement  avec  facilité. 

Le  balbutiement  essentiel,  coïncidant  avec  un  man- 
que de  vivacité  intellectuelle,  ne  dépend  pas  d'un 
vice  des  organes  vocaux,  mais  bien  de  l'imperfection 
des  idées,  qui,  mal  arrêtées,  sont  sans  suite  et  sans 
liaison  ;  les  impressions,  reçues  lentement,  sont  com- 
muniquées de  même;  Tabsence  des  idées  entraîne 
l'absence  de  la  parole  ;  ceux  dont  l'intelligence  est 
bornée  ou  dont  la  mémoire  est  infidèle  doivent  néces- 
sairement hésiter  pour  rendre  leurs  pensées.  Ce  qui 
milite  encore  en  faveur  de  cette  opinion,  c'est  que 
les  personnes  qui  ordinairement  parlent  très  facile- 
ment balbutient  souvent  et  sont  même  quelquefois 
dans  l'impossibilité  dédire  un  seul  mot,  si  le  respect, 
la  timidité,  la  surprise  ou  la  peur  viennent  arrêter  ou 
modifier  momentanément  l'activité  de  leur  cerveau. 
On  voit  des  hommes  très  spirituels  se  trouver  dans 
un  tel  trouble  à  une  première  entrevue,  qu'ils  res- 
tent muets  ou  du  moins  ne  peuvent  que  balbutier 
la  plus  légère  excuse,  le  compliment  le  plus  sim- 
ple ou  la   réponse  la  plus   ordinaire.  Cette  espèce 


N.  0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  293 

crhésitation  accidentelle  disparaît  ordinairement  avec 
l'étude  de  l'art  de  la  parole,  surtout  si  l'on  recherche 
les  occasions  de  parler  en  public.  Le  balbutiement 
résultant  d'un  seul  manque  d'intelligence  est,  dans 
le  plus  grand  nombre  des  cas,  très  difficile  à  com- 
battre ;  cependant  on  y  parvient  en  développant  les 
facultés  de  l'entendement  au  moyen  d'une  éducation 
particulière,  qui  exige  de  la  part  de  celui  qui  la  dirige 
autant  de  patience  que  d'expérience  et  de  sagacité. 
Le  balbutiement  symptojnatique  peut  avoir  pour 
cause  la  paralysie  de  la  langue  et  des  lèvres,  la  fai- 
blesse partielle  des  organes  de  la  parole,  la  faiblesse 
générale  produite  par  des  saignées  trop  abondantes, 
par  de  longues  maladies  et  par  divers  excès  :  post 
venereas  voluptatcs  magis  titubât  lingua.  Ce  vice  de 
la  parole  peut  aussi  être  symptomatique  d'une  foule 
d'accidents  morbides  parmi  lesquels  sont  l'esquinan- 
cie ,  les  aphtes ,  les  ulcérations  varioliques  et  sy- 
phihtiques  ayant  leur  siège  sur  la  langue  ou  sur  d'au- 
tres parties  de  la  cavité  buccale  ;  la  diminution  ou 
la  perte  de  la  mémoire,  l'état  d'ivresse  ou  de  narco- 
tisme,  la  chorée  générale,  l'imminence  de  l'apoplexie, 
les  accès  de  spasme,  les  alfections  du  cerveau,  telles 
que  la  congestion  de  cet  organe,  le  ramollissement 
de  sa  substance,  les  tumeurs  cancéreuses,  tubercu- 
leuses, fongueuses,  osseuses,  et  toutes  les  maladies 


294  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

chroniques  de  Tencéphale  que  beaucoup  de  prati- 
ciens pendant  longtemps  ont  regardées  mal  à  propos 
comme  pouvant  causer  le  bégaiement;  enfin  l'hyper- 
Irophie  ou  le  manque  de  développement  de  la  lan- 
gue, la  perforation  et  la  trop  grande  profondeur  du 
palais  peuvent  donner  lieu  à  cette  affection,  qui  aussi 
très  souvent  est  un  des  résultats  de  la  faiblesse 
sénile. 

Il  est  facile  de  concevoir  qu'il  est  impossible 
d'indiquer  une  méthode  de  redressement  vocal  pour 
combattre  le  balbutiement  symptomatique,  puisqu'il 
n'est  que  la  conséquence  d'autres  affections,  qui 
doivent  être  combattues  seulement  par  la  médecine 
et  par  des  moyens  propres  à  chacune  d'elles.  De 
plus,  on  voit  ce  balbutiement  augmenter,  diminuer 
ou  cesser  complètement,  suivant  la  direction  que  la 
thérapeutique  a  imprimée  aux  maladies  dont  elle  est 
un  des  indices. 

On  pourrait  encore  classer  une  variété  de  balbutie- 
ment dans  laquelle  on  rangerait  tous  ceux  qui,  parlant 
bien  pour  l'ordinaire  et  prononçant  juste,  ne  laissent 
pas  dans  certaines  occasions,  en  certains  temps 
moins  favorables,  d'hésiter,  de  chercher  inutilement 
les  mots  et  de  demeurer  en  suspens  pour  quelques 
moments.  —  Le  repos  suffit  presque  toujours  pour 
faire  disparaître  cette  variété,  qui  n'est  d'ailleurs  que 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  29:j 

la  manifestation  passagère  d'une  fatigue  nerveuse  ou 
la  suite  d'une  trop  grande  tension  d'esprit. 


Du  bredouillement. 

Le  hredouillement  est  ce  vice  de  la  parole  qui 
consiste  à  prononcer  confusément  les  mots,  avec 
tant  de  rapidité  qu'ils  sont  coupés  et  articulés  à  demi. 

Ceux  qui  bredouillent  sont  en  général  vifs  et  spiri- 
tuels ;  leurs  idées  se  succèdent  avec  beaucoup  de 
promptitude,  et  ils  sont  si  vivement  pressés  de  rendre 
vite  par  la  parole  ce  qu'ils  pensent  que,  n'achevant 
pas  l'articulation  des  mots,  il  y  a  nécessairement 
confusion  dans  les  sons.  Le  bredouillement  a  donc 
pour  seule  cause  la  vivacité  et  la  précipitation 
excessive  avec  laquelle  on  veut  rendre  oralement 
ses  idées. 

Lorsque  certains  bredouilleurs  se  trouvent  dans 
l'intimité  avec  des  personnes  devant  lesquelles  ils 
ne  s'observent  pas  en  parlant,  leur  langage  est  sou- 
vent très  inintelligible,  et  si  avec  le  temps  on  parvient 
à  les  comprendre,  c'est  qu'on  a  appris  par  une  longue 
habitude  à  deviner  ce  qu'ils  veulent  dire. 

Afin  de  donner  une  idée  aussi  exacte  que  possible 


296  N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

(le  cette  anomalie  de  la  parole,  nous  imiterons  et  tra- 
duirons dans  quelques  phrases  la  manière  d'articuler  de 
ces  bredouilleurs.  J' shial  à  l'sal  stoi  natrel  d  Jard' 
d^plan,  pour  :  Je  suis  allé  à  la  salle  d'histoire  naturelle 
du  Jardin  des  Plantes  ;  ou  bien  :  Bo7i  f  m'  s'  sieii' , 
d'se-rais  paie  j^afclierviOUT  :  Bonjour,  monsieur,  je 
désirerais  vous  parler  en  particulier  :  Je  m'ap^  Jo- 
sep  J'iien,  je  s'  d'  Lyon,  pour  :  Je  m'appelle  Joseph 
Julien,  je  suis  de  Lyon;  Voir  troup'  ligne  f/  pass' 
danV  rue,  pour  :  Voilà  la  troupe  de  ligne  qui  passe 
dans  la  rue. 

Ce  vice  de  la  parole,  qui  est  porté  au  plus  haut 
degré,  n'est  pas  aussi  rare  qu'on  le  supposerait 
d'abord. 

Le  bredouillement,  qui  dans  la  grande  majorité 
des  cas  est  moins  prononcé,  ne  prend  chez  les  en- 
fants son  vrai  caractère  qu'à  l'âge  où  leur  langue  est 
déliée,  et  à  l'époque  où  ils  ont  l'articulation  des  mots 
ordinairement  nette  et  facile.  Si  l'on  remonte  à  To- 
rigine  de  cette  irrégularité  vocale,  on  s'aperçoit  que 
l'adolescent  chez  lequel  elle  se  manifeste  joint  à  la 
vivacité  d'esprit  qui  le  distingue  le  plus  souvent  une 
négligence  à  prononcer  distinctement  les  mots,  qui 
tient  à  la  paresse  naturelle  à  cet  âge  pour  tout  ce  qui 
sent  la  précision  et  l'effort. 

Cette  affection,  à   laquelle  on  fait   ordinairement 


N.    0.   —  SY.NTnÈSE   ORTHOPIIOiNIQUE.  297 

troppeu  d'attention,  etqii'on  abandonne  presque  tou- 
jours à  elle-même,  devient  un  vice  habituel  de  la  pa- 
role, qui  cesse  quelquefois  avec  l'âge,  mais  qui,  le 
plus  ordinairement,  dure  souvent  autant  que  la  vie. 
Cette  infirmité  sera  facilement  combattue,  et  pourra, 
dans  nn  grand  nombre  de  cas,  cesser  entièrement,  si 
on  a  le  soin  d'accorder  quelque  attention  à  la  pro- 
nonciation des  mots,  qui  devra  être  toujours  allon- 
gée afin  de  combattre  le  défaut  par  des  habitudes 
contraires.  On  préviendra  le  bredouillement  chez  les 
enfants  en  les  faisant  lire  à  haute  voix  et  en  les  for- 
çant à  rythmer  tous  leurs  mots.  Ces  moyens  seront 
plus  efficaces  si  Ton  y  joint  de  plus  l'étude  des  langues 
étrangères^,  et  si  l'on  oblige  les  jeunes  bredouilleurs  à 
s'exercer  le  plus  possible  dans  une  de  ces  langues. 

On  recommandera  également  aux  dysphones  de  ce 
genre  de  desserrer  les  dents  et  d'ouvrir  convenable- 
ment la  bouche  pour  laisser  sortir  la  voix. 

Le  bredouillement,  que  l'on  a  mal  à  propos  con- 
fondu avec  le  bégaiement  loquax,  est  quelquefois  plus 
long  à  guérir  que  cette  variété  de  vice  de  la  parole. 
En  effet,  les  bègues  loquaces,  ayant  plus  de  peine  à 
s'exprimer  que  les  bredouilleurs,  qui  le  plus  souvent 
ne  se  doutent  pas  de  l'irrégularité  de  leur  parole,  font, 
par  cette  raison,  avec  plus  de  persévérance  l'applica- 
tion des  moyens  prophylactiques  qu'on  leur  a  indi- 


298  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

qués.  D'un  autre  côté,  appréciant  mieux  l'avantage 
de  parler  distinctement,  ceux-ci  sont  capables  de 
faire  des  efforts  plus  soutenus,  et,  par  conséquent, 
plus  efficaces.  Cependant  certains  bredouilleurs 
ayant  l'occasion  de  parler  en  public  deviennent  ino- 
pinément intelligibles  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  de  nou- 
veau à  parler  avec  des  personnes  qui  ne  les  obligent 
à  aucune  contrainte.  Au  reste,  les  procédés  indi- 
qués pour  traiter  le  bégaiement  loquax  sont  souvent 
utiles  pour  combattre  avec  succès  le  bredouillement. 

Les  personnes  qui  ont  Fhabitude  des  additions 
inopportunes  de  langage,  telles  que  :  vous  devez  com- 
prendre,  savez-vous,  cest  épouvantable,  c'est  évi- 
dent, etc.,  et  celles  qui  ont  des  contractions  sonores 
dans  l'un  et  l'autre  coin  de  la  bouche,  peuvent  être 
aussi  classées  parmi  les  bredouilleurs. 

Pour  que  la  parole  soit  comprise  et  entendue  clai- 
rement, la  netteté  des  articulations  est  encore  plus 
indispensable  que  le  volume  de  la  voix. 

Le  plus  grand  succès  dans  l'art  de  parler  dépend 
surtout  d'une  prononciation  mesurée,  nette  et  sou- 
tenue, par  des  articulations  distinctes.  Cette  manière 
de  prononcer,  non  seulement  donne  de  la  dignité  au 
discours  et  de  l'aisance  à  la  voix,  mais  encore  sert 
à  conduire  la  respiration  et  à  conserver  la  présence 
d'esprit^  que  la  précipitation  diminue  toujours. 


N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  299 


Du    nasillement. 

Les  nasillards  sont  ceux  qui  ne  parlent  du  nez 
que  parce  qu'ils  tiennent  les  dents  trop  rapprochées 
et  que  la  langue  par  contre  reste  presque  immobile 
dans  la  cavité  buccale  ;  alors  la  voix  n'étant  pas  sai- 
sie par  la  bouche  et  ne  pouvant  s'y  développer  passe 
par  le  nez,  s'y  arrête,  y  retentit  et  rend  la  pronon- 
ciation nasale. 

Pour  combattre  ce  défaut,  il  est  indispensable  que 
ceux  qui  y  sont  enclins  s'en  aperçoivent  ;  alors  il  leur 
sera  possible  de  le  redresser  en  s'exerçant  surtout  à 
bien  articuler  lingualement  les  syllabes  7ie,  gnie,  ^^ 
et  gn,  et  après  avoir  fait  pendant  un  certain  temps 
tour  à  tour  et  tout  à  la  fois  la  gymnastique  labiale 
et  la  gymnastique  linguale. 


Du  bégaiement 
et  de  ses  diverses  manifestations. 


Le  bégaiement,  du  latin  barbare  bigare,  répéter, 
ou,  selon   quelques  autres  élymologistes,  du  verbe 


300  N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

grec  êaTToXovsTv,  parler  comme  Battos,  est  une  affec- 
tion de  nature  essentiellement  nerveuse,  dont  le 
principal  caractère  est  la  répétition  par  saccades  et 
secousses  convulsives  d'un  plus  ou  moins  grand 
nombre  de  syllabes,  ou  la  suspension  pénible  et  mo- 
mentanée de  la  voix  devant  certaines  consonnes  qui 
exigent   quelques  efforts    des    organes  phonateurs. 

Cette  anomalie  de  l'articulation,  compatible  avec 
la  santé,  qu'on  a  désignée  encore  sous  les  noms  de 
psellis7ne,  mogilalie^  dyslalie,  ischno'phonie ^  et  qu'on 
a  souvent  confondue  avec  quelques  vices  de  la  parole, 
n'avait  jamais  été,  jusqu'à  Colombat^  envisagée  com- 
jjlètement  dans  aucun  traité  de 'pathologie  générale^  au 
double  point  de  vue  méthodique  et  physiologique  (1). 

Selon  divers  auteurs,  cette  difficulté  de  parler  était 
le  résultat  de  la  précipitation  avec  laquelle  les  bègues 
veulent  rendre  leurs  idées  ;  selon  d'autres,  cette 
afTeclion,  ou  plutôt  cette  mauvaise  disposition  de 
l'organisme,  aurait  dépendu  d'un  vice  de  conforma- 
tion de  la  mâchoire  supérieure,  notamment  de  deux 


(I)  Parmi  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  ce  sujet  avant  le^D'  Co- 
lombat,  on  doit  citer  :  Sauvages,  Nosologie  méthod.,  t.  I,  p.  408, 
1772.  —  Berger,  Dissei'i.  de  balbutientilus.  Francfort,  175G,  in-4.  — 
Weiler,  Dissert,  de  eloquio  ejusque  vitiis.  léiia,  1702,  in-8.  —  Reil, 
Dissert,  de  vocis  et  loquelœ  vitiis.  Halle,  1793.  —  Itard,  Mémoire 
sur  le  bégaiement  [Journ,  univers,  des  sciences  méd.,  1817,  t.  VU). 

—  Félix  Voisin,  Du  bégaiement  et  de  ses  causes.  Paris,  1821,  in-8. 

—  Astrié,  Disserf,  inaitfjurale.  Montpellier,   I82i. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTflOPIIONIQUE.  301 

trous,  qui,  laissant  tomber  la  pituite  goutte  à  goutte 
sur  la  langue,  rendaient  la  locution  embarrassée. 

On  croyait  également  que  le  vice  dont  il  est  ques- 
tion avait  pour  cause  une  mauvaise  conformation  du 
palais;  ceux-ci  indiquaient  les  divisions  delà  luette  ; 
ceux-là  une  forme  particulière  de  l'os  hyoïde,  ou  bien 
la  position  vicieuse  des  dents  sur  l'arcade  alvéolaire, 
le  volume  ou  la  petitesse  de  la  huigue,  son  épaisseur, 
le  relâchement  de  ses  ligaments  et  surtout  la  lon- 
gueur du  filet  ;  enfin,  plusieurs  auteurs  ont  pensé  à 
tort  que  le  bégaiement  était  le  résultat  d'une  faiblesse 
des  puissances  motrices  du  larynx  ou  de  la  langue. 

Mais  comment  faire  cadrer  cette  dernière  opinion, 
en  voyant  l'extrême  facilité  qu'ont  les  bègues  de  faire 
tous  les  mouvements  possibles  avec  leur  langue  ou 
leurs  lèvres  ?  D'ailleurs,  il  en  est  à  cet  égard  comme 
pour  les  vices  organiques  ;  si  les  muscles  de  l'articula- 
tion étaient  réellement  faibles,  cette  faiblesse  serait 
permanente  et  s'opposerait  toujours  à  la  facile  expres- 
sion orale  des  idées.  D'où  vient  donc  aussi  que,  dans 
diverses  circonstances,  les  bègues  sont  souvent 
d'une  volubilité  surprenante,  quoiqu'ils  aient  alors 
à  articuler  les  mots  et  les  phrases  qui  enchaînent 
ordinairement  leur  langue  ?  Un  dernier  argument, 
sans  conteste,  c'est  que,  si  c'était  la  faiblesse  des  or- 
ganes de   la  parole  qui  fût  la  cause  du  bégaiement, 


302  N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

les  progrès  de  l'âge,  dont  l'effet  constant  est  d'affai- 
blir l'énergie  musculaire,  ne  produiraient  pas  la  gué- 
rison  relative  de  cette  affection  chez  des  vieillards 
qui  en  étaient  affligés  pendant  leur  jeunesse. 

Les  autres  vices  d'organisation  signalés  plus  haut 
ne  peuvent  pas  mieux  être  regardés  comme  les  cau- 
ses du  bégaiement. 

Sur  près  de  huit  cents  bègues  observés  par  le 
docteur  Colombat  et  près  de  deux  mille  cas  de  bégaie- 
ment observés  par  nous  au  cours  d'orthophonie  an- 
nexé depuis  douze  ans  à  l'Institut  national  des  sourds- 
muets  de  Paris,  pour  le  redressement  vocal  du 
bégaiement  et  de  tous  les  vices  de  la  parole,  les  or- 
ganes qui,  par  leur  réunion  et  leurs  mouvements, 
concourent  à  l'articulation  des  mots,  ont,  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas,  été  trouvés  dans  une 
parfaite  intégrité  de  conformation,  et  n'ont  rien  of- 
fert de  particulier  à  l'inspection  physiologique.  D'ail- 
leurs, si  les  vices  organiques  existaient  et  donnaient 
naissance  au  bégaiement,  cette  affection  n'aurait 
point  d'intermission,  l'obstacle  serait  permanent  et 
s'opposerait  à  ce  que  les  bègues  pussent  souvent, 
sans  hésitation,  chanter,  ou  parler  seuls.  Pourquoi 
seraient-ils  embarrassés  quelquefois  pour  prononcer 
des  mots  qui  d'ordinaire  ne  les  arrêtent  pas,  tandis 
qu'il  leur  arrive  d'arliculer  facilement  certaines  syl- 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTROPFIONIQUE.  303 

labes  qu'ils  sont  accoutumés  à  trouver  rebelles  ? 
Que  deviennent  les  prétendus  vices  organiques  ?  par 
quelle  raison  sont-ils  mobiles?  quelle  est  la  cause  de 
leurs  intermittences  ?  Comment  se  fait-il  enfin  que 
tous  ces  obsiacles  matériels  exercent  moins  leur  empire 
chez  les  vieillards,  chez  les  femmes,  chez  les  enfants, 
et  que  TalTection  dont  ils  sont  la  cause  éprouve  une 
foule  de  modifications,  suivant  la  température,  Tàge, 
le  sexe,  l'éducation,  les  affections  morales,  la  timidité, 
la  colère,  la  peur  et  enfin  la  présence  ou  l'absence 
d'une  ou  de  plusieurs  personnes,  et  selon  un  grand 
nombre  d'autres  circonstances,  telles  que  de  lire  des 
vers,  de  répéter  des  phrases  après  un  autre,  dans  les 
ténèbres  ou  en  plein  jour. 

Lorsque  quelques  lésions  d'organes  se  rencon- 
trent avecle  bégaiement,  elles  deviennent  une  com- 
plication qui  s'oppose  seulement  quelquefois  à  l'ap- 
plication d'une  gymnastique  vocale. 

Le  bégaiement  est  donc  une  modification  particu- 
lière des  contractions  des  muscles  de  l'appareil  vocal  ; 
c'est  donc  une  affection  essentiellement  nerveuse,  qui 
est  le  résultat  d'un  manque  d'harmonie  entre  l'inner- 
vation et  la  myotilité,  ou,  pour  parler  plus  clairement, 
entre  l'influx  nerveux  qui  suit  la  pensée  et  les  mou- 
vements musculaires  au  moyen  desquels  on  peut 
l'exprnner  par  la  parole.  De  ce  manque  de  rapport 


304  N.   0.  —  SYNTHESE  ORTIIORnONIQUE. 

et  d'harmonie  d'action,  qui  doit  exister  pour  que  les 
mouvements  soient  réguliers  entre  l'excitation  ner- 
veuse et  les  contractions  musculaires,  résulte  un 
désordre  qui  augm-ente  avec  les  etTorts  que  l'on  fait 
pour  le  faire  cesser,  et  donne  naissance  à  celte  sorte 
d'état  tétanique  et  convulsif  qui  constitue  le  bégaie- 
ment. Mais  si  on  régularise  ou  on  modifie  l'excitation 
et  l'irradiation  cérébrale,  alors  l'harmonie  entre  l'in- 
nervation et  la  contractilité  se  rétablit  ;  l'ordre  re- 
naît ;  le  spasme  cesse  et  l'hésitation  disparaît. 

Si  on  se  demande  comment  il  se  fait  que  générale- 
ment le  bégaiement  est  souvent  augmenté  ou  dimi- 
nué par  diverses  circonstances  et  certaines  affec- 
tions morales^  il  est  permis  de  croire  que,  l'excitation 
cérébrale  étant  modifiée,  et  la  contractilité  muscu- 
laire ralentie  ou  régularisée,  il  en  résulte  nécessaire- 
ment plus  d'ordre  et  d'harmonie  dans  le  jeu  des  or- 
ganes de  la  parole,  et  que  le  rythme,  par  exemple,  ou 
l'idée  de  placer  ces  organes  d'après  certaines  règles 
deviennent  des  idées  accidentelles  qui  font  que  les 
idées  principales  sont  émises  plus  métbodiquement, 
et  que  les  bègues  se  trouvent  moins  par  Miabitudc 
de  l'apphcation  de  ces  règles,  sous  l'influence  du  sys- 
tème nerveux  en  général. 

Quand  on  ariive  en  effet  à  modifier  l'excitation  céré- 
brale des  bègues,  alors  un  grand  changement  s'opère 


N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  30o 

dans  les  différentes  évolutions  de  rarticiilation  vo- 
cale (i),  et  les  liens  qui  tenaient  leur  langue  enchaînée 
se  trouvent  rompus  comme  par  enchantement.  Si,  en 
général,  ceux  qui  sont  affectés  du  hégaiement  sont 
vifs  et  spirituels,  ils  sont  en  revanche  très  suscep- 
tibles et  retenus.  Souvent,  lorsque  les  bègues  oublient 
leur  infirmité,  l'excitation  et  l'irradiation  cérébrale 
se  trouvent  quelquefois  si  heureusement  modifiées 
que,  pendant  quelques  instants,  les  agents  de  l'arti- 
culation exécutent  régulièrement  tous  les  mouve- 
ments dont  ils  sont  capables. 

Un  professeur  a  vu  un  jeune  homme  bégayant  or- 
dinairement beaucoup,  qui  faisait  la  conversation 
sans  hésiter  lorsqu'il  parlait  dans  un  appartement 
voisin  sans  être  vu  de  personne. 

Un  étudiant  en  médecine  bégayait  dans  le  monde 
d'une  manière  très  pénible,  et  s'exprimait  avec  fa- 
ciUté  lorsqu'il  parlait  pendant  la  nuit. 

Un  receveur  de  l'enregistrement,  qui  avait  une 
grande  difficulté  de  parler,  intrigua  au  bal  mas- 
qué plusieurs  de  ses  amis  intimes,  et  la  grande 
facihté  qu'il  avait   alors  pour    s'exprimer  sous   le 


(l)  L'idée  d'èlre  raillés  occupe  tellement  les  bègues  qu'elle  con- 
tribue à  faire  tomber  leurs  organes  phonateurs  dans  l'état  spasmo- 
dique,  qui  les  paralyse  en  quelque  sorte  jusqu'à  ce  qu'ils  cessent 
d'être  sous  la  même  influence.  —  Voir  la  note  B,  page  ."î". 

20 


306  N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

masque  fit  que  son  frèr^  même  ne  put  le  reconnaître 
pendant  sa  nouvelle  métamorphose. 

Quand  le  docteur  X...  passa  son  premier  examen  de 
médecine,  la  timidité  enchaîna  si  fortement  sa  lan- 
gue qu'il  ne  put  presque  pas  dire  un  mot,  quoiqu'il 
connût  parfaitement  les  matières  sur  lesquelles  il 
était  interrogé.  A  son  second  examen,  il  répondit 
d"une  manière  brillante  et  avec  tant  de  facilité,  que 
les  professeurs,  avertis  de  son  infirmité^  ne  pouvaient 
croire  qu'il  fut  bègue.  L'assurance  qu'il  avait  que  ses 
juges  étaient  prévenus  de  sa  difliculté  de  parler,  jointe 
à  la  certitude  que  ces  derniers  seraient  indulgents  s'il 
ne  s'exprimait  pas  facilement,  firent  cesser  momenta- 
nément son  bégaiement  habituel,  et  lui  donnèrent 
comme  par  enchantement  une  facilité  d'élocution 
qui  étonna  tous  les  assistants. 

Si  les  impressions  légères  augmentent  le  bégaie- 
ment, les  impressions  vives,  les  passions  véhémentes, 
les  grands  mouvements  de  l'âme,  tels  que  ceux 
produits  par  la  colère,  la  peur,  une  injure  grave,  un 
danger  imminent,  etc.,  font  quelquefois  momentané- 
ment disparaître  cette  infirmité  par  la  modification 
qu'ils  impriment  à  l'excitation  et  à  l'irradiation  céré- 
brale. Il  est  très  curieux  que  ceux  qui  d'ordinaire  par- 
lent facilement,  perdent  parfois  la  parole  précisément 
dans  les  circonstances  où  les  bègues  la  retrouvent. 


N.    0.    —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  ;j07 

Supposons  un  instant  qu'un  bègue  homme  d'hon- 
neur se  sente  heurté:  jusque-là  il  sera  d'abord  peu 
excité  parle  conp  qu'il  a  reçu,  et  demandera  dans  sa 
susceptibilité  naturelle,  en  bégayant  horriblement  : 
0$'$'^^  qui  est-ce  qinqqqqqqui  mmmmm'dL  y^^  frappé? 
Mais  s'il  vient  à  s'apercevoir  qu'on  a  eu  intention 
de  l'insulter  en  le  heurtant,  un  changement  soudain 
s'opère  en  lui;  il  est  alors  surexcité;  sa  colère  est  si 
torte,  et  l'impression  de  l'injure  qu'il  a  reçue  est  sentie 
si  vivement  par  lui,  que  l'influx  nerveux  qui  avait  en- 
chaîné sa  langue,  parce  qu'il  s'était  accumulé  sur 
cet  organe  seulement,  se  trouve  par  cela  même  mo- 
difié et  réparti  sur  tous  les  autres  organes,  en  sorte 
que  les  agents  moteurs  de  l'articulation,  cessant 
d'être  en  quelque  sorte  suffoqués  par  un  excès  d'exci- 
tation, reçoivent  une  nouvelle  force,  une  vigueur 
telle,  que  celui  qu'on  a  vu  un  instant  avant  ne  pas 
pouvoir  dire  un  mot,  dispute  avec  feu,  défend  sa 
cause  avec  impétuosité. 

On  rapporte  qu'un  jour,  un  commis  de  magasin 
a'flgé  d'un  bégaiement  excessif,  s'étant,  pour  offrir 
sa  marchandise,  adressé  à  un  jeune  homme  qui  par 
hasard  avait  la  même  infirmité  que  lui,  ce  dernier, 
croyant  que  l'autre  voulait  le  railler,  lui  dit  des 
injures  en  bégayant  ;  celui-ci  de  répondre  sur  !e 
môme  ton  :  les  voilà  qui  se  battent,   et  qui  entrent 


308  N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

dans  un  état  de  colère  si  violent  que  leur  bégaiement 
cessa  momentanément.  Ce  qui  rend  encore  plus  plai- 
sante cette   aventure,  c'est  qu'ils   disaient  tous  les 
deux  sans  hésiter  aux  personnes  que  cette  rixe  avait 
fait  assembler  :   Vous  avez  tort  de  le  soutenir,  vous 
voyez  bien  qu'il  ne  bégaie  pas  :  il  voulait  me  railler. 
Ce  n'est  qu'un  instant  après  qu'on  s'assura  qu'ils  étaient 
l'un  et  l'autre  bègues,  et  que  l'excès  de  leur  emporte- 
ment avait  neutralisé  pour  quelques  minutes  les  liens 
qui  ordinairement  tenaient  leur  langue  enchaînée. 
Trois  bègues  affectés  d'un   bégaiement  excessive- 
ment pénible,  ayant  voulu  assister  à  une  séance  de 
l'Académie  des  sciences,  sortirent  avant  la  séance, 
dans  le  but  de  faire  une  promenade  en  attendant  la 
réunion  des  membres  de  ce  corps  savant.  Comme  les 
trois  jeunes  gens  en  question  avaient  l'habitude  de  fu- 
mer, ils  entrèrent  chez  un  marchand  de  tabac  pour 
acheter  des  cigares.  Lun  d'eux  plus  âgé  et  qui  proba- 
blement, i)ar  cette  raison,  était  le  moins  timoré,  dit  en 
s'adressant  au  maître  delà  boutique:  «  Dooo  do  do 
do  dooo  do  donnez-moi  des  ci  des  ci...    des  ci...  des 
ciiigarres.  «   Par   un    hasard    bizarre,    le   débitant 
de  tabac  avait  aussi  le  triste  privilège    de  bégayer 
beaucoup,  mais  il  était  loin  de  penser  que  ces  trois  nou- 
veaux acheteurs  lussent  aflligés  de  la  même  infirmité 
que  lui  :  aussi  ne  fut-il  d'abord  ni  surpris  ni  trop 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  309 

contrarié d'aM)ir  affaire  à  un  collègue  en  bégaiement; 
et  ayant  demandé  au  premier  :  «  De  dede  de...  dede 
quel  quel...  qua...  qiia...  qua  qua  qua  qualité 
vou...  vou...  voulez  voulez-cous  vou...  les  les  les  ci- 
gai' es?  ry  Ce  dernier,  intimidé,  ne  put  dire  un  seul 
mot,  le  second  et  le  troisième  se  trouvant  alors  en 
quelque  sorte  forcés  de  répondre  pour  le  premier,  se 
mirent  à  bégayer  également.  Le  marchand  de  tabac, 
croyant  qu'on  voulait  se  jouer  de  lui,  fut  d'abord 
comme  suffoqué  par  la  colère,  puis,  s'étant  saisi  d'une 
canne,  il  entra  dans  une  sorte  de  délire  furieux  qui 
délia  sa  langue  pendant  quelques  instants  et  lui  per- 
mit de  dire  sans  aucune  hésitation  les  injures  les  plus 
grossières  et  les  menaces  les  plus  énergiques  aux  au- 
teurs du  singuher  colloque  qui  venait  d'avoir  lieu. 
Quelques  instants  après  cette  scène  comique,  qui 
eût  pu  devenir  tragique,  l'irascible  marchand  de  ta- 
bac, ayant  appris  par  quelles  circonstances  trois  per- 
sonnes, encore  plus  bèguesquelui,  s'étaient  en  même 
temps  trouvées  réunies  dans  sa  boutique,  se  mit  à  rire 
de  bon  cœur. 

On  pourrait  rapporter  un  grand  nombre  d'autres 
faits,  tendant  tous  à  prouver  que  les  impressions  mo- 
rales ont  la  plus  grande  influence  sur  les  organes  de 
la  parole,  et  que  le  point  de  départ  du  bégaiement 
ne  siège  pas  dans  les  organes  phonateurs,  mais  bien, 


310  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

comme  cela  a  été  démontré  (1),  dans  le  cerveau  et 
dans  la  cause  incitante  des  contractions  musculaires 
des  agents  de  la  parole. 

Ces  opinions  sur  la  nature  essentiellement  ner- 
veuse du  bégaiement  offrent  beaucoup  d'analogie 
avec  celles  présentées  par  divers  auteurs  et  qui  ont 
placé  également  les  causes  du  bégaiement  non  dans 
les  muscles  vocaux  ou  dans  les  nerfs  qui  les  animent, 
mais  bien  dans  le  cerveau  lui-même.  Pour  ap[tuyer 
sa  théorie  ingénieuse,  Rullier  dit  «  que,  dans  Tétat 
«  physiologique  ordinaire,  les  phénomènes  de  la  voix 
«  et  de  la  parole  sont  dans  un  rapport  constant  avec 
«  les  différents  degrés  d'excitation  cérébrale  et  ré- 
«  pondent  toujours  par  leur  précision  et  leur  facilité 
((  à  l'énergie  des  sentiments  et  à  la  clarté  des  idées. 
«  On  sait  à  ce  sujet  que  le  trop  ou  le  trop  peu  d'ex- 
«  citation  cérébrale  a  sur  notre  langage  une  influence 
«  si  marquée,  que  nos  paroles  jaillissent  comme 
«  d'une  source  abondante,  ou  en  se  traînant  avec 
'(  lenteur  et  difficulté,  attestent  alors  tout  ce  qu'elles 
('  coûtent  de  travail  et  d'efforts  intellectuels.  Or, 
«  l'influence  analogue  des  diverses  affections  de  Tàme 
«  excitantes  ou  sédatives  du  centre  nerveux  cérébral, 
«  comme  la  crainte,  la  confiance,  la  colère,  l'impa- 
«  tience,  etc.,  sur  les  phénomènes  du  bégaiement, 

(1)  Voir  la  note  B. 


N.  0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  311 

«  prouvent  queceux-ci  s'écoulent  de  la  même  source, 
«  et  doivent  se  rapporter  dès  lors  à  quelques  modi- 
«  fications  de  l'action  du  cerveau.  » 

Le  savant  physiologiste  Magendie  a  opposé  à  cette 
théorie  les  cas  de  hégaiement  observés  chez  des  per- 
sonnes qui  pouvaient  prendre  le  temps  nécessaire 
pour  l'expression  des  idées  qui  n'étaient  rien  moins 
qu'abondantes  et  rapides.  Selon  Colombat,  cette  objec- 
tion de  Magendie  n'intirme  pas  complètement  cette 
opinion  émise  par  Huilier^  que,  chez  les  bègues,  la 
pensée  est  toujours  trop  rapide  et  les  mouvements 
musculaires  toujours  trop  lents,  car  probablement  ce 
dernier  auteur  n^'a  pas  voulu  parler  d'une  manière 
absolue,  puisqu'il  a  dit  que  l'hésitation  de  la  langue 
n'était  qu'une  débilité  purement  relative  des  organes 
de  l'articulation,  résultant  du  défaut  de  rapport  établi 
entre  l'exubérance  des  pensées,  la  vitesse  d'irradiation 
cérébrale  qui  leur  correspond  et  la  vitesse  possible 
des  mouvements  musculaires  qui  produisent  et  modi- 
tient  les  sons  vocaux  destinés  à  exprimer  les  idées. 
L'objection  la  plus  forte  qui  soit  faite  à  Ridlier,  c'est 
que  la  plupart  des  bègues  hésitent  en  hsant,  et  qu'il  en 
est  même  quelques-uns  chez  qui  le  bégaiement  ne  se 
manifeste  que  dans  la  lecture  (1)  et  pendant  les  mo- 
ments de  calme. 

(1)  Ce  qui  fait  que  certains  bègues  n'iiésitent  qu'en  lisant,  c'est 


312  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

La  théorie  qu'a  donnée  Bell  sur  les  causes  du  bé- 
gaiement se  rapproche  plus  de  celle  de  Colombat  que 
celle  de  Voisin^  Astrié  GiRullier,  En  effet,  ce  physiolo- 
giste anglais  regarde  cette  dyslalie  comme  dépendant 
d'un  défaut  de  la  puissance  de  coordination  des  di- 
verses actions  des  organes  vocaux,  et  de  ceux  de  l'ar- 
ticulation en  particulier.  Si  les  bègues  n'hésitent  pas 
en  chantant,  c'est,  dit  cet  auteur,  parce  que  l'ajuste- 
ment de  la  glotte  et  l'impulsion  nécessaire  donnée  à 
la  colonne  d'air  par  la  poitrine  dilatée,  s'accomplis- 
sent et  se  continuent  sans  interruption. 

Enfin,  Magendie  pensait  qu'on  devait  chercher  la 
cause  du  bégaiement  dans  l'imperfection  de  l'instinct 
merveilleux  de  l'organisation  des  animaux,  c'est-à-dire 
dans  le  défaut  de  V intelligence  organique  qui  établit 
la  différence  des  hommes  sous  le  rapport  de  la  pré- 
cision et  de  la  régularité  des  mouvements.  Il  ajoutait 
que  c'est  celte  intelHgence  organique,  toujours  hors 
de  la  portée  de  l'esprit  humain  et  presque  aussi  admi- 
rable que  l'intelligence  même,  qui  fait  l'homme  adroit 
ou  mal  adroit,  l'homme  qui  danse  avec  ou  sans  me- 
sure, ou  qui  chante  juste  ou  faux  ;  c'est  cet  instinct 
qui  fait  le  grand  artiste  et  le  grand  génie  d'exécution  ; 

que  pendant  la  lecture  ils  ne  peuvent  pas,  comme  en  parlant,  dis- 
simuler leur  difficulté  au  moyen  de  certains  artifices  et  surtout  en 
employant  des  périphrases  ou  en  remplaçant  des  mots  difficiles  par 
des  mots  plus  faciles. 


N.    0.   —  SYNTHÈSE   ORTIIOPIIOMQUE.  315 

c'est  lui  qui  donne  la  grâce  ou  la  disgrâce,  la  physio- 
nomie ou  le  silence  des  traits;  enfin,  c'est  lui  qui 
préside  aux  innombrables  mouvements  de  la  voix 
et  de  la  parole,  et  qui,  par  conséquent,  fait  les  bègues. 
Après  avoir  donné  cette  explication  ingénieuse  sur 
les  causes  du  bégaiement,  on  est  étonné  de  voir 
Magendie  ajouter  :  «  On  comprend  combien  il  est 
«  inutile  de  chercher  les  causes  de  celte  infirmité.  » 


STATISTIQUE   SUR  LE   DÉGAIEMENT. 

En  prenant  pour  base  les  renseignements  donnés 
soit  à  Paris  et  dans  plusieurs  départements,  soit  pjir 
les  conseils  de  révision  pour  le  recrutement  de  l'ar- 
mée, ou  par  tous  autres  moyens  le  docteur  Colom- 
bat  a  le  premier  établi  en  1840  une  statistique  du 
bégaiement  divisée  comme  il  suit  : 

NOMBRE   PRÉSUMÉ  (1) 

—  D'hommes  bègues,  calculé  sur  12,000,000  d'individus, 

dans  la  proportion  de  1  sur 4,800 

—  De  femmes  bègues,  calculé  sur  ll,00i»,000  d'indivi- 
dus, dans  la  proportion  de  1  sur  20,000 5ô0 

—  D'enfaati    bègues,   avant   quinze   ans,    calculé  sur 

(1)  En  1879,  la  proportion  des  bègues  est  au  moins  de  3  bègues  sur 
5,000  habitants. 


314  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

10,000,000  d'individus,  dans  la   proportion   du  septième 

parmi  les  bègues 'Ci 

—  De  Français  bègues,  de  tout  sexe  et  de  tout  âge, 
calculé  sur  33,000,000  d'individus,  dans  la  proportion  de 
1  sur  5,397 G.lli 

NOMBRE   PRÉSUMÉ  DES   BÈGUES 

Dans  les  quatre  parties  du  monde,  culcidé  d'après  la  France, 

En  Europe,  sur  180,003,000  d'habitants 33,349 

En  Asie,  sur  550,000,000  d'habitants 101,900 

En  Afrique,  sur  150,000,00.)  d'habitants 27,790 

En  Amérique,  sur  00,000,000  d'Iiabitants 11,110 

Dans  le  monde  entier,  sur  940,000,000  dindividus. 

Total 174,149 

Il  est  bon  de  dire  que  dans  les  calculs  de  celte 
époque  on  n'a  voulu  parler  que  des  individus  affectés 
d'un  bégaiement  très  apparent^  c'est-à-dire  épilep- 
tiforme,  et  non  des  autres  vices  de  la  parole  ;  ces 
calculs  seraient  beaucoup  plus  élevés  s'il  en  était  au- 
trement. 


INFLUENCE  DE  L'AGE   SUR  LE  BÉGAIEMENT. 

L'âge  a  une  très  grande  influence  sur  le  bégaie- 
ment, et  la  diminution  d'intensité  de  ce  vice  de  la 
parole  remarqué  ordinairement  chez  les  vieillards 
est  le  plus  puissant  argument  qu'on  puisse  opposer  à 
ceux  qui  veulent  que  ce  vice  du  langage  soit  le  ré- 
sultat de  la  faiblesse  des  muscles  de  l'articulation. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  315 

Les  jeunes  enfants  ne  bégaient  pas  ;  chez  eux 
l'énergie  musculaire  étant  naissante  n'est  pas  coor- 
donnée, et  la  difficulté  qu'ils  ont  de  s'exprirneb  n'est 
autre  chose  qu'un  balbutiement  enfantin. 

C'est  donc  mal  à  propos  qu'on  a  regardé  comme 
un  véritable  bégaiement  la  défectuosité  de  leur  lan- 
gage primitif. 

Lorsqu'ils  doivent  être  bègues,  ce  n"est  qu'au  mo- 
ment où  ils  parlent  naturellement  avec  plus  de  netteté, 
c'est-à-dire  aux  environs  de  quatre  à  cinq  ans,  qu'on 
peut  bien  distinguer  les  répétitions  vicieuses  accom- 
pagnées d'un  spasme  vocal,  qui  caractérisent  le  bé- 
gaiement proprement  dit.  Cette  infirmité  se  prononce 
davantage  vers  la  septième  ou  la  huitième  année  ; 
depuis  cette  époque  jusqu'à  la  puberté,  où  l'intelli- 
gence est  plus  développée,  ce  vice  de  la  parole  ne 
fait  qu'augmenter. 

Les  nouvelles  idées  qui  à  cette  époque  assiègent 
l'esprit,  les  nouveaux  besoins  qui  se  font  sentir,  le 
ridicule  qui  s'attache  toujours  aux  personnes  bègues, 
les  obstacles  qu'elles  rencontrent  dans  leur  éduca- 
tion, les  entraves  qui  les  arrêtent  dans  la  carrière 
qu'elles  veulent  parcourir,  enfin  une  foule  d'autres 
circonstances,  contribuent  à  augmenter  alors  l'in- 
tensité du  bégaiement,  et  donnent  une  direction  par- 
ticuUère  à  l'esprit  de  ceux  qui  sont  affligés  de  cette 


316  N.  0.   —  SYiNTIIÈSE  OHTIIOPHONIQUE. 

infirmité.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  vice  de  la  parole  reste 
ordinairement  stationnaire  jusqu'à  la  fin  de  l'âge 
adulte  ^50  ans),  époque  où  il  diminue  souvent  insen- 
siblement pour  cesser  quelquefois  dans  la  vieillesse. 
Une  des  principales  raisons  qui  contribuent  égale- 
ment à  faire  cesser,  ou  du  moins  à  modifier  le  bégaie- 
ment chez  les  personnes  âgées,  c'est  qu'en  vieillissant, 
leurs  idées  se  succédant  moins  rapidement,  il  en  ré- 
sulte que  les  organes  de  la  parole  peuvent  plutôt 
exécuter  sans  confusion  tous  leurs  mouvements^  dont 
la  vitesse  est  en  rapport  avec  la  cause  incitante. 


INFLCE.NCE    DU   SEXE  SUR   LE   BEGAIEMENT. 

La  femme  diffère  de  l'homme  par  lu  délicatesse 
et  la  flexibilité  de  son  organisation,  et  surtout  par 
l'extrême  sensibilité  et  le  développement  plus  parfait 
de  son  système  nerveux.  Sa  constitution,  extrême- 
ment mobile  et  impressionnable,  fait  que  ses  sensa- 
tions sont  plus  vives  et  plus  multipliées.  Chez  elle, 
l'empire  de  l'habitude  cède  plus  facilement  que  chez 
l'homme. 

De  nombreuses  observations  il  résulte  :  1°  que, 
sur  vingt  personnes  affectées  de  bégaiement,  il  y  a 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  317 

dix-sept  ou  dix-huit  hommes  bègues  pour  deux  femmes 
bègues;  2°  que  cette  infirmité,  beaucoup  plus  rare 
chez  ces  dernières,  est  aussi  phis  difficile  à  guérir, 
probablement  parce  qu'en  général  elles  sont  moins 
susceptibles  de  persévérance  et  d'attention  ;  3°  en- 
fin, que  ce  vice  de  la  parole  consiste  le  plus  sou- 
vent chez  elles  plutôt  en  un  certain  silence  momen- 
tané, accompagné  de  contorsions  du  visage  et  de 
mouvements  convulsifs  de  la  mâchoire  et  des  lèvres, 
qu'en  un  réel  bégaiement  caractérisé  par  des  répéti- 
tions dysphoniques. 

Quoique  la  rareté  du  bégaiement  chez  les  femmes 
dépende  d'une  cause  difficile  à  trouver,  on  peut  ce- 
pendant se  hasarder  à  expliquer  ce  privilège. 

La  facilité  avec  laquelle  les  idées  s'associent  dans 
l'esprit  diffère  chez  tous  les  individus,  et  il  est  prouvé 
qu'en  général  les  femmes  ont  à  cet  égard  quelque  su- 
périorité sur  les  hommes;  de  là,  ce  brillant  de  l'ima- 
gination, cette  disposition  au  langage;  d'ailleurs,  la 
coquetterie  et  l'envie  de  plaire,  si  naturelles  à  la 
femme,  font  que  les  jeunes  filles  peuvent  de  bonne 
heure  s'étudier  à  corriger  toutes  leurs  imperfec- 
tions physiques,  et  par  contre  celle  de  la  parole. 
Personne  n'ignore  que  les  petites  filles  ont  déjà  un 
babil  agréable  à  l'âge  où  les  garçons  savent  à  peine 
articuler  quelques  phrases.  Une  jeune  personne  de 


318  N.   0.  —  SYNTFIÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

quinze  ans  s'exprime  avec  finesse  et  surtout  avec  fa- 
cilité dans  telle  circonstance,  tandis  qu'un  jeune 
homme  du  même  âge  reste  souvent  muet. 

La  constitution  des  femmes,  qui  est  plus  mobile, 
se  prête  mieux  que  la  nôtre  à  tous  les  mouvements  ; 
et  la  mollesse  qui  est  particulière  à  leurs  organes 
rend  probablement  plus  flexibles  ceux  de  la  voix  et  de 
la  parole,  qui  ont  moins  besoin  que  les  nôtres  des 
ressources  de  l'art  pour  atteindre  le  degré  de  perfec- 
tion dont  ils  sont  susceptibles. 

C'est  surtout  dans  les  organes  de  la  voix  modulée 
que  cette  mobilité  et  cette  souplesse  sont  encore 
plus  remarquables.  Une  constitution  plus  sensi- 
ble, plus  déliée,  un  système  nerveux  plus  déve- 
loppé, et  peut-être  plus  parfait,  font  que  les  femmes 
savent  mieux  que  nous  mesurer  et  mettre  en  harmo- 
nie la  mobilité  possible  des  puissances  motrices  des 
agents  de  la  parole. 


INFLUENCE   DES   HABITUDES   ET  DES  AFFECTIONS   MORALES 
SUR  LE   BÉGAIEMENT. 

Nous  avons  eu  occasion  d'observer  que ,  presque 
chez  tous  les  bègues,  les  changements  de  saisons,  et 
surtout  les  variations  brusques  dans  la  température 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPIlOiMQUE.  319 

de  l'air,  ont  une  grande  influence  sur  le  bégaie- 
ment (1). 

Cette  particularité  n'étonnera  certes  pas  ceux  qui 
connaissent  les  influences  incontestables  qu'ont  les 
variations  atmosphériques  sur  les  maladies  en  gé- 
néral, mais  principalement  sur  les  alTections  qui, 
comme  le  bégaiement,  sont  essentiellement  nerveuses. 

On  a  souvent  observé  également  que,  lorsque  les  bè- 
gues viennent  de  faire  un  exercice  violent,  et  que  sur- 
tout ils  ont  très  chaud,  leur  état  dysphonique  est 
tellement  augmenté  qu'il  leur  est  quelquefois  im- 
possible de  dire  un  mot  et  d'articuler  même  les  syl- 
labes qu'ils  prononcent  de  coutume  sans  hésitation. 

Les  excès  vénériens,  l'onanisme,  les  veilles  pro- 
longées, les  émotions  douces,  l'incertitude,  l'attente 
d'une  nouvelle,  d'une  lettre,  d'une  visite,  la  moindre 
contradiction,  le  doute,  une  contestation  sur  un  sujet 
insignifiant,  l'embarras,  le  respect,  une  légère  indis- 
position, enfin,  le  plaisir,  la  joie,  la  tristesse,  et  sur- 
tout les  affections  morales  qui  émeuvent  à  peine  les 
libres  parlants,  augmentent  de  beaucoup  la  difficulté 
des  bègues. 

Qui  n'a  pas  eu  cent  fois  l'occasion  de  faire  la  même 
remarque,  aussi  bien  sur  la  parole  que  sur  les  différents 
mouvements  du  corps?  11  est  des  gens  tellement  ini- 

(1)  Relire  la  note  I. 


320  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

pressionnables  qu'il  suffit  d'un  mot,  d'un  regard  pour 
jeter  le  trouble  dans  leur  esprit  et  la  contrainte  dans 
leurs  actions. 

«  Je  connais,  dit  Montesquieu,  une  femme  qui  mar- 
<;he  bien,  mais  qui  boite  dès  qu'on  la  regarde.  » 


INFLUENCE  DE  LA  FREQUENCE  DE  LIMITATION  SUR  LE 
BÉGAIEMENT. 


D'après  plusieurs  observations  authentiques,  le  bé- 
gaiement peut  avoir  pour  cause  la  fréquence  de  l'imi- 
tation; il  en  est  d'ailleurs  pour  ce  vice  de  la  parole 
comme  pour  la  plupart  de  ceux  déjà  connus. 

On  raconte  qu'un  homme  fort  distingué  dans  les 
lettres  était  devenu  bègue,  parce  que,  vivant  dans  sa 
jeunesse  avec  un  de  ses  amis  affecté  de  bégaiement, 
il  s'était  plu  à  parler  comme  lui.  Dans  le  principe,  il 
se  faisait  un  jeu  de  le  copier,  mais  plus  tard  il  l'i- 
mitait involontairement,  et  ce  n'est  qu'à  l'aide  d'un 
travail  assidu  et  de  beaucoup  de  persévérance  qu'il 
parvint  à  se  défaire  de  celte  habitude  vicieuse,  qu'il 
avait  acquise  par  sa  faute. 

Un  officier  de  l'état-major  raconte  également  qu'il 
était  devenu  bègue  parce  que,  étant  au  collège,  il 


N.   0.   —   SYNTHÈSE  ORTIIOPHONMQUE.  321 

avait  voulu  contrefaire  un  de  ses  condisciples  affecté 
de  bégaiement,  et  qui,  à  cause  de  son  infirmité,  était 
dispensé  de  réciter  ses  leçons.  Il  réussit  si  bien  à 
imiter  ce  dernier,  qu'en  peu  de  temps  il  ne  put  parler 
qu'avec  une  grande  difficulté,  ce  qui  l'exempta, 
comme  son  ami,  du  devoir  des  leçons  pour  lesquel- 
les il  avait  tant  de  répugnance.  Dans  le  principe,  il 
n'était  bègue  que  par  paresse;  mais  plus  tard  il  le 
devint  par  habitude^  et  ce  n'est  qu'avec  beaucoup 
d'efforts  qu'il  a  vu  disparaître  l'infirmité  si  facile- 
ment acquise  par  imitation. 

Il  est  bon  cependant  d'ajouter  que  ce  bègue  devait 
avoir  une  prédisposition  au  bégaiement,  car  son  frère 
aîné  était  légèrement  afiectô  de  ce  vice  de  la  parole. 

Un  ouvrier,  dans  l'intention  de  se  faire  exempter 
du  service  militaire,  avait  cherché  à  imiter  les  per- 
sonnes affectées  de  bégaiement  ;  il  n'eut  besoin  que 
de  (pielques  mois  d'habitude  pour  avoir  réellement 
l'infirmité  qu'il  ne  voulait  que  siuuiler,  et  son  strata- 
gème lui  réussit  si  bien  qu'il  fut  réformé. 

Personne  n'ignore  que  c'est  presque  toujours  l'i- 
mitation seule,  et  non  une  disposition  particuhère, 
qui  fait  que  dans  chaque  province  on  prononce  les 
mots  d'une  manière  plus  ou  moins  défectueuse  et 
avec  des  accents  plus  ou  moins  désagréables.  D'ail- 
leurs, ne  sait-on  pas  que  les  hommes  ont  en  général 

21 


322  N.  0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

un  penchant  secret  et  souvent  involontaire  qui  les 
porte  à  imiter  toutes  les  actions  dont  ils  sont  témoins, 
et  que  de  tous  nos  organes  nul  n'est  plus  porté  à  l'imi- 
tation que  celui  de'  la  parole.  Deux  individus  jeunes 
qui  vivent  ensemble  finissent  souvent  par  avoir  le 
même  accent  et  par  parler  à  l'unissun  ;  et,  ce  qui 
est  plus  extraordinaire  encore,  leur  voix  acquiert  à 
peu  près  le  même  timbre.  Ne  remarque-t-on  pas  le 
même  vice  de  prononciation  chez  tous  les  membres 
d'une  famille,  chez  une  classe  de  peuple  de  la  même 
ville,  comme  on  l'ob-erve  en  particulier  dans  la  classe 
du  peuple  à  Paris  ;  et  même,  enfin,  chez  presque  tous 
les  habitants  de  certains  départements  ? 

La  plupart  des  vices  de  la  parole  résultant  de  la 
fréquence  de  l'imitation  sont  tellement  enracinés  chez 
quelques  individus,  qu'ils  ne  peuvent  s'en  défaire, 
et  qu'ils  n'ont  que  quelques  mots  à  dire  pour  qu'on 
devine  s'ils  sont  nés  dans  le  Midi. 

On  a  dit  avec  raison  que,  p;ithologiquement,  l'imi 
talion  était  une  alîection  dépendante  d'une  disposi- 
tion organique  particulière  qui  entraîne,  comme  mal- 
gré eux,  les  individus  à  exécuter  des  actes  résultant 
du  consensus  qui  s'établit  entre  le  sujet  de  l'imitation 
et  le  sujet  imitateur. 

On  rapporte  l'observation  de  mouvements  con- 
vulsifs   manifestés   chez  trois  enfants  de   la  même 


N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  323 

famille,  el  répétés  par  tous  ceux  qui  avaient  le  mal- 
heur d'en  être  témoins.  Le  strabisme,  l'épilepsie, 
l'hystérie,  la  manie  et  plusieurs  autres  affections  ner- 
veuses, ont,  ainsi  que  le  bégaiement,  quelquefois 
pour  cause  principale  Thabitude  de  l'imitation. 

La  mobilité  nerveuse,  qui  forme  le  caractère  essen- 
tiel de  certaines  personnes,  fait  que  la  plus  légère 
impression  agit  fortement  sur  leur  cerveau  et  établit 
une  sorte  de  sympathie  dont  il  est  difficile  de  se 
rendre  compte. 

Un  médecin  raconte  qu'il  a  vu  une  jeune  per- 
sonne devenue  louche  parce  qu'elle  s'était  plu  à  singer 
souvent  sa  bonne,  qui  était  affligée  de  strabisme.  Un 
autre  savant  pense  aussi  que  cette  infirmité  est  sou- 
vent l'elfet  de  l'imitation  et  du  jeu  que  les  enfants  se 
font  de  loucher  volontairement  ;  il  ajoute  qu'il  connaît 
une  demoiselle  affectée  de  strabisme  qui  n'a  pas 
d'autre  origine. 

Ces  observations  curieuses  devraient  engager  les 
parents  à  faire  en  sorte  que  leurs  enfants  aient  le 
moins  possible  de  rapports  avec  les  personnes  affec- 
tées de  bégaiement  ;  ils  feraient  également  très  bien 
de  leur  interdire  le  jeu  dangereux  de  l'imitation, 
dans  un  âge  où  la  jeunesse  contracte  encore  plus  fa- 
cilement les  mauvaises  habitudes  que  les  bonnes. 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 


INFLUENCE   DE   L'HÉRÉDITÉ   ET   DU  TEMPÉRAMENT  SUR  LE 
BÉGAIEMENT. 


Par  liérédité,  on  doit  entendre  un  état  particulier 
de  l'organisation  qui  prédispose  les  enfants  à  être  af- 
fectés d'une  maladie  dont  leurs  parents  ont  été 
atteints. 

Les  affections  dites  nerveuses  ont  été  regardées 
comme  étant  les  plus  susceptibles  d'être  transmises 
par  riiérédilé  (1).  C'est  sans  doute  par  la  même  rai- 
son que  le  bégaiement  revêt  si  souvent  le  caractère 
héréditaire.  En  effet,  à  peu  près  les  trois  cinquièmes 
au  moins  des  personnes  bègues  disent  que  leur 
dilTiculé  de  parler  est  un  fâcheux  héritage  de  famille. 

Si,  parmi  ces  trois  cinquièmes  de  bègues,  un  cer- 
tain nombre  n'avaient  pas  leur  père  ou  leur  mère 
affligés  de  bégaiement,  cette  infirmité  s'était  lait 
remarquer,  soit  chez  leur  aïeul  ou  leur  bisaïeul,  soit 

(I)  Dans  le  cas  particulier  d'hérédité  qui  nous  occupe,  la  propliy- 
laxie  de  ce  phénomène  biologique  ne  peut  être  efficace  qu'en  faisant 
agir  l'hérédité  sur  elle-même,  c'est-à-dire  en  engageant  le  bègue 
dont  le  redressement  vocal  a  été  obtenu  à  s'efTorcer  journellement 
à  perfectionner  sa  parole  par  la  pratique  du  son  esthétique. 

En  effet,  la  parole  finit  par  se  consolider  dans  les  autres  à  l'aide 
du  travail  héréditaire. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  325 

chez  un  ascendant  plus  éloigné  ou  tout  autre  parent 
paternel  ou  maternel,  en  ligne  directe  ou  collatérale. 
On  voit  par  là  que,  lorsque  la  filiation  d'hérédité 
se  trouve  séparée  par  un  intervalle  plus  ou  moins 
long,  il  en  est  de  cette  hérédité  comme  des  ressem- 
blances de  famille  qui  peuvent  être  interrompues 
pendant  une  ou  plusieurs  générations,  mais  qui  or- 
dinairement reparaissent  tôt  ou  tard  dans  toute  leur 
spécialité  et  leur  activité  primitives. 

On  a  remarqué  que  les  personnes  qui  étaient 
affectées  de  bégaiement  on  d'un  défaut  de  parole  par 
suite  des  vices  héréditaires  de  la  parole  arrivaient 
un  peu  plus  difficilement  à  bénéficier  de  l'éducation 
vocale;  cela  tient  sans  doute  ta  ce  que  l'organisme, 
modifié  dans  ses  éléments  primitifs,  offre  toujours  plus 
de  résistance  aux  agents  qui  peuvent  le  ramener  dans 
ses  éléments  constitutifs.  La  seule  indication  parti- 
culière à  remplir  dans  ce  cas  est  l'observation  encore 
plus  rigoureuse  et  plus  persévérante  des  procédés 
orthophoniques. 

A  l'égard  des  tempéraments^  on  a  remarqué  égale- 
ment que  les  personnes  bègues  qui  étaient  d'un  tem- 
pérament sanguin  et  nerveux  voyaient  en  général 
un  peu  plus  tôt  et  plus  facilement  disparaître  leur 
infirmité  que  les  individus  d'un  tempérament  lympha- 
tique et  d'une  constitution  moins  impiessionnahle. 


32fi  Js.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 


Divisions,  variétés  et  phénomènes   caractéristiques 
du- bégaiement. 


Le  bégaiement,  quel  qu'en  soit  le  degré,  le  genre 
et  la  variété,  est  toujours  facile  à  constater,  car  il  est 
rare  qu'une  personne  bègue  puisse  parler  quelques 
instants  sans  se  trouver  arrêtée  dans  l'articulation 
de  certaines  syllabes  ou  de  certains  mots.  Cependant, 
cette  infirmité,  qui  ordinairement  est  continue,  ou 
plus  souvent  qui  est  soumise  à  une  augmentation  ou 
à  une  diminution  passagère,  présente  quelquefois 
dans  sa  manifestation  des  intermittences  qui  peuvent 
durer  depuis  quelques  beures  jusqu'à  plusieurs  jours 
et  même  plusieurs  mois. 

Considéré  sous  le  rapport  de  ses  formes,  de  ses 
variétés  et  de  ses  divers  degrés  d'intensité,  ce  vice 
de  la  parole  a  été  divisé  parColombat  en  deux  classes 
principales. 

