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TRAITE
D'ORTHOPHONIE
PUBLICATIONS DU MÊME AUTEUR
Éléments d'ortlioplionie Bégaiement et vices de la [)ai'ole). — Asselin.
libraire-éditeur.
De lamusique dans ses rapports avec la santé publique. — Asselin,
libraire-éditeur.
Du cours d'articulation dans l'enseignement des sourds-muets
(Mémoire présenté à l'Académie des sciences). — L. Larose, libraire-
éditeur.
L'Enseignement orthophonique nu Conservatoire national de mu-
sique et de déclamation de Paris (Vices de la parole chantée et
parlée). — Asselin, libraire-éditeur.
L'Orthophonie au point de vue pédagogique 'J\Iémoire présenté à
l'Académie de médecine). — Asselin, libraire-éditeur.
Méthode rationnelle d'articulation à l'usage des institutions do
sourds-muels (École française). Méthode présentée à l'Académie
de médecine. — Asselin. libraire-éditeur.
(^oiiBi II.. Tyi'. i-t stêr. CnuTt.
TRAITÉ
D'ORTHOPHONIE
VUIX NOllMALE
B É G A I E M E N T
yiGES DE PAROLE
SONS ESTHÉTIOUES
PHYSIOGNOMONIE
E. COLOMBAT (de l'Isère)
OFFlCIKll d'aCADÉMIK
nioFESSKiR b'oriTnnpiioNib; a l'institit national i)i:s souiius-suirr.»
Dli PAUIS
EX-pnoFESsian au conseiivatoiri; national.
PARIS
ASSELIN ET (;'% LIBRAIRES DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
PLACE DE l"ÉC0LE-1)E-MÉDECINE
1880
M
''3^
PREFACE
Ce traité, divisé en trots parties^ et présenté
■SOUS la forme de notes, expose d'abord des
principes et des développements uouveaiix sur
le rôle de la volonté, de la docilité et de la mé-
moire dans Fétude de la parole ;
Sur les manifestations internes et externes de
la phonation ;
Sur le rôle de l'élément pédago«^ique dans le
redressement vocal du bégaiement et des vices
de la parole ;
Sur le rôle de l'enseignement de l'ortliopho-
VI PRÉFACE.
nie technique dans l'étude du son esthétique.
La seconde partie de ce hvre expose en-
suite, avec de certaines modifications et de cer-
taines additions dictées par l'expérience et affir-
mées par une pratique spéciale, la synthèse de la
méthode d'orthophonie du docteur Colomhat, de
l'Isère, augmentée toutefois de deux appendices.
Lorsque le côté méthodique, et en quelque
sorte artificiel, du redressement vocal a été en-
seigné aux élèves bègues ou aux élèves affectés
d'un vice de la parole, il est de toute utilité de leur
faire connaître la phonation esthétique (1) comme
s'ils avaient toujours été libre-parlants et de leur
apprendre eu même temps ce que dans l'art ora-
toire on nomme V action. Pendant cette transi-
tion vocale on leur fera donc étudier les lois
psycho-physiologiques qui sont indiquées dans la
troisième partie de notre ouvrage. Ces lois prési-
dent subjectivement au jeu de la physionomie et
donnent objectivement au geste et aux attitudes
du corps une tonalité harmonique eu rapport
avec celle de la parole.
D'ailleurs, la physiocjnomonie jointe à la pa-
(I) Voiries notes aiinoses : Autholo;/ie orlhrqihoniqnc.
PREFACE. VU
rôle non seulement facilite h l'orateur, au discou-
reur, au coûférenciei*. au causeur, à l'artiste
dramatique ou lyrique farl de la pose de la voix,
mais encore donne aux dysphones le temps iS^d.}^-
^\\^^): mus trouble et à propos, soit les procédés
de redressement vocal précisés dans la méthode
d'orthophonie, soit les procédés protecteurs ou
prophylactiques qui y sont indiqués.
Bien que ces matières didactiques publiées
sous le titre : Traité d'Orthophonie, ne parais-
sent pas former un tout absolument homo-
gène, elles s'éclairent cependant, se complètent
l'une par l'autre, et s'unissent par le lien d'une
origine et d'un l)ut communs : Manifestations
externes de la ppnsi'o.
Eu présence des honorables lémoignages
adressés à notre enseignement, et des marques
d'encouragement données au Cours officiel d'or-
thophonie par les premiers corps savants de
l'Etat, les assemblées électives du pays et parles
différents ministres qui se sont succédé au minis-
tère de l'iutérieur ou nu dépai'tement de l'instruc-
VIII PREFACE.
tioD publique et des heaux-aris, nous regardons
comme un devoir professionnel de publier con-
stamment sur la science de l'orthophonie tout ce
qui peut être de nature à fixer les esprits sur un
sujet dans lequel divers points importants ne sont
pas encore suffisamment mis en lumière.
E. Colomb AT, de l'Isère.
HISTORIQUE DU COURS
D'ORTHOPHONIE
CRÉÉ EN 1828 ET ANNEXÉ DEPUIS 1868
A L'INSTITUTION NATIONALE DES SOURDS-MUETS
DE PARIS
POUR LE REDRESSEMENT VOCAL
DU BÉGAIEMENT ET DE TOUS LES YICES
DE LA PAROLE
HISTORIQUE DU COUBS
D'ORTHOPHONIE
En 18:^8, le docteur Golombat, de l'Isère, fut le pre-
mier créateur de l'Institut orthophonique de Paris,
fondé pour le redressement de tous les vices de la pa-
role et en particulier du bégaiement.
C'est à l'étude physiologico-pathologique des organes
de la voix, mais surtout à celle du bégaiement et des
vices de la parole que se rattache, en médecine, le
nom de Golombat.
Une idée bien simple le guida dans cette dernière
étude : il avait remarqué que les bègues, dans certai-
nes circonstances, articulent avec netteté, par exemple
lorsqu'ils chantent; il lui parut alors complètement
illusoire d'aller chercher les causes de cette infirmité
dans une conformation vicieuse des organes vocaux.
4 HISTORIQUE DU COURS D'ORTHOPHONIE.
Les deux corps scientifiques les plus haut placés dans
l'opinion publique, l'Académie des sciences et l'Aca-
démie de médecine, donnèrent la plus éclatante appro-
bation à ses travaux et à l'empressement qu'il a mis à
en faire connaître les résultats au public.
Trop tôt enlevé à ses études physiologiques, il mou-
rut en 1851, sans avoir pu donner à sa Méthode d'Or-
thophonie tous les développements qu'il lui avait fixés
dans sa pensée.
M. E. Colombat, désireux de vulgariser cette méthode
de redressement vocal, et poursuivant les travaux or-
thophoniques de son père, ouvrit à son tour des cours
particuliers qui, sur sa demande, furent l'objet d'une
enquête administrative.
Le Ministre de l'Intérieur, en 1866, confia à une Com-
mission spéciale le soin d'étudier la question, qu'un
grand nombre de personnes notables dans les sciences
et dans les lettres recommandaient à son attention.
La Commission se livra à une étude nouvelle et ap-
profondie de la méthode et fit faire devant elle des
expériences multipliées. Non contente d'examiner les
élèves bègues ou affectés d'un vice de la parole, qui lui
étaient présentés par le professeur, elle choisit elle-
même un grand nombre de sujets qu'elle avait fait re-
chercher. Ces nouveaux élèves, instruits sous ses yeux,
ne furent quittés qu'après une complète éducation vo-
cale.
Le rapport scientifique de cette Commission, présenté au
Ministre de l' Intérieur par M. le docteur Danet, concluait
HISTORIQUE DU COURS D'ORTHOPHONIE. 5
à Vutilité de la création d'un cours d'orthophonie et à l'an-
nexion de ce cours à l'Institution nationale des Sourds-
Muets de Paris.
Un arrêté ministériel adopta ces conclusions, et le
cours d'orthophonie fut ouvert au public.
Les résultats obtenus pendant de nombreuses an-
nées, et successivement appréciés par plusieurs Mi-
nistres de l'Intérieur et de l'Instruction Publique, con-
firmèrent l'efficacité de la méthode adoptée par l'État.
A la suite d'amendements au budget du ministère de
l'Intérieur, dus à l'initiative parlementaire et acceptés
par le Gouvernement, le Corps législatif d'abord, l'As-
semblée Nationale ensuite, assuraient la permanence
du Cours d'Orthophonie en ouvrant et plus tard en
augmentant un crédit exclusivement afl'ecté à l'exis-
tence officielle de cette nouvelle institution de bien-
faisance.
En même temps, à la suite d'une délibération du
Conseil municipal de la ville de Paris, M. le préfet de la
Seine autorisait les instituteurs à faire participer au
bénéfice de la méthode les enfants des Écoles Commu-
nales reconnus bègues ou affectés d'un vice de la parole.
Enfin, en 1874, à propos de recherches sur la ques-
tion du bégaiement et des vices de la parole, l'Académie
de Médecine, après avoir, pour la seconde fois, soumis
à l'étude d'une Commission la Méthode d'Orthophonie,
a consacré les principaux points suivants :
1° Le docteur Colombat [de l'hère) est le premier qui se
6 niSTORIQUE DU COURS D'ORTHOPHONIE.
soit occupé à la fois de rechercher la nature du bégaiement,
de redresser ce vice de la parole, enfin de foi muler et de
publier une méthode rationnelle pour combattre cette infir-
mité et tous les vices de la parole;
2° De cette méthode couronnée en 1833 /îor V Académie
des Sciences, découlent les divers modes d'application que
l'on a cherché depuis lors à mettre enusage en France et à
l'étranger ;
3° Le redressement du bégaiement est sorti du domaine
de la médecine pour entrer datis celui de renseignement.
Ce point essentiel a été mis en lumière par M. E . Colombat
dans un mémoire adressé à l'Académie et intitulé : De C Or-
thophonie au point de vue pédagogique.
L'Académie a terminé l'examen de celte question en
adoptant à l'unanimité les conclusions suivantes : « La
méthode Colombat, qui a été l'objet d'un rapport favorable
à l'Académie de médecine en 1830, rapport fait par Itard
au nom d'une nombreuse Commission, continue à donner
de bons résultats, prouvés par une expérience de bien des
années. — Elle mérite les encouragements de l' Administra-
tion pour les services quelle rend tous les jours, n
Les conséquences pénibles qui résultent des vices de
la parole, soit dans les relations quotidiennes, soit
dans le choix d'une carrière ou d'une profession, sont
trop connues pour qu'on insiste longtemps sur les avan-
tages que procure le redressement de ces infirmités.
Qu'il suffise de rappeler qu'il n'est jamais trop tard
HISTORIQUE DU COURS D'ORTHOPHONIE. 7
pour se livrer à l'éducation de la voix parlée. Sans doute
il vaut toujours mieux s'y consacrer dès le jeune âge.
Mais on peut encore, même dans l'âge mûr, arriver à
se donner une diction régulière lorsque l'enseignement
vocal, accepté avec confiance, est appliqué méthodi-
quement et observé par l'élève avec une sérieuse exac-
titude.
La Méthode d'Orthophonie comprend 1° le redresse-
ment de toutes les variétés du bégaiement ; — 2° le
redressement de tous les vices de la parole; — 3» le
redressement vocal des enfants arriérés ; — 4° le re-
dressement des vices de l'articulation de la voix dé-
clamée ou chantée ; — 5" l'enseignement de l'articu-
lation aux sourds-muets dits A//w2si!o/>Aones, ou sourds-
muets chez qui la perte de l'ouïe n'a pas entraîné la
perte complète de la faculté de parler.
Le cours d'Orthophonie annexé à l'Institut national
est ouvert au mois d'octobre et se termine au mois de
juillet.
Les cours se font isolément et en commun, mais
toujours en dehors de la présence de toute personne
étrangère. — Mesure prise dans le double but de mé-
nager la légitime susceptibihté des bègues et de facili-
ter le fonctionnement régulier des cours, en évitant
aux élèves pendant la durée des leçons tout ce qui pour-
rait les fatiguer inutilement, les troubler ou les im-
pressionner.
Le redressement du bégaiement et des vices delà pa-
role est direct et immédiat ; — il importe que le profes-
seur se trouve face à face avec l'élève et lui donne visi-
8 HISTORIQUE DU COURS D'ORTHOPHONIE.
blement les procédés orthophoniques préparatoires ,
nécessaires pour l'intelligence et la bonne application
de la méthode. — C'est dans ces conditions absolues
d'enseignement que la personne affectée d'un vice de
parole quelconque pourra poursuivre la tâche entre-
prise et arriver avec succès au but qu'elle désire at-
teindre.
PREMIÈRE PARTIE
NOTES DIDACTIQUES
D'ORTHOPHONIE
NOTE A
LEÇON PRÉPARATOIRE A L'ENSEIGNEMENT
ORTHOPHONIQUE
NOTE A
LEÇON PRÉPARATOIRE A L'ENSEIGNEMENT
ORTHOPHONIQUE.
a C'est la joie de fout homme de forcer la na-
1 ture de s'engager dans les voies qu'elle avait fer-
« mées devant lui, d'y réussir en dépit d'elle. Le
< sentiment de l'effort double le prix du succès. »
(F. Sabcbï.)
En général, avant d'aborder l'enseignement de
Torthophonie, nous pensons qu'il est bon de faire
comprendre à l'élève bègue, dans wie leçon prélimi-
naire, toute la valeur intellectuelle et physique dont
chaque individu présente une formule isolée.
Cette leçon doit être appropriée à l'âge et à l'ins-
truction du bègue ; elle le pénètre moralement et lui
fait pressentir que le succès de son éducation pho-
nétique dépend beaucoup de l'énergie personnelle
qu'il apportera au redressement vocal de son vice de
parole.
Il ne peut entrer dans l'esprit du professeur d'or-
thophonie de vouloir exphquer et étudier l'homme
1+ N. A. — LEÇON PRÉPARATOIRE
SOUS ses divers aspects. — Les sciences de la phy-
siologie, de la biologie, de la sociologie, de la philo-
logie s'occupent d'ailleurs, chacune selon le but qu'elle
poursuit, de l'être humain envisagé au point de vue
de sa nature physique, intellectuelle ou sensible^,
de ses évolutions vitales ou sociales, enfin de son
esprit de civilisation manifesté par Thistorique du
langage interhumain.
Dans le cas spécial qui nous intéresse, il suffit de
présenter sommairement et plutôt par voie de com-
paraison que par voie d'abstraction, les quelques
notions suivantes :
Physiologiquement, le corps est un composé com-
plexe de substances organiques, qui, à un moment
donné, se font équilibre et produisent la vie.
Le phénomène de la vie se manifeste par une lutte
sérielle de composition et de décomposition chimi-
que, lutte qui préside à la naissance, à la croissance,
à la maturité et, lorsque la décomposition l'emporte,
à la décroissance et à la dissolution du corps, der-
nier phénomène appelé la mort.
Pendant le moment d'équilibre instable, d'oscil-
lation continue qui constitue l'évolution vitale de
l'homme, le système économique des tissus cellu-
laires du corps agit et réagit sur lui-même au moyen
du jeu incessant des nerfs et des muscles entretenus
A L'ENSEIGNEMENT ORTHOPHONIQUE. 15
parla perception interne de la plupart des phéno-
mènes qui constituent l'existence.
Cette perception interne, dénommée indifférem-
ment : conscience du 7noi^ sens intime, chnc, a fait
de tout temps l'objet de curieuses recherches.
Les philosophes et les psychologues, s'appuyant
sur les manifestations caractéristiques de la nature
humaine, ont généralement distingué, dans les évo-
lutions du sens intime, trois séries spéciales de
faits qui ont été ramenés à trois facultés direc-
trices : sensibilité, intelligence, activité.
Les évolutions cérébrales en générai et celles
de chaque individu en particuher sont intimement
liées à la constitution physique, aux aptitudes natu-
relles, au milieu dans lequel il a été élevé, dans
lequel il se meut et dans lequel il vit tous les jours (1).
— De cette organisation et des lois qu'elle suppose,
surgit ce que les hommes en société désignent sous
(l)Si certains penseurs avaient d'abord étudié la physiologie, la
société eût suivi probablement une marche ascendante tout autre
que celle qui lui a été imprimée depuis plusieurs milliers d'années.
Si la direction des idées n'a pas été ce qu'elle aurait pu être, il n'en
faut pas moins reconnaître que l'histoire des philosophies et des re-
ligions, que l'histoire des peuples et de leurs révolutions, renferment
un bien curieux inventaire des actes sociaux de l'humanité.
La philosophie de l'histoire et les découvertes modernes ont im-
primé aux sciences une direction, plus vraie, plus sûre et reposant
sur des bases plus fécondes en idées saines et en applications utiles.
16 N. A. — LEÇON PRÉPARATOIRE
le nom de morale, code variable selon les nations,
selon les siècles.
Circonscrivant ces réflexions dans un cadre plus
étroit, on éveillera l'attention de l'élève surtout sur
les manifestations du moHiumain.
Qu'est-ce que le moi ?
C'est la résultante, consciente et active, de cette
admirable machine mécanico-chimique connue sous
le nom de corps.
Comment les deux éléments de notre moi, le
corps, chose palpable et visible, et Xâme, puissance
interne et dont le corps extérieur semble ne traduire
que les modifications, comment ces deux éléments
si disparates dans leur essence peuvent-ils coexister
et s'unir au point de n'être qu'une seule et même
entité ?
Une comparaison empruntée à la physique fera cer-
tainement comprendre à l'élève le lien qui existe en-
tre l'âme et le corps.
L'électricité est une force, mais cette force ne peut
exister que dans certaines conditions chimico-physi-
ques ; ses effets varieront suivant les agents qui lui
seront donnés comme auxiliaires.
Prenons une pile électrique :
Adaptons à ses deux conducteurs un appareil té-
légraphique ou téléphonique, et l'électricité transmet-
A l'enseignement orthophonique. 17
Ira à des distances considérables des idées, des
mots, des sons.
Adaptons à ces mêmes conducteurs un autre ap-
pareil — deux cônes de charbon, et l'électricité pro-
duira de la lumière.
Adaptons maintenant aux conducteurs une cuvette
galvanoplastique, dans laquelle ils plongent, et le cou-
rant électrique produira une décomposition chimique.
Ainsi, cette seule et même force appelée électricité
produit, tout en restant la même dans les divers cas,
mais en changeant chaque fois les agents de sa ma-
nifestation, des elTets bien différents : transmission
rapide de signes ou de sons, — lumière, — décom-
position chimique.
Sans la pile, l'électricité n'eût pas eu d'instru-
ment générateur propre à lui donner une impulsion ;
— sans les agents auxiliaires^ cette impulsion n'au-
rait pu manifester ses effets.
Appliquons maintenant cette comparaison à la
machine humaine.
L'âme dans le corps humain ou le moi conscient^
c'est l'électricité dans la pile, mais une électricité
ordonnatrice et intelligente, qui sait ce qu'elle sent
et les actes qu'elle produit, tandis que l'électricité
physique est subordonnée et inconsciente, mécani-
que, fatale; — le cerveau est la pile génératrice, —
18 N. A. — LEÇON PRÉPARATOIRE
■es nerfs sensitifs et moteurs sont les conducteurs,
— les organes ou instruments des sens sont les
agents de ses modifications diverses, sensitives,
intellectuelles et actives.
Adaptez aux nerfs sensitifs l'appareil visuel : le
moi recevra plus ou moins \ite, plus ou moins len-
tement, plus ou moins profondément^ agréablement
ou péniblement, selon la qualité de l'organe et de
l'impression, la sensation des couleurs, des formes et
des mouvements.
Adaptez aux nerfs sensitifs l'appareil olfactif, le
moi recevra la sensation des odeurs ; — adaptez l'ap-
pareil auditif, le moi recevra la sensation des sons ;
— adaptez l'appareil gustatif, le moz recevra la sen-
sation des saveurs ; — adaptez l'appareil du toucher,
et le moi recevra alors la sensation de la densité, de
l'étendue, de la distance, de la dureté.
Une seule force simple et immatérielle reçoit donc
ainsi, tout en restant la même dans les cinq cas pré-
cités, mais en s'adaptant chaque fois à un nouveau
sens, à un nouvel appareil, comme agent de ses ma-
nifestations, la perception de cinq sensations diffé-
rentes : couleur, odeur, sons, saveurs et propriétés
des corps. — Ceci est pour Tordre des faits sensitifs,
mais ce qu'il importe d'indiquer à l'élève bègue, c'est
ce qui se passe dans l'ordre métaphysique.
A l'enseignement orthophonique. 19
Adaptez aux nerfs sensilifs un sixième appareil,
organe invisible mais réel, irrécusable, résidant dans
les cellules cérébrales, démontré par ses effets qui
supposent une cause agissante et que plusieurs sa-
vants ont désigné sous le nom de sens de lapeiisée, et
l'âme produira les nombreuses manifestations de la
faculté intellective.
Les phénomènes de cette faculté comprennent dans
la sensibilité le pouvoir de distinguer les sentiments
qui résultent des sensations ; — dans \ activité, la
propriété de vouloir et d'agir selon les déterminations
qui nous sont suggérées par l'état de notre système
nerveux, et Tensemble des impressions concomitan-
tes; — dans le domaine intellectuel, la propriété qu'a
l'esprit de percevoir, d'acquérir des notions, de con-
cevoir des idées, de se souvenir et de coordonner les
connaissances reçues pour, à leur aide, établir les
sciences, les lettres, les arts ou créer un langage
vocal.
Prenons en dernier lieu des faits de Tordre volon-
taire, ceux que l'on appelle les phénomènes de l'acti-
vité.
Adaptez aux nerfs sensitifs et moteurs l'appareil
des jambes et des pieds, et l'âme, avec le concours de
la volonté, produira la marche, la course, la natation
(ce dernier acte avec les mainspour auxiliaires); adap-
20 N. A. — LEÇON PRÉPARATOIRE.
tez l'appareil des bras et des mains, et l'âme, avec le
concours de la volonté^ produira toutes les industries
humaines. Enfin, dernier exemple et plus particulière-
ment intéressant à notre point de vue, adaptez à ces
nerfs sensitifs et moteurs un appareil multiple pour
concourir à un seul acte: les poumons, les muscles de
la respiration et de l'expiration, la trachée-artère et
les bronches, le larynx, la glotte, le pharynx, l'épi-
glotte, la luette, le voile du palais, la voûte palatine,
les fosses nasales, les sinus maxillaires, la langue,
les lèvres, les joues, — et l'âme, toujours avec le
concours de la volonté^ produira des sons et des arti-
culations syllabiques.
L^homme,, doué naturellement de la faculté d'ana-
lyser et d'imiter, apprendra dans le commerce de ses
semblables et avec le secours de la mémoire, le lan-
gage que ses ancêtres ont créé ; — et s'il y a quelque
embarras dans la réaction nerveuse et musculaire de
ses organes^ il pourra, grâce à la volonté et à l'é-
ducation, triompher de beaucoup d'obstacles, amélio-
rer son état physique ou même dans certains cas
le transformer complètement.
NOTE B
DU RÔLE DE LA VOLONTÉ
DANS L'ORTHOPHONIE
NOTE B
DU ROLE DE LA VOLONTE DANS L'ORTHOPHONIE
« Le redressemeut vocal du bégaiement est sorti
« du iloniaine de la médecine pour entrer dans
« celui de l'enseignement; on ne tiaite pas le bègue,
<i on fait sou éducation. Le bègue n'a pas un mé-
« decin, mais un professeur. — Pour guérir, le
« malade n'a pas besoin de l'intelligence, ce n'est
" donc pas à elle que le médecin s'adresse, tandis
11 que c'est à l'intelligence du bègue que le profes-
M seur doit s'adresser. »
[Acod. de médecine, séance du 5 janvier 1875.)
Dans une de ses séances, où la question du Bégaie-
ment et des vices de la parole faisait l'objet de ses
délibérations, TAcadémie de médecine a reconnu que
le redressement vocal du bégaiement était sorti du
domaine de la médecine pour entrer dans celui de
l'Enseignement (1).
Ce point une fois constaté et consacré, il nous a
paru utile de développer ce sujet en indiquant et en
(1) « Cette vérité, ajoutait ruii des membres de ce corps savant, a
été mise en lumière par M. E. Colombat, de l'Isère, dans un mé-
moire adressé à l'Académie et intitulé : De l'orthophonie au point
de vue pédagogique. »
24 iN. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
démontrant au moyen de quel agent auxiliaire de l'in-
telligence l'instituteur de bègues doit avec le con-
cours de la méthode d'orthophonie du docteur Co-
lombat, de l'Isère, appliquer pédagogiquement les
procédés pubUés dans la méthode pour combattre le
bégaiement et les différentes variétés de ce vice grave
de l'articulation vocale.
Dans l'intérêt de la question qui nous occupe, il
est nécessaire tout d'abord de voir sous son double
aspect objectif et subjectif, ce que nous entendons
par la parole du libre-parlant (1).
Objectivement, la parole articulée est l'ensemble
des mots qui forment le dictionnaire d'une langue et
l'ensemble des règles de la syntaxe qui autorisent la
combinaison de ces mots entre eux.
Subjectivement, la parole est l'ensemble des mul-
tiples évolutions psychiques qui accompagnent la
pensée, et l'ensemble des phénomènes physiologiques
qui précèdent et déterminent l'expression formulée
et sonore de cette pensée.
Au point de vue objectif la parole est donc la prise
de possession d'une langue ou mieux la connaissance
(1) C'est-à-dire: non afTecté d'un vice idiopatliiiiue ou symplo-
matique de la parole.
DANS L'ORTHOPHONIE. 25
de la valeur de sens et de la valeur de so7i de chacun
des mots du vocabulaire national. Cette prise de pos-
session se fait pour l'entendant-parlant par l'éduca-
tion de l'oreille (Ij, éducation qui elle-même se forme
d'abord par la nourrice, par la mère et qui plus tard
se développe par le commerce des camarades d'école,
par l'instruction des classes , par l'apprentissage
d'une carrière, d'une fonction ou d'un métier. Ces
diverses influences sont indéniables et deviennent
les causes de la bonne comme de la mauvaise élocu-
tion, de la bonne comme de la mauvaise prononcia-
tion syllabique. On complète en outre l'éducation
première par l'analyse des auteurs que l'on lit et l'au-
(1) Nous disons pour les entendaiits-parlants par T oreille... —
Car pour les sourds-muets la prise de possession de la valeur de
sens des mots de la langue nationale a lieu par le langage naturel
des signes, par la dactylologie, par l'écriture. — Il existe néanmoins,
au point de vue de la phonation, un certain nombre de sourds-muets,
organiquement privilégiés, qui peuvent seulement comme instruc-
tion complémentaire acquérir automatiquement la valeur de son des
mots par l'enseignement de l'articulation. Ce dernier enseignement
se fait par l'appareil visuel.
Ajoutons, en passant, que cette étude, appelée improprement lec-
ture sur les lèvres, doit être appelée lecture phonographométrique.
— L'expression de lecture sur les lèvres, en effet, laisse entendre
qu'on ne fait étudier à ces élèves sourds-muets privilégiés que les
lettres labiales, — tandis que dans renseignement de l'articulation
on sait que l'élève a tout à la fois à étudier la mesure et le dessin
des lettres voyelles on glottales et des lettres consonnes gutturales,
linguales et labiales.
Nous avons d'ailleurs précisé la valeur de ces manœuvres dans
notre méthode d'articulation, à l'usage des institutions de sourds-
muets. (École française.)
26 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
(lition attentive des orateurs et des causeurs érudits
que Ton écoute.
La connaissance de la grammaire du langage na-
tional étant du domaine exclusif de l'école, soit pri-
maire, soit secondaire, soit spéciale, l'instituteur de
bègues n'a pas à l'entreprendre. — Il ne doit dans
la seconde période de l'enseignement orthophoni-
que (1), que donnera ce sujet des indications esthé-
tiques et contribuer ainsi par voie complémentaire et
purement spéculative au développement littéraire et
intellectuel de ses élèves.
Pour plus de clarté et afin de mieux déterminer
tout à l'heure le moment psycho-physiologique où
apparaît le phénomène du Bégaiement et les Hens
qui existent entre ce phénomène nerveux et les évo-
lutions multiples de la pensée , nous divisons en
quatre groupes les faits qui caractérisent les phases
de la parole subjective.
Cette quadruple série comprend :
Un fait interne, absolument passif, qui n'est autre
(1) Ce second enseignement, non moins utile, non moins indis-
pensable que le premier, est celui qui consiste dans la transition
normale et progressive de renonciation orthophonique artificielle à
une énonciaiion se rapprochant de plus en plus de renonciation
onhophonique naturelle et dissimulant complètement les procédés
méthodiques de redressement et les procédés prophylactiques qui
ont été donnés par le professeur. — Cette seconde partie comprend
également l'étude du son esthétique.
DANS l'orthophonie. 27
que l'impression faite sur nous d'un mouvement ex-
térieur dont nous avons conscience;
Un fait substantiel intérieur dans lequel l'objet de
l'impression perçue passe en quelque sorte à l'état de
matière extra-personnelle sur laquelle l'esprit s'exerce
après l'avoir considérée ;
Une série confuse d'actes psychologiques pendant
lesquels l'esprit, à l'aide du langage, manipule la
pensée, puis agit, par l'intermédiaire du fluide ner-
veux, sur les organes de l'appareil vocal pour les
engager, les déterminer à énoncer par la voix la
pensée revêtue de sa formule correcte et défini-
tive (1) ;
Enfin, un acte simultanément subjectif et objectif
qui n'est autre que l expectoration (2) de la phrase
in se, rendue sonore par le jeu des muscles internes
et externes de l'appareil vocal. Ce quatrième terme
de l'évolution cérébrale est/e finale symphonique de
la parole subjective.
La parole objective et la parole subjective sont
donc intimement liées, — la parole objective est
indispensable pour activer, faciliter, diriger le tra-
(1) Cette deuxième fraction des actes de la troisième série se
rapporte à des phénomènes étudiés en physiologie dans la partie
spéciale appelée myologie (partie de l'analomie qui traite des mus-
cles).
(2) Les auteurs latins ont écrit dans un sens figuré expectorare,
bannir de son esprit, ôter de sa mémoire.
28 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
vail intime de la pensée, puis formuler extérieure-
ment cette pensée par le langage sonore résultant
de la parole subjective.
Or, dans ce phénomène de la parule subjective
considérée au point de vue de l'exécution, se ren-
contre un agent important qui intervient inces-
samment et règle par son autorité toutes les opé-
rations qui concourent à la formation de la parole
vocale.
Cette faculté constamment active, c'est la volonté.
— Les définitions de cet agent spécial du moi sont
nombreuses et ont donné matière à bien des contro-
verses ; nous nous en tiendrons aux dernières études
faites sur ce sujet et nous définirons la volonté :
Une force interne^ immanente et agissant en vertu
d'actions multiples et complexes sur les nerfs mo-
teurs pour produire spécialement certains mouve-
ments musculaires conformes à l'acte auquel le moi
s'est déterminé.
D'après cette définition, il est facile de voir que la
volonté, qui constitue l'individualité propre de
l'homme, donne à son activité la direction intention-
nelle que comportent les différentes forces mises en
jeu par la sensibilité et l'intelligence; et qu'elle
préside non seulement à ces différentes forces, mais
DANS l'orthophonie. 29
préside encore comme ressort à tous les actes psy-
chologiques de l'organe vocal qui ont pour but de
manifester extérieurement les modifications précon-
çues et intentionnelles du langage in se.
Étant donné ce rôle spécial de la volonté dans la
faculté du langage^ on comprendra logiquement son
action dans le redressement vocal du bégaiement.
Maintenant, rendons-nous compte, en la préci-
sant, de la cause secrète qui détermine cette infir-
mité vocale.
Comme tous les faits humains, le bégaiement doit
être, selon nous, considéré sous ses deux faces :
interne et externe.
Le bégaiement interne est cette lutte psycho-phy-
siologique qui existe entre les nerfs moteurs trans-
mettant la pensée et les muscles vocaux qui l'expri-
ment par la parole articulée. C'est pendant et après
cette lutte muette que les muscles de la phona-
tion, rebelles à l'influx nerveux, tantôt ont des con-
tractions involontaires spéciales, tantôt hésitent,
chancellent et se trouvent finalement neutralisés
ou arrêtés dans la formation et l'ordonnance du jet
vocal.
Quand, après de nombreux mouvements spasmo-
30 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
cliques, cette lutte intérieure cesse d'être muette,
alors, apparaît cette expression irrégulière, désa-
gréable, dysphonique de la parole, cette chorée
des articulations et cette réitération syllabique qui
n'est autre que la caractéristique du bégaiement
externe,
La division des faits intérieurs psychiques, produc-
teurs et moteurs de la parole sonore, telle que nous
l'avons donnée plus haut, permettra de déterminer
à quelle série de faits de la parole subjective nous
pouvons rapporter les causes immédiatement géné-
ratrices du bégaiement.
En effet :
Le bègue ne bégaye pas quand il chante ;
Les intermittences journalières du bégaiement et
l'inspection anatomique des organes de l'appareil
vocal du bègue prouvent que son infirmité n'est pas
le résultat d'un vice organique ;
Le bègue, lorsqu'il écrit, n'éprouve aucune hési-
tation et exprime sa pensée par Vécriture, aussi rapi-
dement et aussi correctement que tout libre-parlant.
Ce n'est par conséquent ni dans la première, ni
dans la seconde, ni dans la quatrième phase des
phénomènes psychiques qui préexistent à l'acte de
la parole qu'il faut localiser la cause génératrice
du bégaiement.
DANS L ORTHOPHONIE. 31
Reste la troisième phase qui est le « centre de
coordination de la parole y), phase où se parachève
le travail du dessin grammatical et orlhographique de
la pensée et où Fappareil vocal s'apprête à rendre
oralement par le langage articulé le dessin psychi-
que de cette pensée.
C'est alors, pendant ce moment psychologique, que
se produit cette lutte, celte discordance entre la pen-
sée parlée intérieurement et les muscles de l'appareil
vocal chargés de l'expectorer.
Ce point acquis, est-il possihle au hègue de para-
lyser les effets de cette discordance psycho-physiolo-
gique qui se téléphonise par l'appareil phonateur ?
A cette question on répondra : oui, on peut se
rendre maître du hégaiement; oui, on peut le com-
battre ; oui, on peut le dissimuler complètement.
Comment arrive-t-on à un résultat aussi absolu ?
1° Par l'enseignement des principes de redres-
sement vocal indiqués dans la méthode d'ortho-
phonie ;
2" Par l'influence de la volonté dirigée méthodi-
quement pour la pratique des procédés orthophoni-
ques et prophylactiques.
N'ayant pas à exposer ici la méthode Colombat (1),
(1) Voir la note 0.
32 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
il ne nous reste plus maintenant qu'à démontrer
comment la volonté peut agir sur le redressement du
Bégaiement.
Chez les êtres intelligents, les véritables transfor-
mations, les évolutions définitives du Moi doivent
provenir de moyens internes. — Les moyens externes
ou physiques employés isolément ne donnent que des
résultats superficiels et apparents.
Donc le but de la pédagogie, dans Téducation,
consiste à amener l'enfant à vouloir par lui-même et
en quelque sorte de lui-même étudier, accomplir et
apprendre ce que l'on a l'intention de lui enseigner.
Ou bien encore, en d'autres termes :
Par une série de motifs déterminants, substituer
sa propre volonté aux tendances, aux désirs ou aux
résistances de l'enfant et substituer cette volonté de
façon telle que l'enfant ou l'élève croie n'agir, et de
fait n'agisse que d'après ses déterminations person-
nelles.
Or ici, ce que le bègue doit être amené à vouloir
accomplir, c'est une série d'actes volontaires lui per-
mettant de maîtriser et de guider les courants ner-
veux qui précèdent et accompagnent l'émission de
sa parole.
Ce premier travail intime du professeur d'ortho-
DANS l'orthophonie. 33
phonie sur l'élève, cette action directrice qu'il im-
porte d'exercer demande un temps assez long surtout
avec les natures possédant un esprit indocile (1).
Il y a, en efTet, chez le bègue, de nombreux élé-
ments dysplioniques qu'il s'agit de combattre tour à
tour, puis simultanément.
Les principaux éléments dysphoniques, sont :
1° Manifestation du bégaiement devant certaines
syllabes spéciales, et prodrome nerveux du bègue
obligé de prononcer ces syllabes ;
2° Timidité naturelle aux bègues, provenant de la
conscience de leur infirmité ;
3° Influences physiques ou morales ;
4° Tendance congéniale au bégaiement variant
selon telle ou telle individualité.
I! suffit d'avoir vu des bègues pendant quelques
années pour affirmer que le bégaiement est une des
infirmités les plus bizarres et les plus capricieuses
qui existent. — Autant de bègues, autant de bégaie-
ments divers ; et bien que le bégaiement au point de
vue de ses manifestations puisse se diviser en variétés
spéciales plus prononcées et se rencontrant plus sou-
vent, il serait inexact de ramener tous les différents
cas de bégaiement à quelques types absolument iden-
(I) Voir la note sur la docilité.
34 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
tiques : sur cent élèves bègues réunis dans une salle,
il n'y a pas deux personnes bégayant d'une manière
pareille aux mêmes passages , aux mêmes mots , aux
mêmes lettres.
Une chose à observer chez les bègues, et Ton peut
faire cette observation sur chacun d'eux, c'est que le
bégaiement a pour caractère distinctif, l'intermit-
tence.
Vous n'en rencontrerez pas un, même celui dont
cette affection serait portée au plus haut degré, qui
ne compte des jours où il a peu ou pas souffert de
son infirmité; c'est une preuve incontestable que
l'opinion, quelquefois émise, que le bégaiement est
un défaut organique, est complètement fausse. Car,
si tel était le cas, le bègue ne serait pas plus capable
de prononcer un son aujourd'hui qu'il n'a pu le pro-
noncer hier et il ne pourrait pas mieux le prononcer
demain, tandis que ce qu'il n'a pu dire hier il le dit
parfaitement aujourd'hui ; demain, ce même mot,
cette même phrase lui fera éprouver de grandes dif-
ficultés, et ainsi de suite (1).
(1) Cette curieuse dissemblance de forme orale démontre bien
que la cause du bégaiement est une tendance psychique intime se
révélant avec plus ou moins d'intensité.
Une dysplionie si diversement accentuée, indique naturellement
à l'instituteur de bègues sur quel point doivent être portés sa di-
rection orthophonique, son contrôle, ses efforts, ses conseils.
DANS l'orthophonie. 35
Quand dans la lecture ou le dialogue, le bègue s'a-
perçoit qu'il va avoir à surmonter une difficulté d'ar-
ticulation, une torpeur relative du cerveau s'empare
de lui et bien avant que le mot qu'il redoute soit à
énoncer, il bégaie déjà par prévision ou par affinité,
et, ce qui donne naissance à tant de variétés de ce
vice de la parole, le bégaiement se produit tantôt
plus tôt, tantôt plus tard; — cette crise nerveuse se
manifeste le plus souvent dans l'exercice de la réci-
tation, parce que, connaissant par avance les mots de
la proposition, il est plus vite frappé d'inertie vocale
que dans la conversation. Toutefois, dans la lecture
à haute voix, il arrive souvent que le même trouble
l'agite parce que son œil, parcourant les lignes qui
doivent être lues, s'arrête soudain sur un mot difficile
qui renferme quelqu'une des syllabes redoutées.
Il n'est pas illogique d'assimiler cette appréhen-
sion nerveuse à celle qu'éprouvent certains chevaux
ombrageux qui, sur une route, s'arrêtent toujours à
côté du même buisson, du même arbre difforme, et
Il est certain que si, étant donné un passage à lire ou une phrase
b. énoncer, le bègue n'iiésite pas oralement pendant une période de
temps toujours de la même façon pendant l'émission des syllabes de
cette phrase, c'est que la réaction nerveuse accidentelle ou inopinée,
qui produit le bégaiement varie selon le tempérament, selon le mo-
ral et selon les préoccupations personnelles dans lesquelles se trouve
le bègue.
36 N. B. — Dl ROLE DE LA VOLONTÉ
refusent d'avancer comme s'ils étaient réellement en
présence d'un grand danger.
Si avant de quitter le logis l'on couvre les yeux du
cheval de manière à ne pas lui laisser soupçonner
l'objet de sa défiance, il parcourt le chemin sans dif-
ficulté.
Il en est de même des bègues, pour qui la mé-
thode joue parfois le rôle de bandeau protecteur.
On atteindra ce but en les accoutumant à combattre,
à dominer leur émotion, en leur faisant faire chaque
jour certaines manœuvres orthophoniques visant spé-
cialement les syllabes qui les arrêtent et, d'autre part,
en les exerçant à modérer mota proprio le flux de leur
pensée, de façon à avoir le temps de diriger les cou-
rants nerveux qui précèdent les contractions muscu-
laires de l'appareil vocal, enfin à articuler les mots
d'une phrase ensuivant un mode rythmique intérieur.
La volonté du bègue dans cette période de son édu-
cation vocale joue ici, on le voit, un très grand rôle.
11 est une autre cause de troubles qui surexcite le
bégaiement : c'est le phénomène nerveux de la timi-
dité (1).
Le professeur habituera le bègue à maîtriser cet état
purement subjectif.
(1) Voir la note 0.
DANS L'ORTHOPFIO.ME. 37
Les exercices publics de gymnastique phonique et
phonétique concourent à donner de l'assurance ; les
exercices d'orthophonie esthétique pratiqués égale-
ment en commun amènent peu à peu l'élève à ne
plus redouter la présence d'autres témoins, — la sa-
tisfaction qu'on éprouve à parler d'une façon plus ré-
gulière, plus élégante, rend confiant, affermit la vo-
lonté et encourage à tenter de nouvelles épreuves
pour vaincre la timidité.
Dans la lutte contre le deuxième élément dysphoni-
que, le rôle de l'instituteur est indisjtensable, mais
celui de l'élève dans l'action interne (1) exercée sur
(1) A propos de la timidité des bègues, nous devons remarquer
cependant, que cet état physiologique est loin d'être exclusivement
leur partage. — Que de personnes, que d'enfants exempts de toute
infirmité vocale sont sujets à celte faiblesse craintive qui les amoin-
drit aux yeux de tous et les empêche de faire valoir leurs quahtés
individuelles, les connaissances qu'ils possèdent ! Seulement, chez
les bègues, cette timidité, fille de leur infirmité, provoque à son
tour une gêne spéciale qui augmente les occasions de chuîe et rend
le phénomène du bégaiement plus intense etparsuite plus sensible.
Xous ajouterons même ce fait, c'est qu'une fois débarrassés de leur
infirmité, beaucoup de bègues non seulement ont perdu toute es-
pèce de timidité, mais tout k coup donnent à leur langage une
certaine insolence de jet vocal, comme s'ils tenaient à faire dûment
et authentiquement constater par tout le monde qu'ils ne sont plus
bègues. — D'où il suit que la timidité du bègue procède presque
toujours de son infirmité, qu'elle peut en augmenter l'intensité, mais
que contrairement à l'opinion générale tUe n'en est nullement la cause
efficiente et directe. De même qu'un individu faible des bras est crain-
tif et redoute de lutter corps à corps, de même on peut affirmer que
le bègue est timide surtout parce qu'il a conscience du fonctionne-
ment irrégulier de son appareil vocal.
38 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
lui-même est relativement très considérable, car ce
n'est que par l'habitude qu'il arrivera plus tard à
produire instinctivement ce qu'il ne produit d'abord
qu'au prix d'un sévère contrôle et d'une réelle appli-
cation d'esprit.
L'influence de l'atmosphère et du climat, l'in-
fluence de la constitution et les influences psychiques
sont l'occasion fréquente d'un redoublement d'inten-
sité dans le bégaiement (1).
11 est impossible que les différentes causes anti-
phoniques disparaissent rapidement, d'une manière
complète ; tout au plus, peut-on chercher à enrayer
en partie les efl'ets qu'elles tendent à produire. — Ces
effets sont d'ailleurs tellement bizarres et irréguliers
dans leur intensité et dans leur forme, qu'il serait
très difficile de dresser une sorte d'échelle joAoTzome-
trique permettant de les chiffrer mathématiquement.
Pour que l'instituteur puisse utilement prémunir son
élève contre ces troubles, il importe qu'il reste un
certain temps sous son contrôle afin de recevoir
en temps opportun les encouragements et les indi-
cations prophylactiques qui lui permettent d'entraver
(1) Voir la note H, la note I et la note 0 pour l'étude du troisième
élément dysphonique.
DANS L'ORTHOPHONIE. 39
la marche de ces manifestations intimes et excep-
tionnelles. Il importe également d'employer de pré-
férence les diverses manœuvres de gymnastique
muette dont le bénéfice est de brider pour ainsi dire
les ressorts de l'appareil phonateur en l'obligeant à
subir le contrôle de la volonté. En dernier lieu, on
cherchera à combattre au point de vue moral la ten-
' dance vicieuse de mollesse physique et d'insouciance
intellectuelle inhérente à beaucoup de bègues. C'est là,
on le comprend de reste, une question de puissance
nerveuse, de persévérance, de tact et de mesure que
le professeur d'orthophonie ne connaît bien qu'après
une longue pratique de son art et l'emploi des moyens
naturels (1).
La tendance interne au bégaiement constitue le
quatrième élément dysphonique, qui est la cause gé-
nératrice du bégaiement externe : ce caractère con-
génial est commun à presque tous les bègues.
Nous avons vu plus haut que l'habitude du bégaie-
ment devant certaines syllabes, que la crainte préalable
qu'elle provoque, que la timidité du bègue peuvent
être supprimées par l'enseignement orthophonique
(1) On appeUe moyens naturels, le jeu des organes de la voix et
de la parole qui, sans autre secours que leur propre impulsion,
agissent à notre volonté.
40 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ
et par une éducation vocale spéciale; —nous avons
vu également que les influences physiques ne peuvent
être qu'enrayées ; — à plus forte raison, ne peut-on
que combattre seulement la tendance interne au bé-
gaiement qui est unie par immanence à la nature même
du bègue.
A l'instituteur de bègues revient le soin d'étudier
attentivement cette cause secrète de TinOrmité pour
accommoder son enseignement au bégaiement qu'il
veut redresser.
Dans ce but il tiendra constamment compte du tri-
ple mode sous lequel s'affirme l'activité humaine,
savoir : le tempérament constitutionnel de l'individu,
— la délerminatiun volontaire ou actes engendrés
par la réflexion, l'attention, l'examen, en un mot par
la délibération^ — l'habitude, c'est-à-dire la faculté
qui est engendrée par la répétition fréquente des
mêmes actes et qui nous porte instinctivement et
sans eflorts à faire ce que déjà nous avons fait
mille fois.
Les trois facteurs qui concourent à la réalisa-
tion des actes humains sont donc très intéressants
à étudier, pour être dirigés dans le sens du redres-
sement vocal du bégaiement et pour familiariser
l'élève diVQCÏ effort (l)qui est la plus haute expression
(I; Pour entruînyr un jeune enfant bègue à produire volontiers
DANS L'ORTHOPHONIE. 4t
de la volonté et la meilleure garantie du succès.
L'habitude, en effet, lorsqu'elle ne dégénère pas en
routine, ne provient pas de la nonchalance, et qu'elle
est au contraire le fruit de la volonté, permet d'ac-
quérir par l'usage de l'instrument ou de l'organe, la
dextérité, le savoir-faire qui dans la vie de relation
aident si puissamment à triompher des obstacles quo-
tidiens de l'existence.
En résumé, au point de vue orthophonique nous
devions étudier :
1° La /?«;'o/e divisée en parole objective ou mots de
la langue avec leur valeur de sens et de son et parole
subjective ou synthèse des fiiits psycho-physiologiques
qui aboutissent à l'expression sonore de la pensée ;
2° La volonté, force initiale de l'homme qui inter-
vient dans tous les actes individuels et dont l'influence
dans la parole subjective est constante ;
3° Le bégaiement, infirmité nerveuse, involontaire,
cet effort vocal, on évitera d'employer devant lui des mots vagues
ou abstraits; quand ils se présenteront forcément dans la conver-
sation, on évitera alors d'en altérer la prononciation sous le pré-
texte de la lui rendre plus facile.
Afin que l'enfant bègue, dès le début de son éducation orthopho-
nique, s'habitue immédiatement h. coordonner sa pensée, on le for-
cera à attacher des idées claires et précises aux mots dont il se sert.
Ce résultat s'obtiendra en lui faisant prononcer d'abord un certain
nombre de mots représentant des objets sensibles et dont le sens
sera facilement appréciable.
42 N. B. — DU ROLE DE LA VOLONTÉ DANS L'ORTHOPHONIE.
cependant disciplinable, ayant un double caractère
interne et externe, et prenant sa cause dans la troi-
sième phase de révolution psycho-physiologiqae de
la parole subjective.
Ceci établi, il fallait démontrer que :
La volonté esi, dans l'éducation vocale des bègues,
le premier instrument dont le professeur doit ensei-
gner l'usage pour appliquer utilement les procédés
prophylactiques indiqués dans la méthode orthopho-
nique et combattre efficacement les quatre influences
principales qui provoquent, accélèrent et détermi-
nent les phénomènes véritables du bégaiement.
NOTE G
INFLUENCE DE LA MÉMOIRE DANS L'ÉDUCATION
ORTHOPHONIQUE
NOTE C
INFLUENCE DE LA MÉMOIRE DANS L'ÉDUCATION
ORTHOPHONIQUE.
Comme nous avons examiné le rôle important joué
par la volonté dans le redressement vocal du bé-
gaiement, il est à propos d'indiquer ici l'influence
obtenue dans l'éducation orthophonique par l'exer-
cice de la mémoire.
Dans l'étude de la récitation, la volonté du bègue
est toujours présente : par son action, elle développe
les puissances d'attention, de comparaison, de juge-
ment, de souvenir, d'association d'idées, et augmente
ainsi la force de la discipline intellectuelle.
Nous allons plus loin^ et nous disons que des leçons
apprises et récitées sont indispensables pour com-
battre efficacement le bégaiement.
Les mémoires partielles qui se meuvent différem-
46 N. C. — INFLUENCE DE LA MÉMOIRE
ment quoique agissant d'une manière siraullanée sont
au nombre de six :
Mémoire des mots,
Mémoire des idées,
Mémoire du langage correct,
Mémoire des règles de la diction,
Mémoire des efforts vocaux antérieurs,
Mémoire, pour les bègues, des nouveaux efforts
méthodiques à faire pour redresser oralement une
articulation rebelle.
Celte sextuple série de mémoires partielles prove-
nant de la faculté de la mémoire correspond forcé-
ment dans ses manifestations actives à une série
également sextuple d'efforts partiels, identiques dans
leur essence, divergents dans leur but mais harmo-
niques dans leur résultat final. — Une union aussi
intime d'actes simultanés de mémoire est pour le
professeur d'orthophonie un des plus puissants
moyens pour développer chez le bègue l'énergie
voulue et l'obliger à articuler, selon la méthode de re-
iressement vocal, les mots qui sont confiés à son esprit
et dont il aura plus tard à se servir soit dans l'impro-
visation instantanée, soit dans l'improvisation fictive.
Le souvenir des mots est dû à une mémoire isolée.
DANS L'ÉDUCATION ORTHOPnONIQL'E. 47
particulière, qui procède d'une aptitude cérébrale siii
generis^ inhérente à telle ou telle personne. L'es-
prit est doué en quelque sorte d'un appareil mnémo-
technique interne qui enregistre spontanément et
phonographie une série de syllabes dont parfois on
ignore absolument le sens.
C'est un don dans lequel l'intelligence n'a souvent
aucune part, qu'il est facile d'augmenter par la pra-
tique et qu'il faut se garder de confondre avec l'in-
tellect : en elïet, que d'écoliers récitent une fable de
La Fontaine sans y comprendre autre chose qu'une
suite mécanique de sons, que d'adolescents récitent
des pages entières de latin ou de grec sans y entendre
davantage !
Le souvenir partiel du son aide souvent la mémoire
des idées et réciproquement. Nous savons, par exem-
ple, que la rime des vers français est un puissant
auxihaire pour les retenir.
En matière de mots, tout le travail de la mémoire,
quant au souvenir, est supporté par le sens de l'ouïe,
et, quant à la reproduction sonore, par la coordina-
tion de mouvements physiologiques.
La mémoire des mots n'implique pas nécessaire-
ment la mémoire des idées, et la mémoire des idées
n'implique pas nécessairement la mémoire des mots.
Ce sont là deux mémoires pouvant avoir parfois entre
48 N. C. — INFLUENCE DE LA MÉMOIRE
elles une très grande intimité, mais qui pour s'entr'ai-
der mutuellement n'en sont pas moins distinctes
l'une de l'autre et peuvent exister l'une sans l'autre
avec des difTérences considérables.
La mémoire des idées, qui se confond avec l'intel-
lect, s'acquiert ou existe d'une autre façon que la
mémoire des mots, puisque les idées résident non pas
dans notre ouïe, mais là où notre entendement les a
mises. Cette mémoire est comme une vision interne
qui saisit rapidement la connexité d'une chaîne de
pensées que l'on a vue ou étudiée.
L'idée est un fait passif ou volontaire ; on la reçoit
ou on la provoque. C'est la dernière perception interne
des séries de conceptions liées entre elles par la logi-
que, par l'imagination, par l'association ou l'analogie
de la forme ou de l'essence.
Cette perception interne suppose déjà un esprit
cultivé, doué soit d'une intuition spéciale, soit d'une
connaissance étendue des multiples propriétés et
affinités des êtres et des choses. Tout en étant une
précieuse aptitude congéniale de l'individu, la mé-
moire des idées est éminemment susceptible de déve-
loppement par le travail et par la volonté ; toujours
elle est la preuve d'un esprit apte à saisir un ensem-
ble synthétique (1).
(I) C'est ainsi que, dans chaque spécialité, la mémoire des idées
DANS L'ÉDUCATION ORTHOPHONIQUE. 49
Par sa valeur potentielle elle reproduit la suite des
pensées qui constitue dans le cas présent de récita-
tion, l'ordre synoptique et la succession graduelle
ou mouvementée d'un morceau de prose, de poésie,
d'éloquence, etc.. elle le fait sans y juxtaposer ce-
pendant l'ordre mathématique des vocables qui est
dû à cette première mémoire que nous avons appelée
la mémoire des mots.
L'intelligence, lorsqu'elle veut soliloquer, c'est-à-
dire se donner la représentation intime de ses actes,
provoque d'abord en elle par l'excitation cérébrale la
reproduction du phénomène sonore du mot et en quel-
que sorte simultanément la reproduction intime des
mouvements cérébraux qui enfantent réellement cette
impression. Nous prêtons ainsi l'oreille aux opérations
tacites de notre pensée que figurent les mots.
Mais il importe avant tout, pour que ce travail rapide
ne produise pas de résultat négatif, que notre force
d'attention soit telle que le sens propre attaché à
crée les véritables individualités. — Pour le naturaliste, le philo-
logue, le professeur, le médecin, cette mémoire des idées est sy-
nonyme de connaissance des lois naturelles, des harmonies
sérielles, des sympathies et des antipathies qui existent dans les
êtres, dans les mots, dans les lettres ou les sciences, dans le corps
humain. — Dans d'autres conditions, pour l'agriculteur, la mémoire
des idées est la connaissance des traditions et des procédés agri-
coles; pour l'ouvrier, c'est la connaissance de tout ce qui a trait à
son niétier, à son état, et, dans chacune de ces spécialités, elle est
l'indice d'une supériorité particulière.
4
ûO N. C. — INFLUENCE DE LA MÉMOIRE
chaque mot soit bien défini dans notre esprit : autre-
ment l'imperfection de notre parole répondrait à
Fimperfection de notre pensée et nous prouverions
mieux que jamais que nous pouvons avoir la mémoire
des mots sans avoir celle des idées, la mémoire des
sons sans avoir celle des sens.
A ces deux mémoires se joignent la mémoire du
langage correct et la mémoire des règles delà diction.
Ces deux nouvelles mémoires sont soumises à une
série de règles grammaticales et orthophoniques
qu'elles doivent absolument observer.
La mémoire des règles grammaticales n'est autre
chose que la connaissance exacte des faits verbaux
d une langue et des lois syntaxiques qui régissent et
unissent les mots dans l'ordre exigé par l'usage, les
traditions orales et la logique naturelle. Une pareille
connaissance suppose en travail les facultés d'atten-
tion, de comparaison et de jugement s'accordant
entre elles pour produire l'espèce particulière d'éru-
dition qu'on nomme la science de la grammaire. Cette
science facilite les exercices de récitation intelligente,
de même qu'elle simplifie le travail de l'orateur dans
rimprovisation, les conférences ou les simples cau-
series.
Ajoutons que l'étude des lois prosodiques pour les
exercices de récitation est également utile, quant à
DANS L'ÉDUCATION ORTHOPHONIQUE. 51
l'analyse des morceaux de poésie : c'est un des moyens
de garantir la mémoire de certains écarts dus à la
divergence apparente qui existe entre les règles
syntaxiques et les licences poétiques.
Pour la mémoire de la diction il faut non seulement
tenir compte des lois naturelles et organiques qui
président à la formation du son oral, mais encore
' appliquer à propos les règles esthétiques de l'ortho-
phonie.
Dans la mémoire des articulations syllabiques des
mots, c'est l'attention qui s'exerce et qui grave
peu à peu dans l'Imaginative du bègue le mode prin-
cipal et normal gouvernant l'articulation correcte
d'un mot. Cette attention est d'ailleurs développée
par les gymnastiques phoniques et phonétiques où
chaque syllabe est étudiée à part ; elles forment ainsi
chacune comme autant d'éléments dynamiques de la
parole.
Le point le plus important à obtenir par l'exercice
delà mémoire des articulations syllabiques est la per-
manence de ses effets.
Avec la seule faculté de la mémoire et alors qu'elle
serait nativement peu développée, on est certain
d'obtenir celle des articulations ; il dépendra toujours
du travail de Télève d'en prolonger indéfiniment la
durée. D'où il suit que l'oubli des procédés articula-
52 N. C. — INFLUENCE DE LA MÉMOIRE
toires ne peut résulter que du défaut d'un travail
fort simple et de l'absence absolue de la volonté.
Leurs bons effets ne sont pas seulement perma-
nents, ils sont encore progressifs. Ils ne sont pas
simplement proportionnels au temps exigé pour le
complet redressement vocal du bégaiement, mais
dans un rapport beaucoup plus grand. Si dans une
semaine, par le souvenir du mode normal des articu-
lations, on obtient un résultat quelconque, dans deux
on en obtiendra un quatre fois plus considérable,
dans trois, douze fois, et ainsi de suite.
D'un autre côté, ce que cette mémoire a de pé-
nible dans son évolution cérébrale, pour de certains
dysphones, diminue continuellement, ainsi que la né-
cessité de l'exercer.
La mémoire euphonique des sons esthétiques due
à l'esprit d'analyse et à l'intuition passionnelle ou
psychologique se fortifie elle-même par l'esprit de
comparaison et, soit par goût, soit par étude, l'élève
restitue bientôt aux mots la valeur mesurée qui leur
appartient.
L'application soutenue par la volonté et affermie
par le jugement donne peu à peu au bègue la mémoire
des efforts vocaux antérieurs et des efforts méthodi-
ques de redressement vocal qu'il doit produire pour
rendre telle articulation rebelle. Par une évolution
DANS l'éducation ORTHOPHONIQUE. 33
particulière de son intelligence et l'exercice des autres
mémoires il conservera présentes à l'esprit les indi-
cations physiologiques rationnelles qui lui ont été
données concernant la phonation ; enfin se souvenant
des difficultés premières vaincues et des efforts faits
dans tel sens pour produire un mouvement d'articula-
tion correct, il se remémorera presque instinctive-
ment la marche orthophonique indiquée par le pro-
fesseur pour prononcer prestement tel assemblage de
lettres, de syllabes, de mots et de phrases.
C'est au concours de ces nombreux efforts intellec-
tuels, qui doivent être liés entre eux et qui se corro-
borent mutuellement, qu'est dû en partie le redresse-
ment vocal du bégaiement ou d'une dysphonie, et inci-
demment la manœuvre normale et rapide de la parole.
Quand on rencontre une mémoire rebelle, il im-
porte de laisser provisoirement le côté progressif de
la méthode d'orthophonie afin de se livrer exclusive-
ment à l'éducation muthonomique de cette mémoire
ingrate qui plus tard entraverait l'éducation vocale
dans l'exercice si important de l'improvisation.
On sait, d'ailleurs, qu'une mémoire pénible, no-
tamment celle des mots, incite à l'hésitation, au bal-
butiement ; un manque de mémoire peut être par
conséquent un des agents secrets qui disposent d'a-
vance le bègue au bégaiement interne.
54 N. C. — INFLUENCE DE LA MÉMOIRE, ETC.
Il est dès lors facile de se rendre compte pourquoi
dans le redressement du bégaiement les exercices de
mémoire sont indispensables puisqu'ils sont pour la
mémoire et pour la volonté un sextuple thème d'exer-
cices distincts : mots, idées, langage correct, règles
de diction, efforts vocaux antérieurs, nouveaux efforts
méthodiques à faire pour redresser oralement une
articulation rebelle.
NOTE D
DE LA DOCILITÉ INTELLECTUELLE
DANS L'ÉDUCATION VOCALE
NOTE D
DE LA DOCILITÉ INTELLECTUELLE DANS
L'ÉDUCATION VOCALE.
En pédagogie, la docilité intellectuelle est cette
qualité qui désigne l'enfant comme susceptible d'être
dirigé éducativement et comme susceptible d'accepter
sans conteste les conseils du maître.
Tel est également, en orthophonie, le double élé-
ment qui doit préoccuper le professeur spécial quand
il entreprend de combattre le bégaiement, et que l'un
ou l'autre de ces deux éléments semble faire défaut.
Sans doute, il n'est pas toujours facile de doter
tout d'abord d'intelligence vocale le bègue qui en
manque ; mais comme l'enseignement orthopho-
nique, dans le principe, ne comprend que des exer-
cices progressifs et automatiques de phonation, il est
certain qu'on trouvera toujours chez n'importe quel
bègue une intelligence suffisante pour étudier la no-
58 N. D. — DE L.\ DOCILITÉ INTELLECTUELLE
menclature et aborder la pratique des exercices
vocaux.
Dans la suite, le bègue, affermi par une éducation
ultérieure, offrira le spectacle d'une compréhension
plus déliée et plus accessible à un enseignement eS'
thétique.
Reste la disposition à obéir, base importante de la
docilité et qu'il appartient également au maître de
provoquer par tous les moyens qui sont en son pou-
voir.
Cette disposition à obéir peut, sans difficulté, naître
chez bon nombre de bègues quand ils se sont trouvés
quelque temps en rapport avec le professeur.
Elle provient d'un mélange de confiance et de res-
pect. — Si on veut en pénétrer les causes, on remar-
quera que cette sécurité et cette déférence prennent
leur source dans la tenue professionnelle du maître,
dans l'efficacité reconnue de la méthode employée,
dans la certitude pour l'élève que ses efforts tourne-
ront à son utilité et à son profit personnel.
Toutefois, dans toute éducation et surtout dans
l'enseignement orthophonique, un ennemi redoutable
se rencontre assez fréquemment, c'est V inertie.
On a peine à le croire, et pourtant on trouve des
enfants , des adolescents , des adultes même qui
paraissent envisager le redressement vocal de leur
DANS L'ÉDUCATION VOCALE. 59
infirmité avec la plus grande insouciance. En vain leur
représente-t-on combien leurs parents, leurs amis
souffrent de leur bégaiement ; en vain leur met-on
sous les yeux les nombreux inconvénients qui résul-
teront pour eux dans le monde d'une aussi fâcheuse
infirmité ; — la satisfaction de leur famille, le souci
de leur propre avenir, les conseils de la prévoyance
et de la raison n'exercent souvent aucune influence ;
ils restent indifférents devant les conséquences qu'ils
pourraient si bien éviter. — Cette attitude se pro-
longe quelquefois de façon à décourager et la famille
et le professeur.
Les moyens de la faire disparaître, quand Télève
a accepté le professeur, varient selon le tempérament
de l'élève bègue et l'éducation première qu'il a reçue.
Cette inertie volontaire diminue ordinairement par
la répétition plus renouvelée des gymnastiques pho-
nique et phonétique, et surtout par l'application im-
médiate et constante du rythme.
En effet, par l'emploi du rythme, on obtient, même
chez l'élève indocile, une amélioration instantanée
dans l'arliculatiou vocale : — cette première trans-
formation, bien qu'éphémère, est une sorte ^entraî-
nement qui permet au professeur de faire envisager
au bègue les effets possibles qu'il obtiendra par l'étude
postérieure et l'application de la méthode d'ortho-
m N. D. — DE LA DOCILITÉ INTELLECTUELLE
phonie. La sollicitude et l'influence du maître faisant
le reste, la soumission effective du bègue sera
bientôt acquise.
La défiance est quelquefois un sentiment qu'il im-
porte également de combattre.
Il ne manque pas de bègues qui, sans nier la va-
leur de la méthode, doutent de la possibilité réelle de
redresser leur variété de bégaiement.
Cette défiance tient à bon nombre de raisons dont
nous dirons les principales.
Un certain nombre de bègues, ayant eu alîaire à
des maîtres ne procédant que par tâtonnements
ou par application inopportune ou fragmentaire de
procédés méthodiques, n'ont obtenu aucun résultat
rationnel ou durable ; d'autres, n'observant pas les
prescriptions de la méthode qui leur est- donnée ou
entreprenant isolément, sans le secours d'un profes-
seur spécial et avec les seules indications d'un livre, la
tâche de combattre leur infirmité, ne se sont préparé
que des déceptions et n'ont inévitablement éprouvé
que des ennuis dans le pénible labeur qu'ils se sont
imposé.
Comment rendre ces autres élèves plus disposés à
accepter le mouvement pédagogique de l'orthophonie?
Comment dissiper les appréhensions qu'ils éprou-
vent en abordant cet enseignement?
DANS L'ÉDUCATION VOCALE. 61
L'exposé clair et précis des procédés prophylacti-
ques de redressement vocal, l'indication de la marche
à suivre dans leur pratique, les résultats possibles à
atteindre pour supprimer les habitudes prises et les
remplacer par de nouvelles, l'explication de la nature
du bégaiement et du mode qui permet de le dissi-
muler, enfin la simplicité^ le dévouement et le bon
sens, voilà généralement les meilleurs moyens de
faire disparaître les germes de doutes regrettables
qui paralysent souvent une partie de la soumission
morale.
De plus, en mettant sous les yeux des nouveaux
bègues les résultats obtenus par leurs devanciers on
augmentera chez eux le désir de s'adonner à l'étude
de l'orthophonie.
Enfin, par la coutume des exercices vocaux, on
cherchera sans cesse à faire ressortir que les diffi-
cultés orthophoniques sont précisément une garantie
et une assurance du succès, que la méthode pro-
fessée étant rationnelle est par suite pratique et
sûre, que les exercices vocaux même les plus péni-
bles sont une suite d'anneaux de la même chaîne,
— que, par conséquent, logiquement, l'emploi de la
méthode doit se faire en totalité pendant un cer-
tain temps, — qu'à ce seul prix ils peuvent espérer
l'affranchissement du bégaiement et la fin de leur
62 N. D. — DE L\ DOCILITÉ INTELLECTUELLE'
servage intellectuel et physique ; — par toutes ces
considérations, disons-nous, le professeur obtiendra
des plus soupçonneux les deux éléments principaux
de la discipline intellectuelle.
Nous avons vu aussi des bègues indociles sans
mauvaise volonté ; c'est-à-dire que si les procédés
théoriques indiqués dans la méthode étaient acceptés
par eux avec docilité, le contraire avait lieu dans la
pratique.
Expliquons-nous par un exemple :
Supposons que pour pouvoir parler avec facilité, il
faille, toutes les fois qu'on parle, exécuter certain
acte qui exige de l'attention de la part de l'esprit, et
que, l'élève, malgré son bon vouloir, par l'efiet seul
de l'impétuosité naturelle ou de l'irrésolution de son
caractère, ne puisse conserver cette attention d'esprit
indispensable pour l'apphcation des procédés de re-
dressement ; pourra-t-on dans ce cas considérer l'é-
lève comme indocile ? Assurément non ; car, si étant
mis en pratique, les procédés théoriques sont capa-
bles de triompher de la partie externe de son infir-
mité vocale, ils seront, à cause de son manque d'é-
nergie et malgré son réel bon vouloir de travailler,
sans puissance sur la partie interne, savoir « l'éduca-
bilité » de son caractère. C'est cela seul qui empê-
chera l'élève d'être docile^ et c'est cela seul qui, dans
DANS L'ÉDUCATION VOCALE. 63
ce cas particulier, empêchera les procédés orthopho-
niques d'être prophylactiques.
Au point de vue pédagogique qui nous occupe, la do-
cililé du bègue est quelquefois un légitime sujet de satis-
faction ; car, outre le résultat particulier nous sommes
assurés que l'élève, dans cette lutte constante contre
son inflrmité, a fait l'acquisition de qualités person-
nelles qui ne contribueront pas peu à son bien-être
intellectuel et au parachèvement de son éducation.
Au contraire, le bègue qui ne sait pas se pher à l'en-
seignement orthophonique ou qui n'essaye pas de se
réformer, observons-le :
N'ayant pas le courage de lutter contre son infir-
mité, il s'abandonne et s'isole peu à peu ; — la né-
gligence, la paresse, l'insouciance le dominent, et
demain, avec ce relâchement du caractère, arrive-
ront les habitudes vicieuses, Tignorance, une timidité
exagérée qui n'est plus alors que la honte de lui-
même.
On ne saurait dire jusqu'à quel degré d'abaisse-
ment peut descendre une telle nature, quand on n'a
pas apporté à temps un remède à ses déplorables ten-
dances.
Tant il est vrai que les diverses branches de l'en-
seignement se prêtent un mutuel appui et exercent
l'une sur l'autre une influence réelle et visible de
64 N. D. — DE LA DOCILITÉ INTELLECTUELLE, ETC.
conséquences ; tant il est vrai qu'en développant d'une
manière appropriée à l'entendement les utiles notions
du devoir, on systématise l'éducation morale par l'édu-
cation psycho-physiologique ; — tant il est vrai enfin
qu'habitués à veiller sur eux-mêmes, les bègues,
notamment, deviennent aptes à se gouverner dans
l'évolution tout intime de la voix, évolution qui ré-
clame simultanément le double concours de la disci-
pline intellectuelle et de la discipline physique.
APPENDICE DE LA NOTE D
DU BÉGAIEMENT CHEZ LES ENFANTS
ET CHEZ LES ADULTES
APPENDICE
Les effets du bégaiement sont-ils plus aisés à com-
battre chez les enfants que chez les adultes?
Si dans cette question Ton s'en tenait aux premières
apparences^ on risquerait souvent de se tromper.
L'appareil articulateur chez les enfants étant pour
ainsi dire plus vierge, les habitudes vocales moins
enracinées, on peut, lorsque Tenfant est docile dès le
début de ses études, obtenir automatiquement, plus
promptement que chez les adultes, une phonation re-
lativement satisfaisante ; chez les adultes, au contraire,
les mauvaises habitudes de l'appareil vocal au point de
vue voix^ étant plus enracinées, jouent pendant plus
longtemps le rôle de forces perturbatrices.
Comme dans renseignement orthophonique le côté
automatique est secondaire, et qu'il s'agit d'obtenir,
non des améliorations éphémères, mais un résultat
positif, la question du redressement vocal chez les
enfants et chez les adultes change par conséquent de
face.
On sait que l'instruction orthophonique du bègue
68 APPENDICE DE LA N. D.
doit comprendre non seulement la pratique des articu-
lations, l'éducation de la pensée, mais encore la ré-
gularisation des phénomènes psychiques de la parole
par la direction de la volonté et de la mémoire.
Or, chez les adultes, ce résultat final et substantiel
est atteint beaucoup plus tôt que chez les enfants.
Si l'on considère, en effet, que la triple éducation
précitée nécessite de la part des bègues une persé-
vérance dans le travail, une somme d'attention, nu
esprit de comparaison dont les adultes sont plus ca-
pables que les enfants (I) ; si l'on considère en outre
que l'enfant est moins susceptible de fournir les éner-
gies constantes dont il a besoin pour la discipline de
la pen?ée et la persistance de la volonté, on com-
prendra qu'en dépit des conditions locales de l'appa-
reil phonateur plus favorables chez l'enfant, l'évolution
ultime de l'éducation orthophonique est plus rapide-
ment et plus solidement accomplie chez les adultes que
chez les enfants.
Des centaines d'exemples viennent confirmer cette
vérité, que l'on peut d'ailleurs établir d'une manière
conjecturale.
(1) Signalons ce fait que le bégaiement n'apparaît réellement
chez les enfants qu'à l'âge où commence à s'établir chez eux l'esprit
(le comparaison, l'association des idées, c'est-à-dire de 5 à 10 ans.
Auparavant, leur bégaiement est comme informe et à peu près
latent.
NOTE E
DU BEGAIEMENT DANS LES CLASSES AISEES
ET NON AISÉES
NOTE E
DU BÉGAIEMENT DANS LES CLASSES AISÉES
ET NON AISÉES.
L'homme qui jouit des avantages de la fortune
puise ordinairement dans cet élément de sécurité
matérielle, tantôt une confiance excessive en lui-
même, tantôt des habitudes de nonchalance corpo-
relle', tantôt une trop grande indépendance de tenue
d'esprit.
Aussi est-il plus disposé à se soumettre à tout ce
qui exige une contrainte physique.
Cette absence d'énergie musculaire des organes se
trouve également quelquefois chez les bègues non
fortunés mais instruits quand ils s'escriment à faire
des exercices vocaux.
Leur instruction même est parfois une cause accé-
lératrice de bégaiement. — Chez eux, en effet, les
idées étant plus abondantes et le jet grammatical plus
72 N. E. — DU BÉGAIEMENT DANS LES CLASSES
prompt, l'influx nerveux se produit avec une plus
grande rapidité et donne à l'appareil vocal des cou-
rants d'une intensité plus déréglée.
Il en est, sans doute, qui font de sérieux efforts pour
pratiquer les règles articulatoires, mais on en rencon-
tre qui aiment mieux donner publiquement cours à
la manifestation de leur bégaiement que de les appli-
quer et semblent ainsi redouter d'être pris en flagrant
délit de discipline orale. — D'autres boudent en quel-
que sorte contre leur vice de parole sans faire le
moindre effort pour bien parler.
Dans la classe nécessiteuse, chez les personnes qui
n'ont reçu qu'une instruction rudimentaire, le flot
d'idées que nous signalions tout à l'heure est moins
à redouter, car la construction de la phrase se for-
mant plus lentement, elles sont moins portées à s'ex-
primer à la hâte.
D'un autre côté, habitués à la lutte par le soin de
la vie matérielle, les bègues ouvriers, en vertu de
l'éducation mécanique acquise par l'apprentissage
d'un métier manuel, sont mieux préparés à la conti-
nuité d'un exercice physique qui s'affirme par la
mise en mouvement journalière des organes externes
du corps. — Enfin le milieu secondaire dans lequel
ils vivent et leur docilité naturelle font qu'ils mettent
plus tôt et plus volontiers en usage les conseils et les
AISÉES ET NON AISÉES. 7:^
leçons donnés par le professeur d'orthophonie.
Or, on sait que pour diriger le travail de redresse-
ment et favoriser l'évolution phonique, une bonne vo-
lonté exempte de toute indécision et de tout préjugé
est indispensable chez l'élève.
Les observations qui précèdent visent surtout la
première phase de l'éducation ortbophonique.
Dans la deuxième phase de l'enseignement vocal,
c'est le contraire qui peut avoir heu.
On a vu que la deuxième phase de l'enseignement
est le complément indispensable de notre méthode.
Cette étude (orthophonie esthétique) fait disparaître
ce qu'il y a, dans les gymnastiques phoniques prépa-
ratoires, de trop précis, de trop anguleux ou de trop
mathématique pour l'émission euphonique des mots.
Elle rétablit la vérité harmonique de l'articulation et
finalement la dépouille de son caractère automatique
qui, au début du redressement du bégaiement, sert à
l'élève de guide et de défense dans la production sac-
cadée de ses syllabes.
Or, dès que les bègues instruits ont envisagé les
ressources que cette seconde éducation leur apporte,
ils acceptent alors plus volontiers la première marche
pédagogique qui avait d'abord soulevé leurs préven-
tions.
Toutefois, pendant la direction du second enseigne-
74 N. E. — DU BÉGAIEMENT DANS LES CLASSES, ETC.
ment, le professeur est obligé de lutter contre un
nouvel obstacle qui souvent retarde le redressement
complet du bégaiement des personnes instruites.
Le côté esthétique de lorlhophonie les intéressant
plus vivement que les bègues non instruits, ils y sont
plus sensibles et, le comprenant mieux, s'y livrent
souvent avec trop d'ardeur. Cette séduction les en-
traîne à délaisser trop tôt les exercices rythmiques
qui leur sont indispensables tant qu'ils n'ont pas ac-
compli révolution définitive de leur éducation vocale.
A ce moment, apparaît le même phénomène de
distraction dangereuse que celui qui se produit chez
les élèves d'un conservatoire qui apprennent soit la
musique instrumentale, soit la musique vocale. —
Dès que le professeur leur a enseigné quelques airs de
composition suivie, ils abandonnent soudain les gam-
mes, les exercices de solfège, si nécessaires au main-
tien et au développement de leur talent pour s'adon-
ner exclusivement aux airs qu'ils viennent d'apprendre.
— Le professeur d'orthophonie doit mettre ses élèves
en garde contre cette tendance qui leur fait perdre
souvent le fruit de leurs efforts antérieurs.
NOTE F
DU BÉGAIEMENT IMAGINAIRE
NOTE F
DU BÉGAIEMENT IMAGINAIRE.
11 n'y a pas que les vrais bègues qui bégaient. —
Il existe en effet une catégorie de personnes qui,
quoique n'ayant aucune tendance congénitale au bé-
gaiement, aucune prédisposition au bredouillement
ou au balbutiement, s'imaginent être bègues. Ces
personnes contractent involontairement de plus en
plus une sorte d'ânonnement spécial parce qu'elles
ne savent poser la voix ou produire couramment le
jet vocal.
Le bégaiement imaginaire dont les manifestations
peuvent devenir extérieurement analogues à celles du
bégaiement essentiel résulte quelquefois également
d'un jeu bizarre de l'esprit, produisant le phénomène
cérébral de la monomanie oratoire. — Tous les jours
ne rencontrons-nous pas ainsi, dans un autre ordio
d'idées, des personnes qui, ayant l'Imaginative de la
78 N. F. — DU BÉGAIEMENT IMAGLNAIRE.
musique, de la peinture, de la poésie, cultivent l'un
de ces arts sans avoir les aptitudes voulues pour y
réussir? — Ceux qui ont la fièvre du langage et qui
ne peuvent exprimer rapidement leur pensée, se
frappent aussi, par analogie, de cette idée qu'ils sont
bègues.
On a surtout observé cet état anormal chez les
hommes ayant reçu une éducation complète. —
La variété de leurs connaissances littéraires, la
société qu'ils fréquentent, où l'art de bien dire
est en honneur, leur ont donné le violent désir de
briller par ce côté. Malheureusement pour eux, leur
impuissance à discourir inopinément sur un sujet
quel qu'il soit, les déconcerte, et après plusieurs essais
infructueux, irrités de ces maladresses qu'ils consta-
tent eux-mêmes, ils s'obstinent à regarder cette dys-
lalie cérébrale (1) comme la preuve manifeste d'une
impuissance vocale. Le dépit qu'ils ressentent à ne
pouvoir satisfaire leur amour-propre détermine chez
eux, au point de vue delà phonation, une raideur
gutturale caractérisée par un frémissement fébrile de
la glotte. Ce frémissement est la marque évidente de
leur préoccupation.
Un exemple fera mieux ressortir les divers carac-
(1) Cette dyslalie résulte en général d'un manque de mémoire des
mots.
DU BÉGAIEMEINT IMAGINAIRE. 7-9
lères sous lesquels se manifestent ces phénomènes
dyslaliques.
M. A. B., âgé de quarante ans, homme lettré et
maître d'une fortune considérable, ayant étudié inu-
tilement pendant dix ans Tart de la diction, est
venu nous prier de lui corriger un vice grave de la pa-
role qui se produisait, disait-il, seulement dans les soi-
rées qu'il fréquentait cependant volontiers. Là, il lui
était alors impossible, malgré les encouragements de
ses amis les plus intimes, de se décider à prendre la
parole. M. B. racontait môme que, quand il voulait,
après de grands efforts de volonté, semêler à un entre-
tien, il était obligé de se commander, soit de faire un
faux pus, soit de tousser fortement, soit de heurter
un siège afin d'avoir ainsi, en s'excusant de sa mala-
dresse feinte, un prétexte tout trouvé d'engager la
conversation avec les personnes qui, par politesse,
répondaient à ses paroles d'excuse.
Pour lui, c'était du bégaiement.
Il ne nous fut pas difficile de nous convaincre bien-
tôt que ce qu'il appelait bégaiement, n'était qu'une
aphonie nerveuse résultant d'une imagination apeu-
rée.
Cependant comme M. B. se trouvait chaque jour
avec des personnes habiles à manier la parole et
qu'il soutTrait réellement de son manque d'aplomb
80 N. F. — DU BÉGAIEMENT IMAGINAIRE.
vocal, nous nous décidâmes à entreprendre son éduca-
tion orthophonique et nous adoptâmes le mode parti-
culier employé pour le redressement vocal d'une des
variétés du bégaiement gutturo-tétanique.
Nous eiimes soin de phis d'utiliser pour l'étude
de la diction esthétique la propension ou plutôt le
besoin de notre élève de parler en public.
Ce fut une grande joie pour lui quand, sans la
moindre hésitation, il posa normalement sa voix et
put dire des vers dans un salon avec succès.
L'éducation orthophonique poursuivie dans le
même sens pendant deux mois se termina très heu-
reusement.
Il en est donc de ces faux bègues comme de la
plupart des malades imaginaires : pour les guérir
plus sûrement, il faut paraître abonder dans leur
sens (1), leur faire saisir de temps en temps le tra-
(1) Un maçon, sous l'empire d'une monomanie qui pouvait dégé-
nérer en folie absolue, croyait avoir avalé une couleuvre; il disait
la sentir remuer dans son ventre. Un chirurgien de l'hôpital Saint-
Louis, à qui il fut amené, pensa que le meilleur, peut-être le seul
moyen pour guérir ce monomane, était de se prêter à sa folie.
Il offre, en conséquence, d'extraire la couleuvre par une opération
chirurgicale. Le maçon y consent. Une incision longue, mais super-
ficielle, est faite à la région de l'estomac; des linges, des com-
presses, des bandages, rougis par le sang, sont appliqués. La tête
d'une couleuvre, dont on s'était précautionné, est passée avec
adresse entre les bandes et la plaie. « Nous la tenons enfin, s'écria
l'adroit chirurgien; la voici. » En même temps, le patient arrache
son bandeau ; il veut voir le reptile qu'il a nourri dans son
DU BÉGAIEMENT IMAGINAIRE. 81
vail d'amélioration qui se produit chez eux, et enfin,
au moment psychologique voulu, leur faire dûment
constater que le résultat recherché est enfin obtenu.
C'est là surtout une question de transformation in-
tellectuelle.
Mais, de même que, chez le malade imaginaire, il
y a une tendance morbide qu'il est impossible de nier,
de même chez le bègue imaginaire on trouve une
réelle affection morale qui mérite d'attirer l'attention
du professeur d'orthophonie.
Cette anomalie a son contraire : dans les classes
aisées, il existe des bègues qui, bien qu'affectés d'un
bégaiement très accentué, prétendent, même en
venant d'un département éloigné pour nous con-
sulter, n'être tout au plus affligés que d'un léger
vice de parole.
Pour entreprendre le redressement vocal de ces
sortes d'infirmes, les difficultés abondent au moment
où il s'agit d'assurer pour l'avenir la bonne pratique
de la méthode.
Ce singulier entêtement a sa cause dans un amour-
propre excessif du bègue qui ne veut point, tout en
sein. — Quelque temps après, une nouvelle mélancolie s'empare de
lui ; il gémit, il soupire; le médecin est rappelé. « Monsieur, lui dit-
il avec anxiété, si elle avait fait des petits? — Impossible! C'est ui
mâle. »
6
«2 N. F. — DU BÉGAIEMENT IMAGLNAIRE.
le recherchant, admettre le contrôle des autres; il
ne saurait accepter les conseils que s'ils lui sont
donnés pour une particularité vocale qu'il croit
moins blessante que le bégaiement — et pourtant
l'intensité des manifestations est telle parfois qu'il
n'est point d'oreilles, si inexpérimentées qu'elles
soient, qui s'y pourraient méprendre.
Lorsque l'élève est intelligent et que plus tard son
esprit soucieux de son intérêt reconnaît la valeur des
observations qui lui sont faites, les difficultés alors
sont aplanies.
NOTE G
DES EXERCICES VOCAUX
ET DE LEUR INFLUENCE PHYSIQUE
SUR LE BÉGAIEMENT
NOTE G
DES EXERCICES VOCAUX ET DE LEUR INFLUENCE
PHYSIQUE SUR LE BÉGAIEMENT.
Les instituteurs de bègues se sont exagéré au point
de vue organique la valeur finale des exercices vo-
caux.
Ils ont attribué aux diverses gymnastiques de
phonation qui en font partie une influence physique
très prononcée.
Cette influence cependant n'existe pas et ne sau-
rait exister.
Chez les bègues, en effet, les muscles phonateurs
ne sont ni déformés, ni insuffisamment élastiques,
encore moins peut-on les accuser d'être incomplets
dans leur essence et dans leurs multiples combinai-
sons, — leur fonctionnement régulier dans le chant
le démontre suffisamment; — ce n'est donc que par
contre-coup, par une espèce de choc en retour que
86 N. G. — DES EXERCICES VOCAUX.
les exercices peuvent agir sur les muscles vocaux.
Le véritable but des exercices phonétiques est de
préparer et d'habituer le bègue à faire usage de la
volonté devant certaines syllabes rebelles. — Ils ha-
bituent également le bègue à être constamment en
garde sur lui-même, et comme le bégaiement externe
n'est que la manifestation du bégaiement interne, il
est constant que si l'influx nerveux qui accompagne
tout mouvement intellectuel se trouve disciphné par
ces exercices^ d'autre part l'activité physiologique
des muscles vocaux subira alors l'ascendant de l'influx
nerveux, ascendant qui, par un résultat forcé de
l'habitude, leur dictera méthodiquement et instinc-
tivement les mouvements prophylactiques à accom-
plir. Les exercices phoniques ne produisent donc sur
les muscles qu'une action médiate et indirecte.
Un exemple fera mieux saisir la nature de cette
influence.
Nous avons dit que dans la lecture certains bègues,
dont l'œil a parcouru à l'avance les quelques mots
qu'ils ont à prononcer, se trouvent tout à coup arrêtés,
hésitent et finalement bégaient devant certaines syl-
labes que pourtant ils articulent, par intermittences,
sans la moindre difficulté.
Or, observation curieuse, lorsque le bègue chante
et qu'il articule les paroles qu'il a à chanter, il sem-
INFLUENCE SUK LE BÉGAIEMENT. 87
blerait que la même hésitation dût se produire et que
le bégaiement préalable occasionné par des syllabes
qu'aperçoit à l'avance son œil dût également dans le
chant le troubler, l'arrêter et le faire hésiter. Il n'en
est rien cependant; le bègue voit parfaitement ces
syllabes qu'il redoute tant dans la voix parlée et il
n'en continue pas moins et sans la moindre inquiétude
à chanter. — Pourquoi cela? — C'est que, dans le
chant, il se sent maître de son organe vocal; il
sait, depuis son enfance, qu'il n'a pas à redouter
de bégaiement et sans s'en douter il fait instinc-
tivement l'application du rythme prolongé qui cons-
titue une des surfaces de nos procédés méthodiques.
Les exercices orthophoniques ont pour but préci-
sément de procurer au bègue la même sécurité men-
tale et, en le familiarisant chaque jour avec certaines
articulations pénibles à prononcer, de lui permettre,
puisqu'il s'agit ici de lecture à haute voix, de conti-
nuer à lire sans être émotionné par l'approche de telle
lettre ou de telle syllabe.
La discipline de l'appared vocal est la conséquence
d'un travail orthophonique, mais la valeur potentielle
de cette discipline ne vient qu'en second lieu puisque
le véritable but poursuivi dans le redressement vocal
du bégaiement est la discipline des actes générateurs
de \a parole in se et simultanément la discipline des
88 N. G. — DES EXERCICES VOCAUX.
éléments divers de la volonté qui précèdent et accom-
pagnent la parole.
Nous pensons qu'il est utile, à ce propos, de ré-
péter combien la pensée de redresser le bégaie-
ment en trois ou quatre semaines est imprudente.
Qu'après quinze ou vingt jours d'efîorts redoublés,
on obtienne un résultat relativement satisfaisant,
c'est possible; qu'il y ait une amélioration appréciable
dans l'élaboration régulière de la voix et dans l'émis-
sion normale des mots, c'est encore possible, c'est
même exact; mais il est de toute évidence que le
bègue, n'ayant pu se familiariser qu'avec un des côtés
sommaires d'nne méthode trop vite inculquée^, ne
pourra pas dans l'imbroglio d'exercices se succédant
rapidement ou forcément mal coordonnés acquérir la
présence d'esprit nécessaire pour lutter avantageuse-
ment contre son infirmité.
La faculté de contracter des habitudes n'étant pas
la même chez tous les hommes, il est impossible de
fixer d'une manière précise l'époque où l'application
d'une méthode cessera d'être un art, c'est-à-dire sera
applicable sans la volonté persévérante et par la seule
force de l'habitude. — A plus forte raison, ces dis-
positions sont-elles nécessaires quand il s'agit de
INFLUENCE SUR LE BÉGAIEMENT. 89
redresser un vice de parole dont le caractère distinc-
tif est l'intermittence.
Il nous est arrivé, dans bien des cas, d'obtenir
aussi, même après quelques jours d'eiïorts et quelques
principes méthodiques, une prononciation rytbmi-
quement correcte.
Ce fugitif résultat facile à obtenir par le professeur
est, malheureusement pour les bègues mal renseignés,
encore exploité en France et à l'étranger par des
spécialistes inconséquents (1).
On nous avait conseillé de rapporter dans une note
spéciale l'historique des redressements vocaux que
nous avons obtenus dans nos cours officiels et dans
nos cours particuliers; nous avons écarté ce conseil.
La meilleure manière de prouver l'efficacité des
procédés indiqués dans une méthode d'enseignement
et le moyen le plus digne de la vulgariser consistent,,
selon nous, à attendre patiemment les occasions fa-
vorables de la faire connaître. Les provoquer par des
citations personnelles, c'est imiter les imposteurs
quelle que soit la vérité de leurs témoignages. D'ail-
leurs, les certificats sont toujours bons, on n'en mon-
tre jamais de mauvais.
(1) L'enseignement de la parole aux sourds-muets se trouve géné-
ralement, encore aujourd'hui, dans des conditions analogues d'ex-
ploitation.
90 N. G. — DES EXERCICES VOCAUX.
L'éducation vocale a besoin d'être entreprise avec
plus de réserve, de conscience et d'étude.
En présence d'un instituteur qui viendrait nous
dire : « Yoilà un élève qui était paresseux ; je l'ai guéri
de sa paresse, après quelques jours d'efforts pédago-
giques » — Si nous sourions à cette déclaration
et pensons que ce n'est pas un éducateur bien expéri-
menté puisqu'il ignore qu'une tendance ne se supprime
pas en quelques jours, — nous pouvons également
affirmer qu'en se servant d'un modus faciendi raT^ide
pour supprimer le bégaiement, on ne paraît pas
connaître la nature-habitude de ce vice grave de la
parole.
Bien qu'il ne faille pas attribuer aux exercices
orthophoniques un but, une destination qu'ils n'ont
pas, nous devons également dire que néghger la pra-
tique de ces exercices est une faute sérieuse qui peut
devenir funeste aux élèves bègues.
Il arrive en efTet ceci dans certains cas:
Lorsque, soit par insouciance, caprice ou timidité,
le bègue se détourne de l'observation exacte des pro-
cédés orthophoniques de la méthode, il contracte
peu à peu, par suite de cette suspension prématurée,
une élocution vicieuse qui souvent dégénère en vice
de parole plus ou moins dessiné. Pour peu que ces
exercices soient négligés, l'harmonie qui les unit et
LXFLUENCK SUR LE BÉGAIEMENT. 91
qui fait valoir le résultat définitif extérieur de leur
application se trouve par le fait brisée et, au lieu d'une
diction précise, c'est une diction incorrecte et dou-
teuse qui apparaît ; — le bégaiement peut être mas-
qué, mais il fait place alors à des blésités de différents
genres, dont l'origine est due à ce manque de suite
dans la pratique des séries photiométriques des articu-
lations. — C'est ainsi que dans un morceau d'ensemble
exécuté par divers instruments dont le but final est de
concourir à un effet harmonique simultané, un et
complet dans sa variété, si l'un des exécutants vient
à oublier la mesure et à jouer à contre-temps, l'effet
général est manqué et, au lieu de l'ensemble harmo-
nique attendu, se produit une suite de cacophonies
qui, se succédant, jettent le trouble et la confusion
parmi les autres exécutants. — La négligence apportée
dans la pratique des exercices vocaux oblige souvent
l'élève à commencer une autre éducation orthopho-
nique, pour redresser l'articulation défectueuse dont
il vient de contracter l'habitude.
Le meilleur moyen d'éviter cette mésaventure est
de contraindre les bègues à pratiquer régulièrement
les exercices de redressement vocal qui s'appliquent
à leur espèce de bégaiement. Ils doivent non seule-
ment les exécuter minutieusement, mais même forcer
plutôt la note en exagérant pour ainsi dire l'articu
^2 N. G. — DES EXERCICES VOCAUX, ETC.
lation de certains groupes phonétiques. Quand la
leçon est terminée, ils pratiqueront encore en dehors
du professeur ces gymnastiques gloltnles, gutturales,
hnguales et lahiales, et ils y reviendront régulièrement
de temps à autre pour entretenir et augmenter la
souplesse nerveuse et tactile du jet vocal.
En agissant ainsi, le bègue sera assuré de neutra-
liser de plus en plus sa tendance interne au bégaie-
ment.
NOTE H
DE LA DOMINANIE CHEZ LES BEGUES
NOTE H
DE LA DOMINANTE CHEZ LES BEGUES.
Les physiologistes, comme les psychologues, ont
constaté que tout individu subit, dans les actes im-
portants ou secondaires de son existence, l'influence
constante d'une qualité maîtresse, qualité qui donne
à ces actes un caractère propre et distinctif.
Ce cachet autographe de la personnalité, ce signe
authentique se trouve dans toutes les affirmations du
moi ; dans l'expression de la physionomie comme
dans le geste, dans la parole comme dans les attitudes
volontaires ou involontaires de la vie de relation : c'est
donc, à proprement parler, la caractéristique même
de l'individu, et c'est ce que nous appelons la domi-
96 N. H. — DE LA DOMINANTE
liante. Elle s'accentue par habitude et nous la retrou-
vons dans chacune des exceptions saines ou mala-
dives, vertueuses ou vicieuses qui se déroulent au
sein de toute évolution vitale.
Dans le bégaiement ou plutôt chez les bègues,
en dehors de la dominante générale, on remarque
de plus une dominante dysphonique^ c'est-à-dire une
tendance plus particulière dans un cas donné à
provoquer le bégaiement.
Cette observation est d'ailleurs la clef du ventable
diagjiostic du bégaiement.
La dominante dysphonique n'est pas toujours sai-
sissable au premier examen. Elle ne se révèle parfois
qu'après une étude attentive et un contrôle prolongé
des diverses manifestations du bégaiement. La diffi-
culté de pénétrer ce secret, que le bègue ignora
lui-même très souvent, est certainement une des
raisons qui peuvent retarder le succès définitif du
redressement vocal entrepris par le professeur. —
Faute de pouvoir discerner puis de subjuguer cette
dominante, l'éducation de la voix ne produira que des
améhorations transitoires.
La question vaut donc la peine d'être signalée et,
dans l'état actuel de la science orthophonique, nous
la considérons comme fort importante.
En vertu de son caractère essentiellement ner-
CHEZ LES BÈGUES. 97
veux, le bégaiement offre, dans ses manifestations,
des phénomènes si bizarres et si complexes, qu'il
devient à peu près impossible parfois à l'obser-
vateur même expérimenté de discerner, dans les
premiers temps, le caractère spécifique de la domi-
nante.
Nous disons : le caractère spécifique. — La domi-
nante, en effet, peut résider, pour tel bègue, maté-
riellement en quelque sorte, dans telle articulation;
pour tel autre bègue, exclusivement dans tel état
nerveux; pour celui-ci, dans une propension à la timi-
dité, à la crainte; pour celui-là, dans diverses condi-
tions physiques, extérieures ou malsaines qui réagis-
sent sur les organes vocaux. — H y a tant de cas
multiples où cette dominante peut élire domicile chez
le bègue qu'il faudrait, pour les énumérer, passer en
revue toutes les modifications physiques ou morales
dont la nature humaine est susceptible.
La dominante dysphonique est indépendante de la
tendance congéniale au bégaiement.
La tendance est la cause génératrice, persistante
et immanente à l'individu.
La dominante dysphonique ou dominante syllabi-
que et muthonomique est l'occasion particulièrement
personnelle du bégaiement, elle apparaît dans cer-
7
98 N. IL — DE LA DOMINANTE
taines circonstances données auxquelles elle em-
prunte sa tonalité individuelle. Plus tard, dans le rou-
lement phonétique, la parole bégayée, à son tour,
signale avec plus ou moins d'intensité la présence de
la dominante.
La découverte de la dominante est donc une œuvre
de patiente et attentive investigation pour le profes-
seur ; elle se révèle à lui par l'observation prolongée
de la tenue vocale du bègue, dans la conversation,
dans la lecture, dans la récitation, dans l'improvisa-
tion fictive ou surtout l'improvisation réelle ; elle se
révèle aussi par l'expérimentation de tel ordre d'exer-
cices orthophoniques, par la réitération et la compa-
raison de ces exercices entre eux dans les divers états
moraux et physiques du bègue ; états qu'il importe
de provoquer et que l'on doit saisir quand ils se pré-
sentent.
Lorsque la dominante est connue et que le profes-
seur possède bien, au point de vue vocal, sa véritable
physionomie, l'éducation de la volonté, l'éducation
orthophonique, l'enseignement technique de la pa-
role, en un mot tout ce qui contribue à cette formule
générale : Éducation vocale sera dirigé contre la
dominante pour en paralyser les funestes effets, on
ne les supprimera qu'en la combattant elle-même.
Voilà, en ce qui concerne la dominante du bégaie-
CHEZ LES BÈGUES. 99
ment, le moyen le plus efficace pour l'application
utile de la doctrine orllioplionique ; il en est une
autre que simultanément le professeur emploiera et
le sujet môme que nous traitons l'indique naturelle-
ment.
Dans tout caractère, avons-nous dit au commence-
ment de cette note, se rencontre une force maîtresse
qui apparaît dans chacune des actions de l'individu.
Cette dominante qui imprime une direction spéciale
à chaque homme et donne à la couleur de son tempé-
rament une nuance propre, le professeiu' doit égale-
lementFétudier, la trouver, la reconnaître, pour fina-
lement l'utiliser, elle aussi^ dans l'instruction techni-
que de l'orthophonie et l'éducation esthétique de la
voix. Elle varie naturellement selon les individus, et
c'est ce qui explique la nécessité d'ordonner pour
chaque bègue, dans l'ensemble général des exercices
de redressement et des actes d'éducation vocale, un
ensemble d'exercices et de direction pédagogique ap-
plicable à lui seul et plus particulièrement profitable
à son infirmité vocale.
Concluons de ce qui précède que l'observation
psychologique du bègue est aussi indispensable pour
obtenir des résultats utiles que l'analyse des manifes-
tations phénoménales du bégaiement est nécessaire
pour appliquer un système avantageux d'exercices
100 N. H. — DE Lk DOMINANTE, ETC.
et de conseils orthophoniques. Tant il est vrai que
le redressement vocal du bégaiement est, dans l'en-
semble des moyens employés comme dans le cycle des
procédés orthophoniques enseignés, une œuvre de
pédagogie prophylactique.
NOTE I
DE L'INFLUENCE MÉTÉOROLOGIQUE
PENDANT LE REDRESSEMENT VOCAL
DU BÉGAIEMENT
NOTE l
DE L INFLUENCE MÉTÉOROLOGIQUE PENDANT LE
REDRESSEMENT VOCAL DU BÉGAIEMENT.
On sait que le bégaiement, par cela même qu'il
résulte d'une affection nerveuse, subit parfois des re-
doublements d'intensité dus aux divers changements
de saison et plus particulièrement aux changements
brusques de température (1). Ce redoublement d'in-
tensité s'explique facilement, si l'on songe que le poids
de l'atmosphère sur une personne varie de 15,000
à 18,000 kilogrammes, selon la taille et la surface
corporelle. — Une diminution ou une augmentation
subite de la densité de l'air peut amener un chan-
gement soudain de quelques centaines de kilos dans
le poids de la colonne d'air supportée.
Or, les bègues et toutes les personnes dites à tem-
pérament nerveux sont excessivement sensibles à ces
(1) Voir la note 0.
104 N. I. — INFLUENCE MÉTÉOROLOGIQUE.
variations de la pression atmosphérique, et ce n'est
pas sans raison qu'on les assimile, en quelque sorte,
à de véritables baromètres vivants.
Pendant l'hiver et pendant l'été, on a remarqué
également que le bégaiement augmentait, tandis
qu'il diminuait au printemps et à l'automne lorsque
ces saisons étaient tempérées et humides.
L'air sec des gelées et des grandes chaleurs agit
toujours en sens inverse.
Que se passe-t-il, en effet?
Les liquides, les humeurs, les diverses vapeurs
qui, dans le corps de l'homme, font équilibre à la
colonne d'air et dont la densité, en outre, change,
de leur côté, avec la température ambiante, opposent
à la pression atmosphérique une résistance d'une
efficacité variable, selon leur degré de dilatation. De
là, dans les énergies distribuées incessamment dans
l'économie animale par les agents du système nerveux ,
une division plus ou moins grande, ou, selon les cas,
une nwdtiplication plus ou moins importante des
forces actives de la vie. De là, par conséquent, un
état fébrile diversement accentué qui se traduit de mille
manières selon les personnes, et pour les bègues par
une surabondance de prédispositions au bégaiement.
Les bègues n'ignorent pas cette tendance dyspho-
nique qui les assaille d'une manière soudaine et les
REDRESSEMENT DU BÉGAIEMENT. 105
surprend accidentellement dans les perturbations
atmosphériques.
La plupart d'entre eux jugent d'avance, par la
difficulté qu'ils éprouvent à parler, qu'un changement
plus ou moins considérable va avoir lieu dans l'at-
mosphère.
Mais au lieu de prendre en temps opportun les
mesures prophylactiques que nécessite cet état ner-
veux et de redoubler d'efTorts dans l'apphcation
technique de l'orthophonie, la plupart paraissent en
quelque sorte heureux de pouvoir rejeter sur ces
variations atmosphériques les perturbations phoné-
tiques auxquelles ils se trouvent plus spécialement
soumis.
Il importe au professeur de prévenir les bègues
contre cette trop facile défaite. — C'est dans ces mo-
ments-là précisément qu'ils doivent redoubler d'ef-
forts et faire appel à toute l'énergie dont ils sont
capables pour maîtriser la nonchalance nerveuse et
les divers écarts auxquels leurs organes phonateurs
pourraient se laisser entraîner.
Et cela se conçoit :
N'est-ce pas justement en vue de ces luttes parti-
culières que la métliode leur offre son appui et leur
prépare des armes de redressement vocal?
Loin d'être donc une occasion de relâchement, de
J06 N. I. — INFLUENCE METEOROLOGIQUE.
détente et d'abandon, nous regardons ces périodes
critiques comme un stimulant significatif qui indique
au bègue que le moment est venu pour lui de faire
plus volontiers acte de volonté.
Et, ce n'est pas un paradoxe que nous soutenons,
quand nous disons que ces difficultés momentanées,
provoquées par les influences atmosphériques sur le
bégaiement doit être un stimulant : elles sont, en
effet, comme la pierre de touche qui sert à vérifier
la valeur authentique de l'évolution vocale accom-
plie par le bègue ; c'est à ce moment difficile de la
mise à exécution des principes de la méthode que
nous reconnaissons manifestement le travail de re-
dressement vocal réalisé par la volonté, la mémoire^
en un mot par la pleine possession de soi-même.
Des exemples nombreux ont démontré que les
bègues, qui avaient su ainsi maintenir et affirmer la
correction de leur parole dans de pareilles circon-
stances , étaient à tout jamais prémunis contre le
retour offensif de leur bégaiement (1) ; d'autres,
(1) Le terme de rechute employé pour désigner la réapparition
du bégaiement, est un terme qui ne peut être employé que dans
un sens figuré. Par ce fait seul que la tendance interne du bégaie-
ment persiste chez le sujet, même après ses études orthophoniques^
il est certain que, si le bègue qui est arrivé à dissimuler son in-
firmité oubUe de s'observer et de pratiquer la méthode, le bégaie-
ment peut reparaître; mais, ce n'est pas là une rechute, c'est tout
simplement la manifestation d'un phénomène naturel d'intermit-
tence.
REDRESSEMEiNT DU BÉGAIEMENT. 107
au contraire, qui paraissaient à peu près débarras-
sés de leur infirmité vocale dans les circonstances
ordinaires de climat, mais qui, dans les moments de
malaise nerveux, délaissaient ou négligeaient une
partie de l'application constante des principes, re-
tombaient insensiblement dans leurs premiers er-
.rements vocaux et n'accusaient par la suite que des
modifications insuffisantes dans leur élocution habi-
tuelle.
L'afi'ection du bégaiement est aussi plus sensible le
matin que dans la journée ; cela tient à ce que l'in-
telligence étant plus ouverte en ce moment, l'irra-
diation cérébrale qui suit la pensée jaillit avec plus
de vitesse, et par cela même avec moins de pru-
dence ; peut-être aussi faudrait-il trouver la cause de
ce phénomène dans le repos prolongé où s'est trouvé
la nuit tout le système nerveux, principalement celui
de la vie de relation, qui pour cela serait plus exci-
table le matin que le soir, époque où les fatigues de
la journée ont dû diminuer la sensibilité générale.
Donc, ce n'est pas quand l'intensité du bégaiement
redouble par suite de ces dernières circonstances
ou par suite des changements climatériques que les
bègues peuvent abandonner leurs habitudes ortho-
phoniques. C'est alors, plus que jamais, qu'ils doi-
vent veiller sur eux-mêmes, exercer un contrôle
108 N. I. — INFLUENCE MÉTÉOROLOGIQUE, ETC.
minutieux sur leur articulation et sur tous les phéno-
mènes vocaux qui accompagnent la parole ; les résul-
tats satisfaisants qu'ils obtiendront dans ces conditions
plus particulièrement pénibles seront la marque assu-
rée que leur instruction orthophonique est accomplie
et que la manifestation vocale de leur infirmité n'est
plus à redouter.
NOTE J
PROPHYLAXIE ORTHOPHONIQUE
NOTE J
PROPHYLAXIE ORTHOPIIOMQUIi.
La difficulté de trouver dans la langue française,
un terme qui explique exactement la nature et la
portée des services rendus aux bègues par une mé-
thode d'orthophonie nous a fait jusqu'ici fréquem-
ment employer pour le public les mots de redresse-
ment vocal.
Le mot guérison serait un contre-sens, car il assi-
milerait le bégaiement à une maladie que l'on traite
par un médicament, à une infirmité que l'on redresse
par l'emploi d'un instrument ou à un vice organique
que l'on fait disparaître par une opération chirur-
gicale.
On a dû, faute de mieux, prendre dans le vocabu-
laire usuel le mot de redressement.
Ce dernier terme toutefois, ne correspond pas
encore assez à la vérité des résultats obtenus par l'en-
U2 N. J. — PROPHYLAXIE ORTHOPHONIQUE.
seignement orthophonique pour qu'il soit admis sans
réserves dans le langage scientifique.
Nous devons, sur ce point, des expHcations de na-
ture à satisfaire tout à la fois ceux qui s'intéressent
à la question des infirmités vocales, et ceux qui
désirent trouver dans les termes employés l'indica-
tion précise et légitimée de leur valeur.
Dans l'espèce, que se passe-t-il en réalité ?
Par l'enseignement orthophonique et par l'éduca-
tion psychologique spéciale qui le suit parallèlement
le bègue est protégé contre son infirmité ; il est dans
le sens précis et même étymologique du mot : in-
struit (inslructus), c'est-à-dire ai^mé.
Au moment donc où il s'est soumis à l'éducation
proposée, lorsqu'il a su, par son attention et par ses
efforts, tirer parti de l'enseignement qui s'adresse
tout à la fois à son appareil vocal, à son intelligence,
à sa mémoire, à sa volonté, le bègue est en mesure de
lutter efficacement contre le bégaiement interne ; il
peut le réduire, le vaincre, en contrarier les efiets
externes et les dissimuler à tel point que le phéno-
mène sonore du bégaiement n'existe plus, ou tout au
moins n'est généralement plus apparent.
Or, peut-on sans hésitation qualifier ainsi les bé-
néfices de l'instruction orthophonique.
Non, ce n'est pas là un redressement, car l'état
PROPHYLAXIE ORTHOPHONIQUE. H 3
nerveux du bègue, subsiste encore même après sa
transformation \ocaIe. Cet état au point de vue de
l'articulation n'est plus palpable, mais, quoique dissi-
mulé, il existe d'une manière latente et dans un mo-
ment de surprise ou d'émotion violente, il pourra^
si le bègue n'y prend garde, s'affirmer derechef et
occasionner de désagréables mécomptes.
On le voit, il n'y a là ni suppression ni surtout re-
dressement du bégaiement.
C'est donc une méthode de préservation et pour
employer un terme, médicale est vrai par l'usage,
mais qui peut parfaitement se prendre dans le sens
pédagogique, c'est un ensemble de procédés prophy-
lactiques.
Qu'appelle-t-on^ en elîet, prophylaxie, mesures pro-
phylactiques?— Des précautions permettant de pré-
server un individu d'une maladie, d'une épidémie.
Ce sont des moyens qui le sauvegardent contre l'in-
vasion, les dangers d'une atmosphère morbifique ;
le mal est ambiant, mais grâce aux mesures adoptées,
on est armé contre lui., et l'on n'a plus à le re-
douter.
C^est également, par analogie, ce qui se produit
dans le cas qui nous occupe.
Le bégaiement existe et, en termes d'école, poten-
tiellement; mais par l'instruction spéciale^ on n'a
H4 N. J. — PROPHYLAXIE ORTHOPHONIQUE.
plus à redouter les effets de sa puissance interne, ni
les inconvénients qui en résultent (1).
La méthode d'orthophonie, pour indiquer le but
particulier qu'elle poursuit, devrait, par conséquent,
pour rester dans la vérité scientifique, s'appeler non
pas méthode de redressement vocal, mais bien mé-
thode (£Orthopho7iie prophylactique contre le bé-
gaiement et les vices de la parole.
Si nous n'avons pas cru pouvoir adopter dans la
pratique le mot de prophylaxie, c'est que, nous le ré-
pétons, il semble avoir une physionomie plutôt médi-
cale que pédagogique, physionomie qui, étant moins
accessible aux habitudes du public, pouvait prêter,
dans le jugement de la chose, à une interprétation
erronée.
A ce sujet, nous dirons que nous avons entendu à
l'Académie de médecine non sans quelque surprise,
l'opinion émise par le rapporteur d'une commission
nommée par elle pour étudier la question du bégaie-
ment.
S'appuyant sur une brochure que nous venions de
publier et dans laquelle nous traitions la question de
(1) La pédagogie n'est pas autre chose, en définitive, qu'un ensem-
ble de procédés prophylactiques qui préservent, au point de vue
moral comme au point de vue intellectuel ou professionnel, des er-
reurs et des fautes que l'ignorance ferait inévitablement commettre.
PROPHYLAXIE ORTHOPHONIQUE. iiS
l'orthophonie considérée au point de vue pédagogi-
que^ M. le docteur Moutard -Martin a pris au pied de
la lettre le mot « pédagogie » et n'a pas craint de
plus, au sein même de ce corps savant, de propager
dans un rapport, avec d'autres erreurs fastidieuses
à développer ici (1), cette inexacte proposition:
« et d'ailleurs maintenant que tout le monde a
« renoncé aux moyens mécaniques et chirurgicaux,
« les moyens pédagogiques seuls so?it mis en usage. »
On conviendra que dans une pareille assemblée
où l'exactitude scientifique dans les mots, dans les
définitions, dans les faits est de rigueur, c'était quel-
que peu s'aventurer.
Si l'éminent docteur, quoique chargé d'examiner la
matière, avait mieux connu la question du bégaie-
ment, ou s'il avait pénétré plus avant dans le sens
général du travail précité, il eût mieux compris que
toute notre argumentation tendait à démontrer que
le bégaiement n'étant ni une maladie, ni un vice de
conformation, le rôle du professeur d'orthophonie
était non celui d'un médecin mais bien celui d'un
(1) '< Les rechutes ne sont-eUes après un traitement — La
« base de ces exercices est l'imitation — L'imitation qui joue un
« si grand rôle dans toutes les affi'Ctions nerveuses !... . — Le chant
« est une gymnastique de la respiration — Le bégaiement est un
« état choréique — Les élèves qui ont été débarrassés — La
« courte durée du traitement offre un avantage très grand...,» etc.,etc.
H6 N. J. — PROPHYLAXIE ORTHOPHONIQUE.
guide-éducateur, et que par suite le bégaiement de-
vait être combattu non par un mode de jiédagogie
essentielle^ mais par un mode particulier de pro-
phylaxie p édagogique .
Aussi, nous étonnons-nous à juste titre, que la
sagacité du savant rapporteur ne lui ait pas permis de
dégager ce point essentiel qui aurait dû être le
point intéressant du travail présenté par lui à l'Aca-
démie (1).
(1) L'opinion émise par un membre de l'Académie de médecine
n'implique pas de la part de l'Académie l'approbation de cette opi-
nion. — L'Académie n'est responsable que des conclusions d'un rap-
port votées et acceptées par elle.
APPENDICE DE LA NOTE J
DES PRODUITS PHARxMACEUTIQUES
DANS LE REDRESSEMENT DU BÉGAIEMENT
APPENDICE
On a vu que l'Académie de médecine avait reconnu
que le redressement vocal du bégaiement était une
question d'éducation orthophonique, et, par consé-
quent, ne ressortissait plus à la médecine.
Cette prescription cependant ne paraît pas avoir
été acceptée par tous les praticiens qui, malgré l'au-
torité de ce corps savant, cherchent encore à guérir
le bégaiement à l'aide de produits pharmaceutiques,
moyens indignes de la vérité scientifique et peu
conformes aux progrès réalisés aujourd'hui sur ce
sujet.
Quel est le résultat d'une pareille thérapeu-
tique ?
Au point de vue du redressement du bégaiement,
elle est absolument nulle ; au point de vue de l'es-
120 APPENDICE DE LA NOTE J.
poir qui anime le bègue clans le redressement de son
infirmité, elle est très regrettable.
En effet, les bègues après l'emploi des produits
pharmaceutiques ne constatant aucune amélioration
dans leur parole, s'imaginent volontiers ou que la mé-
decine est une science d'une application douteuse,
ou qu'on les a pris pour dupes.
A côté de ce dommage possible causé à la vérité
scientifique ne serait-il pas humain de chercher à
prévenir les conséquences morales qui découlent
nécessairement de ces médications fantaisistes?
Soumis à ces remèdes qu'on leur donne comme
devant opérer la cure de leur infirmité, les bègues
se livrent d'abord;, sans arrière-pensée, à l'espoir
d'une sûre guérison ; mais les mois se passent, les
années s'écoulent, les produits pharmaceutiques se
succèdent, et le bégaiement subsiste ; à la déception
inévitable qui survient s'ajoutent bientôt le découra-
gement^ la défiance, puis finalement le dégoût de
la vie.
Les bègues qui avaient d'abord accepté, sans hé-
sitation, les remèdes les plus incroyables, parce que
la pensée de l'amélioration promise les aveuglait sur
le choix à faire parmi les moyens proposés, n'ont
plus aucune foi dans la possibilité de redresser leur
bégaiement; craignant de nouvelles déceptions, ils
PRODUITS PHARMâCEUTIOL-ES. 121
laissent de côté les procédés orthophoniques qui
leur seraient utiles.
Telle est la conséquence ordinaire de ces essais
de médications, ridicules quand ils ne sont pas cou-
pables.
Nous citerons, entre autres faits^, le cas d'une
mère qui, pendant plus de dix-huit mois, s'est livrée
à la tâche quotidienne de frotter la colonne verté-
brale de son fils bègue avec de la pommade cam-
phrée. Lassée de cette besogne inutile et n'ayant pu
constater la plus légère modification dans le bégaie-
ment de son enfant, la trop crédule mère comprit
qu'elle était trompée , et cessa alors ce singulier
traitement. Le hasard lui apprit enfin que ce n'était
pas par des moyens médicaux qu'elle devait cher-
cher à débarrasser son fils de l'infirmité vocale dont
il était affecté.
Cet exemple, pris parmi plusieurs autres que nous
pourrions certes multiplier et où les médications or-
données étaient plus particulièrement le bromure de
potassium, démontre l'inefficacité des applications
pharmaceutiques dans le redressement vocal du bé-
gaiement.
Outre le respect légitimement dû à l'art médical et
qu'on doit éviter d'amoindrir par des consultations
données à l'aventure, les praticiens qui agissent
122 APPENDICE DE LA NOTE J.
encore de cette manière deviendront probablement
plus circonspects, en se souvenant des conséquences
fâcheuses qui se produisent dans l'état moral du
bègue qu'ils ont inutilement jeté dans de fausses es-
pérances.
Il y a là une question d'humanité qui est spé-
cialement mise en jeu.
NOTE K
CONSEILS ORTHOPHONIQUES-PROPHYLACTIQUES
A L'USAGE DES ÉDUCATEURS DE L'ENFANCE
ET DE LA JEUNESSE
NOTE K
CONSEILS ORTHOPHONIQUES-PROPHYLACTIQUES
A l'usage des éducateurs de l'e>tance
ET DE LA JEUNESSE
Préparer l'homme aux devoirs de la société, en
développant chez l'enfant toutes les forces vives
qui sont en lui, en dirigeant d'une manière nor-
male ses divers organes, instruments naturels qui
feront valoir ses forces ; tel est le but que chaque
éducateur de la jeunesse doit avoir sans cesse
présent à la pensée; tel est le but que, en dépit
des difQcultés, il faut viser et savoir atteindre.
(Un AXCiEN Professeur.)
Certains vices de parole sont dus en grande partie
à la négligence des parents ou à l'insouciance des
éducateurs de la jeunesse ; c'est là une cause d'ins-
truction incomplète, d'embarras dans le choix d'un
état, c'est là bien souvent une occasion fréquente de
troubles dans les occupations sociales.
L^agrément des relations, la carrière même du ci-
toyen se trouvent atteints, entravés, parce que, dès
126 N. K. — CONSEILS ORTHOPHONIQUES.
l'enfance, on n'a pas combattu certaines tendances
vicieuses de l'appareil vocal.
Il y a de ce chef un tort regrettable fait à l'indi-
vidu; car, dans bien des cas, le remède est à la por-
tée des parents et des instituteurs.
Il semble donc juste d'affirmer que les parents et
notamment les personnes s'occupant de pédagogie
doivent, pour prévenir de pareils mécomptes, tra-
vailler à réprimer, dans la mesure de leurs moyens,
les irrégularités de prononciation qui commencent à
se manifester chez les enfants.
Conseils aux parents.
En choisissant une nourrice, une bonne, une gou-
vernante, la famille recherche les qualités qui assu-
rent un bon service et ne se préoccupe que peu ou
point de leur manière de parler. Or, dès aussitôt
(ju'il commence à articuler, l'enfant répète d'ins-
tinct ce qu'il entend, il grandit et se développe en
copiant avec fidélité ce qui est bien et surtout ce
qui est mal ; c'est-à-dire l'accent provincial, l'ac-
cent campagnard; tel vice de parole, telle articula-
tion défectueuse. La famille doit donc se hâter de
surveiller le langage des personnes qui entourent le
petit être.
CONSEILS PROPHYLACTIQUES. 127
Celte tendance à l'imitation produit déjà des ef-
fets fâclieux : le zézaiement, par exemple, est dû
bien souvent à la façon de parler qu'affectent d'em-
ployer les personnes qui vivant avec les babys; le
langage dont elles se servent, le balbutiement en-
fantin qu'elles reproduisent volontiers comme pour
converser plus familièrement avec eux contribue
puissamment à développer ce goût de la parole
« smgée » .
Sans doute il est difficile de prévenir les exemples
donnés par les domestiques, sans doute on ne peut
espérer trouver tous les jours des serviteurs ayant
une articulation correcte ; mais quand on s'aperçoit
que l'organe vocal reçoit une direction fausse, il im-
I)orte de leur interdire d'entretenir chez l'enfant
cette fâcheuse disposition à mal parler. On leur re-
commandera d'employer avec lui les formes phoné-
tiques usuelles en rapport avec le génie de la langue
maternelle; si la bonne parle trop mal, il est pru-
dent de lui laisser l'enfant le moins longtemps pos-
sible en tâchant de rectifier dès lors tout ce qui
pourrait déjà faire naître quelipie inquiétude.
Malheureusement, ce n'est pas toujours seulement
aux gens de la maison qu'il faut adresser des repro-
ches ; les parents, soit qu'ils négligent Téducation
de l'enfant, soit qu'ils ignorent eux-mêmes la valeur
128 N. K. — CONSEILS ORTHOPHONIQUES.
et la nécessité (l\ine bonne élocution, sont parfois
les premiers coupables. — D'ailleurs, la nonchalance
qu'ils apportent clans leurs conversations, trouve éga-
lement un disciple fidèle dans l'enfant.
Et comment voudrait-on qu'il en fîit autrement?
Bons ou mauvais, le père et la mère sont nécessai-
rement ses premiers modèles, ses instituteurs natu-
rels. Par conséquent, les parents doivent avoir
une réelle prudence dans leur langage, en présence
des enfants, et en tout temps un certain soin dans
leur articulation syllabique. L'habitude qu'ils auront
contractée d'une prononciation ferme, précise et régu-
lière leur rendra la tâche plus facile quand ils auront
à réprimer les mauvaises inchnations de langage dans
leur jeune famille.
Mais combien y a-t-il de parents qui_, même le
désirant, soient capables de s'imposer à eux-mêmes
cette tâche?
Combien y en a-t-il qui, pouvant le faire, donnent
à une bonne phonation toute l'importance qu'elle
exige et comprennent la nécessité de cette partie
de l'éducation?
Les uns espèrent, lorsque le défaut d'articulation
n'est pas très sensible, que le temps fera disparaître
ces irrégularités de parole ; les autres, lorsque le défaut
réclame des soins assidus et des efforts constants,
CONSEILS PROPHYLACTIQUES. 129
sont rebutés de la lenteur des progrès ou de l'impos-
sibilité probable d'arriver à les supprimer: ainsi, soit
impuissance, soit négligence, soit découragement,
soit excès d'indulgence, l'enfant est délaissé et les
mauvaises habitudes vocales triomphent.
C'est rendre aux enfants le pire des services que de
fermer ainsi lesyeuxsur des imperfections qui doivent
tenir en éveil toute leur sollicitude. Lorsque l'âge sera
venu, que les défauts d'élocution se seront enracinés
dans l'organe vocal, il sera quelquefois trop tard pour
songer soi-même à les faire disparaître ; et alors, le
sacrifice réel que nécessiterait cette réformation
sera, pour plus d'une raison, une difficulté nouvelle
à surmonter.
Conseils aux instituteurs.
A défaut des parents, c'est à l'instituteur, au pré-
cepteur, au professeur qu'incombe le soin dont nous
parlons.
Éducateur de la jeunesse, ils ne sauraient alléguer
que cette tâche est en dehors de leurs attributions ;
ils n'ont pas, en effet, qu'à s'occuper du développe-
ment intellectuel et moral de leurs élèves. Tout ce
qui contribue à mettre en valeur les bienfaits de l'in-
i30 N. K. — CONSEILS ORTHOPHONIQUES.
slruction, appartient, dans une certaine mesure, aux
devoirs de leurs fonctions.
L'enseignement de Torthophonie rationnelle dans
l'éducation est des plus importants. Pourtant, nos
Écoles communales, nos Etablissements secondaires
d'instruction, nos lycées, sont remplis d'enfants igno-
rant entièrement ou à peu près tout ce qui touche à
cette question.
Pour mieux préciser et circonscrire les devoirs du
maitre, nous classons en trois catégories les enten-
dants-partants affectés d'un vice de la parole ou de
bégaiement :
1° Les entendants-parlants dont la prononciation
vicieuse est le simple résultat d'un manque d'éduca-
tion et d'attention [balbutiement enfantin dû à la né-
gligence du père ou de la mère) ;
2° Les entendants-parlants dont la paraphonie est
le résultat d'une légère imperfection de l'appareil
phonateur ouïe résultat de mauvaises habitudes voca-
les contractées dans l'enfance, que l'on corrige en ob-
servant certains procédés orthophoniques [bégaie-
ment imitatif, bredouillement, balbutiement essen-
tiel^ sifflement dentaire , nasillement, accents du
Nord ou du Midi) — [négligence des i?istituteiirs) ;
3° Les entendants-parlants dont les vices d'arti-
culation vocale sont le résultat d'une affection de na-
CONSEILS PROPHYLACTIQUES. j3l
lure nerveuse et qui sont modifiés par une éducation
personnelle donnée par le professeur d'orthophonie
[bégaiement et ses multiples variétés^ grasseyement
sijmptomatique et ses variétés^ blésité et ses variétés,
claudication linguale^ zézaiement, empâtement buc-
cal, lallation, jotacisme, accents des étrangers, vices
de parole congénitaux).
Pour les élèves appartenant à la première catégo-
rie, la tâche de l'instituteur est indiquée. La gram-
maire, que professeurs et instituteurs enseignent,
n'est-elle pas Vart de parler^ et d'écrire correcte-
ment? Or, par ce mot « parler » il faut entendre, à
coup sûr, non seulement la construction régulière de
la phrase, mais encore renonciation réguUère de cette
phrase. En visant ce but, les instituteurs ne feront
que se conformer au programme de l'instruction
qu'ils ont à donner.
Pourtant que d'instituteurs pour qui cette éduca-
tion de la voix est considérée comme un hors-
d'œuvre ! Que d'enfants, que de jeunes gens, même
dans les écoles universitaires, qui, à quinze ans, à dix-
huit ans, sont absolument incapables, non pas d'énon-
cer une phrase avec plus ou moins d'élégance, mais
d'articuler les mots avec netteté ! A quoi leur ser-
vent dans la conversation, les connaissances va-
i32 N. K. — COxNSEILS ORTHOPHONIQUES.
riées qu'ils ont acquises, s'ils ne peuvent les faire
valoir oralement par suite de défauts dans la pronon-
ciation? Qui les écoutera, qui s'entretiendra volontiers
avec eux, s'ils sont incapables de parler clairement?
Pourquoi donc négliger cette partie si essentielle
de l'éducation ?
Sans doute la famille^ le milieu où vit l'enfant,
voilà la première cause du mal; mais est-ce que pré-
cisément l'instituteur et le professeur ne sont pas là
pour suppléer à l'incapacité, à l'ignorance, à la né-
gligence de certaines familles? N'est-ce point leur
rôle de diriger le développement intégral des facultés
de l'enfant, « d'élever » enfin, dans l'acception en-
tière du mot?
C'est surtout dans les classes élémentaires qu'il
convient de veiller plus particulièrement à la diction.
Les élèves sont d'un âge encore tendre : leur organe
vocal possède encore une sorte de virginité qu'il faut
savoir utiliser.
Pour cela, que l'instituteur se trace quelques rè-
gles orthophoniques auxquelles il se soumettra avec
soin.
Les meilleurs conseils sont souvent inutiles lors-
qu'ils ne sont pas confirmés par l'exemple : que dans
tous les exercices à haute voix, il ne laisse rien passer
qui puisse faire croire un seul instant que son atten-
CONSEILS PROPHYLACTIQUES. 133
tien se ralentit; qu'il habitue l'écolier à parler posé-
ment^ en prenant toujours le ton naturel.
Qu'il évite avec soin ces leçons où l'élève, conser-
vant toujours le même registre vocal, semble ne point
comprendre le sens des paroles récitées. Il contracte
ainsi l'articulation monotone ou criarde connue sous
le nom de « ton écolier » .
Beaucoup d'enfants, soit dans les exercices de mé-
moire, soit dans les explications d'auteurs, escamo-
tent les syllabes, défigurent les mots, transposent
les consonnes, suppriment plusieurs lettres redou-
blées^ changent la valeur de certaines voyelles, traî-
nent sur les dernières syllabes des mots, intercalent
des syllabes nouvelles, répètent le même mot deux
ou trois fois pour se donner le temps de chercher les
mots suivants, débitent une phrase tantôt avec une
lenteur fatigante, tantôt avec une précipitation ridi-
cule ; ce sont là autant de mauvaises habitudes qu'il
faut enrayer dès qu'elles commencent à naître.
Bien plus, que l'instituteur suive la réformation
du langage jusque dans les causeries familières avec
ses élèves.
Des exercices particuliers pourraient être consacrés
plus spécialement dans le sens orthophonique; une
leçon d'histoire, la récapitulation hebdomadaire des
devoirs serviraient heureusement de thème à ces
134 N. K. — CONSEILS ORTHOPHONIQUES.
exercices et ne distrairaient point de l'emploi général
du temps.
La tâche sera longue, pénible parfois; le profes-
seur devra revenir sur les mêmes règles, adresser
fréquemment les mêmes remarques ; mais c'est là le
propre de tout enseignement.
Pour les élèves de la deuxième catégorie d'enten-
dants-parlants , on constate que l'instituteur, le
professeur ne font généralement rien qui puisse ar-
rêter le développement des vices de parole.
L'enfant qui est affecté d'une paraphonie, plus ou
moins prononcée, devient souvent, même sous les
yeux du maître, un jouet pour ses camarades, cepen-
dant il a droit à toute sa sollicitude.
Sur ce point que convient-il de faire?
L'instituteur doit acquérir la connaissance in-
dispensable des éléments de la physiologie de la
voix.
Cette étude physiologique facilite rintelligence du
mouvement orthophonique des sons articulés.
Par l'examen attentif de notre alphabet et par l'étude
de son mécanisme analytique, le professeur abordera
avec espoir de succès le redressement vocal de plu-
sieurs défauts de prononciation, de ceux surtout qui
ressemblent au balbutiement enfantin et qui , non
CONSEILS PROPHYLACTIQUES. 135
neutralisés à propos, se transforment bientôt en
vices d'articulation plus compliqués.
Lorsqu'il aura incité l'élève à l'examen du vice de
parole dont il est aflTecté et qu'il lui aura fait faire les
exercices prophylactiques nécessaires, si le résultat
n'est pas immédiatement appréciable, qu'importe?
— Un travail lent se fait chez l'enfant, son atten-
tion est éveillée et peu à peu les progrès deviendront
de plus en plus sensibles.
Pour les élèves du second classement, l'essentiel
est de leur bien déterminer au triple point de vue
labial, lingual et guttural, la nature des efforts pho-
nateurs auxquels ils doivent se livrer, de les encou-
rager dans les soins qu'ils prennent pour entrer dans
cette nouvelle étude; de les reprendre avec bienveil-
lance chaque fois que l'occasion s'en présentera, en
classe ou dans les récréations.
Quand l'enfant voit qu'on cherche non pas à le
tourner en dérision, mais à le conseiller en vue de
son intérêt, il ne s'y trompe pas, et, sensible à la sol-
licitude dont il se sent l'objet, il cherche bien vite à
s'en rendre digne.
Il est toutefois des affections idiopathiques et
symptomatiques de la parole qui ne peuvent être com-
battues que par un réel professeur d'orthophonie.
136 N. K. — CONSEILS ORTHOPHONIQUES.
Les élèves qui appartiennent à cette dernière ca-
tégorie malheureusement très nombreuse, ont be-
soin, plus que tous les autres, de toute Tindulgence
de leurs maîtres.
Plus un enfant se trouve isolé de ses camarades
par les difficultés orales qu'il éprouve à communi-
quer avec eux, par la honte et le dépit qu'il ressent
à cette occasion, plus on doit chercher à diminuer cet
isolement.
Tant que l'enfant paraîtra pouvoir profiter des
conseils et des indications qui lui seront donnés, le
maître se fera une obligation de l'aider à combattre
les tendances mauvaises de son articulation ; son but
sera plutôt d'empêcher une aggravation fâcheuse dans
son état.
Pour cela, prenant l'enfant à part, il s'efforcera
de l'habituer à se dominer phonétiquement au moyen
du Rijthme, moyen qui a pour effet de diminuer l'in-
tensité des mouvements choréiques ou tétaniques des
organes externes de l'appareil vocal. Voilà à peu
près tout ce que l'on peut, dans ce dernier cas, exi-
ger du maître.
Les instituteurs, les professeurs, les parents com-
prendront, nous osons l'espérer, toute l'importance
qu'ils doivent attacher à la bonne diction des enfants
CONSEILS PROPHYLACTIQUES. 137
et au redressement vocal des irrégularités de l'ar-
ticulation phonétique, redressement vocal dont ils
peuvent eux-mêmes dans certains cas tenter heureu-
sement l'essai. Leurs généreux efforts ne resteront
pas toujours infructueux.
Nous croyons utile de donner ici, d'après la défini-
tion de M. Martin Etcheverry, le sens précis des
mots : méthode et procédé.
La méthode. — Pour qu'un travail produise des
résultats sérieux, ces résultats doivent être prévus.
Pour qu'ils soient prévus, il faut : T que chacune
des opérations qui concourent à la production de ces
résultats, prépare l'opération qui la suit immédiate-
ment ; 2° que ces opérations soient la mise en œuvre
de combinaisons déduites de principes fixes ; 3° que
des règles précises développent ces combinaisons.
Une méthode est donc la disposition de matières
et de pensées propres à enseigner un art, une science,
138 N. K. — CONSEILS ORTHOPHONIQUES.
dans l'ordre le plus conforme à la raison et le plus
capable d'en faciliter l'étude.
Les procédés. — Les procédés ne sont pas la mé-
thode elle-même.
C'est de la méthode que les procédés tirent leur
origine ; ils en proviennent, ils procèdent d'elle.
Mais si la méthode n'existe pas, si des principes ne
sont pas établis pour l'enseignement d'un art, d'une
science ; si des combinaisons de mise en œuvre ne
sont pas formulées, si des développements de ces com-
binaisons ne tracent pas le chemin dans lequel l'é-
lève doit marcher, soit sous la conduite d'un maître,
soit sous l'action des seuls conseils de la doctrine,
affirmée par la raison et démontrée par l'expérience,
il s'ensuit que la voie n'est pas éclairée et que les
résultats du travail sont à la merci des inspirations
individuelles. — 11 n'y a pas de méthode alors, il n'y
a que des procédés, c'est-à-dire des moyens pratiques
très discutables.
NOTE L
DES PETITS TRAITÉS DE LECTURE
NOTE L
DES PETITS TRAITÉS DE LECTURE.
Le nombre de bons lecteurs est excessivement
restreint. On est donc obligé de convenir, que, dans
les petits traités de lecture à haute voix livrés à la
curiosité du public sur ce sujet, se trouvent des
lacunes importantes qui les empêchent de rendre
des services efficaces à l'éducation orale de la jeu-
nesse.
Il nous a été souvent demandé quelle pouvait être
l'utilité pratique des livres composés sur cette ma-
tière.
« Nous avons lu ces livres, nous dit-on générale-
« ment, et nous n'y avons point trouvé ce que nous
Ii2 N. L. — DES PETITS TRAITÉS DE LECTURE.
" y cherchions : une marche pédagogique. — Ce
« sont des anecdotes amusantes , des indications
" yagues sur ce qu'il y aurait à faire, des aperçus
« parfois ingénieux touchant quelques points par-
ce ticuliers, mais non une méthode fixe avec des
« procédés propres à assurer la connaissance réelle
« de la diction et la prononciation normale des lettres,
« des syllahes, des mots et des phrases. » —
A ces réflexions, nous faisons d'ordinaire la ré-
ponse suivante :
« Dans Tart de la lecture se trouve une partie
« essentiellement technique qui est du domaine de
«l'orthophonie élémentaire. Cette partie fondamen-
« taie qui consiste à 'pétrir et à façonner la voix est
« la hase même de la lecture à haute voix, et c'est
« elle précisément que les traités de lecture omettent
« d'indiquer ou de préciser dans les généralités peu
« substantielles qui composent ordinairement l'en-
« semble théorique de leurs chapitres. »...
(1)
Malheureusement ces traités sont non seulement
incomplets sur ces points essentiels, mais certaines
questions, telles que celles des vices de la parole et
(1) Puis nous donnons la marche à suivre telle qu'elle est indiquée
dans la note M : Personnalisme phonétique.
DES PETITS TRAITÉS DE LECTURE. 143
(lu bégaiement en particulier, y sont tranchées- avec
une imprudence regrettable.
C'est à ce propos que nous avons reçu la visite
de personnes bégayant ou parlant mal. Dernière-
ment, disait l'un d'eux, pour m'éclairer, j'ai par...
par. ..par.. .cou. ..cou. ..couru l'art de la lecture, ré-
. digé par M. Legouvé l'aimable eau. ..eau... l'aimable
eau.. .eau. ..causeur. »
N'ayant trouvé dans son traité aucune méthode ap-
préciable, ce bègue était venu nous voir, mais non
sans une certaine appréhension, car il avait remarqué
que, d'après le même auteur, le bégaiement ne pou-
vait être combattu par voie d enseignement.
Cependant, n'en déplaise au spirituel membre de
l'Académie française, nous avons entrepris au cours
d'orthophonie l'éducation vocale de ce bègue et,
après quelques mois d'études, notre élève se trouvait
en mesure de bien parler et de dire alors couram-
ment : « M. Legouvé, l'aimable causeur. »
Un cas analogue s'était déjà présenté avec un élève
de l'École normale supérieure, lequel a pu, grâce à
la méthode d'orthophonie du docteur Colombat, pour-
suivre avec succès sa carrière universitaire où il re-
doutait de rencontrer de sérieuses difficultés de
phonation pour la pratique de sa profession.
Ces souvenirs nous ont rendu quelque peu incré-
144 N. L. — DES PETITS TRAITÉS DE LECTURE.
dule à Tendroit des résultats pratiques obtenus par
ceux qui cherchent à faire leur éducation vocale
ou à combattre leur vice de parole au moyen des
traités de lecture et de récitation.
NOTE M
DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE
DANS LA DÉCLAMATION LYRIQUE OU DRAMATIQUE
ET DANS LA LECTURE A HAUTE VOIX
10
NOTE M
DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE DANS LA DÉ-
CLAMATION LYRIQUE OU DRAMATIQUE ET DANS
LA LECTURE A HAUTE VOIX.
Quels sont les moyens les plus propres à assurer
chez les artistes (déclamation ou chant) le libre épa-
nouissement de leurs aptitudes vocales et, par suite, à
permettre aux plus habiles de donner « une note per-
sonnelle » qui, en les élevant au-dessus de la foule,
leur assigne une place marquée dans l'histoire de
l'art?
Celte question ne sollicite pas seulement l'atten-
tion des artistes; elle intéresse, à un autre titre,
beaucoup de critiques et de bons esprits désireux
de voir la solution de certains problèmes d'esthétique
appliquée.
Poser la question dans ces termes, c'est essayer
d'y répondre.
148 N. M. — DU PERSOiNNALIS.ME PHONÉTIQUE.
Tout métier suppose un ouvrier, un instrument,
une matière première.
Il est logique de penser que, plus l'instrument sera
arrivé à un état relatif de perfectionnement, plus
l'ouvrier, lorsqu'il saura s'en servir, sera en mesure
de donner des produits approchant de la perfec-
tion. 11 est évident en outre que, plus la matière pre-
mière sur laquelle s'exerce l'ouvrier est douée de ses
qualités essentielles, plus l'œuvre produite offrira les
garanties de pureté, de goût, de solidité.
Transportons ici ce mode de raisonnement: dans
l'art de la déclamation lyrique ou dramatique, quel
est l'ouvrier? l'artiste; — l'instrument? l'appareil
vocal; — la matière première? la voix. — Or, avant
la véritable période de l'enseignement de la décla-
mation ou du chant, n'est-il pas évident que l'élève-
artiste doit étudier et connaître les rouages multiples
de son appareil vocal? n'est-il pas évident qu'il doit
faire de sa voix une matière première essentiellement
riche de toutes les qualités exigées pour produire une
bonne phonation et une bonne modulation?
L'enseignement technique de l'orthophonie (théorie
et pratique) forme dans son exposé comme dans
l'ensemble sériel de ses leçons la préparation natu-
relle à l'exercice du grand art. Bien compris et bien
appliqué par les élèves-artistes, il devient pour les
DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE. 149
professeurs spéciaux un puissant auxiliaire dès qu'il
s'agit de mettre en pratique leurs règles et leurs
conseils (I).
L'utilité, la nécessité des études orthophoniques,
au point de vue technique et préparatoire, n'est pas
également comprise par tous.
Pour mieux en saisir la valeur, voyons comment on
procède généralement.
Parmi les professeurs de déclamation, par exemple,
les uns s'en tiennent exclusivement aux résultats
obtenus par des artistes antérieurs et d'après ces
souvenirs enseignent la déclamation au moyen
d'un système particulier de signes graphiques ou
d'annotations uniformes indiquant le degré de
flexions à faire dans l'art dramatique, la lecture, le
débit oratoire.
(1) Nous ne craignons pas de dire que l'orthophonie techni-
que est, notamment dans le chant, un auxiliaire indispensable.
Par elle, le chanteur peut, tout en développant sa voix, assurer,
entre les centres cérébraux d'audition, de volonté et d'articulation,
cette concordance qui est nécessaire pour l'émission correcte du
son modulé, la pose normale de la voix et l'articulation grammati-
cale des mots de la langue nationale. L'appareil articulateùr et
vocalisateur se prête d'autant mieux aux leçons du professeur de
chant que l'élève a reçu plus longtemps l'éducation orthopho-
nique préparatoire, qu'il a étudié plus à fond le mécanisme rationnel
des lettres, qu'il possède mieux enfin la connaissance, la produc-
tion, la valeur et la pose physiologique du son vocal.
iûO N. M. — DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE.
Que peut produire un tel mode d'enseignement?
peu de chose
Il existe, pour la musique, entre chaque note, un
intervalle précis, mathématiquement déterminé qui
peut se chiffrer sur le papier et se traduire à l'aide
de n'importe quel instrument de musique ; mais il
n'en est pas de même dans les flexions et les into-
nations qui accompagnent la diction; — ici, les in-
tervalles précis et déterminables n'existent pas ; dans
la même phrase, souvent dans le même mot, les in-
tonations se succèdent par gradation lente et liées
entre elles par d'imperceptibles nuances d'une flexi-
bilité telle qu'elles varient selon la volonté, la voix,
le timbre, la passion individuelle de celui qui parle;
— il est donc impossible de transmettre utilement,
par le moyen de sigiies des intonations, le secret des
véritables flexions de la parole dans l'art de la diction
au théâtre, à la tribune, dans les salons.
D'autres professeurs et cest le plus grand nombre
trouvent plus naturel de ne s'adresser qu'à la mémoire
auriculaire de l'élève en lui répétant le répertoire
d'un acteur ou de donner leur propre débit comme le
modèle exclusif auquel il doit conformer sa diction,
son rythme phonique et son style esthétique. Ils lisent,
déclamentou chantent telle phrase; ils séduisent leurs
auditeurs; puis,, de temps en temps, ils font répéter ce
DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE. loi
même passage par un, par deux élèves, les obligeant
à rendre les mêmes intonations, les mêmes nuances
phonétiques dans les mêmes mots, les reprenant,
quand ils y manquent, bref se bornent à exiger la
réédition exacte et conforme de leur phonation per-
sonnelle.
Cette méthode est-elle au point de vue artistique
supérieure à l'autre? et est-elle de nature à provoquer
l'essor de nouveaux talents?
Nous ne le pensons pas également.
Nous affirmons au contraire qu'elle aurait pour
résultat, si elle était continuée, de faire déchoir l'art
de degré en degré jusqu'au plus parfait imniobi-
bilisme.
Elle semble, en effet, assimiler l'élève-artiste à un
véritable automate.
Certes nous sommes loin de contester la valeur
scénique de ceux qui consacrent la maturité de leur
talent à former des élèves qui soient auprès des géné-
rations futures comme l'écho subsistant de leurs pré-
décesseurs. Mais nous blâmons ce mode didactique,
nous le trouvons incomplet, et contraire à l'initia-
tive esthétique.
Comment donc faudrait-il procéder? Quant à
nous, voici pour cette matière la marche pédago-
gique à suivre.
i52 N. M. — DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE.
Pour rendre scientifiquement par la voix les mul-
tiples effets des passions les plus diverses, il faut
étudier la voix de l'homme sous cinq rapports ,
savoir :
Son générateur,
— articulé,
— lyrique,
— dramatique,
— esthétique.
Cette classification indique l'ordre et la progression
ascendante des sons à étudier pour entrer en pleine
possession du grand art vocal.
Quand, d'abord on veut rendre normalement le
son générateur et le son articulé, il faut, d'une
part:
L'habitude des gymnastiques phoniques et phoné-
tiques comprenant tour à tour et tout à la fois les
gymnastiques buccale, labiale, linguale^ gutturale,
glottale, laryngienne et pectorale.
Cette première instruction se fait en suivant les
manœuvres physiologiques indiquées dans la méthode
d'orthophonie technique.
Elle produit :
1° La science de Y alimentation aérophonique
(inspiration et expiration);
2" La sûreté de l'appareil vocal au point de vue
DU PERSOiNNALISME PHONÉTIQUE. 153
glottal et articulatoire (émission du son et production
normale des lettres) ;
3° La précision mathématique des sons de la
langue nationale (syntaxe syllabique des mots et
phrases).
Quand, ensuite, on veut rendre normalement le
son lyrique et le son dramatique il faut, d'autre part,
outre les enseignements spéciaux :
1° L'étude du son esthétique (couleur et chaleur
des sons);
2° L'étude psychologique des mouvements pas-
sionnels et, selon les caractères des personnages
et le tempérament du diseur, leur concordance avec
les nuances et les commas du son esthétique ;
3° Enfin, l'analyse httéraire des morceaux à lire,
à dire ou à chanter avec l'étude des repos épipho-
niques qui mettent en valeur tel mot, telle phrase, tel
membre de phrase (interprétation orale et spéciale du
génie littéraire des écrivains).
On le voit, l'étude du son générateur et l'étude du
son articulé fort l'objet des gymnastiques phonique
ou sons glottaux, phonétique ou sons articulateurs,
orthophonique primaire ou sons liés entre eux méca-
niquement par la tension vocale.
L'étude du son lyrique est l'objet de méthodes
sui generis et regarde les professeurs de chant ; —
154 N. M. — DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE.
L'étude du son dramatique est également l'objet
de méthodes sui generis et regarde les professeurs
de déclamation.
Toutefois ces deux études du son lyrique et du son
dramatique sont d'autant plus complètes que l'élève
a mieux étudié le jeu des sons générateurs et le mé-
canisme des sons articulés .
Comme complément et comme couronnement de
l'éducation lyrique ou dramatique doit avoir lieu
l'étude du son esthétique qui forme seule les indivi-
dualités scéniques et procure à l'art théâtral de réels
artistes.
Qu'est-ce à proprement parler que le son esthé-
tique ?
Le son esthétique est cette combinaison des in-
tonations et des flexions du son^ les plus propres à
faire passer dans l'esprit de l'auditeur l'impression
sentimentale, passionnelle, contenue dans tel mot,
telle phrase, telle série de paroles ; en deux mots, c'est
la couleur et la chaleur du son.
Cette connaissance du son esthétique nécessite une
étude attentive des moyens personnels qui permettent
de rendre exactement les nombreuses nuances carac-
térisant les sentiments les plus opposés comme aussi
les sentiments rapprochés ou mélangés.
L'étude intrinsèque du son esthétique se poursuit,
DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE. to3
se complète et s'achève par la comparaison des sons
naturels pathologiques, par les manœuvres mêmes
de ces sons, l'observation psychique des passions et
des sentiments, l'analyse des morceaux que l'on
doit lire, déclamer, dire ou chanter, enfin et à ce
moment seulement de l'éducation artistique, j^ar le
souvenir et l'appréciation bien entendue des inter-
prétations ducs aux modèles de l'art.
Pour cette dernière étude voici quel doit être son
mode de développement.
Faire étudier in se, les diverses flexions, intona-
tions, modulations conformes aux mouvements des
diverses passions avec un certain nombre d'exemples
à l'appui; et avant même de donner les flexions ou les
intonations de tel morceau, étudier avec l'élève les
pensées^ le sens exact du morceau que l'on doit dire;
— en analyser attentivement les principales idées,
— s'assimiler l'intention de l'auteur; — s'en entre-
tenir avec l'élève; — lui demander comment il
entend tel passage et le lui faire interpréter avant
tout d'après ses propres conceptions.
De tels exercices non seulement développent
chez l'élève l'esprit d'attention esthétique et d'ana-
lyse vocale, mais surtout lui font sentir et bien
constater l'analogie exacte ou la différence qui existe
entre les pensées de l'auteur et sa bonne ou mau-
156 K. M. — DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE,
vaise diction. — Dès lors, la déclamation dramatique
ou l'articulation esthétique du chant de l'artiste,
au lieu de reposer seulement sur des réminiscences
auriculaires, reposent sur des réminiscences psycho-
logiques attentivement analysées et sur ce que nous
appelons les analogies psycho-pho7iétiques.
La tâche principale du professeur consiste donc à
faire chez l'élève-arliste Véducation de Vesprit,
après avoir fait \ éducation technique de la voix qui
prépare et achève \ éducation esthétique de r oreille ;
et cela sans fatigue pour l'artiste, car il approprie
alors rapidement à son tempérament la corrélation
qui existe entre les sentiments, les passions et les
sons suprêmes qui leur conviennent (1).
Cette éducation tricycle marchcmt i^tarallèlement
avec r orthophonie spéciale crée comme conséquence
le personnalisme phonétique.
De même que différents peintres traitant un
(1) Ace sujet, nous pouvons regretter qu'aujourd'hui on ne trouve
plus, même chez nos meilleurs acteurs, le souci de l'interprétation
délicate des chefs-d'œuvre de la tragédie.
Pour vouloir trop dramatiser, on a négligé l'art de bien dire, des
repos intentionnels, des silences. Il semble que l'on ait hâte d'a-
chever ses tirades ; les finesses du style, qu'on faisait trop sentir jadis,
ne se laissent plus assez voir maintenant ; on oublie volontiers que la
tragédie française est surtout un plaisir de dilettantisme littéraire
et que négliger l'interprétation élevée de cette langue admirable et
pure comme un marbre antique, c'est supprimer, par cela môme,
tout l'intérêt du théâtre classijque qui réside eâseutiellement dans
sa langue.
DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE. Vol
même sujet, lui donneront chacun, tout en se con-
formant à leur modèle, une note personnelle, une
tonalité à part qui est la marque spécifique de leur
talent et de leur façon de voir ; de même chaque
artiste dramatique ou lyrique peut interpréter un
morceau d'une manière exactement expressive et
conforme à l'intention de l'auteur, en lui donnant
toutefois un cachet individuel variant selon sa nature
morale et son tempérament physique.
Il est évident que si l'on retrouve toujours dans
un débutant l'écho et la copie servile d'un artiste
connu, le public pourra peut-être lui savoir quel-
que gré d'avoir profité si habilement de l'instruction
donnée, maisbientôtil selassera de cette servilité (1).
Nous ne pouvons mieux faire que de citer sur ce
point ce que disait le célèbre Garrick.
« L'acteur qui ne sent rien, voulant emprunter la
(1) Il nous souvient, à ce propos, d'avoir vu un jour se produire,
sur une de nos scènes de genre, cette spirituelle critique de l'ensei-
gnement donné dans certaines classes de déclamation, enseigne-
ment exclusivement traditionaliste , contre lequel nous nous
élevons : — Quatre jeunes filles vêtues identiquement de la même
façon apparurent sur la scène; elles débitaient simultanément,
chacune de leur côté et sans paraître soupçonner la présence de
leur voisine, le même morceau, très émouvant, d'une de nos tra-
gédies classiques ; c'étaient exactement les mêmes expressions de
physionomie, les mêmes gestes, les mêmes intonations, les mêmes
pauses, les mêmes attitudes. Le public n'y put tenir et un immense
éclat de rire accueillit cette fantaisie de l'auteur, qui avait voulu
ridiculiser ainsi renseignement mécanique des choses de l'art.
158 N. M. — DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE.
« sensibilité d'un autre, tâche en vain de l'imiter ; il
« se tourmente, il s'épuise, il étouffe le comédien;
« pour donner de la vie au personnage, il contrefait
« l'action, la voix, le débit et le geste; il croit déro-
« ber le feu céleste, il n'en est que le froid parodiste. . .
« au lieu qu'un seul trait passionné, rendu d'après
« nature, nous enlève, nous met à la place du poète,
« de l'acteur et du personnage ; l'art méprisable
« d'imiter au théâtre , n'est pour l'acteur que le
<( malheureux talent de copier une copie. Celle-ci a
« pu être parfaite, si la nature a pu être son premier
« modèle ; l'autre, toujours incertaine et obscure,
« n'offre que des traits affaiblis ou défigurés qui , même
« en approchant le plus de ce second original, ren-
« dent encore l'affectation plus sensible. »
Rappelons d'ailleurs que la véritable imitation, ce
qu'on appelle l'imitation des grands modèles, ne con-
siste pas à copier humblement les intonations de leur
voix, leurs attitudes, la forme caractéristique de leurs
gestes et à s'approprier sans contrôle tout ce qui est
en eux pour avoir la vanité de leur ressembler ; mais
qu'elle consiste à étudier leurs résultats dramatiques
pour s'en inspirer, à saisir en eux ce qui est bien, ce
qui est beau pour l'adapter à ses propres moyens ;
c'est dans ce sens-là seulement que l'élève-artiste
doit rechercher et accepter l'imitation.
DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE. 1j9
De cette façon, l'artiste habitué à prendre conseil de
ses études personnelles trouvera la mesure exacte et,
en quelque sorte, adéquate des intonations ortho-
phoniques : par là, il évitera les intonations qui
n'expriment rien et qui sont le résultat de l'ignorance
et de l'insensibilité dramatique ; celles qui exprimeiit
à faux et qui sont inspirées par le mauvais goût
ou un manque d'instruction ; celles qui expriment
trop et qui sont le fruit d'une sensibilité trop vive,
de l'envie immodérée de flatter le public, d'une
imagination trop ardente, ou d'un amour-propre
ridicule et déréglé; enfin, celles qui expriment dys-
phoniquement et qui proviennent de quelque vice de
parole.
Terminons en rappelant, malgré l'avis de plusieurs,
que les connaissances grammaticales, littéraires et
psychologiques, sont indispensables pour développer
l'intelligence des acteurs et les amener à ce qu'on
nomme le grand art. Elles seules prédisposent les
artistes à la justesse et à la vérité des intonations
psycho-phonétiques qui donnent à la maturité de leur
talent, un caractère personnel et sincèrement ori-
ginal.
Sans doute ces connaissances ne sauraient donner
du talent à ceux qui en sont dépourvus ; mais qui-
conque est doué d'aptitudes vocales dramatiques ou
^60 N. M. — DU PERSONNALISME PHONÉTIQUE.
lyriques est assuré, grâce à elles, de conquérir le
suffrage des délicats et d'être véritablement goûté
du public.
APPENDICE DE LA XOTE M
ou RYTHME EUPHOMQU:^ DANS LA VOIX CHANTÉE
il
APPENDICE
Un des exercices esthétiques qui doivent le mieux
favoriser l'évolution externe de la voix chantée est le
travail que nous désignons sous la formule générale
de : Etîide du rythme euphonique.
Toutes les langues, et la langue française comme les
autres, sont soumises à certaines lois phonétiques
qui classent les syllabes d'un mot en syllabes fortes
et en syllabes faibles.
Dans les mots simples, la syllabe forte est la syllabe
racine qui donne au mot sa valeur générique de
sens ; les syllabes faibles sont celles qui entrent dans
la contexture du mot pour indiquer sa fonction dans
le discours avec l'indication des diverses nuances de
temps, de mode, de personne, de genre, de nom-
bre, etc., selon la nature même du mot.
104 APPENDICE DE LA NOTE M.
Dans le mot composé, plusieurs syllabes fortes
peuvent se trouver réunies, indiquant ainsi la multi-
ple origine du mot ; dans les mots simples, plusieurs
syllabes faibles peuvent se rencontrer et de fait se
rencontrent fréquemment selon les diverses idées qui
se trouvent en quelque sorte agglutinées autour de l.i
même racine pour indiquer le rôle du mot comme aussi
les diverses nuances de sens.
Ce premier classement est dû surtout à l'origine
phonétique; les connaissances philologiques permet-
tent de le déterminer d'une façon certaine ; mais il
existe un second classement dîi simplement à la dif-
férence phonique de la vo^ielle d'appui.
Sont considérés comme sons pleins et forts toutes
les voyelles ayant dans leur centre d'émission un des
sons voyelles a, e, i, o, u, ou, au, in, un, on, etc.
Sont considérés comme so?is faibles ei ferme's, toutes
les syllabes où le son de Ve muet domine.
Lorsque le mot se termine par un son plein on dit
qu'il a une terminaison masculi?ie ; quand il est
terminé par le son de Ve muet, on dit qu'il a une termi-
naison féminine.
De là, au point de vue de la prosodie française, la
grande division en rimes mascuhnes et rimes fe'mi-
nijies; tous les mots dont la dernière syllabe accuse
la présence de l'e muet, quelle que soit d'ailleurs
DU RYTHME EUPHONIQUE DANS LA VOIX CHANTEE. l(3o
Vorthographe de cette syllabe, sont des rimes fémini-
nes : mère;, fdle, iiie, aiment, etc., etc. Les antres
apparlie::ncnt aux rimes masculines.
Or, dans la musique, cette distinction se trouve
également entre les sons pleins on forts et les sons
faibles ; ils sont déterminés par la mesure du morceau.
Cette série de sons forts et de sons faibles rpii est
précisément la caractéristique d'une mélodie doit,
autant que possible, être en harmonie, quand il y a
des paroles, avec les syllabes fortes et faibles du
mot; il importe donc qu'il y ait euphoniquement rela-
tion et jonction exacte du rythme musical non seule-
ment avec le sens grammatical de la phrase, mais
encore avec la valeur phonétique de chaque syllabe.
C'est au compositeur de musique à se conl'ormer à
cette règle.
Ceci dit, pour développer chez l'artiste qui se con-
sacre à rétude du chant la connaissance du rythme
euphonique, on comprendra qu'il est nécessaire pour
lui de se livrer à des exercices spéciaux sur cette
{)artie de l'interprétation musicale par la voix
chantée.
On devra par conséquent, pour l'habituer à saisir
nettement cette union de la musique et des paroles
dans les sons forts et les sons faibles, faire un choix
particulier de morceaux où cette règle a été soigneu-
166 APPENDICE DE LA NOTE M. .
sèment observée et offre ces caractères d'accord
musical, grammatical et verbal.
Cette étude spéciale de VEuphonie est indispen-
sable pour obtenir des élèves-artistes lyriques une
modulation complète et vraiment harmonique de leur
art; elle fait partie de l'enseignement préparatoire de
l'orthophonie esthétique.
NOTE N
DE LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS
(dédiée aux professeurs d'orthophonie)
NOTE N
DE LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS.
DEDIEE AUX PROFESSEURS D 0RTH0P1I0^'IE
Dans un premier travail que nous avons publié
en 1872 et eu 1874, sur l'enseignement de l'arlieula-
tion à donner aux élèves sourds-muets, comme com-
plément désirable de leur éducation^ nous avons
avancé qu'il y aurait utilité pour ceux d'entre eux qui
s'adonneraient à la pratique de l'articulation d'être
mis en contact avec les élèves d'un cours d'ortho-
phonie, c'est à-dire avec des entendants-parlants.
Nous croyons devoir revenir aujourd'hui sur cette
idée et faire ressortir ici, en rééditant avec de cer-
taines modifications (1), les raisons qui autorisent ce
rapprochement entre deux groupes de jeunes gens
si diversement privés du libre usage de la parole.
(1) L'opuscule : De la sociabilité des sourds-muets, a paru chez
Asselin, éditeur.
170 N. N. — DE LA SOCIABILITE DES SOURDS-MUETS.
Développer les moyens de communication entre
les sourds-muets et les entendants -parlants, tel est
le véritable but à envisager dans l'enseignement de
Tarticulation. Ce but, on peut l'atteindre tout à la fois
par la lecture, improprement nommée lecture sur les
lèvres (1) et par Tarticulation, qui sont les deux
parties constituantes de l'enseignement de l'articu-
lation.
Pour ne pas rester une étude stérile et sans utilité
ultérieure, la phonographo7nétne doit êlre, dans la
pratique, soumise autant que possible à des essais
multiples comme à des épreuves successives qui
n'existent pas si les sourds-muets restent toujours iso-
lément en présence de leur seul professeur.
Nous avons classé en trois catégories les enfants
sourds-muets.
Dans la première catégorie, sont réunis tous les
sourds-muets Aphones. Ces sourds-muets laissent,
il est vrai, de temps en temps, échapper des sons-
cris, mais puisqu'ils ne sont point susceptibles de
profiter, même à un faible degré, de l'enseignement
de l'articulation, ils doivent être considérés comme
absolument privés de la parole et, par conséquent,
désignés sous ce nom.
Dans la seconde et dans la troisième catégorie,
(1) Voir note B, page 25.
N. N. — DE LA. SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS. 171
sont classés les sourds-muels Tictophones et Am?iis-
tophones qui émettent des sons-valeurs et dont la
surdi-mutité congéniale ou accidentelle remonte aux
premières années de la vie, et chez qui la perte de
l'ouïe n'a pas entraîné la perte complète de la faculté
d'articuler les lettres, les syllabes et les mots.
Ces deux classes comprennent également un nom-
bre assez considérable de sujets, pour qui les facultés
intellectuelles sont inégalement réparties. Les plus
intelligents seulement trouveront un profit appré-
ciable dans l'étude de l'articulation ; c'est à ces élèves,
progressivement préparés^ que nous croyons utile
de donner comme moniteurs les élèves d'un cours
d'orthophonie.
Ce commerce, tout à la fois social et en quelque
sorte pédagogique, profitera doublement à cette élite
de sourds demi-muets.
En effet, les applications méthodiques des principes
de redressement vocal exigent, de la part de ceux qui
s'y livrent, une précision mécanique dont la vue seule
exercera sur les élèves sourds-muets la plus salutaire
influence. Ces derniers apprécieront par les yeux la
nécessité, la portée de nos laborieux exercices, et,
poussés par le désir secret d'imiter les mouvements
qu'ils verront faire, contracteront, presque à leur
insu, l'habitude de ces mouvements.
\~2 N. N. — DE LA SOCIABILITE DES SOURDS-.MUETS.
Un exemple pris dans nn autre ordre d'idées
pourra mieux faire comprendre révidence de notre
théorème.
Essayez de faire manœuvrer militairement un
jeune homme nouvellehient appelé sous les drapeaux ;
— s'il est seul, vous rencontrerez les plus grandes
difficultés; — mettez-le au milieu de ses camarades,
il prendra instinctivement le pas et l'allure militai-
res ; il suhira par la vue l'intluence du milieu et sera
emporté dans le mouvement général, comme électrisé
par une force magnétique. Cette influence n'est point
ignorée des officiers instructeurs ; dès que les jeunes
soldats ont été initiés aux premiers éléments del'é-
ducation militaire et qu'ils ont une idée suffisante
des manœuvres, ils sont répartis çà et là parmi de
vieux sdldats, leurs aînés^, au miheu desquels ils ont
bien ^ite acquis l'exactitude, la précision, la ponctua-
lité qui leur manquaient.
Il en est de même dans bon nombre d'autres cas ;
tout ce qui est mouvement se communique rapide-
ment aux êtres organisés ; que nous ayons conscience
du rythme par l'oreille ou par le regard, peu importe ;
notre esprit cède à la secousse qui lui est donnée et
s'identifie subjectivement aux mouvements extérieurs
qu'il perçoit. Ce rythme, visible et facile à constater
quand il se produit dans les bras ou dans les jambes,
N. N. — Dh; LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS. 173
n'est pas moins sensible quand il se manifeste dans
d'autres organes ; et lorsque l'intérêt personnel se
trouvera en cause, il excitera lui-même à l'imitation.
Cette sympathie de mouvements, cette concor-
dance de l'esprit avec le milieu qui l'entoure sem-
blant inhérente à notre nature , doit évidemment
se retrouver à un degré digne d'attention chez les
enfants sourds-muets. — Il nous parait hors de doute
que, mis en présence, non 'plus seulement du pro-
fesseur, mais d'un certain nombre de personnes ins-
truites phonétiquement, les sourds-muets n'éprouvent
un intérêt particulier et ne sentent décupler en eux
tout à la fois le désir de la parole articulée et l'assi-
duité nécessaire pour arriver à la posséder.
Malgaigne écrivait : « Prenez des sourds demi-
muets^ mettez-les avec des sourds-muets près de qui
ils ne voient que des signes et vous en ferez de par-
faits sourds-muets. « Nous dirons, nous, avec non
moins de vérité, en retournant la proposition du cé-
lèbre professeur : Mettez des sourds, demi-muets,
avec des parlants près de qui ils verront arliculer,
et vous en ferez à la longue des sourds-parlants tou-
jours compréhensibles.
Mais, objectera-t-on, le professeur ne suffit-il pas
pour opérer, lui, cette transformation souhaitée, et
le cours d'articulation n'est-il pas précisément créé
m N. N. — DE LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS.
en vue de l'obtenir? — Sans cloute, le but du cours
d'articulation est précisément d'obtenir, chez certains
sourds-muets^ le fonctionnement possible des divers
organes de l'appareil vocal ; et les gymnastiques de
phonation dont nous avons parlé (1) sont des exer-
cices préparatoires d'une excellence et d'une efficacité
indiscutables; mais est-ce que la valeur de la mé-
thode d'enseignement sera en quoi que ce soit amoin-
drie parce que le professeur, jugeant que tel exercice
nouveau, telle classe commune doit être utile, vou-
dra tirer parti de cette force nouvelle? Certes, non ;
c'est au contraire un devoir impérieux pour lui de
préparer, de hâter la solution de son enseignement
par tous les moyens pratiques dont il peut disposer.
Un spécialiste, en effet, l'a dit avec raison : le tra-
vail du professeur d'articulation enseignée aux sourds-
muets est un travail de manœuvre. — Il exige une
dépense considérable de forces physiques et, quelles
que soient d'ailleurs les aptitudes du professeur, il est
souvent obligé, par suite de la lassitude qu'entraîne
cet enseignement, de modérer ses eflorts. Au cours
d'orthophonie, l'enseignement de l'articulation trou-
vera des moniteurs-auxihaires instruits spécialement
{{] Méthode rationnelle d'articulation ù l'usage des J7istitutions de
Sourds-muets (École française}. Méthode présentée h l'Académie de
médtcine. — Asselin, libraire-éditeur.
N. iN. — DE LA SOCIABILIIE DES SOURDS-MUETS. 175
parmi les élèves du cours qui successivement, après le
maître, articuleront, automatiquement et phonogra-
p}iométriqueme7it,\QS syllabes et les mots en présence
des sourds demi-muets et, par suite, favoriseront
normalement le développement des facultés vocales
soit des tictophones soit des amnistophones.
Qu'on les mette avec des parlants, sans vice de pa-
role, volontiers, ajoutera-t-on; mais vous voulez
mettre les sourds-muets en relation avec des person-
nes affectées d'une infirmité vocale et vous préten-
dez que ceux-ci seront des modèles suffisants pour
ceux-là? Ne suffit-il pas d'élever une telle objection
pour détruire votre thèse?
On peut accepter cette objection , tout d'abord
quelque peu spécieuse. Il semble en effet assez bi-
zarre qu'on songe à donner, comme moniteurs, des
élèves qui viennent à un cours d'orlbophonie pour se
débarrasser ou bien du bégaiement, ou bien d'un
vice de la parole.
EIi bien! cependant, oui, nous prétendons, nous
affirmons que ces élèves seront des moniteurs suf-
fisants et excellents.
Et voici pourquoi :
La méthode de redressement vocal repose essentiel-
lement sur des principes d'articulations rythmées ;
ITG N. N. — DE LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS.
elle nécessite une série d'efforts proportionnés, mé-
thodiques, permettant au sujet de rentrer graduelle-
ment en pleine possession des organes de l'appareil
phonateur.
Les bègues qui -se soumettent à l'enseignement
orthophonique sont donc obligés pendant le début de
leurs études de s'observer en parlant^ de s'étudier à
prononcer avec «emboîtement», de forcer, d'exagé-
rer même la ^wononciadon, démontrer enfin d'une
manière ostensible et très facile à constater les efforts
spéciaux faits pour activer le jeu du mécanisme de la
prononciation et de l'émission du son, dans chacun
de leurs plus minutieux détails.
C'est précisément cette obligation d'articuler les
lettres, les syllabes, les mots, les phrases d'une ma-
nière scrupuleusement dessiîiée et sous la condition
d'efforts mécaniques visibles, qui sera avantageuse
aux sourds demi-muets (1).
L'entendant-parlant qui n'a aucun vice de parole
n'est pas habitué à analyser, à décomposer les sons,
à observer les conditions nécessaires à leur produc-
tion normale; il parle par habitude et, à le voir
parler, on ne peut tout d'abord se rendre un compte
exact et raisonné du jeu des organes vocaux. Pour
(1) Ce travail sera égilemeat très précieux pour l'élève bègue car
il l'habituera de plus en plus à Veffurt vocal.
N. N. — DE LA SOCIABILITE DES SOURDS-MUETS. 177
nous qui avons l'ouïe, l'oreille supplée à l'insuffisance
de l'attention oculaire, mais pour le sourd-muet il
faut que l'organe de la vue, qui joue le rôle d'unique
observateur de la façou d'émeltre le son, trouve une
satisfaction complète.