La  première,  qui  semble  avoir  une  grande  analogie 
avec  la  danse  de  Saint-Guy,  et  qui  consiste  dans  une 
espèce  de  chorée  des  lèvres  et  dans  la  succession  plus 
ou  moins  rapide  de  mouvements  convulsifs  exécutés 
parla  langue,  la  mâcboire  inférieure  et  tous  les  or- 
ganes de  l'articulation,  se  nomme  labio-choréique . 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  327 

Ce  genre  de  bégaiement  donne  naissance  prin- 
palement  aux  répétitions  désagréables  bbb,  ttt,  ddd, 
qqq,  mmm. 

La  seconde  espèce,  désignée  sous  le  nom  de  gut- 
turo-tétanique ,  est  caractérisée  par  une  expiration 
anticipée  et  par  une  sorte  de  resserrement  et  de  rai- 
deur tétanique  de  tous  les  muscles  de  la  respiration, 
principalement  de  ceux  du  pharynx,  du  larynx  et 
des  ligaments  thyréo-arythénoïdiens  ou  cordes  vo- 
cales. 

Ce  genre  de  bégaiement,  qui  se  fait  surtout  remar- 
quer sur  les  lettres  gutturales  C,  G,  K,  Q  ou  sur  les 
sons  vocaux  A,  É,  È,  È,  I,  0,  U,  OU,  AN,  ON,  IN, 
est  toujours  accompagné  d'efforts  pénibles  pour  arti- 
culer ;  il  se  caractérise  surtout  par  une  expiration 
anticipée,  par  quelques  intervalles  de  silence,  par 
l'immobilité  de  la  langue,  par  le  resserrement  de 
la  glotte  et  une  espèce  de  sufTocation  momentanée, 
occasionnée  jiar  la  constriction  des  muscles  du  larynx. 

Ce  qui  distingue  le  plus  le  bégaiement  gutturo- 
tétanique  du  bégaiement  labio-choréique,  c^est  que 
les  personnes  affectées  de  ce  dernier  genre  sont  tou- 
jours plus  vives,  nerveuses,  et  parlent  ordinairement 
très  vite,  sans  paraître  faire  aucun  effort  pour  arti- 
culer, quoiqu'elles  soient  arrêtées  souvent  par  les  ré- 
pétitions bbb,  qqq,  ttt,  ddd,  mmm;  au  contraire,  dans 


328  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

l'espèce  gutluro-tétanique,  les  bègues  parlent  lente- 
ment^ sans  chercher  à  se  presser^  mais  en  faisant  tou- 
jours des  efforts  plus  ou  moins  grands  pour  articuler 
les  syllabes  rebelles'. 

Les  principaux  caractères  qui  distinguent  chaque 
variété  de  ces  deux  espèces  de  bégaiement  sont  pour 
la  première,  labio-choréique,  au  nombre  de  quatre  : 

1°  Le  bégaiement  labio-choréique  loquax  ou  avec 

hredouillement. 

2°  Ici.  id.  difforme. 

3°  Id.  id.  aphone    ou    hc- 

cjaiement  des  femmes. 

4"  Id.  id.  lingual. 

Pour  la  seconde,  gultaro-tétanique,  ils  sont  au 
nombre  de  six  variétés  : 

1°  Le  bégaiement  gutluro-létanique  muet. 


2' 

Id. 

id. 

intermittent. 

T 

Id. 

id. 

choréi forme . 

4" 

la. 

id. 

canin. 

?'  0 

•  ) 

Id. 

id. 

épileptiforme. 

G" 

Ici. 

id. 

avec  baryphonie     ou 
hcdhuticment. 

—  L'3  bégaiement  mixle. 


N.   0.    —    SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  329 


CARACTERES   DISTINCTIFS   DES    VARIÉTÉS    DU    BEGAIEMENT 
LABIO-CHORÉIQUE. 

BÉGAIEMENT   LABIO-CHORÉIQUE    LOQUAX  OU  AVEC    BREDOUILLEMENT. 

Ceux  qui  en  sont  aHectés,  remarquables  par  leur 
pétulance,  la  vivacité  de  leur  esprit,  leur  loquacité 
et  surtout  par  la  promptitude  avec  laquelle  ils  veu- 
lent parler,  ne  sont  jamais  arrêtés  par  des  moments 
de  silence,  quoiqu'ils  bégaient  sur  presque  toutes  les 
syllabes.  Chez  eux  le  bégaiement  se  combine  presque 
toujours  avec  un  autre  vice  de  la  parole,  le  bredouille- 
nient. 

Cette  variété,  qui  est  une  des  plus  communes,  est 
une  des  plus  difficiles  à  redresser  complètement  quoi- 
qu'elle paraisse  d'abord  la  plus  facile  à  guérir. 

BÉGAIEMEXT   LABIO-CHORÉIQUE   DIFFORME. 

Cette  variété  est  caractérisée  par  des  mouvements 
convulsifs  des  muscles  de  la  face,  des  paupières,  du 
front,  des  sourcils,  du  nez,  des  lèvres,  etc.,  sans 
e (Torts  de  la  gorge,  et  surtout  sans  contraction  des 
muscles  de  la  poitrine,  mais  suivi  des  répétitions  ^^^9', 


330  N.    0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

tttt,  mmmm.  Cette  variété  de  bégaiement  a  quelques 
moments  d'intermittence,  tandis  que  la  précédente 
n'en  a  pas  ;  elle  est  aussi  plus  facile  à  redresser  et 
moins  exposée  aux  retours  dysphoniques. 

BÉGAIEMENT    APHONE    OU    DES    FEMMES. 

Cette  troisième  variété  se  distingue  par  les  mouve- 
ments convulsifs  de  la  langue,  des  lèvres  et  de  la 
mâchoire  inférieure,  mais  qui  se  font  sans  bruit  et 
sans  qu'on  entende  les  répétitions  ôôôè,  pppp,  gggg, 
qui  caractérisent  le  bégaiement  labio-choréique  pro- 
prement dit. 

Cette  variété  se  rencontre  plus  souvent  chez  les 
femmes  qui  font  peut-être  plus  attention  que  les 
hommes  à  ne  pas  laisser  entendre  les  répétitions 
désagréables  pour  les  auditeurs. 

Ce  genre  de  bégaiement  est  un  des  plus  difficiles 
à  combattre  avec  succès. 


BEGAIEMENT     LABIO-CHOREIQUE     LINGUAL 
OU     AVEC     SESSEYEMENT. 

On  reconnaît  cette  variété  à  la  sortie  de  la  langue, 
qui  franchit  les  arcades  dentaires  et  qui  projette  au 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  331 

loin  de  la  salive,  en  faisant  des  mouvements  sem- 
blables à  ceux  qu'exécute  la  langue  d'un  chien  qui 
happe  en  buvant. 

Ce  bégaiement,  qui  se  fait  surtout  remarquer  dans 
l'articulation  des  lettres  linguales,  est  un  des  plus 
difficiles  à  bien  redresser  complètement  ;  d'autant 
plus  qu'il  est  souvent  combiné  avec  le  volume  consi- 
dérable de  la  langue. 

Dans  cette  variété  de  bégaiement  labio-choréique, 
il  existe  également  une  différence  réelle  dans  le  bé- 
gaiement qui  se  rapporte  à  la  difficulté  de  prononcer 
les  lettres  linguales.  En  effet  l'articulation  de  ces 
lettres  nécessitant  de  la  part  de  la  langue  soit  un 
mouvement  de  rétraction,  soit  un  mouvement  très 
rapide  de  bas  en  haut  et  de  haut  en  bas^  le  bégaie- 
ment avec  sesseyement  se  caractérise  par  la  chute  de 
la  langue  dans  la  cavité  inférieure  de  la  bouche,  par 
la  contraction  du  larynx,  qui  est  d'autant  plus  forte  que 
l'articulation  difficile  exige  un  mouvement  d'arrière 
plus  prononcé  (la  contraction  s'opère  en  ligne  horizon- 
tale); ou  par  des  mouvements  précipités  de  la  langue 
qui  va  de  bas  en  haut  et  de  haut  en  bas,  et  par  la  répé- 
tition convulsive  de  la  syllabe  mal  prononcée  ainsi  que 
de  celle  qui  la  précède  (la  contraction  ici  s^opère  en 
ligne  verticale). 


332  N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

CARACTÈRES  DISTINCTIFS    DES    VARIÉTÉS    DU    BÉGAIEMENT 
GUTTURO-TÉTANIQUE. 

BÉGAIEMENT    GUTTURO-TÉTANIQUE   MUET. 

Ceux  qui  en  sont  affectés  restent  plus  ou  moins 
longtemps  comme  s'ils  étaient  tout  à  fait  muets,  et, 
quoique  sans  faire  de  contorsion  du  visage  ni  aucun 
effort  pour  parler,  ne  parviennent  à  articuler  quel- 
ques mots  privilégiés  qu'après  avoir  fait  plusieurs 
petites  inspirations  successives,  qui  sont  suivies  d'un 
bruit  sourd,  imitant  assez  bien  le  sifflement  d'un 
obus  qui  n'a  presque  plus  de  force.  Ce  genre  de 
bégaiement  n'est  pas  très  fréquent. 

BÉGAIEMENT  GUTTURO-TÉTANIQUE  INTERMITTENT. 

Cette  variété,  qui  reste  quelquefois  pendant  des  heu- 
res, des  jours  même,  ou  plus  ou  moins  longtemps  sans 
paraître,  se  manifeste  souvent  d'une  manière  si  forte 
que  les  personnes  chez  qui  on  l'observe  ne  peuvent 
pendant  quelques  instants  proférer  un  seul  mot,  et 
font  entendre  seulement  un  son  sourd  et  saccadé 
comme  celui  qui  résulterait  d'une  longue  série  d'E 
muets. 

Lorsque  ceux  qui  en  sont  affectés  sont  parvenus  à 


N.   0.   —   SY.NTHÉSE  ORTHOPHONIQUE.  333 

articuler  nettement  un  ou  deux  mots,  ils  peuvent  par- 
ier quelquefois  très  longtemps  sans  hésitation  et  sans 
qu'on  s'aperçoive  de  leur  infirmité.  Cette  variété  est 
assez  fréquente. 

BÉGAIEMENT   GUTT0RO-TÉTA>'IQUE    CHORÉIFORME. 

Cette  troisième  variété  qui,  comme  toutes  celles  du 
%Qm'&  gutturo-tétanique ,  est  caractérisée  par  une  sorte 
de  raideur  des  organes  de  la  respiration  et  de  la  voix, 
et  par  quelques  instants  de  silence,  se  dislingue  sur- 
tout par  l'espèce  de  chorêe  et  les  mouvements  convul- 
sifs  que  Ton  remarque  dans  la  tète,  les  bras  et  les 
jambes  de  ceux  qui  en  sont  affectés  :  ces  mouvements 
désordonnés,  tout  à  fait  semblables  à  la  danse  de 
Saint-AVyt  (1),  ne  se  manifestent  que  pendant  l'articu- 
lation des  mots,  et  disparaissent  entièrement  pendant 
le  silence.  Cette  variété  est  surtout  sujette  à  des  re- 
tours dysphoniques,  si  Ton  cesse  trop  tôt  de  mettre 
en  pratique  les  moyens  propres  à  la  combattre. 

BÉGAIEMENT   GLTTURO-TÉTANIQUE   CANIN. 

Cette  variété,  quelquefois  portée  à  l'excès,  est  ainsi 

(1)  Nom  d'une  chapelle  près  d'Uim  en  Souabe,  dédiée  à  Saint-Guy. 
Là,  vers  la  fin  du  xv*  siècle,  les  habitants  du  pays  venaient  implorer 
contre  la  chorée  l'intervention  du  saint. 


334  N.  0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

appelée  parce  que,  pour  articuler  les  syllabes  qui  exi- 
gent quelques  efforts,  les  bègues  font  entendre  les 
répétitions  désagréables  «o,  ao,  aooo,  aooo,  qui  imi- 
tent assez  bien  l'aboiement  de  certains  chiens  de 
chasse. 

BÉGAIEMENT    GUTTURO-TÉTANIQUE    lÎPILEPTI FORME. 

Cette  variété  se  reconnaît  aux  phénomènes  sui- 
vants :  à  l'instant  où  la  personne  qui  en  est  affligée 
veut  parler,  des  convulsions  extrêmement  fortes  se 
manifestent  et  portent  particulièrement  sur  les  mus- 
cles de  la  poitrine,  de  l'abdomen,  du  col,  des  mem- 
bres supérieurs  et  même  sur  les  muscles  peauciers, 
en  donnant  lieu  à  des  contorsions,  à  des  spasmes  clo- 
niques  et  toniques,  analogues  à  ceux  qui  caractérisent 
une  attaque  d'épilepsie.  Alors  les  veines  du  cou  se 
gonflent;  les  téguments  du  visage  s'injectent;  la  face 
prend  une  teinte  rouge  foncée,  les  yeux  injectés  sem- 
blent sortir  des  orbites:  la  salive,  mêlée  quelquefois 
d'uneécume  blanchâtre,  s'échappe  abondamment  de  la 
bouche;  la  physionomie  perd  la  noblesse  de  son  ex- 
pression, et  les  malheureux  bègues,  n'obtenant  ordi- 
nairement de  tous  ces  efforts  que  l'articulation  d'une 
ou  de  deux  syllabes,  ne  peuvent  faire  entendre  qu'une 
espèce  de  grognement,  imitant  assez  bien  le  cri  d'un 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   OBTIIOPIIOMOUE.  335 

animal  qu'on  égorge.   Ce  genre  de  bégaiement  est 
toujours  porté  au  dernier  degré. 


BEGAIEMENT    GUTTURO-TETANIQL'E   AVEC   BARYPIIOME    OU 
BALBUTIEMENT. 

Cette  espèce  de  dyslalie  est  le  plus  souvent  irré- 
médiable, parce  que  presque  toujours  elle  est  accom- 
pagnée d'une  aulre  affection,  dépendante  d'une  ma- 
ladie de  l'encéphale  ou  dépendante  d'autres  lésions 
organiques  des  centres  nerveux  qui  sont  au-dessus 
des  ressources  qui  peuvent  être  indiquées  dans  une 
synthèse  orthophonique. 

Cependant,  lorsque  cette  variété  de  bégaiement 
coïncide,  ce  qui  a  lieu  encore  assez  souvent,  avec 
seulement  un  manque  relatif  d'intelligence,  on  peut 
parvenir  à  le  guérir  en  développant  d'abord  les  fa- 
cultés intellectuelles  au  moyen  d'une  éducation  péda- 
gogique spéciale,  et  en  employant  ensuite  les  agents 
orthophoniques  qui  sont  indiqués  pour  la  cure  du  bal- 
butiement et  du  bégaiement.. 

BÉGAIEMENT   MIXTE. 

Ce  bégaiement,  assez  fréquent,  est  désigné  par  l'épi- 


336  N.  0.   —   SYNTHÈSE    ORTHOPHONIQUE. 

Ihèle  de  mixte,  parce  qu'il  est  caractérisé  par  la  réu- 
nion de  plusieurs  des  variétés  précédemment  indi- 
quées. 


Ce  qui  est  extrêmement  remarquable  dans  le  bé- 
gaiement, c'est  que  certaines  consonnes  soient  plus 
fréquemment  et  plus  fortement  bégayées  devant  telle 
voyelle  que  devant  telle  autre.  Par  exemple,  la  syl- 
labe co  exige  ordinairement  moins  d'efforts  de  la  part 
des  bègues  que  la  syllabe  ca^  quoique  ces  derniers 
éprouvent  moins  de  difficulté  pour  produire  le  son 
de  la  voyelle  isolée  a  que  pour  articuler  celui  de  la 
voyelle  o  dans  les  mômes  circonstances. 

Telle  syllabe,  ordinairement  difficile  pour  les  bè- 
gues, est  quelquefois  prononcée  facilement  par  eux, 
si  elle  est  précédée  d'une  autre  qui  laisse  leur  langue 
dans  une  situation  favorable  ;  c'est  pour  cette  raison 
qu'ils  ont  en  général  plus  de  peine  pour  articuler  les 
lettres  qui  commencent  une  phrase,  et  que  leur  infir- 
mité est  plus  sensible  dans  les  premiers  mots  qu'ils 
adressent  aux  personnes  avec  lesquelles  ils  ne  sont 
pas  encore  familiarisés.  Quelques-uns  d'entre  eux, 
pour  rendre  moins  apparente  leur  hésitation,  usent 
de  différents  artifices,  et  masquent  plutôt  les  difficul- 
tés qu'ils  ne  les  surmontent.  Par  exemple,  il  en  est 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  337 

qui  font  précéder  les  mots  difficiles  par  des  mois  qui 
placent  leur  langue  dans  des  positions  qui  se  rappro- 
chent plus  ou  moins  de  celle  que  cet  organe  doit 
prendre  lorsque  la  gymnastique  vocale  est  employée. 
Ainsi,  ils  joignent,  le  pins  souvent  possible,  les  arti- 
cles le,  la,  les  aux  substantifs  qu'ils  veulent  nommer, 
parce  que,  pour  la  plupart  d'entre  eux,  ces  articles 
n'exigent  aucun  effort  pour  être  prononcés,  la  face 
inférieure  du  sommet  de  la  langue  devant  être  portée 
vers  le  palais.  Tel  bègue  qui  ne  peut  pas  prononcer 
les  mots  travail,  canon,  Painsicn,  les  articulera  faci- 
lement s'il  dit  :  Le  travail^  le  canon.,  le  Parisien,  on 
s'il  remplace  l'article  par  un  son  vocal  ou  un  mono- 
syllabe facile.  Ainsi,  il  dira  sans  efforts  :  Un  travail., 
cinq  canons,  huit  Parisiens.,  parce  que  les  noms  de 
nombre  un,  cinq,  huit  sont  en  général  faciles  ;  il  au- 
rait au  contraire  complètement  échoué  pour  prononcer 
les  mêmes  mots  isolés  ou  précédés  d'autres  nombres 
dont  les  articulations  sont  dures,  tels  que  deux,  trois, 
quatre,  treize,  quatorze,  quarante -quatre,  elc. 


Diagnostic  du  bégaienient. 

Le  bégaiement  est  une  infirmité  dont  il  est  tou- 
jours facile  de  constater  l'existence,  puisqu  il  suffit 

22 


338  N.   0.   —  SYNTHÈSE   OKTHOPHONIQUE. 

(l'entendre  parler  pendant  un  certain  temps  un  sujet 
bègue,  pour  remarquer  qu'il  se  trouve  plus  ou  moins 
arrêté  soit  dans  la  prônoncialion  de  toutes  les  syl- 
labes qui  entrent  dans  la  composition  des  mots,  soit 
dans  l'articulation  de  quelques-unes  en  particu- 
lier. 

Ce  vice  de  la  parole,  qui  a  été  confondu  avec  plu- 
sieurs autres,  doit  être  distingué  :  1°  du  grosseyement^ 
qui,  d'après  la  définition  donnée  plus  haut,  résulte  de 
l'articulation  gutturale  et  défectueuse  de  la  lettre  R, 
de  la  substitution  d'une  autre  consonne  à  celle-ci,  ou 
enfin  de  sa  suppression  plus  ou  moins  complète  ; 
2"  des  diverses  hlésités,  qui  consistent  à  substituer 
une  articulation  à  une  autre  ou  à  lui  donner  un  son 
qu'elle  ne  représente  pas  ;  3°  du  balbutiement^  dont  la 
cause  est  un  manque  de  mémoire  ou  d'intelligence, 
ou  une  lésion  quelconque  de  l'encéphale  ou  des  orga- 
nes phonateurs,  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  le  bégaie- 
ment proprement  dit,  et  dont  le  caractère  essentiel 
consiste  dans  l'addition  plus  ou  moins  prolongée  de 
certains  sons  insignifiants  après  les  mots,  ou  dans  la 
prononciation  de  ceux-ci  avec  hésitation,  interrup- 
tion, et  peu  distinctement,  mais  avec  calme  et  sans 
secousses  convulsives  ni  précipitation  ;  4°  du  bre- 
doidllement,  qui  est  caractérisé  par  la  prononciation 
tumultueuse  et  confuse  des  syllabes  et  par  la  rapidité 


N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  339 

du  discours  qui  fait  que  les  mois  sont  coupés,  articu- 
lés à  demi  et  souvent  inintelligibles. 

Ce  qi.i  distingue  le  plus  le  bégaiement  des  autres 
vices  de  l'articulation,  c'est  que  ces  derniers  sont 
permanents  et  sans  intermittence^  et  ne  sont  jamais 
modifiés,  augmentés,  diminués  ou  momentanément 
suspendus  par  une  foule  de  circonslances  qu'il  est 
inutile  de  rappeler. 


Influence  du  rythme. 

Le  rythme^  du  grec  puôuo:;,  cadence,  est  la  succes- 
sion, dans  un  ordre  régulier  et  par  intervalles  égaux 
et  d'égale  durée,  d'ini  son,  d'un  bruit  ou  d'un  mouve- 
ment quelconque. 

Le  rytbme  n'est  pas  seulement  réservé  à  la  musi- 
que, car  il  est  l'agent  qui  régit  les  principales  fonc- 
tions et  les  mouvements  de  tous  les  êtres  organisés. 
Eu  effet,  le  cœur  et  les  poumons  frappent  une  mesure 
à  deux  temps  marqués,  dans  le  premier  de  ces  orga- 
nes par  la  systole  (1)  et  la  diastole  (2),  et  dans  le 
second  par  l'inspiration  et  l'expiration.  Chaque  être 
vivant  a  donc  été  organisé  et  animé  d'après  les  lois 

(1)  Systole,  contraction  du  cœur  et  des  artères. 
(•-')  Diastole,  dilatation  du  cœur  et  des  artères. 


340  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTIlOPnOMQUi:. 

de  la  musique,  puisque  l'une  des  premières  bases 
de  cet  art  sert  à  expliquer  l'action  de  nos  organes. 
Le  rythme  n'est  donc  pas  le  résultat  de  l'art  et  du 
raisonnement. 

Tous  les  peuples  suivent  une  sorte  de  rythme  dans 
leurs  travaux  littéraires  (1)  et  dans  la  plupart  de 
leurs  arts.  C'est  également  le  besoin  naturel  du 
rythme  qui  nous  porte  à  marcher  à  pas  égaux,  à 
sauter  par  bonds  d'égales  durées  :  c'est  lui  qui  règle 
les  pas  du  danseur,  les  bras  et  les  jambes  du  nageur, 
la  voix  du  chanteur  et  les  instruments  des  musiciens. 
Enfin,  tout  le  monde  connaît  la  puissance  de  la  me- 
sure pour  animer  les  hommes  à  l'application  constante 
de  leurs  forces  et  pour  faciliter  tous  leurs  mouve- 
ments. Les  matelots  ont  recours  au  rythme  pour 
plier  ou  tendre  les  cordages  et  les  voiles  avec  plus 
d'ensemble  et  de  promptitude,    et   par   conséquent 

(1)  Le  rythme  est  si  bien  caractérisé  dans  la  poésie  des  anciens 
qu'il  est  presque  impossible  de  lire  des  vers  grecs  ou  latins  sans 
battre  malgré  soi  la  mesure  à  deux  temps.  L'oreille  de  l'homme  est 
si  naturellement  amie  du  rythme  qu'elle  le  cherche  partout  à  son 
insu,  comme  l'œil  cherche  les  proportions  et  l'harmonie  des  formes 
et  des  lignes.  Ce  n'est  pas  seulement  dans  la  poésie  et  dans  la  mu- 
sique (|u'il  est  indispensable,  car  son  influence  n'est  pas  moins  réelle 
dans  la  prose,  où  il  est  soumis  à  des  règles  plus  larges,  plus  libres, 
infiniment  plus  variées  et  cependant  si  essentielles,  que  Cicéron  n'en 
dispensait  pas  même  les  personnes  qui  improvisaient.  C'est  d'ail- 
leurs, en  se  conformant  aux  règles  du  rythme  que  l'orateur  fait  une 
inspiration  à  propos,  soutient  l'attention  des  auditeurs,  enfin  sépare 
les  phrsses  et  les  mots  de  toutes  les  périodes  de  son  discours. 


N.  0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  341 

moins  de  fatigue  ;  les  Nègres,  travaillant  à  la  culture 
des  plantations  de  cannes  à  sucre,  sont  soulagés 
dans  leurs  peines  par  le  chant  de  l'un  d'eux  ou  par 
le  son  d'un  tambour  ou  d'un  flageolet  qui  leur  marque 
au  moyen  de  la  mesure  le  moment  de  leurs  efforts 
communs. 

On  a  également  tiré  un  grand  parti  de  l'influence  du 
rythme  sur  les  animaux.  On  voit  en  Orient  ceux  qui 
conduisent  les  chameaux  chargés  d'énormes  fardeaux 
jouer  de  quelque  instrument  pour  les  délasser  ;  ces 
animaux  semblent  ne  plus  sentir  le  poids  qui  les 
écrase,  et  marchent  avec  une  légèreté  incroyable  qui 
diminue  bientôt  lorsque  l'on  cesse  de  jouer.-  C'est 
peut-être  aussi  pour  cette  raison  que  les  montagnards 
attachent  des  grelots  au  cou  de  leurs  mulets,  et  les  voi- 
turiers  aux  colliers  de  leurs  chevaux. 

Tout  le  monde  sait  qu'une  personne  obligée  de 
compter  avec  une  certaine  vitesse,  ne  peut  le  faire 
longtemps  qu'en  formant  des  mesures  de  deux  ou 
trois  nombres,  comme  par  exemple,  un  deux...  trois 
quatre...  ou  bien,  un  deux  trois...  quatre  cinq  six. 
Quand  on  est  obligé  de  compter  lentement,  on  forme 
instinctivement  une  mesure  à  deux  temps  avec  un 
seul  nombre,  en  traînant  sur  le  mot  que  l'on  exprime 
de  telle  sorle  qu'il  est  divisé  en  deux  parties  ;  ainsi 
l'on  dit:  deu...  €ux,troi...  ois,  etc. 


342  N.  G.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPnON'IQUE. 

Une  expérience  assez  plaisante  de  Grétry  prouve 
que  tout  corps  animé  est  en  quelque  sorte  contraint, 
de  suivre  les  mouvements  marqués  par  le  rythme. 
'<  J'ai  usé  souvent  d'un  stratagème  singulier,  dit  ce 
grand  musicien,  pour  ralentir  la  marche  d'une  per- 
sonne que  j'accompagnais  à  la  promenade.  Dire  à 
quelqu'un  :  Vous  marchez  trop  vite  ou  trop  lentement, 
est  une  espèce  de  despotisme  peu  décent,  excepté 
avec  son  ami;  mais  chanter  sourdement  un  air  en 
forme  de  marche,  d'ahord  à  la  mesure  de  la  marche 
du  compagnon,  ensuite  la  lui  ralentir  ou  l'accélérer 
en  changeant  insensiblement  le  mouvement  de  l'air, 
est  un  stratagème  aussi  innocent  que  commode.  » 

Le  même  auteur  rapporte  encore  une  autre  expé- 
rience. 

Cette  expérience,  qui  prouve  l'influence  du  rythme 
sur  la  circulation,  consiste  à  placer  deux  ou  trois 
doigts  sur  l'artère  radiale  de  l'un  des.  bras,  ou  sur 
toute  autre  artère  du  corps,  puis  à  chanter  intérieu- 
rement un  air  dont  la  mesure  est  indiquée  par  les 
pulsations  artérielles.  Après  quelque  temps,  si  l'on 
chante  avec  animation  un  air  d'un  mouvement  dilTé- 
rent,  on  sent  le  pouls  qui  accélère  ou  ralentit  son  mou-' 
vement  pour  se  mettre  à  peu  près  à  celui  du  nou- 
vel air. 

On  a  constaté  que  le  sang  coulait  avec  plus  de  force 


N.  0.  —  SYNTHESE   ORTIIOPnOMQUE.  3i-3 

et  de  vivacité  en  ouvrant  la  veine  pendant  que  l'on 
battait  le  tambour  ou  que  l'on  jouait  un  air  vif  sur  un 
au  Ire  instrument. 

D'ailleurs,  pendant  l'exécution  d'une  musique  vive 
et  bruyante,  la  face  se  colore,  l'ensemble  général  du 
corps  éprouve  un  frémissement  involontaire,  enfin  le 
pouls,  qui  est  intermittent  et  irrégulier  cbez  certaines 
personnes,  prend  alors  une  régularité  bien  marquée. 

On  voit  que  le  besoin  du  rythme  résulte  des  pre- 
mières lois  de  l'économie  animale,  et  que  les  pro- 
priétés de  cet  agent  universel  lui  donnent  des  rapports 
les  plus  intimes  avec  les  phénomènes  de  la  vie  et  les 
mouvements  de  tous  les  êtres  animés  qui  marchent, 
qui  sautent,  qui  volent,  qui  nagent  ou  qui  rampent, 
qui  crient  ou  qui  parlent. 

L'on  connaît  aussi  le  pouvoir  du  rytlime  mono- 
tone du  tambour  pour  faire  marcher  sans  lassitude 
les  troupes  pendant  une  marche  forcée. 

On  observe  les  mêmes  cffels  de  délassement  sur 
des  jeunes  personnes  peu  habituées  à  la  fatigue  et 
pouvant  à  peme  faire  le  moindre  exercice,  qui  ce- 
pendant passent  une  partie  du  jour  et  de  la  nuit  à 
danser  sans  être  fatiguées,  ce  qu'elles  seraient  inca- 
pables de  faire  sans  le  rythme  musical  qui  les  anime 
et  règle  leurs  mouvements  et  leurs  pas. 

Si  les  danseurs  de  corde,  les  écuyers  et  ceux^  qui 


344  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

se  livrent  à  certains  exercices  de  gymnastiqne  n'é- 
taient dirigés  et  soutenus  par  un  rythme  quelcon- 
que, ils  perdraient  bientôt  l'équilibre  et  courraient 
risque  de  tomber. 

Si  le  rythme  résulte  des  premières  lois  de  l'écono- 
mie animale,  il  est  facile  de  concevoir  qu'avec  le  se- 
cours de  cet  agent  universel  on  puisse  rendre  tous 
les  mouvements  égaux,  réguliers  et  parfaits.  C'est  en 
étant  frappé  de  cette  vérité  physiologique  que  Co- 
lombat  a  eu  l'idée  d'employer  la  mesure  pour  régula- 
riser les  mouvements  anormaux  qui  constituent  le 
bégaiement. 

Pendant  longtemps  on  avait  remarqué  que  ce  vice  de 
l'articulation  cessait  comme  par  enchantement,  lors- 
que les  personnes  qui  en  étaient  affligées  chantaient 
ou  déclamaient  des  paroles  mesurées  par  la  musique 
ou  la  poésie;  mais  personne  n'avait  cherché  à  se 
rendre  compte  de  ces  phénomènes,  dont  l'explica- 
tion est  pourtant  de  la  plus  haute  importance  pour 
combattre  une  infirmité  vocale. 

Deux  causes,  qui  sont  les  conséquences  l'une  de 
l'autre,  font  que  les  bègues  ne  bégayent  pas  en  chan- 
tant :  la  première,  c'est  que,  étant  obligés  de  sou- 
mettre leur  parole  à  un  rythme  musical  et  poétique, 
les  mouvements  des  agents  de  la  phonation  se  font 
nécessairement  avec  plus  de  précision  et  de  régula- 


N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPFÎONIQUE.  34o 

rite;  la  seconde,  c'est  que,  devant  avoir  constam- 
ment l'idée  de  la  mesure,  cette  idée  accessoire  non 
seulement  arrête  l'exubérance  relative  des  idées 
principales  qui  font  le  sujet  du  discours,  mais  encore 
modifie  l'excitation  cérébrale;  d'où  il  suit  que  l'irra- 
diation nerveuse  se  fait  avec  plus  d'ordre  et  de  len- 
teur, et  su  trouve  alors  en  harmonie  d'action  avec 
les  contractions  musculaires  des  organes  de  la  pa- 
role. On  doit  dire  cependant  que  la  mesure  n'est  pas 
la  seule  cause  qui,  pendant  le  chant,  fait  disparaître 
le  bégaiement.  La  prolongation  du  son  et  l'espèce  de 
syncope  outraînement  de  chaque  syllabe  contribuent 
également  à  faciliter  le  jeu  des  organes  de  l'articu- 
lation, qui  agissent  alors  plus  lentement. 

Les  anciens  avaient  déjà  constaté  l'influence  du 
rythme  sur  la  parole. 

A  Rome,  les  orateurs  qui  parlaient  avec  difficulté 
se  faisaient  accompagner  d'un  instrument  dans  leurs 
harangues,  qu'ils  récitaient  en  suivant  le  musicien. 
Gracchus  surtout  ne  parlait  jamais  en  public  sans 
avoir  à  ses  côtés  un  esclave  qui  sifflait  légèrement 
sur  un  flageolet. 

Platon  reconnaissait  également  l'heureuse  in- 
fluence du  rythme,  car  il  disait,  en  parlant  de  la 
musique,  que  ce  modèle  parfait  de  précision  avait  été 
accordé  aux  hommes  par  les  dieux  immortels,  moins 


346  N.    0.    —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

dans  le  but  de  réjouir  et  de  chatouiller  agréablement 
leurs  sens,  que  pour  calmer  le  trouble  de  leur  âme 
et  les  mouvements  irréguliers  qu'éprouve  un  corps 
plein  d'imperfections.  Enfin,  A/istote,  qui  a  presque 
toujours  été  opposé  au  sentiment  de  Platon,  s'ac- 
corde avec  lui  sur  ce  qu'il  a  dit  à  l'égard  de  la  mu- 
sique (1). 

(1)  La  musique  avait  cliez  les  anciens  un  sens  beaucoup  plus 
étendu  que  chez  les  modernes.  Il  n'est  pas  exact  également  que  leur 
mot  musique  fiit  chez  eux  synonjme  en  quelque  sorte  de  notre  mot 
art. 

A  notre  époque,  Vart  désigne  toutes  les  manifestations  du  beau, 
que  cette  manifestatioti  sensible  soit  instantanée  ettransitoire  comme 
dans  la  parole,  la  musique,  lej'îu  plusiognomonique,  ou  qu'elle  soit 
fixe  et  durable  comme  dans  la  gravure,  la  peinture,  la  sculpture, 
l'architecture. 

Chez  les  anciens  Grecs,  au  contraire,  le  mot  musique  comprenait 
seulement  sous  ce  nom  les  arts  qui  avaient  les  deux  caractères  sui- 
vants :  1°  le  caractère  sensible  ou  ce  qui  frappe  sur-le-champ  les 
sens;  2"  le  caractère  énergique  ou  ce  qui  n'agit  que  successivement 
par  degrés.  Les  seuls  qui  dans  leur  essence  avaient  ces  deux  carac- 
tères étaient  appelés  arts  énergiques,  ou  arts  ayant  par  eux-mêmes 
un  caractère  intrinsèque  de  mouvement  et  de  changement,  et  qui 
par  suite  agissent  successivement  et  par  degrés  sur  l'âme.  Elle  com- 
prenait donc  le  chant,  la  déclamation,  la  danse,  le  geste,  la  musi- 
(|iie  proprement  dite,  la  poésie  considérée  au  point  de  vue  de  Fart, 
du  mécanisme,  de  la  versification,  la  prose  considérée  au  point  de 
vue  du  nombre  et  de  la  cadence,  enfin  l'astronomie  considérée  au 
point  de  vue  du  mouvement  apparent  des  astres  qu'ils  appelaient 
une  musique  céleste. 

On  voit  que  la  musique,  tout  en  ayant  un  sens  beaucoup  plus 
étendu  que  chez  les  modernes,  n'était  pas  synonyme  de  notre  mot 
art,  puisqu'elle  excluait  tous  les  arts  d'imitation  qui  affectent  immé- 
diatement les  sens  et  toujours  de  la  même  façon,  comme  la  pein- 
ture et  la  sculpture.   En  résumé,  la  musique  chez  les  anciens  ne 


N.    0.   —  SYNTHÈSli:  ORTHOPHONIQUi!:.  3i7 

La  déclamalioii  en  vers  modifie  passagèrement 
quelques  variétés  de  bégaiement;  car,  le  bègue  étant 
obligé  de  s'astreindre  aune  certaine  mesure  poétique, 
l'influx  nerveux  qui  précède  l'articulation  phonétique 
de  phrases  déclamées  est  alors  plus  en  harmonie  d'ac- 
tion avec  les  contractions  musculaires  des  organes  de 
la  parole. 


Redressement  vocal  du  bégaiement 

PROCÉDÉS    ET    MOYENS    OllTHOPHONIQUES 
ET   PROPUYLACTIQUES. 

D'après  ce  que  nous  avons  dit  sur  la  mesure  on 
doit  pressentir  que  le  rythme  est  une  des  princi- 
pales bases  de  la  méthode  de  redressement  vocal  du 
bégaiement.  En  efîet,  ce  régulateur  parfait  de  tous 
nos  mouvements  est  un  des  principaux  moyens  em- 
ployés pour  combattre  cette  infirmité  ;  mais  cet 
agent  orthophonique  aussi  simple  qu'avantageux 
n'exerce  complètement  son  influence  que  dans  le 
milieu  des  mois  et  des  phrases;  c'est-cà-dire  que  la 
mesure  n'est  réellement  efficace  sur  le  bégaiement 


comprenait  que  les  arts  qui  frappent  roreillo  par  le  rytlime  ou  la 
vue  par  des  mouvements  rythmés. 


3i8  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

que  lorsqu'on  est  parvenu  à  articuler  les  premières 
syllabes  qui  ordinairement  décèlent  le  plus  l'infirmité 
des  bègues.  On  a  donc  été  obligé,  pour  surmonter 
les  premières  difficultés  vocales,  d'avoir  également 
recours  à  une  gymnastique  pectorale,  laryngienne, 
gutturale,  linguale,  labiale  et  buccale,  qui  consiste  : 
1°  à  abaisser  la  mâchoire  inférieure;  2°  à  retirer  la 
langue  dans  le  pharynx,  en  portant,  autant  que  pos- 
sible, la  jjointe  renversée  de  cet  organe  vers  le  voile 
du  palais,  un  peu  avant  la  base  de  la  luette,  ou  selon 
les  variétés  de  bégaiement  à  placer  la  langue  derrière 
V arcade  dentaire  supérieure  ;  3°  à  écarter  transver- 
salement  les  lèvres,  de  manière  à  éloigner  leurs  com- 
missures, comme  dans  l'action  de  rire;  4°  à  faire 
une  inspiration  profonde  et  progressive  ;  5°  à  avoir 
soin  de  ne  parler  qu'après  Vinspiration  complètement 
effectuée;  6°  à  garder  autant  qu'on  le  pourra  une 
grande  quantité  d'air  dans  la  poitrine,  dont  on  aug- 
mentera encore  la  capacité  en  portant  le  haut  du 
corps  en  avant  et  les  épaules  en  arrière. 

Aussitôt  qu'à  l'aide  de  ces  diverses  actions  faites 
tour  à  tour  ou  combinées  simultanément  selon  la 
caractéristique  et  la  dominante  de  la  dysphonie,  la 
syllabe  rebelle  sera  prononcée,  la  langue  et  tous  les 
autres  organes  de  l'articulation  devront  reprendre 
leur  position  naturelle. 


N.   0.  —  SYiNTHÉSE  ORTHOPIIOiNIQUE.  349 

On  aura  le  soin,  après  avoir  lancé  \q  jet  vocal  d'une 
manière  «  irrévocable  »,  de  parler  ensuite  en  mesure 
que  l'on  battra  soit  à  un  temps,  soit  à  2./4,  3/4,  à 
4  temps  ou  à  6/8,  qu'il  faut  marquer  en  rapprochant 
le  pouce  de  l'index,  sur  chaque  syllabe,  ou  après  la 
seconde,  la  troisième,  la  quatrième  ou  la  sixièuie, 
selon  le  rythme  que  l'on  suit. 

Afin  de  mieux  faire  sentir  la  mesure,  et  surtout 
pour  indiquer  d'une  manière  précise  la  lenteur  et  la 
vitesse  des  temps  qui  la  composent,  le  docteur  Colom- 
bat  a  imaginé  une  sorte  de  compteur-pendule  appelé 
inutlionome. 

Celte  pendule  peut  être  remplacée  par  le  métro- 
nome de  Maëhel^  mais  ce  dernier  compteur  a  l'in- 
convénient d'avoir  besoin  d'être  remonté  si  souvent, 
qu'il  ne  faut  que  peu  de  temps  pour  le  déranger, 
quand  on  s'en  sert  pendant  plusieurs  heures  par  jour. 

En  général,  pendant  les  premiers  huit  jours  du 
traitement,  on  fait  battre  la  mesure  d'abord  à  raison 
de  60  oscillations  du  muthonoïne  par  minute,  en 
augmentant  tous  les  jours  de  10  en  10  de  ces  der- 
nières, pendant  la  première  semaine.  On  augmente 
ensuite  graduellement  de  10  oscillations  par  jour 
pendant  la  seconde  semaine,  pour  arriver  à  160  ou 
170. 

On  ne  saurait  trop  répéter  que  c'est  surtout  sur 


3oO  N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTnOPIlONIOUE. 

la  mesure  que  les  bègues,  dès  le  début  des  études 
orthophoniques,  doivent  insister  et  apporter  le  plus 
spécialement  leur  attention;  ils  doivent  également 
tâcher  de  laisser  un  intervalle  parfaitement  égal 
entre  chaque  syllabe,  sans  s'occuper  de  conserver 
les  inflexions  naturelles  de  la  voix,  et  sans  s'occuper 
également  d'éviter  la  monotonie  d'un  pareil  langage 
mesuré  et  toujours  sur  le  même  ton  (1). 

L'ensemble  de  ces  moyens  orthophoniques  consti- 
tue une  gymnastique  vocale  qui  tout  à  la  fois  a  l'avan- 
tage, au  point  de  vue  du  jet  phonétique,  d'agir  physi- 
quement et,  au  point  de  vue  du  jet  psychologique, 
d'agir  moralement. 

En  effet,  par  sa  valeur  pondératrice,  elle  agit  sur 
tous  les  muscles  de  la  respiration,  sur  les  poumons, 
sur  le  larynx  et  particulièrement  sur  la  glotte,  sur  la 
langue,  sur  les  lèvres,  enfin  surtout  l'appareil  vocal. 

^inspiration  orthophonique  (2),  ainsi  dirigée,  a 
pour  but  de  faire  cesser  la  conslriction  spasmodique 
des  cordes  vocales  en  ouvrant  la  glotte,  en  même 

(1)  Cette  monotonie  est  passagère. 

(2)  L'inspiration  ortliophonique  doit  être  divisée  et  produite  dans 
l'ordre  suivant:  1°  abaissement  de  la  mâchoire  inférieure  (premier 
temps};  1"  élévation  de  la  puinte  de  la  langue  derrière  l'arcade  den- 
taire supérieure  (deuxième  temps);  3°  mouvement  inspirateur  pro- 
gressif de  bas  en  haut  (troisième  temps).  Avant  de  produire  le  mou- 
vement expirateur,  il  est  important  de  marquer  également  un  temps 
de  repos  (quatrième  temps). 


.\.   0.   —   SYXinÉSE   ORTnOPIIOMQL'E.  3ol 

temps  qu'elle  sert  à  distendre  la  poitrine  par  une 
grande  quantité  d'air,  de  manière  à  ce  que  ce  iïuide 
ne  s'échappe  des  poumons  que  pendant  une  expira- 
tion lente,  qui  doit  avoir  lieu  d'une  manière  graduelle, 
et  seulement  pour  fournir  le  son  vocal. 

Ainsi  que  tout  le  monde  peut  le  vérifier  sur  soi- 
même,  en  portant  un  doigt  sur  la  saillie  dite  jjomme 
d' Adam,  la  position  de  la  langue,  retirée  et  refoulée 
dans  le  pharynx  et  sa  pointe  relevée,  fait  cesser  le 
resserrement  de  la  glotte,  laisse  les  cordes  vocales 
dans  le  relâchement  (1),  et,  par  suite,  permet  à 
l'air  de  sortir  facilement  (2).  Cette  position  de  la 
langue  est  si  favorahle,  qu'elle  met  les  bègues  qui 
hésitent  sur  certaines  lettres  gutlurales,  et  surtout 
sur  certaines  lettres  linguales^  dans  l'impossibilité 
de  bégayer,  même  le  voulant  bien,  parce  que  le  bé- 
gaiement, qui  se  fait  remarquer  le  plus  souvent  sur 


(1)  L'ouverture  glottale  à  ce  moment  se  trouve  agrandie,  parce 
que  la  rétraction  de  la  langue  dans  le  pharynx  refoule  inférieure- 
ment  le  larynx  qui  se  trouve  alors  dans  le  plus  grand  abaissement 
possible.  Pendant  le  bégaiement,  cet  organe  est  ordinairement  très 
élevé,  ce  qui  rétrécit  la  glotte  dont  les  lèvres  se  rapprochent  quel- 
quefois au  point  de  s'opposer  à  la  sortie  de  l'air,  comme  cela  a  lieu 
dans  certains  bégaiiiments  gutturo-tétaniques. 

(2)  i'ar  cette  manière  d'inspirer  orthophonitiuement  les  chanteurs 
et  les  comédiens  éviteront  ces  Iioqueti  et  ces  soulflements  si  fati- 
gants à  entendre  pour  le  spectateur  et  qui  produisent  fatalement 
chez  les  artistes  lyriques  ou  dramatiques,  au  bout  d'un  temps  eii- 
core  assez  court,  YnjjJionie  atonique. 


352  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

ces  lettres,  ne  peut  avoir  lieu  lorsque  l'organe  pho- 
nateur est  placé  ainsi  qu'on  vient  de  le  conseiller, 
tandis  que  celte  infirmité  se  manifeste  de  suite  lors- 
que la  langue  est  en  bas. 

Pour  se  convaincre  de  cela,  il  suffit  de  remarquer 
que,  pondant  leur  hésitation,  les  personnes  qui  bé- 
gaient ont  toujours  la  pointe  de  la  langue  en  bas  ou 
en  avant,  et  que,  lorsqu'un  veut  les  imiter,  on  place 
instinctivement  le  sommet  de  cet  organe  derrière  les 
(lents  incisives  inférieures.  Enfin,  la  tension  trans- 
versale des  lèvres  (1)  a  pour  but  de  faire  cesser  l'es- 
pèce do  tremblement  convulsif  qui  a  lieu  lorsque, 
pour  articuler  les  lettres  labiales,  les  lèvres  forment 
une  espèce- de  sphincter  curviligne. 

D'ailleurs,  comme  des  causes  différentes  ne  pro- 
duisent jamais  des  mêmes  effets,  il  est  facile  de  con- 
cevoir que  les  répétitions  désagréables  qui  constituent 
le  bégaiement  et  qui,  pour  se  manifester,  exigent 
certains  mouvements  et  certaines  positions  obligées  de 
la  langue  et  des  organes  vocaux,  ne  peuvent  se  faire 
entendre  lorsque  le  mécanisme  qui  leur  donne  nais- 
sance se  trouve  remplacé  par  un  autre  tout  à  fait  in- 
verse. On  peut  donc  avancer  que  le  premier  principe 
à  connaître  j)Our  obtenir  le  redressement  vocal  du  bé- 
gaiernent  ou  pour  obtenir  le  redressement  d'un  vice  de 

(n  Ou  écarlement  de  la  commissure  des  lèvres. 


N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPDONIQUE.  333 

la  parole,  consiste  à  employer  un  mécanisme  et  des 
positions  d' organes  aussi  opposées  que  possible  à  celles 
où,  l'on  remarque  que  sont  les  mêmes  organes  pendant 
l'hésitation . 

Cette  gymnastique  vocale  peut  aussi  agir  morale- 
ment. 

Ainsi,  la  mesure,  qui  exerce  si  bien  son  heureuse 
influence  sur  tous  nos  organes  en  régularisant  leurs 
mouvements,  fixe  l'attention  des  bègues  concurrem- 
ment avec  toutes  les  autres  parties  de  ren<teignement 
orthophonique  et  devient  par  cela  même  une  pré- 
occupation qui,  jointe  à  l'idée  principale  qui  fait  le 
sujet  dont  on  parle,  doit  nécessairement  ralentir 
l'émission  de  cette  dernière,  et  mettre  l'influx  ner- 
veux qui  suit  la  pensée  plus  en  harmonie  d'action 
avec  la  mobilité  relative  de  tous  les  organes  vocaux. 

Lorsque  l'ensemble  des  moyens  indiqués  dans  cette 
méthode  sont  insuffisants  pour  surmonter  les  difficul- 
tés que  présentent  certaines  lettres  et  certaines  syl- 
labes, surtout  au  commencement  des  phrases,  on  a 
alors  recours  aux  différents  artifices  orthophoniques 
indiqués  dans  le  mécanisme  artificiel  des  lettres  iso- 
lées et  dans  les  moijens  artificiels  employés  pour 
rendre  la  fusion  vocale  des  voyelles  et  des  consonnes, 
qui  facilitent  beaucoup  l'articulation  des  combinai- 
sons phoniques  qui  offrent  le  plus  d'obstacle.  Lors- 
as 


3o4  N.   0.   —  SYNTBÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

qu'on  est  parvenu  à  bien  faire  une  application  con- 
venable de  ces  divers  mécanismes  artificiels,  on  les 
combine  alors  avec  la  méthode  générale,  conjoin- 
tement avec  les  autres  moyens  prophylactiques  qiu 
sont  plus  spécialement  propres  à  combattre  chaque 
variété  de  bégaiement  en  particulier. 


MECANISME  ARTIFICIEL  DES  LETTRES. 


Les  voyelles  A,  E,  I,  0,  U,  OU,  ON,  IN,  AX,  EU, 
UN,  qui  n'arrêtent  les  bègues  que  dans  les  variétés 
giitturo-tétaniques ,  pourront  être  prononcées  facile- 
ment par  eux,  si,  après  avoir  fait  une  inspiration 
pour  ouvrir  la  glotte,  ils  ont  soin  de  faire  précédei* 
d'un  E  muet  le  son  naturel  qu'elles  représentent. 
Ainsi,  a,  e,  i,  u,  ii,  o?/,  on,  in,  a)i,  un.,  se  prononcent 
en  passant  légèrement  et  rapidement  sur  le  son  de  l'E 
muet,  comme  il  suit  :  eA,  eE,  el,  eO,  eU,  eOU,  oON, 
elX,  eAn,  eUn.  Le  son  que  représente  l'E  muet  étant 
celui  que  les  bègues  prononcent  avec  le  plus  de  fa- 
cilité, et  étant  d'ailleurs  le  plus  propre  à  se  combiner 
avec  les  autres  lettres,  paraît  être,  sous  ces  deux 
rapports,  l'artifice  le  plus  convenable  pour  faciliter 
l'articulation  des  voyelles;  d'ailleurs,  cette  espèce  de 


N.   0.   —   SYNTHÈSE    ORTHOPHONIQUE.  2oo 

son  supplémentaire  disparaît  peu  à  peu,  et,  eu  quel- 
ques jours,  /es  bègues  n'ont  plus  besoin  <ïy  avoir 
recours,  et  perdent  bientôt,  sans  s'en  apercevoir, 
l'habitude  de  l'employer. 


Cette  consonne,  (|ui  arrête  si  souvent   les   bègues 
de  la  première  variété  (labio-churéique),  sera  facile- 
ment articulée  par  eux,  s'ils  ont  le  soin  de  laisser  la 
langue  immobile  dans  la  cavité  buccale,  en  la  fixant 
contre  la  face  postérieure  des  dents  incisives  supé- 
rieures; ils  devront  en  même  temps  tendre  les  lè- 
vres dans  leur  sens  horizontal,  de  manière  à  éloi- 
gner leurs  commissures;  enfin,  ils  ouvriront  brusque- 
quement  la  bouche  en  articulant  en  même  temps  le 
son  de  la  voyelle  qui  suit  le  B.  Le  son  décomposé  de 
cette  letlre  est  précédé  d'une  sorte  de  frémissement 
sonor.!  qui  part  du  fond  de  la  cavité  buccale,   suit  le 
palais,  et  sort  ensuite  vivement,  après  avoir  été  niu- 
difié  par  les  lèvres.  Les  bègues  devront,  pour  avoir 
plus  de  facilité,  ne  pas  oublier  de  faire   entendre  C(i 
frémissement  guttural  qui  doit  avoir  le  son  de   l'E 
muet;  la  consonne  B  doit  s'articuler  ainsi  qu'il  suit  : 
eBe. 


356  N.   0.  —  SYNTHESE  ORTHOPHONIQUE. 

C  dur 

L'articulation  artificielle  de  cette  lettre  consiste 
à  adoucir  le  son  qu'elle  représente,  en  diminuant 
les  efforts  et  les  contractions  de  tous  les  muscles 
de  la  poitrine,  du  larynx  et  du  pharynx. 

On  parviendra  facilement  à  ce  résultat  en  donnant 
au  C  le  son  suivant  :  Kche  A. 

Ce  moyen,  employé  convenablement,  change  peu 
le  son  du  G,  et  n'exige  que  quelques  jours  pour  qu'on 
puisse  donner  sans  hésitation  à  cette  consonne  le 
son  naturel  qu'elle  représente. 

Le  C,  avec  ou  sans  cédille,  se  prononce  comme  S. 


Le  D  s'articule  facilement  en  retirant  fortement  la 
langue  au  fond  de  la  bouche,  ayant  soin  ensuite  de 
faire  glisser  la  face  inférieure  de  cet  organe  le  long 
du  palais,  jusqu'à  ce  que  son  sommet  aille  frapper 
les  dents  incisives  supérieures.  Les  bègues  devront 
exagérer  le  mécanisme  de  cette  lettre,  en  faisant  pré- 
céder le  son  qu'elle  représente  d'une  espèce  de  fré- 
missement sonore  qui   les  facilitera  beaucoup  :  ce 


N.   0.   —  SYNTHÈSE    ORTHOPHONIQUE,  357 

frémissement,  qui  imite  le  son  de  l'E  muet,  est  d'au- 
tant plus  important  qu  il  a  lieu  dans  l'articulation  na- 
turelle du  D  ;  si  on  ne  l'aperçoit  pas,  c'est  qu'il  se 
fait  trop  rapidement.  L'oubli  de  ce  frémissement  est 
souvent  une  des  principales  causes  de  l'hésitation 
éprouvée  par  les  bègues  pendant  l'articulation  de  la 
lettre  D  ;  le  D  devra  donc  s'articuler  ainsi  eDE,  en 
même  temps  qu'on  rapprochera  les  lèvres  en  éloi- 
gnant leurs  commissures,  comme  si  on  voulait  rire. 


F 


Pour  la  lettre  F,  il  faudra  exagérer  son  mécanisme 
nature],  en  retirant  fortement  la  mâchoire  inférieure, 
qu'on  élèvera  ensuite  aussi  haut  que  possible  vers 
l'arcade  dentaire  supérieure,  de  manière  à  ce  que 
les  dents  aillent  se  fixer  vers  la  base  du  menton 
comme  pour  mordre  cet  organe  :  l'air  doit  être  chas- 
sé brusquement,  et  les  lèvres  doivent  prendre  rapi- 
dement leur  position  naturelle. 

G  doux 

Se  prononce  artificiellement  comme  le  .1. 


3o8  N.   0.   —  SYNTHÈSl!;   ORTHOPHONIQUE. 

G  dur 

Cette  consonne  s'articule  comme  le  C  dur. 

11  faut  également  joindre  à  son  mécanisme  le  Cré- 
missemenl  sonore  dont  il  a  été  déjà  parlé.  Le  G  pro- 
noncé artificiellement  représente  le  son  de  EGUE. 


La  lettre  J  s'articule  en  chassant  l'air  avec  force, 
après  avoir  porté  la  pointe  de  la  langue  au  palais, 
et  avancé  les  lèvres  comme  pour  faire  la  moue  : 
ce  mécanisme  doit  être  précédé  du  frémissement 
qui  produit  le  son  de  l'E  muet  ;  ce  qui  donnera  à  la 
lettre  J  le  son  de  eJE. 


Pour  celte  lettre,  il  faut  d'aburd  élever  la  langue 
vers  le  palais,  et  la  renverser  le  }»liis  qu'on  pourra, 
ayant  soin  de  lui  faire  exécuter  un  mouvement  brus- 
que, qui,  en  frappant  la  voûte  palatine,  imite  à  peu 
près  le  mouvement  de  la  langue  d'un  chat  quand  il 
boit  ;  les  lèvres,  tendues  transversalement,  devront 
rester  aussi  immobiles  que  possible  :  le  son  de  L,  qui 


N,   0.   —  SYNTHESE   ORTHOPHOMQUE.  3o9 

est   également  précédé   d'un   frémissement  Honore, 
fait  eLE. 

M 

Cette  consonne,  également  pi'écédée  du  frémisse- 
ment sonore,  sur  lequel  on  ne  saurait  tiop  insister, 
s'aiticulera  artificiellement  en  fixant  !e  sommet  de  la 
langue  au-dessus  des  alvéoles  de  la  mâchoire  supé- 
rieure, afin  do  chasser  l'air  en  partie  par  le  nez  ; 
on  aura  soin  ensuite  d'agrandir  liorizontalernenl 
l'orifice  buccal  en  éloignant  les  commissures  des 
lèvres,  en  môme  temps  que  la  mâchoire  inférieure 
fera  un  mouvement  rapide  d'abaissement  jour 
articuler  cME. 

N 

Pour  articuler  cette  lettre,  il  faudra  porter  la  plus 
grande  attention  à  laisser  les  lèvres  et  la  mâchoire 
inférieure  dans  l'inaction  la  plus  absolue  ;  la  pointe 
de  la  langue  devra  être  portée  vers  l'arcade  dentaire 
supérieure,  de  manière  à  chasser  l'air  dans  les  fosses 
nasales,  à  faire  glisser  le  sommet  de  l'organe  phona- 
teur jusqu'à  ce  qu'il  parvienne  à  la  face  postérieure 
des  dents  incisives  supérieures  ;  l'abaissement  de  la 
langue  devra  également  être  précédé  du  frémissement 


360  N.  0.  —   SYNTHESE   ORTnOPHOMQLE. 

gloltal,  qui  imite  TE   muet,  et  qui  donnera  à  l'N  le 
son  de  eXE. 

P 

Le  P  est  plus  explosif  que  le  B,  et  n'est  pas  pré- 
cédé, comme  ce  dernier,  d'un  frémissement  sonore; 
pour  l'articuler  artificiellement,  il  suffit  de  rentrer  la 
lèvre  supérieure  dans  la  cavité  buccale,  et  de  la  pla- 
cer comme  si  on  voulait  la  mordre  :  l'air  sera  chassé 
brusquement  en  abaissant  \ivement  la  mâchoire  in- 
férieure. 


Le  Q  et  le  K  s'articulent  comme  le  C  dur, 


Cette  consonne,  que  les  bègues  devront  articuler 
eRE,  à  cause  du  frémissement  de  la  glotte,  se  pro- 
nonce en  repliant  supérieurement  la  langue  de  ma- 
nière à  ce  que  sa  face  dorsale  soit  concave  et  sa 
pointe  portée  vers  le  palais_,  le  plus  en  arrière  pos- 
sible ;  l'air  sera  chassé  avec  force  et  l'organe  pho- 
nateur mis  en  mouvement  devra  céder  avec  une 
sorte  d'élasticité,  qui  fera  revenir  la  langue  rapide- 
ment sur  elle-même,  aussi  longtemps  que  l'on  a  ou- 


N.  0.   —   SYiNTIIÈSE   ORTHOPHONIQUE.  361 

dra  prolonger  l'espèce  de  roulement  que  cette 
lettre  représente  ;  il  faudra  de  plus  avoir  soin,  pour 
éviter  le  grasseyement  et  avoir  par  contre  un  mauvais 
point  de  départ  d'articulation,  de  laisser  dans  l'inac- 
tion la  plus  complète  la  base  de  la  langue  et  de 
faire  en  sorte  que  les  lèvres  et  la  mâchoire  restent 
tout  à  fait  immobiles. 


L'S  s'articule  en  plaçant  la  pointe  de  la  langue 
contre  les  dents  incisives  supérieures,  de  manière  à 
ne  laisser  qu'une  petite  issue  à  l'air,  qui  doit  être 
chassé  avec  force,  mais  s'échapper  en  petits  fdets  qui 
doivent  produire  le  sifflement  SE. 


Cette  consonnC;,  qui  est  plus  explosive  que  le  D, 
n'étant  pas,  comme  lui,  précédée  d'un  frémissement 
de  la  glotte,  s'articule  facilement  si  on  frappe  forte- 
ment avec  la  langue  renversée  le  miheu  de  la  \  oîite 
palatine,  et  si,  en  même  temps,  on  abaisse  brusque- 
ment la  mâchoire  inférieure. 


302  N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 


Le  V  sera  articulé  facilement  par  les  bègues,  s'ils 
ont  soin  de  retirer  en  arrière  la  mâchoire  inférieure, 
sur  laquelle  devront  appuyer  les  dents  incisives  su- 
périeures, de  manière  à  ne  laisser  échapper  de  l'air 
que  parles  commissures  des  lèvres;  alors,  en  chas- 
sant ce  fluide  avec  force,  il  en  résultera  un  sifflement 
qui  devra,  comme  dans  beaucoup  d'autres  con- 
sonnes, être  précédé  d'un  frémissement  sonore  de 
la  glotte  ;  une  sorte  d'explosion  complétera  l'articu- 
lation du  V,  aussitôt  que  les  mâchoires  seront  écartées. 
Le  son  de  cette  lettre  doit  être  représenté  ainsi  :  eVc. 


Le  Z  s'articule  en  portant  le  bout  de  la  langue  au 
niveau  de  la  base  des  dents  incisives  de  la  mâchoire 
supérieure,  et  en  faisant  précéder  cette  articula- 
tion du  frémissement  sonore  de  la  glotte,  comme 
dans  le  V. 


Il  importe  de  bien  faire  comprendre  à  l'élève,  au 
moment  de  la  mise  en  pratique  du  tableau  qui  suit, 


N.   0.   —  SYiMHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  303 

le  mécanisme  artificiel  de  chaque  lettre  et  de  chaque 
syllabe  rebelle.  Pour  cela  on  cherchera  à  transformer 
en  articulations  orthophoniques  les  sons  qui  se  trou- 
vent dans  une  articulation  rebelle.  Au  moyen  de  cette 
comparaison  de  sons,  les  dysphones  guidés  euphoni- 
quement  parviendront  à  surmonter  toutes  les  diffi- 
cultés syllaliiques. 