Le tableau d'une personne parlant forcément avec
lenteur, obligée de s'étudier, de s'écouter, de se con-
trôler, de faire volontairement et dans son intérêt des
efforts méthodiques, réfléchis, donnera cette satisfac-
tion au sourd- muet.
Cette mutualité, déjà utile pour l'articulation es-
sentielle, est indispensable pour développer chez eux
V habitude de la lecture plionorjraphoinétrique .
Les sourds-muets, mis à même d'articuler, dans
une mesure suffisante, les mots de la langue natio-
nale, suppléent à la surdité ou demi-surdité congé-
niale ou accidentelle de leur organe auditif, en com-
plétant par la vue les paroles de leur interlocu-
teur dont la totalité ou une notable partie échappe
à leur oreille. Cette faculté est le merveilleux
résultat de l'intuition qui chez les sourds-muets
se concentre presque tout entière dans le regard.
Le professeur dirigera cette aptitude si précieuse,
si féconde en résultats pratiques pour les sourds-
muets, il la guidera, la développera d'une manière
normale et méthodique ; mais peut-il et doit-il le
12
178 N. N. — DE LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS.
faire seul? Nous n'hésitons pas à répondre : Dans
Tinlérêt des sourds-muets, non.
Pour que la phonographométrie soit une étude
sérieusement utile, pour que cette éducation complé-
mentaire soit donnée d'une manière fructueuse, il im-
porte qu'elle soit faite avec le concours d'entendants-
parlants : ici ce n'est plus la fatigue du professeur qu'il
faut envisager : d'autres considérations entrent en jeu.
Par cela même que la lecture spéciale a pour
but d'habituer les sourds-muets à traduire par la
vue les paroles qu'ils n'entendent point prononcer,
il est de toute évidence que, pour arriver à traduire
ainsi le langage des différentes personnes avec les-
quelles ils seront plus tard appelés à vivre, ils doi-
vent, sous la direction de leur professeur, être mis
en contact avec le plus grand nombre possible d'en-
tendants-parlants.
La lecture sur les lèvres, la langue, la gorge et
le jeu du carlillnge tyréoïde du professeur sera, pour les
sourds-muets, le premier exercice sans conteste ; mais
est-ce que, au bout d'un certain temps, alors qu'ils se se-
ront familiarisés avec la manière même du professeur,
il n'en résultera pas pour eux une seule habitude exclu-
sive de lecture sur les mêmes organes? Et qui peut
affirmer que par suite de cette routine ils auront la
même faciUté pour lire sur les organes vocaux d'au-
N. N. — DE LA SOCIABILITE DES SOURDS-MUETS. 179
1res personnes? Où seront le contrôle et la certi-
tude de l'habileté qu'on prétend développer en
eux ?
Les exemples sont là, dit-on, qui prouvent cette
habileté chez un certain nombre de sourds-muets ;
on les a mis en présence de leurs professeurs ; le
professeur a parlé et aussitôt les élèves ont reproduit
les paroles du maître, paroles qu'ils avaient lues,
pensait-on, phonographométriquement.
Est-il nécessaire de discuter la vanité d'une pa-
reille démonstration ? N'y a-t-il pas grande appa-
rence que le plus souvent les questions posées aux
élèves, se reproduisant toujours dans le même ordre,
sont, en quelque sorte, connues à l'avance, et que,
pour les reproduire et pour y répondre, l'élève a
besoin de faire appel non à son habileté dans la
lecture spéciale, mais simplement à sa mémoire de
quelques jeux physiognomoniques de la bouche ?
C'est, en effet, là, d'autres le savent bien, ce qui s'est
produit maintes fois, et c'est ainsi que peut-être on
a pu surprendre la religion d'hommes considérables
cherchant à se rendre compte des résultats pratiques
que pouvait produire cette branche de l'enseigne-
ment. On prétendait avoir exercé les élèves à la
phonographométrie, parce qu'on leur avait donné
une mimique labiale de convention remplaçant celle
180 N. N. — DE LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS.
des gestes, et parce que, à l'aide de cette mimique,
l'élève se remémorait certaines petites phrases con-
nues, phrases qu'il ne pouvait se remémorer qu'en
voyant le jeu labial et physionomique de son maître.
— Mais, en admettant même que le sourd-muet ne
connut point à l'avance les questions qui lui sont
posées, ne demeure-t-il pas moins vrai que l'ensei-
gnement, que la direction du professeur doit s'exercer
sur des paroles prononcées par des tiers, se renou-
velant et se succédant fréquemment^ de façon à fami-
liariser les sourds-muets avec le roulement phono-
graphométrique des diverses articulations de la
langue nationale ?
Mis tour à tour en présence de personnes différen-
tes, leur œil saisira mieux, par la suite, le caractère
général de l'articulation naturelle.
Nous n'hésitons donc pas à l'affirmer : dès que les
sourds-muets ont été mis à même d'articuler, dès
que leur sens particulier de la lecture spéciale a
été éduqué chez eux méthodiquement, la sollicitude
de leur maitre doit tout entière être dirigée sur ce
point : les mettre, tandis qu'ils sont encore sur les
bancs de l'école, le plus souvent possible en commu-
nication avec les parlants.
C'est là, d'aillieurs, le vrai côté pratique des mé-
thodes expérimentales.
N. N. — DE LA SOCIABILITÉ DES SOUllDS-MUETS. 181
De même que dans renseignement de la phy-
sique et de la chimie, la réelle marche pédagogique
est de mettre les élèves aux prises avec les expérien-
ces dont ils sont témoins, et de les habituer ainsi
par le maniement des instruments et les applications
matérielles à bien comprendre les principes des théo-
ries qui leur sont enseignées.
Cependant, dira-t-on, certaines Écoles françaises
et les Écoles allemandes en général n'ob tiennent-
elles pas, au point de vue de l'articulation, des ré-
sultats probants sans qu'il soit nécessaire de mettre
les élèves en communication avec les parlants?
A cela nous répondrons :
1° Que ces institutions n'admettent et ne maintien-
nent dans leurs classes de sourds-muets que des
enfants ayant déjà parlé ou pouvant parler ;
2° Que l'allemand se prononçant presque toujours
comme il s'écrit, cela facilite singulièrement l'ensei-
gnement de l'articulation en Allemagne ;
3° Que, d'ailleurs, les résultats mis en avant par
quelques individualités, par les Écoles étrangères ou
par des congrès fantaisistes, c'est-à-dire n'ayant au-
182 N. N. — DE LA SOCIABILITE DES SOURDS-MUETS.
cun mandat pour se constituer et par contre pour
décréter, ont besoin d'être sérieusement contrôlés
quant à l'état originel des individus spécimens pré-
sentés comme ayant appris à articuler au moyen de
telle ou telle méthode ;
4° Enfin que, ces résultats fussent-ils aussi satis-
faisants que possible, cela ne prouve nullement que
l'introduction des sourds-muets au milieu des par-
lants, pour s'y fortifier dans la phonographométrie,
doive être rejetée, du moment que cette adjonction
parait devoir accélérer l'efficacité de l'enseigne-
ment,
La maison de l'abbé de TÉpée et la plupart des
institutions départementales de France ne recrutent
pas leurs élèves, comme en Allemagne, avec des pré-
cautions aussi étroites et aussi exclusives ; leur solli-
citude paternelle et éclairée embrasse toutes les caté-
gories de sourds-muets, et il n'est pas de surdi-mutite^
si absolue qu'elle pidsse être, qui ne soit assurée de
rencontrer dans les établissements de notre pays un
dévouement philanthropique. Voilà, en partie, pour-
quoi les méthodes ne sont pas les mêmes en France et
en Allemagne ; et voilà pourquoi certainement la mé-
thode française s'adressant le plus souvent à de véri-
tables sourds-muets, l'enseignement de l'articulation
X. N. — DE LA SOCIABILITÉ DES SOURDS-MUETS. 183
ne peut être donné que plus tard et seulement
comme complément désirable de leur éducation.
Les élèves ticlophones que des aptiludes certaines
auront fait désigner pour un cours d'articulation pour-
ront, en attendant que leur instruction première soit
terminée et qu'ils aient une intelligence suffisante de
la langue nationale, être réunis dans un cours prépa-
ratoire^ où ils seront exercés sur les éléments de la
méthode spéciale, avant de faire partie définitive-
ment du cours d'orthophonie.
Ce cours préparatoire, qui aurait pour but de les
familiariser avec les mouvements préalables des
organes de l'appareil vocal, avec l'élaboration pour
ainsi dire du son, serait la classe primaire, où les
élèves s'étudieraient non à hurler., mais l\ solfier (1)
en quelque sorte les sons qu'ils devront plus tard
transformer en syllabes et en mots. Il aurait pour
principal résultat de ne pas laisser endormis, chez ces
(1) A ce sujet nous dirons un mot des cours où l'on fait crier les
enfants sous Xa prétexte de développer leur voix. — Au lieu d'assouplir
normalement les organes vocaux par une série de tons dont la va-
leur est classée et par conséquent prévue, on croit favoriser l'étudo
de la phonation en sui-excitant outre mesure l'appareil de la voix.
— Les cris poussés ainsi donnent un ensemble de phonomachie qui
aisse aux élèves une voix fausse dont ils ne pourront presque ja-
mais, par la suite, se débarrasser. — Loin donc de donner à la voix
de la facilité et de la clarté, comme plusieurs le prétendent, il n'y
a h attendre d'une telle élaboration vocale que de la confusion pour
)8i X. N. — DE LA SOCIABILITE DES SOURDS-MUETS.
enfants, les organes qui concourent à rarliculation ;
et ce n'est qu'après avoir passé par le cours prépa-
ratoire que les élèves véritablement doués seraient
autorisés à continuer l'étude de rarliculation.
Est-ce à dire que, par voie de conséquence, on
veiiille inférer de tout ceci qu'il faille nécessairement,
h côté des diverses institutions de sourds-muets,
créer des cours publics d'orthoplionie? Telle n'est
pas notre pensée.
Il était intéressant, du moins, de signaler à l'at-
tention des professeurs d'orthophonie qui s'occupent
de \ articulation spéciale à enseigner aux sourds-
muets ce que nous considérons comme une améliora-
tion désirable à introduire dans l'éducation vocale
de ces derniers.
les aninistopliones, et, pour les tictopliones, de graves difficultés
à surmonter dans l'enseignement ultérieur de la parole.
DEUXIÈME PARTIE
SYNTHESE DE LA MÉTHODE
D'ORTHOPHONIE
DU D' COLOMBAT, DE L'ISÈRE
NOTE 0
SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE
NOTE 0
SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
L'éducation des organes de la parole se rattache
essentiellement à l'art de penser, à la logique, à
*outes les sciences enfin qui ont pour objet de régler
l'exercice de nos facultés intellecluelles.
Description de l'appareil vocal.
L'appareil vocal est l'ensemble des organes qui
forment et qui modifient la voix, dans les cris, la pa-
role et le chant.
Pa rmi les organes qui concourent à la production
des sons vocaux, on doit ranger les suivants : 1° les
poumons qui sont les réservoirs de l'air ; 2° les mus-
cles de la respiration, les parois de la poitrine et le
diaphragme qui agissent comme un soufflet ; 3° la
190 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
trachée-artère et les bronches qui constituent un
porte-vent cylindroïde, flexible, dilatable, bifurqué
inférieurement pour communiquer avec les deux pou-
mons, et composé d'une vingtaine de cerceaux car-
tilagineux, incomplets en arrière, placés au-dessus
les uns des autres, mais complétés postérieurement
et unis à leurs bords supérieurs et inférieurs par une
membrane fdjreuse ; 4° le larynx proprement dit, qui
est une sorte d'embouchure élastique et mobile ; 5° la
glotte, fente oblongue ; 6° le pharynx ou arrière-bou-
che, le voile du palais, qui agissent surtout dans les
cris et les sons aigus, les piliers de cet organe, la
luette qui en est un appendice ou prolongement de
son bord libre ; les amygdales ; l'épiglolte, espèce de
soupape, la voûte palatine, les fosses nasales, les
sinus maxillaires, la langue, les lèvres, les joues,
les arcades dentaires, enfin l'ouverture antérieure
de la bouche et des narines, qui représentent le
tuyau, la caisse, les touches, les clefs et le pavillon
de l'instrument vocal, contribuent plus ou moins à la
production, à l'intensité et aux diverses modifications
de la voix.
Avant de parler du mécanisme des sons vocaux,
on aurait peut-être dû, pour être plus complet, donner
une description détaillée de toutes les parties consti-
tuant l'appareil de la phonation ; mais cet ouvrage
N. 0. — SYiNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 191
étant par sa nature autant destiné aux médecins^ aux
professeurs d'orthophonie qu'aux gens du monde,
nous nous bornons à rappeler ici ce qu'il y a de plus
important à connaître sur la forme, la structure, les
variétés de conformation, et l'anatomie du larynx
et de la langue^ qui jouent le principal rôle dans le
chant et la parole.
Du larynx.
Le larynx, principal organe de la voix, est une
espèce de boîte cartilagineuse, qui, considérée dans
son ensemble, a la forme générale d'un conoïde creux
et renversé, dont la base, tournée en haut vers la
langue, forme un triangle évasé qui s'ouvre dans le
pharynx ou arrière-bouche^ et dont le sommet, uni
inférieurement à la trachée-artère, continue avec ce
canal par une ouverture arrondie. L'orifice supérieur
du larynx présente un espace ovalaire circonscrit
en avant par l'épiglotte, en arrière par les aryté-
noïdes, et sur les côtés par les replis de la membrane
muqueuse. Cette ouverture supérieure du larynx,
que l'on a confondue souvent avec la glotte qui est
au-dessous, parce qu'on est porté à croire que Tépi-
glotle couvre immédiatement la glotte, cette ouver-
192 iN. 0. — SYN'IIIÈSE ORTHOPHONIQUE.
ture, reste constamment ouverte et comme passive
par rapport à la formation de la voix et de la respi-
ration. L'orifice intérieur du larynx est large et cir-
culaire, tandis que. le supérieur, qui est plus étroit,
représente un triangle à base antérieure.
Les parois de cet organe sont essentiellement for-
mées par la réunion de cinq principaux cartilages,
qui sont : le thyréoïde^ les deux aryténoïdes^ le cri-
coïde et Vépiglotte qui est un fibro-cartilage.
Le cartilage tliyréoïde, qui est le plus grand carti-
lage du larynx, forme la paroi antérieure de cet or-
gane et la saillie plus ou moins considérable appelée
vulgairement pomme d'Adam. Ce cartilage, qui donne
insertion à des muscles et à des ligaments, est d'au-
tant plus mobile que les sujets sont moins avancés en
âge.
Les deux cartilages aryténoïdes, situés à la partie
postérieure et supérieure du larynx, s'articulent par
leurs bases avec le bord supérieur de la' partie posté-
rieure de Fanneau cricoïdien.
Le cartilage cricoïde, de forme circulaire, comme
son nom l'indique, mais plus large en arrière qu'en
avant, est situé à la partie inférieure du larynx et se
trouve uni par ses bords supérieurs, au moyen d'une
membrane, aux bords inférieurs des trois autres car-
tilages cités plus haut; inférieurement, il corres-
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 193
pond au premier cerceau de la trachée-artère dont il
est une cuntinualion.
II reste encore quatre cartilages, qui sont les deux
cornicidés, et les cunéiformes.
Les premiers consistent dans deux tubercules car-
tilagineux unis immédiatement au sommet des carti-
lages arylénoïdes pur une membrane qui les rend très
mobiles. Nous dirons aussi que ces cartilages sont de
forme triangulaire, et que leur face inférieure qui est
concave correspond au sommet convexe de l'aryté-
noïde. Les seconds ou cunéiformes sont logés dans
l'expansion membraneuse qui unit les cartilages aiy-
ténoïdes avec l'épiglolte; cette dernière est placée à
l'ouverture supérieure du larynx et se trouve fixée au
bord supérieur du cartilage thyréoïde, un peu au-des-
sous de la base de la langue ; ce fibro-carlilage prin-
cipal a pour usage de s'opposer au passage des sub-
stances alimentaires dans les voies aériennes.
On voit donc que les cartilages aryténoïdes sont,
par leur situation à la partie postérieure et supérieure
du larynx, opposés au thyréoïde, qui forme la partie an-
térieure et supérieure de cet organe. Les connexions
que ces trois cartilages entretiennent entre eux sont de
la plus haute importance pour la formation du son vocal.
En effet, deux ligaments formés de fibres élastiques et
parallèles renfermés dans un repli de la membrane mu-
13
194 N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE.
queuse prennent en arrière leur insertion à une
saillie antérieure que 1 on remarque à la base des
arytéuoïdes, et viennent se fixer en avant au milieu de
l'angle rentrant qui exisle au cartilage thyréoïde. Ces
ligaments, appelés par Colombat lèvres du larynx,
ont reçu le nom de cordes vocales, et sont nommés
aujourd'hui ligaments inférieurs de la glotte, ou thyréo-
aryténoïdiens. L'intervalle qui les sépare forme la
glotte (1), fente oblongue qui, dans son diamètre
antéro-postérieur, olfre chez l'homme adulte de 23 à
2o millimètres et chez la femme un peu moins. Le dia-
mètre transversal de la glotte est très variable ; dans
son point le plus large, qui est en arrière, il ne présente
(1) Cette expression de glotte est assez impropre. Si l'on s'en rap-
porte au sens étymologique le mot glotte viendrait de yAtocreja,
langue, qu'on écrivait Y)wTTa dans le dialecte attique, ou de y/tôTxi;,
petite langue (y/.wTTi; voulait dire aus^i luette); évidemment il n'y
a rien dans le larynx qui ressemble à une langue ou à une petite
langue. Il est probable que l'expression de glotte n'a été donnée îi
la partie rétrécie du larynx que parce que le nom d'é/Aglotte avait
été donné d'abord à l'oijercule cartilagineux qu'on supposait s'ap-
pliquer au moment de la déglutition sur ce qui est appelé aujour-
d'hui la glotte ; or on sait aujourd'hui que l'épiglotte ne se renverse
pas sur la glotte, mais sur rorifi('e supérieur du larynx.
Quant au nom d'épiglotte, son nom vient très ceriainement de ce
que ce fibro-cartilage a été d'abord aper.;u par la bouche ouverte ;
l'épigiotte, en effet, apparaît au-dessus de la base de la langue, et
sa face antérieure est légèrement inclinée sur elle.
D'après les deux étymologies du mot glotte, on peut donc dire
ou écrire lettres ylottales de y/.iùTTa, ou lettres glottiques de
y).ioTTt;.
iN. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 195
que 5 ou 7 millimètres ; en avant, il est beaucoup
moins considérable, puisque les cordes vocales se
rapprochent au point de se toucher à l'endroit de
leur insertion au cartilage tliyréoïde ; chez les enfants,
les dimensions de la glotte sont proportiunnellement
beaucoup moins grandes, et c'est au petit diamètre de
cette fente dans îe premier âge de la vie qu'est dû
à cette époque l'extrême danger des angines et du
croup.
Ces ligaments, recouverts par des fibres charnues
formant les muscles thyréo-aryténoïdiens auxquels
ils adhèrent, et qu'ils séparent des muscles crico-
aryténoïdiens latéraux, sont enveloppés par la mem-
brane muqueuse laryngée dans le reste de leur éten-
due. Leur face supérieure, inclinée en dehors, cons-
titue la paroi inférieure d'un enfoncement nommé
ventricule du larijnx^ dont la paroi supérieure est
formée par les ligaments supérieurs de l'instrument
vocal, lesquels sont situés plus en dehors entre le mi-
lieu de la face antérieure du cartilage aryténoïde.
Ces ligaments, formés seulement par une plicature de
la membrane muqueuse du larynx, ne sont pas fi-
breux, sont moins élastiques que les inférieurs, et re-
présentent supérieurement une seconde glotte qui
est séparée de la vraie glotte par les cavités ventri-
culaires.
196 N. 0. — SYNTHÈSE ORTflOPHOiNIQUE.
Les ligaments Ihyréo-arylénoïdiens qui, comme
cela a été, circonscrivent l'aire de la glotte, ne sont
pas les seuls qui unissent les différentes pièces car-
tilagineuses formant le squelette du larynx ; ainsi
le tliyréoïde est uni au cricoïde, et celui-ci avec les
deux aryténoïdes, et inférieurement avec le premier
cerceau de la trachée-artère, au moyen de plusieurs
ligaments fibreux et membraneux.
Plusieurs muscles prennent leurs insertions au la-
rynx ; les uns sont extrinsèques et destinés à le mou-
voir en totalité, comme à l'abaisser ou à l'élever^ à le
porter en avant ou en arrière, ou enfin à le fixer.
Parmi ces derniers, qui lient le larynx aux parties
voisines, senties slerno-thyréoïdiens , les constricteurs
du pharynx^ et tous les muscles de la région hyoï-
dienne. Les autres muscles du larynx sont intrinsè-
ques, c'est-à-dire qu ils sont chargés d'imprimer tous
les mouvements des cartiiages qui composent l'or-
gane. On les a subdivisés en constricteurs et en dila-
tateurs; dans les premiers, au nombre de trois, on
range les deux thyréo-aryténoïdiens e\.Varyténoïdien,
et dans les seconds, ou muscles dilatateurs dont le
nombre est de six, trois de chaque côté, sont compris
les crico-thyréoïdiens y les crico-aryténoldiens posté-
rieurs et les crico-aryténoïdiens latéraux.
Les muscles thyréo - aryténoïdiens s'étendent ,
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 197
comme leur nom l'indique, du cartilage thyréoïde aux
aryténoïdes, ou ils vont s'insérer en avant à la partie
moyenne et inférieure de sa face interne, près de
l'angle que forme la réunion de ses lames et en ar-
rière à la partie inférieure des aryténoïdes, au-dessus
des crico-aryténoïdiens. Le troisième muscle cons-
tricteur ou aryténoïdien s'étend de l'un à l'autre des
cartilages aryténoïdes. Lorsque ces muscles, entière-
ment charnus, se contractent, les premiers attirent
le cartilage aryténoïde en avant, rétrécissent la glotte
d'avant en arrière et tendent les cordes vocales qu'ils
rapprochent; le second, dont les fibres s'entre-croi-
sent en arrière, contribue également à rétrécir l'ou-
verture glottale, en rapprochant l'un de l'autre les
cartilages aryténoïdes et en les portant en arrière. Le
muscle crico-thyréoïdien, qui est mince et de forme
quadrilatère, se trouve situé à la partie latérale et un
peu antérieure du cartilage cricoïde. Ses fibres, qui
s'attachent sur les côtés et un peu en avant de ce
dernier, se portent obliquement en haut et en arrière
pour venir s'insérer sur le bord inférieur du cartilage
thyréoïde, et un peu en avant de sa corne inférieure.
Ce muscle et son congénère a pour but de rapprocher
le thyréoïde du cricoïde, d'où il résulte que les aryté-
noïdes se trouvant éloignés du thyréoïde, la glotte est
dilatée d'avant en arrière. Le muscle crico-aryté-
198 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
noïdien postérieur, qui est situé à la partie posté-
rieure, du larynx, s'attache de chaque côté sur la face
externe du cricoïde ; ses fibres se dirigent oblique-
ment, pour aller s'insérer en haut et en dehors de
l'aryténoïde entre les muscles aryténoïdiens et le
crico-aryténoïdien latéral ; en se contractant, le mus-
cle crico-aryténoïdien postérieur porte le cartilage
aryténoïde en dehors, et le fait tourner sur lui-même
pour contribuer aussi à la dilatation de la glotte. En-
fin, le muscle crico-aryténoïdien latéral, qui est
mince, allongé et quadrilatère, et comme le précé-
dent contribue à élargir la glotte, prend en bas ses
points d'insertion sur le bord supérieur du cricoïde et
va se fixer obliquement en haut et en arrière, au de-
vant de la base et en dehors du cartilage aryténoïde.
Dans le larynx, au devant de la partie inférieure
de la face linguale de l'épiglotte, deriière le cartilage
thyréoïde et la membrane thyréo-hyoïdienne, se
trouve également un lobule de tissus adipeux; et dans
les replis que forme la membrane muqueuse en se
portant de l'épiglotte aux cartilages aryténuïdes et
de ces derniers au thyréoïde, sont logées de chaque
côté les glandules aryténoïdes.
Quatre petites artères alimentent le larynx ; ainsi
que les veines qui ont le même nom, elles sont for-
mées par les thyréoïdiennes supérieures et inférieu-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 199
res ; deux branches assez considérables, nommées
laryngées, pénètrent dans cet organe en traversant
la membrane thyréo- hyoïdienne, et sont accompa-
gnées d'un fdet nerveux ; enfin les vaisseaux lympha-
tiques se rendent aux glandes jugulaires inférieures.
Les nerfs du larynx, fournis par la huitième paire
[pneumo- gastrique)^ et au nombre de deux de chaque
côté, ont reçu le nom de laryngés pour les supé-
rieurs, et de récurrents pour les inférieurs. Les pre-
miers, qui s'anastomosent avec les seconds, se dis-
tribuent à la membrane muqueuse , aux glandes
mucipares ainsi qu'aux muscles thyréo-aryténoïdiens,
crico-aryténuïdiens latéraux et postérieurs , et à
l'aryténoïdien. Les seconds ou récurrents se ren-
dent également à ces trois derniers muscles laryngiens.
La section de ces nerfs entraîne V aphonie ou perte
de la voix.
Le larynx, comme la trachée-artère, est tapissé par
une membrane muqueuse ; mais elle est plus sensible
que celle de cette dernière, car le contact du plus
petit corps étranger détermine sur elle une irritation
excessive.
Le larynx n'existe que dans les animaux chez les-
quels la respiration s'effectue par des poumons.
Cet organe principal de la voix offre toujours plus
de développement et plus de saillie chez Thomme que
200 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
chez la femme, dont cet organe, situé chez elle beau-
coup plus haut, se cache presque sous la mâchoire
inférieure, et ne présente que les deux tiers et même
la moitié du volume de celui de l'homme; chez ce der-
nier, l'angle rentrant du cartilage thyréoïde est aigu,
tandis qu'il est arrondi chez la femme, dont l'épi-
glotte est également moins large, moins épaisse et
moins saillante. Des différences aussi tranchées se
font moins remarquer chez le fœtus et l'enfant. Seu-
lement le larynx est beaucoup moins développé qu'il
le sera plus tard , proportionnellement dans l'un
comme dans l'autre sexe.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est que cet accrois-
sement n'est pas progressif comme celui des autres
organes ; il se développe au contraire presque tout à
coup à l'époque de la puberté, et l'énergie de ses
fonctions se fait remarquer en même temps que celle
des organes génitaux. C'est môme cet accroissement
rapide correspondant avec la mue de la voix qui nous
fournit les signes les plus certains de la puberté. Après
cette époque, le larynx n'éprouve aucun changement
notable ; seulement ses formes se prononcent d'une
manière plus marquée et l'on voit ses cartilages se
durcir et s'ossifier après l'âge mùr, à l'exception de
répiglotte, dans laquelle on n'a jamais observé aucun
rudiment d'ossification.
N. 0. -— SYXTEIÈSE ORTiïOPnONIQUE. 201
De la langue.
La langue est l'agent principal qui modifie la voix
pour former les sons et les articulations qui consti-
tuent la parole.
C'est un organe musculeux, symétrique, essentiel-
lement mobile, presque entièrement charnu, et logé
dans la cavité buccale en s'étendant depuis l'os hyoïde
et l'épiglotte jusqu'à la face postérieure des arcades
dentaires. Sa forme est celle d'une pyramide aplatie,
arrondie sur ses bords et vers sa pointe, et devenant
de plus en plus épaisse vers sa base. Sa face supé-
rieure ou dorsale, qui correspond à la voûte palatine,
et qui est libre, est plate dans toute son étendue,
présente dans son milieu un sillon désigné générale-
ment sous le nom de ligne médiane de la langue. Sur
ce sillon, et en arrière, près de la base de l'organe,
se trouve un enfoncement qui est l'orifice commun à
plusieurs follicules muqueux, et auquel on a donné le
nom de trou borgne; autour de cet enfoncement, qui
souvent est peu visible et qui manque même quelque-
fois, on remarque, ainsi que sur toute la face dorsale
de la langue, une multitude d'aspérités formées par
des papilles qu'on distingue en trois classes d'après
202 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
leurs configuralions extérieures : les premières, nom-
mées coniques ou filiformes^ 1res petites et très nom-
breuses, occupent le milieu, les bords et le bout de
la langue ; les secondes, appelées foncjif ormes, plus
grosses, moins nombreuses, et ayant assez bien la
forme d'un pelit champignon, sont situées derrière
les précédentes sur la partie moyenne de l'organe.
Enfin les troi>ièmes, désignées sous le nom de lenti-
culaires, de grosseur variable, se trouvent à la base
de l'organe, disposées symétriquement en forme d'un
V dont l'écartement en avant loge les papilles fongi-
formes. Ces diverses éminences ou papilles sont pour
la langue les organes exclusifs du tact et du goût, ou
sont destinées à une sécrétion muqueuse et à une
excrétion locale surabondante de matière cornée.
La face inférieure de la langue, lisse et dépourvue
de papilles, n'est libre que dans son tiers antérieur,
car à ses deux tiers postérieurs viennent se fixer les
faisceaux musculaires qui l'unissent aux parties voisi-
ne^: ; mais on observe qu'elle présente également à la
partie moyenne un sillon qui sépare deux saillies la-
térales, correspondant aux muscles linguaux, et sur
lesquelles on \oit un repli muqueux oblique et frangé,
au niveau duquel existe une ligne bleuâtre qui indique
le trajet de la veine ranine. Ce sillon médian de la
face inférieure de la langue donne attache en arrière
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 203
à un repli triangulaire de la muqueuse, qui est plus
ou moins saillant,, et auquel on donne le nom df^ frein
ou filet de la langue. Ce repli, dont les deux faces la-
térales sont libres ainsi que le bord antérieur, s'atta-
che par son bord postérieur à la langue quelquefois
depuis son sommet jusqu'à la paroi inférieure de la
bouche, avec laquelle la face inférieure de l'organe
phonateur se confond. Il est bon d'ajouter que le
frein lingual est sujet à des excès de longueur ou de
brièveté qui, nuisant soit à la prononciation, soit à la
déglutition, soit à la succion du lait chez les enfants,
exigent souvent diverses opérations.
La langue est l'organe le plus musculaire, le plus
souple et le plus facilement mobile du corps humain.
Les parties fondamentales ou solides de la langue
sont : l°un fibro-cartilage médian, qui s'étend de l'os
hyoïde à la pointe de la langue, mais qui est plus déve-
loppé en arrière qu'en avant, sert à l'insertion d'un cer-
tain nombre de fibres charnues, surtout de celles qui
sont dirigées transversalement ; 2° la membrane glosso-
hyoïdienne, qui fixe la langue et spécialement le car-
tilage médian au corps de l'os hyoïde ; 3" la membrane
muqueuse qui revêt toutes les parties libres de la langue ,
et qui, par son tissu doux et consistant, sert à l'inser-
tion d'un grand nombre de fibres charnues que l'on dis-
tingue en extrinsèques et intrinsèques. Les premières
20i N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
appartiennent auxmnsdes géfiio-giosses, stylo-glosses,
hyoglosses^ constricteurs supérieurs du 'pharynx et
glosso-staphylins ; les secondes constituent les mus-
cles linguaux proprement dits, dont les fibres charnues
sont disposées en tous sens; les muscles génio-glosses,
qui vont en divergeant de l'apophyse génienne (1)
vers la face inférieure delà langue et de l'os hyoïde,
soulèvent ce dernier et portent l'organe phonateur
en avant, par la contraction de leurs fibres inférieu-
res, tandis que les fibres supérieures contractées
tirent la langue en arrière et la ramènent à sa posi-
tion naturelle lorsqu'elle est sortie de la cavité buc-
cale; les fibres moyennes contribuent à creuser en
gouttière la face dorsale de cet organe. Les muscles
stylo-glosses, fixés en arrière à l'apophyse styloïde du
temporal et au ligament stylo-maxillaire, et en avant
sur les bords de la langue, la tirent sur les côtés et en
haut en agissant séparément, tandis qu'ils la portent
en arrière et relèvent lorsqu'ils se contractent simul-
tanément. Enfin^ les muscles hyo-glosses s'insèrent à
trois points différents de l'os hyoïde, c'est-à-dire à la
grande corne de cet os [kérato-glosse), à la partie
supérieure de son corps [basio-cérato-glosse) , enfin à
sa petite corne et au cartilage placé entre son corps
(I) Génien, ienne, adj. (de vévctov, le menton), qui a rapport au
menton.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 205
et sa grande corne [ckrondro-glossé). Ces trois fais^
ceaiix qui forment les muscles liyo-glosses, dont les
fibres se portent en avant, dans les parties latérale et
inférieure de la langue, la tirent sur les côtés lors-
qu'ils agissent séparément, et en se contractant en-
semble abaissent la base de cet organe, ou, lorsque
celui-ci est fixé, élèvent l'os hyoïde.
Le muscle constricteur supérieur du pharynx qui
s'insère en bus à la base de la langue, et le glosso-
staphylin, qui en part également pour se porter à la
partie latérale et inférieure du voile du palais, ont
pour usage, le premier de resserrer le pharynx et de
fixer la langue, et le second de resserrer l'isthme du
gosier, en abaissant la luette et en élevant la région
hyoïdienne de l'organe phonateur. Cette masse mus-
culaire est revêtue d'une membrane muqueuse, super-
posée elle-même à une couche vasculaire formée par
l'enlacement de myriades de petits vaisseaux sanguins
qui communiquent à la langue la richesse de colora-
tion qui lui est particuhère.
Les artères de la langue émanent des linguales
fournies par les carotides externes, et des tonsillaires
et des palatines qui partent des labiales ; les veines
qui en reportent le sang dans la veine jugulaire in-
terne sont les ranines, les linguales et les submenta-
les ; enfin, les vaisseaux lymphatiques de la langue
206 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
s'abouchent dans les ganglions latéraux et sous-
maxillaires du col. Les nerfs qui la font mouvoir
viennent de la neuvième paire, grand hypoglosse,
et se distribuent à. ses muscles^, tandis que ceux qui
président aux sécrétions, à la perception des saveurs
et aux sens tactiles, sont fournis par un rameau du
glosso-pharijngien de la huitième paire, et par la
branche linguale du maxillaire inférieur de la cin-
quième paire. Eu un mot, le grand hypoglosse est le
nerf moteur de la langue, le lingual en est le nerf
sensilif, et le nerf glosso-pharyngien préside aux di-
verses sécrétions qui ont lieu à la base de l'organe.
La langue, qui manque dans les premiers temps
de la vie intra-utérine, et qui cependant offre plus
tard chez le fœtus un volume considérable propor-
tionnellement aux os maxillaires, existe, à peu d'ex-
ceptions près, chez tous les animaux vertébrés. Cet
agent phonateur, qui dans la prononciation, dans la
déglutition et dans l'expuition (1), prend une part en-
core plus active que les autres parties de la bouche,
est sujet à plusieurs vices de conformation.
Il est facile de concevoir que l'absence partielle et
congéniale ou accidentelle de la langue ne permet
d'abord que d'ébaucher quelques sons inintelligibles,
(1) Expuition : l'action de cracher, son produit.
N. 0. ~ SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 207
mais on peut cependant parvenir à parler d'une ma-
nière assez distincte, à l'aide de certains exercices
vocaux et quelquefois de moyens artificiels.
Lorsqu'on explore la cavité buccale des personnes
chez qui la langue manque, on trouve que l'espace
compris entre l'arcade dentaire inférieure est beau-
coup plus déprimé qu'à l'état normal, et que, vers la
partie moyenne de cet espace, sont logés deux corps,
de forme ovalaire, mais peu saillants, quoique doués
d'une grande mobilité. On observe également que
la voûte palatine est moins profonde et plus aplatie
et que les dents de la mâchoire inférieure et môme de
la supérieure sont beaucoup plus inclinées en dedans
que chez les individus dont la langue est à l'état
normal.
Cet organe est sujet à d'autres vices de conforma-
tion ; ainsi, on l'a vu bifurqué à sa pointe, et même
être double (1).
L'adhérence de la langue au plancher de la bouche
constitue un autre vice de conformation qui est
presque toujours congénial, mais qui cependant
peut être accidentel et dépendre d'une cicatrice
vicieuse succédant à une opération sur la langue et
sur le plancher de la bouche. Celte adhérence de
(I) Transactions philosophiques février, et mars 1748 ; Éphé)né-
rides des curieux de la tiature, 1G84.
208 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
l'organe phonateur présente plusieurs degrés : tantôt
la langue entière est collée au plancher huccal, tan-
tôt elle est fixée en bas par un excès de longueur ou
par une brièveté ejctraordinaire du filet lingual. Dans
tous les cas, il en résulte une gêne plus ou moins
considérable dans les fonctions de l'organe et surtout
dans l'articulation, au point de déterminer une réelle
infirmité vocale. On remédie facilement à ces ad-
hérences anormales de la langue, au moyen d'une
opération simple et en employant des procédés et des
instruments spéciaux.
La langue peut être très large ou aussi mince que
celle d'un chat; elle est quelquefois congénialement
hypertrophiée, enfin elle peut être déviée sur l'un ou
l'autre côté dans l'intérieur de la bouche, par la
présence de tumeurs développées dans son voisinage,
les engorgements des ganglions sous-maxillaires, ou
enfin la grenouillelte (1).
Cet organe présente aussi, dans quelques cas rares,
un état de procidence (2) habituel qui consiste dans
sa sortie continuelle hors de la bouche, sans que son
tissu soit altéré. Lorsque cette affection est ancienne,
la langue se tuméfie et s'hypertrophie, soit par l'irri-
(1) Le nom de grenouillelte vient de ce que ceux qui portent une
pareille tumeur parlent en coassant et pour ainsi dire en grenouillant.
(2) Chute d'une partie comme de l'iris, du rectum.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 209
tation que détermine sur elle le contact permanent
de l'air, soit aussi parce que l'organe n'est pas sou-
mis à la pression qu'exercent ordinairement sur lui
les arcades dentaires dans l'intérieur de la bouche.
On observe également que la lèvre inférieure se dé-
tourne et se déprime et que les dents de la mâchoire
correspondante s'altèrent plus ou moins, surtout
lorsque le prolapsus (1) lingual est congénial. Dans
ce cas, elles sont projetées en avant, deviennent
même horizontales, mais elles finissent par se carier
complètement et par tomber bientôt, si la procidence
de la langue n'est survenue qu'après la dentition. En
outre il faut remarquer que les os maxillaires eux-
mêmes se recourbent en bas, que la salive coule
continuellement hors de la bouche, ce qui nuit beau-
coup à la digestion, enfin que le larynx, entraîné en
haut, ne forme plus de saillie à la partie supérieure
du cou : les malades qui présentent ce fâcheux état
sont non seulement très gênés dans l'articulation des
sons vocaux et dans la déglutition, mais encore sont
tourmentés par une soif continuelle et une aridité
de la bouche et de la gorge, que les boissons ne font
que calmer pour un instant, et qui se trouvent encore
augmentées par les ulcérations et les diverses produc-
tions végétatives qui se développent souvent sur la
(1) Synonyn7e de procidence.
210 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
surface de l'organe en état permanent de prolapsus.
On ne saurait donc trop tôt porter remède à cette
affection.
La langue est quelquefois aussi le siège d'abcès,
d'inflammation, d'ulcères, de pustules, de kystes, de
tubercules, de cancer et d'autf es affections qui n'en-
trent pas dans le cadre de cette monographie.
Physiologie de la voix et de ses diverses
modifications.
Chaque être a une voix qui lui est propre, et qui
est comme un caractère distinctif de son espèce.
Ces grandes différences de la voix dépendent d'une
organisation particulière des parties qui servent à la
former. On a remarqué que la structure du larynx est
extrêmement simple dans les animaux qui ont une
voix douce et agréable, comme le serin, le rossignol;
tandis que cet organe est très compliqué chez les
animaux dont la voix est forte et désagréable, tels
que les porcs, les singes, les ânes.
La cause déterminante de la voix ne peut être at-
tribuée qu'à l'état de l'âme et aux besoins auxquels son
expression actuelle se rapporte. Si l'air en est la cause
matérielle, le larynx et plus particulièrement la
glotte en sont la cause efficiente.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 211
Tous les êtres organisés chez qui la respiration
s'etTectue par des poumons peuvent faire entendre
des sons vocaux, puisqu'ils sont tous pourvus d'une
glotte et d'un larynx : il n'y a donc que ceux-ci qui
puissent faire entendre une voix proprement dite.
Les poissons qui respirent par des branchies ne
peuvent par cette raison produire des sons vocaux,
et on ne doit pas regarder comme tels les bruits
que font entendre quelques insectes : les cigales,
les grillons, les sauterelles et la plupart des mou-
ches, etc. ; le bruit que produisent ces animaux ne
vient pas de leur bouche, mais il est le résultat du
frottement mécanique de certaines membranes élasti-
ques qui sont agitées rapidement. Ces organes sonores
sont tantôt les élytres (1) et les ailes des insectes, ou
tantôt une espèce de partie membraneuse en forme de
tambour, ou enfin une sorte de raclement produit par
les mouvements des cuisses postérieures à la manière
de l'archet des instruments à cordes.
La voix présente des différences notables, selon
l'âge. Elle est faible et aiguë chez les enfants, mais
elle se renforce plus tard ; chez la femme le timbre
vocal change beaucoup moins que chez l'homme et il
conserve presque toujours les caractères de l'a-
dolescence.
(1) Aile supérieure chez les coléoptères.
212 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Le timbre vocal peut aussi être changé et modifié
par les habitudes de certains individus: par exemple,
ceux qui se livrent à des professions bruyantes, telles
que celles de chaudronnier, de meunier, de boulan-
ger, etc., ou ceux qui, comme les marins, habitent
les bords de la mer et les rives des grands fleuves, ont
ordinairement la voix plus forte, parce que, obligés
de couvrir toujours en parlant des bruits souvent très
intenses, ils exercent davantage leurs organes vo-
caux.
La voix des hommes est généralement d'autant
plus forte que leur larynx est plus développé et que
leur poitrine a plus de capacité. C'est pour cette rai-
son que le timbre vocal semble beaucoup plus fai-
ble, lorsque, après le repas, l'estomac, distendu par
les aliments, diminue la capacité de la poitrine en
refoulant le diaphragme supérieurement.
Aucun son ne va plus directement au système ner-
veux que celui de la voix humaine ; c'est pour cela
que les instruments qui en approchent le plus, comme
le cor d'harmonie, le basson, le hautbois, ont une
expression plus touchante et plus mélancolique, sur-
tout dans les tons mineurs, et la musique triste.
Le chant est une modification de la voix qui se
rapporte plus particulièrement aux diverses formes
de Vamour; c'est peut-être pour cette raison qu'à
N. 0. — SYiNTHÉSE ORTnOPnONIQUE. 2i3
l'époque intime de la vie la nature développe d'une
manière si rapide les organes vocaux, et change
presque tout à coup le timbre de la voix. Au milieu
du printemps, où les oiseaux ont Thabitude de
s'accoupler, le chant du rossignol est dans toute
sa beauté, tandis que dans le mois de juin, épo-
que où il a des petits, sa voix est si déplaisante
et si changée, qu'elle est tout à fait méconnais-
sable.
De toutes les actions qui sont propres à l'homme,
celle de chanter lui est la plus familière : il n'est
point de peuples, même les moins civilisés, chez
lesquels le chant ne soit en usage. C'est donc à tort
que Rousseau a dit que le chant n'était pas naturel
à l'homme.
Pour une oreille délicate, la voix d'un individu
peut nous apprendre beaucoup de choses sur sa
manière de vivre, sur son caractère et sur les dis-
positions de son esprit. Il est certain que la situa-
tion du 77ioi influe d'une manière assez marquée sur
Torgane de la voix, qui diffère toujours suivant les
circonstances.
Si la voix, dans une situation ordinaire de l'esprit,
peut faire connaître les penchants et les qualités mo-
rales de l'homme, elle découvrira bien plus sûrement
encore les différentes passions dont il est agité.
214 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Platon savait si bien que le son de la voix pouvait,
jusqu'à un certain point, découvrir l'état moral des
hommes, que, lorsqu'il voulait connaître ceux qui
l'abordaient pour la première fois, il leur disait :
Parlez, afin que je vous connaisse.
La voix peut aussi souvent révéler l'état de santé
du corps, à cause de ses rapports de sympathies avec
le système nerveux en général.
En efTet, dans de certaines fièvres, la voix pré-
sente une altération remarquable ; dans le début des
maladies aiguës, les malades se plaignent souvent de
douleurs à la gorge qui, n'étant point le résultat
d'une inflammation apparente, annoncent en géné-
ral une affection grave qui sera accompagnée d'acci-
dents nerveux.
Dans les saisons chaudes, la voix est plus belle et
plus aiguë ; dans l'hiver, elle est au contraire plus
grave et plus rauque. C'est sans doute pour cette
raison que les méridionaux ont, en général, la voix
plus belle et plus sonore que les habitants des pays
froids. Les étrangers conviennent que, au point de
vue de la parole, c'est en France que l'on trouve le
plus grand nombre de belles voix. Cela tiendrait-il au
développement de la poitrine que nous avons en
général mieux conformée?
Les langues du Midi sont plus favorables à la mu-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 215
sique vocale que les langues du Nord. Toutefois, après
M. Legouvé, nous empruntons bien volontiers à l'il-
lustre maestro Gounod les réflexions et les paroles
suivantes :
« Certes, bien loin de moi la pensée de nier
la sonorité et l'éclat de la langue italienne; mais
tout dans la musique est-il donc éclat et sonorité? La
langue italienne est une interprète incomparable
pour exprimer ce qui est brillant et charmant dans
la vie, ce qui est aimable dans les sentiments, élé-
gant dans la douleur, ardent mais un peu superficiel
dans les passions. Mais si le compositeur a d'autres
visées, s'il veut descendre dans le détail des senti-
ments, s'il veut rendre les nuances, s'il a quelque
répulsion pour le théâtre, pour le convenu, s'il
recherche l'intime, le vrai, le profond des choses et
des cœurs, qu'il s'adresse à la langue française! Elle
est moins riche de colons, soit, mais elle est plus
variée et plus fine de teintes ; elle a moins de rouge
sur sa palette, j'y consens, mais elle a des violets,
des lilas, des gris-perle, des ors pâles que la langue
italienne ne connaîtra jamais! Laissez-moi vous
citer un exemple.
(( Dans Faust, l'air du jardin commence par :
Salut, demeure chaste et pure !
216 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
On a traduit en italien et on a mis :
Dimora casta e pura.
« Les mots mêmes, les mots traducteurs, ne peu-
vent pas être plus exacts, plus fidèles ; mais le son
de ces mots m'a trahi. Casta est le contraire de
chaste. Cet accent expansif, qui éclate comme une
fusée sur casta, détruit tout le mystère, toute la pu-
deur de mon harmonie ! ce terrible casta fait trop de
bruit autour de la petite maison, elle en trouble le
repos... tandis qu'avec mon modeste mot chaste,
avec son a un peu terne, et comme (pardonnez-moi
cette expression), comme ouaté par cet s, ce t et cet
e final, j'arrive à peindre le demi-silence, la demi-
ombre qui est l'image de ce qui se passe dans l'âmo
de Marguerite ! Oh ! la langue française ! la poésie
française! ne la calomnient que ceux qui ne la com-
prennent pas! Elle a des douceurs, elle a des inti-
mités qui répondent à ce que nous ressentons de plus
profond !
« Savez-vous à quoi je compare la langue italienne?
à un magnifique bouquet de roses, de pivoines, de
crocus, de rhododendrons..., mais auquel il manque
des héliotropes, des résédas, des violettes ! »
Si l'on chantait une même phrase musicale avec
des paroles traduites dans les principales langues de
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 217
l'Europe, la différence serait énorme à l'oreille pour
l'harmonie et la douceur. La langue italienne et la
langue hollandaise, prises pour les deux extrêmes de la
comparaison, suivraient une marche progressive dans
l'ordre suivant : italien, grec moderne, portugais, es-
pagnol, français, russe, allemand, anglais, hollandais.
Les peuples du Midi aiment beaucoup les voix
aiguës ; ceux des pays tempérés préfèrent les
moyennes; enfin les habitants des régions du Nord
semblent donner la préférence aux basses. La dif-
férence des climats influe certainement sur le goût
des nations comme sur la douceur des langues. En
Italie, les premiers rôles d'hommes, dans les opéras,
sont remphs par des soprani; en France, par des
ténors; en Allemagne, par des basses.
Comme chaque individu se distingue d'un autre par
ses traits et ses formes physiques, on peut de même
le distinguer facilement par la nature et le timbre de
sa voix ; mais seulement il y a de ces différences qui
sont communes à plusieurs, et qui forment autant
d'espèces de voix, ayant reçu une dénomination par-
ticuhère.
Pour pousser le système vocal à retendue de celui
des grands chanteurs, qui est souvent de trois octa-
ves, on est convenu de le diviser en six parties qui
représentent six espèces de voix.
218 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
\° Le premier dessus : soprcmo primo ;
2° Le second dessus : soprano seconda ;
3° Le contr'ulte (haute-contre): contralto;
4" Le ténor;
5° Le baryton ;
6" La basse.
Ce n'est donc pas d'après le timbre et le volume
des voix, mais d'après leur étendue dans l'échelle
musicale, qu'on a désigné le caractère général qui les
distingue.
Les voix graves ne se remarquent ordinairement
que chez les hommes après la puberté ; tandis que
les voix aiguës se rencontrent le plus souvent chez
les femmes, chez les enfants et chez la plupart des
hommes qui prennent Xafaucet en chantant.
On distingue encore les voix par beaucoup d'autres
différences que celles du grave à l'aigu. Ainsi, il y a
des voix fortes, dont les sons sont forts et éclatants;
des voix douces, dont les sons paraissent flùlés ; des
voix étendues, celles qui parcourent une grande
échelle musicale; des voix belles, dunt le timbre est
plein, juste et harmonieux. Il y a également le con-
traire de tout cela : par exemple, on trouve des voix
dures, intermittentes, raboteuses, c'est-à-dire celles
dont les belles notes sont inégalement distribuées, soit
dans la première, soit dans la seconde ou la troisième
N. 0. — SYiNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 219
octave. On appelle au contraire voix égale, celle dont
le timbre est toujours le même dans toute son éten-
due; enfin on désigne par les épithètes de flexibles et
légères, les voix qui passent sans transition brusque
du grave à l'aigu, et qui parcourent avec la même
douceur et la même flexibilité toutes les modulations
qui constituent l'harmonie musicale et vocalisante.
On n'a jamais bien déierminé en quoi les sons
articulés diffèrent des sons modulés ; cependant cette
différence serait sensible, lors même qu'il ne man-
querait à la voix qui forme la parole que la perma-
nence des sons qui constitue la voix du véritable
chant. D'ailleurs, le vrai caractère distinctif de cette
dernière espèce de voix est de former des sons har-
moniques et appréciables, dont on puisse prendre et
sentir l'unisson, et que de plus il soit possible d'ex-
primer par des signes faisant partie de notre système
de musique. Dans la voix parlante au contraire, les
tons ne sont pas assez soutenus pour être appréciés,
et les inflexions diverses qui les séparent ne présen-
tent que des intervalles incommensurables.
Mécanisme de la voix.
L'air que l'inspiration a introduit dans les poumons
220 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
est repoussé de ses cavités dans le larynx, par le
mouvement de l'expiration et le jeu des muscles de la
poitrine.
C'est là le premier acte nécessaire pour la produc-
tion de la voix, puisque c'est pendant le temps de
l'expiration que les sons vocaux sont produits.
Les travaux des physiologistes permettent d'affir-
mer que parmi les parties qui donnent passage à l'air
expiré, c'est le larynx qui forme la voix, et que des
diverses pièces qui composent celui-ci, c'est la glotte
qui est l'organe essentiellement phonateur.
La théorie qui compare le mécanisme de la voix à
celui des instruments à anche, c'est-à-dire ceux dont
le son est produit et modifié par des lames élas-
tiques, comme dans le hautbois, le basson, est inac-
ceptable.
Dans les instruments ordinaires, pour faire monter
et baisser les tons, on raccourcit ou on allonge les
anches dans le sens longitudinal : tandis que, pour
produire le même effet dans le larynx, les cordes
vocales se tendent ou se relâchent dans le sens ho-
rizontal. Dans les instruments de musique, il n'arrive
jamais, comme dans les ligaments de la glotte, que
les lames mobiles des anches varient à chaque ins-
tant d'épaisseur, de longueur et d'élasticité; d'ail-
leurs, ces lames sont composées de fibres rectilignes
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 221
fixées par un seul côté et libres dans les trois autres ;
tandis que les lames ou cordes vocales du larynx
sont au contraire fixées par trois côtés et libres par
un seul, et forment, par leur réunion, une espèce de
sphincter curviligne dont les fibres ne présentent
jamais une ligne droite, si ce n'est lorsque les lèvres
de la glotte s'appliquent avec force l'une contre l'au-
tre ; elles ferment alors si hermétiquement la trachée,
qu'aucune particule d'air ne peut s'échapper des
poumons. Enfin, on ne peut admettre que des parties
charnues, molles, humectées, recouvertes d'une
membrane muqueuse toujours lubrifiée par des mu-
cosités, adhérentes dans trois sens et ne remplissant
aucune des conditions que doit avoir une anche,
puissent rendre, par le même mécanisme que celui
de cette dernière, des sons aussi forts, aussi variés,
aussi harmonieux et aussi beaux que ceux de la voix
humaine.
La voix n'est donc pas comparable au mécanisme
des anches, et on ne peut pas mieux adopter cette
théorie que celle des cordes.
Les personnes qui regardent le larynx comme un
instrument à vent, surtout celles qui comparent l'ap-
pareil vocal à un trombone, disent que, dans cet ins-
trument, et tous les autres dans lesquels l'air est le
corps vibrant, les sons deviennent plus aigus à me-
222 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
sure que le tuyau se raccourcit ; de même l'éléva-
tion du larynx augmente la longueur du tuyau et les
sons changent en proportion ; ils ajoutent encore
que les tons baissent à mesure que le tube s'allonge
et que le larynx descend de la même manière pour
produire les tons bas. Ces mouvements du larynx
sont évidents et incontestables, mais ils ne sont que
des phénomènes accessoires dans l'émission des sons .
Les variations de capacité dont le tuyau est suscep-
tible déterminent moins par elles-mêmes les divers
degrés d'élévation de la voix, qu'elles ne sont desti-
nées à correspondre à l'état de la glotte dans la pro-
duction des sons plus ou moins graves.
Un fait observé souvent et que tout le monde peut
répéter, c'est qu'il est possible, avec un peu d'atten-
tion, de fixer son larynx de manière qu'après avoù'
pris la note la plus aiguë de la voix^ on puisse par-
venir à passer subitement à la ?iote la plus grave
possible, non en abaissant et en relâchant l'instru-
ment vocal, mais au contraire en contractant encore
plus fortement tous les muscles de l'appareil phona-
teur, de manière à faire monter encore plus haut le
larynx (1). C'est également par le même mécanisme,
c'est-à-dire en relâchant les cordes vocales au moijen
(I) Le son qui résulte de ce mécanisme n'est pas pur, c'est une
voix qui tient de l'enrouement.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 223
(Tune ascension forcée et exagéi^ée du larijnx, qu'est
produit le son rauque, brusque et très grave, qui est
l'expression du dépit, de la colère, de certains ju-
rements, et qui résulte aussi de la toux dans les
rhumes, la coqueluche, et le croup.
Ce n'est certes point une théorie, c'est un fait que
tout le monde peut observer sur soi-même, les mou-
vements du larynx ne sont que des mouvements ac-
cessoires à la formation des sons et destinés à facili-
ter le jeu des parties qui contribuent à tendre ou à
relâcher les cordes vocales. En effet, lorsque le
muscle sterno-thyréoïdien se contracte pour abaisser
le larynx, il ouvre et dilate par sa contraction le car-
tilage thyréoïde, ce qui contribue à la production des
sons graves par la dilatation de la glotte. De même
le constricteur inférieur du pharynx qui, avec le
thyréoïdien, concourt à l'élévation de l'instrument
vocal, resserre le thyréoïde dont il embrasse les lames
cartilagineuses ; ces lames du cartilage thyréoïde
rapprochent les lèvres de la glotte, en pressant les
muscles crico-aryténoïdiens latéraux et Ihyréo-aryté-
noïdiens.En contribuant au rapprochement des lèvres
de la glotte, le constricteur inférieur du pharynx
concourt à la production des sons aigus ; mais si le
larynx était fixé invariablement, le resserrement ou
le relâchement plus ou moins grand de la glotte
224 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
produiraient seuls tous les tons de la voix humaine.
Les variations de capacité et de longueur du tuyau
vocal n'ont pas d'influence sur la production des
sons. Cependant Colombat était loin de croire que ces
variations ne soient pour rien dans l'émission de la
voix ; seulement, si elles n'influent que sur le timbre
et la force des sons, ordinairement elles ne partici-
pent nullement à la production génératrice de ces
derniers, qui sont entièrement formés par la glotte.
En effet, la longueur du canal vocal ne varie pas assez
pour rendre raison des sons nombreux et variés que
produit la voix humaine, et qui embrassent quelque-
fois trois octaves ou quarante-huit demi-tons ; le
larynx, qui ne peut se déplacer le plus souvent que
de deux centimètres et demi environ, ne raccourcit
par conséquent le tube phonateur que d'un cin-
quième, ce qui devrait donner seulement la tierce
majeure au-dessous du premier ton, et non la
double ou la triple octave.
Les mouvements des lèvres et de la langue ne peu-
vent pas mieux faire varier le ton de la voix ; car le
chant articulé serait très difficile et exigerait, pour
être produit, que le larynx changeât de place pour
chaque syllabe différente. D'ailleurs, en fermant la
bouche on devrait changer le son ; cependant il n'en
est pas ainsi, et le son seul est modifié en devenant
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 225
plus sourd. Enfin en bouchant les narines et en
adaptant à l'orifice buccal un long tube et même un
porte-voix, on devrait augmenter la gravité du son,
tandis qu'on ne fait que le rendre plus sonore et plus
intense. 11 résulte de toutes ces considérations qu'on
ne conçoit pas pourquoi on a voulu pendant long-
temps comparer le mécanisme du larynx à celui de
différents instruments de musique; il semble au
contraire qu'il est plus naturel de comparer ces der-
niers au larynx.
Le larynx ne ressemble qu'à un larynx, c'est un
intrument à vent sui generis, inimitable par l'art, et
dont le mécanisme vivant ne peut se comparer à
celui d'aucun autre.
Quant à la glotte, elle est l'instrument qui produit
les sons, ou plutôt c'est l'air chassé des poumons
qui, sous l'influence de la volonté, en se brisant con-
tre les lèvres de la glotte, produit des ondulations so-
nores qui sont modifiées par le pharynx, la langue,
les lèvres, les fosses nasales, enfin par tout l'appareil
vocal.
Si, pour produire un son simple, ainsi que le prou-
vent les cris que font entendre sans motifs appré-
ciables les sourds-muets non instruits et les idiots,
on n'a pas besoin du concours d'organes étrangers
à l'appareil vocal, il est indispensable qu'il s'établisse
226 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
une mutuelle correspondance entre cet appareil et
l'encéphale, lorsque, par la parole ou la voix mo-
dulée on veut exprimer des sensations ou des idées.
Comme dans ce cas l'instrument vocal ne produit
que des sons appréciés par le cerveau par rintermé-
diaire de l'oreille qui les reçoit, il s'ensuit que la voix
est nécessairement dysphonique s'il y a un défaut de
concordance entre ces derniers organes et le larynx,
c'est-à-dire entre ce qu'on entend et ce qu'on exprime.
Le sens de l'ouïe est par conséquent la boussole de
la voix, puisqu'il est la seule base sur laquelle repose
l'imitation des sons modulés ou articulés auxquels on
attache une idée (1).
Le mécanisme de l'instrument vocal peut être
compris, sans avoir besoin de le comparer aux autres
instruments de musique : d'ailleurs ces instruments,
qui n'ont été créés que pour imiter ou soutenir la voix,
sont bien loin de réunir au même degré de perfec-
tion les conditions les plus favorables à la production
des sons, tant sous le rapport du timbre que sous
celui de l'harmonie. C'est probablement pour cette
raison que les instruments qui approchent le plus de
(1) Il est donc évident que les praticiens qui s'efforcent à rendre la
parole aux sourds-miiels par l'emploi de la médecine ou, par la pra-
tique de la chirurgie, avant de chercher à leur rendre Vouie, ont un
point de départ complètement illogique.
i\. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 227
la voix humaine ont une expression plus touchante et
vont plus directement à l'àme.
L'organe de la voix humaine ne produit pas de la
même manière tous les sons qui lui sont propres,
La voix articulée et la voix esthétique qui est l'ex-
pression mesurée du sentiment et des passions; les
divers cris qui comprennent les sons les plus in-
tenses que le larynx puisse former, et qui expri-
ment les besoins de l'économie et en général toutes
les sensations vives; la ventriloquie ; enfin cette
voix qui a reçu dans notre langue le nom de faucet;
toutes ces voix dépendent de mécanismes différents :
c'est ce qui sera successivement examiné.
Physiologie du faucet.
On a vu que la glotte est l'organe essentiellement
phonateur, et que les diverses variations dont le tube
vocal est susceptible n'ont pas pour but de rendre
les sons plus graves ou plus aigus, mais seulement de
les rendre plus ou moins intenses et plus ou moins
éclatants, selon la forme que prennent le tube vocal et
toutes les parties qui concourent aux diverses modi-
228 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
fications phoniques. Mais si, dans la plus grande
étendue de l'échelle vocale, la glotte est l'organe
générateur des sons, il n'en est pas de même dans
les cris aigus et dans le faucet (1) : alors le diapason
de la voix naturelle est poussé au delà de sa portée,
et l'on est obligé d'avoir recours à une autre espèce
de voix dépendant d'un mécanisme particulier. Le
point de départ de celte nouvelle série de sons com-
mence après la dernière note du premier registre
vocal, c'est-à-dire à la première note du second qui
peut être porté à Toctave de cette note, plus ou
moins, suivant les individus. C'est à la réunion des
sons qui constituent ce second registre qu'on donne
ordinairement le nom de voix de tète ou de faucet.
Les notes aiguës dépendantes du faucet sont
dues au travail presque exclusif ou plutôt à la con-
traction forcée de la partie supérieure de l'appareil
vocal.
Alors élevé au moyen des contractions des mus-
cles thyréo-hyoïdien^ génio-hyoïdien^ mylo-hyoïdien,
stylo-hyoïdien, les digastriques^ les génio-glosscs,
(1) C'est avec intention que Colombat écrivait faucet avec un c-,
au Heu de deux ss; il n'admettait pas l'étymologie de ceux qui écri-
vent fausset, comme venant de faux, opposé de juste; on trouvera
plus rationnelle l'étymologie du latin fauces, fauciwn, la gorge, le
gosier, qui n'attache aucune idée de faux aux sons aigus de la
voix.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 229
et les hyo-glosses, et enfin les constricteurs inférieurs
dwpharynx, l'instrument vocal se fixe et se restreint
par l'action des muscles hyo-ihyréoïdiens latéraux,
hyo-aryténo'idicns obliques et transverses et les thy-
réo-aryténoUliens inférieurs et supérieurs; en même
temps le pharynx se contracte et se resserre, le
voile du palais, dont la face antérieure, presque ver-
ticale, est devenue inférieure et horizontale, se tend
de manière à houcher les orifices pharyngiens des
sinus nasaux; les piliers postérieurs se rapprochent
au point de former une sorte de glotte ou fente ellip-
tique.
La luette, qui se raccourcit, se contracte et s'élève
de plus en plus, à mesure qu'on passe des premiers
sons du faucet aux notes plus aiguës de ce registre,
finit par s'effacer tout à fait lorsqu'on est arrivé au
summum d'acuité. La langue devient très convexe,
s'élève et se contracte fortement, surtout à sa base;
les amygdales se tuméfient considérablement et se
rapprochent l'une de l'autre, l'isthme du gosier se
resserre, enfin l'épiglotte repliée en cornet dirige
l'air qui s'échappe de la glotte en mince filet, dans la
fente elliptique ou glotte supérieure formée, comme
nous l'avons dit, par le rapprochement des piliers
postérieurs et les contractions exagérées de toutes
les parties dont il vient d'être question. Les ^ow^sus-
230 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
laryngiens qui résultent de ce mécanisme ne s'échap-
pent plus en partie par le nez, comme dans les notes
du premier registre, mais ils retentissent seulement
dans la bouche après" avoir été produits par le brise-
ment de l'air contre les lèvres de la nouvelle glotte
formée, comme cela a été dit, par le rapproche-
ment des piliers postérieurs. Ces derniers sont sus-
ceptibles de vibrations plus évidentes encore que
celles des cordes vocales proprement dites, que l'on
peut comparer aux vibrations labiales qui ont lieu
dans le sifflement, et surtout lorsqu'on cherche à
imiter avec les lèvres certains sons, tels que ceux du
cor, du basson, le raclement d'un archet sur les
cordes d'un violoncelle, ou enfm le bruit produit par
les ailes d'une mouche, d'un hanneton et de tous les
insectes coléoptères.
Dans le mécanisme qui produit les sons aigus,
c'est surtout la forme du tuyau vocal qui paraît le
plus changer; en effet, dans la voix laryngienne le
tuyau a deux orifices externes, le nez et la bouche. Il
est recourbé supérieurement, tandis que dans le
faucet il n'a qu'un orifice et prend une direction
verticale et droite, favorisée par l'élévation du larynx
et la tête renversée en arrière, ce qui facilite le res-
serrement des organes et empêche que le son ne
sorte par les sinus des fosses nasales. Enfin dans la
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 231
voix du premier registre, appelée voix de poitrine^ la
cavité bucco-pharyngienne forme deux cônes creux
dont les bases, tournées vers la glotte, se confondent
et dont les sommets séparés sont antérieurs; au
contraire, dans la voix du second registre, la bouche
et le pharynx ne forment qu'un cône à sommet pos-
térieur et à base antérieure. Pendant le mécanisme du
faucet, le larynx ou plutôt la glotte ne vibre plus d'une
manière apparente; son usage alors est de rétrécir
considérablement rorificepar où s'échappe le petit lilet
d'air qui, joint à celui qui se trouve déjà dans la bou-
che, suffit pour produire les sons du faucet et les sons
des cris aigus dontnous aurons bientôtà nous occuper.
Ce qui prouve encore que l'air ne sort que par la
bouche dans la voix aiguë, et non par cet orifice et
parle nez comme dans les sons graves, c'est qu'il est
très difficile de prononcer purement les sons nasaux,
dans les notes élevées du faucet. Ainsi, pour dire :
main ^lointain ^ on dira : ma, loiiata. C^estpour cette
raison que les femmes en général, les ténors, surtout
les soprani, sont moins facilement compris, lorsqu'ils
chantent des paroles, que les barytons et les basses.
Aussi les personnes qui ont une voix nasonnée et dé-
sagréable dans les sons du médium et surtout les
notes basses, font en général entendre des sons écla-
tants et purs en prenant le faucet.
232 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
La glotte pharyngienne ne se forme que lorsque
celle (lu larynx a épuisé toutes ses notes et produit
son plus haut diapason. A la simple inspection des
organes vocaux, il est facile avec un peu d'habitude
de reconnaître le genre de voix de chaque individu ;
les différences de conformation et surtout de capacité
de ces organes sont tellement sensibles qu'il n'est
presque pas possible de se tromper à cet égard. Les
chanteurs à voix étendue, surtout dans les notes
hautes, tels que les soprani et les ténors, ont les
parties supérieures de l'appareil vocal beaucoup plus
développées et plus mobiles que les basses -tailles.
Chez ces derniers le larynx est beaucoup plus grand
et descend presque jusqu'au milieu du cou ; la saillie
antérieure du cartilage thyréoïde est plus prononcée ;
le nez est ordinairement plus saillant, les sinus na-
saux sont plus vastes, peut-être parce que l'air les
traverse constamment, les épaules et la poitrine sont
plus larges ; mais la bouche au contraire est plus pe-
tite, le voile du palais plus épais et moins grand, la
luette moins procidente et moins mobile^ enfin toutes
les parties qui constituent l'arrière-bouche sont en
général plus rétrécies. Chez les ténors et surtout chez
les soprani, la figure est en général plus petite, quoi-
que le gosier soit plus grand ; le larynx monte sous la
mâchoire inférieure ; les narines sont quelquefois si
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPMOiNlQUE. 233
étroites, qu'elles permettent à peine le passage de
l'air ; mais la luette est développée et très contractile,
le voile du palais est plus grand et plus mince, et la
langue est à proportion plus épaisse et plus large. Ce
qui peut-être fait également que ces organes sont plus
développés et plus mobiles chez les soprani, c'est que
les chanteurs de ce genre de voix exercent plus sou-
vent la partie supérieure du tubevocal. Aussi ces parties
ne sont-elles jamais plus fatiguées qu'après les rôles
qui sont écrits pour être chantés dans les notes hautes
du second registre qui exigent que l'on prenne le faucet.
Les enrouements, les aphonies et les dysphonies
des personnes à voix grave se font remarquer sur
toutes les notes et dans toute l'étendue de l'é-
chelle vocale; chez les ténors, au contraire, le plus
souvent les sons aigus du faucet ou du second re-
gistre sont seuls altérés ou détruits, tandis que la
voix de poitrine ou de second registre conserve à
peu près son timbre, son éclat et sa force ordinaire.
Mécanisme des cris.
Le mécanisme de la formation des cris ne diflère
pas essentiellement de celui des autres phénomènes
-234 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
vocaux. Il peut se rapporter tout à la fois à la forma-
tion des sons les plus graves de la voix et à celle des
sons aigus du faiicet. En général, le ton des cris est
beaucoup plus intense que celui des autres émissions
vocales, et il offre toujours quelque chose de strident
qui blesse l'oreille, et qui est susceptible de mille
nuances. Ajoutés à la voix articulée, les cris forment
chez riiomme une partie importante de son langage
et deviennent un moyen supplémentaire de la parole,
qui, quoique accidentel et temporaire^ est néanmoins
le plus énergique et le plus rapide pour exprimer
les sensations vives et subites, ainsi que toutes les
douleurs physiques et morales. L'espèce de langage
que le cri établit étant instinctif et naturel se trouve,
par cela même, le plus puissant de tous ; c'est lui
qui nous ébranle le plus fortement et qui excite en
nous les sentiments les plus vifs ; enfin, c'est lui qui
seul est compris de tous les hommes, et qui provoque
en eux les déterminations les plus soudaines.
Les cris et certaines inflexions vocales affectives,
ayaut pour cause déterminante l'état du moi et la
sensation pénible ou agréable auxquels leur expression
actuelle se rapporte, sont pour cela même éminem-
ment propres à fixer^. sur ceux qui les poussent, l'at-
tention de ceux qui les entendent.
C'est ainsi que les cris de la douleur et ceux qui sont
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 235
le résultat d'un péril imminent, etc., nous émeuvent
d'une manière bien diverse. Les cris bruyants du
plaisir nous rendent joyeux, tandis que les cris du dé-
sespoir nous navrent le cœur et nous remplissent
de tristesse. Ceux qui résultent des souffrances phy-
siques contribuent à les rendre plus supportables^ et
semblent être un mouvement salutaire de la nature
qui concourt à généraliser le mal pour en dimiuuer
l'intensité. C'est ainsi qu'une couleur s'affaiblit quand
on rétend dans un liquide.
Mo?it (ligne diûil «que les criset'rt/Jore?ida douleur. »
Si l'on considère l'espèce de collapsus et de sou-
lagement qui paraît résulter des cris, on serait au-
torisé^ jusqu'à un certain point, à les ranger parmi
les contre-slimulants.
Le cri, étant une sorte de voix commune à Ihu-
manité, nous offre sur les animaux un moyen d'ac-
tion et un langage qu'ils semblent mieux comprendre,
parce qu'il se rapproche plus du leur.
Si, comme cela a été dit, chaque douleur a son
intonation et son inflexion phonique particulière ; si
les cris des souffrances physiques dilTèrent de ceux
des douleurs morales, et si les uns et les autres diffè-
rent entre eux selon l'expression et les sensations
auxquelles ils se rapportent,, il est incontestable que
l'étude des cris chez l'homme peut aider les physio-
236 N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE.
logistes à porter un diagnostic plus sûr dans cer-
taines affections.
Quoique le diapason des cris dépende du timbre
naturel de la voix; et soit, par conséquent, variable
à l'infini, même cbez les individus qui les profèrent
dans de semblables circonstances, on peut expri-
mer approximativement^ par des chiffres ou des si-
gnes de musique, les intervalles des doubles sons
qui constituent les cris propres à chaque douleur.
Les cris et les autres inflexions vocales alTectives
sont, chez l'homme, composés de deux intonations
distinctes, produites, avec leurs diverses modifica-
tions, par des eff'orts particuliers et des contractions
exagérées de l'appareil vocal. Le son, qui est d'abord
grave, devient subitement plus ou moins aigu et plus
ou moins prolongé, et ces deux intonations presque
simultanées, dont la réunion forme le cri, présentent
des intervalles toniques qui sont toujours semblables
chez les individus se trouvant dans les mêmes condi-
tions physiques et morales, mais qui changent à
rinfini, selon l'expression et la douleur auxquelles les
difîérents cris se rapportent. Il y a donc deux sons
dans la formation du cri : le premier, qui est très
bref et dont le diapason est aussi variable que le
timbre naturel de la voix, se confond avec le second
qui est plus prolongé, et qui correspond selon la
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 237
nature du cri à la tierce^ à la quarte, à la quinte, à
\octave de son congénère (I), ou enfin, ce qui a
lieu le plus souvent, à une des notes aiguës du faucet.
Ce n'est pas seulement dans notre espèce que
les cris sont formés par deux intonations, mais
presque tous les animaux vertébrés, ceux surtout
qui ont été classés dans l'ordre des mammifères,
font entendre des cris composés d'au moins deux
sons offrant des accents et des intervalles qui diffè-
rent dans chaque espèce, mais qui sont invariables
chez les individus de la même espèce et se trouvant
impressionnés par les mômes causes.
Pour faire mieux comprendre les différents cris,
on prendra, d'après la théorie de Colombat, pour dia-
pason ou point de départ \ut au-dessous des lignes
d'une portée de la musique notée, en rappelant de
nouveau que cette note, choisie pour tonique, peut
changer selon les individus, mais qu'entre ce point de
départ ou tout autre, les intervalles résultant des
doubles sons qui forment les cris sont presque tou-
jours les mêmes, et peuvent être notés approximati-
vement.
(1) Congénère : qui est du même genre, appartient à la môme
espèce.
238 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHOMOL'E.
Intonations des cris dans les douleurs physiques et
morales. — Différentes inflexions vocales affec-
tives.
On a observé que les cris causés par l'application
du feu sont graves et profonds, et que le double son
qui en résulte peut être représenté par Voctave basse
et la tie?'ce, par exemple Viitque plus haut on a indi-
qué et lemzsur la première ligne. Le sonvocalde ces
cris est représenté par Ve muet et l'interjection ah !
Les cris arrachés par l'action d'un instrument
tranchant sont aigus et perçants, et peuvent être
exprimés d'abord par un son très rapide ou une tri-
ple croche de loctave du médium qui serait à peu
près le 5o/, sur la seconde ligne et presque en même
temps, par un son aigu et prolongé, ou une blanche
correspondante au si aigu au-dessus des lignes.
Les sons vocaux de ce cri sont : e, ah ! e, ah ! la,
la.
Les cris qui résultent des douleurs pulsatives pro-
duites par une inflammation phlegmoneuse, un pana-
ris, un furoncle, etc., présentent quatre sons presque
d'égale durée ; le plus bas est Xoctave^ le plus haut
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHO.NIOL'E. 239
la sixte naturelle, puis baissée d'un demi-ton pour
arriver à la quinte; le premier, qui est une double
croche, correspond à Vut pris pour diapason ; le se-
cond, qui est une noire, correspond au la naturel
dans la portée, et le troisième au la bémol, qui est
une croche ainsi que le dernier finissant par la quarte,
c'est-à-dire par le 50/ sur la seconde ligne. Les sons
vocaux du cri désigné ordinairement sous le nom
de gémissement forment, pour la première note, la
voyelle a, et, pour les trois autres , la syllabe on
syncopée trois fois.
Le double son, résultant du cri des douleurs lanci-
nantes déterminées par une névralgie faciale , un
mal de dents, la goutte, etc., sera représenté par
une triple croche, par exemple le re, sous la portée
et par son octave sur la quatrième ligne qui doit être
plus prolongée et suivie d'une sorte de trémolo. Les
sons vocaux de ce cri donnent les voyelles a et 0.
Le cri déterminé par les douleurs gravatives (1)
est assez bien indiqué par trois sons du médium, le sol
sur lui la première ligne et le demi-ton suivant, c'est-
(1) Se dit de la douleur quand elle cause un sentiment de pesan-
teur. Cette sorte de douleur est souvent occasionnée par l'épan-
chement d'un liquide dans une cavité, ou par le poids d'un or-anc
engorgé. °
240 N. 0. — SYNT[1ÈSE ORTIIOPÎIONIQUE.
à-dire le la bémol, puis le 50/ naturel déjà indiqué; le
premier son est représenté par une croche, le second
par une noire pointée^ et le troisième, qui est le même
que le premier, également par une croche. Les sons
vocaux de ce cri forment les voyelles e muet et la
syllabe nasale wi.
Les douleurs de l'accouchement arrachent les cris
les plus aigus et les plus intenses de tous ; ils ont
une expression particulière bien connue et beaucoup
plus remarquable encore que celle des autres cris
déjà indiqués et notés. Le double son qui les pro-
duit sera représenté par Voctave basse et la dix-
septième^ par exemple Vut sous la portée et le ré
aigu du faucet.
Il semble que les douleurs atroces de l'accouche-
ment élèvent le diapason naturel de la voix et aug-
mentent en même temps son étendue. Les voyelles
qui représentent les deux intonations de ce cri sont
\a muet, et \e, comme dans le cri déterminé par
l'action d'un instrument tranchant.
Le critrès distinct qui, dans la toux spasmodique,
caractérise spécialement la coqueluche, est assez
bien reproduit par deux notes du premier registre,
offrant entre elles Tintervalle d'une quinte, par
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 241
exemple IV^ au-dessous de la première ligne et le sol
sur la seconde. Le premier, très bref et saccadé, est
une triple croche, et le second, qui est d'abord une
noire pointée^ puis une croche et une double croche,
finit par s'unir au premier et par devenir, comme
lui, une triple croche. Les sons vocaux de ce cri for-
ment les deux syllabes que et ot. L'expression de
quinte de /02/^ vient, probablement, de l'observation
qu'on a faite que certaines toux étaient composées
de deux sons offrant entre eux l'intervalle d'une
quinte.
Enfin, le vagissement ou voix native qui forme le
seul langage des enfants du premier âge, et qui est
composé des deux syllabes ou in, peut être noté
au moyen d'une croche et d'une noire pointée,
séparées par l'intervalle d'une octave, par exemple
le sol sur la seconde ligne et son octave au-dessus de
la portée (I).
Si la connaissance des diverses intonations des cris
résultant des douleurs physiques peut être utile aux
médecins^ celle des cris alfectifs peut également
olfrir aux compositeurs de musique dramatique et
(1) Un philosophe grec ne voulait pas qu'on réprimât entièrement
les cris des enfants nouveau-nés, parce qu'il les regardait comme
une sorte d'exercice qui supplée aux autres mouvements.
16
242 N. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPHO.MQUE.
aux artistes des théâtres comiques et tragiques le
plus vif intérêt.
Ayant toujours présente à la mémoire l'échelle
diatonique des passions ou des afTections vives et
soudaines de Tàme, les musiciens parviendront plus
facilement à faire de l'harmonie imitative et expres-
sive, et les comédiens à varier et à reproduire d'une
manière naturelle toutes les inflexions vocales qui se
rapportent à la situation actuelle des personnages
dont ils jouent le rôle.
Le cri de la joie, comme la plupart des cris, est
formé de deux so?is, dont l'un bref et l'autre prolongé
présentent l'intervalle àhme octave, par exemple le
ré sous la portée et la même note sur la quatrième
hgne.
Le cri de vivat est, comme le cri de joie, formé
par deux sons; mais ils n'ont entre eux qu'un inter-
valle d'une note, par exemple le reet le mi.
Les deux sons qui constituent le cri d'appel, offrent
l'intervalle d'une neuvième, qui doit être notée par
le ré grave et le mi entre la quatrième et la cin-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 2i-3
quième ligne. Les sons vocaux qui le constituent
forment l'interjection /zo/«.V et l'exclamation ah! Le
premier son est bref et le second est prolongé.
La double intonation, résultant du cri causé par
une terreur vive et subite ou par un péril imminent,
est le plus discord de tous : on peut l'exprimer par
r«^ grave du violon, et le s? aigu du faucet qui sem-
ble faire en même temps un accord avec Viit du mé-
dium.
Le cri du sanglot ou pleurs est formé d'abord par
trois notes saccadées ou trois triples croches sembla-
bles, produites pendant l'inspiration, et ensuite par
une blanche^ portée à la quinte mineure ou six demi-
tons plus baut et par trois croches saccadées corres-
pondant à la quarte.
Les trois premiers sons seront représentés par
trois ré sous la portée, le quatrième par un la bé-
mol, et les derniers par trois sol sur la seconde ligne.
Le cri du dégoût est formé par deux inflexions
vocales presque d'égale durée et offrant entre elles
Tintervalle d'une quarte^ \ut et le /«, par exemple.
Les sons vocaux de ce cri donnent l'articulation la-
biale pou, et l'exclamation ahl
244 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPIIOXIQUE.
On voit qu'il serait jusqu'à un certain point possi-
ble de faire, d'après les différents registres de voix
de chaque individu, une échelle diatonique des multi-
ples cris personnels. .
Si les langues sont toujours insuffisantes pour
exprimer les intonations des divers sentiments du
moi, il n'en est pas ainsi de la musique, qui peut
reproduire d'une manière assez précise les intervalles
des sons vocaux formant les cris auxquels les dou-
leurs physiques et morales se rapportent. Il n'y a
donc pas de relations conventionnelles entre les
inflexions vocales qui sont propres à chaque douleur,
mais bien des relations physiques qui sont toujours
invariables chez les individus de la même espèce et
se trouvant impressionnés de la même manière.
De l'engastrimythisme.
L'engastrimythisme ou ventriloquie est une espèce
de voix sourde, tantôt lointaine, tantôt rapprochée,
qui produit les illusions vocales les plus étonnantes et
les plus variées.
L'art des ventriloques a été connu de la plus haute
antiquité, car il en est question dans le livre (ÏHipno-
crate, et dans d'autres auteurs des temps les plus re-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOFFIONIQUE. 24o
culés. Aristophane parle d'un certain Eurycle qui
était ventriloque et qui se faisait passer pour devin
dans la ville d'Athènes. Il paraît même que chez les
peuples anciens la ventriloquie était spécialement ré-
servée aux magiciens et aux pythonisses qu'on dési-
gnait aussi sous le nom à'engastnmenthes ow ventri-
loques.
C'est en France particulièrement que l'histoire du
ventriloquisme trouve les faits les plus authentiques
et les plus propres à répandre quelques lumières sur
les procédés et les effets des illusions vocales de cet
art.
Pour produire la voix des ventriloques on doit em-
ployer le mécanisme suivant : d'abord, après avoir
fait une profonde inspiration orthophonique, on con-
tracte très fortement le voile du palais, le pharynx,
le larynx, la base de la langue et tous les mus-
cles expirateurs, de manière à ce que l'émission
de la voix s'effectue en chassant le moins possible
d'air hors des poumons, et de telle sorte que les sons
ne retentissent que dans la bouche. Ce résultat est
assez facilement obtenu par les raccourcissements
forcés du voile du palais et par ceux de tous les muscles
du ventre, de la poitrine et du cou. On doit dire aussi
que pour rendre la voix de plus en plus lointaine on
cherchera à la baisser insensiblement d'un huitième,
246 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPOOIIIQUE.
d'un quart et d'un demi-ton, et en même temps, pour
en adoucir le timbre, on relèvera la pointe de la
langue vers la luette, de telle sorte que la concavité
que présente cet orgdne ainsi disposé agisse comme
la sourdine d'un instrument à vent ou la main d'un
joueur de cor d'harmonie.
On voit que le principal secret des ventriloques est
d'empêcher que l'air ne sorte par le nez, et de faire
en sorte que ce fluide ne s'échappe par la bouche que
d'une manière lente et tout à fait forcée. Il résulte de
ce mécanisme, que la voix semble être sourde et avoir
la faiblesse et le timbre de la voix éloignée, ce qui,
pour cette raison, fait croire qu'elle vient de loin.
On augmentera encore Tillusion, en donnant à la
voix un son qui paraît venir d'un Heu déterminé ; il
suffit d'appeler adroitement l'attention vers ce lieu,
et de parler ensuite dans celte direction en élevant
plus ou moins le voile du palais pour que la >oix
s'éloigne ou s'approche à volonté. Il faut aussi tâcher
de parler en faisant le moins possible des mouve-
ments de la mâchoire inférieure et avoir soin d'arti-
culer en quelque sorte la bouche fermée ; enfin, le
ventriloque devra se présenter presque toujours de
profil, afin que sa figure paraisse plus impassible et
aussi dépourvue de physionomie que celle d'un
aveugle. Par ce moyen, il semblera encore plus ne
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 247
prendre aucune part aux sons vocaux qu'il fait en-
tendre.
On aura soin de parler de temps en temps avec la
voix ordinaire, afin de faire mieux ressortir le con-
traste qui existe entre elle et les sons ventriloques,
dont l'oreille ne peut jamais distinguer exactement
la direction.
Il est bon d'ajouter encore que la ventriloqnie exer-
cerait en vain toutes ses ressources d'imitation et de
prononciation artificielle, si le son était comme la lu-
mière propagé en ligne droite, et si l'oreille pouvait
apprécier la direction de ce dernier, aussi exacte-
ment que l'œil apprécie celle des rayons lumineux.
Il faut en outre être doué d'une faculté instinctive
d'imitation.
Un célèbre ventriloque se trouvait un jour dans
un cercle où on venait de lire une comédie. Après
la lecture, il amena la conversation sur les prestiges
des prétendus ventriloques, et avança que les voix
qu'ils- faisaient entendre étaient celles de personnes
cachées de diverses manières, et postées en des lieux
convenables; de telle sorte qu'une scène de ventri-
loquie devait être préparée d'avance, et ne pou-
vait être improvisée. A peine avait-il exprimé cette
opinion, qu'il reçut une réponse dont les assistants
furent très surpris : l'interlocuteur paraissait être à
248 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPIIONIQUE.
l'étage au-dessou? et se faire entendre à travers le
plancher. Mais la conversation devint bientôt plus
étonnante : des bustes et d'autres objets y prirent
part, énoncèrent leur avis et discutèrent même avec
feu. La curiosité des spectateurs étant suffisamment
excitée, l'opérateur expliqua ses procédés, les exer-
cices rpi'il avait faits, les études auxquelles il s'était
livré; il fit comprendre, non seulement par une expo-
sition clairement développée, mais par des applica-
tions faites sur-le-champ, comment les spectateurs et
les auditeurs non prévenus peuvent être trompés sur
la distance et le lieu d'où la voix semble venir. Après
avoir montré les ressources de cette première partie
de son art, le ventriloque-artiste parla de la se-
conde^ où l'intelligence a plus de part encore, où la
flexibilité de l'organe ne suffit plus; il fit voir qu'il
avait médité sur l'art du comédien, qu'il en connaissait
tous les secrets et qu'il savait les employer. Sa figure,
qui exprimait les diverses passions avec vérité et
énergie, passait de l'une à l'autre avec une éton-
nante rapidité : dans l'intervalle de quelques minu-
tes, on le voyait grand, petit, fluet, d'un embonpoiut
excessif, gai, sombre, affligé, simple, maniéré; enfin,
il possédait un talent d'imitation vraiment extraor-
dinaire.
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 249
Mécanisme naturel des sons articulés.
ALPHABET ORTHOPHONIQUE.
On prononce un mot devant l'enfaut, il
le répète en -vertu du rapport de l'or-
gane auditif et de l'organe vocal.
On ne lui apprend pas quels mou-
vements il doit faire pour les prononcer.
Il résulte nécessaii-ement de là que la
moindre imperfection organique produit
une infirmité vocale.
11 est clair que si les mouvements qui
président au mécanisme naturel des sons
articulés étaient généralement étudiés, il
serait facile dans l'enfance de rectifier
beaucoup de vices d'articulation vocale.
C'est avec raison qu'on a dii; que tout le méca-
nisme du langage consistait dans les diverses modi-
fications que nous faisons éprouver aux cinq sons
fondamentaux A, E, I, 0, U, désignés sous le nom
de voyelles ou vocales. Ce qui distingue essentielle-
ment ces cinq lettres de toutes les autres, c'est que,
naissant d'une simple situation des organes vocaux
et non d'un mouvement ou battement de la langue
ou des lèvres, le son glottal qu'elles représentent
peut être prolongé aussi longtemps que dure la sortie
de l'air qui, pendant leur production, s'échappe du
larynx.
D'après cette définition des voyelles, il est facile de
250 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
concevoir que si les grammairiens n'en comptent que
cinq, les physiologistes doivent porter leur nombre
au moins à seize pour représenter les seize sons fon-
damentaux que nous classons selon l'analogie de la
disposition de la bouche et des autres organes néces-
saires à leur production : a, a, an, ê, è, in, é, i, eu^
e, lin, ô, 0, 0)1, u, ou, que l'on trouve exprimés par
une ou plusieurs lettres, dans les mots pâte, palte,
pante, tête, tète, tinter, lézard, misère, jeunesse,
revenir, chacun, côte, cote, conte, univers, oublier.
Quoique ces divers sons vocaux ne soient pas écrits
par une seule lettre, comme cela a lieu dans a, e, i,
0, u^ ils n'en sont pas moins des voyelles, parce que
ces dernières ne dépendent pas du nombre de carac-
tères qui les représentent, mais bien delà simplicité
du son dont elles sont le signe, et de la possibilité
qu'il y a de le soutenir comme celui des voyelles
aussi longtemps que dure l'expiration.
Les autres espèces de lettres qui font partie de l'al-
phabet, et qu'on a désignées sous le nom de con-
sonnes, ne produisent par elles-mêmes aucun son ;
mais elles sont les signes de l'action passagère et des
divers mouvements qu'exécutent la mâchoire infé-
rieure, les lèvres, la langue ou le pharynx pour mo-
difier le son des voyelles ou lettres glottales à me-
sure qu'il s'échappe de la bouche ou des narines.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 'Toi
C'est l'union et la combinaison de ces deux espèces
de lettres qui constituent ce qu'on appelle les syllabes;
mais, comme ces dernières peuvent n'être composées
que d'une voyelle seule, on doit, pour en donner une
définition exacte, dire qu'elles consistent dans un son
. vocal simple ou composé, mais prononcé par une
seule impulsion de voix.
Toutes les consonnes sont du genre masculin, et
terminées, lorsqu'on les prononce isolément ou
qu'elles sont à la fin d'un mot, par un E muet faible ;
ainsi, au lieu de dire, effe, elle, emme, cnne^ erre,
esse, pour indiquer les lettres F, L, M, N, R, S, on
prononce fe, le, me, ne, re, se, etc. On voit d'après
cela que, si l'E muet n'existe comme lettre que dans
la langue française, il se trouve comme son faible
dans toutes les langues à la fin des mots terminés
par une consonne, comme par exemple, en français,
bal, rob^ cap; en anglais, man, foot, child ; en alle-
mand, Gott^ Mûtter, arm ; enfin en latin templnm,
domi?iiis, Carmen, etc.
En prenant pour guide le jeu des organes qui agis-
sent principalement dans la production des voyelles,
chacune d'une manière propre à son éclosion, et des
articulations ou consonnes, qui sont représentés par
des lettres, ces dernières se trouvent naturellement
divisées en lettres labiales^ linguales et gutturalcst
252 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
selon que les lèvres, la langue ou la gorge contri-
buent plus organiquement à leur formation.
Dans les premières ou labiales^ se trouvent les
lettres B, F, M, P,.V; dans les secondes ou linguales^
sont comprises D, J, L, N, R, S, T, X, Z; enfin dans
les troisièmes ou gutturales^ sont rangées les con-
sonnes C et G durs, K et Q. Nous avons supprimé
le C et le G doux dont les descriptions phonétiques
sont inutiles, et la lettre H, qui n'est pas précisément
une consonne, mais seulement un signe d'aspiration.
L'alphabet français serait beaucoup plus parfait
si l'on remplaçait ces dernières lettres par des signes
graphiques représentant les consonnes CH, le GN et
L mouillé.
Après avoir classé les différentes lettres d'après
l'ordre physiologique et générateur de leur articula-
tion, nous allons indiquer le mécanisme qui produit
les sons ainsi que les modifications vocales et tactiles
qu'elles rappellent, en suivant l'ordre dans lequel elles
sont rangées dans l'alphabet.
La voyelle A, qui, dans l'enfance de l'écriture,
était le signe hiéroglyphique de l'homme, fut, par
cette raison, placée la première dans presque tous
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 253
les alphabets. Peut-être aussi qu'on a donné à cette
lettre la première place, qu'elle a conservée jusques
aujourd'hui, parce que le son vocal qu'elle représente
est en quelque sorte le plus simple et le plus naturel
de tous, puisque c'est le premier que les enfants com-
mencent à former, et que, malgré les différences
d'idiomes et de langages, il sert chez tous les peuples
à exprimer instinctivement les mêmes mouvements
du moi^ surtout ceux de la douleur et de l'admiration.
Le mécanisme physiologique de la voyelle A est
très sim[de.
Pour produire le son dont elle est le signe, il suf-
fit d'ouvrir la bouche ; la langue étant abandonnée à
elle-même et mollement étendue dans cette cavité
doit se retirer un peu en arrière pour faciliter « l'é-
coulement » du son, afin qu'il soit rendu plus sonore
par la voûte du palais et par les deux rangées de
dents (1).
Cette consonne s'articule en laissant la langue im-
mobile, en rapprochant légèrement les lèvres, et en
ouvrant brusquement la bouche. Le son du B est
(1) On modifiera Touverture de la bouche selon la valeur de la
voyelle à émettre et de l'accentuation à produire.
254 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
précédé d'un frémissement sonore qui part du fond
de la cavité buccale, suit le palais, et sort ensuite
vivement, après avoir été modifié par les lèvres.
D'après certains, auteurs, Tarticulation représentée
par cette lettre, que les Allemands confondent souvent
avec celle du P, comme le font aussi les Espagnols et
les Gascons avec celle du V, était figurée dans les
hiéroglyphes égyptiens par une brebis, parce que
cet animal imite par son bêlement le son dont le B
est le signe graphique.
C dur, K
Le C dur, troisième lettre de notre alphabet, s'ar-
ticule en appuyant fortement la face dorsale de la
langue contre le palais, après l'avoir retirée du fond
de la bouche ; ce qui force l'air qui distend le gosier
de ne sortir que lorsqu'on a abaissé l'organe phona-
teur, en articulant en même temps avec explosion la
voyelle qui suit le C.
D
Le D, qui n'est qu'un adoucissement du T, s'arti-
cule en frappant avec la pointe de la langue la face
postérieure des dents incisives de la mâchoire supé-
M. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPHUNIQUE. 235
Heure, et en prononçant en même temps la voyelle
qui suit. L'articulation de cette lettre, que les gram-
mairiens rangent parmi les dentales, est précédée,
comme celle du B, d'une légère sonorité gutturale,
qui est à peu près le son faible de l'E muet.
Les côtés de la langue se joindront, par son circuil,
à toutes les dents de la mâchoire supérieure.
E
Pour produire le son naturel assigné à cette lettre,
qui est en quelque sorte le Protée des voyelles, il
suffit que le corps de la langue s'élève pour que sa
face dorsale s'applique contre le palais, afin de dimi-
nuer la cavité buccale et de rétrécir de tous côtés le
passage de l'air ; les lèvres doivent être médiocre-
ment écartées et se replier sur elles-mêmes, et les
dents incisives inférieures, sur lesquelles appuie lé-
gèrement le bout de la langue, doivent être plus rap-
prochées des supérieures que pour l'articulation de
la voyelle A.
F
Les mouvements que nécessite l'articulation de la
consonne F consistent à retirer un peu en arrière la
mâchoire inférieure, de manière à toucher légèrement
2o6 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
la lèvre de cette mâchoire avec l'arcade dentaire su-
périeure ; les lèvres doivent s'ouvrir avec vivacité, et
l'air qui s'est d'abord échappé des commissures doit
sortir de la bouche avec impétuosité.
G dur (G doux, comme le J).
Le mécanisme physiologique du G dur consiste à
appuyer légèrement la pointe de la langue contre la
face postérieure des dents incisives de la mâchoire
inférieure, en même temps que l'on applique la face
supérieure ou dorsale de cet organe contre la voûte
palatine; puis, après une contraction de toutes les
parties logées dans le pharynx, on doit vivement
remettre dans un relâchement complet l'organe pho-
nateur contracté, pour laisser s'échapper l'air par
une sorte d'explosion subite, de manière à articuler
dans le fond du gosier cette consonne, qui ne diffère
du C dur que parce qu'elle est précédée d'un frémis-
sement ayant à peu près le son faible de l'E muet.
H
La lettre H est plutôt un signe d'aspiration qu'une
véritable consonne.
Pour la prononcer, il suffit d'employer le méca-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPHOMQUE. 257
nisme de l'articulation des voyelles qu'elle précède,
ayant toutefois le soin d'abaisser un peu plus la
mâchoire inférieure lorsqu'elle est précédée des
voyelles A, E, 1, et de faire saillir plus en avant les
lèvres, lorsque la lettre H est suivie des deux autres
voyelles 0 et U.
I
La voyelle 1, représente un son moins plein «pie
celui de l'E. Elle exige que le tuyau vocal se trouve
rétréci le plus possible, soit au moyen des màcboires
qui se rapprochent, soit au moyen de la langue dont
la pointe s'applique fortement contre les dents inci-
sives inférieures, pour que sa partie charnue reflue
plus aisément vers le palais et puisse s'y attacher en
s'élargissunt comme pour sortir entre les dents mo-
laires des deux cotés ; l'an' doil presque entièrement
se porter sur les incisives qu'il va heurter avant de
s'échapper de la cavité buccale.
On articule cette consonne en donnant une vive
impulsion à l'air, que l'on fait s'échapper avec force
après avoir appliqué à peu près le tiers antérieur de
la face dorsale de la langue à quelques lignes en
17
258 iN. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
avant des dents incisives de la mâchoire inférieure.
Le son du J et du G doux est accompagné d'une
espèce de frémissement sonore qui se fait entendre
dans rarrière-bouche.
K
La lettre K s'articule comme le C dur.
Cette consonne, se prononce en repliant la langue
sur elle-même, de telle sorte que son sommet, en
s'élevant, aille frapper le palais un peu au-dessus des
alvéoles des dents incisives supérieures. Ce méca-
nisme doit être précédé d'un bruissement guttural
semblable à celui du B, du D et du G dur.
M
Le mécanisme de cette consonne consiste à rap-
procher les lèvres l'une de l'autre, en faisant sortir
une partie de l'air par les fosses nasales en même
temps que l'on abaisse brusquement la mâchoire infé-
rieure. Une sorte de frémissement sonore, semblable
au son faible de l'E muet, précède l'articulation de
l'M et se fait entendre dans l'arrière-bouche.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 2o9
N
Pour l'endre le son que représente la lettre N, il
faut porter la pointe de la langue sur les alvéoles des
dents incisives supérieures et l'abaisser vivement jus-
qu'au milieu de la bouche^ en chassant l'air dans les
narines et en faisant précéder l'abaissement de l'or-
gane phonateur du son de l'E muet que l'on entend
dans le pharynx avec un frémissement des cordes
vocales, semblable à celui qu'offre l'articulation na-
turelle des consonnes J, L, M.
O
La voyelle 0 exige à peu près le môme mécanisme
que l'A, mais les lèvres se portent en avant, de ma-
nière à arrondir Touverture de la bouche, comme
pour faire une petite moue; la langue est suspendue
et courbée en forme d'arc, et le son produit est plus
intérieur que celui de l'A.
La forme arrondie de l'O rappelle la position des
lèvres pendant l'émission de cette voyelle.
P
Le mécanisme du P ne diffère de celui du B que
260 N. 0. — SYiNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
parce que la première de ces deux lettres exige que
l'air sorte de la bouche avec plus de violence et que
les lèvres se pressent plus fortement l'une contre
l'autre. Le son du B est plus profond et se trouve
précédé d'un tremblement sonore de la glotte, tandis
que le son du P est plus explosif, parce que l'air, se
trouvant comme retenu dans la bouche, sort ensuite
avec plus d'impétuosité au bout des lèvres.
La consonnance que, représentée par les cinq con-
sonnes QU, K, C, CH, G, se forme en pliant le bout
de la langue le plus bas possible, afin qu'elle touche à
sa racine vers le filet. Dans cette position le dessus de
la langue le plus rapproché de Tarrière-bouche devra
être en point tactile avec le palais, afin de neutraliser
l'air au moment de sa sortie. Alors, après avoir pro-
duit la voix, et en rompant le point palatal, on fait
entendre facilement les articulations : quâ, quà, que,
que, que, que, qui, quô, quo, quu, quou.
R
Pour produire l'espèce de ronflement oscillatoire
que représente cette lettre, il importe que la langue
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 201
se replie supérieurement, de manière que sa face dor-
sale soit concave et que sa pointe soit portée vers le
palais, un peu au-dessus des alvéoles des dents inci-
sives supérieures. Dans cette position, Textrémité
linguale mise en mouvement par l'air chassé bruyam-
ment doit céder à ce fluide avec une sorte d'élasti-
cité qui lui permette de vibrer aussi longtemps que
l'on veut prolonger le frémissement sonore qui pré-
cède l'union de l'R avec une voyelle. Il faut de plus,
pour éviter le grasseyement proprement dit, avoir
soin de laisser dans l'inaction la plus complète la
base de l'organe phonateur, les lèvres et la mâchoire
inférieure.
S
Cette lettre s'articule en plaçant la langue à l'ex-
trémité des dents incisives supérieures, de façon à
ne laisser qu'une petite issue à l'air, qui doit être
chassé avec force, mais en s'échappant en filets dé-
liés, afin de produire le sifflement qui doit précéder
le son vocal et s'unir avec lui, au moment même de
l'abaissement subit de la mâchoire inférieure.
T
Le T a un mécanisme très simple, qui consiste à
262 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
placer le bout de la langue sur la face postérieure
des dents incisives supérieures, afin de frapper ces
dernières en même temps qu'on abaisse vivement la
mâchoire inférieure, pour laisser échapper l'air de
la cavité buccale. L'articulation du T ne diffère de
celle du D que parce qu'elle est plus explosive et
n'est pas précédée d'un frémissement guttural comme
celle de cette dernière lettre.
U
L'U français s'obtient facilement en portant les
lèvres en avant, de manière à arrondir et à rétrécir
l'ouverture de la bouche, dans le but de chasser l'air
par une petite issue, et pour modifier convenablement
l'espèce de sifflement grave qui est le son naturel de
cette voyelle.
V
On articule cette lettre en retirant un peu en
arrière la mâchoire inférieure, et en plaçant légère-
ment l'arcade dentaire supérieure sur la lèvre du
côté opposé, de telle sorte que l'air ne puisse s'échap-
per que vers les deux commissures labiales. Il ré-
sulte de ce mécanisme d'abord une espèce de siffle-
ment qui est précédé d'un frémissement guttural,
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 263
puis une sorte d'explosion qui complète rarticulation
(lu V, lorsque les lèvres inférieures, cessant d'être
appliquées contre la face postérieure des dents in-
cisives de la mâchoire supérieure, ont permis à l'air
de s'échapper avec violence de la cavité buccale.
Dans notre langue, le caractère X est le signe d'un
plus grand nombre d'articulations que dans la langue
latine, puisque cette lettre représente tantôt CS
comme dans luxe., GZ comme dans Xavier., tantôt
deux SS, comme dans soixante, un Z comme dans
deuxième., enfin un K, un Q ou un C dur comme
dans excès. 11 est donc impossible d'indiquer un mé-
canisme physiologique qui convienne aux articulations
si différentes de l'X; d'ailleurs le mécanisme qui pro-
duit les sons qu'elle représente est le même que
celui des autres consonnes doubles ou simples dont
elle est une abréviation ou dont elle tient la place.
Cette lettre est désignée dans l'alphabet français
sous le nom de I grec, parce que nous en faisons
usage au lien de l'U ou upsilon des Grecs, dans les
264 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
mots qui viennent de leur langue, tels que syllabe,
symbole, martyrs, qui sont prononcés comme s'ils
étaient écrits avec un I.
Comme la lettre Y représente le son d'un I simple
ou d'un I double, elle exige le même mécanisme que
cette dernière voyelle qui pourrait toujours la rem-
placer avec avantage, sans faire perdre beaucoup à
l'étymologie des mots dans lesquels on la trouve.
Z et S dur
La consonne Z est produite par un mécanisme à
peu près semblable à celui de l'S adouci ; mais il
exige, ainsi que celui de l'S dur, que la langue vibre
à sa base et soit moins élevée, pour fournir à l'air un
passage plus large et un son sifflant accompagné d'un
frémissement guttural qui doit s'unir à la voyelle au
moment où cette dernière se fait entendre.
C'est seulement dans les langues française et an-
glaise que le Z est une consonne simple ayant la va-
leur indiquée plus haut. En allemand et en espagnol
le Z représente TS ; en italien, elle est tantôt le signe
de l'articulation TS, et tantôt celui de la double con-
sonnante DZ.
N, 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 20j
COMPLÉMENT DE L'ALPHABET ORTHOPHONIQUE
CH
Pour représenter la consonnance che, notre idiome
n'a point de loltre ; elle est formée par les deux con-
sonnes C H.
L'articulation de ces deux lettres réunies se pro-
duit en élevant la langue, en mettant les bords de
ce muscle en attouchement avec les grosses dénis
supérieures et en relevant son bout contre le palais
au-dessus des gencives supérieures de manière à ce
qu'elle forme un peu gouttière.
A ce moment on doit chasser l'air avec une cer-
taine impétuosité et produire ainsi le son cho.
Il est facile également par une ouverture de bou-
che un peu plus grande de faire entendre les articula-
tions :
Châ, chà, che, ché, chè, chê, chî, chi, cliô, chù,
chu, chou.
GN
L'articulation gno^ représentée par les deux con-
sonnes G N, peut s'obtenir en portant le dessus de
la langue au palais, le bout étant contre les dents de
26*) N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
la mâchoire inférieure, de façon à neutraliser l'air.
Au moment de l'expiration, la base de la langue
donnera à peine passage à l'air afin que le son sourd
produit par celte résistance continue de passer par les
fosses nasales, pendant toute la durée de Tarticula-
tion vocale de la syllabe.
En ajoutant le son de la voyelle I à toutes les arti-
culations on aura :
gnâ-nia, gna, gne,
gné-nié, gnè, gnô-niê, gnî,
gni, gnô, gno, gnu, gnou.
ILL
Au moment où on veut produire cette conson-
nance, la bouche doit être peu ouverte et la langue
dirigée en haut contre le palais; elle interceptera
l'air vers l'arrière-bouche, où elle s'élargit pour être
en point d'attouchement avec les joues.
L'articulation il ou ill est sous tous les rapports
d'une exécution facile.
ST
ST se prononce d'abord comme la consonne S,
c'est-à-dire qu'elle s'articule en élevant la langue au
palais et en formant un petit espace dans tout le mi-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTFIOPnONIQUE. 267
lieu de sa longueur. Mais quand le hout de la langue
se joint subitement aux arcades dentaires, l'air qui
sort des poumons étant alors concentré prend la force
de vaincre un nouvel obstacle et de faire entendre la
consonnance te.
Ce double mécanisme vocal est ordinairement si
prompt que la prononciation st a lieu presque d'un
seul temps.
DE L'ORTHOPHOME
Classification de tous les vices de la parole.
La grammaire est le droit écrit, l'ortho-
phonie est le droit parlé.
Après avoir fait connaître le mécanisme de la for-
mation des diverses modifications de la voix, on arrive
naturellement à l'étude des vices de la parole qui
constitue une nouvelle branche des sciences et à la-
quelle le docteur Colombat a donné le nom d'Ortho-
phonie, du grec ocOh^, droit, 7'égulie7\ et çwvy), la voix.
En prenant pour base l'étiologie, le diagnostic et
le traitement des différentes anomalies de l'articula-
tion, on les divise en cacomiithies et en dyslalies
formant deux classes principales bien distinctes.
La première comprend tous les défauts de pro-
268 N. 0. — SYNTHÈSE ORïnOPFIOMQUE.
nonciation, qui consistent, soit dans l'altération du
son que représentent certaines letlres, soit dans la
substitution d'une articulation à une autre, comme
cela a lieu dans les diverses espèces de grasseye-
ments et de hlésités, etc.
La seconde grande classe de \ Orthophonie réunit
sous le nom générique de dyslalies tous les vices de
l'articulation caractérisés par la répétition et la pro-
nonciation plus ou moins pénibles des syllabes et des
mots, ainsi qu'on l'observe dans le hrechuillement^ le
balbutiement et le bégaiement.
L'étude de la physiologie et de la thérapeutique
orthophonique de ces diverses anomalies de la parole
est subdivisées en trois sections : 1° les cacomuthies
et les dyslalies idiopathiqucs (1); 2° les cacomuthies
et les dyslalies symptomatiqaes (2) ; 3" les cacomu-
thies et les dyslalies dépendant d'un vice organique^
primitif ou accidentel.
(1) Idiopnthie : affection qui existe par elle-même, et non par le
fait de la coexistence d'une autre affection.
(2) Sympfomatique : affection syniptomatique, celle qui n'est qu'un
symptôme d'une autre affection et qui, quand cette autre affection
se termine, cesse elle-même aussitôt.
N. 0.
SYNTHESE ORTHOPHONIQUE.
269
TABLEAU SYNOPTIQUE
DES VICES DE LA PAROLE
r« SECTION.
VICES
IDIOPATHIQUKS
DE LA PAU OLE.
CACOMUTHIES
réunit ant de l'al-
t.ération du f^on
de certaines let-
tres ou de la sub-
stitution d'une
articulation à
une autre.
l'ésullant du dé-
faut de coordi-
nation des ,nou-
I veuients des
\ oryanes pJiona-
* leurs.
Les divers grasseyements,
la blésité, la lallation ou lamb-
daclsme, le jotacisme, le zé-
zaiement, le nasillement.
Le bredouillement, le bé-
gaiement lahio-choréique lo-
quax, le diflbrme, le bégaie-
ment des femmes ou lubio-
c/ioréique aphone, le lingual.
LehégaiGment;/utturo-téta-
nique muet ou nasal, Tinter-
miitent, le chorciforme, le
canin, l'épileptiforme, enfin
le bégaiement mixte.
Tous ces vices idmpathiques de l'articulation peu-
vent être congénitaux, ou être le résultat de l'imita-
tion et d'une mauvaise habitude qu'on a prise dès
l'enfance.
11^ SECTION.
VICES
SYMl'TOMATIQUES
DE LA
PAROLE.
Le grasseyement, certaines
blésités, le zézaiement.
Le balbutiement propre-
ment dit, le bégaiement gut-
turo-tétanique avec balbutie-
,;' meut, la paraphonie (1), la ba-
i ryphonie ou parole lourde, le
I mutisme incomplet sans sur-
\ dite ou avec surdité.
(1) Vice de la voix consistant dans un timbre désagréable.
CACOMUTHIES.
DVSLALIES.
270 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Tous les vices symptomatiques de la parole qui sont
compris dans celte section peuvent être déterminés
par un état pathologique des organes de l'articula-
tion, par la paralysie des nerfs qui les animent, par
une affection morbide du cerveau, par la diminution
et la perte de la mémoire ou de l'ouïe, l'idiotisme,
l'état d'ivresse, la cliorée générale, par une modifica-
tion organique des centres nerveux ; par la perte
des dents incisives supérieures^ par la grenouillette,
riiypertropliie accidetelle de la langue, enfin par les
lésions vitales et les productions morbides qui peuvent
avoir leur siège sur les organes de l'articulation.
IIP SECTION.
VICES
DE LA PAKOLE
dépendant d'une
lésion orgaiiiijue,
primitive ou acci-
dentelle.
CACOMUTUIES.
DYSLALIES.
Le grasseyement, le zé-
zaiement, certaines blésités,
I le jotacisme, le lambdacisme
f ou lallation.
ILe bégaiement lingual, le
mogiclieîlalisme ou difficulté
do prononcer les consonnes
labiales, le mogilalisme pro-
prement dit ou difficulté de
prononcer les mots, l'ischno-
phonie ou faiblesse de la voix,
l'oxyplionie ou voix perçante.
Les défectuosités de l'articulation qui sont rangées
dans cette section peuvent être occasionnées par
l'hypertrophie congéniale de la langue, par le manque
de développement de cet organe, la longueur excès-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 271
sive du filet, la trop grande profondeur de la voûte
palatine, la division de la luette, et celle du voile du
palais, l'écartement et la perforation des os palatins,
enfin le manque de développement du larynx.
Cette classification a l'avantage de signaler les cau-
ses générales et les caractères distinctifs de tous les
vices delà parole ;ce qui est de la plus haute impor-
tance pour découvrir les principes généraux de re-
dressement vocal et les moyens prophylactiques et
orthophoniques spéciaux qui conviennent plus parti-
cuhèrement à chacun d'eux.
En résumé, la parole peut être dérangée de quatre
manières principales, c'est-à-dire par une lésion de
l'appareil cérébral, par une lésion de l'appareil mé-
canique, par une lésion des agents de communication
entre ces deux appareils, enfin par un défaut de coor-
dination entre l'action nerveuse et l'action musculaire
des divers organes qui prennent part à Tarticulation.
Les anomalies ou vices de l'articulation vocale
seront étudiés dans Fordre suivant :
I" CLASSE.
CACOMUTHIES.
1" Le grasseyement et ses variétés.
2" La blésité , qui comprend le zézaiement,
la lallation ou le jotacisme.
! 3" Le balbutiement essentiel, la baryphonie et le
II' CLASSE. I mogilalisme.
DïSLALiEs. j 4" Le bredouillement.
l 6" Le bégaiement et ses diverses variétés.
N. 0. — SYNT^Èi^E ORTHOPHONIQUE.
Du grasseyement et de ses variétés.
Le tous les vices de la parole rangés dans la classe
des cacomuthies (du grec xaxo'î, mauvais^ et (jlïïôoç, /;«-
role)^ celui qui se rencontre le plus souvent est sans
contredit le grasseyement, qui consiste soit à articuler
dans l'arrière-bouclie ou de toute autre manière dé-
fectueuse la lettre R, soit à lui substituer le son d'une
autre lettre, soit enfin à supprimer plus ou moins cette
consonne.
Ce qui fait que le grasseyement proprement dit
est le vice de la parole le plus fréquent, c'est sans
doute parce que l'articulation naturelle de la con-
sonne Il exige de plus grands efforts des muscles pho-
nateurs que celle de toutes les autres lettres de l'al-
phabet.
Le grasseyement proprement dit ou rostacisinc^
tel qu'on entend généralement ce mot, est le vice de
la parole qui consiste à articuler comme les guttu-
rales, dans l'arrière-bouche, la linguale R, de ma-
nière à donner à cette lettre un son sourd et traî-
nant. Lorsque cette articulation est peu sensible, on
lui trouve généralement quelque chose de doux. C'est
cette fausse persuasion que le grasseyement est sou-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 273
vent une sorte de mignardise, qui fait qu'on en laisse
contracter l'habitude aux enfants, surtout aux jeunes
lilles.
On classe aussi dans la première espèce de gras-
seyement tous ceux qui ne peuvent prononcer Vr
double que comme un simple r ou qui dans le chant,
par exemple, prononcent Vr simple avec un d un peu
muet et faiblement aspiré. Ceux-ci pour dire Jltmie
prononceront dhome. Il est raisonnable de critiquer
ceux qui grasseyent, puisque ce vice de la parole,
étant rarement naturel, est presque toujours le
résultat de l'affectation, de l'imitation ou d'une
habitude dont on peut se défaire.
Dans la conversation ordinaire, le grasseyement est
un défaut désagréable, mais il l'est bien plus encore
dans le chant et dans la déclamation ; aussi on ne le
supporte guère au théâtre.
Comme la définition donnée du grasseyement com-
prendtoutes les altérations du son naturel de la con-
sonne R, ce vice do la parole est divisé en six espèces
principales qui diffèrent entre elles autant par le mé-
canisme qui les produit que par le son qui en est le
résultat.
Dans la première espèce, on range le grasseyement
proprement dit, c'est-à-dire celui qui consiste à pro-
noncer l'R entièrement de la gorge, en sorte que
274 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
rarticulation de celte lettre se forme par iin son
multiple qui semble être précédé d'un C, ou d'un G,
et rouler dans l'arrière-bouche. Ce grasseyement,
lorsqu'il est bleu marqué, dépend de ce que la pointe
de la langue, au lieu d'être j^ortée vers le palais^ se
trouve retirée en bas vers la partie postérieure des
dents incisives de la mâchoire inférieure, d'où il ré-
sulte que la face dorsale de cet organe est alors con-
vexe au lieu d'être concave, ce qui le force, pour
articuler l'R, de vibrer vers sa base, au lieu de vibrer
à son sommet. C'est par un mécanisme diamétrale-
ment opposé que ce vice de l'articulation doit être
combattu. D'abord on fait porter la langue vers la
voûte palatine, à peu près à trois ou quatre lignes
plus en arrière que la partie postérieure des dents in-
cisives de la mâchoire supérieure, de manière que
la face dorsale de l'organe phonateur soit concave,
et que sa pointe élevée soit libre et puisse seule vibrer.
Ce résultat est obtenu sans beaucoup de difficulté, si
on a le soin de dire à la personne de laisser l'arrière-
bouche dans l'inaction, et surtout de ne pas vouloir
d'abord articuler l'R, mais seulement se contenter de
chercher à faire osciller la pointe de la langue en
chassant une grande masse d'air, comme pour imiter
le ronflement des chats, ou encore mieux le bruit
sourd produit par le mouvement de la corde et de la
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 275
grande roue d'un émouleur. Lorsque par le moyen
de cette gymnastique on est parvenu à faire agir
seulement le sommet de la langue, il résulte alors un
son naturel qui irnile à peu près celui de la syllabe re,
à laquelle on lait ajouter une autre syllabe tour par
exemple, ce qui donne le mot retour, ou tout autre,
selon la dernière syllabe ajoutée.
Quand on a obtenu ce résultat, il s'agit de faire
prononcer l'R, précédée d'une autre consonne, comme
dans le moi français; pour y parvenir, on fait pro-
noncer l'F seule, et l'on dit d'imiter ensuite le bruit
dont nous venons de parler, et enfin d'ajouter les
deux dernières syllabes ançais, ce qui donne fe
rrr ançais, français, que l'on prononce bientôt
convenablement. Il en est de même pour toutes les
autres lettres qui peuvent se trouver avant l'R.
La deuxième espèce de grasseyement est celle qui
consiste à donner à l'R le son du V. Elle a pour cause
la mauvaise habitude qu'on a contractée de vouloir
articuler la première de ces consonnes seulement en
faisant agir les lèvres ; d'où il résulte que l'air chassé
par la bouche et les joues n'a qu'un étroit passage
pour elfectuer sa sortie, comme dans la prononcia-
lion des labiales sifflantes F et V ; la langue, le palais,
la cavité buccale et toutes les autres parties qui agis-
sent dans l'articulation naturelle de l'R, restent dans
27G N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
l'inaction et sont remplacées parles lèvres^ tandis que
ces dernières, qui devraient rester immobiles, font
seules l'office de tous les autres organes de la parole.
Ceux qui sont affectés de cette espèce de grasseye-
ment disent, v7'ois pour trois, vive pour rire.
Pour faire cesser ce vice de l'articulation vocale,
il faut apprendre à prononcer l'R, d'après la gym-
nastique indiquée plus haut, ayant de plus le soin
de tenir les lèvres rapprochées de manière à les em-
pêcher d'agir, de se porter en avant, et de ne laisser
échapper que très peu d'air par le petit intervalle
qui doit les séparer. On parviendra à ce double résul-
tat au moyen de deux doigts, l'index et le pouce,
portés, le premier sur la lèvre supérieure et le second
sur l'inférieure ; on continuera cet exercice jusqu'à
ce qu'on ait compris le vrai mécanisme de l'articula-
tion de l'R. Ce grasseyement est heureusement très
rare.
La troisième espèce de grasseyement consiste à
donner à la consonne R deux sons à la fois comme
dans la première espèce ou grasseyement proprement
dit ; mais il diffère essentiellement de ce dernier :
1° en ce que les lettres superflues ne sont jamais le
C et le G ; 2° en ce que Tarticulation de l'R, au lieu
d'être formée au fond de la gorge par la base de la
langue, a lieu, au contraire, vers la pointe de cet or-
i\'. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 277
gane, sorti de la cavité buccale et porté entre les
dents incisives des deux mâchoires, de manière à
aller toucher la face postérieure de la lèvre supé-
rieure. Il résulte de cette articulation vicieuse que
la langue est obligée de joindre d'abord au son de la
lettre R celui du Z ; ainsi on dit zrizre, mezre, zre-
veniz)\ tzraitzre, pour rire^ mère, revenu^ traître.
Cette troisième variété . du grasseyement a plusieurs
degrés qui peuvent la rendre plus ou moins péni-
ble. Pour combattre ce vice de la parole, on prati-
quera les préceptes indiqués pour combattre la pre-
mière espèce du grasseyement.
La quatrième variété de ce vice du langage est celle
qui consiste à substituer au son de l'R le son de la
syllabe gue ; ainsi, au lieu de dire r are ^ rentrer ^
français^ trente -trois , on dit giiagiie, guentgueri,
fgiiançais, tgiiente-tgois. Ce grasseyement n'est pas
aussi rare qu'on pourrait le croire ; c'est surtout
dans certaines parties de l'est de la France qu'il
semble être le plus fréquent. Porté à l'excès^ il est le
plus désagréable de tous, mais lorsque le son giœ es.t
articulé faiblement, comme cela arrive le plus sou-
vent, il devient moins pénible à entendre.
La cinquième variété est celle qui consiste à sub-
stituer la lettre L à l'R ; ceux qui en sont affectés di-
sent laie, lile, loage, plendle, pour rare, rire, rouge.
278 N. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPIIONIQL'E.
'prendre. Cette articulation dysphonique l'est encore
davantage, lorsque, au lieu de remplacer simplement
TR par L, on mouille celte dernière lettre comme
dans bouteille, 'paille; ainsi on dirait peille pour
père., mile, pour rire.
Enfin la sixième espèce de grasseyement, que l'on
pourrait appeler négatifs se reconnaît par la soustrac-
tion plus ou moins complète de l'R. Ce vice de la
parole, de tous les grasseyements le moins pénible à
l'oreille, est le résultat de cette fureur de vouloir
copier certaines gens de prétendu bon ton qu'une
inspiration maladroite porte à se donner des défauts
dont voudraient se débarrasser ceux qui en sont réel-
lement affligés.
Toutes les variétés de grasseyement ont, comme
cette dernière espèce, pour cause principale, une
mauvaise habitude que dans l'enfance on a laissé
prendre aux personnes chez qui peut-être déjà une
conformation particulière des organes de la parole
rendait l'articulation de l'R un peu difficile, et récla-
mait certains efforts que des parents trop indulgents
ou plutôt trop insouciants n'ont pas eu le courage
d'exiger de leurs enfants (1), qui souvent se croient, au
contraire, autorisés à mal parler, parce qu'on se plaît
à répéter comme eux les syllabes qu'ils articulent
(I) Voir la note K.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTOOPRONIQUE. 279
irrégulièrement. Ce qui prouve que l'imitation est
également la cause la plus ordinaire du grasseye-
ment, c'est qu'on observe ce vice de la parole chez
tous les membres d'une même famille, chez une classe
de peuple de la même ville, et même entin chez pres-
que tous les habitants de certaines provinces.
Lorsque le professeur a fait comprendre et appli-
quer convenablement les moyens préconisés, il a
soin de rappeler que l'articulation natiu'elle de l'R
exige non seulement que la langue se replie supé-
rieurement de manière à ce que sa face supérieure
soit concave, mais encore que la pointe de cet or-
gane mis en mouvement par l'air, s'échappant avec
force, doit céder à ce fluide par une sorte d'élasticité
qui le fait revenir rapidement sur lui-même aussi
longtemps que Ton veut prolonger l'espèce de frémis-
sement ou trémolo, que cette lettre représente.
Le grasseyement causé par le manque ou l'excès
de développement de la langue est généralement in-
curable.
De la blésité et de ses diverses variétés.
La blésité, regardée mal h propos par quelques
auteurs comme synonyme de bégaiement, est une
280 N. 0. — SYNTHÈSE ORTIlOPHONIQUi:.
cacomuthie qui consiste soit à changer ou à alté-
rer le son représenté par certaines lettres, soit à sub-
stituer une articulation à une autre.
Toutes ces espèces de blésilés, qui peuvent quel-
quefois être causées par un vice de conformation,
sont, dans beaucoup de cas, comme le grasseyement,
le résultat d'une fâcheuse direction prise dans l'en-
fance par l'articulation vocale.
Il y a encore un autre genre de blésité qu'on remar-
que surtout chez les étrangers, et qui a pour cause
le transport de certaines articulations, dans une lan-
gue, un idiome ou un patois chez lesquels ces arti-
culations manquent ou se prononcent autrement.
PREMIERE ESPECE DE BLESITE OU JOTACISME.
Le jotacisme comprend deux espèces de blésités
qui consistent à donner au J et au G doux le son du Z
et de rS, ou celui de cette dernière consonne àl'ar-
liculalion représentée parle Cil. Dans le premier cas,
on dit : zanvicr \)our Janvier, zenou \tov\Y genou; dans
le second on prononce : château, chevreuil, chimère,
comme s'il y avait sàteau, sevreuil, simère.
Pour combattre ces vices de l'articulation, il con-
vient, dans la première variété, de faire retirer la
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 281
langue dans rarrière-bouche, et de porter cet organe
vers le voile du palais ; alors, en faisant une forte
expiration, la langue vibrera de manière à produire
un son analogue à celui de la syllabe /e, sans cepen-
dant avoir eu l'intention de produire aucun son avec
un E muet. Il importe d'ajouter que, pour articuler
convenablement le J et le G doux, on devra non seu-
lement chasser l'air avec force, mais encore avoir le
soin de porter les lèvres en avant comme pour faire
une sorte de moue. Il en est de même pour la seconde
variété de blésité ; cependant la forte expiration et la
position de la langue telles que nous venons de l'in-
diquer imitent mieux l'articulation du CH, dont le
mécanisme a la plus grande analogie avec celui de
l'action de se réchauffer les mains. C'est même le
meilleur moyen et le plus simple pour faire cesser
promptement le jotacisme et arriver à la prononciation
facile du CH; aussi, au lieu de parler d'abord de cette
dernière articulation, on se borne à faire imiter le siffle-
ment qui résulte de Xaction de se souffler dans les
mains, puis, sans faire connaître d'avance aux élèves
les mots qu'ils vont prononcer, on joint à l'articulation
artificielle du CH les voyelles avec lesquelles elle devra
se confondre pour former une syllabe. Par exemple,
quand on veut faire prononcer le mot chocolat, on dit
sans en indiquer le but, ce qui est important^ d'imiter
282 N. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPilOMQLE.
d'abord l'action de se souffler dans les mains, puis de
faire entendre isolément la voyelle 0, qui est suivie
des deux syllabes colat pour achever le mot chocolat
prononcé ainsi : ch,-:0^- colat.
Quand on veut faire suivre le J et le G doux d'une
voyelle autre que l'E muet, on adopte un artifice qui
diffère peu de celui indiqué précédemment pour
le CH, c'est-à-dire que, pour unir le J à une des
voyelles, on articule séparément comme s'il était
suivi d'un Emuet prononcé faiblement. Ainsi les mots
jaloux, Jupiter, çfirafe, mijaurée, sont articulés
comme s'ils étaient écrits, je-a-loux, Je-u-piter,
ge-i-rafe, me-i-jaurée^ de même que les mots cha-
meau, chirurgien, mo2<C)^oz> sont d'abord prononcés,
che-a-meau, che-i-rurgien, mou-che-oir, avec un CH
produit isolément par l'air chassé brusquement des
poumons pendant Faction précitée. Lorsqu'au moyen
de ces artifices orthophoniques, on articule passable-
ment le J et le G doux, il est facile de concevoir qu'on
arrive bien vite à leur donner la prononciation natu-
relle qui leur est propre.
DEUXIÈME ESPÈCE DE BLÈSITÈ OU LAMBDACISME.
Le lambdacisme ou lallation est un vice de la pa-
role dans lequel la consonne L simple ou mouillée est
N. 0, -- SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 283
prononcée iVune manière défectueuse, ou bien est
substituée à une autre lettre.
Cette cacomuthie otîre trois variétés principales :
la première, qui consiste clans l'articulation vicieuse
de L mouillé, est le résultat de la coutume qu'ont
certaines personnes d'altérer le son naturel des let-
tres dans le but de l'adoucir. Ce vice de la parole est
fréquent dans le département de la Seine, où l'on
remplace les L mouillés comme s'ils étaient des Y.
Ainsi, les ouvriers parisiens disent fiye, pairoinjc,
boKteye, hhjard, biyot, pour fdle, patrouille, bou-
teille, billard, billot.
Pour remédier au lambdacisme de ce genre, on
décompose les mots dans lesquels se trouve des
L mouillés, en ayant la précaution de les faire arti-
culer comme un seul L suivi d'un I; ainsi, les mots
billard^ bataillon, billot, conseil, patr(Aiille, travail-
ler., d'ailleurs, sont prononcés comme si l'L était
suivi d'un I, c'est-à-dire, comme si ces mots étaient
écrits, bi-liard, bata-lion, bi-liot, con-sé-il, palrou-
li-e, trava-lier, d' a- lieiirs , ainsi que cela a lieu dans
alliance, liard, million, etc.
La seconde variété du lambdacisme, qui consiste à
prononcer L mouillé comme un L simple, est très
commune dans les départements du Nord de la France,
où Ton dit généralement, file \^our fille , carilon\wuv
284 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
carillon^ jjâle pour paille, boutele pour bouteille.
Cette manière défectueuse de prononcer L, qu'on re-
marque aussi presque toujours chez les Allemands
qui parlent français, exige les mêmes moyens ortho-
phoniques que la première variété de lambdacisme,
c'est-à-dire, qu'il faut également décomposer les mots
et faire prononcer les L mouillés comme s'ils étaient
des L simples suivis d'un I.
La troisième espèce de lambdacisme consiste à
substituer L simple ou L mouillé à la consonne R,
comme le font les enfants qui commencent à parler.
Ce vice de la parole réclame les moyens curatifs qui
sont indiqués pour la première variété du grasseye-
ment, c'est-à-dire qu'il faut bien faire comprendre la
prononciation naturelle de l'R et la différence (1) qui
existe entre l'articulation de cette consonne et celle
du L; ce vice, plus spécialement désigné sous le nom
àQ lallation, est incurable quand il est le résultat du
manque de développement de la langue.
TROISIÈME ESPÈCE DE BLÉSITÉ OU SESSEYEMENT.
Le sesseyement est une cacomiithie qui consiste à
altérer les consonnes sifflantes, S, Z, CH, J, X, soit
(1) Consulter l'alphabet ortliophonique.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 285
en y ajoutant le son de deux L mouillés et d'un I,
soit en rendant trop fortes et trop retentissantes les
articulations qu'elles représentent de mauière à
produire un sifflement empâté et désagréable, soit
enfin en substituant le T à i'S adouci. Aiusi, pour
dire sergent , soixante, zèle, seize, c/iuchottement,
chapeau, gibier, jambe, projet, les personnes affec-
tées de la troisième espèce de blésité, qui est la
plus fréquente, prouoncent slliergllient^sllioixlliante^
zllicle, sllièzllie, chlliuchlliotement , chlliapeau,
gllibier, jlliambe, projliet, comme si les S, les Z,
les CH, les G doux, les J et les X étaient suivis de
deux L mouillés et d'un I.
Le second sesseyement consiste à articuler I'S
et le Z en faisant sortir la pointe de la langue bors
de la bouche, au lieu de la laisser dans cette ca-
vité, et de l'appuyer contre la face postérieure des
dents de la mâclioire supérieure ; enfin la variété
est caractérisée, comme nous l'avons déjà dit, par
la substitution du T à l'S^ au CH, au C doux ou
à rx. Ceux qui sont affectés de cette cacomutbie
disent tûcre pour sucre, toiipton pour soupçon, tel
pour sel, taititement pour saisissement, tate pour
chasse^ étertite pour exercice.
Pour remédier au sesseyement du premier genre,
il suffit de faire produire isolément l'articulation de
286 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
ces consonnes de telle sorte, que l'espèce de siffle-
ment qu'elles représentent ait lieu sans être joint aux
voyelles qui suivent et avec lesquelles elles s'unissent
pour former des syllabes ou des mots. Comme le
sesseyement de ce genre a lieu parce que l'air poussé
trop fortement s'échappe sur l'un des côtés de la
langue, on doit faire en sorte que ce fluide suive
avec lenteur et sans etTort le milieu de cet organe, et
aille se briser par un mince filet contre le bord des
dents incisives supérieures.
Lorsqu'on est parvenu à articuler isolément les
lettres. S, J, Cil, sans faire eutendre le son mouillé
qui constitue le premier sesseyement, il faut alors
joindre les voyelles à ces consonnes en les faisant
prononcer séparément; ainsi, silence, charger, se-
ront prononcés s-i-len-ss-e, ch-arger.
La seconde variété du sesseyement cesse aussitôt
que Ton fait prononcer le S et le Z en maintenant la
langue dans la bouche, par le rapprochement des
mâchoires et le serrement des dents incisives infé-
rieures et supérieures ; enfin , la troisième variété
réclame les mêmes moyens que la première, c'est-à-
dire qu'il faut d'abord prononcer le S et le Z seuls, et
sans y joindre les voyelles qui suivent.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 287
QUATRIÈME ESPECE DE BLESITE OU BLESITÉ GUTTURALE.
La blésité de cette espèce est celle qui consiste
dans la substitution de la labiale T aux consonnes
gutturales C dur, K et Q, et dans celles du D au G
dur et du C au G. Ceux qui en sont aiïectés disent
tapitaine, terelle, tintina^ darder^ jar don, crandew\
cloire pour capitaine, querelle^ kinkina, garder^ jar-
gon, grandeur y gloire.
Pour remédier à ces diverses cacomulhies, on em-
ploiera un procédé qui réussit constamment.
Si c'est sur le C, le K et le Q que la substitution
de la lettre T a lieu, on fait refouler le plus pos-
sible la langue dans la bouche; puis, en maintenant
l'organe phonateur relevé et en arrière, le dysphone
doit prononcer les syllabes ta, té., ti, to, tu, qui
n'offrent ordinairement aucune difficidté, mais qui
sont articulées alors ka, ké, là, ko, ku, à cause
de la position dans laquelle la langue est main-
tenue. Pour la blésité sur le G dur, ou place la lan-
gue de la même manière, mais, au lieu d'articuler
ta, te, ti, to, tu, on fait dire da, de, di, do, du,
qui sont alors forcément prononcés ga, gué, gui,
go, gu. Après avoir essayé plusieurs fois ces divers
288 i\. 0. — SYiNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
mécanismes artificiels, on fait remarquer aux per-
sonnes sur lesquelles l'expérience a eu lieu, que,
sans s'en douter, elles ont prononcé toutes les let-
tres gutturales qu'elles remplaçaient par les lin-
guales T et D.
Il y a encore une cinquième espèce de blésité
mentionnée plus haut, qui résulte de la substitu-
tion d'une ou plusieurs articulations d'une langue
aux articulations d'une autre langue dans laquelle
elles représentent un autre son. Ainsi les uns disent,
bai7i pour vain^ bibier pour vivier; les autres, réner
^OMY régner , file \iOUT fille; oun, ounité, oiinir, pour
iiu^ wiité^ unir ; popincr pour bobiner, douce pour
c/o?<2e, enfin les Allemands prononcent Aa^z^ pour ^«m/,
tocile pour docile^ chardin, pour jardin, tiner^ pour
dîner. Comme cette espèce de blésité est plutôt un
accent étranger à la langue française qu'un véritable
vice de la prononciation, nous nous bornerons à dire
qu'il suffît, pour la voir disparaître, d'indiquer le mé-
canisme et \eson?iaturelde ces diverses articulations,
en ayant le soin de ne pas montrer les signes gra-
phiques, ou rappeler les lettres qui les représentent.
C'est de cette manière qu'on fait facilement dispa-
raître; la plupart des accents étrangers, et qu'on par-
vient à bien prononcer les langues vivantes, qu'il ne
faut étudier dans les livres que lorsqu'on sait déjà
N. 0, — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 2S'J
bien les parler. Si les petits enfants prononcent aussi
purement les divers idiomes qu'ils entendent, c'est
moins, comme on le croit, parce que leurs organes
sont plus flexibles, que parce que, ne sachant pas
encore lire, ils apprennent les consonances sylla-
biques sans théorie, et sont, par cela même, dans
l'impossibilité de prononcer les syllabes d'après les
lettres qui les composent, et qui n'ont pas la même
valeur dans toutes les langues.
Du balbutiement et de ses variétés.
Le balbutiement est un vice de la parole qui con-
siste à prononcer les mots avec hésitation, inteimp-
tion, peu distinctement, et quelquefois même à les
répéter, mais toujours avec calme, à voix basse et
sans précipitation ni secousses convulsives.
Si le balbutiement est assez souvent le symp-
tôme de quelque maladie, ce vice de l'articulation
peut aussi être essentiel; mais, dans ce cas, il accom-
pagne les premiers essais des enfants dans la forma-
tion du langage articulé, ou bien il est le résuKat
d'un manque d'intelligence, ou enfin il peut dépen-
dre d'une sorte de paresse et de nonchalance nalu-
relles à certains individus.
19
290 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Cette imperfection du langage, surtout lorsqu'elle
est idiopathique^ offre plusieurs variétés. Dans quel-
ques cas, le balbutiement consiste tout simplement
dans l'addition plus ou moins prolongée de plusieurs
E muets à la fin de la majeure partie des mots ; dans
d'autres cas, les E muets sont remplacés par certains
sons ou certaines articulations insignifiantes, telles
que kne kne kne^ que que qiie^ heim hehn heim ou
toute autre du même genre; enfin, chez quelques
individus, le balbutiement a pour seul caractère le
prolongement de la plupart des articulations. C'est
cette dernière variété qui constitue ce qu'on appelle
la baryphonie ou parole lourde. Les phrases sui-
vantes donneront une idée assez exacte des diverses
imperfections du langage qui ont été signalées.
Excusez-moi eeee^ si je parle eeee avec eeee diffi-
culté eeee ; ou bien : Messieurs et mesdames kne kne
kne, je ^ais vous entretenir kne kne kne, d'une kne
kne, affaire importante kne kne kne ; ou enfin :
Si je prends que que que la parole que fine aujour-
dlmi que que que...., cest heim heim, pour vous
annoncer heim heim., etc., etc. La baryphonie est
à peu près imitée dans la phrase suivante : hon-
on-on jour-our mon- on- on- sieur- eur co oooment-erd
vous ou ou ou-por ortez-vous-ou. Ces sons pro-
longés et ces articulations supplémentaires, si dés-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 291
agréables à l'oreille de rauditeur, se trouvant ajoutés
et placés machinalement ou par habitude au milieu
ou à la fin de chaque phrase, donnent aux per-
sonnes qui les font entendre le temps de trouver les
expressions propres à rendre leurs pensées, sans
laisser des intervalles de silence plus ou moins
longs entre les mots qu'elles cherchent et qu'elles
articulent avec lenteur et hésitation.
Le balbutiement enfantin dépend moins du déve-
loppement incomplet des organes vocaux et de leur
manque d'usage que de l'imperfection des idées.
L'hésitation de la parole, déterminée parcelle cause,
cède bientôt aux progrès de l'âge qui développe le
cerveau, et accroît l'intelUgence à mesure qu'il for-
tifie les organes de l'articulation. Les enfants dont
l'esprit est précoce, et qui, par cela môme, éprou-
vent plus tôt le besoin d'exprimer leurs pensées par
la parole, cessent en général de balbutier de très
bonne heure. Ceux au contraire qui sont dans des
conditions opposées sont quelquefois très long-
temps avant de s'exprimer nettement. Dans ce cas,
il est important de faire en sorte que le balbutiement
ne dégénère en habitude, car il serait beaucoup
plus difficile à combattre dans un âge plus avancé.
On devra donc s'appliquer à faire articuler distinc-
tement toutes les syllabes, ou en apprenant à lire
292 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
aux enfants, ou dans la conversation, ou en leur
faisant réciter les leçons. C'est au moyen d'une
attention soutenue et avec le secours de fréquents
exercices que l'on parvient à triompher presque tou-
jours du balbutiement qui menace de survivre à Tâge
où les enfants parlent ordinairement avec facilité.
Le balbutiement essentiel, coïncidant avec un man-
que de vivacité intellectuelle, ne dépend pas d'un
vice des organes vocaux, mais bien de l'imperfection
des idées, qui, mal arrêtées, sont sans suite et sans
liaison ; les impressions, reçues lentement, sont com-
muniquées de même; Tabsence des idées entraîne
l'absence de la parole ; ceux dont l'intelligence est
bornée ou dont la mémoire est infidèle doivent néces-
sairement hésiter pour rendre leurs pensées. Ce qui
milite encore en faveur de cette opinion, c'est que
les personnes qui ordinairement parlent très facile-
ment balbutient souvent et sont même quelquefois
dans l'impossibilité dédire un seul mot, si le respect,
la timidité, la surprise ou la peur viennent arrêter ou
modifier momentanément l'activité de leur cerveau.
On voit des hommes très spirituels se trouver dans
un tel trouble à une première entrevue, qu'ils res-
tent muets ou du moins ne peuvent que balbutier
la plus légère excuse, le compliment le plus sim-
ple ou la réponse la plus ordinaire. Cette espèce
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 293
crhésitation accidentelle disparaît ordinairement avec
l'étude de l'art de la parole, surtout si l'on recherche
les occasions de parler en public. Le balbutiement
résultant d'un seul manque d'intelligence est, dans
le plus grand nombre des cas, très difficile à com-
battre ; cependant on y parvient en développant les
facultés de l'entendement au moyen d'une éducation
particulière, qui exige de la part de celui qui la dirige
autant de patience que d'expérience et de sagacité.
Le balbutiement symptojnatique peut avoir pour
cause la paralysie de la langue et des lèvres, la fai-
blesse partielle des organes de la parole, la faiblesse
générale produite par des saignées trop abondantes,
par de longues maladies et par divers excès : post
venereas voluptatcs magis titubât lingua. Ce vice de
la parole peut aussi être symptomatique d'une foule
d'accidents morbides parmi lesquels sont l'esquinan-
cie , les aphtes , les ulcérations varioliques et sy-
phihtiques ayant leur siège sur la langue ou sur d'au-
tres parties de la cavité buccale ; la diminution ou
la perte de la mémoire, l'état d'ivresse ou de narco-
tisme, la chorée générale, l'imminence de l'apoplexie,
les accès de spasme, les alfections du cerveau, telles
que la congestion de cet organe, le ramollissement
de sa substance, les tumeurs cancéreuses, tubercu-
leuses, fongueuses, osseuses, et toutes les maladies
294 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
chroniques de Tencéphale que beaucoup de prati-
ciens pendant longtemps ont regardées mal à propos
comme pouvant causer le bégaiement; enfin l'hyper-
Irophie ou le manque de développement de la lan-
gue, la perforation et la trop grande profondeur du
palais peuvent donner lieu à cette affection, qui aussi
très souvent est un des résultats de la faiblesse
sénile.
Il est facile de concevoir qu'il est impossible
d'indiquer une méthode de redressement vocal pour
combattre le balbutiement symptomatique, puisqu'il
n'est que la conséquence d'autres affections, qui
doivent être combattues seulement par la médecine
et par des moyens propres à chacune d'elles. De
plus, on voit ce balbutiement augmenter, diminuer
ou cesser complètement, suivant la direction que la
thérapeutique a imprimée aux maladies dont elle est
un des indices.
On pourrait encore classer une variété de balbutie-
ment dans laquelle on rangerait tous ceux qui, parlant
bien pour l'ordinaire et prononçant juste, ne laissent
pas dans certaines occasions, en certains temps
moins favorables, d'hésiter, de chercher inutilement
les mots et de demeurer en suspens pour quelques
moments. — Le repos suffit presque toujours pour
faire disparaître cette variété, qui n'est d'ailleurs que
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 29:j
la manifestation passagère d'une fatigue nerveuse ou
la suite d'une trop grande tension d'esprit.
Du bredouillement.
Le hredouillement est ce vice de la parole qui
consiste à prononcer confusément les mots, avec
tant de rapidité qu'ils sont coupés et articulés à demi.
Ceux qui bredouillent sont en général vifs et spiri-
tuels ; leurs idées se succèdent avec beaucoup de
promptitude, et ils sont si vivement pressés de rendre
vite par la parole ce qu'ils pensent que, n'achevant
pas l'articulation des mots, il y a nécessairement
confusion dans les sons. Le bredouillement a donc
pour seule cause la vivacité et la précipitation
excessive avec laquelle on veut rendre oralement
ses idées.
Lorsque certains bredouilleurs se trouvent dans
l'intimité avec des personnes devant lesquelles ils
ne s'observent pas en parlant, leur langage est sou-
vent très inintelligible, et si avec le temps on parvient
à les comprendre, c'est qu'on a appris par une longue
habitude à deviner ce qu'ils veulent dire.
Afin de donner une idée aussi exacte que possible
296 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
(le cette anomalie de la parole, nous imiterons et tra-
duirons dans quelques phrases la manière d'articuler de
ces bredouilleurs. J' shial à l'sal stoi natrel d Jard'
d^plan, pour : Je suis allé à la salle d'histoire naturelle
du Jardin des Plantes ; ou bien : Bo7i f m' s' sieii' ,
d'se-rais paie j^afclierviOUT : Bonjour, monsieur, je
désirerais vous parler en particulier : Je m'ap^ Jo-
sep J'iien, je s' d' Lyon, pour : Je m'appelle Joseph
Julien, je suis de Lyon; Voir troup' ligne f/ pass'
danV rue, pour : Voilà la troupe de ligne qui passe
dans la rue.
Ce vice de la parole, qui est porté au plus haut
degré, n'est pas aussi rare qu'on le supposerait
d'abord.
Le bredouillement, qui dans la grande majorité
des cas est moins prononcé, ne prend chez les en-
fants son vrai caractère qu'à l'âge où leur langue est
déliée, et à l'époque où ils ont l'articulation des mots
ordinairement nette et facile. Si l'on remonte à To-
rigine de cette irrégularité vocale, on s'aperçoit que
l'adolescent chez lequel elle se manifeste joint à la
vivacité d'esprit qui le distingue le plus souvent une
négligence à prononcer distinctement les mots, qui
tient à la paresse naturelle à cet âge pour tout ce qui
sent la précision et l'effort.
Cette affection, à laquelle on fait ordinairement
N. 0. — SY.NTnÈSE ORTHOPIIOiNIQUE. 297
troppeu d'attention, etqii'on abandonne presque tou-
jours à elle-même, devient un vice habituel de la pa-
role, qui cesse quelquefois avec l'âge, mais qui, le
plus ordinairement, dure souvent autant que la vie.
Cette infirmité sera facilement combattue, et pourra,
dans nn grand nombre de cas, cesser entièrement, si
on a le soin d'accorder quelque attention à la pro-
nonciation des mots, qui devra être toujours allon-
gée afin de combattre le défaut par des habitudes
contraires. On préviendra le bredouillement chez les
enfants en les faisant lire à haute voix et en les for-
çant à rythmer tous leurs mots. Ces moyens seront
plus efficaces si Ton y joint de plus l'étude des langues
étrangères^, et si l'on oblige les jeunes bredouilleurs à
s'exercer le plus possible dans une de ces langues.
On recommandera également aux dysphones de ce
genre de desserrer les dents et d'ouvrir convenable-
ment la bouche pour laisser sortir la voix.
Le bredouillement, que l'on a mal à propos con-
fondu avec le bégaiement loquax, est quelquefois plus
long à guérir que cette variété de vice de la parole.
En effet, les bègues loquaces, ayant plus de peine à
s'exprimer que les bredouilleurs, qui le plus souvent
ne se doutent pas de l'irrégularité de leur parole, font,
par cette raison, avec plus de persévérance l'applica-
tion des moyens prophylactiques qu'on leur a indi-
298 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
qués. D'un autre côté, appréciant mieux l'avantage
de parler distinctement, ceux-ci sont capables de
faire des efforts plus soutenus, et, par conséquent,
plus efficaces. Cependant certains bredouilleurs
ayant l'occasion de parler en public deviennent ino-
pinément intelligibles jusqu'à ce qu'ils aient de nou-
veau à parler avec des personnes qui ne les obligent
à aucune contrainte. Au reste, les procédés indi-
qués pour traiter le bégaiement loquax sont souvent
utiles pour combattre avec succès le bredouillement.
Les personnes qui ont Fhabitude des additions
inopportunes de langage, telles que : vous devez com-
prendre, savez-vous, cest épouvantable, c'est évi-
dent, etc., et celles qui ont des contractions sonores
dans l'un et l'autre coin de la bouche, peuvent être
aussi classées parmi les bredouilleurs.
Pour que la parole soit comprise et entendue clai-
rement, la netteté des articulations est encore plus
indispensable que le volume de la voix.
Le plus grand succès dans l'art de parler dépend
surtout d'une prononciation mesurée, nette et sou-
tenue, par des articulations distinctes. Cette manière
de prononcer, non seulement donne de la dignité au
discours et de l'aisance à la voix, mais encore sert
à conduire la respiration et à conserver la présence
d'esprit^ que la précipitation diminue toujours.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 299
Du nasillement.
Les nasillards sont ceux qui ne parlent du nez
que parce qu'ils tiennent les dents trop rapprochées
et que la langue par contre reste presque immobile
dans la cavité buccale ; alors la voix n'étant pas sai-
sie par la bouche et ne pouvant s'y développer passe
par le nez, s'y arrête, y retentit et rend la pronon-
ciation nasale.
Pour combattre ce défaut, il est indispensable que
ceux qui y sont enclins s'en aperçoivent ; alors il leur
sera possible de le redresser en s'exerçant surtout à
bien articuler lingualement les syllabes 7ie, gnie, ^^
et gn, et après avoir fait pendant un certain temps
tour à tour et tout à la fois la gymnastique labiale
et la gymnastique linguale.
Du bégaiement
et de ses diverses manifestations.
Le bégaiement, du latin barbare bigare, répéter,
ou, selon quelques autres élymologistes, du verbe
300 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
grec êaTToXovsTv, parler comme Battos, est une affec-
tion de nature essentiellement nerveuse, dont le
principal caractère est la répétition par saccades et
secousses convulsives d'un plus ou moins grand
nombre de syllabes, ou la suspension pénible et mo-
mentanée de la voix devant certaines consonnes qui
exigent quelques efforts des organes phonateurs.
Cette anomalie de l'articulation, compatible avec
la santé, qu'on a désignée encore sous les noms de
psellis7ne, mogilalie^ dyslalie, ischno'phonie ^ et qu'on
a souvent confondue avec quelques vices de la parole,
n'avait jamais été, jusqu'à Colombat^ envisagée com-
jjlètement dans aucun traité de 'pathologie générale^ au
double point de vue méthodique et physiologique (1).
Selon divers auteurs, cette difficulté de parler était
le résultat de la précipitation avec laquelle les bègues
veulent rendre leurs idées ; selon d'autres, cette
afTeclion, ou plutôt cette mauvaise disposition de
l'organisme, aurait dépendu d'un vice de conforma-
tion de la mâchoire supérieure, notamment de deux
(I) Parmi les auteurs qui ont écrit sur ce sujet avant le^D' Co-
lombat, on doit citer : Sauvages, Nosologie méthod., t. I, p. 408,
1772. — Berger, Dissei'i. de balbutientilus. Francfort, 175G, in-4. —
Weiler, Dissert, de eloquio ejusque vitiis. léiia, 1702, in-8. — Reil,
Dissert, de vocis et loquelœ vitiis. Halle, 1793. — Itard, Mémoire
sur le bégaiement [Journ, univers, des sciences méd., 1817, t. VU).
— Félix Voisin, Du bégaiement et de ses causes. Paris, 1821, in-8.
— Astrié, Disserf, inaitfjurale. Montpellier, I82i.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTflOPIIONIQUE. 301
trous, qui, laissant tomber la pituite goutte à goutte
sur la langue, rendaient la locution embarrassée.
On croyait également que le vice dont il est ques-
tion avait pour cause une mauvaise conformation du
palais; ceux-ci indiquaient les divisions delà luette ;
ceux-là une forme particulière de l'os hyoïde, ou bien
la position vicieuse des dents sur l'arcade alvéolaire,
le volume ou la petitesse de la huigue, son épaisseur,
le relâchement de ses ligaments et surtout la lon-
gueur du filet ; enfin, plusieurs auteurs ont pensé à
tort que le bégaiement était le résultat d'une faiblesse
des puissances motrices du larynx ou de la langue.
Mais comment faire cadrer cette dernière opinion,
en voyant l'extrême facilité qu'ont les bègues de faire
tous les mouvements possibles avec leur langue ou
leurs lèvres ? D'ailleurs, il en est à cet égard comme
pour les vices organiques ; si les muscles de l'articula-
tion étaient réellement faibles, cette faiblesse serait
permanente et s'opposerait toujours à la facile expres-
sion orale des idées. D'où vient donc aussi que, dans
diverses circonstances, les bègues sont souvent
d'une volubilité surprenante, quoiqu'ils aient alors
à articuler les mots et les phrases qui enchaînent
ordinairement leur langue ? Un dernier argument,
sans conteste, c'est que, si c'était la faiblesse des or-
ganes de la parole qui fût la cause du bégaiement,
302 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
les progrès de l'âge, dont l'effet constant est d'affai-
blir l'énergie musculaire, ne produiraient pas la gué-
rison relative de cette affection chez des vieillards
qui en étaient affligés pendant leur jeunesse.
Les autres vices d'organisation signalés plus haut
ne peuvent pas mieux être regardés comme les cau-
ses du bégaiement.
Sur près de huit cents bègues observés par le
docteur Colombat et près de deux mille cas de bégaie-
ment observés par nous au cours d'orthophonie an-
nexé depuis douze ans à l'Institut national des sourds-
muets de Paris, pour le redressement vocal du
bégaiement et de tous les vices de la parole, les or-
ganes qui, par leur réunion et leurs mouvements,
concourent à l'articulation des mots, ont, dans le
plus grand nombre des cas, été trouvés dans une
parfaite intégrité de conformation, et n'ont rien of-
fert de particulier à l'inspection physiologique. D'ail-
leurs, si les vices organiques existaient et donnaient
naissance au bégaiement, cette affection n'aurait
point d'intermission, l'obstacle serait permanent et
s'opposerait à ce que les bègues pussent souvent,
sans hésitation, chanter, ou parler seuls. Pourquoi
seraient-ils embarrassés quelquefois pour prononcer
des mots qui d'ordinaire ne les arrêtent pas, tandis
qu'il leur arrive d'arliculer facilement certaines syl-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTROPFIONIQUE. 303
labes qu'ils sont accoutumés à trouver rebelles ?
Que deviennent les prétendus vices organiques ? par
quelle raison sont-ils mobiles? quelle est la cause de
leurs intermittences ? Comment se fait-il enfin que
tous ces obsiacles matériels exercent moins leur empire
chez les vieillards, chez les femmes, chez les enfants,
et que TalTection dont ils sont la cause éprouve une
foule de modifications, suivant la température, Tàge,
le sexe, l'éducation, les affections morales, la timidité,
la colère, la peur et enfin la présence ou l'absence
d'une ou de plusieurs personnes, et selon un grand
nombre d'autres circonstances, telles que de lire des
vers, de répéter des phrases après un autre, dans les
ténèbres ou en plein jour.
Lorsque quelques lésions d'organes se rencon-
trent avecle bégaiement, elles deviennent une com-
plication qui s'oppose seulement quelquefois à l'ap-
plication d'une gymnastique vocale.
Le bégaiement est donc une modification particu-
lière des contractions des muscles de l'appareil vocal ;
c'est donc une affection essentiellement nerveuse, qui
est le résultat d'un manque d'harmonie entre l'inner-
vation et la myotilité, ou, pour parler plus clairement,
entre l'influx nerveux qui suit la pensée et les mou-
vements musculaires au moyen desquels on peut
l'exprnner par la parole. De ce manque de rapport
304 N. 0. — SYNTHESE ORTIIORnONIQUE.
et d'harmonie d'action, qui doit exister pour que les
mouvements soient réguliers entre l'excitation ner-
veuse et les contractions musculaires, résulte un
désordre qui augm-ente avec les etTorts que l'on fait
pour le faire cesser, et donne naissance à celte sorte
d'état tétanique et convulsif qui constitue le bégaie-
ment. Mais si on régularise ou on modifie l'excitation
et l'irradiation cérébrale, alors l'harmonie entre l'in-
nervation et la contractilité se rétablit ; l'ordre re-
naît ; le spasme cesse et l'hésitation disparaît.
Si on se demande comment il se fait que générale-
ment le bégaiement est souvent augmenté ou dimi-
nué par diverses circonstances et certaines affec-
tions morales^ il est permis de croire que, l'excitation
cérébrale étant modifiée, et la contractilité muscu-
laire ralentie ou régularisée, il en résulte nécessaire-
ment plus d'ordre et d'harmonie dans le jeu des or-
ganes de la parole, et que le rythme, par exemple, ou
l'idée de placer ces organes d'après certaines règles
deviennent des idées accidentelles qui font que les
idées principales sont émises plus métbodiquement,
et que les bègues se trouvent moins par Miabitudc
de l'apphcation de ces règles, sous l'influence du sys-
tème nerveux en général.
Quand on ariive en effet à modifier l'excitation céré-
brale des bègues, alors un grand changement s'opère
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 30o
dans les différentes évolutions de rarticiilation vo-
cale (i), et les liens qui tenaient leur langue enchaînée
se trouvent rompus comme par enchantement. Si, en
général, ceux qui sont affectés du hégaiement sont
vifs et spirituels, ils sont en revanche très suscep-
tibles et retenus. Souvent, lorsque les bègues oublient
leur infirmité, l'excitation et l'irradiation cérébrale
se trouvent quelquefois si heureusement modifiées
que, pendant quelques instants, les agents de l'arti-
culation exécutent régulièrement tous les mouve-
ments dont ils sont capables.
Un professeur a vu un jeune homme bégayant or-
dinairement beaucoup, qui faisait la conversation
sans hésiter lorsqu'il parlait dans un appartement
voisin sans être vu de personne.
Un étudiant en médecine bégayait dans le monde
d'une manière très pénible, et s'exprimait avec fa-
ciUté lorsqu'il parlait pendant la nuit.
Un receveur de l'enregistrement, qui avait une
grande difficulté de parler, intrigua au bal mas-
qué plusieurs de ses amis intimes, et la grande
facihté qu'il avait alors pour s'exprimer sous le
(l) L'idée d'èlre raillés occupe tellement les bègues qu'elle con-
tribue à faire tomber leurs organes phonateurs dans l'état spasmo-
dique, qui les paralyse en quelque sorte jusqu'à ce qu'ils cessent
d'être sous la même influence. — Voir la note B, page ."î".
20
306 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
masque fit que son frèr^ même ne put le reconnaître
pendant sa nouvelle métamorphose.
Quand le docteur X... passa son premier examen de
médecine, la timidité enchaîna si fortement sa lan-
gue qu'il ne put presque pas dire un mot, quoiqu'il
connût parfaitement les matières sur lesquelles il
était interrogé. A son second examen, il répondit
d"une manière brillante et avec tant de facilité, que
les professeurs, avertis de son infirmité^ ne pouvaient
croire qu'il fut bègue. L'assurance qu'il avait que ses
juges étaient prévenus de sa difliculté de parler, jointe
à la certitude que ces derniers seraient indulgents s'il
ne s'exprimait pas facilement, firent cesser momenta-
nément son bégaiement habituel, et lui donnèrent
comme par enchantement une facilité d'élocution
qui étonna tous les assistants.
Si les impressions légères augmentent le bégaie-
ment, les impressions vives, les passions véhémentes,
les grands mouvements de l'âme, tels que ceux
produits par la colère, la peur, une injure grave, un
danger imminent, etc., font quelquefois momentané-
ment disparaître cette infirmité par la modification
qu'ils impriment à l'excitation et à l'irradiation céré-
brale. Il est très curieux que ceux qui d'ordinaire par-
lent facilement, perdent parfois la parole précisément
dans les circonstances où les bègues la retrouvent.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. ;j07
Supposons un instant qu'un bègue homme d'hon-
neur se sente heurté: jusque-là il sera d'abord peu
excité parle conp qu'il a reçu, et demandera dans sa
susceptibilité naturelle, en bégayant horriblement :
0$'$'^^ qui est-ce qinqqqqqqui mmmmm'dL y^^ frappé?
Mais s'il vient à s'apercevoir qu'on a eu intention
de l'insulter en le heurtant, un changement soudain
s'opère en lui; il est alors surexcité; sa colère est si
torte, et l'impression de l'injure qu'il a reçue est sentie
si vivement par lui, que l'influx nerveux qui avait en-
chaîné sa langue, parce qu'il s'était accumulé sur
cet organe seulement, se trouve par cela même mo-
difié et réparti sur tous les autres organes, en sorte
que les agents moteurs de l'articulation, cessant
d'être en quelque sorte suffoqués par un excès d'exci-
tation, reçoivent une nouvelle force, une vigueur
telle, que celui qu'on a vu un instant avant ne pas
pouvoir dire un mot, dispute avec feu, défend sa
cause avec impétuosité.
On rapporte qu'un jour, un commis de magasin
a'flgé d'un bégaiement excessif, s'étant, pour offrir
sa marchandise, adressé à un jeune homme qui par
hasard avait la même infirmité que lui, ce dernier,
croyant que l'autre voulait le railler, lui dit des
injures en bégayant ; celui-ci de répondre sur !e
môme ton : les voilà qui se battent, et qui entrent
308 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
dans un état de colère si violent que leur bégaiement
cessa momentanément. Ce qui rend encore plus plai-
sante cette aventure, c'est qu'ils disaient tous les
deux sans hésiter aux personnes que cette rixe avait
fait assembler : Vous avez tort de le soutenir, vous
voyez bien qu'il ne bégaie pas : il voulait me railler.
Ce n'est qu'un instant après qu'on s'assura qu'ils étaient
l'un et l'autre bègues, et que l'excès de leur emporte-
ment avait neutralisé pour quelques minutes les liens
qui ordinairement tenaient leur langue enchaînée.
Trois bègues affectés d'un bégaiement excessive-
ment pénible, ayant voulu assister à une séance de
l'Académie des sciences, sortirent avant la séance,
dans le but de faire une promenade en attendant la
réunion des membres de ce corps savant. Comme les
trois jeunes gens en question avaient l'habitude de fu-
mer, ils entrèrent chez un marchand de tabac pour
acheter des cigares. Lun d'eux plus âgé et qui proba-
blement, i)ar cette raison, était le moins timoré, dit en
s'adressant au maître delà boutique: « Dooo do do
do dooo do donnez-moi des ci des ci... des ci... des
ciiigarres. « Par un hasard bizarre, le débitant
de tabac avait aussi le triste privilège de bégayer
beaucoup, mais il était loin de penser que ces trois nou-
veaux acheteurs lussent aflligés de la même infirmité
que lui : aussi ne fut-il d'abord ni surpris ni trop
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 309
contrarié d'aM)ir affaire à un collègue en bégaiement;
et ayant demandé au premier : « De dede de... dede
quel quel... qua... qiia... qua qua qua qualité
vou... vou... voulez voulez-cous vou... les les les ci-
gai' es? ry Ce dernier, intimidé, ne put dire un seul
mot, le second et le troisième se trouvant alors en
quelque sorte forcés de répondre pour le premier, se
mirent à bégayer également. Le marchand de tabac,
croyant qu'on voulait se jouer de lui, fut d'abord
comme suffoqué par la colère, puis, s'étant saisi d'une
canne, il entra dans une sorte de délire furieux qui
délia sa langue pendant quelques instants et lui per-
mit de dire sans aucune hésitation les injures les plus
grossières et les menaces les plus énergiques aux au-
teurs du singuher colloque qui venait d'avoir lieu.
Quelques instants après cette scène comique, qui
eût pu devenir tragique, l'irascible marchand de ta-
bac, ayant appris par quelles circonstances trois per-
sonnes, encore plus bèguesquelui, s'étaient en même
temps trouvées réunies dans sa boutique, se mit à rire
de bon cœur.
On pourrait rapporter un grand nombre d'autres
faits, tendant tous à prouver que les impressions mo-
rales ont la plus grande influence sur les organes de
la parole, et que le point de départ du bégaiement
ne siège pas dans les organes phonateurs, mais bien,
310 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
comme cela a été démontré (1), dans le cerveau et
dans la cause incitante des contractions musculaires
des agents de la parole.
Ces opinions sur la nature essentiellement ner-
veuse du bégaiement offrent beaucoup d'analogie
avec celles présentées par divers auteurs et qui ont
placé également les causes du bégaiement non dans
les muscles vocaux ou dans les nerfs qui les animent,
mais bien dans le cerveau lui-même. Pour ap[tuyer
sa théorie ingénieuse, Rullier dit « que, dans Tétat
« physiologique ordinaire, les phénomènes de la voix
« et de la parole sont dans un rapport constant avec
« les différents degrés d'excitation cérébrale et ré-
« pondent toujours par leur précision et leur facilité
(( à l'énergie des sentiments et à la clarté des idées.
« On sait à ce sujet que le trop ou le trop peu d'ex-
« citation cérébrale a sur notre langage une influence
« si marquée, que nos paroles jaillissent comme
« d'une source abondante, ou en se traînant avec
'( lenteur et difficulté, attestent alors tout ce qu'elles
(' coûtent de travail et d'efforts intellectuels. Or,
« l'influence analogue des diverses affections de Tàme
« excitantes ou sédatives du centre nerveux cérébral,
« comme la crainte, la confiance, la colère, l'impa-
« tience, etc., sur les phénomènes du bégaiement,
(1) Voir la note B.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 311
« prouvent queceux-ci s'écoulent de la même source,
« et doivent se rapporter dès lors à quelques modi-
« fications de l'action du cerveau. »
Le savant physiologiste Magendie a opposé à cette
théorie les cas de hégaiement observés chez des per-
sonnes qui pouvaient prendre le temps nécessaire
pour l'expression des idées qui n'étaient rien moins
qu'abondantes et rapides. Selon Colombat, cette objec-
tion de Magendie n'intirme pas complètement cette
opinion émise par Huilier^ que, chez les bègues, la
pensée est toujours trop rapide et les mouvements
musculaires toujours trop lents, car probablement ce
dernier auteur n^'a pas voulu parler d'une manière
absolue, puisqu'il a dit que l'hésitation de la langue
n'était qu'une débilité purement relative des organes
de l'articulation, résultant du défaut de rapport établi
entre l'exubérance des pensées, la vitesse d'irradiation
cérébrale qui leur correspond et la vitesse possible
des mouvements musculaires qui produisent et modi-
tient les sons vocaux destinés à exprimer les idées.
L'objection la plus forte qui soit faite à Ridlier, c'est
que la plupart des bègues hésitent en hsant, et qu'il en
est même quelques-uns chez qui le bégaiement ne se
manifeste que dans la lecture (1) et pendant les mo-
ments de calme.
(1) Ce qui fait que certains bègues n'iiésitent qu'en lisant, c'est
312 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
La théorie qu'a donnée Bell sur les causes du bé-
gaiement se rapproche plus de celle de Colombat que
celle de Voisin^ Astrié GiRullier, En effet, ce physiolo-
giste anglais regarde cette dyslalie comme dépendant
d'un défaut de la puissance de coordination des di-
verses actions des organes vocaux, et de ceux de l'ar-
ticulation en particulier. Si les bègues n'hésitent pas
en chantant, c'est, dit cet auteur, parce que l'ajuste-
ment de la glotte et l'impulsion nécessaire donnée à
la colonne d'air par la poitrine dilatée, s'accomplis-
sent et se continuent sans interruption.
Enfin, Magendie pensait qu'on devait chercher la
cause du bégaiement dans l'imperfection de l'instinct
merveilleux de l'organisation des animaux, c'est-à-dire
dans le défaut de V intelligence organique qui établit
la différence des hommes sous le rapport de la pré-
cision et de la régularité des mouvements. Il ajoutait
que c'est celte intelHgence organique, toujours hors
de la portée de l'esprit humain et presque aussi admi-
rable que l'intelligence même, qui fait l'homme adroit
ou mal adroit, l'homme qui danse avec ou sans me-
sure, ou qui chante juste ou faux ; c'est cet instinct
qui fait le grand artiste et le grand génie d'exécution ;
que pendant la lecture ils ne peuvent pas, comme en parlant, dis-
simuler leur difficulté au moyen de certains artifices et surtout en
employant des périphrases ou en remplaçant des mots difficiles par
des mots plus faciles.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPIIOMQUE. 315
c'est lui qui donne la grâce ou la disgrâce, la physio-
nomie ou le silence des traits; enfin, c'est lui qui
préside aux innombrables mouvements de la voix
et de la parole, et qui, par conséquent, fait les bègues.
Après avoir donné cette explication ingénieuse sur
les causes du bégaiement, on est étonné de voir
Magendie ajouter : « On comprend combien il est
« inutile de chercher les causes de celte infirmité. »
STATISTIQUE SUR LE DÉGAIEMENT.