Moyens  artificiels  pour   articuler   les    combinaisons 
des  voyelles  et  des  consonnes. 

Articulations  naturelle?.  Articul.  orthophoniques  (1). 

Ba,  bo.   bi,  bu;blablé,       f^^    ff^    f;\^    ;Yo' 
bli,  blo,  blu,  ;  blan,  blin,    '^J^ff'  '*^'^^J^:  ^'f  ^''  ji^^'i!^' 

,,  ,1  \  1      '      1     •       pBeLU  ;         eBeLAN,        elieLlA, 

bien    bleu;  bra,  bre    bn,    ^j^^lON,      eBeLOU  ;      eBeRA 
bro,  bru,  bran,  brin,  bron,    .b.re.  eBcRI,  eBeRO,  eBeRU, 

brou.  eBeRAN,      eBeRIN,       eBeRON, 

eBeROU. 


(l)  11  faut  passer  légèrement  sur  toutes  les  lettres  supplémentaires 
de  chaque  articulation  artificielle,  et  n'appuyer  fortement  que  sur 
celles  qui  entrent  réellement  dans  la  composition  des  mots.  D'ail- 
leurs on  n'a  recours  à  ces  moyens  artificiels  que  pendant  les  pre- 
miers jours  du  redressement  vocal,  et  pour  surmonter  seulement 
les  premières  difficultés  qui  se  rencontieni  quelquefois  chez  les  bè- 
gues. Souvent  l'étude  des  articulations  naturelles  sera  suffisante. 

Cette  manière  d'articuler  les  sons  difficiles  consiste,  en  un  mot,  li 
ajouter  à  quelques  syllabes  des  V,  des  F,  des  E  muets,  des  ch,  et 
à  faire  précéder  l'articulation  de  certaines  lettres  d'un  frémisse- 
ment de  la  glotte  qui  est  assez  bien  exprimé  par  le  son  d'un     muet. 


364 


N.   0. 


SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 


Articiil.  orthophoniques. 

KcheA,  KcheE,  Kchel,  KcheO, 
KcheU  ;  QueLA,  QueLE,  QueLl, 
QueLO,  QueLLI,  QueLAX, 

QueLlN,       QueLOU  :     QueRA, 

QueRE,  QueRl,  QueRO,  QueRU, 
QueRAN,  QueRIN,  QueRON, 
QueREU,    QueROU. 

Da,  dé,  di,  do,  du;  dia,   eDeA,  eDeÉ,  eDel,  eDeO, 

dis    dra    drO  eDelJ  ;   eDelA,    eDeRA,  eDeRO. 


Articulations  naturelles. 

Ga,  ké,  ki,  quo,  eu  ; 
cla,  clé,  cli,  clo  clu,  clan, 
clin,  clou  ;  cra,  cré,  cri, 
cro,  cru,  cran,  crin,  cron, 
creu,  crou. 


Fa,  fé,  fi,  fo,  fu;  fla, 
flé,  fli,  flo,  flu,  flou;  fra, 
fré,  fri,  .fro,  fru,  fron, 
frou. 

Ga,  go,  gla,  glé,  gli, 
glo,  glu,  glou,  gra;  gré, 
gri,gro,gru,  grou. 

La,  lé,  li,  lo,  lu,  lan,  lin. 
Ion,  leu,  lou. 

Ma,  mé,  mi,  mo,  mu  ; 
man,  min,  mon,  mou. 

Na,  né,  ni,  no,   nu  ;  nan, 
nin,  non,  nou. 

Pa,  pé,  pi,  po  pu  ;  pan, 
pin,  pon,  peu,  pou;  pis  ; 
pla,  plé,  pli,  plo,  plu,  plan, 
plin,  pion  ;  pra,  pré,  pri, 
pro,  pru,  pran,  prin,  prou  ; 
psa,  psé,  psi,  pso,  psu. 

Ra,  ré,  ri,  ro,  ru,  ran, 
rin,  rou. 


FeA,    FcÉ,    Fel,    FeO,    FeU  ; 
FeLA,      FeLE,      FeLI,       FeLO, 

FeLU,   FeLOU;   FeRA,   FeRE, 

FeRI,    FeRO,    FeRU,     FeRON, 
FeROU. 


oGueA,         eGueO, 

eGueLA, 

eGueLE,        eGueLI, 

eGueLO, 

eGueLU,     EGueLOU; 

eGueRA, 

eGueRE,        eGueRI, 

eGueRO, 

eGueRU,    eGueROU. 

cLeA,       eLeE,      eLel. 

,      eLeO, 

eLelJ,    eLeAN,    cLeLN, 

eLeON, 

eLeEU,  eLeOU. 

eMeA,       pMeÉ,      eMel 

,     eMeO, 

eMoU  ;   eMeAN,    eMel^, 

eMeON, 

eMeOU. 

eNeA,  eNeE,  cNel,  eNeO, 
eNeU;  eNeAN,  eNeIN,  eNeO.X, 
eNeOU. 

FfA,  PfE,  Pfl,  PfO,  PfU; 
PfAN,  PfLN,  PfON,P(EU,  PfOU  ; 
pris  ;  PeLA,  PeLE,  PeLI, 
PeLO,  PeLU,  PeLAN,  PeLLN, 
PeLON;  PeRA,  PeRE,  PeRI, 
PeRO,  PeRU,  PeRAN,  PeRLN, 
PeROU  ;  PesSA,  PesSÉ,  PesSI, 
Pe.SO,  PesSU. 

eReA,  'eReE,  eRel,  eReO, 
eRcU,  eReA.N,  cRelN,  eReON, 
eReOU. 


N.   0.   —   SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  365 

Articulations    naturelles.  Articul.    orthophoniques. 

Sa,    se,    si,   so,    su;    sca,        SeA,    SeÉ,    Sel,    SeO,  SelJ; 

^-co,   sca;  scié,   scri,  scro,    ^*'1^\;^^'^9^' t?A*^^o' t?*^]^it^^' 
scru. 


SeKeRÏ,     SelveRO,     SeKeRU. 


Ta,     té,    ti,    to,    tu,    tan,  TeA,   TeE,    Tel,    TeO,    TeU, 

lin     trvn     tnn  •    fi>-i      h«(^      tri  TeAN,       leIN,      TeON,      TeOU  1 

n'     t?.?;     1^';      Inin      t'.nn'  TeRA»      TeRE,      TeRÏ,      TeRO, 

110,   i  u,   Ucin,  inu,   uuu,  j^ru,  TeRAN,  TeRIN,  TeRON, 

''■o^'  ^^'O^-  TeROU,  TeROJ. 

Ya,    Vé,   Vi,    VO,    vu,    van,  cVeA,      eVeÉ,      eVel,      eVeO, 

Vin,  voi  ;  vrai,  vri.  '^Ï'^S\,^^^.^ÏÏ;  '"^'^^^  ^''^^^  ' 

eVeKAi,  eVeKl. 

Cha,  elle,  chi,  cho,  chu,  CHeA,  CHeÉ,  CHel,  CHeO, 

chan,    chin,   chon,    chou;  CHeU,  CHeAN,  CH.elN,  CHeON, 

ia    ié    ii    io    iu    ian    iar  CHeOU;  e.IeA,  eJeE,  eJel,  eJeO, 

iom  '^'^^  '^'''^^'  ^J^^^'  '^•''^O^^- 


Ces  diverses  articulations,  qui  sont  aussi  efficaces 
que  faciles  à  comprendre  et  à  mettre  en  pratique, 
paraîtront  d'abord  défigurer  le  son  des  syllabes;  mais 
si  elles  sont  faites  convenablement,  il  n'en  sera  pas 
ainsi,  et  bientôt  on  n'aura  plus  besoin  d'y  avoir  re- 
cours pour  articuler  normalement  ;  on  se  contentera 
alors  de  mettre  en  pratique  soit  les  moyens  déjà 
indiqués,  soit  ceux  que  l'on  va  faire  connaître 
comme  devant  être,  non  pas  uniquement,  mais  j)his 
spécialement  employés  pour  chaque  variété  de 
bégaiement. 


366  N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 


Moyens  orthophoniques  qui  conviennent  plus  parti- 
culièrement à  chaque   variété   de  bégaiement. 

LABIO-CeORÉIOClî    AVEC     BRF.DOUILLEMENT. 

Pratiquer  l'inspiration  orthophonique. 

Employer  la  mesure  comme  elle  est  indiquée  dans 
la  méthode  générale,  principalement  celle  à  un  temps, 
dont  la  vitesse  sera  pendant  toute  la  durée  du  traite- 
ment de  100  à  410  oscillations  du  muthonome  ou 
du  métronome  qui  est  à  peu  près  gradué  d'après  les 
mêmes  proportions. 

LABIO-CHOaÉIQUE    DIFFORME. 

Agrandir  la  bouche  transversalement  en  éloignant 
les  commissures  des  lèvres,  faire  une  inspiration  en 
relevant  la  langue;  rester  sur  la  première  syllabe  qui 
suit  l'expiration,  et  mettre  un  intervalle  entre  cette 
première  syllabe  et  les  autres,  comme^  par  exemple, 
dans  cette  phrase  :  I)on---nez-moi  de  vos  nouvelles. 

LABIO-CHORÉIQUE   APHONE,   OU   BÉGAIEMENT    DES    FEMMES. 

Après  avoir  abaissé  fortement  la  mâchoire  iufé- 
rieure,  faire  placer  la  langue  au-dessus  des   dents 


N.  0.   —  SYiNTHÈSE   ORTHûPHONIQUl' .  367 

incisives  supérieures;  faire  remplir  très  progressive- 
ment la  poitrine  clair  avant  de  parler,  et  surtout 
syncoper  toutes  les  syllabes,  en  employant  de  pré- 
férence la  mesure  à  deux  temps. 

LABIO-CHORÉIQUE    LINGUAL. 

Produire  une  inspiration  orthophonique;  abaisser 
la  mâchoire  inférieure  et  s'efforcer  d'articuler  avec 
la  pointe  de  la  langue  fixée  d'une  manière  relative 
contre  la  voûte  palatine,  un  peu  au-dessus  des  dents 
incisives  supérieures. 

Pratiquer  souvent  cette  gymnastique  linguale. 

GENRE    GUTTURO-TÉTANrnUE   MUET. 

Empêcher  surtout  que  Pair  ne  sorte  des  fosses  na- 
sales pendant  l'expiration  ;  insister  sur  le  mouvement 
inspirateur,  augmenter  la  capacité  de  la  poitrine  et 
la  dilater  en  portant  son  sommet  en  avant  et  les 
épaules  en  arrière  ;  chanter  pour  ainsi  dire  la  pre- 
mière syllabe  qui  suit  l'inspiration, 

GUTTURO-TÉTANIQUE    INTERMITTEN  r. 

Avoir  soin  de  ne  jamais  parler  sans  sentir  les  mus- 
cles pectoraux  toujours  contractés,  comme  quand  on 


368  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

veut  se  grossir;  employer  fréquemment  le  rythme  et 
rester  un  peu  moins  sur  la  première  syllube. 

GUTTURO-TÉTAXIQUE    CHORÉIFORME. 

Porter  la  pointe  de  la  langue  renversée  vers  la 
luette  avant  de  faire  une  inspiration  ;  employer  avec 
volontéXdi  mesure  et  les  éléments  de  la  méthode  qui 
sont  constamment  efficaces  et  qui  suffisent  seuls^  s'il 
n'y  a  pas  de  complication  symptomatique. 

GUTTDRO-TÉTANIQUE   CANIN. 

Abaisser  fortement  la  mâchoire  inférieure. 

Inspirer  avant  de  parler;  soutenir  toutes  les  syl- 
labes, de  manière  à  ce  que  le  son  de  chacune  d'elles 
change  et  passe  alternativement  d'une  note  à  l'autre, 
en  laissant  entre  elles  l'intervalle  d'une  seconde  ou 
encore  mieux  d'une  tierce,  par  exemple  le  fa  et  le  la. 
Pour  empêcher  que  l'air  ne  sorte  tout  à  la  fois  à  la 
première  syllabe,  il  faudra  l'articuler  rapidement, 
et  laisser  un  intervalle  d'une  mesure  entre  elle  et 
les  autres,  qui  devront  être  coulées  et  unies  en- 
semble. 

GUTTL'RO-TÉTANIQUE    ÉPILEPTIFOHME. 

Pour  combattre  celte  variété  de  bégaiement,  il  suffit 


N.   0.  —  SYNTnÈSE  ORTHOPHONIQUE.  36» 

d'employer  les  éléments  généraux  de  la  méthode  et 
-surtout  la  mesure. 


GL'TTPRO-TETAMQUE   AVEC   BALBUTIEMENT. 

Faire  pratiquer  la  gymnastique  de  la  mâchoire  in- 
férieure, employer  les  éléments  généraux  de  la  mé- 
thode. 

Cette  dysphonie,  très  difficile  à  redresser,  est  par- 
fois inaccessible  à  l'éducation  vocale  parce  qu'elle  se 
trouve  souvent  compliquée  d'une  affection  du  cer- 
veau. Dans  ce  cas  ceux  qui  sont  affligés  de  ce  balbutie- 
ment symptomatique  ont  ordinairement  l'intelligence 
peu  développée  et  manquent  de  mémoire. 

BÉGAIEMENT    MIXTE. 

Pour  redresser  cette  variété  de  bégaiement,  on  em- 
ploiera les  éléments  de  la  méthode  générale.  Les  exer- 
cices syllabiques  devront  être  très  fréquents. 


Lorsque,  en  imitant  l'articulation  artificielle  des 
lettres  et  de  leurs  diverses  combinaisons,  et  en  joi- 
gnant toujours  le  précepte  à  l'exemple,  le  professeur 
■est  parvenu  à  bien  faire  comprendre  non  seulement 

2  5- 


370  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTnOPnONIQUE. 

l'ensemble  de  la  méthode  élémentaire,  mais  surtout 
les  moyens  qui  conviennent  plus  particulièrement  à 
chaque  espèce  de  bégaiement,  on  les  fait  mettre  en 
pratique,  d'abord  sur  des  exercices  simples  et  faciles 
[lecture)^  pour  passer  successivement  à  d'autres  de 
plus  en  plus  difficiles,  et  choisis  ou  fails  ad  hoc. 

Enqiite^  il  faut  faire  improviser  ou  répéter  de  mé- 
moire^ après  les  avoir  racontées  ou  lues,  des  anec- 
dotes, devant  un  petit  comité,  pour  arriver  à  le  faire 
devant  une  plus  nom])reuse  société. 

La  nouvelle  habitude  de  parler  que  les  bègues  au- 
ront contractée  leur  en  fera  bientôt  faire  instinctive- 
ment l'application,  et  l'irrégularité  des  mouvements 
de  leurs  organes  vocaux,  ainsi  que  leur  hésitation  et 
les  mouvements  épileptifonnes  du  visage  qui  en  sont 
le  résultat,  feront  place  à  des  articulations  sonores 
et  à  un  langage  régulier,  qui  avait  été  longtemps 
incorrect  par  suite  d'une  habitude  vicieuse. 

De  fréquentes  lectures  à  haute  voix,  surtout  avec 
le  professeur,  ne  pourront  qu'être  utiles  pour  rendre 
l'éducation  vocale  plus  complète. 

Ces  moyens,  qui  paraissent  si  naturels,  demandent 
une  réelle  expérience  pour  être  employés  convena- 
blement. C'est  pour  celte  raison  que  la  méthode 
orthophonique  ne  sera  suivie  que  rarement  d'heu- 
reux résultats,  si  son  application  n'est  pas  dirigée 


N.   0.   —  SYÎSTIIÈSE   OUTIIOPIIOMUUE.  37i 

par  une  personne  qui  en  ait  la  pratique  expérimentale 
et  le  modus  faciendi  pédagogique,  pour  bien  appré- 
cier toules  les  nuances  des  dilTérents  vices  de  la 
parole,  afin  d'établir  un  diagnostic  d'apiès  lequel  on 
doit  toujours  baser  ou  modifier  les  procédés  de  re- 
dressement vocal  qui  conviennent  plus  particulière- 
ment à  cliaque  variété  de  bégaiement  ou  de  vice  de 
parole. 

Application  de  la  méthode  d'orthophonie. 

Avant  de  commencer  l'enseignement  théorique  de  la 
méthode  de  redressement  vocal,  ainsi  que  l'application 
des  moyens  orlhophoniques  et  des  procédés  prophy- 
lactiques, on  explore  d'abord  la  cavité  buccale,  afin 
de  s'assurer  si  elle  n'est  point  le  siège  de  quelques 
lésions  organiques.  On  engage  ensuite  les  personnes 
dont  on  veut  entreprendre  l'éducation  phonétique, 
à  tirer  la  langue  et  à  la  faire  saillir  le  plus  possible 
hors  de  la  bouche  ;  et,  pour  avoir  la  certitude  que 
l'organe  phonateur  exécute  avec  facilité  tous  les  mou- 
vements dont  il  est  susceptible,  on  le  fait  porter  en 
haut,  en  bas^  à  droite  et  à  gauche. 

Après  cet  examen  préliminaire,  on  regarde  si  le 
filet,  par  son  trop  grand  développement  et  sa  Ion- 


372  N.   0.   —   SYNTHÈSE   ORTIIOPHONIQUt: . 

giieur,  ne  peut  être  un  obstacle  (ce  qui  a  lieu  assez 
rarement)  qui  s'oppose  à  Tapplication  parfaite  de 
l'ensemble  de  la  gymnastique  linguale  (I). 

Si  ces  personnes,  en  rythmant,  comptent  bien 
jusqu'à  vingt  et  si  elles  chantent  sans  hésitation; 
leur  réponse  affirmative  est  généralement  la  pierre 
de  touche  qui  nous  assure  que  le  vice  de  parole 
est  susceptible  d'être  combattu  victorieusement  par 
l'emploi  du  rythme  et  par  les  procédés  de  la  méthode 
orthophonique. 

Cette  règle  cependant  présente  des  exceptions  ;  car 
nous  avons  traité  avec  succès  plusieurs  bègues  qui 
hésitaient  en  chantant. 

Après  avoir  fait  parler  les  dysphones,  on  les  prie 
de  lire  séparément  les  exercices  formulés  avec  les 
lettres  labiales^  linguales  et  gutturales.  Cet  examen 
avant-coureur  permet  d'établir  le  diagnostic  et  distin- 
guer a  priori  le  genre,  la  caractéristique,  la  variété 
de  la  dysphonie  et,  par  conséquent,  indique  si,  con- 
jointement avec  les  éléments  généraux,  on  doit  avoir 
recours  à  l'articulation  artificielle  des  lettres  et  des 
syllabes  qui  présentent  le  plus  de  difficulté.  Enfin, 
après  être  bien  fixé  sur  les  moyens  à  employer,  on 
commence  par  les   exercices  syllabiques   suivants, 

(1)  Dans  ce  dernier  cas  on  pratique  ou  on  fait  pratiquer  la  section 
de  la  membrane  sub-linguale. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  373 

puis  on  continue  le  redressement  vocal  par  d'autres 
exercices  variables  selon  les  cijxonstancns  et  les  fa- 
cultés organiques  ou  intellectuelles  des  personnes. 


EXERCICES    SYLLABIQUES 


Les  organes  vocaux  concourent  tous  à  la 
formation  de  la  parole,  chacun  d'une  ma- 
nière propre  à  son  organisation.  Ils  agissent 
comme  cause,  par  leur  forme,  et  comme 
effet,  par  leur  mouvement,  en  formant  mar- 
teau. Ils  modifient  la  colonne  d'air  qui 
sort  des  poumons  par  le  moyen  de  points  de 
rencontre  d'organe  et  de  volume  différents. 


PREMIER  EXERCICE  SUR  LES  VOYELLES  OU  LETTRES  GLOT- 
TALES  REPRÉSENTANT  DES  SONS  PRODUITS  PAR  UNE  SIMPLE 
SITUATION    DES  ORGANES   VOCAUX  (1). 

A.  E.  I.  O.  U. 

Ce  groupe  de  lettres  voyelles  comprend  toutes  les 
lettres  qui  par  la  preuve  de  la  percussion  ou  de  l'aus- 

(1)  Le  signe  :  :,  que  l'on  trouve  dans  les  exercices  que  nous 
donnons,  a  pour  but  d'indiquer  les  temps  de  repos  et  ceux  où,  avant 
de  faire  une  inspiration  comme  il  a  été  dit  dans  la  synthèse  ortho- 
phonique, on  devra  compter  1,2,  3,  au  commencement  de  chaque 
phrase  pour  s'habituer  îi  se  créer  un  rythme  intérieur. 


37i  N.   0.  —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

cultalion  nécessite  l'emploi  immédiat  et  accentué  de 
la  glotte. 

Abaissement  de  la  'mâchoire  inférieure.  —  Élévation  de  la  pointe 
de  la  langue.  —  în-piration. 

A.      ::   A-lé-xan-dre,   A-dé-mar,  ar-ri-va-à-A-vran-che.  :: 
a-vant-A-dri-en-Al-ma-sor. 

A-has-vé-rus-a-hu-ri,-a-ban-don-na-à-rins-fant-sa- 
pa-hi-e-et-a-bor-da-à-A-ar. 

A-mi,  at-teii-ti-on-à-Al-ma-vi-va-qui-ar-ri-ve-ra- 
bi-en-tôt  ::  el-ac-cu-se-ra-a-vec-ar-deur. 
Le-mo-t-a-bra-ca-da-bra-a-eu-au-lre-fois-un-em- 
p'-re-ab-so-lii  ::  grà-ce-à-l'a-ga-Al-ba. 

E.      ::   É-mi-li-us   El-zé-vir   é-lc-gant  é-pi-cu-ri-en    ::    é- 
cli-p-sa-à-É-phè-se  É-dou-ard-E-ros-lra-!e. 
E-lc-ve-é-cer-ve-lé,-c-cou-lez-et-é-tu-di-ez-eté-cri- 
vez  ::  el-ef-for-cez-vous-d'ê-tre-ac-cep-té-aux-é- 
xa-mens,  cet-été. 

Er-nest-est-af-fli-ge-d'un-nez-é-cra-sé  ::  Hé-lè-ne- 
sa-sœur,  -  a-le-nez-ef-ri-lé,-mais-el-le-est-  é-den  - 
lée. 

É-(ran-ge-é-qui-pée,-cet-é-cu-yer  -  é-hon-té-a-es- 
ca-la-dé-ce-mur-é-le-vé-  :  :  et-a-osé-é-pi-er-et-é- 
cou-tcr-E-mi-le-E-!hel-rid. 
I.  ::  I-si-do-re  I-va-no-é-il-lus-fre  ir-lan-dais  ::  i-mi-ta- 
i-nu-ti-le-menl-I-rè-ne-I-va-noiï. 
Il-lu-si-on-i-dé-a-]e,-i-vrcs-se-if-ré-sis-ti-ble-il-i- 
ra-dans-les-sphù-res-il-'.u-mi-nées  :  :  il-il-lus-lre- 
ra-el-im-mor-la-li-se-ra-son-nom-d'I-ca-re. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  375 

I-ci,Il-de-foii-se-im-mo-la-il-li-ci-te-ment-rim-bc- 

ci-le-i-dé-o-lo-gue-ls-ma-id. 

I-sa-ïe,i-so-lé  ir-ré-vo-ca-ble-ment-s'ir-ri-ta-i-ro- 

iii-que-rnent. 

0.      ::   Oc-ta-ve-O-li-vi-er-o-sa-op-pd-mer    ::    Os-car-0- 

ri-gè-ne-or-fè-vre-or-lc-a-nais. 

Or,ù-o-r-a-teur-o-ra-to-ri-en,  or-don-nez-l'or-die- 

de-l'or-do. 

On-lo-lo-gie,  on-ce,  on,  o-nio-pla-te,-on-din,-on- 

dée  ::  oti-doi-e-ment-oi-gnoii-ne-.sont-pas-o-no- 

ma-to-pi-ques. 

0-do-ranl-o-do-rat-o-do-ri-fé-raiit-o-deur  :  :  hor- 

ri-pi-lent-au-to  ma-li-que-meiil-le-nez. 
U.      ::    Ur-bain-UI-ric-Ulen-dorfl',  ul-tra-mon-tain-u-to-pis- 

te  ::   u-ti-li-sa  l'a-ra-no-gra-phie-à  l'u-iii-ver-si- 

té-d'U-trecht. 

Un-u-ka-se-ul-cé-ra-un-uh-laiid-ubri-quis-le-u-sur- 

pant-l'u-sage  de  ru-su-re-d'u-krai-ne. 

U-nau,  u-ni-hum-ble-inei)t,  :  :  hur-!a,  bles-sé-à-u- 

ri-et-à-ii-vé-e. 

U-lys-se-hu-cha-et-hu-ini-li-a-u-ni-ment-avec-bu- 
mour  U-ca-lé-goii. 

EXERCICES    SUR    LES    CONSONNES    LABIALES  (1). 

B.   F.   M.   P.   V. 

Ce  groupe  de  lettres  consonnes  comprend  toutes 

(1)  Attaquer  directement  la  consonne  qui  fait  l'objet  de  l'exercice 
et  l'appuyer  sur   la  voyelle    qui   termine  le  son  produit,  voilà  le 


376  N.  0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

les  lettres  qui  visiblement  nécessitent  l'emploi  immé- 
tliat  et  fortement  accentué  des  lèvres. 

Écarîement  de  la  commissure  des  lèvres  dans  le  sens  horizontal, 
—  Inspiration  oiihophonique. 


:  :  Bé-ne-dict-Ber-vil-le-bre-douil-lait-beau-coup,  :  :  Ba-zi-le- 

Bour-mont-bot-ti-er-bru-xel-lois-bal-bu-li-ait-bê-te-ment. 
r  :  Ben-ja-min-Bé-clard-beau-blon-din-bour-gui-gnon  :  :  bril- 

lait-au-bois-de-Bou-lo-gne,  sur-un-bi-det-bai-brun. 
:  :  Ba-si-li-o-Bar-tho-lo-bon-bour-geois-bar-ce-lon-nais     :  : 

bà-tis-sait-beau-coup-de-bel-les-bou-ti-ques. 
:  :  Bar-na-bé-Bé-li-sai-re    bé-li-tre-bouf-fi ,    bu-veur-et-ba- 

vard  :  :  bâil-lait-et-blê-mis-sait-sur-son-bon-net. 
:  :  Be-noîlBo-nard,  bar-bi-er-by-zan-tin,  :  :  fai-sait-la-bar-be- 

ddus-un-bas-sin-de-bois. 
:  :  Bar-be-rous-se,-boni-bar-dant-bru-la-le-ment-Bil-ba-o, 

:  :  bou-le-ver-sa-les-bam-bins-qui-ba-di-naient-sur-le-bou- 

le-vard. 
:  :  Bon-jour, -beau-pc-re-Bi-bal  ;  :  :  bu-vez-vous-beau-coup- 

de-bon-vin-de-Bor-deaux  ? 

eôté  pratique  à  acquérir  par  les  exercices  d'articulation  syllabique; 
on  contracte  également  ainsi  la  pratique  du  lancement  du  jet  vocal 
et  ultérieurement  la  pratique  du  lancement  de  V accent  'tonifjue. — 
En  français,  l'accent  tonique,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  ac- 
cents ou  signes  orthographiques,  tombe  sur  la  dernière  syllabe  de 
eiiaque  mot  quand  celte  syllabe  n'est  pas  muette  ;  quand  elle  est 
muette,  l'accent  toiiique  tombe  sur  l'avant-dernière  syllabe  sans- 
pouvoir  jamais  rétrograder  plus  loin. 


N.    0.   —   SYNTHESE   ORTHOPHONIQUE.  377 

:  :  Bos-sus-,  bor-gnes,-boi-teux-ne-sont-ni-bons,-ni-bê-tes. 
:  :  Blai-se-Bla-vet-bles-sé-à-la-bou-che  :  :   bou-da-près-d'un- 

bou-ge-et-per-dit-sa-bou-get-te. 
:  :  Bois-le-bois, -bo-bè-che-de-Bolbeck-,  bé-ga-ya-a-vec-Bri- 

d'oi-son  :  :  qui-bé-ga-yait-à-Bri-e. 

;  :  Bar-be-bleue  Ba-rab-bas-Pi-er-re  Bar-ri-è-re-d'un-ca-rac- 
tè-re-peu-reux-mais-bar-ba-re  :  :  n'é-taienl-pas-bou- 
dliis-tes. 

F 

Placer  le  bord  interne  de  la  lèvre  inférieure  sur  les  débits  de  lu 
mâchoire  supérieure. 

:  :  Fran-çois-Fré-ron-fit-for-tu-ne,  ;  :  et  fiit-fait-fi-nan-ci-er 
de-Fer-di-nand-Fi-li-dor. 

:  :  Fa-bi-en-Feu-tri-er,-fa-shi-o-na-ble-fran-çais,  :  :    fé-li-ci- 

ta-fai-ble-ment-Fré-dé-ric-  Fon-ta-nel-le. 
:  :  FIo-re-de-Fon-tan-ge,    fil-le-de-Fé-lix-Fou-cault,  :  :  fut-la- 

fem-me-de-Fé-ré-ol-For-bin. 
::  Fran-fis-que-Fus-tem-berg-pour-fè-ter-sa-fa-mil-le,   :: 

fit-feu -sur -un- fai- San- fran-chis-sant- la- fo-rèl-de- Fon-lai- 

ne-Weau. 
:  :   Franlz-Fal-ken-berg-fan-tas-sin-fla-mand-,     :  :     fon-dit- 

sur-un-fi-lou-fu-yant-dans-la-fou-le-fré-mis-san-te-et-fu- 

ri-eu-se. 
:  :  Flo-re-Fé-li-cie-Foulk,-fem-me-d'un-fi-nan-ci-er-fa-meux 

de-Fri- bourg   :  :    fut-fi-an-cée-à-Fa-bi-en-Ki-scber-de- 

Franc-fort. 
:  :  Pl-ez-vous-à-la-fran-chi-sc-des-fai-bles-d'es-prit;   :  :  les- 

flat-teurs-sont-faux-et-les-fous-sont-francs. 


378  N.   0.    —   SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

:  :  Far-ceur-Phi-lip-pe-fac-teur-fu-ti-gué  :  :  fi-nis-sez-ce-frais- 

fri-can-deau. 
:  :  Fel-lah,  fran-cliis-sez-ce-fos-sé,  et-fer-mez-lc-fe-nil  :  :  le 

ret-fa-du-muf-ti-O-dè-le-le-veut. 

:  :  Fray-eur-fait-fris-son    :  :    fri-mas-fait-fi-oi-du-re-fo-li-e- 
fait-flon-flons  :  :  fliii-flin-fait-flic-flac. 


M 


Ma-man-m'a-man-dé-chez-mon-si-eur-Ma-moux,  :  :  man- 
da-rin-de-Sa-Ma-jes-té-mu-sul-ma-ne. 
Mon-si-eur-Man-sard-mon-mé-de-cin  :  :   a-mal-heu-reu- 
se-ment-mé-con-nu-ma-ma-la-di-e. 

Mo-men-ta-né-mcnt,-ma-da-me,    :  :    ma-mi-grai-ne-me- 
mar-que-du-mi-eux. 

Mon-meil-leur-a-mi,-Mi-chel-Mo-rin,  :  :  mou-rut-mi-sé-ra- 
ble-ment-à-Mar-seil-le. 

Mé-fi-ez-vous-mi-lord-Fac-ma-mon,  :  :  Mi-la-dy-Mu-ler-est 
maus-sa-de-et-mé-chan-te. 

Maxi-mi-li-en-Mar-mont,-mar-quis-de-Mel-vil,  :  :  m'a-mc- 
né-mar-di-ma-tin-à-Mar-man-de, 

Mac-A-dani-ma-ca-da-mi-sa-le-pre-mi-er-les-che-mins  :  : 
main-te-nant-nous-nom-mons-son-sys-tè-me-nia-ca-dam. 

Men-tor,  mon-maî-tre,-mè-ne-moi-vers-Meni-iion  :  :  -mui  - 
mu-rait-mé-lan-co-li-que-ment-Té-lc-ma-qae. 
Mo-mus,-Monk,-Mos-chus,-Mos-cou,-Moiit-mo-ren-cy-Mic- 
mac-Mi-das-Mé-né-las   :  :  mots-mi-ro-bo-lints-mis-sans- 
rr.e-su-re. 


IV,^  0,   __  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  379 


Pau-vre-plai-deiir-prends-pa-ti-en-ce,  ::  à-la-por-te-de- 

Pi-er-re-Pons,  :  :  pre-mi-er  pré-si-dent-dii-par-le-ment-pa- 

ri-si-en. 

Pour-ras-tu-pa-yer-pour-Paul-Pi-chon,  :  :  plu-si-eurs-pis- 

to-les-pé-ru-vi-en-nes. 

Py-tha-go-re,-Plu-tar-quoet-Pa-la-mè-de  :  :  pri-rent-parl- 

puis-sani-ment-aux  pro-grès-de-la-pa-lé-o-gra-phi-e. 

Pour-quoi-pré-le-ver-un-pré-ci-put   :  :   sur-le-prin-ci-pal- 

pa-tri-moi-ne-de-Po-ly-do-re-Po-pe-lin. 

Pros-per-Po-li-gnac,-prin-ce-pro-ven-çal,  :  :  per-dit-un-pro- 

cès-qui-le-pri-va-de-sa-pen-si-on. 

Pe-tit-po-lis-son,pour-quoi-pleu-res-tu-près-du-pi-li-er-du 

par-vis,  :  :  pars-dans-le-parc,  :  :  par-bleii-prends-ta-bal-le- 

et-pro-fi-te-de-mon-par-don . 

Pom-pi-ers-bra-ves-pom-pi-ers-pom-pez-pour-pro-di-guer- 

l'eau-  des-pom-pes-  :  :  au-prin-ci-pal-bà-li-ment-de-la-pri- 

son. 

Plo-tin-pro-ba-ble-meiit-pra-ti-quait-la-pro-pa-gan-de-po- 

pu-lai-re-  :  :  et-prô-nait-la-pa-ro-le-de-Pla-lon. 


Placer  le  bord  externe  de  la  lèvre  inférieure  sur  les  dents  de  la 
mâchoire  supérieure. 

:  :  Vin-cenl-Va-lé-rius-de-Ver-vins  :  :  vou-lut-\i-vre-a-vec-la- 
veu-ve-Vau-ban,-de-Ve-soul. 


380  N.  0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHOiMQUE. 

:  :  Vo-tre-ver-tu-vous-ven-gea-vic-to-ri-eu-se-ment  :  :  de-vos- 

vi-eux-vas-saux  vou-lant-se-ré-vol-ter. 
:  :  ^Yil-li-anl-Va-len-lin-Vol-vic-  :  :  vint-voir-ven-dre-di-Vic- 

to-ri-ne-Vi-vi-en-de-Vé-ro-ne . 

:  :  Vû-tre-va-leur-vou-drait-vai-ne-ment-vain-cre-  :  :  les-ve- 

né-ra-bles-Ven-dé-ens-qui-sont-ve-nus-vi-si-ter-Va-tel-ù- 

Vin-cen-nes. 
:  :  Ve-del-tes,-va-ri-ez-vo-tre-vi-tes-se   ;   vi-si-tez- vos-voi- 

sins  :  :  \i-rez-et-vo-lez-vers-Var-so-vi-e. 
:  :  Ven-dan-geurs,-ven-dan-ges-vont-ve-nir  :  ;  vi-dez-vos-fa- 

tail-les,-vo-yez-vis-à-vi3-vous-vos-vi-gnes-ver-do-yan-tes. 

:  :  Voy-a-geurs,  vi-ve-ment-ve-nez-vè-lir-vo-tre-va-reu-se  :  : 
veuil-lez-voir-vo-li-è-re-et-ver-re-rie-vrai-ment-vas-te. 

:  :  Vau-dois-vas-tes-vau-ri-ens-ve-naient-vi-ve-ment-à-la-vil- 
la-vi-en-noi-se  :  :  vi-ce-ver-sà,-vi-en-nois-ven-daient-vi- 
gi  lani-ment. 


EXERCICES   SUR   LES   CONSONNES    LINGUALES. 

D,  J,  G  doux,  CH,  L,  N,  R,  T,  S  et  G  doux. 

Ce  groupe  de  lettres  consonnes  comprend  toutes 
les  lettres  qui  ne  pourraient  visiblement  s'articuler 
sans  le  secours  immédiat  et  fortement  accentué  de  la 
langue. 


i\.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  381 


Porter  la  pointe  de  la  langue  derrière  l'arcade  dentaire  de  la 
mâchoire  supérieure.  —  Inspiration. 


:  Du-don  dî-na,  dit-on,  :  :  du-dos-d'un-do-du-din-don. 

Do-mi-in-que-Di-de-rot,-di-tes-donc-à-De-nis-Du-pont  :  : 
d'ap-por-ter-des-dat-tes-du-dé-sert-de-Da-mi-eL-te. 

D'a-bord-doii-nez-des-do-cu-ments-dé-sin-té-res-sés-  :  :  au- 
doc-teur-da-nois-Di-o-do-re-Dan-do-lo. 

Dans-la-di-li-gen-ce-de-Dô-le-à-Dun-ker-que,  :  :  deux-di-rec- 

teurs-des-dou-a-nes-dé-ro-bè-rent-des-den-tel-les. 

Le  doc-teur  Di-a-foi-rus  don-ne    des  dro-gues  dé-tes-ta- 

bles-et-daii-ge-reu-ses  :  :   dont-il-de-vra-ren-dre-comple- 

de-vant-Di-en. 

D'a-près-Dé-mé-tri-us-d'A-thè-nes,  :  :  Dé-mos-lhè-ne- 
de-vint-un-o-ra-teur-dis-tin-gué. 

Dé-cu-ri-on,-dé-crè-te-dé-dou-bIe-ment-de-sol-dats  :  :  don- 
ne-or-dre-d'al-ler-dans-deux-ten-tes-de-dé-fen-se. 
De-boul-dé-cou-vre-toi;-da-gue-ta-dague-de-Da-mas-dans- 
lon-dat-U-er  :  :  dé-ta-cbe-deux-dat-tes,-de-deux-coups-de- 
da-gue. 

Dé-dai-gneux-dé-fen-seur,-dé-guer-pis-dès-de-main  :  :  drô- 
le, pen-dard,  di-gne-d'en-trer-dans-]a-dou-ble-dent-du-dra- 
gon. 


382  N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

J  et  G  doux. 

Cet  exercice  convient  surtout  dans  la  blésité  (jotacisme).  — 
Retirer  la  langue  dans  le  pharynx  et  porter  autant  que  possi- 
ble la  pointe  renversée  de  cet  organe  un  peu  avant  la  base  de 
la  luette. 

:  :  Jus-qu'à-ce-jour,-gen-til-le-jou-ven-cel-Ie,  :  :  j'ai-étc-"a- 
loux-de-Jé-rô-me-Gé-rard. 

:  :  Ju-li-e-Jou-bert,-jeu-nc-et-jo-!i-e-gc-ne-voi-se,  :  :  joi;- 
ait-jour-nel-le-ment-a-vec-u-ne-jan-te. 

:  :  Ja-dis-Jean-Jac-ques-Join-vil-le,  ju-ge-de-Ju-mi-é-ge,  :  :  Ju- 
rait-de-je-ter-aux-gé-mo-ni-es-les-jeu-ne^-gens-jus-ti-ci-a- 
bles. 

:  :  Ja-mais-je-n'ai-en-ten-da-gc-inir-le-gi-bi-er-au-gî-te,  :  : 
dans-le-jar-diu-dc-Jo-seph-Jii-li-ac. 

:  :  Gé-né-ra-le-ment-les-jar-re-ti-è-res-de-jais  :  :  gê-nent-la- 
jam-be-et-le-ge-nou. 

:  :  Ja-dis-un-gen-lil-hom-inc-ja-loux-de-sa-gé-né-a-lo-gi-e  :  : 
é-tait-ju-gé-au-ju-ry-de-Jer-sey. 

:  :  Ja-loux-Ja-sûn,-jet-te-sans-jac-tan-ce-ton-ja-ve-lot  :  :  ju-re- 
de-join-dre-]a-jou-te-au-jour-d'hiii. 

:  :  Ja-seur-et-gib-beux-gib-bon,  joue-au-jar-din  :  :  joue-la-gi- 
gue,-sous-ce-cber-et-jo-li-gé-iii-e. 

:  :  Jo-seph,-sa-ge-jar-di-n-i-er,cher-che-le-ju-ju-bi-er-et-ju- 
ge-son-jii-ju-be. 


N.   0.    —  SYNTHESE   ORTHOPHONIQUE.  3S3 


GH,  SCH 

Cet  exercice  est  surtout  bon  pour  le  redressement  vocal  de  la  troi- 
sième espèce  de  blésité  [sesseyement).  — •  Ouvrir  la  bouche. 
-^  Avancer  les  lèvres  comme  pour  articuler  la  lettre  0.  — 
Retirer  la  langue  dons  le  pharynx  et  porter  autant  que  possi- 
ble la  pointe  renversée  de  cet  organe  un  peu  avant  la  base  de 
la  luette. 

:  :  Char-les-Schil-ler-chan-gea-son-chi-en  :  :  con-tre-un-cha- 

meau-a-cbe-té-au-mar-ché-de-Che-chi-keff. 
:  :  Shé-lhis-chong,-chi-mis-te-co-chin-chi-nois,     ::    cher- 

chait-de-la-ché-li-doi-ne-sous-un-chè-ne. 
:  :  Chons-ki,-char-la-lan-de-Cher-bourg,:  :ar-ra-clia-uii-chi- 

cot-au-shé-rif-de-Cbes-ter. 
:  :  Un-chai'-mant-che-va-li-er-de-Chin-chy-na     :  :     cbe-van- 

cbait-che-miii-fai-sant-sur-un-cbe-val-cba-tOLiil-leux. 

:  :  Cbe-vil-lût,-chi-rur-gi-en-de-Chi-cbe-ri,  :  :  cbas-sait-à- 
Char-le-roi-et-cber-cbait-un-che-vreuil. 

:  :  La-char-man-te-da-cbes-se-de-Cboi-seul-cbu-cbo-lait- 
chez-le-che-va-li-er-de-Char-le-pont. 

:  :  Chan-tez,-chers-ehan-tres  des  champs  ::  clian-tez  les- 
chan-ge-ments-des-cham-pê-tres-châ-tai-gne-raies. 

:  :  Gbe-vaux,-cba-meaux,-che-vreuils,-cha-ran-çons  :  :  cher- 
chez la-chi-co-rce-sau-va-ge  et-le-cbou. 

:  :  Chat-hu-ant-chou-cas-et-chou-ca-ris,chou-et-tes:  ;chas-sez; 
cba-cun-le-cbat-dont-la-.hair-vous-se-ra-chau-de-chair. 


38i  N.    0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 


Cet  exercice  est  surtout  bon  pour  le  redressement  vocal  de  la 
deuxième  espèce  de  blésité  [lallation  ou  lamhdacisme). 

:  :  Lu-do^vs-ki,-La-pi-dai-re-li-lhu-a-ni-en,  :  :  lais-sa-l'u-ni- 

for-me-et-la-lan-ce. 
■  :  L'a-nii-ral-Li-ches-ter,-de-Li-ver-pool,  :  :  li-cen-ci-a-len- 

te-ment-l'ar-til-le-ri-e-de-Lis-bon-ne. 

:  :  Le-Land-gra-ve-Lu-len-dorff  :  :  est-long,-]ent, -lourd, -laid- 

ct-lan-guis-sant. 
.  :  Lau-rent-Lé-o-pold-  Lan-ci-Yal-se-la-men-tait,-loin-de-la- 

vil-le,  :  :  sur-le-lar-ge-lac-de-Lu-cer-ne. 
:  :  Loui-se-Lau-re-Lé-o-ni-e-La-lan-de  :  :  lan-çait-1'eau-loin- 

de-la-Loi-re. 

Les-lon-gues-lec-tu-res-li-cen-ci-eu-ses   :  :  las-sent-l'es- 

pril-et-le-lais-sent-lan-guis-sant. 

:  :  L'of-fi-ci-er-La-val-li-vra-lâ-che-ment-lord-Li-tel-mann-à- 
l'en-ne-mi. 

:  :  Lan-ci-ers,-lan-cez-la-lan-ce-len-te-meiit-et-lé-gè-re-ment 
:  :  lais-sez-li-re-les-li-vres-aux-li-bres-é-co-li-ers. 

:  :  Li-ez-le-li-è-vre,-le-la-pe-reau,-Ie-long-du-pi-li-er  ::le- 
loup-les-lé-clie-ra-de-sa-lan-gue. 

:  :  Le-li-er-re-lon-ge-la-lan-ler-ne-de-la-sal-le  ;  :  :  le-la-quais- 
li-her-lin-Ie-lais-se-ra. 


N.  0.   —   SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  38c 


N 


Né-an-moins-nos-né-go-ci-ants-no-la-bles  :  :  ne-nous-nui- 

si-rent  nul-le-ment. 

No-tre-na-vi-re-na-po-li-tain   :  :   n'est-ni-no-li-sé,-ni-nau- 

i'ra-gé. 

Nos-né-gril-lons-nou-vel-le-menl-nés  na-geiit-na-lu-rel- 
le-ment. 

M-co-las-Nes-tor,-nau-lon-ni-er-nan-lais,  :  :  nom-ma-nos- 
nom-breux-no-vi-ces. 

No-tre-ne-veu-M-co-las-Nec-ker  :  :  net-to-ya-no-tre-nou- 
vel-le-na-celle. 

Ni-non-ne-nie-nul-le-ment-n'a-voir-nel-lo-yé  :  :    ni-nos- 
nip-pes,   ni-nos-nap-pes,-ni-nos-nom-breu-ses-noix. 
Né-vral-gie-ni-ve-la-noir-ne-veu-no-ble-ment  :  :  nau-sé- 
a-bond-nau-sée-font-la-na-vet-le. 

Nip-pe-ni-que-ni-tée-ni-veau-ni-ver-nais   :  :  ni-chent-au- 
dic-li-on-nai-re. 


Cet  exercice  est  surtout  bon  pour  le  grass^yemeyit.  —  La  base 
de  la  langue  restera  immobile  pendant  l'articulation  de  la 
lettre  R  et  la  pointe  de  la  langue  touchera  l'arcade  dentaire 
supérieure. 

:  :  Ré-gis-Ri-vou-lon,-ren-ti-er-roii-en-nais,  :  :  ré-lor-qua- 
Ra-mon-Ré-gini-beau-de-Re-mi-rc-monl. 

25 


386  N.   0.   —   SYNTHESE   ORTHOPHONIQUE. 

:  :  Ri-va-rol,-ro-tu-ri-er-ro-y-a-lis-te,  :  :  ra-con-te-ra-ro-man- 

li-que-menL-et-ri-pos-te-ra-ra-pi-de-ment. 
:  :  Rous-seau,-ra-bà-cheur-ri-di-cu-le,  :  :  rai-son-nait-ra-re- 

ment-sans-ri-ca-ner. 

:  :  Ri-chard,-ra-bin-ri-go-ris-te,  :  :  rc-gen-ta-ru-de-ment-Ro- 
ger-de-Ru-mi-Uy. 

:  :  Ro-land,   Ru-bens,  Ra-oiil  et  Ri-en-zi  :  :  re-viii-rent-de- 

Ro-me-pour-re-ce-voir  Ri-gny-de-Ro-han. 
:  :  Ré-com-pen-sez-le-ré-cit-de-ce-ré-ci-la-teur-ré-ci-tant-ra- 

re-ment. 
:  :  Re-cou-vrir-re-cré-pir-rc-cons-trui-re-sont-mots-re-con- 

nais-sa-bles. 
:  :  Ras-de-ma-rée-ra-sait-ras-sem-ble-ment-ra-re-ment-rus- 

sé-et-trop-rap-pro-ché. 


S 


Cet  exercice  est  surtout  convenable  pour  la  blésité.  —  La  pointe 
de  la  langue  se  placera  dans  le  milieu  de  la  cavité  buccale. 

Si-ce-ci-se-sail-ce-soir,  :  :  ses-soins-sont-sans-suc-cès. 

Ce-sont-ces-cinq-cenls-ser-pents-sif-flanl-sur-son-sein. 

Sept-cent-six-Suis-ses-se-sont-sai-sis  :  :  de-cinq-cent-sei- 

ze-Sa-xons. 

Ce-sei-gneur-sor-tant-seul, -sans-soupçon,  :  :  ses-su-jels- 

sé-di-ti-eux  s'é-lan-cè-rent-sur-sa-sui-le. 

Si-son-seul-suc-ces-seur-ces-sait-ses-soins,  :  :  sa-sœur-Cé- 

ci-le-se-rait-sans-sou-ci. 


N.   0.   —  SYNTHESE  ORTHOPHONIQUE.  387 

Ce-Suis-se,-sai-sis-sant-son-sa-bre,  :  :  s'est-sui-ci-dé-ce- 

soir-à-Sois-sons. 

Sa-bi-nus-sou-pa-sans-  son-sol-dat-  sou-mis. 

Six  -  cent-soi-xan-te  -  six-Suis-ses-  su  -  çaient-six-cent-soi- 

xan-te-six-sau-cis-ses,  :  :  dont-six-en-sauce,    et-six-cent- 

soi-xan-te-sans-sau-ce. 

Ce-qui-as-su-re-son-suc-cès,-ce-sont-ses-sot-ti-ses-et-son- 

sans-sou-ci. 


Ton-lhé-t'a-t-il-ta-ri-tp.-toux? 

Ton-tu-teur-te-ten-ta,  tu-ten-tas-ton-tu-teur,  :  :  tous-tes- 

traits-ten-ta-lifs-ten-tent-ton-ten-ta-teur. 

Tes-Tar-ta-res-trou-vant-tous-tes-lrésors  ;  :  :  ten-te-ront- 

de-te-tuer-tôt-ou-tard. 

Ta-troni-pet-te-l'é-tour-dil-tant,  :  :  que-tu-te-trou-vas-tout- 
é-ton-né. 

Ta-tan-te-t'a-tan-tôt-tu-to-yé  :  :  ten-te-à-ton-tour-de-tâ-ter- 
ta-ton-ti-ne. 

Tô-te- bleue- té-moin-té-mé-rai-re-teu-to-ni-que-et-ta-lil- 
lon  :  :  dou-tez-vous-tou-jours-de-la-ta-xe-lem-pé-rée-du- 
tat-ter-sall. 

Trot-tin-trot-leur-lrot-ti-nait-sur-le-trot-toir-et-cri-ait-à- 
tue-tôte. 

To-ton-to-pa-ze  et  tor-lue-ton-ti-naienl-avec-deux-lon-dail- 
les. 


388  N.   0.   —  SYiNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 


EXERCICES    SUR   LES    CONSONNES    GUTTURALES. 

C  dur,  K,  Q  et  G  dur. 

Ce  groupe  de  lettres  consonnes  comprend  toutes 
les  lettres  qui  visiblement  nécessitent  l'emploi  immé- 
diat et  fortement  accentué  de  la  gorge. 


Inspiration  orthophonique.    — •  Abaissement  énergique 
de  la  mâchoire  inférieure. 


Ca-pi-tai-ne,   com-bi-en-comp-tez-vous-de-ca-non-ni-ers- 

con-si-gnés,  :  :  dans-le-camp-de-Ké-ro-ko  ? 

Cons-tam-ment-quel-que=-Co-sa-ques-cou-chent   :  :   pen- 

dant-la-ca-ni-cu-le-près-du-ca-nal-de-Ka-co-po-lis. 

Qua-tre-ca-ra-bi-ni-ers-qui-cam-pent-à-Car-cas-son-ne  :  : 

ca-ra-co-lent-con-ti-nuel-le-ment-sur-des-cour-si-ei's-ca- 

pa-ra-çon-nés. 

Ka-kos-ki,-co-lo-nel-des-Kal-mouks,  :  :  a-com-man-dé-le- 

corps-des-cui-ras-si-ers-de-Cra-co- vie-et-de-Ka-ra-ka- 

kou-a. 

Qua-tre-co-quins,  con-vain-cus-d'a-voir-ca-ché  :  :  dans- 
leurs-ca-bans-qua-tor-ze-ca-nards-ct-quin-ze-coqs,  :  :  ont- 
été-con-dain-nés-au-car-can. 


N.  0.  —  SYNTHESE  ORTHOPHONIQUE.  389 

Qui-con-naît-le-can-ton-de-Kar-kof  :  :  con-vien-dra-que- 
com-me-à-Kol-birk  :  :la-ca-nail-ley-quê-te-cons-tam-ment. 
Ca-ca-tois-ca-co-let-cac-fus-ca-das-tra-ge-cac-ti-er-con-cis 
:  :  con-cours-con-com-bre -con-co-mi-lan-ce-font-oa-co- 
pho-nie . 

Qiia-ran-le-qua-tre-kans-dans-qua-tre-ka-baks  ::  bu- 
vaient-qua-tor-ze-ki-lo-li-tres-de-kirsch. 

;  Ka-ka-to-ès-poiir-dou-ze-ko-peks-a-che-tait-ka-lé-i-dos-co' 
pe-ké-pi-et-kan-gou-rou . 

G  dur. 

Gar-dez-vous,-gre-na-di-ers-de-la-gar-de,  :  :  de-gà-ter-le- 
ga-zon-et-de-ga-lo-per-sur-le-gra-vi-ei\ 
Grands-gar-çons-gre-  no-blois-qui-vous-gri-sez-  dans-les- 
guin-guet-tes,  :  :  ne-sb-y-ez-plus-gri-vois-et-gron-deurs. 
Go-de-lu-reaux-gas-pil-lant-tout-à-go-go,    :  :   gam-ba-dez- 

dans  -la-  ga-ren-ne  -et  -grim  -pez-  sur-les-grands-gro-seil- 
li-ers. 

Un-gros-groii-pe-de-gre-nouil-les-grouil-laient-gro-tes- 
que-ment-dans-la-gar-gouil-le. 

Gru-geant-du-grain,-une-gri-ve  :  :  grin-got-tait-et-gri-gno- 
tait-a-vec-un-gros-gril-lon. 

Gui-gnez-Guil-lau-me-Guil-lot  :  :  ce-grand-gre-din-vous- 
gui-gne-ra-pour-vous-gro-gner, 

Gar-des-cô-les-gar-des-du-corps-et-gar-des-pô-ches  :  :  gar- 
go-tez-les-gar-dons-de-la-gar-gouil-le. 

Go-de-Iu-reau-go-beur-go-be-go-di-che-ment-le-go-di-veau. 


390  N.   0.  —  SYNTHESE    ORTHOPHONIQUE. 

:  :  Gon-do-li-er-guet-teur-gout-teux-gour-mand-de-gour-ga- 
nes  :  :  gour-man-dait-le-goût-du-gou-ver-neur-gour-mé- 
gour-m  et-e  t-go-gue-n  ar  d . 


Comme,  pour  les  premiers  exercices,  on  a  eu 
besoin  d'un  grand  nombre  de  mots  difficiles  à  pronon- 
cer, il  ne  faut  point  s'étonner  qu'on  ait  construit  des 
phrases  ne  présentant  le  plus  souvent  aucun  sens  bien 
déterminé,  mais  formées  de  mots  commençant  par 
des  lettres  et  des  articulations  qui  offrent  le  plus 
souvent  des  difficultés  aux  personnes  qui  bégayent; 
on  fait  répéter  ces  exercices  d'après  les  règles  indi- 
quées dans  la  synthèse,  jusqu'à  ce  que  l'hésitation  ait 
entièrement  disparu. 

Puisqu'il  s'agit  de  détruire  une  habitude  presque 
toujours  congéniale,  pour  la  remplacer  par  une  nou- 
velle, qui,  agissant  comme  le  chant,  est,  comme  lui, 
capable  de  rétablir  l'harmonie  et  la  régularité  des 
mouvements  des  organes  de  la  parole,  il  ne  faut  pas 
trop  vite  perdre  de  vue  les  moyens  orthophoniques 
prophylactiques,  mais  bien  les  appliquer  constam- 
ment, soit  que  l'on  se  trouve  avec  ses  parents  ou 
d'autres  personnes  avec  lesquelles  on  est  dans  l'inti- 
mité, soit  enfin  que  l'on  ait  à  parler  dans  un  cercle 
nombreux  et  devant  des  auditeurs  que  l'on  connaît 
peu  ou  qui  inspirent  un  certain  respect.  Quoique  une 


N.   0.    —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  391 

gêne  spéciale  vienne,  dans  celte  dernière  circons- 
tance, encliainer  souvent  la  langue  des  bègues,  ils 
pourront  le  plus  souvent  même^  cUms  les  premiers 
jours  de  leur  éducation  orthophoniqiœ,  s'exprimer 
sans  hésitation,  s'ils  ont  soin  de  ne  pas  oublier  la 
manière  de  parler  qui  leur  a  été  indiquée,  et  si  surtout 
ils  font  une  inspiration  au  lieu  faire  des  efforts  cho- 
l'éiformes  ou  épileptiformes  lorsqu'une  syllabe  ma- 
lencontreuse vient  arrêter  les  mouvements  muscu- 
laires de  leur  langue. 

Un  bègue  aurait  tort  de  se  croire  débarrassé  de  son 
infirmité  si,  après  qumze  ou  vingt  jours  d'exercice,  il 
pouvait  s'exprimer  sans  bégayer.  Lorsqu'il  en  est  ainsi, 
il  ne  cesse  pas  d'être  bègue,  mais  seulement  il  paraît 
cesser  de  bégayer  extérieurement,  c'est-à-dire  que  son 
bégaiement  est  momentanément  suspendu  ;  ce  qui  est 
bien  différent  ;  il  doit  donc  conlinuer  l'emploi  des 
principes  enseignés,  et  ce  n'est  qu'après  un  certain 
temps  qu'il  cessera  d'être  Lègue,  et  que,  sans  y 
penser,  il  s'exprimera  avec  facilité,  ayant  contracté 
l'habitude  de  parler  selon  la  méthode  d'orthophonie, 
dont  alors  seulement  il  fera  en  quelque  sorte  instinc- 
tivement l'application  (1). 

(I)  Telle  est  la  raison  qui  démontra  la  nécessité  de  fixer  de  cin- 
quante à  cent  le  nombre  des  leçons,  et,  les  espaçant  convenablement, 
de  ne  les  donner  qu'une  fois  par  jour,  ou  en  tenant  compte  des  loi' 


392  N.   0.    —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

Les  bègues  ne  doivent  pas  craindre  les  mauvais 
effets  de  l'espèce  de  monotonie  qui  résulte  de  leurs 
syllabes  mesurées  ;  ils  doivent  être  convaincus 
que  leur  nouvelle  manière  de  parler  ne  sera  pas 
•permanente,  et  que,  dans  tous  les  cas,  elle  est  beau- 
coup moins  ridicule  que  les  efforts  pénibles  qu'ils 
sont  obligés  de  faire  pour  pouvoir  articuler  certains 
mots. 

Pendant  un  certain  temps  ils  s'en  tiendront  donc 
aux  exercices  orthophoniques  (1)  qui  précèdent,  pour 
passer  ensuite  à  d'aulres  plus  difficiles,  mais  plus 
attrayants,  dans  le  genre  de  ceux  que  nous  avons 
choisis  pour  modèles  et  qui  se  trouvent  dans  notre 
Anthologie  orthophonique. 


sirs  dont  l'élève  peut  disposer,  de  ne  les  donner  que  deux  ou  trois 
fois  par  semaine.  La  faculté  de  cJumger  des  habitudes  7i  étant  pas  la 
même  chez  tous  les  dysphones,  il  est  impossible  de  fixer  d'une  ma- 
nière précise  le  )i(  mbre  de  leçons  indispensables  jour  le  redressement 
vocal  de  telle  ou  telle  variété  de  bégaiement.  Par  contre  il  est  éga- 
lement impossible  de  fixer  l'époque  oit  une  méthode  orthophonique 
cessera  d'être  un  art,  c'est-à-dire  sera  applicable  sans  lu  volordé  per- 
sévérante et  par  la  seide  force  de  l'habitude.  (Revoir  la  note  G. 
page  88.) 

Une  leçon  par  jour  suffit,  avec  les  applicatio7is  qu'en  fait  el  doit 
faire  l'élève  dysphone  soit  seul,  soit  avec  d'autres  personnes.  D'ail- 
leurs nndtipHer  les  leçons  dans  une  journée  serait  vouloir  jeter  le 
trouble  dans  le  cerveau,  amener  forcément  la  confusioji  dans  l'influx 
nerveux  qui  sud  la  pensée,  et,  par  conséquent,  aller  précisément  à 
t'enconire  du  but,  qui  n'est  autre  que  d'habituer  le  dysphone  à  di- 
riger méthodiquement  les  courajits  de  la  volonté. 

(1)  ReHre  la  note  G. —  Influence  des  exercices  vocaix. 


N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  393 

Afin  de  s'assurer  que  le  premier  exercice  sylla- 
bique  a  amené  un  changement  marqué  dans  l'articu- 
lation des  mots,  il  faut  commencer  le  second  par  la 
lecture  lente  et  mesurée  de  quelques  vers  de  sept  ou 
de  huit  pieds,  choisis  de  préférence  aux  vers  alexan- 
drins, parce  que,  comme  on  doit  lire  posément,  on  se- 
rait trop  souvent  obligé  d'inspirer  au  milieu  de  la 
lecture  de  ces  derniers. 

Après  la  lecture  de  ces  pièces  de  vers,  on  passe  à 
celle  d'autres  morceaux  de  poésie  composés  de  vers 
alexandrins,  qui,  étant  plus  longs,  sont  par  cela  même 
plus  difficiles,  parce  qu'ils  exigent  que  l'on  conserve 
plus  longtemps  de  l'air  dans  la  poitrine  et  que  l'on 
ménage  mieux  la  sortie  de  ce  fluide  pendant  l'expira- 
tion, afin  de  n'avoir  pas  besoin  de  respirer  au  milieu 
d'un  mot  ou  d'un  membre  de  phrase.  On  indique 
également  à  l'élève,  au  moyen  de  points,  le  moment  où 
il  doit  inspirer  en  retirant  la  langue  dans  le  pharynx 
ou,  selon  le  vice  de  parole,  à  redresser,  placer  la  pointe 
de  cet  organe  derrière  l'arcade  dentaire  supérieure. 

La  lecture  de  ces  autres  morceaux  de  poésie,  qui 
met  à  même  de  bien  juger  des  progrès  de  la  personne, 
est  suivie  d'un  autre  exercice. 

Pour  passer  à  cet  exercice,  on  procède  de  la  ma- 
nière suivante  : 


394  N.   0.   —  SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE. 

D'abord,  on  lit  soi-même  une  maxime,  une  sentence 
ou  un  proverbe  que  Ton  fait  aussitôt  répéter  de 
mémoire  à  son  élève  et  de  la  même  manière,  c'est- 
à-dire  en  appliquant  toujours  les  procédés  de  la  mé- 
thode élémentaire  combinée  selon  les  cas  avec  les 
autres  moyens  orthophoniques. 

Le  troisième  exercice  dilTère  du  précédent,  en  ce 
sens  que,  au  lieu  de  répéter  littéralement  des  phrases 
en  prose  ou  en  vers,  il  faut  traduire  ou  plutôt  repro- 
duire en  d'autres  termes  des  maximes  ou  des  anec- 
dotes qu'on  a  lues  ou  entendu  lire,  de  manière  à  se 
rapprocher  autant  que  possible  de  la  coiiversation 
ordinaire. 

Il  est  bon  de  varier  à  l'infmi  les  exercices  ortho- 
phoniques, non  seulement  en  faisant  reproduire  en 
d'autres  termes  des  pensées  détachées  toujours  faciles 
à  retenir,  mais  encore,  lorsque  la  chose  est  jjossible^ 
en  faisant  traduire  en  français  des  phrases  du  même 
genre,  soit  du  latin,  soit  des  langues  anglaise,  alle- 
mande, italienne  ou  espagnole,  dont  actuellement 
on  exige  l'élude  dans  toutes  les  écoles  d'instruction 
secondaire  de  France. 

Les  exercices  dans  ces  différentes  langues  peuvent 
tout  à  la  fois  être  utiles  aux  Français  et  aux  étrangers. 


N.   0.   —    SYNTHÈSE   ORTHOPHONIQUE.  395 

Les  personnes  bègues,  qui,  à  la  fin  de  leur  traite- 
ment, parviendront  à  les  traduire  sans  bégayer,  pour- 
ront se  regarder  comme  étant  presque  délivrées  de 
leur  infirmité,  car  cette  épreuve  est  une  des  plus 
difficiles  à  subir  et,  par  conséquent^  des  plus  con- 
cluantes. 

On  continue  le  redressement  vocal  en  faisant  ra- 
conter des  anecdotes  longues  et  réciter  littéralemejit 
des  morceaux  de  poésie  et  de  prose,  dans  le  but  de 
donner  à  l'élève  l'habitude  d'appliquer  la  méthode  en 
racontant  et  en  récitant  de  mémoire  (1). 

En  récitant  ou  en  faisant  des  lectures  et  des  im- 
provisations à  haute  voix,  on  exige  que  l'élève  pro- 
nonce toutes  les  syllabes  distinctement,  rigoureuse- 
ment et  sans  précipitation  ni  lenteur  (2).  On 
conseille  également  de  ménager  la  voix^la  respiration 
et  toutes  les  inflexions  vocales,  de  telle  sorte  que  l'on 
fasse  bien  sentir  chaque  période  d'une  phrase,  et  les 
différentes  parties  d'une  lecture,  d'un  récit  ou  d'un 
discours.  Enfin,  par  l'étude  de  l'articulation  [genre 
enharmonique)  (3)  des  sons  successivement  émis  dans 

(1)  Relire  la  note  C.  —  De  la  mémoire. 

(2)  Ces  exercices  sont  pour  ainsi  dire  des  exercices  conservatifs. 

(3)  Genre  enharmonique  :  le  passage  d'un  son  à  un  autre  sans  que 
l'intonation  du  son  ait  été  changée  d'une  manière  sensible. 


396  N.    0.  —  SYiNTHÈSE  ORTElOPflONIQUE. 

la  même  tonalité,  on  tâchera  d'acquérir  un  organe 
égal,  et  un  timbre  pur,  flexible,  sonore  et  liarmo- 
nieux(l),  en  essayant  le  plus  souvent  possible  de  parler 
devant  une  société  nombreuse  et  imposante.  C'est 
surtout  par  ce  moyen  que  l'on  peut  parvenir  à  l'habi- 
tude de  l'effort  vocal,  si  utile  aux  bègues^  qui,  par  ce 
manque  de  modiis  faciendi,  sont  parfois  jugés  d'une 
manière  défavorable. 

Cette  étude  préparera  également  l'élève  à  l'arti- 
culation courante  de  la  lecture  à  haute  voix. 


(1)  La  parole  esthétique,  c'est-i-dire  l'arrangement  des  sons  qui 
constituent  la  déclamation,  n'est  pas  un  don  delà  nature,  mais  une 
faculté  acquise  dans  le  commerce  social.  C'est  le  résultat  de  l'édu- 
cation vocale,  c'est  le  produit  du  génie  humain  ;  enfin  c'est  un 
art,  comme  tous  les  aris,  susceptible  d'extension,  de  changement  et 
de  perfectionnement. 

Un  homme,  dit  de  Tracy,  fait  d'abord  un  cri  peut-être  sans  pro- 
jet ;  il  s'aperçoit  qu'il  frappe  l'oreille  de  son  semblable,  qu'il  attire 
son  attention,  qu'il  lui  donne  une  notion  de  ce  qui  Se  passe  en  lui; 
il  répète  ce  cri  avec  l'intention  de  se  faire  entendre  ;  bientôt  il  en 
fait  d'autres  qui  ont  une  autre  expression  ;  il  s'applique  à  varier  ses 
expressions,  à  les  rendre  plus  distinctes,  plus  circonstanciées,  plus 
déterminantes;  il  modifie  ses  cris  par  des  articulations  ;  ils  devien- 
nent des  mots  auxquels  il  a  fait  subir  diverses  altérations  pour  in- 
diquer leurs  rapports  ;  il  en  forme  des  phrases  dont  la  tournure 
varie  suivant  les  circonstances  ,  les  besoins,  l'objet  qu'on  se  pro- 
pose, le  sentiment  dont  on  est  animé  :  voilà  une  langue  ;  d'obser- 
vations en  observations  sur  les  efl'ets  de  cette  langue,  on  en  pres- 
crit les  règles. 

Par  analogie,  on  parvient  aussi  au  talent  vocal  le  plus  exquis 
j)Our  exprimer  oralement  les  pensées  les  plus  fines  et  exciter  les 
sentiments  les  plus  passionnels. 


N.   0.   —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE.  397 

Ces  préceptes  seront  de  la  plus  grande  utilité  pour 
les  personnes  qui  ont  été  guéries  d'un  vice  de  la  parole 
par  la  méthode  orthophonique.  Elles  doivent  égale- 
ment toujours  se  rappeler  que  le  grand  art  de  parler, 
surtout  en  public,  consiste  iirincipalenient  à  donner  à 
sa  voix  une  certaine  mesure,  et  à  ne  jamais  la  forcer 
dans  le  but  de  se  faire  un  organe  factice. 

Dès  qu'on  cesse  de  parler  avec  la  voix  naturelle,  il 
est  impossible  de  dire  avec  vérité  et  de  faire  enten- 
dre des  iutonations  justes  et  des  résonances  vocales 
au  point  de  vue  esthétique  (t).  Cicéron  pense  avec 
raison  que  c'est  dans  le  médium  de  la  voix  que  V ora- 
teur doit  commencer  son  exorde,pour  s'élever  ensuite 
ou  s'abaisser^  selon  que  le  demandent  V accent  de  la 
nature  et  celui  de  la  Icmgue  que  l'on  parle.  Enfin, 
d'autres  auteurs  qui  ont  donné  des  règles  sur  le  débit 
et  la  déclamation,  veulent  que  la  voix  ne  s'élève 
jamais  au-dessus  de  la  quinte.  Il  suffit  qu'elle  s'étende 
entre  \hit  sous  la  portée  et  le  sol  sur  la  première  ligne. 
Uut  est  le  ton  qui  convient  dans  l'exposition  et  l'ap- 
plication, le  ré  dans  l'élévation  des  voyelles,  le  mi 
dans  les  passions  douces,  le  fa  dans  les  mouvements 

(1)  Résonance  de  la  voix.  —  Bruit  plus  ou  moins  éclatant  que 
l'on  distingue  en  auscultant  le  larynx,  le  cou,  le  thorax  d'un  indi- 
vidu qui  parle  :  c'est  le  retentissement  des  sons  produits  à  la  partie 
supérieure  du  tube  aérifère;  en  d'autres  termes,  un  phénomène  de 
transmission  des  vibrations  sonores. 


398  N.   0.  —  SYNTHÈSE  ORTHOPHONIQUE. 

de  force,  enfin  le  50/  dans  le  grand  pathétique. 
S'il  est  impossible  de  donner  à  ce  sujet  des  précep- 
tes absolus,  on  doit  conclure  que,  quand  les  personnes 
bègues  ou  affectées  d'un  vice  de  la  parole  sont 
instruites  orlhoplioniquement,  elles  doivent  prendre 
pour  guide  leur  bon  sens,  et  diversifier  leurs  inflexions 
vocales  suivant  leur  organisation  et  le  se7itimc7it 
qiC elles  éprouvent. 


PREMIER  APPENDICE  DE  LA  NOTE  0 

PRÉCEPTES   ET    PROCÉDÉS   COMPLÉMENTAIRES 

D'ORTHOPHONIE  ET  DE  PROPHYLAXIE 

PHONÉTIQUE. 


PREMIER  APPENDICE 


Les  procédés  et  les  préceptes  complémentaires 
(VortJtophoJiie  et  de  prophylaxie  phonéticiue ,  quenons 
indirpions  ci-après  et  cpie  nous  professons  depuis 
quinze  ans  dans  nos  cours  publics  et  particuliers , 
sont  utiles  non  seulement  aux  personnes  bègues  ou 
affectées  d'un  vice  de  la  parole,  mais  encore  aux 
personnes  dont  le  ç/oùt  phonétique  ou  la  profession 
consiste  ù  parler^  à  déclamer,  à  chanter  ou  ù  faire 
des  lectures  à  liaute  coix. 

PRÉCEPTES  ET  PROCÉDÉS 


1°  Coordonner  la  pensée  avant  de  coordonner  les 
muscles  de  Pappareil  vocal.  —  Avaler  souvent  la  salive 
pour  éviter  qu'elle  n'embarrasse  le  jeu  de  la  parole. 

26 


402  PHEMIER  APPENDICE   DE   LA  N.   0. 

2°  Avoir  toujours  la  bouche  fermée  pendant  le  si- 
lence; il  importe  alors  de  placer  la  langue  dans  la 
cavité  inférieure  de  la  mâchoire  inférieure  el  de  tenir 
jointes  les  lèvres  légèrement  retirées  ;  on  évitera 
ainsi  certains  mouvements  spasmodiquesde  la  langue 
ou  des  lèvres. 

3°  Pendant  la  pratique  des  exercices  rythmés,  on 
s'efforcera  d'appuyer  et  même  d'exagérer  l'articula- 
tion organique  delà  lettre  qui  fait  l'objet  de  l'exercice. 

4"  En  rendant  très  légèrement  convexe  le  haut  de 
la  poitrine  pour  faciliter,  dans  le  phénomène  de  la  res- 
l)iration,  le  jeu  des  muscles  pectoraux,  on  placera 
dans  un  certain  ordre  de  pondération  les  épaules  et 
les  bras. 

5°  Pendant  l'émission  de  la  voix^  expirer  progressi- 
vement afin  de  maintenir  l'attraction  de  tous  les  or- 
ganes articulaires  de  l'appareil  vocal. 

6°  L'émission  vocale  delà  première  syllabe  du  pre- 
mier mol  d'une  phrase  doit  toujours  être  précédée  d'un 
frémissement  spécial  de  la  glotte^,  IVémissement  qui 
par  son  élasticité  pose  la  voix  et  colore  le  jet  vocal. 

7°  Dans  les  productions  successives  de  phonation 
qui  composent  une  phrase  orale,  la  continuité  de  la 


PREMIER   APPENDICE   DE   LA   N.   0.  403 

résonance  vocale  ne  cessera  ou  ne  sera  suspendue 
qu'aux  endroils  uù  une  pause  est  indiquée  par  le  sens 
de  la  phrase. 

8»  Au  moment  où  on  articule  la  première  syllabe 
du  premier  mot  d'une  proposition,  on  doit,  quant  à 
la  valeur  de  l'efïort  vocal  à  produire,  se  figurer  qu'on 
va  chanter. 

9°  Au  moment  des  études  techniques  et  élémen- 
taires d'orthophonie  ou  au  début  du  redressement 
d'une  infirmité  vocale,  on  s'exercera  à  abaisser  forte- 
ment et  automatiquement  la  mâchoire  inférieure. 

10°  On  proportionnera  la  chute  de  la  mâchoire  in- 
férieure à  la  valeur  labiale,  linguale,  gutturale  ou  glot- 
talede  la  syllabe  sonore  à  produire;  ce  procédé  em- 
pêche l'étoufFement  de  la  voix  et  facilite  l'emboîte- 
ment buccal  de  toutes  les  syllabes  à  articuler. 

11°  Appuyer  un  peu  sur  la  glotte  pour  l'articulation 
de  la  deuxième  syllabe  :  on  évitera  ainsi  les  aheurte- 
ments  vocaux. 

1 2°  Les  dysphones,  en  disciplinant  les  inflexions  vo- 
cales de  la  1",  2%  3%  4^  syllabe,  etc.,  etc.,  doivent  se 
souvenir  des  procédés  phonétiques  indiqués  pour  l'ar- 
ticulation de  la  lettre  par  l'alphabet  orthophonique. 


404  PREMIEK    APPENDICE   DE    LA.   N.   0. 

13°  Les  personnes  qui  étudient  l'orthophonie  doi- 
vent toujours  être  sur  le  qui-vive  vocal  lorsqu'elles 
conversent  ou  quelles  discutent  :  dans  ce  but  et  pour 
empècherles  mouvements  choréiqnes  du  pharynx,  elles 
feront,  même  sans  en  avoir  spécialement  besoin,  au 
moment  où  elles  parlent,  une  inspiration  orthopho- 
nique devant  chaque  période  oratoire  et,  quand  la  pé- 
riode se  compose  de  plusieurs  membres  de  phrases, 
au  commencement  de  chaque  division  de  cette  pé- 
riode. 

14°  Lorsque  la  fin  d'une  période  oratoire  est  très 
prochaine,  on  pourra  se  dispenser  de  faire  une  inspi- 
ration en  plaçant  seulement  la  pointe  de  la  langue 
derrière  l'arcade  dentaire  supérieure  ;  ce  mouvement 
lingual  prestement  effectué  à  ce  moment  sera  suffi- 
samment ventilateur  et  prophylactique. 

lu"  Avoir  soin  de  faire  une  complète  expiration 
avant  de  produire  une  nouvelle  inspiratioii. 

16°  On  évitera  de  forcer  la  voix  ;  ce  serait  la  rendre 
antiharmonique.  —  En  la  forçant  dans  le  haut,  on 
la  rend  aigre  et  criarde  ;  en  l'outrant  dans  le  bas, 
on  la  rend  rauque.  Ces  anomalies  vocales  produisent 
rapidement  soit  des  dissonances  vocales  pour  le  libre- 


PREMIER  APPENDICE   DE   LA.  N.   0,  40o 

parlant,  soit  des  recrudescences  de  bégaiement  pour 
le  dysphone. 

17°  Les  personnes  qui  étudient  l'orthophonie 
auront  soin  d'articuler  d'une  manière  distincte  toutes 
les  syllabes  qui  composent  les  mots  d'une  phrase. 
Elles  articuleront  ces  mots  suivant  leur  véritable 
valeur  glottale,  gutturale,  linguale  ou  labiale  et 
en  observant  les  accents  orthographiques.  Elles 
feront  sentir  les  points  d'admiration  et  d'inter- 
rogation, les  interjections  qui  expriment  un  senti- 
ment, les  conjonctions  intentionnelles;  en  outre, 
elles  élideront  l'e  muet  devant  les  autres  voyelles, 
elles  appuieront  sur  les  linales  et  empêcheront 
qu'elles  ne  soient  étoulFées  pour  les  auditeurs  sans 
néanmoins  faire  sonner  les  voyelles  ou  les  consonnes 
qui  sont  pénombrées. 

18°  Nos  élèves  auront  également  soin,  pour  main- 
tenir chez  eux  l'attraction  des  organes  vocaux  dont 
ils  ont  plus  spécialement  besoin  que  les  libres-par- 
lants, de  faire  sentir  les  consonnes  aux  finales  suivies 
d'un  mot  qui  commence  par  une  voyelle,  aux  lettres 
redoublées  qui  veulent  être  exprimées  pour  donner 
aux  mots  leur  caractère.  Il  y  a  cependant  ici,  comme 
en  tout,  une  mesure  à  garder. 


406  PREMIER   APPENDICE   DE   L.\    N.   0. 

19°  Dans  le  commencement  de  son  redressement 
vocal,  le  dysphone  pratiquera  le  son  esthétique  seu- 
lement sur  les  syllabes  des  mots  auxquelles  son  émo- 
tion correspond  le  plus  souvent.  Afin  de  n'éprouver 
aucune  entrave  dès  le  début  de  celte  étude,  il  choisira, 
dans  les  affeclions  du  moi,  celles  qui  ont  le  plus  de 
rapport  avec  son  caractère  ;  il  commencera  modéré- 
ment cette  élude  vocale  et  il  montera  graduellement 
jusqu'au  degré  le  plus  exagéré  de  l'affeclion  qui  aura 
été  choisie  ;  il  en  est  de  même  pour  toutes  les  expres- 
sions. 

20"  L'exacte  observation  des  pauses  épiphoniques 
(jui  fixent  l'attention  des  auditeurs  permetlent  d'appli- 
quer sans  trouble  les  procédés  prophylactiques  de  la 
méthode,  c'est-à-dire  qu'ils  donnent  tout  le  temps  né- 
cessaire aux  dysphones  pour  exécuter  les  gymnasti- 
ques  buccale,  labiale,  linguale,  gutturale  el  glottale. 

21°  Il  importe  de  faire  les  exercices  vocaux  indi- 
qués dans  la  synthèse  d'orthophonie,  tantôt  dans  le 
ton  familier  qui  est  celui  en  usage  dans  la  conver- 
sation ordinaire  (voix  douce  et  simple),  tantôt  dans 
le  ton  soutenu  qui  est  celui  employé  pour  la  décla- 
mation, tantôt  dans  le  ton  moyen  qui  a  plus  de  tenue 
vocale  que  le  ton  familier  el  moins  que  le  ton  sou- 
tenu. 


PRE.MIEl\   APPENDICE   DE   L.\.   N.   0.  407 

22°  Le  son  orthophonique  et  le  son  esthétique  en 
se  joignant  doivent  élre  toujours  conformes  à  la  na- 
ture du  sujet  à  exprimer  par  la  parole. 

23"  L'instruction  technique  de  l'orthophonie,  qu'elle 
s'applique  à  l'infirmité  même  du  bégaiement,  au  re- 
dressement d'un  vice  de  la  parole,  aux  cas  spéciaux 
de  redoublement  d'insistance  du  bégaiement  dus  à  des 
causes  morales  et  extérieures,  ou  qu'elle  s'applique  à 
l'étude  de  la  lecture  à  haute  voix,  de  la  déclamation 
ou  du  chant,  comprend  dans  son  ensemble  une  seconde 
phase  spéciale  d'enseignement. 

Ce  double  enseignement,  non  moins  utile,  non  moins 
nécessaire  que  le  premier,  est  celui  qui  consiste  dans 
la  transmission  normale  et  progressive  de  renoncia- 
tion méthodique  à  une  énonciation  se  rapprocliant  de 
plus  en  plus  de  renonciation  naturelle  et  esthétique, 
qui  dissimule  complètement  les  procédés  de  phona- 
tion qui  ont  été  enseignés. 

Donc^  les  élèves,  selon  leur  instruction  pédagogique 
et  surtout  selon  leurs  moyens  intellectuels,  étudieront 
comme  complément  de  leur  éducation  vocale  la  gamme 
ascendante  et  descendante  des  passions,  puis  les  dif- 
férents mouvements  du  moi  qui  se  traduisent  dans 
la  voix  par  une  note  correspondante  indiquant  la 
note  juste  et  le  degré  précis  de  l'émotion. 


408  PREMIER   APPENDICE   DE   LA    N.   0. 

Les  mouvements  de  l'ùme  auxquels  correspondent 
les  intonations,  les  inflexions  elle  volume  de  la  voix 
sont  divisés  ainsi  : 

Dans  l'admiration,  renlhousinsme,  l'imprécation, 
le  moi  communique  à  la  voix  l'ampleur  des  grandes 
passions  ; 

Dans  la  supplication,  le  repentir,  les  plaintes,  le 
moi  se  soumet  et  la  voix  s'abaisse  ; 

Dans  le  désir  et  tout  ce  qui  s'y  rattache,  le  moi 
s'élance  en  avant  et  la  note  correspondante  de  la  voix 
prend  une  intonation  violente  et  impétueuse  ; 

Dans  la  crainte,  l'épouvante,  etc.,  etc.,  la  voix  se 
glisse  intérieurement  et  indique  que  l'âme  rentre  en 
quelque  sorte  en  elle-même  ; 

Dans  la  déférence,  le  respect,  l'ironie,  la  flatterie, 
le  moi  se  contient  et  dirige  intentionnellement  ses 
mouvements  ;  la  voix  suit  la  même  marche  ; 

Dans  la  colère,  la  joie  excessive,  dans  toute  pas- 
sion qui  fait  que  l'on  ne  se  possède  plus,  la  voix  en- 
trecoupée, inhabile  à  se  diriger,  dénote  l'impuissance 
et  la  faiblesse  du  moi,  qui  se  laisse  envahir  malgré 
lui; 


PREMIER  APPENDICE   DE    LA   N.   0.  idO 

Dans  rincertitiule,  dans  rirrésoliition,  les  fluctua- 
tions de  l'esprit  sont  marquées  par  l'hésitation  de  la 
voix  ; 

Dans  toutes  les  passions  concentrées,  telles  que 
la  haine,  l'envie,  la  jalousie,  les  intonations  brèves, 
saccadées  et  serrées  reproduisent  ces  mouvements 
de  l'âme  qui  se  replie  et  se  roule  sur  elle-même  par 
dépit  et  comme  pour  se  préparer  à  la  lutte  ; 

L'intensité  et  la  nature  de  l'émotion  psychologique 
seront  marquées  par  l'intensité  correspondante  du 
son  esthétique  et  par  la  précipitation  ou  la  lenteur  di; 
la  parole. 

2t°  Les  formes  de  style  répandues  dans  une  com- 
position littéraire  ont  chacune  un  caractère  distinctif 
qui  leur  est  propre.  —  Vowy  rendre  par  l'orthophonie 
esthétique  ces  formes  littéraires,  on  variera  le  ton, 
le  timbre,  la  couleur  et  la  force  de  la  voix  de  la  ma- 
nière suivante  : 

La  répétition  A^m^mla  qu'eu  élevant  la  voix  en  fau- 
cetsur  le  mot  déjà  articulé,  on  fasse  remarquer  qu'il 
a  été  répété  avec  intention  [ton  riuttnral)  (1)  ; 

La  gradation  exige  que  Ton  IVu'tidc  le  ton  par  de- 

(1)  Quand  on  veut  plioiier  gutturalenient,  on  doit  :  1°  laisser  l.'i 
mâchoire  dans  le  plus  grand  abaissement  possible;  2°  fixer  la  langue 
duns  le  creux  de  la  mâchoire  inférieure. 


410  PREMIER  APPENDICE  DE   L,\   \,   0. 

grés,  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  au  dernier  membre  de 
la  phrase  oratoire,  lequel  se  prononce  avec  plus  de 
force  encore  que  les  précédents  [voix  de  poitrine,  — 
point  de  départ  de  la  gradation,  médium^  voix  de 
tète,  médium)  ; 

La  conjojiction  veut  qu'on  appuie  vocalement  et 
avec  intention  sur  la  particule  conjonctive  [ton  lin- 
gual et  simultanément  ton  guttural)  \ 

La  disjonction,  que  l'on  marque  aux  virgules  par  un 
arrêt  phonique,  que  les  particules  n'existent  pas  ; 

La  métaphore,  qu'on  rende  par  la  i'o/j:  de  tète,]0\\ï{.Q. 
à  \n\  frémissement  glottal  [{)  intentionnel,  les  expres- 
sions figurées,  pour  en  faire  ressortir  la  hardiesse  et 
surtout  la  justesse  avec  laquelle  on  a  transporté  dans 
une  proposition  un  mot  du  sens  propre  au  sens 
figuré  ; 

\]h]iperholc  exige  un  tonplian/ngicn  élevé  et  même 
un  peu  exagéré  suivant  l'augmentation  ou  la  dimi- 
nution de  la  vérité  des  choses  ; 


(I)  Le  frémissement  glottal  so  forme  comme  le  ton  guttural;  seu- 
lement, ici,  on  doit,  au  moment  oii  le  frémissement  glottal  se  forme, 
contracter  le  pharynx  de  bas  en  haut,  ainsi  que  le  gosier,  afin  de 
laisser  le  son  laryngien  sortir  i)ar  la  bouciie  sans  être  modifié  par  le 
haut  de  l'appareil  vocal . 


PREMIER  APPENDICE  DE   LA   N.   0.  411 

Uantithèse  demande  qu'on  mette  entre  les  sons 
vocaux  la  même  opposition  que  celle  qui  se  trouve 
entre  les  pensées  ou  les  objets  qui  font  oralement  le 
tableau  du  contraste  ;  il  importe  donc  d'éviter  le  mé- 
dium  ; 

Vobjectioji  qu'on  se  propose  à  soi-même  veut 
qu'on  différencie  bien  le  to?i  des  difficultés  [voix  gut- 
turale) qu'on  propose  à  sa  proposition,  d'avec  celui 
des  réponses  qu'on  y  fait  {voix  de  tête)  ; 

La  correction  s'exprime  par  un  ton  giitlural  et 
ferme,  quand  le  parlant  se  reprend  pour  dire  quelque 
chose  de  plus  fort,  et  par  uue  résonance  linguale 
éclatante  lorsqu'il  dit  toute  autre  chose  que  ce  qu'il 
vient  de  dire  ; 

VinterrogationàoxiiXVOXY  un  ton  vif  et  fort  dissem- 
blable selon  la  variété  des  affections  qu'elle  exprime 
[voix  de  tête  ou  de  poitrine)  \ 

\J apostrophe  [voix  de  poitrine  ou  voix  de  faucet) 
s'adressant  momentanément  à  des  choses  ou  à  diis 
personnes  auxquelles  ne  s'adresse  pas  l'ensemble  du 
dialogue  ou  du  discours  s'exprime  en  donnant  à  la 
voix  un  ton  d'assurance,  de  fermeté,  de  transport  et 


412  PREMIER   APPENDICE  DE   LA   N.   0. 

û' éc\Sit  {réso?i?iance  labiale)  (1),  et  quelquefois  aussi 
en  donnant  à  la  voix  un  ton  tendre  et  alïeclueux  {ton 
cjuttural  et  frémissement  glottal)  ; 

V obsécration  (2)  demande  le  ton  animé,  tendre  et 
touchant  comme  lorsqu'on  implore  l'assistance  de 
Dieu  ou  de  quelque  personne  puissante  [voix  de  poi- 
trine soutenue,  résonance  linguale)  (3)  ; 

Vexclamation  se  fait  avec  un  ton  de  voix  élevé, 
passionné,  très  expressif  [voix  de  faiicet  et  finale- 
ment résonance  gutturale,  variable  cependant  selon 
l'impression  intérieure  qu'il  s'agit  de  communiquer 
[alors  frémissement  glottal)  ; 

Voptation  veut  le  ton  mouvementé  qui  exprime  le 
souhait  [voix  de  médium  et  frémissement  glottal)  ; 

La  iwosopopée  exige  des  tons  énergiques,  véhé- 
ments et  enthousiastes,  car  l'orateur  au  moment  de  la 
prosnpopée  introduit  dans  son  discours  soit  une  per- 


(1)  Pour  produire  une  résonance  labiale,  il  faut  écarter  forte- 
ment la  commissure  des  lèvres. 

(2;  Figure  de  rliétorique. 

(3)  On  obtient  la  résonance  linguale  en  portant  la  pointe  de  la 
langue  vers  la  base  et  en  dilatant  l'arrière-bouclie. 


PREMILH   APPENDICE    DE   LA   N.   0.  413 

sonne  morte,  absente  ou  supposée,  soit  une  chose 
inanimée,  qu'il  fait  parler  ou  agir  [résonance  lin- 
guale avec  emboîtement  graduel  du  son  vocal  en  voix 
de  iête)  ; 

V imprécation  se  produit  phonétiquement  par  des 
intonations  impétueuses  et  par  des  intonations  ar- 
dentes, quand  l'orateur  souhaite  des  malheurs  à  celui 
dont  il  parle  ou  à  qui  il  parle  [voix  de  poitrine  avec 
frémissement  glottal  ou  voix  de  tête  selon  la  portée 
(te  rimprécation)  ; 

La  réticence  l'ait  baisser  la  voix  d'un  ton  plus  bas 
que  dans  les  mots  précédents  et  par  celle  modifi- 
cation de  la  voix,  le  parlant  fait  entendre  ce  qu'il  ne 
croit  pas  devoir  dire  expressément  ; 

Vironie  fait  prendre  un  ton  qui  laisse  entievoir  le 
contraire  du  sentiment  qu'on  veut  faire  entendre 
[union  de  la  voix  de  médium  avec  celle  de  faucet). 

24°  En  parlant  esthétiquement  et  en  disciplinant  les 
diflérenles  inflexions  plus  simples  de  la  voix,  ou  appli- 
quera toujours  les  lois  qui  constituent  la  science  de  la 
physiognomonie. 

25°  Les  gestes  bien  équilibrés  donnent  non  seule- 


414  PREMIER   APPENDICE    DE  LA   N.   0. 

ment  de  la  force  et  de  la  vie  à  la  parole,  mais  en- 
core permettent  de  rythmer  normalement  les  articu- 
lations vocales  ;  cette  pondération  rend  la  sensibilité 
plus  coynmimicative . 

A  ce  propos,  il  ne  suffit  pas,  par  exemple,  de  pleu- 
rer soi-même,  mais  il  impoi-te  d'a\oir  le  talent  de 
faire  pleurer  les  autres;  c'est  alors  qu'il  faut  élever, 
exalter  son  imagination  pour  atteindre  le  but,  sans 
le  dépasser. 

Alors  l'artiste  parlant  croit  parler  d'après  sa  pen- 
sée ;  il  devient  en  quelque  sorte  improvisateur. 

25°  La  monotonie  syllabique  sera  évitée  en  se  sou- 
venant que  l'intonation  esthétique  a  Wqw  généralement 
à  la  fin  des  mots  de  deux  syllabes,  à  la  première,  à  la 
dernière  de  ceux  qui  en  ont  trois,  à  la  deuxième  et  à 
la  quatrième  de  ceux  qui  en  ont  quatre. 

On  s'étudiera  à  rendre  en  outre,  en  abaissant  plus 
ou  moins  la  mâchoire  inférieure  et  en  lançant  le  jet 
vocal,  les  valeurs  phoniques  et  jibonétiques  suivantes  : 
a  grave,  a  bref,  e  ouvert,  c  moyen,  e  fermé,  i  et  y, 
0  grave,  o  bref,  u^  ou.,  les  diphtongues,  /  mouillée,  les 
liaisons,  les  consonnes  dans  les  mots,  h  aspirée,  na- 
sale ou,  nasale  m,  nasale  an. 

1^"  En  parlant,  il  faut  avoir  soin  que  les  mâchoires 


PREMIER  APPENDICE  DE   LA  N.    0.  415 

se  joignent  de  manière  à  ce  que  les  deux  rangées  de 
dents  s'appuient  sans  se  croiser,  ni  qu'elles  soient 
plus  avancées  ou  plus  saillantes  l'une  que  l'autre,  cela 
donne  à  la  voix  plus  de  sonorité. 

27°  Pour  produire  le  phénomène  vocal  de  la  voix 
sombrée^  il  faut  disposer  la  cavité  buccale  comme 
dans  la  prononciation  de  o,  ou,  u,  et  fixer  par  un  effort 
le  larynx  aussi  bas  que  possible. 

28°  Lorsqu'on  veut  prolonger  un  effort  phonétique, 
il  est  essentiel  de  retenir,  par  la  pression  des  lèvres, 
l'air  inspiré. 

29°  Si  une  inspiration  est  faite  pendant  un  effort 
vocal,  l'équilibre  organique  est  perdu.  Il  se  produit 
comme  un  choc  entre  les  deux  forces  mises  en  branle, 
ce  choc  détermine  alors  une  coniracliun.  —  Cette 
contraction  fait  ordinairement  bégayer  un  dysphone, 
détonner  un  chanteur  ou  haleter  un  comédien. 

30°  Dans  la  pratique  du  son  esthétique  il  ne  suffît 
pas  de  lancer  les  sons  au  hasard,  il  faut  avoir  le  projet 
de  les  former  précis,  intentionnels. 

31°  11  faut  avoir  de  l'enthousiasme  et  cependant 
être  susceptible  de  réflexion;  avoir  un  cœur  ardent, 


4105  PREMICr,  APPEMiIGE   DE  LA   N.   0. 

et  pourtant  posséder  assez  de  calme  pour  laisser  à 
l'esprit  la  facullé  de  l'observation. 

32°  Pour  que  la  déclamalion  soit  ce  qu'on  veut 
qu'elle  soit,  on  évitera  d'éclater  de  rire,  autrement  la 
voix  serait  dénaturée  par  suite  de  l'ébranlement  ner- 
veux produit  par  le  lire. 

33°  L'art  de  la  production  du  son  esthétique  s'étend 
fort  loin.  — Par  exemple,  un  père  noble,  une  grand'- 
mère,  un  comique,  un  amoureux,  ne  peuvent  avoir  la 
môme  vivacité  vocale.  Il  faut  savoir  que  chaque  état, 
chaque  âge,  chaque  situation  a  son  cachet  particulier 
d'intonaliun,  une  inflexion  fausse  changera  certaine»- 
ment  le  sens  esthétique  et  détruira  l'elfet  vocal  qu'on 
se  propose  de  rendre. 

34°  L'oreille  doit  juger  de  la  justesse  des  sons  ar- 
ticulés ;  elle  doit  également  être  assez  exercée  pour 
apprécier  dans  la  déclamation  ou  la  lecture  à  haute 
voix  la  valeur  d'un  ton,  d'un  demi-ton,  d'un  quart  de 
ton,  d'un  demi-quart  de  ton. 


DEUXIEME    APPENDICE   DE   LA    NOTE    0 


DES  INSPIRATIONS  ET  DES  EXPIRATIONS 

BUCCALES    ET   NASALES  ET    DE  LEURS  DIFFÉRENTES 

ÉVOLUTIONS  PHYSIOLOGIQUES. 


DEUXIEME  APPENDICE 


On  peut  dire,  sans  crainte  de  se  tromper,  que  l'art 
de  Vinspiration  et  de  Vexpwation  est  l'àme  même 
de  la  phonation,  de  la  déclamation  dramatique,  de  la 
lecture  à  haute  voix  et  du  chant. 

Faire  méthodiquement  une  respiration  sans  se  fa- 
tiguer comme  sans  fatiguer  ceux  qui  vous  entendent, 
c'est  là  le  vrai  moyen  de  donner  à  la  voix  pendant 
le  travail  de  l'expiration  toute  sa  puissance,  toute  sa 
vertu,  tout  le  développement  progressif  dont  elle  est 
susceptible  pour  faire  ressortir  la  vigueur,  l'énergie 
de  certaines  phrases  articulées,  déclamées  ou  chan- 
tées. 

Cette  science  qui  décuple  les  forces  orales  rentre 
dans  la  gymnastique  pectorale,  dans  la  gymnastique 
laryngienne  et  linguale  et  dans  la  gymnastique  buccale. 

Le  besoin  de  V insjnration  et  de  Vexpiratioii  est 
une  sensation  interne  qui  précède  et  met  en  jeu  tout 


420  DEUXIÈME  APPENDICE   DE  LA   N.   0. 

Tenscmble  des  organes  qui  concourent  à  la  respira- 
tion. Ce  besoin  est  à  la  respiration  ce  que  la  faim  est 
à  la  digestion. 

A  côté  de  l'éducation  corporelle  il  importe  que  le 
jeu  des  muscles  inspirateurs  soit  à  lein*  tour  l'objet 
d'une  éducation  toute  particulière;  sinon  les  organes 
vocaux  proprement  dits  seront  toujours  le  siège  de 
maladies  aiguës. 

Ces  afTections,  la  plupart  du  temps,  sont  occasion- 
nées, chez  les  artistes  dramatiques  ou  lyriques,  par 
Vhalelne  qu'ils  cherchent  à  retenir  au  moyen  de 
mouvements  pour  ainsi  dire  épileptiformes  et  par  les 
inspirations  trop  rares  ou  trop  brusques  auxquelles 
ils  ont  recours  pour  alimenter  d'air  leur  poitrine. 

La  principale  tache  de  l'artiste  parlant  dans  la 
pratique  de  son  art,  et  sur  laquelle  on  n'insiste  pas 
assez,  est  de  conduire  graduellement  son  expiration 
dans  l'émission  de  la  voix. 

Cette  habileté  de  savoir  ménager  ses  forces,  ne 
distribuant  l'air  qu'à  des  doses  savamment  appro- 
priées à  l'intensité  phonique,  est  une  difficulté  réelle 
non  seulement  pour  la  plupart  des  artistes,  mais  encore 
pour  les  dysphones.  Combien  n'en  voit-on  pas  qui  lais- 
sent échapper  dès  le  début  d'une  phrase  l'air  qu'ils 
ont  dans  les  poumons,  et  qui,  en  conséquence,  n'ont 
plus  de  réserves  suffisantes  pour  donner  vocale  ment 


DEUXIEME  APPENDICE   DE  LA  N.    0.  421 

au  crescendo  de  la  passion  toute  la  progression  ca- 
ractéristique de  cette  phrase?  En  effet  comment 
rendre  un  passage  assez  long  si  l'on  ne  sait  mesurer 
proportionnellement  ses  expirations? 

L'interprète  dramatique  ou  lyrique  qui  est  assez 
peu  ménager  de  ce  qui  est  la  cause  matérielle  do  la 
parole  est  obligé,  par  suite  de  «  l'halètement  »  con- 
tinuel auquel  il  a  recours,  de  dénaturer  le  sens  ou  la 
valeur  vocale  des  morceaux  dramatiques  ou  lyriques. 
Par  la  continuité  de  cette  contraction  il  émiette  de 
plus  en  plus  ses  propres  forces  en  fatiguant  inutile- 
niiMil  les  muscles  expirateurs  jusqu'au  moment  où  il 
se  trouve  dans  Tobligalion  de  renoncer  à  la  scène. 

Il  est  donc  de  toute  nécessité  de  savoir  inspirer 
à  propos,  d'expirer  graduellement  et  de  ne  jamais 
essayer,  par  des  efforts  violents  et  des  éclats  de  voix 
stridents,  de  dépasser  l'étendue  d'un  registie. 

Cette  étude,  que  toutes  les  personnes  qui  cultivent 
\ orthophonie  ne  devraient  jamais  perdre  de  vue,  est 
d'un  grand  secours  si  elle  est  soigneusement  faite. 
Elle  peut  contribuer  certainement  à  rendre  moins 
rares  les  artistes  possédant  une  voix  étendue  et  flexible. 


422  DEUXIÈME    APPENDICE  DE   LA   N.   0. 


INSPIRATIONS.  —  EXPIRATIONS. 


Les  mouvements  respiratoires  indiqués  par  Beau 
et  par  Lulterbacli  ne  se  passent  pas  absolument  de 
la  même  manière  chez  tous  les  individus. 

Chaque  mouvement  respiratoire  est  composé  de 
deux  temps  :  celui  par  lequel  l'air  est  introduit  dans 
les  poumons  [inspiration)  et  celui  par  lequel  ce  fluide, 
après  avoir  été  introduit  dans  le  poumon  pendant 
l'inspiration,  est  rejeté  au  dehors  [expiration). 

Dans  l'état  naturel,  la  respiration  est  facile,  douce, 
égale,  insonore. 

On  compte,  chez  l'homme,  environ  trente-cinq 
respirations  par  minute  pendant  la  première  année 
de  la  vie,  vingt-cinq  la  seconde  année,  vingt  à  la  pu- 
berté, et  dix-huit  dans  l'âge  adulte. 

Lorsque  l'air  est  pur  on  peut  l'inspirer  largement, 
à  moins  qu'il  n'y  ait  irritation  dans  Porgane  respira- 
toire. 

Les  mouvements  respiratoires  sont  classés  sous  les 
noms  de  modes  ou  types  abdominaux,  costo-inférieur 
et  coslo-supérieur. 

Type  abdominal.  —  Dans  ce  mode,  la  respiration 


DEUXIÈME   APPENDICE   DE  LA  N.   0.  423 

ne  se  révèle  que  par  les  mouvements  du  haut  de 
l'abdomen  qui  devient  saillant  dans  l'inspiration  et 
se  retire  dans  l'expiration.  Ces  mouvements  trahissent 
les  contractions  et  les  dilatations  alternatives  du  dia- 
phragme, qui,  dans  ce  cas,  borne  son  action  à  dépri- 
mer les  viscères  abdominaux.  Les  côtes  semblent 
immobiles,  à  moins  que  les  inférieures  ne  soient  en- 
traînées en  dehors  et  en  bas,  en  suivant^,  au  moment 
de  Tinspiration,  les  mouvements  des  viscères  abdo- 
minaux, qui  dilatent  les  flancs  en  même  temps  qu'ils 
distendent  la  paroi  antérieure  du  ventre. 

Ce  type  s'observe  constamment  dans  le  premier 
âge,  quel  que  soit  le  sexe;  mais,  au  bout  d'un  nom- 
bre variable  d'années,  on  voit  s'établir  des  dilîérences 
entre  les  jeunes  garçons  et  les  jeunes  fdles,  ces  der- 
nières perdant  cette  forme  qui  persiste  chez  un  assez 
grand  nombre  d'hommes. 

Type  costo-inférieur.  —  Dans  le  type  costo-infé- 
rieur,  les  mouvements  respiratoires  sont  très  appa- 
rents au  niveau  des  sept  dernières  côtes;  ils  dimi- 
nuent à  mesure  qu'on  remonte  vers  le  sommet  de  la 
poitrine  qui  semble  parfaitement  immobile.  Le  ster- 
num est  un  peu  porté  en  avant  dans  sa  partie  infé- 
rieure. La  paroi  abdominale  ne  se  gonfle  pas  comme 
dans  le  type  abdominal  ;  elle  est  immobile,  et  parfois 
même  elle  s'aplatit  pendant  l'inspiration  pour  re- 


424  DEUXIÈME  APPENDICE   DE   LA   N.  0. 

prendre  un  état  normal   de  gontlement  à  l'expira- 
tion. 

Tiji^te  costo-supéncur.  —  Dans  cette  forme  de  dila- 
tation de  la  poitrine,  la  plus  grande  étendue  des  mou- 
vements a  lieu  sur  les  côtes  supérieures  et  surtout  sur 
la  première,  qui  sont  portées  en  haut  et  en  avant. 
On  voit  la  clavicule,  le  sternum  et  la  première  côte  se 
soulever,  et  cette  action  se  |)ropager,  mais  en  s'alTai- 
blissant,  de  la  partie  supérieure  à  la  partie  infé- 
rieure de  la  poitrine.  Il  y  a  de  plus  un  mouvement 
de  rotation  très  marqué  dans  les  côtes  qui  suivent  la 
première. 


Pour  produire  normalement  les  inspirations  et  les 
expirations  buccales  et  nasales^  on  distingue  divers 
points  de  contact  organique. 

Par  respiration  buccale  on  entend  celle  qui  se  fait 
seulement  par  la  bouche. 

On  doit  éviter  d'inspirer  ainsi  lorsque  le  corps  et 
l'esprit  sontdans  un  état  de  réelle  agitation  ou  lorsque 
la  bouche  est  atteinte  de  certaines  affections  mor- 
bides. 

Lorsque  la  bouche  cesse  de  participer  au  phéno- 
mène de  la  respiration,  elle  devient  nasale;  c'est  par 


DEUXIEME  APPENDICE   DE   LA   N.   0.  425 

les  fusses  nasales  (1)  que  s'accomplissent  alors  l'ins- 
pii-ation  et  l'expiration. 

Quand  on  court,  il  est  nécessaire  d'employer  la 
respiration  nasale  :  on  aspire  à  ce  moment  une  moins 
grande  quantité  d'air  et  par  contre  l'agitation  corpo- 
relle qui  se  produit  forcément  dans  l'exercice  de  la 
course  se  pondère. 

La  respiration  est  naso-buccale  lorsqu'on  inspire 
avec  le  nez  et  qu'on  expire  par  la  bouche. 

Cette  évolution  organique  a  presque  toujours  lieu 
dans  le  sommeil. 

On  doit  adopter  également  ce  genre  d'inspiration 
lorsqu'on  veut  inspirer  sans  que  l'air  qui  arrive  dans 
les  poumons  soit  altéré  en  traversant  l'appareil  buccal . 
Elle  a  en  outre  l'avantage  de  diriger  vers  le  cerveau 
im  courant  d'air  frais  et  d'y  produire  à  la  longue,  en 
passant  par  les  fosses  nasales,  nn  etfet  de  calme  et  de 
rafraîchissement. 

C'est  le  mode  de  respiration  employé  aussi  instinc- 
tivement par  ceux  qui  veulent,  sous  forme  de  jet,  pro- 
jeter autour  d'eux  de  l'air  avec  vigueur. 


(1)  Les  fosses  nasales  fonnent  deux  cavités  anfractueuses  ou  iné- 
gales qui,  en  livrant  passage  à  l'air,  concourent  à  l'accomplissement 
de  l'acte  respiratoire  et  à  la  plionatiou.  Ces  cavités,  qui  n'ont  au- 
cune connnunication  entre  elles,  sont  séparées  l'une  de  l'autre  par 
la  cloison  dont  le  vomer  forme  la  partie  osseuse,  et  que  complète 
antérieurement  le  canal  nasal. 


426  DEUXIÈME   APPENDICE   DE  LA   N.   0. 

Si  Xappareil  naml  est  malade,  on  doit  recourir  à 
un  procédé  inverse  :  on  inspire  par  la  bouche  et  on 
expire  par  le  nez,  afin  que  l'air  chasse  les  émanations 
malsaines.  C'est  ce  qui  constitue  la  respiration  buccô- 
nasale. 

Lorsque  l'acte  de  la  respiration  se  produit  simulta- 
nément par  la  bouche  et  par  le  nez,  on  produit  ce 
qu'on  appelle  la  respiration  indifférente . 

Quand  les  mouvements  de  la  systole  et  de  la  diastole 
sont  réguliers,  la  respiration  indifférente  ne  présente 
aucun  inconvénient;  mais  il  n'en  est  plus  ainsi  lors- 
que le  corps  est  agité.  En  effet;,  si  pendant  la  respira- 
lion  indifférente  il  survient  une  secousse  nerveuse  ou 
un  choc  organique,  la  quantité  d'air  qui  a  été  attirée 
vers  les  poumons  s'échappant  trop  brusquement  peut 
produire  des  accidents  de  congestion  plus  ou  moins 
graves. 

La  respiration  est  dite  cahotée  lorsqu'on  inspire 
presque  involontairement  parle  nez,  en  deux  ou  trois 
temps,  et  qu'on  expire  par  la  bouche  de  la  même  ma- 
nière en  ne  laissant  entre  les  lèvres  qu'un  étroit  pas- 
sage. 

Les  chanteurs  et  les  comédiens,  lorsqu'ils  sortent 
par  les  temps  froids,  devraient  avoir  recours  à  ce 
mode  iï inspiration  entrecoupée  dans  le  but  d'élever 
la  température  de  l'air  qui  arrive  alors  plus  chaud  aux 


DEUXIÈME   APPENDICE   DE  LA  N.   0.  427 

poumons,  et  aussi  pour  éviter  la  gerçure  des  lèvres. 

Pour  aider  le  fonctionnement  de  la  respiration  ca- 
hotée, on  élève  très  légèrement  les  épaules  en  mspi- 
rant,  puis  on  les  laisse  retomber  au  moment  où  com- 
mence le  mouvement  expirateur. 

Ce  genre  de  respiration  divisée  atténue  également 
la  fatigue  qui  résulte  d'un  travail  pectoral  obligatoire. 

La  respiration  graduée  procède  de  la  respiration 
cahotée.  Après  avoir  inspiré  à  fond,  par  la  bouche, 
en  plusieurs  temps,  on  laisse,  entre  les  lèvres  serrées, 
l'air  s'échapper  en  un  mouvement  pour  la  première 
expiration,  en  deux  pour  la  seconde,  en  trois  pour 
la  troisième. 

Dans  la  respiration  graduée,  l'inspiration  cahotée  et 
l'inspiration  graduée  se  succéderont  tour  à  tour  et  les 
épaules  se  concaviteront  légèrement.  Ce  dernier  mou- 
vement a  pour  effet  d'augmenter  le  jeu  des  poumons, 
et  de  faciliter  l'explosion  du  jet  vocal.  En  outre,  l'air, 
attiré  dans  la  bouche  par  une  forte  pression  des  lè- 
vres, y  apporte  un  elfet  de  fraîcheur  qui  empêche  la 
gorge  de  se  dessécher  trop  rapidement  et  entretient  le 
fonctionnement  des  glandes  salivaires. 

Une  variété  de  la  respiration  graduée  est  la  respi- 
ration pénétrante. 

Pour  la  produire  on  procède  comme  précédemment, 
avec  cette  seule  différence  que,  dans  la  respiration  pé- 


428  DEUXIÈME   APPENDICE   DE   LA  N.   0. 

nétrante,  pour  obtenir  le  prolongement  de  l'acte  inspi- 
rateur on  imprime  au  thorax  un  léger  mouvement  de 
torsion. 

La  respiration  pénétrante,  lorsqu'elle  est  seulement 
muette  et  automatique,  a  pour  effet  de  forlilier  les  or- 
(jane!^  actifs  de  Tappared  vocal  et  le  jeu  des  pou- 
mons. 

Elle  est,  comme  gymnastique  pectorale,  particu- 
lièrement utile  pour  les  acteurs  lyriques  ou  dramati- 
ques et  les  orateurs. 

La  respiration  élancée  procède  de  la  respiration 
pénétrante. 

Elle  n'en  diffère  qu'en  un  point  qui  est  celui-ci  : 
on  reprend  le  second  temps  d'inspiration  avec  plus 
de  force  et  comme  par  élancement. 

Dans  la  respiration  élancée,  plus  l'on  retient  l'air 
inspiré  et  plus  l'effet  vocal  (expiration  sublime)  obtenu 
dans  le  criant  est  puissant. 

Ce  mode  cï expiration  doit  suivre  Vinsph^ation  or- 
thophonique. 

On  sait  d'ailleurs  que  l'inspiration  orthophonique, 
par  l'agrandissement  de  l'ouverlure  glottale  qu'elle 
occasionne,  a  pour  résultat  de  faire  pénétrer  norma- 
lement et  en  abondance  l'air  dans  les  poumons. 

Nous  n'avons  point  à  nous  occuper  ici  de  Vinspi- 
ration  orthophonique,  car  son  évolution   pectorale, 


DEUXIÈME  APPENDICE   DE    LA   N.   0.  429 

laryngienne,  linguale  et  buccale  a  été  indiquée  dans 
la  Synthèse  orthophonique. 


RESPIRATIONS   ANORMALES. 


Respiration  pnérilo.  —  Se  dit  quand  rinspiralion 
et  l'expiration  sont  plus  bruyantes  qu'à  l'ordinaire, 
quand  il  y  a  augmentation  de  la  durée  absolue  des 
deux  temps,  leur  durée  relative  restant  la  même,  et 
que  le  murmure  vésiculaire  se  fait  entendre  avec  plus 
d'intensité  que  dans  l'état  normal,  la  respiration 
conservant  d'ailleurs  son  caractère  doux  et  moelleux. 
C'est  l'annonce  d'une  maladie  quelconque  du  pou- 
mon. 

Respiration  caverneuse .  —  Bruit  que  l'inspiration 
et  l'expiration  déterminent  dans  une  excavation  for- 
mée au  milieu  du  tissu  pulmonaire. 

Respiration  inégale.  —  Celle  dont  les  mouvements 
ne  se  succèdent  pas  d'une  manière  uniforme. 

Respiration  saccadée.   —  Altération  particulière 


430  DEUXIEME   APPENDICE  DE   LA   N.   0. 

(kl  rythme  respiratoire  caractérisée  par  la  division  de 
l'inspiration  en  deux  bruits  d'une  force  inégale,  exis- 
tant tantôt  sans  altération  d'intensité  ou  de  carac- 
tère du  murmure  vésiculaire,  et  tantôt  avec  faiblesse 
ou  rudesse  de  ce  murmure.  Le  phénomène  est  observé 
le  plus  souvent  au  sommet  des  poumons  ;  il  n'a  guère 
lieu  que  dans  Finspiration, 

Respiration  vésiculaire.  —  Cette  respiration  ré- 
sulte de  la  pénétration  libre  de  l'air  dans  les  bron- 
ches, et  de  là  dans  les  canalicules  respirateurs  jus- 
qu'au fond  de  ceux-ci. 


TROJSIÈME  PARTIE 


NOTES  DIDACTIQUES 


DE 


PHYSIOGNOMONIE 


NOTE     P 


PROLOGUE 


2S 


NOTE  P 


PROLOGUE 


La  nécessité  d'étudier  conjointement  avec  les  prin- 
cipes de  Phonation  les  lois  qui  président  à  l'harmonie 
des  mouvements  d'expression  et  du  geste,  lois  qui 
constituent  la  science  de  \diphysiognomonie,  s'impose 
naturellement  à  ceux  qui  veulent  étudier  Xart  de  la 
pai'ole. 

La  mimique  qui  possédait  chez  les  anciens,  à 
Athènes  comme  à  Rome^  des  interprètes  d'un  talent 
merveilleux  a  été  délaissée  pendant  longtemps  et  est 
restée  encore  aujourd'hui  trop  abandonnée  aux  in- 
terprétations de  quelques  artistes. 

Les  anciensenjugeaient  autrement,  eux  qui  avaient 
des  maîtres  spéciaux  pour  l'étude  du  geste  et  des 
mouvements  d'expression.  Le  soin  qu'apportaient  à 
l'étude  de  cet  art  les  citoyens  qui  se  destinaient  au 
barreau  ou  à  la  tribune  montre  bien  l'importance 


436  N.   P.   —  PROLOGUE. 

qu'ils  accordaient  à  ce  complément  nécessaire  de 
l'éloquence. 

L'étude  delà  jy/njsmiomie iouiefois  n'a  pas  été,  à 
cette  époque,  l'objet  de  recherches  scientifiques  per- 
mettant de  condenser  en  système  la  théorie  des 
mouvements  d'expression.  Les  méthodes  si  précises 
de  l'analyse  n'avaient  point  de  représentants,  et  les 
ouvrages  sur  ce  sujet  que  nous  a  légués  l'antiquité 
comme  le  moyen  âge  empruntent  leurs  théories  à  un 
empirisme  bizarre  ou  à  des  conceptions  souvent 
erronées. 

Dans  ces  derniers  temps,  plusieurs  savants  tout  à 
la  fois  physiologistes  et  psychologues  ont  consacré 
une  partie  de  leur  vie  à  la  recherche  et  à  la  des- 
cription des  manifestations  extérieures  de  Tàme  dans 
la  physionomie,  le  geste  et  les  attitudes  du  corps. 

En  France,  Gratiolet,  sitôt  enlevé  à  la  science  et 
aux  nombreux  admirateurs  de  son  talent  (1),  en  Alle- 
magne, Engel  (dix-huitième  siècle)  ont  laissé  sur 
celte  «  matière  à  cent  actes  divers  »  des  ouvrages 
que  difficilement  on  saurait  surpasser  ou  même  égaler. 

D'autres  auteurs  autorisés,  Diderot,  Descuret, 
Delestre,    Chevreid,   par    exemple,    ont    également 

(I)  On  apprendra  certainement  avec  plaisir  que  le  buste  de  Gra- 
tiolet qui  avait  été  fait  depuis  plusieurs  années  par  M.  Oliva,  un 
des  sculpteurs  les  plus  distingués  de  notre  époque,  vient  d'être 
placé  dans  une  des  salles  du  Collège  de  France. 


N.   P.  —   PROLOGUE.  437 

publié  sur  la   pliysiognonionie  le  résultat  de  leurs 
observations. 

Dans  son  curieux  travail  sur  la  physionomie, 
Lavater,  doué  pour  ainsi  dire  du  don  divinatoire,  a 
fait  preuve  aussi,  par  ses  remarques,  d'une  grande 
llnesse  d'observation.  —  On  reconnaît  cependant 
qu'il  n'a  pas,  à  proprement  parler,  établi  de  système. 
Cherchant  plutôt  à  pénétrer  le  caractère  personnel 
des  individus,  il  a  renouvelé  avec  habileté  les  théories 
d'Aristote  jugeant  les  hommes  d'après  leurs  simili- 
tudes avec  certains  types  connus. 

Il  serait  difficultueux,  inutile  même  de  le  suivre 
dans  celte  voie. 

Outre  le  langage  oral  qui  varie  d'un  peuple  à  l'au- 
tre, l'homme  possède  un  langage  commun  à  tout  ce 
qui  a  vie  et  mouvement  sur  la  terre  :  c'est  le  langage 
physiognomonique.  Et  c'est  ce  moyen  de  connnuni- 
cation  qu'il  importe  d'étudier  qnand  on  est  maître  de 
son  instrument  vocal. 

Lorsqu'une  personne  instruite  orthophoniquement 
produira  graduellement  et  à  volonté  tous  les  sons 
esthétiques,  et  qu'elle  pourra  exprimer  ainsi  tous  les 
sentiments  dont  le  moi  est  susceptible  d'être  agité; 
lorsqu'elle  aura  la  faculté  de  s'émouvoir  facilement, 
■  de  s'attendrir  elle-même  par  ses  propres  accents  ; 
quand  enfin  elle  se  croira  capable  de  peindre  avec  sa 


438  N.    P.   —    PROLOGUE. 

voix  toute    espèce  trémotions  ;  alors    elle   pourra 
commencer  à  étudier  l'art  du  geste. 

Un  geste  bien  réglé  contribue  toujours  à  l'effet 
vocal  au  lieu  de  l'atténuer. 

Il  nous  a  paru  utile  de  composer,  d'après  les  im- 
portants ouvrages  cités  plus  haut,  parfois  trop  sub- 
tils d'observations  et  de  discussions  métaphysiques, 
un  ensemble  succinct  de  physiognomonie  où  les 
personnes  qui  s'occupent  spécialement  d'orlho- 
phonie  esthétique  pussent  trouver,  dans  une  suite 
de  quelques  pages,  les  principales  évolutions  de  la 
physionomie^  du  geste  et  des  attitudes  du  co?'ps. 


NOTE  Q 


DE  LA   PHYSIONOMIE 


(premier  tablkau) 


NOTE    Q 


DE   LA    PHYSIONOMIE 


Aristote  a  fixé  le  principe  suivant  :  ce  qui  est  du- 
rable dans  la  forme  exprime  ce  (jui  est  immuable 
dans  la  nature  de  rèlre.  C'est  ce  qui  constitue  les 
espèces  :  Tliomme,  le  chien,  etc.,  et  ce  qui  est 
mobile  et  fugace  dans  cette  forme  exprime  ce  qui 
dans  la  nature  de  lètre  est  contingent  et  variable  : 
les  impressions,  les  sentiments,  les  volontés,  etc.. 

L'énoncé  de  ce  principe  indique  suffisamment  les 
deux  grandes  divisions  de  la  physiognomonie  géné- 
rale. 

La  première  de  ces  deux  sciences,  appelée  7norpho- 
logic,  étudie  dans  le  monde  vivant  ce  que  les  savants 
appellent  «  l'ordre  sériel  des  formes  »,  c'est-à-dire 
renchaînement  graduel  des  espèces^  et  révèle  la  vé- 


U2  N.    Q.   —  DE   LA   PHYSIONOMIE. 

ritable  nature  des  êtres  en  leur  assignant  leur  rôle 
dans  l'ensemble  de  l'univers. 

La  deuxième,  appelée  cinésiologie  par  différents 
auteurs,  s'occupe  de  ces  mouvements  mobiles  et  fu- 
gaces qui  traduisent  dans  toutes  leurs  modifications 
les  volontés,  les  passions,  les  instincts  accidentels 
de  l'animal. 

C'est  cette  dernière  science  qui  nous  occupe  en  ce 
moment. 

On  doit  distinguer  tout  d'abord  la  Physionomie  Q,i 
V  Expression. 

La  physionomie  est  l'aspect  particulier  qui,  pour 
chaque  être,  résulte  de  l'ensemble  de  ses  parties  tant 
extérieures  qu'intérieures,  et  pour  l'homme  spéciale- 
ment, de  l'ensemble  des  traits  de  la  face. 

Par  l'habitude  prise  de  certaines  expressions  inhé- 
rentes aux  idées,  aux  sentiments  propres  à  diverses 
fonctions,  à  diverses  carrières,  elle  forme  une  grande 
variété  de  types  :  nous  avons  les  physionomies  du 
professeur,  de  l'avocat,  du  prêtre,  du  diplomate,  du 
militaire,  du  fonctionnaire  autoritaire,  de  l'huissier 
malveillant,  etc. 

Ces  physionomies  multiples  sont  absolument  indé- 
pendantes de  la  forme  et  de  la  régularité  du  tronc  et 
des  membres.  Dans  chaque  classe  de  la  société,  en 


N.   Q.    —   DE   LA   PnYSIONO.MIli:.  443 

dépit  même  de  la  différence  des  visages,  nous  re- 
trouvons une  empreinte  sui  generis  propre  à  toute 
une  catégorie  d'hommes  exerçant  la  même  profes- 
sion. C'est  une  marque  spéciale  persistant  chez 
l'individu  et  qui  révèle  son  identité.  On  peut  donc 
appeler  la  physionomie  la  caractéristique  de  chaque 
individu. 