En prenant pour base les renseignements donnés
soit à Paris et dans plusieurs départements, soit pjir
les conseils de révision pour le recrutement de l'ar-
mée, ou par tous autres moyens le docteur Colom-
bat a le premier établi en 1840 une statistique du
bégaiement divisée comme il suit :
NOMBRE PRÉSUMÉ (1)
— D'hommes bègues, calculé sur 12,000,000 d'individus,
dans la proportion de 1 sur 4,800
— De femmes bègues, calculé sur ll,00i»,000 d'indivi-
dus, dans la proportion de 1 sur 20,000 5ô0
— D'enfaati bègues, avant quinze ans, calculé sur
(1) En 1879, la proportion des bègues est au moins de 3 bègues sur
5,000 habitants.
314 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
10,000,000 d'individus, dans la proportion du septième
parmi les bègues 'Ci
— De Français bègues, de tout sexe et de tout âge,
calculé sur 33,000,000 d'individus, dans la proportion de
1 sur 5,397 G.lli
NOMBRE PRÉSUMÉ DES BÈGUES
Dans les quatre parties du monde, culcidé d'après la France,
En Europe, sur 180,003,000 d'habitants 33,349
En Asie, sur 550,000,000 d'habitants 101,900
En Afrique, sur 150,000,00.) d'habitants 27,790
En Amérique, sur 00,000,000 d'Iiabitants 11,110
Dans le monde entier, sur 940,000,000 dindividus.
Total 174,149
Il est bon de dire que dans les calculs de celte
époque on n'a voulu parler que des individus affectés
d'un bégaiement très apparent^ c'est-à-dire épilep-
tiforme, et non des autres vices de la parole ; ces
calculs seraient beaucoup plus élevés s'il en était au-
trement.
INFLUENCE DE L'AGE SUR LE BÉGAIEMENT.
L'âge a une très grande influence sur le bégaie-
ment, et la diminution d'intensité de ce vice de la
parole remarqué ordinairement chez les vieillards
est le plus puissant argument qu'on puisse opposer à
ceux qui veulent que ce vice du langage soit le ré-
sultat de la faiblesse des muscles de l'articulation.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 315
Les jeunes enfants ne bégaient pas ; chez eux
l'énergie musculaire étant naissante n'est pas coor-
donnée, et la difficulté qu'ils ont de s'exprirneb n'est
autre chose qu'un balbutiement enfantin.
C'est donc mal à propos qu'on a regardé comme
un véritable bégaiement la défectuosité de leur lan-
gage primitif.
Lorsqu'ils doivent être bègues, ce n"est qu'au mo-
ment où ils parlent naturellement avec plus de netteté,
c'est-à-dire aux environs de quatre à cinq ans, qu'on
peut bien distinguer les répétitions vicieuses accom-
pagnées d'un spasme vocal, qui caractérisent le bé-
gaiement proprement dit. Cette infirmité se prononce
davantage vers la septième ou la huitième année ;
depuis cette époque jusqu'à la puberté, où l'intelli-
gence est plus développée, ce vice de la parole ne
fait qu'augmenter.
Les nouvelles idées qui à cette époque assiègent
l'esprit, les nouveaux besoins qui se font sentir, le
ridicule qui s'attache toujours aux personnes bègues,
les obstacles qu'elles rencontrent dans leur éduca-
tion, les entraves qui les arrêtent dans la carrière
qu'elles veulent parcourir, enfin une foule d'autres
circonstances, contribuent à augmenter alors l'in-
tensité du bégaiement, et donnent une direction par-
ticuUère à l'esprit de ceux qui sont affligés de cette
316 N. 0. — SYiNTIIÈSE OHTIIOPHONIQUE.
infirmité. Quoi qu'il en soit, ce vice de la parole reste
ordinairement stationnaire jusqu'à la fin de l'âge
adulte ^50 ans), époque où il diminue souvent insen-
siblement pour cesser quelquefois dans la vieillesse.
Une des principales raisons qui contribuent égale-
ment à faire cesser, ou du moins à modifier le bégaie-
ment chez les personnes âgées, c'est qu'en vieillissant,
leurs idées se succédant moins rapidement, il en ré-
sulte que les organes de la parole peuvent plutôt
exécuter sans confusion tous leurs mouvements^ dont
la vitesse est en rapport avec la cause incitante.
INFLCE.NCE DU SEXE SUR LE BEGAIEMENT.
La femme diffère de l'homme par lu délicatesse
et la flexibilité de son organisation, et surtout par
l'extrême sensibilité et le développement plus parfait
de son système nerveux. Sa constitution, extrême-
ment mobile et impressionnable, fait que ses sensa-
tions sont plus vives et plus multipliées. Chez elle,
l'empire de l'habitude cède plus facilement que chez
l'homme.
De nombreuses observations il résulte : 1° que,
sur vingt personnes affectées de bégaiement, il y a
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 317
dix-sept ou dix-huit hommes bègues pour deux femmes
bègues; 2° que cette infirmité, beaucoup plus rare
chez ces dernières, est aussi phis difficile à guérir,
probablement parce qu'en général elles sont moins
susceptibles de persévérance et d'attention ; 3° en-
fin, que ce vice de la parole consiste le plus sou-
vent chez elles plutôt en un certain silence momen-
tané, accompagné de contorsions du visage et de
mouvements convulsifs de la mâchoire et des lèvres,
qu'en un réel bégaiement caractérisé par des répéti-
tions dysphoniques.
Quoique la rareté du bégaiement chez les femmes
dépende d'une cause difficile à trouver, on peut ce-
pendant se hasarder à expliquer ce privilège.
La facilité avec laquelle les idées s'associent dans
l'esprit diffère chez tous les individus, et il est prouvé
qu'en général les femmes ont à cet égard quelque su-
périorité sur les hommes; de là, ce brillant de l'ima-
gination, cette disposition au langage; d'ailleurs, la
coquetterie et l'envie de plaire, si naturelles à la
femme, font que les jeunes filles peuvent de bonne
heure s'étudier à corriger toutes leurs imperfec-
tions physiques, et par contre celle de la parole.
Personne n'ignore que les petites filles ont déjà un
babil agréable à l'âge où les garçons savent à peine
articuler quelques phrases. Une jeune personne de
318 N. 0. — SYNTFIÈSE ORTHOPHONIQUE.
quinze ans s'exprime avec finesse et surtout avec fa-
cilité dans telle circonstance, tandis qu'un jeune
homme du même âge reste souvent muet.
La constitution des femmes, qui est plus mobile,
se prête mieux que la nôtre à tous les mouvements ;
et la mollesse qui est particulière à leurs organes
rend probablement plus flexibles ceux de la voix et de
la parole, qui ont moins besoin que les nôtres des
ressources de l'art pour atteindre le degré de perfec-
tion dont ils sont susceptibles.
C'est surtout dans les organes de la voix modulée
que cette mobilité et cette souplesse sont encore
plus remarquables. Une constitution plus sensi-
ble, plus déliée, un système nerveux plus déve-
loppé, et peut-être plus parfait, font que les femmes
savent mieux que nous mesurer et mettre en harmo-
nie la mobilité possible des puissances motrices des
agents de la parole.
INFLUENCE DES HABITUDES ET DES AFFECTIONS MORALES
SUR LE BÉGAIEMENT.
Nous avons eu occasion d'observer que , presque
chez tous les bègues, les changements de saisons, et
surtout les variations brusques dans la température
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPIlOiMQUE. 319
de l'air, ont une grande influence sur le bégaie-
ment (1).
Cette particularité n'étonnera certes pas ceux qui
connaissent les influences incontestables qu'ont les
variations atmosphériques sur les maladies en gé-
néral, mais principalement sur les alTections qui,
comme le bégaiement, sont essentiellement nerveuses.
On a souvent observé également que, lorsque les bè-
gues viennent de faire un exercice violent, et que sur-
tout ils ont très chaud, leur état dysphonique est
tellement augmenté qu'il leur est quelquefois im-
possible de dire un mot et d'articuler même les syl-
labes qu'ils prononcent de coutume sans hésitation.
Les excès vénériens, l'onanisme, les veilles pro-
longées, les émotions douces, l'incertitude, l'attente
d'une nouvelle, d'une lettre, d'une visite, la moindre
contradiction, le doute, une contestation sur un sujet
insignifiant, l'embarras, le respect, une légère indis-
position, enfin, le plaisir, la joie, la tristesse, et sur-
tout les affections morales qui émeuvent à peine les
libres parlants, augmentent de beaucoup la difficulté
des bègues.
Qui n'a pas eu cent fois l'occasion de faire la même
remarque, aussi bien sur la parole que sur les différents
mouvements du corps? 11 est des gens tellement ini-
(1) Relire la note I.
320 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
pressionnables qu'il suffit d'un mot, d'un regard pour
jeter le trouble dans leur esprit et la contrainte dans
leurs actions.
« Je connais, dit Montesquieu, une femme qui mar-
<;he bien, mais qui boite dès qu'on la regarde. »
INFLUENCE DE LA FREQUENCE DE LIMITATION SUR LE
BÉGAIEMENT.
D'après plusieurs observations authentiques, le bé-
gaiement peut avoir pour cause la fréquence de l'imi-
tation; il en est d'ailleurs pour ce vice de la parole
comme pour la plupart de ceux déjà connus.
On raconte qu'un homme fort distingué dans les
lettres était devenu bègue, parce que, vivant dans sa
jeunesse avec un de ses amis affecté de bégaiement,
il s'était plu à parler comme lui. Dans le principe, il
se faisait un jeu de le copier, mais plus tard il l'i-
mitait involontairement, et ce n'est qu'à l'aide d'un
travail assidu et de beaucoup de persévérance qu'il
parvint à se défaire de celte habitude vicieuse, qu'il
avait acquise par sa faute.
Un officier de l'état-major raconte également qu'il
était devenu bègue parce que, étant au collège, il
N. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPHONMQUE. 321
avait voulu contrefaire un de ses condisciples affecté
de bégaiement, et qui, à cause de son infirmité, était
dispensé de réciter ses leçons. Il réussit si bien à
imiter ce dernier, qu'en peu de temps il ne put parler
qu'avec une grande difficulté, ce qui l'exempta,
comme son ami, du devoir des leçons pour lesquel-
les il avait tant de répugnance. Dans le principe, il
n'était bègue que par paresse; mais plus tard il le
devint par habitude^ et ce n'est qu'avec beaucoup
d'efforts qu'il a vu disparaître l'infirmité si facile-
ment acquise par imitation.
Il est bon cependant d'ajouter que ce bègue devait
avoir une prédisposition au bégaiement, car son frère
aîné était légèrement afiectô de ce vice de la parole.
Un ouvrier, dans l'intention de se faire exempter
du service militaire, avait cherché à imiter les per-
sonnes affectées de bégaiement ; il n'eut besoin que
de (pielques mois d'habitude pour avoir réellement
l'infirmité qu'il ne voulait que siuuiler, et son strata-
gème lui réussit si bien qu'il fut réformé.
Personne n'ignore que c'est presque toujours l'i-
mitation seule, et non une disposition particuhère,
qui fait que dans chaque province on prononce les
mots d'une manière plus ou moins défectueuse et
avec des accents plus ou moins désagréables. D'ail-
leurs, ne sait-on pas que les hommes ont en général
21
322 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
un penchant secret et souvent involontaire qui les
porte à imiter toutes les actions dont ils sont témoins,
et que de tous nos organes nul n'est plus porté à l'imi-
tation que celui de' la parole. Deux individus jeunes
qui vivent ensemble finissent souvent par avoir le
même accent et par parler à l'unissun ; et, ce qui
est plus extraordinaire encore, leur voix acquiert à
peu près le même timbre. Ne remarque-t-on pas le
même vice de prononciation chez tous les membres
d'une famille, chez une classe de peuple de la même
ville, comme on l'ob-erve en particulier dans la classe
du peuple à Paris ; et même, enfin, chez presque tous
les habitants de certains départements ?
La plupart des vices de la parole résultant de la
fréquence de l'imitation sont tellement enracinés chez
quelques individus, qu'ils ne peuvent s'en défaire,
et qu'ils n'ont que quelques mots à dire pour qu'on
devine s'ils sont nés dans le Midi.
On a dit avec raison que, p;ithologiquement, l'imi
talion était une alîection dépendante d'une disposi-
tion organique particulière qui entraîne, comme mal-
gré eux, les individus à exécuter des actes résultant
du consensus qui s'établit entre le sujet de l'imitation
et le sujet imitateur.
On rapporte l'observation de mouvements con-
vulsifs manifestés chez trois enfants de la même
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 323
famille, el répétés par tous ceux qui avaient le mal-
heur d'en être témoins. Le strabisme, l'épilepsie,
l'hystérie, la manie et plusieurs autres affections ner-
veuses, ont, ainsi que le bégaiement, quelquefois
pour cause principale Thabitude de l'imitation.
La mobilité nerveuse, qui forme le caractère essen-
tiel de certaines personnes, fait que la plus légère
impression agit fortement sur leur cerveau et établit
une sorte de sympathie dont il est difficile de se
rendre compte.
Un médecin raconte qu'il a vu une jeune per-
sonne devenue louche parce qu'elle s'était plu à singer
souvent sa bonne, qui était affligée de strabisme. Un
autre savant pense aussi que cette infirmité est sou-
vent l'elfet de l'imitation et du jeu que les enfants se
font de loucher volontairement ; il ajoute qu'il connaît
une demoiselle affectée de strabisme qui n'a pas
d'autre origine.
Ces observations curieuses devraient engager les
parents à faire en sorte que leurs enfants aient le
moins possible de rapports avec les personnes affec-
tées de bégaiement ; ils feraient également très bien
de leur interdire le jeu dangereux de l'imitation,
dans un âge où la jeunesse contracte encore plus fa-
cilement les mauvaises habitudes que les bonnes.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
INFLUENCE DE L'HÉRÉDITÉ ET DU TEMPÉRAMENT SUR LE
BÉGAIEMENT.
Par liérédité, on doit entendre un état particulier
de l'organisation qui prédispose les enfants à être af-
fectés d'une maladie dont leurs parents ont été
atteints.
Les affections dites nerveuses ont été regardées
comme étant les plus susceptibles d'être transmises
par riiérédilé (1). C'est sans doute par la même rai-
son que le bégaiement revêt si souvent le caractère
héréditaire. En effet, à peu près les trois cinquièmes
au moins des personnes bègues disent que leur
dilTiculé de parler est un fâcheux héritage de famille.
Si, parmi ces trois cinquièmes de bègues, un cer-
tain nombre n'avaient pas leur père ou leur mère
affligés de bégaiement, cette infirmité s'était lait
remarquer, soit chez leur aïeul ou leur bisaïeul, soit
(I) Dans le cas particulier d'hérédité qui nous occupe, la propliy-
laxie de ce phénomène biologique ne peut être efficace qu'en faisant
agir l'hérédité sur elle-même, c'est-à-dire en engageant le bègue
dont le redressement vocal a été obtenu à s'efTorcer journellement
à perfectionner sa parole par la pratique du son esthétique.
En effet, la parole finit par se consolider dans les autres à l'aide
du travail héréditaire.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 325
chez un ascendant plus éloigné ou tout autre parent
paternel ou maternel, en ligne directe ou collatérale.
On voit par là que, lorsque la filiation d'hérédité
se trouve séparée par un intervalle plus ou moins
long, il en est de cette hérédité comme des ressem-
blances de famille qui peuvent être interrompues
pendant une ou plusieurs générations, mais qui or-
dinairement reparaissent tôt ou tard dans toute leur
spécialité et leur activité primitives.
On a remarqué que les personnes qui étaient
affectées de bégaiement on d'un défaut de parole par
suite des vices héréditaires de la parole arrivaient
un peu plus difficilement à bénéficier de l'éducation
vocale; cela tient sans doute ta ce que l'organisme,
modifié dans ses éléments primitifs, offre toujours plus
de résistance aux agents qui peuvent le ramener dans
ses éléments constitutifs. La seule indication parti-
culière à remplir dans ce cas est l'observation encore
plus rigoureuse et plus persévérante des procédés
orthophoniques.
A l'égard des tempéraments^ on a remarqué égale-
ment que les personnes bègues qui étaient d'un tem-
pérament sanguin et nerveux voyaient en général
un peu plus tôt et plus facilement disparaître leur
infirmité que les individus d'un tempérament lympha-
tique et d'une constitution moins impiessionnahle.
32fi Js. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Divisions, variétés et phénomènes caractéristiques
du- bégaiement.
Le bégaiement, quel qu'en soit le degré, le genre
et la variété, est toujours facile à constater, car il est
rare qu'une personne bègue puisse parler quelques
instants sans se trouver arrêtée dans l'articulation
de certaines syllabes ou de certains mots. Cependant,
cette infirmité, qui ordinairement est continue, ou
plus souvent qui est soumise à une augmentation ou
à une diminution passagère, présente quelquefois
dans sa manifestation des intermittences qui peuvent
durer depuis quelques beures jusqu'à plusieurs jours
et même plusieurs mois.
Considéré sous le rapport de ses formes, de ses
variétés et de ses divers degrés d'intensité, ce vice
de la parole a été divisé parColombat en deux classes
principales.
La première, qui semble avoir une grande analogie
avec la danse de Saint-Guy, et qui consiste dans une
espèce de chorée des lèvres et dans la succession plus
ou moins rapide de mouvements convulsifs exécutés
parla langue, la mâcboire inférieure et tous les or-
ganes de l'articulation, se nomme labio-choréique .
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 327
Ce genre de bégaiement donne naissance prin-
palement aux répétitions désagréables bbb, ttt, ddd,
qqq, mmm.
La seconde espèce, désignée sous le nom de gut-
turo-tétanique , est caractérisée par une expiration
anticipée et par une sorte de resserrement et de rai-
deur tétanique de tous les muscles de la respiration,
principalement de ceux du pharynx, du larynx et
des ligaments thyréo-arythénoïdiens ou cordes vo-
cales.
Ce genre de bégaiement, qui se fait surtout remar-
quer sur les lettres gutturales C, G, K, Q ou sur les
sons vocaux A, É, È, È, I, 0, U, OU, AN, ON, IN,
est toujours accompagné d'efforts pénibles pour arti-
culer ; il se caractérise surtout par une expiration
anticipée, par quelques intervalles de silence, par
l'immobilité de la langue, par le resserrement de
la glotte et une espèce de sufTocation momentanée,
occasionnée jiar la constriction des muscles du larynx.
Ce qui distingue le plus le bégaiement gutturo-
tétanique du bégaiement labio-choréique, c^est que
les personnes affectées de ce dernier genre sont tou-
jours plus vives, nerveuses, et parlent ordinairement
très vite, sans paraître faire aucun effort pour arti-
culer, quoiqu'elles soient arrêtées souvent par les ré-
pétitions bbb, qqq, ttt, ddd, mmm; au contraire, dans
328 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
l'espèce gutluro-tétanique, les bègues parlent lente-
ment^ sans chercher à se presser^ mais en faisant tou-
jours des efforts plus ou moins grands pour articuler
les syllabes rebelles'.
Les principaux caractères qui distinguent chaque
variété de ces deux espèces de bégaiement sont pour
la première, labio-choréique, au nombre de quatre :
1° Le bégaiement labio-choréique loquax ou avec
hredouillement.
2° Ici. id. difforme.
3° Id. id. aphone ou hc-
cjaiement des femmes.
4" Id. id. lingual.
Pour la seconde, gultaro-tétanique, ils sont au
nombre de six variétés :
1° Le bégaiement gutluro-létanique muet.
2'
Id.
id.
intermittent.
T
Id.
id.
choréi forme .
4"
la.
id.
canin.
?' 0
• )
Id.
id.
épileptiforme.
G"
Ici.
id.
avec baryphonie ou
hcdhuticment.
— L'3 bégaiement mixle.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 329
CARACTERES DISTINCTIFS DES VARIÉTÉS DU BEGAIEMENT
LABIO-CHORÉIQUE.
BÉGAIEMENT LABIO-CHORÉIQUE LOQUAX OU AVEC BREDOUILLEMENT.
Ceux qui en sont aHectés, remarquables par leur
pétulance, la vivacité de leur esprit, leur loquacité
et surtout par la promptitude avec laquelle ils veu-
lent parler, ne sont jamais arrêtés par des moments
de silence, quoiqu'ils bégaient sur presque toutes les
syllabes. Chez eux le bégaiement se combine presque
toujours avec un autre vice de la parole, le bredouille-
nient.
Cette variété, qui est une des plus communes, est
une des plus difficiles à redresser complètement quoi-
qu'elle paraisse d'abord la plus facile à guérir.
BÉGAIEMEXT LABIO-CHORÉIQUE DIFFORME.
Cette variété est caractérisée par des mouvements
convulsifs des muscles de la face, des paupières, du
front, des sourcils, du nez, des lèvres, etc., sans
e (Torts de la gorge, et surtout sans contraction des
muscles de la poitrine, mais suivi des répétitions ^^^9',
330 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
tttt, mmmm. Cette variété de bégaiement a quelques
moments d'intermittence, tandis que la précédente
n'en a pas ; elle est aussi plus facile à redresser et
moins exposée aux retours dysphoniques.
BÉGAIEMENT APHONE OU DES FEMMES.
Cette troisième variété se distingue par les mouve-
ments convulsifs de la langue, des lèvres et de la
mâchoire inférieure, mais qui se font sans bruit et
sans qu'on entende les répétitions ôôôè, pppp, gggg,
qui caractérisent le bégaiement labio-choréique pro-
prement dit.
Cette variété se rencontre plus souvent chez les
femmes qui font peut-être plus attention que les
hommes à ne pas laisser entendre les répétitions
désagréables pour les auditeurs.
Ce genre de bégaiement est un des plus difficiles
à combattre avec succès.
BEGAIEMENT LABIO-CHOREIQUE LINGUAL
OU AVEC SESSEYEMENT.
On reconnaît cette variété à la sortie de la langue,
qui franchit les arcades dentaires et qui projette au
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 331
loin de la salive, en faisant des mouvements sem-
blables à ceux qu'exécute la langue d'un chien qui
happe en buvant.
Ce bégaiement, qui se fait surtout remarquer dans
l'articulation des lettres linguales, est un des plus
difficiles à bien redresser complètement ; d'autant
plus qu'il est souvent combiné avec le volume consi-
dérable de la langue.
Dans cette variété de bégaiement labio-choréique,
il existe également une différence réelle dans le bé-
gaiement qui se rapporte à la difficulté de prononcer
les lettres linguales. En effet l'articulation de ces
lettres nécessitant de la part de la langue soit un
mouvement de rétraction, soit un mouvement très
rapide de bas en haut et de haut en bas^ le bégaie-
ment avec sesseyement se caractérise par la chute de
la langue dans la cavité inférieure de la bouche, par
la contraction du larynx, qui est d'autant plus forte que
l'articulation difficile exige un mouvement d'arrière
plus prononcé (la contraction s'opère en ligne horizon-
tale); ou par des mouvements précipités de la langue
qui va de bas en haut et de haut en bas, et par la répé-
tition convulsive de la syllabe mal prononcée ainsi que
de celle qui la précède (la contraction ici s^opère en
ligne verticale).
332 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
CARACTÈRES DISTINCTIFS DES VARIÉTÉS DU BÉGAIEMENT
GUTTURO-TÉTANIQUE.
BÉGAIEMENT GUTTURO-TÉTANIQUE MUET.
Ceux qui en sont affectés restent plus ou moins
longtemps comme s'ils étaient tout à fait muets, et,
quoique sans faire de contorsion du visage ni aucun
effort pour parler, ne parviennent à articuler quel-
ques mots privilégiés qu'après avoir fait plusieurs
petites inspirations successives, qui sont suivies d'un
bruit sourd, imitant assez bien le sifflement d'un
obus qui n'a presque plus de force. Ce genre de
bégaiement n'est pas très fréquent.
BÉGAIEMENT GUTTURO-TÉTANIQUE INTERMITTENT.
Cette variété, qui reste quelquefois pendant des heu-
res, des jours même, ou plus ou moins longtemps sans
paraître, se manifeste souvent d'une manière si forte
que les personnes chez qui on l'observe ne peuvent
pendant quelques instants proférer un seul mot, et
font entendre seulement un son sourd et saccadé
comme celui qui résulterait d'une longue série d'E
muets.
Lorsque ceux qui en sont affectés sont parvenus à
N. 0. — SY.NTHÉSE ORTHOPHONIQUE. 333
articuler nettement un ou deux mots, ils peuvent par-
ier quelquefois très longtemps sans hésitation et sans
qu'on s'aperçoive de leur infirmité. Cette variété est
assez fréquente.
BÉGAIEMENT GUTT0RO-TÉTA>'IQUE CHORÉIFORME.
Cette troisième variété qui, comme toutes celles du
%Qm'& gutturo-tétanique , est caractérisée par une sorte
de raideur des organes de la respiration et de la voix,
et par quelques instants de silence, se dislingue sur-
tout par l'espèce de chorêe et les mouvements convul-
sifs que Ton remarque dans la tète, les bras et les
jambes de ceux qui en sont affectés : ces mouvements
désordonnés, tout à fait semblables à la danse de
Saint-AVyt (1), ne se manifestent que pendant l'articu-
lation des mots, et disparaissent entièrement pendant
le silence. Cette variété est surtout sujette à des re-
tours dysphoniques, si Ton cesse trop tôt de mettre
en pratique les moyens propres à la combattre.
BÉGAIEMENT GLTTURO-TÉTANIQUE CANIN.
Cette variété, quelquefois portée à l'excès, est ainsi
(1) Nom d'une chapelle près d'Uim en Souabe, dédiée à Saint-Guy.
Là, vers la fin du xv* siècle, les habitants du pays venaient implorer
contre la chorée l'intervention du saint.
334 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
appelée parce que, pour articuler les syllabes qui exi-
gent quelques efforts, les bègues font entendre les
répétitions désagréables «o, ao, aooo, aooo, qui imi-
tent assez bien l'aboiement de certains chiens de
chasse.
BÉGAIEMENT GUTTURO-TÉTANIQUE lÎPILEPTI FORME.
Cette variété se reconnaît aux phénomènes sui-
vants : à l'instant où la personne qui en est affligée
veut parler, des convulsions extrêmement fortes se
manifestent et portent particulièrement sur les mus-
cles de la poitrine, de l'abdomen, du col, des mem-
bres supérieurs et même sur les muscles peauciers,
en donnant lieu à des contorsions, à des spasmes clo-
niques et toniques, analogues à ceux qui caractérisent
une attaque d'épilepsie. Alors les veines du cou se
gonflent; les téguments du visage s'injectent; la face
prend une teinte rouge foncée, les yeux injectés sem-
blent sortir des orbites: la salive, mêlée quelquefois
d'uneécume blanchâtre, s'échappe abondamment de la
bouche; la physionomie perd la noblesse de son ex-
pression, et les malheureux bègues, n'obtenant ordi-
nairement de tous ces efforts que l'articulation d'une
ou de deux syllabes, ne peuvent faire entendre qu'une
espèce de grognement, imitant assez bien le cri d'un
N. 0. — SYNTHÈSE OBTIIOPIIOMOUE. 335
animal qu'on égorge. Ce genre de bégaiement est
toujours porté au dernier degré.
BEGAIEMENT GUTTURO-TETANIQL'E AVEC BARYPIIOME OU
BALBUTIEMENT.
Cette espèce de dyslalie est le plus souvent irré-
médiable, parce que presque toujours elle est accom-
pagnée d'une aulre affection, dépendante d'une ma-
ladie de l'encéphale ou dépendante d'autres lésions
organiques des centres nerveux qui sont au-dessus
des ressources qui peuvent être indiquées dans une
synthèse orthophonique.
Cependant, lorsque cette variété de bégaiement
coïncide, ce qui a lieu encore assez souvent, avec
seulement un manque relatif d'intelligence, on peut
parvenir à le guérir en développant d'abord les fa-
cultés intellectuelles au moyen d'une éducation péda-
gogique spéciale, et en employant ensuite les agents
orthophoniques qui sont indiqués pour la cure du bal-
butiement et du bégaiement..
BÉGAIEMENT MIXTE.
Ce bégaiement, assez fréquent, est désigné par l'épi-
336 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Ihèle de mixte, parce qu'il est caractérisé par la réu-
nion de plusieurs des variétés précédemment indi-
quées.
Ce qui est extrêmement remarquable dans le bé-
gaiement, c'est que certaines consonnes soient plus
fréquemment et plus fortement bégayées devant telle
voyelle que devant telle autre. Par exemple, la syl-
labe co exige ordinairement moins d'efforts de la part
des bègues que la syllabe ca^ quoique ces derniers
éprouvent moins de difficulté pour produire le son
de la voyelle isolée a que pour articuler celui de la
voyelle o dans les mômes circonstances.
Telle syllabe, ordinairement difficile pour les bè-
gues, est quelquefois prononcée facilement par eux,
si elle est précédée d'une autre qui laisse leur langue
dans une situation favorable ; c'est pour cette raison
qu'ils ont en général plus de peine pour articuler les
lettres qui commencent une phrase, et que leur infir-
mité est plus sensible dans les premiers mots qu'ils
adressent aux personnes avec lesquelles ils ne sont
pas encore familiarisés. Quelques-uns d'entre eux,
pour rendre moins apparente leur hésitation, usent
de différents artifices, et masquent plutôt les difficul-
tés qu'ils ne les surmontent. Par exemple, il en est
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 337
qui font précéder les mots difficiles par des mois qui
placent leur langue dans des positions qui se rappro-
chent plus ou moins de celle que cet organe doit
prendre lorsque la gymnastique vocale est employée.
Ainsi, ils joignent, le pins souvent possible, les arti-
cles le, la, les aux substantifs qu'ils veulent nommer,
parce que, pour la plupart d'entre eux, ces articles
n'exigent aucun effort pour être prononcés, la face
inférieure du sommet de la langue devant être portée
vers le palais. Tel bègue qui ne peut pas prononcer
les mots travail, canon, Painsicn, les articulera faci-
lement s'il dit : Le travail^ le canon., le Parisien, on
s'il remplace l'article par un son vocal ou un mono-
syllabe facile. Ainsi, il dira sans efforts : Un travail.,
cinq canons, huit Parisiens., parce que les noms de
nombre un, cinq, huit sont en général faciles ; il au-
rait au contraire complètement échoué pour prononcer
les mêmes mots isolés ou précédés d'autres nombres
dont les articulations sont dures, tels que deux, trois,
quatre, treize, quatorze, quarante -quatre, elc.
Diagnostic du bégaienient.
Le bégaiement est une infirmité dont il est tou-
jours facile de constater l'existence, puisqu il suffit
22
338 N. 0. — SYNTHÈSE OKTHOPHONIQUE.
(l'entendre parler pendant un certain temps un sujet
bègue, pour remarquer qu'il se trouve plus ou moins
arrêté soit dans la prônoncialion de toutes les syl-
labes qui entrent dans la composition des mots, soit
dans l'articulation de quelques-unes en particu-
lier.
Ce vice de la parole, qui a été confondu avec plu-
sieurs autres, doit être distingué : 1° du grosseyement^
qui, d'après la définition donnée plus haut, résulte de
l'articulation gutturale et défectueuse de la lettre R,
de la substitution d'une autre consonne à celle-ci, ou
enfin de sa suppression plus ou moins complète ;
2" des diverses hlésités, qui consistent à substituer
une articulation à une autre ou à lui donner un son
qu'elle ne représente pas ; 3° du balbutiement^ dont la
cause est un manque de mémoire ou d'intelligence,
ou une lésion quelconque de l'encéphale ou des orga-
nes phonateurs, ce qui n'a pas lieu dans le bégaie-
ment proprement dit, et dont le caractère essentiel
consiste dans l'addition plus ou moins prolongée de
certains sons insignifiants après les mots, ou dans la
prononciation de ceux-ci avec hésitation, interrup-
tion, et peu distinctement, mais avec calme et sans
secousses convulsives ni précipitation ; 4° du bre-
doidllement, qui est caractérisé par la prononciation
tumultueuse et confuse des syllabes et par la rapidité
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 339
du discours qui fait que les mois sont coupés, articu-
lés à demi et souvent inintelligibles.
Ce qi.i distingue le plus le bégaiement des autres
vices de l'articulation, c'est que ces derniers sont
permanents et sans intermittence^ et ne sont jamais
modifiés, augmentés, diminués ou momentanément
suspendus par une foule de circonslances qu'il est
inutile de rappeler.
Influence du rythme.
Le rythme^ du grec puôuo:;, cadence, est la succes-
sion, dans un ordre régulier et par intervalles égaux
et d'égale durée, d'ini son, d'un bruit ou d'un mouve-
ment quelconque.
Le rytbme n'est pas seulement réservé à la musi-
que, car il est l'agent qui régit les principales fonc-
tions et les mouvements de tous les êtres organisés.
Eu effet, le cœur et les poumons frappent une mesure
à deux temps marqués, dans le premier de ces orga-
nes par la systole (1) et la diastole (2), et dans le
second par l'inspiration et l'expiration. Chaque être
vivant a donc été organisé et animé d'après les lois
(1) Systole, contraction du cœur et des artères.
(•-') Diastole, dilatation du cœur et des artères.
340 N. 0. — SYNTHÈSE ORTIlOPnOMQUi:.
de la musique, puisque l'une des premières bases
de cet art sert à expliquer l'action de nos organes.
Le rythme n'est donc pas le résultat de l'art et du
raisonnement.
Tous les peuples suivent une sorte de rythme dans
leurs travaux littéraires (1) et dans la plupart de
leurs arts. C'est également le besoin naturel du
rythme qui nous porte à marcher à pas égaux, à
sauter par bonds d'égales durées : c'est lui qui règle
les pas du danseur, les bras et les jambes du nageur,
la voix du chanteur et les instruments des musiciens.
Enfin, tout le monde connaît la puissance de la me-
sure pour animer les hommes à l'application constante
de leurs forces et pour faciliter tous leurs mouve-
ments. Les matelots ont recours au rythme pour
plier ou tendre les cordages et les voiles avec plus
d'ensemble et de promptitude, et par conséquent
(1) Le rythme est si bien caractérisé dans la poésie des anciens
qu'il est presque impossible de lire des vers grecs ou latins sans
battre malgré soi la mesure à deux temps. L'oreille de l'homme est
si naturellement amie du rythme qu'elle le cherche partout à son
insu, comme l'œil cherche les proportions et l'harmonie des formes
et des lignes. Ce n'est pas seulement dans la poésie et dans la mu-
sique (|u'il est indispensable, car son influence n'est pas moins réelle
dans la prose, où il est soumis à des règles plus larges, plus libres,
infiniment plus variées et cependant si essentielles, que Cicéron n'en
dispensait pas même les personnes qui improvisaient. C'est d'ail-
leurs, en se conformant aux règles du rythme que l'orateur fait une
inspiration à propos, soutient l'attention des auditeurs, enfin sépare
les phrsses et les mots de toutes les périodes de son discours.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 341
moins de fatigue ; les Nègres, travaillant à la culture
des plantations de cannes à sucre, sont soulagés
dans leurs peines par le chant de l'un d'eux ou par
le son d'un tambour ou d'un flageolet qui leur marque
au moyen de la mesure le moment de leurs efforts
communs.
On a également tiré un grand parti de l'influence du
rythme sur les animaux. On voit en Orient ceux qui
conduisent les chameaux chargés d'énormes fardeaux
jouer de quelque instrument pour les délasser ; ces
animaux semblent ne plus sentir le poids qui les
écrase, et marchent avec une légèreté incroyable qui
diminue bientôt lorsque l'on cesse de jouer.- C'est
peut-être aussi pour cette raison que les montagnards
attachent des grelots au cou de leurs mulets, et les voi-
turiers aux colliers de leurs chevaux.
Tout le monde sait qu'une personne obligée de
compter avec une certaine vitesse, ne peut le faire
longtemps qu'en formant des mesures de deux ou
trois nombres, comme par exemple, un deux... trois
quatre... ou bien, un deux trois... quatre cinq six.
Quand on est obligé de compter lentement, on forme
instinctivement une mesure à deux temps avec un
seul nombre, en traînant sur le mot que l'on exprime
de telle sorle qu'il est divisé en deux parties ; ainsi
l'on dit: deu... €ux,troi... ois, etc.
342 N. G. — SYNTHÈSE ORTHOPnON'IQUE.
Une expérience assez plaisante de Grétry prouve
que tout corps animé est en quelque sorte contraint,
de suivre les mouvements marqués par le rythme.
'< J'ai usé souvent d'un stratagème singulier, dit ce
grand musicien, pour ralentir la marche d'une per-
sonne que j'accompagnais à la promenade. Dire à
quelqu'un : Vous marchez trop vite ou trop lentement,
est une espèce de despotisme peu décent, excepté
avec son ami; mais chanter sourdement un air en
forme de marche, d'ahord à la mesure de la marche
du compagnon, ensuite la lui ralentir ou l'accélérer
en changeant insensiblement le mouvement de l'air,
est un stratagème aussi innocent que commode. »
Le même auteur rapporte encore une autre expé-
rience.
Cette expérience, qui prouve l'influence du rythme
sur la circulation, consiste à placer deux ou trois
doigts sur l'artère radiale de l'un des. bras, ou sur
toute autre artère du corps, puis à chanter intérieu-
rement un air dont la mesure est indiquée par les
pulsations artérielles. Après quelque temps, si l'on
chante avec animation un air d'un mouvement dilTé-
rent, on sent le pouls qui accélère ou ralentit son mou-'
vement pour se mettre à peu près à celui du nou-
vel air.
On a constaté que le sang coulait avec plus de force
N. 0. — SYNTHESE ORTIIOPnOMQUE. 3i-3
et de vivacité en ouvrant la veine pendant que l'on
battait le tambour ou que l'on jouait un air vif sur un
au Ire instrument.
D'ailleurs, pendant l'exécution d'une musique vive
et bruyante, la face se colore, l'ensemble général du
corps éprouve un frémissement involontaire, enfin le
pouls, qui est intermittent et irrégulier cbez certaines
personnes, prend alors une régularité bien marquée.
On voit que le besoin du rythme résulte des pre-
mières lois de l'économie animale, et que les pro-
priétés de cet agent universel lui donnent des rapports
les plus intimes avec les phénomènes de la vie et les
mouvements de tous les êtres animés qui marchent,
qui sautent, qui volent, qui nagent ou qui rampent,
qui crient ou qui parlent.
L'on connaît aussi le pouvoir du rytlime mono-
tone du tambour pour faire marcher sans lassitude
les troupes pendant une marche forcée.
On observe les mêmes cffels de délassement sur
des jeunes personnes peu habituées à la fatigue et
pouvant à peme faire le moindre exercice, qui ce-
pendant passent une partie du jour et de la nuit à
danser sans être fatiguées, ce qu'elles seraient inca-
pables de faire sans le rythme musical qui les anime
et règle leurs mouvements et leurs pas.
Si les danseurs de corde, les écuyers et ceux^ qui
344 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
se livrent à certains exercices de gymnastiqne n'é-
taient dirigés et soutenus par un rythme quelcon-
que, ils perdraient bientôt l'équilibre et courraient
risque de tomber.
Si le rythme résulte des premières lois de l'écono-
mie animale, il est facile de concevoir qu'avec le se-
cours de cet agent universel on puisse rendre tous
les mouvements égaux, réguliers et parfaits. C'est en
étant frappé de cette vérité physiologique que Co-
lombat a eu l'idée d'employer la mesure pour régula-
riser les mouvements anormaux qui constituent le
bégaiement.
Pendant longtemps on avait remarqué que ce vice de
l'articulation cessait comme par enchantement, lors-
que les personnes qui en étaient affligées chantaient
ou déclamaient des paroles mesurées par la musique
ou la poésie; mais personne n'avait cherché à se
rendre compte de ces phénomènes, dont l'explica-
tion est pourtant de la plus haute importance pour
combattre une infirmité vocale.
Deux causes, qui sont les conséquences l'une de
l'autre, font que les bègues ne bégayent pas en chan-
tant : la première, c'est que, étant obligés de sou-
mettre leur parole à un rythme musical et poétique,
les mouvements des agents de la phonation se font
nécessairement avec plus de précision et de régula-
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPFÎONIQUE. 34o
rite; la seconde, c'est que, devant avoir constam-
ment l'idée de la mesure, cette idée accessoire non
seulement arrête l'exubérance relative des idées
principales qui font le sujet du discours, mais encore
modifie l'excitation cérébrale; d'où il suit que l'irra-
diation nerveuse se fait avec plus d'ordre et de len-
teur, et su trouve alors en harmonie d'action avec
les contractions musculaires des organes de la pa-
role. On doit dire cependant que la mesure n'est pas
la seule cause qui, pendant le chant, fait disparaître
le bégaiement. La prolongation du son et l'espèce de
syncope outraînement de chaque syllabe contribuent
également à faciliter le jeu des organes de l'articu-
lation, qui agissent alors plus lentement.
Les anciens avaient déjà constaté l'influence du
rythme sur la parole.
A Rome, les orateurs qui parlaient avec difficulté
se faisaient accompagner d'un instrument dans leurs
harangues, qu'ils récitaient en suivant le musicien.
Gracchus surtout ne parlait jamais en public sans
avoir à ses côtés un esclave qui sifflait légèrement
sur un flageolet.
Platon reconnaissait également l'heureuse in-
fluence du rythme, car il disait, en parlant de la
musique, que ce modèle parfait de précision avait été
accordé aux hommes par les dieux immortels, moins
346 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
dans le but de réjouir et de chatouiller agréablement
leurs sens, que pour calmer le trouble de leur âme
et les mouvements irréguliers qu'éprouve un corps
plein d'imperfections. Enfin, A/istote, qui a presque
toujours été opposé au sentiment de Platon, s'ac-
corde avec lui sur ce qu'il a dit à l'égard de la mu-
sique (1).
(1) La musique avait cliez les anciens un sens beaucoup plus
étendu que chez les modernes. Il n'est pas exact également que leur
mot musique fiit chez eux synonjme en quelque sorte de notre mot
art.
A notre époque, Vart désigne toutes les manifestations du beau,
que cette manifestatioti sensible soit instantanée ettransitoire comme
dans la parole, la musique, lej'îu plusiognomonique, ou qu'elle soit
fixe et durable comme dans la gravure, la peinture, la sculpture,
l'architecture.
Chez les anciens Grecs, au contraire, le mot musique comprenait
seulement sous ce nom les arts qui avaient les deux caractères sui-
vants : 1° le caractère sensible ou ce qui frappe sur-le-champ les
sens; 2" le caractère énergique ou ce qui n'agit que successivement
par degrés. Les seuls qui dans leur essence avaient ces deux carac-
tères étaient appelés arts énergiques, ou arts ayant par eux-mêmes
un caractère intrinsèque de mouvement et de changement, et qui
par suite agissent successivement et par degrés sur l'âme. Elle com-
prenait donc le chant, la déclamation, la danse, le geste, la musi-
(|iie proprement dite, la poésie considérée au point de vue de Fart,
du mécanisme, de la versification, la prose considérée au point de
vue du nombre et de la cadence, enfin l'astronomie considérée au
point de vue du mouvement apparent des astres qu'ils appelaient
une musique céleste.
On voit que la musique, tout en ayant un sens beaucoup plus
étendu que chez les modernes, n'était pas synonyme de notre mot
art, puisqu'elle excluait tous les arts d'imitation qui affectent immé-
diatement les sens et toujours de la même façon, comme la pein-
ture et la sculpture. En résumé, la musique chez les anciens ne
N. 0. — SYNTHÈSli: ORTHOPHONIQUi!:. 3i7
La déclamalioii en vers modifie passagèrement
quelques variétés de bégaiement; car, le bègue étant
obligé de s'astreindre aune certaine mesure poétique,
l'influx nerveux qui précède l'articulation phonétique
de phrases déclamées est alors plus en harmonie d'ac-
tion avec les contractions musculaires des organes de
la parole.
Redressement vocal du bégaiement
PROCÉDÉS ET MOYENS OllTHOPHONIQUES
ET PROPUYLACTIQUES.
D'après ce que nous avons dit sur la mesure on
doit pressentir que le rythme est une des princi-
pales bases de la méthode de redressement vocal du
bégaiement. En efîet, ce régulateur parfait de tous
nos mouvements est un des principaux moyens em-
ployés pour combattre cette infirmité ; mais cet
agent orthophonique aussi simple qu'avantageux
n'exerce complètement son influence que dans le
milieu des mois et des phrases; c'est-cà-dire que la
mesure n'est réellement efficace sur le bégaiement
comprenait que les arts qui frappent roreillo par le rytlime ou la
vue par des mouvements rythmés.
3i8 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
que lorsqu'on est parvenu à articuler les premières
syllabes qui ordinairement décèlent le plus l'infirmité
des bègues. On a donc été obligé, pour surmonter
les premières difficultés vocales, d'avoir également
recours à une gymnastique pectorale, laryngienne,
gutturale, linguale, labiale et buccale, qui consiste :
1° à abaisser la mâchoire inférieure; 2° à retirer la
langue dans le pharynx, en portant, autant que pos-
sible, la jjointe renversée de cet organe vers le voile
du palais, un peu avant la base de la luette, ou selon
les variétés de bégaiement à placer la langue derrière
V arcade dentaire supérieure ; 3° à écarter transver-
salement les lèvres, de manière à éloigner leurs com-
missures, comme dans l'action de rire; 4° à faire
une inspiration profonde et progressive ; 5° à avoir
soin de ne parler qu'après Vinspiration complètement
effectuée; 6° à garder autant qu'on le pourra une
grande quantité d'air dans la poitrine, dont on aug-
mentera encore la capacité en portant le haut du
corps en avant et les épaules en arrière.
Aussitôt qu'à l'aide de ces diverses actions faites
tour à tour ou combinées simultanément selon la
caractéristique et la dominante de la dysphonie, la
syllabe rebelle sera prononcée, la langue et tous les
autres organes de l'articulation devront reprendre
leur position naturelle.
N. 0. — SYiNTHÉSE ORTHOPIIOiNIQUE. 349
On aura le soin, après avoir lancé \q jet vocal d'une
manière « irrévocable », de parler ensuite en mesure
que l'on battra soit à un temps, soit à 2./4, 3/4, à
4 temps ou à 6/8, qu'il faut marquer en rapprochant
le pouce de l'index, sur chaque syllabe, ou après la
seconde, la troisième, la quatrième ou la sixièuie,
selon le rythme que l'on suit.
Afin de mieux faire sentir la mesure, et surtout
pour indiquer d'une manière précise la lenteur et la
vitesse des temps qui la composent, le docteur Colom-
bat a imaginé une sorte de compteur-pendule appelé
inutlionome.
Celte pendule peut être remplacée par le métro-
nome de Maëhel^ mais ce dernier compteur a l'in-
convénient d'avoir besoin d'être remonté si souvent,
qu'il ne faut que peu de temps pour le déranger,
quand on s'en sert pendant plusieurs heures par jour.
En général, pendant les premiers huit jours du
traitement, on fait battre la mesure d'abord à raison
de 60 oscillations du muthonoïne par minute, en
augmentant tous les jours de 10 en 10 de ces der-
nières, pendant la première semaine. On augmente
ensuite graduellement de 10 oscillations par jour
pendant la seconde semaine, pour arriver à 160 ou
170.
On ne saurait trop répéter que c'est surtout sur
3oO N. 0. — SYNTHÈSE ORTnOPIlONIOUE.
la mesure que les bègues, dès le début des études
orthophoniques, doivent insister et apporter le plus
spécialement leur attention; ils doivent également
tâcher de laisser un intervalle parfaitement égal
entre chaque syllabe, sans s'occuper de conserver
les inflexions naturelles de la voix, et sans s'occuper
également d'éviter la monotonie d'un pareil langage
mesuré et toujours sur le même ton (1).
L'ensemble de ces moyens orthophoniques consti-
tue une gymnastique vocale qui tout à la fois a l'avan-
tage, au point de vue du jet phonétique, d'agir physi-
quement et, au point de vue du jet psychologique,
d'agir moralement.
En effet, par sa valeur pondératrice, elle agit sur
tous les muscles de la respiration, sur les poumons,
sur le larynx et particulièrement sur la glotte, sur la
langue, sur les lèvres, enfin surtout l'appareil vocal.
^inspiration orthophonique (2), ainsi dirigée, a
pour but de faire cesser la conslriction spasmodique
des cordes vocales en ouvrant la glotte, en même
(1) Cette monotonie est passagère.
(2) L'inspiration ortliophonique doit être divisée et produite dans
l'ordre suivant: 1° abaissement de la mâchoire inférieure (premier
temps}; 1" élévation de la puinte de la langue derrière l'arcade den-
taire supérieure (deuxième temps); 3° mouvement inspirateur pro-
gressif de bas en haut (troisième temps). Avant de produire le mou-
vement expirateur, il est important de marquer également un temps
de repos (quatrième temps).
.\. 0. — SYXinÉSE ORTnOPIIOMQL'E. 3ol
temps qu'elle sert à distendre la poitrine par une
grande quantité d'air, de manière à ce que ce iïuide
ne s'échappe des poumons que pendant une expira-
tion lente, qui doit avoir lieu d'une manière graduelle,
et seulement pour fournir le son vocal.
Ainsi que tout le monde peut le vérifier sur soi-
même, en portant un doigt sur la saillie dite jjomme
d' Adam, la position de la langue, retirée et refoulée
dans le pharynx et sa pointe relevée, fait cesser le
resserrement de la glotte, laisse les cordes vocales
dans le relâchement (1), et, par suite, permet à
l'air de sortir facilement (2). Cette position de la
langue est si favorahle, qu'elle met les bègues qui
hésitent sur certaines lettres gutlurales, et surtout
sur certaines lettres linguales^ dans l'impossibilité
de bégayer, même le voulant bien, parce que le bé-
gaiement, qui se fait remarquer le plus souvent sur
(1) L'ouverture glottale à ce moment se trouve agrandie, parce
que la rétraction de la langue dans le pharynx refoule inférieure-
ment le larynx qui se trouve alors dans le plus grand abaissement
possible. Pendant le bégaiement, cet organe est ordinairement très
élevé, ce qui rétrécit la glotte dont les lèvres se rapprochent quel-
quefois au point de s'opposer à la sortie de l'air, comme cela a lieu
dans certains bégaiiiments gutturo-tétaniques.
(2) i'ar cette manière d'inspirer orthophonitiuement les chanteurs
et les comédiens éviteront ces Iioqueti et ces soulflements si fati-
gants à entendre pour le spectateur et qui produisent fatalement
chez les artistes lyriques ou dramatiques, au bout d'un temps eii-
core assez court, YnjjJionie atonique.
352 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
ces lettres, ne peut avoir lieu lorsque l'organe pho-
nateur est placé ainsi qu'on vient de le conseiller,
tandis que celte infirmité se manifeste de suite lors-
que la langue est en bas.
Pour se convaincre de cela, il suffit de remarquer
que, pondant leur hésitation, les personnes qui bé-
gaient ont toujours la pointe de la langue en bas ou
en avant, et que, lorsqu'un veut les imiter, on place
instinctivement le sommet de cet organe derrière les
(lents incisives inférieures. Enfin, la tension trans-
versale des lèvres (1) a pour but de faire cesser l'es-
pèce do tremblement convulsif qui a lieu lorsque,
pour articuler les lettres labiales, les lèvres forment
une espèce- de sphincter curviligne.
D'ailleurs, comme des causes différentes ne pro-
duisent jamais des mêmes effets, il est facile de con-
cevoir que les répétitions désagréables qui constituent
le bégaiement et qui, pour se manifester, exigent
certains mouvements et certaines positions obligées de
la langue et des organes vocaux, ne peuvent se faire
entendre lorsque le mécanisme qui leur donne nais-
sance se trouve remplacé par un autre tout à fait in-
verse. On peut donc avancer que le premier principe
à connaître j)Our obtenir le redressement vocal du bé-
gaiernent ou pour obtenir le redressement d'un vice de
(n Ou écarlement de la commissure des lèvres.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPDONIQUE. 333
la parole, consiste à employer un mécanisme et des
positions d' organes aussi opposées que possible à celles
où, l'on remarque que sont les mêmes organes pendant
l'hésitation .
Cette gymnastique vocale peut aussi agir morale-
ment.
Ainsi, la mesure, qui exerce si bien son heureuse
influence sur tous nos organes en régularisant leurs
mouvements, fixe l'attention des bègues concurrem-
ment avec toutes les autres parties de ren<teignement
orthophonique et devient par cela même une pré-
occupation qui, jointe à l'idée principale qui fait le
sujet dont on parle, doit nécessairement ralentir
l'émission de cette dernière, et mettre l'influx ner-
veux qui suit la pensée plus en harmonie d'action
avec la mobilité relative de tous les organes vocaux.
Lorsque l'ensemble des moyens indiqués dans cette
méthode sont insuffisants pour surmonter les difficul-
tés que présentent certaines lettres et certaines syl-
labes, surtout au commencement des phrases, on a
alors recours aux différents artifices orthophoniques
indiqués dans le mécanisme artificiel des lettres iso-
lées et dans les moijens artificiels employés pour
rendre la fusion vocale des voyelles et des consonnes,
qui facilitent beaucoup l'articulation des combinai-
sons phoniques qui offrent le plus d'obstacle. Lors-
as
3o4 N. 0. — SYNTBÈSE ORTHOPHONIQUE.
qu'on est parvenu à bien faire une application con-
venable de ces divers mécanismes artificiels, on les
combine alors avec la méthode générale, conjoin-
tement avec les autres moyens prophylactiques qiu
sont plus spécialement propres à combattre chaque
variété de bégaiement en particulier.
MECANISME ARTIFICIEL DES LETTRES.
Les voyelles A, E, I, 0, U, OU, ON, IN, AX, EU,
UN, qui n'arrêtent les bègues que dans les variétés
giitturo-tétaniques , pourront être prononcées facile-
ment par eux, si, après avoir fait une inspiration
pour ouvrir la glotte, ils ont soin de faire précédei*
d'un E muet le son naturel qu'elles représentent.
Ainsi, a, e, i, u, ii, o?/, on, in, a)i, un., se prononcent
en passant légèrement et rapidement sur le son de l'E
muet, comme il suit : eA, eE, el, eO, eU, eOU, oON,
elX, eAn, eUn. Le son que représente l'E muet étant
celui que les bègues prononcent avec le plus de fa-
cilité, et étant d'ailleurs le plus propre à se combiner
avec les autres lettres, paraît être, sous ces deux
rapports, l'artifice le plus convenable pour faciliter
l'articulation des voyelles; d'ailleurs, cette espèce de
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 2oo
son supplémentaire disparaît peu à peu, et, eu quel-
ques jours, /es bègues n'ont plus besoin <ïy avoir
recours, et perdent bientôt, sans s'en apercevoir,
l'habitude de l'employer.
Cette consonne, (|ui arrête si souvent les bègues
de la première variété (labio-churéique), sera facile-
ment articulée par eux, s'ils ont le soin de laisser la
langue immobile dans la cavité buccale, en la fixant
contre la face postérieure des dents incisives supé-
rieures; ils devront en même temps tendre les lè-
vres dans leur sens horizontal, de manière à éloi-
gner leurs commissures; enfin, ils ouvriront brusque-
quement la bouche en articulant en même temps le
son de la voyelle qui suit le B. Le son décomposé de
cette letlre est précédé d'une sorte de frémissement
sonor.! qui part du fond de la cavité buccale, suit le
palais, et sort ensuite vivement, après avoir été niu-
difié par les lèvres. Les bègues devront, pour avoir
plus de facilité, ne pas oublier de faire entendre C(i
frémissement guttural qui doit avoir le son de l'E
muet; la consonne B doit s'articuler ainsi qu'il suit :
eBe.
356 N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE.
C dur
L'articulation artificielle de cette lettre consiste
à adoucir le son qu'elle représente, en diminuant
les efforts et les contractions de tous les muscles
de la poitrine, du larynx et du pharynx.
On parviendra facilement à ce résultat en donnant
au C le son suivant : Kche A.
Ce moyen, employé convenablement, change peu
le son du G, et n'exige que quelques jours pour qu'on
puisse donner sans hésitation à cette consonne le
son naturel qu'elle représente.
Le C, avec ou sans cédille, se prononce comme S.
Le D s'articule facilement en retirant fortement la
langue au fond de la bouche, ayant soin ensuite de
faire glisser la face inférieure de cet organe le long
du palais, jusqu'à ce que son sommet aille frapper
les dents incisives supérieures. Les bègues devront
exagérer le mécanisme de cette lettre, en faisant pré-
céder le son qu'elle représente d'une espèce de fré-
missement sonore qui les facilitera beaucoup : ce
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE, 357
frémissement, qui imite le son de l'E muet, est d'au-
tant plus important qu il a lieu dans l'articulation na-
turelle du D ; si on ne l'aperçoit pas, c'est qu'il se
fait trop rapidement. L'oubli de ce frémissement est
souvent une des principales causes de l'hésitation
éprouvée par les bègues pendant l'articulation de la
lettre D ; le D devra donc s'articuler ainsi eDE, en
même temps qu'on rapprochera les lèvres en éloi-
gnant leurs commissures, comme si on voulait rire.
F
Pour la lettre F, il faudra exagérer son mécanisme
nature], en retirant fortement la mâchoire inférieure,
qu'on élèvera ensuite aussi haut que possible vers
l'arcade dentaire supérieure, de manière à ce que
les dents aillent se fixer vers la base du menton
comme pour mordre cet organe : l'air doit être chas-
sé brusquement, et les lèvres doivent prendre rapi-
dement leur position naturelle.
G doux
Se prononce artificiellement comme le .1.
3o8 N. 0. — SYNTHÈSl!; ORTHOPHONIQUE.
G dur
Cette consonne s'articule comme le C dur.
11 faut également joindre à son mécanisme le Cré-
missemenl sonore dont il a été déjà parlé. Le G pro-
noncé artificiellement représente le son de EGUE.
La lettre J s'articule en chassant l'air avec force,
après avoir porté la pointe de la langue au palais,
et avancé les lèvres comme pour faire la moue :
ce mécanisme doit être précédé du frémissement
qui produit le son de l'E muet ; ce qui donnera à la
lettre J le son de eJE.
Pour celte lettre, il faut d'aburd élever la langue
vers le palais, et la renverser le }»liis qu'on pourra,
ayant soin de lui faire exécuter un mouvement brus-
que, qui, en frappant la voûte palatine, imite à peu
près le mouvement de la langue d'un chat quand il
boit ; les lèvres, tendues transversalement, devront
rester aussi immobiles que possible : le son de L, qui
N, 0. — SYNTHESE ORTHOPHOMQUE. 3o9
est également précédé d'un frémissement Honore,
fait eLE.
M
Cette consonne, également pi'écédée du frémisse-
ment sonore, sur lequel on ne saurait tiop insister,
s'aiticulera artificiellement en fixant !e sommet de la
langue au-dessus des alvéoles de la mâchoire supé-
rieure, afin do chasser l'air en partie par le nez ;
on aura soin ensuite d'agrandir liorizontalernenl
l'orifice buccal en éloignant les commissures des
lèvres, en môme temps que la mâchoire inférieure
fera un mouvement rapide d'abaissement jour
articuler cME.
N
Pour articuler cette lettre, il faudra porter la plus
grande attention à laisser les lèvres et la mâchoire
inférieure dans l'inaction la plus absolue ; la pointe
de la langue devra être portée vers l'arcade dentaire
supérieure, de manière à chasser l'air dans les fosses
nasales, à faire glisser le sommet de l'organe phona-
teur jusqu'à ce qu'il parvienne à la face postérieure
des dents incisives supérieures ; l'abaissement de la
langue devra également être précédé du frémissement
360 N. 0. — SYNTHESE ORTnOPHOMQLE.
gloltal, qui imite TE muet, et qui donnera à l'N le
son de eXE.
P
Le P est plus explosif que le B, et n'est pas pré-
cédé, comme ce dernier, d'un frémissement sonore;
pour l'articuler artificiellement, il suffit de rentrer la
lèvre supérieure dans la cavité buccale, et de la pla-
cer comme si on voulait la mordre : l'air sera chassé
brusquement en abaissant \ivement la mâchoire in-
férieure.
Le Q et le K s'articulent comme le C dur,
Cette consonne, que les bègues devront articuler
eRE, à cause du frémissement de la glotte, se pro-
nonce en repliant supérieurement la langue de ma-
nière à ce que sa face dorsale soit concave et sa
pointe portée vers le palais_, le plus en arrière pos-
sible ; l'air sera chassé avec force et l'organe pho-
nateur mis en mouvement devra céder avec une
sorte d'élasticité, qui fera revenir la langue rapide-
ment sur elle-même, aussi longtemps que l'on a ou-
N. 0. — SYiNTIIÈSE ORTHOPHONIQUE. 361
dra prolonger l'espèce de roulement que cette
lettre représente ; il faudra de plus avoir soin, pour
éviter le grasseyement et avoir par contre un mauvais
point de départ d'articulation, de laisser dans l'inac-
tion la plus complète la base de la langue et de
faire en sorte que les lèvres et la mâchoire restent
tout à fait immobiles.
L'S s'articule en plaçant la pointe de la langue
contre les dents incisives supérieures, de manière à
ne laisser qu'une petite issue à l'air, qui doit être
chassé avec force, mais s'échapper en petits fdets qui
doivent produire le sifflement SE.
Cette consonnC;, qui est plus explosive que le D,
n'étant pas, comme lui, précédée d'un frémissement
de la glotte, s'articule facilement si on frappe forte-
ment avec la langue renversée le miheu de la \ oîite
palatine, et si, en même temps, on abaisse brusque-
ment la mâchoire inférieure.
302 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Le V sera articulé facilement par les bègues, s'ils
ont soin de retirer en arrière la mâchoire inférieure,
sur laquelle devront appuyer les dents incisives su-
périeures, de manière à ne laisser échapper de l'air
que parles commissures des lèvres; alors, en chas-
sant ce fluide avec force, il en résultera un sifflement
qui devra, comme dans beaucoup d'autres con-
sonnes, être précédé d'un frémissement sonore de
la glotte ; une sorte d'explosion complétera l'articu-
lation du V, aussitôt que les mâchoires seront écartées.
Le son de cette lettre doit être représenté ainsi : eVc.
Le Z s'articule en portant le bout de la langue au
niveau de la base des dents incisives de la mâchoire
supérieure, et en faisant précéder cette articula-
tion du frémissement sonore de la glotte, comme
dans le V.
Il importe de bien faire comprendre à l'élève, au
moment de la mise en pratique du tableau qui suit,
N. 0. — SYiMHÈSE ORTHOPHONIQUE. 303
le mécanisme artificiel de chaque lettre et de chaque
syllabe rebelle. Pour cela on cherchera à transformer
en articulations orthophoniques les sons qui se trou-
vent dans une articulation rebelle. Au moyen de cette
comparaison de sons, les dysphones guidés euphoni-
quement parviendront à surmonter toutes les diffi-
cultés syllaliiques.
Moyens artificiels pour articuler les combinaisons
des voyelles et des consonnes.
Articulations naturelle?. Articul. orthophoniques (1).
Ba, bo. bi, bu;blablé, f^^ ff^ f;\^ ;Yo'
bli, blo, blu, ; blan, blin, '^J^ff' '*^'^^J^: ^'f ^'' ji^^'i!^'
,, ,1 \ 1 ' 1 • pBeLU ; eBeLAN, elieLlA,
bien bleu; bra, bre bn, ^j^^lON, eBeLOU ; eBeRA
bro, bru, bran, brin, bron, .b.re. eBcRI, eBeRO, eBeRU,
brou. eBeRAN, eBeRIN, eBeRON,
eBeROU.
(l) 11 faut passer légèrement sur toutes les lettres supplémentaires
de chaque articulation artificielle, et n'appuyer fortement que sur
celles qui entrent réellement dans la composition des mots. D'ail-
leurs on n'a recours à ces moyens artificiels que pendant les pre-
miers jours du redressement vocal, et pour surmonter seulement
les premières difficultés qui se rencontieni quelquefois chez les bè-
gues. Souvent l'étude des articulations naturelles sera suffisante.
Cette manière d'articuler les sons difficiles consiste, en un mot, li
ajouter à quelques syllabes des V, des F, des E muets, des ch, et
à faire précéder l'articulation de certaines lettres d'un frémisse-
ment de la glotte qui est assez bien exprimé par le son d'un muet.
364
N. 0.
SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Articiil. orthophoniques.
KcheA, KcheE, Kchel, KcheO,
KcheU ; QueLA, QueLE, QueLl,
QueLO, QueLLI, QueLAX,
QueLlN, QueLOU : QueRA,
QueRE, QueRl, QueRO, QueRU,
QueRAN, QueRIN, QueRON,
QueREU, QueROU.
Da, dé, di, do, du; dia, eDeA, eDeÉ, eDel, eDeO,
dis dra drO eDelJ ; eDelA, eDeRA, eDeRO.
Articulations naturelles.
Ga, ké, ki, quo, eu ;
cla, clé, cli, clo clu, clan,
clin, clou ; cra, cré, cri,
cro, cru, cran, crin, cron,
creu, crou.
Fa, fé, fi, fo, fu; fla,
flé, fli, flo, flu, flou; fra,
fré, fri, .fro, fru, fron,
frou.
Ga, go, gla, glé, gli,
glo, glu, glou, gra; gré,
gri,gro,gru, grou.
La, lé, li, lo, lu, lan, lin.
Ion, leu, lou.
Ma, mé, mi, mo, mu ;
man, min, mon, mou.
Na, né, ni, no, nu ; nan,
nin, non, nou.
Pa, pé, pi, po pu ; pan,
pin, pon, peu, pou; pis ;
pla, plé, pli, plo, plu, plan,
plin, pion ; pra, pré, pri,
pro, pru, pran, prin, prou ;
psa, psé, psi, pso, psu.
Ra, ré, ri, ro, ru, ran,
rin, rou.
FeA, FcÉ, Fel, FeO, FeU ;
FeLA, FeLE, FeLI, FeLO,
FeLU, FeLOU; FeRA, FeRE,
FeRI, FeRO, FeRU, FeRON,
FeROU.
oGueA, eGueO,
eGueLA,
eGueLE, eGueLI,
eGueLO,
eGueLU, EGueLOU;
eGueRA,
eGueRE, eGueRI,
eGueRO,
eGueRU, eGueROU.
cLeA, eLeE, eLel.
, eLeO,
eLelJ, eLeAN, cLeLN,
eLeON,
eLeEU, eLeOU.
eMeA, pMeÉ, eMel
, eMeO,
eMoU ; eMeAN, eMel^,
eMeON,
eMeOU.
eNeA, eNeE, cNel, eNeO,
eNeU; eNeAN, eNeIN, eNeO.X,
eNeOU.
FfA, PfE, Pfl, PfO, PfU;
PfAN, PfLN, PfON,P(EU, PfOU ;
pris ; PeLA, PeLE, PeLI,
PeLO, PeLU, PeLAN, PeLLN,
PeLON; PeRA, PeRE, PeRI,
PeRO, PeRU, PeRAN, PeRLN,
PeROU ; PesSA, PesSÉ, PesSI,
Pe.SO, PesSU.
eReA, 'eReE, eRel, eReO,
eRcU, eReA.N, cRelN, eReON,
eReOU.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 365
Articulations naturelles. Articul. orthophoniques.
Sa, se, si, so, su; sca, SeA, SeÉ, Sel, SeO, SelJ;
^-co, sca; scié, scri, scro, ^*'1^\;^^'^9^' t?A*^^o' t?*^]^it^^'
scru.
SeKeRÏ, SelveRO, SeKeRU.
Ta, té, ti, to, tu, tan, TeA, TeE, Tel, TeO, TeU,
lin trvn tnn • fi>-i h«(^ tri TeAN, leIN, TeON, TeOU 1
n' t?.?; 1^'; Inin t'.nn' TeRA» TeRE, TeRÏ, TeRO,
110, i u, Ucin, inu, uuu, j^ru, TeRAN, TeRIN, TeRON,
''■o^' ^^'O^- TeROU, TeROJ.
Ya, Vé, Vi, VO, vu, van, cVeA, eVeÉ, eVel, eVeO,
Vin, voi ; vrai, vri. '^Ï'^S\,^^^.^ÏÏ; '"^'^^^ ^''^^^ '
eVeKAi, eVeKl.
Cha, elle, chi, cho, chu, CHeA, CHeÉ, CHel, CHeO,
chan, chin, chon, chou; CHeU, CHeAN, CH.elN, CHeON,
ia ié ii io iu ian iar CHeOU; e.IeA, eJeE, eJel, eJeO,
iom '^'^^ '^'''^^' ^J^^^' '^•''^O^^-
Ces diverses articulations, qui sont aussi efficaces
que faciles à comprendre et à mettre en pratique,
paraîtront d'abord défigurer le son des syllabes; mais
si elles sont faites convenablement, il n'en sera pas
ainsi, et bientôt on n'aura plus besoin d'y avoir re-
cours pour articuler normalement ; on se contentera
alors de mettre en pratique soit les moyens déjà
indiqués, soit ceux que l'on va faire connaître
comme devant être, non pas uniquement, mais j)his
spécialement employés pour chaque variété de
bégaiement.
366 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Moyens orthophoniques qui conviennent plus parti-
culièrement à chaque variété de bégaiement.
LABIO-CeORÉIOClî AVEC BRF.DOUILLEMENT.
Pratiquer l'inspiration orthophonique.
Employer la mesure comme elle est indiquée dans
la méthode générale, principalement celle à un temps,
dont la vitesse sera pendant toute la durée du traite-
ment de 100 à 410 oscillations du muthonome ou
du métronome qui est à peu près gradué d'après les
mêmes proportions.
LABIO-CHOaÉIQUE DIFFORME.
Agrandir la bouche transversalement en éloignant
les commissures des lèvres, faire une inspiration en
relevant la langue; rester sur la première syllabe qui
suit l'expiration, et mettre un intervalle entre cette
première syllabe et les autres, comme^ par exemple,
dans cette phrase : I)on---nez-moi de vos nouvelles.
LABIO-CHORÉIQUE APHONE, OU BÉGAIEMENT DES FEMMES.
Après avoir abaissé fortement la mâchoire iufé-
rieure, faire placer la langue au-dessus des dents
N. 0. — SYiNTHÈSE ORTHûPHONIQUl' . 367
incisives supérieures; faire remplir très progressive-
ment la poitrine clair avant de parler, et surtout
syncoper toutes les syllabes, en employant de pré-
férence la mesure à deux temps.
LABIO-CHORÉIQUE LINGUAL.
Produire une inspiration orthophonique; abaisser
la mâchoire inférieure et s'efforcer d'articuler avec
la pointe de la langue fixée d'une manière relative
contre la voûte palatine, un peu au-dessus des dents
incisives supérieures.
Pratiquer souvent cette gymnastique linguale.
GENRE GUTTURO-TÉTANrnUE MUET.
Empêcher surtout que Pair ne sorte des fosses na-
sales pendant l'expiration ; insister sur le mouvement
inspirateur, augmenter la capacité de la poitrine et
la dilater en portant son sommet en avant et les
épaules en arrière ; chanter pour ainsi dire la pre-
mière syllabe qui suit l'inspiration,
GUTTURO-TÉTANIQUE INTERMITTEN r.
Avoir soin de ne jamais parler sans sentir les mus-
cles pectoraux toujours contractés, comme quand on
368 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
veut se grossir; employer fréquemment le rythme et
rester un peu moins sur la première syllube.
GUTTURO-TÉTAXIQUE CHORÉIFORME.
Porter la pointe de la langue renversée vers la
luette avant de faire une inspiration ; employer avec
volontéXdi mesure et les éléments de la méthode qui
sont constamment efficaces et qui suffisent seuls^ s'il
n'y a pas de complication symptomatique.
GUTTDRO-TÉTANIQUE CANIN.
Abaisser fortement la mâchoire inférieure.
Inspirer avant de parler; soutenir toutes les syl-
labes, de manière à ce que le son de chacune d'elles
change et passe alternativement d'une note à l'autre,
en laissant entre elles l'intervalle d'une seconde ou
encore mieux d'une tierce, par exemple le fa et le la.
Pour empêcher que l'air ne sorte tout à la fois à la
première syllabe, il faudra l'articuler rapidement,
et laisser un intervalle d'une mesure entre elle et
les autres, qui devront être coulées et unies en-
semble.
GUTTL'RO-TÉTANIQUE ÉPILEPTIFOHME.
Pour combattre celte variété de bégaiement, il suffit
N. 0. — SYNTnÈSE ORTHOPHONIQUE. 36»
d'employer les éléments généraux de la méthode et
-surtout la mesure.
GL'TTPRO-TETAMQUE AVEC BALBUTIEMENT.
Faire pratiquer la gymnastique de la mâchoire in-
férieure, employer les éléments généraux de la mé-
thode.
Cette dysphonie, très difficile à redresser, est par-
fois inaccessible à l'éducation vocale parce qu'elle se
trouve souvent compliquée d'une affection du cer-
veau. Dans ce cas ceux qui sont affligés de ce balbutie-
ment symptomatique ont ordinairement l'intelligence
peu développée et manquent de mémoire.
BÉGAIEMENT MIXTE.
Pour redresser cette variété de bégaiement, on em-
ploiera les éléments de la méthode générale. Les exer-
cices syllabiques devront être très fréquents.
Lorsque, en imitant l'articulation artificielle des
lettres et de leurs diverses combinaisons, et en joi-
gnant toujours le précepte à l'exemple, le professeur
■est parvenu à bien faire comprendre non seulement
2 5-
370 N. 0. — SYNTHÈSE ORTnOPnONIQUE.
l'ensemble de la méthode élémentaire, mais surtout
les moyens qui conviennent plus particulièrement à
chaque espèce de bégaiement, on les fait mettre en
pratique, d'abord sur des exercices simples et faciles
[lecture)^ pour passer successivement à d'autres de
plus en plus difficiles, et choisis ou fails ad hoc.
Enqiite^ il faut faire improviser ou répéter de mé-
moire^ après les avoir racontées ou lues, des anec-
dotes, devant un petit comité, pour arriver à le faire
devant une plus nom])reuse société.
La nouvelle habitude de parler que les bègues au-
ront contractée leur en fera bientôt faire instinctive-
ment l'application, et l'irrégularité des mouvements
de leurs organes vocaux, ainsi que leur hésitation et
les mouvements épileptifonnes du visage qui en sont
le résultat, feront place à des articulations sonores
et à un langage régulier, qui avait été longtemps
incorrect par suite d'une habitude vicieuse.
De fréquentes lectures à haute voix, surtout avec
le professeur, ne pourront qu'être utiles pour rendre
l'éducation vocale plus complète.
Ces moyens, qui paraissent si naturels, demandent
une réelle expérience pour être employés convena-
blement. C'est pour celte raison que la méthode
orthophonique ne sera suivie que rarement d'heu-
reux résultats, si son application n'est pas dirigée
N. 0. — SYÎSTIIÈSE OUTIIOPIIOMUUE. 37i
par une personne qui en ait la pratique expérimentale
et le modus faciendi pédagogique, pour bien appré-
cier toules les nuances des dilTérents vices de la
parole, afin d'établir un diagnostic d'apiès lequel on
doit toujours baser ou modifier les procédés de re-
dressement vocal qui conviennent plus particulière-
ment à cliaque variété de bégaiement ou de vice de
parole.
Application de la méthode d'orthophonie.
Avant de commencer l'enseignement théorique de la
méthode de redressement vocal, ainsi que l'application
des moyens orlhophoniques et des procédés prophy-
lactiques, on explore d'abord la cavité buccale, afin
de s'assurer si elle n'est point le siège de quelques
lésions organiques. On engage ensuite les personnes
dont on veut entreprendre l'éducation phonétique,
à tirer la langue et à la faire saillir le plus possible
hors de la bouche ; et, pour avoir la certitude que
l'organe phonateur exécute avec facilité tous les mou-
vements dont il est susceptible, on le fait porter en
haut, en bas^ à droite et à gauche.
Après cet examen préliminaire, on regarde si le
filet, par son trop grand développement et sa Ion-
372 N. 0. — SYNTHÈSE ORTIIOPHONIQUt: .
giieur, ne peut être un obstacle (ce qui a lieu assez
rarement) qui s'oppose à Tapplication parfaite de
l'ensemble de la gymnastique linguale (I).
Si ces personnes, en rythmant, comptent bien
jusqu'à vingt et si elles chantent sans hésitation;
leur réponse affirmative est généralement la pierre
de touche qui nous assure que le vice de parole
est susceptible d'être combattu victorieusement par
l'emploi du rythme et par les procédés de la méthode
orthophonique.
Cette règle cependant présente des exceptions ; car
nous avons traité avec succès plusieurs bègues qui
hésitaient en chantant.
Après avoir fait parler les dysphones, on les prie
de lire séparément les exercices formulés avec les
lettres labiales^ linguales et gutturales. Cet examen
avant-coureur permet d'établir le diagnostic et distin-
guer a priori le genre, la caractéristique, la variété
de la dysphonie et, par conséquent, indique si, con-
jointement avec les éléments généraux, on doit avoir
recours à l'articulation artificielle des lettres et des
syllabes qui présentent le plus de difficulté. Enfin,
après être bien fixé sur les moyens à employer, on
commence par les exercices syllabiques suivants,
(1) Dans ce dernier cas on pratique ou on fait pratiquer la section
de la membrane sub-linguale.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 373
puis on continue le redressement vocal par d'autres
exercices variables selon les cijxonstancns et les fa-
cultés organiques ou intellectuelles des personnes.
EXERCICES SYLLABIQUES
Les organes vocaux concourent tous à la
formation de la parole, chacun d'une ma-
nière propre à son organisation. Ils agissent
comme cause, par leur forme, et comme
effet, par leur mouvement, en formant mar-
teau. Ils modifient la colonne d'air qui
sort des poumons par le moyen de points de
rencontre d'organe et de volume différents.
PREMIER EXERCICE SUR LES VOYELLES OU LETTRES GLOT-
TALES REPRÉSENTANT DES SONS PRODUITS PAR UNE SIMPLE
SITUATION DES ORGANES VOCAUX (1).
A. E. I. O. U.
Ce groupe de lettres voyelles comprend toutes les
lettres qui par la preuve de la percussion ou de l'aus-
(1) Le signe : :, que l'on trouve dans les exercices que nous
donnons, a pour but d'indiquer les temps de repos et ceux où, avant
de faire une inspiration comme il a été dit dans la synthèse ortho-
phonique, on devra compter 1,2, 3, au commencement de chaque
phrase pour s'habituer îi se créer un rythme intérieur.
37i N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
cultalion nécessite l'emploi immédiat et accentué de
la glotte.
Abaissement de la 'mâchoire inférieure. — Élévation de la pointe
de la langue. — în-piration.
A. :: A-lé-xan-dre, A-dé-mar, ar-ri-va-à-A-vran-che. ::
a-vant-A-dri-en-Al-ma-sor.
A-has-vé-rus-a-hu-ri,-a-ban-don-na-à-rins-fant-sa-
pa-hi-e-et-a-bor-da-à-A-ar.
A-mi, at-teii-ti-on-à-Al-ma-vi-va-qui-ar-ri-ve-ra-
bi-en-tôt :: el-ac-cu-se-ra-a-vec-ar-deur.
Le-mo-t-a-bra-ca-da-bra-a-eu-au-lre-fois-un-em-
p'-re-ab-so-lii :: grà-ce-à-l'a-ga-Al-ba.
E. :: É-mi-li-us El-zé-vir é-lc-gant é-pi-cu-ri-en :: é-
cli-p-sa-à-É-phè-se É-dou-ard-E-ros-lra-!e.
E-lc-ve-é-cer-ve-lé,-c-cou-lez-et-é-tu-di-ez-eté-cri-
vez :: el-ef-for-cez-vous-d'ê-tre-ac-cep-té-aux-é-
xa-mens, cet-été.
Er-nest-est-af-fli-ge-d'un-nez-é-cra-sé :: Hé-lè-ne-
sa-sœur, - a-le-nez-ef-ri-lé,-mais-el-le-est- é-den -
lée.
É-(ran-ge-é-qui-pée,-cet-é-cu-yer - é-hon-té-a-es-
ca-la-dé-ce-mur-é-le-vé- : : et-a-osé-é-pi-er-et-é-
cou-tcr-E-mi-le-E-!hel-rid.
I. :: I-si-do-re I-va-no-é-il-lus-fre ir-lan-dais :: i-mi-ta-
i-nu-ti-le-menl-I-rè-ne-I-va-noiï.
Il-lu-si-on-i-dé-a-]e,-i-vrcs-se-if-ré-sis-ti-ble-il-i-
ra-dans-les-sphù-res-il-'.u-mi-nées : : il-il-lus-lre-
ra-el-im-mor-la-li-se-ra-son-nom-d'I-ca-re.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 375
I-ci,Il-de-foii-se-im-mo-la-il-li-ci-te-ment-rim-bc-
ci-le-i-dé-o-lo-gue-ls-ma-id.
I-sa-ïe,i-so-lé ir-ré-vo-ca-ble-ment-s'ir-ri-ta-i-ro-
iii-que-rnent.
0. :: Oc-ta-ve-O-li-vi-er-o-sa-op-pd-mer :: Os-car-0-
ri-gè-ne-or-fè-vre-or-lc-a-nais.
Or,ù-o-r-a-teur-o-ra-to-ri-en, or-don-nez-l'or-die-
de-l'or-do.
On-lo-lo-gie, on-ce, on, o-nio-pla-te,-on-din,-on-
dée :: oti-doi-e-ment-oi-gnoii-ne-.sont-pas-o-no-
ma-to-pi-ques.
0-do-ranl-o-do-rat-o-do-ri-fé-raiit-o-deur : : hor-
ri-pi-lent-au-to ma-li-que-meiil-le-nez.
U. :: Ur-bain-UI-ric-Ulen-dorfl', ul-tra-mon-tain-u-to-pis-
te :: u-ti-li-sa l'a-ra-no-gra-phie-à l'u-iii-ver-si-
té-d'U-trecht.
Un-u-ka-se-ul-cé-ra-un-uh-laiid-ubri-quis-le-u-sur-
pant-l'u-sage de ru-su-re-d'u-krai-ne.
U-nau, u-ni-hum-ble-inei)t, : : hur-!a, bles-sé-à-u-
ri-et-à-ii-vé-e.
U-lys-se-hu-cha-et-hu-ini-li-a-u-ni-ment-avec-bu-
mour U-ca-lé-goii.
EXERCICES SUR LES CONSONNES LABIALES (1).
B. F. M. P. V.
Ce groupe de lettres consonnes comprend toutes
(1) Attaquer directement la consonne qui fait l'objet de l'exercice
et l'appuyer sur la voyelle qui termine le son produit, voilà le
376 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
les lettres qui visiblement nécessitent l'emploi immé-
tliat et fortement accentué des lèvres.
Écarîement de la commissure des lèvres dans le sens horizontal,
— Inspiration oiihophonique.
: : Bé-ne-dict-Ber-vil-le-bre-douil-lait-beau-coup, : : Ba-zi-le-
Bour-mont-bot-ti-er-bru-xel-lois-bal-bu-li-ait-bê-te-ment.
r : Ben-ja-min-Bé-clard-beau-blon-din-bour-gui-gnon : : bril-
lait-au-bois-de-Bou-lo-gne, sur-un-bi-det-bai-brun.
: : Ba-si-li-o-Bar-tho-lo-bon-bour-geois-bar-ce-lon-nais : :
bà-tis-sait-beau-coup-de-bel-les-bou-ti-ques.
: : Bar-na-bé-Bé-li-sai-re bé-li-tre-bouf-fi , bu-veur-et-ba-
vard : : bâil-lait-et-blê-mis-sait-sur-son-bon-net.
: : Be-noîlBo-nard, bar-bi-er-by-zan-tin, : : fai-sait-la-bar-be-
ddus-un-bas-sin-de-bois.
: : Bar-be-rous-se,-boni-bar-dant-bru-la-le-ment-Bil-ba-o,
: : bou-le-ver-sa-les-bam-bins-qui-ba-di-naient-sur-le-bou-
le-vard.
: : Bon-jour, -beau-pc-re-Bi-bal ; : : bu-vez-vous-beau-coup-
de-bon-vin-de-Bor-deaux ?
eôté pratique à acquérir par les exercices d'articulation syllabique;
on contracte également ainsi la pratique du lancement du jet vocal
et ultérieurement la pratique du lancement de V accent 'tonifjue. —
En français, l'accent tonique, qu'il ne faut pas confondre avec les ac-
cents ou signes orthographiques, tombe sur la dernière syllabe de
eiiaque mot quand celte syllabe n'est pas muette ; quand elle est
muette, l'accent toiiique tombe sur l'avant-dernière syllabe sans-
pouvoir jamais rétrograder plus loin.
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 377
: : Bos-sus-, bor-gnes,-boi-teux-ne-sont-ni-bons,-ni-bê-tes.
: : Blai-se-Bla-vet-bles-sé-à-la-bou-che : : bou-da-près-d'un-
bou-ge-et-per-dit-sa-bou-get-te.
: : Bois-le-bois, -bo-bè-che-de-Bolbeck-, bé-ga-ya-a-vec-Bri-
d'oi-son : : qui-bé-ga-yait-à-Bri-e.
; : Bar-be-bleue Ba-rab-bas-Pi-er-re Bar-ri-è-re-d'un-ca-rac-
tè-re-peu-reux-mais-bar-ba-re : : n'é-taienl-pas-bou-
dliis-tes.
F
Placer le bord interne de la lèvre inférieure sur les débits de lu
mâchoire supérieure.
: : Fran-çois-Fré-ron-fit-for-tu-ne, ; : et fiit-fait-fi-nan-ci-er
de-Fer-di-nand-Fi-li-dor.
: : Fa-bi-en-Feu-tri-er,-fa-shi-o-na-ble-fran-çais, : : fé-li-ci-
ta-fai-ble-ment-Fré-dé-ric- Fon-ta-nel-le.
: : FIo-re-de-Fon-tan-ge, fil-le-de-Fé-lix-Fou-cault, : : fut-la-
fem-me-de-Fé-ré-ol-For-bin.
:: Fran-fis-que-Fus-tem-berg-pour-fè-ter-sa-fa-mil-le, ::
fit-feu -sur -un- fai- San- fran-chis-sant- la- fo-rèl-de- Fon-lai-
ne-Weau.
: : Franlz-Fal-ken-berg-fan-tas-sin-fla-mand-, : : fon-dit-
sur-un-fi-lou-fu-yant-dans-la-fou-le-fré-mis-san-te-et-fu-
ri-eu-se.
: : Flo-re-Fé-li-cie-Foulk,-fem-me-d'un-fi-nan-ci-er-fa-meux
de-Fri- bourg : : fut-fi-an-cée-à-Fa-bi-en-Ki-scber-de-
Franc-fort.
: : Pl-ez-vous-à-la-fran-chi-sc-des-fai-bles-d'es-prit; : : les-
flat-teurs-sont-faux-et-les-fous-sont-francs.
378 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
: : Far-ceur-Phi-lip-pe-fac-teur-fu-ti-gué : : fi-nis-sez-ce-frais-
fri-can-deau.
: : Fel-lah, fran-cliis-sez-ce-fos-sé, et-fer-mez-lc-fe-nil : : le
ret-fa-du-muf-ti-O-dè-le-le-veut.
: : Fray-eur-fait-fris-son : : fri-mas-fait-fi-oi-du-re-fo-li-e-
fait-flon-flons : : fliii-flin-fait-flic-flac.
M
Ma-man-m'a-man-dé-chez-mon-si-eur-Ma-moux, : : man-
da-rin-de-Sa-Ma-jes-té-mu-sul-ma-ne.
Mon-si-eur-Man-sard-mon-mé-de-cin : : a-mal-heu-reu-
se-ment-mé-con-nu-ma-ma-la-di-e.
Mo-men-ta-né-mcnt,-ma-da-me, : : ma-mi-grai-ne-me-
mar-que-du-mi-eux.
Mon-meil-leur-a-mi,-Mi-chel-Mo-rin, : : mou-rut-mi-sé-ra-
ble-ment-à-Mar-seil-le.
Mé-fi-ez-vous-mi-lord-Fac-ma-mon, : : Mi-la-dy-Mu-ler-est
maus-sa-de-et-mé-chan-te.
Maxi-mi-li-en-Mar-mont,-mar-quis-de-Mel-vil, : : m'a-mc-
né-mar-di-ma-tin-à-Mar-man-de,
Mac-A-dani-ma-ca-da-mi-sa-le-pre-mi-er-les-che-mins : :
main-te-nant-nous-nom-mons-son-sys-tè-me-nia-ca-dam.
Men-tor, mon-maî-tre,-mè-ne-moi-vers-Meni-iion : : -mui -
mu-rait-mé-lan-co-li-que-ment-Té-lc-ma-qae.
Mo-mus,-Monk,-Mos-chus,-Mos-cou,-Moiit-mo-ren-cy-Mic-
mac-Mi-das-Mé-né-las : : mots-mi-ro-bo-lints-mis-sans-
rr.e-su-re.
IV,^ 0, __ SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 379
Pau-vre-plai-deiir-prends-pa-ti-en-ce, :: à-la-por-te-de-
Pi-er-re-Pons, : : pre-mi-er pré-si-dent-dii-par-le-ment-pa-
ri-si-en.
Pour-ras-tu-pa-yer-pour-Paul-Pi-chon, : : plu-si-eurs-pis-
to-les-pé-ru-vi-en-nes.
Py-tha-go-re,-Plu-tar-quoet-Pa-la-mè-de : : pri-rent-parl-
puis-sani-ment-aux pro-grès-de-la-pa-lé-o-gra-phi-e.
Pour-quoi-pré-le-ver-un-pré-ci-put : : sur-le-prin-ci-pal-
pa-tri-moi-ne-de-Po-ly-do-re-Po-pe-lin.
Pros-per-Po-li-gnac,-prin-ce-pro-ven-çal, : : per-dit-un-pro-
cès-qui-le-pri-va-de-sa-pen-si-on.
Pe-tit-po-lis-son,pour-quoi-pleu-res-tu-près-du-pi-li-er-du
par-vis, : : pars-dans-le-parc, : : par-bleii-prends-ta-bal-le-
et-pro-fi-te-de-mon-par-don .
Pom-pi-ers-bra-ves-pom-pi-ers-pom-pez-pour-pro-di-guer-
l'eau- des-pom-pes- : : au-prin-ci-pal-bà-li-ment-de-la-pri-
son.
Plo-tin-pro-ba-ble-meiit-pra-ti-quait-la-pro-pa-gan-de-po-
pu-lai-re- : : et-prô-nait-la-pa-ro-le-de-Pla-lon.
Placer le bord externe de la lèvre inférieure sur les dents de la
mâchoire supérieure.
: : Vin-cenl-Va-lé-rius-de-Ver-vins : : vou-lut-\i-vre-a-vec-la-
veu-ve-Vau-ban,-de-Ve-soul.
380 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHOiMQUE.
: : Vo-tre-ver-tu-vous-ven-gea-vic-to-ri-eu-se-ment : : de-vos-
vi-eux-vas-saux vou-lant-se-ré-vol-ter.
: : ^Yil-li-anl-Va-len-lin-Vol-vic- : : vint-voir-ven-dre-di-Vic-
to-ri-ne-Vi-vi-en-de-Vé-ro-ne .
: : Vû-tre-va-leur-vou-drait-vai-ne-ment-vain-cre- : : les-ve-
né-ra-bles-Ven-dé-ens-qui-sont-ve-nus-vi-si-ter-Va-tel-ù-
Vin-cen-nes.
: : Ve-del-tes,-va-ri-ez-vo-tre-vi-tes-se ; vi-si-tez- vos-voi-
sins : : \i-rez-et-vo-lez-vers-Var-so-vi-e.
: : Ven-dan-geurs,-ven-dan-ges-vont-ve-nir : ; vi-dez-vos-fa-
tail-les,-vo-yez-vis-à-vi3-vous-vos-vi-gnes-ver-do-yan-tes.
: : Voy-a-geurs, vi-ve-ment-ve-nez-vè-lir-vo-tre-va-reu-se : :
veuil-lez-voir-vo-li-è-re-et-ver-re-rie-vrai-ment-vas-te.
: : Vau-dois-vas-tes-vau-ri-ens-ve-naient-vi-ve-ment-à-la-vil-
la-vi-en-noi-se : : vi-ce-ver-sà,-vi-en-nois-ven-daient-vi-
gi lani-ment.
EXERCICES SUR LES CONSONNES LINGUALES.
D, J, G doux, CH, L, N, R, T, S et G doux.
Ce groupe de lettres consonnes comprend toutes
les lettres qui ne pourraient visiblement s'articuler
sans le secours immédiat et fortement accentué de la
langue.
i\. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 381
Porter la pointe de la langue derrière l'arcade dentaire de la
mâchoire supérieure. — Inspiration.
: Du-don dî-na, dit-on, : : du-dos-d'un-do-du-din-don.
Do-mi-in-que-Di-de-rot,-di-tes-donc-à-De-nis-Du-pont : :
d'ap-por-ter-des-dat-tes-du-dé-sert-de-Da-mi-eL-te.
D'a-bord-doii-nez-des-do-cu-ments-dé-sin-té-res-sés- : : au-
doc-teur-da-nois-Di-o-do-re-Dan-do-lo.
Dans-la-di-li-gen-ce-de-Dô-le-à-Dun-ker-que, : : deux-di-rec-
teurs-des-dou-a-nes-dé-ro-bè-rent-des-den-tel-les.
Le doc-teur Di-a-foi-rus don-ne des dro-gues dé-tes-ta-
bles-et-daii-ge-reu-ses : : dont-il-de-vra-ren-dre-comple-
de-vant-Di-en.
D'a-près-Dé-mé-tri-us-d'A-thè-nes, : : Dé-mos-lhè-ne-
de-vint-un-o-ra-teur-dis-tin-gué.
Dé-cu-ri-on,-dé-crè-te-dé-dou-bIe-ment-de-sol-dats : : don-
ne-or-dre-d'al-ler-dans-deux-ten-tes-de-dé-fen-se.
De-boul-dé-cou-vre-toi;-da-gue-ta-dague-de-Da-mas-dans-
lon-dat-U-er : : dé-ta-cbe-deux-dat-tes,-de-deux-coups-de-
da-gue.
Dé-dai-gneux-dé-fen-seur,-dé-guer-pis-dès-de-main : : drô-
le, pen-dard, di-gne-d'en-trer-dans-]a-dou-ble-dent-du-dra-
gon.
382 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
J et G doux.
Cet exercice convient surtout dans la blésité (jotacisme). —
Retirer la langue dans le pharynx et porter autant que possi-
ble la pointe renversée de cet organe un peu avant la base de
la luette.
: : Jus-qu'à-ce-jour,-gen-til-le-jou-ven-cel-Ie, : : j'ai-étc-"a-
loux-de-Jé-rô-me-Gé-rard.
: : Ju-li-e-Jou-bert,-jeu-nc-et-jo-!i-e-gc-ne-voi-se, : : joi;-
ait-jour-nel-le-ment-a-vec-u-ne-jan-te.
: : Ja-dis-Jean-Jac-ques-Join-vil-le, ju-ge-de-Ju-mi-é-ge, : : Ju-
rait-de-je-ter-aux-gé-mo-ni-es-les-jeu-ne^-gens-jus-ti-ci-a-
bles.
: : Ja-mais-je-n'ai-en-ten-da-gc-inir-le-gi-bi-er-au-gî-te, : :
dans-le-jar-diu-dc-Jo-seph-Jii-li-ac.
: : Gé-né-ra-le-ment-les-jar-re-ti-è-res-de-jais : : gê-nent-la-
jam-be-et-le-ge-nou.
: : Ja-dis-un-gen-lil-hom-inc-ja-loux-de-sa-gé-né-a-lo-gi-e : :
é-tait-ju-gé-au-ju-ry-de-Jer-sey.
: : Ja-loux-Ja-sûn,-jet-te-sans-jac-tan-ce-ton-ja-ve-lot : : ju-re-
de-join-dre-]a-jou-te-au-jour-d'hiii.
: : Ja-seur-et-gib-beux-gib-bon, joue-au-jar-din : : joue-la-gi-
gue,-sous-ce-cber-et-jo-li-gé-iii-e.
: : Jo-seph,-sa-ge-jar-di-n-i-er,cher-che-le-ju-ju-bi-er-et-ju-
ge-son-jii-ju-be.
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 3S3
GH, SCH
Cet exercice est surtout bon pour le redressement vocal de la troi-
sième espèce de blésité [sesseyement). — • Ouvrir la bouche.
-^ Avancer les lèvres comme pour articuler la lettre 0. —
Retirer la langue dons le pharynx et porter autant que possi-
ble la pointe renversée de cet organe un peu avant la base de
la luette.
: : Char-les-Schil-ler-chan-gea-son-chi-en : : con-tre-un-cha-
meau-a-cbe-té-au-mar-ché-de-Che-chi-keff.
: : Shé-lhis-chong,-chi-mis-te-co-chin-chi-nois, :: cher-
chait-de-la-ché-li-doi-ne-sous-un-chè-ne.
: : Chons-ki,-char-la-lan-de-Cher-bourg,: :ar-ra-clia-uii-chi-
cot-au-shé-rif-de-Cbes-ter.
: : Un-chai'-mant-che-va-li-er-de-Chin-chy-na : : cbe-van-
cbait-che-miii-fai-sant-sur-un-cbe-val-cba-tOLiil-leux.
: : Cbe-vil-lût,-chi-rur-gi-en-de-Chi-cbe-ri, : : cbas-sait-à-
Char-le-roi-et-cber-cbait-un-che-vreuil.
: : La-char-man-te-da-cbes-se-de-Cboi-seul-cbu-cbo-lait-
chez-le-che-va-li-er-de-Char-le-pont.
: : Chan-tez,-chers-ehan-tres des champs :: clian-tez les-
chan-ge-ments-des-cham-pê-tres-châ-tai-gne-raies.
: : Gbe-vaux,-cba-meaux,-che-vreuils,-cha-ran-çons : : cher-
chez la-chi-co-rce-sau-va-ge et-le-cbou.
: : Chat-hu-ant-chou-cas-et-chou-ca-ris,chou-et-tes: ;chas-sez;
cba-cun-le-cbat-dont-la-.hair-vous-se-ra-chau-de-chair.
38i N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Cet exercice est surtout bon pour le redressement vocal de la
deuxième espèce de blésité [lallation ou lamhdacisme).
: : Lu-do^vs-ki,-La-pi-dai-re-li-lhu-a-ni-en, : : lais-sa-l'u-ni-
for-me-et-la-lan-ce.
■ : L'a-nii-ral-Li-ches-ter,-de-Li-ver-pool, : : li-cen-ci-a-len-
te-ment-l'ar-til-le-ri-e-de-Lis-bon-ne.
: : Le-Land-gra-ve-Lu-len-dorff : : est-long,-]ent, -lourd, -laid-
ct-lan-guis-sant.
. : Lau-rent-Lé-o-pold- Lan-ci-Yal-se-la-men-tait,-loin-de-la-
vil-le, : : sur-le-lar-ge-lac-de-Lu-cer-ne.
: : Loui-se-Lau-re-Lé-o-ni-e-La-lan-de : : lan-çait-1'eau-loin-
de-la-Loi-re.
Les-lon-gues-lec-tu-res-li-cen-ci-eu-ses : : las-sent-l'es-
pril-et-le-lais-sent-lan-guis-sant.
: : L'of-fi-ci-er-La-val-li-vra-lâ-che-ment-lord-Li-tel-mann-à-
l'en-ne-mi.
: : Lan-ci-ers,-lan-cez-la-lan-ce-len-te-meiit-et-lé-gè-re-ment
: : lais-sez-li-re-les-li-vres-aux-li-bres-é-co-li-ers.
: : Li-ez-le-li-è-vre,-le-la-pe-reau,-Ie-long-du-pi-li-er ::le-
loup-les-lé-clie-ra-de-sa-lan-gue.
: : Le-li-er-re-lon-ge-la-lan-ler-ne-de-la-sal-le ; : : le-la-quais-
li-her-lin-Ie-lais-se-ra.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 38c
N
Né-an-moins-nos-né-go-ci-ants-no-la-bles : : ne-nous-nui-
si-rent nul-le-ment.
No-tre-na-vi-re-na-po-li-tain : : n'est-ni-no-li-sé,-ni-nau-
i'ra-gé.
Nos-né-gril-lons-nou-vel-le-menl-nés na-geiit-na-lu-rel-
le-ment.
M-co-las-Nes-tor,-nau-lon-ni-er-nan-lais, : : nom-ma-nos-
nom-breux-no-vi-ces.
No-tre-ne-veu-M-co-las-Nec-ker : : net-to-ya-no-tre-nou-
vel-le-na-celle.
Ni-non-ne-nie-nul-le-ment-n'a-voir-nel-lo-yé : : ni-nos-
nip-pes, ni-nos-nap-pes,-ni-nos-nom-breu-ses-noix.
Né-vral-gie-ni-ve-la-noir-ne-veu-no-ble-ment : : nau-sé-
a-bond-nau-sée-font-la-na-vet-le.
Nip-pe-ni-que-ni-tée-ni-veau-ni-ver-nais : : ni-chent-au-
dic-li-on-nai-re.
Cet exercice est surtout bon pour le grass^yemeyit. — La base
de la langue restera immobile pendant l'articulation de la
lettre R et la pointe de la langue touchera l'arcade dentaire
supérieure.
: : Ré-gis-Ri-vou-lon,-ren-ti-er-roii-en-nais, : : ré-lor-qua-
Ra-mon-Ré-gini-beau-de-Re-mi-rc-monl.
25
386 N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE.
: : Ri-va-rol,-ro-tu-ri-er-ro-y-a-lis-te, : : ra-con-te-ra-ro-man-
li-que-menL-et-ri-pos-te-ra-ra-pi-de-ment.
: : Rous-seau,-ra-bà-cheur-ri-di-cu-le, : : rai-son-nait-ra-re-
ment-sans-ri-ca-ner.
: : Ri-chard,-ra-bin-ri-go-ris-te, : : rc-gen-ta-ru-de-ment-Ro-
ger-de-Ru-mi-Uy.
: : Ro-land, Ru-bens, Ra-oiil et Ri-en-zi : : re-viii-rent-de-
Ro-me-pour-re-ce-voir Ri-gny-de-Ro-han.
: : Ré-com-pen-sez-le-ré-cit-de-ce-ré-ci-la-teur-ré-ci-tant-ra-
re-ment.
: : Re-cou-vrir-re-cré-pir-rc-cons-trui-re-sont-mots-re-con-
nais-sa-bles.
: : Ras-de-ma-rée-ra-sait-ras-sem-ble-ment-ra-re-ment-rus-
sé-et-trop-rap-pro-ché.
S
Cet exercice est surtout convenable pour la blésité. — La pointe
de la langue se placera dans le milieu de la cavité buccale.
Si-ce-ci-se-sail-ce-soir, : : ses-soins-sont-sans-suc-cès.
Ce-sont-ces-cinq-cenls-ser-pents-sif-flanl-sur-son-sein.
Sept-cent-six-Suis-ses-se-sont-sai-sis : : de-cinq-cent-sei-
ze-Sa-xons.
Ce-sei-gneur-sor-tant-seul, -sans-soupçon, : : ses-su-jels-
sé-di-ti-eux s'é-lan-cè-rent-sur-sa-sui-le.
Si-son-seul-suc-ces-seur-ces-sait-ses-soins, : : sa-sœur-Cé-
ci-le-se-rait-sans-sou-ci.
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 387
Ce-Suis-se,-sai-sis-sant-son-sa-bre, : : s'est-sui-ci-dé-ce-
soir-à-Sois-sons.
Sa-bi-nus-sou-pa-sans- son-sol-dat- sou-mis.
Six - cent-soi-xan-te - six-Suis-ses- su - çaient-six-cent-soi-
xan-te-six-sau-cis-ses, : : dont-six-en-sauce, et-six-cent-
soi-xan-te-sans-sau-ce.
Ce-qui-as-su-re-son-suc-cès,-ce-sont-ses-sot-ti-ses-et-son-
sans-sou-ci.
Ton-lhé-t'a-t-il-ta-ri-tp.-toux?
Ton-tu-teur-te-ten-ta, tu-ten-tas-ton-tu-teur, : : tous-tes-
traits-ten-ta-lifs-ten-tent-ton-ten-ta-teur.
Tes-Tar-ta-res-trou-vant-tous-tes-lrésors ; : : ten-te-ront-
de-te-tuer-tôt-ou-tard.
Ta-troni-pet-te-l'é-tour-dil-tant, : : que-tu-te-trou-vas-tout-
é-ton-né.
Ta-tan-te-t'a-tan-tôt-tu-to-yé : : ten-te-à-ton-tour-de-tâ-ter-
ta-ton-ti-ne.
Tô-te- bleue- té-moin-té-mé-rai-re-teu-to-ni-que-et-ta-lil-
lon : : dou-tez-vous-tou-jours-de-la-ta-xe-lem-pé-rée-du-
tat-ter-sall.
Trot-tin-trot-leur-lrot-ti-nait-sur-le-trot-toir-et-cri-ait-à-
tue-tôte.
To-ton-to-pa-ze et tor-lue-ton-ti-naienl-avec-deux-lon-dail-
les.
388 N. 0. — SYiNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
EXERCICES SUR LES CONSONNES GUTTURALES.
C dur, K, Q et G dur.
Ce groupe de lettres consonnes comprend toutes
les lettres qui visiblement nécessitent l'emploi immé-
diat et fortement accentué de la gorge.
Inspiration orthophonique. — • Abaissement énergique
de la mâchoire inférieure.
Ca-pi-tai-ne, com-bi-en-comp-tez-vous-de-ca-non-ni-ers-
con-si-gnés, : : dans-le-camp-de-Ké-ro-ko ?
Cons-tam-ment-quel-que=-Co-sa-ques-cou-chent : : pen-
dant-la-ca-ni-cu-le-près-du-ca-nal-de-Ka-co-po-lis.
Qua-tre-ca-ra-bi-ni-ers-qui-cam-pent-à-Car-cas-son-ne : :
ca-ra-co-lent-con-ti-nuel-le-ment-sur-des-cour-si-ei's-ca-
pa-ra-çon-nés.
Ka-kos-ki,-co-lo-nel-des-Kal-mouks, : : a-com-man-dé-le-
corps-des-cui-ras-si-ers-de-Cra-co- vie-et-de-Ka-ra-ka-
kou-a.
Qua-tre-co-quins, con-vain-cus-d'a-voir-ca-ché : : dans-
leurs-ca-bans-qua-tor-ze-ca-nards-ct-quin-ze-coqs, : : ont-
été-con-dain-nés-au-car-can.
N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE. 389
Qui-con-naît-le-can-ton-de-Kar-kof : : con-vien-dra-que-
com-me-à-Kol-birk : :la-ca-nail-ley-quê-te-cons-tam-ment.
Ca-ca-tois-ca-co-let-cac-fus-ca-das-tra-ge-cac-ti-er-con-cis
: : con-cours-con-com-bre -con-co-mi-lan-ce-font-oa-co-
pho-nie .
Qiia-ran-le-qua-tre-kans-dans-qua-tre-ka-baks :: bu-
vaient-qua-tor-ze-ki-lo-li-tres-de-kirsch.
; Ka-ka-to-ès-poiir-dou-ze-ko-peks-a-che-tait-ka-lé-i-dos-co'
pe-ké-pi-et-kan-gou-rou .
G dur.
Gar-dez-vous,-gre-na-di-ers-de-la-gar-de, : : de-gà-ter-le-
ga-zon-et-de-ga-lo-per-sur-le-gra-vi-ei\
Grands-gar-çons-gre- no-blois-qui-vous-gri-sez- dans-les-
guin-guet-tes, : : ne-sb-y-ez-plus-gri-vois-et-gron-deurs.
Go-de-lu-reaux-gas-pil-lant-tout-à-go-go, : : gam-ba-dez-
dans -la- ga-ren-ne -et -grim -pez- sur-les-grands-gro-seil-
li-ers.
Un-gros-groii-pe-de-gre-nouil-les-grouil-laient-gro-tes-
que-ment-dans-la-gar-gouil-le.
Gru-geant-du-grain,-une-gri-ve : : grin-got-tait-et-gri-gno-
tait-a-vec-un-gros-gril-lon.
Gui-gnez-Guil-lau-me-Guil-lot : : ce-grand-gre-din-vous-
gui-gne-ra-pour-vous-gro-gner,
Gar-des-cô-les-gar-des-du-corps-et-gar-des-pô-ches : : gar-
go-tez-les-gar-dons-de-la-gar-gouil-le.
Go-de-Iu-reau-go-beur-go-be-go-di-che-ment-le-go-di-veau.
390 N. 0. — SYNTHESE ORTHOPHONIQUE.
: : Gon-do-li-er-guet-teur-gout-teux-gour-mand-de-gour-ga-
nes : : gour-man-dait-le-goût-du-gou-ver-neur-gour-mé-
gour-m et-e t-go-gue-n ar d .
Comme, pour les premiers exercices, on a eu
besoin d'un grand nombre de mots difficiles à pronon-
cer, il ne faut point s'étonner qu'on ait construit des
phrases ne présentant le plus souvent aucun sens bien
déterminé, mais formées de mots commençant par
des lettres et des articulations qui offrent le plus
souvent des difficultés aux personnes qui bégayent;
on fait répéter ces exercices d'après les règles indi-
quées dans la synthèse, jusqu'à ce que l'hésitation ait
entièrement disparu.
Puisqu'il s'agit de détruire une habitude presque
toujours congéniale, pour la remplacer par une nou-
velle, qui, agissant comme le chant, est, comme lui,
capable de rétablir l'harmonie et la régularité des
mouvements des organes de la parole, il ne faut pas
trop vite perdre de vue les moyens orthophoniques
prophylactiques, mais bien les appliquer constam-
ment, soit que l'on se trouve avec ses parents ou
d'autres personnes avec lesquelles on est dans l'inti-
mité, soit enfin que l'on ait à parler dans un cercle
nombreux et devant des auditeurs que l'on connaît
peu ou qui inspirent un certain respect. Quoique une
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 391
gêne spéciale vienne, dans celte dernière circons-
tance, encliainer souvent la langue des bègues, ils
pourront le plus souvent même^ cUms les premiers
jours de leur éducation orthophoniqiœ, s'exprimer
sans hésitation, s'ils ont soin de ne pas oublier la
manière de parler qui leur a été indiquée, et si surtout
ils font une inspiration au lieu faire des efforts cho-
l'éiformes ou épileptiformes lorsqu'une syllabe ma-
lencontreuse vient arrêter les mouvements muscu-
laires de leur langue.
Un bègue aurait tort de se croire débarrassé de son
infirmité si, après qumze ou vingt jours d'exercice, il
pouvait s'exprimer sans bégayer. Lorsqu'il en est ainsi,
il ne cesse pas d'être bègue, mais seulement il paraît
cesser de bégayer extérieurement, c'est-à-dire que son
bégaiement est momentanément suspendu ; ce qui est
bien différent ; il doit donc conlinuer l'emploi des
principes enseignés, et ce n'est qu'après un certain
temps qu'il cessera d'être Lègue, et que, sans y
penser, il s'exprimera avec facilité, ayant contracté
l'habitude de parler selon la méthode d'orthophonie,
dont alors seulement il fera en quelque sorte instinc-
tivement l'application (1).
(I) Telle est la raison qui démontra la nécessité de fixer de cin-
quante à cent le nombre des leçons, et, les espaçant convenablement,
de ne les donner qu'une fois par jour, ou en tenant compte des loi'
392 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
Les bègues ne doivent pas craindre les mauvais
effets de l'espèce de monotonie qui résulte de leurs
syllabes mesurées ; ils doivent être convaincus
que leur nouvelle manière de parler ne sera pas
•permanente, et que, dans tous les cas, elle est beau-
coup moins ridicule que les efforts pénibles qu'ils
sont obligés de faire pour pouvoir articuler certains
mots.
Pendant un certain temps ils s'en tiendront donc
aux exercices orthophoniques (1) qui précèdent, pour
passer ensuite à d'aulres plus difficiles, mais plus
attrayants, dans le genre de ceux que nous avons
choisis pour modèles et qui se trouvent dans notre
Anthologie orthophonique.
sirs dont l'élève peut disposer, de ne les donner que deux ou trois
fois par semaine. La faculté de cJumger des habitudes 7i étant pas la
même chez tous les dysphones, il est impossible de fixer d'une ma-
nière précise le )i( mbre de leçons indispensables jour le redressement
vocal de telle ou telle variété de bégaiement. Par contre il est éga-
lement impossible de fixer l'époque oit une méthode orthophonique
cessera d'être un art, c'est-à-dire sera applicable sans lu volordé per-
sévérante et par la seide force de l'habitude. (Revoir la note G.
page 88.)
Une leçon par jour suffit, avec les applicatio7is qu'en fait el doit
faire l'élève dysphone soit seul, soit avec d'autres personnes. D'ail-
leurs nndtipHer les leçons dans une journée serait vouloir jeter le
trouble dans le cerveau, amener forcément la confusioji dans l'influx
nerveux qui sud la pensée, et, par conséquent, aller précisément à
t'enconire du but, qui n'est autre que d'habituer le dysphone à di-
riger méthodiquement les courajits de la volonté.
(1) ReHre la note G. — Influence des exercices vocaix.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 393
Afin de s'assurer que le premier exercice sylla-
bique a amené un changement marqué dans l'articu-
lation des mots, il faut commencer le second par la
lecture lente et mesurée de quelques vers de sept ou
de huit pieds, choisis de préférence aux vers alexan-
drins, parce que, comme on doit lire posément, on se-
rait trop souvent obligé d'inspirer au milieu de la
lecture de ces derniers.
Après la lecture de ces pièces de vers, on passe à
celle d'autres morceaux de poésie composés de vers
alexandrins, qui, étant plus longs, sont par cela même
plus difficiles, parce qu'ils exigent que l'on conserve
plus longtemps de l'air dans la poitrine et que l'on
ménage mieux la sortie de ce fluide pendant l'expira-
tion, afin de n'avoir pas besoin de respirer au milieu
d'un mot ou d'un membre de phrase. On indique
également à l'élève, au moyen de points, le moment où
il doit inspirer en retirant la langue dans le pharynx
ou, selon le vice de parole, à redresser, placer la pointe
de cet organe derrière l'arcade dentaire supérieure.
La lecture de ces autres morceaux de poésie, qui
met à même de bien juger des progrès de la personne,
est suivie d'un autre exercice.
Pour passer à cet exercice, on procède de la ma-
nière suivante :
394 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
D'abord, on lit soi-même une maxime, une sentence
ou un proverbe que Ton fait aussitôt répéter de
mémoire à son élève et de la même manière, c'est-
à-dire en appliquant toujours les procédés de la mé-
thode élémentaire combinée selon les cas avec les
autres moyens orthophoniques.
Le troisième exercice dilTère du précédent, en ce
sens que, au lieu de répéter littéralement des phrases
en prose ou en vers, il faut traduire ou plutôt repro-
duire en d'autres termes des maximes ou des anec-
dotes qu'on a lues ou entendu lire, de manière à se
rapprocher autant que possible de la coiiversation
ordinaire.
Il est bon de varier à l'infmi les exercices ortho-
phoniques, non seulement en faisant reproduire en
d'autres termes des pensées détachées toujours faciles
à retenir, mais encore, lorsque la chose est jjossible^
en faisant traduire en français des phrases du même
genre, soit du latin, soit des langues anglaise, alle-
mande, italienne ou espagnole, dont actuellement
on exige l'élude dans toutes les écoles d'instruction
secondaire de France.
Les exercices dans ces différentes langues peuvent
tout à la fois être utiles aux Français et aux étrangers.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 395
Les personnes bègues, qui, à la fin de leur traite-
ment, parviendront à les traduire sans bégayer, pour-
ront se regarder comme étant presque délivrées de
leur infirmité, car cette épreuve est une des plus
difficiles à subir et, par conséquent^ des plus con-
cluantes.
On continue le redressement vocal en faisant ra-
conter des anecdotes longues et réciter littéralemejit
des morceaux de poésie et de prose, dans le but de
donner à l'élève l'habitude d'appliquer la méthode en
racontant et en récitant de mémoire (1).
En récitant ou en faisant des lectures et des im-
provisations à haute voix, on exige que l'élève pro-
nonce toutes les syllabes distinctement, rigoureuse-
ment et sans précipitation ni lenteur (2). On
conseille également de ménager la voix^la respiration
et toutes les inflexions vocales, de telle sorte que l'on
fasse bien sentir chaque période d'une phrase, et les
différentes parties d'une lecture, d'un récit ou d'un
discours. Enfin, par l'étude de l'articulation [genre
enharmonique) (3) des sons successivement émis dans
(1) Relire la note C. — De la mémoire.
(2) Ces exercices sont pour ainsi dire des exercices conservatifs.
(3) Genre enharmonique : le passage d'un son à un autre sans que
l'intonation du son ait été changée d'une manière sensible.
396 N. 0. — SYiNTHÈSE ORTElOPflONIQUE.
la même tonalité, on tâchera d'acquérir un organe
égal, et un timbre pur, flexible, sonore et liarmo-
nieux(l), en essayant le plus souvent possible de parler
devant une société nombreuse et imposante. C'est
surtout par ce moyen que l'on peut parvenir à l'habi-
tude de l'effort vocal, si utile aux bègues^ qui, par ce
manque de modiis faciendi, sont parfois jugés d'une
manière défavorable.
Cette étude préparera également l'élève à l'arti-
culation courante de la lecture à haute voix.
(1) La parole esthétique, c'est-i-dire l'arrangement des sons qui
constituent la déclamation, n'est pas un don delà nature, mais une
faculté acquise dans le commerce social. C'est le résultat de l'édu-
cation vocale, c'est le produit du génie humain ; enfin c'est un
art, comme tous les aris, susceptible d'extension, de changement et
de perfectionnement.
Un homme, dit de Tracy, fait d'abord un cri peut-être sans pro-
jet ; il s'aperçoit qu'il frappe l'oreille de son semblable, qu'il attire
son attention, qu'il lui donne une notion de ce qui Se passe en lui;
il répète ce cri avec l'intention de se faire entendre ; bientôt il en
fait d'autres qui ont une autre expression ; il s'applique à varier ses
expressions, à les rendre plus distinctes, plus circonstanciées, plus
déterminantes; il modifie ses cris par des articulations ; ils devien-
nent des mots auxquels il a fait subir diverses altérations pour in-
diquer leurs rapports ; il en forme des phrases dont la tournure
varie suivant les circonstances , les besoins, l'objet qu'on se pro-
pose, le sentiment dont on est animé : voilà une langue ; d'obser-
vations en observations sur les efl'ets de cette langue, on en pres-
crit les règles.
Par analogie, on parvient aussi au talent vocal le plus exquis
j)Our exprimer oralement les pensées les plus fines et exciter les
sentiments les plus passionnels.
N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE. 397
Ces préceptes seront de la plus grande utilité pour
les personnes qui ont été guéries d'un vice de la parole
par la méthode orthophonique. Elles doivent égale-
ment toujours se rappeler que le grand art de parler,
surtout en public, consiste iirincipalenient à donner à
sa voix une certaine mesure, et à ne jamais la forcer
dans le but de se faire un organe factice.
Dès qu'on cesse de parler avec la voix naturelle, il
est impossible de dire avec vérité et de faire enten-
dre des iutonations justes et des résonances vocales
au point de vue esthétique (t). Cicéron pense avec
raison que c'est dans le médium de la voix que V ora-
teur doit commencer son exorde,pour s'élever ensuite
ou s'abaisser^ selon que le demandent V accent de la
nature et celui de la Icmgue que l'on parle. Enfin,
d'autres auteurs qui ont donné des règles sur le débit
et la déclamation, veulent que la voix ne s'élève
jamais au-dessus de la quinte. Il suffit qu'elle s'étende
entre \hit sous la portée et le sol sur la première ligne.
Uut est le ton qui convient dans l'exposition et l'ap-
plication, le ré dans l'élévation des voyelles, le mi
dans les passions douces, le fa dans les mouvements
(1) Résonance de la voix. — Bruit plus ou moins éclatant que
l'on distingue en auscultant le larynx, le cou, le thorax d'un indi-
vidu qui parle : c'est le retentissement des sons produits à la partie
supérieure du tube aérifère; en d'autres termes, un phénomène de
transmission des vibrations sonores.
398 N. 0. — SYNTHÈSE ORTHOPHONIQUE.
de force, enfin le 50/ dans le grand pathétique.
S'il est impossible de donner à ce sujet des précep-
tes absolus, on doit conclure que, quand les personnes
bègues ou affectées d'un vice de la parole sont
instruites orlhoplioniquement, elles doivent prendre
pour guide leur bon sens, et diversifier leurs inflexions
vocales suivant leur organisation et le se7itimc7it
qiC elles éprouvent.
PREMIER APPENDICE DE LA NOTE 0
PRÉCEPTES ET PROCÉDÉS COMPLÉMENTAIRES
D'ORTHOPHONIE ET DE PROPHYLAXIE
PHONÉTIQUE.
PREMIER APPENDICE
Les procédés et les préceptes complémentaires
(VortJtophoJiie et de prophylaxie phonéticiue , quenons
indirpions ci-après et cpie nous professons depuis
quinze ans dans nos cours publics et particuliers ,
sont utiles non seulement aux personnes bègues ou
affectées d'un vice de la parole, mais encore aux
personnes dont le ç/oùt phonétique ou la profession
consiste ù parler^ à déclamer, à chanter ou ù faire
des lectures à liaute coix.
PRÉCEPTES ET PROCÉDÉS
1° Coordonner la pensée avant de coordonner les
muscles de Pappareil vocal. — Avaler souvent la salive
pour éviter qu'elle n'embarrasse le jeu de la parole.
26
402 PHEMIER APPENDICE DE LA N. 0.
2° Avoir toujours la bouche fermée pendant le si-
lence; il importe alors de placer la langue dans la
cavité inférieure de la mâchoire inférieure el de tenir
jointes les lèvres légèrement retirées ; on évitera
ainsi certains mouvements spasmodiquesde la langue
ou des lèvres.
3° Pendant la pratique des exercices rythmés, on
s'efforcera d'appuyer et même d'exagérer l'articula-
tion organique delà lettre qui fait l'objet de l'exercice.
4" En rendant très légèrement convexe le haut de
la poitrine pour faciliter, dans le phénomène de la res-
l)iration, le jeu des muscles pectoraux, on placera
dans un certain ordre de pondération les épaules et
les bras.
5° Pendant l'émission de la voix^ expirer progressi-
vement afin de maintenir l'attraction de tous les or-
ganes articulaires de l'appareil vocal.
6° L'émission vocale delà première syllabe du pre-
mier mol d'une phrase doit toujours être précédée d'un
frémissement spécial de la glotte^, IVémissement qui
par son élasticité pose la voix et colore le jet vocal.
7° Dans les productions successives de phonation
qui composent une phrase orale, la continuité de la
PREMIER APPENDICE DE LA N. 0. 403
résonance vocale ne cessera ou ne sera suspendue
qu'aux endroils uù une pause est indiquée par le sens
de la phrase.
8» Au moment où on articule la première syllabe
du premier mot d'une proposition, on doit, quant à
la valeur de l'efïort vocal à produire, se figurer qu'on
va chanter.
9° Au moment des études techniques et élémen-
taires d'orthophonie ou au début du redressement
d'une infirmité vocale, on s'exercera à abaisser forte-
ment et automatiquement la mâchoire inférieure.
10° On proportionnera la chute de la mâchoire in-
férieure à la valeur labiale, linguale, gutturale ou glot-
talede la syllabe sonore à produire; ce procédé em-
pêche l'étoufFement de la voix et facilite l'emboîte-
ment buccal de toutes les syllabes à articuler.
11° Appuyer un peu sur la glotte pour l'articulation
de la deuxième syllabe : on évitera ainsi les aheurte-
ments vocaux.
1 2° Les dysphones, en disciplinant les inflexions vo-
cales de la 1", 2% 3% 4^ syllabe, etc., etc., doivent se
souvenir des procédés phonétiques indiqués pour l'ar-
ticulation de la lettre par l'alphabet orthophonique.
404 PREMIEK APPENDICE DE LA. N. 0.
13° Les personnes qui étudient l'orthophonie doi-
vent toujours être sur le qui-vive vocal lorsqu'elles
conversent ou quelles discutent : dans ce but et pour
empècherles mouvements choréiqnes du pharynx, elles
feront, même sans en avoir spécialement besoin, au
moment où elles parlent, une inspiration orthopho-
nique devant chaque période oratoire et, quand la pé-
riode se compose de plusieurs membres de phrases,
au commencement de chaque division de cette pé-
riode.
14° Lorsque la fin d'une période oratoire est très
prochaine, on pourra se dispenser de faire une inspi-
ration en plaçant seulement la pointe de la langue
derrière l'arcade dentaire supérieure ; ce mouvement
lingual prestement effectué à ce moment sera suffi-
samment ventilateur et prophylactique.
lu" Avoir soin de faire une complète expiration
avant de produire une nouvelle inspiratioii.
16° On évitera de forcer la voix ; ce serait la rendre
antiharmonique. — En la forçant dans le haut, on
la rend aigre et criarde ; en l'outrant dans le bas,
on la rend rauque. Ces anomalies vocales produisent
rapidement soit des dissonances vocales pour le libre-
PREMIER APPENDICE DE LA. N. 0, 40o
parlant, soit des recrudescences de bégaiement pour
le dysphone.
17° Les personnes qui étudient l'orthophonie
auront soin d'articuler d'une manière distincte toutes
les syllabes qui composent les mots d'une phrase.
Elles articuleront ces mots suivant leur véritable
valeur glottale, gutturale, linguale ou labiale et
en observant les accents orthographiques. Elles
feront sentir les points d'admiration et d'inter-
rogation, les interjections qui expriment un senti-
ment, les conjonctions intentionnelles; en outre,
elles élideront l'e muet devant les autres voyelles,
elles appuieront sur les linales et empêcheront
qu'elles ne soient étoulFées pour les auditeurs sans
néanmoins faire sonner les voyelles ou les consonnes
qui sont pénombrées.
18° Nos élèves auront également soin, pour main-
tenir chez eux l'attraction des organes vocaux dont
ils ont plus spécialement besoin que les libres-par-
lants, de faire sentir les consonnes aux finales suivies
d'un mot qui commence par une voyelle, aux lettres
redoublées qui veulent être exprimées pour donner
aux mots leur caractère. Il y a cependant ici, comme
en tout, une mesure à garder.
406 PREMIER APPENDICE DE L.\ N. 0.
19° Dans le commencement de son redressement
vocal, le dysphone pratiquera le son esthétique seu-
lement sur les syllabes des mots auxquelles son émo-
tion correspond le plus souvent. Afin de n'éprouver
aucune entrave dès le début de celte étude, il choisira,
dans les affeclions du moi, celles qui ont le plus de
rapport avec son caractère ; il commencera modéré-
ment cette élude vocale et il montera graduellement
jusqu'au degré le plus exagéré de l'affeclion qui aura
été choisie ; il en est de même pour toutes les expres-
sions.
20" L'exacte observation des pauses épiphoniques
(jui fixent l'attention des auditeurs permetlent d'appli-
quer sans trouble les procédés prophylactiques de la
méthode, c'est-à-dire qu'ils donnent tout le temps né-
cessaire aux dysphones pour exécuter les gymnasti-
ques buccale, labiale, linguale, gutturale el glottale.
21° Il importe de faire les exercices vocaux indi-
qués dans la synthèse d'orthophonie, tantôt dans le
ton familier qui est celui en usage dans la conver-
sation ordinaire (voix douce et simple), tantôt dans
le ton soutenu qui est celui employé pour la décla-
mation, tantôt dans le ton moyen qui a plus de tenue
vocale que le ton familier el moins que le ton sou-
tenu.
PRE.MIEl\ APPENDICE DE L.\. N. 0. 407
22° Le son orthophonique et le son esthétique en
se joignant doivent élre toujours conformes à la na-
ture du sujet à exprimer par la parole.
23" L'instruction technique de l'orthophonie, qu'elle
s'applique à l'infirmité même du bégaiement, au re-
dressement d'un vice de la parole, aux cas spéciaux
de redoublement d'insistance du bégaiement dus à des
causes morales et extérieures, ou qu'elle s'applique à
l'étude de la lecture à haute voix, de la déclamation
ou du chant, comprend dans son ensemble une seconde
phase spéciale d'enseignement.
Ce double enseignement, non moins utile, non moins
nécessaire que le premier, est celui qui consiste dans
la transmission normale et progressive de renoncia-
tion méthodique à une énonciation se rapprocliant de
plus en plus de renonciation naturelle et esthétique,
qui dissimule complètement les procédés de phona-
tion qui ont été enseignés.
Donc^ les élèves, selon leur instruction pédagogique
et surtout selon leurs moyens intellectuels, étudieront
comme complément de leur éducation vocale la gamme
ascendante et descendante des passions, puis les dif-
férents mouvements du moi qui se traduisent dans
la voix par une note correspondante indiquant la
note juste et le degré précis de l'émotion.
408 PREMIER APPENDICE DE LA N. 0.
Les mouvements de l'ùme auxquels correspondent
les intonations, les inflexions elle volume de la voix
sont divisés ainsi :
Dans l'admiration, renlhousinsme, l'imprécation,
le moi communique à la voix l'ampleur des grandes
passions ;
Dans la supplication, le repentir, les plaintes, le
moi se soumet et la voix s'abaisse ;
Dans le désir et tout ce qui s'y rattache, le moi
s'élance en avant et la note correspondante de la voix
prend une intonation violente et impétueuse ;
Dans la crainte, l'épouvante, etc., etc., la voix se
glisse intérieurement et indique que l'âme rentre en
quelque sorte en elle-même ;
Dans la déférence, le respect, l'ironie, la flatterie,
le moi se contient et dirige intentionnellement ses
mouvements ; la voix suit la même marche ;
Dans la colère, la joie excessive, dans toute pas-
sion qui fait que l'on ne se possède plus, la voix en-
trecoupée, inhabile à se diriger, dénote l'impuissance
et la faiblesse du moi, qui se laisse envahir malgré
lui;
PREMIER APPENDICE DE LA N. 0. idO
Dans rincertitiule, dans rirrésoliition, les fluctua-
tions de l'esprit sont marquées par l'hésitation de la
voix ;
Dans toutes les passions concentrées, telles que
la haine, l'envie, la jalousie, les intonations brèves,
saccadées et serrées reproduisent ces mouvements
de l'âme qui se replie et se roule sur elle-même par
dépit et comme pour se préparer à la lutte ;
L'intensité et la nature de l'émotion psychologique
seront marquées par l'intensité correspondante du
son esthétique et par la précipitation ou la lenteur di;
la parole.
2t° Les formes de style répandues dans une com-
position littéraire ont chacune un caractère distinctif
qui leur est propre. — Vowy rendre par l'orthophonie
esthétique ces formes littéraires, on variera le ton,
le timbre, la couleur et la force de la voix de la ma-
nière suivante :
La répétition A^m^mla qu'eu élevant la voix en fau-
cetsur le mot déjà articulé, on fasse remarquer qu'il
a été répété avec intention [ton riuttnral) (1) ;
La gradation exige que Ton IVu'tidc le ton par de-
(1) Quand on veut plioiier gutturalenient, on doit : 1° laisser l.'i
mâchoire dans le plus grand abaissement possible; 2° fixer la langue
duns le creux de la mâchoire inférieure.
410 PREMIER APPENDICE DE L,\ \, 0.
grés, jusqu'à ce qu'on arrive au dernier membre de
la phrase oratoire, lequel se prononce avec plus de
force encore que les précédents [voix de poitrine, —
point de départ de la gradation, médium^ voix de
tète, médium) ;
La conjojiction veut qu'on appuie vocalement et
avec intention sur la particule conjonctive [ton lin-
gual et simultanément ton guttural) \
La disjonction, que l'on marque aux virgules par un
arrêt phonique, que les particules n'existent pas ;
La métaphore, qu'on rende par la i'o/j: de tète,]0\\ï{.Q.
à \n\ frémissement glottal [{) intentionnel, les expres-
sions figurées, pour en faire ressortir la hardiesse et
surtout la justesse avec laquelle on a transporté dans
une proposition un mot du sens propre au sens
figuré ;
\]h]iperholc exige un tonplian/ngicn élevé et même
un peu exagéré suivant l'augmentation ou la dimi-
nution de la vérité des choses ;
(I) Le frémissement glottal so forme comme le ton guttural; seu-
lement, ici, on doit, au moment oii le frémissement glottal se forme,
contracter le pharynx de bas en haut, ainsi que le gosier, afin de
laisser le son laryngien sortir i)ar la bouciie sans être modifié par le
haut de l'appareil vocal .
PREMIER APPENDICE DE LA N. 0. 411
Uantithèse demande qu'on mette entre les sons
vocaux la même opposition que celle qui se trouve
entre les pensées ou les objets qui font oralement le
tableau du contraste ; il importe donc d'éviter le mé-
dium ;
Vobjectioji qu'on se propose à soi-même veut
qu'on différencie bien le to?i des difficultés [voix gut-
turale) qu'on propose à sa proposition, d'avec celui
des réponses qu'on y fait {voix de tête) ;
La correction s'exprime par un ton giitlural et
ferme, quand le parlant se reprend pour dire quelque
chose de plus fort, et par uue résonance linguale
éclatante lorsqu'il dit toute autre chose que ce qu'il
vient de dire ;
VinterrogationàoxiiXVOXY un ton vif et fort dissem-
blable selon la variété des affections qu'elle exprime
[voix de tête ou de poitrine) \
\J apostrophe [voix de poitrine ou voix de faucet)
s'adressant momentanément à des choses ou à diis
personnes auxquelles ne s'adresse pas l'ensemble du
dialogue ou du discours s'exprime en donnant à la
voix un ton d'assurance, de fermeté, de transport et
412 PREMIER APPENDICE DE LA N. 0.
û' éc\Sit {réso?i?iance labiale) (1), et quelquefois aussi
en donnant à la voix un ton tendre et alïeclueux {ton
cjuttural et frémissement glottal) ;
V obsécration (2) demande le ton animé, tendre et
touchant comme lorsqu'on implore l'assistance de
Dieu ou de quelque personne puissante [voix de poi-
trine soutenue, résonance linguale) (3) ;
Vexclamation se fait avec un ton de voix élevé,
passionné, très expressif [voix de faiicet et finale-
ment résonance gutturale, variable cependant selon
l'impression intérieure qu'il s'agit de communiquer
[alors frémissement glottal) ;
Voptation veut le ton mouvementé qui exprime le
souhait [voix de médium et frémissement glottal) ;
La iwosopopée exige des tons énergiques, véhé-
ments et enthousiastes, car l'orateur au moment de la
prosnpopée introduit dans son discours soit une per-
(1) Pour produire une résonance labiale, il faut écarter forte-
ment la commissure des lèvres.
(2; Figure de rliétorique.
(3) On obtient la résonance linguale en portant la pointe de la
langue vers la base et en dilatant l'arrière-bouclie.
PREMILH APPENDICE DE LA N. 0. 413
sonne morte, absente ou supposée, soit une chose
inanimée, qu'il fait parler ou agir [résonance lin-
guale avec emboîtement graduel du son vocal en voix
de iête) ;
V imprécation se produit phonétiquement par des
intonations impétueuses et par des intonations ar-
dentes, quand l'orateur souhaite des malheurs à celui
dont il parle ou à qui il parle [voix de poitrine avec
frémissement glottal ou voix de tête selon la portée
(te rimprécation) ;
La réticence l'ait baisser la voix d'un ton plus bas
que dans les mots précédents et par celle modifi-
cation de la voix, le parlant fait entendre ce qu'il ne
croit pas devoir dire expressément ;
Vironie fait prendre un ton qui laisse entievoir le
contraire du sentiment qu'on veut faire entendre
[union de la voix de médium avec celle de faucet).
24° En parlant esthétiquement et en disciplinant les
diflérenles inflexions plus simples de la voix, ou appli-
quera toujours les lois qui constituent la science de la
physiognomonie.
25° Les gestes bien équilibrés donnent non seule-
414 PREMIER APPENDICE DE LA N. 0.
ment de la force et de la vie à la parole, mais en-
core permettent de rythmer normalement les articu-
lations vocales ; cette pondération rend la sensibilité
plus coynmimicative .
A ce propos, il ne suffit pas, par exemple, de pleu-
rer soi-même, mais il impoi-te d'a\oir le talent de
faire pleurer les autres; c'est alors qu'il faut élever,
exalter son imagination pour atteindre le but, sans
le dépasser.
Alors l'artiste parlant croit parler d'après sa pen-
sée ; il devient en quelque sorte improvisateur.
25° La monotonie syllabique sera évitée en se sou-
venant que l'intonation esthétique a Wqw généralement
à la fin des mots de deux syllabes, à la première, à la
dernière de ceux qui en ont trois, à la deuxième et à
la quatrième de ceux qui en ont quatre.
On s'étudiera à rendre en outre, en abaissant plus
ou moins la mâchoire inférieure et en lançant le jet
vocal, les valeurs phoniques et jibonétiques suivantes :
a grave, a bref, e ouvert, c moyen, e fermé, i et y,
0 grave, o bref, u^ ou., les diphtongues, / mouillée, les
liaisons, les consonnes dans les mots, h aspirée, na-
sale ou, nasale m, nasale an.
1^" En parlant, il faut avoir soin que les mâchoires
PREMIER APPENDICE DE LA N. 0. 415
se joignent de manière à ce que les deux rangées de
dents s'appuient sans se croiser, ni qu'elles soient
plus avancées ou plus saillantes l'une que l'autre, cela
donne à la voix plus de sonorité.
27° Pour produire le phénomène vocal de la voix
sombrée^ il faut disposer la cavité buccale comme
dans la prononciation de o, ou, u, et fixer par un effort
le larynx aussi bas que possible.
28° Lorsqu'on veut prolonger un effort phonétique,
il est essentiel de retenir, par la pression des lèvres,
l'air inspiré.
29° Si une inspiration est faite pendant un effort
vocal, l'équilibre organique est perdu. Il se produit
comme un choc entre les deux forces mises en branle,
ce choc détermine alors une coniracliun. — Cette
contraction fait ordinairement bégayer un dysphone,
détonner un chanteur ou haleter un comédien.
30° Dans la pratique du son esthétique il ne suffît
pas de lancer les sons au hasard, il faut avoir le projet
de les former précis, intentionnels.
31° 11 faut avoir de l'enthousiasme et cependant
être susceptible de réflexion; avoir un cœur ardent,
4105 PREMICr, APPEMiIGE DE LA N. 0.
et pourtant posséder assez de calme pour laisser à
l'esprit la facullé de l'observation.
32° Pour que la déclamalion soit ce qu'on veut
qu'elle soit, on évitera d'éclater de rire, autrement la
voix serait dénaturée par suite de l'ébranlement ner-
veux produit par le lire.
33° L'art de la production du son esthétique s'étend
fort loin. — Par exemple, un père noble, une grand'-
mère, un comique, un amoureux, ne peuvent avoir la
môme vivacité vocale. Il faut savoir que chaque état,
chaque âge, chaque situation a son cachet particulier
d'intonaliun, une inflexion fausse changera certaine»-
ment le sens esthétique et détruira l'elfet vocal qu'on
se propose de rendre.
34° L'oreille doit juger de la justesse des sons ar-
ticulés ; elle doit également être assez exercée pour
apprécier dans la déclamation ou la lecture à haute
voix la valeur d'un ton, d'un demi-ton, d'un quart de
ton, d'un demi-quart de ton.
DEUXIEME APPENDICE DE LA NOTE 0
DES INSPIRATIONS ET DES EXPIRATIONS
BUCCALES ET NASALES ET DE LEURS DIFFÉRENTES
ÉVOLUTIONS PHYSIOLOGIQUES.
DEUXIEME APPENDICE
On peut dire, sans crainte de se tromper, que l'art
de Vinspiration et de Vexpwation est l'àme même
de la phonation, de la déclamation dramatique, de la
lecture à haute voix et du chant.
Faire méthodiquement une respiration sans se fa-
tiguer comme sans fatiguer ceux qui vous entendent,
c'est là le vrai moyen de donner à la voix pendant
le travail de l'expiration toute sa puissance, toute sa
vertu, tout le développement progressif dont elle est
susceptible pour faire ressortir la vigueur, l'énergie
de certaines phrases articulées, déclamées ou chan-
tées.
Cette science qui décuple les forces orales rentre
dans la gymnastique pectorale, dans la gymnastique
laryngienne et linguale et dans la gymnastique buccale.
Le besoin de V insjnration et de Vexpiratioii est
une sensation interne qui précède et met en jeu tout
420 DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0.
Tenscmble des organes qui concourent à la respira-
tion. Ce besoin est à la respiration ce que la faim est
à la digestion.
A côté de l'éducation corporelle il importe que le
jeu des muscles inspirateurs soit à lein* tour l'objet
d'une éducation toute particulière; sinon les organes
vocaux proprement dits seront toujours le siège de
maladies aiguës.
Ces afTections, la plupart du temps, sont occasion-
nées, chez les artistes dramatiques ou lyriques, par
Vhalelne qu'ils cherchent à retenir au moyen de
mouvements pour ainsi dire épileptiformes et par les
inspirations trop rares ou trop brusques auxquelles
ils ont recours pour alimenter d'air leur poitrine.
La principale tache de l'artiste parlant dans la
pratique de son art, et sur laquelle on n'insiste pas
assez, est de conduire graduellement son expiration
dans l'émission de la voix.
Cette habileté de savoir ménager ses forces, ne
distribuant l'air qu'à des doses savamment appro-
priées à l'intensité phonique, est une difficulté réelle
non seulement pour la plupart des artistes, mais encore
pour les dysphones. Combien n'en voit-on pas qui lais-
sent échapper dès le début d'une phrase l'air qu'ils
ont dans les poumons, et qui, en conséquence, n'ont
plus de réserves suffisantes pour donner vocale ment
DEUXIEME APPENDICE DE LA N. 0. 421
au crescendo de la passion toute la progression ca-
ractéristique de cette phrase? En effet comment
rendre un passage assez long si l'on ne sait mesurer
proportionnellement ses expirations?
L'interprète dramatique ou lyrique qui est assez
peu ménager de ce qui est la cause matérielle do la
parole est obligé, par suite de « l'halètement » con-
tinuel auquel il a recours, de dénaturer le sens ou la
valeur vocale des morceaux dramatiques ou lyriques.
Par la continuité de cette contraction il émiette de
plus en plus ses propres forces en fatiguant inutile-
niiMil les muscles expirateurs jusqu'au moment où il
se trouve dans Tobligalion de renoncer à la scène.
Il est donc de toute nécessité de savoir inspirer
à propos, d'expirer graduellement et de ne jamais
essayer, par des efforts violents et des éclats de voix
stridents, de dépasser l'étendue d'un registie.
Cette étude, que toutes les personnes qui cultivent
\ orthophonie ne devraient jamais perdre de vue, est
d'un grand secours si elle est soigneusement faite.
Elle peut contribuer certainement à rendre moins
rares les artistes possédant une voix étendue et flexible.
422 DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0.
INSPIRATIONS. — EXPIRATIONS.
Les mouvements respiratoires indiqués par Beau
et par Lulterbacli ne se passent pas absolument de
la même manière chez tous les individus.
Chaque mouvement respiratoire est composé de
deux temps : celui par lequel l'air est introduit dans
les poumons [inspiration) et celui par lequel ce fluide,
après avoir été introduit dans le poumon pendant
l'inspiration, est rejeté au dehors [expiration).
Dans l'état naturel, la respiration est facile, douce,
égale, insonore.
On compte, chez l'homme, environ trente-cinq
respirations par minute pendant la première année
de la vie, vingt-cinq la seconde année, vingt à la pu-
berté, et dix-huit dans l'âge adulte.
Lorsque l'air est pur on peut l'inspirer largement,
à moins qu'il n'y ait irritation dans Porgane respira-
toire.
Les mouvements respiratoires sont classés sous les
noms de modes ou types abdominaux, costo-inférieur
et coslo-supérieur.
Type abdominal. — Dans ce mode, la respiration
DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0. 423
ne se révèle que par les mouvements du haut de
l'abdomen qui devient saillant dans l'inspiration et
se retire dans l'expiration. Ces mouvements trahissent
les contractions et les dilatations alternatives du dia-
phragme, qui, dans ce cas, borne son action à dépri-
mer les viscères abdominaux. Les côtes semblent
immobiles, à moins que les inférieures ne soient en-
traînées en dehors et en bas, en suivant^, au moment
de Tinspiration, les mouvements des viscères abdo-
minaux, qui dilatent les flancs en même temps qu'ils
distendent la paroi antérieure du ventre.
Ce type s'observe constamment dans le premier
âge, quel que soit le sexe; mais, au bout d'un nom-
bre variable d'années, on voit s'établir des dilîérences
entre les jeunes garçons et les jeunes fdles, ces der-
nières perdant cette forme qui persiste chez un assez
grand nombre d'hommes.
Type costo-inférieur. — Dans le type costo-infé-
rieur, les mouvements respiratoires sont très appa-
rents au niveau des sept dernières côtes; ils dimi-
nuent à mesure qu'on remonte vers le sommet de la
poitrine qui semble parfaitement immobile. Le ster-
num est un peu porté en avant dans sa partie infé-
rieure. La paroi abdominale ne se gonfle pas comme
dans le type abdominal ; elle est immobile, et parfois
même elle s'aplatit pendant l'inspiration pour re-
424 DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0.
prendre un état normal de gontlement à l'expira-
tion.
Tiji^te costo-supéncur. — Dans cette forme de dila-
tation de la poitrine, la plus grande étendue des mou-
vements a lieu sur les côtes supérieures et surtout sur
la première, qui sont portées en haut et en avant.
On voit la clavicule, le sternum et la première côte se
soulever, et cette action se |)ropager, mais en s'alTai-
blissant, de la partie supérieure à la partie infé-
rieure de la poitrine. Il y a de plus un mouvement
de rotation très marqué dans les côtes qui suivent la
première.
Pour produire normalement les inspirations et les
expirations buccales et nasales^ on distingue divers
points de contact organique.
Par respiration buccale on entend celle qui se fait
seulement par la bouche.
On doit éviter d'inspirer ainsi lorsque le corps et
l'esprit sontdans un état de réelle agitation ou lorsque
la bouche est atteinte de certaines affections mor-
bides.
Lorsque la bouche cesse de participer au phéno-
mène de la respiration, elle devient nasale; c'est par
DEUXIEME APPENDICE DE LA N. 0. 425
les fusses nasales (1) que s'accomplissent alors l'ins-
pii-ation et l'expiration.
Quand on court, il est nécessaire d'employer la
respiration nasale : on aspire à ce moment une moins
grande quantité d'air et par contre l'agitation corpo-
relle qui se produit forcément dans l'exercice de la
course se pondère.
La respiration est naso-buccale lorsqu'on inspire
avec le nez et qu'on expire par la bouche.
Cette évolution organique a presque toujours lieu
dans le sommeil.
On doit adopter également ce genre d'inspiration
lorsqu'on veut inspirer sans que l'air qui arrive dans
les poumons soit altéré en traversant l'appareil buccal .
Elle a en outre l'avantage de diriger vers le cerveau
im courant d'air frais et d'y produire à la longue, en
passant par les fosses nasales, nn etfet de calme et de
rafraîchissement.
C'est le mode de respiration employé aussi instinc-
tivement par ceux qui veulent, sous forme de jet, pro-
jeter autour d'eux de l'air avec vigueur.
(1) Les fosses nasales fonnent deux cavités anfractueuses ou iné-
gales qui, en livrant passage à l'air, concourent à l'accomplissement
de l'acte respiratoire et à la plionatiou. Ces cavités, qui n'ont au-
cune connnunication entre elles, sont séparées l'une de l'autre par
la cloison dont le vomer forme la partie osseuse, et que complète
antérieurement le canal nasal.
426 DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0.
Si Xappareil naml est malade, on doit recourir à
un procédé inverse : on inspire par la bouche et on
expire par le nez, afin que l'air chasse les émanations
malsaines. C'est ce qui constitue la respiration buccô-
nasale.
Lorsque l'acte de la respiration se produit simulta-
nément par la bouche et par le nez, on produit ce
qu'on appelle la respiration indifférente .
Quand les mouvements de la systole et de la diastole
sont réguliers, la respiration indifférente ne présente
aucun inconvénient; mais il n'en est plus ainsi lors-
que le corps est agité. En effet;, si pendant la respira-
lion indifférente il survient une secousse nerveuse ou
un choc organique, la quantité d'air qui a été attirée
vers les poumons s'échappant trop brusquement peut
produire des accidents de congestion plus ou moins
graves.
La respiration est dite cahotée lorsqu'on inspire
presque involontairement parle nez, en deux ou trois
temps, et qu'on expire par la bouche de la même ma-
nière en ne laissant entre les lèvres qu'un étroit pas-
sage.
Les chanteurs et les comédiens, lorsqu'ils sortent
par les temps froids, devraient avoir recours à ce
mode iï inspiration entrecoupée dans le but d'élever
la température de l'air qui arrive alors plus chaud aux
DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0. 427
poumons, et aussi pour éviter la gerçure des lèvres.
Pour aider le fonctionnement de la respiration ca-
hotée, on élève très légèrement les épaules en mspi-
rant, puis on les laisse retomber au moment où com-
mence le mouvement expirateur.
Ce genre de respiration divisée atténue également
la fatigue qui résulte d'un travail pectoral obligatoire.
La respiration graduée procède de la respiration
cahotée. Après avoir inspiré à fond, par la bouche,
en plusieurs temps, on laisse, entre les lèvres serrées,
l'air s'échapper en un mouvement pour la première
expiration, en deux pour la seconde, en trois pour
la troisième.
Dans la respiration graduée, l'inspiration cahotée et
l'inspiration graduée se succéderont tour à tour et les
épaules se concaviteront légèrement. Ce dernier mou-
vement a pour effet d'augmenter le jeu des poumons,
et de faciliter l'explosion du jet vocal. En outre, l'air,
attiré dans la bouche par une forte pression des lè-
vres, y apporte un elfet de fraîcheur qui empêche la
gorge de se dessécher trop rapidement et entretient le
fonctionnement des glandes salivaires.
Une variété de la respiration graduée est la respi-
ration pénétrante.
Pour la produire on procède comme précédemment,
avec cette seule différence que, dans la respiration pé-
428 DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0.
nétrante, pour obtenir le prolongement de l'acte inspi-
rateur on imprime au thorax un léger mouvement de
torsion.
La respiration pénétrante, lorsqu'elle est seulement
muette et automatique, a pour effet de forlilier les or-
(jane!^ actifs de Tappared vocal et le jeu des pou-
mons.
Elle est, comme gymnastique pectorale, particu-
lièrement utile pour les acteurs lyriques ou dramati-
ques et les orateurs.
La respiration élancée procède de la respiration
pénétrante.
Elle n'en diffère qu'en un point qui est celui-ci :
on reprend le second temps d'inspiration avec plus
de force et comme par élancement.
Dans la respiration élancée, plus l'on retient l'air
inspiré et plus l'effet vocal (expiration sublime) obtenu
dans le criant est puissant.
Ce mode cï expiration doit suivre Vinsph^ation or-
thophonique.
On sait d'ailleurs que l'inspiration orthophonique,
par l'agrandissement de l'ouverlure glottale qu'elle
occasionne, a pour résultat de faire pénétrer norma-
lement et en abondance l'air dans les poumons.
Nous n'avons point à nous occuper ici de Vinspi-
ration orthophonique, car son évolution pectorale,
DEUXIÈME APPENDICE DE LA N. 0. 429
laryngienne, linguale et buccale a été indiquée dans
la Synthèse orthophonique.
RESPIRATIONS ANORMALES.
Respiration pnérilo. — Se dit quand rinspiralion
et l'expiration sont plus bruyantes qu'à l'ordinaire,
quand il y a augmentation de la durée absolue des
deux temps, leur durée relative restant la même, et
que le murmure vésiculaire se fait entendre avec plus
d'intensité que dans l'état normal, la respiration
conservant d'ailleurs son caractère doux et moelleux.
C'est l'annonce d'une maladie quelconque du pou-
mon.
Respiration caverneuse . — Bruit que l'inspiration
et l'expiration déterminent dans une excavation for-
mée au milieu du tissu pulmonaire.
Respiration inégale. — Celle dont les mouvements
ne se succèdent pas d'une manière uniforme.
Respiration saccadée. — Altération particulière
430 DEUXIEME APPENDICE DE LA N. 0.
(kl rythme respiratoire caractérisée par la division de
l'inspiration en deux bruits d'une force inégale, exis-
tant tantôt sans altération d'intensité ou de carac-
tère du murmure vésiculaire, et tantôt avec faiblesse
ou rudesse de ce murmure. Le phénomène est observé
le plus souvent au sommet des poumons ; il n'a guère
lieu que dans Finspiration,
Respiration vésiculaire. — Cette respiration ré-
sulte de la pénétration libre de l'air dans les bron-
ches, et de là dans les canalicules respirateurs jus-
qu'au fond de ceux-ci.
TROJSIÈME PARTIE
NOTES DIDACTIQUES
DE
PHYSIOGNOMONIE
NOTE P
PROLOGUE
2S
NOTE P
PROLOGUE
La nécessité d'étudier conjointement avec les prin-
cipes de Phonation les lois qui président à l'harmonie
des mouvements d'expression et du geste, lois qui
constituent la science de \diphysiognomonie, s'impose
naturellement à ceux qui veulent étudier Xart de la
pai'ole.
La mimique qui possédait chez les anciens, à
Athènes comme à Rome^ des interprètes d'un talent
merveilleux a été délaissée pendant longtemps et est
restée encore aujourd'hui trop abandonnée aux in-
terprétations de quelques artistes.
Les anciensenjugeaient autrement, eux qui avaient
des maîtres spéciaux pour l'étude du geste et des
mouvements d'expression. Le soin qu'apportaient à
l'étude de cet art les citoyens qui se destinaient au
barreau ou à la tribune montre bien l'importance
436 N. P. — PROLOGUE.
qu'ils accordaient à ce complément nécessaire de
l'éloquence.
L'étude delà jy/njsmiomie iouiefois n'a pas été, à
cette époque, l'objet de recherches scientifiques per-
mettant de condenser en système la théorie des
mouvements d'expression. Les méthodes si précises
de l'analyse n'avaient point de représentants, et les
ouvrages sur ce sujet que nous a légués l'antiquité
comme le moyen âge empruntent leurs théories à un
empirisme bizarre ou à des conceptions souvent
erronées.
Dans ces derniers temps, plusieurs savants tout à
la fois physiologistes et psychologues ont consacré
une partie de leur vie à la recherche et à la des-
cription des manifestations extérieures de Tàme dans
la physionomie, le geste et les attitudes du corps.
En France, Gratiolet, sitôt enlevé à la science et
aux nombreux admirateurs de son talent (1), en Alle-
magne, Engel (dix-huitième siècle) ont laissé sur
celte « matière à cent actes divers » des ouvrages
que difficilement on saurait surpasser ou même égaler.
D'autres auteurs autorisés, Diderot, Descuret,
Delestre, Chevreid, par exemple, ont également
(I) On apprendra certainement avec plaisir que le buste de Gra-
tiolet qui avait été fait depuis plusieurs années par M. Oliva, un
des sculpteurs les plus distingués de notre époque, vient d'être
placé dans une des salles du Collège de France.
N. P. — PROLOGUE. 437
publié sur la pliysiognonionie le résultat de leurs
observations.
Dans son curieux travail sur la physionomie,
Lavater, doué pour ainsi dire du don divinatoire, a
fait preuve aussi, par ses remarques, d'une grande
llnesse d'observation. — On reconnaît cependant
qu'il n'a pas, à proprement parler, établi de système.
Cherchant plutôt à pénétrer le caractère personnel
des individus, il a renouvelé avec habileté les théories
d'Aristote jugeant les hommes d'après leurs simili-
tudes avec certains types connus.
Il serait difficultueux, inutile même de le suivre
dans celte voie.
Outre le langage oral qui varie d'un peuple à l'au-
tre, l'homme possède un langage commun à tout ce
qui a vie et mouvement sur la terre : c'est le langage
physiognomonique. Et c'est ce moyen de connnuni-
cation qu'il importe d'étudier qnand on est maître de
son instrument vocal.
Lorsqu'une personne instruite orthophoniquement
produira graduellement et à volonté tous les sons
esthétiques, et qu'elle pourra exprimer ainsi tous les
sentiments dont le moi est susceptible d'être agité;
lorsqu'elle aura la faculté de s'émouvoir facilement,
■ de s'attendrir elle-même par ses propres accents ;
quand enfin elle se croira capable de peindre avec sa
438 N. P. — PROLOGUE.
voix toute espèce trémotions ; alors elle pourra
commencer à étudier l'art du geste.
Un geste bien réglé contribue toujours à l'effet
vocal au lieu de l'atténuer.
Il nous a paru utile de composer, d'après les im-
portants ouvrages cités plus haut, parfois trop sub-
tils d'observations et de discussions métaphysiques,
un ensemble succinct de physiognomonie où les
personnes qui s'occupent spécialement d'orlho-
phonie esthétique pussent trouver, dans une suite
de quelques pages, les principales évolutions de la
physionomie^ du geste et des attitudes du co?'ps.
NOTE Q
DE LA PHYSIONOMIE
(premier tablkau)
NOTE Q
DE LA PHYSIONOMIE
Aristote a fixé le principe suivant : ce qui est du-
rable dans la forme exprime ce (jui est immuable
dans la nature de rèlre. C'est ce qui constitue les
espèces : Tliomme, le chien, etc., et ce qui est
mobile et fugace dans cette forme exprime ce qui
dans la nature de lètre est contingent et variable :
les impressions, les sentiments, les volontés, etc..
L'énoncé de ce principe indique suffisamment les
deux grandes divisions de la physiognomonie géné-
rale.
La première de ces deux sciences, appelée 7norpho-
logic, étudie dans le monde vivant ce que les savants
appellent « l'ordre sériel des formes », c'est-à-dire
renchaînement graduel des espèces^ et révèle la vé-
U2 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
ritable nature des êtres en leur assignant leur rôle
dans l'ensemble de l'univers.
La deuxième, appelée cinésiologie par différents
auteurs, s'occupe de ces mouvements mobiles et fu-
gaces qui traduisent dans toutes leurs modifications
les volontés, les passions, les instincts accidentels
de l'animal.
C'est cette dernière science qui nous occupe en ce
moment.
On doit distinguer tout d'abord la Physionomie Q,i
V Expression.
La physionomie est l'aspect particulier qui, pour
chaque être, résulte de l'ensemble de ses parties tant
extérieures qu'intérieures, et pour l'homme spéciale-
ment, de l'ensemble des traits de la face.
Par l'habitude prise de certaines expressions inhé-
rentes aux idées, aux sentiments propres à diverses
fonctions, à diverses carrières, elle forme une grande
variété de types : nous avons les physionomies du
professeur, de l'avocat, du prêtre, du diplomate, du
militaire, du fonctionnaire autoritaire, de l'huissier
malveillant, etc.
Ces physionomies multiples sont absolument indé-
pendantes de la forme et de la régularité du tronc et
des membres. Dans chaque classe de la société, en
N. Q. — DE LA PnYSIONO.MIli:. 443
dépit même de la différence des visages, nous re-
trouvons une empreinte sui generis propre à toute
une catégorie d'hommes exerçant la même profes-
sion. C'est une marque spéciale persistant chez
l'individu et qui révèle son identité. On peut donc
appeler la physionomie la caractéristique de chaque
individu.
Mais cette physionomie subit à son tour mille mo-
difications plus ou moins sensibles qui sont l'indice
de modifications intérieures. Ce sont ces change-
ments extérieurs de la physionomie se manifestant
dans la figure humaine qui constituent l'expres-
sion.
Il est évident que dans bien des cas la parole seule
pourrait suffire pour transmettre une ou plusieurs
idées, et il est également positif que lorsqu'un litté-
rateur converse avec nous par Tintermédiaire du livre
ou de la lettre, on saisit nettement sa pei:sée et on
devine ses impressions sans avoir besoin de con-
naître son jeu physiognomonique. Mais où serait le
charme des conversations, des assemblées, du théâ-
tre, si chacun venait parler sans action, avec un débit
froid ou monotone, réciter en quelque sorte renon-
ciation de sa pensée sans que le visage par exemple
représentât ce qu'il y a de plus intime et de plus per-
sonnel, sans qu'il rectifiât immédiatement pendant
444 N. Q. — DE LA PHYSI0N0.MI1£ .
le roulement du langage vocal ce qu'il peut y avoir de
défectueux ou d'excessif dans le ton ou les termes
employés.
Et il ne faut pas croire qu'il soit toujours facile de
combiner l'expression de la physionomie avec la pa-
role articulée.
Dans Fimprovisation, dans la conversation, dans le
commerce de la vie, la physionomie, il est vrai, tra-
duit sans effort nos émotions, nos impressions; elle
les traduit même si bien qu'à distance, sans entendre
les paroles prononcées par une personne, nous pou-
vons lire sur ses traits les sentiments qui l'agitent;
mais dans ce qu'on nomme V improvisai io7i fictive
il n'en est plus de même.
On appelle impr()visation fictive tout ce qui se
dit en dehors de la spontanéité : les entretiens
scientifiques ou littéraires, les discours, les plaidoi-
ries, les sermons sont autant de formes diverses de
cette improvisation. Avant la harangue en public,
il y a eu la méditation dans le silence du cabinet; le
premier enthousiasme qui anime l'orateur quand il
prépare une péroraison, par exemple, n'existe plus
au même degré au moment où il la débite ; et cepen-
dant il faut que le public soit finalement convaincu de
la sincérité des émotions de l'orateur, sinon il serait
moins facilement persuadé.
N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 440
Ce sera en simulant cette émotion, c'est-à-dire en
prêtant à la physionomie une expression confoi me à
l'intonation de ses paroles que l'orateur pourra exercer
une influence véritable sur ceux qui l'écoutent.
Si au lieu de parler nos pensées nous récitons ou
lisons ce qui a été pensé et dit par d'autres, le jeu
passionnel de la physionomie dans la lecture expres-
sive deviendra tout aussi nécessaire ou du moins tout
aussi utile que tout à l'heure dans l'improvisation fic-
tive.
Pour arriver à ce degré de volonté esthélique, une
analyse attentive des mouvements spontanés dans le
cours habituel de la \ie peut seule nous mettre à
même de traduire heureusement tout ce qui n'appar-
tient pas à l'improvisation proprement dite.
On reconnaitia qu'il n'y a point dans l'organisme
un muscle spécial destiné à marquer les divers degrés
de l'expression.
Chaque organe existe en vue d'un but déterminé,
but qui est indiqué par sa forme exclusive.
Toutefois, à proprement parler, l'homme seul a
un visage, c'est-à-dire un moyen congénital et mei-
veilleuxpour exprimer sur une très petite surface de;
son corps les divers états de son esprit. Bien que le
visage ne soit pas un organe distinct de l'expression
416 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
psychique, le mo/ s'y reflète et il y met une empreinte
si nette de ses sentiments intérieurs, qu'on peut dire
avec vérité que c'a été de la nature une grande tra-
hison que de dévoiler ainsi sur la face les plus secrètes
émotions de l'être.
Dans les mouvements expressifs de la physionomie,
tactivité du moi s'affirme par les phénomènes vo-
lontaires ou involontaires de la sensibilité physique^
ou sensibilité envisayée au point de vue des oryanes
des sens, de la sensibilité affective ou sensibilité
envisagée au point de vue des passions de T âme ^ et
df la sensibilité intellectuelle ^ou sensibilité envisagée
au point de vue des opérations de l'esprit.
DE L.\ SENSIBILITÉ PHYSIQUE
(organes des sens)
En s'appuyant sur ce fait que les hommes ne sont
mis en relation avec le monde extérieur que par les
uiganes des sens, il est permis d'énumérer et d'ac-
cepter ce principe :
Dans l'ordre des phénomènes de la sensibilité phy-
si(|ue, les mouvements d'expression de la physionomie
sont en raison directe de la nature de l'impression
N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 447
faite sur nos organes par le monde extérieur; c'est-
à-dire que si l'impression est facile, agréable, diffi-
cile ou pénible, les mouvements exécutés par l'organe
plus spécialement mis en jeu exprimeront la nature
et le degré de puissance de celte impression.
Les impressions sont faites sur le système nerveux,
et dès qu'elles ont été perçues par le cerveau_, la
nature de la sensation éprouvée est exprimée par
l'intermédiaire des muscles qui ultérieurement exécu-
teut les mouvements d'expression.
L'œil est certainement le plus puissant et le plus
bel ornement de la face, comme aussi l'un des sens
les plus précieux ; c'est en lui, nous le verrons plus
loin, que se trouve d'ordinaire l'indice le plus sûr
des qualités morales. — Il est logé en toute sécurité
dans une cavité o>seuse nommée orbite d'où il ob-
serve tout ce qui se passe autour de lui.
Lorsque l'impression faite sur le nerf optique par
un objet chatoyant est agréable, l'œil s'ouvre natu-
rellement pour jouir de la lumière et des couleurs ; les
muscles des paupières et des contours de l'œil font
jouer leurs ressorts régulièrement; un éclat particu-
lier du regard témoigne de sa joie, tout indique le
riant de l'impression.
4i8 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
Si, au contraire, l'impression vient à être désa-
gréable, irritante, Téclat du regard change de sens
et d'allure : les paupières se baissent et se relèvent
avec précipitation ; les muscles sourciliers se contrac-
tent et les sourcils se froncent d'une manière incon-
sciente ; en même temps les angles des yeux se res-
serrent et se plissent, le haut des joues et du nez se
soulève légèrement, l'œil cherche à circonscrire le
champ visuel et l'on sent l'elTort qu'il fait pour ob-
tenir une perception exacte de l'objet par lequel il a
été froissé.
Le regard offre des propriétés remarquables que
l'observateur habile utilisera dans bien des cas ; rap-
pelons en passant que, lorsque les yeux sont fixés
précisément sur un même point, cette direction du
regard est très précieuse pour la bonne exécution des
mouvements rectilignes des gestes du corps norma-
lement disposés et qu'elle aide puissamment à la per-
sistance de l'équilibre. C'est ainsi probablement que,
pour favoriser les mouvements symétriques d'équi-
libre de haute voltige, les gymnasiarques sur le tra-
pèze ou sur la corde regardent toujours à une dislance
déterminée.
Lorsque des impressions s'exercent sur le nerf au-
ditif, les mouvements de l'organe de l'ouïe sont peu
appréciables. Les pavillons de l'oreille restent près-
N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 449
que immobiles, siirlout chez l'Européen. Toutefois,
quand les effets produits sur les nerfs auditifs sont
aisés ou difficiles, flatteurs ou offensants, on exécutera
une série de mouvements qui indiquent parfaitement
la nature de la sensation éprouvée. Ces derniers mou-
vements, d'ailleurs, appartiennent plutôt à la série
des mouvements sympathiques et nous verrons plus
loin le jeu coordonné des muscles de la face dans
ce cas particulier.
Le nez, où siège l'organe de l'odorat, contribue beau-
coup par sa forme à donner de la noblesse à la phy-
sionomie.
Par plusieurs de ses mouvements il participe aussi
à l'expression de la figure.
Chez l'homme les sensations qui proviennent de
l'odorat, comme celles qui proviennent du goût,
sont toutes agréables ou désagréables (1), tandis que
les organes de la vue, de l'ouïe et du toucher reçoi-
vent une troisième catégorie de sensations dites sen-
sations indifférentes (2).
Dans les impressions agréables, on ouvre instinc-
tivement les narines pour donner libre et large entrée
(1) Cliez les animaux, le sens de l'odorat est un organe universel
de sentiment.
(2) Au point de vue philosophique, ces sensations indifférentes
sont la conséquence et les seuls vrais éléments des connaissances.
29
450 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
aux parfums odorants qui viennent frapper la mem-
brane olfactive ; les ailes du nez se développent en
un gracieux contour et témoignent de l'empresse-
ment que nous mettons à aspirer un parfum péné-
trant ; l'odeur déplaît-elle, vite les narines se res-
serrent, les ailes nasales subissent une contraction
significative qui interdit l'accès aux émanations rebu-
tantes ; en même temps la lèvre supérieure se soulève
et vient s'appliquer sur les narines pour les proléger
efficacement. Tels sont les principaux signes des
mouvements d'expression du nez exécutés lorsque le
sens de l'odorat est mis en jeu.
Il est un mode particulier de sentir, mode volon-
taire qui a reçu le nom de flairer^ et qui est pratiqué
pour rendre la sensation plus vive ou analyser la qua-
lité de l'odeur. Dans ce cas la bouche est fermée et l'on
fait tantôt une large inspiration, tantôt une série d'as-
pirations brèves et saccadées qui sont surtout pra-
tiquées lorsqu'il s'agit d'étudier des odeurs inconnues.
Alors, dans l'évolution de cet efturt, le petit appareil
musculaire bordant lorifice antérieur des narines est
animé par le nerf facial, et intervient afin de resserrer
cet orifice et de le mieux diriger en bas pour le dou-
ble effet d'augmenter l'intensité du courant odorifé-
rant en le portant vers la partie supérieure des fosses
nasales.
N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 4;il
La bouche peut être considérée, après les yeux,
comme la partie du visage qui donne le plus de carac-
tère à la physionomie. L'extrême sensibilité des lèvres,
le nombre considérable de muscles qui entrent dans
leur organisation donnent à la bouche les formes mul-
tiples que réclame son rôle important.
Selon que les diverses opérations auxquelles la
bouche prête son concours se font facilement ou
difficilement, quel changement rapide dans sa forme !
— Examinons-la un instant seulement comme agent
de la respiration.
Lorsqu'il y a facilité dans les actes d'inspiration,
que l'air ambiant n'est point alourdi par des émana-
tions fétides, les lignes de la bouche se distendent
graduellement ; les extrémités de la fente bilabiale se
relèvent avec grâce, la lèvre supérieure à peine sou-
levée laisse voir plus ou moins les dents supérieures;
en même temps les pommettes des joues subissent
l'action des muscles zygomatiques (1), et cette action
s'étend elle-même jusque vers les angles externes des
yeux qui deviennent aussitôt un peu obliques. C'est
ce mouvement de respiration agréable qui constitue
le sourire (2).
(1) Zygomntique : qui a rapport à la pommette.
(2) Ilya lieu de remarquer que l'on distingue le sourire des lèvres
et le sourire des yeux.
Lorsque nous rions sincèrement, le sourire des yeux coexiste
432 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
Au moment où, pour une cause où, pour une autre,
il y a difficulté dans la respiration, les coins de la
bouche se contractent; la lèvre inférieure, sollicitée
des deux côtés, laisse souvent les dents inférieures à
découvert et en môme temps la lèvre supérieure s'ap-
plique sur les dents supérieures qu'elle recouvre en-
tièrement; c'est la fréquence de ces mouvements
qui donne aux phthisiques ces traits tirés que tout le
monde connaît.
Les expressions immédiates ne se produisent jamais
isolément dans un organe.