Mais  cette  physionomie  subit  à  son  tour  mille  mo- 
difications plus  ou  moins  sensibles  qui  sont  l'indice 
de  modifications  intérieures.  Ce  sont  ces  change- 
ments extérieurs  de  la  physionomie  se  manifestant 
dans  la  figure  humaine  qui  constituent  l'expres- 
sion. 

Il  est  évident  que  dans  bien  des  cas  la  parole  seule 
pourrait  suffire  pour  transmettre  une  ou  plusieurs 
idées,  et  il  est  également  positif  que  lorsqu'un  litté- 
rateur converse  avec  nous  par  Tintermédiaire  du  livre 
ou  de  la  lettre,  on  saisit  nettement  sa  pei:sée  et  on 
devine  ses  impressions  sans  avoir  besoin  de  con- 
naître son  jeu  physiognomonique.  Mais  où  serait  le 
charme  des  conversations,  des  assemblées,  du  théâ- 
tre, si  chacun  venait  parler  sans  action,  avec  un  débit 
froid  ou  monotone,  réciter  en  quelque  sorte  renon- 
ciation de  sa  pensée  sans  que  le  visage  par  exemple 
représentât  ce  qu'il  y  a  de  plus  intime  et  de  plus  per- 
sonnel, sans  qu'il  rectifiât  immédiatement   pendant 


444  N.   Q.   —  DE  LA  PHYSI0N0.MI1£ . 

le  roulement  du  langage  vocal  ce  qu'il  peut  y  avoir  de 
défectueux  ou  d'excessif  dans  le  ton  ou  les  termes 
employés. 

Et  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  soit  toujours  facile  de 
combiner  l'expression  de  la  physionomie  avec  la  pa- 
role articulée. 

Dans  Fimprovisation,  dans  la  conversation,  dans  le 
commerce  de  la  vie,  la  physionomie,  il  est  vrai,  tra- 
duit sans  effort  nos  émotions,  nos  impressions;  elle 
les  traduit  même  si  bien  qu'à  distance,  sans  entendre 
les  paroles  prononcées  par  une  personne,  nous  pou- 
vons lire  sur  ses  traits  les  sentiments  qui  l'agitent; 
mais  dans  ce  qu'on  nomme  V improvisai io7i  fictive 
il  n'en  est  plus  de  même. 

On  appelle  impr()visation  fictive  tout  ce  qui  se 
dit  en  dehors  de  la  spontanéité  :  les  entretiens 
scientifiques  ou  littéraires,  les  discours,  les  plaidoi- 
ries, les  sermons  sont  autant  de  formes  diverses  de 
cette  improvisation.  Avant  la  harangue  en  public, 
il  y  a  eu  la  méditation  dans  le  silence  du  cabinet;  le 
premier  enthousiasme  qui  anime  l'orateur  quand  il 
prépare  une  péroraison,  par  exemple,  n'existe  plus 
au  même  degré  au  moment  où  il  la  débite  ;  et  cepen- 
dant il  faut  que  le  public  soit  finalement  convaincu  de 
la  sincérité  des  émotions  de  l'orateur,  sinon  il  serait 
moins  facilement  persuadé. 


N.   Q.   —   DE   LA   PHYSIONOMIE.  440 

Ce  sera  en  simulant  cette  émotion,  c'est-à-dire  en 
prêtant  à  la  physionomie  une  expression  confoi  me  à 
l'intonation  de  ses  paroles  que  l'orateur  pourra  exercer 
une  influence  véritable  sur  ceux  qui  l'écoutent. 

Si  au  lieu  de  parler  nos  pensées  nous  récitons  ou 
lisons  ce  qui  a  été  pensé  et  dit  par  d'autres,  le  jeu 
passionnel  de  la  physionomie  dans  la  lecture  expres- 
sive deviendra  tout  aussi  nécessaire  ou  du  moins  tout 
aussi  utile  que  tout  à  l'heure  dans  l'improvisation  fic- 
tive. 

Pour  arriver  à  ce  degré  de  volonté  esthélique,  une 
analyse  attentive  des  mouvements  spontanés  dans  le 
cours  habituel  de  la  \ie  peut  seule  nous  mettre  à 
même  de  traduire  heureusement  tout  ce  qui  n'appar- 
tient pas   à  l'improvisation  proprement  dite. 

On  reconnaitia  qu'il  n'y  a  point  dans  l'organisme 
un  muscle  spécial  destiné  à  marquer  les  divers  degrés 
de  l'expression. 

Chaque  organe  existe  en  vue  d'un  but  déterminé, 
but  qui  est  indiqué  par  sa  forme  exclusive. 

Toutefois,  à  proprement  parler,  l'homme  seul  a 
un  visage,  c'est-à-dire  un  moyen  congénital  et  mei- 
veilleuxpour  exprimer  sur  une  très  petite  surface  de; 
son  corps  les  divers  états  de  son  esprit.  Bien  que  le 
visage  ne  soit  pas  un  organe  distinct  de  l'expression 


416  N.    Q.   —   DE    LA  PHYSIONOMIE. 

psychique,  le  mo/ s'y  reflète  et  il  y  met  une  empreinte 
si  nette  de  ses  sentiments  intérieurs,  qu'on  peut  dire 
avec  vérité  que  c'a  été  de  la  nature  une  grande  tra- 
hison que  de  dévoiler  ainsi  sur  la  face  les  plus  secrètes 
émotions  de  l'être. 

Dans  les  mouvements  expressifs  de  la  physionomie, 
tactivité  du  moi  s'affirme  par  les  phénomènes  vo- 
lontaires ou  involontaires  de  la  sensibilité  physique^ 
ou  sensibilité  envisayée  au  point  de  vue  des  oryanes 
des  sens,  de  la  sensibilité  affective  ou  sensibilité 
envisagée  au  point  de  vue  des  passions  de  T âme ^  et 
df  la  sensibilité  intellectuelle ^ou  sensibilité  envisagée 
au  point  de  vue  des  opérations  de  l'esprit. 

DE   L.\   SENSIBILITÉ  PHYSIQUE 
(organes  des  sens) 

En  s'appuyant  sur  ce  fait  que  les  hommes  ne  sont 
mis  en  relation  avec  le  monde  extérieur  que  par  les 
uiganes  des  sens,  il  est  permis  d'énumérer  et  d'ac- 
cepter ce  principe  : 

Dans  l'ordre  des  phénomènes  de  la  sensibilité  phy- 
si(|ue,  les  mouvements  d'expression  de  la  physionomie 
sont  en  raison  directe  de  la  nature  de  l'impression 


N.   Q.  —   DE   LA   PHYSIONOMIE.  447 

faite  sur  nos  organes  par  le  monde  extérieur;  c'est- 
à-dire  que  si  l'impression  est  facile,  agréable,  diffi- 
cile ou  pénible,  les  mouvements  exécutés  par  l'organe 
plus  spécialement  mis  en  jeu  exprimeront  la  nature 
et  le  degré  de  puissance  de  celte  impression. 

Les  impressions  sont  faites  sur  le  système  nerveux, 
et  dès  qu'elles  ont  été  perçues  par  le  cerveau_,  la 
nature  de  la  sensation  éprouvée  est  exprimée  par 
l'intermédiaire  des  muscles  qui  ultérieurement  exécu- 
teut  les  mouvements  d'expression. 


L'œil  est  certainement  le  plus  puissant  et  le  plus 
bel  ornement  de  la  face,  comme  aussi  l'un  des  sens 
les  plus  précieux  ;  c'est  en  lui,  nous  le  verrons  plus 
loin,  que  se  trouve  d'ordinaire  l'indice  le  plus  sûr 
des  qualités  morales.  —  Il  est  logé  en  toute  sécurité 
dans  une  cavité  o>seuse  nommée  orbite  d'où  il  ob- 
serve tout  ce  qui  se  passe  autour  de  lui. 

Lorsque  l'impression  faite  sur  le  nerf  optique  par 
un  objet  chatoyant  est  agréable,  l'œil  s'ouvre  natu- 
rellement pour  jouir  de  la  lumière  et  des  couleurs  ;  les 
muscles  des  paupières  et  des  contours  de  l'œil  font 
jouer  leurs  ressorts  régulièrement;  un  éclat  particu- 
lier du  regard  témoigne  de  sa  joie,  tout  indique  le 
riant  de  l'impression. 


4i8  N.    Q.   —   DE   LA    PHYSIONOMIE. 

Si,  au  contraire,  l'impression  vient  à  être  désa- 
gréable, irritante,  Téclat  du  regard  change  de  sens 
et  d'allure  :  les  paupières  se  baissent  et  se  relèvent 
avec  précipitation  ;  les  muscles  sourciliers  se  contrac- 
tent et  les  sourcils  se  froncent  d'une  manière  incon- 
sciente ;  en  même  temps  les  angles  des  yeux  se  res- 
serrent et  se  plissent,  le  haut  des  joues  et  du  nez  se 
soulève  légèrement,  l'œil  cherche  à  circonscrire  le 
champ  visuel  et  l'on  sent  l'elTort  qu'il  fait  pour  ob- 
tenir une  perception  exacte  de  l'objet  par  lequel  il  a 
été  froissé. 

Le  regard  offre  des  propriétés  remarquables  que 
l'observateur  habile  utilisera  dans  bien  des  cas  ;  rap- 
pelons en  passant  que,  lorsque  les  yeux  sont  fixés 
précisément  sur  un  même  point,  cette  direction  du 
regard  est  très  précieuse  pour  la  bonne  exécution  des 
mouvements  rectilignes  des  gestes  du  corps  norma- 
lement disposés  et  qu'elle  aide  puissamment  à  la  per- 
sistance de  l'équilibre.  C'est  ainsi  probablement  que, 
pour  favoriser  les  mouvements  symétriques  d'équi- 
libre de  haute  voltige,  les  gymnasiarques  sur  le  tra- 
pèze ou  sur  la  corde  regardent  toujours  à  une  dislance 
déterminée. 

Lorsque  des  impressions  s'exercent  sur  le  nerf  au- 
ditif, les  mouvements  de  l'organe  de  l'ouïe  sont  peu 
appréciables.  Les  pavillons  de  l'oreille  restent  près- 


N.   Q.   —  DE    LA  PHYSIONOMIE.  449 

que  immobiles,  siirlout  chez  l'Européen.  Toutefois, 
quand  les  effets  produits  sur  les  nerfs  auditifs  sont 
aisés  ou  difficiles,  flatteurs  ou  offensants,  on  exécutera 
une  série  de  mouvements  qui  indiquent  parfaitement 
la  nature  de  la  sensation  éprouvée.  Ces  derniers  mou- 
vements, d'ailleurs,  appartiennent  plutôt  à  la  série 
des  mouvements  sympathiques  et  nous  verrons  plus 
loin  le  jeu  coordonné  des  muscles  de  la  face  dans 
ce  cas  particulier. 

Le  nez,  où  siège  l'organe  de  l'odorat,  contribue  beau- 
coup par  sa  forme  à  donner  de  la  noblesse  à  la  phy- 
sionomie. 

Par  plusieurs  de  ses  mouvements  il  participe  aussi 
à  l'expression  de  la  figure. 

Chez  l'homme  les  sensations  qui  proviennent  de 
l'odorat,  comme  celles  qui  proviennent  du  goût, 
sont  toutes  agréables  ou  désagréables  (1),  tandis  que 
les  organes  de  la  vue,  de  l'ouïe  et  du  toucher  reçoi- 
vent une  troisième  catégorie  de  sensations  dites  sen- 
sations indifférentes  (2). 

Dans  les  impressions  agréables,  on  ouvre  instinc- 
tivement les  narines  pour  donner  libre  et  large  entrée 


(1)  Cliez  les  animaux,  le  sens  de  l'odorat  est  un  organe  universel 
de  sentiment. 

(2)  Au  point  de  vue  philosophique,  ces  sensations  indifférentes 
sont  la  conséquence  et  les  seuls  vrais  éléments  des  connaissances. 

29 


450  N.   Q.   —  DE  LA   PHYSIONOMIE. 

aux  parfums  odorants  qui  viennent  frapper  la  mem- 
brane olfactive  ;  les  ailes  du  nez  se  développent  en 
un  gracieux  contour  et  témoignent  de  l'empresse- 
ment que  nous  mettons  à  aspirer  un  parfum  péné- 
trant ;  l'odeur  déplaît-elle,  vite  les  narines  se  res- 
serrent, les  ailes  nasales  subissent  une  contraction 
significative  qui  interdit  l'accès  aux  émanations  rebu- 
tantes ;  en  même  temps  la  lèvre  supérieure  se  soulève 
et  vient  s'appliquer  sur  les  narines  pour  les  proléger 
efficacement.  Tels  sont  les  principaux  signes  des 
mouvements  d'expression  du  nez  exécutés  lorsque  le 
sens  de  l'odorat  est  mis  en  jeu. 

Il  est  un  mode  particulier  de  sentir,  mode  volon- 
taire qui  a  reçu  le  nom  de  flairer^  et  qui  est  pratiqué 
pour  rendre  la  sensation  plus  vive  ou  analyser  la  qua- 
lité de  l'odeur.  Dans  ce  cas  la  bouche  est  fermée  et  l'on 
fait  tantôt  une  large  inspiration,  tantôt  une  série  d'as- 
pirations brèves  et  saccadées  qui  sont  surtout  pra- 
tiquées lorsqu'il  s'agit  d'étudier  des  odeurs  inconnues. 
Alors,  dans  l'évolution  de  cet  efturt,  le  petit  appareil 
musculaire  bordant  lorifice  antérieur  des  narines  est 
animé  par  le  nerf  facial,  et  intervient  afin  de  resserrer 
cet  orifice  et  de  le  mieux  diriger  en  bas  pour  le  dou- 
ble effet  d'augmenter  l'intensité  du  courant  odorifé- 
rant en  le  portant  vers  la  partie  supérieure  des  fosses 
nasales. 


N.   Q.   —   DE   LA   PHYSIONOMIE.  4;il 

La  bouche  peut  être  considérée,  après  les  yeux, 
comme  la  partie  du  visage  qui  donne  le  plus  de  carac- 
tère à  la  physionomie.  L'extrême  sensibilité  des  lèvres, 
le  nombre  considérable  de  muscles  qui  entrent  dans 
leur  organisation  donnent  à  la  bouche  les  formes  mul- 
tiples que  réclame  son  rôle  important. 

Selon  que  les  diverses  opérations  auxquelles  la 
bouche  prête  son  concours  se  font  facilement  ou 
difficilement,  quel  changement  rapide  dans  sa  forme  ! 
—  Examinons-la  un  instant  seulement  comme  agent 
de  la  respiration. 

Lorsqu'il  y  a  facilité  dans  les  actes  d'inspiration, 
que  l'air  ambiant  n'est  point  alourdi  par  des  émana- 
tions fétides,  les  lignes  de  la  bouche  se  distendent 
graduellement  ;  les  extrémités  de  la  fente  bilabiale  se 
relèvent  avec  grâce,  la  lèvre  supérieure  à  peine  sou- 
levée laisse  voir  plus  ou  moins  les  dents  supérieures; 
en  même  temps  les  pommettes  des  joues  subissent 
l'action  des  muscles  zygomatiques  (1),  et  cette  action 
s'étend  elle-même  jusque  vers  les  angles  externes  des 
yeux  qui  deviennent  aussitôt  un  peu  obliques.  C'est 
ce  mouvement  de  respiration  agréable  qui  constitue 
le  sourire  (2). 

(1)  Zygomntique  :  qui  a  rapport  à  la  pommette. 

(2)  Ilya  lieu  de  remarquer  que  l'on  distingue  le  sourire  des  lèvres 
et  le  sourire  des  yeux. 

Lorsque  nous  rions   sincèrement,   le  sourire  des   yeux   coexiste 


432  N.    Q.  —  DE   LA   PHYSIONOMIE. 

Au  moment  où,  pour  une  cause  où,  pour  une  autre, 
il  y  a  difficulté  dans  la  respiration,  les  coins  de  la 
bouche  se  contractent;  la  lèvre  inférieure,  sollicitée 
des  deux  côtés,  laisse  souvent  les  dents  inférieures  à 
découvert  et  en  môme  temps  la  lèvre  supérieure  s'ap- 
plique sur  les  dents  supérieures  qu'elle  recouvre  en- 
tièrement; c'est  la  fréquence  de  ces  mouvements 
qui  donne  aux  phthisiques  ces  traits  tirés  que  tout  le 
monde  connaît. 


Les  expressions  immédiates  ne  se  produisent  jamais 
isolément  dans  un  organe. 

Lorsque  l'organe  de  la  vue  reçoit  difficilement  une 
impression,  les  contours  de  l'œil,  les  organes  voisins 
expriment  chacun  selon  son  mode  cette  difficulté. 
C'est  «tinsi  que  pour  Touie,  lorsque  l'impression  est 
facile  ou  difficile,  indifférente  ou  attentive,  ce  n'est 
pas  en  regardant  uniquement  l'oreille  que  nous  pour- 
rons juger  la  nature  de  l'impression. 

Quand,  dit  Gratiolet,  une  audition  est  facile  et 
attentive,  il  y  a  nécessairement  prédominance  d'ac- 
tion dans  l'une  ou  l'autre  oreille.  Le  cou  s'incline 
dans  le  sens  de  celle  qui  écoute  ;  de  ce  côté,  le  coin 


avec  le  sourire  des  lèvres.  Chez  les  animaux,  piiysiologiquement,  le 
sourire  des  lèvres  n'existe  pas. 


N.    0.   —  DE   LA   PHYSIONOMIE.  4o3 

(le  la  bouche  est  un  peu  soulevé  et  tiré  en  deliors,  et 
le  plus  souvent  alors  les  yeux,  dirigés  dans  le  sens 
opposé,  se  cachent  à  demi  sous  la  paupière;  ces 
mouvements  troublent  à  de  certains  égards  la  symé- 
trie de  la  face  ;  ils  n'altèrent  point  d  une  manière 
sensible  l'harmonie  des  formes  quand  l'attention 
n'exige  aucun  effort  marqué. 

Dans  rouie  pénible,  le  cou  se  tend  énergiquement 
vers  l'oreille  employée  comme  pour  recueillir  avec 
plus  de  facilité  l'acuité  des  sons,  ou  pour  diminuer  la 
gêne  qui  s'oppose  à  leur  perception.  Tous  les  muscles 
de  ce  côté  de  la  face  expriment  pareillement  cette 
souffrance  :  œil  se  fermant  nerveusement,  narine 
tirée  en  dehors,  extrémité  de  la  bouche  s'ouvrant  en 
une  sorte  de  rictus  et  mettant  à  découvert  même  les 
molaires  ;  rides  longitudinales  sillonnant  la  joue. 

Cette  mimique  est  fort  habituelle  aux  vieillards  im- 
patients et  quinleiix  qui  ont  l'oreille  un  peu  dure.  Si 
le  discours  leur  plaît,  la  même  grimace  existe,  mais 
elle  est  moins  dessinée,  le  côté  non  intéressé  sourit. 

Dans  l'impression  pénible,  les  épaules  sont  très 
abaissées  et  légèrement  reculées  en  sens  opposé  ;  dans 
l'impression  qui  plaît,  les  épaules  quelque  peu  voûtées 
se  soulèvent  faiblement  et  se  meuvent  dans  le  sens 
de  celui  qui  parle. 

Les  mouvements  de  ces  autres  organes  sont  appelés 


454  N.   Q.  —  DE    LA   PflYSIO.NOMIE. 

sTjmpathiques .  Ils  témoignent,  en  effet,  par  leur  con- 
cours qu'ils  sont,  eux  aussi,  touchés  de  l'impression 
qui  affecte  un  organe  voisin. 

A  ce  propos  des  mouvements  sympathiques,  nous 
ne  résistons  pas  au  désir  de  mettre  sous  les  yeux 
de  nos  lecteurs  une  description  de  Gratiolet  qui  est 
une  véritable  miniature  littéraire  peinte  de  main  de 
maître  : 

«  Donnez  à  un  jeune  carnassier,  à  un  petit  chat, 
;<  par  exemple,  quelque  liquide  savoureux  et  sucré  : 
«  voyez-le  s'avancer  lentement  et  flairer  avec  atten- 
<'  tion  ;  ses  oreilles  se  dressent  ;  ses  yeux  largement 
'c  ouverts  expriment  le  désir  ;  sa  langue,  impatiente, 
«  caresse  et  déguste  l'objet  désiré. 
«  Il  marche  avec  précaution,  le  cou  tendu. 
«  Mais  il  s'est  emparé  du  liquide   embaumé  ;  ses 
tt  lèvres  le  touchent  ;  il  le  savoure  ;  le  sentiment  que  cet 
«  objet  éveille  s'empare  de  l'organisme.  Le  petit  chat 
((  ferme  alors  les  yeux,  se  considérant  lui-même  tout 
«  pénétré  de  plaisir.  11  se  ramasse,  il  fait  le  gros  dos, 
«  il  frémit  voluptueusement,  il  semble  envelopper  ses 
«  membres,  son  corps,  source  de  jouissances  adorées, 
«  comme  pour  le  mieux  posséder;  sa  tète  se  retire 
«  doucement  entre  ses  deux  épaules,  on  sent  qu'il 
«  cherche  à  oublier  le  monde,  désormais  indifférent 
«  pour  lui  ;  il  s'est  fait  odeur,  il  s'est  fait  saveur,  et  il 


N-  Q.   —  DE  LA  PHYSIONOMIE.  455 

((  se  renferme  en  lui-même  avec  une  componclion 
«  significative.  » 

En  présence  de  cet  accord  des  organes,  on  ne  peut 
s'empêcher  de  reconnaître  que  tout  être  vivant  est 
essentiellement  un.  Il  n'est  en  lui  aucun  organe  qui 
souffre  ou  qui  jouisse  sans  qu'immédiatement  toute 
l'économie  du  corps  en  soit  impressionnée. 

C'est  en  vertu  de  cette  même  sympathie  que  le  front, 
les  sourcils,  les  joues  entrent  pour  une  grande  pari 
dans  la  physionomie. 

La  mobilité  du  front  contribue  singulièrement  à 
l'expression  de  certaines  passions.  Les  muscles  fron- 
taux excellente  interpréter  la  joie,  la  tristesse,  l'eiTroi, 
l'attention  soutenue. 

Les  sourcils  ne  jouent  pas  un  moindre  rôle  dans 
l'ensemble  de  la  physionomie.  Ils  donnent  souvent  de 
la  grâce  au  visage,  mais  parfois  aussi  ils  en  accen- 
tuent l'expression  d'une  manière  très  rude  :  alors  ils 
sont  la  marque  de  létonnement,  de  la  stupéfaction, 
l'indice  de  la  frayeur  ou  de  la  colère. 

D'ordinaire  un  froncement  sourciller  spécial 
annonce  le  mécontentement  et  la  mauvaise  hu- 
meur. 

Buffon  ne  se  trompait  pas  quand  il  assimilait  les 
sourcils  aux  ombres  d'un  tableau  qui  en  relèvent  les 
couleurs  et  les  formes. 


436  N.  Q.  —  DE  LA  PHYSIONOMIE. 

Une  figure  dépourvue  de  sourcils  nous  paraîtrait 
incomplète,  souvent  même  repoussante. 

Les  régions  latérales  et  moyennes  du  visage  appelées 
joues  sont  servies  chacune  par  un  certain  nombre  de 
muscles  importants  :  le  muscle  buccinateur  (1),  le 
masséter  (2),  le  grand  et  le  pelit  zygomatiques,  une 
portion  du  peaucier,  et  par  un  tissu  cellulaire  abon- 
dant. 

Les  sentiments  et  les  passions  viennent  surtout  se 
refléter  et  s'épanouir  sur  les  joues.  Les  émotions  in- 
térieures, par  un  accroissement  ou  un  ralentissement 
du  sang,  les  colorent  subitement  ou  leur  donnent 
une  pâleur  à  laquelle  personne  ne  se  méprend. 

Ces  mouvements  d'expression,  dans  les  larmes 
comme  dans  le  rire,  sont  inséparables  soit  du  jeu  des 
yeux,  soit  des  mouvements  de  la  bouche.  Leur  re- 
lation intime  avec  ces  deux  organes  est  très  visible. 

Nous  avons  vu  dans  les  mouvements  directs  ou 
immédiats  de  la  physionomie  le  dessin  des  diverses 
sensations  provenant  du  monde  extérieur.  Ces  mou- 
vements, etîet  de  la  valeur  qualificative  de  la  sensa- 

(1)  Situé  clans  l'épaisseur  do  la  joue.  Lorsque  les  lèvres  sout  raj)- 
prochées,  il  applique  les  joues  contre  les  arcades  dentaires,  soit  pour 
faciliter  la  mastication,  soit  pour  pousser  Pair  hors  de  la  bouche. 

(2)  Le  masséter  sert  aux  niouvoments  de  la  mâchoire  dans  la  mas- 
tication. 


N.   Q.  —   DE   L\  PHYSIONOMIE.  437 

tion_,  prêtent,  par  une  loi  d'équilibre  et  de  retour 
compensateur,  leur  concours  à  chaque  organe  pom* 
faciliter  l'impression  des  sentiments  intérieurs  que  les 
nerfs  doivent  transmettre  au  cerveau.  On  appelle  ces 
autres  mouvements:  mouvements  auxiliaires. 

Quant  aux  sensations  douloureuses  telles  que  la 
faim,  la  soif,  certains  malaises  physiques,  leurs  expres- 
sions varient  selon  les  individus,  les  habitudes,  les 
tempéraments. 

L'expression  particulière  à  ces  sensations  se  traduit 
surtout,  lorsque  la  sensation  est  douloureuse,  par  une 
altération  générale  et  spéciale  des  traits  de  la  face  ; 
si  elle  est  la  preuve  d'un  appétit  exagéré  des  sens, 
par  l'éclat  inusité  et  fébrile  du  regard. 

DE   LA    SENSIBILITÉ   AFFECTIVE 

(passions  de  l'aue) 

Les  mouvements  pathognomoniques  (1]  sont  les 
marques  extérieures  des  passions. 

Par  l'habitude,  en  devenant  la  traduction  des  sen- 
timents moraux,  des  désirs,  des  passions,  des  diver- 
ses émotions,  ces  mouvements  s'impriment  et  se  fé- 

(1)  Pathognomo^iique :  se  dit  des  signes  caractéristiques  d'uiie  af- 
fection. 


458  N.  Q.  —   DE  LA  PHYSIONOMIE. 

condent  sur  le  visage  de  ceux  qu'ils  agitent  souvent. 

Ils  se  produisent  avec  le  concours  du  front,  des 
sourcils  dont  la  contraction  rapide  permet  d'apprécier 
les  moindres  modifications  du  moi,  dans  le  regard 
surtout,  qui,  indiscrètement,  dévoile  sans  que  nous 
nous  en  doutions  les  plus  intimes  de  nos  sensations  ; 
dans  les  joues  que  la  passion  colore  ou  fait  pâlir  ; 
dans  les  lèvres,  qui,  certes,  ne  jouent  pas  le  dernier 
rôle  dans  tout  cet  ensemble  de  la  physionomie.  Se 
prêtant  à  toutes  les  combinaisons,  les  lèvres  ont,  dans 
l'envie  comme  dans  le  mépris,  dans  la  haine  comme 
dans  l'amour^  dans  la  douleur  comme  dans  le  plaisir, 
des  mouvements  particuliers  qui  symbolisent  admira- 
blement les  affections  bienveillantes  ou  malveillantes. 

Ces  mouvements  instantanés  et  involontaires  peu- 
vent être  pour  la  plupart  couramment  imités,  ils  ser- 
vent beaucoup  dans  la  mimique  faciale  et  suppléent 
parfois  d'une  manière  saisissante  au  langage  articulé. 

De  même  que,  en  touchant  aux  mouvements  d'ex- 
pression des  sensations,  nous  rencontrions  la  sensi- 
bilité à  l'état  plus  spécialement  passif  puisque  ces 
mouvements  dépendaient  directement  du  mode  d'im- 
pression faite  sur  les  organes,  de  même  ici  nous 
rencontrons  la  sensibilité  plus  spécialement  à  l'état 
actif  ou  affectifs  puisque  le  sens  donné  ici  au  mot 
passion  équivaut  à  ceci  :  principe  de  toute  activité 


N.   Q.  —  DE   LA  PHYSIONOMIE.  4o9 

provenant  du  désir,  de  Taversion  ou  de  l'irritabilité. 

On  divisera  donc  les  passions  en  passions  concu- 
piscibles  ou  passions  qui  naissent  de  la  concupis- 
cence ou  du  désir  ;  en  passions  répulsives  ou  passions 
qui  naissent  de  l'aversion  ;  en  passions  irascibles  ou 
passions  qui  naissent  de  l'irascibilité. 

Spurzheim  a  adopté,  d'après  son  système  phréno- 
logique,  une  classification  des  passions  qui  pourrait 
se  rapporter  suivant  leur  genre  à  l'un  des  trois  groupes 
que  nous  adoptons. 

Quant  à  Fourier,  qui  ne  voit  dans  les  passions  que 
divers  modes  iV attraction^  il  ne  paraît  pas  avoir  tenu 
assez  compte  de  certaines  antipathies  de  l'âme,  de 
certaines  fureurs  toutes  spontanées  dans  lesquelles 
il  n'est  guère  possible  de  faire  intervenir  l'attraction 
que  par  un  véritable  jeu  de  subtilité. 

Examinons  maintenant  au  point  de  vue  physiono- 
mique  ces  trois  groupes  de  passions. 

Les  passions  concupiscibles  ou  expansives  ont  leur 
source  dans  le  désir.  Répondant  à  des  besoins  du 
corps,  du  cœur,  de  l'esprit,  de  l'imagination  et  de 
l'état  de  la  société,  elles  sont  physiques,  morales, 
intellectuelles  et  sociales. 

Le  désir  en  soi  est  un  mouvement  spontané  ou  ré- 
fléchi qui  aspire  à  la  possession  d'un  bien  ou   de  ce 
qu'on  regarde  comme  un  bien. 


460  N.  0.   —  DE   LA  PHYSIONOMIE. 

Spontanés  ou  réfléchis,  les  désirs  idiosyncrasi- 
ques  (1),  lorsqu'ils  sont  violents,  deviennent  des 
passions  par  leur  réitération  fréquente;  et  jusqu'à  ce 
que  celles-ci  soient  satisfaites,  elles  bouleversent 
quelquefois  si  profondément  notre  être  qu" elles  affo- 
lent l'esprit.  C'est  bien  alurs  que  les  manifestations 
externes  du  moi  deviennent  visibles  et  qu'on  le  sent 
vivre  et  s'agiter  sous  l'enveloppe  du  corps  qui  l'em- 
prisonne et  limite  son  action. 

Dans  toutes  les  passions  concupiscibles  où  la  satis- 
faction prime  les  autres  émotions,  comme  dans  la 
sensualité,  l'amour  charnel,  la  figure  humaine  est 
comme  enluminée  par  l'espérance  de  la  possession  : 
c'est,  on  le  dirait  presque,  une  dilatation  soudaine 
des  muscles  qui  fait  circuler  plus  à  l'aise  les  courants 
de  la  vie. 

Cependant,  lorsque  le  regret,  la  crainte,  l'avarice, 
l'envie,  la  jalousie,  la  cupidité,  la  convoitise,  se  trou- 
vent mêlés  aux  passions  concupiscibles,  l'épanouisse- 
ment des  traits  disparaît  alors,  la  face  ne  rayonne 
plus,  et  un  éclat  concentré  du  désir  jaloux  ou  craintif 
se  réfugie  dans  le  regard.  En  paiiaiit  de  cette  con- 
voitise malhonnête,  on  peut  dire  avec  vérité  qu'elle  a 

(1)  Idiosyncraxie  :  disposition  qui  fait  que  chaque  individu  a 
une  susceptibilité  particulière,  une  manière  à  lui  propre  d'être  in- 
fluencé par  les  divers  agents  capables  d'impressionner  d'une  façon 
quelconque  nos  organes. 


N.   Q„   —  DE  LA   PHYSIONOMIE.  46} 

l'œil  ardent,  la  bouche  sèche,  les  mains  vides,  et 
ajoutons  avec  Voltaire  qu'alors  le  désir  est  une  dou- 
leur commencée. 

Dans  la  gourmandise,  l'œil  s'ouvre  si  démesuré- 
ment et  se  fixe  avec  tant  de  persévérance  sur  cer- 
taines friandises  que  Fon  dit  du  gourmand  qu'il  les 
mange  du  regard.  Ses  narines  se  réjouissent  en  aspi- 
rant le  fumet  qui  s'élève  d'un  mets  ;  la  bouche 
distille  une  salive  abondante  pour  faciHter  d'avance 
les  actes  de  la  déglutition,  les  joues  se  colorent  et 
témoignent  ainsi  du  contentement  intérieur  qu'é- 
prouve le  gourmand. 

L'homme  amoureux  ne  peut  dérober  aux  autres  le 
secret  qui  émeut  ou  trouble  son  cœur;  son  regard 
animé  trahit  ses  ardeurs.  La  concupiscence,  dans 
toute  la  force  du  mot,  attise  ce  feu  et  darde  ces  étin- 
celles que  le  langage  métaphorique  des  poètes  a 
rendus  familiers  dans  tous  les  pays.  En  observantle  pre- 
mier amoureux  venu,  on  constatera  que  la  bouche 
toujours  prêle  à  sourire  se  dessine  gracieusement, 
que  les  angles  des  lèvres,  légèrement  relirés  vers  les 
joueS;,  contribuent  à  les  arrondir,  que  la  face  respire 
la  joie,  que  le  front  dégagé  de  toute  ride  se  dé- 
veloppe harmonieusement  avec  l'ensemble  des  traits 
et  apporte  ainsi  sa  part  à  l'expression  du  désir  ré- 
pandue sur  tout  le  visage. 


462  N.   Q.  —  DE  LA   PHYSIONOMIE. 

Ainsi  donc,  pour  les  besoins  physiques  comme  pour 
les  besoins  du  cœur,  l'expression  du  visage  inter- 
prète éloquemment  et  immédiatement  le  degré  de 
passion  qui  nous  tourmente  et  nous  tient  sous  sa 
puissance. 

Il  en  est  de  même  pour  les  passions  qui  ont  leur 
source  dans  les  besoins  sociaux  ou  intellectuels. 

Regardez  l'homme  qui  n'a  d'autre  passion  que  celle 
des  arts  ;  amoureux  du  beau  sous  toutes  les  formes, 
vous  le  voyez  soudain,  à  l'aspect  d'une  œuvre  d'art, 
dans  le  ravissement  qui  indique  les  grandes  passions  ; 
l'œil  ardent  n'exprime  plus  cependant  cette  convoi- 
tise qui  se  trouve  dans  le  regard  de  l'amoureux.  C'est 
bien  toujours  une  flamme,  mais  une  flamme  plus  sub- 
tile, plus  immatérielle  qui  indique  la  nature  esthé- 
tique de  la  passion. 

Pour  les  passions  qui  ont  leur  origine  dans  les  be- 
soins sociaux,  il  y  a  ce  je  ne  sais  quoi  d'inquiet  que 
trahit  une  certaine  mobilité  de  l'œil. 

Les  muscles  de  la  joue  donnent  au  bas  du  visage 
et  aux  faces  latérales  une  dureté  d'expression  qui  se 
retrouve  chez  l'ambitieux  comme  chez  l'homme  avide 
de  commandement  ;  les  sourcils  se  baissent  et  par- 
fois se  froncent  par  l'habitude  et  la  réflexion  des 
préoccupations  et  des  déterminations  à  prendre;  il  y 
a  dans  toute  la  physionomie  un  air  de  décision  et 


N.   Q.   —   DE   LA  PHYSIONOMIE.  4C3 

d'enthousiasme  qu'on  rencontre  principalement  chez 
heaucoup  de  mihtaires  au  type  martial. 

Parmi  les  passions  répulsives,  prenons  comme 
exemple  la  crainte  ou  plutôt  la  peur. 

Les  traits  du  peureux  sont  curieux  à  observer  : 
lorsfpi'il  est  en  proie  à  l'un  de  ses  accès,  le  visage  se 
décolore  subitement,  les  sourcils  se  relèvent  et  de- 
meurent dans  cet  état  de  contraction  pendant  que 
l'œil,  démesurément  ouvert,  semble  regarder  quelque 
chose  d'invisible  ;  la  bouche  et  les  lèvres  sont  béantes, 
tous  les  muscles  s'agitent,  et  les  membres  fléchissent 
au  point  d'empêcher  parfois  la  fuite.  Sans  doute,  ces 
effets  ne  sont  pas  toujours  aussi  caractéristiques,  mais, 
à  un  degré  plus  ou  moins  prononcé,  on  les  retrouve 
chez  la  plupart  des  peureux. 

La  haine  a  également  des  caractères  tout  particu- 
liers de  physionomie. 

On  trouve,  parfaitement  exprimé  sur  la  figure,  ce 
sentiment  du  jnoi  envieux  et  jaloux  qui  le  pousse  à 
éloigner  l'objet  de  son  aversion  et  même  à  lutter 
contre  lui  pour  le  détruire  :  la  peau  du  front  se  ride, 
les  sourcils  se  froncent,  l'œil  a  un  éclat  métallique  tout 
particulier,  les  ailes  du  nez  se  tendent,  les  lèvres  se  res- 
serrent comme  pour  empêcher  le  sentiment  de  s'échap- 
per, les  régions  latérales  du  visage  sont  tirées  nerveu- 
sement et  ne  peuvent  dissimuler  une  répulsion  fébrile. 


if)4  N.  Q.   —  DE   LA  PIIYSIONOMIE. 

Examinons  les  caractères  principaux  des  passions^ 
irascibles. 

Toute  colère,  étant  un  besoin  excessif  de  réaction 
déterminé  par  une  souffrance  physique  ou  morale,  se 
traduit  selon  les  circonstances  par  l'impatience,  l'em- 
portement, la  violence  et  la  fureur.  Suivant  les  tem- 
péraments, elle  peut  varier  dans  sessymptômescdmme 
dans  son  caractère.  La  colère  rouge  et  la  colère  pâle 
sont  les  deux  formes  qu'elle  affecte. 

Les  individus  sanguins  sont  plus  exclusivement 
disposés  à  la  colère  rouge. 

Quand  cette  colère  se  produit,  le  cœur  bat  violem- 
ment et  le  sang,  refluant  vers  les  extrémités,  colore 
la  face  qui  va  jusqu'à  devenir  parfois  violette.  Cet  état 
donne  naissance  à  des  mouvements  brusques  et  sac- 
cadés dont  on  ne  peut  se  rendre  maître  ;  la  respi- 
ration se  presse,  les  veines  du  visage  et  du  cou  se 
gonflent,  l'œil  lui-même  est  injecté  de  sang  et  paraît 
se  détacher  de  son  orbite  ;  en  même  temps,  les  mus- 
cles des  lèvres,  agissant  brusquement  sur  elles,  met- 
tent les  dents  à  découvert,  d'où  l'expression  «  mon- 
trer les  dents  à  quelqu'un  »,  les  paroles  s'accumulent 
et  se  heurtent  sans  pouvoir  sortir  de  la  bouche  qui 
laisse  échapper  des  exclamations  violentes  et  entre- 
coupées. 

Bans  la  colère  blanche,  qui  se  remarque  surtout 


N.   Q.  —  DE   LA   PHYSIONOMIE.  468 

chez  les  individus  lymphatiques,  le  sang  paraît  au 
contraire  se  refouler  vers  le  cœur,  la  respiration  est 
oppressée,  le  pouls  petit,  mais  fréquent,  le  regard 
fixe,  les  mâchoires  violemment  serrées,  une  sueur 
froide  se  répand  par  tout  le  corps,  et  la  face,  immo- 
bile et  silencieuse,  semble  ne  vouloir  concentrer  son 
émotion  que  pour  en  mieux  favoriser  l'explosion. 

Généralement,  dans  ces  aveugles  transports, 
l'homme  n'écoute  plus  la  voix  de  la  raison. 

DE  LA  SENSIBILITÉ  INTELLECTUELLE. 

(opérations  de  l'esprit.) 

A  côté  du  monde  physique  et  du  monde  affectif  est 
un  autre  monde,  monde  tout  intérieur  que  nous  nous 
faisons  à  nous-mêmes,  monde  intellectuel  où  le  sa- 
vant, le  littérateur,  le  poète,  l'artiste,  le  voluptueux 
même  se  créent  des  jouissances  idéales  d'un  charme 
sans  pareil,  d'une  fraîcheur  sans  égale. 

Toutes  les  idées,  bien  qu'elles  soient  notre  propre 
création  et  qu'elles  n'existent  que  dans  le  cerveau, 
acquièrent  bientôt,  néanmoins,  en  vertu  de  la  puis- 
sance visuelle  de  l'imagination,  une  certaine  réa- 
lité extérieure  en  quelque  sorte  à  nous-mêmes  et, 
grâce  au  caractère  intime  de  cette  réalité,  exercent 
quelquefois  sur  nous  la  plus  grande  influence. 

30 


466  N.   Q.   —   DE   LA   PHYSIONOMIE. 

Or,  l'union  existant  entre  Tànie  et  le  corps  est  telle- 
ment entière,  qu'il  est  à  peu  près  impossible  que  les 
produits  de  l'esprit  ne  se  manifestent  visiblement  par 
un  signe  particulier  qui  est  comme  la  contre-épreuve 
de  l'image  de  la  pensée. 

Ces  mouvements  d'expression  prennent,  lorsqu'ils 
décèlent  l'effort  venant  même  d'un  esprit  non  cultivé, 
le  nom  de  sijmboliques . 

L'exemple  du  joueur  de  billurd  cité  par  M.  Che- 
vreul  est  assez  frappant  :  la  bille  vient-elle  à  tromper 
l'attente  de  celui  qui  l'a  poussée,  immédiatement  vous 
voyez  le  joueur  prendre  diverses  attitudes  et  changer 
graduellement  de  physionomie  ;  ses  yeux,  sa  tête,  ses 
épaules,  son  bras  accompagnent  la  bille  dans  son 
trajet,  comme  si,  par  ces  mouvements,  parfois  comi- 
ques pour  les  autres  spectateurs,  il  pouvait  augmenter 
ou  diminuer,  redresser  ou  infléchir  le  parcours  inat- 
tendu de  sa  bille. 

Disons  toutefois  que  les  mouvements  symboliques  se 
distinguent  des  mouvements  f///rc/5par  deux  caractères 
bien  tranchés  :  1"  ils  sont  habituellement  plus  faibles; 
2°  ils  sont  généralement  accomplis  automatiquement, 
c'est-à-dire  en  dehors  de  la  volonté  de  l'individu. 

Il  est  une  dernière  classe  de  mouvements  pliysio- 
nomiques  qu'il  est  également  nécessaire  de  signaler. 

Les  opérations  intellectuelles  peuvent  être  expri- 


N.   Q,   —  DE   L\   PHYSIONOMIE.  467 

niées  parties  termes  désignant  les  phénomènes  propres 
aux  opérations  corporelles;  dans  le  langage  habituel 
on  dit  métaphoriquement  :  Je  sens,  je  goûte  :  j'entends 
cette  proposition,  bien  que  les  sens  du  goût,  de 
l'ouïe,  de  l'odorat  ne  soient  nullement  en  jeu  dans 
cette  circonstance. 

A  ces  métaphores  du  langage  se  joignent  générale- 
ment des  mouvements  d'expression  qui  indiquent 
métaphoriquement  dans  le  langage  de  la  forme  visible 
les  jugements  que  nous  portons  sur  les  choses  d'art, 
de  style,  etc.. 

On  Voit  que,  si  une  proposition  nous  agrée  et  est 
acceptée  par  l'esprit,  nous  témoignons  notre  senti- 
ment par  des  mouvements  parfaitement  intelligibles  ; 
l'œil  s'ouvre  plus  grand  et  montre  avec  évidence  sa 
satisfaction  comme  dans  l'acte  de  la  vision  facile  ;  les 
narines  se  gonflent  comme  si  un  parfum  était  aspiré  ; 
la  bouche  indique  de  diverses  manières  son  conten- 
tement, elle  s'arrondit  avec  grâce  et  semble  dé- 
guster une  hqueur  d'un  goût  particulier.  —  L'idée 
soumise  au  jugement  nous  paraît-elle  difflcile  à 
examiner,  l'expression  des  traits  change  soudain,  les 
yeux  semblent  voir  avec  peine  et  deviennent  interro- 
gateurs ;  les  narines  se  resserrent  comme  pour  ne  pas 
aspirer  une  odeur  suspecte  ;  on  dirait  que  les  oreilles 
écoutent  des  sons  confus. 


468  N.   Q.   —  DE   LA   PHYSIONOMIE. 

Ce  qu'on  nous  dit  nous  révolle-t-il,  on  agile  vio- 
lemment la  tète  comme  pour  se  débarrasser  d'un 
poids  importun  ;  toutes  les  expressions  physiques 
du  dégoût  ou  de  l'horreur  se  réunissent,  témoignant 
ainsi  extérieurement  de  la  souffrance  intellectuelle 
que  nous  éprouvons. 

Des  in-quarto  ne  suffiraient  pas,  s'il  fallait  retracer 
ici  l'innombrable  quantité  de  mouvements  métapho- 
riques qui,  dans  la  vie  quotidienne,  se  joignent  aux 
paroles  pour  exprimer,  pour  rendre  ce  que  la  parole 
est  parfois  incapable  de  traduire. 

La  description  suivante,  empruntée  à  Gratiolet, 
fera  bien  ressortir  rextréme  variété  de  ces  mouve- 
ments : 

«  On  rencontrait  souvent  autrefois  et  l'on  trouve 
«  encore  aujourd'hui  quelques-uns  de  ces  lecteurs 
«  délicats,  dont  l'espèce  était  très  commune  au  com- 
«  mencement  de  ce  siècle. 

«  J'en  ai  vu  lire'  quelques-uns  ;  il  me  semble  les 
«  voir  encore. 

«  Ils  se  recueillaient  doucement,  rapprochant  au- 
«  tant  que  possible  leur  livre  de  leurs  yeux  à  demi 
«  fermés  par  un  léger  sourire.  Cependant,  leurs 
«  narines  semblaient,  par  leurs  mouvements,  à  la 
«  lecture  de  certaines  pages,  s'enivrer  d'un  parfum 
«  céleste  ;  mais  combien  plus  éloquents  encore  étaient 


N.   Q.   —    DE   LA  PilYSIÛNO.MIE.  469 

«  les  mouvements  de  leur  bouche  !  les  lèvres,  amou- 
«  reusement  souriantes,  dégustaient  avec  délices  ;  de 
«  petites  fossettes  se  dessinaient  alors  sous  les  joues, 
«  exprimant  une  attention  soutenue  etcharraée;  puis, 
«  à  la  suite  de  ces  mouvements,  survenait  une  dé- 
«  glutition  satisfaite  ;  on  voyait  alors  notre  lecteur  se 
('  rengorger  légèrement,  et  la  scène  se  terminait  par 
«  un  soupir  fpi'accompagnait  parfois  un  petit  appel 
«  de  langue  tout  à  fait  significatif.  Tout  cela  ne  nous 
«  dit-il  pas  que  le  lecteur  charmé  s'enivrait  à  la  fois 
c(  delà  saveur  du  style,  des  ingrédients  de  la  phrase, 
«  des  parfums  de  Texpression?  —  Or,  d'un  homme 
«  qui  lit  ainsi,  vous  direz  :  C"est  un  homme  de  goût, 
«  n'est-ce  pas  une  preu\e  entre  mille  que  les  méta- 
«  phores  physiognomoniques  sont  parallèles  aux  mé- 
«  taphores  du  langage?  » 

Parmi  les  mouvements  métaphoriques,  les  (/estes  et 
les  attitudes  du  corps  sont  sans  contredit  ceux  qui 
jouent  les  rôles  les  plus  considérables. 

En  raison  de  cette  importance  nous  leur  consacrons 
deux  notes  distinctes. 

Pour  résumer  la  note  sur  la  physionomie,  nous 


470  N.    Q.   —   DE   LA   PHYSIÛ.NOMIE. 

disons  que  les  mouvements  d'expression  des  traits 
du  visage  se  décomposent  : 

1°  Pour  la  sensibilité  physique ,  en  mouvements 
directs  et  sympathiques; 

2°  Pour  la  sensibilité  affective,  en  mouvements 
pathognomoniqiies  ; 

3°  Pour  la  sensibilité  intellectuelle,  en  mouvements 
sijmboliques  et  métaphoriques. 


NOTE   R 


DU  GESTE 


DEUXIEME     TABLEAU 


NOTE  R 


DU    GESTE. 


La  Chirologie  et  plus  spécialement  le  Geste,  com- 
prennent les  mouvements  du  bras,  de  la  main  et  des 
doigts. 

Comme  la  physionomie,  le  geste  sert  à  dessiner  par 
analogie  nos  sensations,  nos  émotions  et  nos  volontés. 

Si  rétude  du  jeu  de  la  physionomie  avait  dans 
l'antiquité  moins  de  faveur  qu'aujourd'hui,  sur  la 
scène  du  moins,  puisque  là  ils  se  servaient  de  mas- 
ques;, il  n'en  était  pas  de  même  du  geste  proprement 
dit.  —  Nous  voyons,  chez  les  anciens,  que  l'art  du 
geste  était  de  tous  les  arts  libéraux  celui  qu'ils  pra- 
tiquaient le  plus.  Ils  excellaient  dans  la  mimique 
manuelle  et  poussaient  le  scrupule  si  loin  que  chez 
eux  elle  était  souvent  séparée  du  débit  :  pour  exé- 
cuter un  même  rôle,  il  y  avait  deux  acteurs,  l'un 
parlait  et  l'autre  gesticulait. 

Dans  l'art  oratoire,  Démosthène  réduisait  presque 


474  N.   H.   —   DU   GESTE. 

tout  à  l'action,  c'est-à-dire  au  geste  qui  accompagne 
la  diction.  Selon  lui  Y  action  était  le  commencement, 
le  milieu  et  la  fin  du  génie  de  l'orateur. 

Cicéron  appelait  l'action  oratoire  le  langage  du 
corps,  sermo  corporis  ;  dans  ses  divers  traités  de 
rhétorique,  il  lui  consacre  une  place  importante. 

Fénelon  dit  à  son  tour  :  «  Il  faut  que  l'orateur 
exprime  par  une  action  vive  et  naturelle  ce  que  ses 
paroles  seules  n'exprimeraient  que  d'une  manière 
languissante.  » 

Et  cela  est  bien  vrai  quand  on  songe  que  le  langage 
d'action  qui  s'adresse  surtout  au  sentiment,  nous 
alTecte  bien  plus  vivement  que  la  parole  convention- 
nelle qui  s'adresse  surtout  à  l'intelligence. 

Rien  en  efîetde  plus  significatif  et  de  plus  expressif 
que  le  geste,  surtout  lorsqu'il  s'harmonise  avec  la 
voix  :  naturel  ou  affecté,  froid  ou  passionné,  bas  ou 
noble,  caressant  ou  menaçant,  il  est  certainement 
limage  fidèle  de  l'homme  intérieur  par  Ihomme 
extérieur. 

Dans  leurs  mouvements,  les  bras  et  les  mains  em- 
pruntent toujours  un  cachet  tout  personnel  de  raideur 
ou  de  nonchalance,  de  vivacité  ou  de  douceur,  de 
vulgarité  ou  de  dignité,  selon  le  sexe,  l'âge,  le  carac- 
tère, le  tempérament  et  les  (jualilés  bienveillantes  ou 
malvoillanles  de  l'individu. 


N.    R.   —  DU   GESTE.  475 

Grâce  à  cette  faculté  que  la  main  possède  de  pou- 
voir opposer  le  pouce  aux  autres  doigts,  nous  lui 
sommes  redevables  de  tous  les  arts.  Cette  précieuse 
mobilité  en  fait  également  dans  le  cas  qui  nous  oc- 
cupe l'interprèle  le  plus  fidèle  de  nos  pensées  et  de 
nos  sentiments. 

C'est  par  cet  attribut,  dii  Montaigne,  que  nous  re- 
quérons, promettons,  appelons,  congédions,  mena- 
çons ,  prions  ,  supplions  ,  refusons  ,  interrogeons  , 
commandons,  imitons,  encourageons,  témoignons,  ac- 
cusons, condamnons,  absolvons,  méprisons,  applaudis- 
sons, bénissons,  moquons,  humilions,  réconcilions, 
écrions,  taisons,  etc. ,  etc.  —  Son  rôle  on  le  voit  est  de 
tous  les  instants,  et  il  n'est  point  d'acte  physique,  sen- 
sible, ou  purement  moral  et  intellectuel,  dont  elle  ne 
puisse  exprimer  la  valeur;  aussi  Yirey  n'a-t-il  pas  été 
trop  loin  lorsqu'il  a  appelé  la  main  l'organe  par  ex- 
cellence. 

Yoyons  maintenant  le  rôle  que  joue  le  geste  dans 
la  plupart  des  mouvements  qui  se  rapportent  à  un 
i\c[e  p/njsiqiie,  affectif  o\x  intellectuel. 

GESTE  DE   L'ORDRE  PHYSIQUE. 

Au  point  de  vue  purement  physique,  la  main  nous 
sert  à  saisir  les  objets  ou  à  les  repousser,  à  les  fa- 
çonner ou  à  les  détruire. 


476  X.    R.  —  DU   GESTE. 

Envisagés  sous  ce  quadruple  aspect,  ces  mouve- 
ments nous  donneront,  par  la  suite,  la  clef  de  bien 
des  mouvements  dans  les  gestes  de  l'ordre  affectif  ou 
intellectuel. 

Et  ce  n'est  qu'après  avoir  étudié  au  point  de  vue 
physique,  affectif  ou  intellectuel  le  rôle  naturel  du 
bras  et  de  la  main  qu'il  sera  possible  de  concevoir  net- 
tement la  vérité  de  leur  jeu  dans  l'improvisation 
simulée  et  dans  la  lecture  expressive. 

Dans  les  opérations  physiques,  la  main  et  le  bras 
sont  les  instruments  dont  notre  moi  se  sert  pour  se 
mettre  en  relation  par  l'organe  du  toucher  avec  le 
monde  extérieur. 

Quand  on  désire  s'approprier  un  objet,  la  main 
guidée  par  l'organe  de  la  vue  se  dirige  vers  lui; 
alors  les  mouvements  du  bras  sont  plus  ou  moins 
rapides,  plus  ou  moins  gracieux,  suivant  que  le  dé- 
sir qui  nous  excite  est  plus  ou  moins  ardent,  plus  ou 
moins  sincère  ou  spontané. 

Il  serait  impossible  de  trouver  dans  la  langue  des 
termes  précis  pour  caractériser  nettement  la  diffé- 
rence, sensible  à  l'œil  cependant,  des  mouvements 
qui  par  exemple  procèdent  de  la  curiosité  ou  de  Ta- 
mour. 

Dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas,  le  désir  a  des 
degrés    qui  se  traduisent   instinctivement    par   des 


N.    R.   —  DU   GESTE.  1-77 

moiivoments  correspondants  de  lenteur  ou  de  promp- 
titude. Quelque  chose  d'arrondi  dans  le  dégagement 
du  bras  accompagne  les  mouvements  des  désirs 
amoureux,  tandis  que  ceux  de  la  curiosité  sont  géné- 
ralement brusques,  secs,  dépourvus  de  ce  que  l'on  est 
convenu  d'appeler  le  charme. 

Pour  repousser  un  objet,  les  mouvements  en  sens 
inverse  se  retrouvent  avec  les  mêmes  nuances  de 
rapidité  ou  de  lenteur,  selon  que  la  curiosité  satisfaite 
ou  l'aversion  nous  porte  à  nous  en  débarrasser. 

L'objet  déplait-il?  nous  le  lançons  ou  l'écartons 
avec  violence  suivant  sa  nature  ou  nos  forces  ;  veut- 
on  simplement  s'en  défaire,  on  le  dépose  tranquille- 
ment à  côté  de  soi,  avec  une  certaine  précaution,  et. 
dans  ce  dernier  cas,  on  agit  avec  une  prudence  dont 
le  degré  varie  suivant  la  fragilité  de  l'objet. 

La  main  sert-elle  d'instrument  pour  façonner,  les 
mouvements  appropriés  au  but  du  travail  adoptent 
mille  formes  et  leurs  degrés  de  vivacité  ou  de  lenteur, 
de  force  ou  de  délicatesse,  ont  encore  leur  régulateur 
dans  la  nature  de  l'œuvre,  la  qualité  de  la  matière, 
l'ardeur  de  la  volonté. 

Les  gestes  qui  accompagnent  la  destruction  sont 
moins  variés. 

La  violence  et  la  nature  du  geste  sont  en  raison 
des   difficultés  rencontrées    pour  anéantir  un   ob- 


4~8  is.   R.   —   DU  GESTE. 

jet,  en   raison  aussi  de  Tirascibilité   du   caractère. 

De  ces  quatre  sortes  de  gestes  accompagnant  les 
opérations  physiques  et  qui^,  dans  le  cours  liabituel  de 
la  vie,  se  trouvent  multipliés  à  l'infini,  nous  ne  dis- 
tinguerons que  le  caractère  général  ;  vouloir  les  ana- 
lyser en  détail  serait  superflu  et  n'aurait  d'ailleurs 
aucune  utilité  pratique. 

Les  gestes  iïappréJieyisioii  partent  du  centre  per- 
sonnel pour  aller  à  l'extérieur  saisir  l'objet  que  nous 
ramenons  ensuite  vers  l'organe  principal  qui  peut  en 
connaître  les  qualités  ;  leur  fin  est  intérieure. 

Les  gestes  de  répulsion  ou  d'éloignement  partent 
aussi  du  centre  pour  rejeter  ou  déposer  à  l'extérieur 
les  objets  dont  on  ne  veut  plus;  leur  fin  est  exté- 
rieure. 

Les  gestes  de  fabrication  s'exerçant  sur  un  objet 
extérieur  à  nous,  concordent  avec  le  travail  intérieur 
de  la  pensée  dont  ils  ne  sont  que  la  formule  exté- 
rieure ;  on  les  appellera  mouvements  concordants^ 
leur  fin  étant  de  façonner  sympathiqucment  à  l'exté- 
rieur ce  que  nous  fabriquons  sympathiquement  en 
nous. 

Enfin  les  gestes  de  destruction  s'exerçant  égale- 
ment sur  un  objet  extérieur  indiquent  Tétat  de  dis- 
sentiment qui  existe  entre  l'esprit  et  cet  objet.  On  les 
appelera  discordants ,  leur  fin  étant  de  manifester  vi- 


i\.    ïi.   —  DU   GESTE.  4:9 

siblement  le  désaccord  qui  existe  entre  la  volonté 
et  l'objet  extérieur. 

Ainsi,  à  ces  deux  termes p?'e)idre  et  éloigner  cor- 
respondent deux  classes  de  gestes  qui  ont  cependant 
dans  leur  division  un  caractère  commun  :  1°  pour 
V appréhension,  mouvements  de  dedans  en  dehors, 
puis  de  dehors  en  dedans  ;  2"  pour  Y éloignement ,  mou- 
vements de  dedans  en  dehors. 

De  même,  à  ces  deux  teimes  façonner  et  détruire 
correspondent  deux  classes  de  gestes  qui  encore  ont 
chacune  dans  leur  division  un  caractère  commun  : 
1°  mouvement  concordant  de  précaution  pour  la 
fabrication  ;  2°  mouvement  discordant  de  violence 
pour  la  destruction. 

En  dégageant  le  caractère  de  ces  gestes,  on  arrive 
à  la  certitude  philosophique  de  la  théorie  du  geste. 

GESTE  DE  L'ORDRE  AFFECTIF. 

Dans  les  gestes  de  l'ordre  affectif,  la  main  et  le 
bras  n'ont  plus  à  s'occuper  des  objets  extérieurs. 
On  les  considère  simplement  comme  les  agents  visi- 
bles et  mobiles  des  modifications  du  moi.  Ils  donnent 
aux  sentiments  passionnels  leur  meilleur  commen- 
taire, parce  qu'il  est  tout  à  la  fois  le  plus  compréhen- 
sible et  le  plus  court. 


480  N.   R,   —  DU   GESTE. 

Les  caractères  généraux  des  gestes  atîectifs  sont 
les  mêmes  que  ceux  des  gestes  qui  accompagnent 
les  opérations  physiques. 

Dans  le  désir,  les  mains,  comme  dans  les  gestes 
d'appréhension,  quittent  le  centre  pour  se  porter  à 
l'extérieur;  seulement  l'objet  du  désir  étant  insaisis- 
sable, les  mains  restent  ouvertes  et  mollement  ten- 
dues comme  si  elles  étaient  prêtes  à  prendre  l'objet 
mentalement  convoité. 

Ce  geste  est  commun  à  toutes  les  affections  qui 
ont  leur  source  dans  le  désir. 

Dans  l'aversion,  les  mains  se  portent  aussi  au 
dehors  ;  seulement  elles  s'arrêtent  à  mi-chemin  et  se 
relèvent  droites,  la  paume  tournée  vers  l'extérieur 
comme  pour  empêcher  l'objet  invisible  d'approcher 
et  pour  le  repousser. 

Dans  l'irritation,  les  bras  et  les  mains  s^agitent 
pour  briser  et  mettre  à  néant  ce  qui  fait  l'objet  du 
tourment  de  l'esprit. 

Ici  encore  la  vivacité,  la  lenteur,  la  rudesse  ou 
le  modelé  du  geste,  seront  en  raison  directe  des 
émotions,  de  leur  caractère  de  sympathie  relative, 
d'antipathie  ou  d'irritation. 

GESTES   DE    L'ORDRE   INTELLECTUEL. 

Pour  exprimer,  par  métaphore,  les  modifications 


N.    R.  —   DU  GESTE.  481 

de  la  sensibilité  intellectuelle,  les  caractères  simi- 
laires se  retrouvent  :  gestes  de  désir,  d'aversion,  de 
colère,  geste  pittoresque  ou  expressif  ayant  un  sens 
déterminé  ou  indéterminé. 

Les  gestes  naturels  ou  conventionnels  ayant  un 
sens  déterminé  ou  indéterminé  faisant  partie  de 
Tordre  affectif  ou  de  l'ordre  intellectuel  sont  les 
seuls  dont  nous  ayons  à  nous  occuper. 