Lorsque l'organe de la vue reçoit difficilement une
impression, les contours de l'œil, les organes voisins
expriment chacun selon son mode cette difficulté.
C'est «tinsi que pour Touie, lorsque l'impression est
facile ou difficile, indifférente ou attentive, ce n'est
pas en regardant uniquement l'oreille que nous pour-
rons juger la nature de l'impression.
Quand, dit Gratiolet, une audition est facile et
attentive, il y a nécessairement prédominance d'ac-
tion dans l'une ou l'autre oreille. Le cou s'incline
dans le sens de celle qui écoute ; de ce côté, le coin
avec le sourire des lèvres. Chez les animaux, piiysiologiquement, le
sourire des lèvres n'existe pas.
N. 0. — DE LA PHYSIONOMIE. 4o3
(le la bouche est un peu soulevé et tiré en deliors, et
le plus souvent alors les yeux, dirigés dans le sens
opposé, se cachent à demi sous la paupière; ces
mouvements troublent à de certains égards la symé-
trie de la face ; ils n'altèrent point d une manière
sensible l'harmonie des formes quand l'attention
n'exige aucun effort marqué.
Dans rouie pénible, le cou se tend énergiquement
vers l'oreille employée comme pour recueillir avec
plus de facilité l'acuité des sons, ou pour diminuer la
gêne qui s'oppose à leur perception. Tous les muscles
de ce côté de la face expriment pareillement cette
souffrance : œil se fermant nerveusement, narine
tirée en dehors, extrémité de la bouche s'ouvrant en
une sorte de rictus et mettant à découvert même les
molaires ; rides longitudinales sillonnant la joue.
Cette mimique est fort habituelle aux vieillards im-
patients et quinleiix qui ont l'oreille un peu dure. Si
le discours leur plaît, la même grimace existe, mais
elle est moins dessinée, le côté non intéressé sourit.
Dans l'impression pénible, les épaules sont très
abaissées et légèrement reculées en sens opposé ; dans
l'impression qui plaît, les épaules quelque peu voûtées
se soulèvent faiblement et se meuvent dans le sens
de celui qui parle.
Les mouvements de ces autres organes sont appelés
454 N. Q. — DE LA PflYSIO.NOMIE.
sTjmpathiques . Ils témoignent, en effet, par leur con-
cours qu'ils sont, eux aussi, touchés de l'impression
qui affecte un organe voisin.
A ce propos des mouvements sympathiques, nous
ne résistons pas au désir de mettre sous les yeux
de nos lecteurs une description de Gratiolet qui est
une véritable miniature littéraire peinte de main de
maître :
« Donnez à un jeune carnassier, à un petit chat,
;< par exemple, quelque liquide savoureux et sucré :
« voyez-le s'avancer lentement et flairer avec atten-
<' tion ; ses oreilles se dressent ; ses yeux largement
'c ouverts expriment le désir ; sa langue, impatiente,
« caresse et déguste l'objet désiré.
« Il marche avec précaution, le cou tendu.
« Mais il s'est emparé du liquide embaumé ; ses
tt lèvres le touchent ; il le savoure ; le sentiment que cet
« objet éveille s'empare de l'organisme. Le petit chat
(( ferme alors les yeux, se considérant lui-même tout
« pénétré de plaisir. 11 se ramasse, il fait le gros dos,
« il frémit voluptueusement, il semble envelopper ses
« membres, son corps, source de jouissances adorées,
« comme pour le mieux posséder; sa tète se retire
« doucement entre ses deux épaules, on sent qu'il
« cherche à oublier le monde, désormais indifférent
« pour lui ; il s'est fait odeur, il s'est fait saveur, et il
N- Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 455
(( se renferme en lui-même avec une componclion
« significative. »
En présence de cet accord des organes, on ne peut
s'empêcher de reconnaître que tout être vivant est
essentiellement un. Il n'est en lui aucun organe qui
souffre ou qui jouisse sans qu'immédiatement toute
l'économie du corps en soit impressionnée.
C'est en vertu de cette même sympathie que le front,
les sourcils, les joues entrent pour une grande pari
dans la physionomie.
La mobilité du front contribue singulièrement à
l'expression de certaines passions. Les muscles fron-
taux excellente interpréter la joie, la tristesse, l'eiTroi,
l'attention soutenue.
Les sourcils ne jouent pas un moindre rôle dans
l'ensemble de la physionomie. Ils donnent souvent de
la grâce au visage, mais parfois aussi ils en accen-
tuent l'expression d'une manière très rude : alors ils
sont la marque de létonnement, de la stupéfaction,
l'indice de la frayeur ou de la colère.
D'ordinaire un froncement sourciller spécial
annonce le mécontentement et la mauvaise hu-
meur.
Buffon ne se trompait pas quand il assimilait les
sourcils aux ombres d'un tableau qui en relèvent les
couleurs et les formes.
436 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
Une figure dépourvue de sourcils nous paraîtrait
incomplète, souvent même repoussante.
Les régions latérales et moyennes du visage appelées
joues sont servies chacune par un certain nombre de
muscles importants : le muscle buccinateur (1), le
masséter (2), le grand et le pelit zygomatiques, une
portion du peaucier, et par un tissu cellulaire abon-
dant.
Les sentiments et les passions viennent surtout se
refléter et s'épanouir sur les joues. Les émotions in-
térieures, par un accroissement ou un ralentissement
du sang, les colorent subitement ou leur donnent
une pâleur à laquelle personne ne se méprend.
Ces mouvements d'expression, dans les larmes
comme dans le rire, sont inséparables soit du jeu des
yeux, soit des mouvements de la bouche. Leur re-
lation intime avec ces deux organes est très visible.
Nous avons vu dans les mouvements directs ou
immédiats de la physionomie le dessin des diverses
sensations provenant du monde extérieur. Ces mou-
vements, etîet de la valeur qualificative de la sensa-
(1) Situé clans l'épaisseur do la joue. Lorsque les lèvres sout raj)-
prochées, il applique les joues contre les arcades dentaires, soit pour
faciliter la mastication, soit pour pousser Pair hors de la bouche.
(2) Le masséter sert aux niouvoments de la mâchoire dans la mas-
tication.
N. Q. — DE L\ PHYSIONOMIE. 437
tion_, prêtent, par une loi d'équilibre et de retour
compensateur, leur concours à chaque organe pom*
faciliter l'impression des sentiments intérieurs que les
nerfs doivent transmettre au cerveau. On appelle ces
autres mouvements: mouvements auxiliaires.
Quant aux sensations douloureuses telles que la
faim, la soif, certains malaises physiques, leurs expres-
sions varient selon les individus, les habitudes, les
tempéraments.
L'expression particulière à ces sensations se traduit
surtout, lorsque la sensation est douloureuse, par une
altération générale et spéciale des traits de la face ;
si elle est la preuve d'un appétit exagéré des sens,
par l'éclat inusité et fébrile du regard.
DE LA SENSIBILITÉ AFFECTIVE
(passions de l'aue)
Les mouvements pathognomoniques (1] sont les
marques extérieures des passions.
Par l'habitude, en devenant la traduction des sen-
timents moraux, des désirs, des passions, des diver-
ses émotions, ces mouvements s'impriment et se fé-
(1) Pathognomo^iique : se dit des signes caractéristiques d'uiie af-
fection.
458 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
condent sur le visage de ceux qu'ils agitent souvent.
Ils se produisent avec le concours du front, des
sourcils dont la contraction rapide permet d'apprécier
les moindres modifications du moi, dans le regard
surtout, qui, indiscrètement, dévoile sans que nous
nous en doutions les plus intimes de nos sensations ;
dans les joues que la passion colore ou fait pâlir ;
dans les lèvres, qui, certes, ne jouent pas le dernier
rôle dans tout cet ensemble de la physionomie. Se
prêtant à toutes les combinaisons, les lèvres ont, dans
l'envie comme dans le mépris, dans la haine comme
dans l'amour^ dans la douleur comme dans le plaisir,
des mouvements particuliers qui symbolisent admira-
blement les affections bienveillantes ou malveillantes.
Ces mouvements instantanés et involontaires peu-
vent être pour la plupart couramment imités, ils ser-
vent beaucoup dans la mimique faciale et suppléent
parfois d'une manière saisissante au langage articulé.
De même que, en touchant aux mouvements d'ex-
pression des sensations, nous rencontrions la sensi-
bilité à l'état plus spécialement passif puisque ces
mouvements dépendaient directement du mode d'im-
pression faite sur les organes, de même ici nous
rencontrons la sensibilité plus spécialement à l'état
actif ou affectifs puisque le sens donné ici au mot
passion équivaut à ceci : principe de toute activité
N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 4o9
provenant du désir, de Taversion ou de l'irritabilité.
On divisera donc les passions en passions concu-
piscibles ou passions qui naissent de la concupis-
cence ou du désir ; en passions répulsives ou passions
qui naissent de l'aversion ; en passions irascibles ou
passions qui naissent de l'irascibilité.
Spurzheim a adopté, d'après son système phréno-
logique, une classification des passions qui pourrait
se rapporter suivant leur genre à l'un des trois groupes
que nous adoptons.
Quant à Fourier, qui ne voit dans les passions que
divers modes iV attraction^ il ne paraît pas avoir tenu
assez compte de certaines antipathies de l'âme, de
certaines fureurs toutes spontanées dans lesquelles
il n'est guère possible de faire intervenir l'attraction
que par un véritable jeu de subtilité.
Examinons maintenant au point de vue physiono-
mique ces trois groupes de passions.
Les passions concupiscibles ou expansives ont leur
source dans le désir. Répondant à des besoins du
corps, du cœur, de l'esprit, de l'imagination et de
l'état de la société, elles sont physiques, morales,
intellectuelles et sociales.
Le désir en soi est un mouvement spontané ou ré-
fléchi qui aspire à la possession d'un bien ou de ce
qu'on regarde comme un bien.
460 N. 0. — DE LA PHYSIONOMIE.
Spontanés ou réfléchis, les désirs idiosyncrasi-
ques (1), lorsqu'ils sont violents, deviennent des
passions par leur réitération fréquente; et jusqu'à ce
que celles-ci soient satisfaites, elles bouleversent
quelquefois si profondément notre être qu" elles affo-
lent l'esprit. C'est bien alurs que les manifestations
externes du moi deviennent visibles et qu'on le sent
vivre et s'agiter sous l'enveloppe du corps qui l'em-
prisonne et limite son action.
Dans toutes les passions concupiscibles où la satis-
faction prime les autres émotions, comme dans la
sensualité, l'amour charnel, la figure humaine est
comme enluminée par l'espérance de la possession :
c'est, on le dirait presque, une dilatation soudaine
des muscles qui fait circuler plus à l'aise les courants
de la vie.
Cependant, lorsque le regret, la crainte, l'avarice,
l'envie, la jalousie, la cupidité, la convoitise, se trou-
vent mêlés aux passions concupiscibles, l'épanouisse-
ment des traits disparaît alors, la face ne rayonne
plus, et un éclat concentré du désir jaloux ou craintif
se réfugie dans le regard. En paiiaiit de cette con-
voitise malhonnête, on peut dire avec vérité qu'elle a
(1) Idiosyncraxie : disposition qui fait que chaque individu a
une susceptibilité particulière, une manière à lui propre d'être in-
fluencé par les divers agents capables d'impressionner d'une façon
quelconque nos organes.
N. Q„ — DE LA PHYSIONOMIE. 46}
l'œil ardent, la bouche sèche, les mains vides, et
ajoutons avec Voltaire qu'alors le désir est une dou-
leur commencée.
Dans la gourmandise, l'œil s'ouvre si démesuré-
ment et se fixe avec tant de persévérance sur cer-
taines friandises que Fon dit du gourmand qu'il les
mange du regard. Ses narines se réjouissent en aspi-
rant le fumet qui s'élève d'un mets ; la bouche
distille une salive abondante pour faciHter d'avance
les actes de la déglutition, les joues se colorent et
témoignent ainsi du contentement intérieur qu'é-
prouve le gourmand.
L'homme amoureux ne peut dérober aux autres le
secret qui émeut ou trouble son cœur; son regard
animé trahit ses ardeurs. La concupiscence, dans
toute la force du mot, attise ce feu et darde ces étin-
celles que le langage métaphorique des poètes a
rendus familiers dans tous les pays. En observantle pre-
mier amoureux venu, on constatera que la bouche
toujours prêle à sourire se dessine gracieusement,
que les angles des lèvres, légèrement relirés vers les
joueS;, contribuent à les arrondir, que la face respire
la joie, que le front dégagé de toute ride se dé-
veloppe harmonieusement avec l'ensemble des traits
et apporte ainsi sa part à l'expression du désir ré-
pandue sur tout le visage.
462 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
Ainsi donc, pour les besoins physiques comme pour
les besoins du cœur, l'expression du visage inter-
prète éloquemment et immédiatement le degré de
passion qui nous tourmente et nous tient sous sa
puissance.
Il en est de même pour les passions qui ont leur
source dans les besoins sociaux ou intellectuels.
Regardez l'homme qui n'a d'autre passion que celle
des arts ; amoureux du beau sous toutes les formes,
vous le voyez soudain, à l'aspect d'une œuvre d'art,
dans le ravissement qui indique les grandes passions ;
l'œil ardent n'exprime plus cependant cette convoi-
tise qui se trouve dans le regard de l'amoureux. C'est
bien toujours une flamme, mais une flamme plus sub-
tile, plus immatérielle qui indique la nature esthé-
tique de la passion.
Pour les passions qui ont leur origine dans les be-
soins sociaux, il y a ce je ne sais quoi d'inquiet que
trahit une certaine mobilité de l'œil.
Les muscles de la joue donnent au bas du visage
et aux faces latérales une dureté d'expression qui se
retrouve chez l'ambitieux comme chez l'homme avide
de commandement ; les sourcils se baissent et par-
fois se froncent par l'habitude et la réflexion des
préoccupations et des déterminations à prendre; il y
a dans toute la physionomie un air de décision et
N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 4C3
d'enthousiasme qu'on rencontre principalement chez
heaucoup de mihtaires au type martial.
Parmi les passions répulsives, prenons comme
exemple la crainte ou plutôt la peur.
Les traits du peureux sont curieux à observer :
lorsfpi'il est en proie à l'un de ses accès, le visage se
décolore subitement, les sourcils se relèvent et de-
meurent dans cet état de contraction pendant que
l'œil, démesurément ouvert, semble regarder quelque
chose d'invisible ; la bouche et les lèvres sont béantes,
tous les muscles s'agitent, et les membres fléchissent
au point d'empêcher parfois la fuite. Sans doute, ces
effets ne sont pas toujours aussi caractéristiques, mais,
à un degré plus ou moins prononcé, on les retrouve
chez la plupart des peureux.
La haine a également des caractères tout particu-
liers de physionomie.
On trouve, parfaitement exprimé sur la figure, ce
sentiment du jnoi envieux et jaloux qui le pousse à
éloigner l'objet de son aversion et même à lutter
contre lui pour le détruire : la peau du front se ride,
les sourcils se froncent, l'œil a un éclat métallique tout
particulier, les ailes du nez se tendent, les lèvres se res-
serrent comme pour empêcher le sentiment de s'échap-
per, les régions latérales du visage sont tirées nerveu-
sement et ne peuvent dissimuler une répulsion fébrile.
if)4 N. Q. — DE LA PIIYSIONOMIE.
Examinons les caractères principaux des passions^
irascibles.
Toute colère, étant un besoin excessif de réaction
déterminé par une souffrance physique ou morale, se
traduit selon les circonstances par l'impatience, l'em-
portement, la violence et la fureur. Suivant les tem-
péraments, elle peut varier dans sessymptômescdmme
dans son caractère. La colère rouge et la colère pâle
sont les deux formes qu'elle affecte.
Les individus sanguins sont plus exclusivement
disposés à la colère rouge.
Quand cette colère se produit, le cœur bat violem-
ment et le sang, refluant vers les extrémités, colore
la face qui va jusqu'à devenir parfois violette. Cet état
donne naissance à des mouvements brusques et sac-
cadés dont on ne peut se rendre maître ; la respi-
ration se presse, les veines du visage et du cou se
gonflent, l'œil lui-même est injecté de sang et paraît
se détacher de son orbite ; en même temps, les mus-
cles des lèvres, agissant brusquement sur elles, met-
tent les dents à découvert, d'où l'expression « mon-
trer les dents à quelqu'un », les paroles s'accumulent
et se heurtent sans pouvoir sortir de la bouche qui
laisse échapper des exclamations violentes et entre-
coupées.
Bans la colère blanche, qui se remarque surtout
N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE. 468
chez les individus lymphatiques, le sang paraît au
contraire se refouler vers le cœur, la respiration est
oppressée, le pouls petit, mais fréquent, le regard
fixe, les mâchoires violemment serrées, une sueur
froide se répand par tout le corps, et la face, immo-
bile et silencieuse, semble ne vouloir concentrer son
émotion que pour en mieux favoriser l'explosion.
Généralement, dans ces aveugles transports,
l'homme n'écoute plus la voix de la raison.
DE LA SENSIBILITÉ INTELLECTUELLE.
(opérations de l'esprit.)
A côté du monde physique et du monde affectif est
un autre monde, monde tout intérieur que nous nous
faisons à nous-mêmes, monde intellectuel où le sa-
vant, le littérateur, le poète, l'artiste, le voluptueux
même se créent des jouissances idéales d'un charme
sans pareil, d'une fraîcheur sans égale.
Toutes les idées, bien qu'elles soient notre propre
création et qu'elles n'existent que dans le cerveau,
acquièrent bientôt, néanmoins, en vertu de la puis-
sance visuelle de l'imagination, une certaine réa-
lité extérieure en quelque sorte à nous-mêmes et,
grâce au caractère intime de cette réalité, exercent
quelquefois sur nous la plus grande influence.
30
466 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
Or, l'union existant entre Tànie et le corps est telle-
ment entière, qu'il est à peu près impossible que les
produits de l'esprit ne se manifestent visiblement par
un signe particulier qui est comme la contre-épreuve
de l'image de la pensée.
Ces mouvements d'expression prennent, lorsqu'ils
décèlent l'effort venant même d'un esprit non cultivé,
le nom de sijmboliques .
L'exemple du joueur de billurd cité par M. Che-
vreul est assez frappant : la bille vient-elle à tromper
l'attente de celui qui l'a poussée, immédiatement vous
voyez le joueur prendre diverses attitudes et changer
graduellement de physionomie ; ses yeux, sa tête, ses
épaules, son bras accompagnent la bille dans son
trajet, comme si, par ces mouvements, parfois comi-
ques pour les autres spectateurs, il pouvait augmenter
ou diminuer, redresser ou infléchir le parcours inat-
tendu de sa bille.
Disons toutefois que les mouvements symboliques se
distinguent des mouvements f///rc/5par deux caractères
bien tranchés : 1" ils sont habituellement plus faibles;
2° ils sont généralement accomplis automatiquement,
c'est-à-dire en dehors de la volonté de l'individu.
Il est une dernière classe de mouvements pliysio-
nomiques qu'il est également nécessaire de signaler.
Les opérations intellectuelles peuvent être expri-
N. Q, — DE L\ PHYSIONOMIE. 467
niées parties termes désignant les phénomènes propres
aux opérations corporelles; dans le langage habituel
on dit métaphoriquement : Je sens, je goûte : j'entends
cette proposition, bien que les sens du goût, de
l'ouïe, de l'odorat ne soient nullement en jeu dans
cette circonstance.
A ces métaphores du langage se joignent générale-
ment des mouvements d'expression qui indiquent
métaphoriquement dans le langage de la forme visible
les jugements que nous portons sur les choses d'art,
de style, etc..
On Voit que, si une proposition nous agrée et est
acceptée par l'esprit, nous témoignons notre senti-
ment par des mouvements parfaitement intelligibles ;
l'œil s'ouvre plus grand et montre avec évidence sa
satisfaction comme dans l'acte de la vision facile ; les
narines se gonflent comme si un parfum était aspiré ;
la bouche indique de diverses manières son conten-
tement, elle s'arrondit avec grâce et semble dé-
guster une hqueur d'un goût particulier. — L'idée
soumise au jugement nous paraît-elle difflcile à
examiner, l'expression des traits change soudain, les
yeux semblent voir avec peine et deviennent interro-
gateurs ; les narines se resserrent comme pour ne pas
aspirer une odeur suspecte ; on dirait que les oreilles
écoutent des sons confus.
468 N. Q. — DE LA PHYSIONOMIE.
Ce qu'on nous dit nous révolle-t-il, on agile vio-
lemment la tète comme pour se débarrasser d'un
poids importun ; toutes les expressions physiques
du dégoût ou de l'horreur se réunissent, témoignant
ainsi extérieurement de la souffrance intellectuelle
que nous éprouvons.
Des in-quarto ne suffiraient pas, s'il fallait retracer
ici l'innombrable quantité de mouvements métapho-
riques qui, dans la vie quotidienne, se joignent aux
paroles pour exprimer, pour rendre ce que la parole
est parfois incapable de traduire.
La description suivante, empruntée à Gratiolet,
fera bien ressortir rextréme variété de ces mouve-
ments :
« On rencontrait souvent autrefois et l'on trouve
« encore aujourd'hui quelques-uns de ces lecteurs
« délicats, dont l'espèce était très commune au com-
« mencement de ce siècle.
« J'en ai vu lire' quelques-uns ; il me semble les
« voir encore.
« Ils se recueillaient doucement, rapprochant au-
« tant que possible leur livre de leurs yeux à demi
« fermés par un léger sourire. Cependant, leurs
« narines semblaient, par leurs mouvements, à la
« lecture de certaines pages, s'enivrer d'un parfum
« céleste ; mais combien plus éloquents encore étaient
N. Q. — DE LA PilYSIÛNO.MIE. 469
« les mouvements de leur bouche ! les lèvres, amou-
« reusement souriantes, dégustaient avec délices ; de
« petites fossettes se dessinaient alors sous les joues,
« exprimant une attention soutenue etcharraée; puis,
« à la suite de ces mouvements, survenait une dé-
« glutition satisfaite ; on voyait alors notre lecteur se
(' rengorger légèrement, et la scène se terminait par
« un soupir fpi'accompagnait parfois un petit appel
« de langue tout à fait significatif. Tout cela ne nous
« dit-il pas que le lecteur charmé s'enivrait à la fois
c( delà saveur du style, des ingrédients de la phrase,
« des parfums de Texpression? — Or, d'un homme
« qui lit ainsi, vous direz : C"est un homme de goût,
« n'est-ce pas une preu\e entre mille que les méta-
« phores physiognomoniques sont parallèles aux mé-
« taphores du langage? »
Parmi les mouvements métaphoriques, les (/estes et
les attitudes du corps sont sans contredit ceux qui
jouent les rôles les plus considérables.
En raison de cette importance nous leur consacrons
deux notes distinctes.
Pour résumer la note sur la physionomie, nous
470 N. Q. — DE LA PHYSIÛ.NOMIE.
disons que les mouvements d'expression des traits
du visage se décomposent :
1° Pour la sensibilité physique , en mouvements
directs et sympathiques;
2° Pour la sensibilité affective, en mouvements
pathognomoniqiies ;
3° Pour la sensibilité intellectuelle, en mouvements
sijmboliques et métaphoriques.
NOTE R
DU GESTE
DEUXIEME TABLEAU
NOTE R
DU GESTE.
La Chirologie et plus spécialement le Geste, com-
prennent les mouvements du bras, de la main et des
doigts.
Comme la physionomie, le geste sert à dessiner par
analogie nos sensations, nos émotions et nos volontés.
Si rétude du jeu de la physionomie avait dans
l'antiquité moins de faveur qu'aujourd'hui, sur la
scène du moins, puisque là ils se servaient de mas-
ques;, il n'en était pas de même du geste proprement
dit. — Nous voyons, chez les anciens, que l'art du
geste était de tous les arts libéraux celui qu'ils pra-
tiquaient le plus. Ils excellaient dans la mimique
manuelle et poussaient le scrupule si loin que chez
eux elle était souvent séparée du débit : pour exé-
cuter un même rôle, il y avait deux acteurs, l'un
parlait et l'autre gesticulait.
Dans l'art oratoire, Démosthène réduisait presque
474 N. H. — DU GESTE.
tout à l'action, c'est-à-dire au geste qui accompagne
la diction. Selon lui Y action était le commencement,
le milieu et la fin du génie de l'orateur.
Cicéron appelait l'action oratoire le langage du
corps, sermo corporis ; dans ses divers traités de
rhétorique, il lui consacre une place importante.
Fénelon dit à son tour : « Il faut que l'orateur
exprime par une action vive et naturelle ce que ses
paroles seules n'exprimeraient que d'une manière
languissante. »
Et cela est bien vrai quand on songe que le langage
d'action qui s'adresse surtout au sentiment, nous
alTecte bien plus vivement que la parole convention-
nelle qui s'adresse surtout à l'intelligence.
Rien en efîetde plus significatif et de plus expressif
que le geste, surtout lorsqu'il s'harmonise avec la
voix : naturel ou affecté, froid ou passionné, bas ou
noble, caressant ou menaçant, il est certainement
limage fidèle de l'homme intérieur par Ihomme
extérieur.
Dans leurs mouvements, les bras et les mains em-
pruntent toujours un cachet tout personnel de raideur
ou de nonchalance, de vivacité ou de douceur, de
vulgarité ou de dignité, selon le sexe, l'âge, le carac-
tère, le tempérament et les (jualilés bienveillantes ou
malvoillanles de l'individu.
N. R. — DU GESTE. 475
Grâce à cette faculté que la main possède de pou-
voir opposer le pouce aux autres doigts, nous lui
sommes redevables de tous les arts. Cette précieuse
mobilité en fait également dans le cas qui nous oc-
cupe l'interprèle le plus fidèle de nos pensées et de
nos sentiments.
C'est par cet attribut, dii Montaigne, que nous re-
quérons, promettons, appelons, congédions, mena-
çons , prions , supplions , refusons , interrogeons ,
commandons, imitons, encourageons, témoignons, ac-
cusons, condamnons, absolvons, méprisons, applaudis-
sons, bénissons, moquons, humilions, réconcilions,
écrions, taisons, etc. , etc. — Son rôle on le voit est de
tous les instants, et il n'est point d'acte physique, sen-
sible, ou purement moral et intellectuel, dont elle ne
puisse exprimer la valeur; aussi Yirey n'a-t-il pas été
trop loin lorsqu'il a appelé la main l'organe par ex-
cellence.
Yoyons maintenant le rôle que joue le geste dans
la plupart des mouvements qui se rapportent à un
i\c[e p/njsiqiie, affectif o\x intellectuel.
GESTE DE L'ORDRE PHYSIQUE.
Au point de vue purement physique, la main nous
sert à saisir les objets ou à les repousser, à les fa-
çonner ou à les détruire.
476 X. R. — DU GESTE.
Envisagés sous ce quadruple aspect, ces mouve-
ments nous donneront, par la suite, la clef de bien
des mouvements dans les gestes de l'ordre affectif ou
intellectuel.
Et ce n'est qu'après avoir étudié au point de vue
physique, affectif ou intellectuel le rôle naturel du
bras et de la main qu'il sera possible de concevoir net-
tement la vérité de leur jeu dans l'improvisation
simulée et dans la lecture expressive.
Dans les opérations physiques, la main et le bras
sont les instruments dont notre moi se sert pour se
mettre en relation par l'organe du toucher avec le
monde extérieur.
Quand on désire s'approprier un objet, la main
guidée par l'organe de la vue se dirige vers lui;
alors les mouvements du bras sont plus ou moins
rapides, plus ou moins gracieux, suivant que le dé-
sir qui nous excite est plus ou moins ardent, plus ou
moins sincère ou spontané.
Il serait impossible de trouver dans la langue des
termes précis pour caractériser nettement la diffé-
rence, sensible à l'œil cependant, des mouvements
qui par exemple procèdent de la curiosité ou de Ta-
mour.
Dans l'un comme dans l'autre cas, le désir a des
degrés qui se traduisent instinctivement par des
N. R. — DU GESTE. 1-77
moiivoments correspondants de lenteur ou de promp-
titude. Quelque chose d'arrondi dans le dégagement
du bras accompagne les mouvements des désirs
amoureux, tandis que ceux de la curiosité sont géné-
ralement brusques, secs, dépourvus de ce que l'on est
convenu d'appeler le charme.
Pour repousser un objet, les mouvements en sens
inverse se retrouvent avec les mêmes nuances de
rapidité ou de lenteur, selon que la curiosité satisfaite
ou l'aversion nous porte à nous en débarrasser.
L'objet déplait-il? nous le lançons ou l'écartons
avec violence suivant sa nature ou nos forces ; veut-
on simplement s'en défaire, on le dépose tranquille-
ment à côté de soi, avec une certaine précaution, et.
dans ce dernier cas, on agit avec une prudence dont
le degré varie suivant la fragilité de l'objet.
La main sert-elle d'instrument pour façonner, les
mouvements appropriés au but du travail adoptent
mille formes et leurs degrés de vivacité ou de lenteur,
de force ou de délicatesse, ont encore leur régulateur
dans la nature de l'œuvre, la qualité de la matière,
l'ardeur de la volonté.
Les gestes qui accompagnent la destruction sont
moins variés.
La violence et la nature du geste sont en raison
des difficultés rencontrées pour anéantir un ob-
4~8 is. R. — DU GESTE.
jet, en raison aussi de Tirascibilité du caractère.
De ces quatre sortes de gestes accompagnant les
opérations physiques et qui^, dans le cours liabituel de
la vie, se trouvent multipliés à l'infini, nous ne dis-
tinguerons que le caractère général ; vouloir les ana-
lyser en détail serait superflu et n'aurait d'ailleurs
aucune utilité pratique.
Les gestes iïappréJieyisioii partent du centre per-
sonnel pour aller à l'extérieur saisir l'objet que nous
ramenons ensuite vers l'organe principal qui peut en
connaître les qualités ; leur fin est intérieure.
Les gestes de répulsion ou d'éloignement partent
aussi du centre pour rejeter ou déposer à l'extérieur
les objets dont on ne veut plus; leur fin est exté-
rieure.
Les gestes de fabrication s'exerçant sur un objet
extérieur à nous, concordent avec le travail intérieur
de la pensée dont ils ne sont que la formule exté-
rieure ; on les appellera mouvements concordants^
leur fin étant de façonner sympathiqucment à l'exté-
rieur ce que nous fabriquons sympathiquement en
nous.
Enfin les gestes de destruction s'exerçant égale-
ment sur un objet extérieur indiquent Tétat de dis-
sentiment qui existe entre l'esprit et cet objet. On les
appelera discordants , leur fin étant de manifester vi-
i\. ïi. — DU GESTE. 4:9
siblement le désaccord qui existe entre la volonté
et l'objet extérieur.
Ainsi, à ces deux termes p?'e)idre et éloigner cor-
respondent deux classes de gestes qui ont cependant
dans leur division un caractère commun : 1° pour
V appréhension, mouvements de dedans en dehors,
puis de dehors en dedans ; 2" pour Y éloignement , mou-
vements de dedans en dehors.
De même, à ces deux teimes façonner et détruire
correspondent deux classes de gestes qui encore ont
chacune dans leur division un caractère commun :
1° mouvement concordant de précaution pour la
fabrication ; 2° mouvement discordant de violence
pour la destruction.
En dégageant le caractère de ces gestes, on arrive
à la certitude philosophique de la théorie du geste.
GESTE DE L'ORDRE AFFECTIF.
Dans les gestes de l'ordre affectif, la main et le
bras n'ont plus à s'occuper des objets extérieurs.
On les considère simplement comme les agents visi-
bles et mobiles des modifications du moi. Ils donnent
aux sentiments passionnels leur meilleur commen-
taire, parce qu'il est tout à la fois le plus compréhen-
sible et le plus court.
480 N. R, — DU GESTE.
Les caractères généraux des gestes atîectifs sont
les mêmes que ceux des gestes qui accompagnent
les opérations physiques.
Dans le désir, les mains, comme dans les gestes
d'appréhension, quittent le centre pour se porter à
l'extérieur; seulement l'objet du désir étant insaisis-
sable, les mains restent ouvertes et mollement ten-
dues comme si elles étaient prêtes à prendre l'objet
mentalement convoité.
Ce geste est commun à toutes les affections qui
ont leur source dans le désir.
Dans l'aversion, les mains se portent aussi au
dehors ; seulement elles s'arrêtent à mi-chemin et se
relèvent droites, la paume tournée vers l'extérieur
comme pour empêcher l'objet invisible d'approcher
et pour le repousser.
Dans l'irritation, les bras et les mains s^agitent
pour briser et mettre à néant ce qui fait l'objet du
tourment de l'esprit.
Ici encore la vivacité, la lenteur, la rudesse ou
le modelé du geste, seront en raison directe des
émotions, de leur caractère de sympathie relative,
d'antipathie ou d'irritation.
GESTES DE L'ORDRE INTELLECTUEL.
Pour exprimer, par métaphore, les modifications
N. R. — DU GESTE. 481
de la sensibilité intellectuelle, les caractères simi-
laires se retrouvent : gestes de désir, d'aversion, de
colère, geste pittoresque ou expressif ayant un sens
déterminé ou indéterminé.
Les gestes naturels ou conventionnels ayant un
sens déterminé ou indéterminé faisant partie de
Tordre affectif ou de l'ordre intellectuel sont les
seuls dont nous ayons à nous occuper.
En effet, seuls, ils jouent un rôle dans Y improvisa-
tion réelle on simulée, dans la déclamation ou dans
la lecture à haute voix.
DES GESTES AYANT UN SENS DÉTERMINÉ.
« Le seul moyen de parvenir à la complète con-
« naissance du geste, dit Lessing, c'est d'étudier les
« nuances particulières que nous offrent les signes
« extérieurs des passions suivant la variété des tem-
« péraments et d'en former une méthode générale
« qui deviendra d'autant plus vraisemblable que cha-
(( que homme y trouvera la nuance individuelle qui
« lui est propre. »
Ce que dit Lessing est fort juste. Toutefois, si l'on
suivait scrupuleusement le conseil qu'il donne, on
courrait risque de se heurter parfois à des contra-
dictions de gestes qu'il serait bien difficile d'expliquer.
31
482 N. R. — DU GESTE.
Quelques gestes auxiliaires indicatifs et quelques
gestes conventionnels rentrent également dans la
classe des gestes ayant un sens déterminé.
Les gestes ayant un sens déterminé qui expriment
les diverses modifications du moi sont expressifs ou
pittoresques.
Bien qu'il n'y ait point de relations nécessaires
entre les gestes volontaires et pittoresques, et les
gestes involontaires et expressifs, on constate néan-
moins que les gestes pittoresques procèdent de la
volonté, tandis que les gestes expressifs sont spon-
tanés et comme involontaires.
Dans le langage mimique des passions, c'est sur-
tout le geste expressif ou geste rendant visibles les
émotions intérieures, que l'on retrouve à chaque ins-
tant; c'est donc par lui que nous commencerons.
Le geste pittoresque ou geste représentant sensi-
blement la peinture de la chose qui occupe l'esprit,
ayant plus de rapport avec la langage intellectuel,
sera étudié en second lieu.
Les gestes expressifs peuvent être divisés en trois
groupes de gestes : les gestes motivés; les gestes
analogues ; les gestes physiologiques.
Considéré dans sa cause et dans sa valeur formelle,
le geste motivé provient des aspirations et des mou-
vements de l'âme vers les objets extérieurs. Ce geste
N. R. — DU GESTE. 483
fait double fonction, pour ainsi dire ; en tout cas il
a une puissance métaphorique, lorsque le désir s'a-
dresse à un être intelligent.
Comme exemple du geste expressif motivé em-
ployé métaphoriquement, prenez un professeur
instruisant un enfant. Au commencement de la leçon,
l'attention de l'élève est en éveil et n'a besoin d'au-
cun stimulant : il est tout entier à l'étude. Peu à peu
cependant l'attention de l'élève se ralentit. — Le pro-
fesseur alors soit en élevant la voix, soit par un jeu
plus expressif de physionomie, soit par une série de
gestes pittoresques cherchera à occuper ses facultés
prêtes à s'engourdir, puis, si l'attention diminue en-
core, vous le verrez s'approcher de l'élève, le pren-
dre par la main, par le bras, par le vêtement pour
l'attirer et même le secouer au moment où son at-
tention semble disparaître.
Le geste du désir, quand il a pour objet un être
libre, est dilféreht de l'expression du désir, qui a
pour objet un être passif.
L'expression du désir, dans ce premier cas, se
révèle par l'emploi habilement ménagé de procédés
moraux et de moyens physiques. — Selon le tempé-
rament des personnes et la nature des rapports qui
existent entre elles, les gestes sont pleins de motifs
et s'accusent différemment avec des mines et des al-
484 N. R. — DU GESTE.
tiliules variées. Tantôt ce sont des gestes caressants
quiflattentrorgueil, des expressions de visage enjouées
et amicales qui charment un naturel agréable, tantôt
ce sont des expressions naïve, et engageantes qui opè-
rent sur l'âme une heureuse transformation, tantôt
enfin ce sont des attitudes fières et provocantes qui
inspirent la crainte ou des gestes calculés, accompa-
gnés d'un air maussade qui amène la fatigue, l'ennui
et même le dégoût. Dans le premier cas, on cède à
l'attraction par plaisir ; — dans le deuxième à l'a-
version par déplaisir. Dans le premier, on accorde la
chose désirée pour récompenser des émotions agréa-
bles ; dans le second pour s'en épargner de désa-
gréables.
Les gestes qui sont appelés analogues corres-
pondent aux mouvements d'expression qui ont été
appelés symboliques dans la note précédente.
Les raisons des gestes analogues sont: i" l'in-
fluence secrète et réciproque des idées claires et
obscures; 2° la tendance qu'a le moi à rapporter
des idées intellectuelles aux idées matérielles, de les
métamorphoser pour ainsi dire en celles-ci, ou du
moins de les y enchaîner, et, suivant l'instinct qui en
est la suite, d'imiter par des modifications corpo-
relles et figurées leurs propres modifications intel-
lectuelles.
N. R. — DU GESTE. 483
Ils sont fondés sur cette tendance que nous avons
de ramener à des expressions sensibles les phé-
nomènes intérieurs de notre être, comme lorsque
nous écartons de la main des idées qui n'existent
que dans notre for intérieur et auxquelles on refuse
l'assentiment, des fantômes qui n'habitent que dans
le cerveau. Ces gestes sont également fondés sur
l'influence réciproque que les idées ont les unes sur
les autres.
C'est de cette manière que se produisent ces mou-
vements d'accélération ou de ralentissement dans
les bras qui s'entrelacent ou se déploient, suivant le
cours des idées, et ce caractère commun à tous les
gestes, de rapidité ou de lenteur, suivant l'intensité
du désir.
Cette analogie se retrouve encore à un sensible
degré dans le jeu des mains.
Lorsque les idées se développent sans difficulté,
le jeu des mains est Hbre, sans gêne, aisé, fa-
cile.
Quand la pensée est arrêtée dans sa marche ou
poussée vers toutes sortes de roules étrangères, les
mains inquiètes s'agitent en tout sens et se meuvent
sans dessein vers la poitrine et vers la tête, ou la
main étendue se replie sur elle-même.
A ce jeu des mains joignons pour mémoire celui
486 iN. H. — DU GESTE.
de l'œil dont les mouvements sont alors en raison
des mouvements de la main.
Les gestes expressifs que Ton appelle physiolo-
giques sont les modifications physiques qui accom-
pagnent les transports intérieurs de l'àme, tels
que le rire, les larmes, la colère, la pâleur, la rou-
geur. A ces états physiologiques du moi corres-
pondent des gestes physiologiques tels que les mains
se portant sur la figure dans un mouvement expressif
de douleur, les mains se frottant l'une contre l'autre
pour témoigner d'une joie réelle, le tremblement des
bras et des mains dans la peur, et l'agitation du pied
dans la colère.
Ces gestes physiologiques varient parfois d'une
manière très sensible. Ils constituent les tics, les
manies et ne peuvent guère s'expliquer que par di-
verses irritations du système nerveux.
Bien que les sentiments et les expressions des
gestes soient variés de mille manières, leur essence
cependant n'est jamais altérée ni par les détermi-
nations caractéristiques de la nature morale de l'indi-
vidu ni par l'organisation de son corps. C'est ainsi
que dans les divers témoignages d'amitié, par exemple :
serrement de main, baiser, embrassement, nous
trouvons comme caractère général le penchaiit^ la
tendance à s'unir. — Cette expression do l'amitié.
N. R. — DU GESTE. 487
change pourtant parfois singulièrement d'aspect.
Chez les importants, nous trouvons une hyperbole
parfois ridicule dans les témoignages d'amitié, tandis
que chez les humbles les mêmes expressions sont
souvent moins hyperboliques, un peu rudes parfois,
en tout cas presque toujours exemptes de dissimu-
lation.
Le geste pittoresque est la représentation sen-
sible d'une chose qui occupe l'esprit.
Tout geste qui la représentera d'une façon plus
ou moins exacte sera donc plus ou moins pitto-
resque.
On ne peut représenter exactement que les lignes^
la tenue, les modifications d'un corps semblable
au nôtre ; tout ce que voudra peindre le geste au delà
ne produira que des propriétés isolées et des qualités
généralisées.
Le geste pittoresque émane ou bien de la viva-
cité de la représentation qu'on se forme d'un objet,
ou bien du désir de réveiller en autrui celte repré-
sentation. Ces deux causes peuvent se succéder et
l'emporter alternativement dans le dessin des gestes
pittoresques, mais en général elles se trouvent réunies.
Que fait un père pour montrer à son fils le ridicule
et le mauvais ton de telle tenue ? — Il lui représente
l'un et l'autre avec exagération. Que fait la gouver-
488 N. 11. — DU GESTE.
nanle avec son baby pour l'initier aux usages du
monde et lui donner le goût de l'élégance dans les
mouvements du corps et les attitudes? — Elle s'offre
elle-même comme le modJleà suivre et par son main-
tien elle s'efforce de justifier cette prétention.
Que fait un accusé devant le tribunal pour légitimer
la violence première qui lui est reprochée? — En
faisant le récit de ce qui s'est passé, il s'empresse de
représenter par les bras, par les mains, par la physio-
nomie, les insolences, les provocations de son adver-
saire, qui l'ont déterminé à cet acte de juste correc-
tion qu'on lui impute maintenant à crime. — Dans
ces divers exemples, nous trouvons réunies les deux
causes des gestes pittoresques; la réprimande, l'in-
struction et la justification provoquent et amènent
l'usage de gestes pittoresques iiiiilatifs. Chacun de
ces résultats ne se peut obtenir qu'à l'aide d'une mi-
mique expressive.
Le geste pittoresque est j^arfait ou imparfait.
Le geste pittoresque est parfait lorsque l'objet qui
occupe la pensée est déjà lui-même un geste qui peut
être reproduit et qu'il suffit, pour le décrire, d'un
nouveau geste le retraçant exactement. Tels sont les
gestes du maître de gymnastique montrant à ses
élèves les mouvements et les exercices gradués de
ses leçons ; tels aussi les gestes d'un conteur qui
N. [\. — DU GESTE. ' 489
agrémente son récit en reproduisant les gestes de
ceux qu'il met en scène.
Les gestes de l'improvisation simulée et de la
lecture à haute voix se rapportent à cette classe de
gestes, puisque dans ces deux cas les gestes ont pour
but de copier fidèlement et de peindre les gestes qui
seraient faits dans l'improvisation proprement dite.
Le geste pittoresque est imparfait lorsqu'il désigne
incomplètement l'oltjet qui occupe la pensée.
Ici deux cas se présentent : ou bien l'objet qu'd
s'agit de décrire aiïecte tout à la fois les yeux et
d'autres sens^, ou il n'atTecle point du tout l'organe de
la vue.
Dans le premier cas, lorsqu'il s'agit de décrire un
objet qui intéresse, avec la vue, d'autres sens, le
geste pittoresque, bien qu'incomplet, sera suffisant
cependant si, en simulant par quelques gestes les
traits les plus saillants d'un objet, on éveille immé-
diatement dans l'esprit l'idée complète de cet objet;
tels sont les signes pittoresques dont on se sert dans
l'éducation des sourds-muets.
Dans le second cas, lorsque l'objet qui occupe la
pensée ne peut frapper l'organe de la vue, en un mot,
lorsqu'il s'agit de peindre visiblement des choses
abstraites, ce n'est que par analogie que le geste
obtiendra cette peinture.
490 N. R. — DU GESTE.
Il existe dans les objets extérieurs des qualités
qui, bien qu'affectant des organes différents, peuvent
néanmoins par suite de leur conformité entre elles,
être rappelées à notre esprit par certains caractères
généraux. C'est ainsi que si, en musique, on peut
simuler une course rapide par une succession de sons
précipités, de même, en langage des signes, des sons
doux et coulants seront exprimés par des gestes
simulant l'ondulation. — La plupart des gestes méta-
phoriques exprimant les opérations de l'entendement
sont classés dans cette seconde catégorie de gestes
pittoresques.
On a vu, d'ailleurs, dans la note sur la physio-
nomie, les mouvements expressifs du visage se prêter
admirablement à une réalité objective des phéno-
mènes psychologiques, en donnant des qualités physi-
ques <( aux s€7îs » invisibles de l'âme. De là, avons-
nous dit, ces expressions de goût ou de dégoût, de
saveur, d'odeur, etc., s'appliquant à des objets du
domaine exclusif de la pensée et traduisant méta-
phoriquement les impressions du moi.
Les mêmes signes métaphoriques se retrouvent
dans le geste proprement dit.
Quand une personne veut présenter une observa-
tion à quelqu'un, par exemple, elle simule le geste
de celui qui offrirait ou présenterait un objet sensible;
i\. R. — DU GESTE. 49!
si, au contraire, on rejette une proposition, aux
diverses expressions de la physionomie indiquant
cette répulsion, la main et le bras se portent en avant,
comme pour écarter un obstacle ou un objet qui vien-
drait nous heurter.
Il est une troisième classe de gestes qui ne sont
dans leur essence ni expressifs ni pittoresques. —
Ils servent à indiquer l'objet de la pensée, et se
traduisent par un mouvement du bras et de la main
se dirigeant vers cet objet. Ces gestes, très fréquents
dans la conversation, sont parfois semi-pittoresques,
semi-expressifs ; ils évitent à la parole des définitions,
des mots inutiles et sont une précieuse ressource ou
un puissant auxiliaire dans le langage mimique ou
dans l'évolution de certaines passions. Dans ce dernier
cas ils accompagnent le regard qui prend lui aussi la
même direction; nous les appellerons gestes auxi-
liaires-indicatifs .
Les gestes conventionels\diV\^ii\ suivant les peuples.
Les uns ravivent des traditions ou des usages dont
on a parfois perdu le souvenir ; les autres sont de pure
convention et n'ont que la signification qu'on veut
bien leur donner: tels le salut militaire, ou bien les
gestes qui pour les écoliers ou pour les sourds-muets
représentent la forme des lettres de l'alphabet dac-
tylologique. Encore parmi eux en trouve-t-ou qui,
492 N. It. — DU GESTE.
imitant le contour des lettres, peuvent être classés
parmi les gestes pittoresques.
Tous les gestes ayant un sens déterminé que nous
venons de citer, qu'ils se rapportent à l'ensemble
de notre être, qu'ils soient pittoresques, indicatifs,
expressifs, naturels ou conventionnels, ont un sens
généralement précis, car ils désignent ou bien telle
opération de l'ordre physique, affectif ou intellectuel,
ou bien ils peignent l'objet qui occupe notre pensée,
ou bien ils se contentent de l'indiquer, ou bien ils
expriment la nature des impressions du moi à l'égard
de cet objet, ou bien enfin, par convention, ils ont
tel ou tel sens déterminé.
GESTES AYANT UN SENS INDÉTERMINÉ.
11 est une seconde classe de gestes peu varies, il
est vrai, mais dont la fréquence vaut la peine que
nous nous y arrêtions.
Ils se présentent à chaque instant, dans la conver-
sation comme dans le discours, dans l'improvisation
simulée comme dans la lecture expressive; ils n'ont
par eux-mêmes aucune signification propre, ils suivent
la parole plutôt qu'ils ne l'expriment, sans toutefois
qu'il en résulte une peinture ou une expression pro-
prement dite.
.N. R. — DU GESTE. 493
Leur rôle consiste simplement pour celui qui les
fait comme pour celui qui les voit à relever tel ou
tel passage d'une lecture à haute voix, telle ou telle
pensée, tel ou tel degré d'élévation ou d'abaisse-
ment de parole.
La main étendue, l'index levé, plusieurs mouve-
ments des doigts, le bras lancé en avant dans toute
sa longueur, la main frappant doucement dans l'autre,
un léger hochement de tête appartiennent à cette
classe de gestes ayant un sens indéterminé.
Pour ordonner et nuancer ces mouvements, la
règle à suivre est semblable à celle qui dans l'ortho-
phonie mesure les comma régulateurs du son eupho-
nique et esthétique.
On peut s'en rendre compte.
De même que celui qui sait parler ménage ses forces
phonatrices pour produire dans une conférence à un
moment précis de certains frémissements glottaux,
de même dans l'usage des gestes indéterminés il
faut réserver les plus larges pour les pensées les plus
riches : l'élévation de l'index à la hauteur de l'œil,
la projection de la main ou du bras par exemple.
On sait que tout jeu uniforme ou continuel des
bras employé sans gradation est aussi froissant et
fatigant pour la satisfaction de l'œil qu'une constante
monotonie de ton peut l'être pour une oreille délicate.
494 iN- H. — DU GESTE.
Les gestes mécaniques ne sont guère que des effets
involontaires provenant de la fatigue musculaire ou
nerveuse ou de toute autre cause résidant dans l'éco-
nomie animale. Tels sont, le soir, l'aff'aissement des
paupières, la respiration difficile après une course
prolongée, les mouvements épileptiformes propres à
certaines affections, les mouvements tétaniques ou
clioléiques du bégaiement, la perturbation convul-
sionnaire des membres observée dans la danse
(le Saint-Guy ou Tépilepsie, les gestes qui accompa-
gnent certaines souffrances, etc.
Les règles à suivre dans l'imitation de ces modifi-
cations mécaniques du corps sont : rechercher les
moments propices pour observer la nature même
dans les effets qu elle n'offre qu'à de rares instants,
ne jamais perdre de vue le but que Ton veut atteindre
en les imitant, éviter de blesser les convenances par
une imitation trop servile.
L'artiste dramatique qui représente trop fidèlement
certaines pauses dont la vue seule, dans le commerce
de la vie, nous remplit de dégoût, court risque de
faire naître une impression opposée à celle qu'il se
propose de produire. On doit également proportionner
le degré d'imitation à la situation môme du moi
affectif.
N. R. — DU GESTE. 495
SYNONYMIE DANS LES GESTES.
Il est démontré par l'observation que le langage du
geste a des synonymes multiples comme ceux qui
existent dans la langue parlée.
Dans Tun et l'autre cas, le sujet principal peut être
exprimé difïéremment, grâce à l'associalion des idées
et à la forme métaphorique qui en est la manifes-
tation.
Il peut très bien se faire que le choix des syno-
nymes soit à peu près indifférent, cependant ce choix
est d'autant plus parfait, d'autant plus grand que
l'artiste de la parole comme l'artiste du geste a
l'imagination plus riche et plus féconde.
Toutefois lorsqu'à la puissance d'imagination se
joint une grande délicatesse de sensibilité, alors le
choix des synonymes deviendra plus difficile. En effet,
l'artiste qui a saisi l'ensemble du caractère et de la
situation ainsi que chaque moment isolé de celte
situation ne voudra pas employer indifféremment
une expression physiognomonique pour une autre.
Ce que l'abbé Girard dit à propos des synonymes
de la langue peut être répété ici en ce qui concerne
les gestes synonymes : S'il n'est question que d'un
habit jaune, on peut prendre le souci ou la jonquille ;
49C N. R. — L)U GESTE.
mais s'il faut assortir, on est obligé de consulter la
nuance. Eli ! quand est-ce que l'esprit n'est pas dans
le cas de l'assortiment? cela est rare, puisque c'est
en quoi consiste l'art d'écrire. Ajoutons, et l'art du
geste.
La justesse de cette similitude deviendra plus
évidente par cet exemple emprunté à Engel,
Quels seront à ce moment l'assortiment et la con-
venance des gestes de Juliette attendant Roméo :
« Ecoute! on marche! »
Sans doute, l'oreille et tout le corps de Juliette
(immobiles pour mieux distinguer le bruit qu'elle
entend) seront penchés vers le lieu d'où il vient;
c'est de ce côté-là seulement que son pied sera posé
avec fermeté, tandis que l'autre, appuyé sur la
pointe, semblera être suspendu en Tair. Tout le
reste de sa personne d'ailleurs se trouvera dans un
état visible d'activité. L'œil sera très ouvert quoique
l'objet de sa vive attention soit absent; la main se
portera à l'oreille comme si elle pouvait réellement
saisir le bruit, et l'autre pour tenir l'équilibre sera
dirigée en bas, comme si elle devait repousser tout
ce qui pourrait troubler Tattention nécessaire dans
ce moment dramatique, et, pour mieux recevoir le
son, elle entr'ouvrira certainement la bouche.
Changez quelque chose dans cet ensemble har-
i\. H. — DU GESTE. 407
monique des gestes, et vous en aurez modifié le sens.
Remplacez Fœil très ouvert par un œil dont les
paupières se rapprochent davantage et donnent de la
finesse au regard ; que la bouche soit close. Rame-
nez la main qui était portée en avant vers le côté
d'où le bruit se fait entendre et mettez l'index
devant les lèvres, ce ne sera plus la traduction d'un
désir soudainement éclos, et s'emparant de l'être tout
entier. Il s'y mêlera le désir curieux de connaître la
nature particulière et la direction précise de ce bruit.
Ces nouveaux gestes indiqueront qu'il est lointain,
vague, affaibH, qu'on a besoin de silence et de grande
attention pour le percevoir et pour le reconnaître.
Dans la première pose, le cœur était en jeu, très-
ému et comme pressé d'acquérir un bien ; et, dans la
seconde, la curiosité est éveillée, l'esprit s'attache
davantage à distinguer et à analyser une idée.
Faites de nouvelles modifications.
Que le corps ne soit pas tant incliné, mais pour
ainsi dire préparé à fuir ; que les deux genoux sem-
blent fléchir, et que le pied à demi levé pose à terre
avec presque autant de fermeté que l'autre, en
s'écarlant du côté où l'on pourra ^e sauver, et il
sera aisé do voir que la crainte se mêle ici au désir.
Celui qui écoute sent qu'il se permet une action
équivoque, autreuicnt;, en satisfaisant ainsi son désir,
32
498 -N, R. — DU GESTE.
il ne prendrait pas des mesures pour sa sûreté.
L'exemple d'Engel prouve que ce qui paraît indif-
férent dans le général, ne l'est [tlus dans une situa-
tion particulière et déterminée.
Associer les gestes, tout est là, et c'est à propre-
ment parler ce qui constitue une des principales règles
esthétiques de l'art du geste.
ALLIANCE DES GESTES PITTORESQUES ET DES GESTES
EXPRESSIFS.
Les gestes qui dessinent l'objet et ceux qui expri-
ment l'impression et les émotions du inoi sont les
deux premières classes de gestes qui ont appelé
noire attention; en effet, ces gestes ayant un sens
déterminé frappent Tinlelligence plus que les autres
et s'emparent plus facilement de l'esprit.
A l'égard de ces gestes, Quintilien, dans son Insti-
tution de l'orateur, veut qu'on présente non pas les
objets extérieurs qui touchent les sens et dont il est
question dans l'improvisation fictive, mais le senti-
ment personnel et actuel qui nous émeut ; il veut
i\\\\)Xi exprime les sentiments avec lesquels on consi-
dère les choses matérielles et visibles ou les mou-
vements psychologiques qui occupent la pensée.
Vouloir peindre, en imitant les mouvements d'im
N. H. — DU GESTE. 499
geôlier fermant la porte d'une cellule, l'elîroi d'un
homme innocent qu'on entraîne pour lui faire subir
la peine de la prison qu'il n'a pas méritée, serait
faux d'une manière absolue. Dans ce cas particulier
le véritable geste sera celui qui dans le récit de cette
injuste condamnation reflétera les sentiments dejus-
tice de l'avocat de l'accusé.
Cependant, la réunion des gestes pittoresques aux
gestes expressifs est-elle possible?
Dans quel cas ne l'est-elle pas?
La possibilité de la réunion du geste de l'expression
et du geste pittoresque existera lorsque le moyen
propre à l'expression n'est pas celui par lequel s'opère
l'imitation de l'objet.
Celte possibilité n'existera plus toutes les fois que
les mêmes moyens doivent rendre la peinture et
l'expression.
Dans V improvisation simulée et dans la lecture
expressive, les gestes sont la copie d'autres gestes
dont on trouve l'original soit dans la nature, soit dans
ridéal que se crée tout artiste.
Etant la copie d'antres gestes, ils doivent tons se
ranger dans la classe des gestes pnttoresques.
Que les bras et les mains simulent les gestes se rap-
portant à une opération de l'ordre physique, affectif
ou intellectuel, qu'ils représentent des mouvements
bOO .\. R. — UU GESTE.
pitloresques ou expressifs, qu'ils aient un sens déter-
miné ou indéterminé, ils doivent, pour approcher
de la perfection, revêtir toujours les deux caractères :
1° de vérité ; 2" de beauté.
VÉRITÉ, BEAUTÉ, HARMONIE, CONTINUITÉ ET SENSIBILITÉ
DANS LE JEU DU GESTE. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Le geste sera \ rai absolument ou relativement.
Il sera \rai absolument lorsque, n'ayant à repro-
duire que des gestes ayant un sens déterminé, ou bien
un sens indéterminé, il sera conforme aux gestes
imités.
Ce caractère d'absolu se rencontre dans tous les
gestes qui ont à figurer des situations naturelles, il se
rencontre également dans la conversation, dans la
comédie, la fable, dans les morceaux d'improvisation
simulée, de la lecture à haute voix appartenant au
genre dit tempéré.
La vérité relative du geste appartient proprement
à la déclamation oratoire, tragique, lyrique, en un
mot à tout ce qui constitue en littérature le genre
solennel et quelque peu emphatique.
Ici le geste a son guide et son prototype dans cette
imaginative qui habile en toute âme poétique ; il n'y a
N. R. — nu GESTE. 501
pas, à vrai dire, do règle positive pour arriver à la
produire.
Dans tous les beaux-arts, en peinture, en sculpture,
en musique, en poésie, celui-là seul est inspiré rpii
voit l'idéal, et sait le traduire visiblement au vulgaire ;
même dans l'art du geste, celui-là seul atteindra la
vérité relative cpii saura interpréter cet idéal.
Aussi, d'après Diderot, le seul conseil à donner à
cet égard consiste à conserver au personnage repré-
senté une harmonie constante dans les différents
gestes qu'on lui prête. Ces gestes, d'ailleurs, ont
toujours un caractère commun et vrai^ dans leur
essence, avec les gestes conformes à la vérité abso-
lue ; ils s'en distinguent cependant par une certaine
ampleur, une certaine majesté qu'il n'est pas toujours
facile d'atteindre.
C'est cette vérité relative qui donne au théâtre les
Talma, les FrédérikLemaître, les Rachel, à la tribune
ou au barreau les Berryer, les Thiers, les Jules Favre et
tant d'orateurs ou d'artistes qui ont vu leur geste et
leur parole contribuer, pour une large part, à la juste
réputation qui leur a été faite.
Le degré précis de majest('! et de dignité dans le
geste qu'il est plus aisé de sentir, d'apprécier que de
déterminer, est aussi difficile à atteindre sinon plus
que le mot propre dans une œuvre littéraire. De là
o02 N. R. — DU GESTE.
au ridicule et au grotesque, il n^y a qu'un pas. A côté
du sublime, il y a large place pour le postiche^ le
boursouflé ; pour peu que le geste soit en deçà ou au
delà de la vérité relative, il sera absurde.
La beauté du geste dépend en grande partie de la
grâce des mouvements, d'un certain développement
qui consiste à le bien mesurer.
Le modelé, la souplesse s'acquièrent par une longue
liabitude des mouvements lorsqu'elle n'est point le
résultat des facultés natives, comme cela a lieu sou-
vent cbez la femme.
Les différents gestes doivent être liés entre eux; par
des transitions imperceptibles. Des changements
brusques ou seulement trop prompts et privés de
nuances intermédiaires détruiraient l'harmonie dans
l'ensemble du jeu et blesseraient la vérité et la beauté.
Le jeu du geste est constant ; il n'existe point de
pause ni de halte comme dans le discours.
Au théâtre, par exemple, les acteurs frappent
continuellement l'œil du spectateur. L'expression
mimique de leur pensée par la physionomie et les
gestes se poursuit à chaque minute nouvelle^ soit
par la traduction prolongée d'une affection spéciale
et déterminée, soit même par certaines attitudes
d'attention, de repos, d'indiflérence ou de distraction
nécessaires pour établir le cai'aetère des personnages.
N. R. — DU GESTE. 503
Ces deux dernières situations (indifférence ou dis-
traction) ne doivent jamais appartenir à l'acteur en
tant qu'acteur, mais au personnage représenté ; si
elles ne conviennent ni au caractère scénique ni à s \
position du moment, alors le moindre temps à'arrêt
ou de relâchement dans l'expression mimique sus-
pendra l'illusion, et cette illusion étant la raison de
tout effet théâtral, elle ne saurait être fréquemment
interrompue.
A propos de la mimique scénique rappelons ce qui
a été dit à ce sujet.
L'acteur doit étudier son rôle dans les rapports
qu'il peut avoir avec tous les autres rôles du drame ;
il doit saisir l'effet que l'auteur dramatique a eu en
vue, non seulement à l'égard de toute la pièce, mais
encore à l'égard des scènes particulières. Par cette
double étude il acquerra la véritable connaissance do
la manière dont il faut rendre le caractère particulier
qu'il aura à représenter, en déterminant en même
temps le degré du jeu d' expression physiognomo-
nique qu'il pourra se permettre pour faire ressortir
son rôle à côté de ceux des autres personnages.
Sans ce coup d'œil attentif sur l'ensemble, sans
l'appréciation exacte de la part qu'un rôle particulier
a dans l'impression totale, sans cette subordination
modeste et volontaire, l'effet du drame, s'il n'est pas
504 N. R. — DU GESTE.
entièrement perdu, est du moins fortement troublé
ou affaibli.
Que l'on soit debout ou assis, dit Duquesnoy, pour
marier la voix au geste, deux points sont essentiels à
observer : pouvoir émettre le son facilement, pouvoir
jouer du geste avec facilité et lui donner toute l'har-
monie dont il est susceptible. —
Lorsque l'on est debout, la meilleure position est
de centraliser le poids du corps sur la jambe gauche
et d'avancer quelque peu la jambe droite. On peut,
du reste, alterner ces deux positions suivant la fatigue
du corps et suivant la direction des personnes ou du
public à qui l'on parle.
Le corps, se reposant d'aplomb sur l'une des deux
jambes avec l'autre comme point d'appui, a beaucoup
plus d'espace pour trouver son centre de gravité; il
peut par conséquent laisser l'espace libre pour les
gestes que nécessitent le débit, et de plus donner
aux mouvements que produit la respiration toute
latitude pour fonctionner rhytmiquement. Cette ligne
brisée offre, en outre, à la vue un aspect beaucoup
plus harmonique que celui de la ligne droite.
Le passage de l'état de calme à l'état de mouvement
doit avoir lieu sans brusquerie, avec celte force
mêlée de douceur qu'on nomme «le moelleux », mou-
vement qui flatte toujours l'œil du spectateur.
N. R. — DU GESIE. 50o
Chaque fois que, pour faire le geste, on n'a l)esoin
que d'une seule main, c'est toujours le bras et la main
qui se trouvent du côté de la jambe placée en avant
qui doivent fonctionner.
Lorsque la main se détache du corps, soit pour se
porter en avant, soit pour se porter à la hauteur de
la tête en désignant le ciel par exemple, la ligne
qu'elle décrit, doit être une courbe plus ou moins pro-
noncée selon l'espace qu'elle a à parcourir; de celte
façon, le mouvement conserve une certaine grâce et
l'on évite cette sécheresse, ces lignes brusques et
sans agrément que des mouvements droits et angu-
leux donneraient au geste.
Quand les deux bras et les deux mains concourent
au geste, il faut avoir soin de ne point faire de mou-
vements symétriques et éviter de laisser les extrémités
aboutir sur une même ligne; l'une des deux mains
doit être un peu plus élevée que l'autre, et ce sera celle
qui se trouve du côté de la jambe placée en avant.
On suppose, généralement, le corps divisé en deux
par une ligne médiane qui part du milieu du front;
or, quelle que soit la nature du geste, il importe d'éviter
autant que possible de laisser une main ou un bras
empiéter sur le domaine de l'autre; c'est-à-dire que
le bras et la main doivent gesticuler seulement
du côté qui leur appartient ; il n'est guère admis
ym N. R. — DU GESTE.
qu'une seule exception : lorsque la main se porte sur
le cœur comme geste indicatif, ou comme geste
expressif, c'est généralement la main droite et non la
main gauche qui fait ce geste.
Quant à la position habituelle des doigts, il faut, en
évitant de les tenir serrés, allongés et trop écartés,
les conserver mollement appuyés les uns sur les autres,
puis creuser légèrement la main comme si elle se mo-
delai t sur un objet fragile que l'on craindrait de briser.
Étant assis,, soit que l'on se livre à la conversation,
qu'on tienne un dialogue ou que l'on fasse une lecture
à haute voix, il importe de conserver le buste droit,
sans raideur. Pour cela, ou s'assied commodément,
ayant soin d'avancer encore un pied en avant et plu-
tôt le pied droit que le pied gauche ; si l'on tient un
livre, on le tiendra de la main gauche à une hauteur
suffisante pour ne gêner ni la respiration ni l'audition
des mots, ce qui arriverait infailliblement si le livre
placé trop près de la bouche interceptait et étouffait
les sons.
])iderot a victorieusement démontré dans son Pa-
radoxe du comédie?! que dans tout morceau d'impro-
visation simulée ou de lecture expressive, la pleine
possession de soi-même n'est gardée qu'autant que
V observation domine le cœur.
{a\ ne sont point les personnes chez qui la sensi-
N. R. — DU GESTE. liOT
bilité seule est excessive qui excellent à interpréter
un morceau littéraire, mais bien au contraire celles
chez qui l'observation s'unit à cette sensibilité.
Trop de sensibilité nous empêche de mesurer la
portée des intonations vocales et de juger par suite
l'à-propos et la convenance du jeu d'expression de
la physionomie et du geste: elle nous emporte à tel
endroit oii peut-être par un elfet du hasard nous
pourrons réussir, mais, le plus souvent, elle nous
trompe ; et, comme nous n'exprimons pas nos pro-
pres désirs, nos propres affections, bien que nous sen-
tions admirablement, nous tombons facilement dans
l'exagération et la fausse déclamation.
Au contraire, l'observation calme, jointe à l'étude
judicieuse des mouvements, permet d'arriver à copier
et à rendre, au point que tout le monde s'y méprend,
les passages les plus passionnés et les situations les
plus dramatiques ; ce nest même que par Vanahj^e à
froid de lajjassion que Ion arrive à perfectionner son
jeu et à approcher de plus en plus par les attitudes
caractéristiques d'ensemble du type idéal que l artiste
se crée à lui-même.
Nous complétons nos études sur la physionomie (1)
(1) On se persuade voloiUiors que, pour bien connaître les effets
des passions, il faut les avoir éprouvées. Non, cela n'est pas vrai :
car on ne peut les ressentir toutes, et cependant dans la pratique
308 N. R. — DU GESTE.
et sur le geste en donnant ici un aperçu des princi-
pales attitudes du coiys.
du grand art il importe de savoir toutes les peindre. S'il fallait en
éprouver véritablement les vicissitudes, toute la vie se consumerait
en de pareils essais.
Pour exceller dans l'art de la parole ou dans l'art du geste, il faut
avoir la faculté de sentir vivement ; il faut naître avec un esprit im-
pressionnable, il faut être capable d'éprouver des émotions volon-
taires. Si l'on est privé de ces dons de nature, il est préférable
d'abandonner l'étude de l'esthétique dramatique.
NOTE S
DES ATTITUDES DU CORPS
TROISIEME TABLEAU
NOTE S
DES ATTITUDES DU CORPS.
Le mot attitude peut s'étendre aux différentes po-
sitions du corps prises selon les multiples modifica-
tions intérieures du moi.
Par ce seul fait que la plupart de nos perceptions,
de nos sentiments , de nos affections embrassent
simultanément plusieurs phénomènes nerveux, il est
évident que cette complexité doit se retrouver dans
les mouvements extérieurs qui les expriment.
On ne peut entrer dans l'analyse de tous les mou-
vements ; rétude de quelques-uns suffira d'ailleurs,
car c'est par le mélange et la diffusion des princi-
paux gestes que s'obtiennent tous les autres mou-
vements, de même que nous obtenons des milliers
de mots par la combinaison de quelques lettres.
s12 n. s. — dls attitudes du coups.
lnàgtiom et repos.
Pendant l'inaction et le repos toutes les j)arties
principales de la l'ace, le front, les yeux, les lèvres
demeurent calmes. Tous les traits du visage par
suite de celte absence de toute action des nerfs et des
muscles^ restent dans un équilibre absolu ; — les au-
tres parties du corps dénoncent également par leur
placidité l'état de neutralité où se trouve l'esprit; les
mains oisives sont placées sur le genou dans les po-
ches ou même dans la ceinture.
Si l'on est debout, les bras, négligemment rejetés
en arrière, s^entrelacent sur le dos et sont retenus à
peu près à la hauteur des reins. Parfois un jeu ma-
chinal et sans but des doigts indique l'état d'indille-
rence du moment; cependant, selon la rapidité plus
uu moins caractérisée de ce mouvement des doigts,
on devine une préparation secrète à des secousses
prochaines plus ou moins motivées.
Si on est assis, les pieds sont privés d'action, ou
bien une jambe sera mollement allongée devant
l'autre. Souvent les jambes seront croisées, et alors
un faible balancement agitera la partie inférieure de
la jambe qui reposera sur l'aulre.
Tantôt le Ironc du coi'ps se redressera dans une
N. S. — DES ATTITUDES DU CORPS. 513
situation proche de la verticale, tantôt il sera dans
une direction plus oblique et approchant de la posi-
tion favorable au repos ; il marquera par cela même
une tendance très prochaine à l'assoupissement.
Lorsque le corps est près de se mouvoir, le dernier
temps de l'attitude tranquille consiste à relever fran-
chement et l'apidement le buste, la face dirigée sur
l'objet qui éveille l'attention, à raffermir rapidement
<lans leur position les pieds séparés, s'appuyant for-
tement sur la terre, à ramener les mains sur le haut
des jambes ou sur tout autre point d'appui et par
ces premières dispositions à entraîner le corps à agir.
ADMIRATION, ETONNEMENT, VÉiNÉlUTlON,
COLÈRE ET JOIE.
Loisqae l'objet qui attire notre attention, sans
éveiller en nous un désir de possession, produit néan-
moins des mouvements d'admiration, la tête et le
corps sont un peu rejetés en arrière, l'œil est ouvert,
la bouche imite ce mouvement, mais reste demi-
close, les sourcils sont tirés en haut, les ailes du nez
sont gonflées, les bras sont tendus et plus voisins du
corps que dans le désir vif et animé ; les doigts de la
main sont légèrement écartés les uns des autres ; la
poitrine se dilate; le reste du corps, les autres traits
33
514 N. S. — DES ATIITUDES UU CORPS.
du visage sont dans un état relatif de repos; ajou-
tons que ce n'est guère que dans le premier mou-
vement de rimpression qu'a lieu l'extension des bras;
bientôt après, les bras retombent lentement et se
rapproclient doucement du corps.
Dans rétonnement qui semble n'être autre chose
(ju'un degré de l'admiralion, l'altitude ne diffère que
par les traits du \isage qui sont plus caractérisés;
la bouche est non seulement ouverte, mais parfois
béante ; le regard est plus fixe, les sourcils sont en-
core plus élevés et la respiration plus fortement re-
tenue ; les deux bras, au lieu de se soulever à demi
comme dans l'admiration, se lèvent complètement,
puis retombent poiu* se soulever encore.
Quand l'issue d'un événement est contraire à ce
qu'on espère il se produit en nous un sentiment d'ad-
miration ironique qui se traduit d'habitude par un
léger sourire empreint de moquerie; ou, suivant le
cas, par un l'ire plein d'amertume, lorsque le résultat
est inférieur à celui attendu ; un trait essentiel de ce
désenchantement s'indique par une oscillation de tète
faite de côté, accompagnée de haussement d'épaule
très difficile à décrire et qui néanmoins se produit
naturellement.
A propos de ce mouvement ou de ce geste de la tête
quirépondentàcertaines exclamations ou interjections
N. S. — DIlS attitudes du corps. olo
de la langue parlée, il faut remarquer que dans Vas-
sentiment le hranleuient de tète semble indiquer que
le moi approche d'une idée et y accède et que dans
la négation le mouvement de la tète semble au con-
traire indiquer qu'on se détourne d'une idée ou qu'on
la rejette.
Si on veut décrire un objet qui excite l'admiration
et faire parlager à ceux qui vous écoutent ou vous
entourent le sentiment dont on est pénélré, on a
recours aux altitudes analogues : assimilant le moi à
l'idée que suggère l'objet, on cherche à en adopter
les qualités, et autant que possible on y conforme sa
propre attitude. Le sublime nous élève, on tâche alors
de se grandir en parlant de ce qui est grand ; le gra-
cieux nous adoucit et l'attitude comme les gestes
sont empi'einls de grâce et de douceur.
Si à l'admiration se joint la vénération, non seule-
ment les muscles des sourcils, de la bouche et des
joues devenant moins fermes s'affaissent, mais en-
core ceux de tout le corps qui semble se replier sur
lui-même.
Ces phénomènes du reste sont plus ou moins visi-
bles, toujours suivant le degré esthétique de l'objet
et suivant le sentiment d'amour qu'il occasionne.
Quand l'objet extérieur ou in\isible qui occupe
l'esprit excite l'irritation et produit la colère, le moi
ol fi N. s. — DES ATTITUDES DU CORPS.
agité par un besoin de vengeance ou de punition ma-
nifeste ardemment cette soif dans tous les mouvements
du corps. A cette expression s'ajoutent parfois d'au-
tres expressions telles que celles du déplaisir, de la
crainte, même de l'effroi.
Cette colère peut se diriger contre des objets ina-
nimés, contre des animaux, contre nos semblables :
réellement ridicule dans le premier cas, elle est d'or-
dinaire peu excusable dans le second; mais elle peut
être légitime dans le troisième, surtout lorsque ceux
qui nous irritent le font avec intention et paraissent
en ressentir une joie mal dissimulée.
Quel que soit, d'ailleurs, le motif déterminant de
la colère, elle donne à toutes les parties extérieures
(les membres du corps une force surhumaine, force
({ui se substantialise surtout dans les organes spécia-
lement propres à attaquer, à saisir et à détruire.
Injectées par le sang qui s'y porte en abondance,
les veines dans la colère serpentent menaçantes sur
le front, sur le cou, sur les tempes, les extrémités du
corps ; les yeux roulent pour ainsi dire dans leurs or-
bites ; les dents par des grincements pénibles à en-
tendre, les mains, les bras et les pieds qui veulentêtre
absolument occupés manifestent une synergie (1) spé-
(1) Sijnevfjie : action simultanée, concours d'action entre divers
organes.
N. S. — DES ATTITUDES DU CORPS. ol7
ciale des forces, quitraliit le plus grand désordre dans
le système musculaire et dans le système nerveux.
Dans la mauvaise humeur, l'agitation du corps est
déjà visible : on mordille la lèvre inférieure, on remue
fréquemment le pied en frappant la terre à petits
coups précipités, on dérange, on froisse ses vêle-
ments, on déplace, on brise les objets qui sont à la
portée de la main.
Quelle différence d'expressions et d'attitudes dans
la joie !
Outre l'expression que nous avons signalée pour le
visage à la note de la physionomie, voyez comme la
tête se dégage et s'élève avec grâce, comme sur la
bouche se dessine ce séduisant demi-sourire des
lèvres entr'ouvertes ; comme les bras et les mains se
meuvent joyeusement, comme, en un mot, la légèreté,
la souplesse et l'harmonie se font remarquer dans les
mouvements de chaque membre.
Toutefois, dès que la gaieté devient excessive, ces ca-
ractères perdent une grande partie de leur élégance,
car alors la joie dégénère en une pétulance qui fait
grimacer le visage et change en sauts ridicules, en
cabrioles peu convenables, les mouvements souples
du corps.
Les attitudes ont les mêtnes degrés de progression
et de décroissance que la physionomie, le geste, la
518 .N. S. — DES ATTITUDES DU CORPS.
déclamation, le chant, la musique. Elles sont suscep-
tibles en un mot de crescendo et de decrescendo et
peuvent s'élever par des degrés innombrables depuis
le premier soupçon d'une affection jusqu'à son entier
développement.
Dans l'évolution des attitudes, lorsque les expres-
sions des diverses affections de Tàme doivent être
rendues par une gradation insensible, la seule marche
à suivre pour rendre cette gradation est celle-ci : sai-
sir les traits principaux et essentiels à chaque pas-
sion les plus propres à la caractériser et indiquer
leur accroissement en les renforçant. — Si, au con-
traire, l'accroissement se fait sans gradation, par
secousse, en franchissant rapidement plusieurs degrés
intermédiaires, on tiendra alors compte d'une seconde
remarque: lorsque d'une parfaite tranquillité appa-
rente le moi passe soudain à un état violent et agité,
c'est qu'il subit une situation intermédiaire de désor-
dre, et dans ce cas d'une distance trop sensible entre
les degrés; l'attitude doit aussi indiquer cet état par
un air d'étonnement, par un léger reculement de sur-
prise ou par tel autre mouvement équivalent.
ATTITUDES DIVERSES.
L'orgueilleux a une attitude très caractérisée; lise
redresse volontiers, la tête un peu portée en arrière ;
N. S. — DES ATTITUDES DU CORPS. 519
il affecte d'ordinaii'e une certaine morgue soit en se
frottant les mains comme s'il les « savonnait », soit en
se passant une main dans le gilet en ayant soin de la
placer assez haut sur la poitrine; si l'autre main est
inoccupée, il la place en la retournant sur la hanche
et fait avancer le coude : les pieds tournés en dehors
sont très écartés et, si l'im sert d'appui, l'autre se
trouve trop en avant.
Tout autre est la tenue du caractère opposé, —
L'homme qui est doué d'un naturel simple et uni sans
mollesse toutefois se tient volontiers avec les bras
placés vers le milieu du corps, sa tète est droite, n'in-
clinant ni en avant ni en arrière, les pas sont ré-
guliers; les pieds, sans se diriger l'un vers l'autre^ ne
s'écartent point trop en dehors.
Le phlegmatique se lient avec une certaine raideur;
les mains quand elles sont inoccupées sont de préfé-
rence enirelacéessurledos, c'est-à-dire plus volontiers
éloignées du développement immédiat de leur activité.
L'individu dont Tàme est molle, lâche, paresseuse,
a un extérieur qui dénonce rapidement cette faiblesse
et cette infériorité de tempérament : sa tête, qu^il
n'a pour ainsi dire point la force de soutenir, retombe
sur la poitrine; les lèvres s'entr'ouvent niaisement et
la mâchoire mférieure suit le menton qui abandonné
à lui-même tend à peser sur la poitrine, les genoux
:J20 N. s. — DES ATTITUDES DU CORPS-
ploient sous l'abdomen qui se projette en avant, les
paupières à demi fermées voilent le regard éteint des
yeux, les bras ballants errent le long du corps ou les
mains s'enfoncent dans les poches du pantalon, les
pointes des pieds tendent à se rejoindre ; en un mot
la démarche tout entière proclame la déchéance de
cette âme qui n'a plus l'énergie d'imposer sa loi aux
organes.
Le mépris s'occupe d'une manière plus spéciale
des vices, des défauts, de l'insuffisance et de la nul-
lité des autres, tandis que l'orgueil songe plutôt à
ses propres qualités.
Aux traits caractéristiques qui dénotent l'orgueil,
le mépris en ajoute plusieurs qui ont un sens très
précis : Ton détourne le buste ou on le présente d(;
côté, lançant un regard rapide. Quelquefois on se
borne à abaisser le regard avec une certaine négli-
geiic(ï et de côté en relevant les lèvres et contractant
un peu les ailes du nez pour indiquer que l'objet con-
sidéré ne mérite pas un examen plus attentif. Si la
personne à laquelle on marque ce dédain le sup-
porte sans sourciller, ou si au contraire elle paraît
vouloir protester contre notre appréciation, on ferme
à demi les yeux comme si l'on ne distinguait pas
très bien ses minuscules proportions, et on esquisse
alors un sourire railleur, ou bien encore la tête se
N. S. — DES ATTITUDES DU CORPS. 521
penche de côté et se relève légèrement comme si de
sa hauteur on cherchait à deviner ce qui peut s'agi-
ter au fond d'un abîme placé bien loin au-dessous de
soi.
Une des expressions les plus sensibles du mépris
est de simuler une indifférence complète vis-à-vis de
son interlocuteur.
Dans la honte, le visage se colore d'une soudaine
rougeur, se baisse et semble se coller contre la poi-
trine, la tête essaye pour ainsi dire de disparaître
entre les épaules, les muscles du cou se tendent avec
raideur comme s'ils voulaient neutraliser tout mou-
vement permettant à la tète de se relever, enfin les
yeux timides se fermenta demi et semblent chercher
un abri derrière les paupières.
Celui qui est en pioie à une douleur profonde
diffère beaucoup comme aspect du mélancohque.
On voit les divers muscles de la face de l'homme
souffrant se tendre et se contracter par des mou-
vements rapides, ses yeux s'animent d'une lueur
vague et triste, le milieu du front se ride et relève
les angles des sourcils, la respiration est pénible et
la poitrine haletante se soulève avec de fréquents
soubresauts ; il marche avec une pesanteur préci-
pitée, le buste s'allonge, les jambes se détendent et la
tête fléchissant de côté jette vers l'inconnu des yeux
o22 N., S. — DES ATTITI'DES DU CORPS.
humides et suppliants, les doigts s'entrelacent, les
mains se tordent puis se meuvent en tous sens, tantôt
s'en prenant à différentes parties du corf)s, tantôt
se détachant et pendant vers la terre.
Dans l'effroi qui est un mélange d'étonnement, de
crainte, de colère même, on retrouve combinées les
attitudes propres à chacune de ces diverses affections.
La frayeur accompagnée d'étonnement suspend tout
mouvement, on reste immobile, les joues pâlis-
sent par la crainte qui continue à vous maintenir dans
la même immobilité, on recule souvent d'im pas, en-
fin la colère agit et précipite les bras en avant, pas
toujours cependant car lorsque le péril s'offre avec
une force majeure, le désir de la conservation déter-
mine une attitude suppliante et fait lever les bras au
ciel au lieu de cherchera repousser le mal en se rai-
dissant contre l'attaque.
Le remords offre à l'observation des traits singuliè-
rement expressifs et pittoresques.
La démarche est alors aussi vague, aussi incer-
taine que le regard. Variant sans cesse ses attitudes,
indice du bouleversement des i)ensées et de leur ob-
session, l'homme repentant passe et repasse la main
sur le front comme pour effacer jusqu'à la dernière
trace des images pénibles qui le harcèlent; le pas
est irrégulier, les bras s'agitent souvent et parfois la
N. S. — DES ATTITUDES DU COUPS. 523
main non contente de se porter ainsi sur le front y
frappe des coups violents, voulant pour ainsi dire
écraser le remords qui s'y abrite.
La satisfaction de soi-même se manifeste de plu-
sieurs manières suivant les motifs qui l'excitent.
Se targue-t-on de qualités physiques qui donnent
quelque agrément à la persoune, par exemple, la
beauté et le charme de la ligure, la légèri:ité, la sou-
plesse de la forme des membres, on se sourit à soi-
même, c'est le sourire du contentement intérieur (1).
Le geste conserve toute sa vivacité, toute sa gaieté ;
on sautille, on fredonne, on chante; des attitudes
multipliées se succèdent motivées par le désir de
faire valoir les avantages dont on se sait ou dont
on se croit paré.
E^t-on satisfait de l'astuce et de l'habileté qu'on a
employées pour parvenir à ses fms^ un léger sourire
amincit les lè\res et contracte fmement leurs extré-
mités, ainsi que les angles des paupières. Un éclair dans
le regard indique le plaisir intérieur que l'on ressent.
La démarche devient lente et oblique, la tête elle-
même se penche avec un balancement significatif.
Peut-être enfin la main se redressera-t-elle en dési-
gnant de l'index le maladroit qui sa sera laissé trom-
(1) Le libertin aordinairoment les lèvres fortes, allongées, presque
épanouies, et les dénis petites.
524 N. S. — DES ATTITUDES DU CORPS.
per, ou bien à la dérobée heurtera-t-on du coude un
voisin ami pour le lui faire connaître mystérieusement.
Si la satisfaction personnelle est occasionnée par
un mérite supérieur tel que la fonction éminente, le
pouvoir, la force d'esprit, on s'efforce de faire valoir
par analogie cette prédominance en évaluant par sa
taille corporelle les rapports qui existent avec une
personne privée de tels avantages ; on prend un air
sérieux et pensif, le regard vaguement fixé sur quel-
que chose d'invisible, tout l'ensemble individuel de-
vient d'autant plus mesuré que le sentiment de sa
propre valeur cause plus de satisfaction.