En  effet,  seuls,  ils  jouent  un  rôle  dans  Y  improvisa- 
tion réelle  on  simulée,  dans  la  déclamation  ou  dans 
la  lecture  à  haute  voix. 

DES  GESTES  AYANT  UN  SENS  DÉTERMINÉ. 

«  Le  seul  moyen  de  parvenir  à  la  complète  con- 
«  naissance  du  geste,  dit  Lessing,  c'est  d'étudier  les 
«  nuances  particulières  que  nous  offrent  les  signes 
«  extérieurs  des  passions  suivant  la  variété  des  tem- 
«  péraments  et  d'en  former  une  méthode  générale 
«  qui  deviendra  d'autant  plus  vraisemblable  que  cha- 
((  que  homme  y  trouvera  la  nuance  individuelle  qui 
«  lui  est  propre.  » 

Ce  que  dit  Lessing  est  fort  juste.  Toutefois,  si  l'on 
suivait  scrupuleusement  le  conseil  qu'il  donne,  on 
courrait  risque  de  se  heurter  parfois  à  des  contra- 
dictions de  gestes  qu'il  serait  bien  difficile  d'expliquer. 

31 


482  N.    R.   —  DU  GESTE. 

Quelques  gestes  auxiliaires  indicatifs  et  quelques 
gestes  conventionnels  rentrent  également  dans  la 
classe  des  gestes  ayant  un  sens  déterminé. 

Les  gestes  ayant  un  sens  déterminé  qui  expriment 
les  diverses  modifications  du  moi  sont  expressifs  ou 
pittoresques. 

Bien  qu'il  n'y  ait  point  de  relations  nécessaires 
entre  les  gestes  volontaires  et  pittoresques,  et  les 
gestes  involontaires  et  expressifs,  on  constate  néan- 
moins que  les  gestes  pittoresques  procèdent  de  la 
volonté,  tandis  que  les  gestes  expressifs  sont  spon- 
tanés et  comme  involontaires. 

Dans  le  langage  mimique  des  passions,  c'est  sur- 
tout le  geste  expressif  ou  geste  rendant  visibles  les 
émotions  intérieures,  que  l'on  retrouve  à  chaque  ins- 
tant; c'est  donc  par  lui  que  nous  commencerons. 

Le  geste  pittoresque  ou  geste  représentant  sensi- 
blement la  peinture  de  la  chose  qui  occupe  l'esprit, 
ayant  plus  de  rapport  avec  la  langage  intellectuel, 
sera  étudié  en  second  lieu. 

Les  gestes  expressifs  peuvent  être  divisés  en  trois 
groupes  de  gestes  :  les  gestes  motivés;  les  gestes 
analogues  ;  les  gestes  physiologiques. 

Considéré  dans  sa  cause  et  dans  sa  valeur  formelle, 
le  geste  motivé  provient  des  aspirations  et  des  mou- 
vements de  l'âme  vers  les  objets  extérieurs.  Ce  geste 


N.   R.  —  DU   GESTE.  483 

fait  double  fonction,  pour  ainsi  dire  ;  en  tout  cas  il 
a  une  puissance  métaphorique,  lorsque  le  désir  s'a- 
dresse à  un  être  intelligent. 

Comme  exemple  du  geste  expressif  motivé  em- 
ployé métaphoriquement,  prenez  un  professeur 
instruisant  un  enfant.  Au  commencement  de  la  leçon, 
l'attention  de  l'élève  est  en  éveil  et  n'a  besoin  d'au- 
cun stimulant  :  il  est  tout  entier  à  l'étude.  Peu  à  peu 
cependant  l'attention  de  l'élève  se  ralentit.  —  Le  pro- 
fesseur alors  soit  en  élevant  la  voix,  soit  par  un  jeu 
plus  expressif  de  physionomie,  soit  par  une  série  de 
gestes  pittoresques  cherchera  à  occuper  ses  facultés 
prêtes  à  s'engourdir,  puis,  si  l'attention  diminue  en- 
core, vous  le  verrez  s'approcher  de  l'élève,  le  pren- 
dre par  la  main,  par  le  bras,  par  le  vêtement  pour 
l'attirer  et  même  le  secouer  au  moment  où  son  at- 
tention semble  disparaître. 

Le  geste  du  désir,  quand  il  a  pour  objet  un  être 
libre,  est  dilféreht  de  l'expression  du  désir,  qui  a 
pour  objet  un  être  passif. 

L'expression  du  désir,  dans  ce  premier  cas,  se 
révèle  par  l'emploi  habilement  ménagé  de  procédés 
moraux  et  de  moyens  physiques.  —  Selon  le  tempé- 
rament des  personnes  et  la  nature  des  rapports  qui 
existent  entre  elles,  les  gestes  sont  pleins  de  motifs 
et  s'accusent  différemment  avec  des  mines  et  des  al- 


484  N.   R.  —   DU   GESTE. 

tiliules  variées.  Tantôt  ce  sont  des  gestes  caressants 
quiflattentrorgueil,  des  expressions  de  visage  enjouées 
et  amicales  qui  charment  un  naturel  agréable,  tantôt 
ce  sont  des  expressions  naïve,  et  engageantes  qui  opè- 
rent sur  l'âme  une  heureuse  transformation,  tantôt 
enfin  ce  sont  des  attitudes  fières  et  provocantes  qui 
inspirent  la  crainte  ou  des  gestes  calculés,  accompa- 
gnés d'un  air  maussade  qui  amène  la  fatigue,  l'ennui 
et  même  le  dégoût.  Dans  le  premier  cas,  on  cède  à 
l'attraction  par  plaisir  ;  —  dans  le  deuxième  à  l'a- 
version par  déplaisir.  Dans  le  premier,  on  accorde  la 
chose  désirée  pour  récompenser  des  émotions  agréa- 
bles ;  dans  le  second  pour  s'en  épargner  de  désa- 
gréables. 

Les  gestes  qui  sont  appelés  analogues  corres- 
pondent aux  mouvements  d'expression  qui  ont  été 
appelés  symboliques  dans  la  note  précédente. 

Les  raisons  des  gestes  analogues  sont:  i"  l'in- 
fluence secrète  et  réciproque  des  idées  claires  et 
obscures;  2°  la  tendance  qu'a  le  moi  à  rapporter 
des  idées  intellectuelles  aux  idées  matérielles,  de  les 
métamorphoser  pour  ainsi  dire  en  celles-ci,  ou  du 
moins  de  les  y  enchaîner,  et,  suivant  l'instinct  qui  en 
est  la  suite,  d'imiter  par  des  modifications  corpo- 
relles et  figurées  leurs  propres  modifications  intel- 
lectuelles. 


N.    R.  —  DU  GESTE.  483 

Ils  sont  fondés  sur  cette  tendance  que  nous  avons 
de  ramener  à  des  expressions  sensibles  les  phé- 
nomènes intérieurs  de  notre  être,  comme  lorsque 
nous  écartons  de  la  main  des  idées  qui  n'existent 
que  dans  notre  for  intérieur  et  auxquelles  on  refuse 
l'assentiment,  des  fantômes  qui  n'habitent  que  dans 
le  cerveau.  Ces  gestes  sont  également  fondés  sur 
l'influence  réciproque  que  les  idées  ont  les  unes  sur 
les  autres. 

C'est  de  cette  manière  que  se  produisent  ces  mou- 
vements d'accélération  ou  de  ralentissement  dans 
les  bras  qui  s'entrelacent  ou  se  déploient,  suivant  le 
cours  des  idées,  et  ce  caractère  commun  à  tous  les 
gestes,  de  rapidité  ou  de  lenteur,  suivant  l'intensité 
du  désir. 

Cette  analogie  se  retrouve  encore  à  un  sensible 
degré  dans  le  jeu  des  mains. 

Lorsque  les  idées  se  développent  sans  difficulté, 
le  jeu  des  mains  est  Hbre,  sans  gêne,  aisé,  fa- 
cile. 

Quand  la  pensée  est  arrêtée  dans  sa  marche  ou 
poussée  vers  toutes  sortes  de  roules  étrangères,  les 
mains  inquiètes  s'agitent  en  tout  sens  et  se  meuvent 
sans  dessein  vers  la  poitrine  et  vers  la  tête,  ou  la 
main  étendue  se  replie  sur  elle-même. 

A  ce  jeu  des  mains  joignons  pour  mémoire  celui 


486  iN.    H.  —  DU    GESTE. 

de  l'œil  dont  les  mouvements  sont  alors  en  raison 
des  mouvements  de  la  main. 

Les  gestes  expressifs  que  Ton  appelle  physiolo- 
giques sont  les  modifications  physiques  qui  accom- 
pagnent les  transports  intérieurs  de  l'àme,  tels 
que  le  rire,  les  larmes,  la  colère,  la  pâleur,  la  rou- 
geur. A  ces  états  physiologiques  du  moi  corres- 
pondent des  gestes  physiologiques  tels  que  les  mains 
se  portant  sur  la  figure  dans  un  mouvement  expressif 
de  douleur,  les  mains  se  frottant  l'une  contre  l'autre 
pour  témoigner  d'une  joie  réelle,  le  tremblement  des 
bras  et  des  mains  dans  la  peur,  et  l'agitation  du  pied 
dans  la  colère. 

Ces  gestes  physiologiques  varient  parfois  d'une 
manière  très  sensible.  Ils  constituent  les  tics,  les 
manies  et  ne  peuvent  guère  s'expliquer  que  par  di- 
verses irritations  du  système  nerveux. 

Bien  que  les  sentiments  et  les  expressions  des 
gestes  soient  variés  de  mille  manières,  leur  essence 
cependant  n'est  jamais  altérée  ni  par  les  détermi- 
nations caractéristiques  de  la  nature  morale  de  l'indi- 
vidu ni  par  l'organisation  de  son  corps.  C'est  ainsi 
que  dans  les  divers  témoignages  d'amitié,  par  exemple  : 
serrement  de  main,  baiser,  embrassement,  nous 
trouvons  comme  caractère  général  le  penchaiit^  la 
tendance  à  s'unir.  —  Cette   expression   do  l'amitié. 


N.    R.    —   DU   GESTE.  487 

change  pourtant  parfois  singulièrement  d'aspect. 
Chez  les  importants,  nous  trouvons  une  hyperbole 
parfois  ridicule  dans  les  témoignages  d'amitié,  tandis 
que  chez  les  humbles  les  mêmes  expressions  sont 
souvent  moins  hyperboliques,  un  peu  rudes  parfois, 
en  tout  cas  presque  toujours  exemptes  de  dissimu- 
lation. 

Le  geste  pittoresque  est  la  représentation  sen- 
sible d'une  chose  qui  occupe  l'esprit. 

Tout  geste  qui  la  représentera  d'une  façon  plus 
ou  moins  exacte  sera  donc  plus  ou  moins  pitto- 
resque. 

On  ne  peut  représenter  exactement  que  les  lignes^ 
la  tenue,  les  modifications  d'un  corps  semblable 
au  nôtre  ;  tout  ce  que  voudra  peindre  le  geste  au  delà 
ne  produira  que  des  propriétés  isolées  et  des  qualités 
généralisées. 

Le  geste  pittoresque  émane  ou  bien  de  la  viva- 
cité de  la  représentation  qu'on  se  forme  d'un  objet, 
ou  bien  du  désir  de  réveiller  en  autrui  celte  repré- 
sentation. Ces  deux  causes  peuvent  se  succéder  et 
l'emporter  alternativement  dans  le  dessin  des  gestes 
pittoresques,  mais  en  général  elles  se  trouvent  réunies. 

Que  fait  un  père  pour  montrer  à  son  fils  le  ridicule 
et  le  mauvais  ton  de  telle  tenue  ?  —  Il  lui  représente 
l'un  et  l'autre  avec  exagération.  Que  fait  la  gouver- 


488  N.    11.   —   DU   GESTE. 

nanle  avec  son  baby  pour  l'initier  aux  usages  du 
monde  et  lui  donner  le  goût  de  l'élégance  dans  les 
mouvements  du  corps  et  les  attitudes?  —  Elle  s'offre 
elle-même  comme  le  modJleà  suivre  et  par  son  main- 
tien elle  s'efforce  de  justifier  cette  prétention. 

Que  fait  un  accusé  devant  le  tribunal  pour  légitimer 
la  violence  première  qui  lui  est  reprochée?  —  En 
faisant  le  récit  de  ce  qui  s'est  passé,  il  s'empresse  de 
représenter  par  les  bras,  par  les  mains,  par  la  physio- 
nomie, les  insolences,  les  provocations  de  son  adver- 
saire, qui  l'ont  déterminé  à  cet  acte  de  juste  correc- 
tion qu'on  lui  impute  maintenant  à  crime.  —  Dans 
ces  divers  exemples,  nous  trouvons  réunies  les  deux 
causes  des  gestes  pittoresques;  la  réprimande,  l'in- 
struction et  la  justification  provoquent  et  amènent 
l'usage  de  gestes  pittoresques  iiiiilatifs.  Chacun  de 
ces  résultats  ne  se  peut  obtenir  qu'à  l'aide  d'une  mi- 
mique expressive. 

Le  geste  pittoresque  est  j^arfait  ou  imparfait. 

Le  geste  pittoresque  est  parfait  lorsque  l'objet  qui 
occupe  la  pensée  est  déjà  lui-même  un  geste  qui  peut 
être  reproduit  et  qu'il  suffit,  pour  le  décrire,  d'un 
nouveau  geste  le  retraçant  exactement.  Tels  sont  les 
gestes  du  maître  de  gymnastique  montrant  à  ses 
élèves  les  mouvements  et  les  exercices  gradués  de 
ses  leçons  ;  tels   aussi  les  gestes  d'un  conteur  qui 


N.    [\.   —  DU  GESTE.    '  489 

agrémente  son  récit  en  reproduisant  les  gestes  de 
ceux  qu'il  met  en  scène. 

Les  gestes  de  l'improvisation  simulée  et  de  la 
lecture  à  haute  voix  se  rapportent  à  cette  classe  de 
gestes,  puisque  dans  ces  deux  cas  les  gestes  ont  pour 
but  de  copier  fidèlement  et  de  peindre  les  gestes  qui 
seraient  faits  dans  l'improvisation  proprement  dite. 

Le  geste  pittoresque  est  imparfait  lorsqu'il  désigne 
incomplètement  l'oltjet  qui  occupe  la  pensée. 

Ici  deux  cas  se  présentent  :  ou  bien  l'objet  qu'd 
s'agit  de  décrire  aiïecte  tout  à  la  fois  les  yeux  et 
d'autres  sens^,  ou  il  n'atTecle  point  du  tout  l'organe  de 
la  vue. 

Dans  le  premier  cas,  lorsqu'il  s'agit  de  décrire  un 
objet  qui  intéresse,  avec  la  vue,  d'autres  sens,  le 
geste  pittoresque,  bien  qu'incomplet,  sera  suffisant 
cependant  si,  en  simulant  par  quelques  gestes  les 
traits  les  plus  saillants  d'un  objet,  on  éveille  immé- 
diatement dans  l'esprit  l'idée  complète  de  cet  objet; 
tels  sont  les  signes  pittoresques  dont  on  se  sert  dans 
l'éducation  des  sourds-muets. 

Dans  le  second  cas,  lorsque  l'objet  qui  occupe  la 
pensée  ne  peut  frapper  l'organe  de  la  vue,  en  un  mot, 
lorsqu'il  s'agit  de  peindre  visiblement  des  choses 
abstraites,  ce  n'est  que  par  analogie  que  le  geste 
obtiendra  cette  peinture. 


490  N.    R.    —  DU   GESTE. 

Il  existe  dans  les  objets  extérieurs  des  qualités 
qui,  bien  qu'affectant  des  organes  différents,  peuvent 
néanmoins  par  suite  de  leur  conformité  entre  elles, 
être  rappelées  à  notre  esprit  par  certains  caractères 
généraux.  C'est  ainsi  que  si,  en  musique,  on  peut 
simuler  une  course  rapide  par  une  succession  de  sons 
précipités,  de  même,  en  langage  des  signes,  des  sons 
doux  et  coulants  seront  exprimés  par  des  gestes 
simulant  l'ondulation.  —  La  plupart  des  gestes  méta- 
phoriques exprimant  les  opérations  de  l'entendement 
sont  classés  dans  cette  seconde  catégorie  de  gestes 
pittoresques. 

On  a  vu,  d'ailleurs,  dans  la  note  sur  la  physio- 
nomie, les  mouvements  expressifs  du  visage  se  prêter 
admirablement  à  une  réalité  objective  des  phéno- 
mènes psychologiques,  en  donnant  des  qualités  physi- 
ques <(  aux  s€7îs  »  invisibles  de  l'âme.  De  là,  avons- 
nous  dit,  ces  expressions  de  goût  ou  de  dégoût,  de 
saveur,  d'odeur,  etc.,  s'appliquant  à  des  objets  du 
domaine  exclusif  de  la  pensée  et  traduisant  méta- 
phoriquement les  impressions  du  moi. 

Les  mêmes  signes  métaphoriques  se  retrouvent 
dans  le  geste  proprement  dit. 

Quand  une  personne  veut  présenter  une  observa- 
tion à  quelqu'un,  par  exemple,  elle  simule  le  geste 
de  celui  qui  offrirait  ou  présenterait  un  objet  sensible; 


i\.    R.    —  DU  GESTE.  49! 

si,  au  contraire,  on  rejette  une  proposition,  aux 
diverses  expressions  de  la  physionomie  indiquant 
cette  répulsion,  la  main  et  le  bras  se  portent  en  avant, 
comme  pour  écarter  un  obstacle  ou  un  objet  qui  vien- 
drait nous  heurter. 

Il  est  une  troisième  classe  de  gestes  qui  ne  sont 
dans  leur  essence  ni  expressifs  ni  pittoresques.  — 
Ils  servent  à  indiquer  l'objet  de  la  pensée,  et  se 
traduisent  par  un  mouvement  du  bras  et  de  la  main 
se  dirigeant  vers  cet  objet.  Ces  gestes,  très  fréquents 
dans  la  conversation,  sont  parfois  semi-pittoresques, 
semi-expressifs  ;  ils  évitent  à  la  parole  des  définitions, 
des  mots  inutiles  et  sont  une  précieuse  ressource  ou 
un  puissant  auxiliaire  dans  le  langage  mimique  ou 
dans  l'évolution  de  certaines  passions.  Dans  ce  dernier 
cas  ils  accompagnent  le  regard  qui  prend  lui  aussi  la 
même  direction;  nous  les  appellerons  gestes  auxi- 
liaires-indicatifs . 

Les  gestes  conventionels\diV\^ii\  suivant  les  peuples. 

Les  uns  ravivent  des  traditions  ou  des  usages  dont 
on  a  parfois  perdu  le  souvenir  ;  les  autres  sont  de  pure 
convention  et  n'ont  que  la  signification  qu'on  veut 
bien  leur  donner:  tels  le  salut  militaire,  ou  bien  les 
gestes  qui  pour  les  écoliers  ou  pour  les  sourds-muets 
représentent  la  forme  des  lettres  de  l'alphabet  dac- 
tylologique. Encore  parmi  eux  en  trouve-t-ou  qui, 


492  N.    It.   —  DU   GESTE. 

imitant  le  contour  des  lettres,  peuvent  être  classés 
parmi  les  gestes  pittoresques. 

Tous  les  gestes  ayant  un  sens  déterminé  que  nous 
venons  de  citer,  qu'ils  se  rapportent  à  l'ensemble 
de  notre  être,  qu'ils  soient  pittoresques,  indicatifs, 
expressifs,  naturels  ou  conventionnels,  ont  un  sens 
généralement  précis,  car  ils  désignent  ou  bien  telle 
opération  de  l'ordre  physique,  affectif  ou  intellectuel, 
ou  bien  ils  peignent  l'objet  qui  occupe  notre  pensée, 
ou  bien  ils  se  contentent  de  l'indiquer,  ou  bien  ils 
expriment  la  nature  des  impressions  du  moi  à  l'égard 
de  cet  objet,  ou  bien  enfin,  par  convention,  ils  ont 
tel  ou  tel  sens  déterminé. 

GESTES  AYANT   UN   SENS  INDÉTERMINÉ. 

11  est  une  seconde  classe  de  gestes  peu  varies,  il 
est  vrai,  mais  dont  la  fréquence  vaut  la  peine  que 
nous  nous  y  arrêtions. 

Ils  se  présentent  à  chaque  instant,  dans  la  conver- 
sation comme  dans  le  discours,  dans  l'improvisation 
simulée  comme  dans  la  lecture  expressive;  ils  n'ont 
par  eux-mêmes  aucune  signification  propre,  ils  suivent 
la  parole  plutôt  qu'ils  ne  l'expriment,  sans  toutefois 
qu'il  en  résulte  une  peinture  ou  une  expression  pro- 
prement dite. 


.N.   R.    —   DU   GESTE.  493 

Leur  rôle  consiste  simplement  pour  celui  qui  les 
fait  comme  pour  celui  qui  les  voit  à  relever  tel  ou 
tel  passage  d'une  lecture  à  haute  voix,  telle  ou  telle 
pensée,  tel  ou  tel  degré  d'élévation  ou  d'abaisse- 
ment de  parole. 

La  main  étendue,  l'index  levé,  plusieurs  mouve- 
ments des  doigts,  le  bras  lancé  en  avant  dans  toute 
sa  longueur,  la  main  frappant  doucement  dans  l'autre, 
un  léger  hochement  de  tête  appartiennent  à  cette 
classe  de  gestes  ayant  un  sens  indéterminé. 

Pour  ordonner  et  nuancer  ces  mouvements,  la 
règle  à  suivre  est  semblable  à  celle  qui  dans  l'ortho- 
phonie mesure  les  comma  régulateurs  du  son  eupho- 
nique et  esthétique. 

On  peut  s'en  rendre  compte. 

De  même  que  celui  qui  sait  parler  ménage  ses  forces 
phonatrices  pour  produire  dans  une  conférence  à  un 
moment  précis  de  certains  frémissements  glottaux, 
de  même  dans  l'usage  des  gestes  indéterminés  il 
faut  réserver  les  plus  larges  pour  les  pensées  les  plus 
riches  :  l'élévation  de  l'index  à  la  hauteur  de  l'œil, 
la  projection  de  la  main  ou  du  bras  par  exemple. 

On  sait  que  tout  jeu  uniforme  ou  continuel  des 
bras  employé  sans  gradation  est  aussi  froissant  et 
fatigant  pour  la  satisfaction  de  l'œil  qu'une  constante 
monotonie  de  ton  peut  l'être  pour  une  oreille  délicate. 


494  iN-   H.   —    DU  GESTE. 

Les  gestes  mécaniques  ne  sont  guère  que  des  effets 
involontaires  provenant  de  la  fatigue  musculaire  ou 
nerveuse  ou  de  toute  autre  cause  résidant  dans  l'éco- 
nomie animale.  Tels  sont,  le  soir,  l'aff'aissement  des 
paupières,  la  respiration  difficile  après  une  course 
prolongée,  les  mouvements  épileptiformes  propres  à 
certaines  affections,  les  mouvements  tétaniques  ou 
clioléiques  du  bégaiement,  la  perturbation  convul- 
sionnaire  des  membres  observée  dans  la  danse 
(le  Saint-Guy  ou  Tépilepsie,  les  gestes  qui  accompa- 
gnent certaines  souffrances,  etc. 

Les  règles  à  suivre  dans  l'imitation  de  ces  modifi- 
cations mécaniques  du  corps  sont  :  rechercher  les 
moments  propices  pour  observer  la  nature  même 
dans  les  effets  qu  elle  n'offre  qu'à  de  rares  instants, 
ne  jamais  perdre  de  vue  le  but  que  Ton  veut  atteindre 
en  les  imitant,  éviter  de  blesser  les  convenances  par 
une  imitation  trop  servile. 

L'artiste  dramatique  qui  représente  trop  fidèlement 
certaines  pauses  dont  la  vue  seule,  dans  le  commerce 
de  la  vie,  nous  remplit  de  dégoût,  court  risque  de 
faire  naître  une  impression  opposée  à  celle  qu'il  se 
propose  de  produire.  On  doit  également  proportionner 
le  degré  d'imitation  à  la  situation  môme  du  moi 
affectif. 


N.   R.   —  DU  GESTE.  495 

SYNONYMIE   DANS   LES  GESTES. 

Il  est  démontré  par  l'observation  que  le  langage  du 
geste  a  des  synonymes  multiples  comme  ceux  qui 
existent  dans  la  langue  parlée. 

Dans  Tun  et  l'autre  cas,  le  sujet  principal  peut  être 
exprimé  difïéremment,  grâce  à  l'associalion  des  idées 
et  à  la  forme  métaphorique  qui  en  est  la  manifes- 
tation. 

Il  peut  très  bien  se  faire  que  le  choix  des  syno- 
nymes soit  à  peu  près  indifférent,  cependant  ce  choix 
est  d'autant  plus  parfait,  d'autant  plus  grand  que 
l'artiste  de  la  parole  comme  l'artiste  du  geste  a 
l'imagination  plus  riche  et  plus  féconde. 

Toutefois  lorsqu'à  la  puissance  d'imagination  se 
joint  une  grande  délicatesse  de  sensibilité,  alors  le 
choix  des  synonymes  deviendra  plus  difficile.  En  effet, 
l'artiste  qui  a  saisi  l'ensemble  du  caractère  et  de  la 
situation  ainsi  que  chaque  moment  isolé  de  celte 
situation  ne  voudra  pas  employer  indifféremment 
une  expression  physiognomonique  pour  une  autre. 

Ce  que  l'abbé  Girard  dit  à  propos  des  synonymes 
de  la  langue  peut  être  répété  ici  en  ce  qui  concerne 
les  gestes  synonymes  :  S'il  n'est  question  que  d'un 
habit  jaune,  on  peut  prendre  le  souci  ou  la  jonquille  ; 


49C  N.    R.   —   L)U   GESTE. 

mais  s'il  faut  assortir,  on  est  obligé  de  consulter  la 
nuance.  Eli  !  quand  est-ce  que  l'esprit  n'est  pas  dans 
le  cas  de  l'assortiment?  cela  est  rare,  puisque  c'est 
en  quoi  consiste  l'art  d'écrire.  Ajoutons,  et  l'art  du 
geste. 

La  justesse  de  cette  similitude  deviendra  plus 
évidente  par  cet  exemple  emprunté  à  Engel, 

Quels  seront  à  ce  moment  l'assortiment  et  la  con- 
venance des  gestes  de  Juliette  attendant  Roméo  : 
«  Ecoute!  on  marche!  » 

Sans  doute,  l'oreille  et  tout  le  corps  de  Juliette 
(immobiles  pour  mieux  distinguer  le  bruit  qu'elle 
entend)  seront  penchés  vers  le  lieu  d'où  il  vient; 
c'est  de  ce  côté-là  seulement  que  son  pied  sera  posé 
avec  fermeté,  tandis  que  l'autre,  appuyé  sur  la 
pointe,  semblera  être  suspendu  en  Tair.  Tout  le 
reste  de  sa  personne  d'ailleurs  se  trouvera  dans  un 
état  visible  d'activité.  L'œil  sera  très  ouvert  quoique 
l'objet  de  sa  vive  attention  soit  absent;  la  main  se 
portera  à  l'oreille  comme  si  elle  pouvait  réellement 
saisir  le  bruit,  et  l'autre  pour  tenir  l'équilibre  sera 
dirigée  en  bas,  comme  si  elle  devait  repousser  tout 
ce  qui  pourrait  troubler  Tattention  nécessaire  dans 
ce  moment  dramatique,  et,  pour  mieux  recevoir  le 
son,  elle  entr'ouvrira  certainement  la  bouche. 

Changez   quelque  chose  dans   cet  ensemble  har- 


i\.    H.   —   DU   GESTE.  407 

monique  des  gestes,  et  vous  en  aurez  modifié  le  sens. 
Remplacez  Fœil  très  ouvert  par  un  œil  dont  les 
paupières  se  rapprochent  davantage  et  donnent  de  la 
finesse  au  regard  ;  que  la  bouche  soit  close.  Rame- 
nez la  main  qui  était  portée  en  avant  vers  le  côté 
d'où  le  bruit  se  fait  entendre  et  mettez  l'index 
devant  les  lèvres,  ce  ne  sera  plus  la  traduction  d'un 
désir  soudainement  éclos,  et  s'emparant  de  l'être  tout 
entier.  Il  s'y  mêlera  le  désir  curieux  de  connaître  la 
nature  particulière  et  la  direction  précise  de  ce  bruit. 
Ces  nouveaux  gestes  indiqueront  qu'il  est  lointain, 
vague,  affaibH,  qu'on  a  besoin  de  silence  et  de  grande 
attention  pour  le  percevoir  et  pour  le  reconnaître. 

Dans  la  première  pose,  le  cœur  était  en  jeu,  très- 
ému  et  comme  pressé  d'acquérir  un  bien  ;  et,  dans  la 
seconde,  la   curiosité  est  éveillée,  l'esprit  s'attache 
davantage  à  distinguer  et  à  analyser  une  idée. 
Faites  de  nouvelles  modifications. 
Que  le  corps  ne  soit  pas  tant  incliné,   mais  pour 
ainsi  dire  préparé  à  fuir  ;  que  les  deux  genoux  sem- 
blent fléchir,  et  que  le  pied  à  demi  levé  pose  à  terre 
avec    presque   autant    de  fermeté    que  l'autre,    en 
s'écarlant  du  côté  où  l'on  pourra  ^e    sauver,  et  il 
sera  aisé  do  voir  que  la  crainte  se  mêle  ici  au  désir. 
Celui   qui   écoute   sent  qu'il  se   permet  une  action 
équivoque,  autreuicnt;,  en  satisfaisant  ainsi  son  désir, 

32 


498  -N,   R.  —   DU  GESTE. 

il  ne  prendrait  pas  des   mesures    pour   sa   sûreté. 

L'exemple  d'Engel  prouve  que  ce  qui  paraît  indif- 
férent dans  le  général,  ne  l'est  [tlus  dans  une  situa- 
tion particulière  et  déterminée. 

Associer  les  gestes,  tout  est  là,  et  c'est  à  propre- 
ment parler  ce  qui  constitue  une  des  principales  règles 
esthétiques  de  l'art  du  geste. 

ALLIANCE  DES  GESTES   PITTORESQUES  ET    DES  GESTES 
EXPRESSIFS. 

Les  gestes  qui  dessinent  l'objet  et  ceux  qui  expri- 
ment l'impression  et  les  émotions  du  inoi  sont  les 
deux  premières  classes  de  gestes  qui  ont  appelé 
noire  attention;  en  effet,  ces  gestes  ayant  un  sens 
déterminé  frappent  Tinlelligence  plus  que  les  autres 
et  s'emparent  plus  facilement  de  l'esprit. 

A  l'égard  de  ces  gestes,  Quintilien,  dans  son  Insti- 
tution de  l'orateur,  veut  qu'on  présente  non  pas  les 
objets  extérieurs  qui  touchent  les  sens  et  dont  il  est 
question  dans  l'improvisation  fictive,  mais  le  senti- 
ment personnel  et  actuel  qui  nous  émeut  ;  il  veut 
i\\\\)Xi  exprime  les  sentiments  avec  lesquels  on  consi- 
dère les  choses  matérielles  et  visibles  ou  les  mou- 
vements psychologiques  qui  occupent  la  pensée. 

Vouloir  peindre,  en  imitant  les  mouvements  d'im 


N.    H.  —   DU   GESTE.  499 

geôlier  fermant  la  porte  d'une  cellule,  l'elîroi  d'un 
homme  innocent  qu'on  entraîne  pour  lui  faire  subir 
la  peine  de  la  prison  qu'il  n'a  pas  méritée,  serait 
faux  d'une  manière  absolue.  Dans  ce  cas  particulier 
le  véritable  geste  sera  celui  qui  dans  le  récit  de  cette 
injuste  condamnation  reflétera  les  sentiments  dejus- 
tice  de  l'avocat  de  l'accusé. 

Cependant,  la  réunion  des  gestes  pittoresques  aux 
gestes  expressifs  est-elle  possible? 

Dans  quel  cas  ne  l'est-elle  pas? 

La  possibilité  de  la  réunion  du  geste  de  l'expression 
et  du  geste  pittoresque  existera  lorsque  le  moyen 
propre  à  l'expression  n'est  pas  celui  par  lequel  s'opère 
l'imitation  de  l'objet. 

Celte  possibilité  n'existera  plus  toutes  les  fois  que 
les  mêmes  moyens  doivent  rendre  la  peinture  et 
l'expression. 

Dans  V improvisation  simulée  et  dans  la  lecture 
expressive,  les  gestes  sont  la  copie  d'autres  gestes 
dont  on  trouve  l'original  soit  dans  la  nature,  soit  dans 
ridéal  que  se  crée  tout  artiste. 

Etant  la  copie  d'antres  gestes,  ils  doivent  tons  se 
ranger  dans  la  classe  des  gestes  pnttoresques. 

Que  les  bras  et  les  mains  simulent  les  gestes  se  rap- 
portant à  une  opération  de  l'ordre  physique,  affectif 
ou  intellectuel,  qu'ils  représentent  des  mouvements 


bOO  .\.   R.   —   UU   GESTE. 

pitloresques  ou  expressifs,  qu'ils  aient  un  sens  déter- 
miné ou  indéterminé,  ils  doivent,  pour  approcher 
de  la  perfection,  revêtir  toujours  les  deux  caractères  : 
1°  de  vérité  ;  2"  de  beauté. 


VÉRITÉ,   BEAUTÉ,    HARMONIE,  CONTINUITÉ  ET   SENSIBILITÉ 
DANS  LE  JEU  DU  GESTE.  —  CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES. 

Le  geste  sera  \  rai  absolument  ou  relativement. 

Il  sera  \rai  absolument  lorsque,  n'ayant  à  repro- 
duire que  des  gestes  ayant  un  sens  déterminé,  ou  bien 
un  sens  indéterminé,  il  sera  conforme  aux  gestes 
imités. 

Ce  caractère  d'absolu  se  rencontre  dans  tous  les 
gestes  qui  ont  à  figurer  des  situations  naturelles,  il  se 
rencontre  également  dans  la  conversation,  dans  la 
comédie,  la  fable,  dans  les  morceaux  d'improvisation 
simulée,  de  la  lecture  à  haute  voix  appartenant  au 
genre  dit  tempéré. 

La  vérité  relative  du  geste  appartient  proprement 
à  la  déclamation  oratoire,  tragique,  lyrique,  en  un 
mot  à  tout  ce  qui  constitue  en  littérature  le  genre 
solennel  et  quelque  peu  emphatique. 

Ici  le  geste  a  son  guide  et  son  prototype  dans  cette 
imaginative  qui  habile  en  toute  âme  poétique  ;  il  n'y  a 


N.   R.   —   nu   GESTE.  501 

pas,  à  vrai  dire,  do  règle  positive  pour  arriver  à  la 
produire. 

Dans  tous  les  beaux-arts,  en  peinture,  en  sculpture, 
en  musique,  en  poésie,  celui-là  seul  est  inspiré  rpii 
voit  l'idéal,  et  sait  le  traduire  visiblement  au  vulgaire  ; 
même  dans  l'art  du  geste,  celui-là  seul  atteindra  la 
vérité  relative  cpii  saura  interpréter  cet  idéal. 

Aussi,  d'après  Diderot,  le  seul  conseil  à  donner  à 
cet  égard  consiste  à  conserver  au  personnage  repré- 
senté une  harmonie  constante  dans  les  différents 
gestes  qu'on  lui  prête.  Ces  gestes,  d'ailleurs,  ont 
toujours  un  caractère  commun  et  vrai^  dans  leur 
essence,  avec  les  gestes  conformes  à  la  vérité  abso- 
lue ;  ils  s'en  distinguent  cependant  par  une  certaine 
ampleur,  une  certaine  majesté  qu'il  n'est  pas  toujours 
facile  d'atteindre. 

C'est  cette  vérité  relative  qui  donne  au  théâtre  les 
Talma,  les  FrédérikLemaître,  les  Rachel,  à  la  tribune 
ou  au  barreau  les  Berryer,  les  Thiers,  les  Jules  Favre  et 
tant  d'orateurs  ou  d'artistes  qui  ont  vu  leur  geste  et 
leur  parole  contribuer,  pour  une  large  part,  à  la  juste 
réputation  qui  leur  a  été  faite. 

Le  degré  précis  de  majest('!  et  de  dignité  dans  le 
geste  qu'il  est  plus  aisé  de  sentir,  d'apprécier  que  de 
déterminer,  est  aussi  difficile  à  atteindre  sinon  plus 
que  le  mot  propre  dans  une  œuvre  littéraire.  De  là 


o02  N.    R.   —   DU  GESTE. 

au  ridicule  et  au  grotesque,  il  n^y  a  qu'un  pas.  A  côté 
du  sublime,  il  y  a  large  place  pour  le  postiche^  le 
boursouflé  ;  pour  peu  que  le  geste  soit  en  deçà  ou  au 
delà  de  la  vérité  relative,  il  sera  absurde. 

La  beauté  du  geste  dépend  en  grande  partie  de  la 
grâce  des  mouvements,  d'un  certain  développement 
qui  consiste  à  le  bien  mesurer. 

Le  modelé,  la  souplesse  s'acquièrent  par  une  longue 
liabitude  des  mouvements  lorsqu'elle  n'est  point  le 
résultat  des  facultés  natives,  comme  cela  a  lieu  sou- 
vent cbez  la  femme. 

Les  différents  gestes  doivent  être  liés  entre  eux;  par 
des  transitions  imperceptibles.  Des  changements 
brusques  ou  seulement  trop  prompts  et  privés  de 
nuances  intermédiaires  détruiraient  l'harmonie  dans 
l'ensemble  du  jeu  et  blesseraient  la  vérité  et  la  beauté. 

Le  jeu  du  geste  est  constant  ;  il  n'existe  point  de 
pause  ni  de  halte  comme  dans  le  discours. 

Au  théâtre,  par  exemple,  les  acteurs  frappent 
continuellement  l'œil  du  spectateur.  L'expression 
mimique  de  leur  pensée  par  la  physionomie  et  les 
gestes  se  poursuit  à  chaque  minute  nouvelle^  soit 
par  la  traduction  prolongée  d'une  affection  spéciale 
et  déterminée,  soit  même  par  certaines  attitudes 
d'attention,  de  repos,  d'indiflérence  ou  de  distraction 
nécessaires  pour  établir  le  cai'aetère  des  personnages. 


N.    R.    —   DU   GESTE.  503 

Ces  deux  dernières  situations  (indifférence  ou  dis- 
traction) ne  doivent  jamais  appartenir  à  l'acteur  en 
tant  qu'acteur,  mais  au  personnage  représenté  ;  si 
elles  ne  conviennent  ni  au  caractère  scénique  ni  à  s  \ 
position  du  moment,  alors  le  moindre  temps  à'arrêt 
ou  de  relâchement  dans  l'expression  mimique  sus- 
pendra l'illusion,  et  cette  illusion  étant  la  raison  de 
tout  effet  théâtral,  elle  ne  saurait  être  fréquemment 
interrompue. 

A  propos  de  la  mimique  scénique  rappelons  ce  qui 
a  été  dit  à  ce  sujet. 

L'acteur  doit  étudier  son  rôle  dans  les  rapports 
qu'il  peut  avoir  avec  tous  les  autres  rôles  du  drame  ; 
il  doit  saisir  l'effet  que  l'auteur  dramatique  a  eu  en 
vue,  non  seulement  à  l'égard  de  toute  la  pièce,  mais 
encore  à  l'égard  des  scènes  particulières.  Par  cette 
double  étude  il  acquerra  la  véritable  connaissance  do 
la  manière  dont  il  faut  rendre  le  caractère  particulier 
qu'il  aura  à  représenter,  en  déterminant  en  même 
temps  le  degré  du  jeu  d' expression  physiognomo- 
nique  qu'il  pourra  se  permettre  pour  faire  ressortir 
son  rôle  à  côté  de  ceux  des  autres  personnages. 

Sans  ce  coup  d'œil  attentif  sur  l'ensemble,  sans 
l'appréciation  exacte  de  la  part  qu'un  rôle  particulier 
a  dans  l'impression  totale,  sans  cette  subordination 
modeste  et  volontaire,  l'effet  du  drame,  s'il  n'est  pas 


504  N.   R.   —  DU  GESTE. 

entièrement  perdu,  est  du  moins  fortement  troublé 
ou  affaibli. 

Que  l'on  soit  debout  ou  assis,  dit  Duquesnoy,  pour 
marier  la  voix  au  geste,  deux  points  sont  essentiels  à 
observer  :  pouvoir  émettre  le  son  facilement,  pouvoir 
jouer  du  geste  avec  facilité  et  lui  donner  toute  l'har- 
monie dont  il  est  susceptible.  — 

Lorsque  l'on  est  debout,  la  meilleure  position  est 
de  centraliser  le  poids  du  corps  sur  la  jambe  gauche 
et  d'avancer  quelque  peu  la  jambe  droite.  On  peut, 
du  reste,  alterner  ces  deux  positions  suivant  la  fatigue 
du  corps  et  suivant  la  direction  des  personnes  ou  du 
public  à  qui  l'on  parle. 

Le  corps,  se  reposant  d'aplomb  sur  l'une  des  deux 
jambes  avec  l'autre  comme  point  d'appui,  a  beaucoup 
plus  d'espace  pour  trouver  son  centre  de  gravité;  il 
peut  par  conséquent  laisser  l'espace  libre  pour  les 
gestes  que  nécessitent  le  débit,  et  de  plus  donner 
aux  mouvements  que  produit  la  respiration  toute 
latitude  pour  fonctionner  rhytmiquement.  Cette  ligne 
brisée  offre,  en  outre,  à  la  vue  un  aspect  beaucoup 
plus  harmonique  que  celui  de  la  ligne  droite. 

Le  passage  de  l'état  de  calme  à  l'état  de  mouvement 
doit  avoir  lieu  sans  brusquerie,  avec  celte  force 
mêlée  de  douceur  qu'on  nomme  «le  moelleux  »,  mou- 
vement qui  flatte  toujours  l'œil  du  spectateur. 


N.    R.   —   DU   GESIE.  50o 

Chaque  fois  que,  pour  faire  le  geste,  on  n'a  l)esoin 
que  d'une  seule  main,  c'est  toujours  le  bras  et  la  main 
qui  se  trouvent  du  côté  de  la  jambe  placée  en  avant 
qui  doivent  fonctionner. 

Lorsque  la  main  se  détache  du  corps,  soit  pour  se 
porter  en  avant,  soit  pour  se  porter  à  la  hauteur  de 
la  tête  en  désignant  le  ciel  par  exemple,  la  ligne 
qu'elle  décrit,  doit  être  une  courbe  plus  ou  moins  pro- 
noncée selon  l'espace  qu'elle  a  à  parcourir;  de  celte 
façon,  le  mouvement  conserve  une  certaine  grâce  et 
l'on  évite  cette  sécheresse,  ces  lignes  brusques  et 
sans  agrément  que  des  mouvements  droits  et  angu- 
leux donneraient  au  geste. 

Quand  les  deux  bras  et  les  deux  mains  concourent 
au  geste,  il  faut  avoir  soin  de  ne  point  faire  de  mou- 
vements symétriques  et  éviter  de  laisser  les  extrémités 
aboutir  sur  une  même  ligne;  l'une  des  deux  mains 
doit  être  un  peu  plus  élevée  que  l'autre,  et  ce  sera  celle 
qui  se  trouve  du  côté  de  la  jambe  placée  en  avant. 

On  suppose,  généralement,  le  corps  divisé  en  deux 
par  une  ligne  médiane  qui  part  du  milieu  du  front; 
or,  quelle  que  soit  la  nature  du  geste,  il  importe  d'éviter 
autant  que  possible  de  laisser  une  main  ou  un  bras 
empiéter  sur  le  domaine  de  l'autre;  c'est-à-dire  que 
le  bras  et  la  main  doivent  gesticuler  seulement 
du  côté  qui    leur  appartient  ;   il  n'est  guère  admis 


ym  N.    R.   —   DU   GESTE. 

qu'une  seule  exception  :  lorsque  la  main  se  porte  sur 
le  cœur  comme  geste  indicatif,  ou  comme  geste 
expressif,  c'est  généralement  la  main  droite  et  non  la 
main  gauche  qui  fait  ce  geste. 

Quant  à  la  position  habituelle  des  doigts,  il  faut,  en 
évitant  de  les  tenir  serrés,  allongés  et  trop  écartés, 
les  conserver  mollement  appuyés  les  uns  sur  les  autres, 
puis  creuser  légèrement  la  main  comme  si  elle  se  mo- 
delai t  sur  un  objet  fragile  que  l'on  craindrait  de  briser. 

Étant  assis,,  soit  que  l'on  se  livre  à  la  conversation, 
qu'on  tienne  un  dialogue  ou  que  l'on  fasse  une  lecture 
à  haute  voix,  il  importe  de  conserver  le  buste  droit, 
sans  raideur.  Pour  cela,  ou  s'assied  commodément, 
ayant  soin  d'avancer  encore  un  pied  en  avant  et  plu- 
tôt le  pied  droit  que  le  pied  gauche  ;  si  l'on  tient  un 
livre,  on  le  tiendra  de  la  main  gauche  à  une  hauteur 
suffisante  pour  ne  gêner  ni  la  respiration  ni  l'audition 
des  mots,  ce  qui  arriverait  infailliblement  si  le  livre 
placé  trop  près  de  la  bouche  interceptait  et  étouffait 
les  sons. 

])iderot  a  victorieusement  démontré  dans  son  Pa- 
radoxe du  comédie?!  que  dans  tout  morceau  d'impro- 
visation simulée  ou  de  lecture  expressive,  la  pleine 
possession  de  soi-même  n'est  gardée  qu'autant  que 
V observation  domine  le  cœur. 

{a\  ne  sont  point  les  personnes  chez  qui  la  sensi- 


N.    R.    —   DU   GESTE.  liOT 

bilité  seule  est  excessive  qui  excellent  à  interpréter 
un  morceau  littéraire,  mais  bien  au  contraire  celles 
chez  qui  l'observation  s'unit  à  cette  sensibilité. 

Trop  de  sensibilité  nous  empêche  de  mesurer  la 
portée  des  intonations  vocales  et  de  juger  par  suite 
l'à-propos  et  la  convenance  du  jeu  d'expression  de 
la  physionomie  et  du  geste:  elle  nous  emporte  à  tel 
endroit  oii  peut-être  par  un  elfet  du  hasard  nous 
pourrons  réussir,  mais,  le  plus  souvent,  elle  nous 
trompe  ;  et,  comme  nous  n'exprimons  pas  nos  pro- 
pres désirs,  nos  propres  affections,  bien  que  nous  sen- 
tions admirablement,  nous  tombons  facilement  dans 
l'exagération  et  la  fausse  déclamation. 

Au  contraire,  l'observation  calme,  jointe  à  l'étude 
judicieuse  des  mouvements,  permet  d'arriver  à  copier 
et  à  rendre,  au  point  que  tout  le  monde  s'y  méprend, 
les  passages  les  plus  passionnés  et  les  situations  les 
plus  dramatiques  ;  ce  nest  même  que  par  Vanahj^e  à 
froid  de  lajjassion  que  Ion  arrive  à  perfectionner  son 
jeu  et  à  approcher  de  plus  en  plus  par  les  attitudes 
caractéristiques  d'ensemble  du  type  idéal  que  l artiste 
se  crée  à  lui-même. 

Nous  complétons  nos  études  sur  la  physionomie  (1) 

(1)  On  se  persuade  voloiUiors  que,  pour  bien  connaître  les  effets 
des  passions,  il  faut  les  avoir  éprouvées.  Non,  cela  n'est  pas  vrai  : 
car  on  ne  peut  les  ressentir  toutes,  et  cependant  dans  la  pratique 


308  N.   R.  —  DU  GESTE. 

et  sur  le  geste  en  donnant  ici  un  aperçu  des  princi- 
pales attitudes  du  coiys. 

du  grand  art  il  importe  de  savoir  toutes  les  peindre.  S'il  fallait  en 
éprouver  véritablement  les  vicissitudes,  toute  la  vie  se  consumerait 
en  de  pareils  essais. 

Pour  exceller  dans  l'art  de  la  parole  ou  dans  l'art  du  geste,  il  faut 
avoir  la  faculté  de  sentir  vivement  ;  il  faut  naître  avec  un  esprit  im- 
pressionnable, il  faut  être  capable  d'éprouver  des  émotions  volon- 
taires. Si  l'on  est  privé  de  ces  dons  de  nature,  il  est  préférable 
d'abandonner  l'étude  de  l'esthétique  dramatique. 


NOTE  S 


DES  ATTITUDES  DU  CORPS 


TROISIEME     TABLEAU 


NOTE  S 


DES  ATTITUDES   DU  CORPS. 


Le  mot  attitude  peut  s'étendre  aux  différentes  po- 
sitions du  corps  prises  selon  les  multiples  modifica- 
tions intérieures  du  moi. 

Par  ce  seul  fait  que  la  plupart  de  nos  perceptions, 
de  nos  sentiments ,  de  nos  affections  embrassent 
simultanément  plusieurs  phénomènes  nerveux,  il  est 
évident  que  cette  complexité  doit  se  retrouver  dans 
les  mouvements  extérieurs  qui  les  expriment. 

On  ne  peut  entrer  dans  l'analyse  de  tous  les  mou- 
vements ;  rétude  de  quelques-uns  suffira  d'ailleurs, 
car  c'est  par  le  mélange  et  la  diffusion  des  princi- 
paux gestes  que  s'obtiennent  tous  les  autres  mou- 
vements, de  même  que  nous  obtenons  des  milliers 
de  mots  par  la  combinaison  de  quelques  lettres. 


s12  n.  s.  —  dls  attitudes  du  coups. 

lnàgtiom  et  repos. 

Pendant  l'inaction  et  le  repos  toutes  les  j)arties 
principales  de  la  l'ace,  le  front,  les  yeux,  les  lèvres 
demeurent  calmes.  Tous  les  traits  du  visage  par 
suite  de  celte  absence  de  toute  action  des  nerfs  et  des 
muscles^  restent  dans  un  équilibre  absolu  ;  —  les  au- 
tres parties  du  corps  dénoncent  également  par  leur 
placidité  l'état  de  neutralité  où  se  trouve  l'esprit;  les 
mains  oisives  sont  placées  sur  le  genou  dans  les  po- 
ches ou  même  dans  la  ceinture. 

Si  l'on  est  debout,  les  bras,  négligemment  rejetés 
en  arrière,  s^entrelacent  sur  le  dos  et  sont  retenus  à 
peu  près  à  la  hauteur  des  reins.  Parfois  un  jeu  ma- 
chinal et  sans  but  des  doigts  indique  l'état  d'indille- 
rence  du  moment;  cependant,  selon  la  rapidité  plus 
uu  moins  caractérisée  de  ce  mouvement  des  doigts, 
on  devine  une  préparation  secrète  à  des  secousses 
prochaines  plus  ou  moins  motivées. 

Si  on  est  assis,  les  pieds  sont  privés  d'action,  ou 
bien  une  jambe  sera  mollement  allongée  devant 
l'autre.  Souvent  les  jambes  seront  croisées,  et  alors 
un  faible  balancement  agitera  la  partie  inférieure  de 
la  jambe  qui  reposera  sur  l'aulre. 

Tantôt  le  Ironc  du   coi'ps  se  redressera  dans  une 


N.   S.   —   DES  ATTITUDES  DU    CORPS.  513 

situation  proche  de  la  verticale,  tantôt  il  sera  dans 
une  direction  plus  oblique  et  approchant  de  la  posi- 
tion favorable  au  repos  ;  il  marquera  par  cela  même 
une  tendance  très  prochaine  à  l'assoupissement. 

Lorsque  le  corps  est  près  de  se  mouvoir,  le  dernier 
temps  de  l'attitude  tranquille  consiste  à  relever  fran- 
chement et  l'apidement  le  buste,  la  face  dirigée  sur 
l'objet  qui  éveille  l'attention,  à  raffermir  rapidement 
<lans  leur  position  les  pieds  séparés,  s'appuyant  for- 
tement sur  la  terre,  à  ramener  les  mains  sur  le  haut 
des  jambes  ou  sur  tout  autre  point  d'appui  et  par 
ces  premières  dispositions  à  entraîner  le  corps  à  agir. 

ADMIRATION,  ETONNEMENT,    VÉiNÉlUTlON, 
COLÈRE   ET  JOIE. 

Loisqae  l'objet  qui  attire  notre  attention,  sans 
éveiller  en  nous  un  désir  de  possession,  produit  néan- 
moins des  mouvements  d'admiration,  la  tête  et  le 
corps  sont  un  peu  rejetés  en  arrière,  l'œil  est  ouvert, 
la  bouche  imite  ce  mouvement,  mais  reste  demi- 
close,  les  sourcils  sont  tirés  en  haut,  les  ailes  du  nez 
sont  gonflées,  les  bras  sont  tendus  et  plus  voisins  du 
corps  que  dans  le  désir  vif  et  animé  ;  les  doigts  de  la 
main  sont  légèrement  écartés  les  uns  des  autres  ;  la 

poitrine  se  dilate;  le  reste  du  corps,  les  autres  traits 

33 


514  N.   S.   —   DES  ATIITUDES  UU   CORPS. 

du  visage  sont  dans  un  état  relatif  de  repos;  ajou- 
tons que  ce  n'est  guère  que  dans  le  premier  mou- 
vement de  rimpression  qu'a  lieu  l'extension  des  bras; 
bientôt  après,  les  bras  retombent  lentement  et  se 
rapproclient  doucement  du  corps. 

Dans  rétonnement  qui  semble  n'être  autre  chose 
(ju'un  degré  de  l'admiralion,  l'altitude  ne  diffère  que 
par  les  traits  du  \isage  qui  sont  plus  caractérisés; 
la  bouche  est  non  seulement  ouverte,  mais  parfois 
béante  ;  le  regard  est  plus  fixe,  les  sourcils  sont  en- 
core plus  élevés  et  la  respiration  plus  fortement  re- 
tenue ;  les  deux  bras,  au  lieu  de  se  soulever  à  demi 
comme  dans  l'admiration,  se  lèvent  complètement, 
puis  retombent  poiu*  se  soulever  encore. 

Quand  l'issue  d'un  événement  est  contraire  à  ce 
qu'on  espère  il  se  produit  en  nous  un  sentiment  d'ad- 
miration  ironique  qui  se  traduit  d'habitude  par  un 
léger  sourire  empreint  de  moquerie;  ou,  suivant  le 
cas,  par  un  l'ire  plein  d'amertume,  lorsque  le  résultat 
est  inférieur  à  celui  attendu  ;  un  trait  essentiel  de  ce 
désenchantement  s'indique  par  une  oscillation  de  tète 
faite  de  côté,  accompagnée  de  haussement  d'épaule 
très  difficile  à  décrire  et  qui  néanmoins  se  produit 
naturellement. 

A  propos  de  ce  mouvement  ou  de  ce  geste  de  la  tête 
quirépondentàcertaines  exclamations  ou  interjections 


N.   S.    —   DIlS  attitudes   du   corps.  olo 

de  la  langue  parlée,  il  faut  remarquer  que  dans  Vas- 
sentiment  le  hranleuient  de  tète  semble  indiquer  que 
le  moi  approche  d'une  idée  et  y  accède  et  que  dans 
la  négation  le  mouvement  de  la  tète  semble  au  con- 
traire indiquer  qu'on  se  détourne  d'une  idée  ou  qu'on 
la  rejette. 

Si  on  veut  décrire  un  objet  qui  excite  l'admiration 
et  faire  parlager  à  ceux  qui  vous  écoutent  ou  vous 
entourent  le  sentiment  dont  on  est  pénélré,  on  a 
recours  aux  altitudes  analogues  :  assimilant  le  moi  à 
l'idée  que  suggère  l'objet,  on  cherche  à  en  adopter 
les  qualités,  et  autant  que  possible  on  y  conforme  sa 
propre  attitude.  Le  sublime  nous  élève,  on  tâche  alors 
de  se  grandir  en  parlant  de  ce  qui  est  grand  ;  le  gra- 
cieux nous  adoucit  et  l'attitude  comme  les  gestes 
sont  empi'einls  de  grâce  et  de  douceur. 

Si  à  l'admiration  se  joint  la  vénération,  non  seule- 
ment les  muscles  des  sourcils,  de  la  bouche  et  des 
joues  devenant  moins  fermes  s'affaissent,  mais  en- 
core ceux  de  tout  le  corps  qui  semble  se  replier  sur 
lui-même. 

Ces  phénomènes  du  reste  sont  plus  ou  moins  visi- 
bles, toujours  suivant  le  degré  esthétique  de  l'objet 
et  suivant  le  sentiment  d'amour  qu'il  occasionne. 

Quand  l'objet  extérieur  ou  in\isible  qui  occupe 
l'esprit  excite  l'irritation  et  produit  la  colère,  le  moi 


ol fi  N.   s.    —  DES  ATTITUDES  DU   CORPS. 

agité  par  un  besoin  de  vengeance  ou  de  punition  ma- 
nifeste ardemment  cette  soif  dans  tous  les  mouvements 
du  corps.  A  cette  expression  s'ajoutent  parfois  d'au- 
tres expressions  telles  que  celles  du  déplaisir,  de  la 
crainte,  même  de  l'effroi. 

Cette  colère  peut  se  diriger  contre  des  objets  ina- 
nimés, contre  des  animaux,  contre  nos  semblables  : 
réellement  ridicule  dans  le  premier  cas,  elle  est  d'or- 
dinaire peu  excusable  dans  le  second;  mais  elle  peut 
être  légitime  dans  le  troisième,  surtout  lorsque  ceux 
qui  nous  irritent  le  font  avec  intention  et  paraissent 
en  ressentir  une  joie  mal  dissimulée. 

Quel  que  soit,  d'ailleurs,  le  motif  déterminant  de 
la  colère,  elle  donne  à  toutes  les  parties  extérieures 
(les  membres  du  corps  une  force  surhumaine,  force 
({ui  se  substantialise  surtout  dans  les  organes  spécia- 
lement propres  à  attaquer,  à  saisir  et  à  détruire. 

Injectées  par  le  sang  qui  s'y  porte  en  abondance, 
les  veines  dans  la  colère  serpentent  menaçantes  sur 
le  front,  sur  le  cou,  sur  les  tempes,  les  extrémités  du 
corps  ;  les  yeux  roulent  pour  ainsi  dire  dans  leurs  or- 
bites ;  les  dents  par  des  grincements  pénibles  à  en- 
tendre, les  mains,  les  bras  et  les  pieds  qui  veulentêtre 
absolument  occupés  manifestent  une  synergie  (1)  spé- 

(1)  Sijnevfjie  :  action  simultanée,  concours  d'action  entre  divers 
organes. 


N.    S.   —   DES  ATTITUDES  DU    CORPS.  ol7 

ciale  des  forces,  quitraliit  le  plus  grand  désordre  dans 
le  système  musculaire  et  dans  le  système  nerveux. 

Dans  la  mauvaise  humeur,  l'agitation  du  corps  est 
déjà  visible  :  on  mordille  la  lèvre  inférieure,  on  remue 
fréquemment  le  pied  en  frappant  la  terre  à  petits 
coups  précipités,  on  dérange,  on  froisse  ses  vêle- 
ments, on  déplace,  on  brise  les  objets  qui  sont  à  la 
portée  de  la  main. 

Quelle  différence  d'expressions  et  d'attitudes  dans 
la  joie  ! 

Outre  l'expression  que  nous  avons  signalée  pour  le 
visage  à  la  note  de  la  physionomie,  voyez  comme  la 
tête  se  dégage  et  s'élève  avec  grâce,  comme  sur  la 
bouche  se  dessine  ce  séduisant  demi-sourire  des 
lèvres  entr'ouvertes  ;  comme  les  bras  et  les  mains  se 
meuvent  joyeusement,  comme,  en  un  mot,  la  légèreté, 
la  souplesse  et  l'harmonie  se  font  remarquer  dans  les 
mouvements  de  chaque  membre. 

Toutefois,  dès  que  la  gaieté  devient  excessive,  ces  ca- 
ractères perdent  une  grande  partie  de  leur  élégance, 
car  alors  la  joie  dégénère  en  une  pétulance  qui  fait 
grimacer  le  visage  et  change  en  sauts  ridicules,  en 
cabrioles  peu  convenables,  les  mouvements  souples 
du  corps. 

Les  attitudes  ont  les  mêtnes  degrés  de  progression 
et  de  décroissance  que  la  physionomie,  le  geste,  la 


518  .N.   S.    —    DES  ATTITUDES   DU   CORPS. 

déclamation,  le  chant,  la  musique.  Elles  sont  suscep- 
tibles en  un  mot  de  crescendo  et  de  decrescendo  et 
peuvent  s'élever  par  des  degrés  innombrables  depuis 
le  premier  soupçon  d'une  affection  jusqu'à  son  entier 
développement. 

Dans  l'évolution  des  attitudes,  lorsque  les  expres- 
sions des  diverses  affections  de  Tàme  doivent  être 
rendues  par  une  gradation  insensible,  la  seule  marche 
à  suivre  pour  rendre  cette  gradation  est  celle-ci  :  sai- 
sir les  traits  principaux  et  essentiels  à  chaque  pas- 
sion les  plus  propres  à  la  caractériser  et  indiquer 
leur  accroissement  en  les  renforçant.  —  Si,  au  con- 
traire, l'accroissement  se  fait  sans  gradation,  par 
secousse,  en  franchissant  rapidement  plusieurs  degrés 
intermédiaires,  on  tiendra  alors  compte  d'une  seconde 
remarque:  lorsque  d'une  parfaite  tranquillité  appa- 
rente le  moi  passe  soudain  à  un  état  violent  et  agité, 
c'est  qu'il  subit  une  situation  intermédiaire  de  désor- 
dre, et  dans  ce  cas  d'une  distance  trop  sensible  entre 
les  degrés;  l'attitude  doit  aussi  indiquer  cet  état  par 
un  air  d'étonnement,  par  un  léger  reculement  de  sur- 
prise ou  par  tel  autre  mouvement  équivalent. 

ATTITUDES  DIVERSES. 

L'orgueilleux  a  une  attitude  très  caractérisée;  lise 
redresse  volontiers,  la  tête  un  peu  portée  en  arrière  ; 


N.  S.  —  DES  ATTITUDES  DU  CORPS.       519 

il  affecte  d'ordinaii'e  une  certaine  morgue  soit  en  se 
frottant  les  mains  comme  s'il  les  «  savonnait  »,  soit  en 
se  passant  une  main  dans  le  gilet  en  ayant  soin  de  la 
placer  assez  haut  sur  la  poitrine;  si  l'autre  main  est 
inoccupée,  il  la  place  en  la  retournant  sur  la  hanche 
et  fait  avancer  le  coude  :  les  pieds  tournés  en  dehors 
sont  très  écartés  et,  si  l'im  sert  d'appui,  l'autre  se 
trouve  trop  en  avant. 

Tout  autre  est  la  tenue  du  caractère  opposé,  — 
L'homme  qui  est  doué  d'un  naturel  simple  et  uni  sans 
mollesse  toutefois  se  tient  volontiers  avec  les  bras 
placés  vers  le  milieu  du  corps,  sa  tète  est  droite,  n'in- 
clinant ni  en  avant  ni  en  arrière,  les  pas  sont  ré- 
guliers; les  pieds,  sans  se  diriger  l'un  vers  l'autre^  ne 
s'écartent  point  trop  en  dehors. 

Le  phlegmatique  se  lient  avec  une  certaine  raideur; 
les  mains  quand  elles  sont  inoccupées  sont  de  préfé- 
rence enirelacéessurledos,  c'est-à-dire  plus  volontiers 
éloignées  du  développement  immédiat  de  leur  activité. 

L'individu  dont  Tàme  est  molle,  lâche,  paresseuse, 
a  un  extérieur  qui  dénonce  rapidement  cette  faiblesse 
et  cette  infériorité  de  tempérament  :  sa  tête,  qu^il 
n'a  pour  ainsi  dire  point  la  force  de  soutenir,  retombe 
sur  la  poitrine;  les  lèvres  s'entr'ouvent  niaisement  et 
la  mâchoire  mférieure  suit  le  menton  qui  abandonné 
à  lui-même  tend  à  peser  sur  la  poitrine,   les  genoux 


:J20  N.  s.   —  DES   ATTITUDES   DU  CORPS- 

ploient  sous  l'abdomen  qui  se  projette  en  avant,  les 
paupières  à  demi  fermées  voilent  le  regard  éteint  des 
yeux,  les  bras  ballants  errent  le  long  du  corps  ou  les 
mains  s'enfoncent  dans  les  poches  du  pantalon,  les 
pointes  des  pieds  tendent  à  se  rejoindre  ;  en  un  mot 
la  démarche  tout  entière  proclame  la  déchéance  de 
cette  âme  qui  n'a  plus  l'énergie  d'imposer  sa  loi  aux 
organes. 

Le  mépris  s'occupe  d'une  manière  plus  spéciale 
des  vices,  des  défauts,  de  l'insuffisance  et  de  la  nul- 
lité des  autres,  tandis  que  l'orgueil  songe  plutôt  à 
ses  propres  qualités. 

Aux  traits  caractéristiques  qui  dénotent  l'orgueil, 
le  mépris  en  ajoute  plusieurs  qui  ont  un  sens  très 
précis  :  Ton  détourne  le  buste  ou  on  le  présente  d(; 
côté,  lançant  un  regard  rapide.  Quelquefois  on  se 
borne  à  abaisser  le  regard  avec  une  certaine  négli- 
geiic(ï  et  de  côté  en  relevant  les  lèvres  et  contractant 
un  peu  les  ailes  du  nez  pour  indiquer  que  l'objet  con- 
sidéré ne  mérite  pas  un  examen  plus  attentif.  Si  la 
personne  à  laquelle  on  marque  ce  dédain  le  sup- 
porte sans  sourciller,  ou  si  au  contraire  elle  paraît 
vouloir  protester  contre  notre  appréciation,  on  ferme 
à  demi  les  yeux  comme  si  l'on  ne  distinguait  pas 
très  bien  ses  minuscules  proportions,  et  on  esquisse 
alors  un  sourire  railleur,  ou  bien  encore  la  tête  se 


N.   S.   —  DES  ATTITUDES   DU  CORPS.  521 

penche  de  côté  et  se  relève  légèrement  comme  si  de 
sa  hauteur  on  cherchait  à  deviner  ce  qui  peut  s'agi- 
ter au  fond  d'un  abîme  placé  bien  loin  au-dessous  de 
soi. 

Une  des  expressions  les  plus  sensibles  du  mépris 
est  de  simuler  une  indifférence  complète  vis-à-vis  de 
son  interlocuteur. 

Dans  la  honte,  le  visage  se  colore  d'une  soudaine 
rougeur,  se  baisse  et  semble  se  coller  contre  la  poi- 
trine, la  tête  essaye  pour  ainsi  dire  de  disparaître 
entre  les  épaules,  les  muscles  du  cou  se  tendent  avec 
raideur  comme  s'ils  voulaient  neutraliser  tout  mou- 
vement permettant  à  la  tète  de  se  relever,  enfin  les 
yeux  timides  se  fermenta  demi  et  semblent  chercher 
un  abri  derrière  les  paupières. 

Celui  qui  est  en  pioie  à  une  douleur  profonde 
diffère  beaucoup  comme  aspect  du  mélancohque. 
On  voit  les  divers  muscles  de  la  face  de  l'homme 
souffrant  se  tendre  et  se  contracter  par  des  mou- 
vements rapides,  ses  yeux  s'animent  d'une  lueur 
vague  et  triste,  le  milieu  du  front  se  ride  et  relève 
les  angles  des  sourcils,  la  respiration  est  pénible  et 
la  poitrine  haletante  se  soulève  avec  de  fréquents 
soubresauts  ;  il  marche  avec  une  pesanteur  préci- 
pitée, le  buste  s'allonge,  les  jambes  se  détendent  et  la 
tête  fléchissant  de  côté  jette  vers  l'inconnu  des  yeux 


o22  N.,  S.   —    DES   ATTITI'DES   DU    CORPS. 

humides  et  suppliants,  les  doigts  s'entrelacent,  les 
mains  se  tordent  puis  se  meuvent  en  tous  sens,  tantôt 
s'en  prenant  à  différentes  parties  du  corf)s,  tantôt 
se  détachant  et  pendant  vers  la  terre. 

Dans  l'effroi  qui  est  un  mélange  d'étonnement,  de 
crainte,  de  colère  même,  on  retrouve  combinées  les 
attitudes  propres  à  chacune  de  ces  diverses  affections. 
La  frayeur  accompagnée  d'étonnement  suspend  tout 
mouvement,  on  reste  immobile,  les  joues  pâlis- 
sent par  la  crainte  qui  continue  à  vous  maintenir  dans 
la  même  immobilité,  on  recule  souvent  d'im  pas,  en- 
fin la  colère  agit  et  précipite  les  bras  en  avant,  pas 
toujours  cependant  car  lorsque  le  péril  s'offre  avec 
une  force  majeure,  le  désir  de  la  conservation  déter- 
mine une  attitude  suppliante  et  fait  lever  les  bras  au 
ciel  au  lieu  de  cherchera  repousser  le  mal  en  se  rai- 
dissant contre  l'attaque. 

Le  remords  offre  à  l'observation  des  traits  singuliè- 
rement expressifs  et  pittoresques. 

La  démarche  est  alors  aussi  vague,  aussi  incer- 
taine que  le  regard.  Variant  sans  cesse  ses  attitudes, 
indice  du  bouleversement  des  i)ensées  et  de  leur  ob- 
session, l'homme  repentant  passe  et  repasse  la  main 
sur  le  front  comme  pour  effacer  jusqu'à  la  dernière 
trace  des  images  pénibles  qui  le  harcèlent;  le  pas 
est  irrégulier,  les  bras  s'agitent  souvent  et  parfois  la 


N.    S.   —   DES  ATTITUDES  DU    COUPS.  523 

main  non  contente  de  se  porter  ainsi  sur  le  front  y 
frappe  des  coups  violents,  voulant  pour  ainsi  dire 
écraser  le  remords  qui  s'y  abrite. 

La  satisfaction  de  soi-même  se  manifeste  de  plu- 
sieurs manières  suivant  les  motifs  qui  l'excitent. 

Se  targue-t-on  de  qualités  physiques  qui  donnent 
quelque  agrément  à  la  persoune,  par  exemple,  la 
beauté  et  le  charme  de  la  ligure,  la  légèri:ité,  la  sou- 
plesse de  la  forme  des  membres,  on  se  sourit  à  soi- 
même,  c'est  le  sourire  du  contentement  intérieur  (1). 
Le  geste  conserve  toute  sa  vivacité,  toute  sa  gaieté  ; 
on  sautille,  on  fredonne,  on  chante;  des  attitudes 
multipliées  se  succèdent  motivées  par  le  désir  de 
faire  valoir  les  avantages  dont  on  se  sait  ou  dont 
on  se  croit  paré. 

E^t-on  satisfait  de  l'astuce  et  de  l'habileté  qu'on  a 
employées  pour  parvenir  à  ses  fms^  un  léger  sourire 
amincit  les  lè\res  et  contracte  fmement  leurs  extré- 
mités, ainsi  que  les  angles  des  paupières.  Un  éclair  dans 
le  regard  indique  le  plaisir  intérieur  que  l'on  ressent. 
La  démarche  devient  lente  et  oblique,  la  tête  elle- 
même  se  penche  avec  un  balancement  significatif. 
Peut-être  enfin  la  main  se  redressera-t-elle  en  dési- 
gnant de  l'index  le  maladroit  qui  sa  sera  laissé  trom- 

(1)  Le  libertin  aordinairoment  les  lèvres  fortes,  allongées,  presque 
épanouies,  et  les  dénis  petites. 


524  N.   S.   —  DES  ATTITUDES    DU   CORPS. 

per,  ou  bien  à  la  dérobée  heurtera-t-on  du  coude  un 
voisin  ami  pour  le  lui  faire  connaître  mystérieusement. 

Si  la  satisfaction  personnelle  est  occasionnée  par 
un  mérite  supérieur  tel  que  la  fonction  éminente,  le 
pouvoir,  la  force  d'esprit,  on  s'efforce  de  faire  valoir 
par  analogie  cette  prédominance  en  évaluant  par  sa 
taille  corporelle  les  rapports  qui  existent  avec  une 
personne  privée  de  tels  avantages  ;  on  prend  un  air 
sérieux  et  pensif,  le  regard  vaguement  fixé  sur  quel- 
que chose  d'invisible,  tout  l'ensemble  individuel  de- 
vient d'autant  plus  mesuré  que  le  sentiment  de  sa 
propre  valeur  cause  plus  de  satisfaction. 

La  plénitude  des  idées  donne  de  l'ampleur  aux 
mouvements  corporels  et  le  calme  affecté  avec  lequel 
elles  se  développent  rend,  par  analogie,  la  démarche 
grave,  traînante  et  solennelle. 

La  satisfaction  du  moi  provient-elle  d'avantages 
étrangers  à  l'intelligence  comme  une  illustre  naissance, 
une  fortune  considérable,  dès  lors  la  vanité  fait  place 
au  maintien  tranquille  et  presque  pontifiant  du  véri- 
tajjle  orgueil  :  on  se  pose  largement  et  bruyamment 
sur  les  jambes  fortement  écartées,  la  tète  bien  assise 
entre  les  épaules  incline  en  arrière  ;  on  gesticule  lar- 
gement et  avec  emphase,  on  fait  eiïort  pour  s'imposer 
au  milieu  qui  vous  entoure. 

S'agit-il  de  fermeté^  de  courage,  de  résistance,  de 


iN.   S.    —    DES   ATTITUDES  DU   CORPS.  52o 

force  musculaire,  alors  tout  le  corps  se  rassemble  et 
devient  plus  condensé,  les  muscles  sont  tendus,  le  col 
se  raidit,  les  genoux  s'affermissent  et  la  tête  s'enfonce 
entie  les  épaules,  l'attitude  tout  entière  devient  pro- 
vocatrice et  l'on  semble  dire  aux  autres  :  Je  ne  crains 
rien,  moi  (1). 

Bans  Taltitude  de  la  réflexion,  beaucoup  de  gestes 
sont  dus  à  l'analogie. 

C'est  ainsi  que,  quand  l'esprit  a  découvert  quelque 
nouvelle  vérité  pour  lui,  l'index  se  porte  eu  avant 
comme  pour  pointer  ei!  dehors  ce  que  la  pénétration 
intérieure  vient  de  faire  découvrir. 

Lorsque  des  pensées  importuues  assiègent  le  cer- 
veau, il  arrive  qu'un  mouvement  de  la  bouche  semble 
les  rejeter  extérieurement  et  que  la  tête  indique,  par 
un  mouvement  de  droite  à  gauche,  qu'elle  veut  s'en 
débarrasser  ;  bien  plus^  la  main  elle-même  s'agitant 
fiévreusement  paraît  les  repousser  en  imitant  le  geste 
qui  nous  est  habituel  quand  on  veut  se  délivjer  d'un 
insecte  incommode. 

Lorsque  l'esprit  médite  et  se  recueille  pour  analyser 
plus  scrupuleusement  tout  ce  qui  est  du  domaine  de 


(I)  Lhomme  fort,  c'est-à-dire  doué  d'une  force  musculaire  extraor- 
dinaire, a  la  tête  plutôt  grande  que  moyenne,  le  nez  bien  propor- 
tionné, la  bouche  grande,  les  lèvres  déliées  et  s'unissant  symétri- 
quement Tune  sur  l'autre,  un  peu  tombantes  vers  le  coin. 


52G  i\.    S.   —   DES   ATTITUDES  DU   CORPS. 

l'entendement,  riiidex  se  porte  sur  les  lèvres  fermées 
comme  si  l'on  craignait  que  le  lja\arclage  des  idées 
moins  essentielles  ne  troublât  l'examen  des  plus  im- 
portantes ;  souvent  aussi  la  main  se  porte  sur  le  front 
ou  sur  les  yeux,  établissant  ainsi  analogiquement  une 
séparation  entre  le  monde  extérieur  et  le  monde  de 
l'intelligence.  Ou  bien  encore  l'index  se  fixe  sur  un 
endroit  du  front  pour  y  retenir  l'idée  que  l'on  redoute 
de  voir  s'échapper. 

D'autres  gestes  secondaires  accompagnent  encore 
l'attitude  de  la  réflexion.  Ils  varient  suivant  les  indi- 
vidus et  les  tempéraments  ;  d'ailleurs  ils  n'ont  plus 
ce  caractère  d'universalité  qui  se  rencontre  dans  les 
premiers. 

ATTITUDES    MIXTES. 

Les  attitudes  mixtes  sont  composées  de  diverses 
altitudes  qui  expriment  simultanément  une  pluralité 
de  sentiments  passionnels. 

Pour  les  créer,  il  importe  de  démêler  les  attitudes 
qui  entrent  dans  la  donnée  d'une  attitude  mixte.  Il 
importe  ensuite  d'en  déterminer  la  i)i()purtii)n  pour 
se  rendre  compte  de  Y  attitude  dominante  dans  le  but 
d'y  faire  correspondre  à  propos  l'attitude  d'ensemble. 

C'est  ainsi  que  dans  lattitude  de  l'envie  on  trou- 


N.   S.   —   DES  ATTITUDES   DU   CORPS.  'Ml 

vera  une  parlie  des  attitudes  de  la  souffrance,  de  la 
haine  et  de  la  honte  ;  dans  l'attitude  de  Thomnie  qui 
espère,  le  désir  avec  un  mélange  de  joie  ou  de  crainte  ; 
dansla  pitié,  la  bonté  accompagnée  de  tristesse  ;  dans 
la  reconnaissance,  l'amour  suivi  de  vénération;  dans 
la  clémence,  un  mélange  d'amabilité  provenant  de  la 
bonté  tempérée  par  ime  certaine  froideur  déi'ivant  de 
l'orgueil. 

On  ne  doit  point  oublier  en  analysant  l'essence  de 
ces  atliludes  le  mot  de  Técole  :  «  natura  non  facit 
saltiis.  » 

La  nature  ne  fait  de  sauts  ni  dans  l'ordre  intellec- 
tuel ni  dans  l'ordre  matériel;  tout  est  lié  dans  ses 
opérations  par  des  chaînes  invisibles  qui  échappent 
souvent  à  notre  pénétration. 

Lorsque  X éloignement  qui  existe  entre  les  affec- 
tions est  insignifiant, le  désordre  qui  se  produira  dans 
l'âme  lors  de  leur  succession  et  de  leur  liaison  sera 
momentané. 

Concentré  dans  ce  qu'il  y  a  de  plus  intime  en  nous, 
il  se  propagera  peut-être  à  peine  jusqu'aux  yeux  et 
aux  lèvres,  mais  rarement  jusqu'aux  parties  du  corps 
les  plus  diltîciles  à  émouvoir. 

Quand  leloigneinent  est  plus  considérable,  l'agi- 
tation, l'oscillation  et  les  efforts  du  moi  adecté  par 
deux  sentiments  incompatibles    deviendront    sensi- 


528  N.   S.   —   DES  ATT1TUUL.S   DU  CORPS. 

l)les  à  l'organe  de  la  vue  par  les  modifications  que 
le  corps  subira. 

Ici  auront  lieu,  suivant  la  différence  des  cas,  tan- 
tôt les  secousses  du  rire,  tantôt  les  convulsions  des 
pleurs,  tantôt  un  changement  subtil  de  la  couleur  du 
visage,  tantôt  un  tremblement  de  tous  les  membres, 
tantôt  celte  agitation  inquiète  qui  décèle  le  doute, 
I  inquiétude,  ou  d'autres  mouvements  de  ce  genre. 

Dans  l'art  de  la  déclamation,  les  différents  change- 
ments et  les  ruptures  dans  le  ton  doivent  répondre  à 
ces  modifications  des  attitudes  du  corps. 

Nos  notes  physiognomoniques  peuvent  être  utiles, 
non  seulement  à  tous  les  dysphones,  mais  encore  à 
toutes  les  personnes  qui  veulent  interpréter  à  haut(> 
voix  les  œuvres  littéraires  des  écrivains  français  ou 
étrangers. 


NOTE  T 


EPILOGUE 


34 


NOTE  T 


ÉPILOGUE. 


Nous  ne  pouvons  mieux  résumer  les  notes  qui  con- 
cernent le  son  esthétique  et  la  pJujsiognomonie  qu'en 
reproduisant  ici,  à  titre  d'épilogue,  les  conseils  don- 
nés par  Shakespeare  aux  diseurs  de  son  temps  et  qu'il 
a  mis  dans  la  bouche  d'Hamlel. 

Hamlet.  —  Dites  ce  discours,  je  vous  prie,  en  le  lais- 
sant légèrement  courir  sur  la  langue  ;  mais  si  vous  le 
déclamez  à  pleine  bouche,  comme  font  beaucoup  de  nos 
acteurs  J'aurais  tout  aussi  bien  pour  agréable  que  mes 
vers  fussent  dits  par  le  crieur  de  la  ville.  N'allez  pas 
trop  non  plus  scier  l'air  en  long  et  en  large  avec  votre 
main,  de  cette  façon;  mais  usez  de  tout  sobrement; 
car,  dans  le  torrent  même  de  la  tempête,  et  pour  ainsi 
dire  le  tourbillon  de  votre  passion,  vous  devez  pren- 
dre sur  vous  et  garder  une  tempérance  qui  puisse  lui 
donner  unedouceurcoulante.Oh!  cela  mcchoquedans 


o32  N.   T.   —   EPILOGUE.   —  PllYSlOGNOMONIE. 

rame  d'entendre  un  robuste  gaillard,  grossi  d'une 
perruque,  déchiqueter  une  passion,  la  mettre  en  lam- 
beaux, en  vrais  haillons,  pour  fendre  les  oreilles  du 

parterre 

Ne  soyez  pas  non  plus  trop  apprivoisé;  mais 
que  votre  propre  discernement  soit  votre  guide  ;  ré- 
glez Vaction  sur  les  paroles  et  les  paroles  sur  l'ac- 
tion^ avec  une  attention  particulière  à  n'outrepasser 
jamais  les  convenances  de  la  nature  ;  car  toute  chose 
ainsi  outrée  s'écarte  de  la  donnée  même  du  théâtre, 
dont  le  but,  dès  le  premier  jour  comme  aujourd'hui,  a 
été  et  est  encore  de  présenter^  pour  ainsi  parler,  un 
miroir  à  la  nature  ;  de  montrer  à  la  vertu  ses  propres 
traits,  à  i'infamie  sa  propre  image,  à  chaque  âge  et 
à  chaque  incarnation  des  temps  sa  forme  et  son  em- 
preinte. Tout  cela  donc,  si  vous  outrez  ou  si  vous 
restez  en  deçà,  quoique  cela  puisse  faire  rire  l'igno- 
rant, ne  peut  que  faire  peine  à  l'homme  judicieux 
dont  la  censure,  fùt-il  seul,  doit,  dans  votre  opinion, 
avoir  plus  de  poids  qu'une  pleine  salle  de  spectateurs. 
[Hamlet,  acte  111,  scène  n.) 


NOTES  ANNEXES 


NOTE  U 


ANTHOLOGIE  ORTHOPHONIQUE 


(PROSE    ET    VERS] 


NOTE  U 


ANTHOLOGIE   ORTHOPHONIQUE. 


11  nous  a  paru  indispensable  de  donner,  à  la  fin  de 
cet  ouvrage,  une  Anthologie  spéciale  destinée  à  fa- 
ciliter aux  personnes  qui  suivent  des  cours  d'Ortho- 
phonie la  mise  en  pratique  des  principes  de  phonation 
indiqués  dans  notre  méthode. 

Les  morceaux  choisis  des  classiques  français  qui 
composent  cette  anthologie  forment  la  transition  na- 
turelle entre  les  exercices  syllabiques,  les  phrases  ar- 
ticulatoires  techniques  et  l'étude  orale  d'un  morceau 
littéraire  pris  au  hasard. 

Notre  recueil  de  prose  et  de  vers  devant  s'adres- 
ser à  des  personnes  de  position,  d'âge  ou  de  sexe 
différents  et  par  conséquent  d'une  instruction  très 
inégale,  on  comprendra  le  soin  qui  a  présidé  à  la 


S38  N.   U.   —  ANTHOLOGIE  ORTHOPHONIQUE. 

vérification    de   sa   valeur  pédagogique,   morale  et 
rythmique. 

L'anthologie  orthophonique  était-elle  réellement 
nécessaire,  était-elle  vraiment  indispensable,  et 
du  moment  que  les  exercices  élémentaires  et  les 
phrases  à  syllabes  combinées  ont  été  étudiés,  ne 
peut-on  aborder  dès  lors  indistinctement  l'étude 
orale  ou  la  récitation  de  tous  les  morceaux  de  litté- 
rature ? 

A  cela  nous  répondons  :  Sans  doute,  une  fois  les 
gymnastiques  syjlabiques  elles  phrases  mnémotechni- 
ques pratiquées,  on  articulera  orthophoniquement  le 
premier  morceau  venu  de  vers  ou  de  prose;  mais  l'ex- 
périence a  montré  que  pour  suivre  utilement  la  se- 
conde partie  de  la  méthode  et  se  livrer  avec  fruit  à 
la  pratique  du  son  esthétique,  les  morceaux  dont  on 
donne  la  liste  ici  étaient  les  mieux  appropriés  à  notre 
enseignement,  les  mieux  adaptés  à  cette  transition  qui 
doit  s'opérer  pour  passer  du  langage  cadencé  au  lan- 
gage naturel  et  débarrassé  de  tout  artifice  phonique 
et  phonétique. 

Un  autre  avantage  ressort  du  choix  constant  des 
mêmes  morceaux. 

Les  élèves  qui  commencent  leur  éducation  vocale  et 
qui  avant  tout  travail  personnel  assistent  pendant  un 
certain  temps  à  l'exercice  de  la  récitation  se  trouvent 


N.    U.    —  ANTHOLOGIE   ORTHOPHONIQUE.  o39 

par  cela  même  préparés  à  l'étude  de  ces  mêmes  mor- 
ceaux ;  ils  profitent  déjà  des  observations  qui  sont 
adressées  à  ceux  qui  se  trouvent  plus  avancés 
qu'eux,  et  ils  saisissent  mieux  la  valeur  des  procédés 
de  redressement  vocal  en  voyant  les  bons  résultats 
phonétiques  obtenus  par  leurs  aînés  ;  quand  vien- 
dra leur  tour  d'étudier  et  de  réciter  les  mêmes 
leçons,  ils  retrouveront  motu  proprio  les  indications 
qu'ils  ont  entendues,  et,  sans  travail  pénible,  recons- 
titueront les  intonations  esthétiques  qu  ils  auront  à 
faire  produire. 

Pourquoi,  nous  dira-t-on  également,  se  borner  à 
donner  le  titre  de  ces  morceaux,  sans  donner  le 
texte?  —  Pour  plusieurs  raisons. 

La  première,  c'est  que  les  ouvrages  d'où  sont  ex- 
traits ces  morceaux  choisis  des  classiques  français 
sont  généralement  dans  toutes  les  bibUothèqnes  des 
institutions  ou  des  écoles;  que  ces  livres  se  trouvant 
dans  toutes  les  bibliothèques  mises  à  la  disposition  du 
public  peuvent  être  consultés  sans  difficulté  ;  que 
d'ailleurs  l'impression  dans  ce  livre  des  morceaux 
choisis  eût  augmenté  inutilement  le  prix  de  son  édi- 
tion. 

Enfin  il  est  une  dernière  raison  qui  a  sa  valeur  et 
que  nous  engageons  les  professeurs  d'Orthophonie  à 
mettre   en  pratique  :  par  cela  même   que  les  mor- 


3iO  N.    U.   —  ANTHOLOGIE  ORTHOPHONIQUE. 

ceaux  choisis  qui  composent  l'Anthologie  orthopho- 
nique ne  sont  pas  imprimés,  les  élèves  devront  la 
faire  eux-mêmes  et  copier  les  morceaux  qu'ils  ont  à 
apprendre.  Par  ce  travail,  les  dysphones  faciliteront 
singulièrement  le  jeu  futur  de  la  mémoire  phonétique  ; 
leur  œil,  exercé  sur  les  morceaux  forcément  lus  avec 
attention,  photographie  en  quelque  sorte  dans  le  cer- 
veau la  physionomie  de  chaque  mot,  de  chaque  vers 
ou  de  chaque  ligne.  Ce  travail  d'attention  éveille  en 
outre  le  besoin  de  mieux  se  rendre  compte  du  sens 
des  mots,  et  cette  intelligence  du  morceau  est  néces- 
sairement d'un  grand  auxiliaire  pour  la  mémoire.  La 
copie  obligera  encore  l'élève  à  surveiller  attentive- 
ment l'orthographe  ;  elle  lui  fournira  l'occasion  de 
faire  un  parallèle  attentif  entre  la  valeur  graphique 
et  la  valeur  phonétique  du  mot  ;  elle  lui  permettra  en 
môme  temps  de  se  signaler  tous  les  mots  qui  lui  offrent 
des  difficultés  spéciales  d'énonciation  ou  d'articulation 
et  qu'il  pourrait  au  besoin  souligner.  De  plus,  il  écrira 
ce  qu'il  pense  des  impressions  et  des  sentiments  expri- 
més dans  le  morceau  qu'il  a  choisi,  il  le  peindra  tel 
qu'il  le  voit,  tel  qu'il  le  sent  (1). 


(1)  Le  véritable  art  de  la  didactiqvio  consiste  à  savoir  profitnr  des 
connaissances  qui  sont  déjà  dans  l'esprit  de  ceux  qu'on  veut  ins- 
truire, pour  les  mener  à  celles  qu'ils  n'ont  point;  c'est  ce  qu'on  ap- 
pelle aller  du  co7i?iu  à  l'inconnu.  Tout  le  monde  convient  du  prin- 


N.    U.    —   ANTHOLOGIE   OKTIIOPIIONIQUE.  541 

On   prendra  ainsi  sans  s'en  clouter  l'habitude  de 
penser  (1),  et  de  coordonner  la  parole. 


cipe  ;  mais  dans  la  pratique  on  s'en  écarte,  ou  faute  d'attention,  ou 
parce  qu'on  suppose  dans  les  adolescents  des  connaissances  qu'ils 
n'ont  point  acquises. 

Les  manières  ordinaires  de  parler  sont  appelées  simplement 
phrases,  expressions,  périodes;  mais  celles  qui  expriment  non  seu- 
lement des  pensées,  mais  encore  des  pensées  énoncées  d'une  ma- 
nière particulière  et  qui  leur  donne  un  caractère  propre,  celles-là 
sont  appelées  figures  parce  qu'elles  paraissent  sous  une  forme  par- 
ticulière, et  avec  ce  caractère  propre  qui  les  distingue  les  unes  des 
autres.  Les  figures,  quand  elles  sont  employées  à  propos,  donnent 
de  la  vivacité,  de  la  force,  ou  de  Tagrément  au  discours  ;  car,  outre 
la  propriété  d'exprimer  les  pensées,  comme  tous  les  autres  assem- 
blages de  mots,  elles  ont  encore,  pour  ainsi  dire,  l'avantage  de  la 
forme  de  leur  «  vêtement  »  qui  sert  à  réveiller  l'attention,  à  plaire 
ou  à  toucher. 

Quand  dans  la  lecture  à  haute  voix  les  figures  sont  bien  rendues 
oralement,  elles  font  admirablement  ressortir  la  valeur  de  la  diction 
d'une  personne. 

On  divise  les  figures  en  figures  de  pensées  et  en  figures  des 
mots.  Il  y  a  cette  différence,  dit  Cicéron,  entre  les  figures  de  pen- 
sées et  les  figures  des  mots,  que  les  figures  de  pensées  dépendent 
uniquement  du  tour  de  l'imagination  ;  elles  ne  consistent  que  dans 
la  manière  particulière  de  penser  ou  de  sentir,  en  sorte  que  la  figure 
demeure  toujours  la  même,  quoiqu'on  vienne  à  changer  les  mots 
qui  l'expriment.  Au  contraire,  les  figures  des  mots  sont  telles,  que, 
si  vous  changez  les  paroles,  la  figure  s'évanouit.  Par  exemple, 
lorsque,  parlant  d'une  brigade,  on  dit  qu'elle  était  composée  de  six 
mille  baïonnettes,  baïonnettes  est  là  pour  soldats.  Si  on  substitue 
le  mot  de  soldats  à  celui  de  baïonnettes,  on  exprime  également  la 
pensée,  mais  il  n'y  a  plus  de  figure. 

(1)  Le  mot  penser  signifie,  suivant  son  étymologie,  peser  (il  vient 
du  mot  latin  jje«.?are). 

C'est  par  les  jugements  que  nous  portons  des  choses  que  nous 
les  pesons,  que  nous  les  apprécions,  d'où  il  suit  que  l'art  de  penser 


542  N.   U.   —  ANTHOLOGIE  ORTIIOPflOMIQUE. 

Les  élèves  qui  suivent  des  cours  d'Orthophonie 
seront  donc  invités  à  écrire  l'anthologie  de  la  façon 
suivante  :  d'un  côté  le  morceau  (prose  ou  vers),  d'un 
autre  côté  la  page  en  regard  sera  laissée  en  blanc  et 
servira  à  mettre  en  note,  vis-à-vis  des  passages  cor- 
respondants, les  remarques  orthophoniques  et  les 
observations  sur  le  son  esthétique  auxquelles  elles 
auront  pu  donner  lieu  pendant  les  classes  d'ortho- 
phonie, observations  qui  varient  selon  le  vice  de  pa- 
role dont  est  atîecté  l'élève  dysphone  et  qui,  par 
conséquent,  sont  exclusivement  personnelles. 

On  comprend  toute  l'utilité  de  ces  remarques 
transcrites  au  retour  de  la  classe  par  l'élève  :  en  le 
maintenant  constamment  en  haleine  pour  les  autres 
cours  elles  lui  feront  nécessairement  faire  une  révi- 
sion complète  du  cours  antérieur. 

est  le  même  que  l'art  de  juger,  d'où  il  suit  également  que  l'art  de 
juger  un  morceau  littéraire  consiste  à  savoir  l'analyser  par  le  sens 
intime,  par  la  mémoire,  par  l'évidence,  par  le  témoignage  des  sens, 
par  la  tradition,  par  l'analogie  et  enfin  par  la  probabilité. 

Quand  on  veut  rendre  oralement  un  morceau  littéraire,  il  faut  le 
dessiner  comme  l'artiste  dessine  un  tableau  :  ici  seront  les  coups  de 
lumière,  là,  les  ombres;  ceci  doit  êtie  relativement  perdu,  cela  très 
peu  marqué,  telle  phrase  sera  mise  en  relief,  telle  autre  proposi- 
tion sortira  pour  ainsi  dire  de  la  toile. 


TITRES  DES  MORCEAUX  CHOISIS 

DES   CLASSIQUES    FRANÇAIS 
(prose  et  vers) 


ORDRE   ALPHABÉTIQUE, 


Alemiîert  (Jean  d').  —  Destouclies  et  Dufresny  (Éloge  de  Destou- 
ches). —  Les  Arts  (discours  préliminaire  de  l'Encyclopédie), 

A^DIUEUX.  —  Le  Meunier  de  Sans-Souci. 

Arago.  —  Rupture  de  Buffun  avec  Bailly. 

Arnault.  —  Marins  dans  les  marais  de  Minturne.=  . 

AuGiER  (Emile).  —  La  Province  (la  Jeunesse).  —  La  Ciguë,  acte,  II, 
scène  m. 

AuTRAN,  —  Les  Naufragés. 


Balzac.  —  Une  Maison  flamande  à  Douai. 

Banville.  —  Les  Loups.  —  Le  Sanglier. 

Barbier  (Auguste).  —  Dante.  —  Michel-Ange. 

Barthélémy.  —  Une  Nuit  au  désert. 

Beaudelaire.  —  L'Homme  et  la  Mer. 

Beaumarchais.  —  Le  Mariage   de  Figaro,   acte  IV,  scène  m.  —  La 

Calomnie  (le  Barbier  de  Séville). 
BÉRANGER.  —  Le  Voyage  imaginaire.  —  Le  bon  Vieillard.  —  L'Orage. 

—  Adieux  de   Marie-Stuart.    —   Les    Hirondelles.    —   Le 

Chant  du  Cosaciue. 
Bernardin  de  Sai^t-Piekhe.  —  Le  Fraisier  (Harmonies  delà  Nature). 
Bernard  (Claude).  —  Pliysiologie  du  cœur. 
BiCHAT.   —  Théorie  du  Sommeil. 

Bodrdai.oue.  —  L'Hypocrisie  (Sermon  sur  le  Jugement  de  Dieu). 
Brillat-Savahin.  —  Les  Mots  et  les  Choses. 


;iii  N.    U.  —   ANTHOLOGIE   ORTllOPHuNIQUE. 

BnizEux.  —  Le  Convoi  d'une  p;iuvre  fille.  —  La  Maison  du  Mous- 

toir.  —  Le  pont  Kerno. 
DuFFON.  —  Dignité   de  l'Homme.  —  Le  Chien.   —   Le  CiievaL  — 

L'Oiseau-mouclie. 


Cabanis.  —  La  Douleur  est-elle  un  mal? 

Calvi\.    —    Méditation  de  la  vie  à  venir  (Institution  de  la  religion 

chrétienne). 
Chapki.ain.  —  Chapelain  peint  par  lui-même. 
Chateai  i;i!iAND.  —  La  Cataracte  du  Niagara  (Génie  du  Christianisme). 

—  Washington  et  Bonaparte. 

CiiÉMEn  (André).  —  La  Jeune  Captive.  —  Adieux  :\  la  vie. 

CoLLiN  d'Haklevili.e.  —  L'Optimiste,  act.  III,  se.  xi.  —  Les  Châteaux 

en  Espagne,  acte  III,  scène  vit. 
CouniER  (P.-L.).  —  Mort  de  Périclès  (trad.  libre  de  Plutarqnc). 
CoppÉE  (François).  —  l.e  Défilé.  —  Les  Aïeules.  —  La  Bénédiction. 

—  I.a  Grève  des  forgerons. 

Cor.NEiLLE  (Piorrt;).  —  Cid,  act.  III,  se.  iv  ;  id.,  act.  IV,  se.  iii;  id., 
aci.  V,  se.  i.  —  Horace,  act.  I,  se.  i;  id.,  act.  II,  se.  i;  id., 
act.  II,  se.  vu;  id.,  act.  III,  se.  vi  ;  id.,  act.  IV,  se.  m;  id., 
act.  IV,  se.  v.  —  Cinna,  act.  I,  se.  m  ;  id.,  act.  II,  se.  i  ;  id., 
act.  IV,  se.  m;  id.,act.  V,sc.  ].  — Polyeucte,  act.  I,  se.  iii; 
id.,  act.  III.  se.  m;  i.l.,  act.  V,  se.  iv.  —  Rodogune,  act.  V, 
se.  IV.  —  Pompée  act.  V,  se.  i.  —  Attila,  act.  I,  se.  ii.  — 
Le  Menteur,  acte  I,  se.  v  ;  id.,  act.  V,  se.  m. 

CoBiMEiLi.i;  (Thomas).  —  Ariane,  act.  III,  se.  iv. 

Cousin.  —  L'Idéal  et  le  Béel.  —  Du  Vrai,  du  Beau  et  du  Bien. 
Aux  Jennes  Gens. 

Clvieu.  —  Les  AUuvions. 


Daguesseau.  —  Le  bel  esprit  (Discours  sur  les  causes  de  la  déca- 
dence do  l'art  oratoire). 

Delavk;,\e  (Casimir).  —  La  Mort  de  Jeanne  d'Arc.  —  Los  Enfants 
d'Edouard.  —  Aux  ruines  de  la  Grèce  païenne. 

Delii-le.  —  Le  Coin  du  feu. 

Desboiides-Valmore  (M°"^).  —  Le  Lépreux.  —  L'Kcolier.  —  Le  Petit 
oreiller.  —  Le  Petit  rieur  (Poésies). 

Descahtes.  —  Le  Bon  sens  et  la  Méthode. 

Drsciia.mps  (Antony).  —  L'Enfer  (trad.  de  Dante). 

Deschamps  (Emile).  —  Rodrigue  pendant  la  bataille. 

Des  EssAirrs  (A.).  —  Les  Douleurs. 

Des  EssAiiTS  (Emmanuel)  —  La  Vie  harmonieuse. 

DESHoui.ii-;uES  (M""^).  —  Allégories.  —  Pastorales. 


TITRES  DES  MORCEAUX  CHOISIS.  545 

Destouches.  —  Le  Glorieux,  act,  IV,  se.  vu  ;  id.,  act.  III,  se.  iv. 
DÉzoBRY  (Ch.).  —  Le  Gapitole  au  siècle  d'Auguste  (Rome  au  siècle 

d'Auguste^. 
Diderot.    —  La  Musique   et  un    Musicien.   —  Sur  l'Efficacité  des 

Voyages.  —   Le  Trésor   caché    (De   l'interprétation  de    la 

Nature). 
Ducis.  —  Songe  de  Macbeth.  —  Œdipe,  act.  III,  se.  v. 
DucLOS.  —  Les  Français. 
Dumas  (Alexandre).  —  Guillaume  Mona, 
Dupont  (Pierre).  —  Les  Bœufs. 
DupiN  (Aîné).  —  L'Improvisation  oratoire. 
DuTERTKE.  —  Les  Mouches  luisantes. 


E 

Erckma^n-Chatrun.  —  La  Sentinelle  perdue. 


Favre  (Jules).  —  Défense  d'Orsini.  —  Question  allemande.  —  Sur 
les  libertés  intérieures.  —  Propriété  littéraire.  —  Discours 
du  bâtonnat  (Discours). 

FÉNELON.  —  Comparaison  de  Démocrite  et  d'Heraclite.  —  Le  Con- 
nétable de  Bourbon. 

Fléchier.  —  Le  Cardinal  de  Richelieu.  —  Mazarin  (Oraisons  funè- 
bres). 

Florian.  —  L'Enfant  et  le  Miroir.  —  La  Justice. 

FoNTANES.  — Lucrèce.  —  Horace  (Disc,  prélim.  de  latrad.  de  l'Essai 
sur  l'homme). 

FoY  (le  général).  —  L'Armée  française. 

Franklin.  —  Le  Sifflet. 


G 


Gaillard.  —  Passage  des  Alpes  (Histoire  des  Français). 

Garât.  —  Le  peuple  Juif. 

Gautier  (Théophile).  —  Ce  que  disent  les  hirondelles.  —  M""*  Théo- 
phile (Ménagerie  intime). 

Gilbert.  —  Adieux  à  la  vie.  —  Le  Jugement  dernier. 

GiRARDiN  (Saint-Marc).  —  Naufragé  du  Kent, 

Gresset.  —  Le  Méchant^  act.  IV,  se.  iv. 

Gdizot.  —  La  Vie  d'un  grand  homme.  —  Exécution  de  Charles  I" 
(Histoire,  tome  II). 

3o 


•546  y-   U.   —  ANTHOLOGIE  ORTHOPHONIQUE. 


H 


Harel  (Paul).  —  A  une  Musicienne. 

Hoche  (le  général).  —  Le  général  Hoche  au  bivouac. 

Hdgo  (Victor).  —  Lafontaine.  —  Lui.  —  Moise  sur  le  Nil.  —  L'En- 
fant. —  Oceano  vox.  —  La  Conscience.  —  Virgile.  —  Après 
la  Bataille.  —  Port-Royal. 


Jasmi??.  —  L'Enfant  du  pauvre.  —  Ma  Vigne. 
JouBERT.  —  L'étude  du  latin  (Pensées). 


K 

Kaisr  (Alphonse).  —  Le  Ruisseau. 


Laboulaye  (Ed.).  —  L'éducation  populaire. 

La  RnuYÈnE  (Jean  de).  —  Corneille  et  Racine.  —  Le  Fat,  l'Egoïste. 
—  Cliton  ou  l'homme  né  pour  la  digestion.  —  Le  Riche  et 
le  Pauvre.  —  Le  Courtisan.  —  La  Curiosité  ou  les  Manies. 

LACORDAinE.  —  Contre  l'ennui.  —  L'Enfance  du  général  Drouot. 

Lacaussade.  —  Les  Soleils  de  septembre.  —  La  Nuit.  —  L'Heure  de 
midi.  —  Le  Crépuscule.  —  Rôverie. 

Lafont  (Charles).  —  La  Fille  de  l'orfèvre.  —  Le  Premier  ami  de 
l'homme  (Légendes  de  1h  Charité). 

La  Fontaine  (Jean  de).  —  L'Alouette  et  ses  petits  avec  le  Maître 
d'un  champ.  —  L'Ane  et  le  petit  Chien.  —  L'Ane  vêtu  de  la 
peau  du  Lion.  —  Les  Animaux  malades  de  la  peste.  —  La 
Besace.  —  Le  Chameau  et  les  Bâtons  flottants.  — Le  Charla- 
tan. —  Le  Chat,  la  Belette  et  le  petit  Lapin.  —  Le  Chat  et 
les  deux  Moineaux.  —  Le  Chat  et  le  vieux  Rat.  —  Le  Chê- 
ne et  le  Roseau.  —  La  Cigale  et  la  Fourmi.  —  Le  Coche  et 
la  Mouche.  —  Le  Cochet,  le  Chat  et  le  Souriceau.  —  La 
Colombe  et  la  Fourmi.  —  Le  Coq  et  le  Renard.  —  Les 
deux  Coqs.  —  Le  Corbeau  et  le  Renard.  —  L'Enfant  et  le 
Maître  d'école.  —  Les  Femmes  et  le  Secret  —  La  Fille.  — 
Le  Gland  et  la  Citrouille.  —  Contre  ceux  qui  ont  le  goût 
difficile.  —  Les  Grenouilles  qui  demandent  un  roi.  — 
L'Homme  et  la  Couleuvre.  —  L'Huître  et  les  Plaideurs.  — 


TITRES  DES  MORCEAUX  CHOISIS.  547 

Le  Jardinier  et  son  Seigneur.  —  Le  Laboureur  et  ses  En- 
fants. —  La  Laitière  et  le  Pot  au  lait.  —  Le  Lièvre  et  les 
Grenouilles.  —  Le  Lièvre  et  la  Tortue.  —  Le  Lion  et  le 
Moucheron.  —  Le  Loup  et  l'Agneau.  —  Le  Loup  devenu 
berger.  —  Le  Loup  et  le  Chien.  —  Les  Membres  et  l'Esto- 
mac. —  Le  Meunier,  son  Fils  et  l'Ane.  —  l^es  deux  Mulets. 

—  Les  Obsèques  de  la  Lionne.  —  L'Œil  du  Maître.  — 
L'Ours  et  l'Amateur  des  jardins.  —  L'Ours  et  les  deux  Com- 
pagnons. —  Le  Paysan  du   Danube.   —  Les  deux  Pigeons. 

—  Le  petit  Poisson  et  le  Pêcheur.  —  Le  Pot  de  terre  et  le 
Pot  de  fer.  —  La  Poule  aux  œufs  d'or.  —  Le  Rat  de  ville  et 
le  Rat  des  champs.  —  Le  Renard  et  la  Cigogne.  —  Le  Re- 
nard et  les  Raisins.  —  Le  Savetier  et  le  Financier.  —  La 
Tortue  et  les  deux  Canards.  —  La  jeune  Veuve. —  Le  Vieil- 
lard et  ses  Enfants.  —  Le  Vieillard  et  les  trois  jeunes  Hommes. 

La  Harpe.  —  Warwick,  act.  III,  se.  m. 

Lamartine.  —  Le  Lac.  —  La  Mort  de  Sucrate.  —  La  Prière  du  soir. 

—  L'Automne. 

Lamennais.  —  La  Démocratie  à  Rome.  —  Dissolution  de  l'empire 

romain.  —  Triomphe  du  Christianisme. 
Laprade  (Victor  de).  —  Les  Epis  du  pauvre.  —  La  Mort  d'un  chêne. 
La  RocBEFOucAui.D.   —  La  Valeur. 
Leconte  de  Lisle     —  Héraclès  au  Taureau.  —  L'Épée  d'Angantyr. 

—  Les  Hurleurs. 

Legouvé  (Ernest).  —  Le  père  Instituteur  (les  Pères  et  les  Enfants). 
Lesage.  —  Le  Souper  de  Gil-Rlas.  —  Epitaphe  du  licencié  Gardas. 
LiTTRÉ.  —  Hippocrate. 


M 

Maistre  (Joseph  de). — Une  Nuit  d'été  à  Saint-Pétersbourg. 

Maistre  (Xavier  de).  —  Le  Ciel  étoile. 

Malebranche.  —  Se  rendre  aimable  (Des  devoirs  entre  personnes 
égales). 

Mamierbiî.  —  A  Dnperrier  sur  la  mort  de  sa  fille. 

Marmontel.  —  Molière.  —  Lafontaine  (Epître  aux  poètes).  —  Les 
figures  de  rhétorique  (Éléments  de  littérature).  —  Bon- 
heur dans  la  médiocrité. 

Marivaux.  —  Portrait  d'un  ministre. 

Massillon.  —  Les  fausses  vertus. 

Mérimée.  —  Esprit  politique  des  Grecs. 

Mézeray.  —  Le  Maréchal  de  Biron  à  Henri  IV  (Histoire  de  France). 

MicHELET.  —  La  Leçon  de  l'hirondelle.  —  La  Vocation  de  Jeanne 
d'Arc  (Histoire  de  France). 

MiGNET.  —  Sieyès. 

MiLLEvoYE.  —  La  Chute  des  feuilles.  —  La  Fleur.  —  La  Fiancée.  — 
Le  Poète  mourant. 

Mirabeau.  —  Profession  de  foi  en  1789.  —  Discours  contre  la  ban- 
queroute. 


548  N.   U.   —  ANTHOLOGIE   ORTHOPHONIQUE. 

MiRON. —  Harangue  au  Roi  pour  le  tiers-état. 

Montaigne  (Michel  de).  —  De  l'Amitié. 

MoNTESQiiED.  —  CharlemagiiB.  —  La  Vertu  dans  la  démocratie. 

MoLrÈr.E.  —  ^lisantlirope  ;  tout  le  premier  acte  ;  act.  III,  se.  i.  — 
—  Femmes  savantes,  act  I,  se.  ii  et  m  ;  id.,  act.  II,  se. 
VU;  id.,  act.  III,  se.  v;  id.,  act.  IV,  se.  m.  —  L'Avare, 
act.  III,  se  V  et  vi;  id.,  act.  IV,  se.  vu.  —  L'École  des 
Maris,  act.  I,  se.  i.  —  Psyché,  act.  II,  se.  i,  —  Le  Mariage 
forcé,  act.  I,  ïc.  vi.  —  Les  Fâcheux,  act.  II,  se  vu  ;  act.  III. 
se.  Il  et  III.  —  Amphitryon,  act.  I,  se.  i;  id.,  act.  I,  se.  ii. 

MoREAU  (Hegésippe).  —  Un  Souvenir  d'enfance.  —  La  Voutzy, 
(élégie). 

Musset  (Alfred  de).  —  L'Espoir  en  Dieu  (Poésies).  —  Le  pinceau 
du  Titien.  —  A  la  Maiibran  (sonnet).  —  Combat  de  don 
Paez  et  d'Etur  de  Gnadassé.  —  Lucie.  —  Deux  types  pa- 
risiens (Œuvres  complètes). 


N 


Nadaud,  —  Le  i\id  abandonné  (chansons). 

NiSARD.  —  La  Critique  du  dix-neuvième  siècle  (Discours). 

KoDiER  (Charles).  —  Polichinelle. 


O 

Ortolan  (Eizéar).  —  Les  Rubans  de  feu  (Enfantines) 


Pascal.  —  Pensées  sur  le  Style  et  TEloiuence.  —  L'Imagination. 

Patin.  —  Horace  et  Mercure  (OEavres  d'Hurace). 

Perrault.  —  Le  Petit  Chaperon  Houge  (Contes). 

Pi'  ARD  (Germain).  —  A  un  Enfant. 

PiiioN.  —  La  Métromanie,  acte  V,  scène  i. 

Po.NGERViLLE(de).  — Le  Fanatisme.  —  Le  Sage  et  le  Méchant. 

Po'.SARi).  —  La  Toile  de  Pénélope  ^Poèmes  antiques).  —  La  Sibylle 
de  Cumes,  scènes  m,  iv,  v  (Lucrèce).  —  Le  songe  de  Lu- 
crèce (Lucrèce).  —  Péri[)étie  du  quatrième  acte  de  l'Hon- 
neur et  l'Argent. —  Charlotte  Corday,  acte  III,  scène  i. 

Phévost-Paradoi-.  —  La  Guerre  (la  France  nouvelle). 


TITRES   DES   MORCEAUX   CHOISIS.  5i9 


Ql'inet  (Edg.)'  —Le  Trouvère  (Œuvres  diverses).    —  Les  poèmes 
d'Homère. 


R 


Rabelais.  —  Lettre  de  Gargantua  h.  son  fils. 

Raci-ne,  —  Les  Frères  ennemis,  act.  V,  se.  iir.  —  Andromaque, 
act.  I,  se.  Il;  id.,  act.  I,  se  v  ;  iil.,  act.  V,  se.  v.  —  Britan- 
nicus,  act.  IV,  se.  ii;  id.,  act.  IV,  se.  m.  —  Mithridate, 
act.  III,  se.  I.  —  Iphigénie,  act.  I,  se.  ii;  id.,  act.  I,  se.  v  ; 
id.,  act.  IV,  se.  iv,  id.,  act.  V,  scène  dernière.  —  Phèdre, 
act.  IV,  se.  VI  ;  id.,  act.  V,  se.  vi.  —  Athalie,  act.  I,  se.  i; 
id.,  act.  I,  se.  ii  ;  id.,  act.  II,  se.  v  ;  id.,  act.  II,  se.  vu.  —  Tout 
le  cliœur  du  1"  acte.  —  Tout  le  cliœur  du  i^e  acte.  — 
Estlier,  tout  le  chœur  du  1"  acte,  tout  le  chœur  du  ï'^^  acte, 

Katisbonse.  —  La  lîonde  enfantine. 

Raynouard.  —  Mort  des  Templiers. 

Read  (Henri  Charles).  — Le  Sonnet. 

Reboll  (Jean).  —  Les  Langes  de  Jésus. 

Regkaed.  —  Le  Joueur,  acte  IV,  se.  i. 

REMISAT  (de).  —  Les  Révolutions. 

RiGALLT  (H.).   —  L'Ecolier  d'autrefois. 

RivAROL.  —  Caractère  de  la  langue  française. 

Ronsard.  —  Conseils  à  Charles  IX.  —  Contre  les  Bûcherons  de  la 
forêt  de  Castine. 

RoTROu.  —  Le  Créateur.  —  Saint-Genest,  acte  IV,  scène  m. 

Rousseau  (J.-J.).  — Le  Lever  du  soleil.  —  Du  Remords  et  de  la 
Conscience  (Emile).  —  Le  Duel.  —  La  maison,  les  amis, 
les  plaisirs  de  J. -Jacques  à  la  campagne  s'il  était  riche 
(Emile). 

RoissEAU  (J.-B.).  —  La  Comédie,  ou  Molière  (épître  ii,  livre  II). 

RtLHiÈRE.  —  Le  Disputeur  (les  Disputes  . 


Sainte-Beuve.  —  A  Ronsard.  —  Souvenir.  —  Les  Larmes  de  Racine. 

Sai.ntine.  —  Un  Torrent. 

Sand  'Georges).  —  Le  Coin  de  feu.  —  Le  Pay.sage  du  Berry. 

Say  (J.-B.).  —  L'Avare  et  le  Prodigue. 

SedaiiNE.  —  Epître  à  mon  habit. 


550  N.   U-  —   ANTHOLOGIE   ORTHOPHONIQUE. 

SéviGNÉ  (M"»*  de).  —  Mort  de  Vatel.  —  Mort  de  Turenne.  —  Le 
Carrosse  versé  (Lettres). 

SiSHONDi.  —  La  Peste  de  Florence  (Histoire  des  républiques  ita- 
liennes). 

SouLARy.  —  Les  deux  Cortèges.  —  La  Aler. 

SoLMF.T  (A.).  —  Une  fête  de  Néron.  —  L'Orplieline. 

Staël  (M^^de).  —  Pompéi.  —  Le  Chant  du  soir  en  Allemagne. 

Sl'lly-Prodhomme.  —  A  l'Hirondelle.  —  L'Habitude.  —  Le  Cygne.  — 
Cn  Songe.  —  Les  Vieilles  maisons. 


Tastd  (M""^).  —  Le  Dernier  jour  de  l'année. 

Thierry  (Augustin).  —  Le  Dévouement  à  la  science. 

Thiers. —  Annibal  CHistoire  du  Consulat  etde  l'Empire),  —  L'Alle- 
magne et  l'Italie  (discours). 

Thomas.  —  Le  Czar  à  l'hôtel  des  Invalides.  —  Le  Dessin.  —  La  Pein- 
ture. —  La  Sculpture.  —  L'Architecture. —  Cicéron  (Essai 
sur  les  éloges). 

Tracy  (M™^  de).  —  Le  Nid  de  mésanges. 


Vadgelas  l'dej.  —  Les  Mots  nouveaux. 

Vauvenargues.  —  Lecture  des  livres  anciens. 

Vertot.  —  César-Pompée  (Révolutions  romaines). 

ViENNET.  —  Le  Romantique. 

Vigny  (Alfred  de).  —  Roland  à  Roncevaux  (Poèmes  antiques). 

Viu.EUAiN,  —  Captivité  de  Grégoire  VII.  —  Les  Pensées  de  Pascal. 

ViTET.  —  Eustaclie  Lesueur  (Histoire). 

Voltaire.  —  La  Henriade,  chants  II,  V,  VII.  —  Guillaume  III  et 
Louis  XIV  (Siècle  de  Louis  XIV).  —  A  son  ancien  profes- 
seur. —  L'Immortalité  de  l'âme.  —  Le  Triumvirat,  acte  I, 
scène  i.  —  Oreste,  act.  I,  se.  vi.  —  Mérope,  act.  III, 
se.  IV.  —  Mahomet,  act.  II,  se.  v.  —  Zaïre,  act.  II,   se.  m. 

-  Pierre  le  Grand,  Charles  XIII  (Histoire). 

VoiTLRE.  —  Lettre  au  prince  de  Condé  après  la  bataille  de  Rocroi. 

—  Condé. 


NOTE  V 

DES  LOCLTIONS  VICIEUSES  LES  PLUS  USITÉES 


MOTS  COMMENÇANT  PAR   UN   h  ASPIRE 


NOTE  V 


DES   LOCUTIONS    VICIEUSES   LES  PLUS   USITÉES. 


NE    DITES   PAS 

Aimer  lire, 

Demander  ri'entrer, 

Partir  a  la  campagne, 

La  clef  est  nprès  ou  sur  la  porte, 

Il  a  une  tache  après  son  habit, 

Se  lever  «  bonne  heure. 

Acheter  ou   vendre  bon  marché. 

Bon  \)Our  manger,  potir  jeter, 

Sauter  ou  se  jeter  en  bas  d'un 
cheval,  —  en  bas  du  lit, 

Être  à  l'abri  cont''e  le  froid, 

Chercher  un  abri  pour  la  persé- 
cution, 

Il  s'en  fait  trop  croire. 

Manières  pleines  û' affectation. 

Couteau  bien  effilé, 

A  nos  âges  on  ne  joue  plus. 

Cet  enfant  est  plus  vieux  que  son 
frère, 

Il  en  a  mal  ayi, 

Réguiser  un  canif, 

Ces  fruits  ont  Vair  mûr, 

Elle  a  l'air  rêveuse, 

Un  alcôve. 

Ils  sont  assis  autour. 

J'ai  plusieurs  endroits  à  aller. 


Aimer  à  lire. 

Demander  à  entrer. 

Partir  pour  la  campagne. 

La  clef  est  à  la  porte. 

Il  a  une  tache  à  son  habit. 

Se  lever  de  bonne  lieure. 

Acheter  ou  vendre  à  bon  marché. 

Bon  à  manger,  à  jeter. 

Sauter  ou  se  jeter  à  bas  d'un  che- 
val, —  à  bas  du  lit. 

Être  à  l'abri  du  froid. 

Chercher  un  abri  contre  la  persé- 
cution. 

Il  s'en  fait  trop  accroire. 

Manières  |ileioes  d'afféterie. 

Couteau  bien  affilé. 

A  notre  rjge,  etc. 

Cet  enfant  est  plus  âgé  que  son 
frère. 

Il  a  mal  ngi. 

Aiguiser  un  canif. 

Ces  fruits  ont    l'air  d'être  mûrs. 

Elle  a  l'air  rêveur. 

Une  alcôve. 

Ils  sont  assis  alentour. 

Je  dois  aller  dans  plusieurs... 


554 


N.   V. 


LOCUTIONS  VICIEUSES. 


NE   DITES    PAS 

Je  suis  allé  hier  lui  rendre  visite, 
Elle  vient  de  sortir,  elle  a   été  à 

l'église, 
Va  en  prendre. 
Je  we  suis  en  allé. 
Une  antidote, 
Dieu  parut  à  Muise, 
Rappeler  d'un  jugement, 
Cela  prête  à  rire. 
Une  Arche  de  triomphe, 
Vuéromètre  ou  pèse-liqueurs, 
Argile  mou. 
Une  armistice. 
Je  me  ?>\x\%  raisonné. 
Je    range    ma    bibliothèque,    ma 

garde-robe, 
y  arrange  mes  livres, 
Arr\(:rages, 
L'arrêt  du  préfet, 
En  errière. 
Un  artère, 
Ils  m'assaillissent, 
Assis-loi, 
Il  a  de  la  fortune  as.-ez, 

Un  atmosphère. 

Atteindre  à  sa  majorité, 

Atteindre    la    perfection, le 

sommet, 

Remplir  un  but. 

Des  fautes  ^'attention, 

La  richesse   n'est  rien  auprès  de 
la  vertu. 

Il  est  aussi   aimable  comme   son 
frère  est  bourru, 

Je  vous  écrirai  de  suite  que,  etc., 

Aussitôt  son  dîner, 

Du  temps   où  nous  vivons....  Du 
temps  de  Jésus-Christ, 

Une  automne  froide, 

Alentour  de  la  table, 

Il  est  tout   autre  que  fe  pensais, 

11  parle  autrement  qu'il  agit, 

Mettez-vous   avn7it  moi,  afin   de 
passer  devant  moi, 

Le  chapitre  du  Nom  est   devant 
celui  de  l'Adjectif, 

Ljéjeunez  auparavant  de  sortir, 

IVlon  frère  est  tombé  et  moi  avec. 


J  ai  été  hier  lui  rendre  visite. 
Elle  vient  de  sortir,  elle  est  allée 

à  l'église. 
Vas  en  prendre. 
Je  m'en  suis  allé. 
Un  antidote. 
Dieu  apparut  à  Moïse, 
appeler  d'un  jugement. 
Cela  apprête  à  rire.    ,,«— — 
Un  Atx  de  triomphe. 
Varéoiiiètre  ou  pèse-liqueurs. 
Argile  molle. 
Un  armistice. 

Je  me  suis  arraisonné.  — "~~ 

i'arrange    ma   bibliothèque,    ma 

garde-robe. 
Je  range  mes  livres. 
Arrérages. 
L'arrêté  du  préfet. 
En  arrière. 
Une  artère. 
Ils  m'assaillent. 
Assieds-toi. 
Il  a  assez  de  fortune. 
U)ie  atmosphère. 
Atteindre  sa  majorité. 
Atteindre  à  la  perfection,....   au 

sommet. 
Atteindre  un  but. 
Des  fautes  à" inattention. 
La  richesse  n'est  rieu  au  prix  de 

la  vertu. 
Il  est  aussi  aimable  que  son  frère 

est  bourru. 
Je  vous  écrirai   aussitôt  que,  etc. 
Aus-:itôt  après  son  dîner. 
Au  temps  où... 
Au  temps  de  .. 
Un  automne  frcàd. 
Autour  de  la  table. 
Il  est  tout  autre  que/»?  ne  pensais. 
Il  parle    autrement  qu'il   n'agit. 
Mettez-vous  devant   moi,  afin  de 

passer  avant  moi. 
Le  chapitre   du    Nom  est  avant 

celui  de  l'Adjectif. 
Déjeunez  avant  de  sortir. 
...  et  moi  aussi,  ou  :  et  moi  avec 

lui. 


N.   V.   —   LOCUTIONS  VICIEUSES. 


o53 


NE   DITES   PAS 

Le  général,  avec  toute  son  armée, 
sont  partis  pour  la  guerre, 

Jouir  aune  mauvaise  réputation, 
d'une  mauvaise  santé, 

Il  y  avait  cinq  à  six   personnes, 

On  le  voit  toujours  à  rien  faire, 

Barque  «  Caron, 

J'a6»«emon  chapeau, ma  robe, etc. 

Venez  à  bonne  heure. 

D'une  bonne  acabit, 

Elle  a    \'air   méchajite  ;  Vair  est 

fraîche,  piquante, 
Je  me  suis  en  allé,  ils  se  sont  en 

allés. 
Allumez  la  lumière, 
Antipotts  (aller  aux), 
Je  lui  ai  appris  ce  qui  est  arrivé. 
Voilà  de  belles    prunes,   aucunes 

ne  me  tentent, 
Vous  n'écrivez   plus  -d  bien  que 

les  autres  fois, 
Avan-hier, 


LITE  s 

Le  général,  avec  toute  son  armée, 

est  parti  pour  la  guerre. 
Avoir  une    mauvaise    réputation, 

une  mauvaise  santé. 
11  y  avait  cinq  ou  six  personnes. 
On  le  voit  toujours  ay//(s  rien  faire. 
Barque  de  Caron. 
Je  froisse  mon  chapeau,  je  salis, 

je  gâte  ma  robe. 
Venez  de  bonne  heure. 
D'un  bon  acabit. 
Elle    a   Vair   mccharii  ;  Vair    est 

frais,  piquant. 
Je  m'Qii    suis  allé,  ils  s'en    sont 

allés. 
Allumez  la  bougie,  la  lampe,le  gaz. 
Aller  aux  antipodes. 
Je  lui  ai  raconté  a  qui  est  arrivé. 
Aucune  d'elles  ne  me  tente. 

Vous  n'écrivez   plus    aussi   bien 

qu'autrefois. 
Avant-hier. 


Le  babillage  des  enfants  est  d'or- 
dinaire très  gracieux, 
Je  vais  baigner, 
fiâlonnade, 
Bûill'ir  aux  corneilles, 
Femmes  hémtes  de  Dieu, 
A  bonne  heure, 
Bossekr  la  cafetière. 
Il  faudrait  que  l'eau  bouille. 
Prendre  quelqu'un  à  brasse-CQvç)?,, 

Il  brouillasse. 

Cette  pluie  bienfaisante  fera  bien 

du  bien, 
Pileux, 
Je  bisque, 
J'ai  acheté  ces  livres  bon  marché. 

Bûche  de  bois. 

Il  a  rempli  son  but, 


Le  babil  des  enfants  est,  d'ordi- 
naire, très  gracieux. 

Je  vais  tne  baigner. 

Bastonnade. 

Bayer  aux  corneilles. 

Femmes  bénies  de  Dieu. 

De  bonne  heure. 

Bossuer  la  cafetière. 

Il  faudrait  que  l'eau  bouillit. 

Prendre  quelqu'un  à  bras-le- 
corps. 

Il  bruine. 

Cette  pluie  bienfaisante  fera 
beaucoup  de  bien. 

BUieux. 

iepeste,ye7irage. 

J'ai  acheté  ces  livres  à  bon  mar- 
ché. 

Bicche, 

Il  a  atteint  son  but. 


556 


N.    V.   —  LOCUTIONS  VICIEUSES. 


NE  DITES  PAS 

Cacaphonie, 

II  est  suscepliôle  de  nous  nuire, 

L'ours  est  Carnivore,  mais  il  se 
nourrit  surtout  de  fruits  et  de 
graines  ;  —  le  tigre,  au  con- 
traire, est  essentiellement  car- 
nassier, 

La  porcelaine  est  très  belle,  mais 
trop  casuelle, 

Par  rapport,  ou  rapport  à.,., 
•Causer  à  quelqu'un. 
-Causette, 

Un  vieux  jeune  homme. 

Ceux-ci  suttout  méritent  d'être 
récompensés  qui  font  le  bien 
sans    songer  à  la  récompense. 

Il  censure  ces  pauvres  gens, 

Il  ne  décesse  de  parler, 

C'e%\.  pourquoi  que, 

Ils  coûtent  douze   francs  chaque, 

-  Un  c/iocun  par'e, 
Une  chaiiibratile. 

Venir  avec  le  cbemin  de  fer, 

-  Cliercher  a^y^  quelqu'un. 

Il  vaut   mieux  aller  an  boulanger 

qu'au  médecin, 
Chipoleiir,  ch\poteuse, 
Chrétienncté, 
Couper  une  étoffe  avec  un  ciseau, 

A  o'ocbe-pied, 

C'est  un  liomme  coléreux, 

Collet  de  clu'mise, 

-  Col  d'un  habit, 
Du  colapfiane. 
Colorer  unf^  gravure, 

""Le  combien  sommes-nous  ? 

Comparution, 

^'nl  complaisant, 

Compote  aux  pommes, 

Ce  reproche  l'a  confusionné, 
_ C'est  une  personne  de  mes  con- 
7iuiiS(incfs, 

Avoir  un  avocat   pour  conseil/e;-, 


DITES 

Cacophonie. 

Il  est  capable  de  nous  nuire. 

L'ours  est  carnassier,  mais  il  se 
nourrit  surtout  de  fruits  et  de 
graines  ;  —  le  tigre,  au  con- 
traire, est  essentiellement  car 
nivore. 

La  porcelaine  est  très  belle,  mais 
trop  fra(ji'e. 

A  cause  de... 

Ciiuser  avec  quelqu'un. 

Causerie. 

Un  vieux  célibataire,  un  vieux 
garçon. 

Ceux-là  surtout  méritent  d'être 
récompensés  qui  font  le  bien 
sans  songer   à   la  récompense. 

Il  exploite,  il  ruine, \\ pressure... 

Il  ne  cesse  de...  ou:  Il  ne  dé- 
parle pas. 

C'est  pourquoi. 

Ils  coûtent  douze  francs  chacun. 

Chacun  l'arle. 

Un  chambranle. 

Venir  par  le  chemin  de  fer. 

Chercher  fiuelqu'im. 

...chez  le  boulanger  que  chez  le 
médecin. 

C\i\\wtier,  ch\\totiùre.    ■ 

Chrétienté. 

Couper  une  étoffe  avec  des  ci- 
seaux. 

.A  c7';che-pied. 

C'est  un  homme  colère.  " 

Col  de  chemise. 

Collet  d'un  habit.. 

De  la  colophane. 

Colorier  une  gravure. 

Quel  est   le  quantième  du  mois  ? 

Comparution. 

Peu  complaisant. 

Com|)Ote  'le  pommes. 

...l'a  couvert  de  confusion. 

C'est  une  personne  du  ma  connais^  . 
snnce. 

Avoir  un  avocat  pour  conseil. 


N.  V.    —   LOCUTIONS   VICIEUSES. 

NE    DITES   PAS  1  DITES 


557 


Être  conséquent  avec  soi-même, 
Somme  conséquente, 
,:-^~Oii  l'a  contraint  rfe  marcher, 
_  On  l'a  contraint  à  se  tenir  en  re- 
pos, 
__^-'Vous  contredises  k  tout  propos, 

Sans  contre(ii/-e, 
^,,.—J)écommander  un  dîner, 

i\e  désobéissez  pas  au  règlement, 
Coquille  d'huîire. 
De  \acorpora7ice, 

Phrase  exacte, 

-i~       Coufbaituré, 
J'y  suis  couru, 
Un  œuf  coui'é, 
Je  crains  qu'il  tombe, 
Cvninte  d'être  surpris, 
(Cresson  (/  lu  noix, 
Le  corbeau  coasse, 
Je  crois  f/p  bien  faire, 
Culière  d'argent, 
■■— — '  Cahotement  (le). 


Calvie  (pomme  de), 
Célébrale  (fièvre). 
Centaure  (une  voix  de), 
Messieurs,  vous    êtes    trempés, 

changez-vous. 
Cornue  de  juste, 


\- 


Cou  (d'une  bouteille), 
— =  Le  vent  coupe  la  figure, 
Couserai  (je), 
La  couverte  de  mon  lit. 
Je  crasse  mes  habits. 


Èire  conséquent  à  soi-même. 

Somme  cofisiderable. 

On  l'a  contraint  à  marcher. 

On  l'a  contraint  de  se  tenir,  etc. 

Vous  contredisez  à  tout   propos. 

Sans  contrerfîY. 

Contremanderun  dîner. 

Ne  contrevenez  pas  au  règlement. 

Écaille  d'huître. 

De  la  corpulence. 

Phrase  correcte.  — — 

Courbatu.  

/y  là  couru. 

Un  œufcoui'z. 

Je  crains  qu'il  ne  tombe. 

De  crainte  d'être  surpris. 

Cresson  alénois. 

Le  corbeau  cro'tsse. 

Je  crois  bien  faire. 

Cuillère  ou  cuiller  d'argent. 

Le  cahotage,   ou  le  cahot  de    la     -= 

voiture. 
Calville. 
Cérébrale, 

Une  voix  de  Stentor. 
Cliangez  de  vêtements,  vous  êtes 

trempés. 
Comme  il  est  juste,  ou  comme  de       .J^ 

raison. 
Le  goulot  d'une  bouteille. 
Le  vent  cingle  la  figure.     "^ — 
Je  ciudrai. 

La  couverture  de  mon  lit. 
Vencrasse  mes  habits. 


Dedans  la  ville. 

Lire  sur  un  journal. 

J'ai    mes    pantoufles  dans    mes 

pieds, 
II  ne  àoitpas davantage que'îOO  fr. 
Vous  aurez  davantage  de  plaisir. 


Daus  la  ville. 
Lire  dans  un  journal. 
...les  p.eds  dans  mes  pantoufles, 
ou  mes  pantoufles  aux   pieds. 
Il  ne  doit  pas  plus  de  200  francs. 
Vous  aurez  plus  de  plaisir. 


Il  a  bu  plus  que  six  verres  de  ti-  ■  Il  a  bu  plus  de  six  verres  de  ti 
sane,  I     sane. 


558 


N.  V 


LOCUTIONS  VICIEUSES. 


NE   DITES  PAS  ] 

Gartts  en  peau,  montre  en  or,  etc. 
Déjeuner  avec  du  café,  dîner  avec 

un  poulet, 
Je  ne  ris  pas  avec  cette  plaisan- 
terie, 
Le  château  à  mon  oncle,  le  livre  à 

mon  frère, 
Le  supplément  à  un  journal. 
Il  m'a  remis  mes  déboursés. 
Mes  déf'Ours  se  montent  à..., 
Enlevez  tourej  ces  décombres, 
Cet  homme  est  bien  découpé. 
Chapelle  consarée  à  saint  Pierre, 
Église  dédiée  à  Dieu, 
J'ai  défendu  qu'il  ?ie  vînt. 
L'homme  trompé  devient  méfiant, 
Je  lui  en  défie, 
En  définit!/', 
Désngraf^7\ 

Demander  après  quelqu'un, 
La  demandées'?  en  justice, 
Où  reslez-vons  ? 
Donner  le  dernier  adieu, 
Il  est  dessous ■\o\\s, 

Détracta.(ion, 

Corneille  et  Racine  sont  tous  deux 

admirables, 
Ils  vont  tons  les  deux  à  l'école, 
J'ai  eu  des  raisons  avec  lui, 
Vil  dinde. 

Elle  étitit  comme  pour  mourir, 
De/y'îj'suader, 
Domp-ter, 

Or  donc,  j'y  parviendrai, 
Le  livre  que  j'ai  besoin, 
La  maison  d'oM  il  sort  est  illustre. 
C'est  un  beau  château  que  celui 

rfon' je  sors. 
Voilà  qui  est  farce, 
I!  a  une  pension  sa  vie    durante, 
Descendre  en  bas, 
Elle  ne  décesse  de  parler, 
Décommander, 
Déhonté, 
Déluré, 

Demander  excusas, 
Dé/féchez-vous  vite, 
l'essorceler, 
Donnez-moi  z-en, 


Gants  de  peau,   montre  d'or,  etc. 
Déjeuner  de  café,  dîner  d'un  pou- 
let. 
Je  ne  ris  pas  de  cette  plaisanterie. 

Le  château  de  mon  oncle,  le  livre 
de  mon  frère. 

Le  supplément  f/'un  journal. 

Il  m'a  remis  mes  débours. 

Mes  débottrsés  se  montent  à... 

Enlevez  t'^us  ces  décombres. 

Cet  homme  est    bien    découpée. 

Chapelle  dédiée  à  saint  Pierre. 

Église  consacrée  à  Dieu. 

J'ai  défendu  qu'il  vint. 

L'homme  trompé  devient  défiant. 
\  Je  l'en  défie. 

En  définitiye. 

Dégrafer. 
I  Demander  (luelqu'un. 
!  La  dernanderesi'e  en  justice. 
!  Où  demeurez-vous  ? 

Doimer  le  denier  à  Dieu. 

Il  est  sous  vous  ou  au-dessous  de 
vous. 

Détraciion. 

...sont  tous  les  deux  admirables. 
I 

Ils  vont  tous  deux  à  l'école. 

J'ai  eu  des  difficultés  avec  lui. 

U>  e  dinde. 

On  eût  dit  qu'elle  allait  mourir. 

Z)/6'suader. 

Dompter  [p  nul). 

Donc,  j'y  parviendrai. 

Le  livre  dont  j'ai  besoin. 

La  maison  dont  il  sort  est  illustre. 

C'est  un    beau  château  que  celui 
d'cjù  je  sors. 

Voilà  qui  est  drôle. 

Il  a  une  pension  sa  vie  durant. 

Descendre. 

Elle  ne  cesse  de  parler. 

Coydremander. 

Elionté. 

Dégourdi. 

Faire  des  excuses. 

Dépêchez-vous. 

Désensorceler. 

Donnez-m'en. 


N.   V.   —   LOCUTIONS   VICIEUSES. 

NE   DITES  PAS  1  DITES 


559 


Dormir  un  somme, 
Faire  du  mauvais  sang, 


Faire  un  somme. 
Faire  de  mauvais  saiiî 


Eau  de  cerisier,  de    pêc^e/-,    de 

fleur  d'orange, 
La  terre  s'écroule  sous  nos  pas, 
Ce  mot,  que  je  n'aurais   pas  du 

dire,  m'a.  échappé. 
Ce    que    je   voulais    dire    m^est 
.  écliappé. 
Égaler  le  partage. 
Une  personne  bien  éduquée, 
Une  émincée  de  gigot, 
Rémouler  un  couteau, 
Je  lui  empêclierai  de  sortir, 
J'ai  dû  rire, 
Une  emplâtre. 
Remplissez  d'eau  la  carafe, 
La  lune  emprunte  sa  lumière  au 

soleil, 
('<nnnaisseur  c/e  tableaux, 
Votre  fils  a  beaucoup  renforci, 
Un  égnime, 
La  vertu  anoblit, 
Temps  ennuyeux. 
Musique  ennuyeuse, 
Pais  ensuite, 
Une  entrecôte. 
Sévère  «iv-à-u/s-  de  ses  amis, 
L'e?ivers  de  cette  médaille, 
Le  revers  de  cette  rolje. 
Avoir  du  goût  de  faire  une  chose, 
Éviter  des  peines    à   quelqu'un, 
Épidémie  sèche. 
Épurer  un  compte. 
Une  esclande. 
Une  espace. 
J'espère  avoir  bien  agi, 
Elle  a  uneesqni/rtrtcie. 
Le  peintre  n'a  fait  qu'une  exquise, 
Un  estampille, 
Un  étable. 

Le  >-^tameur  rétame   la  cas^role, 
Eccéléra, 


Eau    de  cerises,    de  pèches,   de 

fleur  ù'oranger. 
La  terre  s'éboule  sous  nos  pas. 
Ce  mot,  que  je  n'aurais    pas  dû 

dire,  m'est  échappé. 
Ce    que    je    voulais    dire     m'a 
, échappé. 
Égaliser  le  partage. 
Une  personne  bien  élevée. 
Un  émince  de  gigot. 
Emoudre  un  couteau. 
Je  /'empêcherai  de  sortir. 
Je  n'ai  pu  7n  empêcher  de  rire. 
Un  emplâire. 

Emplissez  d'eau  la  carafe. 
La  lune  emprunte  sa  lumière  du 

soleil. 
Connaisseur  en  tableaux. 
Votre  fils  a  beaucoup  e» forci. 
Une  énigme. 
La  vertu  ennoblit. 
Temps  ennn^ant. 
Musique  emwiyante. 
Ensuite. 
Un  entrecôte. 
...envers  ses  amis. 
Le  revers  de  cette  médaille. 
h'envevs,  de  cette  robe. 
Avoir    envie  de  faire    une  chose. 
Épargner  des  peines  à  quelqu'un. 
Épiderme  sec. 
Apurer  un  compte. 
Un  esclandre. 
Un  espace. 

Je  pense  avoir  bien  agi. 
Elle  a  une  esqui?««;?cie. 
Le  peintre  n'a  fait  qu'une  esquisse. 
Une  estampille. 
Une  étable. 

L'f^tameur  étamc  la  casçerole. 
Et  cœtera. 


560 


N.   V.   —   LOCUTIONS   VICIEUSES. 


NE  DITES   PAS 

Je  connais  les  ai^es  de  la  maison, 

V/ie  évangile, 

Tenir  le  /avier,  le  levier  propre, 

Demander  excuse. 

Il  est  venu  expressément  pour  lui, 

Goût  ei-quis, 

Odeur  esquisse, 

Un  extase, 

Le  souverain  adonné  de  l'étendue 

à  son  autorité. 
Le  dehors  d'un  bâtiment, 
Cette  personne  a  des  dehors  pré- 
venants, avec  un  extérieur  né- 
gligé, 
Bien  des    gens    s'efforcent   d'é- 

,  blouir  par  leur  extérieur. 
Écailles  d'œufs, 
Échigner, 
L'infortune  égalise  les   hommes^ 

Embauchoir  es  de  bottes. 

Embêtez  (vous  m'), 

Embrouiliami/ti, 

En  outre  de  cela, 

Entre/ai'e  (il  vint  sur  1'), 

Erésipèle, 

Je  vous  ai  évité  bien  des  chagrins, 


Je  connais  les  êtres  de  la  maison. 

U'i  évangile. 

Tenir  l'écier  propre. 

Faire  ses  excuses. 

Il  est  venu  exprès  pour  lui. 

Goût  eajqnis. 

Odeur  exquise. 

Vue  extase. 

..A&V extension  à  son  autorité. 

L'extérieur  d'un  bâtiment. 

Cette  personne  a  Veit/'rieur  pré- 
venant, avec  des  deliors  négli- 
gés. 

Bien  des  gens  s'efforcent  d'é 
blouir  par  leurs  dehors. 

tfCnles  d'œufs. 

Échiner. 

L'infortune  égale,  etc. 

Einbouch'iires  de  bottes. 

\ous  m'hébétez. 

Bromllaniini. 

Outre  cela. 

11^  vint  sur  ces  entrefaites. 

Érydpèle. 

. . .  épargné  bien  des  chagrins. 


Fabrique  de  glaces, 

Manufacture  de  casquettes, 

En  face  le  palais, 

La  maison  d'en  face, 

Trois  et  cinq  sont  huit,  etc. , 

Il  ne  fuit  que  de  mentir. 

Il  ne  fait  g'aarriver. 

Tâchez  que  je  suis  content. 

Le  iàxichage  approche, 

Je  me  confie  i.  votre  adresse, 

Dans  Ce    moment  suprême,  il  se 

fia  à  sa  loyauté. 
Vous  prenez  la  bille  trop  fine. 
C'est  la  fin  finnle, 
Enfin  finalement, 
Avcz-vuus  fini  auec  le  journal. 
Plus  je  vous  fixe,  plus..., 
Fleurez  cette  rose. 


Manufacture  de  glaces. 

Fabrique  de  casquettes. 

En  face  du  palais. 

La  maison  en  face. 

Trois  et  cinq  font  liuit,  etc. 

11  ne  fait  que  mentir. 

Il  n<;  fait  que  rf'arriver. 

Fiâtes  en  sorte  que  je  sois  content. 

La  fauc/(«ivo/i  approclie. 

Je  me  fie  à  votre  adresse. 

Dans  ce   moment  suprême,  il  se 

confia  à  sa  loyauté. 
Vous  prenez  la  bille  trop  fiyi. 
C'est  la  fin. 

Enfin,  —  ou  finalement. 
Avez-vous  fini   de  lire  le  journal. 
Plus  je  fixe  les  yeux  sur  vous,... 
i  Flairez  cette  rose. 


N.   V.    —  LOCUTIONS   VICIEUSILS. 


561 


NE   DITKS  PAS 

Il  se  flatte  qiCil  vous  surpassera, 

Virgile   /Zeurissait  sous  Auguste, 

Une  Cois  pour  tout, 

J'ai  été  forcé  malgré  moi  de  par- 
tir, 

Homme  fortuné, 

Fraiic/i'pane, 

Ferluquet, 

Je  fus  l'implorer, 

Faire  une  maladie. 

Cet  homme  est /arce,  il  m'a  joué 
des  farces, 

Flanquetle  (à  la  bonne', 

Frinyalle, 


Il  se  flatte  de  vous  surpasser. 
Virgile  /?orissait  sous  Auguste 
Une  fois  pour  toutes. 
J'ai  été  forcé  de  partir. 

Homme  riche. 
Frangipane. 
Freluquet. 
i'a/lai  l'implorer. 
Avoir  une  maladie. 
Cet  homme  est  plaisant  ou  far- 
ceur, il  m'a  joué  des  frasques. 
A  la  bonne  franquette. 
Faim-valle. 


Gagner  une  maladie, 

La  cangrène. 

Se  garer  dessous  un   arbre,  une 

porte,  etc.. 
J'ai  une  gastriqne. 
('es  enfants  font  une  glissade, 
Se.  garer. 
Gribouillage, 
Du  fromage  de  Gruère, 
Nous  n'en  avons  pas  guère. 
Un  chien  de  bonne  guette, 
Geai  (noir  comme  un), 
Giffle{ane), 
Gouailter  C|uelqu'un, 
Cette  viande  sent  le  graillon, 
Guigiwnnant, 


Contracter  une  maladie. 
La  grangrène. 

Se  garer  sous  un  arbre,  un  han- 
gar, etc. 
J'ai  une  gastrite. 
Ces  enfants  font  une  glissoire. 
Se  gorger. 
Griffonnage, 

Du  fromage  de   Gruyère. 
Nous  n'en  avons  guère. 
Un  chien  de  bon  guet. 
Noir  comme  du  jais  (bitume). 
Un  soufflet. 
Railler  quelqu'un. 
Cette  viande  sent  le  roui. 
Contrariant. 


Je  haïs,  tu  haïs,  il  haït. 

Cet  homme  a  le  souffle  mauvais, 

J'hasarde, 

C'est  risquant. 

Une  hémisphère. 

Une  hémorrhagie  de  sang. 

Le  héroïque  enfant. 


Je  hais,  tu  fiais,  il  hait. 
Cet     homme    a    l'haleine 

vaise. 
Je  hasarde. 
Cela  est  hasardeux. 
Un  hémisphère. 
Une  hémorrhaqic. 
L'/iéroïque  enfant. 

36 


362 


N.   V.   —  LOCUTIONS   VICIEUSES. 


NE  DITES    PAS 

Je  n'hésite  point  de  vous  le  dire, 

Une  heure  de  tetnps. 

Cinq  heures  et  le  quarts  cinq 
heures  et  quart, 

A  bonne  heure,  plus  de  bonne 
heure, 

Si  à  lionne  heure, 

Huit  heures  est  sonné, 

Sur  les  une  heure, 

Une  heure  d'horloge, 

Le  hiatus, 

Place  honoraire, 

Une  horoscope, 

Ht)uillîère, 

Faire  un  èou/vari. 

Il  n'est  pas  en  humeur  de  men- 
tir, 

Je  suis  rf'humeur  à  parler, 

Cet  hussard, 

V7i  hydre, 

Le  sel  est  hy(/rométrique, 

De  belles   hymnes  de  guerre. 

De  beaux  hymnes  d'Église. 

Un  hypothèque, 

Humeur  massacrante. 


Je  n'hésite  point  à  vous  le  dire. 

Une  heure. 

Cinq  heures  et  un  quart. 

De  bonne  heure,  de  meilleure 
heure. 

De  si  bonne  heure. 

Huit  heures  sont  sonnées. 

l'ers  une  heure. 

Une  heure  entière. 

L'iiiatns. 

Place  honorifique. 

Un  horoscope. 

Houillère. 

Faire  un  /(Oî^?"vari. 

Il  n'est  pas  (/'humeur  à  men- 
tir. 

Je  suis  en  humeur  de  parler. 

Ce  hussard. 

Une  hydre. 

Le  sel  est  hygrométrique. 

Ue    beaux  hymnes  de  guerre 

De  belle'!  hymnes  d'Eglise. 

Une  hypotiièqne. 

Humeur  détestable. 


Un  idole, 

Imagiuez-i'OMy  que. 

Il  imite  l'exemple  de  ses  ancê- 
tres, 

Cet  homme  en  impose  par  l'éclat 
de  ses  vertus, 

Ce  discours  m'a  fait  impression. 

Pourquoi  lui  attribuer  ces  ca- 
lomnies? 

Une  faute  d'attention, 

Il  y  a  wn  ftu. 

Induire  en  mal. 

Homme  inestimable, 

Chambre  infectée  par  les  mau- 
vaises odeurs. 

Les  rats  infectent  la  cave, 

Une  infinité  de  personnes  a  j}éri, 

Une    infinité  de  monde  ord  péri, 

inflammation, 


Une  idole. 

Imaginez  que... 

Il  suit  l'exemple  de  ses  ancêtres, 
ou  :  il  imite  ses  ancêtres. 

Cet  homme  impose  par  l'éclat  de 
ses  vertus. 

a  fait  impression  sur  moi. 

Pourquoi  lui  imputer  ces  ca- 
lomnies? 

Une  faute  d'jVjattention. 

Il  y  a  un  incendie. 

Induire  à  mal. 

...  qui  ne  tnérite  pas  d! estime. 

Chambre  infectée  par  les  mau- 
vaises odeurs. 

Les  rats  infestent  la  cave. 

Une  infinité  de  ^Gv&owne^  ont  péri. 

Une  infinité  de  monde  a  péri. 

Inflammation. 


N.   V 


LOCUTIONS  VICIEUSES. 


363 


NE   DITES   PAS 

Inhabi/eté   à  recueillir  une  suc- 
cession, 
IN'insuitez  pas   le  mallieur, 
Invectiver  quelqu'un. 
Irruption  d'un  volcan, 

Eruption  de  l'ennemi, 

Dans  ce  moment  ici,    cet  iiomme 

ici,  ces  jours  ici. 
r,et    enfant  est   impardonnable. 


Il  est  pardonnable . 


Inhabi/ùé  à  recueillir  une  suc- 
cession. 

N'insultez  pas  au  malheur. 

Invectiver  contre  quelqu'un. 

Éruption  de  volcan,  de  boutons, 
etc. 

Irruption  de   l'ennemi. 

Dans  ce  moment-cz,  cet  liomme- 
ci,  ces  jours-c/. 

Cet  enfant  est  inexcusable. 

Il  est  digne  de  pardon. 


La  lettre  ci-joint, 
Ci-join^M  les  notes, 
Jeu  de  honchets, 
Jouer  avec  les  cartes, 
Le  jujube, 


La  lettre  ci-jointe. 
Ci-joint  les  notes. 
Jeu  de  ionchets. 
Jouer  aux  cartes. 
Lu  jujube. 


U'i  laidron, 

Le  lait  de  hareng. 

De  la  vraie  laque  de  Chine, 

T>onnez-nioi-le, 

Madame,  êtes-vous  la  malade  ? — 

Je  le  suis, 
Madame,    êtes-vous     malade?  — 

Je  la  suis. 
Lequel    est  le    plus    grand,    de 

mon  frère,  de  ma  sœur,  ou  de 

nihi? 
Le  cheval  sur  qui  je  suis  monté, 
Je  leurs  ai  dit. 
Il  leur  est  parent, 
Un  linceuÛ, 

Laisse  (Mener  des   chiens  à   la), 
Laveuse  de  leibive, 
Liqueureux, 


Une  laideron. 

La  laitance,  la  laite  de  hareng. 

D  i  vrai  laque  de  Chine. 

Donnez-le-moi. 

Madame,  êtes-vous    la    malade? 

—  Jo  la  suis. 
Madame,    êtes-vous    malade  ?  — 

Je  le  suis. 
Lequel    est  le    plus  grand,  tnon 

frère,  ma  sœur  ou  moi  ? 

Le  cheval  sur  lequel... 

J(3  leur  ai  dit. 

Il  est  leur  parent. 

Un  linceul. 

Mener  des  chiens  en  laisse. 

Une  lavandière. 

Liquoreux. 


M 


Je  Mrs  d'être  malade,  |  Je  i;ie?i5  d'être  malade. 

Il  est  vif,  maisil  est  bon,  quoir/ue\  ...  maigre'  cela. 
cela,  1 


364 


N.  V. 


LOCUTIONS  VICIEUSES. 


NE    DITES  PAS 

Malgré  qu'il  soit  bon. 

Fièvre  malin?, 

Cet  enfant  mange  tout. 

Il  est  inscrit  sur  /e  matricule, 

Mêlez  de  l'eau  à  votre  vin, 

Mêlez  la  douceur  ayec la  fermeté, 

Ce  éilifice  est  menacé  de  ruine. 

Coiffure  en  vogue. 

Médecin  à  la  mode, 

Menez-»JOî-z-y, 

A  moins  que  vous  veuilliez, 

Un  molécule. 

Montez  en  haut. 

Ne  montrez  personne  du  doigt. 

Œuvre  mor/e-née, 

Moucher  son  tiez. 

Ils  77ioudent,  nous  moulerojis, 

La  mu  ltiph'c«^/o'j  desordres  amène 
la  confusion, 

Mairie, 

J'ai  bien  eu  du  mal  à  vous  trou- 
ver, 

Mol  complaisant . 

Mégard  (par), 

Midi  précises. 

Midi  (vers  les), 

Maronner, 

Mars  en  Carême, 

Il  m'a  comblé  de  mille  politesses. 

Minable  (air), 

Mijiicit  (sur  les), 

Missipipi, 

Monsieur, 


DITES 

Malgré  sa   bonté,  tout   bon  qu'il 

est. 
Fièvre  maligne. 
Cet  enfant  mange  cZi?  tout. 
Il  est  inscrit  sur    la  matricule  ou 

sur  le  registre  matricule. 
Mêlez  de  l'eau  ûi'ec votre  vin. 
Mt'lcz  la  douceur  à  la  fermeté. 
Cet  édifice   menace  ruine. 
iJoifTure  à  la  mode. 
Médecin  en  vogue. 
IMenez-y-OToi. 

A  moins  que  vous  ne  vou\\qz. 
U7ie  molécule. 
Montez. 

Ne  montrez  persounne  au  doigt. 
Œuvre  mort-?(ei?. 
Se  moucher. 

Ils  moident,  nous  moudrons. 
La  multiplici7(j  des  ordres  amène 

la  confusion. 
Mai-rie,  et  non  :  mair-rie. 
J'ai  eu  bien  de   la  peine  à  vous 

trouver. 
Peu  complaisant. 
Par  mégnrde. 
Midi  précis. 
Vers  le  midi. 
Marmonner. 
Marée  en  Carême. 
Il  m'a  comblé  de  politesses. 
Air  miser  ah  le. 
Sur  le  minuit. 
Mississipi. 
Prononcez  :  mocieu. 


La  notirm  slave, 

II  y  a  un  an  que  je  vous  ai  pas 

vu, 
Pas  vrai  ? 
Est-il  pas  venu  ? 
Est-ce  fjas  ? 

Habiller  un  enfant  à  neuf, 
iNi  Paul  ni  Auguste  n'obtienc?ro/i< 

cet  emploi, 


La  race  slave. 

Il  y  a  un    an    que  je  ne  vous  ai 

vu. 
N'esl-il  pay  vrai  ? 
N'est-il  pas  venu  ? 
N'C'it-ce  pus  ? 

Habiller  un  enfant  de  neuf. 
IN'i  Paul  ni  Auguste n'obtieii(Z;v/... 


N.    V.   —   LOCUTIONS  VICIEUSES. 


565 


NE   DITES   PAS 

Ni  la  prière  ni  la  menace  n'y  put 

rien, 
Je  ne  sais  rien  de  nnif, 
Nacre  {le  beau). 


Ni  la    prière  ni    la    menace  n'y 

purent  rien. 
Je  ne  sais  rien  de  nouveau: 
La  belle  7iacre. 


Un  vert  oasis, 

Ils  ont  été  les  objets  d'hommages, 

Quelle  ostinatioii  1 

Ce  que  les  alchimistes  appelaient 

la  grande  œuvre. 
Accepter  un  offre, 
\)'é\égaiits  ogives, 
Un  bel  oie, 
Soupe  à  Vofjnon, 
Une  omnibus, 
liétablir  le  désovàre, 
Heparer  l'ordre. 
Une  belle  organe, 
De  beaux  orges. 
Une  orgue. 
Orgues  parfaits, 
Un  orne»2e?i^Mte, 
L'un  ou  l'autre  vienf//-o?î^, 
Allez  là  où  il  dîne, 
C'est  là  où  je    demeure, 
Je  finis    par   oublier   (/'écrire  et 

presque  de  lire, 
Avoir  l'ouïe  fin. 
Un  jour  ouvrier. 
Je  vous  prie   de   m'obienir   cette 

faveur, 
Je  vous  observe  que, 
Ombragée  (une  toiêt), 
Ouvrage  {de  la  bonne). 


l'/ie  ver  le  oasis. 

Ils  ont  été  l'objet  d'hommages. 

(^)aelle  o/yslinution  ! 

Ce  que  les  alchimistes  appelaient 

le  grand  œuvre. 
Accepter  une  offre. 
D'élégantes  ogives. 
Une  telle  oie. 
Soupe  li  l'oignon. 
Ua  omnibus, 
liétablir  l'ordre. 
lîéparer  le  désordre. 
Un  bel  organe. 
De  belles  orges. 
Un  orgue. 
Orgues  parfaire.?. 
Un  ornemaniste. 
L'un  ou  l'autre  \iendra. 
Allez  où  il  dîne. 
C'est  là  que  ]e  demeure. 
Je  finis   par    oublier  à  écrire   et 

presque  à  lire. 
Avoir  l'ouïe  fine. 
l'a  jour  ouvrable, 
Je  vous  prie  d'obtenir  pour  moi, 

etc. 
Je  vous  faii  observer  que. 
Lue  forêt,  ombi-euse. 
De  bon  ouvrage. 


Pain  enchanté, 

A  Pâques  prochaines,  de  bons  Pâ- 
ques, 

Distingué  par  son  génie  et  sa 
bonté. 


I  Pain  à  chanter. 

I  A    Pâques   prochain,    de  bonnes 

Pâques. 
Distingué   par  son  génie  et   par 

sa  bonté. 


566 


N.   V.   —   LOCUTIONS  VICIEUSES. 


NE  DITES  PAS 

Redoutable  par    sa    force  et  pnr 

son  adresse, 
Par  rapport  que. 
Pardonner  quelqu'un, 
Pardonnez  à  cet  oubli,   . 
La  mort  ne   pardonne  personne. 
Faire  une  gageure. 
C'est  à   lui  à  qui  je  parle, 
C'est  de  vous  fie  qui  je  parle, 
Participer  dans  une  affaire, 
Elle  était  parti.sa«/e   des  Stuarls, 

ont  partout. 
Je  n'ai  pas  vu  personne, 
Une  rue  passagère. 
Elle  e^t  passée  devant  la  maison, 
La  couleur  de  cette  robe  a  passé, 

Un  patère, 

Elle  est  noire  de  peau, 

Moyens  pécuniers. 

Travaillez  duran    que  vous  êtes 

jeune, 
II  travaille  constamment  pendant 

le  jour,  et  s'amuse  quelque  peu 

durant  la  nuit, 
Un  perce-neige, 

La  ciernière  i)ériode  de  la  colère. 
Le  période  d'une    planète,  d'un 

discours. 
Une  pé'ale, 
De  la  pim/yernelle, 
Tant  pire,    de    mal   en    pire,  d(! 

pire  en  pire,  ils  vont  pire., 
Si  j'étais  (te  vous, 
(.'est  assez  suffisant. 
Prévoir  d'avance. 
Reculer  en  arrière. 
Rempli  de  beaucoup  d'esprit, 
Cadavre  inojiimé. 
Ployez  cette  étoffe. 
Pliez  cette  canne, 
11  a  davaiitage  d'instruction   que 

son  frère, 
Une  ;'/oi,'née,  un  pognct, 
Des  por/'eaux. 
Le  polissage  de  cette  pièce  est 

parfait. 
Le  pommeau  de  ma  canne, 


Redoutable  par  sa   force    et  son 

adresse. 
Parce  que. 

Pardonner  ci  quelqu'un, 
Pardoiniez    cet  oubli. 
La  mort  ne  pardonne  «  personne. 
Faire  un  pari. 
C'est  à  lui  que  i<i  parle. 
C'est  de  vous  qu.e  je  parle. 
Participer  à  une  affaire. 
Elle  était  du  parti  des  Stuarts,ou 

du  nombre  des  partisans  des... 
Partout, 

Je  n'ai  vu  personne. 
Une  rue  passante,  fréquentée. 
Elle  a  passé  devant  la  maison. 
La   couleur   de     cette   robe    est 

pasiée. 
Une  patère. 
Elle  a  la  peau  noire. 
Moyens  pécmiiaires. 
Travaillez  pen:la7d  que  vous  Êtes 

jpune. 
Il  travaille   constamment  durant 

le  jour  et  s'amuse  quelque  peu 

petidanthx  nuit. 
Une  perce-neif^e. 
Le  dernier  période  de  la  colère. 
La   période  d'une  planète,    d'un 

discours. 
Un  pétale. 
De  la  pim/;?-(?nelle. 
Tant  pif,  de    mal  en  pis,   de  pis 

en  pif.  ils  vont  ]iis. 
Si  j'étais  à  votre  place. 
C'est  suffisant. 
Prévoir. 
Reculer . 

Rempli  d'es/n  it. 
Un  cadavre. 
Pliez  cette  étoffe. 
Ployez  cette  canne. 
Il    a    plus    d'instruction  que  son 

frère. 
Une  poîgnée,  un  /jofgnet. 
Des  pon'eaux. 
La  polissure  de   cette    pièce  est 

parfaite. 
La  pomme  de  ma  canne. 


N.   V.   —   LOCUTIONS  VICIEUSES. 


NE   DITES   PAS 

La,po77ime  du  pistolet, 

Le  gibet  est  dressé, 

Du  pof((ron, 

Le  vin  est  fait  pour  Loire, 

De  la  poussière  de  charbon, 

Il  est  prêt  à  naître. 

Il  est  près  de  travailler, 

La  semaine  qui  vitnt, 

Je  vais  proineni'r. 

Je  vous/)ro/»e/5  que  je  l'ai  vu. 

Il  a  deviné  l'avenir, 

Poî<monique, 

Je  pâme  de  joie, 

Panlomine, 

l'ara fe  (rna^, 

Je  pardonne  mes  ennemis, 

Parfait  (faire  une  chose  aui, 

Paroi  (un). 

Mon  papier  perce. 

Perdue  (une  personne), 

Pelit  peu  (icn), 

Pointilleur  (homme), 

Poire  de  Crésane, 

Une   personne  hie7i  porta?iie. 

Pour  pouvoir  faire  une  chose, 


Le  pommeau  du  pistolet. 

La  potence  est  dressée. 

Du  potiron. 

Le  vin  est  fait  pour  être  ou. 

Du  poussier  de  charbon. 

Il  est  près  de  naître. 

Il  es,tprét  à  travailler. 

La  semaine  prochaine. 

Je  vais  me  promener. 

Je  vous  assure  que  je  l'ai  vu. 

Il  a  prophétisé  l'avenir. 

P(;/monique. 

Je  me  pâme  de  joie. 

Pantomime. 

Mon  parafe. 

Je  pardonne  «  mes  ennemis. 

Taire  une  chose  en  perfection. 

Une  paroi. 

Mon  papier  boit. 

Une  personne  percluse. 

Très  peu. 

Homme  pointilleux. 

Poire  de  Crassane. 

Une  personne  qtd  se  porte  bien. 

Pour  que  je  puisse  faire,  etc. 


Tant  qu'à  moi,  quanc/  h  ce  que. 

Le  combien  sommes-nous  ? 

11  ne  sait  qiwi  faire. 

C'est  là  (  ù  je  l'ai  vu, 

Ce  n'est  pas  de  ce\a,dont  il  s'agit, 

Ce  n'est  pas  cela  dont  j'ai  avons 

parler, 
C'est  à  vous  ù  qui  je  parle, 
Telles  raisons  que  vous  alléguiez, 

Il  y  a  des  fuis  que  cela  arrive, 
C'est  moi    qui  a...,    c'est  toi  qui 

est...;  c'est    vous  qui  a...  c'est 

nous  qui  sont.,., 
Çu'est-ce  qui  a  raison  ? 
Vous    faites    un   midentendu,   ce 

n'est  pas  lui,  c'est  son  frère. 


Quant  ù  moi,  qnan<  à  ce  que. 

Quel  est  le  qunntième  du  mois  ? 

Il  ne  sait  que  faire. 

C'est  là  que  je  l'ai  vu. 

Ce  n'est  pas    de  cela  qic'il  s'agit. 

Ce  n'est  pas  de  cela  que  j'ai  à  vous 
parler. 

C'est  à  vous  que  je  parle. 

Quelques  raisons  que  vous  allé- 
guiez. 

Cela  arrive  quelquefois. 

C'est  moi  qui  ai...,  c'est  toi  qui 
e*'...;  c'est  vous  qui  ai'ez,..,c'est 
nous  qui  sommes... 

Qui  est-ce  qui  a  raison  ? 

Vous  faites  un  quiproquo,  ce  n'est 
pas  lui,  c'est  son  frère. 


N.  V.   —  LOCUTIONS  VICIEUSES. 

NE  DITES   PAS  I  DITES 


Malgré  qu'il  n'est  pas  riche, 
Si  j'étais   que  de  vous,  je  parti- 
rais. 


Quoi  qu'il  ne  soit  pas  riche. 
Si  j'étais  vous,   ou  à  votre  place 
je... 


R 


Rac/ielique, 

Je  ne  me  rappelle  pas  de  cela, 

Vous  en  rappelez-vous  ? 

.le  me  rappelle  avoir  lu..., 

Rapport  à  cela, 

A  la  rebours, 

Un  récz'pissé, 

Plusje  fixe  cette  fleur,  plus  je  la 
trouve  jolie, 

fiai/er  un  cahier  d'écriture^ 

Du  réglise. 

Des  rei'ie-glauàes. 

Les  relâches  sont  fréquentes  à  ce 
théâtre, 

Je  vous  remarque  que. .. 

Je  lui  ai  remarqué  qu'il  avait  fait 
une  erreur  de  chiffres, 

Se  remémo'-î'e»", 

Je  le  ré?i'/j«érerai, 

rienonc(6i/Jo?î  aux  vanités  du 
monde, 

WcAmncemnnt  à  des  droits  acquis, 

J'ai  ren^r^  cette  déchirure  ;  j'3'  ai 
fait  une  rentroyure, 

Renversez  cette  eau. 

Etre  au  regret  d'avoir  commis 
une  faute. 

Cette  affaire  ressort  du  juge  de 
paix, 

Je  doute  que  cette  affaire  res- 
sorte du  tribunal  de  commerce, 

Il  est  resté  deux  jours  à  Paris, 

Il  a  resté  confondu. 

J'ai  retranché  une  phrase  à  ma 
lettre,  mais  je  n'ai  pu  en  re- 
trancher autre  chose, 

Héunir  le  mérite  à  la  modestie. 
Unir  le  mérite  et  la  modestie, 

Je  me  revc/igrci-ai. 

Je  me  plais  à  Paris,  j'y  relour- 
nerai. 


P>ac/titique. 

Je  ne  me  rappelle  pas  cela. 

Vous  le  rappelez-vous? 

Je  me  rappelle  r/'avoir  lu... 

Par  rapport  à  cela. 

A  rebours  ou  «m  rebours. 

Un  récépissé. 

Plus  je  regarde  cette  fleur. 

Régler  un  cahier  d'écriture. 
De  la  réglisse. 

Des  prunes  de  reine-claude. 
Les  relâches  sont  fréquents  à  ce 

théâtre. 
Je  vous  fais  remarquer  que... 
Je  l'ai  pjrié   de   remarquer    qu'il 

avait  fait  une  erreur  de  chiffres. 
Se  remémore''. 
Je  le  \-émunvveTZ.\. 
Vi&noncemt7it    aux    vanités      du 

monde. 
V^enoïïciation  à  des  droits  acquis. 
J'ai  rentrait  cette  déchirure  ;  j'y 

ai  fait  une  retdraiture. 
Répandez  cette  eau . 
Se  repentir  d'une  faute. 

Cette  affaire  ressortit  au  juge  de 
paix. 

Je  doute  que  cette  affaire  ressor- 
tisse  au  tribunal  de  commerce. 

Il  a  resté  deux  jours... 

Il  est  resté  confondu. 

J'ai  retranché  une  phrase  de  ma 
lettre,  mais  je  n'ai  pu  y  re- 
trancher autre  chose. 

Réunir  le  mérite  et  la  modestie. 

Unir  le  mérite  à  la  modestie. 

Je  me  7'evaficherai . 

Je  me  plais  à  Paris,  j'y  revien- 
drai. 


X.   V. 


LOCUTIONS  VICIEUSES. 


569 


NE  DITES  PAS 

J'ai  rêvé  à  vous  cette  nuit, 

Je  rêve  de  l'aveuir, 

Il  rêve  des  origines  du  monde, 

A  revoir, 

iiàncu'ieur. 

Je  me  rappelle  devotre  nom, 

Recouvert  (la  vue,  la  santé), 

Réjjrimanflahle, 

Je  reste  hôtel  de... 


J'ai  rêvé  de  vous  cette  nuit. 

Je  rôve  à  l'avenir. 

Il  rôve  sur  les  origines  du  monde. 

Au  revoir. 

Rancunier. 

•Je  me  rappelle  votre  nom. 

Recouvré  (la  vue,  la  santé). 

Répréhensifde. 

ifiloge  hôtel  de... 


Pays  sablewo', 

Cette  corniche  sailAV  beaucoup 
trop,  il  faut  nu'elle  saillisse 
très  peu, 

Servez  la  senioî^Vle, 

La  bêche  est  dans  la  j'é'.çserre, 

La  mauve  est  une  simple  excel- 
lente, 

Une  A'ecoupe, 

Un  sourd  et  muet, 

Une  femme  sourd-vaviQi\.Q, 

Ils  ne  reviennent  "ps.^  souvent, 

J'en  ai  snifisant  ou  mon  suffisant, 

I!  a  agi  par  sujétion. 

Deux  malheurs  arrivés  tout  de 
suite. 

Vous  l'aurez  de  suite. 

Supérieurement  bien  parlé, 

Dessus  le  comptoir, 

Sî/^s/antez-vous, 

Sauvage  (ce  canard  sent  le). 

Faites  votre  devoir  ou  sinon... 


Pays  sablormeî/2:. 

Cette   corniche    sail/e    beaucoup 

trop,  il  faut   qu'elle   saille  très 

peu. 
Servez  lasernow/e. 
La  bêche  est  dans  la  serre. 
La  mauve  est  un   excellent  sim 

pie. 
Une  soucoupe. 
Un  sourd-muet. 
Une  femme  sourde-muette. 
Ils  ne  reviennent  pas  vite. 
J'en  ai  %\i{^samment. 
Il  a  agi  par  sui^^eslion. 
Deux  malheurs  arrivés   de  suite. 

Vous  l'aurez  tout  de  suite. 

Supérieurement  parlé. 

Surla  comptoir. 

S«s/e^/tez-vous. 

Ce  canard  sent  le  sauvagin. 

Faites  votre  devoir,  sinon... 


A  force  que  je  suis  fatigué, 
Manger  de  la  tar^'e, 
Le  vent  est  si    tellement  violent, 
'ÏQïiÙTesse  de  la  viande. 
Le  plaisir  est  iQntuleur, 
J'ai  tombé, 

Il  allait  trop  vite,  il   est  tombé  à 
terre. 


Tant  je  suis  fatigué. 
.Manger  de  la  lar/e. 
Le  vent  est  tellement  y ïoXqwX. 
Tendreté  de  la  viande. 
Le  plaisir   est  ten^ari^ 
Je  suis  tombé. 

Il    allait    trop  vite,     il  est  tcmbé 
1     par  terre. 


570 


N.   V.   —   LOCUTIONS  VICIEUSES. 


NE   DITES   PAS 

Beaucoup  de  fruits  encore  verts 
sont  tombés  par  terre, 

Touclier  le  piano, 

L'ennemi  arrive  tout  d'un  coup  ei 
occupe  la  ville  tout  à  coup, 

Tranivuler  du  vin, 

J'ai  passé  au  travers  des  buis- 
sons;—  ...  une  épée  à  travers 
le  corps, 

Un  irichard, 

Une  trinque, 

Tâchez  r/ue  je  sois  ccmienf, 

Tête  d'oreiller, 

Traverser  le  pont. 

Très  faim,  très  soif, 


Beaucoup   de  fruits  encore   verts 

sont  tombés  à  terre. 
Toucher  du  piano. 
L'ennnmi    arrive   tant  à  coup  et 

occupe  la  ville  tout  d'un  coup. 
Transi  aser  du  vin. 
J'ai  passé  à  travers  les  buissons  ; 

—  ...   une  épée  au  travers  du 

corps. 
Un  tridieur. 
Une  tv\nqle. 
Tâchez  de  mécontenter. 
Taie  d'oreiller. 
Passer  le  pont. 
Extrêineinent  faim,  soif. 


Une  ulcère, 
IJne  uniforme. 
Une  ustensile, 


Un  ulcère. 
Un  uniforme. 
Un  ustensile. 


Je  suis  venu  en  vapeur, 

La  \&riation  des  couleurs. 

Ce  soldat  a  cheval  est  en  senti- 
nelle. 

Venez  un  peu  ici. 

Verser  de  l'eau  par  terre, 

Exécuter  un  vœu. 

Voilà  co  que  je  vais  vous  ré- 
pondre. 

Basse  vue. 

Longue  vue, 

Vaille  qui  vaille, 

Volte  (faire  laj. 

Voyons  vnir,  regardez  Doir,  donne 
voir,  viens  voir. 


Je  suis  venu  en  bateau  à  va- 
peur. 

La  var/e/e  des  couleurs. 

Ce  soldat  h  cheval  est  en  ve- 
de'te. 

Venez  ici. 

Hépayi'ire  de  l'eau  à  terre. 

Accomplir  un  vœu. 

Voici  ce  que  je  vais  vous  ré- 
pondre. 

Vue  courte. 

Vue  longue. 

Vaille  que  vaille. 

Faire  la  vole. 

Voyons,  regardez,  donne,  viens. 


MOTS  COMMENÇANT  PAR  UN  H  ASPIRÉ. 

11  y  abeaucoup  de  mots  où  le  fi  ne  se  fait  nullemeiiL  sentir  :  l'homme, 
l'honneur,  l'harmonie,  l'hirontlelle  ;  ce  h  qui  ne  se  prononce  pas 
s'appelle  h  muet. 

Le  11  qui  fait  prononcer  avec  eCfort  de  l'art ière-bouche  la  voyelle 
qui  suit  s'appelle  h  aspiré.  Il  ne  se  lie  jamais  avec  la  consonne 
précédente.  Ainsi  on  prononce  :  des  héros,  des  hameaux,  dos  haricots, 
comme  s'il  y  avait  de  héros,  de  hameaux,  de  haricots. 


lia,  hache,  hache-paille,  hacher,  hachereau,  hachette,  liachis,  ha- 
choir, hachure,  hagard,  haha,  hahé,  haie,  haie,  haïe,  hailhin,  haine, 
haineux,  haïr,  haire,  halage,  halbran,  halbrené,  hâle,  halener,  haler, 
liàler,  haletant,  haleter,  haleur,  hallage,  halle,  hallebarde,  hallebar- 
dier,  hallebreda,  hallicr,  hallier,  halo,  haloir,  halot,  halotechnie, 
halte,  halurgie,  hamac,  hameau,  hampe,  han,  lian,  hanap,  hanche, 
hangar,  hanneton,  hanscrit,  hanse,  hansière,  hanter,  hantise^  happe, 
happelourde,  happer,  haquenée,  baquet,  haquetier,  harangue,  haran 
guer,  harangueur,  haras,  harasser,  harceler,  harde,  barder,  bardes, 
hardi,  hardiesse,  hardiment,  harem,  hareng,  harengaison,  harer.- 
gère,  hargneux,  haricot,  haridelle,  harnacher,  harnois  ou  harnais, 
haro,  harpe,  harpe,  barper,  harper,  harpie,  harpiste,  harpon,  harpon- 
ner, liarponneur,  bart,  hasard,  hasarder,  basardeusement,  hasardeux, 
hase,  baste,  hasté,  hâte,  bâter,  bâteur,  hâtier,  liâtif,  hâtiveau,  hâtive- 
ment, bâtiveté,  haubans,  haubert,  hausse,  hausse-col,  haussement, 
hausser,  haut,  haut-à-bas,  haut-à-baut,  hautain,  bautainement,  haut- 
bois, haut-de-cbausse  ou  haut-de-chausses,  haut-contre,  hautement, 
hautesse,  haute-taille,  hauteur,  haut-fond,  haut-le-corps,  hauturier, 
hâve,  havir,  havre,  havre-sac. 

Hé,  heaume,  hein,  héler,  hem,  hennir,  hennissement,  héraut, 
lière,  hère,  hérisson,  bérissonné,  herniaire,  hernie,  héron,  héronneau, 
béronnier,  héronnièro,  héros,  hersage,  herse,  herser,  hersiiur,  hêtre, 
heurt,  heurter,  heurtoir. 

Hibou,  hic,  hideusement,  hideux,  hiè,  hiérarchie,  hiérairhique, 
hiérarchiquement,  bile,  bisser. 

Ho,  bobeieau,  hoc,  hoca,  hoche,  hochement,  hochepied,  liochepot, 


572      N.   V.   —  MOTS   COMMENÇANT   PAR   UN   H  ASPIRÉ. 

hochequeue,  liocher,  hochet,  hoguer,  holà,  hollander,  liom,  homard, 
honchets,  hongre,  hongrer,  hongroyeur,  honnir,  honte,  honteuse- 
ment, honteux,  hoquet,  hoqueton,  horde,  horion,  hors,  hotte,  hottée, 
hotteur,  houblon,  houblonner,  houblonnière,  houe,  houer,  houille, 
houiller,  houillère,  houilleur,  houiileux,  houlau,  houle,  houlette,  hou- 
leux, houper,  houppe,  houppelande,  houpper,  hourailler,  houraillls, 
hourdage,  hourder,  hourdis,  houret,  houri,  liourque,  hourra,  hour- 
vari,  housard,  housé.houseaux,  houspiller,  houssage,  houssaie,  hous- 
sard,  housse,  housser,  houssine,  houssiner,  lioussoir,  housson,  houx, 
hojau. 

Huard,  hublot,  hnclie,  huclier,  liuchot,  hue,  huée,  huer,  huguenot, 
huguenote,  hugneuotisnie,  huhau,  huit,  lui. tain,  huitaine,  huitième, 
huitièmement,  hulaii,  hulotte,  ou  huette,  luinner,  hune,  hunier, 
huppe,  huppé,  hure,  hurhau,  hurlement,  hurler,  hussard,  hutte 
hutler. 


FIN 


ERRATA 


La  note  de  la  page  :3o  est  le  complément  de  la  note  de 
la  page  34. 

Page  71,  ligne  7  :  au  lieu  de  aussi  est-il  plus  disposé,  Usez  • 
aussi  est-il  peu  disposé. 

Pai^e  20o,  ligne  I  :  au  lieu  de  chrondro-glosse,  Usez  :  chon- 
droglosse. 

Page  3G3,  ligne  28:  au  lieu  de  par  le  son  d'un  muet,  Usez  : 
par  le  son  d'un  E  muet. 

Page  402,  ligne  3  :  au  lieu  de  cavité  inférieure  de  la  mâ- 
choire, lisez  :  cavité  de  la  mâchoire. 

Page  410,  ligne  4  :  au  lieu  rfe  point  de  départ  de  la  grada- 
tion, médium,  U<ez  :  point  de  départ  de  la  gradation),  (mé- 
dium. 


TABLE  DES  MATIERES 


Préface 

Historique  du  cours  d'ortlioplioaio. 


PREMIERE  PARTIE 

NOTES    DIDACTIQUES     d'ORTUOPUONIE. 


Note  A.  Leçon  préparatoire  à  l'enseignement  orthophonique.  11 

—  B.  Du  rôle  de  la  volonté  dans  l'orthophonie 21 

—  C.  Influence  de  la  mémoire   dans   l'éducation   orthopho- 

nique   43 

—  D.  De  la  docilité  intellectuelle  dans  l'éducation  vocale. .  55 

Appendice  de  la  note  D  (du  bégaiement  chez  les  en- 
fants et  chez  les  adultes) G5 

—  E.   Du  bégaiement  dans  les  classes  aisées  et  non  aisées.  G9 

—  F.    Du  bégaiement  imaginaire 75 

—  G.  Des  exercices  vocaux  et  do  leur  influence  physique 

sur  le  bégaiement 83 

—  H.  De  la  dominante  chez  les  bègues 93 

—  I.   De  l'influence  météorologique  pendant  le   redresse- 

ment vocal  du  bégaiement 101 

—  J.  Propliylaxic  orthophonique 109 

Appendice  de   la  note  J  (des  produits  pharmaceu- 
tiques dans  le  redressement  du  bégaiement) 117 


TABLE   DES   MATIERES.  573 

Note  K.  Conseils  orthophoniques-prophylactiques  à  l'usage  des 

éducateurs  de  Tcnfance  et  de  la  jeunesse 123 

—  L.  Des  petits  traités  de  lecture 139 

—  M.  Du   personnalisme  phonétique   dans   la   déclamation 

Ij'rique  ou  dramatique  et  dans  la  lecture  à  haute 

vois 1  ^J 

Appendice  de  la  note  M  (du  rythme  euphonique  dans 
la  voix  chantée) 161 

—  N.  Delà   sociabilité  des  sourds-muets  (dédiée  aux  pro- 

fesseurs d'orthophonie] 167 


DEUXIEME   PARTIE 

SYNTHÈSE  DE  LA  MÉTHODE  d'ORTHOPHOME 

DU  d''  colombat,  de  l'isère. 

Note  0.  Synthèse  orthophonique 187 

Description  de  l'appareil  vocal,  118.  Du  larynx,  101. 
De  la  langue,  201.  Physiologie  de  la  voix  et  de  ses 
diverses  modifications,  210.  Mécanisme  de  la  voix, 
219.  Physiologie  du  faucet,  227.  Mécanisme  des  cris, 
233.  Intonations  des  cris  dans  les  douleurs  phy- 
siques et  morales,  —  différentes  inflexions  vocales 
affectives,  238.  De  l'engastrimythisme,  244.  Méca- 
nisme naturel  des  sons  articulés  (alphabet  ortho- 
phonique), 249.  De  l'orthophonie  —  classification  de 
tous  les  vices  de  la  parole,  267.  Tableau  synoptique 
des  vices  de  la  parole,  2C9.  Du  Grasseyement  et  de 
ses  variétés,  272.  De  la  Blésité  et  de  ses  diverses 
variétés,  279.  Du  Balbutiement  et  de  ses  variétés, 
239.  Du  Bredouillement,  295.  Du  Nasillement,  299. 
Du  Bégaiement  et  de  ses  diverses  manifestations, 
299.  Divisions,  variétés  et  phénomènes  caractéris- 
tiques du  bégaiement,  326.  Diagnostic  du  bégaie- 
ment,337.  Influence  du  rythme,  339.  Redressement 
vocal  du  bégaiement  —  procédés  et  moyens  ortho- 
phoniques et  prophylactiques,  3i7.  Mécanisme  artifi- 
ciel des  lettres,  35i.  Moyens  artificiels  pour  articuler 


STG  TABLE   DES   MATIÈRES. 

les  combinaisons  dos  voyelles  et  des  consonnes,  363. 
Moyens  orthophoniques  qui  conviennent  plus  par- 
ticulièrement à  chaque  variété  de  bégaiement,  3GG. 
Application  de  la  méthode  d'orthophonie,  371  et  390. 
Exercices  syllabiques,  373. 

Premier  appendice  de  la  note  0  (préceptes  et  pro- 
cédés complémentaires  d'orthophonie  et  de  prophy- 
laxie phonétique; ....     399 

Deuxième  appendice  de  la  note  O  (des  inspirations 
et  des  expirations  buccales  et  nasales,  et  de  leurs 
différentes  évolutions  physiologiques) 417 

TROISIÈME  PARTIE 

NOTES   DIDACTIQUES    DE  PUYSIOGNOMOXIE. 

Note  P.  Prologue , 433 

—  Q.  De  la  physionomie  {premier  tableau) 439 

—  Pi .  Du  geste  (deuxième  tableau) 471 

—  S.  Des  attitudes  du  corps  (troisième  tableau). ô09 

—  T.  Épilogue ô29 

NOTES  ANNEXES. 


Note  U.   Anthologie  orthophonique  (prose   et   vers) 635 

Titres   des    morceaux   choisis  des    classiques   fran- 
çais     ô4  3 

—     V.  Locutions  vicieuses  les  plus  usitées 531 

Mots  commençant  par  un  /(  aspiré. . .   571 

Errata 573 


FIN   DE   LA  TABLE 


6828-7a  —  (uiiBuiL.  lyp.  et  stér.  CnÉTÉ. 


^  1  7*^    4 


/? 


RC     Colambat,  Emile 

4^3       Traite  d'orthophonie 

Ct3 


SioMecl 


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