La plénitude des idées donne de l'ampleur aux
mouvements corporels et le calme affecté avec lequel
elles se développent rend, par analogie, la démarche
grave, traînante et solennelle.
La satisfaction du moi provient-elle d'avantages
étrangers à l'intelligence comme une illustre naissance,
une fortune considérable, dès lors la vanité fait place
au maintien tranquille et presque pontifiant du véri-
tajjle orgueil : on se pose largement et bruyamment
sur les jambes fortement écartées, la tète bien assise
entre les épaules incline en arrière ; on gesticule lar-
gement et avec emphase, on fait eiïort pour s'imposer
au milieu qui vous entoure.
S'agit-il de fermeté^ de courage, de résistance, de
iN. S. — DES ATTITUDES DU CORPS. 52o
force musculaire, alors tout le corps se rassemble et
devient plus condensé, les muscles sont tendus, le col
se raidit, les genoux s'affermissent et la tête s'enfonce
entie les épaules, l'attitude tout entière devient pro-
vocatrice et l'on semble dire aux autres : Je ne crains
rien, moi (1).
Bans Taltitude de la réflexion, beaucoup de gestes
sont dus à l'analogie.
C'est ainsi que, quand l'esprit a découvert quelque
nouvelle vérité pour lui, l'index se porte eu avant
comme pour pointer ei! dehors ce que la pénétration
intérieure vient de faire découvrir.
Lorsque des pensées importuues assiègent le cer-
veau, il arrive qu'un mouvement de la bouche semble
les rejeter extérieurement et que la tête indique, par
un mouvement de droite à gauche, qu'elle veut s'en
débarrasser ; bien plus^ la main elle-même s'agitant
fiévreusement paraît les repousser en imitant le geste
qui nous est habituel quand on veut se délivjer d'un
insecte incommode.
Lorsque l'esprit médite et se recueille pour analyser
plus scrupuleusement tout ce qui est du domaine de
(I) Lhomme fort, c'est-à-dire doué d'une force musculaire extraor-
dinaire, a la tête plutôt grande que moyenne, le nez bien propor-
tionné, la bouche grande, les lèvres déliées et s'unissant symétri-
quement Tune sur l'autre, un peu tombantes vers le coin.
52G i\. S. — DES ATTITUDES DU CORPS.
l'entendement, riiidex se porte sur les lèvres fermées
comme si l'on craignait que le lja\arclage des idées
moins essentielles ne troublât l'examen des plus im-
portantes ; souvent aussi la main se porte sur le front
ou sur les yeux, établissant ainsi analogiquement une
séparation entre le monde extérieur et le monde de
l'intelligence. Ou bien encore l'index se fixe sur un
endroit du front pour y retenir l'idée que l'on redoute
de voir s'échapper.
D'autres gestes secondaires accompagnent encore
l'attitude de la réflexion. Ils varient suivant les indi-
vidus et les tempéraments ; d'ailleurs ils n'ont plus
ce caractère d'universalité qui se rencontre dans les
premiers.
ATTITUDES MIXTES.
Les attitudes mixtes sont composées de diverses
altitudes qui expriment simultanément une pluralité
de sentiments passionnels.
Pour les créer, il importe de démêler les attitudes
qui entrent dans la donnée d'une attitude mixte. Il
importe ensuite d'en déterminer la i)i()purtii)n pour
se rendre compte de Y attitude dominante dans le but
d'y faire correspondre à propos l'attitude d'ensemble.
C'est ainsi que dans lattitude de l'envie on trou-
N. S. — DES ATTITUDES DU CORPS. 'Ml
vera une parlie des attitudes de la souffrance, de la
haine et de la honte ; dans l'attitude de Thomnie qui
espère, le désir avec un mélange de joie ou de crainte ;
dansla pitié, la bonté accompagnée de tristesse ; dans
la reconnaissance, l'amour suivi de vénération; dans
la clémence, un mélange d'amabilité provenant de la
bonté tempérée par ime certaine froideur déi'ivant de
l'orgueil.
On ne doit point oublier en analysant l'essence de
ces atliludes le mot de Técole : « natura non facit
saltiis. »
La nature ne fait de sauts ni dans l'ordre intellec-
tuel ni dans l'ordre matériel; tout est lié dans ses
opérations par des chaînes invisibles qui échappent
souvent à notre pénétration.
Lorsque X éloignement qui existe entre les affec-
tions est insignifiant, le désordre qui se produira dans
l'âme lors de leur succession et de leur liaison sera
momentané.
Concentré dans ce qu'il y a de plus intime en nous,
il se propagera peut-être à peine jusqu'aux yeux et
aux lèvres, mais rarement jusqu'aux parties du corps
les plus diltîciles à émouvoir.
Quand leloigneinent est plus considérable, l'agi-
tation, l'oscillation et les efforts du moi adecté par
deux sentiments incompatibles deviendront sensi-
528 N. S. — DES ATT1TUUL.S DU CORPS.
l)les à l'organe de la vue par les modifications que
le corps subira.
Ici auront lieu, suivant la différence des cas, tan-
tôt les secousses du rire, tantôt les convulsions des
pleurs, tantôt un changement subtil de la couleur du
visage, tantôt un tremblement de tous les membres,
tantôt celte agitation inquiète qui décèle le doute,
I inquiétude, ou d'autres mouvements de ce genre.
Dans l'art de la déclamation, les différents change-
ments et les ruptures dans le ton doivent répondre à
ces modifications des attitudes du corps.
Nos notes physiognomoniques peuvent être utiles,
non seulement à tous les dysphones, mais encore à
toutes les personnes qui veulent interpréter à haut(>
voix les œuvres littéraires des écrivains français ou
étrangers.
NOTE T
EPILOGUE
34
NOTE T
ÉPILOGUE.
Nous ne pouvons mieux résumer les notes qui con-
cernent le son esthétique et la pJujsiognomonie qu'en
reproduisant ici, à titre d'épilogue, les conseils don-
nés par Shakespeare aux diseurs de son temps et qu'il
a mis dans la bouche d'Hamlel.
Hamlet. — Dites ce discours, je vous prie, en le lais-
sant légèrement courir sur la langue ; mais si vous le
déclamez à pleine bouche, comme font beaucoup de nos
acteurs J'aurais tout aussi bien pour agréable que mes
vers fussent dits par le crieur de la ville. N'allez pas
trop non plus scier l'air en long et en large avec votre
main, de cette façon; mais usez de tout sobrement;
car, dans le torrent même de la tempête, et pour ainsi
dire le tourbillon de votre passion, vous devez pren-
dre sur vous et garder une tempérance qui puisse lui
donner unedouceurcoulante.Oh! cela mcchoquedans
o32 N. T. — EPILOGUE. — PllYSlOGNOMONIE.
rame d'entendre un robuste gaillard, grossi d'une
perruque, déchiqueter une passion, la mettre en lam-
beaux, en vrais haillons, pour fendre les oreilles du
parterre
Ne soyez pas non plus trop apprivoisé; mais
que votre propre discernement soit votre guide ; ré-
glez Vaction sur les paroles et les paroles sur l'ac-
tion^ avec une attention particulière à n'outrepasser
jamais les convenances de la nature ; car toute chose
ainsi outrée s'écarte de la donnée même du théâtre,
dont le but, dès le premier jour comme aujourd'hui, a
été et est encore de présenter^ pour ainsi parler, un
miroir à la nature ; de montrer à la vertu ses propres
traits, à i'infamie sa propre image, à chaque âge et
à chaque incarnation des temps sa forme et son em-
preinte. Tout cela donc, si vous outrez ou si vous
restez en deçà, quoique cela puisse faire rire l'igno-
rant, ne peut que faire peine à l'homme judicieux
dont la censure, fùt-il seul, doit, dans votre opinion,
avoir plus de poids qu'une pleine salle de spectateurs.
[Hamlet, acte 111, scène n.)
NOTES ANNEXES
NOTE U
ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE
(PROSE ET VERS]
NOTE U
ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE.
11 nous a paru indispensable de donner, à la fin de
cet ouvrage, une Anthologie spéciale destinée à fa-
ciliter aux personnes qui suivent des cours d'Ortho-
phonie la mise en pratique des principes de phonation
indiqués dans notre méthode.
Les morceaux choisis des classiques français qui
composent cette anthologie forment la transition na-
turelle entre les exercices syllabiques, les phrases ar-
ticulatoires techniques et l'étude orale d'un morceau
littéraire pris au hasard.
Notre recueil de prose et de vers devant s'adres-
ser à des personnes de position, d'âge ou de sexe
différents et par conséquent d'une instruction très
inégale, on comprendra le soin qui a présidé à la
S38 N. U. — ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE.
vérification de sa valeur pédagogique, morale et
rythmique.
L'anthologie orthophonique était-elle réellement
nécessaire, était-elle vraiment indispensable, et
du moment que les exercices élémentaires et les
phrases à syllabes combinées ont été étudiés, ne
peut-on aborder dès lors indistinctement l'étude
orale ou la récitation de tous les morceaux de litté-
rature ?
A cela nous répondons : Sans doute, une fois les
gymnastiques syjlabiques elles phrases mnémotechni-
ques pratiquées, on articulera orthophoniquement le
premier morceau venu de vers ou de prose; mais l'ex-
périence a montré que pour suivre utilement la se-
conde partie de la méthode et se livrer avec fruit à
la pratique du son esthétique, les morceaux dont on
donne la liste ici étaient les mieux appropriés à notre
enseignement, les mieux adaptés à cette transition qui
doit s'opérer pour passer du langage cadencé au lan-
gage naturel et débarrassé de tout artifice phonique
et phonétique.
Un autre avantage ressort du choix constant des
mêmes morceaux.
Les élèves qui commencent leur éducation vocale et
qui avant tout travail personnel assistent pendant un
certain temps à l'exercice de la récitation se trouvent
N. U. — ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE. o39
par cela même préparés à l'étude de ces mêmes mor-
ceaux ; ils profitent déjà des observations qui sont
adressées à ceux qui se trouvent plus avancés
qu'eux, et ils saisissent mieux la valeur des procédés
de redressement vocal en voyant les bons résultats
phonétiques obtenus par leurs aînés ; quand vien-
dra leur tour d'étudier et de réciter les mêmes
leçons, ils retrouveront motu proprio les indications
qu'ils ont entendues, et, sans travail pénible, recons-
titueront les intonations esthétiques qu ils auront à
faire produire.
Pourquoi, nous dira-t-on également, se borner à
donner le titre de ces morceaux, sans donner le
texte? — Pour plusieurs raisons.
La première, c'est que les ouvrages d'où sont ex-
traits ces morceaux choisis des classiques français
sont généralement dans toutes les bibUothèqnes des
institutions ou des écoles; que ces livres se trouvant
dans toutes les bibliothèques mises à la disposition du
public peuvent être consultés sans difficulté ; que
d'ailleurs l'impression dans ce livre des morceaux
choisis eût augmenté inutilement le prix de son édi-
tion.
Enfin il est une dernière raison qui a sa valeur et
que nous engageons les professeurs d'Orthophonie à
mettre en pratique : par cela même que les mor-
3iO N. U. — ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE.
ceaux choisis qui composent l'Anthologie orthopho-
nique ne sont pas imprimés, les élèves devront la
faire eux-mêmes et copier les morceaux qu'ils ont à
apprendre. Par ce travail, les dysphones faciliteront
singulièrement le jeu futur de la mémoire phonétique ;
leur œil, exercé sur les morceaux forcément lus avec
attention, photographie en quelque sorte dans le cer-
veau la physionomie de chaque mot, de chaque vers
ou de chaque ligne. Ce travail d'attention éveille en
outre le besoin de mieux se rendre compte du sens
des mots, et cette intelligence du morceau est néces-
sairement d'un grand auxiliaire pour la mémoire. La
copie obligera encore l'élève à surveiller attentive-
ment l'orthographe ; elle lui fournira l'occasion de
faire un parallèle attentif entre la valeur graphique
et la valeur phonétique du mot ; elle lui permettra en
môme temps de se signaler tous les mots qui lui offrent
des difficultés spéciales d'énonciation ou d'articulation
et qu'il pourrait au besoin souligner. De plus, il écrira
ce qu'il pense des impressions et des sentiments expri-
més dans le morceau qu'il a choisi, il le peindra tel
qu'il le voit, tel qu'il le sent (1).
(1) Le véritable art de la didactiqvio consiste à savoir profitnr des
connaissances qui sont déjà dans l'esprit de ceux qu'on veut ins-
truire, pour les mener à celles qu'ils n'ont point; c'est ce qu'on ap-
pelle aller du co7i?iu à l'inconnu. Tout le monde convient du prin-
N. U. — ANTHOLOGIE OKTIIOPIIONIQUE. 541
On prendra ainsi sans s'en clouter l'habitude de
penser (1), et de coordonner la parole.
cipe ; mais dans la pratique on s'en écarte, ou faute d'attention, ou
parce qu'on suppose dans les adolescents des connaissances qu'ils
n'ont point acquises.
Les manières ordinaires de parler sont appelées simplement
phrases, expressions, périodes; mais celles qui expriment non seu-
lement des pensées, mais encore des pensées énoncées d'une ma-
nière particulière et qui leur donne un caractère propre, celles-là
sont appelées figures parce qu'elles paraissent sous une forme par-
ticulière, et avec ce caractère propre qui les distingue les unes des
autres. Les figures, quand elles sont employées à propos, donnent
de la vivacité, de la force, ou de Tagrément au discours ; car, outre
la propriété d'exprimer les pensées, comme tous les autres assem-
blages de mots, elles ont encore, pour ainsi dire, l'avantage de la
forme de leur « vêtement » qui sert à réveiller l'attention, à plaire
ou à toucher.
Quand dans la lecture à haute voix les figures sont bien rendues
oralement, elles font admirablement ressortir la valeur de la diction
d'une personne.
On divise les figures en figures de pensées et en figures des
mots. Il y a cette différence, dit Cicéron, entre les figures de pen-
sées et les figures des mots, que les figures de pensées dépendent
uniquement du tour de l'imagination ; elles ne consistent que dans
la manière particulière de penser ou de sentir, en sorte que la figure
demeure toujours la même, quoiqu'on vienne à changer les mots
qui l'expriment. Au contraire, les figures des mots sont telles, que,
si vous changez les paroles, la figure s'évanouit. Par exemple,
lorsque, parlant d'une brigade, on dit qu'elle était composée de six
mille baïonnettes, baïonnettes est là pour soldats. Si on substitue
le mot de soldats à celui de baïonnettes, on exprime également la
pensée, mais il n'y a plus de figure.
(1) Le mot penser signifie, suivant son étymologie, peser (il vient
du mot latin jje«.?are).
C'est par les jugements que nous portons des choses que nous
les pesons, que nous les apprécions, d'où il suit que l'art de penser
542 N. U. — ANTHOLOGIE ORTIIOPflOMIQUE.
Les élèves qui suivent des cours d'Orthophonie
seront donc invités à écrire l'anthologie de la façon
suivante : d'un côté le morceau (prose ou vers), d'un
autre côté la page en regard sera laissée en blanc et
servira à mettre en note, vis-à-vis des passages cor-
respondants, les remarques orthophoniques et les
observations sur le son esthétique auxquelles elles
auront pu donner lieu pendant les classes d'ortho-
phonie, observations qui varient selon le vice de pa-
role dont est atîecté l'élève dysphone et qui, par
conséquent, sont exclusivement personnelles.
On comprend toute l'utilité de ces remarques
transcrites au retour de la classe par l'élève : en le
maintenant constamment en haleine pour les autres
cours elles lui feront nécessairement faire une révi-
sion complète du cours antérieur.
est le même que l'art de juger, d'où il suit également que l'art de
juger un morceau littéraire consiste à savoir l'analyser par le sens
intime, par la mémoire, par l'évidence, par le témoignage des sens,
par la tradition, par l'analogie et enfin par la probabilité.
Quand on veut rendre oralement un morceau littéraire, il faut le
dessiner comme l'artiste dessine un tableau : ici seront les coups de
lumière, là, les ombres; ceci doit êtie relativement perdu, cela très
peu marqué, telle phrase sera mise en relief, telle autre proposi-
tion sortira pour ainsi dire de la toile.
TITRES DES MORCEAUX CHOISIS
DES CLASSIQUES FRANÇAIS
(prose et vers)
ORDRE ALPHABÉTIQUE,
Alemiîert (Jean d'). — Destouclies et Dufresny (Éloge de Destou-
ches). — Les Arts (discours préliminaire de l'Encyclopédie),
A^DIUEUX. — Le Meunier de Sans-Souci.
Arago. — Rupture de Buffun avec Bailly.
Arnault. — Marins dans les marais de Minturne.= .
AuGiER (Emile). — La Province (la Jeunesse). — La Ciguë, acte, II,
scène m.
AuTRAN, — Les Naufragés.
Balzac. — Une Maison flamande à Douai.
Banville. — Les Loups. — Le Sanglier.
Barbier (Auguste). — Dante. — Michel-Ange.
Barthélémy. — Une Nuit au désert.
Beaudelaire. — L'Homme et la Mer.
Beaumarchais. — Le Mariage de Figaro, acte IV, scène m. — La
Calomnie (le Barbier de Séville).
BÉRANGER. — Le Voyage imaginaire. — Le bon Vieillard. — L'Orage.
— Adieux de Marie-Stuart. — Les Hirondelles. — Le
Chant du Cosaciue.
Bernardin de Sai^t-Piekhe. — Le Fraisier (Harmonies delà Nature).
Bernard (Claude). — Pliysiologie du cœur.
BiCHAT. — Théorie du Sommeil.
Bodrdai.oue. — L'Hypocrisie (Sermon sur le Jugement de Dieu).
Brillat-Savahin. — Les Mots et les Choses.
;iii N. U. — ANTHOLOGIE ORTllOPHuNIQUE.
BnizEux. — Le Convoi d'une p;iuvre fille. — La Maison du Mous-
toir. — Le pont Kerno.
DuFFON. — Dignité de l'Homme. — Le Chien. — Le CiievaL —
L'Oiseau-mouclie.
Cabanis. — La Douleur est-elle un mal?
Calvi\. — Méditation de la vie à venir (Institution de la religion
chrétienne).
Chapki.ain. — Chapelain peint par lui-même.
Chateai i;i!iAND. — La Cataracte du Niagara (Génie du Christianisme).
— Washington et Bonaparte.
CiiÉMEn (André). — La Jeune Captive. — Adieux :\ la vie.
CoLLiN d'Haklevili.e. — L'Optimiste, act. III, se. xi. — Les Châteaux
en Espagne, acte III, scène vit.
CouniER (P.-L.). — Mort de Périclès (trad. libre de Plutarqnc).
CoppÉE (François). — l.e Défilé. — Les Aïeules. — La Bénédiction.
— I.a Grève des forgerons.
Cor.NEiLLE (Piorrt;). — Cid, act. III, se. iv ; id., act. IV, se. iii; id.,
aci. V, se. i. — Horace, act. I, se. i; id., act. II, se. i; id.,
act. II, se. vu; id., act. III, se. vi ; id., act. IV, se. m; id.,
act. IV, se. v. — Cinna, act. I, se. m ; id., act. II, se. i ; id.,
act. IV, se. m; id.,act. V,sc. ]. — Polyeucte, act. I, se. iii;
id., act. III. se. m; i.l., act. V, se. iv. — Rodogune, act. V,
se. IV. — Pompée act. V, se. i. — Attila, act. I, se. ii. —
Le Menteur, acte I, se. v ; id., act. V, se. m.
CoBiMEiLi.i; (Thomas). — Ariane, act. III, se. iv.
Cousin. — L'Idéal et le Béel. — Du Vrai, du Beau et du Bien.
Aux Jennes Gens.
Clvieu. — Les AUuvions.
Daguesseau. — Le bel esprit (Discours sur les causes de la déca-
dence do l'art oratoire).
Delavk;,\e (Casimir). — La Mort de Jeanne d'Arc. — Los Enfants
d'Edouard. — Aux ruines de la Grèce païenne.
Delii-le. — Le Coin du feu.
Desboiides-Valmore (M°"^). — Le Lépreux. — L'Kcolier. — Le Petit
oreiller. — Le Petit rieur (Poésies).
Descahtes. — Le Bon sens et la Méthode.
Drsciia.mps (Antony). — L'Enfer (trad. de Dante).
Deschamps (Emile). — Rodrigue pendant la bataille.
Des EssAirrs (A.). — Les Douleurs.
Des EssAiiTS (Emmanuel) — La Vie harmonieuse.
DESHoui.ii-;uES (M""^). — Allégories. — Pastorales.
TITRES DES MORCEAUX CHOISIS. 545
Destouches. — Le Glorieux, act, IV, se. vu ; id., act. III, se. iv.
DÉzoBRY (Ch.). — Le Gapitole au siècle d'Auguste (Rome au siècle
d'Auguste^.
Diderot. — La Musique et un Musicien. — Sur l'Efficacité des
Voyages. — Le Trésor caché (De l'interprétation de la
Nature).
Ducis. — Songe de Macbeth. — Œdipe, act. III, se. v.
DucLOS. — Les Français.
Dumas (Alexandre). — Guillaume Mona,
Dupont (Pierre). — Les Bœufs.
DupiN (Aîné). — L'Improvisation oratoire.
DuTERTKE. — Les Mouches luisantes.
E
Erckma^n-Chatrun. — La Sentinelle perdue.
Favre (Jules). — Défense d'Orsini. — Question allemande. — Sur
les libertés intérieures. — Propriété littéraire. — Discours
du bâtonnat (Discours).
FÉNELON. — Comparaison de Démocrite et d'Heraclite. — Le Con-
nétable de Bourbon.
Fléchier. — Le Cardinal de Richelieu. — Mazarin (Oraisons funè-
bres).
Florian. — L'Enfant et le Miroir. — La Justice.
FoNTANES. — Lucrèce. — Horace (Disc, prélim. de latrad. de l'Essai
sur l'homme).
FoY (le général). — L'Armée française.
Franklin. — Le Sifflet.
G
Gaillard. — Passage des Alpes (Histoire des Français).
Garât. — Le peuple Juif.
Gautier (Théophile). — Ce que disent les hirondelles. — M""* Théo-
phile (Ménagerie intime).
Gilbert. — Adieux à la vie. — Le Jugement dernier.
GiRARDiN (Saint-Marc). — Naufragé du Kent,
Gresset. — Le Méchant^ act. IV, se. iv.
Gdizot. — La Vie d'un grand homme. — Exécution de Charles I"
(Histoire, tome II).
3o
•546 y- U. — ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE.
H
Harel (Paul). — A une Musicienne.
Hoche (le général). — Le général Hoche au bivouac.
Hdgo (Victor). — Lafontaine. — Lui. — Moise sur le Nil. — L'En-
fant. — Oceano vox. — La Conscience. — Virgile. — Après
la Bataille. — Port-Royal.
Jasmi??. — L'Enfant du pauvre. — Ma Vigne.
JouBERT. — L'étude du latin (Pensées).
K
Kaisr (Alphonse). — Le Ruisseau.
Laboulaye (Ed.). — L'éducation populaire.
La RnuYÈnE (Jean de). — Corneille et Racine. — Le Fat, l'Egoïste.
— Cliton ou l'homme né pour la digestion. — Le Riche et
le Pauvre. — Le Courtisan. — La Curiosité ou les Manies.
LACORDAinE. — Contre l'ennui. — L'Enfance du général Drouot.
Lacaussade. — Les Soleils de septembre. — La Nuit. — L'Heure de
midi. — Le Crépuscule. — Rôverie.
Lafont (Charles). — La Fille de l'orfèvre. — Le Premier ami de
l'homme (Légendes de 1h Charité).
La Fontaine (Jean de). — L'Alouette et ses petits avec le Maître
d'un champ. — L'Ane et le petit Chien. — L'Ane vêtu de la
peau du Lion. — Les Animaux malades de la peste. — La
Besace. — Le Chameau et les Bâtons flottants. — Le Charla-
tan. — Le Chat, la Belette et le petit Lapin. — Le Chat et
les deux Moineaux. — Le Chat et le vieux Rat. — Le Chê-
ne et le Roseau. — La Cigale et la Fourmi. — Le Coche et
la Mouche. — Le Cochet, le Chat et le Souriceau. — La
Colombe et la Fourmi. — Le Coq et le Renard. — Les
deux Coqs. — Le Corbeau et le Renard. — L'Enfant et le
Maître d'école. — Les Femmes et le Secret — La Fille. —
Le Gland et la Citrouille. — Contre ceux qui ont le goût
difficile. — Les Grenouilles qui demandent un roi. —
L'Homme et la Couleuvre. — L'Huître et les Plaideurs. —
TITRES DES MORCEAUX CHOISIS. 547
Le Jardinier et son Seigneur. — Le Laboureur et ses En-
fants. — La Laitière et le Pot au lait. — Le Lièvre et les
Grenouilles. — Le Lièvre et la Tortue. — Le Lion et le
Moucheron. — Le Loup et l'Agneau. — Le Loup devenu
berger. — Le Loup et le Chien. — Les Membres et l'Esto-
mac. — Le Meunier, son Fils et l'Ane. — l^es deux Mulets.
— Les Obsèques de la Lionne. — L'Œil du Maître. —
L'Ours et l'Amateur des jardins. — L'Ours et les deux Com-
pagnons. — Le Paysan du Danube. — Les deux Pigeons.
— Le petit Poisson et le Pêcheur. — Le Pot de terre et le
Pot de fer. — La Poule aux œufs d'or. — Le Rat de ville et
le Rat des champs. — Le Renard et la Cigogne. — Le Re-
nard et les Raisins. — Le Savetier et le Financier. — La
Tortue et les deux Canards. — La jeune Veuve. — Le Vieil-
lard et ses Enfants. — Le Vieillard et les trois jeunes Hommes.
La Harpe. — Warwick, act. III, se. m.
Lamartine. — Le Lac. — La Mort de Sucrate. — La Prière du soir.
— L'Automne.
Lamennais. — La Démocratie à Rome. — Dissolution de l'empire
romain. — Triomphe du Christianisme.
Laprade (Victor de). — Les Epis du pauvre. — La Mort d'un chêne.
La RocBEFOucAui.D. — La Valeur.
Leconte de Lisle — Héraclès au Taureau. — L'Épée d'Angantyr.
— Les Hurleurs.
Legouvé (Ernest). — Le père Instituteur (les Pères et les Enfants).
Lesage. — Le Souper de Gil-Rlas. — Epitaphe du licencié Gardas.
LiTTRÉ. — Hippocrate.
M
Maistre (Joseph de). — Une Nuit d'été à Saint-Pétersbourg.
Maistre (Xavier de). — Le Ciel étoile.
Malebranche. — Se rendre aimable (Des devoirs entre personnes
égales).
Mamierbiî. — A Dnperrier sur la mort de sa fille.
Marmontel. — Molière. — Lafontaine (Epître aux poètes). — Les
figures de rhétorique (Éléments de littérature). — Bon-
heur dans la médiocrité.
Marivaux. — Portrait d'un ministre.
Massillon. — Les fausses vertus.
Mérimée. — Esprit politique des Grecs.
Mézeray. — Le Maréchal de Biron à Henri IV (Histoire de France).
MicHELET. — La Leçon de l'hirondelle. — La Vocation de Jeanne
d'Arc (Histoire de France).
MiGNET. — Sieyès.
MiLLEvoYE. — La Chute des feuilles. — La Fleur. — La Fiancée. —
Le Poète mourant.
Mirabeau. — Profession de foi en 1789. — Discours contre la ban-
queroute.
548 N. U. — ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE.
MiRON. — Harangue au Roi pour le tiers-état.
Montaigne (Michel de). — De l'Amitié.
MoNTESQiiED. — CharlemagiiB. — La Vertu dans la démocratie.
MoLrÈr.E. — ^lisantlirope ; tout le premier acte ; act. III, se. i. —
— Femmes savantes, act I, se. ii et m ; id., act. II, se.
VU; id., act. III, se. v; id., act. IV, se. m. — L'Avare,
act. III, se V et vi; id., act. IV, se. vu. — L'École des
Maris, act. I, se. i. — Psyché, act. II, se. i, — Le Mariage
forcé, act. I, ïc. vi. — Les Fâcheux, act. II, se vu ; act. III.
se. Il et III. — Amphitryon, act. I, se. i; id., act. I, se. ii.
MoREAU (Hegésippe). — Un Souvenir d'enfance. — La Voutzy,
(élégie).
Musset (Alfred de). — L'Espoir en Dieu (Poésies). — Le pinceau
du Titien. — A la Maiibran (sonnet). — Combat de don
Paez et d'Etur de Gnadassé. — Lucie. — Deux types pa-
risiens (Œuvres complètes).
N
Nadaud, — Le i\id abandonné (chansons).
NiSARD. — La Critique du dix-neuvième siècle (Discours).
KoDiER (Charles). — Polichinelle.
O
Ortolan (Eizéar). — Les Rubans de feu (Enfantines)
Pascal. — Pensées sur le Style et TEloiuence. — L'Imagination.
Patin. — Horace et Mercure (OEavres d'Hurace).
Perrault. — Le Petit Chaperon Houge (Contes).
Pi' ARD (Germain). — A un Enfant.
PiiioN. — La Métromanie, acte V, scène i.
Po.NGERViLLE(de). — Le Fanatisme. — Le Sage et le Méchant.
Po'.SARi). — La Toile de Pénélope ^Poèmes antiques). — La Sibylle
de Cumes, scènes m, iv, v (Lucrèce). — Le songe de Lu-
crèce (Lucrèce). — Péri[)étie du quatrième acte de l'Hon-
neur et l'Argent. — Charlotte Corday, acte III, scène i.
Phévost-Paradoi-. — La Guerre (la France nouvelle).
TITRES DES MORCEAUX CHOISIS. 5i9
Ql'inet (Edg.)' —Le Trouvère (Œuvres diverses). — Les poèmes
d'Homère.
R
Rabelais. — Lettre de Gargantua h. son fils.
Raci-ne, — Les Frères ennemis, act. V, se. iir. — Andromaque,
act. I, se. Il; id., act. I, se v ; iil., act. V, se. v. — Britan-
nicus, act. IV, se. ii; id., act. IV, se. m. — Mithridate,
act. III, se. I. — Iphigénie, act. I, se. ii; id., act. I, se. v ;
id., act. IV, se. iv, id., act. V, scène dernière. — Phèdre,
act. IV, se. VI ; id., act. V, se. vi. — Athalie, act. I, se. i;
id., act. I, se. ii ; id., act. II, se. v ; id., act. II, se. vu. — Tout
le cliœur du 1" acte. — Tout le cliœur du i^e acte. —
Estlier, tout le chœur du 1" acte, tout le chœur du ï'^^ acte,
Katisbonse. — La lîonde enfantine.
Raynouard. — Mort des Templiers.
Read (Henri Charles). — Le Sonnet.
Reboll (Jean). — Les Langes de Jésus.
Regkaed. — Le Joueur, acte IV, se. i.
REMISAT (de). — Les Révolutions.
RiGALLT (H.). — L'Ecolier d'autrefois.
RivAROL. — Caractère de la langue française.
Ronsard. — Conseils à Charles IX. — Contre les Bûcherons de la
forêt de Castine.
RoTROu. — Le Créateur. — Saint-Genest, acte IV, scène m.
Rousseau (J.-J.). — Le Lever du soleil. — Du Remords et de la
Conscience (Emile). — Le Duel. — La maison, les amis,
les plaisirs de J. -Jacques à la campagne s'il était riche
(Emile).
RoissEAU (J.-B.). — La Comédie, ou Molière (épître ii, livre II).
RtLHiÈRE. — Le Disputeur (les Disputes .
Sainte-Beuve. — A Ronsard. — Souvenir. — Les Larmes de Racine.
Sai.ntine. — Un Torrent.
Sand 'Georges). — Le Coin de feu. — Le Pay.sage du Berry.
Say (J.-B.). — L'Avare et le Prodigue.
SedaiiNE. — Epître à mon habit.
550 N. U- — ANTHOLOGIE ORTHOPHONIQUE.
SéviGNÉ (M"»* de). — Mort de Vatel. — Mort de Turenne. — Le
Carrosse versé (Lettres).
SiSHONDi. — La Peste de Florence (Histoire des républiques ita-
liennes).
SouLARy. — Les deux Cortèges. — La Aler.
SoLMF.T (A.). — Une fête de Néron. — L'Orplieline.
Staël (M^^de). — Pompéi. — Le Chant du soir en Allemagne.
Sl'lly-Prodhomme. — A l'Hirondelle. — L'Habitude. — Le Cygne. —
Cn Songe. — Les Vieilles maisons.
Tastd (M""^). — Le Dernier jour de l'année.
Thierry (Augustin). — Le Dévouement à la science.
Thiers. — Annibal CHistoire du Consulat etde l'Empire), — L'Alle-
magne et l'Italie (discours).
Thomas. — Le Czar à l'hôtel des Invalides. — Le Dessin. — La Pein-
ture. — La Sculpture. — L'Architecture. — Cicéron (Essai
sur les éloges).
Tracy (M™^ de). — Le Nid de mésanges.
Vadgelas l'dej. — Les Mots nouveaux.
Vauvenargues. — Lecture des livres anciens.
Vertot. — César-Pompée (Révolutions romaines).
ViENNET. — Le Romantique.
Vigny (Alfred de). — Roland à Roncevaux (Poèmes antiques).
Viu.EUAiN, — Captivité de Grégoire VII. — Les Pensées de Pascal.
ViTET. — Eustaclie Lesueur (Histoire).
Voltaire. — La Henriade, chants II, V, VII. — Guillaume III et
Louis XIV (Siècle de Louis XIV). — A son ancien profes-
seur. — L'Immortalité de l'âme. — Le Triumvirat, acte I,
scène i. — Oreste, act. I, se. vi. — Mérope, act. III,
se. IV. — Mahomet, act. II, se. v. — Zaïre, act. II, se. m.
- Pierre le Grand, Charles XIII (Histoire).
VoiTLRE. — Lettre au prince de Condé après la bataille de Rocroi.
— Condé.
NOTE V
DES LOCLTIONS VICIEUSES LES PLUS USITÉES
MOTS COMMENÇANT PAR UN h ASPIRE
NOTE V
DES LOCUTIONS VICIEUSES LES PLUS USITÉES.
NE DITES PAS
Aimer lire,
Demander ri'entrer,
Partir a la campagne,
La clef est nprès ou sur la porte,
Il a une tache après son habit,
Se lever « bonne heure.
Acheter ou vendre bon marché.
Bon \)Our manger, potir jeter,
Sauter ou se jeter en bas d'un
cheval, — en bas du lit,
Être à l'abri cont''e le froid,
Chercher un abri pour la persé-
cution,
Il s'en fait trop croire.
Manières pleines û' affectation.
Couteau bien effilé,
A nos âges on ne joue plus.
Cet enfant est plus vieux que son
frère,
Il en a mal ayi,
Réguiser un canif,
Ces fruits ont Vair mûr,
Elle a l'air rêveuse,
Un alcôve.
Ils sont assis autour.
J'ai plusieurs endroits à aller.
Aimer à lire.
Demander à entrer.
Partir pour la campagne.
La clef est à la porte.
Il a une tache à son habit.
Se lever de bonne lieure.
Acheter ou vendre à bon marché.
Bon à manger, à jeter.
Sauter ou se jeter à bas d'un che-
val, — à bas du lit.
Être à l'abri du froid.
Chercher un abri contre la persé-
cution.
Il s'en fait trop accroire.
Manières |ileioes d'afféterie.
Couteau bien affilé.
A notre rjge, etc.
Cet enfant est plus âgé que son
frère.
Il a mal ngi.
Aiguiser un canif.
Ces fruits ont l'air d'être mûrs.
Elle a l'air rêveur.
Une alcôve.
Ils sont assis alentour.
Je dois aller dans plusieurs...
554
N. V.
LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
Je suis allé hier lui rendre visite,
Elle vient de sortir, elle a été à
l'église,
Va en prendre.
Je we suis en allé.
Une antidote,
Dieu parut à Muise,
Rappeler d'un jugement,
Cela prête à rire.
Une Arche de triomphe,
Vuéromètre ou pèse-liqueurs,
Argile mou.
Une armistice.
Je me ?>\x\% raisonné.
Je range ma bibliothèque, ma
garde-robe,
y arrange mes livres,
Arr\(:rages,
L'arrêt du préfet,
En errière.
Un artère,
Ils m'assaillissent,
Assis-loi,
Il a de la fortune as.-ez,
Un atmosphère.
Atteindre à sa majorité,
Atteindre la perfection, le
sommet,
Remplir un but.
Des fautes ^'attention,
La richesse n'est rien auprès de
la vertu.
Il est aussi aimable comme son
frère est bourru,
Je vous écrirai de suite que, etc.,
Aussitôt son dîner,
Du temps où nous vivons.... Du
temps de Jésus-Christ,
Une automne froide,
Alentour de la table,
Il est tout autre que fe pensais,
11 parle autrement qu'il agit,
Mettez-vous avn7it moi, afin de
passer devant moi,
Le chapitre du Nom est devant
celui de l'Adjectif,
Ljéjeunez auparavant de sortir,
IVlon frère est tombé et moi avec.
J ai été hier lui rendre visite.
Elle vient de sortir, elle est allée
à l'église.
Vas en prendre.
Je m'en suis allé.
Un antidote.
Dieu apparut à Moïse,
appeler d'un jugement.
Cela apprête à rire. ,,«— —
Un Atx de triomphe.
Varéoiiiètre ou pèse-liqueurs.
Argile molle.
Un armistice.
Je me suis arraisonné. — "~~
i'arrange ma bibliothèque, ma
garde-robe.
Je range mes livres.
Arrérages.
L'arrêté du préfet.
En arrière.
Une artère.
Ils m'assaillent.
Assieds-toi.
Il a assez de fortune.
U)ie atmosphère.
Atteindre sa majorité.
Atteindre à la perfection,.... au
sommet.
Atteindre un but.
Des fautes à" inattention.
La richesse n'est rieu au prix de
la vertu.
Il est aussi aimable que son frère
est bourru.
Je vous écrirai aussitôt que, etc.
Aus-:itôt après son dîner.
Au temps où...
Au temps de ..
Un automne frcàd.
Autour de la table.
Il est tout autre que/»? ne pensais.
Il parle autrement qu'il n'agit.
Mettez-vous devant moi, afin de
passer avant moi.
Le chapitre du Nom est avant
celui de l'Adjectif.
Déjeunez avant de sortir.
... et moi aussi, ou : et moi avec
lui.
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
o53
NE DITES PAS
Le général, avec toute son armée,
sont partis pour la guerre,
Jouir aune mauvaise réputation,
d'une mauvaise santé,
Il y avait cinq à six personnes,
On le voit toujours à rien faire,
Barque « Caron,
J'a6»«emon chapeau, ma robe, etc.
Venez à bonne heure.
D'une bonne acabit,
Elle a \'air méchajite ; Vair est
fraîche, piquante,
Je me suis en allé, ils se sont en
allés.
Allumez la lumière,
Antipotts (aller aux),
Je lui ai appris ce qui est arrivé.
Voilà de belles prunes, aucunes
ne me tentent,
Vous n'écrivez plus -d bien que
les autres fois,
Avan-hier,
LITE s
Le général, avec toute son armée,
est parti pour la guerre.
Avoir une mauvaise réputation,
une mauvaise santé.
11 y avait cinq ou six personnes.
On le voit toujours ay//(s rien faire.
Barque de Caron.
Je froisse mon chapeau, je salis,
je gâte ma robe.
Venez de bonne heure.
D'un bon acabit.
Elle a Vair mccharii ; Vair est
frais, piquant.
Je m'Qii suis allé, ils s'en sont
allés.
Allumez la bougie, la lampe,le gaz.
Aller aux antipodes.
Je lui ai raconté a qui est arrivé.
Aucune d'elles ne me tente.
Vous n'écrivez plus aussi bien
qu'autrefois.
Avant-hier.
Le babillage des enfants est d'or-
dinaire très gracieux,
Je vais baigner,
fiâlonnade,
Bûill'ir aux corneilles,
Femmes hémtes de Dieu,
A bonne heure,
Bossekr la cafetière.
Il faudrait que l'eau bouille.
Prendre quelqu'un à brasse-CQvç)?,,
Il brouillasse.
Cette pluie bienfaisante fera bien
du bien,
Pileux,
Je bisque,
J'ai acheté ces livres bon marché.
Bûche de bois.
Il a rempli son but,
Le babil des enfants est, d'ordi-
naire, très gracieux.
Je vais tne baigner.
Bastonnade.
Bayer aux corneilles.
Femmes bénies de Dieu.
De bonne heure.
Bossuer la cafetière.
Il faudrait que l'eau bouillit.
Prendre quelqu'un à bras-le-
corps.
Il bruine.
Cette pluie bienfaisante fera
beaucoup de bien.
BUieux.
iepeste,ye7irage.
J'ai acheté ces livres à bon mar-
ché.
Bicche,
Il a atteint son but.
556
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
Cacaphonie,
II est suscepliôle de nous nuire,
L'ours est Carnivore, mais il se
nourrit surtout de fruits et de
graines ; — le tigre, au con-
traire, est essentiellement car-
nassier,
La porcelaine est très belle, mais
trop casuelle,
Par rapport, ou rapport à.,.,
•Causer à quelqu'un.
-Causette,
Un vieux jeune homme.
Ceux-ci suttout méritent d'être
récompensés qui font le bien
sans songer à la récompense.
Il censure ces pauvres gens,
Il ne décesse de parler,
C'e%\. pourquoi que,
Ils coûtent douze francs chaque,
- Un c/iocun par'e,
Une chaiiibratile.
Venir avec le cbemin de fer,
- Cliercher a^y^ quelqu'un.
Il vaut mieux aller an boulanger
qu'au médecin,
Chipoleiir, ch\poteuse,
Chrétienncté,
Couper une étoffe avec un ciseau,
A o'ocbe-pied,
C'est un liomme coléreux,
Collet de clu'mise,
- Col d'un habit,
Du colapfiane.
Colorer unf^ gravure,
""Le combien sommes-nous ?
Comparution,
^'nl complaisant,
Compote aux pommes,
Ce reproche l'a confusionné,
_ C'est une personne de mes con-
7iuiiS(incfs,
Avoir un avocat pour conseil/e;-,
DITES
Cacophonie.
Il est capable de nous nuire.
L'ours est carnassier, mais il se
nourrit surtout de fruits et de
graines ; — le tigre, au con-
traire, est essentiellement car
nivore.
La porcelaine est très belle, mais
trop fra(ji'e.
A cause de...
Ciiuser avec quelqu'un.
Causerie.
Un vieux célibataire, un vieux
garçon.
Ceux-là surtout méritent d'être
récompensés qui font le bien
sans songer à la récompense.
Il exploite, il ruine, \\ pressure...
Il ne cesse de... ou: Il ne dé-
parle pas.
C'est pourquoi.
Ils coûtent douze francs chacun.
Chacun l'arle.
Un chambranle.
Venir par le chemin de fer.
Chercher fiuelqu'im.
...chez le boulanger que chez le
médecin.
C\i\\wtier, ch\\totiùre. ■
Chrétienté.
Couper une étoffe avec des ci-
seaux.
.A c7';che-pied.
C'est un homme colère. "
Col de chemise.
Collet d'un habit..
De la colophane.
Colorier une gravure.
Quel est le quantième du mois ?
Comparution.
Peu complaisant.
Com|)Ote 'le pommes.
...l'a couvert de confusion.
C'est une personne du ma connais^ .
snnce.
Avoir un avocat pour conseil.
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS 1 DITES
557
Être conséquent avec soi-même,
Somme conséquente,
,:-^~Oii l'a contraint rfe marcher,
_ On l'a contraint à se tenir en re-
pos,
__^-'Vous contredises k tout propos,
Sans contre(ii/-e,
^,,.—J)écommander un dîner,
i\e désobéissez pas au règlement,
Coquille d'huîire.
De \acorpora7ice,
Phrase exacte,
-i~ Coufbaituré,
J'y suis couru,
Un œuf coui'é,
Je crains qu'il tombe,
Cvninte d'être surpris,
(Cresson (/ lu noix,
Le corbeau coasse,
Je crois f/p bien faire,
Culière d'argent,
■■— — ' Cahotement (le).
Calvie (pomme de),
Célébrale (fièvre).
Centaure (une voix de),
Messieurs, vous êtes trempés,
changez-vous.
Cornue de juste,
\-
Cou (d'une bouteille),
— = Le vent coupe la figure,
Couserai (je),
La couverte de mon lit.
Je crasse mes habits.
Èire conséquent à soi-même.
Somme cofisiderable.
On l'a contraint à marcher.
On l'a contraint de se tenir, etc.
Vous contredisez à tout propos.
Sans contrerfîY.
Contremanderun dîner.
Ne contrevenez pas au règlement.
Écaille d'huître.
De la corpulence.
Phrase correcte. — —
Courbatu.
/y là couru.
Un œufcoui'z.
Je crains qu'il ne tombe.
De crainte d'être surpris.
Cresson alénois.
Le corbeau cro'tsse.
Je crois bien faire.
Cuillère ou cuiller d'argent.
Le cahotage, ou le cahot de la -=
voiture.
Calville.
Cérébrale,
Une voix de Stentor.
Cliangez de vêtements, vous êtes
trempés.
Comme il est juste, ou comme de .J^
raison.
Le goulot d'une bouteille.
Le vent cingle la figure. "^ —
Je ciudrai.
La couverture de mon lit.
Vencrasse mes habits.
Dedans la ville.
Lire sur un journal.
J'ai mes pantoufles dans mes
pieds,
II ne àoitpas davantage que'îOO fr.
Vous aurez davantage de plaisir.
Daus la ville.
Lire dans un journal.
...les p.eds dans mes pantoufles,
ou mes pantoufles aux pieds.
Il ne doit pas plus de 200 francs.
Vous aurez plus de plaisir.
Il a bu plus que six verres de ti- ■ Il a bu plus de six verres de ti
sane, I sane.
558
N. V
LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS ]
Gartts en peau, montre en or, etc.
Déjeuner avec du café, dîner avec
un poulet,
Je ne ris pas avec cette plaisan-
terie,
Le château à mon oncle, le livre à
mon frère,
Le supplément à un journal.
Il m'a remis mes déboursés.
Mes déf'Ours se montent à...,
Enlevez tourej ces décombres,
Cet homme est bien découpé.
Chapelle consarée à saint Pierre,
Église dédiée à Dieu,
J'ai défendu qu'il ?ie vînt.
L'homme trompé devient méfiant,
Je lui en défie,
En définit!/',
Désngraf^7\
Demander après quelqu'un,
La demandées'? en justice,
Où reslez-vons ?
Donner le dernier adieu,
Il est dessous ■\o\\s,
Détracta.(ion,
Corneille et Racine sont tous deux
admirables,
Ils vont tons les deux à l'école,
J'ai eu des raisons avec lui,
Vil dinde.
Elle étitit comme pour mourir,
De/y'îj'suader,
Domp-ter,
Or donc, j'y parviendrai,
Le livre que j'ai besoin,
La maison d'oM il sort est illustre.
C'est un beau château que celui
rfon' je sors.
Voilà qui est farce,
I! a une pension sa vie durante,
Descendre en bas,
Elle ne décesse de parler,
Décommander,
Déhonté,
Déluré,
Demander excusas,
Dé/féchez-vous vite,
l'essorceler,
Donnez-moi z-en,
Gants de peau, montre d'or, etc.
Déjeuner de café, dîner d'un pou-
let.
Je ne ris pas de cette plaisanterie.
Le château de mon oncle, le livre
de mon frère.
Le supplément f/'un journal.
Il m'a remis mes débours.
Mes débottrsés se montent à...
Enlevez t'^us ces décombres.
Cet homme est bien découpée.
Chapelle dédiée à saint Pierre.
Église consacrée à Dieu.
J'ai défendu qu'il vint.
L'homme trompé devient défiant.
\ Je l'en défie.
En définitiye.
Dégrafer.
I Demander (luelqu'un.
! La dernanderesi'e en justice.
! Où demeurez-vous ?
Doimer le denier à Dieu.
Il est sous vous ou au-dessous de
vous.
Détraciion.
...sont tous les deux admirables.
I
Ils vont tous deux à l'école.
J'ai eu des difficultés avec lui.
U> e dinde.
On eût dit qu'elle allait mourir.
Z)/6'suader.
Dompter [p nul).
Donc, j'y parviendrai.
Le livre dont j'ai besoin.
La maison dont il sort est illustre.
C'est un beau château que celui
d'cjù je sors.
Voilà qui est drôle.
Il a une pension sa vie durant.
Descendre.
Elle ne cesse de parler.
Coydremander.
Elionté.
Dégourdi.
Faire des excuses.
Dépêchez-vous.
Désensorceler.
Donnez-m'en.
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS 1 DITES
559
Dormir un somme,
Faire du mauvais sang,
Faire un somme.
Faire de mauvais saiiî
Eau de cerisier, de pêc^e/-, de
fleur d'orange,
La terre s'écroule sous nos pas,
Ce mot, que je n'aurais pas du
dire, m'a. échappé.
Ce que je voulais dire m^est
. écliappé.
Égaler le partage.
Une personne bien éduquée,
Une émincée de gigot,
Rémouler un couteau,
Je lui empêclierai de sortir,
J'ai dû rire,
Une emplâtre.
Remplissez d'eau la carafe,
La lune emprunte sa lumière au
soleil,
('<nnnaisseur c/e tableaux,
Votre fils a beaucoup renforci,
Un égnime,
La vertu anoblit,
Temps ennuyeux.
Musique ennuyeuse,
Pais ensuite,
Une entrecôte.
Sévère «iv-à-u/s- de ses amis,
L'e?ivers de cette médaille,
Le revers de cette rolje.
Avoir du goût de faire une chose,
Éviter des peines à quelqu'un,
Épidémie sèche.
Épurer un compte.
Une esclande.
Une espace.
J'espère avoir bien agi,
Elle a uneesqni/rtrtcie.
Le peintre n'a fait qu'une exquise,
Un estampille,
Un étable.
Le >-^tameur rétame la cas^role,
Eccéléra,
Eau de cerises, de pèches, de
fleur ù'oranger.
La terre s'éboule sous nos pas.
Ce mot, que je n'aurais pas dû
dire, m'est échappé.
Ce que je voulais dire m'a
, échappé.
Égaliser le partage.
Une personne bien élevée.
Un émince de gigot.
Emoudre un couteau.
Je /'empêcherai de sortir.
Je n'ai pu 7n empêcher de rire.
Un emplâire.
Emplissez d'eau la carafe.
La lune emprunte sa lumière du
soleil.
Connaisseur en tableaux.
Votre fils a beaucoup e» forci.
Une énigme.
La vertu ennoblit.
Temps ennn^ant.
Musique emwiyante.
Ensuite.
Un entrecôte.
...envers ses amis.
Le revers de cette médaille.
h'envevs, de cette robe.
Avoir envie de faire une chose.
Épargner des peines à quelqu'un.
Épiderme sec.
Apurer un compte.
Un esclandre.
Un espace.
Je pense avoir bien agi.
Elle a une esqui?««;?cie.
Le peintre n'a fait qu'une esquisse.
Une estampille.
Une étable.
L'f^tameur étamc la casçerole.
Et cœtera.
560
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
Je connais les ai^es de la maison,
V/ie évangile,
Tenir le /avier, le levier propre,
Demander excuse.
Il est venu expressément pour lui,
Goût ei-quis,
Odeur esquisse,
Un extase,
Le souverain adonné de l'étendue
à son autorité.
Le dehors d'un bâtiment,
Cette personne a des dehors pré-
venants, avec un extérieur né-
gligé,
Bien des gens s'efforcent d'é-
, blouir par leur extérieur.
Écailles d'œufs,
Échigner,
L'infortune égalise les hommes^
Embauchoir es de bottes.
Embêtez (vous m'),
Embrouiliami/ti,
En outre de cela,
Entre/ai'e (il vint sur 1'),
Erésipèle,
Je vous ai évité bien des chagrins,
Je connais les êtres de la maison.
U'i évangile.
Tenir l'écier propre.
Faire ses excuses.
Il est venu exprès pour lui.
Goût eajqnis.
Odeur exquise.
Vue extase.
..A&V extension à son autorité.
L'extérieur d'un bâtiment.
Cette personne a Veit/'rieur pré-
venant, avec des deliors négli-
gés.
Bien des gens s'efforcent d'é
blouir par leurs dehors.
tfCnles d'œufs.
Échiner.
L'infortune égale, etc.
Einbouch'iires de bottes.
\ous m'hébétez.
Bromllaniini.
Outre cela.
11^ vint sur ces entrefaites.
Érydpèle.
. . . épargné bien des chagrins.
Fabrique de glaces,
Manufacture de casquettes,
En face le palais,
La maison d'en face,
Trois et cinq sont huit, etc. ,
Il ne fuit que de mentir.
Il ne fait g'aarriver.
Tâchez que je suis content.
Le iàxichage approche,
Je me confie i. votre adresse,
Dans Ce moment suprême, il se
fia à sa loyauté.
Vous prenez la bille trop fine.
C'est la fin finnle,
Enfin finalement,
Avcz-vuus fini auec le journal.
Plus je vous fixe, plus...,
Fleurez cette rose.
Manufacture de glaces.
Fabrique de casquettes.
En face du palais.
La maison en face.
Trois et cinq font liuit, etc.
11 ne fait que mentir.
Il n<; fait que rf'arriver.
Fiâtes en sorte que je sois content.
La fauc/(«ivo/i approclie.
Je me fie à votre adresse.
Dans ce moment suprême, il se
confia à sa loyauté.
Vous prenez la bille trop fiyi.
C'est la fin.
Enfin, — ou finalement.
Avez-vous fini de lire le journal.
Plus je fixe les yeux sur vous,...
i Flairez cette rose.
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSILS.
561
NE DITKS PAS
Il se flatte qiCil vous surpassera,
Virgile /Zeurissait sous Auguste,
Une Cois pour tout,
J'ai été forcé malgré moi de par-
tir,
Homme fortuné,
Fraiic/i'pane,
Ferluquet,
Je fus l'implorer,
Faire une maladie.
Cet homme est /arce, il m'a joué
des farces,
Flanquetle (à la bonne',
Frinyalle,
Il se flatte de vous surpasser.
Virgile /?orissait sous Auguste
Une fois pour toutes.
J'ai été forcé de partir.
Homme riche.
Frangipane.
Freluquet.
i'a/lai l'implorer.
Avoir une maladie.
Cet homme est plaisant ou far-
ceur, il m'a joué des frasques.
A la bonne franquette.
Faim-valle.
Gagner une maladie,
La cangrène.
Se garer dessous un arbre, une
porte, etc..
J'ai une gastriqne.
('es enfants font une glissade,
Se. garer.
Gribouillage,
Du fromage de Gruère,
Nous n'en avons pas guère.
Un chien de bonne guette,
Geai (noir comme un),
Giffle{ane),
Gouailter C|uelqu'un,
Cette viande sent le graillon,
Guigiwnnant,
Contracter une maladie.
La grangrène.
Se garer sous un arbre, un han-
gar, etc.
J'ai une gastrite.
Ces enfants font une glissoire.
Se gorger.
Griffonnage,
Du fromage de Gruyère.
Nous n'en avons guère.
Un chien de bon guet.
Noir comme du jais (bitume).
Un soufflet.
Railler quelqu'un.
Cette viande sent le roui.
Contrariant.
Je haïs, tu haïs, il haït.
Cet homme a le souffle mauvais,
J'hasarde,
C'est risquant.
Une hémisphère.
Une hémorrhagie de sang.
Le héroïque enfant.
Je hais, tu fiais, il hait.
Cet homme a l'haleine
vaise.
Je hasarde.
Cela est hasardeux.
Un hémisphère.
Une hémorrhaqic.
L'/iéroïque enfant.
36
362
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
Je n'hésite point de vous le dire,
Une heure de tetnps.
Cinq heures et le quarts cinq
heures et quart,
A bonne heure, plus de bonne
heure,
Si à lionne heure,
Huit heures est sonné,
Sur les une heure,
Une heure d'horloge,
Le hiatus,
Place honoraire,
Une horoscope,
Ht)uillîère,
Faire un èou/vari.
Il n'est pas en humeur de men-
tir,
Je suis rf'humeur à parler,
Cet hussard,
V7i hydre,
Le sel est hy(/rométrique,
De belles hymnes de guerre.
De beaux hymnes d'Église.
Un hypothèque,
Humeur massacrante.
Je n'hésite point à vous le dire.
Une heure.
Cinq heures et un quart.
De bonne heure, de meilleure
heure.
De si bonne heure.
Huit heures sont sonnées.
l'ers une heure.
Une heure entière.
L'iiiatns.
Place honorifique.
Un horoscope.
Houillère.
Faire un /(Oî^?"vari.
Il n'est pas (/'humeur à men-
tir.
Je suis en humeur de parler.
Ce hussard.
Une hydre.
Le sel est hygrométrique.
Ue beaux hymnes de guerre
De belle'! hymnes d'Eglise.
Une hypotiièqne.
Humeur détestable.
Un idole,
Imagiuez-i'OMy que.
Il imite l'exemple de ses ancê-
tres,
Cet homme en impose par l'éclat
de ses vertus,
Ce discours m'a fait impression.
Pourquoi lui attribuer ces ca-
lomnies?
Une faute d'attention,
Il y a wn ftu.
Induire en mal.
Homme inestimable,
Chambre infectée par les mau-
vaises odeurs.
Les rats infectent la cave,
Une infinité de personnes a j}éri,
Une infinité de monde ord péri,
inflammation,
Une idole.
Imaginez que...
Il suit l'exemple de ses ancêtres,
ou : il imite ses ancêtres.
Cet homme impose par l'éclat de
ses vertus.
a fait impression sur moi.
Pourquoi lui imputer ces ca-
lomnies?
Une faute d'jVjattention.
Il y a un incendie.
Induire à mal.
... qui ne tnérite pas d! estime.
Chambre infectée par les mau-
vaises odeurs.
Les rats infestent la cave.
Une infinité de ^Gv&owne^ ont péri.
Une infinité de monde a péri.
Inflammation.
N. V
LOCUTIONS VICIEUSES.
363
NE DITES PAS
Inhabi/eté à recueillir une suc-
cession,
IN'insuitez pas le mallieur,
Invectiver quelqu'un.
Irruption d'un volcan,
Eruption de l'ennemi,
Dans ce moment ici, cet iiomme
ici, ces jours ici.
r,et enfant est impardonnable.
Il est pardonnable .
Inhabi/ùé à recueillir une suc-
cession.
N'insultez pas au malheur.
Invectiver contre quelqu'un.
Éruption de volcan, de boutons,
etc.
Irruption de l'ennemi.
Dans ce moment-cz, cet liomme-
ci, ces jours-c/.
Cet enfant est inexcusable.
Il est digne de pardon.
La lettre ci-joint,
Ci-join^M les notes,
Jeu de honchets,
Jouer avec les cartes,
Le jujube,
La lettre ci-jointe.
Ci-joint les notes.
Jeu de ionchets.
Jouer aux cartes.
Lu jujube.
U'i laidron,
Le lait de hareng.
De la vraie laque de Chine,
T>onnez-nioi-le,
Madame, êtes-vous la malade ? —
Je le suis,
Madame, êtes-vous malade? —
Je la suis.
Lequel est le plus grand, de
mon frère, de ma sœur, ou de
nihi?
Le cheval sur qui je suis monté,
Je leurs ai dit.
Il leur est parent,
Un linceuÛ,
Laisse (Mener des chiens à la),
Laveuse de leibive,
Liqueureux,
Une laideron.
La laitance, la laite de hareng.
D i vrai laque de Chine.
Donnez-le-moi.
Madame, êtes-vous la malade?
— Jo la suis.
Madame, êtes-vous malade ? —
Je le suis.
Lequel est le plus grand, tnon
frère, ma sœur ou moi ?
Le cheval sur lequel...
J(3 leur ai dit.
Il est leur parent.
Un linceul.
Mener des chiens en laisse.
Une lavandière.
Liquoreux.
M
Je Mrs d'être malade, | Je i;ie?i5 d'être malade.
Il est vif, maisil est bon, quoir/ue\ ... maigre' cela.
cela, 1
364
N. V.
LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
Malgré qu'il soit bon.
Fièvre malin?,
Cet enfant mange tout.
Il est inscrit sur /e matricule,
Mêlez de l'eau à votre vin,
Mêlez la douceur ayec la fermeté,
Ce éilifice est menacé de ruine.
Coiffure en vogue.
Médecin à la mode,
Menez-»JOî-z-y,
A moins que vous veuilliez,
Un molécule.
Montez en haut.
Ne montrez personne du doigt.
Œuvre mor/e-née,
Moucher son tiez.
Ils 77ioudent, nous moulerojis,
La mu ltiph'c«^/o'j desordres amène
la confusion,
Mairie,
J'ai bien eu du mal à vous trou-
ver,
Mol complaisant .
Mégard (par),
Midi précises.
Midi (vers les),
Maronner,
Mars en Carême,
Il m'a comblé de mille politesses.
Minable (air),
Mijiicit (sur les),
Missipipi,
Monsieur,
DITES
Malgré sa bonté, tout bon qu'il
est.
Fièvre maligne.
Cet enfant mange cZi? tout.
Il est inscrit sur la matricule ou
sur le registre matricule.
Mêlez de l'eau ûi'ec votre vin.
Mt'lcz la douceur à la fermeté.
Cet édifice menace ruine.
iJoifTure à la mode.
Médecin en vogue.
IMenez-y-OToi.
A moins que vous ne vou\\qz.
U7ie molécule.
Montez.
Ne montrez persounne au doigt.
Œuvre mort-?(ei?.
Se moucher.
Ils moident, nous moudrons.
La multiplici7(j des ordres amène
la confusion.
Mai-rie, et non : mair-rie.
J'ai eu bien de la peine à vous
trouver.
Peu complaisant.
Par mégnrde.
Midi précis.
Vers le midi.
Marmonner.
Marée en Carême.
Il m'a comblé de politesses.
Air miser ah le.
Sur le minuit.
Mississipi.
Prononcez : mocieu.
La notirm slave,
II y a un an que je vous ai pas
vu,
Pas vrai ?
Est-il pas venu ?
Est-ce fjas ?
Habiller un enfant à neuf,
iNi Paul ni Auguste n'obtienc?ro/i<
cet emploi,
La race slave.
Il y a un an que je ne vous ai
vu.
N'esl-il pay vrai ?
N'est-il pas venu ?
N'C'it-ce pus ?
Habiller un enfant de neuf.
IN'i Paul ni Auguste n'obtieii(Z;v/...
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
565
NE DITES PAS
Ni la prière ni la menace n'y put
rien,
Je ne sais rien de nnif,
Nacre {le beau).
Ni la prière ni la menace n'y
purent rien.
Je ne sais rien de nouveau:
La belle 7iacre.
Un vert oasis,
Ils ont été les objets d'hommages,
Quelle ostinatioii 1
Ce que les alchimistes appelaient
la grande œuvre.
Accepter un offre,
\)'é\égaiits ogives,
Un bel oie,
Soupe à Vofjnon,
Une omnibus,
liétablir le désovàre,
Heparer l'ordre.
Une belle organe,
De beaux orges.
Une orgue.
Orgues parfaits,
Un orne»2e?i^Mte,
L'un ou l'autre vienf//-o?î^,
Allez là où il dîne,
C'est là où je demeure,
Je finis par oublier (/'écrire et
presque de lire,
Avoir l'ouïe fin.
Un jour ouvrier.
Je vous prie de m'obienir cette
faveur,
Je vous observe que,
Ombragée (une toiêt),
Ouvrage {de la bonne).
l'/ie ver le oasis.
Ils ont été l'objet d'hommages.
(^)aelle o/yslinution !
Ce que les alchimistes appelaient
le grand œuvre.
Accepter une offre.
D'élégantes ogives.
Une telle oie.
Soupe li l'oignon.
Ua omnibus,
liétablir l'ordre.
lîéparer le désordre.
Un bel organe.
De belles orges.
Un orgue.
Orgues parfaire.?.
Un ornemaniste.
L'un ou l'autre \iendra.
Allez où il dîne.
C'est là que ]e demeure.
Je finis par oublier à écrire et
presque à lire.
Avoir l'ouïe fine.
l'a jour ouvrable,
Je vous prie d'obtenir pour moi,
etc.
Je vous faii observer que.
Lue forêt, ombi-euse.
De bon ouvrage.
Pain enchanté,
A Pâques prochaines, de bons Pâ-
ques,
Distingué par son génie et sa
bonté.
I Pain à chanter.
I A Pâques prochain, de bonnes
Pâques.
Distingué par son génie et par
sa bonté.
566
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
Redoutable par sa force et pnr
son adresse,
Par rapport que.
Pardonner quelqu'un,
Pardonnez à cet oubli, .
La mort ne pardonne personne.
Faire une gageure.
C'est à lui à qui je parle,
C'est de vous fie qui je parle,
Participer dans une affaire,
Elle était parti.sa«/e des Stuarls,
ont partout.
Je n'ai pas vu personne,
Une rue passagère.
Elle e^t passée devant la maison,
La couleur de cette robe a passé,
Un patère,
Elle est noire de peau,
Moyens pécuniers.
Travaillez duran que vous êtes
jeune,
II travaille constamment pendant
le jour, et s'amuse quelque peu
durant la nuit,
Un perce-neige,
La ciernière i)ériode de la colère.
Le période d'une planète, d'un
discours.
Une pé'ale,
De la pim/yernelle,
Tant pire, de mal en pire, d(!
pire en pire, ils vont pire.,
Si j'étais (te vous,
(.'est assez suffisant.
Prévoir d'avance.
Reculer en arrière.
Rempli de beaucoup d'esprit,
Cadavre inojiimé.
Ployez cette étoffe.
Pliez cette canne,
11 a davaiitage d'instruction que
son frère,
Une ;'/oi,'née, un pognct,
Des por/'eaux.
Le polissage de cette pièce est
parfait.
Le pommeau de ma canne,
Redoutable par sa force et son
adresse.
Parce que.
Pardonner ci quelqu'un,
Pardoiniez cet oubli.
La mort ne pardonne « personne.
Faire un pari.
C'est à lui que i<i parle.
C'est de vous qu.e je parle.
Participer à une affaire.
Elle était du parti des Stuarts,ou
du nombre des partisans des...
Partout,
Je n'ai vu personne.
Une rue passante, fréquentée.
Elle a passé devant la maison.
La couleur de cette robe est
pasiée.
Une patère.
Elle a la peau noire.
Moyens pécmiiaires.
Travaillez pen:la7d que vous Êtes
jpune.
Il travaille constamment durant
le jour et s'amuse quelque peu
petidanthx nuit.
Une perce-neif^e.
Le dernier période de la colère.
La période d'une planète, d'un
discours.
Un pétale.
De la pim/;?-(?nelle.
Tant pif, de mal en pis, de pis
en pif. ils vont ]iis.
Si j'étais à votre place.
C'est suffisant.
Prévoir.
Reculer .
Rempli d'es/n it.
Un cadavre.
Pliez cette étoffe.
Ployez cette canne.
Il a plus d'instruction que son
frère.
Une poîgnée, un /jofgnet.
Des pon'eaux.
La polissure de cette pièce est
parfaite.
La pomme de ma canne.
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
La,po77ime du pistolet,
Le gibet est dressé,
Du pof((ron,
Le vin est fait pour Loire,
De la poussière de charbon,
Il est prêt à naître.
Il est près de travailler,
La semaine qui vitnt,
Je vais proineni'r.
Je vous/)ro/»e/5 que je l'ai vu.
Il a deviné l'avenir,
Poî<monique,
Je pâme de joie,
Panlomine,
l'ara fe (rna^,
Je pardonne mes ennemis,
Parfait (faire une chose aui,
Paroi (un).
Mon papier perce.
Perdue (une personne),
Pelit peu (icn),
Pointilleur (homme),
Poire de Crésane,
Une personne hie7i porta?iie.
Pour pouvoir faire une chose,
Le pommeau du pistolet.
La potence est dressée.
Du potiron.
Le vin est fait pour être ou.
Du poussier de charbon.
Il est près de naître.
Il es,tprét à travailler.
La semaine prochaine.
Je vais me promener.
Je vous assure que je l'ai vu.
Il a prophétisé l'avenir.
P(;/monique.
Je me pâme de joie.
Pantomime.
Mon parafe.
Je pardonne « mes ennemis.
Taire une chose en perfection.
Une paroi.
Mon papier boit.
Une personne percluse.
Très peu.
Homme pointilleux.
Poire de Crassane.
Une personne qtd se porte bien.
Pour que je puisse faire, etc.
Tant qu'à moi, quanc/ h ce que.
Le combien sommes-nous ?
11 ne sait qiwi faire.
C'est là ( ù je l'ai vu,
Ce n'est pas de ce\a,dont il s'agit,
Ce n'est pas cela dont j'ai avons
parler,
C'est à vous ù qui je parle,
Telles raisons que vous alléguiez,
Il y a des fuis que cela arrive,
C'est moi qui a..., c'est toi qui
est...; c'est vous qui a... c'est
nous qui sont.,.,
Çu'est-ce qui a raison ?
Vous faites un midentendu, ce
n'est pas lui, c'est son frère.
Quant ù moi, qnan< à ce que.
Quel est le qunntième du mois ?
Il ne sait que faire.
C'est là que je l'ai vu.
Ce n'est pas de cela qic'il s'agit.
Ce n'est pas de cela que j'ai à vous
parler.
C'est à vous que je parle.
Quelques raisons que vous allé-
guiez.
Cela arrive quelquefois.
C'est moi qui ai..., c'est toi qui
e*'...; c'est vous qui ai'ez,..,c'est
nous qui sommes...
Qui est-ce qui a raison ?
Vous faites un quiproquo, ce n'est
pas lui, c'est son frère.
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS I DITES
Malgré qu'il n'est pas riche,
Si j'étais que de vous, je parti-
rais.
Quoi qu'il ne soit pas riche.
Si j'étais vous, ou à votre place
je...
R
Rac/ielique,
Je ne me rappelle pas de cela,
Vous en rappelez-vous ?
.le me rappelle avoir lu...,
Rapport à cela,
A la rebours,
Un récz'pissé,
Plusje fixe cette fleur, plus je la
trouve jolie,
fiai/er un cahier d'écriture^
Du réglise.
Des rei'ie-glauàes.
Les relâches sont fréquentes à ce
théâtre,
Je vous remarque que. ..
Je lui ai remarqué qu'il avait fait
une erreur de chiffres,
Se remémo'-î'e»",
Je le ré?i'/j«érerai,
rienonc(6i/Jo?î aux vanités du
monde,
WcAmncemnnt à des droits acquis,
J'ai ren^r^ cette déchirure ; j'3' ai
fait une rentroyure,
Renversez cette eau.
Etre au regret d'avoir commis
une faute.
Cette affaire ressort du juge de
paix,
Je doute que cette affaire res-
sorte du tribunal de commerce,
Il est resté deux jours à Paris,
Il a resté confondu.
J'ai retranché une phrase à ma
lettre, mais je n'ai pu en re-
trancher autre chose,
Héunir le mérite à la modestie.
Unir le mérite et la modestie,
Je me revc/igrci-ai.
Je me plais à Paris, j'y relour-
nerai.
P>ac/titique.
Je ne me rappelle pas cela.
Vous le rappelez-vous?
Je me rappelle r/'avoir lu...
Par rapport à cela.
A rebours ou «m rebours.
Un récépissé.
Plus je regarde cette fleur.
Régler un cahier d'écriture.
De la réglisse.
Des prunes de reine-claude.
Les relâches sont fréquents à ce
théâtre.
Je vous fais remarquer que...
Je l'ai pjrié de remarquer qu'il
avait fait une erreur de chiffres.
Se remémore''.
Je le \-émunvveTZ.\.
Vi&noncemt7it aux vanités du
monde.
V^enoïïciation à des droits acquis.
J'ai rentrait cette déchirure ; j'y
ai fait une retdraiture.
Répandez cette eau .
Se repentir d'une faute.
Cette affaire ressortit au juge de
paix.
Je doute que cette affaire ressor-
tisse au tribunal de commerce.
Il a resté deux jours...
Il est resté confondu.
J'ai retranché une phrase de ma
lettre, mais je n'ai pu y re-
trancher autre chose.
Réunir le mérite et la modestie.
Unir le mérite à la modestie.
Je me 7'evaficherai .
Je me plais à Paris, j'y revien-
drai.
X. V.
LOCUTIONS VICIEUSES.
569
NE DITES PAS
J'ai rêvé à vous cette nuit,
Je rêve de l'aveuir,
Il rêve des origines du monde,
A revoir,
iiàncu'ieur.
Je me rappelle devotre nom,
Recouvert (la vue, la santé),
Réjjrimanflahle,
Je reste hôtel de...
J'ai rêvé de vous cette nuit.
Je rôve à l'avenir.
Il rôve sur les origines du monde.
Au revoir.
Rancunier.
•Je me rappelle votre nom.
Recouvré (la vue, la santé).
Répréhensifde.
ifiloge hôtel de...
Pays sablewo',
Cette corniche sailAV beaucoup
trop, il faut nu'elle saillisse
très peu,
Servez la senioî^Vle,
La bêche est dans la j'é'.çserre,
La mauve est une simple excel-
lente,
Une A'ecoupe,
Un sourd et muet,
Une femme sourd-vaviQi\.Q,
Ils ne reviennent "ps.^ souvent,
J'en ai snifisant ou mon suffisant,
I! a agi par sujétion.
Deux malheurs arrivés tout de
suite.
Vous l'aurez de suite.
Supérieurement bien parlé,
Dessus le comptoir,
Sî/^s/antez-vous,
Sauvage (ce canard sent le).
Faites votre devoir ou sinon...
Pays sablormeî/2:.
Cette corniche sail/e beaucoup
trop, il faut qu'elle saille très
peu.
Servez lasernow/e.
La bêche est dans la serre.
La mauve est un excellent sim
pie.
Une soucoupe.
Un sourd-muet.
Une femme sourde-muette.
Ils ne reviennent pas vite.
J'en ai %\i{^samment.
Il a agi par sui^^eslion.
Deux malheurs arrivés de suite.
Vous l'aurez tout de suite.
Supérieurement parlé.
Surla comptoir.
S«s/e^/tez-vous.
Ce canard sent le sauvagin.
Faites votre devoir, sinon...
A force que je suis fatigué,
Manger de la tar^'e,
Le vent est si tellement violent,
'ÏQïiÙTesse de la viande.
Le plaisir est iQntuleur,
J'ai tombé,
Il allait trop vite, il est tombé à
terre.
Tant je suis fatigué.
.Manger de la lar/e.
Le vent est tellement y ïoXqwX.
Tendreté de la viande.
Le plaisir est ten^ari^
Je suis tombé.
Il allait trop vite, il est tcmbé
1 par terre.
570
N. V. — LOCUTIONS VICIEUSES.
NE DITES PAS
Beaucoup de fruits encore verts
sont tombés par terre,
Touclier le piano,
L'ennemi arrive tout d'un coup ei
occupe la ville tout à coup,
Tranivuler du vin,
J'ai passé au travers des buis-
sons;— ... une épée à travers
le corps,
Un irichard,
Une trinque,
Tâchez r/ue je sois ccmienf,
Tête d'oreiller,
Traverser le pont.
Très faim, très soif,
Beaucoup de fruits encore verts
sont tombés à terre.
Toucher du piano.
L'ennnmi arrive tant à coup et
occupe la ville tout d'un coup.
Transi aser du vin.
J'ai passé à travers les buissons ;
— ... une épée au travers du
corps.
Un tridieur.
Une tv\nqle.
Tâchez de mécontenter.
Taie d'oreiller.
Passer le pont.
Extrêineinent faim, soif.
Une ulcère,
IJne uniforme.
Une ustensile,
Un ulcère.
Un uniforme.
Un ustensile.
Je suis venu en vapeur,
La \&riation des couleurs.
Ce soldat a cheval est en senti-
nelle.
Venez un peu ici.
Verser de l'eau par terre,
Exécuter un vœu.
Voilà co que je vais vous ré-
pondre.
Basse vue.
Longue vue,
Vaille qui vaille,
Volte (faire laj.
Voyons vnir, regardez Doir, donne
voir, viens voir.
Je suis venu en bateau à va-
peur.
La var/e/e des couleurs.
Ce soldat h cheval est en ve-
de'te.
Venez ici.
Hépayi'ire de l'eau à terre.
Accomplir un vœu.
Voici ce que je vais vous ré-
pondre.
Vue courte.
Vue longue.
Vaille que vaille.
Faire la vole.
Voyons, regardez, donne, viens.
MOTS COMMENÇANT PAR UN H ASPIRÉ.
11 y abeaucoup de mots où le fi ne se fait nullemeiiL sentir : l'homme,
l'honneur, l'harmonie, l'hirontlelle ; ce h qui ne se prononce pas
s'appelle h muet.
Le 11 qui fait prononcer avec eCfort de l'art ière-bouche la voyelle
qui suit s'appelle h aspiré. Il ne se lie jamais avec la consonne
précédente. Ainsi on prononce : des héros, des hameaux, dos haricots,
comme s'il y avait de héros, de hameaux, de haricots.
lia, hache, hache-paille, hacher, hachereau, hachette, liachis, ha-
choir, hachure, hagard, haha, hahé, haie, haie, haïe, hailhin, haine,
haineux, haïr, haire, halage, halbran, halbrené, hâle, halener, haler,
liàler, haletant, haleter, haleur, hallage, halle, hallebarde, hallebar-
dier, hallebreda, hallicr, hallier, halo, haloir, halot, halotechnie,
halte, halurgie, hamac, hameau, hampe, han, lian, hanap, hanche,
hangar, hanneton, hanscrit, hanse, hansière, hanter, hantise^ happe,
happelourde, happer, haquenée, baquet, haquetier, harangue, haran
guer, harangueur, haras, harasser, harceler, harde, barder, bardes,
hardi, hardiesse, hardiment, harem, hareng, harengaison, harer.-
gère, hargneux, haricot, haridelle, harnacher, harnois ou harnais,
haro, harpe, harpe, barper, harper, harpie, harpiste, harpon, harpon-
ner, liarponneur, bart, hasard, hasarder, basardeusement, hasardeux,
hase, baste, hasté, hâte, bâter, bâteur, hâtier, liâtif, hâtiveau, hâtive-
ment, bâtiveté, haubans, haubert, hausse, hausse-col, haussement,
hausser, haut, haut-à-bas, haut-à-baut, hautain, bautainement, haut-
bois, haut-de-cbausse ou haut-de-chausses, haut-contre, hautement,
hautesse, haute-taille, hauteur, haut-fond, haut-le-corps, hauturier,
hâve, havir, havre, havre-sac.
Hé, heaume, hein, héler, hem, hennir, hennissement, héraut,
lière, hère, hérisson, bérissonné, herniaire, hernie, héron, héronneau,
béronnier, héronnièro, héros, hersage, herse, herser, hersiiur, hêtre,
heurt, heurter, heurtoir.
Hibou, hic, hideusement, hideux, hiè, hiérarchie, hiérairhique,
hiérarchiquement, bile, bisser.
Ho, bobeieau, hoc, hoca, hoche, hochement, hochepied, liochepot,
572 N. V. — MOTS COMMENÇANT PAR UN H ASPIRÉ.
hochequeue, liocher, hochet, hoguer, holà, hollander, liom, homard,
honchets, hongre, hongrer, hongroyeur, honnir, honte, honteuse-
ment, honteux, hoquet, hoqueton, horde, horion, hors, hotte, hottée,
hotteur, houblon, houblonner, houblonnière, houe, houer, houille,
houiller, houillère, houilleur, houiileux, houlau, houle, houlette, hou-
leux, houper, houppe, houppelande, houpper, hourailler, houraillls,
hourdage, hourder, hourdis, houret, houri, liourque, hourra, hour-
vari, housard, housé.houseaux, houspiller, houssage, houssaie, hous-
sard, housse, housser, houssine, houssiner, lioussoir, housson, houx,
hojau.
Huard, hublot, hnclie, huclier, liuchot, hue, huée, huer, huguenot,
huguenote, hugneuotisnie, huhau, huit, lui. tain, huitaine, huitième,
huitièmement, hulaii, hulotte, ou huette, luinner, hune, hunier,
huppe, huppé, hure, hurhau, hurlement, hurler, hussard, hutte
hutler.
FIN
ERRATA
La note de la page :3o est le complément de la note de
la page 34.
Page 71, ligne 7 : au lieu de aussi est-il plus disposé, Usez •
aussi est-il peu disposé.
Pai^e 20o, ligne I : au lieu de chrondro-glosse, Usez : chon-
droglosse.
Page 3G3, ligne 28: au lieu de par le son d'un muet, Usez :
par le son d'un E muet.
Page 402, ligne 3 : au lieu de cavité inférieure de la mâ-
choire, lisez : cavité de la mâchoire.
Page 410, ligne 4 : au lieu rfe point de départ de la grada-
tion, médium, U<ez : point de départ de la gradation), (mé-
dium.
TABLE DES MATIERES
Préface
Historique du cours d'ortlioplioaio.
PREMIERE PARTIE
NOTES DIDACTIQUES d'ORTUOPUONIE.
Note A. Leçon préparatoire à l'enseignement orthophonique. 11
— B. Du rôle de la volonté dans l'orthophonie 21
— C. Influence de la mémoire dans l'éducation orthopho-
nique 43
— D. De la docilité intellectuelle dans l'éducation vocale. . 55
Appendice de la note D (du bégaiement chez les en-
fants et chez les adultes) G5
— E. Du bégaiement dans les classes aisées et non aisées. G9
— F. Du bégaiement imaginaire 75
— G. Des exercices vocaux et do leur influence physique
sur le bégaiement 83
— H. De la dominante chez les bègues 93
— I. De l'influence météorologique pendant le redresse-
ment vocal du bégaiement 101
— J. Propliylaxic orthophonique 109
Appendice de la note J (des produits pharmaceu-
tiques dans le redressement du bégaiement) 117
TABLE DES MATIERES. 573
Note K. Conseils orthophoniques-prophylactiques à l'usage des
éducateurs de Tcnfance et de la jeunesse 123
— L. Des petits traités de lecture 139
— M. Du personnalisme phonétique dans la déclamation
Ij'rique ou dramatique et dans la lecture à haute
vois 1 ^J
Appendice de la note M (du rythme euphonique dans
la voix chantée) 161
— N. Delà sociabilité des sourds-muets (dédiée aux pro-
fesseurs d'orthophonie] 167
DEUXIEME PARTIE
SYNTHÈSE DE LA MÉTHODE d'ORTHOPHOME
DU d'' colombat, de l'isère.
Note 0. Synthèse orthophonique 187
Description de l'appareil vocal, 118. Du larynx, 101.
De la langue, 201. Physiologie de la voix et de ses
diverses modifications, 210. Mécanisme de la voix,
219. Physiologie du faucet, 227. Mécanisme des cris,
233. Intonations des cris dans les douleurs phy-
siques et morales, — différentes inflexions vocales
affectives, 238. De l'engastrimythisme, 244. Méca-
nisme naturel des sons articulés (alphabet ortho-
phonique), 249. De l'orthophonie — classification de
tous les vices de la parole, 267. Tableau synoptique
des vices de la parole, 2C9. Du Grasseyement et de
ses variétés, 272. De la Blésité et de ses diverses
variétés, 279. Du Balbutiement et de ses variétés,
239. Du Bredouillement, 295. Du Nasillement, 299.
Du Bégaiement et de ses diverses manifestations,
299. Divisions, variétés et phénomènes caractéris-
tiques du bégaiement, 326. Diagnostic du bégaie-
ment,337. Influence du rythme, 339. Redressement
vocal du bégaiement — procédés et moyens ortho-
phoniques et prophylactiques, 3i7. Mécanisme artifi-
ciel des lettres, 35i. Moyens artificiels pour articuler
STG TABLE DES MATIÈRES.
les combinaisons dos voyelles et des consonnes, 363.
Moyens orthophoniques qui conviennent plus par-
ticulièrement à chaque variété de bégaiement, 3GG.
Application de la méthode d'orthophonie, 371 et 390.
Exercices syllabiques, 373.
Premier appendice de la note 0 (préceptes et pro-
cédés complémentaires d'orthophonie et de prophy-
laxie phonétique; .... 399
Deuxième appendice de la note O (des inspirations
et des expirations buccales et nasales, et de leurs
différentes évolutions physiologiques) 417
TROISIÈME PARTIE
NOTES DIDACTIQUES DE PUYSIOGNOMOXIE.
Note P. Prologue , 433
— Q. De la physionomie {premier tableau) 439
— Pi . Du geste (deuxième tableau) 471
— S. Des attitudes du corps (troisième tableau). ô09
— T. Épilogue ô29
NOTES ANNEXES.
Note U. Anthologie orthophonique (prose et vers) 635
Titres des morceaux choisis des classiques fran-
çais ô4 3
— V. Locutions vicieuses les plus usitées 531
Mots commençant par un /( aspiré. . . 571
Errata 573
FIN DE LA TABLE
6828-7a — (uiiBuiL. lyp. et stér. CnÉTÉ.
^ 1 7*^ 4
/?
RC Colambat, Emile
4^3 Traite d'orthophonie
Ct3
SioMecl
PLEASE DO NOT REMOVE
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UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY