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ERNEST COUSTET
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SIXIEME EDITION
PARIS
LIBRAIRIE DELAGRAVE
15, RUE SOUFFLOT, 15
1921
Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation
réservés pour tous pays.
Copyright by Ch. Delagrave, i9tî.
INTRODUCTION
L'image des objets extérieurs qu'on aperçoit dans une chambre
obscure percée d'une petite ouverture a dû certainement être
observée dans l'antiquité. Cependant Aristote, qui a résumé
toutes les connaissances acquises à son époque, s'étonne que les
rayons du soleil passant à travers des trous carrés forment des
cercles et non pas des figures rectilignes*. Le philosophe de Sta-
gire essaye, sans y réussir, d'expliquer cette apparente anomalie,
et ce n'est que dix-huit siècles plus lard, dans les manuscrits d'un
artiste célèbre, que l'on trouve pour la première fois l'analyse
exacte du phénomène et son explication rationnelle fondée sur la
propagation en ligne droite de la lumière.
« Si la face d'un édifice, dit Léonard de Vinci, ou une place, ou
une campagne, est éclairée par le soleil, et que, du côté opposé,
dans la face d'une habitation qui ne reçoit pas le soleil, on prati-
que un petit soupirail, tous les objets éclairés enverront leur image
par ce soupirail et paraîtront renversés^. »
Et ailleurs il s'exprime ainsi : « L'expérience qui montre com-
ment les objets envoient leurs images ou ressemblances entre-
coupées au dedans de l'œil dans l'humeur albugineuse se manifeste
quand, par quelque petit soupirail rond, les images des objets
éclairés pénètrent dans une habitation très obscure. Alors tu rece-
vras ces images sur du papier blanc placé dans ladite habitation,
non loin du soupirail, et tu verras tous les susdits objets sur ce
papier avec leurs propres figures et couleurs, mais ils seront plus
1. Problèmes, section XV, 6. Cf. la Grande Encyclopédie, \. X, p. 3.21.
2. Cod. Allanlique. — Charles Ravaisson-Mollten, manuscrit D de la biblio-
thèque de l'Institut, fol. 8 a. — Manuscrit I, fol. 22.
6 INTRODUCTION
petits et sens dessus dessous, à cause de ladite intersection. Ces
simulacres, s'ils naissent d'un endroit éclairé par le soleil, paraî-
tront proprement peints sur le papier; celui-ci doit être très mince
et vu par le revers ; le soupirail sera fait dans une petite plaque
très mince de fer^ »
Cardan, vers 1550, eut l'idée de rendre plus brillantes et plus
nettes les images de la chambre noire, en agrandissant Forifice et
en y adaptant un orbis e vitro^^ c'est-à-dire un verre sphérique :
ce fut le premier objectif.
Quant à G.-B. délia Porta, son rôle se borna à donner à la
chambre noire la forme qu'elle a longtemps conservée et qui a fait
communément attribuer au physicien napolitain une découverte
réalisée bien avant lui. Le nom de Porta est resté indissolublement
lié à l'histoire de la chambre noire, parce que c'est lui qui en fit
un instrument pratique en la rendant portative. Son appareil se
composait d'un tuyau fermé par une lentille de verre au foyer de
laquelle l'image des objets extérieurs se projetait sur un écran en
papier. Porta le destinait aux personnes qui ne saA^ent pas dessi-
ner : suivant lui, pour reproduire des vues exactes des objets les
plus compliqués, il devait suffire de suivre, avec la pointe d'un
crayon, les contours de l'image focale ^
En fait, les décalques rudimentaires que l'on obtient ainsi ne
rappellent en rien la perfection du tableau qui se peint sur l'écran.
Cette image est une copie admirablement fidèle de la nature;
malheureusement, c'est une copie fugitive : aussitôt qu'on ferme
l'instrument, elle s'évanouit. Les observateurs la contemplaient
donc avec une curiosité mêlée du regret de n'entrevoir aucun
moyen de la fixer jamais. Comment ces reflets impalpables eus-
sent-ils gravé leur empreinte et laissé une trace durable au foyer
de la lentille? hh photographie^ le dessin par la lumière, dut pa-
raître aux savants et aux artistes de la Renaissance, non pas seu-
lement comme un rêve très lointain, mais même comme une pure
i. Charles Ravaisson-Mollien, les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. I,
fol. 22.
2. De Subtilitate, 1. IV, p. 107, éd. de Nuremberg, 1550.
3. Magia naturalis, 1564.
4. Du grec cpwç, cptotoç, lumière, et ypâcssTv, écrire, tracer.
INTRODUCTION T
utopie. Sa réalisation ne dépendait cependant que des progrès de
la chimie.
Les changements de teinte, la décoloration que l'éclat du soleil
fait peu à peu subir à certaines substances, n'avaient pas échappé
aux anciens ; mais aucune observation antérieure aux temps mo-
dernes n'avait permis de supposer que l'influence de la lumière
suffirait pour créer un tableau en quelques instants. Les alchimis-
tes avaient étudié le chlorure d'argent, qu'ils appelaient argent
corné; seulement, préoccupés surtout de leurs recherches sur la
transmutation, les propriétés photochimiques de ce composé n'a-
vaient que médiocrement retenu leur attention. C'est à tort que
Fabricius est cité comme ayant signalé, dans un ouvrage publié
en 1565, le noircissement du chlorure d'argent exposé à la lumière.
L'auteur du Livre des métaux remarqua bien que cette substance
présente diverses couleurs, mais il n'a écrit nulle part que le soleil
la noircit.
La plus ancienne tentative que l'on connaisse de l'utilisation
des sels d'argent à l'impression d'une image par la lumière date
de 17557. A cette époque, Ji-H. SchUlze enduisait de chaux et de
nitrate d'argent une feuille de papier qu'il exposait au soleil sou&
un dessin ou sous une page d'écriture. Les rayons lumineux tra-
versant les parties blanches de l'original réduisaient le sel sensi-
ble à l'état d'argent métallique très divisé, de couleur noirâtre,
tandis que, sous les parties noires de l'écriture ou du dessin, qui
arrêtaient les radiations solaires, le papier restait blanc. On avait
ainsi une copie négative, c'est-à-dire une reproduction sur laquelle
les traits noirs du modèle étaient traduits par des traits blancs,
tandis que le fond blanc de l'original était représenté par un fond
noir. Cette image était d'ailleurs fugace, puisque la couche sensi-
ble n'était pas éliminée. On pouvait bien la conserver quelque
temps dans l'obscurité, mais, si On l'exposait au jour, les parties
primitivement blanches noircissaient à leur tour, et la lumière
détruisait elle-même son œuvre éphémère
En 1777, Scheele, étudiant l'influence des différents rayons du
spectre solaire sur le chlorure d'argent, reconnut que l'action du
violet et du bleu était beaucoup plus énergique et beaucoup plus
rapide que celle du jaune et du rouge.
$ INTRODUCTION
Le physicien français Charles réussit le premier, en 1780, à re-
produire à l'aide de la lumière, non pas des portraits proprement
dits, mais de simples silhouettes de personnes placées au soleil
devant une feuille de papier sensible. Aucun texte n'indique la
substance dont il faisait usage, mais il y a tout heu de croire qu'il
s'agissait d'un sel d'argent. Nous savons, en tout cas, son expé-
rience ayant été répétée en public, dans ses cours au Louvre, que
Charles ne fixait pas les images ainsi imprimées et que la feuille
de papier finissait par devenir uniformément bronzée, sous Fac-
tion de la lumière.
Wedgwood, en 1802, exécutait une expérience analogue et fai-
sait connaître le composé sensible à l'aide duquel il opérait. « Si
l'on mouille un papier au moyen d'une dissolution de nitrate d'ar-
gent, écrit-il dans son Mémoire, il ne se manifeste aucun change-
ment dans l'obscurité; mais à la lumière du jour ce papier change
rapidement de couleur et devient noir après une action prolongée.
La rapidité de l'impression est proportionnelle à l'intensité de la
lumière; ainsi, au soleil, il ne faut que deux ou trois minutes,
tandis qu'il faut plusieurs heures à la lumière diffuse. La lumière
transmise à travers un verre rouge a une action infiniment moins
active que celle qui a traversé un verre bleu ou violet. » Gomme
Charles, Wedgwood copia au soleil le profil d'une personne dont
l'ombre se projetait sur son papier sensible.
Humphry Davy appliqua la même méthode aux images ampli-
fiées par le microscope solaire. Le papier imprégné de nitrate d'ar-
gent et impressionné au foyer de l'objectif était lavé dans l'eau,
qui n'éliminait que partiellement le composé sensible. Le fixage
restait donc incomplet, et la surface entière ne tardait pas à brunir.
•Nicéphore Niepce cherchait, depuis 1813, à fixer les images de
la chambre noire. Il y réussit, en 1827, et, malgré l'extrême len-
teur de son procédé, on doit le considérer comme le véritable
inventeur de la photographie. Une plaque de cuivre argentée était
enduite d'un vernis formé de bitume de Judée dissous dans l'es-
sence de lavande. Cette plaque, exposée aux rayons transmis par
la lentille pendant huit heures^ était ensuite lavée dans un mélange
d'huile de pétrole et d'essence de lavande. L'action de la lumière
ayant eu pour effet de rendre le bitume insoluble dans ces liquides,
INTRODUCTION 9
le métal n'était mis à nu que sur les parties correspondant aux
ombres du modèle. En examinant la plaque éclairée sous l'inci-
dence convenable, on apercevait les blancs du modèle représentés
par la couche grisâtre de bitume oxydé, tandis que l'argent bruni
mis à nu par le dissolvant représentait les noirs. Les contrastes
étaient peu marqués, le modelé bien faible, et le temps de pose
démesurément long. Néanmoins, les propriétés du bitume de Judée,
découvertes par Niepce, sont restées utilisées en héliogravure.
Si imparfaites qu'elles fussent, ces premières ébauches de la
lumière excitèrent l'étonnement de ceux qui les virent. A cette
époque, un peintre de talent, Louis-Jacques-Mandé Daguerre, Tau
teur du Diorama, faisait un fréquent usage de la chambre noire
pour établir les maquettes de ses vastes compositions, et l'idée
d'en fixer l'image insaisissable hantait depuis quelque temps son
esprit, quand l'opticien Chevalier le mit en rapport avec Niepce.
Daguerre n'avait encore obtenu que des reproductions extrême-
ment fugaces et d'ailleurs uniquement visibles dans l'obscurité,
en impressionnant des substances phosphorescentes. Néanmoins,
un traité fut passé, en décembre 1829, entre les deux inventeurs,
qui se communiquèrent les résultats de leurs recherches et cour-
suivirent ensemble leurs travaux.
Il est bien difflcile de préciser la part qui revient à chacun des
collaborateurs dans le succès final. On s'accorde cependant à
reconnaître que c'est à Daguerre qu'est due la découverte du déve-
loppement de l'image latente formée par la lumière sur l'iodure
d'argent. Niepce était mort le 5 juillet 1833, et Daguerre, livré seul
à l'achèvement de l'œuvre commune, n'y parvint que quatre années
plus tard. Un nouveau traité lia alors Daguerre et Isidore Niepce,
le fils de Nicéphore, pour l'exploitation du nouveau procédé. Une
souscription publique, ouverte le i5 mars 1838, demeura infruc-
tueuse, et il fallut que François Arago intervînt pour qu'une récom-
pense nationale indemnisât les inventeurs, qui abandonnaient au
public leur merveilleuse découverte.
Une rente viagère, de six mille francs pour Daguerre et de qua-
tre mille pour Isidore Niepce, avec réversibilité de moitié sur les
veuves, fut le prix du secret de la photographie. Le projet de loi
présenté par le ministre de l'intérieur fut voté par acclamation, à
10 INTRODUCTION
la Chambre des députés, sur le rapport d'Arago, le 3 juillet 1839,
et à la Chambre des pairs, sur le rapport de Gay-Lussac, le 30 juil-
let suivant.
Le 10 août, en présence de l'Académie des sciences et de l'Aca-
démie des beaux-arts exceptionnellement réunies, Arago fit con-
naître les procédés du daguerréotype.
Une plaque de cuivre argentée et polie était soumise, dans l'obs-
curité, aux vapeurs de l'iode. Il se formait ainsi une^- couche d'io-
dure d'argent, très sensible à la lumière. On l'impressioanait dans
la chambre noire, pendant quelques minutes, puis on la soumet-
tait à Faction des vapeurs du mercure, qui développaient l'image
latente. Le fixateur primitivement employé était le chlorure de
sodium. Ce ne fut qu'en 1839 que John Herschel eut l'idée de le
remplacer par l'hyposulfite de soude*.
Avant mêmeque le procédé de Daguerre eût été divulgué. Fox
Talbot, qui avait entrepris, dès 1834, des recherches orientées
dans une voie différente, faisait connaître, en Angleterre, au mois
de mars 1839, un procédé photographique qui se rapproche davan-
tage de nos méthodes actuelles. Un papier était imprégné de sel
marin, puis de nitrate d'argent, de manière à former du chlorure
d'argent, composé qui noircit rapidement à la lumière. En expo-
sant ce papier sensible sous un dessin, on en obtenait une copie
négative, que l'on fixait dans une solution concentrée de sel marin.
Ce cliché négatif^ servait ensuite à imprimer, à l'aide d'un second
papier préparé de la même manière, une image positive, reprodui-
sant fidèlement le modèle.
En 1841, Talbot préparait un autre papier, beaucoup plus sen-
sible, utilisable dans la chambre noire. Ce papier était imprégné
d'iodure d'argent et développé dans l'acide gallique. Ce nouveau
procédé, dénommé calotype et popularisé en France par Blan-
1. Daguerre, Historique et Descinption des procéde's du daguerréotype et du
diorama, Paris (Alphonse Giroux et Gie), 1839.
R. CoLSON, Mémoires originaux des créateurs de la photographie, Paris (Carré
etNaud), 1898.
2. Le Congrès international de photographie de 1900 a de'cidé que le nom tech-
nique du négatif ou cliché serait celui de phototype, et que l'épreuve ou positif
prendrait le nom de photogra^nme. En dépit de cette décision, l'usage, qui fait loi
«n terme de langage, continue à consacrai' l'emploi des autres dénominations.
INTRODUCTION 11
quart-Evrard, est- en quelque sorte le prototype de tous les pro-
cédés négatifs imaginés depuis : albumine, collodion, gélatino-
bromure ^
En 1847, Abel Niepce de Saint-Victor, fils d'un cousin germain
de Nicéphore Niepce, crée le cliché sur verre, qu'il recouvre d'une
couche d'albumine imprégnée d'iodure d'argent. Il obtient ainsi
des images dont la délicatesse n'a jamais été dépassée, mais qui
exigent malheureusement un temps de pose trop long.
En 1850, Legray signale l'emploi du collodion, mais c'est à
Archer et à Fry qu'est due la création de ce procédé, resté long-
temps le plus parfait de tous et même encore utilisé de nos jours,
dans certaines industries, à cause de la finesse des reproductions
qu'il permet d'exécuter^.
Si nous nous étions proposé de retracer ici l'histoire complète
de la photographie, il ne suffirait pas de montrer à la suite de
quelles recherches le procédé au collodion a été presque complè-
tement supplanté par le gélatinobromure d'argent. Il faudrait
maintenant revenir quelques années en arrière et subdiviser cet
exposé chronologique, afin de suivre dans leurs développements
progressifs un grand nombre de procédés et d'applications. C'est
ainsi que viendraient tour à tour s'offrir à cette analyse rétrospec-
tive la découverte et le perfectionnement de la platinotypie, des
impressions pigmentaires, de la gravure photographique, de la
reproduction des couleurs. Il faudrait encore suivre, depuis leur
naissance jusqu'à leur état actuel, la photographie du relief, du
mouvement, de l'invisible, etc. Une telle méthode manquerait
d'autant plus de clarté, qu'elle ferait nécessairement appel à des
connaissances que le lecteur ne possède peut-être pas encore. II
est temps de passer à un exposé plus rationnel, qui ne nous fera
i. Blânquart-Evrard, la Photographie, ses origines, ses progrès, ses transfor-
mations, Lille (Danel), 1869.
2. J.-M. Eder, Geschichte der Photographie (Histoire delà photographie), Halle
a/S (Wilhelm Knapp), 1905.
12 INTRODUCTION
d'ailleurs pas perdre entièrement de vue les questions d'ordre his-
torique : le début de la plupart de nos chapitres sera donc réservé
aux origines et à la mise au point de chaque procédé.
Ce que nous voudrions seulement souligner dès à présent, après
avoir rappelé la lente gestation, les tâtonnements pénibles des
précurseurs, les premiers pas timides et incertains du nouvel art,
c'est Tessor prodigieux qu'il a pris, au cours des dernières années.
A ses débuts, la photographie n'a été qu'un moyer^ inespéré de
rendre accessible aux bourses les plus modestes ces souvenirs des
êtres chers, ces portraits de famille auparavant réservés aux privi-
légiés de la fortune. Cette première application est restée, à juste
titre, la plus importante; mais combien d'autres s'imposent actuel-
lement à notre attention! Qu'il s'agisse de fournir à la science ou
à l'industrie des documents précis, d'une indiscutable fidélité et
d'une incomparable richesse de détails, ou de créer, au contraire,
dans un but esthétique, des images volontairement simplifiées ;
que son objet soit d'instruire le public o^ de le charmer, la photo-
graphie a définitivement conquis la première place, et souvent la
place unique, parmi les arts de reproduction. Feuilletons un livre
illustré, parcourons un magazine, jetons les yeux sur un journal
quotidien ou sur une affiche, consultons un programme ou un
catalogue, partout nous retrouverons, sinon la photocopie aux
sels d'argent, du moins la photogravure dont le cliché a été créé
par la lumière.
La photographie instantanée, dont les rares produits évoquaient
jadis l'idée d'extraordinaires prouesses, est désormais l'opération
la plus simple du monde, à la portée même d'un enfant. Et ce n'est
plus seulement la représentation d'une attitude isolée que la
plaque sensible enregistre : le mouvement, dans ses phases infi-
niment variées, est maintenant analysé, disséqué, si l'on peut dire,
et reconstitué si bien que le cinématographe est devenu le spec-
tacle le plus en vogue.
Avec le stéréoscope, les monuments, les sites du monde entier
sont connus de tous, car ce n'est plus seulement la ligne, la forme,
que la photographie reproduit scrupuleusement : à la vérité du
dessin, voici qu'elle ajoute encore le charme de la couleur. Aussi,
lorsqu'on soumet à l'observation binoculaire une plaque auto-
INTRODUCTION i^
chrome, c'est comme si Ton avait la nature même sous les yeux,
avec son relief, avec sa perspective et jusqu'à ses moindres nuances.
L'invention de Niepce et de Daguerre est allée plus loin : avec
les rayons X, elle a sondé le mystère des organismes vivants; com-
binée avec le microscope ou avec la lunette astronomique, elle a
reculé les limites de nos investigations dans l'étude de l'infiniment
petit et de l'infmiment grand; elle a révélé l'existence de ce que
Fœil humain ne pourra jamais voir.
Encore que très abrégée, cette énumération peut donner une
idée de la complexité de la tâche que nous avons entreprise : réu-
nir, dans un exposé pratique, aussi complet que possible quoique
relativement court, les procédés photographiques et leurs appU-
cations.
Ces procédés, ces applications, sont aujourd'hui si nombreux
q,u'une vaste encyclopédie serait nécessaire pour en noter tous les
défails. Aussi la bibliographie photographique comprend-elle plu-
sieurs centaines de volumes. Il est vrai qu'on y rencontre fréquem-
ment des redites et des superfétations ; c'est justement à éviter les
unes et les autres que ce livre s'est attaché.
Une pratique déjà longue de la photographie nous a surtout
servi à faire œuvre d'éclectisme, parmi la foule innombrable des
formules et recettes si souvent rééditées avec d'insignifiantes va-
riantes. Cependant notre seule expérience n'aurait pas toujours
suffi à nous guider : il a fallu puiser dans les travaux antérieurs,
compulser quantité de documents épars. Un travail de revision a
suivi : il ne s'agissait pas de résumer rapidement ce que nous
avions lu; il fallait faire un choix, éliminer l'inutile, rectifier les
erreurs, remonter aux textes originaux. Nous devions d'ailleurs
nous borner au strict essentiel. Toutefois, pour que le lecteur fût
mis à même de bénéficier entièrement de nos études préparatoires,
il n'y avait qu'à lui fournir le moven de diriger ses recherches
vers les spécialités qu'il désirerait approfondir. C'est pourquoi cha-
cun de nos chapitres se termine par une notice bibliographique.
Ces références sont, d'ailleurs, elles-mêmes le résultat d'une
sélection. Nous avons pris soin de ne citer que les écrits d'une
réelle valeur, choisissant, parmi un grand nombre d'ouvrages simi-
laires, les mieux informés, les plus substantiels.
14 INTRODUCTION
A ces livres venait s'ajouter une autre source de documenta-
tion. Nous voulons parler des publications périodiques, de ces
revues photographiques qui viennent, chaque mois ou chaque
semaine, contribuer à enrichir la science ou Tart et nous tenir au
courant des progrès accomplis. Nous y avons souvent puisé de
précieux enseignements, et il resterait une lacune à nos bibliogra-
phies, si nous ne nommions pas, en commençant ce Traité : la
Science au vingtième siècle, le Bulletin de la Société française de
Photographie, la Photo-Revue, la Photographie des couleurs, la
Photo-Gazette, les Annales de la photographie, le Moniteur de la
photographie, la Revue scientifique, la Revue générale des sciences,
le Procédé, la Nature, les Comptes rendus de U Académie des sciences.
Les constructeurs, surtout les opticiens, nous ont aussi apporté
un concours dont il nous est particulièrement agréable de les
remercier.
En espérant n'avoir rien oublié d'important ni avancé des faits
inexacts, nous ne saurions affirmer que jamais aucune erreur ni
aucune omission ne s'est glissée dans notre travail. Nous serions
reconnaissant aux lecteurs qui voudraient bien nous en signaler
les imperfections.
TRAITÉ GÉNÉRAL
DE
PHOTOGRAPHIE
LIVRE PREMIER
mATÉRIEL PHOTOGRAPHIQUE
CHAPITRE PREMIER
LA CHAMBRE NOIRE
Organes essentiels. — L'appareil photographique est essentiel-
lement constitué par une chambre noire, c'est-à-dire par une enceinte
close dans laquelle une surface sensible à la lumière reçoit Fimage
des objets extérieurs qui y sont dessinés par un objectif.
L'objectif est formé d'une combinaison de lentilles, dont l'étude
fera le sujet du chapitre suivant. Nous devons seulement retenir
ici, pour la description de la chambre noire, que la distance focale,
l'intervalle qui sépare l'objectif de la plaque sensible, varie sui-
vant la distance du sujet à reproduire et suivant la combinaison
optique utilisée. En deçà comme au delà de cet intervalle, l'image
projetée par l'objectif cesse d'être nette. C'est pourquoi il est
nécessaire, avant de photographier un sujet, de régler la position
que doit occuper la surface sensible, de la reculer ou de l'avancer,
en un mot, de mettre au 'point.
Néanmoins, il existe de petits appareils photographiques où la
distance entre l'objectif et la plaque demeure invariable. Dans ce
cas, l'image des objets situés au delà d'une certaine distance, dix
mètres par exemple, offre une netteté pratiquement suffisante,
mais celle des objets plus rapprochés est floue.
16 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Primitivement, la chambre noire était composée de deux boîtes
en bois coulissant Fune dans l'autre pour le réglage de la distance
focale. Aujourd'hui, elle est constituée le plus souvent par un
soufflet en cuir ou en toile opaque, noirci à l'intérieur. L'une des
extrémités de ce soufflet est reliée au support de l'objectif, l'autre
aboutit à un cadre disposé de manière à recevoir soit un cadre
plus petit dans lequel est serti un verre déooli. soit un châssis con-
tenant la plaque sensible.
Pour mettre au point, l'opérateur se place sous un voile en étoffe
noire, afin de n'être pas gêné par la lumière extérieure, et, obser-
vant l'image que l'objectif projette sur le verre dépoli, il avance
ou recule l'écran, jusqu'à ce que l'objet à reproduire s'y montre
avec toute la netteté voulue. Le verre dépoli est alors remplacé par
le châssis porte-plaque. Il est indispensable que la construction
de l'appareil soit assez précise pour que la surface sensible occupe
exactement le même plan que le côté dépoli de l'écran de mise au
point.
La disposition de ces organes a été diversement comprise par les
constructeurs d'appareils photographiques. Les modèles actuels
en sont si nombreux qu'il serait impossible de les passer tous en
revue. On peut cependant les ramener à quelques types principaux,
qu'il suffira de décrire brièvement.
Chambres noires d'atelier. — L'appareil d'atelier n'étant pas
destiné au transport, on n'a pas à se préoccuper de le rendre léger :
la solidité et la précision doivent être ses principales qualités. Ces
conditions se trouvent parfaitement réalisées dans le modèle repré-
senté fîg. 1. Le soufflet se compose de deux parties montées sur
trois cadres glissant sur le socle horizontal, où des vis de serrage
les immobilisent. L'objectif est monté, suivant les conditions de la
mise au point, soit sur le cadre d'avant, soit sur le cadre intermé-
diaire. Le cadre arrière porte le chariot mobile, sur lequel on
aperçoit le verre dépoli de mise au point, à côté du châssis qui
.contient la plaque sensible. Cette disposition est particulièrement
commode pour l'exécution des portraits, car elle évite la perte de
temps qu'occasionnerait l'emploi de pièces indépendantes.
Le support du chariot avance ou recule, pour la mise au point,
à l'aide d'une crémaillère à mouvement très doux. En outre, une
LA CHAMBRE NOIRE
17
bascule permet de l'incliner, dans le cas où la partie supérieure
du modèle ne se trouverait pas dans le même plan que la partie
inférieure.
Une fois la mise au point bien réglée, des vis de serrage immo-
bilisent le cadre et sa
bascule. On ferme
alors Vobturateur (or-
gane qui sera décrit
chapitre III), et Ton
pousse de gauche à
droite le cadre mo-
bile; la plaque sen-
sible occupe alors la
place qu'occupait jus-
que-là le verre dépoli,
et il n'y a plus qu'à
ouvrir le châssis et
l'obturateur. Notre
gravure montre le
châssis à moitié ou-
vert, ce qui permet
de voir comment
fonctionne le volet
qui masque la plaque.
C'est un volet à ri-
deau, formé de petites'
lamelles de bois col-
lées sur une étoffe
opaque.
La chambre noire
a pour support une
tablette montée sur
Demarîa-Lapierre.
Fig-. 1. — Chambre noire d'atelier.
trois galets. Le galet d'arrière est soulevé à l'aide d'un levier,
lorsqu'on veut immobiliser l'appareil. On fait monter ou descen-
dre la chambre, pour la mettre au niveau du sujet, en manœuvrant
une manivelle reliée à quatre crémaillères. Au-dessus de cette
manivelle, on en aperçoit trois autres, plus petites. L'une sert À
18
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cl. Demaria-Lapierre.
Chambre à queue pliante
(ouverte).
la mise au point, la seconde permet d'incliner la chambre noire,
la troisième fait mouvoir un léger cadre (dont on ne y»oit qu'une
partie, le reste se trouvant
masqué par FaA^ant de la
chambre) portant un écran
évidé pour les portraits en
dégradé.
Chambres noires portati-
ves. — Ces appareils doivent
étrefégers, quoique robustes,
et se réduire à un faible vo-
lume pendant le transport.
Les fig. 2 et 3 en représen-
tent un modèle déjà ancien,
mais encore assez répandu,
en raison de sa solidité, sur-
tout dans les grands formats. L'objectif est fixé à une planchette
coulissant horizontalement sur un panneau susceptible de se dé-
placer dans le sens vertical, suivant la disposition du sujet et les
exigences de la mise en plaqlie. Ce double
déplacement que peut subir l'instrument
d'optique constitue le décentrement. Le pan-
neau arrière une fois ouvert constitue le socle
horizontal le long duquel se déplacera le
chariot mobile. La rigidité en est assurée par
.une planchette à glissières formant verrou.
Le chariot mobile se déplace pour la mise au
point à Taide d'une crémaillère à double pi-
gnon et vis de serrage ; il porte deux lames
de cuivre, dites bandes d'accrochement , dans
lesquelles sont évidés trois encastrements .,, ^ ...
T Ll. Demaria-Lapierre.
doubles auxquels viennent s'adapter des tètes ^.^ 3 — Ch b
de vis ou des crochets qui font saillie sur le à queue pliante (fermée).
corps arrière de la chambre. Ce triple encas-
trement permet d'employer des objectifs à court ou à long foyer
et même de faire des reproductions. Le corps d'arrière est muni
de vis ou de crochets d'encastrement sur deux de ses côtés, de
LA CHAMBRE NOIRE
13-
manière à pouvoir être iixé sur le chariot soit en largeur, soit en
hauteur. A cet effet, le soufflet n'est pas directement collé sur le
panneau antérieur : il est fixé à une petite planchette munie d'une
rondelle métallique tournant à frottement doux sur une large et
mince poulie vissée sur Tavant-corps.
Le verre dépoli est porté par un cadre à charnières, maintenu
contre le cadre arrière par un verrou, et s'ouvre comme une
porte, lorsqu'on veut y substituer les châssis porte-plaques.
Ce modèle de chambre noire, dit à queue pliante, est construit
en divers formats; il est surtout usité pour les plaques 13x18 et
18X^4 centimètres, mais on le fait aussi pour des grandeurs bien
supérieures, 30 X 40 et même 50 x 60.
Le soufflet tournant est souvent remplacé, surtout dans les
chambres anglaises, par une
disposition difl'érente, dont la
fig. 4 montre un spécimen.
Le cadre du verre dépoli ainsi
que la feuillure destinée à
recevoir le châssis sont fixés
à un panneau carré que l'on
peut adapter dans les deux
sens à l'arrière-corps, qui est
également carré. On exécute
ainsi des vues soit en hauteur,
soit en largeur, sans avoir à
faire tourner le soufflet ni
décrocher l'arrière-corps. Les
chambres construites de cette
manière sont très solides,
mais un peu plus volumineu-
ses que le modèle à queue
pliante.
Pour les formats 9x12 et au-dessous, on préfère généralement
aujourd'hui des modèles plus légers, de formes pius fines et de
volume beaucoup plus réduit.
Dans l'appareil Folding (fig. 3) l'arrière-corps se fixe directe-
ment sur le trépied, soit dans un sens, soit dans l'autre, à laide
CI. Thornton-Pickard.
Fig. 4. — Chambre carrée.
20
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
d'un des deux écrons adaptés à deux côtés contigus. Le panneau
opposé au verre dépoli s'ouvre à charnières et se rabat horizonta-
Cl. Lacour-Berlhiot.
F'ig. 5. — Chambre noire Folding.
lement pour former la base à chariot; il est maintenu dans cette
position par un verrou. L'objectif et son support, qui se trou-
vaient enfermés pendant le transport
entre le chariot et le verre dépoli,
sont amenés par des glissières jus-
qu'à la place exigée par la mise au
point. Le support de Tobjectif n'est
plus ici un assemblstge assez lourd
de bois épais et de planchettes su-
perposées. C'est un cadre léger, ou
même un petit socle soutenant deux
colonnettes métalliques (fig. 6) entre
lesquelles est placé l'objectif, à la
hauteur déterminée par la posi-
tion du sujet.
Dans l'appareil Clapps, la
Appareil Foldin^- lé"-er. base horizontale- et le chariot
mobile sont supprimés. La
chambre est fixée sur son support, en hauteur ou en largeur, par
un des deux écrous disposés sur l'arrière-corps. L'objectif est placé
LA CHAMBRE NOIRE
21
Fiff. 7.
Chambre déleclive.
à la distance voulue de la plaque sensible par des tringles articu-
lées. Le soufflet est remplacé par une sorte de sac en cuir. La
mise au point s'effectue en réglant Tobjectif, dans la monture
duquel est ménagée une rampe hélicoï-
dale. Dans d'autres modèles, d'ailleurs
peu différents, la distance entre Tob-
jectif et Tarrière-corps est modifiée à
l'aide de vis agissant sur les tringles
articulées.
Une disposition toute différente est
adoptée pour les plus petits formats.
L'appareil ne se replie plus pour le
transport. C'est une boite, en métal ou
en bois recouvert de cuir, dont la forme reste invariable (fîg. 7).
Le volume n'en est pas trop encombrant, et l'on a l'avantage d'ê-
tre toujours prêt à opérer. Il n'y a point de verre dépoli, la mise
au point se règle au juger, d'après la distance approximative du
sujet, et se trouve même supprimée,
dans les appareils à bon marché.
L'objectif est braqué dans la direc-
tion voulue au moyen d'un viseu7\
accessoire qui sera décrit plus loin.
Parfois ces chambres noires, de
format extrêmement réduit, affectent
la forme d'un tronc de pyramide à
base rectangulaire (fig. 8); on les
désigne d'ordinaire sous le nom ir.,-
I propre de jumelles. Cette dénomina-
tion devrait, ce semble, être réservée
aux appareils dont la forme rappelle
plus exactement celle d'une véritable
jumelle et que nous aurons à exa-
miner en traitant de la photographie stéréoscopique (chap. XXI).
La plupart des chambres portatives sont munies d'un ou deux
viseurs, ainsi que de niveaux à bulle d'air, permettant d'assurer
la direction horizontale de l'axe optique, sans laquelle il n'est pas
possible d'éviter la déformation des lignes du modèle.
^■^■^^j^yxi^/f
Cl. Laour-Berthiot.
Fig^. 8. — Jumelle.
22
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Châssis. — La plaque ou la pellicule sensible à la lumière doit
être conservée dans l'obscurité la plus complète jusqu'au moment
de recevoir l'image que l'objectif projette dans la chambre noire.
Le châssis qui la contient est une boîte, généralement très peu
épaisse, qui s'ajuste à l'arrière de la chambre, à la place qu'occu-
pait le verre dépoli pendant la mise au point. Pour démasquer la
plaque, on ouvre le volet , qui forme une sorte de couvercle à
coulisse sur la face du châssis tournée vers l'objectit Ce volet est
à brisures ou à rideau. Le volet à brisures est une planchette que
l'on tire à Faide d'une languette extérieure pour démasquer la
plaque. Cette planchette est divisée et collée^ 5ur une bande d'é-
tofîe opaque formant charnière, de manière
à pouvoir se rabattre
sur la face extérieure
du châssis (fig. 9).
Le volet à rideau (fig.
10) est constitué par un
grand nombre de la-
melles de bois étroites
collées sur étoffe. Cette
disposition lui danae.
une souplesse suffisante
pour contourner une:
traverse de bois arrosa*
die placée dans l'épaisseur du châssis et glisser dans des rai-
nures ménagées sur ses deux faces. Le rideau vient ainsi s'appli-
quer sur la face extérieure du châssis, quand on démasque la
plaque. Ce volet souple préserve plus sûrement la préparation
sensible des moindres filets de lumière qui poiirraient s'introduire
dans le châssis et la mettre hors d'usage. On peut l'ouvrir même
quand il est placé sur un appareil exposé au soleil, tandis qu'il
serait imprudent d'ouvrir un châssis à volet rigide sans prendre
la précaution de recouvrir la chambre noire d'un voile en étoffe
opaque.
Le châssis d'atelier (fig. 1) ne contient qu'une seule plaque, que
l'on introduit par l'arrière, c'est-à-dire du côté opposé au volet,
après avoir ouvert une porte maintenue par des taquets. Les chàs-
Cl. Demaria-Lapierre.
Fig. 9. — Châssis
à brisures.
CI. Demaria-Lapierre,
Wï§. 10. — Chassas
hriàesLUx,
LA CHAMBRE NOIRE
23
Cl. Demaria-Lapierre.
Fig. 11. — Châssis double.
sis des appareils portatifs contiennent ordinairement deux plaques
disposées dos à dos et séparées par une cloison opaque à laquelle
sont adaptées des lames élastiques destinées £l pousser les plaques
contre leurs taquets de retenue , de ma-
nière à assurer la concordance qui doit
exister entre la surface sensible et le
plan déterminé par la mise au point.
Chaque face du châssis est fermée par
un volet, à brisures ou à rideau (fig. il).
Lorsqu'on doit exécuter une photogra-
phie de format plus petit que celui du
châssis, il faut y adapter un intermédiaire
(fîg. 12). Cette pièe& est. ordinairement
constituée par un cadre, en bois mince
oaen métal, qui prend la place qu'occu-
pent habituellement les plaqnes sensibles et dont le centre est
évidé de manière à recevoir une plaque plus petite. L'intermédiaire
est maintenu pai* les taquets du châssis et porte lui-même des
taquets destinés à retenir la petite plaque.
Les châssis de grandes dimensions sont
presque toujours accompagnés d'une série
d'intermédiaires concentriques, c'est-à-dire
s'adaptant les uns aux autres , de manière à
rendre possible l'utilisation des formats de
plaques les plus usuels : 6,5X9, 9x12,
13X18, 18x24, 21X27, 24X30,30X40,
etc.
Aux appareils de très petit format s'adap-
tent parfois des châssis très minces en métal,
Ci. Demana-Lapierre.. COntCUaut ChaCUU UUe SCulc plaqUC. DaUS
Fig-. 12. — Intermédiaire, d'autres modèles, au contraire, les plaques
sont toutes réunies dans un magasin.
Magasin. — On désigne sous ce nom un châssis disposé de
manière à contenir plusieurs plaques, une douzaine par exemple.
Chaque plaque est placée dans un petit cadre et vient, à tour de
rôle, occuper le plan focal. Un mécanisme très simple assure le
fonctionnement du magasin.
24
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
La fig. 13 représente Tintérieur de la sténojumelle Joux et de
son magasin. Après chaque pose, la joue supérieure est écartée de
la paroi opposée, et ce mouve-
ment suffît pour que la plaque
impressionnée soit poussée par
un ressort à Farrière de Fappa-
reil. Quand on replie ensuite la
boîte, la plaque passe en arrière
<les autres, qu'elle pousse en
avant sous Faction du ressort
recourbé. Cette poussée a pour
-effet d'amener la seconde pla-
que au foyer de l'objectif.
La fig. 14 montre une com-
binaison différente. Les cadres
portant les plaques sont placés
à l'arrière de la chambre et
poussés, quand l'appareil est
fermé, par le ressort A. La ^^' ^°"^*
première plaque est maintenue
au foyer de l'objectif par une
gouttière montée sur un axe qui aboutit extérieurement au levier
D. En déplaçant ce der-
nier vers la droite, quand
la première plaque a été
impressionnée, celle-ci
se trouve dégagée et
tombe au fond de la
boîte. La seconde pla-
que, sous l'impulsion du
ressort A, vient alors
prendre la place de la
première.
Les plaques de verre
ont l'inconvénient d'être
-j^^r
Fig. 13. — Coupe du magasin
de la slénojumelle.
Fig. 14. — Coupe de la chambre détective.
lourdes et fragiles : aussi les remplace-t-on de plus en plus par
le celluloïd. Dans beaucoup de petits appareils, le support de la
LA CHAMBRE NOIRE
25
Fig. 15. — Kudak plianx
à pellicules.
surface sensible est une pellicule souple en forme de longue bande
enTOule'e sur une bobine en même temps qu'une bande de papier
noir. Les chambres destinées à utiliser ces pellicules portent un
magasin spécial dans lequel se déroulera
la bande (fîg. lo). La bobine y est intro-
duite, en pleine lumière; on tire la bande
de papier qui l'entoure , on la fixe à un
axe disposé à l'une des extrémités du
magasin, que l'on referme ensuite, et on
tourne une clef extérieure reliée à cet
axe. Le commencement de la bande sen-
sible se trouve ainsi démasqué, prêt à
recevoir l'impression lumineuse, aussitôt
que l'objectif aura été ouvert. Après la
pose, on donne quelques tours de clef,
la surface impressionnée est enroulée
sur l'axe et protégée par le papier noir
dont elle est doublée, et une nouvelle
surface se trouve à son tour en position pour enregistrer l'image
transmise par l'objectif. Quand la bande a été impressionnée dans
toute sa longueur, elle se trouve enroulée tout entière autour de
l'axe terminé par la clef extérieure; en donnant encore quelques
tours de clef, on achève d'enrouler la bande de papier noir, dont
le but est de préserver la couche sensible delà lumière extérieure.
Rien n'empêche alors de retirer, en plein jour, la bobine impres-
sionnée et de la remplacer par une nouvelle bobine. Le touriste,
l'explorateur, peuvent ainsi, munis d'une provision suffisante de
bobines, faire ample moisson de documents ou de souvenirs, sans
être obligés de s'enfermer dans une pièce obscure pour y mani-
puler des préparations que le moindre filet de lumière suffirait à
mettre hors d'usage.
On construit, enfin, des châssis-magasins destinés â recevoir
des pelhcules indépendantes les unes des autres, et non plus
en longues bandes. Tels sont le film-pack Premo et le bloc-film
Lumière, qui permettent également d'exécuter un nombre illimité
de clichés, sans recourir au chargement des châssis dans le labo-
ratoire. Douze pellicules sont livrées par le fabricant empaquetées
26
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ensemble; à chacune d'entre elles est collée une feuille de papier
noir passée sur une baguette de bois arrondie, repliée sur le côté
opposé du paquet et terminée par une languette qui fait saillie à
l'extérieur (fi g. 16). Le paquet étant introduit dans le châssis-ma-
gasin, on tire d'abord la première feuille noire, et la première
pellicule, ainsi démasquée, se trouve prête à recevoir Timpres-
sion. La pose acliievée, on tire la feuille de papier noir à laquelle
est collée pa? son extrémité inférieure la pellicule qui vient d'être
utilisée; cette pellicule, suivant la feuille noire, passe donc sous
Cl. Kodak.
Fig-. 16. — Film-pack.
la baguette de bois arrondie disposée dans le bas du paquet, et
vient ensuite se placer derrière les autres pellicules. A ce moment,
la feuille de papier noir est presque complètement sortie du pa-
quet : il n'y a plus qu'à déchirer toute la partie qui fait saillie.
En même temps que la première pellieule passe en arrière du
paquet, elle démasque la seconde, que l'on amènera derrière la
première, après la pose, en tirant la feuille noire après laquelle elle
est collée. Quand les douze pellicules ont été ainsi successivement
utilisées, la première se trouve de nouveau devant toutes les
autres, mais elle a devant elle une dernière feuille de papier noir
qui se trouvait derrière la douzième pellicule et qui maintenant
protège la première de l'action lumineuse. On peut donc retirer
le film-pack du châssis et y placer un nouveau paquet.
LA CHAMBRE NOIRE
27
Fig. 17.
Viseur à chambre noire.
Viseurs. — L'examen de l'image projetée sur le verre dépoli n'a
pas pour seul but le réglage de la mise au point, c'est-à-dire de la
distance qui doit séparer l'objectif de la surface sensible : il sert
aussi à régler la mise en plaque^ c'est-à-dire la manière dont le
sujet se présente dans le champ de l'instrument.
Les chambres noires dépourvues de verre dépoli nécessitent l'em-
ploi d'un viseur. Cet accessoire accompagne d'ailleurs la plupart
des appareils portatifs, même ceux qui sont munis d'un écran
de mise au point : dans ce cas, le viseur est encore utile, une fois
le châssis en place et la plaque démasquée,
pour reproduire les ob-
jets qui se déplacent et
dont il n'est pas pos-
sible de repérer d'a-
vance, sur le verre dé-
poli, la position exacte
qu'ils vont occuper 'sur
la surface sensible.
Le viseur est consti-
tué soit par une cham-
bre noire en miniature (fig. 17) dont Fimagé est ordinairement
redressée par un miroir incliné à 43°, soit par mi verre concave
où sont gravés deux traits perpendiculaires et derrière lequel est
un œilleton (fig. 18).
Pour viser les sujets
éloignés, on emploie une ipi^^ÇB
petite lunette d'approche
(ûg. 19).
Tous ces viseurs per-
mettent bien de braquer
l'appareil dans la direc-
tion voulue et de saisir
le sujet à lïnstant pricis
011 il se trouve le mieux
placé, mais non de régler la mise au point. Ce réglage ne saurait
être effectué à l'avance, pour la plupart des scènes animées, dont
lés sujets vont occuper des positions impossibles à prévoir. Or,
Fig-, 18. — Viseur clair.
Viseur à lunette.
28
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
les objectifs très lumineux que l'on utilise en pareil cas ne donnent
des images nettes que dans un plan rigoureusement délimité et
exigent, par suite, que la mise au point soit réglée avec soin au
dernier moment. On a construit, à cet effet, des chambres à deux
corps, munies de deux objectifs identiques, dont Fun projette
l'image du sujet sur la plaque sensible et l'autre sur le verre
dépoli. L'opérateur a ainsi la faculté d'observer l'image et de rec-
tifier soit la mise en plaq'ue, soit la mise au point, jusqu'au mo-
ment de la pose.
Cette combinaison conduit à des résultats parfaits, mais son
application n'est pas sans inconvénients. Dans l'atelier, elle n'a
que le défaut de nécessiter l'achat de deux objectifs, généralement
très coûteux. Pour les travaux en plein air, l'appareil double est,
en outre, trop lourd et trop encombrant, quand on ne s'en tient
pas aux plus petits formats.
C'est pour éviter ces inconvénients qu'ont été imaginées les
chambres reflex, ou à miroir. Ces
appareils se répandent de plus en
plus, aujourd'hui, parce qu'ils
satisfont à des nécessités nou-
velles. L'extension croissante de
l'illustration photographique, le
goût, chaque jour plus affirmé,
du public pour l'information
rapide et le document précis, ont
créé un mode de reportage in-
connu de la génération qui nous
a précédés. Les appareils ordi-
naires ne satisferaient pas aux
conditions requises.
Il faut avoir la faculté d'opérer
sur-le-champ et supprimer tout
prépar'atif d'installation. On
ignore souvent, une minute à
l'avance, à quel endroit il faudra
se placer pour photographier le ballon qui atterrit, l'automobile
qui fait panache, l'aviateur qui prend son essor, etc. Il ne saurait
Cl. Ica.
Fig. 20. — Appareil reflex.
LA CHAMBRE IVOIRE 29
être question de ûxer la chambre noire sur un pied : il faut la
tenir en mains, soutenue par une courroie, et la braquer, en un
clin d'œil, vers le sujet. Un yiseur ordinaire ne servirait pas à
grand'chose, car il ne suffit pas que le sujet se trouve dans le
champ de Tobjectif, il faut aussi qu'il soit net sur la plaque. Donc,
Fig. 21. — Pieds pliants en Lois.
il faut mettre au point, rectifier le plan focal jusqu'au momen
d'opérer, puis, sans perdre même une demi-seconde, impression-
ner la plaque. 11 est donc nécessaire qu'en un instant la surface
sensible soit substituée au verre dépoli , et Tobturateur prêt à
ouvrir et fermer l'objectif. Aucun des modèles précédemment
décrits ne permettrait de réaliser ce tour d'adresse, quelle que
Boit d'ailleurs l'habileté de l'opérateur.
30
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Ces conditions toutes particulières ne sont réalisées que dans
les appareils à miroir, dont la fig. 20 reproduit un excellent spé-
cimen. Un miroir incliné de 45° sur Taxe optique renvoie Timage
fournie par Fobjectif sur le verre dépoli, qui occupe la paroi supé-
rieure. Un cône souple remplace le voile noir pour apercevoir
l'image et mettre au point. Le châssis est déjà mis en place, du
côté qui fait face à Tobjectif, et la plaque démasquée pendant
la mise au point; seulement le rideau de l'obturateur ainsi que le
miroir interposé empêchent la lumière transmise par l'objectif de
venir impressionner la surface sensible. On observe donc le sujet,
sur le verre dépoli, jusqu'au moment de le photographier. Il suffit
alors de presser la détente : le miroir remonte aussitôt contre le
verre dépoli, qu'il couvre complètement, en même temps que fonc-
tionne l'obturateur disposé devant la plaque. Cet obturateur, du
type focal plane, décrit dans le chapitre III, per-
met d'exécuter des instantanés de 1/6 à 1/2.500
de seconde.
Supports des appareils légers. — Le pied
d'atelier (fig. 1) offre une solidité qui met la
chambre noire à l'abri des trépidations, mais
il est très lourd. Le touriste, le promeneur, ont
besoin de supports légers et peu encombrants.
Pour les appareils de formats assez grands, on
construit des trépieds en bois, dits à brisures
(fig. 21), dont chaque branche est formée de trois
ou quatre parties coulissant ou se rabattant les
unes sur les autres. La hauteur totale de ces
supports atteint environ l'^jSO; repliés, ils ne
dépassent guère 60 centimètres. C'est encore
trop pour beaucoup d'amateurs, qui préfèrent
les pieds métalliques (fig. 22) formés de plusieurs
tubes concentriques assemblés comme ceux des
lunettes d'approche. De petits ressorts maintiennent ces éléments
ajustés bout à bout. Pour le transport, les tubes rentrent les uns
dans les autres. Cette disposition offre l'avantage de la légèreté
et réduit le bagage au minimum, mais elle ne convient qu'aux
chambres très légères et qui n'offrent au vent qu'une faible surface.
Cl. Bellieni.
Fig. 22. — Pied mé-
tallique à branches
rentrantes.
LA CHAMBRE NOIRE 31
En effet, les pieds métalliques, trop flexibles, sont facilement
ébranlés. Chaque fois qu'il est possible de réduire la pose à une
fraction de seconde, il vaut mieux renoncer à ces supports insta-
bles et tenir l'appareil à la main, ou le suspendre à une courroie
passée sur les épaules et autour du cou.
OUVRAGES A CONSULTER
J.-M. Eder, Die photographische Kamera und die Momeniapparate, 2° édition,
Halle a/ S (W. Knapp).
G. Ménétrat, Etude élémentaire de l'objectif, des chambres et des obturateurs,
Paris (Ch. Mendel), 1906.
G. Maurion, le Matériel photographique, Paris (Gauthier- Villars), 1902.
G. PizziGHELLi, Die photographischen Apparate, 2« édition, Halle a/S (W. Knapp).
J.-F. ScHMiDT, Das Photographieren, 2e édition, Vienne (A. Harlleben), 1909.
32
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE II
l'objectif
Propagation de la lumière. — La lumière se propage en ligne
droite, dans un milieu homogène, par exemple dans une atmos-
phère calme et limpide. Il est facile de s'en assurer, en interpo-
sant une lame opaque sur un point quelconque de la ligne droite
qui va de notre œil à un objet : celui-ci cesse d'être visible. C'est
en vertu de la même propriété que les objets extérieurs projettent
leur image renversée au fond d'une chambre obscure percée d'une
petite ouverture (fig.
23). Les rayons éma-
nés de l'objet AB se
croisent en mn\ l'i-
mage du point A se
forme en A', sur l'écran
I PQ, et celle de B en B'.
Mais la lumière
prend une direction
différente chaque fois
qu'elle rencontre un
obstacle ou change de
milieu. Si elle tombe sur une surface polie, sur un miroir, par
exemple, elle s'y réfléchit^ et sa nouvelle direction est liée à sa
direction primitive et à la position de la surface réfléchissante par
une loi constante : l'angle de réflexion est égal à l'angle d'inci-
dence. Si elle rase les bords d'une lame opaque, elle est déviée
par diffraction. Si elle passe d'un corps transparent dans un
autre corps transparent, ou si le milieu primitif, sans changer
de nature, change de densité, une partie des rayons lumineux se
réfléchissent, et le reste est dévié par réfraction. De là vient qu'un
Fig'. 23. — Propagation de la lumière.
L'OBJECTIF 33
bâton plongé obliquement dans l'eau nous semble brisé. Si les
étoiles scintillent, c'est que l'air est agité, soit à proximité du sol,
soit dans les hautes régions de l'atmosphère, et ne conserve pa«i
constamment la même densité. La déviation augmente avec l'obli-
quité des rayons et n'est pas la même pour toutes les substances.
Vindice de réfraction d'un corps est le rapport entre son pouvoir
réfringent et celui de l'air.
L'indice de réfraction n'est d'ailleurs pas le même pour toutes
les couleurs. Si, par une ouverture étroite, on fait pénétrer dans
une chambre obscure un faisceau de lumière blanche, comme celle
du soleil ou de l'arc électrique, on vérifie aisément sa direction
rectiligne. Mais, si Ion interpose sur son trajet un prisme de cris-
tal à base triangulaire, le faisceau n'est pas seulement dévié, il
s'élargit et se décompose en un grand nombre de couleurs très
délicatement fondues l'une dans l'autre, par nuances insensibles,
où l'œil peut reconnaître, comme dans l'arc-en-ciel, les sept teintes
suivantes :
Rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet.
C'est là le spectre visible de la lumière blanche. En réalité, notre
œil n'aperçoit qu'une faible partie du spectre réel; en deçà du
rouge comime au delà du violet, il existe d'autres radiations dont
il est facile de mettre les propriétés en évidence. Vinfra-rouge
agit sur le thermomètre, et Vultra-violet impressionne la plaque
photographique.
Cette décomposition de la lumière est désignée sous le nom de
dispersion : dans le spectre visible, le rouge est peu dévié, c'est la
couleur la moins réfrangible, tandis que le violet subit la plus
forte réfraction.
L'écart entre les couleurs varie suivant la nature du prisme, qui
peut être plus ou moins dispersif.
Lentilles. — Les lentilles sont des rondelles transparentes
qui, par la courbure de leurs surfaces, ont la propriété de faire
converger ou diverger les rayons lumineux qui les traversent. On
peut les considérer comme formées par l'assemblage d'une infi-
nité de petits prismes. Les lentilles convergentes sont plus épaisses
au centre que sur les bords, et les lentilles divergentes plus minces
au milieu qu'à la périphérie. Suivant la forme de leurs surfaces,
34
TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
elles se classent en six ^espèces différentes, représentées en coupe
fig. 24.
Lentilles convergentes.
A biconvexe.
B plan-convexe.
G ménisque convergent.
Lentilles divergentes.
D biconcave.
E plan-concave.
F ménisque divergent.
Fie. 24. — Lentilles,
On appelle axe 'principal d'une lentille la ligne droite qui passe
par les centres de courbure de ses surfaces sphériques. Si Tune
des faces de la lentille est
plane, Taxe principal est
perpendiculaire à cette sur-
face et passe par le centre
de courbure de la surface
sphéri^ue.
Le foyer principal d'une
lentille est le point où se
coupent lea rayons réfractés provenant d'un faisceau incident
parallèle à Taxe.
La distance focale est la distance du foyer au centre de la len-
tille. On reconnaît la place qu'occupe le foyer principal d'une len-
tille convergente en présentant cette lentille aux rayons solaires :
la lumière se concentre au foyer en une image plus petite et plus
éclatante qu'en tout autre lieu.
L'image qui se forme sur un écran placé dans une chambre obs-
cure, derrière un volet percé d'un petit trou, n'est jamais nette-
Les contours des objets sont mal délimités. La raison en est que
l'ouverture, si étroite qu'elle soit, offre toujours une certaine sur-
face. Dès lors, le faisceau lumineux issu d'un point quelconque,
par exemple A (fig. 23), est un cône qui va dessiner sur l'écran,
en A', non pas un point, mais un cercle dont la^largeur dépend de
celle de l'ouverture et de la distance de l'écran. Si l'on réduit l'ou-
verture, outre que l'image s'assombrit, une autre cause de confu-
sion intervient : c'est une déviation des rayons lumineux, connue
en physique sous le nom de diffraction.
Pour avoir une image brillante, il faut élargir l'ouverture, comme
l'avait fait Cardan, et y adapter une lentille convergente. La net-
L'OBJECTIF 35
teté de Timage exige que l'écran se trouve placé à une distance
déterminée de la lentille. En deçà comme au delà de cette dis-
tance, rimage est confuse et cesse même d'être visible.
Cette distance varie suivant la forme de la lentille et suivant Fé-
loignement de Tobjet dont il s'agit de reproduire l'image.
Quand l'objet est si éloigné qu'on puisse le considérer pratique-
ment comme se trouvant situé à l'infini, son image se forme au
foyer principal et extrêmement rapetissée»
Quand l'objet est séparé de la lentille par une distance égale au
double de sa distance focale principale, son image est aussi éloi-
gnée du double de cette distance focale et de même grandeur que
l'objet.
Quand la distance de l'objet à la lentille est inférieure au double
de la distance focale principale, son image est amplifiée et se forme
au delà du foyer principal.
Quand la distance de l'objet est supérieure au double de la dis-
tance focale, son image est diminuée. Elle diminue d'autant plus
que l'objet est plus éloigné, et se forme de plus en plus près du
foyer principal. D'ailleurs, au delà d'une certaine distance les
changements de position d^ l'image deviennent imperceptibles
et pratiquement négligeables. Cette limite à partir de laquelle le
foyer reste invariable est la distance hyper focale. Cette distance
est d'autant moindre que l'objectif a une distance focale princi-
pale plus courte.
La lentille adaptée à la chambre noire porte le nom à' objectifs
parce qu'elle est dirigée vers l'objet dont on veut reproduire
l'image. A l'époque de la découverte du daguerréotype, cet objec-
tif était encore constitué, comme au seizième siècle, par un simple
verre convexe. Une telle lentille ne peut pas donner des images
correctes; elle est très loin surtout de satisfaire aux conditions
de la photographie, parx;e qu'elle présente plusieurs défauts ou
aberrations que nous allons analyser.
Aberration de sphéricité. — Les rayons lumineux qui traver-
sent une lentille convergente simple ne concourent pas tous au
même point. Le foyer des rayons passant par le centre est plus'^
éloigné de la lentille que ceux qui passent par ses bords (fig. 25).
îl en résulte que l'image d'un point est un cercle plus ou moins
36
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Fig-. 25, — Aberration de sphéricité.
large et diffus, et que les contours des objets se montrent cernés
d'une sorte de nébulosité.
Ce défaut, qui résulte de la forme sphérique de la lentille, est
atténué par Tinter-
position d'un dia-
phragme, lame opa-
que percée d'une
ouverture ronde qui
ne laisse passer que
les rayons centraux
et arrête les rayons
marginaux. L'image
gagne alors en net-
teté, mais la réduc-
tion de l'ouverture
diminue la luminosité de l'objectif et nécessite un temps de pose
plus long.
Le diaphragme. réduit l'aberration sphérique, mais ne la sup-
prime pas entièrement. Pour que l'objectif en soit complètement
exempt, il faut le composer de deux lentilles, l'une convexe et l'au-
tre concave. En choisissant convenablement les deux verres, en
combinant leurs courbures, on réalise un couple convergent sans
aberration sphérique. Les objectifs ainsi constitués sont appelés
aplanéliques (de à, sans, et 'jrXàv-Tj'cc*;, [rayon] errant, égaré). Ils
donnent à toute ouverture une image nette, mais seulement au
centre; la netteté ne s'étend jusqu'aux bords qu'en interposant
un diaphragme.
Profondeur de foyer et profondeur de champ. — Une large len-
tille convergente ne donne une image nette que si l'écran de mise
au point est placé à une distance rigoureusement déterminée. Si
on l'avance ou si on le recule, même d'une très faible quantité,
l'image devient confuse : l'objectif manque de profondeur de foyer.
En outre, la même lentille, dirigée vers des objets disposés à des
distances différentes, n'en reproduit pas correctement l'ensemble.
Si on règle la mise au point sur l'un de ces objets, sOn image sera
netle, mais celle des objets plus rapprochés ou plus éloignés ne le
sera pas : l'objectif manque à.Q profondeur de champ. Cependant,
L'OBJECTIF
3T
A
M
' D
t\^^^
N
a
m— ^^^^
^•^
(
v//. ~ -
-----
\^/^
.-— --
à
P-— -"'""""
"'"
\~
D'
t^
-
Tl
Fig. 26. — Profondeur de foyer.
ce défaut s'atténue à mesure qu augmente Téloignement des ob-
jets : au delà d'une certaine limite (distance hyperlocale), l'augmen-
tation de distance ne nécessite plus la moditication de la mise au
point.
La profondeur est augmentée par l'interposition d'un dia-
phragme, comme le mon-
tre la fig. 26. Les rayons
A B, émanés d'un point
extérieur traversent une
lentille à toute ouverture
et viennent converger à
son foyer. Si le verre dé-
poli est exactement en
F, l'image du point est
nette. L'écran est -il
avancé ou reculé, en M
ou en N, l'image du point
s'élargit et se change en
une tache aux bords mal définis, que l'on désigne sous le nom de
cercle de diffusion.
Interposons maintenant un diaphragme DD', de manière h.
limiter le faisceau lumineux au tracé en pointillé ab. On voit
que, pour le même déplacement de l'écran, le cercle de diffusion
est beaucoup plus étroit.
La profondeur dépend donc de l'ouverture de l'objectif, mais-
elle dépend aussi de la longueur du foyer et du degré de netteté
qu'il s'agit de réaliser. Dans la photographie ordinaire, le maxi-
mum de précision est obtenu quand l'image montre tous les-
détails que l'oeil distingue lui-même. Un œil normalement consti-
tué sépare encore l'un de l'autre, à la distance de 30 centimètres,
deux points écartés de 1/10' de millimètre. Cette limite de visibi-
lité indique le maximum de précision qu'il est inutile de dépasser
pour des photographies destinées à être vues à l'œil nu. 11 est
même rarement nécessaire d'atteindre à cette extrême netteté, et
l'on peut dans la plupart des cas se contenter d'une définition
moins parfaite, celle par exemple qui correspondrait à la sépara-
tion de deux points écartés l'un de l'autre de 1/4 de millimètre et
3
38 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
placés à 30 centimètres de l'œil. Au contraire, pour obtenir des
images microscopiques destinées à être observées à Faide d'un ins-
trument grossissant, il est nécessaire de réaliser une définition
beaucoup plus précise. Dans ce cas, il faut faire usage d'objectifs
parfaitement corrigés de toute aberration et mettre au point avec
le plus grand soin.
Courbure du champ. — Même lorsqu'on a à reproduire une
surface plane, comme une carte de géographie, on remarque que
l'image fournie par une lentille simple à toute ouverture n'est pas
nette sur les bords lorsqu'elle l'est au centre, et réciproquement.
Ce défaut est indépendant de l'aberration sphérique : il résulte de
la forme de l'écran sur lequel est reçue l'image. Cet écran est une
surface plane, tandis que le champ de l'image lenticulaire est
courbe. Le diaphragme, en augmentant la profondeur de foyer,
obvie à cet inconvénient, mais au détriment de la luminosité. En
combinant convenablement différentes lentilles, on arrive à réa-
liser des objectifs donnant un champ sensiblement plat à grande
ouverture.
Distorsion. — Un diaphragme placé en avant de l'objectif occa-
sionne une déformation de l'image, en incurvant ses lignes. Ainsi,
deux traits verticaux se trouveront représentés de la façon sui-
vante ( ) : c'est la distorsion en barillet.
Si le diaphragme est disposé en arrière de l'objectif, l'incurva-
tion se produit encore, mais dans le sens opposé, de telle sorte
que les deux traits verticaux seront ainsi reproduits ) ( : c'est
la distorsion en croissant.
On évite cette déformation en intercalant le diaphragme entre
deux lentilles symétriques.
Astigmatisme, — Les corrections apportées aux défauts opti-
ques précédents ne suffisent encore pas à donner des images cor-
rectes dans toute l'étendue du champ. Ainsi, l'image d'un petit
objet rond (une pièce de monnaie par exemple) sera bien ronde si
elle est placée d'aplomb et juste en face du centre de l'objectif.
Mais, si on la déplace, ou si l'on tourne la chambre noire de façon
que l'image ronde se dessine sur les bords du verre dépoli, il sera
impossible d'en obtenir une reproduction correcte : elle sera allon-
gée en ovale, dont l'éclairement inégal donnera parfois à la tache
L'OBJECTIF 39
ainsi formée Taspect d'une queue de comète, d'où le nom de coma
donné à ce défaut. Comme cette aberration empêche d'obtenir
rimage exacte d'un point, elle a reçu le nom à^astigmatume (de à,
sans, et <TT(Y(j.a, point). On appelle anastigmats les objectifs qui en
sont exempts.
L'astigmatisme a la même originie que l'aberration sphérique;
seulement, au lieu d'être produite par les rayons parallèles à l'axe,
l'aberration provient ici des faisceaux obliques, dont les rayons
réfractés n'ont pas tous leurs foyers en un point commun. 11 est
donc impossible, avec un objectif non corrigé de l'astigmatisme,
d'obtenir une image nette d'un point sensiblement écarté de l'axe
optique.
Aberration chromatique ou de réfrangibilité. — Une lentille
simple agit comme un prisme : elle dévie les rayons lumineux,
mais, comme elle ne les dévie pas tous également, il s'ensuit une
dispersion, c'est-à-dire une décomposition de la lumière blanche
en s€s radiations élémentaires. De là vient que les contours des
objets dessinés par une telle lentille sont irisés et que la distance
focale varie suivant la couleur du sujet sur lequel on veut régler
la mise au point. Parmi les radiations visibles, les rayons rouges
ont la plus longue distance focale, et les rayons violets la plus
courte. Et, comme les rayons ultra-violets, invisibles à nos yeux,
mais très photogéniques, ne forment pas leur image sur le même
plan que les rayons jaunes, qui sont pour notre rétine les plus
lumineux, une lentille unique donnerait une image confuse là oii
l'écran nous aurait montré une image nette. Un tel objectif a un
foyer chimique et ne conrient pas à la photographie.
Pour corriger l'aberration chromatique, on accole à la lentille
convexe une lentille concave formée d'un verre différent. L'en-
semble de ces deux verres forme encore un système convergent;
mais, comme le pouvoir dispersif n'est pas proportionnel au pou-
voir réfringent, on arrive à compenser la dispersion. L'objectif est
alors achromatique (de à, sans, et )(^pa)[jLa, couleur).
L'achromatisme n'est réalisé le plus souvent que pour deux cou-
leurs : on calcule les courbures des verses de manière à faire
coïncider le foyer des rayons jaunes ave'c celui des rayons violets.
Cette correction suffit généralement dans la pratique de la photo-
40 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
graphie monochrome; mais, pour la photographie des couleurs, il
convient de faire coïncider également avec le foyer des rayons
précédents celui des rayons rouges. Les objectifs corrigés de la
sorte portent le nom à'apochromatique$ ou celui d'antispectrosco-
piques.
Dans les appareils à bon marché, l'aberration de réfrangibilité
est parfois simplement atténuée par l'interposition d'un dia-
phragme qui, en augmentant la profondeur de foyer, ^donne une
netteté suffisante aux images provenant de rayons différents. Si
la chambre noire est à foyer fixe, ou si la mise au point se fait
au juger, d'après une échelle graduée, le constructeur établit le
réglage sur le foyer chimique, et non pas sur le foyer optique.
Diffraction. — Le diaphragme offre plusieurs avantages : il
remédie à la courbure du champ focal, augmente la profondeur de
foyer et la profondeur de champ, atténue l'aberration sphérique,
l'aberration chromatique et l'astigmatisme. Ces avantages sont
d'autant plus marqués que l'ouverture est plus réduite, mais
seulement jusqu'à une certaine limite. En effet, une ouverture trop
étroite n'a pas pour seuls inconvénients d'intercepter trop de
lumière, de prolonger outre mesure le temps de pose et d'exagé-
rer les contrastes de l'image. Elle en altère aussi la netteté, par
un phénomène de diffraction (du latin diffringere ^ séparer en
rompant).
Il résulte de la nature même de la lumière, constituée par des
ondulations rapides, que l'image d'un point fournie par un instru-
ment d'optique, même supposé parfait, n'est pas un point, mais
bien une tache plus ou moins large entourée de cercles concen-
triques. Cet effet de diffraction, invisible quand l'ouverture est
suffisamment large, devient de plus en plus apparent lorsqu'on en
réduit progressivement le diamètre. Ainsi, si l'on place une len-
tille devant une chambre noire percée d'un très petit trou et qu'on
essaye de mettre au point, on n'obtiendra pas une image sensible-
ment plus nette que celle que donnait la petite ouverture avant
l'interposition du verre convergent.
L'influence de la diffraction est insignifiante, dans les images
fournies parles objectifs à bas prix, parce que les aberrations n'y
sont qu'imparfaitement corrigées. Dans ce cas, l'emploi du dia-
L'OBJECTIF 41
phragme améliore l'image, en accroît la finesse et étend le champ
de netteté.
Mais il n'en est pas de même avec un objectif très soigneuse-
ment construit. L'image offre alors son maximum de finesse à la
plus grande ouverture, parce qu'elle n'est troublée par aucune
aberration. Le seul inconvénient de la grande ouverture est le
défaut de profondeur, qui rend parfois la mise au point difficile.
Si l'on réduit l'ouverture, en interposant un diaphragme, on aug-
mente la profondeur, mais au détriment de la netteté, altérée par
la diffraction. Il va sans dire qu'en pareil cas le défaut de netteté
n'est que relatif : l'image obtenue dans ces conditions n'en demeure
pas moins aussi fine et par ailleurs beaucoup plus parfaite que
celle que donnerait, à ouverture égale, un objectif mal corrigé.
Réflexion de la lumière sur les surfaces des lentilles. — Il est
facile de vérifier que chacune des deux surfaces d'une lentille
réfléchit la lumière, en moindre quantité qu'un miroir, mais sui-
vant les mêmes lois. Il s'ensuit que, lorsqu'un objectif est com-
posé de plusieurs lentilles indépendantes, les réflexions succes-
sives qui s'y produisent occasionnent une sorte dévoile blanchâtre
sur l'image. Et, comme le pouvoir réflecteur de chaque surface
augmente avec l'obliquité des faisceaux incidents, ces réflexions
sont de plus en plus fortes à mesure que les rayons s'écartent
davantage de l'axe, si bien que l'image est beaucoup plus éclairée
au centre que sur les bords. Cette inégalité est parfois si appa-
rente que, lorsque l'objectif est dirigé vers un sujet très éclairé,
un cercle blanc se dessine au milieu de la plaque.
On évite la tache centrale en combinant convenablement les
courbures des lentilles, mais il n'est pas possible de supprimer
entièrement la diffusion. De là vient qu'un objectif formé d'une
lentille unique ou de lentilles collées ensemble fournit des images
plus pures et plus brillantes qu'un objectif composé de plusieurs
verres indépendants.
Carac oristiques d'un objectif. — Les dimensions de l'image
que l'objectif donne d'un sujet placé à une distance déterminée,
l'étendue qu'il permet d'embrasser et la durée du temps de pose,
ne peuvent être déterminées que si l'on connaît trois éléments
essentiels : la longueur focale, ïangle du champ de netteté et Vou-
42 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
verture relative utile. Ces éléments sont les principales caractéris-
tiques de Tobjectif, et les constructeurs ont soin de les indiquer
dans leurs catalogues.
Longueur focale. — En pratique, on appelle longueur focale,
ou simplement foyer d'un objectif, la distance qui sépare le centre
optique du verre dépoli, quand la mise au point est réglée sur
un sujet très éloigné, un astr« par exemple. Le foyer est compté à
partir du point nodal d^ émergence y considéré comme point de croi-
sement des rayons concourant à la formation de l'image. On
admet, pratiquement, que ce point se confond avec le plan du
diaphragme, dont il est généralement très voisin, dans les objec-
tifs bien construits.
Certains catalogues substituent à l'indication de la longueur
focale celle du tirage. Le tirage est la distance, comptée non plus
à partir du diaphragme, mais à partir de la rondelle qui fixe
l'objectif à la chambre, jusqu'au plan du verre dépoli mis au point
sur l'infini.
Il est évident que, plus la longueur focale est grande, plus
grande sera l'image d'un objet situé à une distance déterminée.
Nous avons déjà vu que, si l'objet se rapproche, le foyer s'éloigne
de l'objectif : le tirage augmente.
Ouverture. — Cet élément est très important dans l'évaluation
des temps de pose. La rapidité de l'objectif dépend, évidemment,
de la quantité de lumière qu'il transmet, mais, pour mesurer sa
luminosité, il ne suffit pas de connaître les dimensions absolues
de son ouverture : il faut déterminer le rapport existant entre
cette ouverture et la longueur focale. En effet, l'ensemble des
rayons lumineux transmis par l'objectif forme un faisceau coni-
que : ces rayons se dispersent donc, à mesure que le faisceau
s'élargit, en sorte que l'intensité de la lumière par unité de sur-
face diminue à mesure que cette surface s'agrandit, en proportion
du carré de la distance focale. C'est pourquoi la rapidité d'un
objectif est caractérisée par son ouverture relative, calculée en
prenant le quotient du foyer par le diamètre d'ouverture utile.
On appelle ouverture utile le diamètre, mesuré en avant de
l'objectif, du faisceau de rayons parallèle à l'axe qui eut traver-
ser le diaphragme. On appelle ouverture réelle le di->- être même
L'OBJECTIF ~ 43
du diaphragme , mesuré directement. Dans les objectifs où le
diaphragme est placé en avant des lentilles, l'ouverture utile est
égale à l'ouverture réelle ; dans ceux où le diaphragme est placé
derrière un système convergent, elle est plus grande.
Cette ouverture est indiquée par les constructeurs, non pas sui-
vant son diamètre absolu, mais suivant le rapport entre ce dia-
mètre et le foyer, désigné, pour abréger, par la lettre F. Ainsi les
notations F : 10 ou f/iO désignent un objectif admettant la lumière
par une ouverture dont le diamètre utile est égal à la dixième
partie de la distance focale.
Cette manière d'indiquer l'ouverture est la seule qui permette
de comparer avec exactitude la rapidité de plusieurs objectifs de
constructions" différentes. Toutefois, il convient de tenir compte
de légères différences pouvant résulter de la transparence et du
polissage des verres, ainsi que. des pertes de lumière résultant de
la réflexion sur les surfaces des lentilles.
Angie. — Si, du centre optique de l'objectif (supposé coïncider
avec le centre du diaphragme), on mène deux lignes droites vers
les bords de Timage nette, ces deux lignes forment un angle plus
ou moins ouvert, suivant rétendue du champ net par rapport à
la longueur focale. Cet angle varie évidemment, suivant le dia-
phragme employé, puisque en réduisant l'ouverture on augmente
l'étendue de la surface nettement couverte.
Dans la plupart des cas, pour obtenir une photographie don-
nant la sensation dece que voit notre œil, le foyer de l'objectif
doit être tel que le format de l'épreuve corresponde à un angle
voisin de 50° environ. Néanmoins, il est nécessaire que l'objectif
ait un angle de netteté plus élevé, afin de laisser h l'opérateur la
possibilité de décentrer, si le sujet est placé à un niveau très diffé-
rent de celui qu'occupe l'appareil.
Si l'angle utilisé est très inférieur à celui de l'angle visuel,
l'image paraît plate, avec peu de perspective. Cependant, quand
il est nécessaire de reproduire un objet très éloigné, on est obligé
d'avoir recours à un objectif à long foyer, correspondant à un
angle très faible pour le format adopté.
Si, au contraire, l'angle utilisé est beaucoup plus ouvert que
celui de l'angle visuel, la perspective semble exagérée, et l'œil,
44 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
embrassant sur l'épreuve plus d'objets qu'il n'en apercevrait simul-
tanément s'il se trouvait en face du modèle, n'éprouve plus l'illu-
sion de la réalité. On ne doit donc se servir d'un objectif à grand
angle (ou grand angulaWe) que lorsqu'on est obligé de reproduire
un sujet très étendu devant lequel l'espace manque pour reculer
suffisamment l'appareil. Ce cas se présente souvent dans les
reproductions de monuments ou d'intérieurs.
Construction de l'objectif. Monture. — Les lentillfes sont for-
mées de verres différents, dont les indices de réfraction sont
exactement connus, ainsi que leurs pouvoirs dispersifs. Chaque
verre est taillé mécaniquement, suivant les courbures que le cal-
cul a déterminées, poli avec le plus grand soin, ajusté et serti dans
un barillet. Les barillets sont des bagues métalliques dont la sur-
face extérieure est filetée de manière à se visser sur la monture
proprement dite. La monture est un tube de cuivre bien dressé,
sur lequel se vissent, à l'intérieur, les barillets, et, à l'extérieur,
une rondelle en cuivre percée de trois ou quatre trous dans lesquels
sont passées les vis qui fixent l'objectif à la chambre noire. La
monture porte également les diaphragmes et le parasoleil, dont
la description fera l'objet des deux paragraphes suivants.
Le montage des lentilles exige un outillage de haute précision
et un personnel exercé, car si elles ne sont pas parfaitement cen-
trées, elles ne donneront que des images défectueuses. Aussi l'op-
ticien doit-il vérifier minutieusement l'objectif, avant de le' livrer.
Diaphragmes. — Le rôle du diaphragme a été expliqué précé-
demment. Il nous reâte à faire connaître les conditions auxquelles
il doit satisfaire en pratique. Le diaphragme diminue la luminosité
de l'objectif; il a donc l'inconvénient de prolonger la pose et d'exa-
gérer les contrastes de l'image. Par contre, il offre l'avantage
d'augmenter la profondeur de foyer et la profondeur de champ.
Suivant les circonstances, on a donc intérêt à utiliser la plus
grande ouverture de l'objectif, ou, au contraire, à en réduire le
diamètre. De là la nécessité d'un dispositif permettant de modi-
fier à volonté la largeur de l'ouverture.
Autrefois, la plupart des objectifs photographiques n'étaient
munis que de diaphragmes à vannes. Ces diaphragmes (ûg. 27)
étaient formés de lames de cuivre noirci que l'on glissait dans la
L'OBJECTIF 45
monture, par une fente pratiquée au niveau du centre optique.
Chaque objectif était livré avec une série de ces lamelles percées
d'ouvertures de diamètres différents et enfermées dans un étui.
Sur chaque diaphragme était gravée l'indication
de son ouverture. Généralement, cette ouverture
se trouvait exprimée par son rapport avec le
foyer de l'objectif: //lO, //16, etc. Certains cons-
tructeurs adoptaient cependant un mode diffé-
rent de numérotage, rapporté au temps de pose
relatif correspondant à l'emploi de chaque dia-
phragme. Ainsi, le diaphragme d'ouverture utile
//lO portant le numéro 4, les diaphragmes plus ^^UBIB^ '
petits portaient les numéros 2, 4, 8, 16..., ce Fig. 27.
qui signifiait que , le temps de pose du premier Diaphragme-vanne,
diaphragme étant pris pour unité , l'emploi des
diaphragmes suivants exigeait, toutes choses égales d'ailleurs, un
temps de pose 2, 4, 8, 16 fois plus long.
Les diaphragmes -vannes ont l'inconvénient de s'égarer trop
facilement, surtout en excursion; en outre, la substitution d'une
lamelle à l'autre fait perdre
trop de temps à Topéra-
ifiSS^^^M^^I teur, dans certains cas où
a-^-^^^^^^^îajHFI ^^ ®^^ indispensable de pro-
^"^'""""^ ..« 1^ ^ céder rapidement. Aussi a-
'^WJPPiiiWBIIi^^ftw ^"On'presque complètement
miâÉSd^^éMoÊUMU^^. renoncé à leur emploi.
^^^^^^^^^i^g^^^^^ Le diaphragme rotatif
„,^_.,,., ^^=^^^^^^^^^^^mÊ (fîg. 28) est un disque en
^^"'^^ssmm^m^^Sl^^^^^^¥ tôle mince , percé de trois
ou quatre ouvertures de
Fig. 28. — Moniure à diaphragme rotatif. diamètres différents. Ce
disque tourne autour d'un
axe fixé sur la monture, et le centre de chaque ouverture peut être
amené devant le centre optique. Le diaphragme rotatif ne présente
pas les inconvénients des diaphragmes -vannes; en revanche, à
moins de lui donner un diamètre encombrant, il n'offre qu'un
nombre trop restreint d'ouvertures différentes. Néanmoins la
46
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cl. Roussel
¥ïg. 29. — Monture à diaphragme iris.
faible épaisseur du disque tournant le fait adopter dans la cons-
truction de certains objectifs à grand angle, dont les lentilles sont
très rapprochées.
La plupart des objectifs actuels sont munis d'un diaphragme à
iris, ainsi nommé par analogie avec la membrane pupillaire. Cet
iris est formé d'un certain nombre de lamelles très minces, en
ébonite ou eu acier, dont la forme est combinée de telle sorte
que, suivait la posi-
tion qu'on leur fait
prendre, elles limitent
plus ou moins Fouver-
ture (fig. 29).
Le principe de cette
disposition est connu
depuis le dix-septième
siècle : c'est au P. Kir-
cher qu'est due Tinven-
tion du « diaphragme-
pupille » ou « œil-de-
chat ». Il est curieux de remarquer que Nicéphore Niepce l'appliqua
à l'objectif qui lui servit à produire les premières images photo-
graphiques.
Les lamelles qui constituent l'iris sont toutes reliées entre elles,
de manière à se rapprocher ou à s'écarter simultanément, par le
jeu d'un petit levier extérieur ou d'une bague moletée entourant
la monture. Un index, entraîné par l'organe extérieur mobile, se
déplace en regard d'une graduation gravée sur la monture et fait
connaître la grandeur relative de l'ouverture intérieure.
Parasoleil. — Il ne faut pas confondre le voile de diffusion et la
tache centrale résultant de réflexion-s successives sur les surfaces
des lentilles avec les effets que déterminent parfois les rayons
solaires, même quand l'astre est en dehors du champ optique uti-
lisé. Le voile qui en résulte est accru par la multiplicité des len-
tilles, mais sa cause initiale est la pénétration d'une vive lumière
dans la lentille frontale (antérieure au diaphragme). On évite faci-
lement cet accident, en prolongeant la monture de l'objectif au
delà de la première lentille. Ce prolongement est désigné sous le
L'OBJECTIF 47
nom de parasoleil. Les opticiens ont depuis quelques années une
fâcheuse tendance à supprimer cet organe si utile, dans le but de
diminuer le plus possible le poids et les dimensions des instru-
ments destinés aux chambres portatives. Quand on se sert d'un
objectif ainsi construit, dans des conditions telles que l'action
perturbatrice des rayons étrangers au sujet soit à craindre, il est
indispensable d'improviser un écran quelconque, ne fût-ce qu'une
carte de visite ou même la main, que l'on tiendra au-dessus de
l'objectif, pendant la pose.
Classification des objectifs. — Les objectifs photographiques
sont classés tantôt d'après le nombre ou la disposition de leurs
lentilles, tantôt d'après la manière dont ils sont corrigés des
diverses aberrations précédemment analysées, tantôt d'après leur
luminosité. Dans le premier cas, on les divise en objectifs sim-
ples, doubles (symétriques ou asymétriques), triples, etc. Dans le
second, on distingue les objectifs non aplanétiques, les aplanats,
les anastigmats, ou bien on établit une distinction entre les ins-
truments rectilinéaires et ceux qui ne sont pas exempts de distor-
sion. Dans le troisième cas, on répartit les objectifs, suivant leurs
ouvertures, en un certain nombre de groupes comprenant, par
exemple, l'un les instruments dont le diamètre utile est supérieur à
F : 3 ; le second, ceux dont le diamètre est compris entre F : 3 et
F : 6; le troisième, ceux dont le diamètre est compris entre F : 6 et
F : 10; le quatrième, ceux dont le diamètre erst compris entre F : 10
et F: 16; le dernier, ceux dont le diamètre <est inférieur à F :16.
Toutes ces classifications sont nécessairement arbitraires et
incomplètes : l'essentiel est de connaître les dispositions et les
caractères principaux des combinaisons les plus usitées.
Objectifs simples. — Malgré sa dénomination, l'objectif simple
est presque toujours composé d'au moins deux lentilles, quelque-
fois de trois et même de quatre. Seulement tous ces verres sont
collés ensemble (ordinairement au moyen de baume du Canada),
de manière à ne former qu'un seul système convergent. Il ne peut
pas être utilisé à une très grande ouverture, mais, suffisamment
diaphragmé, il fournit des images très fines et très brillantes, la
réflexion sur les surfaces des lentilles s'y trouvant réduite au mini-
mum. Les aberrations sphérique et chromatique peuvent y être
48
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
parfaitement corrigées, et le champ en est suffisamment étendu;
toutefois, si on l'utilise en entier, la distorsion est assez marquée.
Aussi cet instrument ne convient-il pas à la reproduction des
sujets qui comprennent des lignes droites importantes, comme
les édifices photographiés à courte distance. En revanche, c'est
Fobjectif par excellence pour le paysage, en raison de la pureté
et du relief des images qu'il donne.
L'objectif simple ordinaire, composé seulement de deux lentilles,
Tune biconvexe et l'autre plan-concave, est un instrument très peu
coûteux, mais qui ne peut être employé avec une ouverture supé-
rieure à F : 20, parce qu'il n'est ni aplanétique ni anastigmatique.
Aussi ne convient-il guère à la reproduction des scènes animées.
Suffisamment diaphragmé, à F : 30 par exemple, il couvre avec
une parfaite netteté et une grande profondeur de foyer un plan
focal circulaire de 70° à 90°.
La plupart des anastigmats qui seront décrits plus loin peuvent
être dédoublés et constituer d'excellents objectifs simples à grande
ouverture. La figure 30 repré-
sente un instrument de ce genre
constitué par une lentille Protar
à quatre verres collés. Cet ob-
jectif donne déjà une image nette
avec une ouverture égale à F :
12,5. Le champ utilisable est
alors d'au moins 50°; il atteint
85° avec un diaphragme plus
petit. Sa grande luminosité rend
cet objectif applicable aux ins-
tantanés en plein air, ainsi qu'aux groupes et aux portraits. Il
n'est pas complètement exempt de distorsion; mais la déformation
des lignes n'est sensible que sur les bords, quand le sujet contient
des éléments rectilignes très longs.
Objectif double à portraits. — Inventé en 1841 par Petzval, cet
instrument (fig. 31) se compose : 1° d'un système convergent formé
d'une lentille biconvexe et d'une lentille plan-concave collées en-
semble ; 2° d'un ménisque concave et d'une lentille biconvexe sépa-
rés par un faible intervalle. Ces deux couples sont montés aux
Fig. 30. — Objectif simple.
L'OBJECTIF
49
Fig. 31. — Objectif à portraits.
extrémités d'un tube au milieu duquel est placé le diaphragme.
Cet objectif n'est exempt ni de distorsion
ini d'astigmatisme, et sa profondeur de
foyer est très faible; mais sa luminosité
est remarquable, car il peut fonctionner
à F : 3 et même avec une ouverture plus
grande, F : 2,3. Cette propriété Ta fait
longtemps préférer à tout autre, pour le
portrait à l'atelier. On l'utilise d'ailleurs
encore, en raison des qualités toutes par-
ticulières de douceur et d'enveloppement
qu'il donne au modelé.
On s'en sert aussi pour les agrandisse-
ments et la projection. Il faut alors le
retourner, car il n'est pas symétrique,
de façon que la lentille achromatique
frontale se trouve placée du côté de l'é-
cran de projection, et les deux lentilles indépendantes tournées
vers le petit cliché ou vers le diapositif.
Aplanat. — Cet objectif, qui porte aussi le nom de rectilinéaire,
a été inventé en 1866 par A. Steinheil.
Il se compose (fig. 32) de deux mé-
nisques convergents symétriques entre
lesquels est disposé le diaphragme.
Chacun de ces éléments est formé de
deux verres, ordinairement un flint très
lourd collé à un flint léger constituant
un ensemble achromatique.
Bien construit, l'aplanat est complète-
ment exempt de distorsion, et la lumière
réfléchie par les surfaces de ses lentilles
ne détermine qu'une très faible diff'u-
sion. Il est corrigé de l'aberration sphé-
rique; c'est d'ailleurs son aplanétisme
qui lui a valu son nom. Il peut donc
fonctionner à une as'^ez grande ouverture (F : 6 à F : 9 , suivant
les formats), seulement le champ de netteté est alors assez res-
Cl. Suter.
Fig. 32. — Aplanat.
50 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ireint, et Fimage manque d'homogénéité. Si des objets placés à
diverses distances se trouvent régulièrement distribués dans le
champ, l'image est, au centre, nette pour les plus éloignés et con-
fuse pour les plus rapprochés, tandis que sur les bords, elle se
trouve nette pour les seconds et confuse pour les premiers. En
diaphragmant, rimage devient plus homogène, et la netteté s'étend
sur une surface plus grande.
L'angle normalement embrassé par Taplanat suffisaimment dia-
phragmé -est d'environ 43°. On construit cependant des aplanats
grands angulaires ou panoramiques, dont l'angle atteint 90° et
même 100°. Les deux ménisques sont alors très rapprochés du
diaphragme, et la -plus grande ouverture utilisable n'est guère que
que de F ::iic5.<Ges instruments sont donc très lents.
L'aplanat étant symétrique, il n'est pas nécessaire de le retour-
ner, pour ragrandissement ou la projection.
Si l'on dévisse le ménisque frontal, on a un objectif simple dont
la longueur focale est deuxJois plus grande que celle de l'aplanat
complet. Les dimensions de l'image sont donc doublées, seule-
ment elle n'est plus exempte de distorsion, et la netteté n'en est
suffisante, même au centre, qu'en diaphragmant.
L'aplanat es,t resté pendant longtemps le meilleur de tous les
objectifs. Il n'a été dépassé que par les anastigmats, et, comme
ces derniers sont beaucoup plus chers, c'est encore la combinai-
son la plus répandue. Les opticiens l'ont d'ailleurs amélioré, au
cours des dernières années, en utilisant dans sa construction des
verres analogues à ceux des anastigmats, plus transparents que
les matières primitivement employées.
Anastigmats. — Aucun des objectifs précédemment décrits ne
peut donner, à toute ouverture, une image nette jusqu'aux bords :
la cause en est due à l'astigmatisme, et le seul moyen que l'on
connaissait autrefois de le combattre était de diaphragmer. La
netteté s'étendait alors sur toute l'étendue de l'image, mais au
détriment de la rapidité. La netteté ainsi réalisée n'était d'ailleurs
que relative, puisqu'une ouverture trop étroite donne naissance à
des phénomènes de diffraction, surtout apparents dans les petites
images destinées à l'agrandissement. C'est donc un très important
progrès que d'avoir réussi à éviter l'astigmatisme à toute ouverture.
L'OBJECTIF
51
Dès 1840, Petzval avait établi que, si l'on parvenait à fabriquer
certains verres spéciaux, combinés de manière à pouvoir faire
varier le pouvoir réfringent indépendamment du pouvoir disper-
sif, on arriverait à corriger l'astigmatisme des rayons très écar-
tés de Taxe principal. Les formules de Petzval étaient restées
considérées comme inapplicables, jusqu'en 1889. A cette époque, la
verrerie Schott, à léna, réussit à préparer les verres nécessaires,
et Cari Zeis.s, exécutant les formules calculées par Abbe et
Rudolph, construisit les premiers anastigmats.
Ces instruments ont donné lieu à de nombreux travaux. Chaque
maison d'optique en a fabriqué plusieurs modèles, dont chacun
répond à des exigences particulières. Leur principal avantage est
de donner, à grande ouverture, une image d'une extrême finesse,
sur un champ très étendu. L'anastigmat serait certainement l'ob-
jectif universel, si le prix n'en demeurait pas très élevé, malgré la
concurrence qui s'est établie entre les fabriques rivales.
A ces indications générales, il convient d'ajouter la mention de
quelques particularités caractéristiques des anastigmats les plus
remarquables.
Le Planar, de Zeiss, construit en France par E. Krauss, est formé
(fîg. 33) de deux couples
composés chacun d'une
lentille convergente simple
et d'une lentille achroma-
tique séparées par une lame
d'air. Son ouverture maxi-
mum est comprise, suivant
les numéros, entre F : 3,6
et F : 7. Le champ utile
embrasse 62°. C'est un ins-
trument très remarquable
par le degré de perfection
qu'y atteint la correction
des aberrations. convient tout particulièrement aux portraits,
qu'il exécute avec un très beau modelé. Sa grande luminosité per-
met d'obtenir des instantanés rapides dans l'atelier. Il est aussi
tout indiqué dans la cinématographie et autres applications aux
Planar,
52
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
mouvements les plus animés. Son excellente correction le classe
au premier rang des objectifs pour reproductions et pour fortes
réductions ou microphotographie.
La profondeur de champ est faible, à toute ouverture. On Taug-
menle, comme toujours, en diaphragmant, mais au détriment de
la rapidité et de la finesse^ contrairement à ce qu'on observe dans
les objectifs à bon marché, où le diaphragme accroît la netteté. Il
faut, en effet, se rappeler que deux causes limitent la finesse de
Fimage : les aberrations et la diffraction. Quand les premières ne
sont qu'imparfaitement corrigées, leur influence est prépondé-
rante, et la réduction de l'ouverture améliore la définition. Mais,
quand elles sont presque complètement éliminées, comme dans
le Planarj on ne remarque plus que l'influence de la diffraction,
qui augmente à mesure que diminue le diamètre du diaphragme.
On ne peut reprocher au Planar que d'é relativement lourd
et d'un prix très élevé.
Le Tessar, calculé par le D"" P. Rudolph, est dissymétrique (fig.
34), et, comme les éléments doubles dont il est formé ne sont pas
corrigés isolément d'une façon
complète, il ne faut pas les em-
ployer seuls. Les deux lentilles
d'avant, un crown lourd plan-con-
vexe et un flint léger biconcave,
sont séparées par une lame d'air.
Les lentilles d'arrière, un flint bi-
concave et un crown lourd au
baryum biconvexe, sont collées
ensemble. L'image est très fine et très homogène, dans un angle
d'environ 55°.
Le constructeur a établi quatre séries de cet instrument. Leurs
plus grandes ouvertures sont respectivement de F : 10; F : 6,3;
F : 4,5 et F : 3,5.
Le Tessar f : 6,3 est caractérisé par l'extrême finesse de l'image
et la régularité de la netteté et de l'éclairage sur toute l'étendue du
champ. Sa luminosité est suffisante dans la plupart des cas et le
rend applicable à la reproduction instantanée des scènes de genre.
Les images obtenues à toute ouverture sont assez parfaites pour
Fig'. 34. — Tessar.
L'OBJECTIF
53
subir des agrandissements considérables. Le diaphragme augmente
un peu le champ de netteté, mais n'accroît pas la finesse, et son
principal rôle est de donner une plus grande profondeur de champ.
Le Tessar f : 3,5 est spécialement étudié pour réaliser une
extrême rapidité. Sa luminosité égale celles des meilleures combi-
naisons de Petzval, avec cet
avantage que, l'astigmatisme
étant corrigé pour un champ de
35°, Timage se trouve plus ho-
mogène. Cet objectif convient
au portrait, à Texécution des
vues cinématographiques, au
reportage, à la documentation
photographique dans les cir-
constances les plus variées.
Le Dagor, de Goerz (fig. 35),
est un anastigmat symétrique dont chaque couple est formé de
trois lentilles collées. A pleine ouverture (F : 6,8), l'image est
d'une netteté parfaite dans un champ d'environ 70°. En diaphrag-
mant, le champ atteint 90°. Les aberrations sont bien corrigées, et
toute réflexion nuisible évitée. On obtient ainsi, sans réduire Tou-
verture, des images vigoureu-
ses, nettes et brillantes. La lu-
minosité de Tinstrument permet
d'exécuter des instantanés très
rapides.
Sa - construction symétrique
permet de le dédoubler. En dé-
vissant le barillet antérieur, on
utilise les lentilles d'arrière, qui
constituent un excellent objectif
à paysages , dont la distance
focale est environ le double de celle de l'objectif complet.
Le Syntor (fig. 36) est symétrique, comme le précédent, et sa
plus grande ouverture est également de F : 6,8. Seulement, il ne
contient que quatre lentilles non collées. Quoique d'un prix moins
élevé, il est soigneusement corrigé et donne des images brillantes»
Fig. 36. — Syntor.
54
TRAITÉ GÉNÉRAL DR PHOTOGRAPHIE
Ceior.
très nettes, sans distorsion ni astigmatisme. Toutefois, le champ
de netteté est seulement de 64° à toute ouverture; il s'étend
jusqu'à 70° avec un petit dia-
phragme.
Le Celor (fig. 37) est destiné
aux instantanés rapides, même
dans des conditions d'éclairage
défavorables. Son- emploi est
tout indiqué pour les travaux h
Fatelier et dans les intérieurs^
Il se compose de deux systèmes symétriques, formés chacun d'une
lentille biconvexe et d'une lentille biconcave séparées par une
couche d'air. Ces lentilles étant
très minces, la perte de lumière
par absorption est peu sensible.
La plus grande ouverture utili-
sable est F : 4,5. La planéité
anastigmatique est assurée sous
un angle d'environ 70°.
On peut enlever le couple an-
térieur et utiliser les lentilles
Fig-. 38. — Eurygraplie.
d'arrière avec un petit diaphragme.
Les Eurygraphes (fîg. 38) de Lacour-Berthiot, et les Collinéaires
(fig. 39) de Voigtlànder sont des anastigmats S3^métriques à len-
tilles collées. La plus grande
ouverture de ces objectifs varie,
suivant les séries établies par
les constructeurs, entre F : 4
et F : 7. Ce sont d'excellents
instruments , très soigneuse-
ment construits et donnant,
sans diaphragme, des images
très fines, nettes jusqu'aux
bords et d'une homogénéité
irréprochable.
Fig-. 39. — Collinéaire.
VHéliar (fîg. 40), construit par Voigtlànder d'après les calculs
du D.' Harting, est asymétrique et ne peut pas être dédoublé. Il est
L'OBJECTIF'
55
Fie. 40. — Héiiar.
composé de 5 lentilles, dont 4 collées deux à deux. A sa plus grande
ouverture (F : 4,5), l'angle de
champ est de 45°.
Quoique d'une construction
beaucoup plus simple, puisqu'ils
ne contiennent que trois lentilles
non collées, les objectifs Cooke
(fîg. 4!) ne Te cèdent en rien aux
instruments plus compliqués. La
lentille du milieu, biconcave, est
en flint; les deux autres, plan-
convexes, sont en crown. Le dia-
phragme est placé entre le second
et le troisième ve rre. La plus grande Bm^erture est F : 6,5. La
surface focale est remarquablement plane. En réduisant le dia-
phragme, rimage gagne rapidement en.
pureté, en finesse et en étendue.
La plupart des anastigmats ont un
champ très étendu, lorsqu'ils sont suf-
fisamment diaphragmes. Ce sont, en
fait, des objectifs, grands angulaires.
iNéanmoins, on construit des instru-
ments spéciaux dont le foyer est excep-
tionnellement court, relativement à
l'étendue du champ.
Tel est VHypergone, de Goerz (fig.
42 et 43), construit en 1900. Cet objectif, symétrique, se compose
de deux lentilles simples très minces, demi-sphériques. Il n'est
Fig. 41. — Objectif Gooke.
Fig. 42. — tiypergone.
donc corrigé ni de l'aberration spbérique ni de l'aberration chro-
matique. Cependant, en raison de son ouverture trîs réduite (F :
56
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Fig. 43. — Hypergone.
(Vue de face.)
22), ces aberrations n'amoindrissent pas la netteté de l'image. Le
but du constructeur était d'obtenir une planéité anastigmatique
suffisante sous un angle
maximum. En fait, cet ins-
trument donne une image
nette dont le diamètre est 5
fois plus grand que sa dis-
tance focale, '•^e qui corres-
pond à un angle d'environ
140°.
Quand cet angle est entiè-
rement utilisé, l'image est
beaucoup plus brillante au
centre que sur les bords.
Pour remédier à cette inéga-
lité d'éclairement, un dia-
phragme étoile est placé de-
vant la lentille frontale (fîg.
43). Ce diaphragme eèt mis
en rotation pendant la po^
à l'aide d'une petite turbine
à air actionnée en pressant
une poire de caoutchouc. Si l'on exécute un travail qui n'exige pas
un angle supérieur à 110°, le diaphragme étoile devient inutile, et
on peut le rabattre en avant de l'instrument : à cet effet, le méca-
nisme rotatif est porté par
une lame m reliée à la mon-
ture par la charnière a. L'ou-
verture est réglée par le dia-
phragme intercalé entre les
deux lentilles et dont le dé-
placement est commandé par
le bouton extérieur b.
Il existe d'autres objectifs
panoramiques dont l'angle est un peu moins ouvert, mais qui don-
nent des images homogènes sans qu'il soit nécessaire de recourir
à des dispositifs compliqués. Le Périgraphe de Lacour-Berthiot
Fig. 44. — Périgraphe.
L'OBJECTIF 57
(fig. 44) embrasse un angle de 90° à 100°, et la régularité de Té-
clairage est parfaite dans toute l'étendue du champ utilisé.
Objectifs à liquides. — Certains liquides, comme Thuile de cè-
dre et le monobromonaphtalène, étant très réfringents, mais très
peu dispersifs, il était naturel de songer à utiliser ces propriétés
dans la construction de certains instruments d'optique. Cette idée
est d'ailleurs très ancienne, car, bien avant l'invention de la pho-
tographie, en 1745, l'Académie royale des sciences faisait fabri-
quer une lentille formée de deux verres bombés de 4 pieds de
diamètre séparés par un intervalle de 6 pouces rempli d'alcool.
Euler, en 1762, essayait une lentille à eau. D'autres employaient
le chlorure d'antimoine, le sulfure de carbone, etc.
Les premiers objectifs à liquides destinés à la photographie sont
dus à Scott Archer (1858) et à Th. Sutton (1860). Divers inconvé-
nients pratiques en firent rejeter l'emploi.
En 1901, le D'' Griin imaginait une disposition qui permet de
donner à l'objectif une luminosité exceptionnelle. L'inventeur
avait trouvé un liquide dont la composition est tenue secrète et
qui offre cette particularité de posséder un pouvoir de réfraction
très élevé et un pouvoir dispersif pratiquement nul. En remplis-
sant de ce liquide l'intervalle existant entre deux ménisques achro-
matiques, les concavités se trouvent de fait supprimées en ce qui
concerne la réfraction, quoique conservées au point de vue de la
dispersion. On diminue ainsi la longueur focale, en conservant
la même ouverture, sans trop altérer la correction d'achroma-
tisme et sans augmenter sensiblement l'aberration de sphéricité.
Griin est ainsi parvenu à réaliser un objectif dont l'ouverture attei-
gnait F/0,5. Toutefois, cet instrument présentait divers défauts,
notamment une courbure de champ excessive. Aussi a-t-on limité
à F/1,3 la plus grande ouverture des objectifs destinés au com-
merce. La disposition primitive, dans laquelle le liquide rem-
plissait tout l'objectif, avait le double inconvénient d'alourdir
l'instrument et d'empêcher les changements de diaphragmes.
Un nouveau modèle, construit par Dallmeyer, forme un objectif
symétrique dont chaque extrémité comporte un ménisque diver-
gent liquide, compris entre un crown biconvexe et un ménisque
divergent de flint.
58
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Elément positif de téléobjectif.
Téléobjectif Se — L'image qu'un objectif ordinaire donne des
objets éloignés est très petite. On pourrait l'obtenir plus grande
en se servant de lentilles à très long foyer, mais l'appareil aurait
alors des dimensions excessives. Quand on a à photographier un
sujet dont il n'est pas pos-
sible de s'approcher pour
en avoir une reproduction à
l'échelle voulue, le mieux
est d'amplifier l'image four-
nie par une lentille à court
foyer ou par un objectif or-
dinaire.
Cette amplification s'ob-
tient soit en plaçant un système convergent au delà du foyer de
Tobjectif, soit en plaçant un système divergent en deçà du foyer.
Dans le premier cas, l'image renversée par l'objectif est redressée
par la seconde lentille; dans le second, elle reste renversée, mais,
comme cette combinaison réduit la distance focale, c'est celle
qu'ont adoptée les constructeurs de
téléobjectifs.
On appelle élément jjositif la len-
tille convergente (fig. 45), et élément
négatif, ou amplificatrice, la lentille
divergente (fig. 46). Chacune de ces
lentilles doit être achromatique et corrigée des diverses aberra-
tions. Les barillets qui les portent se vissent aux extrémités d'une,
monture disposée de manière à permettre le rapprochement des
deux éléments. L'amplification obtenue varie^ en effet, suivant la
distance qui sépare les deux lentilles.
L'élément positif est souvent remplacé par un objectif ordinaire
adapté au tube qui contient la lentille négative.
Objectifs anachromatiques, — Pour réaliser certains effets
artistiques, on se sert quelquefois d'objectifs dans lesquels ont été
systématiquement conservées les aberrations de sphéricité et de
réfrangibilité. On obtient ainsi des images volontairement impré-
cises. Sur le portrait, les tares de la peau, les rides ou les petites
taches de rousseur s'atténuent ou même disparaissent, sans qu'il
Fig. 46. — Amplificatrice.
V OBJECTIF
59
soit nécessaire de retoucher la photographie. Dans le paysage, les
formes s'estompent, les lointains sont noyés dans un flou vapo-
reux qui accentue la perspective aérienne.
Une simple lentille convexe, un verre de besicle, peut être em-
ployé à cet effet. Les opticiens ont cependant combiné des objec-
tifs à deux ou plusieurs lentilles, dont les aberrations n'ont été
corrigées que dans une certaine mesure. VAdjustable landscape
lens de Pulligny est particulièrement commode, en ce qu'il permet
de faire varier les dimensions de l'image suivant l'écartement des
lentilles. Il est composé, comme le téléobjectif, d'un élément con-
vergent et d'un élément divergent; seulement, l'un et l'autre sont
des verres simples, en crown, de
même distance focale (10 millimè-
tres pour le format 18x24). La
frontale est plan-convexe, l'ampli-
ficatrice est plan-concave, et les
deux faces planes sont tournées
l'une vers l'autre. En faisant varier
leur écartement de 25 à 15 milli-
mètres, la distance focale passe de
40 à 65 centimètres. Deux dia-
phragmes iris placés l'un en avant
et l'autre en arrière servent à gra-
duer la netteté. La plus grande
ouverture n'étant que de 2 centimètres, l'instrument n'est pas très
rapide, mais permet cependant d'exécuter les instantanés lents.
Les lentilles n'étant pas achromatiques ont un foyer chimique,
et l'image, nette sur le verre dépoli, ne l'est plus sur le cliché. On
y remédie en rectifiant la mise au point, d'après un index gravé
sur la monture (fi g. 47).
VEidoscojje d'Hermagis est parfaitement corrigé de l'aberration
chromatique, mais conserve un résidu d'aberration sphérique ; de
telle sorte que, sans calculs, ni repères, ni tâtonnements, l'opéra-
teur peut apprécier, sur le verre dépoli, le degré de netteté qu'aura
le cliché et réaliser, par une mise au point plus ou moins exacte,
le degré de définition qui convient à l'eff'et qu'il s'agit d'obtenir.
Employé à sa plus grande ouverture (F : 5), c'est un instrument
Fig. 47. — Adjustable lansdcape lens^
60 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
rapide et dont les résultats sont très appréciés des artistes, surtout
quand il s'applique aux portraits limités à la figure (études de tête).
Choix et emploi des objectifs. — Malgré tous les progrès réali-
sés dans Toptique pendant ces dernières années, il a été impossible
de construire un objectif susceptible d'être appliqué à tous les tra-
vaux. Des lois physiques s'y opposent. Ainsi, une grande lumino-
sité est incompatible avec un large champ et une grande profon-
deur de netteté.
Il est donc nécessaire de choisir l'objectif suivant Te but qu'on
se propose. Pour le portrait à l'atelier, la luminosité a le pas sur
l'étendue du champ et sur la profondeur. On donnera donc la pré-
férence aux instruments à grande ouverture, comme le Planar et
autres anastigmats fonctionnant à environ F/4 ou Tobjectif double
de Petzval.
Pour les instantanés rapides, les vues cinématographiques par
exemple, bien que la profondeur de foyer soit un avantage pré-
cieux, il sera quelquefois nécessaire de la sacrifier aux nécessités
de l'éclairage. On s'en tiendra donc encore, dans ce cas, aux ins-
truments rapides, et les anastigmats seuls donneront ici une
image nette dans toute l'étendue du champ. L'aplanat serait trop
lent, et l'objectif de Petzval insuffisamment corrigé.
Pour les instantanés à faible vitesse, pour les groupes et le por-
trait en plein air, l'aplanat suffît parfaitement, mais l'anastigmat
lui est préférable.
Le paysage est supérieurement rendu par l'objectif simple, la
distorsion et la faible luminosité n'ayant là aucune importance et
se trouvant plus que compensées par l'éclat et la pureté de l'image
exempte de diffusion par lumière réfléchie sur les surfaces des
lentilles. Toutefois, si la vue est très étendue, s'il faut reproduire
un panorama, il faudra recourir à un objectif grand angulaire,
aplanétique ou anastigmatique.
Dans les reproductions de tableaux, l'aplanat à grand angle
rend de bons services. Mais, lorsqu'il est nécessaire de rendre les
détails les plus fins d'une gravure, notamment d'une carte de géo-
graphie, il faut recourir à un instrument de haut rendement, où
les aberrations soient parfaitement corrigées jusqu'aux bords,
même à grande ouverture, afin d'éviter l'épaississement des traits
L'OBJECTIF 61
qu'occasionne la diffraction. Dans ce cas, l'emploi de l'anastigmat
s'impose.
Les applications des téléobjectifs et des instruments anachroma-
tiques ont déjà été indiquées. Il est donc inutile d'y revenir.
Ce qui précède montre que le photographe doit posséder au
moins deux objectifs et même davantage, s'il le peut, car l'instru-
ment à tout faire n'existe pas. Même l'amateur qui limite ses tra-
vaux à une seule application, le paysage généralement, se trouve-
rait souvent dans l'impossibilité de reproduire dans des conditions
satisfaisantes un sujet dont il ne pourrait pas s'approcher ou s'éloi-
gner à volonté, s'il ne disposait que d'un objectif à foyer unique.
Le téléobjectif et VAdjus table landscape lens offrent déjà plus de
ressources, puisqu'ils sont, combinés de manière à donner des
images de dimensions variables ; seulement le premier ne s'ap-
plique qu'aux sujets éloignés, et le second présente des aberra-
tions qui en restreignent l'emploi.
C'est pour obvier à ces inconvénients que les opticiens combi-
nent des trousses (fig. 48) contenant plusieurs lentilles de foyers
différents s'adaptant à une même monture.
Quel que soit le type d'objectif que l'on ait à choisir, il est indis-
pensable de le vérifier attentivement, avant d'en faire l'acquisi-
tion. En s'adressant directement à une maison réputée ou à un
intermédiaire sûr, on n'aura aucune déconvenue, et c'est surtout
des instruments achetés d'occasion qu'il faut se méfier, ainsi que
des contrefaçons qui ne sont pas signées ou qui portent le nom
d'un opticien inconnu.
On devra s'assurer que les lentilles sont bien serties dans leurs
barillets et ceux-ci normalement vissés dans la monture. On véri-
fiera le degré de poli des surfaces et la transparence des verres.
Certaines lentilles sont légèrement colorées : dans la photogra-
phie monochrome, il n'en résulte qu'une augmentation du temps
de pose; mais, pour la reproduction des couleurs, de tels verres
doivent être absolument rejetés, car la moindre coloration suffit
à fausser entièrement le coloris.
Reste la question des bulles d'air qui subsistent parfois dans
l'épaisseur du verre. Ces bulles s'observent rarement dans les
objectifs des anciens types (simples, aplanats, doubles de Petzval),
4
62 TRAITÉl GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
mais on en voit souvent dans les anastigmats, bien que ces instru-
ments soient beaucoup plus coûteux, et les fabricants n'acceptent
généralement point de réclamation de ce chef, car il est impossible
d'éviter ces défauts dans Ja préparation des verres spéciaux qu'exi-
gent les nouveaux objectifs. Ces bulles n'ont d'ailleurs aucune
Fig. 48. — Trousse. ~
influence nuisible sur ia perfection des images, et la perte de
lumière qui en résulte (1/5000) est pratiquement négligeable.
On se figure souvent que la partie optique d'un objectif est la
seule importante : c'est une erreur. Les lentilles les plus parfaites
ne donnent qu'un mauvais résultat si elles ne sont pas adaptées
à une monture soigneusement établie. La partie mécanique d'un
L'OBJECTIF 63
objectif est aussi capitale que sa partie optique, et il faut bien se
dire que, le plus souvent, la légèreté d'une monture n'est obtenue
qu'aux dépens de sa solidité et de sa précision.
De même, parallèlement à l'augmentation de la luminosité de
l'objectif doivent croître les conditions de précision indispensables
aux chambres noires destinées à le recevoir. Si le plan du verre
dépoli n'est pas rigoureusement perpendiculaire à l'axe optique,
ou si la surface sensible ne coïncide pas exactement avec l'écran
de mise au point, il est tout à fait inutile d'employer un objectif
de grande valeur : l'image ne serait pas meilleure que celle qu'au-
rait donnée un instrument à bas prix.
Il arrive aussi, fréquemment, que des déboires sont occasionnés
par un centrage défectueux des lentilles sur un obturateur central
(V. chapitre III).
L'appareil doit donc aller de pair avec l'objectif, et, à cet égard
un instrument de la valeur du Tessar ou du Ce /or^ par exemp-le,
ne saurait trouver sa place que sur un appareil permettant d'en
utiliser toutes les qualités optiques^
Les objectifs doivent être conservés à l'abri de la lumière et de
l'humidité. Il ne faut pas les laisser dans un laboratoire où des
vapeurs acides risqueraient d'attaquer non seulement la monture
en métal, mais même le verre, dont le poli s'altérerait, à la longue.
L'action de la chaleur est également à éviter, car le baume qui
sert à coller les lentilles se ramollit à une température peu élevée.
Il est bon de- nettoyer de temps à autre les surfaces libres des
lentilles et d'en enlever les poussières. On dévissera les barillets
avec précaution, afin de ne pas fausser la monture, puis on pas-
sera un blaireau fin sur les verres, que l'on essuiera ensuite dou-
cement avec un morceau de toile très fine, sec ou très légèrement
imbibé de benzine pure.
Sténopé. — L'objectiftà lentilles est parfois remplacé par une
simple lame opaque percée d'une petite ouverture ou sténopé (de
«TTsvoc;, étroit, et ot.-/.^ trou). En 1855, Berry avait reproduit un pay-
sage à l'aide de ce dispositif simplifié, et plus tard Emerson obte-
nait par le même moyen des épreuves sur collodion. On a vu, au
début de ce chapitre, que l'image ainsi réalisée n'est jamais bien
nette. En outre, l'exiguïté de l'ouverture nécessite une pose très
64
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
longue. Néanmoins, il est des cas où le sténopé offre de réels avan-
tages.
D'abord, si Tobjectif ordinaire vient à se briser, au cours d'une
excursion, l'opérateur a la ressource d'y suppléer en fixant sur la
monture une plaquette métallique ou même une carte de visite
percée à l'aide d'une épingle. L'image sera floue, mais très douce,.
et l'on préférera souvent une reproduction légèrement confuse à
l'absence complète de tout document. \
En second lieu, si l'image laisse à désirer au point de vue de la
netteté, elle est parfaite sous tous les autres rapports; elle ne
présente ni aberration de sphéricité, ni aberration chromatique,
ni distorsion, et la profondeur de foyer est illimitée.
Enfin, il peut arriver que les objectifs dont on dispose n'embras-
sent pas un angle assez ouvert. Dans ce cas, il suffît d'avancer la
plaque très près de la petite ouverture pour avoir une image pano-
ramique très étendue et sans déformation.
Le sténopé permet, en efl'et, d'avoir une image, quel que soit le
tirage de la chambre. On a donc la faculté de régler les dimen-
sions de l'image, en faisant varier la distance focale. Toutefois,
Limage n'offre pas dans toutes les positions le même degré de
netteté. Pour chaque dimension
de l'ouverture, il existe une dis-
tance focale correspondant au
maximum de définition et au-delà
comme en deçà de laquelle la
netteté diminue.
Le tableau ci-contre offre quel-
ques exemples de cette relation.
Le sténopé représenté fig. 49 se
compose d'une plaque en métal
derrière laquelle tourne un disque
mû par un bouton qui entraîne
en même temps un index sur une graduation. Le disque mobile
est percé de cinq ouvertures, dont l'une, assez large, sert de viseur,
et les quatre autres, de 3/10, 4/10, 5/10 et 6/10 de millimètre de
diamètre, sont utilisées suivant le tirage que l'on veut donner à
la chambre noire. Chaque ouverture est conique, très évasée, et
Cl, Demaria-Lapiene
Fig. 49.
Slénopé à ouvertures
variables.
L'OBJECTIF
65
les parois en sont noircies de manière à éviter les réflexions de
lumière qui voileraient Timage.
DIAMÈTRE DE LOUVERTURE
DISTANCE DE LA SURFACE SliNSIBLE
A l'ouverture
0,2 millimètres.
5 centimètres.
0,3 —
11 —
0,4 —
20 -
0,5 -
30 —
0,6 —
44 —
0,7 -
61 —
0,8 -
80 —
0,9 —
100 -
1 —
123 —
OUVRAGES A CONSULTER
R. GoLSON, la Photographie sans objectif au moyen d'une petite ouverture, Pa-
ris (Gaulhier-Villars), 1891.
T.-R. Dallmeyer, le Téléobjectif et la Téléphotographie, Paris (Gauthier-Vil-
lars), 1903.
J.-M. Eder, Die photo graphischen Ohjektive, ihre Eigenschaften und Prïifung,
Halle a/ S (W. Knapp), 2^ édition.
HouDAiLLE (capitaine). Sur une méthode d'essai scientifique et pratique des objec-
tifs photographiques et des instruments d'optique, Paris (Gauthier- Yil-
lars), 1894.
Ad. Martin, Détermination des courbures de l'objectif grand angulaire pour vues,
Paris (Gauthier-Villars), 1892.
Ad. Martin, Méthode directe pour la détermiyiation des courbures des objectifs
de photographie, Paris (Gauthier-Villars), 1894. •
G. Ménétrat, Etude élémentaire de l'objectif des chambres et des obturateurs^
Paris (Ch.Mendel), 1906.
Ad. Mietiie, Optique photographique, Paris (Gauthier-Villars), 1896.
P. Moessard, l'Optique photographique, Paris (Gauthier-Villars), 1898.
P. Moessard, l'Objectif photographique, Paris (Gauthier-Villars), 1899.
P. Moessard, Etude des lentilles et des objectifs photographiques, Paris (Gau-
thier-Villars), 1889.
L.HouYKR, M atiuel pratique de photographie sans objectif, Pa^ris (Gauthier-Vil-
lars), 1904.
A. Soret, Optique photographique, Paris (Gauthier-Villars), 1891.
66 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
E. Wallon, Traité élémentaire de l'objectif "photographique, Paris (Gauthier-
Villars], 1891.
E. Wallon, Choix et usage des objectifs photographiques, 2« édition, Paris fGau-
thier-Villars), 1903.
G. -H. NiEWENGLOwsKi, la Photographie artistique par les objectifs anachroma-
tiques, Paris (Ch. Mendelf, 1907.
G.-H. NiEWENGLOwsKi, la Photographie artistique par la s ténopé-photo graphie,
Paris (Cil. Mendel), 1906.
H. Quentin, Du choix d'un objectif, Paris (Ch. Mendel), 1906.
H. Quentin, la Téléphotographie, Paris (Ch. Mendel), 1906.
L. DE PuLLiGNY et C. PuYO, Ics Objcctifs d'artiste, Paris (édition du Photo-Club)^
1905.
L'OBTURATEUR 6"»
CHAPITRE m
l'obturateur
Notions générales. — Quand le sujet à photographier est immo-
bile et peu éclairé, la lumière qui en émane est admise sur la pla-
que sensible pendant plusieurs secondes, parfois même pendant
des minutes et des heures entières. L'ouverture et la fermeture
de l'objectif s'effectuent dans ce cas comme on le faisait dans les
premiers temps de la photographie. L'objectif est muni d'un cou-
Terele ou bouchon, généralement en carton recouvert de cuir et
doublé de velours à l'intérieur, de manière à s'adapter à la mon-
ture pa,r un frottement très doux, sans ébranler l'appareil. Après
la mise au point, on ferme l'objectif, puis on met le châssis en
place, et Ton tire le volet, pour démasquer la surface sensible. On
ôte alors le bouchon avec précaution et en évitant tout mouve-
ment brusque qui risquerait d'occasionner des vibrations, et l'on
compte le temps que l'on a jugé convenable pour la pose. On
remet ensuite le bouchon sur l'objectif, et on referme le châssis.
Mais il n'est pas toujours possible d'opérer de la sorte. D'abord,,
si le sujet se déplace, même très lentement, ou si son éclairement
est assez vif pour qu'il soit nécessaire de réduire le temps de pose
à une fraction de seconde, il faut s'y prendre autrement. Un opéra-
teur adroit arrive à exécuter la manœuvre du bouchon en 1/4 de
seconde, mais là est la limite extrême de rapidité qu'il soit possible
d'atteindre; encore faut-il concentrer toute son attention sur l'ob-
jectif et s'abstenir de regarder le modèle.
Même si la pose est de plusieurs secondes, le bouchon ne suffit
plus lorsqu'il est indispensable d'observer le sujet. 11 en est ainsi,
notamment, pour le portrait : l'opérateur doit regarder la personne
qui pose, épier le moment favorable et découvrir l'objectif, sans
perdre un seul instant. Si, la pose une fois commencée, le modèle
68
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
vient à bouger, ou si son expression se modifie, il innporte de re-
fermer immédiatement l'objectif, alors même que le temps de pose
ne serait pas encore entièrement écoulé. On peut, en effet, remé-
dier à une légère insuffisance de pose, tandis qu'en laissant l'ob-
jectif ouvert dans les circonstances qui viennent d'être définies,
On aboutirait à un échec certain.
De là la nécessité d'instruments combinés de manière à ouvrir
et à fermer l'objectif plus ou moins rapidement suivant les cas,
sans que l'attention du photographe soit détournée ^du sujet à
reproduire. Tel est le rôle des obtuj^teur s. Il en existe une foule
de modèles, dont la description serait trop longue et d'ailleurs
inutile, car tous les mécanismes proposés depuis plus de trente
ans dérivent d'un nombre très
restreint de types principaux,
dont il nous suffira de signa-
ler les dispositions essentiel-
les, les menus détails de leurs
mécanismes ne présentant
qu'un intérêt trop limité.
Obturateurs à volets. —
Pour le portrait à l'atelier, un
obturateur assez ancien (son
invention remonte à 1879),
mais d'un fonctionnement ir-
réprochable, est celui de Cl.
Guerry (fîg. 50). On le fixe sur
l'objectif au moyen d'une vis
de serrage. Un volet très lé-
ger, constitué par un cadre
recouvert de velours, inter-
cepte la lumière. Ce volet est
monté sur un axe dont la ro-
tation- est commandée par un soufflet de caoutchouc. A ce soufflet
est adapté un tuyau aboutissant à une poire élastique. Quand on
presse la poire, le volet s'ouvre, sans bruit et sans secousse. L'o-
pérateur n'a pas besoin de regarder l'appareil; rien ne l'empêche
de s'en éloigner autant qu'il le juge nécessaire : le tuyau a ordi-
Obturaieur à volet simple.
L'OBTURATEUR
69
nairement 2 mètres de longueur, mais il n'y a aucun inconvénient
à y ajouter une rallonge. La poire est munie d'un robinet qui per-
met de maintenir l'obturateur ouvert pendant la mise au point.
Dans le même but, Taxe auquel est fixé le volet se termine par
une tige coudée à laquelle
peut s'adapter un crochet
qui l'immobilise.
Cet obturateur est quel-
quefois placé à l'arrière
de l'objectif, à l'intérieur
de la chambre noire. On
peut alors l'ouvrir sans
éveiller l'attention du mo-
dèle.
L'extrême simplicité de
son mécanisme le met à
l'abri des accidents. Il ne
saurait y avoir aucun raté.
L'obturateur à volet
simple ne convient pas
aux poses dont la durée
est inférieure à 1/5 de se-
conde. Pour les poses plus
courtes, M. Guerry cons-
truit un obturateur à deux volets dont l'un ouvre Tobjeclif tandis
que l'autre le ferme (fig. 51". La rapidité de l'obturation dépend
de la pression que l'on donne à la poire. Si la pose doit être très
réduite, la simple pression ne réaliserait pas une vitesse suffî-
sahte. Il faut alors serrer d'une mam le tuyau de caoutchouc, de
manière à empêcher l'air d'y passer, et, de l'autre main, serrer
fortement la poire. En desserrant brusquement le tuyau, l'air qui
s'y trouvait comprimé se détend vivement et communique une ra-
pide impulsion aux volets.
Obturateur à guillotine. ~ A l'époque des débuts de la pho-
tographie instantanée, on ne connaissait qu'un obturateur très
simple : une planchette percée d'une lucarne glissait dans un cadre
à coulisses adapté à l'objectif. En laissant tomber en chute libre
Obturateur à double volet.
70 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
cette planchette, ou guillotine, le temps de pose était d'environ
d/10 de seconde, mais variait sensiblement selon le poids et les
dimensions de Torgane mobile et selon les frottements qu'il avait
à subir. La vitesse d'obturation pouvait être accrue, soit en sus-
pendant à la guillotine un poids additionnel, soit en y attachant
un ressort. Le déclanchement était déterminé en poussant un
déclic qui retenait la planchette au sommet de sa course ou
en pressant une poire élatstique comprimant l'air dans une poche
ou tétine de caoutchouc dont le gonflement faisait mouvoir la
détente.
La guillotine en bois est actuellement abandonnée, parce qu'elle
était trop encombrante, mais beaucoup d'appareils à main sont
munis d'un obturateur qui n'est pas autre chose qu'une petite
guillotine à lamelles de métal. Comme l'instrument est appelé à
fonctionner dans diverses positions-, le mouvement de l'organe
mobile n'est jamais déterminé par son propre poids, mais bien
par un ressort dont on modifie à volonté la tension pour régler
la vitesse d'obturation.
Les obturateurs à nc?ettwaî (obturateurs d'objectifs et obturateurs
de plaques) que nous allons décrire dérivent d'ailleurs de la guil-
lotine. Ils n'en diffèrent que par la substitution d'une bande d'é-
toffe souple à la planchette rigide.
Obturateurs à rideaux. — L'organe essentiel de l'obturateur à
rideau est une bande d'étoffe opaque, percée, vers le miUeu de sa
longueur, d'une ouverture dont la largeur égale celle de l'objectif.
Cette bande est fixée par chacune de ses extrémités à des rouleaux
autour desquels elle vient s'enrouler. L'un de ces rouleaux porte
un ressort aualogue à celui des stores de voitures. Quand la ban,de
est roulée sur l'autre rouleau, il suffit de presser un déclic pour
que le rouleau à ressort tourne rapidement : la bande vient s'y
enrouler, et, au moment où son ouverture passe devant l'objectif,
la lumière y pénètre. L'enroulement continuant, la seconde partie
opaque du rideau referme l'objectif.
Le modèle représenté fig. 52 est construit par Thornton-Pickard.
Une toile flexible, imperméable à la lumière, s'enroule autour de
deux axes. Au milieu du rideau est pratiquée une ouverture car-
rée. Le rouleau inférieur contient un ressort en fil d'acier dont la
L'OBTURATEUR
71
tension peut être réglée à l'aide du bouton extérieur S de façon
à faire varier la vitesse d'obturation.
Pour armer l'obturateur, on tire un cordon enroulé autour
d'une poulie dont l'axe se termine par un pignon qui engrène
avec une roue dentée maintenue immobile .par le levier de dé-
tente. Quand on comprime
la boule de caoutchouc, la
tétine placée sous le levier
se gonfle et écarte le cro-
chet qui retenait la roue
dentée. Le rideau se met
alors en mouvement et
s'enroule sur le rouleau à
ressort, soit en totalité, soit
seulement jusqu'à la moitié
de sa course, suivant que
l'aiguille qui termine le
levier se trouve en face du
mot inst ou du mot time.
Dans le premier cas, le
fonctionnement de la dé-
tente dégage complètement
la roue dentée, et rien n'ar-
rête le mouvement du ri-
deau, jusqu'à ce que l'ob-
jectif, un instant découvert, soit de nouveau protégé par l'ex-
trémité opaque. Dans le second cas, au moment où l'objectif est
ouvert, un ergot qui fait saillie sur la roue dentée vient buter
contre le crochet que porte le levier de déclanchement, et le mou-
vement se trouve arrêté jusqu'à ce que l'on cesse de comprimer
la poire : l'enroulement se termine alors aussitôt, et l'objectif est
recouvert après le temps de pose qu'a déterminé l'opérateur. Cet
objectif peut être fixé soit à l'avant de l'objectif, soit à l'arrière.
Le même constructeur a imaginé une disposition toute diffé-
rente, spécialement destinée à l'atelier (fig. 53). Deux rideaux
s'enroulent sur des axes disposés aux deux extrémités de la boîte.
Dans leur position normale, des ressorts les maintiennent tendus
Fig". 52. — Obturateur à rideau.
72
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Fig. 53. — Obturateur d'atelier
à double rideau.
devant Touverture. Quand on presse la poire de caoutchouc, le
gonflement du soufflet placé sur la boîte déplace un levier qui en-
traîne un cordon enroulé sur les deux
axes. Ce mouvement a pour efl'et de
faire enrouler les rideaux, qui s'é-
cartent l'un de l'autre et démasquent
l'ouverture. Dès qu'on cesse de pres-
ser, les rideaux se referment, sous
l'action des ressorts. La durée de la
pose est donc variable, au gré de
l'opérateur, de sorte que si le sujet
se montre sur le point de remuer, il
n'y a qu'à lâcher brusquement la
poire. Le fonctionnement du méca-
nisme est absolument silencieux et
ne peut éveiller l'attention du mo-
dèle, avantage très important quand
il s'agit de photographier des enfants
ou des animaux.
Pour mettre au point, on presse la poire et Ton ferme le robinet.
Obturateurs centraux. — Pour réduire au minimum le volume
et le poids de Fobturateur, on a imaginé de le placer au centre de
l'objectif, tout près du diaphragme. Dans ce cas, il faut changer
la monture et s'assurer, en ajustant les lentilles, qu'elles occu-
pent bien leurs positions respectives et qu'elles sont exactement
centrées, de la même manière que sur leur monture normale.
Sans cette précaution, le meilleur objectif cesserait de donner des
images correctes. L'obturateur central est le complément indis-
pensable de la plupart des appareils portatifs. Il en existe plu-
sieurs modèles, tous composés des mêmes organes essentiels et
différenciés seidement par quelq ues détails de construction. Deux
ou plusieurs lames métalliques montées sur pivots ou sur glis-
sières interceptent la lumière. Sous l'impulsion d'un ressort, elles
s'écartent, de manière à ouvrir l'objectif, puis le referment. Le
déclanchement du mécanisme est déterminé soit par la pression
d'un levier, soit par le gonflement d'une tétine reliée à une poire
de caoutchouc. Pour faire varier la vitesse, suivant les circons-
L'OBTUrxATEUR
7a
— Obturateur central.
tances, on tend plus ou moins le ressort, ou bien on ralentit le
mouvement en réglant un
frein mécanique ou pneuma-
tique.
L'obturateur central Uni-
cum, de Bausch et Lomb, est
combiné pour la pose et pour h^
rinstantané, suivant la posi-
tion de l'index a sur le cadran
e (fig. 54 j. Pour mettre au
point, on ouvre robjectif en
déplaçant le levier de droite.
Pour déclancher, on pousse le
levier 6, ou bien on presse une
poire de caoutchouc commu-
niquant avec le piston c. Le
réglage du diaphragme iris
est commandé par l'aiguille d.
On peut armer cet obturateur,
c'est-à-dire placer ses lamelles dans leur position de départ, sans
que l'objectif soit ouvert. Rien n'empêche, par conséquent, d'ef-
fectuer cette manœuvre alors que la
plaque ou la pellicule est déjà dé-
masquée.
L'obturateur Koilos (fig, 55) s'ou-
vre et se ferme par le jeu combiné
de trois secteurs métalliques très
légers. Il fait, à volonté, la pose et
l'instantané, suivant la position de
l'indicateur de vitesse, que l'on aper-
çoit à gauche. La vitesse de l'obtura-
tion dite instantanée varie de 1 se-
conde jusqu'à 1/300 de seconde. Le
Cl. Lacour-Berthiot. déclanchcment s'effectue soit méca-
Fig. 55. — Obturateur à secteurs, niquement, soit par la pression d'une
poire de caoutchouc.
Obturateurs de plaques. — Les obturateurs précédents ne suf-
5
14
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
fisent plus quand la pose doit être inférieure à 1/300 de seconde.
Dans ce cas, il y a avantage à remplacer Fobturateur d'objectif
par l'obturateur de plaque ou focal plane. C'est un rideau fonc-
tionnant de la même manière que celui que nous avons déjà décrit,
mais de beaucoup plus grandes dimensions, puisqu'il est placé,
non plus sur l'objectif, mais devant le châssis, tout près de la
Cl. Thornton-Pickard.
Fig. 56
— Obturateur de plaque.
plaque. De plus, son ouverture se réduit à une fente très étroite.
La largeur de cette fente est d'ailleurs réglable dans la plupart
des modèles.
La fig. 56 représente le focal plane de Thornton-Pickard. Il est
facile d'y reconnaître les principales dispositions de l'obturateur
d'objectif à rideau du même constructeur.
L'avantage de l'obturateur de plaque est d'admettre le maxi-
mum de lumière avec le minimum de pose. Tandis que l'obtura-
teur d'objectif expose en même temps toute la surface de la plaque,
L'OBTURATEUR 75
le focal plane n'admet la lumière que peu à peu, par la fente qui
balaye successivement tous les points de la surface sensible.
En rétrécissant suffisamment la fente, on arrive à réduire à
d/lOOO de seconde, et même à moins encore, le temps d'expo-
sition.
Bien entendu, il ne s'agit là que du temps pendant lequel chaque-
point de rimage est impressionné. En réalité, la durée totale du
fonctionnement du rideau est beaucoup plus longue. La partie
inférieure de la plaque n'est pas impressionnée en même temps
que sa partie supérieure, et, si le sujet se déplace très rapidement,
il peut en résulter une déformation générale, bien que chacun de
ses points soit parfaitement net. Ainsi, les mâts, supposés parfai-
tement verticaux, d'un navire passant par le travers devant l'ap-
pareil, se montreront plus ou moins obliques. Néanmoins, en
pratique, cette déformation est presque toujours insignifiante; on
la rend d'ailleurs facilement insensible en disposant l'obturateur
de telle sorte que la fente se déplace en sens contraire de l'objet
en mouvement.
Déclancheur Bowden. — Le déclanchement pneumatique des
obturateurs présente un inconvénient : le caoutchouc perd peu à
peu son élasticité, durcit et se fendille, surtout quand on ne s'en
sert que de loin en loin, ce qui est précisément le cas pour beau-
coup d'amateurs. La poire, le tuyau et la tétine ne tardent donc
pas à être mis hors d'usage. On n'y remédie qu'imparfaitement
par des immersions dans l'ammoniaque additionnée de deux fois
son poids d'eau, où le caoutchouc reprend en partie sa souplesse.
Quant aux déchirures, on les répare à l'aide d'une solution de
caoutchouc dans la benzine.
C'est pour éviter les inconvénients inhérents à l'emploi du caout-
chouc qu'a été créé le déclancheur Bowden. L'opérateur tient en
main une poussette dont le mouvement est transmis au déclic de
l'obturateur par l'intermédiaire d'un fil d'acier glissant à l'inté-
rieur d'un cordon souple constitué par un autre fil d'acier enroulé
en spirale et recouvert d'une gaine en fil de coton ou de soie
tressée. ^^
Détermination de la vitesse des obturateurs. —Il est nécessaire,
dans certains cas, de connaître exactement le temps de pose. Les
76
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
vitesses marquées sur les obturateurs sont quelquefois de simples
numéros d'ordre; le plus souvent, cependant, elles sont indiquées
en fractions de seconde; mais, à supposer que cette graduation ait
été juste au moment de la fabrication, elle cesse inévitablement
de rêtre tôt ou tard, par suite de Fusure des pièces mobiles et dô
Cl. Guerry.
Fig. 57. — Appareil Giierry, pour la cléLerminaLion
de la vitesse des obturateurs.
l'élasticité imparfaite des ressorts, qui se détendent peu à peu. Pour
contrôler ou vérifier ces vitesses, il existe divers moyens. Le plus
précis est celui qui consiste à photographier un objet brillant animé
d'une vitesse connue, en même temps que s'inscrit sur un rouleau
une courbe sinueuse tracée par un diapason électrique dont le
nombre de vibrations par seconde est constant et d'ailleurs indiqué
par le son qu'il émet. Ce dispositif est néanmoins peu usité, parce
qu'il est compliqué. Une méthode plus simple et suffisante dans
L'OBTURATEUR 11
la pratique a été signalée par Léon Vidal dès 1880 et se trouve
encore employée par plusieurs constructeurs d'obturateurs.
Un fort mécanisme d'horlogerie imprime à une aiguille ronde et
polie (fig. 57; un mouvement uniforme de 1 tour par seconde. Le
cadran devant lequel semeut Taiguille a 1 mètre de circonférence;
il est noir et porte en blanc les divisions décimales du mètre : déci-
mètres, centimètres et millimètres. Si Ton photographie cet appa-
reil en plein soleil, Taiguille, malgré sa grande vitesse, laissera
sur la plaque sensible, grâce à la vive lumière qu'elle réfléchit, la
trace de son passage, sous la forme d'un double éventail, en face
des divisions. Les limites de cet éventail font connaître la durée de
la pose, par la simple lecture des graduations qui s'y trouvent
comprises : les décimètres du cadran correspondent à des dixiè-
mes de seconde, les centimètres à des centièmes, et les millimètres
à des millièmes de seconde. Dans la gravure ci-jointe, l'aiguille
indique une durée d'exposition de 9/100 de seconde.
OUVRAGES A CONSULTER
Agle, Manuel pratique de photographie instantanée, 2^ tirage, Paris (Gauthier-
Villars), 1891.
J. Demarçay, Théorie mathématique des guillotines et obturateurs centraux
droits, Paris (Gauthier-Villars), 1892,
Z.Ti^M.KK(^KY, 'Note sur la théorie des obturateurs photographiques, Paris (Gau-
tiiier-Villars), 1906.
A. LoNDE, la Photographie instantane'e , théorique et pratique, 3^ édition, Paris
(Gauthier- Viilars), 1897.
G. JMénétrat, Etude élémentaire de l'objectif, des chambres et des obturateurs,
Paris (Cil. Mendel), 1906.
H. WuRTz, les Obturateurs, achat, essai, usage, Paris (H. Desforges), 1906.
78 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE IV
LE LABORATOIRE ET l'aTELIER
Dispositions générales. — Les manipulations photographiques
sont bien simplifiées, depuis quelques années. Autrefois, le photo-
graphe était obligé de préparer soi-même ses plaquesil de les net-
toyer, les polir, les recouvrir du substratum (albumine ou collo-
dion) destiné à retenir le sel d'argent, et enfin de les sensibiliser;
il devait également sensibiliser le papier. Aujourd'hui, il n'en va
plus de même, et, sauf dans certaines industries où l'on utilise
le coUodion, on se sert de plaques vendues prêtes à l'emploi. La
plupart des papiers sont livrés de même. Les procédés en sont
arrivés à ce point que l'amateur peut réellement se passer de toute
installation et travailler comme le peintre, en plein jour, dans un
salon. Néanmoins, pour le photographe* professionnel et même
pour l'amateur désireux d'utiliser toutes les ressources de l'art
photographique, une installation spéciale reste encore nécessaire.
Bien qu'une seule pièce suffise, à la rigueur, il vaut mieux dis-
poser de deux pièces contiguës, l'une pour les' travaux qui doivent
être exécutés en pleine lumière, et l'autre réservée aux opérations
qui exigent l'obscurité. La première peut être disposée au gré de
chacun, mais la seconde doit satisfaire à certaines conditions que
nous allons analyser.
Cabinet noir. — Les plaques photographiques sont actuellement
si sensibles que tout accès de lumière blanche dans le laboratoire
suffirait à les mettre en un instant hors d'usage. Il faut donc que
toutes les ouvertures soient bouchées avec soin. Les moindres fis-
sures, aperçues dans les encadrements des portes, les trous des
serrures doivent être recouverts de papier noir ou, ce qui est pré-
férable, d'étoffe épaisse. On garnira également d'étoffe les bords
du battant de la porte, de façon que le jour ne puisse s'introduire ni
LE LABORATOIRE ET L'ATELIER 79
par les côtés, ni par les reflets venus du sol. L'entrée de certains
laboratoires est précédée d'un tambour à deux portes disposées de
telle sorte que l'une ne puisse s'ouvrir sans que l'autre soit fermée.
La lumière destinée à l'éclairage du laboratoire sera transmise
par des écrans en verre ou en papier fortement colorés. La nuance
doit en être choisie avec soin parmi celles qui impressionnent le
moins le bromure d'argent. C'est le rouge-rubis qui est le plus fré-
quemment utilisé. Néanmoins, comme on emploie dans certains cas
des plaques sensibles aux radiations rouges, le verre rubis est alors
remplacé par un verre vert.
Bien que les verres colorés dans la masse préservent bien les
plaques ordinaires des radiations photochimiques, on les remplace
assez souvent, surtout quand il s'agit de manipuler des plaques
spéciales très sensibles, par des verres blancs recouverts d'une
feuille de papier ou d'une couche de gélatine imprégnée d'une
solution colorante. La préparation de ces écrans est très simple.
Le D'* Luigi Castellani trempe le papier dans :
Alcool méthylique 1.000 ce.
Auramine OMP 5 gr.
Solution alcoolique de safranine à 0,5 pour 100 * . 10 ce.
La feuille colorée dans cette solution est doublée d'un verre dépoli
ou d'un papier blanc.
MM. A. et L. Lumière conseillent d'imprégner un papier pelure
d'une solution aqueuse de tartrazine à 6 pour 100.
M. Stein recommande de débarrasser de leur sel d'argent deux
plaques au gélatinobromure en les traitant par l'hyposulfîte de
^oude. Après lavages, on colore les couches de gélatine, l'une par
une solution de tartrazine et l'autre par une solution de violet
de méthyle. Après dessiccation, les deux plaques sont appliquées
l'une contre l'autre, les deux couches de gélatine en contact.
L'écran coloré ne laisse passer que les radiations inactiniques
fournies par la source de lumière, naturelle ou artificielle. Autre-
fois, on utilisait de préférence la lumière du jour : la fenêtre du
laboratoire était garnie de verres colorés et recevait ainsi l'éclai-
rage de l'extérieur. Cet éclairage étant très variable, on s'en tient
généralement aujourd'hui aux sources de lumière artificielle, et les
80
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
écrans colorés sont ajustés sur des lanternes disposées de manière
à recevoir soit une bougie, soit une lampe à huile ou au pétrole,
soit un bec de gaz, soit une ampoule élec-
trique. La lampe à incandescence brillant
sans combustion peut être placée dans une
lanterne complètement close; on fabrique
même des ampoules à verre rouge, ce qui
dispense de la lanterne, seulement elles
sont assez chères, et il y a avantage, au
point de vue économique , à se servir des
ampoules ordinaires à verre blanc, qui
sont très peu coûteuses et qu'il suffit d'en-
fermer dans une lanterne ou dans un man-
chon de verre rouge (fîg. 58), ou même
Fig. 58. — Lampe eiecuique ^^^^^ ^^ g^c d'étofle rouge translucide,
et manchon en verre rouge. ^^^ lanternes destinées à recevoir des
luminaires à combustion (fig.. 59) sont percées d'orifices destinés
à laisser circuler l'air et le gaz carbonique. Mais, pour éviter toute
infiltration de lumière blanche , ces ou-
vertures sont à chicanes, c'est-à-dire que
l'air et les gaz ne les franchissent qu'en
faisant un détour dans des conduits cou-
dés et peints en noir, de façon qu'il n'en
sorte point d'autre lumière que celle qui
est transmise par les verres colorés (fig.
60). Les lanternes de laboratoire bien
comprises sont combinées de manière à
donner, à volonté, la lumière rouge,
verte ou blanche, et l'intensité en est ré-
glable au moyen d'une clef extérieure.
La combustion du produit éclairant,
ainsi que le calfeutrage de toutes les
issues, exige que l'on veille à la ventila-
tion du cabinet noir, car, si cette pièce est exiguë et si l'opérateur
doit y séjourner assez longtemps, il y risque, sinon l'asphyxie
complète, du moins des malaises et des troubles sérieux. D'ail-
leurs, pendant l'été, on est exposé à s'y trouver suffoqué par la
Cl. Poulenc.
Fig. 59. — Lanterne
de laboratoire.
LE LABORATOIRE ET L'ATELIER
81
co
chaleur, qui a aussi pour inconvénient de ramollir la gélatine et
d'abîmer les plaques et les papiers sensibles. S'il n'y a pas de
cheminée dans le Iciboratoire, il sera bon d'y installer une ouver-
ture à chicanes, laissant circuler Tair tout
en interceptant la lumière extérieure.
On doit aussi se préoccuper du chauf-
fage pendant Thiver, car certains réactifs,
et notamment les révélateurs, agissent
mal à basse température. Il faut, bien
entendu, un mode de chauffage excluant
toute flamme visible : bouches de calori-
*fère, radiateur à vapeur, eau chaude ou
électricité.
Un élément essentiel de l'installation
du photographe, c'est l'eau, qu'il doit
toujours avoir en abondance. Il y faut
donc un robinet alimenté par une caisse
d'assez grande contenance, ainsi qu'un
évier (en ardoise de préférence) pour la
vidange des bains et des eaux de lavage.
Si Ton a la faculté de choisir entre plu-
sieurs eaux de provenances différentes, ^^^'^^--^^^^P;^^^^^^^^^
on choisira la moins calcaire et la plus
limpide. L'eau trouble sera filtrée ou décantéel L'eau distillée est
presque toujours inutile, Dien que son emploi figure dans un grand
nombre de formules : toute eau bonne à boire convient à la plu-
part des opérations photographiques. Le robinet sera disposé de
façon à recevoir une pomme d'arrosoir pour le lavage des clichés.
Une ou deux tablettes, des étagères, une armoire oii seront ran-
gés l'outillage et les produits chimiques, compléteront l'aména-
gement du laboratoire (ûg. 61).
Outillage. — L'outillage du photographe varie suivant les tra-
vaux qu'il se propose d'exécuter et les procédés oi^i il veut se spé-
cialiser. La plupart des accessoires nécessaires seront décrits à
mesure que nous aurons à en signaler l'application aux procédés
dans lesquels ils sont utilisés. S'il fallait les décrire ici, il serait
indispensable de donner au préalable des explications qui seront
82
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
mieux à leur place dans les chapitres suivants. Nous nous borne-
rons donc à énumérer les principaux objets dont Temploi est com-
mun à la plupart des procédés usuels :
Balance, thermomètre avec graduation gravée sur la tige, aréo-
mètres,(pèse-alcool et pèse-sirops), éprouvettes et verres gradués,
agitateurs en verre, cuiller en verre ou en corne, blaireau à épous-
seter, diamant à couper le verre, bocaux, flacons bouchés à Fé-
meri ou à bouchon de liège paraffiné, pinces en bois, pointes à
tête de verre, etc., tqus objets trop connus de tous pour qu'il soit
de quelque utilité d'en donner une description même très abrégée.
Il convient seulement de dire un mot des cuvettes, dont le photo-
graphe a constamment besoin.
Cuvettes. — Les cuvettes sont fabriquées en faïence, en carton
laqué, en tôle vernie ou émaillée, en aluminium, en celluloïd, en
gutta-percha, en porcelaine et en verre. Ces deux dernières subs-
tances donnent seules entièrement satisfaction, car elles sont
absolument inaltérables, quels que soient les réactifs que l'on y
mette (à l'exception de Facide fluorhydrique, produit d'ailleurs
très dangereux à manipuler et à peu près sans emploi en photogra-
phie). On ne peut que leur reprocher d'être pesantes et fragiles.
LE LABORATOIRE ET L'ATELIER
83
Il est vrai que ces inconvénients sont dos plus sérieux, et même
prohibitifs quand on ,se propose d'opérer en voyage. L'excursion-
niste, l'explorateur, feront mieux de se munir de cuvettes en cel-
luloïd, substance très légère et susceptible d'être moulée avec la
plus grande précision. On prendra garde seulement de ne pas
l'approcher du feu, car elle est extrêmement inflammable, et de
s'abstenir d'y verser des solutions contenant de l'acétone, qui est
un dissolvant du celluloïd.
La faïence est à rejeter, parce que, dès que le vernis en est cra-
quelé, la terre poreuse
sous-jacente absorbe les
liquides, mélange les ré-
actifs qui devraient être
isolés et provoque ainsi
des taches. Il faut en dire
autant du carton et de la
tôle dépouillés de leur
enduit protecteur : l'un
boit les liquides, l'autre se
rouille. Quant à l'alumi-
nium, il ne résiste pas aux
solutions alcalines et finit
par s'effriter. La gutta-percha est coûteuse et se ramollit trop
facilement à la chaleur : il faut en réserver l'application aux pro-
cédés nécessitant l'emploi de l'acide fluorhydiique.
Chaque cuvette sera, autant que possible, exclusivement affectée
à un emploi particulier : de là l'utilité des inscriptions gravées ou
peintes sur ces récipients (fig. 62).
Laboratoire simplifié pour amateurs. — Les amateurs qui se
bornent à utiliser les procédés les plus faciles peuvent se conten*
ter d'une installation très rudimentaire. Un placard suffît à ceux
qui n'ont pas un grand nombre de plaques à traiter sans inter-
ruption. On peut même opérer dans une pièce quelconque dont
on aura fermé les fenêtres et recouvert de rideaux épais toutes les
ouvertures. Et sans même s'astreindre à cette précaution, il n'y
a qu'à attendre la nuit, ce qui permet de travailler n'importe où.
Dans ce cas, le meuble représenté figure 63 sera très utile, car il
Cl. Demaria-Lapierre.
Fig. 62. — Cuvettes.
u
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
contient tout ce qui est nécessaire pour le travail courant : c'est
à ce petit buffet que peut se réduire aujourd'hui l'installation du
photographe dont les travaux sont limités aux procédés usuels. Il
n'en serait évidemment
pas de même pour celui
qui se propose d'exécu-
ter des travaux spéciaux
ou de se livrer à des re-
cherches.
On construit aussi de
petites boîtes, en forme
de pupitres ou de man-
chons , à l'aide desquel-
les le photographe peut
charger ses châssis ou
développer ses plaques
dans une pièce éclairée
comme d'habitude ou
même en plein air. Une
caissette garnie de ver-
res rouges est percée de
deux ouvertures munies
de manches en étoffe
opaque. Les châssis et la
boite de plaques étant
disposés à l'intérieur,
l'opérateur ferme l'appa-
'reil et passe ses bras
dans les manches, ser-
rées aux poignets par des«
bracelets de caoutchouc. Il peut ainsi, en regardant à travers les
verres rouges, ouvrir la boîte de plaques et garnir ses châssis. Il
procédera de même pour le développement, après avoir rangé, à
l'intérieur de la caisse-laboratoire, le châssis contenant la plaque
à développer, la cuvette, le bain révélateur, un ou deux flacons
pour le lavage, le fixateur, etc. Cette combinaison n'est évidemment
pas très commode, mais rend d'incontestables services en voyage.
Cl. Demaria-Lapierre.
Fig. 63. — Meuble à développer.
LE LABORATOIRE ET L'ATELIER 85
\Enfin, les procédés modernes permettent à l'amateur d'exécuter
en pleine lumière toutes les opérations de la photographie. Nous
avons déjà décrit (chapitre I") le mode d'emmagasinage des pelli-
cules de celluloïd : une fois impressionnées, elles sont introduites,
en pleine lumière, dans des cuves à fermeture étanche, où elles
soiit automatiquement développées et fixées. Le mode d'emploi
de Ces cuves sera indiqué dans le chapitre consacré au dévelop-
pereient.
Le laboratoire n'est donc plus indispensable, ni pour introduire
dansi les châssis les plaques ou les pellicules, ni pour révéler
l'image latente. Quant au tirage des épreuves sur papier, nous
verroïis que plusieurs procédés, et des plus usuels (citrate, chlo-
robromure), s'accommodent de l'éclairage normal d'une pièce
Oî*dinaire, lumière du jour ou lumière d'une lampe à pétrole.
Le laboratoire n'est pas davantage nécessaire pour la prépara-
tion des bains auxquels doivent être soumis les plaques et les
papiers. Les révélateurs, fixateurs, renforçateurs, affaiblisseurs,
virages, etc., sont vendus tout préparés, soit en solutions prêtes à
l'emploi immédiat, soit sous forme de comprimés ou de mélanges
en poudre ( photodoses) qu'il suffît de faire dissoudre dans l'eau.
Les réactifs k employer, réduits d'ailleurs à trois ou quatre, ne
sont donc pas plus difficiles à préparer qu'un verre d'eau sucrée;
un enfant sait le faire, et tout le matériel nécessaire à la photo-
graphie simplifiée peut aisément trouver place dans le tiroir d'un
bureau ou sur une petite étagère, comme s'il s'agissait de peindre
à l'huile, à l'aquarelle ou au pastel.
Contrôle de l'étanchéité du laboratoire. — Quel que soit le
dispositif adopté par le photographe, il est prudent de s'assurer
que la pièce ou l'appareil dans lesquels doivent être découvertes
les préparations sensibles sont absolument à l'abri de toute
lumière capable d'impressionner le sel d'argent. On a proposé,
dans ce but, de soumettre les verres des lanternes à l'examen
spectroscopique : c'est chercher une complication bien inutile et
qui ne donne pas de résultats plus certains que l'essai très simple
dont il va être question.
Il suffît de placer dans le laboratoire (ou dans la boite qui en
tient lieu) un morceau de plaque ou de pellicule sensible et d'en
86 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
recouvrir la moitié à l'aide d'un carton noir ou de tout autre objet
opaque. Au bout de quelques minutes, il est facile de vérifier si la
partie restée à découvert a été impressionnée, en plongeant dans
un bain de développement la couche sensible soumise à l'expé-
rience.
Toutefois, s'il s'agit de plaques très rapides, il ne faut pas sin-
quiéter de la légère impression qu'aurait provoquée une exposi-
tion prolongée à la lumière rouge ou verte, car en prenant quel-
ques précautions, en couvrantla cuvette pendant le développement,
on évitera de voiler ces plaques, dont l'extrême sensibilité s'atténue
d'ailleurs dès qu'elles sont mouillées.
Atelier de pose. — Pour le photographe portraitiste, l'atelier
de pose est l'élément le plus important de son industrie, et la
perfection de ses œuvres dépend en grande partie de l'installation
et de l'organisation de cette pièce. L'habileté, le goût, le talent de
l'opérateur, ne suppléeraient pas entièrement aux défauts d'un
atelier mal compris.
Bien que l'usage de l'éclairage artificiel prenne une extension
croissante, la lumière du jour est encore utilisée par le plus grand
nombre des photographes professionnels. Aussi convient-il de
rappeler les règles qui doivent présider à l'édification d'un atelier
vitré.
Le principe d'où découlent ces règles, c'est que le portrait exige
un éclairage qui ne soit ni trop dur ni trop diffus, de façon que le
modelé du visage ne se montre ni trop plat ni trop heurté. Or,
un éclairage vertical produirait des ombres trop noires sous les
sourcils, sous les narines et sous le menton. L'éclairage horizontal,
au contraire, supprimerait complètement ces ombres sur tout un
côté de la figure, tandis que le côté opposé resterait entièrement
dans l'ombre. C'est pourquoi la lumière doit arriver sur le modèle
dans une direction oblique, faisant avec la verticale un angle voi-
sin de 45°. Plusieurs dispositions différentes permettent de réa-
liser cet éclairage.
Dans la plupart des ateliers, la partie vitrée se compose de deux
châssis, l'un ve. tical et l'autre en forme de toiture en pente douce.
On obtient cependant d'excellents résultats en réduisant le vitrage
à un seul châssis incliné, presque vertical.
o
(O
88 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PROTOGRAPHIE
L'orientation de Tatelier est très importante, car il est néces*
saire d'y éviter l'accès des rayons solaires. Il est vrai que de très
habiles amateurs exécutent de très beaux portraits dans des salles
où pénètre le soleil; mais ils réalisent ainsi des effets spéciaux,
que le public, la clientèle d'un professionnel, n'accepterait pas
facilement. Le vitrage de l'atelier doit donc faire face au nord, dans
notre hémisphère. Dans l'hémisphère austral, il faut l'orienter au
sud. De plus, l'atelier doit dominer les édifices voisins : s'il en
était autrement, la lumière ne viendrait en réalité que d'en haut;
elle serait trop veTticale, et l'éclairage offrirait les mêmes incon-
vénients que si le vitrage était réduit h un seul châssis ménagé
dans la toiture.
Il n'est pas nécessaire que le vitrage occupe toute la longueur
de l'atelier. Un salon de pose assez spacieux est commode pour
l'exécution des groupes et l'emploi d'objectifs à long foyer : une
longueur de 7 ou 8 mètres est utile pour avoir un recul suffisant,
mais il vaut mieux que le vitrage ne s'étende que sur un espace
de 3 ou 4 mètres. Un atelier complètement vitré n'offrirait aucun
avantage particulier; par contre, il aurait l'inconvénient d'être
une vraie serre en été et une glacière pendant l'hiver.
Sous la partie vitrée sont disposés des rideaux de coton blanc
soutenus par des anneaux glissant sur des tringles et faciles à
déplacer, de manière à permettre de régler rapidement l'éclairage
suivant l'effet à obtenir. Chaque photographe combine ses rideaux
à sa guise, et ce n'est qu'à la suite d'essais réitérés qu'il finit par
se rendre maître de son éclairage. Il y a plus : tel opérateur habi-
tué à son atelier y produit d'excellents portraits, puis, s'il vient à
changer de résidence, se trouve embarrassé dans son nouveau
local et doit recommencer en quelque sorte un nouvel apprentis-
sage, avant de connaître à fond toutes les ressources de l'éclai-
rage dont il disposera désormais.
La nécessité de dominer les édifices voisins oblige souvent le
photographe à installer son salon de pose au-dessus des toits. Si
ses ressources ne lui permettent pas d'avoir un ascenseur, la clien-
tèle consent de moins en moins à gravir six ou sept étages. En
outre, les variations de la lumière diurne occasionnent souvent
des mécomptes, et, pendant les journées d'hiver, il faut renoncer à
LE LABORATOIRE ET L'ATELIER
89
opérer dès 4 heures
du soir. Aussi s'est-
on préoccupé depuis
longtemps d'utiliser
une source de lu-
mière artificielle
qui permette d'opé-
rer dans une -salle quel-
conque, même au rez-de-
chaîissée ou dans un sous-
sol, par n'importe quel
temps et à toute heure du
jour et de la nuit.
Les premiers essais tentés
-dans cette voie sont dus à
Sillmann et Good, qui obte-
naient, dès 1840, des daguer-
réotypes, en^ se servant de
l'arc électrique. En 1851, Hill
exécutait des portraits à l'aide
de la lumière Drummond (bâ-
ton de chaux ou de magnésie
rendu incandescent par le jet
d'un chalumeau oxhydrique).
En 1857, Law de Newcastle
faisait, à Londres, des por-
traits au gaz. Enfin, Bunsen
et Roscoë faisaient connaître,
en 1860, la lumière du magné-
sium, qui est actuellement la
source de lumière artificielle
la plus fréquemment appli-
quée aux opérations photo-
graphiques.
L arc électrique n'est pas ^^- ^aciewig- et Lemonnler.
cependant entièrement aban- ^^»- ^^' ~ ^ampe a arc d'atelier.
donnépar les portraitistes, parce qu'il fournit assezéconomiquement
90 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
un éclairage intense, sans bruit et sans fumée. La fig. 65 repré-
sente une lampe électrique destinée à Texécutien des portraits.
L'appareil est monté sur un solide pied à roulettes; il peut mon-
ter ou descendre, de façon à donner à Téclairage la direction
voulue.
Mais l'éclairage artificiel est surtout réalisé actuellement au
moyen du magnésium en poudre, brûlant dans l'air ou au contact
d'une substance susceptible de céder facilement 'e l'oxygène,
comme le salpêtre ou le chlorate de potasse. Pour l'usage du pho-
tographe portraitiste, les constructeurs ont combiné des appareils
au moyen desquels l'éclairage artificiel se rapproche le plus pos-
sible des conditions dans lesquelles la lumière diurne est ordinai-
rement employée. A cet effet, des lampes à poudre de magnésium
sont réparties à l'intérieur d'un meuble, d'une sorte d'armoire
garnie d'un vitrage dont la forme et la disposition rappellent celles
des châssis par lesquels les ateliers de pose reçoivent la lumière
iu jour.
Tel est, entre autres, le Relampago de M. Guimaraès (fig. 66).
La poudre magnésique est étalée sur une rigole qui occupe toute
la longueur de la cage vitrée, au-dessus d'une bande d'amiante
imprégnée d'alcool. Sous l'action de l'air comprimé par une poire
de caoutchouc, la rigole tourne autour des charnières qui la sou-
tiennent, et la poudre tombe brusquement sur l'alcool enflammé.
Un vif éclair jaillit, et, aussitôt après, un rideau se déroule der-
rière le panneau vitré pour le protéger contre les produits de la
combustion. La fumée s'échappe par un tuyau souple constitué
par un soufflet en toile relié à la cheminée.
V Atelier du vingtième siècle, de M. Bouillaud, est constitué par
une cabine vitrée mesurant 2°',o0 de longueur et de hauteur va-
riable selon le local où elle doit être installée. A l'intérieur sont
réparties plusieurs lampes à magnésium, que l'on charge, avant
la pose, au moyen de cartouches contenant un mélange de métal
pulvérisé et d'une substance comburante. Ce mélange est enflammé
par une étincelle électrique qui jaillit au moment même où s'ouvre
l'obturateur. L'opérateur tient en main une poire de caoutchouc
dont la pression détermine l'ouverture de l'obturateur : ce dernier,
en s'ouvrant, établit un contact électrique qui ferme le circuit
LE LABORATOIRE ET L'ATEIER
Cl. Poulenc.
Fig. 66. — Relampago.
92
TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
d'allumage. La plaque est donc démasquée à Tinstant précis où
les lampes s'allument. La lumière fournie par cet appareil est très
douce, quoique très intense, et fournit des portraits d'un modelé
remarquable; elle ne dure d'ailleurs qu'une faible fraction de
seconde, en sorte que,
lorsque le modèle
commence à cligner
les paupières , sous
l'effet de l'éclair
éblouissant qui vient
de briller à rimpro-'
viste, la pose est déjà;
terminée.
Le Mode7m-photo de
M. Courrier (fig. 67)
est un appareil beau-
coup plus léger et que
l'on peut installer ra-
pidement, n'importe
où. Malgré ses dimen-
sions restreintes, il
permet d'exécuter de
grands clichés, jus-
qu'au format 30 X 40.
Il se compose d'une
monture en tubes de
cuivre recouverte d'é-
toffe incombustible.
Sur l'une des faces de
cette cage, l'étoffe est
opaque et sert de réflecteur; sur le côté opposé, tourné vers le
modèle, l'étoffe est transparente et transmet la lumière, adoucie
et diffusée, émise par deux cartouches de poudre à base de magné-
sium et de zircone. La cage est supportée par un solide pied en
fer. Une manche en étoffe aboutissant au dehors, soit par une
fenêtre, soit par une cheminée, assure l'évacuation rapide de la
fumée produite par la combustion de la poudre.
Cl. Mackeiïstein.
Fig. 67. — Modern-photo.
LE LABORATOIRE ET L'ATELIER
93
Accessoires de pose. — L'ameublement de Fatelier dépend natu-
rellement du goût de celui qui l'installe, et le choix des accessoires
de pose est subordonné aux travaux que l'on se propose d'y entre-
prendre. Il y faudra nécessairement un assortiment de sièges de
styles variés, au moins une table, des tapis, des tentures.
D'autres objets sont également indispensables et figurent d'ail-
leurs dans tous les salons de pose. C'est, d'abord, une série de
fonds qui représenteront l'un un intérieur, l'autre un paysage. Un
fond clair où quelques nuages seront légèrement indiqués servira
à l'exécution des portraits en buste dégradés ou vignettes; un fond
noir sera nécessaire si l'on a l'intention de tirer des épreuves
dites à « fond russe ».
Ces fonds sont peints sur des toiles qui s'enroulent autour de
rouleaux supportés par un châssis. On appelle fonds continus ceux
qui représentent, sur la même toile, le fond proprement dit et la
surface qui doit être posée
sur le parquet (fig. 68). Si
la partie verticale du fond
représente un apparte-
ment, l'extrémité qui sera
disposée horizontalement
représentera un tapis ; de
même, un fond reprodui-
sant l'intérieur d'une
église sera accompagné
d'un parquet en mosaïque,
tandis qu'un fond figurant
un jardin ou le bord de la
mer se terminera par une
peinture représentant du
sable, des cailloux ou
bien du gazon, un sentier,
etc. La partie étalée sur le plancher doit s'étendre au moins à
2°", 50, afin qu'on n'en aperçoive pas les bords sur l'épreuve. La
toile n'est clouée, au rouleau ou au châssis porteur de fonds, que
par son extrémité supérieure; elle doit descendre librement et
dans une direction perpendiculaire, jusqu'au sol, où elle affecte
Cl. Deraaria-Lapierre.
Fig. 68. — Fond continu.
94' TRAITÉ GÈf^ÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
une légère courbe continue et graduelle qui, à la photographie,
estompe le raccord entre la partie verticale et la partie horizontale-
Les fonds sont peints à Thuile, mais la surface doit en être mate,
afin d'éviter les reflets qui enlèveraient toute vraisemblance à TefFet
et rendraient toute illusion impossible.
V appui-tête (fi g. 69) a été pen-
dant longtemps un accessoire in-
dispensable. Aujourd'hui, la rapi-
dité de la pose le rgnd presque
Fig. 69. — Appui-tête.
Fifcc. 'iO. — htilecieurs.
toujours inutile. Il y a cependant des cas où cet instrument est
encore susceptible de rendre quelques services, notamment quand
on se trouve obligé d'opérer avec une faible lumière. Aussi n'était-
il pas inutile de signaler l'existence d'un outil presque oublié depuis
quelques années.
L'éclairage transmis par le vitrage ou émis par les sources de
liimière artificielle n'est pas toujours suffisamment bien distribué;
LE LABORATOIRE ET L'ATELIER
95
îl est parfois trop dur, même quand il est réglé au moyen des ri-
deaux d'atelier. Aussi le photographe portraitiste a-t-il soin de
compléter le réglage de la lumière à l'aide d'écrans et de réflec-
teurs. Ce sont de petits panneaux formés d'étoffe blanche tendue
sur des cadres légers. Suivant la posi-
tion qu'on leur donne par rapport au
modèle et à la source de lumière, ces i ' / y
écrans servent à tamiser et à diffuser ^^7 , / /
la lumière, ou à la refléter vers le côté
du sujet placé dans l'ombre, de ma-
nière à adoucir le modelé. La fig. 70
montre un de ces appareils et en ex-
plique suffisamment le fonctionnement.
Le dessin suivant représente Vécran de
tête, dont l'invention est due à M. G.
Klary. Certains photographes règlent
complètement leur éclairage à l'aide
de cet écran, dont la manœuvre est
beaucoup plus rapide et plus commode
que celle des rideaux. 11 suflit de faire
varier l'inclinaison de l'écran, constitué
par une étoffe transparente, et de l'ap-
procher plus ou moins du modèle ,
pour réaliser les divers effets d'éclai- ci. Caimeis.
rage. L'écran de tête permet d'ailleurs Fig. 71. — Ecran de tête.
d'éclairer convenablement un portrait
dans une chambre ordinaire et même en plein air, dans une cour
ou dans un jardin.
OUVRAGES A CONSULTER
A. Baden-Pritchard, les Ateliers photographiques de l'Europe, 2 vol., Paris (Gaii»
thier-Villars), 2^ édition, 1885.
A. Delamarre, le Laboratoire de l'amateur, Paris (Ch. Mendel), 1902.
J.-M. Eder, Das Atelier und Laboraiorium des Phoiographen, 2« édition, Halle
a/ S (W. Knapp),
96 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
EssENHiGH-CoRKE, les Effets d'éclairage daîis le portrait, Paris (Gh. Mendel),
1911.
G. Klary, l'Eclairage des portraits "photographiques, 8^ édition, Pans (Gauthier-
Villars), 1902.
J. Fleury-Hermagis, l'Atelier de l'amateur, 2« édition, Paris (G. Rongier et
Gie), 1889.
LIVRE II
PROCÉDÉS NÉGATEFS
CHAPITRE V
LE GÉLATINOBROMURE
Historique. — L'emploi de la gélatine dans la préparation des
plaques photographiques fut proposé pour la première fois par
Gandin, en 4861 S mais ce fut Maddox qui prépara, en 1871, la
première émulsion. La gélatine était fondue dans Feau chaude
avec du bromure de cadmium. Après y avoir ajouté une solution
de nitrate d'argent, le mélange était coulé sur des plaques de
verre. La couche une fois sèche était prête à l'emploi, mais possé-
dait une faible sensibilité et fournissait des images presque tou-
jours voilées.
En 1873, King et Johnston reconnurent que le voile était dû à la
présence dés sels solubles restés dans la gélatine et les éliminè-
rent par dialyse. Vers la même époque, Kennett mettait dans le
commerce une émulsion sèche au gélatinobromure d'argent pré-
parée de la manière suivante. La gélatine est d'abord gonflée
dans l'eau froide, puis fondue à chaud. On y introduit alors, d'abord
du bromure de potassium, puis du nitrate d'argent. Il se forme
ainsi du bromure d'argent insoluble et du nitrate de potasse. On
verse ensuite le tout dans une cuvette en porcelaine et on laisse
refroidir. Quand l'émulsion est figée, on la lave, afin d'éliminer les
sels solubles dont elle est imprégnée. On fait alors fondre de
1. La Lumière, 1861, p. 21 et 25,
98 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
nouveau la gelée, et on la coule sur des plaques de verre. Cette
émulsion fournit des images très pures et vigoureuses, mais elle
manque de sensibilité.
Le 7 mars 1878, Bennett fit connaître le moyen de donner au
gélatinobromure une sensibilité jusque-là inusitée et qui dépassait
de beaucoup celle du collodion. Ce moyen consiste à laisser mûrir
l'émulsion, en la maintenant à la température de 30 degrés pen-
dant plusieurs jours. On arrive au même résultat plus rapidement
en la soumettant pendant quelques minutes à la température de
100 degrés.
Les chiffres suivants donneront une idée de la sensibilité que
Ton est parvenu à donner aux émulsions * :
Collodion huTnide 1
Emulsion lente pour projections 10
— rapide — 120
— extra-rapide — 220
— ultra-rapide — (environ) 600
M. Mercier a constaté que certaines substances ajoutées à l'é-
mulsion modifient considérablement ses propriétés et permettent
de très grands écarts dans la durée du temps de pose. On peut
employer à cet effet, pour 1 litre d'eau, soit 25 gr. d'émétique, soit
20 gr. de morphine, soit 10 gr. de codéine. On verra plus loin que
Taddition de matières colorantes en très faibles quantités commu-
nique aux émulsions une sensibilité qu'elles n'ont pas d'ordinaire
pour certaines radiations, telles que le vert, le jaune ou le rouge.
Fabrication des plaques au gélatinobromure. — La préparation
des plaques photographiques fait actuellement l'objet d'exploita-
tions très importantes. Certaines usines fabriquent chaque jour
des milliers de plaques de tous formats, et, quoique la concurrence
ait fait baisser les prix dans de grandes proportions, les produits
livrés sont de plus en plus parfaits. On ne trouve plus que rare-
ment des plaques piquées de trous ou inégalement recouvertes
d'émulsion. La sensibilité a été accrue, et néanmoins la tendance
au voile n'a pas notablement augmenté. Les plaques actuelles
1. D'après Hough, Journal of the Photographie Society, 1894, à l'exception du
dernier chiffre, relatif aux plaques les plus récentes.
LE GÉLATINOBROMURE 99
sont, en moyenne, à peu près vingt fois plus sensibles qu'au dé?jut
et ne coûtent pas la moitié de ce qu'elles coûtaient à cette époque.
On pourrait seulement critiquer la manière dont les verres sont
coupés : il arrive trop souvent que les plaques présentent sur
leurs bords des arêtes vives et tranchantes, susceptibles de bles-
ser les doigts de l'opérateur obligé de les manipuler dans un labo-
/atoire très faiblement éclairé ou même dans Tobscurité complète.
Les procédés de fabrication varient suivant les usines. Chaque
usine, d'ailleurs, utilise plusieurs formules, selon la nature des
plaques à préparer : plaques lentes, plaques de rapidité moyenne,
plaque de sensibilité extrême, plaques orthochromatiques, pla-
ques anti-halo, etc. A titre d'exemple, nous reproduisons la for-
mule indiquée par Eder :
A. Bromure de potassium , 20 gr.
lodure de potassium 0,6.
Gélatine tendre 20
Eau 200 ce.
B- Nitrate d'argent 30 gr.
Acide nitrique 1 à2 gouttes.
Eau distillée ' i 125 ce.
C. Gélatine dure 30 gr.
Eau. 500 ce.
La gélatine est mise à gonfler à froid dans la quantité d'eau
indiquée (solution A). On y ajoute les sels, et Ton fait fondre au
bain-marie. On ajoute alors la solution B, en agitant le mélange,
et l'on obtient la maturation par une coction à l'eau bouillante
d'environ 20 minutes. On refroidit ensuite, et, quand la gelée s'est
figée, on la lave au canevas. On ajoute enfin la solution C, on fait
chauff'er, et on coule sur les plaques.
L'élimination des sels restés dans la gélatine nécessite des lava-
ges prolongés, qui rendent la fabrication onéreuse. Aussi a-t-on
cherché à préparer autrement le bromure d'argent. C'est ainsi
qu'au lieu de faire agir le nitrate d'argent sur le bromure de
potassium, ce qui laisse dans la couche du nitrate de potasse, on
met en présence, soit l'acide bromhydrique et le carbonate d'ar-
gent, soit le bromure d'ammonium et l'oxyde d'argent dissous
dans l'ammoniaque. Il se produit alors, en même temps que du
bromure d'argent, un composé x,olatil qui s'élimine de lui-même.
100 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
La sensibilité de l'émulsion dépend de sa maturation, mais
cette opération n'est pas sans difficulté. Quand Témulsion est
préparée à une température aussi basse que peut le comporter
la fusion de la gélatine (environ 27 ou 28 degrés), elle est absolu-
ment transparente, mais très peu sensible. Si, pour en accroître
la sensibilité, on la soumet à Faction de la chaleur, on la voit
devenir peu à peu opaline, et Fexamen au microscope montre que
le bromure d'argent s'agglomère en grains de plus en plus volu-
mineux. La rapidité n'est ainsi acquise qu'au détriment de la
finesse des images, et cet inconvénient a longtemps limité la sen-
sibilité des émulsions. Aujourd'hui, la plupart des fabricants arri-
vent, à l'aide de recettes tenues secrètes, à livrer des plaques très
rapides à grain relativement fin. Néanmoins, l'émulsion n'en est
pas aussi fine que celle des plaques lentes et ne convient pas aux
travaux de reproductions, qui exigent une grande perfection de
détails.
L'émulsion est coulée automatiquement sur les plaques au moyen
dé machines spéciales qui assurent à cette opération toute la régu-
larité nécessaire. De grandes feuilles de verre sont mécaniquement
entraînées sur un long support horizontal. Elles passent, d'un
mouvement uniforme, sous le distributeur relié au réservoir d'où
coule l'émulsion tiède. Le verre recouvert de gélatinobromure
continue son mouvement de progression, et l'émulsion refroidie
se prend en gelée. La plaque est alors portée dans le séchoir, vaste
pièce ventilée à température constante. Après dessiccation, les
feuilles de verre sont découpées au diamant suivant les différents
formats usuels, puis emballées dans ces boîtes de carton que con-
naissent tous les photographes et que l'on peut se procurer même
dans les bazars. Rappelons que les plaques se trouvent séparées les
unes des autres par de petites bandes de carton plissé et envelop-
pées, par paquets de six ou de quatre, dans du papier rouge ou noir.
Il va sans dire que toutes ces opérations sont effectuées à l'abri
de la lumière blanche, dans des locaux éclairés par des lanternes
à verres rouges ou verts.
Les dimensions normales que le Congrès international de
Bruxelles avait proposé, en 1891, de donner aux plaques sensibles
sont les suivantes :
LE GELATINOBROMURE
101
Série 3/4
Série carrée
36-48
48-48
24-32
36-36
18-24
24-24
12-16
12—12
9-12
8-8
Série 2/3
32-48
24-36
16-24
12-18
8—12
Le commerce n'a adopté que quelques-uns de ces formats et a
combiné un grand nombre de dimensions, dont voici les plus
usuelles : ^
MESURES FRANÇAISES
41/2
X
6 cent. 1
6
X
8
—
61/2
X
9
—
8
X
8
—
8
X
9
—
8
X
10
—
8 1/2x10 cent.
9 xi2 —
12 Xl5 —
13 Xi8 —
15 x21 —
18 X24 —
MESURES ANGLAISES
21x27 cent.
24x30 —
27x33 —
30x40 —
40x50 —
50x60 —
31/4X 41/4p. = 8 X101/2C.
4x5 — = 10 X 12 1/2 —
43/4X 61/2 — =12 X 161/2 —
5 X 71/2— =121/2x19 —
5 X 8 —=121/2x20 -
61/2X 81/2 — = 161/2x211/2 —
8 xlO — = 20 x25 —
10 xl2 p. =25 X 30 1/2 c.
121/2x151/5 — = 30 1/2 X 381/2-
23 xl7 — = 581/2x 43 —
25 x21 — = 63 X 53 —
30 x25 —=76 X 63 —
30 x40
:76 X102 -
Supports souples. — Le support de la couche sensible a donné
lieu à d'innombrables recherches. Le verre a l'avantage d'être
parfaitement transparent, mais il est lourd et fragile. On a tenté,
à plusieurs reprises, de revenir au papier, dont l'emploi remonte
aux premiers temps de la photographie, mais sa transparence
imparfaite prolonge le tirage des épreuves, et les défauts de sa
texture nuisent à la pureté des images. On est cependant parvenu
à fabriquer des papiers dont l'homogénéité est très suffisante
dans la plupart des cas. Néanmoins, le support actuellement le
plus usité, après le verre, c'est le celluloïd. Dès 4881, Stebbing
avait proposé l'emploi de cette substance, mais s'était vu obligé
d'y renoncer, parce qu'il n'était pas possible, à cette époque, de
l'obtenir en plaques régulières et suffisamment diaphanes. Carbutt,
en 1889, réussit à fabriquer des pellicules très minces. La même
année, la Compagnie Eastman mettait en vente des pellicules
102 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PH 0 TO GRAPHIE
inextensibles, inaltérables et aussi transparentes que le verre.
Depuis lors, Feinploi du celluloïd n'a cessé de se répandre chaque
jour davantage, et la vogue dont jouissent auprès des amateurs
les vitroses en celluloïd semi-rigide aussi bien que les films ou
bandes souples est amplement justifiée par la commodité et la
facilité de leur application. Nous avons d'ailleurs déjà décrit le
mode de fonctionnement du film-pack et des bobines pelliculai-
res. Les feuilles de celluloïd qui ne sont recouvertes de gélatine
que sur Tune de leurs faces ont le défaut de se rouler et de rester
tordues lorsqu'on les fait sécher, après les avoir passées dans les
différents liquides que comportent les procédés photographiques.
Les fabricants évitent cet inconvénient en coulant sur la face oppo-
sée à Fémulsion une couche de gélatine ordinaire, qui se gonfle
dans l'eau de la même manière que le gélatinobromure et subit,
en séchant, le même retrait. La pellicule reste ainsi parfaitement
plane.
La couche sensible est quelquefois étendue sur une plaque de
verre enduit de talc ou d'encaustique et doublée d'une pellicule de
collodion, de façon à pouvoir être facilement séparée de son sup-
port et reportée sur un autre. Ces pellicules détachables sont très
utiles dans certains procédés de gravure ou bien dans la photo-
graphie en couleurs. La pellicule n'adhère à son support que par
les bords; pour la détacher, il suffit de pratiquer une incision tout
autour, ai ou 2 millimètres des bords, à l'aide d'un canif.
Plaques orthochromatiques. — Si l'on expose au spectre solaire
une plaque sensible ordinaire, on remarque, en la traitant par les
réactifs habituels, qu'elle est impressionnée dans la région bleue
et violette, ainsi que dans l'ultra-violet. Mais, si l'exposition n'est
pas trop prolongée, les autres régions du spectre, même le jaune
et l'orangé, qui nous paraissent si lumineux, ne déterminent
qu'une réduction très faible. Enfin, le rouge et une certaine région
du vert ne laissent à peu près aucune trace d'impression.
La sensibilité du, bromure d'argent est donc très diff'érente de
celle de notre œil, et il en résulte que la reproduction de certains
sujets est très infidèle. Cette différence se traduit même par des
effets choquants. La peau est reproduite plus noire qu'elle n'est en
réalité; des taches de rousseur à peine visibles sont très exagé-
. LE GELATINOBROMURE ' 103
rées. Dans un paysage bien éclairé, Tazur foncé d'un ciel limpide
est traduit par une surface uniformément blanche, tandis que le
vert clair des prairies est figuré par une teinte sombre.
Ces anomalies s'atténuent dans une certaine mesure, en pro-
longeant le temps de pose, parce que la réduction du sel d'argent
ne demeure pas proportionnelle à la durée de l'exposition, mais
ce palliatif est souvent insuffisant et n'est du reste pas toujours
possible, notamment quand il s'agit de portraits ou de sujets en
mouvement exigeant une pose très courte.
Il était donc nécessaire de rendre le bromure d'argent sensible
à toutes les radiations visibles.
En 1873, Vogel découvrait que l'addition au bromure d'argent
sec d'une substance absorbant certains rayons colorés le rend
sensible à ces mêmes rayons. Ainsi, l'addition de coralline déter-
mine la sensibilisation pour le jaune, et le vert d'aniline qui absorbe
le rouge rend la couche sensible au rouge. Il suffit d'ajouter une
très petite quantité de ces matières colorantes, pour produire l'ef-
fet voulu. Et même, si l'on en ajoute trop, l'effet produit est moin-
dre. Il s'agit seulement de colorer le sel d'argent; si le coloran'^,
se trouve en excès, il colore aussi le substratum (collodion ou
gélatine) du sel sensible, et alors cette couche colorée absorbe
inutilement les radiations, qu'elle empêche de venir impression-
ner le sel d'argent.
Vogel assurait que toutes les solutions colorantes déterminaient
un effet sensibilisateur. Sa théorie ainsi généralisée a été contestée.
n convient de remarquer que beaucoup de couleurs ne présentent
pas la même teinte à l'état solide qu'en solution. C'est le pouvoir
absorbant à l'état solide qu'il faut considérer : par là s'expliquent
certaines divergences entre les expérimentateurs.
Ce qui est certain, c'est qu'un grand nombre de matières colo-
rantes usuelles modifient la sensibilité des émulsions. En 1874,
Becquerel signalait la chlorophylle comme sensibilisant le bro-
mure d'argent pour le rouge- orangé. En 1876, Waterhouse
désignait l'éosine comme sensibilisateur pour la région verte du
spectre. On a également employé, avec succès, l'érythrosine, la
chrysaniline, le violet de méthyle, la cyanine, le vert malachite,
la rhodamine, la nigrosine, le rose Bengale, etc.
1C4 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Plus récemment, les chimistes ont réussi à préparer des ma-
tières colorantes spécialement destinées à la sensibilisation des
plaques photographiques. Ces substances ne sont pas utilisées en
teinture, comme les précédentes, à cause de leur prix élevé et de
leur trop faible résistance à la lumière, mais leur pouvoir sensibi-
lisateur est extrêmement remarquable. Parmi ces matières colo-
rantes, nous citerons le pinachrome, le pinacyanol, le pinaverdol
elTorthochrome.
On trouve dans le commerce des plaques sensibilis^ées soit pour
le vert, soit pour le rouge, et désignées sous le nom de plaques
orthochromatiques (de 6p6oç, juste, et i9^\^^^ couleur). Il en existe
aussi qui sont rendues sensibles à la fois au vert, au jaune et au
rouge : on les nomme panchromatiques (de irav, tout, xp^P-^» cou-
leur). Ces plaques portaient autrefois le nom <ï isochromatiques
(fffoç, égal, xpw(xa, couleur), mais il y a actuellement une tendance
à renoncer provisoirement à ce qualificatif, qui n'est pas exact.
En effet, une émulsion a beau être rendue sensible à la région du
spectre qui s'étend du bleu-vert au rouge extrême, elle n'en con-
serve pas moins un excès de sensibilité pour le bleu, le violet et
même Fultra-violet invisible.
Pour compenser cette inégalité, il est nécessaire d'interposer
un verre jaune en avant ou en arrière de l'objectif» ou bien d'im-
biber la gélatine d'une solution colorante jaune destinée à produire
le même effet et facile k éliminer soit par de simples lavages, soit à
l'aide d'un réactif décolorant. Les écrans liquides fournissent des
résultats plus constants, l'absorption dépendant de la concentra-
tion de la solution et de l'épaisseur de la couche liquide. Les subs-
tances proposées à cet effet sont l'aurantia, l'acide picrique, l'éo-
sine, le jaune naphtol, le bichromate de potasse, etc. Le D'" Eder
et M. Edouard Belin leur préfèrent le chromate neutre de potasse
à 4 p. 100. Cette solution absorbe totalement les bleus, sans em-
piéter sur les régions voisines du spectre, et le retard de pose
qu elle occasionne est moindre qu'avec le bichromate. Le liquide
€st placé dans une cuve en verre à faces parallèles, telle que celle
<lont le dessin est représenté (fig. 72). Elle est constituée par deux
disques de verre maintenus écartés l'un de l'autre par un anneau
de même matière. Deux orifices fermés par des bouchons de liège
LE GÈLATINOBROMURE
105
servent à remplir et à vider la cuve. Une monture en laiton en-
toure le récipient et sert à le fixer sur le parasoleil de Tobjectif.
Pour que l'interposition de la
cuve ne nuise pas à la netteté de
l'image, il faut que les deux dis-
ques de verre soient travaillés
avec la même précision que les
lentilles de l'objectif.
Les émulsions orthochroma-
tisées au cours de leur fabrica-
tion conservent pendant assez
longtemps leur sensibilité pour
les radiations peu actiniques.
Néanmoins cette sensibilité s'al-
tère, à la longue, dans des con-
ditions encore mal définies :
aussi est-il préférable, autant
¥ig. Iz. — Objectif muni d'un écran
liquide.
que possible, d'utiliser ces plaques dans l'année de leur fabrication.
On peut également orthochromatiser une plaque ordinaire, en
l'imprégnant d'une solution colorante convenablement préparée.
Cette sensibilisation, dite au tremipé, donne d'excellents résultats,
mais ne persiste que peu de temps, si elle n'est pas effectuée avec
tout le soin voulu.
Voici quelques formules de sensibilisation orthochromatique au
trempé :
1. Pour sensibiliser au jaune et au vert :
Solution d'érythrosine à 2 p. 100 6 ce.
Ammoniaque pure 2 —
Eau distillée 100 —
La plaque y est laissée deux minutes et séchée dans l'obscurité.
2. Pour sensibiliser au jaune, au jaune-orangé et au rouge-
orangé. :
Solution alcoolique de rouge de quinoléine 1 p, 500 8 ce.
— — cyanine à 1 p. 500 1 —
Eau -200 —
Ammoniaque 2 —
106 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE .
3. Bain pour plaques panchromatiques :
Eau distillée 200 ce.
Ammoniaque 2 —
Solution d'orthochrome T au l.OOQe 3 à4 —
La solution d'orthochrome est préparée en dissolvant à chaud
1 gramme de cette substance dans 100 ce. d'alcool à 90°. Après
•dissolution, on ajoute 500 ce d'alcool et 400 ce d'eau distillée.
Cette liqueur doit être conservée dans l'obscurité. La solution d'or-
thochrome peut être remplacée par des solutions de pinachrome
ou de pinaverdol préparées de la même manière. Avec ces dernières
matières colorantes, la sensibilité est plus accentuée pour le rouge.
Après l'immersion de la plaque dans l'un quelconque de ces trois
bains, il est essentiel de la rincer pour éliminer l'excès de colorant,
«t surtout de la faire sécher le plus rapidement possible à l'air
libre, ou mieux dans une étuve ventilée. Grâce à ces précautions,
M. Ch. Simmen a réussi à conserver des plaques qui possédaient
encore au bout de deux ans toute leur sensibilité chromatique.
En ajoutant à ces bains 5 à 6 ce. d'une solution alcoolique au
500* de rouge de quinoléine, les plaques sont moins sujettes au
Toile et se conservent plus longtemps. En supprimant l'ammonia-
que, la sensibilité pour le rouge et le vert est légèrement diminuée,
mais la dessiccation peut être moins rapide sans inconvénient, si
les plaques doivent être employées dans un délai d'environ un
mois.
Les plaques sensibilisées pour le rouge ne sauraient évidemment
être manipulées à la lumière d'une lanterne à verre rouge : elles y
seraient certainement voilées. Le laboratoire sera donc éclairé par
une lanterne à verre vert. Pour les plaques sensibilisées au vert,
on se servira de l'éclairage rouge. Enfin, les plaques panchroma-
tiques exigeront des précautions toutes particulières. La lumière,
très atténuée, sera transmise par un verre enduit de tartrazine et
de violet de méthyle (V. p. 79). Et même, si l'émulsion est très
sensible, il vaudra mieux s'exercer à charger les châssis dans l'obs-
curité complète. C'est également à l'abri de toute lumière que les
plaques seront extraites des châssis et placées dans la cuvette con-
tenant le bain de développement. Néanmoins, une fois l'émulsion
bien imbibée, il n'y aura aucun inconvénient à regarder le cliché
/
LE GÊLATINOBROMURE 101
à la lumière rouge : M. E. Valenta a reconnu* que la sensibilité
communiquée aux émulsions pour les rayons jaunes et rouges est
considérablement diminuée dès leur imrnersion dans le révéla-
teur.
Plaques anti-halo. — Les plaques ordinaires se prêtent mal à
la reproduction des sujets qui présentent de fortes oppositions, de
vives lumières se détachant sur des surfaces sombres. Tels sont
les paysages éclairés à contre-jour et les vues d'intérieurs dans
lesquelles sont comprises des fenêtres bien éclairées ou des sources
lumineuses (lampes ou foyers) placées devant un fond obscur. On
remarque alors que la lumière empiète sur les parties sombres
et se trouve entourée d'une sorte d'auréole ou halo. Ce phéno-
mène est dû à la lumière qui a traversé de part en part la couche
sensible et son support, et s'est ensuite réfléchie sur la seconde
face du verre ou de la pellicule.
Pour éviter le halo, il suffit donc d'empêcher cette réflexion
nuisible. On y parvient soit en enduisant le dos de la plaque d'une
couleur opaque mêlée à un agglutinant, soit en interposant entre
l'émulsion et son support une sous couche colorée absorbante.
Dans le premier cas, l'anti-halo est éliminé par les bains et les
eaux de lavage qui dissolvent l'agglutinant; dans le second, il
est décoloré ou dissous à l'aide de réactifs appropriés. 11 existe
même des plaques dont l'anti-halo est constitué par une substance
soluble dans l'un des bains nécessaires aux opérations photo-
^aphiques, en sorte que l'emploi de ces plaques n'entraîne
aucune espèce de complication. C'est ainsi qu'on a formé l'anti-
halo d'une couche de gélatine imprégnée d'iodure de plomb. Cette
substance, jaune opaque, absorbe complèteoient les radiations
actiniques et se trouve ensuite éliminée par le bain de fixage à
l'hyposuJflte de soude. On trouve également dans le commerce
des pla(|ues dont l'anti-halo est constitué par une feuille enduite
d'un adhésif coloré en noir. Après la pose, ou après l'achèvement
du cliché, cette feuille est séparée du verre.
Les plaques anti-halo doivent être employées chaque fois que
l'on a à reproduire un sujet à contrastes violents : couchers de
1. Photogr. Coirespondenz, 1902, p. 214.
108 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
soleil, sous-bois où les branches laissent apercevoir le ciel, por-
traits à contre-jour, vues prises la nuit et comportant des sources
de lumière comprises dans le champ de Finstrument. A défaut de
plaques anti-halo, on utilisera des plaques ordinaires dont on aura
eu soin d'enduire le verre d'un pigment opaque. L'anti-halo le plus
simple est préparé en mélangeant du noir de fumée ou de Tocre
avec de la colle de pâte ou de la dextrine. Le mélange suivant,
indiqué par Lévy, a l'avantage de sécher en 5 minutes :
Solution épaisse de g-omme arabique ^50 gr.
Caramel 50 —
Terre de Sienne brûlée broyée à l'eau 100 —
Alcool iOO ce.
Pour enlever cet enduit avant le développement, de manière à
pouvoir examiner le cliché par transparence, il suffît de placer au
fond d'une cuvette des morceaux de drap imbibés d'eau. La gomme
en contact avec ce drap se gonfle, et, si l'on passe ensuite un linge
sec, le pigment y adhère. La plaque se trouve ainsi débarrassée de
l'anti-halo sans que la couche sensible ait été mouillée.
Conservation des plaques. — Les plaques au gélatinobromure,
ainsi que les pellicules et les papiers recouverts d'émulsion, doi-
vent être préservés avec soin de la lumière et de l'humidité. Les
voyageurs qui entreprennent des expéditions lointaines doivent
emballer leurs provisions de plaques dans dfts caisses métalliques
soudées. Il faut également éviter, autant que possible, l'action pro-
longée d'une température trop élevée, qui risquerait de voiler la
plaque : la couche sensible plongée dans le bain de développement
y noircirait comme si elle avait été exposée à la lumière.
Si toutes les précautions voulues sont observées, les plaques
conservent longtemps toutes leurs qualités. On en trouve bien
quelques-unes qui, par suite de quelque défaut de fabrication,
présentent, au bout de quelques mois, un voile marginal, c'est-à-
dire se couvrent, au développement, de taches noires généralement
limitées aux bords; mais, par contre, on cite d'excellents clichés
obtenus sur des plaques datant de plus de vingt ans.
La conservation des pellicules et des papiers est très incertaine,
•à cause des réactions que le celluloïd ou l'encollage sont suscep-
tibles de provoquer à la longue.
LE GÊLATINOBROMURE 409
Sensitométrie. — Pour connaître la sensibilité dune émulsion,
il est nécessaire d'avoir un moyen de la comparer à un étalon. Il
est souvent utile d'évaluer exactement le temps de pose, et alors
il faut naturellement mesurer la sensibilité de la plaque, lui appli-
quer un chiffre, un coefficient susceptible d'entrer dans la formule
qui indiquera les calculs à effectuer.
Tel est le but de la sensitométrie. Plusieurs méthodes ont été
proposées pour comparer la sensibilité des émulsions. Nous décri-
rons d'abord celle de Warnerke, qui est encore usitée actuellement,
quoiqu'il en existe de plus précises. Elle est basée sur l'emploi
d'un étalon sensitomètre éclairé par une lumière supposée cons-
tante, toujours égale à elle-même. *
Cette lumière est celle que fournit la phosphorescence d'une
plaque enduite de sulfure de calcium devant laquelle on a fait
brûler un morceau de fil de magnésium. Cette phosphorescence
ne peut pas dépasser une certaine intensité, quel que soit l'éclat
de la source lumineuse à laquelle le sulfure a été soumis. On
aurait beau brûler trois ou quatre fois plus de magnésium, la
lueur émise ensuite par la plaque phosphorescente n'en serait
nullement augmentée.
Quant au sensitomètre, c'est un cadre dans lequel la plaque à
essayer est appliquée contre une glace sur laquelle est disposée
une échelle à teintes graduées- Chaque teinte ou degré, de moins
en moins translucide, porte à son centre un numéro opaque. Au
numéro 1 correspond la teinte la plus légère, et le numéro 25 est
celui de la teinte la moins transparente. Cette échelle graduée
étant placée devant la plaque dont on veut mesurer la sensibilité,
on l'approche à 1 centimètre de la plaque phosphorescente aussitôt
après que celle-ci a reçu l'impression lumineuse du fil de magné-
sium. Au bout de 30 secondes, la plaque phosphorescente est éloi-
gnée, et l'on développe la plaque sensible. Le développement
nécessite quelques précautions : produits très purs exactement
dosés, température constante, durée d'action du révélateur, tous
ces éléments doivent être vérifiés avec soin. Le cliché ainsi obtenu
reproduit une partie de l'échelle graduée : les derniers numéros
ne sont pas visibles, les teintes correspondantes qui sont les plus
opaques n'ont pas transmis assez de lumière pour déterminer une
7
110
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
impression nettement apparente. Le dernier numéro visible est
celui qui indique la sensibilité de l'émulsion.
Cette méthode ne permet que des appréciations médiocres, car
elle est dépourvue de précision. L'échelle des graduations varie
avec chaque écran, et d'ailleurs, même en admettant que ces diffé-
rences n'existent pas au début, il reste évident que les opacités
relatives se modifient à la longue. D'autre part, la source lumi-
neuse employée ne pouvant être elle-même l'objet d'aucune mesure
photométrique, il semble paradoxal d'en faire le facteur principal
d'une mesure sensitométrique.
Il convient d'ajouter que, parmi les autres méthodes proposées
jusqu'ici, il n'en existe au-
cune de parfaite. La meil-
leure, à notre avis, serait
la méthode de Scheiner, qui
est d'ailleurs depuis quel-
ques années la plus fré-
quemment employée par les
fabricants de plaques.
Le sensitomètre Scheiner
(fig. 73) se compose :
1° D'une lampe à benzine
B, dont la flamme est exactement réglée;
2° D'un disque opaque S percé d'une ouverture a dont la largeur
va en diminuant du centre à la circonférence ;
3° D'un châssis C dans lequel la plaque à essayer est placée der-
rière une lamelle 0 où sont découpés des chiffres et des raies formant
une échelle graduée.
Le disque, disposé entre le châssis et la lampe, à \ mètre de
celle-ci, reçoit un mouvement de rotation rapide (400 à 800 tours
par minute). La plaque reste exposée dans ces conditions pendant
une minute. Il est évident que l'intensité de l'impression décroit
d'un bout à l'autre de la plaque : le maximum correspond à l'ex-
trémité qui fait face au centre du disque, le minimum à l'extrémité
opposée. Après développement, fixage, lavage et dessiccation, la
plaque est posée sur un papier blanc : le dernier chiffre ou degré
visible par lumière réfléchie indique le degré de sensibilité.
Cl. Calmels.
Fig. 73.
Sensilomèlre tSclieiner.
LE GÊLATINOBROMURE m
Pour les plaques lentes, la source lumineuse est rapprochée
d'une quantité déterminée; on l'éloigné, au contraire, pour essayer
les émulsions très sensibles.
OUVRAGES A CONSULTER
BuRTON, Fabrication des plaques au ge'latinobromure, Paris (Gauthier-Villars),
1901.
A. Chardon. Photographie par émulsion sèche au bromure d'argent pur, Paris
(Gauthier-Viilars), 1877.
J.-M. Eder, Système de sensitométrie des plaques photographiques, Paris (Gau-
thier-Viilars), 1903.
R. Namîas, Theoretisch-praktisches Eandbuch der photographischen chemie. h
Band : Photographische Negativprozesse und orthochromatische Photogra-
phie, Halle a/ S. (W. Knapp).
F. QuÉNissET, Les Phototypes sur papier au gélatinobromure, Paris (Gauthier-Vii-
lars), 1901.
H. Quentin, Notes pratiques sur l'orthochromatisme, Paris (Ch. Mendel).
E. Trutat, Traite' pratique de photographie sur papier négatif par l'emploi de-
couches de gélatinobromure d'argent étendues sur papier, Paris (Gauthier-
Viilars), 1892.
L. Vidal, Manuel pratique d'orthochi^omatisme , Paris (Gauthier-Viilars), 1891.
VoGEL, la Photographie des objets colorés avec leurs valeurs réelles, Paris (Gau-
thier-Viilars), 1887.
À. Delamarre, les Négatifs sur papier au gélatinobromure d'argent, Pari»
(H. Desforges), 1902.
412 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE VI
l'exposition
Chargement des châssis. — Les plaques ne doivent être extrai-
tes des boîtes qui les contiennent qu'en lumière inactinique, rouge
€u verte suivant la nature de leur émulsion. Il est d'ailleurs par-
faitement possible de les mettre en châssis dans Fobscurité com-
plète; il est même nécessaire de procéder de la sorte, soit quand
il s'agit de manipuler des plaques extrêmement sensibles à toutes
les radiations visibles (les plaques autochromes, par exemple), soit
lorsqu'on a des doutes sur l'inactinisme de l'éclairage dont on
dispose. Avec un peu d'habitude, on distingue facilement au toucher
le côté verre, qui est lisse, du côté gélatine, dont la surface est
plus mate. On évite du reste toute erreur en se rappelant que les
plaques sont toujours emballées couche contre couche. La pre-
mière de chaque paquet se présente donc avec le côté verre en
dessus; la seconde, au contraire, a Témulsion sur la face exté-
rieure; la troisième et la cinquième ont, comme la première, le
verre en dessus, tandis que la quatrième et la sixième se présen-
tent le verre en dessous, de même que la seconde.
Avant d'introduire une plaque dans un châssis, il convient de
passer un pinceau en blaireau très doux sur la couche de gélatine,
afin d'en enlever les poussières qui pourraient s'y trouver. Sans
cette précaution, chaque grain opaque déterminerait une ombre
qui se traduirait par une petite lacune dans l'impression lumineuse :
il en résulterait autant de points transparents sur le phototype
négatif et autant de points noirs sur l'épreuve positive.
La plaque sera placée dans le châssis la gélatine en avant et le
verre en arrière, excepté dans certains cas qui seront indiqués
(impressions photomécaniques et chromophotographie). On veillera
à ce qu'elle y soit solidement assujettie et que le ressort la main-
L'EXPOSITION
113
tienne butée contre les taquets de retenue, sans quoi l'image ris-
querait de manquer de netteté, si la couche sensible n'occupait
pas exactement le plan déterminé par la mise au point. On s'assu-
rera également que les taquets sont bien vissés et ne peuvent
tourner d'eux-mêmes.
Quant aux pellicules en bandes, elles sont enroulées, comme on
l'a vu, sur des bobines que l'on manipule en plein jour, et, pour
les passer dans le magasin, il n'y a qu'à se conformer aux instruc-
tions du constructeur. La manœuvre varie quelque peu suivant
l'appareil, mais elle est toujours d'une extrême simplicité, à la
portée même d'un enfant. Il en est de même pour le film-pack et
autres combinaisons similaires.
Installation de l'appareil.— Quand le temps de pose n'est pas-
réduit à une fraction de seconde, il est nécessaire de veiller à la
stabilité de laxhambre noire et à la rigidité de son support. Toutes
les vis de serrage seront vérifiées, et l'on s'assurera, en exerçant
une légère poussée sur le chariot mobile, qu'il ne bascule pas au
moindre effort.
L'appareil doit être placé dans une position exactement hori-
zontale (sauf dans ^^ ,
quelques cas très
rares et à la condi-
tion que le sujet
ne contienne point
de lignes droites).
Si le modèle se
trouve trop haut
ou trop bas, s'il y
a sur le verre dé-
poli trop ou pas
assez de ciel, il
faudra bien se gar-
der d'incliner l'ap-
pareil : la mise en
plaque sera recti-
fiée en manœuvrant le décentrement en hauteur. L'objectif sera
donc monté ou descendu (fig. 74), jusqu'à ce que l'image s'encadre
II'
Cl. Thomton-Pickard.
Fig-. 74. — Décentrement de haut en bas.
ii4
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
dans le verre dépoli, telle qu'on désire la reproduire. Remarquons
toutefois que certaines chambres noires sont munies d'un chariot
à bascule : dans ce cas, le décentrement peut s'obtenir en incli-
nant la base de l'appareil, mais en maintenant verticaux le châssis
et la planchette d'objectif.
Ces préceptes sont également applicables aux instruments à
main. Il faut veiller à leur horizontalité (c'est pourquoi tous les
appareils portatifs construits avec soin sont munis d'un ou deux
niveaux à bulles d'air) et décentrer, si c'est nécessaire. Malheu-
reusement, un grand nombre de ces appareils sont dépourvus de
décentrement, de sorte qu'on en est réduit à les incliner. Delà ces
déformations de lignes, si désagréables dans les reproductions de
monuments. Le photographe en accuse à tort l'objectif; l'instru-
ment le plus parfait ne saurait donner des lignes correctes, quand
son axe n'est pas perpendiculaire au plan du modèle à reproduire,
et ces images défectueuses sont imputables, non pas à l'appareil,
mais à celui qui l'emploie dans de mauvaises conditions.
Mise au point. — Dans l'atelier, la mise au point s'effectue tou-
jours à l'aide du verre dépoli ; il en est de même chaque fois que
la disposition de l'appareil le permet, car c'est la seule manière
d'assurer la netteté des images. Pour n'être pas gêné par la lumière
ambiante, l'opérateur se place sous un voile noir qui couvre la
chambre noire, et, observant
l'image que l'objectif projette
sur le verre dépoli, il ma-
nœuvre la crémaillère qui
fait avancer ou reculer le
chariot mobile, jusqu'à ce que
le sujet à reproduire se mon-
tre avec le maximum de net-
teté. Le voile est quelquefois
remplacé par un cône souple
(fîg. 75) adapté à l'arrière-
corps et terminé par un œil-
75. — Cône de mise au point. ■• , . . i i ,
leton a travers lequel on ob-
serve Limage. Une disposition analogue sert à régler la mise au
point dans les appareils portatifs du type reflcx (fig. 20).
Vh
LEXPOSITION
115^
Pour y voir plus clair, quand l'éclairage est faible, certains pho-
tographes mettent au point avec la plus grande ouverture de l'ob-
jectif, qu'ils ne diaphragment qu'après. Il faut éviter de procéder
ainsi , car la distance focale est plus ou
moins modifiée par l'ouverture : le dia-
phragme, en effet, arrête les rayons mar-
ginaux dont le loyer est plus court qna
les rayons centraux; une très petite ou
verture ne laisse passer que les rayons
dont le foyer est plus éloigné du cenU-v^
optique. On devra donc, autant que pos-
sible, mettre au point avec le diaphragme
qui servira pendant la pose, ou tout au
moins avec une ouverture peu différente.
La mise au point, quand on la veut très
précise, est facilitée par l'emploi d'une
loupe. La fig. 76 en montre un modèle très
soigneusement construit par M. Krauss.
Les lentilles achromatiques sont serties
dans une douille à mouvement hélicoïdal que l'on peut immobi-
liser en tournant une bague de serrage. Le réglage une fois effec-
tué, suivant la vue de l'opérateur, celui-ci n'a qu'à appliquer la
base de la monture sur le verre dépoli, pour observer avec le maxi-
mum de netteté et de grossissement les images qui s'y forment.
Certains travaux de reproduction exigent une netteté parfaite.
La loupe de mise au point est alors remplacée par un microscope
Fig. 76. — Luupe ae mise
au point.
Fig. 77. — Microscope de mise au point.
composé, dont la fig. 77 montre la forme extérieure et, en demî-
coupe, la disposition intérieure du système optiquf'.
Dans certains appareils portatifs, la mise au po'nt sj fait au
'H6 TRAITÉ GÉNÉRAL ê.È PHOTOGRAPHIE
Juger. Le chariot mobile porte un index qui se déplace en regard
d'une échelle graduée sur laquell' sont inscrites des distances.
L'opérateur évalue l'éloignement de Tobjet qu'il désire reproduire
avec le maximum de netteté et amène l'index devant le chiffre
correspondant. Il va sans dire que cette évaluation ne saurait être
qu'approximative. Néanmoins, en se bornant aux petits formats,
on obtient d'ordinaire des images suffisamment nettes.
La mise au point achevée, il faut avoir soin de tourner la vis Ou
le levier qui empêchent le chariot mobile de se déplacer.
Temps de pose. — L'évaluation du temps de pose est certaine-
ment la partie la plus délicate des opérations photographiques. La
complexité du problème à résoudre résulte de l'extrême variabilité
•des éléments dont il faut tenir compte : sensibilité de la plaque, ou-
verture relative de l'objectif, intensité de l'éclairage, effet à réaliser.
Chaque marque de plaques a sa sensibilité propre. On trouve
même des différences pour la même marque, non seulement d'une
boîte à une autre, mais même d'une plaque à une autre enfermée
dans le même paquet. Cependant ces différences sont peu impor-
tantes. Aujourd'hui, la fabrication est suffisamment régulière pour
que la sensibilité de chaque marque puisse être considérée comme
pratiquement constante. Ce n'est pas de là que viennent les erreurs
d'évaluation.
L'erreur peut encore moins provenir de l'objectif, puisque sa
luminosité est indiquée par l'ouverture du diaphragme. Un objectif
dont l'ouverture est de F : 10 possède sensiblement la même lumi-
nosité qu'un objectif d'égale ouverture relative, alors même que
les deux instruments seraient de constructions toutes différentes.
Ceci n'est cependant pas rigoureusement exact : si l'un des deux
objectifs offre un plus grand nombre de surfaces réfléchissantes ou
si les verres en sont légèrement colorés, sa rapidité sera diminuée
par l'absorption de lumière. Toutefois, comme cette absorption est
constante, il sera facile d'en tenir compte en prolongeant légère-
ment la pose, et le photographe habitué à se servir d'un objectif
n'éprouvera aucun mécompte de ce chef.
Il n'en est pas de même pour l'éclairage.
L'éclat de la lumière varie suivant les pays, suivant les saisons,
suivant rheure du jour, l'état du ciel et l'état hygrométrique de
L'EXPOSITION
m
l'atmosphère. Son intensité est modifiée par les milieux plus ou
moins transparents qu'elle doit traverser, par l'éloignement du
sujet à photographier, par les reflets émanés des objets environ-
nants. De là Textrême complexité du calcul des temps de pose et
la difficulté qu'éprouve à l'évaluer exactement même le praticien
accoutumé à ces incessantes variations.
Les tableaux suivants indiquent la valeur relative de ces éléments
variables.
A, — Coefficients de clarté.
^
{Le temps de pose pour l'ouverture relative normale f/iO étant pris pour unité,
le temps de pose pour une ouverture relative quelconque^ toutes choses égales
d'ailleurs, sera donné par ce tableau.)
DIAMETRE d'OUVERTURE UTILE
TEMPS
DIAMÈTRE d'ouverture UTILE
TEMPS
DU DIAPHRAGME '
DE POSE
DU DIAPHRAGME
DE POSE
r/2,5
0,06
r/8
0,64
/•/3
0,09
fllO
1,00
/■/3,5
0,12
//i5
2.25
m
0,16
fl20 -
4,00
fi^
0,25
fISO
9,00
m
0,36
//40
16,00
rn
0,49
r/50
25,00
B. — Coefficients d'époque.
H
cri
(C H
H
HEURES
z
3
<->
1-5
6 H
< <
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P
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S
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Midi.
i
1,5
1,5
1,5
2,5
4
11 h.
matin.
1 h. soir.
1'.
1,5
1,5
2
3
5
10
—
2 —
1
1,5
2
2
4
6
9
—
3 —
1,5
1,5
2
3
6
8
—
4 —
1.5
1,5
2
3
6
1
—
5 —
2
2,5
3
6
6
—
6 —
3
3,5
6
5
—
7 —
5
6
4
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8 —
12
<»
i
118
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
C. — Coefficients d'éclat intrinsèque.
SUJETS
Nuages « 0,5
Marines, sujets éloignés 1
Effets de neige 3
Marines, sujets rapprocliés 2
Pavsages, avant-plan rapproché i
Eau et feuillages [ 4
Monuments, avant-plan bien éclairé...
— — dans l'ombre .
Feuillages épais à l'avanl-plan
Groupes, sujets de genre en plein air..
Portraits à l'intérieur, au moins
8
12
20
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-'S S
< ? o
ri
12
20
40
1,5
4
12
16
24
40
80
^ ffi
3
6
18
12
24
36
60
120
ta
^ (ïî S
M t, ^
5
10
30
20
40
80
100
200
Si l'on fait usage de plaques rapides, le temps de pose .est donné
directement, en centièmes de seconde, par le produit de trois fac-
teurs pris dans les tableaux A, B et G. Soit, par exemple, un pay-
sage, en plein soleil, à f)hotographier en septembre, à 3 heures du
soir, avec un objectif dont l'ouverture est de /'/5. Les facteurs cor-
respondant à ces conditions sont : 4 (tableau C), 2 (tableau B) et
0,25 (tableau A). En les multipliant l'un par l'autre, nous obte-
nons :
4 X 2x0,25 r= 2 centièmes de seconde.
Si nous avions à employer dans les mêmes circonstances une
émulsion 3 fois moins sensible, le produit devrait évidemment
être multiplié par 3. En réalité donc, le calcul du temps de pose
consistera à trouver le produit de quatre facteurs, et quelques
essais préliminaires seront utiles pour déterminer le coefficient
de sensibilité de Témulsion utilisée.
Le résultat de ce calcul n'est d'ailleurs qu'une indication approxi-
mative, une base d'appréciation, utile sans doute, mais qui ne dis-
pense pas le photographe d'une étude attentive. Seule une longue
pratique le mettra en garde contre les sources d'erreur, sans
cependant l'en préserver entièrement, car, sur ce point si délicat
des opérations photographiques, les plus expérimentés eux-mêmes
L'EXPOSITION 119
sont exposés à se tromper, surtout en plein air. Dans Tatelier, le
professionnel journellement habitué à son éclairage finit par s'en
rendre maître et par connaître toutes les particularités météorolo-
giques susceptibles de modifier la durée normale de la pose.
Un précepte à ne pas perdre de vue dans cette évaluation, c'est
qu'il vaut mieux posf^r trop que pas assez. Il est toujours difficile
de remédier à la sous-exposition; il est même impossible de faire
apparaître, soit au développement, soit au renforcement, les
détails qui manquent complètement, tandis qu'on peut arriver à
tirer parti d'un cliché surexposé même très fortement : d'après von
Hùbl, un développement bien conduit permet de corriger une pose
500 fois trop longue.
Cependant, ce précepte même n'a rien d'absolu, car le temps de
pose normal doit être modifié suivant l'efTet à réaliser : en le pro-
longeant, on atténue les duretés d'un sujet à contrastes exagérés;
en l'abrégeant, on accentue, au contraire, un modelé trop plat.
Photomètres. — La détermination du temps de pose à l'aide des
tableaux précédents exige un calcul bien simple, mais qui rebute
néanmoins la plupart des photographes. Par ailleurs, tous les élé-
ments de ce calcul n'offrent pas le même degré de certitude : l'ou-
verture du diaphragme, la saison, l'heure du jour, sont connues
avec précision, mais il n'en est pas de même pour l'éclat intrinsè-
que du sujet, qui varie suivant l'état du ciel, la limpidité de l'at-
mosphère, les poussières qui peuvent s'y trouver en suspension,
la distance des divers éléments du tableau, l'intensité et surtout
les couleurs des reflets qui en modifient l'éclairage.
Certains amateurs préfèrent se fier à leur longue pratique, à
leur expérience, et consulter un carnet de notes où ils retrouvent,
parmi leurs précédents essais, des exemples en apparence iden-
tiques à l'opération qu'ils vont exécuter. Et souvent ils se trom-
pent, parce que, si le carnet de poses fournit des indices certains
sur la saison et l'heure, il ne saurait en être de même relativement
à la situation du sujet et aux circonstances atmosphériques Ce
carnet, d'ailleurs, n'est plus d'aucune utilité au photographe qui
voyage et commence à opérer sous un climat nouveau, dont les
particularités atmosphériques ne lui sont pas encore connues.
De là l'utilité des instruments qui font connaître automatique-
120 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ment le temps de pose, non pas d'une manière absolument pré-
cise, mais avec une approximation pratiquement suffisante, les
erreurs résultant de leurs indications restant toujours susceptibles
d'être compensées par un développement bien conduit.
On en distingue deux catégories : les photornètres optiques, basés
sur l'action physiologique de la lumière, et les acdnomètres, basés
sur son action chimique. On a imaginé un grand nombre de pho-
tomètres, de l'une et l'autre catégorie, mais la plupart ne diffèrent
les uns des autres que par des détails de construction peu impor-
tants, en sorte qu'il suffira de décrire seulement les plus répandus.
Les photomètres optiques, fondés sur la sensibilité de notre
rétine, comparent l'éclairage du sujet à la lumière la plus faible
que notre œil soit capable de percevoir. Il suffit, à cet effet, d'in-
terposer entre l'œil et le sujet un écran plus ou moins diaphane
et dont on peut évaluer la transparence.
Tel est, par exemple, le photomètre normal de Degen (fig. 78).
Un étui percé d'un œille-
ton contient deux ré-
glettes dont l'une porte
une graduation corres-
pondant aux diaphrag-
Fig. 78. — Photomètre. ^ ^ ,. i ?
mes, tandis que la seconde
sert à faire glisser l'un sur l'autre deux prismes en verre violet
dont la superposition forme un écran de transparence variable,
suivant l'épaisseur du verre coloré que la lumière a à traverser.
Pour évaluer le temps de pose, on place l'index de la réglette des
diaphragmes sur le chiffre correspondant à l'ouverture de l'objec-
tif, on vise dans l'œilleton l'objet à photographier, et l'on tire la
réglette des prismes jusqu'à ce que l'objet visé disparaisse pres-
que complètement. On n'a plus alors qu'à lire, sur la graduation
extérieure, le temps de pose exprimé en secondes et fractions de
seconde. Cette graduation comprend quatre index qui correspon-
dent aux plaques lentes, rapides, extra-rapides et ultra-rapides.
Les photomètres optiques font connaître en un instant le temps
de pose, mais, comme les indications qu'ils fournissent dépen-
dent d'une sensation physiologique, elles sont parfois entachées
de quelque incertitude. L'impression que produit la lumière sur la
L'EXPOSITION 12t
Crétine est variable d'un opérateur à l'autre : Fun pourra encore
^apercevoir une lueur dans le photomètre, quand un autre n'y dis-
\inguera rien. Cette impression n'est même pas constante pour le
liême opérateur. L'état de repos ou de fatigue de l'œil influencent
plus ou moins l'appréciation, et un observateur qui est resté long-
temps en pleine lumière extérieure ne verra pas dans le photomè-
tre le même degré d'opacité que celui qui sort à peine d'un appar-
tement peu éclairé. Toutefois, il est assez facile de tenir compte
de cette cause d'erreur, puisqu'on est prévenu que l'œil ébloui juge
la lumière plus faible qu'elle n'est réellement et a une tendance à
prendre un temps de pose trop long. Du reste, il suffit de fermer
les yeux pendant quelques instants, avant l'observation photomé-
trique, pour que la vue soit notablement reposée de l'éclat de la
lumière ambiante.
Il faut aussi tenir compte des couleurs du sujet et de la diffé-
rence qui existe entre la sensibilité chromatique de notre œil et
celle des émulsions, même orthochromatiques. Notre œil est sur-
tout sensible au vert, au jaune et au rouge-orangé, tandis que le
gélatinobromure l'est principalement au bleu, au violet et même à
l'ultra-violet que nous ne voyons pas du tout. C'est pour compen-
ser cette diflerence que les prismes du photomètre de Degen sont
en verre violet.
Les actinomètres (de àxxtç, rayon, et ]xzxoo^^ mesure) font connaître
le temps de pose d'après celui qu'emploie à prendre une teinte
déterminée un papier sensible à la lumière dirigé vers le sujet.
Ils sont basés sur ce fait d'expérience que, si notre œil ne sait pas
apprécier exactement le rapport existant entre deux tons diffé-
rents, il juge assez bien si deux tons contigus sont ou non identi-
ques. A cet effet, une bande de papier sensible est enfermée dans
une boîte percée d'une ouverture sur les côtés de laquelle sont
peintes deux teintes peu différentes l'une de l'autre. Le papier
exposé au jour brunit progressivement et, avant de noircir, passe
successivement par les deux teintes servant d'étalons comparatifs.
On arrête l'opération quand le papier, ayant légèrement dépassé la
teinte la plus claire, n'a pas encore atteint la teinte la plus foncée.
Connaissant le temps qui s'est écoulé pour passer du blanc pur à
cette teinte moyenne, il est très facile d'en déduire le temps de
122
• TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cl. Ko.iH..
Fig. 79. — Actinomèlre
pose : il suffit de consulter une table dans laquelle il est tenu
compte de l'ouverture de l'objectif et de la sensibilité des princi-
pales marques de plaques. Celte table est généralenient gravée slt
le boîtier même de l'instrument.
Le pose-mètre, de Watkins (fig. 79), est un actinomètre. Le mode
d'emploi en est bien facile : on dirige vers le sujet à reproduire
l'ouverture sous laquelle on aperçoit le
papier sensible; on tire la bande de papier,
de manière à découvrir une nouvelle surface
non encore impressionnée, entièrement blan-
che, par conséquent, et l'on consulte une
montre, afin de savoir le temps qui s'écoulera
avant que le papier ait pris la teinte voulue.
Ce temps une fois connu, le temps de pose
est donné par la table qui accompagne l'ins-
trument.
Les indications ainsi recueillies sont assez
sûres, du moins dans le milieu de la journée.
A l'aurore et au crépuscule, il faut se méfier
de la différence que présentent pour les rayons de différentes
couleurs la sensibilité du papier et celle des émulsions. Il existe
cependant des actinomètres où cette différence a été prévue. C'est
ainsi que le pose-mèlre de Watkins est construit avec un cadran
spécial pour les plaques autochromes.
On peut reprocher aux actinomètres la lenteur avec laquelle
le papier prend la coloration voulue, quand il est dirigé vers un
sujet faiblement éclairé. Enfin, il est parfois incommode de tenir
l'instrument constamment braqué dans la même direction, pen-
dant que l'on consulte sa montre, surtout s'il faut en même temps
surveiller et maintenir la chambre noire ébranlée par le vent.
Temps de pose des sujets en mouvement. — On désigne sous
la dénomination très impropre d'instantanés les phototypes exé-
cutés en moins d'une seconde. Quand il s'agit de reproduire un
sujet en mouvement, le temps de pose déterminé d'après les indi-
cations précédentes serait presque toujours trop long pour avoir
une imnge nette. Le temps de pose est alors déterminé d'après le
déplacement apparent du sujet. Le plus souvent, le cliché impres-
^EXPOSITION 123
sionné dans ces conditions sera sous-exposé, mais on pourra y
remédier, dans une certaine mesure, à l'aide d'un développement
bien conduit, et l'essentiel est d'obtenir une image dont les con-
tours ne soient pas doublés ou déformés.
Le déplacement apparent du sujet dépend non seulement de
sa vitesse réelle, mais encore de sa distance et de la direction
dans laquelle il se déplace. Un objet qui s'avance vers l'objectif
ou qui s'en éloigne se déplace apparemment beaucoup moins vite
qu'un objet qui passe perpendiculairement à l'axe optique. L'image
d'un objet éloigné étant plus petite que celle d'un objet rapproché,
il est clair que le déplacement du premier est moins apparent que
celui du second, à vitesses réelles égales.
De là quelques indications des vitesses qu'il convient de don-
ner à l'obturateur, suivant la nature du sujet et les circonstances
de la pose.
Une vitesse d'obturation de 1/20 de seconde suffît pour les
objets qui se déplacent très lentement et se trouvent placés à une
distance 150 fois supérieure à la distance focale. C'est dans ces
conditions que peuvent être photographiés les navires dans le
port, les vagues lentes, le bétail au pâturage. Pour le portrait, le
modèle peut être approché jusqu'à 20 fois la distance focale.
En 1/50 de seconde, on peut reproduire des scènes dont le mou-
vement est lent, un homme en marche à une distance 150 fois
supérieure au foyer de l'objectif (son image sur le verre dépoli
n'a pas plus de 1 centimètre). On peut reproduire aussi des scènes
plus rapides, si l'objet mobile se déplace obliquement, et, à plus
forte raison, s'il s'approche ou s'il s'éloigne de l'appareil.
L'instantané à i/100 de seconde permet de prendre des che-
vaux au galop, à la distance de 230 fois le foyer, s'ils viennent
vers l'opérateur. La même vitesse est applicable aux vagues
rapides.
En réduisant l'exposition à 1/300 de seconde, on reproduit des
scènes de rue, des chevaux galopant obliquement par rapport à
l'axe optique, des cyclistes à allure modérée et à une distance
100 fois plus grande que le foyer employé.
Enfin, les obturateurs fonctionnant à 1/500 et à 1/1000 de se-
conde sont nécessaires pour aborder la photographie des chevaux
J24 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
de course, des automobiles et des trains en marche, des oiseaux
ou des aéroplanes en plein vol.
Prise du sujet. — La mise au point étant réglée, on ferme Tob-
Jectif, soit en plaçant le bouchon sur le parasoleil, soit en armant
l'obturateur. On remplace ensuite le verre dépoli par le châssis,
et Ton ouvre le volet pour démasquer la plaque. Cette manœuvre
a généralement pour effet d'ébranler plus ou moins la chambre
noire montée sur un pied pliant, dont la rigidité laisse presque
toujours à désirer. 11 importe donc que les vibrations ainsi com-
muniquées à Fappareil aient cessé avant d'ouvrir Tobjectif, sans
quoi les contours des images seraient doublés. Il en serait de
même si l'on retirait trop brusquement le bouchon-. L'obturcftion
pneumatique est, sous ce rapport, bien préférable, car, si le
mécanisme en est bien équilibré, il n'y a point de secousse au
moment de l'ouverture. De plus, l'opérateur n'est plus obligé
de regarder l'objectif et peut concentrer toute son attention sur le
sujet à reproduire.
Si l'on se sert d'un appareil à main, on veillera à son horizon-
talité, au moment de la pose, en jetant un coup d'œil sur le niveau
d'eau, avant de presser la détente.
Artifices divers. — Dans les reproductions de paysages, une
diffîcullé résulte souvent de la grande différence de luminosité
entre les diverses parties du tableau. Il arrive que les lointains
sont surexposés, tandis que les premiers plans ont reçu une pose
■à peine suffisante ou même manquent de détails dans les ombres.
Pour le même motif, les détails du ciel sont masqués par la surex-
position, ou bien, si l'on abrège l'exposition de manière à repro-
•duire fidèlement le modelé des nuages ou les gradations délicates
■d'un ciel pur, alors c'est le terrain qui n'est plus détaillé et pré-
•sente des contrastes trop durs, sans demi-teintes.
Le moyen d'y remédier est connu depuis longtemps. Il suffît
•d'employer un obturateur à volet, comme celui de Guerry, et de
le faire fonctionner lentement : le volet s'ouvrant de bas en haut,
il est facile de comprendre que les premiers plans poseront plus
longuement que les lointains, et que le ciel ne sera démasqué que
pendant un instant beaucoup plus court.
Néanmoins, l'obturateur de Guerry est actuellement abandonné
L'EXPOSITION
125
des touristes, parce qu'il est relativement volumineux. On arrive
au même résultat à Taide d'un écran bien simple, représenté
fîg. 80„ C'est une lamelle opaque montée sur l'objectif et qui,
suivant sa position, arrête plus ou moins les radiations venues du
ciel; le bord inférieur en est dentelé, de manière à adoucir les
contrastes à proximité de la ligne de démarcation. Il faut éviter de
placer cette lamelle trop près du centre optique. En effet, si elle
se trouvait dans une position voisine
des diaphragmes, elle n'aurait d'au-
tre effet que de diminuer la quantité
de lumière transmise par l'objectif;
le temps de pose en serait prolongé,
et toutes les parties de l'image s'en
trouveraient également assombries.
Plus la lamelle est éloignée de l'ob-
jectif, plus son interposition est effi-
cace pour déterminer une différence
d'impression entre le haut et le bas
de l'image. Si l'objectif est de forme
très courte, s'il n'est pas muni d'un
parasoleil, il ne faudra pas placer la
lamelle directement contre la lentille frontale, mais bien sur une
bague additionnelle qui allongera légèrement la monture. Il ne
faut d'ailleurs pas exagérer l'écartement, car la partie supérieure
du tableau finirait par ne plus être du tout impressionnée.
C'est à l'aide d'une disposition analogue que sont obtenus ces
portraits-bustes en dégradé sur fond noir, que l'on appelle ordi-
nairement fond russe. Le modèle pose devant un panneau noir, et
l'objectif est muni d'un tube à l'extrémité duquel est disposé un
dégradateur. On désigne sous ce nom une plaque percée d'une
ouverture dont la forme se rapproche de celle du buste et de la
tête. Comme elle est placée assez loin du plan focal, ses contours
se dessinent très flous, très estompés, sur le verre dépoli.
Les vignettes sur fond blanc exigent l'emploi d'un dégradateur
pendant le tirage positif, mais généralement on estompe préala-
blement la partie inférieure au moment de la pose, à l'aide d'un
écran partiel interposé en avant de l'objectif. L'appareil d'atelier
Fig-. 80. — Écran de ciel.
i26 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
représenté fig. 1 (V. p. 17) porte, à sa partie antérieure (partiel-
lement masquée par Tavant-corps), un cadre destiné à recevoir des
planchettes évidées pour les portraits-vignettes.
Pour compenser les différences d'actinisme, les plaques ortho-
chromatiques dont la couche n'est pas colorée en jaune exigent
presque toujours l'interposition d'un écran de même couleur. Le
meilleur moyen de réaliser une compensation parfaite est d'em-
ployer l'écran liquide qui a pté décrit au chapitre f>rpcédent; mais
cette solution n'est pas pratique en excursion, et- la plupart des
photographes préfèrent se servir d'un écran en verre coloré. Un
verre quelconque ne suffit pas, car, si les surfaces n'en sont pas
exactement planes et parallèles, le meilleur obj^-ctif ne donnera
plus que des images déformées. Il faut utiliser des verres spéciaux,
optiquement dressés. Ce sont généralement des verres blancs sur
lesquels a été coulée une couche de gélatine colorée. Les colorants
employés à cet effet (tartrazine, jaune naphtol, etc.) sont, pour la
plupart, assez fugaces à la lumière; aussi convient-il de conserver
les écrans dans une boîte, jusqu'au moment de la pose. On fabri-
que cependant, depuis quelque temps, des verres colorés dans la
masse et dont la teinte offre toutes les garanties désirables de
stabilité.
Les écrans jaunes prolongent naturellement la durée de l'expo-
sition. Leur coloration est plus ou moins intense, suivant l'effet à
obtenir. Aussi les constructeurs y inscrivent-ils un chiffre indiquant
dans quelle proportion doit être prolongée la pose. Le temps nor-
mal d'exposition étant déterminé, soit à l'aide du calcul basé sur
les indications des tables A, B et G (p. 117 et 118), soit à l'aide
d'un photomètre, on le multipliera par le facteur numérique ins-
crit sur l'écran jaune.
Lumière artificielle. — Il a été déjà fait une brève allusion à
la lumière artificielle utilisée dans l'atelier. Mais là ne se limitent
pas fes appUcations : les reproductions d'intérieurs, la photogra-
phie au théâtre, dans les grottes, les souterrains, les mines, en
exigent l'emploi, et il n'est pas jusqu'aux fonds sous-marins qui
n'aient été explorés par la plaque sensible, grâce à son concours.
Dans les industries photomécaniques, les reproductions sont
généralement exécutées à la lumière électrique, qui possède sur
L'EXPOSITION 127
le magnésium l'avantage de la continuité joint au silence et à Tab-
sence de fumée. L'arc voltaïque, surtout en vase clos, donne un
éclairage très aclinique et économique. Depuis quelques années,
on utilise aussi la lampe à mercure, de Gooper-Hewitt, dont la
lumière blafarde, assez désagréable à la vue, est pourtant très
riche en rayons chimiques et se prête on ne peut mieux aux opé-
rations photographiques.
Dans les applications qui exigent des appareils portatifs, on n'a
presque jamais recours à la lumière électrique, et c'est le magné-
sium ou l'aluminium en poudre qui sont généralement employés,
seuls ou combinés avec des substances comburantes (salpêtre,
chlorate de potasse, bioxyde de manganèse, etc.).
Les métaux pulvérisés seuls brûlent moins vite dans l'air que
lorsqu'ils sont mélangés à des sels qui leur cèdent l'oxygène
nécessaire à leur combustion, mais ils fournissent plus de lumière,
parce qu'il n'y a pas de solide à échauffer et qu'il se dégage moins
de fumée. Le meilleur rendement est obtenu en allumant le métal
seul dans l'oxygène pur ou dans le jet oxhydrique; mais la com-
plication de l'installation fait presque toujours renoncer à cette
combinaison, malgré ses avantages.
Lorsqu'on fait brûlerie magnésium ou l'aluminium à l'air libre,
la poudre métallique est projetée sur une flamme à alcool ou sur
un petit brasier, soit à l'aide d'une longue cuiller, soit à l'aide
d'un dispositif pneumatique qui permet de faire jaillir l'éclair à
distance. Dans ce dernier cas, la pression d'une poire de caout-
chouc chasse à l'extérieur une certaine quantité de poudre métal-
lique, qui s'enflamme au contact d'une lampe allumée.
Quant aux mélanges de poudres métalliques et de substances
comburantes, ils sont généralement enfermés dans de petites car-
touches que l'on enflamme à distance, soit au moyen d'une mèche
nitrée, soit par une étincelle électrique, ou encore par l'inLermé-
diaire d'un déchc mécanique et d'une capsule de fulminate.
Les mélanges qui contiennent du salpêtre ou du chlorate de
potasse sont des explosifs, qu'il ne faut manipuler qu'avec les
plus grandes précautions. Le permanganate de potasse n'offre
presque aucun danger. Eder indique le mélange suivant comme
permettant de travailler en toute sécurité :
128 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Permanganate de potasse pulvérisé 3 parties.
Poudre de magnésium ; ,4 —
MM. Lumière et Seyewetz ont combiné, en 1910, une poudre à
la fois très photogénique et peu dangereuse. Le comburant em-
ployé est le perchlorate de potasse, qui, malgré son pouvoir oxy-
dant très énergique, n'offre pas les dangers du chlorate, dont les
explosions spontanées ont été la cause de fréquents accidents.
Les mélanges de perchlorate de potasse et de magnésium ou
d'aluminium résistent aux chocs, qui, avec le chlorate, détermi-
nent de violentes détonations. Cette stabilité peririet d'utiliser en
toutes circonstances les poudres au perchlorate. On obtient une
poudre douée d'un très grand pouvoir actinique et brûlant très
rapidement, en mélangeant avec soin :
Magnésium en poudre tamisé au tamis 120 2 parties.
Perchlorate de potasse pulvérisé et tamisé de même. 1 —
On peut remplacer le magnésium par Taluminium, mais ce der-
nier métal ne s'enflamme facilement que s'il est réduit en poudre
d'une extrême finesse et telle que le métal adhère aux vases qui
le renferment, en formant une couche brillante. Ces poudres au
perchlorate conviennent à la photographie des couleurs instan-
tanée sur plaques autochromes : nous y reviendrons au livre IV.
L'inconvénient le plus grave de l'éclairage par combustion de
métaux est la fumée abondante que dégage chaque éclair. Un
grand nombre de combinaisons ont été essayées, mais, s'il existe
des poudres qui produisent moins de fumée que d'autres, il n'y
a point, jusqu'à présent, pour la photographie, de poudre sans
fumée. Le mélange qui en produirait le moins semble être celui-ci:
Bioxyde de manganèse 10 gr.
Magnésium en poudre 10 —
Le magnésium doit être réduit en poudre très fine, et le bioxyde
de manganèse, également en poudre impalpable, ne garder aucune
trace d'humidité. Mais si ce mélange produit moins de fumée que
les précédents, la combustion en est plus lente, et l'éclat moins
brillant.
Toutefois, s'il n'est pas possible d'empêcher la fumée de se pro-
duire, on peut du moins l'empêcher de se répandre. On y parvient
L'EXPOSITION 129
àTaide des capteurs de fumée. Dans les ateliers, la difficulté a été
facilement surmontée, comme on l'a vu dans le chapitre IV, par
l'emploi d'une cage vitrée communiquant avec l'extérieur par
un tuyau qui laisse échapper la fumée. Dan les installations por-
tatives, il est souvent impossible de canaliser ainsi la fumée jus-
qu'au dehors. On fait alors jaillir la lumière dans des boîtes pliantes
d'où la fumée ne peut s'échapper. Nous citerons, dans cet ordre
d'idées, l'appareil Idéal, de M. d'Osmond. Le capteur de fumée se
compose d'une enveloppe maintenue par des arceaux et rappelant
la forme de certaines lanternes vénitiennes, connues sous le nom
de ballons, ou encore une double capote de cabriolet. Repliée, cette
double capote laisse parfaitement dégagée la charge de magné-
sium placée en dessous; au moment où jaillit la lumière, aucun
obstacle n'en diminue l'éclat. Mais, aussitôt que s'est produit l'é-
clair, la capote se ferme automatiquement d'un mouvement brus-
que et emprisonne la fumée. On n'a plus alors qu'à décrocher le
ballon de son support et à l'emporter au dehors, où on l'ouvre
pour laisser échapper la fumée.
Quel que soit le système adopté, il est rare qu'on n'éclaire le
sujet que par un seul foyer : les images obtenues dans de sem-
blables conditions se montreraient trop dures, les contrastes en
seraient exagérés, et les demi-teintes manqueraient. Aussi dispose-
t-on d'ordinaire plusieurs sources de lumière, combinées de ma-
nière à produire un éclairage plus doux. Si toutes les sources de
lumière se trouvent du même côté du modèle, on donnera un
léger éclairage au côté opposé, à l'aide d'écrans blancs qui réflé-
chiront la lumière en la diffusant. Si l'on répartit les sources
lumineuses de chaque côté du sujet, il faudra éviter qu'elles s'y
trouvent en nombre égal à droite et à gauche, car on tomberait
alors dans le défaut contraire, et réclairage serait trop plat. On
disposera, par exemple, trois lampes à droite et une seule à gau-
che, ou vice versa.
Le nombre des foyers, la quantité de poudre à brûler, dépen-
dent évidemment de l'étendue de la scène à reproduire et, s'il s'a-
git d'un intérieur, de la cotileur des parois. Pour un portrait, la
j lumière bien diffusée d'une seule lampe pourra suffire, tandis que
pour une vaste nef, un hall, un jardin, il en faudra une dizaine
130 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
et même bien davantage. IL est impossible de préciser la quantité
de poudre à brûler, car elle dépend non seulement de la composi-
tion du mélange employé, mais aussi des dimensions de la pièce
et du pouvoir réfléchissant des murs, du plafond et des objets
environnants. Cependant nous pouvons indiquer, à titre d'exem-
ple, que pour un portrait sur plaque rapide avec un objectif dia-
phragmé à //5, il faudra environ J/2 gramme de poudre Lumière
au perchlorate. Pour un groupe de 4 ou 5 personnes, il en fau-
drait 1 à 2 grammes.
Les scènes photographiées la nuit (rues, salles de spectacle ou
de bal) comportent généralement des foyers lumineux (réverbères,
candélabres, girandoles, lampions, etc.) qui seront visibles sur la
photocopie et qui détermineraient un halo, si l'on faisait usage
de plaques ordinaires. On aura donc soin, en pareil cas, de n'em-
ployer que des plaques anti-halo.
Parfois, la lumière artificielle est combinée avec la lumière du
jour, et certains artistes ont produit de la sorte des œuvres très
remarquées. C'est ainsi qu'il est possible d'obtenir de beaux por-
traits dans une chambre ordinaire. Le modèle étant éclairé de face
par la fenêtre, si l'appareil est placé entre le modèle et la fenêtre,
on n'aura qu'une image sans relief. Mais, si l'on dispose, à droite
ou à gauche du modèle, un peu plus haut que sa tête, une lampe
à magnésium, cet éclairage supplémentaire convenablement dosé
donnera au modelé tout le relief nécessaire. Les contrastes seront
très accusés si la pose est très réduite, parce que l'éclairage laté-
ral sera alors prépondérant; si, au contraire, la pose est prolongée
et la charge de magnésium réduite, alors c'est l'éclairage de face
qui fournira l'efl'et prédominant, et les contrastes seront adoucis.
C'est également en combinant la lumière diurne avec l'éclair
magnésique que l'on réalise les efî'ets de lampe ou de foyer. La
source de lumière artificielle est dissimulée, soit sous l'abat-jour
d'une lampe à pétrole, soit à l'intérieur d'une cheminée, à la place
qu'y occupe d'ordinaire le combustible. L'éclair est allumé à l'aide
d'une transmission pneumatique ou électrique, le tube de caout-
chouc ou les fils conducteurs étant soigneusement dissimulés, de
manière à demeurer invisibles sur l'épreuve. Le sujet semble ainsi
éclairé par la lampe ou par le feu que l'on suppose allumé dans la
L'EXPOSITION 131
cheminée, et, en même temps, réclairage de face venu de la fenêtre
atténue les contrastes, qui seraient trop heurtés si la scène n'était
éclairée que par la combustion du magnésium.
OUVRAGES A CONSULTER
Agle, Manuel pratique de photographie instantanée, £« tirage, Paris (Gauthier-
Villars), 1891.
H. BouRSAULT, Calcul du temps de pose en photographie, Paris (Gauthier- Villars)^
1896.
G. DE Chapel d'Espinassous, Traité pratique de la détermination du temps de
pose, Paris (Gauthier-Villars), 1890.
A. Clément, Méthode pratique pour déterminer exactement le temps de pose,
Paris (Gaiilhier-Villars), 1889.
F. DiLLAYE, Principes et Pratique d'art en photographie. Le paysage, Paris (Gau-
thier-Villars), 1899.
Fleury-IIermagis et Rossignol, Traité des excursions photographiques , Paris
(Rougieret Gie), 1889.
H. FouRTiER, le^s Lumières artificielles en photographie, Paris (Gauthier-Villars),
1895.
A. de la Baume Pluvinei., le Temps de pose, Paris (Gauthier-Villars), 1890.
A. Londe, la Photographie instantanée théorique et pratique, 3** édilion, Pari»
(Gauthier-Villars), 1897.
A. Londe, la Photographie à l'éclair magnésique, Paris (Gauthier-Villars), i905>
A. Londe, la Photographie à la lumière artificielle, Paris (0. Doin et tilsj, 1914.
Marco Mknuoza, la Photographie la nuit, Paris (Gauthier-Villars), 1893.
A. Mazel, la Photographie artistique en montagne, Paris (Gh. Mendel), 1902.
A.-PiERRE Petlt, la Photographie simplifiée et la Lumière artificielle, Paris
(Gauthier-Villars), 1903.
C. PuYO, Sotes sur la photographie artistique, Paris (Gauthier-Villars), 1896.
Ris-Paquot, Manuel pratique de photographie à la lumière artificielle, Paris
(Ch. Mendel), 1904.
H'.-P. RoBiNSON, la Photographie enplein air, 2 vol. (3« édition), Paris (Gauthier-
Villars), 1899.
H.-P. RoBiNSON, les Eléments d'une photographie artistique, Paris (Gauthier-
Villars), 1898.
L. Vidal, Calcul des temps de pose et Tables photométriques, 2^ édition, Paris
(Gauthier-Villars), 1884.
Vogel, la Photographie des objets colorés avec leurs valeurs réelles, Paris (Gau-
thier-Villars), 1887.
132 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE VU
LE DÉVELOPPEMENT
Image latente. — Les sels d'argent qui n'ont été exposés à la
lumière que pendant très peu de temps ne se distinguent pas, à
première vue, de ceux qui ont été conservés dans l'obscurité. Ainsi,
une plaque au gélatinobromure impressionnée dans la chambre
noire ne diffère apparemment en rien de ce qu'elle était aupara-
vant. On n'y remarque aucune trace d'image, et cependant il est
facile de la faire apparaître, à l'aide de divers réactifs.
On appelle image latente l'impression invisible déterminée par la
lumière; révélateurs, les réactifs employés pour la rendre visible;
et développement, l'opération par laquelle l'image est révélée. Cette
image esi négative : les ombres du modèle n'ayant pas impressionné
Témutsion lui laissent son aspect primitif, tandis que les parties
correspondant aux blancs se trouvent noircies par le révélateur.
Le développement achevé, l'image est fixée dans une solution d'hy-
posulfite de soude, qui dissout le bromure d'argent que le révéla-
teur n'a pas décomposé. Les noirs du sujet se trouvent ainsi repré-
sentés par la gélatine transparente, tandis que les gris et les blancs
sont traduits par l'argent réduit à l'état métallique, d'autant plus
opaque que l'impression lumineuse a été plus intense.
, La nature de l'image latente a soulevé des controverses qui
durent encore et suggéré des hypothèses qu'il n'a pas été possible,
jusqu'ici, d'étayer sur des bases inébranlables. Quelle est, au juste,
la modification que subit le bromure d'argent rapidement exposé
à la lumière? Pour les uns, c'est une action chimique, tandis que
les autres y voient une action physique.
Les partisans de la théorie chimique supposent que l'action lumi-
neuse réduit partiellement le bromure d'argent et le transforme en
un sous-bromure très instable, facilement décomJ)Osé par les rêvé*
LE DÉVELOPPEMENT 133
lateurs, qui sont des substances réductrices. Ces corps se combi.
nent avec le brome, et l'argent est précipité à l'état métallique.
Cette hypothèse est fondée sur les faits suivants :
1° L'action prolongée de la lumière suffît pour réduire complè-
• tement les sels d'argent; c'est du çeste sur cette propriété qu'est
fondé le tirage dfes épreuves sur papier à noircissement direct. Il
est dès lors légitime d'admettre que le sel d'argent exposé à la
lumière pendant un temps très court sera légèrement décomposé,
trop peu sans doute pour qu'il nous soit possible d'y découvrir un
changement d'aspect, mais assez cependant pour que cette faible
réaction amorce une réaction plus complète.
2° Si l'on dissout dans l'hyposulfite de soude le bromure d'ar-
gent d'une plaque exposée dans la chambre noire et non dévelop-
pée, cette plaque devient en4;ièrement transparente et n'accuse pas
la moindre trace d'image. Cette image existe, néanmoins, et Ton
peut la faire apparaître, en la traitant par une solution d'acide
gallique additionnée de nitrate d'argent. On en conclut que la
lumière a décomposé une petite quantité de bromure d'argent, soit
à l'état de sous-bromure, soit même à l'état.d'argent métallique. Ce
produit delà décomposition, insoluble dans l'hyposulfite, est resté
dans la couche de gélatine, et, quoiqu'il y soit en trop faible quan-
tité pour y être aperçu, il constitue des points d'attraction pour
les molécules d'argent mises en liberté par l'action réductrice de
l'acide gallique sur le nitrate d'argent
A ces arguments, les partisans de l'action physique objectent :
1** Si l'action de la lumière sur le bromure d'argent était une
action chimique, elle serait proportionnelle à sa durée, ou du
moins serait d'autant plus complète qu'elle se serait exercée plus
longtemps. Or, il n'en est rien : en prolongeant la pose au delà
d'une certaine limite, on obtient des images ternes, grises, voilées,
solarisées, et, si la surexposition est excessive, l'image finit par se
renverser, les noirs se substituant aux blancs, et réciproquement.
On arrive même à tirer parti de ce phénomène d'inversion pour
obtenir des contretypes directs, c'est-à-dire pour avoir une image
positive sans passer par l'interme'diaire d'un cliché négatif.
2° La Lumière n'est pas le seul agent susceptible de provoquer
une impression latente. Les corps radio-actifs et les émanations
8
134 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
qui se dégagent de certaines substances exercent une action de
même nature. C'est ainsi qu'une plaque peut être mise hors d'usage
pour avoir séjourné dans un châssis fermé par un volet en zinc ou
même en bois fraîchement enduit d'un vernis à base de térében-
thine. Encore ces phénomènes ne seraient-ils pas absolument
décisifs, puisqu'ils n'excluent pas toute action chimique, mais il
y a plus. Le simple contact des doigts sur une émulsion sensible
et même la pression d'un corps absolument inactif, comme une
baguette de verre, suffisent pour déterminer des réductions locales,
invisibles avant le développement, mais révélées de la même façon
que l'impression lumineuse. Les bandes de papier plissé qui sépa-
rent les plaques empaquetées ensemble laissent, de même, des
traces assez fréquentes de leur contact avec l'émulsion. C'est pour-
quoi il est recommandé de manipuler*avec les plus grandes pré-
cautions les papiers au gélatinobromure : la moindre éraillure, le
plus léger frottement, se trouvent accusés, au développement, par
des traits noirs. L'action de la lumière pourrait donc avoir égale-
ment pour effet de provoquer un ébranlement moléculaire : le
bromure ne serait pas décomposé, mais se trouverait dans un état
instable qui faciliterait sa décomposition par les révélateurs.
3° M. Dewar et les frères Lumière ont vérifié que la plaque pho-
tographique reste susceptible de s'impressionner à des tempéra-
tures extrêmement basses ( — 252°), voisines du zéro absolu, tandis
que les affinités du fluor, considérées comme les plus puissantes, ne
se manifestent déjà plus à — 180°. On est ainsi amené à admettre
que la formation de l'image latente dérive d'une action physique
ou intra-atomique, comme c'est le cas de la radio-activité ou de la
fluorescence, dont les manifestations sont indépendantes des con-
ditions de température.
D'autres expériences, qu'il serait trop long d'énumérer, sont
encore citées h l'appui ou à rencontre de chacune des théories.
Ce qu'il semble logique d'en conclure, c'est que l'action exercée par
la lumière sur les sels d'argent est complexe. Les nombreuses
recherches effectuées dans cette voie par le D"" Luppo Cramer ten-
draient à établir qu'une exposition très courte aurait surtout pour
effet de modifier la structure moléculaire du composé sensible,
mais que si l'action lumineuse est suffisamment prolongée, il se
LE DEVELOPPEMENT 135
produit des modifications chimiques, d'ailleurs variables suivant
la' nature de Fémulsion (gélatine ou coUodion) et suivant son
degré de maturalion.
Destruction de l'image latente. — L'impression lumineuse qu'a
subie le bromure d'argent peut être détruite à l'aide des bains oxy-
dants. Cette propriété permet d'utiliser les plaques voilées, c'est-à-
dire exposées accidentellement à la lumière, et qui seraient perdues
s'il n'était pas possible d'en effacer la réduction latente.
Les plaques revivifiées à l'aide des bains suivants sont beaucoup
plus lentes qu'auparavant et ne se conservent pas très longtemps.
A. Eau 1.000 ce.
Bichromate de potasse 30 gr.
Bromure de potassium 15 —
B. Eau 1.000 ce.
Ammoniaque 50 gr.
Nitrate d'ammoniaque 50 —
Bromure de potassium 25 —
La plaque est d'abord laissée pendant 5 minutes dans la solution
A, puis lavée abondamment et immergée dans la solution B, d'où
on ne la retire qu'au bout d'une demi-heure. On lave à nouveau, et
on fait sécher dans l'obscurité.
On peut aussi utiliser la formule suivante, qui est plus simple et
permet d'obtenir des images à contrastes brillants :
Acide chromique 5 gr.
Bromure de potassium 10 —
Eau 1 .000 ce.
La plaque est immergée dans cette solution pendant 5 minutes,
lavée à l'eau courante et séchée aussi rapidement que possible, à
l'abri de la lumière.
M. L. Tranchant est arrivé à rendre aux émulsions voilées leur
rapidité primitive, en les traitant par une solution d'urée. La
plaque est d abord plongée dans le bain régénérateur, qui détruit
l'action de la lumière :
Eau 100 ce.
Bromure de potassium 3 gr.
Acide sulfurique i —
Après 3 minutes d'immersion, dans l'obscurité, on la lave dans
8 eaux au moins, et on la passe dans :
136 TRAITE GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
Eau 100 ce.
Urée 1 gr.
On l'y laisse 5 minutes, on Fégoutte sans la laver, et on la fait
sécher lentement dans une boîte où s'accomplira la maturation.
Généralités sur le développement. — Avant de décrire les mé-
thodes proposées pour effectuer Topération du développement, il
est nécessaire de faire connaître les principales propriétés des
révélateurs. Un grand nombre de substances sont susceptibles de
révéler Timage latente, et on peut les doser de bien des manières.
Aussi les formules de bains de développement sont-elles extrême-
ment nombreuses. Les citer toutes serait impossible et n'aurait
d'ailleurs d'autre résultat que de rendre confuses les notions qu'il
s'agit au contraire de clarifier. Nous n'indiquerons donc que les for-
mules les mieux étudiées et dont les résultats sont les plus sûrs.
Quel que soit le révélateur employé, l'opérateur devra observer
quelques préceptes essentiels. La plaque ou la pellicule extraite du
châssis est d'abord époussetée au blaireau, car les poussières dépo-
sées sur l'émulsion, même après la pose, pourraient occasionner
des points transparents. 11 faudra la préserver soigneusement de
la lumière, même de celle que fournit la lanterne à verres rouges
ou verts, car les émulsions actuelles sont extrêmement sensibles
tant qu'elles sont sèches. Une fois bien imbibées par le révélateur,
leur sensibilité sera très diminuée. Néanmoins il sera prudent de
couvrir la cuvette d'une planchette ou d'un carton.
La plaque est immergée dans le révélateur, la gélatine en dessus.
Pour que l'action du bain soit régulière, il est nécessaire d'agiter
la cuvette pendant le développement. Si le liquide restait immobile,
on remarquerait sur la couche soit des dépôts pulvérulents, soit
des stries et des marbrures qui risqueraient de compromettre le
cliché. Un léger mouvement communiqué à la cuvette suffît ample-
ment pour éviter ces précipités, et, comme on emploie générale-
ment des bains assez concentrés, à l'aide desquels le développe-
ment est achevé au bout de 5 ou 6 minutes, le balancement de la
cuvette n'offre aucun inconvénient.
Les révélateurs doivent être employés, autant que possible, à la
température de 16° à 18° environ. Plus froid, le bain n'est pas assez
actif, son action est lente et conduit à des images ternes et dépour-
LE DÉVELOPPEMENT \2^
vues d'intensité. Plus chaud, il développe rapidement, mais risque
de voiler le négatif et d'occasionner le décollement de la gélatine.
Cependant le décollement sera évité si Ton prend la précaution de
paSî^er tout autour de la plaque, avant de Timmerger, un corps
gras quelconque, un morcau de chandelle par exemple, appliqué
sur les bords de la couche de manière à y dessiner un liséré imper-
méable à l'eau.
Sil n'est pas possible, pendant Tété, de refroidir le révélateur
au-dessous de 25°, on pourra durcir au préalable la couche de
gélatine dans une solution à 5 p. 100 d'alun de chrome.
Certains révélateurs tachent les doigts, d'autres provoquent, à
la longue, un eczéma assez douloureux. Les taches s'enlèvent faci-
lement par des lavages à l'acide chlorhydrique dilué. Quant à
l'eczéma, on le guérit par l'application d'une des trois pommades
suivantes :
I. Tnrbilh minéral (sous-sulfate de mercure) 1 gr.
Prcci,)ité blanc (prolocblorure de mercure) 1 —
Bioxyde jaune mercurique 0,5 —
Vaseline pure 60 —
II. Lanoline 10 —
Ichtyol 5 —
Vaseline blancbe 15 —
Acide borique 20 —
III. Lamline.... 40 —
Acide pbénique 1 —
Oxyde de plomb 2,5 —
Azotate de mercure 2 —
On chauffe doucement et on mélange avec une spatule en boia.
Les doigts enduits de l'une de ces pommades sont recouverts d'un
gant pendant la nuit.
Ces remèdes sont assez efficaces, mais il est préférable d'éviter
d'en avoir besoin, en employant des moyens préventifs bien sim-
ples. On n'a qu'à faire usage de doigtiers en caoutchouc, qui per-
mettent de manipuler les plaques sans que la peau soit en contact
avec le révélateur. Pour soulever plus facilement la plaque, on se
sert de crochets en corne qui s'adaptent à l'index. On peut aussi
teo^r le cliché à l'aide de pinces (fig. 81) qui dispensent d'employer
138
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGR/PRIE
Cl. Demaria-Lapierre.
Fig. 81. — Pince à clichés
le doigtier ou le gant de caoutchouc. Enfin, le plus simple est de
s'en tenir aux révélateurs qui n'occasion-
nent ni taches ni accidents cutanés : le
paramidophénol, par exemple.
Les pellicules en longues bandes peu-
vent, à la rigueur, être plongées dans des
cuvettes ordinaires contenant une quantité
suffisante de bain révélateur, mais il est
plus commode d'avoir recours à un réci-
pient spécial à fond demi-cylindrique sur
lequel repose un rouleau en cristal. Ce
rouleau est d'abord placé sur la bande
pelliculaire, dont on tient les deux extré-
mités à l'aide de pinces, puis le tout est
plongé dans la cuvette à demi remplie de
révélateur. En faisant monter et descendre
alternativement chacune des deux extrémités de la bande, toute
la surface impressionnée se trouve successivement soumise à
l'action du révélateur.
Une disposition différente est adoptée pour le développement des
films de cinématographe. Comme il s'agit dans ce cas de bandes
de très grande longueur, on les enroule en spires parallèles juxta-
posées sur de grands cylindres que l'on fait tourner au-dessus
d'une longue cuvette demi-cylindrique.
Composition et caractères des principaux révélateurs. — Les
substances révélatrices n'agissent pas seules : le révélateur à Thy-
droquinone, par exemple^ ne contient pas que de rh5^droquinone.
Le développement exige la présence de certains' adjuvants, soit
pour accélérer l'action réductrice, soit pour la modérer, soit pour
empêcher la coloration de la gélatine. De là la complexité de la
plupart des formules de révélateurs et la nécessité d'en modifier
la composition suivant les circonstances. Les paragraphes suivants
ont pour objet de faire connaître le mode de préparation des prin-
cipaux révélateurs, ainsi que leurs avantages et inconvénients
respectifs.
Révélateur à l'adurol. — La formule normale, applicable à un
phototype exactement posé, est :
LE DÉVELOPPEMENT 139
Eau 1.000 ce.
Adurol 10 gr.
Sulfite de soude anhydre 30 —
Carbonate de soude 80 —
Bromure de potassium 1 —
En cas de sous-exposition, on augmentera légèrement la quan-
tité de carbonate; le développement sera alors accéléré, et le cliché
moins heurté, mais il faut éviter l'excès de sel alcalin, qui risque-
rait de voiler l'image. Si la pose a été trop longue, on ajoutera un
peu de bromure. Ce sel ralentit le développement, augmente les
oppositions et permet de corriger les excès de pose même consi-
dérables.
Ce révélateur se conserve pendant quelque temps en flacon bien
bouché et se colore peu, ne dépassant pas la teinte jaune pâle. Il
ne tache pas les doigts et ne colore pas la gélatine. Il fournit des
clichés vigoureux, dans un temps assez court, avec peu de ten-
dance au voile. L'image est d'une bonne nuance noire, avec une
gamme très régulière»de tons. Il convient également bien au por-
trait, au paysage et à la reproduction du trait. Le même bain peut
servir pour plusieurs plaques, mais alors son énergie s'affaiblit,
et le développement s'effectue plus lentement.
Révélateur à l'amidol ou diamidophénol. — Formule normale *
Eau 1.000 ce.
Sulfite de soude anhydre 30 gr.
Diamidophénol (chlorhydrate) 5 —
Cette solution ne se conservant que peu de temps, il ne faut la *
préparer qu'au moment de l'emploi. Si, au cours du développe-
mentj, on s'aperçoit que le cliché manque de pose, on ajoute au
bain normal une solution concentrée de sulfite de soude, sans
cependant dépasser le double de la quantité indiquée ci-dessus.
Si, au contraire, on reconnaît qu'il y a eu excès de pose, on étend
rapidement le bain de son volume d'eau et on y ajoute du diami-
dophénol, sans dépasser le triple de la dose normale ^ 11 convient
1. On peut également corriger l'excès de pose par addition de bromure de
potassium ou de bisulfite de soude. Cette dernière combinaison constitue le révé-
lateur au diamidophénol en liqueuj-' acide, dont les avantages ont été très exagé-
rés par divers auteurs, mais qui fournit néanmoins des clichés brillants et bien
mo lek's.
140 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
toutefois de remarquer que ce révélateur agit trop rapidement
pour permettre la correction des erreurs de pose à ceux qui ne
sont pas très familiarisés avec son emploi. Son principal avantage
est de développer sans le secours d'aucune substance alcaline
caustique susceptible d'abîmer la gélatine. Il est d'une préparation
et d'un maniement très simples et fournit des clicliés très harmo-
nieux, remarquablement fouillés, d'un gris noir à grain très fin,
pur et brillant.
La solution peut être conservée pendant quelques jours, dans
des flacons pleins, bien bouchés et à l'abri de l'humidité. Malgré
ces précautions, elle ne tarde guère à s'altérer : le bain brunit et
perd son activité.
Le révélateur au diamidophénol ne colore pas la gélatine, mais
les doigts et surtout les ongles de l'opérateur finissent, à la suite
d'une longue manipulation, par prendre une teinte rose ou, par-
fois, jaune-brun. On fera facilement disparaître cette coloration,
en plongeant, le plus tôt possible après l'emploi du révélateur,
les doigts tachés dans une solution d'hypochlorite de chaux ou de
potasse (chlorure de chaux ou eau de Javel). On évitera d'ailleurs
ces taches si l'on prend les précautions indiquées p. 137 (doigtier
de caoutchouc, crochet, pinces, etc.).
Révélateur au crésophénol. — Faire dissoudre, dans Tordre
indiqué :
Eau bouillie, quantité suffisante pour faire. ... 1 litre.
Crésophénol 10 gr.
Sulfite de soude anhydre 50 —
Carbonate de soude anhydre 50 —
• Solution de bromure de potassium à 10 p. 100. 2 à 3 ce. *
Si les plaques ont une tendance à. donner des images dures,
on ajoutera 5 gr. de lithine caustique, et l'on doublera la quantité
d'eau.
Ce révélateur, indiqué par M. Bouillaud, convient tout particu-
lièrement aux portraits exécutés à la lumière artificielle. Il donne
des négatifs brillants, bien fouillés, sans empâtement et de grain
très fin.
La correction des écarts de pose s'obtient facilement en modi-
fiant la formule normale : en cas de surexposition, on diminuera
LE DÉVELOPPEMENT 141
la dose de carbonate; on l'augmentera dans le cas contraire. La
sous-exposition sera également corrigée en ajoutant du crésophé-
nol ou en diminuant la quantité de bromure.
Révélateur à la diamidorésorcine. — Formule normale :
Eau 1.000 ce.
Sulfite de soude anhydre 30 gr.
Diamidorésorcine 10 —
Cette solution ne doit être préparée qu'au moment de l'emploi,
car elle perd assez rapidement son énergie.
Les propriétés de ce révélateur sont k peu près les mêmes que
celles du diamidophénol. Cependant la diamidorésorcine a l'avan-
tage d'être sensible à l'action du bromure de potassium, qui
retcirde la venue de l'image et permet ainsi de corriger facilement
la surexposition. Quand le phototype apparaît trop rapidement et
se montre voilé, on n'a qu'à ajouter au bain quelques gouttes
d'une solution de bromure de potassium à 10 p. 100. Si, au con-
traire, on s'aperçoit que le cliché est sous-exposé, on'ajoutera du
sulfite de soude, sans toutefois dépasser le double de la dose nor-
male.
Ce révélateur tache les mains, mais ne colore pas la gélatine.
Les taches seront enlevées de la même manière que celles qu'oc-
casionne le diamidophénol.
Révélateur à l'édinol. — Formule normale :
Eau 1.000 ce.
Edinol - 10 gr.
Sulfite de soude anhydre ■. . 40 —
Phosphate tribasique de soude 60 —
Ces proportions peuvent être modifiées dans une large mesure,
ce qui donne une grande élasticité à ce révélateur et le rend appli-
cable, aussi bien aux instantanés qu'aux, phototypes surexposés.
Pour accélérer le développement, corriger la sous-exposition ou
atténuer les contrastes du sujet, on augmente la dose de phos-
phate tribasique fqui peut être remplacé par un carbonate alcalin
ou par la soude caustique). Pour ralentir le développement, cor-
riger un excès de pose ou obtenir une image très vigoureuse, on
diminue la quantité de phosphate, ou de l'alcali qui le remplace,
et on augmente la quantité d'édinol.
142 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Ce révélateur n'exerce aucune action nuisible sur la peau.
Révélateur à la glycine. — Préparer séparément :
A. Eau 1.000 ce.
Sulfite de soude anhydre 15 gr.
Glycine 10 —
B. Eau 500 ce.
Carbonate de potasse 100 gr.
Pour un développement normal, on prendra 4 parties de A et
1 partie deB. Pour corriger un excès de pose ou augmenter les
contrastes, on prendra un peu plus de la solution A et un peu
moins de la solution B. On fera l'inverse pour corriger un manque
de pose ou pour adoucir le modelé. Ces modifications permet-
tent d'obtenir à volonté des clichés très vigoureux ou, au contraire,
d'une extrême douceur.
Révélateur à l'hydramine. — Formule normale :
Eau 1.000 ce.
Hydramine 5 gr.
Sulfite de soude anhydre 15 —
Lithine caustique 3 —
On fait dissoudre dans l'eau, d'abord le sulfite et la lithine*,
puis l'hydramine. Le mélange est agité jusqu'à dissolution com-
plète, sans s'inquiéter des flocons légers qui subsistent quand on
ne se sert pas d'eau distillée et qui n'ont aucune influence nuisible
sur les phototypes.
La surexposition est corrigée en ajoutant un peu de bromure
de potassium en solution à 10 p. 100. L'effet modérateur est déjà
sensible lorsqu'on verse l ce. de cette solution dans 100 ce. de
révélateur.
La sous-exposition est corrigée en ajoutant quelques gouttes
d'une solution de lithine caustique à 1 p. 100.
Le révélateur à l'hydramine se conserve bien en solution; son
action énergique à faible dose permet de n'employer qu'une petite
quantité des substances qui le constituent pour préparer un bain
concentré susceptible de développer plusieurs clichés , jusqu'à
épuisement; son action graduelle le rend particulièrement propre
1. Il faut conserver en flacon bien bouché la lithine caustique, qui devient ineffi-
cace en absorbant l'acide carbonique contenu dans l'air.
k
LE DÉVELOPPEMENT 143
au développement des clichés posés et même surexposés, d'autant
plus que sa grande sensibilité aux bromures alcalins permet de
corriger facilement les excès de pose. Il ne colore pas la gélatine
et ne lâche pas les doigts.
MM. Lumière préparent le révélateur à l'hydramine en rempla-
çant le sulfite de soude et la lithine par un produit spécial qu'ils
nomment formosidfite (combinaison de formolène et de sulfite de
soude). La formule normale devient alors :
Eau 1.000 ce.
Formosulfile 70 gr.
Hydraiiiiiie 5 —
Solution de bromure de potassium à 10 p. 100 10 ce.
Révélateur à rhydroquinone. — Formule normale :
Eau 1.000 ce.
Hvdroquinone 10 gr.
Suifile de soude anhydre 40 —
Carbonate de soude anhydre 55 —
L'action de ce bain est retartlée par le bromure de potassium;
elle est accélérée soit en augmentant la dose de caibonate alcalin,
soit en y ajoutant quelques goultes d'essrnce d<i térébenthine.
Le révélateur à Thydroquinone peut servir plusieurs fois, mais
fonctionne de plus en plus lentement. L'image est pure, avec des
blancs bien transparents; sa nuance est d'im brun noir; son grain
manque de finesse, et les contrastes sont facilement exagérés par
la sous-exposition, qui se traduit par des eUets très durs et des
hoirs opaques.
La solution brunit h l'air, mais ne tache pas les doigts.
Révélateur à l'iconogène. — Préparer les deux solutions :
A. Eau 1.0^0 ce.
Sullite de soude 75 gr.
Iconogène 15 —
B. Eau 1.000 ce.
Carbonate de soude 150 gr.
La formule normale comprend 60 parties de A et 5 parties de B.
En cas de surexposition, on diminuera la quantité de B. On l'aug-
mentera, au contraire, en »-as de sous-exposition, sans dépasser le
quadruple de la dose normale.
144 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Le révélateur à l'iconogène fournit des clichés gris-bleu, très
doux, brillants, à grain fin. La solution verdit, à Tair, puis brunit.
Elle tache les doigts en rose.
Révélateur à l'hydroquinone et à l'iconogène. — Les deux ré-
vélateurs précédents ont des propriétés tout opposées : l'hydroqui-
none fournit des images vigoureuses, mais dures, tandis que l'ico-
nogène en fournit de très douces, mais dépourvues de vigueur. Il
était donc naturel de songer à combiner à l'aide de ces deux subs-
tances un révélateur susceptible de donner des clichés à la fois
harmonieux et suffisamment intenses. Ce révélateur combiné e$t
généralement préparé à l'aide de deux solutions :
A. Eau ■ 1;000 ce.
Sulfite de soude. 150 gr.
Iconogène 16 —
Hydroquinoné 4 —
B. Eau 1.000 ce.
Carbonate de potasse 40 gr.
Pour les instantanés, on mélange 3 parties de A avec i partie
de B ; on ajoutera un peu de carbonate pendant le développement, si
on le juge nécessaire. Pour les clichés posés, on augmente la quan-
tité d'eau et on emploie très peu de carbonate.
Révélateur au métol ou génol. — Préparer les deux solutions :
A. Eau 1.000 ce.
Métol ou génol 10 gr.
Sulfite de soude 100 — '^
B. Eau 1.000 ce.
Carbonate de potasse 100 gr.
Le révélateur normal sera composé en mélangeant 3 parties de
A et 1 de B. La dose de carbonate sera augmentée si le cliché
manque de pose, et diminuée s'il est surexposé.
Le métol donne des clichés très fouillés dans les onibres. L'i-
mage apparaît tout à coup dans son entier, et non pas progressive-
ment. Elle est d'abord légère, grise, mais gagne en vigueur pro-
gressivement, et l'on peut développer très à fond sans craindre la
dureté. Le phototype est noir et d'un grain fin. La solution se
conserve bien et ne s'oxyde que lentement. Elle ne tache pas, mais
provoque des accidents cutanés : c'est surtout le métol qui occa-
sionne l'eczéma dont nous avons parlé, ainsi que des inflammations
LE DEVELOPPEMENT 145
assez douloureuses. Ces accidents doivent être évités en touchant
le moins possible le bain révélateur et en manipulant les plaques
à l'aide de pinces ou de crochets. Si on ne peut les éviter, on ap-
pliquera sur les doigts une des pommades indiquées page 137.
Le principal inconvénient du métol est d'agir trop rapidement au
début et de produire un voile superficiel, qui ne nuit pas à l'har-
monie du phototype, mais qui rend difficile le contrôle du dévelop-
pement.
Révélateur à l'hydroquinone et au métol. — Les propriétés du
métol étant, à peu près comme celles de l'iconogène, opposées aux
propriétés de l'hydroquinone, la combinaison de ces deux jévéla-
teurs offre des avantages analogues à ceux du révélateur à l'icono-
gène et à l'hydroquinone. On aura le modelé très harmonieux et
les ombres remarquablement fouillées qui caractérisent le dévelop-
pement au métol joints à la vigueur, à l'intensité propres à l'hydro-
quinone, en mélangeant :
A. Eau 1.000 ce.
Sulfile de soud€ 34 gr.
Métol 11 —
Hydroquinone 14 —
B. Eau 1.000 ce.
Carbonate de potasse 18 gr.
Pour une pose ordinaire, on prendra 1 partie de A et 3 de B;
pour clichés surexposés, 1 partie de A, 2 de B et quelques gouttes
d'une solution de bromure de potassium à 10 p. 100. Pour clichés
sous-exposés, on augmentera la dose de carbonate de potasse.
Révélateur à la métoquinone, — La métoquinone, dont la pré-
paration est due à MM. Lumière, est une combinaison définie de la
base du métol avec l'hydroquinone, et non pas un simple mélange
physique de ces deux substances. Le révélateur à la métoquinone
présente des avantages bien caractérisés. Il peut être utilisé, comme
le diamidophénol, sans addition d'alcali. La formule normale est
alors très simple :
Eau 1.000 ec.
Métoquinone 9 gr.
Sulfite de soude anhydre 67 —
Si le cliché manque de pose, l'énergie du révélateur peut être
9 _
146
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
I
II
III
IV
1.000
1.000
1.000
1.000
9
9
9
9
60
60
60
10
30
60
5
augmentée par addition d'un carbonate alcalin, ou d'un alcali
caustique, ou encore de phosphate tribasique de soude, de formo-
sulfite, d'acétone, sans que l'image risque d'être voilée. Ainsi, les
instantanés pourront être développés dans l'un des bains suivants :
Eau
Métoquinone
Sulfite de soude anhydre
Phosphate tribasique de soude. .
Acétone . '.
Formosulfite
Lithine caustique
La formule IV est celle qui donne le révélateur le plus énergique
Le révélateur à la métoquinone est sensible à l'action retarda-
trice du bromure de potassium. En cas de surexposition, on ajou-
tera donc au bain normal quelques gouttes d'une solution de bro-
mure à 10 p. 100. On obtient ainsi des noirs très vigoureux et des
blancs très purs.
La solution se conserve bien, même en flacons non bouchés,
sans altération appréciable, et ressert plusieurs fois, jusqu'à épui-
sement. Elle ne colore pas la gélatine et ne tache pas les doigts.
Révélateur à l'ortol. — Préparer les deux solutions :
A. Eau 1.000 ce.
Métabisulfite de potassium "7 gr.
Ortol 15 —
B. Eau 1.000 ce.
Carbonate de soude 120 gv.
Bromure de potassium * 1 —
Sulfite de soude 180 —
Solution d'hyposulfite de soude à 5 p. 100 ... 10 ce.
Pour un cliché normalement posé, on prend des parties égales
de A et de B. 4vec 2 parties de A et 1 de B, les clichés sont plus
vigoureux; avec 1 partie de A et 2 de B, ils sont plus doux. On
peut employer comme accélérateur une solution de potasse caus-
tique à 10 p. 100, et comme modérateur, une solution de bromure
de potassium à 10 p. 100.
La facilité avec laquelle ce révélateur se prête aux modifications
le rend très élastique, et, sous ce rapport, on peut le comparer au
LE DÉVELOPPEMENT 147
pyrogallol, sur lequel il a le double avantage de ne pas tacher les
doigts et de n'être pas vénéneux. Il donne des phototypes intenses,
mais sans oppositions heurtées, d'un grain très fin, très fouillés
dans les ombres et d'un noir chaud tirant légèrement sur le brun.
La solution se conserve bien en flacons bouchés. On ne peut lui
reprocher que la complexité de sa composition, qui rend son ma-
niement moins commode que celui du pyrogallol.
Révélateur à l'oxalate ferreux. — Les solutions suivantes se-
ront préparées avec de l'eau distillée, ou, à déf^-ut, avec une eau
peu calcaire : .
A. Eau 1.000 ce.
Oxalate neutre de potasse 300 gr.
B. Eau 1.000 ce.
Sulfate de protoxyde de fer 300 gr.
Acide tartrique . .'. 10 —
G. Eau , 100 ce.
Bromure de potassium 10 gr.
Les solutions A et G se conservent indéfiniment. La solution B
s'altère rapidement dans l'obscurité, par l'oxydation du sulfate fer-
reux qui se transforme en sulfate ferrique; elle se conserve mieux
à la lumière, surtout si le flacon contient un fil de fer ou quelques
clous, ainsi que quelques gouttes d'acide sulfurique. Le mélange des
solutions A et B ne doit être effectué qu'au dernier moment, et la
quantité de solution B ne doit pas dépasser le tiers de la quantité
de solution A. Ainsi, pour développer une plaque 13X18, si l'on
prend 60 ce. de la solution d'oxalate, il ne faudra, sous aucun pré-
texte, y ajouter plus de 20 ce de la solution de sulfate ferreux. Si
l'on dépassait cette dose, on provoquerait la formation d'un pré-
cipité insoluble, qui tacherait l'image. Il est d'ailleurs rarement
nécessaire d'employer le maximum indiqué. Pour une plaque nor-
malement posée, on prend généralement 4 ou 5 parties de A pour
1 partie de B, et l'on ralentit même l'action du révélateur, en y
ajoutant soit quelques gouttes de la solution G, soit une certaine
quantité de bain déjà utilisé pour une précédente opération. Si la
plaque est surexposée, on augmentera naturellement la propor-
tion de bain vieux ou la quantité de bromure. Si, au contraire,
elle est sous-exposée, il sera parfois nécessaire d'employer la plus
148 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
-grande quantité possible de sulfate de fer. On prendra donc 3 par-
ties de A, 1 de B, et Ton supprimera la solution G. Si le bain ainsi
composé manque encore d'énergie, on y ajoutera quelques gouttes
d'une solution d'hyposulfite de soude à 1 p. 1.000, mais avec beau-
coup de précaution, car le moindre excès de cet accélérateur, par-
ticulier au révélateur à Foxalate, provoque un voile intense et des
réductions à reflets métalliques.
Ce révélateur, universellement employé autrefois, est de plus en
iplus abandonné depuis quelques années, bien qu'il fournisse des
images vigoureuses, claires et d'une tonalité noire. Il ne colore
pas la gélatine, mais il produit sur le linge des taches de rouille.
Révélateur au paramidophénol. — Le paramidophénol est em-
ployé soit à l'état de base libre, soit à l'état de chlorhydrate. Dans
le premier cas, la formule type est :
Eau : 1.000 ce.
Sulfite de soude anhydre 150 gr.
Lilhine caustique 8 —
Paramidophénûl (base libre) 20 —
On fait dissoudre dans l'eau d'abord le sulfite de soude, puis la
lithine, et enfin le paramidophénol. On agite jusqu'à dissolution
-complète. Les flocons légers qui se forment quelques instants
après n'ofl'rent aucun inconvénient.
Dans le second cas, la formule normale est :
Eau 1.000 ce.
Chlorhydrate de paramidophénol 5 gr.
Sulfite de soude anhydre 25 —
Carbonate de potasse 25 —
Cette solution est un peu moins active que la première, mais con-
vient néanmoins, comme elle, aux clichés instantanés. Le parami-
I dophénol possède en eff'et une grande énergie développatrice, qu'il
«st d'ailleurs facile de modérer, si c'est nécessaire, en l'addition-
nant d'eau. Ce révélateur est peu sensible aux variations de tem-
pérature. Il donne des images d'on brun jaune, brillantes et d'un
^rain fin. La solution se conserve bien et petit servir à développer
■successivement plusieurs plaques, mais en perdant, bien entendu,
de son activité. Elle ne colore pas la gélatine et ne tache pas les
LE DÉVELOPPEMENT 14»
Révélateur à la paraphénylènediamine. — Formule :
Eau 1.000 gr.
Paraphénylènediamine 10 —
Sulflle de soude anhydre 60 —
Ce révélateur est très lent : une demi-heure est généralement
nécessaire pour que le cliché atteigne Tinlensité voulue. Il ne s'ap-
plique qu'à des phototypes notablement surexposés et n'est uti-
lisé que lorsqu'il s'agit d'obtenir uneimage à grain très fin à l'aide
d'une émulsion dont le grain est relativement grossier. Si le cliché
n'a pas subi un excès de pose, l'image est peu intense et voilée.
L'emploi de ce révélateur est donc très limité; il est surtout indiqué
dans les cas où le cliché est destiné à être agrandi à une très forte
échelle. En prolongeant suffisamment l'exposition, on obtient une
image de tonalité agréable, d'un gris d'acier très doux et très fine-
ment détaillée.
Révélateur à la pyrocatéchine. — Préparer les deux solutions :
A. Eau 1.000 ce.
Sulfite de soude 100 gr.
Pyrocatéchine 25 —
B. Eau 1.000 ce.
Potasse caustique 100 gr.
Pour un cliché normalement posé, on prendra 1 partie de A et 2
de B. En cas de sous-exposition, on augmentera la dose de solu-
tion B; on la diminuera en cas d'excès de pose. L'élasticité de ce
bain permet de corriger de notables écarts de pose. C'est un bon
révélateur surtout pour les instantanés : il développe rapidement,
sans voile, et son action est peu influencée par les variations de la
température. Il donne des clichés très brillants et d'une bonne
nuance, brun foncé, très doux, mais à grain un peu fort. La solu-
tion brunit lentement et ne tache ni les mains ni les plaques.
Révélateur au pyrogallol. — Le pyrogallol ou acide pyrogal-
lique a pu être surnommé le « roi des révélateurs », en raison de
la perfection des images qu'il donne et surtout de son incompa-
rable élasticité, qui le rend applicable aux clichés dont on ignore
totalement le temps de pose. Son inconvénient unique est de s'al-
térer rapidement, en absorbant l'oxygène de l'air et en prenant
' une coloration d'un brun jaune qui se communique à l'émulsion
150 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
et aux doigts de l'opérateur. Cependant, on évite ce défaut en
ajoutant au bain une quantité suffisante de sulfite de soude et en
l'utilisant immédiatement.
L'extrême souplesse de ce révélateur le fait employer suivant un
procédé particulier, qui sera décrit plus loin, et qui consiste essen-
tiellement à composer le bain suivant la venue de l'image. Les
modifications que l'on fait subir de minute en minute à son dosage
rendent difficile l'indication d'une formule normale. Néanmoins,
nous donnons celle du révélateur concentré de MM. Lumière et
Seyewetz :
Eau 1.000 ce.
Sulfite de soude anhydre 20 gr.
Pyrogallol 4 —
Pour l'usage, on prend :
Solution ci-dessus 25 ce.
Eau 75 —
Acétone iO —
Si l'on craint que la plaque ne soit surexposée, on n'ajoutera l'a-
cétone que goutte h goutte.
Ce révélateur, s'oxydant rapidement, ne sert qu'une seule fois.
Il est donc relativement coûteux.
Révélateurs physiques. — Les réactifs dont les formules vien-
nent d'être données sont des révélateurs chimiques : ils décompo-
sent directement le bromure d'argent impressionné, et l'image
est constituée par l'argent primitivement contenu dans le gélatino-
bromure et précipité à l'état métallique par l'action réductrice. Le
développement physique est celui qui s'effectue lorsqu'on met en
présence de la couche sensible un réducteur additionné d'un sel
d'argent soluble. Le révélateur contiendra, par exemple, du pyro-
gallol, de l'acide tartrique et du nitrate d'argent. Le pyrogallol
décompose le nitrate d'argent, et l'argent ainsi précipité se dépose
sur les points de la couche sensible qui ont reçu l'impression
lumineuse, et en quantités d'autant plus fortes que l'impression a
été plus intense. Les points impressionnés constituent donc autant
de centres d'attraction pour le dépôt argentique, et ce phéno-
mène attractif, d'ordre physique, se poursuit régulièrement, car
* LE DÉVELOPPEMENT 151
les particules d'argsnt précipité forment à leur tour des centres
d'attraction, qui renforcent de plus en plus l'image. L'acide tartri-
que sert de modérateur; on peut le remplacer par un autre acide
organique, l'acide citrique par exemple.
Le développement physique était autrefois toujours employé,- à
l'exclusion du développement chimique, pour révéler les image»
au collodion humide, dont la couche conservait un excès de nitrate
d'argent. Aujourd'hui, les révélateurs physiques ne sont utilisés
que dans quelques cas exceptionnels : développement après fixage,
renforcement à l'argent, développement des papiers à noircisse-
ment direct.
Le D'' Liippo Cramer a composé un développateur physique ap-
plicable au gélatinobromure :
Eau 1.000 ce.
Acide citrique 100 gr.
Métol 20 —
Chlorure de sodium .- 0,6 —
Au moment de s'en servir, 80 ce. de cette solution sont mélangés
avec 10 ce. d'une solution de nitrate d'argent à 10 p. 100. Ce révé-
lateur donne de meilleurs résultats avec les émulsions très lentes
qu'avec les émulsions rapides. Il convient, en particulier, aux tra-
vaux photomicrographiques qui exigent des images de contexture
très fine.
Méthodes de développement. — Quel que soit le révélateur
adopté, l'opération du développement peut être conduite de diverses
manières, selon le résultat à atteindre, selon les goûts du photo-
graphe ou les nécessités particulières de son installation. Nous
analyserons donc, dans les derniers paragraphes de ce chapitre :
le développement contrôlé^ le développement rationnel ou méthodi-
que (en particulier le procédé au pyrogallol), le développement
en deux cuvettes, le développement lent, le développement chrono-
métré, le développement à durée fixe, le développement en machine,
le développement en pleine lumière, le développemeyit- fixage et le
développement après fixage. Quant aux manipulations à effectuer
après le développement, pour achever le phototype, elles feront
l'objet du chapitre suivant.
Développement contrôlé. — La plaque immergée dans le rêvé-
152
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
îaleur est examinée à la lueur de l'éclairage inactinique. Au bout
de quelques secondes, l'image commence généralement à se dessi-
ner. Si elle apparaît avec un modelé bien gradué, ni trop terne ni
trop heurté, il n'y a qu'à laisser agir le révélateur et attendre que
le négatif ait acquis l'intensité voulue. Pour bien en juger, quand
tous les détails ont paru, on sort de temps à autre la plaque de la
cuvette et on l'examine par transparence. Le cliché doit être assez
opaque, car il faut tenir compte de la transparence qu'il prendra
pendant le fixage, par suite de la dissolution du bromure d'argent
resté inattaqué. Quand l'intensité nécessaire est atteinte, on lave
la plaque avec soin et on la plonge dans le fixateur, constitué par
une solution d'hyposulfîte de soude à 15 ou 20 p. 100. Si l'image
tarde trop à se révéler, ou si elle apparaît défectueuse, dure, insuf-
fisamment détaillée, ou, au contraire, si elle se montre très rapi-
dement, avec un aspect gris, terne, ou noircie uniformément par
un roile de surexposition, alors il convient de modifier immédia-
tement la composition du révélateur.
Les photographes qui ont à développer dans une seule séance
un grand nombre de clichés font souvent usage de trois cuvettes
contenant l'une un révélateur très énergique, la seconde un révé-
lateur de composition normale, et la troisième un révélateur affaibli.
La plaque est d'abord plongée dans le bain d'activité moyenne :
si elle s'y développe bien, on laisse le phototype s'intensifier; si
l'image y apparaît trop vite, on s'empresse de la retirer et de la
plonger dans le bain faible; si, au contraire, elle ne se développe
pas, ou si les détails dans les ombres font défaut, on la transporte
dans le bain le plus actif. C'est ainsi, par exemple, que le révélateur
au diamidophénol pourra être préparé en trois solutions d'activités
décroissantes :
Eau
Sulfite de soude anhydre.
Diamidophénol
I
II
III
100
100
100
6
3
1,5
0,5
0,5
0,75
Cette combinaison ne convient pas à l'amateur qui n'a qu*un ou
deux clichés à développer dans la même séance. Il vaut mieux, dans
ce cas, modifier le bain contenu dans la cuvette. Si l'on fait usage
d'un révélateur susceptible de se conserver, comme l'hydroqui-
LE DÉVELOPPEMENT 153
none ou le métol, on aura soin de garder en réserve le bain qui a
servi et se trouve naturellement affaibli. Il n'y aura dès lors qu'à
mélanger ce bain partiellement épuisé avec un bain neuf, en pro-
portions variables suivant les circonstances de la pose et l'effet à
obtenir.
Mais, si l'on n'a pas de bain vieux, ou si l'on emploie un révéla-
teur qui ne se conserve pas, comme l'acide pyrogallique, il faudra
nécessairement préparer à chaque séance un bain neuf et en modi-
fier la composition selon les circonstances. A cet effet, il est néces-
saire de connaître le rôle que jouent dans le développement les
divers éléments constitutifs du révélateur dont on fait usage.
Le révélateur au diamidophénol est à peu près insensible à Tac-
tion modératrice des bromures et s'oxyde trop rapidement en pré-
sence des accélérateurs alcalins. On ne peut donc en modifier l'ac-
tivité qu'en changeant les proportions respectives du réducteur et
du sulfite, comme l'indiquent les trois formules ci-dessus.
Si l'on emploie l'oxalate ferreux, la surexposition sera corrigée
à l'aide de quelques gouttes d'une solution de bromure de potas-
sium ou d'ammonium. Les bains déjà utilisés ne resserviront que
s'ils sont de préparation assez récente. L'excès de pose est égale-
ment corrigé en n'ajoutant que très peu de sulfate ferreux à la so-
lution d'oxalate. En cas de sous-exposition, on augmentera la dose
de sulfate, mais en aucun cas elle ne devra dépasser le tiers de la
quantité d'oxalate. C'est là un maximum, au delà duquel l'oxalate
ferreux formé par la combinaison du sulfate ferreux et de l'oxalate
de potasse ne se dissout plus dans l'excès d'oxalate de potasse et
dépose sur la plaque un précipité pulvérulent jaune-rouge. Si cette
quantité de sulfate ne suffit pas à révéler tous les détails, on pourra
suractiver le développateur en y ajoutant peu à peu quelques gouttes
d'une solution d'hyposulfîte de soude à 1 p. 1000. Il faut être très
prudent dans l'emploi de cet accélérateur, dont le moindre excès
occasionne un voile à reflets métalliques. Cette solution d'hyposul-
fite au millième n'accélère d'ailleurs que le révélateur à l'oxalate
ferreux. Elle est sans action sur les autres
Dans les autres bains de développement, l'accélérateur est cons-
titué par une substance alcaline : ammoniaque, carbonate de soude
ou de potasse, lithine caustique, etc. La concentration du bain per-
154 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
met d'arriver plus vite à l'intensité voulue, mais joue un rôle tout
difFérent, car elle tend à produire des images plus dures et moins
bien détaillées, contrairement à l'effet de l'accélérateur propre-
ment dit. C'est d'ailleurs pour ce motif que les instantanés sont
parfois traités par des bains très dilués, comme on le verra à pro-
pos du développement lent.
L'influence de ces divers facteurs sera d'ailleurs mieux précisée
en décrivant les particularités pratiques de la méthode de déve-
loppement la plus rationnelle à l'aide du pyrogallol, qui passe, à
bon droit, pour le plus souple, sinon le plus énergique de tous les
révélateurs connus.
Développement rationnel ou méthodique au pyrogallol. — Le
pyrogallol ne se conserve pas en solution aqueuse; même addi-
tionné de sulfite, il ne tarde pas à se colorer en jaune-brun, en
s'oxydant, et communique alors cette coloration aux plaques. Il
vaut mieux ne le faire dissoudre qu'au moment de l'emploi. On
procédera de même pour le sulfite de soude, dont la solution s'al-
tère également, le sel se transformant peu à peu en sulfate impro-
pre au développement. La dissolution du sulfite, comme celle du
pyrogallol, s'opère d'ailleurs instantanément, si ces substances sont
préalablement pulvérisées, et la préparation du révélateur au fur
e.t à mesure des besoins ne nécessite aucune pesée. Le pyrogallol et
le sulfite de soude seront donc conservés à l'état sec, en poudres
fines, dans des bocaux où l'on pourra puiser à l'aide d'une cuiller
à moutarde en bois ou en verre. On aura, d'autre part, une solu-
tion saturée de carbonate de soude ou de potasse. L'ammoniaque
ou l'acétone pourraient remplir le même rôle, mais nous ne con-
seillons pas d'employer ces produits, à cause de l'odeur qu'ils
répandent dans le laboratoire, généralement exigu. Avec certaines
émulsions facilement sujettes au voile, il est parfois utile d'ajouter
au révélateur un peu de bromure de potassium, mais ce n'est pas
indispensable, et, personnellement, nous y avons complètement
renoncé, employant uniquement le pyrogallol, le sulfite en poudre
et le carbonate de soude en solution saturée dans un flacon compte-
gouttes.
La plaque extraite du châssis est placée dans une cuvette en
porcelaine recouverte d'un carton qui préserye la couche sensible
LE DEVELOPPEMENT 155
de la lumière émise par la lanterne. Dans un verre à bec, nous ver-
sons la quantité d'eau nécessaire pour bien recouvrir la plaque,
soit environ 100 ce. pour le format 13x18. Nous y ajoutons
2 cuillerées de sulfite, I cuillerée de pyrogallol, etnous agitons vive-
ment à Faide d'une baguette de verre. Dès que les poudres sont
dissoutes, nous laissons tomber dans le mélange 2 ou 3 gouttes de
carbonate, et le contenu du verre est versé dans la cuvette, que l'on
agite aussitôt, afin que la plaque soit rapidement mouillée sur toute
sa surface. Si, au bout d'une demi-minute, aucune trace d'image
n'est apparue, on verse dans le verre un peu de carbonate et l'on
y ajoute le contenu de la cuvette. On agite un peu le verre pour
faciliter le mélange, que l'on reverse aussitôt dans la cuvette. Il est
très important de ne pas verser directement la nouvelle dose de
carbonate dans la cuvette : il en résulterait presque toujours des
taches. On examinera encore la plaque, et si, malgré cette addition
de carbonate, l'image tarde encore à se montrer, on recommen-
cera, en procédant de même. On ajoutera ainsi du carbonate, non
seulement jusqu'à l'apparition de Timage, mais même jusqu'à ce
que tous les détails soient venus, même dans les ombres.
Jusqu'ici, on s'est borné à regarder la plaque par-dessus. Quand
tous les détails se sont dessinés, on sort la plaque de la cuvette et,
la plaçant devant la lanterne, on l'examine par transparence. Si
l'image ne parait pas assez intense, il faut alors ajouter du pyro-
gallol. Bien entendu, la nouvelle dose de révélateur sera d'abord,
introduite dans le verre, oix on la mélangera avec le contenu de la
cuvette. Si cette nouvelle dose ne suffît pas pour amener l'image à
la densité voulue, on recommencera, et l'on ajoutera alors non
seulement du pyrogallol, mais aussi du sulfite et un peu de car-
bonate.
Les instantanés seront parfois assez longs à développer. Il fau-
dra combattre la sous-exposition par des additions alternées de
pyrogallol et de carbonate. Si le développement dure trop long-
temps, on remarquera que le bain se colore de plus en plus; la
solution d'abord limpide brunit progressivement, et cette teinte se
communique à la gélatine : elle ne nuit pas à la qualité des épreu-
ves, mais elle en relarde le tirage. Aussi vaut-il mieux l'éviter, en
jetant le révélateur dès qu'il se colore sensiblement et en le rem-
Î56 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
plaçant par une nouvelle solution, préparée comme la précédente.
Le bain neuf a d'ailleurs l'avantage de ne point contenir de bro-
mure, formé parla réduction du composé sensible; ce bromure
afTaiblit de plus en plus le révélateur, empêche les faibles détails
de se développer et exagère les contrastes. On arrive par ce moj'en
à tirer parti de clichés très sous-exposés, qui auraient été inutili-
sables s'ils avaient été révélés autrement. Quand l'image se montre'
avec tous ses détails et une intensité suffisante, on lave la plaque
et on l'immerge dans le fixateur.
Ce procédé peut sembler long et compliqué, parce que nous
avons tenu à bien en préciser les détails. En réalité, il ne présente
aucune difficulté sérieuse, et l'opérateur attentif ne tarde pas à s'en
rendre maître et à en apprécier les ressources. Aucune autre mé-
thode ne se prête avec une pareille souplesse aux divers cas qui se
présentent dans le développement, soit que la pose ait été trop lon-
gue ou trop courte, soit qu'il s'agisse d'atténuer les contrastes d'un
sujet trop heurté ou, au contraire, d'accentuer un modelé trop plat
et de donner plus de vigueur à un sujet terne. Cette méthode n'est
pas, en somme, plus difficile à apprendre qu'une autre, les élé-
ments n'en sont pas notablement plus coûteux, et les résultats ne
sont pas comparables.
Développement en deux cuvettes. — Cette méthode est parfois
désignée sous le nom de développement automatique. Ce qualifi-
catif prête à confusion et serait d'ailleurs plus logiquement appli-
cable au développement à durée fixe effectué dans certaines ma-
chines qui seront décrites plus loin. Le développement en deux
cuvettes est, au contraire, un mode de développement contrôlé et
constitue, en réalité, une variante du développement rationnel et
méthodique.
Supposons, par exemple, qu'il s'agisse de développer au pyro-
gallol en deux cuvettes. Nous versons, dans l'un des récipients,
une solution de pyrogallol et de sulfite de soude, et dans l'autre
une solution de carbonate de soude. La plaque est d'abord plongée
dans la première cuvette, puis, une fois bien imbibée, soit au bout
de 30 à 40 secondes, nous la portons dans la seconde cuvette. Le
carbonate alcalin se mêle alors au pyrogallol dont la couche est/
imprégnée, et le développement commence. La plaque est ensuit/
^ LE DÉVELOPPEMENT 151
reportée dans le pyrogallol, puis dans le carbonate, et ainsi de suite
jusqu'à achèvement du phototype. Pour augmenter Tintensité, on
prolonge l'immersion dans le pyrogallol, tandis que, pour détailler
l'image, atténuer les contrastes ou combattre la sous-exposition,
on prolonge davantage l'immersion dans le carbonate.
Il est facile de voir ici la similitude avec l'opération décrite dans
le paragraphe précédent. C'est pour la rendre plus évidente que
nous avons choisi pour exemple le révélateur au pyrogallol. En
réalité, cette méthode s'applique plus généralement à d'autres
révélateurs, moins rapidement altérables.
Au lieu de séparer complètement les constituants du développa-
teur, comme nous l'avons d'abord supposé, on prépare d'ordinaire
deux bains de développement complets, mais très différents, l'un
contenant une plus forte dose de réducteur (hydroquinone, métol,
iconogène, etc.) et de sulfite, tandis que l'autre est beaucoup plus
riche en accélérateur (carbonate alcalin, formol, acétone, lithine,
etc.). Cette méthode se rapproche alors davantage de celle qu'em-
ploient les professionnels, à l'aide de trois cuvettes, et que nous
avons exposée p. 132.
Développement lent. — Les instantanés et, d'une façon générale,
les clichés sous- exposés se développent mal dans les révélateurs
ordinaires. Les contrastes en sont presque toujours exagérés, les
détails manquent dans les ombres et sont empâtés dans les parties
claires. On y obvie, comme nous l'avons vu, par addition d'accélé-
rateurs, mais, quand on a plusieurs négatifs à développer, l'opé-
ration devient absorbante et fastidieuse. Une autre méthode donne
plus facilement les meilleurs résultats. Les négatifs sont très fins,
bien détaillés, sans empâtement, et l'opération n'exige pas une
surveillance continuelle, mais seulement un contrôle intermit-
tent. Cette méthode consiste à diluer le révélateur, à décupler, par
exemple, la quantité d'eau indiquée dans les formules précédentes.
Le développement est alors considérablement ralenti, il dure plu-
sieurs heures, mais, si la cuvette est munie d'un couvercle étanche,
rien n'empêche de sortir du laboratoire et de venir seulement de
temps à autre vérifier la marche de l'opération.
Toutefois, cette durée même s'oppose à ce que cette méthode soit
applicable à tous les révélateurs. Ceux qui s'oxydent trop rapide-
158 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ment, comme Facide pyrogallique, ne sauraient être utilisés de
cette manière. Le métol et l'hydroquinone se conservent suffisam-
ment; seulement le premier tend à donner des images trop grises,
sans vigueur, tandis que le second produit souvent des clichés peu
harmonieux, durs et opaques. Il convient donc de n'employer seul
ni l'un ni l'autre de ces réducteurs. En les combinant, on obtient
un mélange qui fournit de bonnes images. Néanmoins, comme
certaines gélatines supportent mal l'action prolongée des subs-
tances alcalines, il vaut mieux avoir recours à la métoquinone,
qui permet de préparer un révélateur très peu oxydable et d'où est'
exclu tout alcali. En le préparant selon la formule de MM. Lumière :
Eau 800 ce.
Métoquinone 1 gr.
Sulfite de soude anhydre 10 —
Bromure de potassium, solution à 10 p. 100 1 ce.
la durée du développement sera d'environ une heure.
Le développe-
ment lent s'effectue
d'ordinaire en dis-
posant les plaques
verticalement dans
une cuve à rainu-
res, telle que la
cuve Hemdé (fig.
82 et 83). Ce réci-
pient est en kaoli-
Fi°:. 82. — Cuve à rainures Hemdé.
the, faïence de composition spéciale, blanche, mais complètement
opaque. Le couver-
cle s'y adapte de
manière à empê-
cher l*accès de la
lumière , ce qui
permet d'ouvrir la ^
porte du labora-
toire ou de 1 eclai- ^^ _ ^^^^ ]^q,,,^q ^ porte-plaques indépendants.
rer à la lumière
blanche pour procéder à d'autres travaux. Suivant les mod^es,
LE DÉVELOPPEMENT 159
les rainures tiennent à la cuve ou à un porte-plaques indépendant.
Des intermédiaires permettent de placer dans le récipient des pla-
ques de format plus petit.
Il est utile, pour obtenir une intensification régulière sur toute
la surface des plaques, de les retourner de temps à autre, sens des-
sus dessous. Si le développement doit durer une heure, on les
retournera tous les quarts d'heure. Les plaques seront ensuite
lavées abondamment et plongées dans un bain de fixage acide.
Le développement lent n'a pas seulement pour avantage d'a-
doucir les contrastes des clichés sous-exposés. Il présente aussi
plus d'élasticité que les bains concentrés, en cas d'erreur dans le
calcul des temps de pose.
Développement chronométré. — Quand la composition du bain
révélateur n'est pas modifiée pendant le développement, il existe
une relation déterminée entr-e le temps que l'image met à appa-
raître et le temps qu'elle mettra à acquérir une intensité conve-
nable. Ainsi, supposons qu'une plaque soit développée au pyro-
gallol et que la solution contienne 0»%10 de cette substance pour
iOO ce. d'eau. Si l'image commence à se dessiner après une immer-
sion de 30 secondes, nous pourrons cesser de surveiller le cliché
et nous contenter de le retirer au bout de o minutes, c'est-à-dire
après un intervalle égal à 10 fois celui qui s'est écoulé entre
l'immersion dans le révélateur et l'apparition des premiers détails.
Cette méthode, étudiée principalement par Watkins, est utile
surtout quand la sensibilité de l'émulsion ou un éclairage impar-
faitement inactinique obligent à renoncer à l'examen du cliché par
transparence. On risque moins le voile, en effet, en regardant la
surface de la plaque sans la sortir du révélateur. D'autre part,
l'image est quelquefois si embrouillée qu'il est difficile de juger, en
la regardant par transparence, de ce que sera son intensité défi-
nitive, après le fixage. Le rapport entre le temps d'apparition et
l'achèvement du phototype est constant pour un révélateur de
même composition, mais varie suivant la nature du révélateur
employé et selon le degré de concentration du bain. On appelle
coefficient d'un révélateur le chiffre qui exprime ce rapport et par
lequel on doit multiplierle temps qu'amis l'image à se montrer pour
connaître le temps nécessaire à l'achèvement du développement.
160 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Le coefficient est légèrement différent suivant la sensibilité de
l'émulsion et la qualité de la gélatine; il est également modifié par
la température, mais, en pratique, ces différences sont si faibles
qu'on peut les négliger. Il n'en est pas de même pour la dilution
du révélateur, comme on en jugera par les coefficients qu'a déter-
minés Watkins pour le pyrogallol :
Eau de dilution.
Dose de pyrogallol.
Coefficient
100 ce.
f 0 gr. 10
\ 0 gr. 20
) 0 gr. 40
( 0 gr. 80
10
6
4
2,5
Le coefficient du diamidophénol est très variable, suivant la
quantité de sulfite de soude que contient le révélateur. Il est de 18
à 20 pour une solution de sulfite à 4 pour 100. Le tableau suivant
fait connaître les coefficients des autres révélateurs les plus répan-
dus, composés suivant les formules normales :
Adurol 12
Edinol 3
Glycine 12
Hydroquinone 5
Iconogène 9
Métol 30
Métol-hydroquinone .... 14
Ortol 10
Paramidophénol 16
Pyrocatéchine 6
Développement à durée fixe. — Le développement s'accomplit
d'autant plus rapidement que la température est plus élevée. A
température égale, une plaque sous-exposée met beaucoup plus de
temps qu'une plaque surexposée pour arriver à la mcrne intensité.
Néanmoins, c'est une erreur de croire qu'il soit utile de laisser
une plaque sous-exposée plus longtemps dans le révélateur qu'une
plaque surexposée. En effet, quand l'image commence à se mon-
trer, elle est très faible, mais c'est à ce moment qu'elle offre son
maximum de douceur. Plus elle monte ensuite, et plus ses con-
trastes tendent à s'accentuer et à s'exagérer.
Or, la surexposition produit des images trop douces, ternes et
voilées, tandis que la sous-exposition donne des images dures,
heurtées. Il y a donc avantage à pousser dans le premier cas le
développement au delà de l'intensité voulue, tandis que dans le
second il vaut mieux ne pas atteindre la densité normale.
LE DÉVELOPPEMENT 161
On arrivera aisément à ce résultat, en sounfiettant la plaque,
quelles que soient les circonstances de la pose, à un révélateur de
composition bien déterminée et en l'y laissant toujours le même
nombre de minutes, égal au temps qu'il faut à une plaque norma-
lement posée pour acquérir l'intensité convenable.
Il est évident qu'en cas de sous-exposition l'image sera souvent
trop faible, tandis qu'en cas d'excès de pose elle sera trop opaque;
mais il sera facile d'y remédier, après fixage, à l'aide des correc-
tifs habituels, renforçateurs ou affaiblisseurs, qui seront indiqués
dans le chapitre suivant. Cette rectification sera presque aussi
efficace que le contrôle exercé pendant le développement, avec
cet avantage qu'il sera loisible d'y procéder au grand jour, après
avoir attentivement examiné le cliché débarrassé du bromure d'ar-
gent et s'êlre bien rendu compte de ce qu'il y avait lieu de faire
pour l'améliorer. ' '
La durée du développement est influencée notablement par la
température, mais dans des proportions variables suivant la nature
du révélateur employé. D'après M. Alves, en employant le pyro-
gallol à la dose de 0,3 p. 100, la durée du développement serait de
2 minutes 1/2 à 25°, de 5 minutes à 20° et de 7 minutes 1/2 à 15°. Il
faut donc tenir compte de la modification que nécessite l'état ther-
mométrique ou, ce qui est préférable, opérer toujours, autant que
possible, à peu près à la même température, par exemple entre
18 et 22 degrés. C'est là, du reste, une condition que Ton devrait
observer dans toutes les méthodes de développement. Trop froid,
le bain perd la plus grande partie de son énergie, et les détails
dans les ombres manquent presque toujours. Trop chaud, il ris-
que de provoquer la réticulation et même la fusion de la gélatine.
En outre, le développement à durée fixe exige que le révélateur
soit toujours composé de la même manière et ne serve qu'une seule
fois, car un bain déjà employé agit beaucoup plus lentement qu'un
bain neuf. De plus, s'il s'agit d'un révélateur qui perd assez vite ses
propriétés, comme le diamidophénol et surtout l'acide pyrogalli-
que, il ne faudra faire usage que de solutions fraîchement prépa-
rées.
Avec un bain neuf, de composition connue, employé à une tem-
pérature déterminée, on peut donc se dispenser de regarder le
162
TRAITE GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
cliché, et il suffît de consulter une montre. Cette méthode est par-
ticulièrement commode quand il est nécessaire de procéder au
développement en dehors du laboratoire. Elle est susceptible de
rendre les plus grands services aux explorateurs qui tiennent à
s'assurer sur place des résultats obtenus et à ne pas risquer de
voiler leurs clichés avant de pouvoir les achever. D'autre part, les
amateurs peu exercés risquent moins d'échouer dans la pratique
du développement, en suivant une méthode en quelque sorte
mécanique qu'en surveillant l'action du révélateur et en essayant
de le conduire à leur gré. Enfin, les émulsions orthochromatiques
très sensibles se prêtent difficilement au développement contrôlé;
aussi verrons-nous que les plaques destinées à la photographie en
couleurs sont généralement soumises au développement à durée
fixe : on trouvera, dans le chapitre XVIII, le mode de préparation
et le mode d'emploi des révélateurs utilisés en pareil cas.
Développement en machine. — La méthode précédente a sug-
géré à divers constructeurs l'idée de combiner
certaines machines à développe?^ qui dispensent
l'amateur de tout laboratoire. Telle est, entre
autres, la cuve Kodak pour les pellicules en rou-
leaux, à l'aide de laquelle toutes les opérations
se font en plein jour. La bobine pelliculaire
extraite de la chambre noire, comme on l'a vu
au chapitre I, est d'abord introduite dans la
boîte à enrouler (fig. 84). La pellicule placée
enB est enroulée, en même temps que le tablier
opaque A, sur une
bobine métallique
Y dont l'axe est
relié à la mani-
velle D. La bobine
ainsi recouverte
de cette double
bande est ensuite
KODAK
Fig. 84. — Boîte à enrouler.
Fig. 85. — Cuve à
développement.
plongée dans la cuve à développement (fig. 85). Cette cuve contient
le révélateur, que l'on a préparé en faisant dissoudre un mélange
de sels convenablement dosés. La composition de ce bain est telle
LE DEVELOPPEMENT 163
que la durée du développement soit de 20 minutes. Pendant ce
laps de temps, aucune attention n'est nécessaire, et la seule pré-
caution à observer est de renverser deux ou trois fois la cuve,
afin d'égaliser l'action révélatrice. Un couvercle fermant herméti-
quement empêche le liquide de se répandre pendant ce mouve-
ment. Le développement achevé, soit au bout de 20 minutes, la
cuve est vidée, et le révélateur est remplacé d'abord par de Teau
pure, puis par le fixateur. On peut même fixer en plein jour, dans
un récipient quelconque. La Compagnie Kodak a également com-
biné des appareils pour le développement des plaques et des
pellicules du film-pack. On peut opérer de même à l'aide des
laboratoires portatifs constitués par des boîtes munies de manches
opaques. Dans ce cas, une cuvette ordinaire suffit.
Développement en pleine lumière. — Pour un grand nombre
d'opérateurs, le développement est la plus intéressante de toutes
les manipulations photographiques. Aussi a-t-on cherché depuis
longtemps le moyen d'y procéder au grand jour, comme dans la
méthode précédente, mais en conservant la possibilité d'assister à
l'apparition de l'image et de contrôler l'action du révélateur. La
solution la plus élégante serait un procédé qui permît de suppri-
mer la sensibilité du bromure d'argent, après l'exposition, sans
cependant détruire l'image latente. MM, Lumière et Seyewetz ont
expérimenté à cet effet un grand nombre de corps, notamment
des oxydants et des réducteurs, mais n'en ont trouvé aucun qui
fût capable de produire l'effet voulu. Des observations incomplètes,
des essais mal contrôlés, avaient auparavant, à diverses reprises,
donné à penser que certains révélateurs détruisent la sensibilité de
l'émulsion. C'est ainsi que divers formulaires indiquent que si la
plaque est développée à l'iconogène ou au diamidophénol acide,
on pourra l'exposer à un éclairage qui la voilerait si l'on employait
un autre bain. Il n'en est rien. La vérité est que tous les révélateurs
diminuent la sensibilité du bromure d'argent, à cause de l'eau qui
imbibe l'émulsion, mais ils n'empêchent le voile que s'ils sont suf-
fisamment colorés en rouge ou en jaune foncés. L'opérateur peut
alors travailler en pleine lumière, mais l'image n'est éclairée que
par les radiations inactiniques.
^ A ce poiqt de vue, Foxalate ferreux serait le meilleur révélateur,
164 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
à cause de sa couleur rouge intense. Il est connu depuis longtemps
qu'une plaque plongée dans ce bain peut être développée en plein
jour, pourvu que la couche liquide soit suffisamment épaisse (2 ou
3 centimètres). Si l'on emploie un révélateur incolore, on arrivera
au même résultat en y ajoutant une matière colorante facile à éli-
miner. En 1891, Higgins proposait à cet effet le rouge cochenille.
Peu après, Farmer employait un caramel préparé en faisant chauf-
fer, entre 140° et 150°, 4 parties de sucre de canne pulvérisé et
1 partie d'eau jusqu'à ce que le mélange prenne une teinte rouge.
Le 29 janvier 1902, Ludwig faisait breveter un procédé de déve-
loppement en plein jour, dit à la coxine, et basé sur l'emploi de
Vécarlate de crocéine SB. En 4903, H. Schwarz signalait la pro-
priété dont jouit le phénol-phtaléine de colorer en rouge sombre
les révélateurs alcalins. Plus récemment, MM. Lumière et Seyewetz
ont trouvé, dans le picrate de magnésium en dissolution avec le
sulfite de soude, un composé coloré, mais non tinctorial, suscep-
tible d'absorber pratiquement les radiations actiniques et de s'éli-
miner ensuite par simple lavage, sans altérer la transparence de
la gélatine.
Ce picrate mélangé, à l'état sec, avec le sulfite de soude anhydre,
a reçu le nom de chryso sulfite. Il en existe deux sortes, caracté-
-isées par les proportions différentes des deux constituants. Le
chrysosulfite n° 1 contient :
Sulfite de soude anhydre 100 parties.
Picrate de magnésium 50 —
C'est le mélange qui donne les meilleurs résultats avec la plu-
part des révélateurs. Quant au chrysosulfite n° 2, moins riche en
picrate, il renferme :
Sulfite de soude anhydre 100 parties.
Picrate de magnésium ,. 15 —
II est réservé aux révélateurs qui, exigeant une plus forte dose
de sulfite, se trouvaient trop colorés par le mélange n° 1, pour
qu'il soit possible de surveiller la venue de l'image.
Les révélateurs au chrysosulfite se préparent sans faire subir
aucun changement aux formules habituelles; il suffit d'y employer
le chrysosulfîte de la même manière que le sulfite ordinaire. A
LE DÉVELOPPEMENT 165
titre d'exemple, nous reproduirons les formules normales de deux
des révélateurs les pliis répandus : ■,■
MÉTOQUINONE
Eau 1.000 ce.
Métoquinone 9 gr.
Chrysosulfite n» 1 ' 60 —
Aeélone 30 ce.
DIAMIDOPHÉNOL
Eau 1.000 ce. '
Chrysosulfite no 2 30 gr.
Diamidophénol 5 —
Le révélateur est versé dans la cuvette en quantité suffisante
pour recouvrir la plaque d'une couche d'environ 1*^™,5. On prendra'
donc approximativement 200 ce. pour une plaque 9x12 ou une
surface équivalente.
La plaque est retirée du châssis et plongée dans le bain, à l'abri
de la lumière : il faudra, par conséquent, ou s'enfermer un ins-
tant dans une pièce obscure ou faire usage d'un grand voile de
drap opaque étalé sur une table et sous lequel le châssis sera
ouvert et la plaque glissée dans la cuvette, que l'on aura soin d'a-
giter aussitôt. Dès que la gélatine est imbibée, l'obscurité complète
n'est plus indispensable, mais il reste néanmoins quelques pré-
cautions à né pas négliger. Si Ton se sert de la lumière artifi-
cielle, la cuvette ne doit pas être trop rapprochée de la source
lumineuse. La distance minimum est d'environ 50 cm. pour une
bougie ordinaire, 75 cm. pour une lumpe à pétrole de 14 lignes,
1 mètre pour un bec de gaz à papillon et 1°',50 pour une lampe
électrique à incandescence de 16 bougies. Ces données s'appli-
quent aux émulsions rapides ordinaires. Quand on manipule des
plaques très sensibles, il est préférable de tenir la cuvette beau-
coup plus loin, dans un coin peu éclairé, et de ne l'approcher de
la source lumineuse, aux distances prescrites, que pour conlrôler
la venue de l'image. On agite lentement la cuvette, en ayant soin,
que le liquide couvre toujours la plaque. A partir de la deuxième
minute, on peut retirer trois fois le cliché du bain, pour l'exami-
ner par transparence. Cet examen doit être effectué rapidement,
en 3 secondes enyirôji^ et aux distances minima suivantes : bougie.
166 TRAITE GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
1 mètre; lampe à pétrole de i4- lignes, l'^'jSO; bec papillon, ^'^jSO;
lampe électrique de 16 bougies, 3 mètres. Quand le développement
est terminé, soit au bout de 3 minutes environ si Ton utilise Tune
des deux formules indiquées, on tourne le dos à la source lumi-
neuse, et l'on rince le cliché, avant de le fixer. Le fixage n'exige
aucune précaution particulière.
On peut aussi effectuer le développement à la lumière du jour,
pourvu qu'elle ne soit pas trop intense. On choisira une pièce oii
le soleil ne pénètre pas, et les fenêtres seront garnies de rideaux
ou de stores. En outre, on tournera le dos à la fenêtre, pendant
toute la durée de l'opération, en restant dans le coin le moins
éclairé. Même en se conformant à ces prescription^, il serait im-
prudent de sortir les plaques du bain, pour les examiner par trans-
parence. L'éclairage dont on dispose permet d'ailleurs de suivre
parfaitement le développement à travers le liquide coloré. L'obs-
curité est nécessaire pour introduire le cliché dans le bain, comme
dans le cas de l'éclairage artificiel, et, de plus, elle l'est aussi pour
l'en retirer. Le lavage s'opérera donc, soit dans une pièce obscure
ou éclairée par une petite lampe, soit à l'abri d'un voile opaque.
Développement et fixage simultanés. — Le développement à
durée fixe a suggéré une notable simplification des procédés néga-
tifs. En effet, une fois admise la possibilité de laisser agir le révé-
lateur pendant un laps de temps déterminé, toujours le même,
quelles que soient les circonstances de la pose, il devient aisé de
combiner les deux opérations, d'ordinaire distinctes et séparées
par de copieux lavages, du développement et du fixage. L'essen-
tiel est de mélanger le révélateur et le fixateur dans des propor-
tions telles que l'image obtenue dans ces conditions ne soit ni
trop faible ni trop noire. Si le fixateur agit trop vite, le bromure
d'argent impressionné sera dissous avant d'être réduit par le révé-
lateur, et l'on n'aura qu'une image incomplète; si, au contraire,
l'action dissolvante est trop lente, le révélateur noircira trop de
bromure, et l'intensité du phototype sera exagérée.
La rapidité d'action du fixateur est, toutes choses égales d'ail-
leurs, à peu près proportionnelle à sa concentration, à sa teneur
en hyposulfite de soude. Quant aux autres éléments susceptibles
d'accélérer ou de ralentir son activité (température, épaisseur de
LE DÉVELOPPEMENT 167
l'émulsion, dureté de la gélatine), comme ils influent aussi, et dans
des proportions pratiquement peu différentes, siir l'activité du ré-
vélateur, il suffît, pour obtenir des résultats sensiblement constants,
de doser convenablement .les deux réactifs.
Il y a plus : la présence du fixateur dans le révélateur tend à
corriger, dans une certaine mesure, les erreurs de pose et à dimi-
nuer les différences d'intensité qui pourraient en résulter pour les
phototypes soumis au développement à durée fixe. En effet, lors-
qu'il y a eu excès de pose, l'image se développe trop rapidement
et sera trop noire si, au lieu de surveiller le cliché, on se borne à
consulter une montre. Mais comme, en pareil cas, il reste peu de
bromure à dissoudre, l'hyposulfite peut achever plus rapidement
son œuvre. D'autre part, à mesure que le révélateur décompose
le bromure d'argent, il s'oxyde, et son activité se ralentit. Plus
l'image se détaille et gagne en intensité, plus le révélateur s'affai-
blit. 11 arrive ainsi que l'action dissolvante de l'hyposulfite devient
prépondérante plus tôt qu'elle n'aurait pu le faire si la pose avait
été moins longue.
Au contraire, en cas de sous-exposition, l'image est longue à se
montrer et à acquérir une intensité suffisante. L'action dissolvante
de l'hyposulfite commence aussitôt, mais, comme il reste beaucoup
de bromure non décomposé, le pouvoir dissolvant s'épuise peu à
peu, et le fixage se ralentit de telle sorte que le révélateur peut
continuer à agir plus longtemps.
Il ne faut pas conclure de là que la compensation soit rigoureu-
sement parfaite : nous avons seulement voulu expliquer comment
elle peut être presque toujours suffisante. En fait, les clichés surex-
posés sont un peu trop noirs, et les clichés sous-exposés un peu
trop faibles, mais le résultat n'est franchement mauvais que dans
les cas 011 l'erreur de pos-e est telle que le développement contrôlé
et distinct du fixage n'aurait lui-même abouti qu'à un échec.
Diverses formules de développement-fixage ont été proposées :
en 1898, M. Punnett proposait l'emploi de l'ortol; trois ans plus
tard, P. Hannecke utilisait le métol et la pyrocatéchine; en 1904,
Thorne Backer obtenait, à son tour, des résultats intéressants,
avec l'édinol et l'hydroquinone. Les solutions combinées par ces
expérimentateurs présentaient plusieurs inconvénients : les clichés
168 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
étaient durs, heurtés, et l'opération exigeait parfois une heure et
plus. La formule de M. Crémier a le double avantage de fournir
des images douces en un laps de temps d'une demi-heure environ :
Eau 100 ce.
Sulfite de soude anhydre 5 gr.
Diamid(?phénol i —
Hyposulfite de soude 2 —
Ce mélange ne se conserve pas et ne doit être préparé qu'au
moment de l'emploi. La durée de l'opération étant connue, on peut
se dispenser de la surveiller. La plaque une fois introduite dans
le bain, on place un couvercle sur la cuvette, après quoi rien n'em-
pêche de sortir du laboratoire, pour n'y rentrer qu'au bout d'une
demi-heure. On trouvera alors le cliché développé et fixé. On peut
d'ailleurs le laisser davantage, une heure par exemple, sans incon-
vénient. Cependant, il ne faut rien exagérer à cet égard : un sé-
jour trop prolongé dans le bain combiné aurait pour conséquences,
d'abord un voile dichroïque ÇV. chapitre suivant), puis des demi-
teintes rongées par rh3'posulfite et des opacités exagérées, résul-
tant d'une sorte de renforcement provoqué par l'action du révé-
lateur qui peut encore s'exercer sur un cUché fixé. Le mieux est
de ne pas sortir des limites comprises entre 30 et 45 minutes.
Si la cuvette n'a pas été agitée, on remarquera une sorte de voile,
mais il ne s'agit là que d'un dépôt superficiel, sans adhérence, et
qu'on enlève très facilement, en passant sur la gélatine une touffe
de coton. Les lavages doivent être ensuite effectués avec soin, afin
d'assurer l'élimination du révélateur et de l'hyposulfite dont la
couche est restée imprégnée.
Celte méthode n'est pas encore suffisamment au point pour sup-
planter les procédés ordinaires, où le fixage n'intervient qu'après
le développement, mais elle semble appelée néanmoins à rendre
quelques services, ne fût-ce qu'à l'amateur momentanément privé
de son laboratoire ou dépourvu de luminaire inactinique.
Développement après fixage. — Cette méthode résoudrait, mieux
que toute autre, le problème du développement en pleine lumière,
si elle ne restait, jusqu'à présent, limitée aux plaques fortement
surexposées. Elle réussit mieux avec les émulsions lentes qu'avec
les préparations très rapides. La plaque est d'abord plongée, à
LE DÉVELOPPEMENT 169
l'abri de la lumière actinique, dans une solution d'hyposulûte de
soude à 2 p. 100, qui dissout très lentement le bromure d'argent.
La gélatine paraît alors complètement transparente, et, si on l'exa-
mine au grand jour (ce qui n'offre plus aucun inconvénient), on
n'y découvre aucune trace d'image. L'impression latente y subsiste
néanmoins, et, pour la révéler, il suffît de traiter la plaque par un
révélateur physique, préparé en combinant deux solutions:
A. Solution de réserve :
Eau distillée 100 ce.
Nitrate d'argent 4 gr.
Sulfocyanure d'ammonium 24 —
Sulfite de soude anhydre 12 —
Hyposulfite de soude 5 —
Solution de bromure de potassium à 10 p. 100. 6 gouttes.
B. Révélateur au métol :
Eau distillée 120 ce.
Métol 2 gr.
Sulfite de soude anhydre 10 —
Au moment de l'emploi, on mélange :
A 5 ce.
B 120 —
La durée du développement est très variable et dépend non seu-
lement de la pose, mais aussi de la nature de l'émulsion. Parfois
3 minutes suffisent, tandis que dans certains cas il faut douze heu-
res. Ce procédé fournit des images remarquablement fines, même
quand le grain de l'émulsion est très grossier. Il laisse une très
grande latitude dans l'appréciation du temps de pose, car, s'il est
nécessaire d'éviter la sous-exposition, il n'arrive presque jamais
.que la surexposition soit assez forte pour aboutir à un échec Son
principal avantage est de permettre le contrôle du développement
au grand jour. Le fixage préalable doit s'effectuer dans l'obscu-
rité, mais il n'exige aucune surveillance : au bout de trois quarts
d'heure, la plaque est lavée, de manière à éliminer l'hyposulfîte,
puis développée immédiatement ou mise à sécher, si l'on préfère
révéler l'image ultérieurement. Cette combinaison serait donc très
pratique en voyage, puisqu'il suffirait d'emporter un peu d'hypo-
sulfite, à condition de surexposer largement.
10
no TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
OUVRAGES A CONSULTER
E. CousTKT, le Développement en pleine lumière, Paris ( Gauthier- Villars), 1905.
F. DiLLAYE, le Développement en photographie, Paris (J. Tallandier).
J.-M. Eder, Die wissenschaftliche Grund\age der Photographie mit Bromsilber-
und Chlorsilber gélatine, 5® édition, Halle a/S. (W. Knapp).
J.-M. Eder, Die Praxis der Photographie mit Bromsilbei'- und Chlorsilber géla-
tine, 5e édition, Halle a/S. (W. Knapp).
H. Emery, le Développement du cliché photographique, Paris (Gh. Mendel).
A. DE LA Baume-Pluvinel, Ib Développement de l'image latente, Paris (Gauthier-
Villars), 1889.
A. LoNDE, Traité pratique du développement, 4« édition, Paris (Gauthier- Villars),
1904.
A. ET L. Lumière, les Développements organiques en photographie et leParami-
dophénoX, Paris (Gauthier- Villars), 1898.
L. Mathet, Etude complète sur le développement et les de'veloppateurs, Paris
(Société générale d'éditions), 1891. ■
M. MoLiNiÉ, Comment on obtient un cliché' photographique. Notions de chimie
photographique. Technique et Pratique du développement, Paris (Gauthier-
Villars), 1902.
H. Reeb, Etude sur Vhydroquinone, Paris (Gauthier- Villars), 1890.
R.-A. Reiss, Die Entwicklung der photographischen Bromsilber-Trockenplatte
und die Entwickler, Halle a/S. (W. Knapp).
A. Seyewetz, le Développement de l'image latente, Paris (Gauthier- Villars), 1899.
A. Seyewetz, le Négatif en photographie, Paris (O. Doin), 1911.
E. Trutat, le Cliché photographique, Paris (Gh. Mendel), 1902.
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE Ul
CHAPITRE VIII
l'achèvement du phototype
Fixage. — Le cliché développé est d'abord lavé sommairement,
puis immergé dans le bain de fixage, ordinairement constitué par
une solution d'hyposulûte de soude à 20 p. 100 environ. Un chan-
gement de concentration n'a pas d'autre conséquence que d'abré-
ger ou d'allonger l'opération. Ce bain dissout le bromure d'argent
qui n'a pas été décomposé par le révélateur. Il est facile de suivre
la marche du fixage, en examinant de temps à autre le dos de la
plaque : la couche, primitivement blanchâtre, semble noircir à
mesure que le sel d'argent est éliminé. En réalité, elle devient plus
transparente, comme on peut s'en rendre compte en la plaçant
devant la lanterne et en l'observant par lumière transmise. Quand
les dernières traces d'opalescence ont disparu, la plaque est retirée
du fixateur et soumise aux lavages qui doivent éliminer l'hypo-
sulfite.
Quelques opérateurs pratiquent le fixage en pleine lumière.
Cependant, s'il reste encore dans la couche quelques traces du
révélateur, le cliché risque d'être légèrement voilé. Il est donc pré-
férable de laisser la plaque soustraite aux radiations actiniques, au
moins pendant les premiers instant^ du fixage. Le fixateur peut
servir pour plusieurs clichés, jusqu'à ce qu'il soit trop coloré. Un
bain de fixage à réaction légèrement acide donne des images plus
pures et brunit moins rapidement. La formule suivante conduit à
de bons résultats :
A. Eau 1.000 ce.
Hyposulfite de soude 250 gr.
B. Eau 60 ce.
Sulfite de soude 7 gr. 5
^ Acide sulfurique . . .? 5
172 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
L'acide ne sera ajouté qu'après la dissolution du sulfite. On ver-
sera ensuite la solution B dans la solution A.
Durcissement de la couche. — Pour durcir la gélatine, l'empê-
cher de fondre ou de se craqueler dans des eaux de lavage trop
chaudes, ou encore pour avoir la possibilité de sécher rapidement
le cliché à chaud, on conseille parfois d'ajouter de l'alun à la solu-
tion d'hyposulfîte. Cette combinaison est à éviter, car l'alun décom-
pose l'hyposulfîte, détermine un précipité de soufre et provoque
la sulfuration des images, ce qui en compromet la conservation.
Cet inconvénient sera cependant éludé, en ajoutant du bisulfite de
joude au fixateur, qui sera alors constitué ainsi :
Eau 1.000 ce.
Hyposulfite de soude 200 gr.
Bisulfite de soude liquide 15 ce.
Alun de chrome 5 gr.
Il est préférable de séparer le fixage et le durcissement.
L'alun de potasse détermine une insolubilisation suffisante, si
l'on doit se borner à laver la plaque dans de l'eau dont la tempé-
rature ne dépasse pas 35° à 38°. Mais si l'on veut employer de l'eau
plus chaude ou accélérer la dessiccation de la gélatine en la faisant
chauffer, alors il faut recourir à l'alun de chrome ou au formol.
La concentration du bain de durcissement à l'alun ordinaire
sera d'environ 20 p. 100. La plaque, sommairement lavée après
fixage, y sera laissée de 5 à 10 minutes. Ce passage à l'alun n'a
pas pour seul avantage de rendre la gélatine plus résistante : il
éclaircit le cliché, surtout après le développement au pyrogallol,
et décolore sensiblement la gélatine jaunie.
L'alun de chrome n'insolubilise suffisamment qu'en présence
d'un excès d'alcali. La solution de ce sel à 15 ou 20 p. 100 sera
donc additionnée d'ammoniaque jusqu'à ce qu'un léger trouble se
manifeste. Le cliché y sera alors immergé pendant 4 ou 5 minutes.
Le tannage de la couche par le formol s'effectuera dans :
Eau 100 ce.
Aldéhyde formique (formol commercial) 15 —
Le négatif préalablement lavé y restera pendant 3 minutes et
sera ensuite lavé à l'eau chaude pendanb»quelques instants. L'inso-
/
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE
113
lubilisation de la gélatine est alors assez complète pour que la cou-
che résiste à la dessiccation sur le feu. Toutefois, la couche ainsi
durcie subit un retrait qui en occasionne assez souvent le décol-
lement, au bout d'un certain temps.
Elimination de l'hyposulfite. — Le cliché fixé doit être abon-
damment lavé, jusqu'à ce que la gélatine ne contienne plus aucune
trace d'hyposulfite. Un lavage de deux heures dans une eau fré-
quemment renouvelée est nécessaire, et il est même prudent de le
prolonger encore davantage. Si l'on a plusieurs clichés, il sera
plus commode de les laver tous simultanément dans une cuve à
rainures en zinc ou en verre (fig. 86). Un
robinet ou un bouchon permet de vider de
temps à autre le récipient, sans le déplacer,
et de renouveler l'eau périodiquement, ou,
au contraire, d'établir un courant qui la re-
nouvelle constamment : la cuve, dans ce
cas, est placée sous un robinet dont on règle
le débit de façon que l'eau qui s'échappe
de l'orifice inférieur soit remplacée par celle
qui arrive du conduit supérieur»
Si l'on ne dispose que d'une faible provision d'eau, on procédera
autrement. Il résulte des expériences de M. P. von Janko que trois
changements d'eau suffisent à l'élimination de l'hyposulfite, si l'on
emploie 2 ce. 1/2 d'eau par centimètre carré de la plaque, et si l'on
change cette eau toutes les deux heures seulement. On n'emploie
donc que 7 ce. 1/2 d'eau pour chaque centimètre carré, mais le
lavage dure alors 6 heures. Avec 10 centimètres cubes d'eau par
centimètre carré, c'est-à-dire en changeant d'heure en heure
quatre fois les 2 ce. 1/2 qui recouvrent chaque centimètre carré,
quatre heures suffisent. Et on peut laver complètement une plaque
en 50 minutes, si l'on change l'eau toutes les 5 minutes. C'est la
méthode qui demande la moindre quantité d'eau et abrège le plus
les lavages, parce que dans l'eau courante l'éhmination ne se pro-
duit pas dans les mêmes proportions.
On peut aussi abréger les lavages en décomposant l'hyposul-
fite à l'aide de réactifs donnant naissance à des produits très
solubles, faciles à éliminer. On peut employer à cet eff'et Feau
Fig-. 86. — Cuve à lavages.
iTI'
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
oxygénée neutre, l'iode, le percarbonate de potassium, le persul-
îaXe d'ammoniaque exactement neutralisé ou additionné de cer-
taines substances alcalines. Cette dernière combinaison constitue
lé Ihioxydant Lumière. Après le fixage, la plaque est lavée environ
2 'minutes à l'eau courante. On la laisse ensuite 5 minutes dans
une solution de thioxydant à 10 p. 100, et l'on termine par un
lavage de 2 minutes à l'eau courante.
Un autre procédé consiste à rendre la gélatine insoluble et à
latverla plaque dans l'eau chaude. L'hyposulfîte est alors très rapi-
dement éliminé.
Quelle que soit la méthode adoptée, on pourra s'assurer que la
dernière eau de lavage ne contient plus aucune trace d'hyposulfîte.
Il existe à cet effet plusieurs réactifs très sensibles. Nous indique-
rons seulement les deux plus simples.
Le premier est constitué par l'empois d'amidon additionné d'eau
iodée, préparée en mettant quelques gouttes de teinture d'iode
dans 100 ce. d'eau. Il se forme ainsi de l'iodure d'amidon bleu.
Cet iodure bleu, mis en présence de l'eau de lavage, se décolorera
s'il y reste de l'hyposulfite.
Le second réactif est constitué par :
Eau 1.000 ce. ■
Permanganate de potasse 1 gr.
Carbonate de potasse 1 —
Cette solution est violette. On en verse quelques gouttes dans
l'eau de lavage : si le mélange se décolore, c'est qu'il contient
encore dsl'hyposulfite; s'il reste coloré> le lavage est suffisant.
Dessiccation. — Le cliché lavé est mis
à sécher vertica-
lement (fîg. 87) :
si on le posait à
plat, il se cou-
vrirait de pous-
sières qui reste-
raient adhéren-
Fig. 87. — Séchoir a fiches.
CI. Demaria-Lapierre.
Fig-. 88. — Séchoir pliant.
tes à la gélatine.
On construit des séchoirs pliants à rainures (fig. 88) sur lesquels
peuvent être placées une douzaine de plaques. Le séchage est lent,
L'ACEÈVEMENT DU PHOTOTYPE 175
'Sur ces supports, car l'évaporalion est gênée par la proximité des
plaques. Si l'on dispose d'un local suffisant, il sera préférable d'y
faire établir une longue étagère à claire-voie sur laquelle les plaques
«eront rangées les unes à côté des autres, debout contre le mur.
Pour activer la dessiccation, si l'on est sûr que la gélatine est
ibien insolubilisée, on pourra chauffer la plaque avec précaution
pour ne pas briser le verre. Sinon, on la placera dans une boîte
contenant du chlorure de calcium. Cette substance, très avide d'eau,
ne doit pas être mise en contact avec la gélatine.
Un autre moyen d'abréger le séchage est de plonger la plaque
dans l'alcool à 90°, qui s'empare rapidement de l'eau. Au bout de 5
minutes, pendant lesquelles on aura agité la cuvette, la plaque sera
retirée, et la couche légèrement tamponnée avec un linge très doux.
Le mélange d'alcool et d'eau demeuré dans la couche s'évaporera
rapidement. Il va sans dire que la plaque traitée par l'alcool ne
devra pas être approchée du feu. L'alcool ainsi employé contient
une quantité d'eau qui augmente à chaque opération; il finit donc
par ne plus agir efficacement. Pour le régénérer, on le versera
dans un flacon contenant du plâtre, qui s'emparera de l'eau.
Les pellicules ne seront traitées ni par la chaleur ni par l'al-
cool : la chaleur ramollit le celluloïd, substance d'ailleurs très
inflammable, et l'alcool le dissout partiellement. La dessiccation
peut, à la rigueur, être accélérée par le chlorure de calcium, mais
le mieux est de laisser sécher les pellicules à l'air libre, à la tem-
pérature ordinaire, après les avoir piquées sur une planchette. On
fabrique à cet effet des pointes spéciales à tête de verre.
Correctifs du développement. — Quel que soit le mode de déve-
loppement appliqué au phototype, il arrive souvent que l'image
ne présente pas la meilleure intensité qui convienne au tirage. Si
le négatif est trop opaque, le positif s'impressionnera trop lente-
ment, et les détails manqueront dans les espaces clairs; s'il est trop
faible, le positif sera dépourvu de vigueur, et les détails feront dé-
faut dans les ombres. De là la nécessité de corriger l'image obte-
nue par développement, soit en la renforçant, soit en l'affaiblissant.
Cette opération supplémentaire, trop souvent négligée, est cepen-
dant très importante, car elle permet de modifier non seulement
la densité générale du cliché, mais aussi le rapport de ses valeurs.
176 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
qui seront, à volonté, accentuées ou adoucies, suivant la nature du
renforçateur ou de l'afTaiblisseur dont on aura fait choix.
Renforçateur au bichlorure de mercure. — Le cliché, dont
rhyposulfite aura été préalablement éliminé, est d'abord immergé
dans :
Eau 100 ce.
Bichlorure de mercure (sublimé corrosif) 5 gr.
L'image blanchit peu à peu, par suite de la transformation de
l'argent qui la constituait en un chlorure double d'argent et de
mercure. Si la plaque est placée dans une cuvette de carton noir,
elle montre par réflexion un positif très fin. Quand le degré de
chloruration que comporte l'état du cliché se trouve atteint, ce dont
la pratique seule permet déjuger, on lave abondamment la plaque,
pour en éliminer l'excès de sel mercuriel, puis on la plonge dans
le bain de noircissement, oii elle acquiert toute son intensité. Ce
second bain peut être constitué de diverses façons. Le plus mau-
vais et pourtant le plus fréquemment employé est une solution
d'ammoniaque ordinaire à 10 p. 100. Le noircissament y est immé-
diat, mais l'action en est inégale, et l'image ainsi traitée manque
de stabilité. L'hyposulfîte, les sulfures, les alcalis et les carbonates
alcalins, tour à tour préconisés par divers chimistes, ne sont pas
plus recommandables. Le sulfite de soude vaudrait mieux, mais
ne détermine qu'une intensification souvent insuffisante, surtout
dans les demi-teintes, qui se trouvent beaucoup moins renforcées
que les opacités, d'oi^i résulte une notable exagération des con-
trastes primitifs. Quant à l'iodure de potassium, il rend l'image si
dure, si heurtée, qu'il convient d'en limiter l'application aux re-
productions de dessins au trait.
Le noircissement à l'aide d'un second développement est préf^v
rable, seulement il n'y a guère que l'oxalate ferreux qui satisfasse
aux conditions requises. Les autres révélateurs, en effet, contien»
nent du sulfite et une substance alcaline, et c'est alors la présencd
de ces matières qui joue le principal rôle dans le noircissement,
avec les inconvénients que l'on cherchait justement à éviter. Un
procédé plus simple, basé sur l'emploi du chlorure stanneux,
fournit un bon noircissement. Dans 100 ce. d'eau, on fait dissoudre
2 gr. d'acide tartrique, puis, la dissolution achevée, on y ajoute
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE 117
2 gr. de protochlorure d'étain. Ce mélange est très altérable à Tair.
lia, d'ailleurs, si peu de valeur et la préparation en est si rapide,
qu'il n'y a pas lieu de chercher à le conserver. Mais il sert, sans
inconvénient, à noircir successivement plusieurs clichés dans la
même séance.
Les clichés renforcés au bichlorure de mercure jaunissent par-
fois. Cet accident est dû, selon M. Haddon, au sel mercuriel qui se
fixe sur la gélatine en formant un composé presque insoluble, très
difficile à éliminer, et dont la présence provoque l'altération de
l'image. On peut l'éviter en ajoutant à la solution de bichlorure
1 p. 100 d'acide chlorhydrique et en effectuant le premier lavage
dans de l'eau également additionnée de 1 p. 100 du même acide.
Suivant la Photographhche Industrie^ on éviterait tout risque de
jaunissement si, après avoir blanchi l'image au bichlorure, on la
noircissait dans :
Eau 100 Gc.
Formol du commerce 10 —
Solution de potasse caustique à 10 p. 100 1 —
Il est à remarquer que lorsqu'un cHché renforcé au sublimé est
eTïs,\x\tQ pellicule, c'est-à-dire séparé du verre que recouvrait l'émul-
sion, comme c'est le cas dans la plupart des procédés d'impressions
photomécaniques, où l'image doit être retournée, cette image perd
beaucoup de son intensité dans les bains auxquels on la soumet
pour détacher la couche de son support. M. Namias y remédie en
procédant au pelliculage avant le noircissement : le cliché est donc
blanchi au bichlorure et lavé sur son support de verre, puis pelli-
cule, et n'est noirci que lorsqu'il est reporté sur le support défini-
tif. En opérant ainsi, l'intensité ne se trouve nullement altérée.
La solution de bichlorure de mercure sert au blanchiment d'un
assez grand nombre de phototypes. La conservation en est très
différente selon la qualité de l'eau employée à sa préparation.
Sous l'influence de l'air, de la lumière et des matières organiques,
le sel mercuriel dissous dans l'eau ordinaire se décompose assez
rapidement, en donnant un précipité de calomel insoluble. 0
retarde cette altération en conservant le flacon dans l'obscurité;
une légère addition d'acide tartrique ou chlorhydrique augmente
encore la stabiUté, mais le mieux est de faire usage d'eau distillée.
178 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Renforçateur à l'iodure de mercure. — Le cliché fixé et lavé,
au besoin très sommairement (l'élimination complète de Thypo-
sulûte n'est pas indispensable), est plongé dans :
Eau 100 ce.
Sulfite de soude anhydre 10 gr.
lodure mercurique 1 —
L'image n'y blanchit pas, comme dans le bichlorure, mais s'y
renforce directement, en prenant une nuance indigo. La marche
de l'intensification est, dès lors, facile à contrôler et à interrompre,
au moyen d'un l^^age, aussitôt que l'effet désiré est atteint. L'ac-
tion de l'iodure mercurique est moins brutale que celle du bichlo-
rure, les demi-teintes sont mieux conservées, et il ne se produit
ni les stries ni les irrégularités de coloration qui sont toujours à
redouter lors du noircissement d'un cliché blanchi dans le bichlo-
rure. En revanche, la solution d'iodure mercurique ne peut pas
être conservée pour servir à une opération ultérieure : il faut la
jeter, tandis que le bichlorure sert jusqu'à épuisement.
L'image renforcée à l'iodure a une certaine fixité, mais risque,
néanmoins, de jaunir avec le temps, surtout sous l'influence de
l'air humide. On évite cet accident en développant, après lavage,
dans un révélateur quelconque.
Si le renforcement a été trop intense, on peut le diminuer dans
une solution d'hyposulfite, avant le second développement. Après
ce développement, l'image peut encore être éclaircie, mais il faut
alors employer l'un des affaiblisseurs qui seront analysés plus loin
(persulfate, acide chromique, etc.).
Renforçateur au ferricyanure d'urane. — Le cliché, soigneu-
sement lavé, de manière à ne plus contenir la moindre trace d'hy-
posulfite, est plongé dans :
Eau 100 ce
Acide citrique 2 gr. 5
Nitrate d'urane 1 —
Ferricyanure de potassium 0 — 8
Ce mélange doit être préparé en faisant dissoudre séparément
chacune des substances qui le constituent dans une portion de l'eau
préalablement nîesurée. On mélange ensuite les trois solutions, et
Ton y ajoute le reste de l'eau. Ce bain ne se conserve pas et doit
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE 119
être préparé seulement au moment de l'emploi. La complication
relative de cette préparation s'accorde mal avec les conditions ac-
tuelles de la photographie d'amateur, où tout est simplifié et faci-
lité, mais le commerce fournit le renforçateur à l'urane sous forme
de mélange en poudre, qu'il suffît de faire dissoudre dans de l'eau
ordinaire. Il n'est même pas nécessaire de peser exactement cette
poudre; rien n'empêche de s'en tenir à un simple dosage à la cuil-
ler, en sorte que le bain n'est pas plus difficile à préparer qu'un
verre d'eau sucrée.
Théoriquement, la méthode à l'urane est plutôt un virage qu'un
renforcement proprement dit, mais, en fait, elle aboutit à un ré-
sultat équivalent. Les opacités du cliché ne sont pas accrues par
un dépôt métallique supplémentaire : leur ton est simplement
changé du noir à un nuance brune beaucoup moins actinique, et
cette particularité nous fait déjà prévoir que les valeurs de l'image
ainsi traitée conserveront leurs valeurs relatives.
Cet avantage n'est pas le seul : le virage à l'urane renforce, en
somme, plus énergiquement que les renforçateurs précédents et
permet ainsi d'arriver à des intensités très fortes en partant d'ima-
ges très faibles, et cela sans empâter les lumières, en sorte qu'on
en obtient des clichés très harmonieux, quoique très vigoureux.
Si le cliché est sec, il faut le mouiller pendant quelques instants,
avant de commencer le renforcement : l'opération marche alors
très régulièrement. L'examen par transparence montre l'intensifi-
cation graduelle de l'image, qui prend peu à peu la teinte sépia.
Cette couleur trompe parfois le débutant; il faut quelques essais
pour apprendre à juger de l'intensité réelle du phototype d'après
son intensité apparente. Arrivé au point voulu, on arrête le virage
en lavant à l'eau courante, jusqu'à complète disparition de la
teinte jaunâtre qui colore les parties transparentes. Toutefois, il
importe de ne pas prolonger ce lavage outre mesure : la durée n'en
doit pas dépasser un quart d'heure, sous peine d'affaiblir l'image,
qui s'altère aussi sous l'influence de l'humidité.
Les plaques traitées à i urane ne aoivent pas être lavées dans
des cuves à rainures de zinc. La moindre trace d'un sel de ce métal
décomposerait le ferrocyanure d'urane qui constitue l'image et
provoquerait la formation de ferrocyanure de zinc. Cette réaction
180 TRAllÈ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
est d'ailleurs mise à profit pour affaiblir les phototypes trop renfor-
cés par le bain d'urane : on n'a qu'à les plonger dans une solution
très étendue de chlorure de zinc. Une solution peu diluée agirait
trop brutalement et attaquerait, en outre, la gélatine.
Les clichés renforcés à l'urane passent quelquefois au brun jau-
nâtre, lorsqu'on en a tiré un certain nombre d'épreuves ; c'est là
l'indice d'un lavage insuffisant. Il faut que l'élimination du renfor-
çateur soit assez parfaite pour qu'une portion de la dernière eau
de lavage, mêlée à une petite quantité de perchlorure de fer ou
d'oxalate ferreux, ne donne plus de coloration bleue. Quand cette
condition est réalisée, l'image est beaucoup plus stable que si elle
avait été renforcée aux sels de mercure, pourvu qu'elle soit sous-
traite à l'influence de l'humidité par un vernis imperméable.
Renforçateur au ferricyanure de cuivre. — C'est encore un
virage, qui agit d'une manière analogue au précédent, mais donne
des images de couleur rougeâtre et parfaitement stables, même
dans l'air humide. On fait d'abord dissoudre ;
Éau distillée 100 ce.
Sulfate de cuivre 5 gr.
Cette solution est additionnée de carbonate d'ammoniaque jus-
qu'à ce que le précipité verdâtre qui se forme d'abord se redis-
solve. On ajoute ensuite :
Eau distillée 700 ce.
Ferricyanure de potassium 12 gr.
On ajoute, enfm, du carbonate d'ammoniaque, en quantité suffi-
sante pour redissoudre le nouveau précipité qui vient de se former.
L'amateur aura tout avantage à se dispenser de procéder à cette
préparation assez compliquée, quoique sans difficulté. Il évitera
tout risque d'insuccès, et par suite toute dépense inutile, en em-
ployant les virages au cuivre, vendus sous forme de mélanges en
poudre très solubles dans l'eau.
Le phototype est placé sec dans le bain de cuivre. Au bout de
quelques instants, l'image prend une teinte brune, qui passe en-
suite au rouge-cerise de plus en plus vif. Arrivé à l'intensité désirée,
on élimine le renforçateur, à l'aide de lavages qui peuvent être
prolongés sans inconvénient.
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE 181
Renforçateurs à l'argent. — Le renforcement à l'argent est un
procédé identique au développement physique, dont il ne diffère
qu'en ce qu'il s'applique à une image déjà visible, quoique encore
trop faible. Cette méthode a donné lieu à d'innombrables formules,
d'ailleurs peu difîérentes les unes des autres. Nous ne donnons
ici que celle de S.-B. Wellington, mais on pourra également uti-
liser celles qui sont indiquées à propos des révélateurs physiques
(p. 151), ou du développement après fixage (p. 169), ou du ren-
forcement des plaques autochromes (p. 374).
On prépare une solution de réserve ainsi constituée :
Eau distillée 1.000 ce.
Nitrate d'arg^ent 20 gr.
Sulfocyanure d'ammonium 40 —
On fait d'abord dissoudre le nitrate d'argent dans oO ce. d'eau,.
on y ajoute le sulfocyanure, et, après dissolution du précipité qut
s'était d'abord formé, on ajoute le reste de l'eau. Il se produit
alors un nouveau précipité, que l'on fait redissoudre en ajoutant
au mélange une solution saturée d'hyposullite, en quantité suffi-
sante pour que le tout redevienne limpide.
Pour l'usage on prendra :
Solution de réserve 100 ce.
Acide pyrogallique 0 gr. 5
Sulfite de soude 1 —
Ammoniaque 15 goultes
Bromure d'ammonium 5 gr.
Le cliché, sommairement lavé après le fixage, est laissé dans ce
bain jusqu'à intensité suffisante. Généralement 10 minutes suffi-
sent. Il faut balancer continuellement la cuvette et, si l'action du
bain se ralentit, y ajouter un peu d'ammoniaque. Si la solution
se trouble, il vaut mieux la jeter et en préparer une nouvelle. On
terminera par un lavage à l'eau courante.
Renforcement par chloruration et second développement. —
Cette méthode consiste à transformer l'argent qui constitue l'image
en chlorure d'argent que l'on réduit ensuite dans un second déve-
loppement. La couleur noir grisâtre du négatif primitif se trouve
alors changée en une couleur brune, très inactinique, qui fournil
11
182 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
au tirage des photocdpies très intenses. Pour chorurer l'argent,
les moyens ne manquent pas. La formule suivante est due à M. Tape :
Eau 30 ce.
Bichromate de potasse 0 gr. 35
Chlorure de potassium 0 — 60
Acide chlorhydrique 4 gouttes.
Le cliché, préalablement mouillé, est blanchi dans ce bain chlo-
rurant, puis lavé pendant une demi-heure environ et enfin soumis
à l'action d'un révélateur au métol ou à l'hydroquinone, à l'adurol,
à l'acide pyrogallique, etc., avec celte remarque que l'intensifica-
tion obtenue varie avec chacun d'eux. En tout cas, ce nouveau
développement doit être suffisamment prolongé pour que tout
le chlorure soit réduit, sans quoi l'opération aboutirait, en fin de
compte, non pas à un renforcement, mais bien à un affaiblissement.
Affaiblisseur au ferricyanure de potassium. — Ce réactif,
désigné habituellement sous la dénomination de réducteur de Far-
mer j du nom de son inventeur, sert à éclaircir les phototypes. trop
opaques ou légèrement voilés dans les ombres. Sa formule ordi-
naire est :
Eau 1.000 ce.
HyposulOte de soude 50 gr.
Ferricyanure de potassium (prussiate rouge) .... 5 —
Celte solution s'altère assez rapidement et ne doit être préparée
qu'au moment de l'emploi. Le phototype s'y éclaircit, diminue de
densité et finit même par s'effacer complètement; il faut le retirer
un peu avant d'avoir atteint le degré de réduction voulu, car la dis-
solution de l'argent se poursuit encore légèrement, pendant les
premiers instants du lavage.
On reproche souvent à ce réactif de travailler irrégulièrement et
de ronger les demi-teintes de l'image. Le D'" Sturenberg a montré
que ces griefs ne sont pas fondés et que l'affaiblisseur de Farmer
donne des résultats sûrs et constants, quand il est convenablement
préparé et judicieusement employé.
Plus la dose d'hyposulûle est grande, plus la réduction est géné-
rale sur toute l'étendue de Timage ; plus on ajoute de ferricyanure,
plus les demi-teintes sont rongées. En outre, si le mélange présente
une réaction alcaline, son action est beaucoup plus modérée et
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE 183
s'exerce uniformément sur toute la surface. Il en est de même, si
l'on additionne la liqueur de 10 p. 100 d'acide acétique ; seulement,
le bain acide agit beaucoup plus lentement que le bain alcalin.
M. Sturenberg fait usage, suivant le cas, d'un bain neutre ou d'un
bain alcalin, qu'il combine à l'aide de trois solutions :
A. Eau 100 ce.
Hyposulfite de soude 5 gr.
B. Eau 100 ce.
Hyposulfite de soude 5 gr.
Carbonate de soude 10 —
G. Eau 100 ce.
Ferricyanure de potassium 5 gr.
Pour affaiblir uniformément un cliché trop opaque, on prendra:
Solution B 100 ce.
Solution G 50 gr.
Si, au contraire, le cliché est gris ou voilé et qu'on désire en
augmenter les contrastes ou simplement en éclaircir les transpa-
rences, il vaudra mieux employer :
Solution A 100 ce.
Solution G 10 ou davantage.
Affaiblisseur aux sels de cérium. — La solution :
Eau 100 ce.
Sulfate de peroxyde de cérium 10 gr.
Acide sulfurique 4 —
se conserve sans altération et peut servir jusqu'à épuisement. Elle
agit très rapidement, mais avec régularité. Additionnée d'une plus
grande quantité d'eau, elle travaille lentement, mais aboutit au
même résultat. Elle a une tendance à augmenter les constrastes
de l'image, comme le réducteur de Farmer, mais elle a sur ce
dernier l'avantage de se conserver en solution toujours prête à
l'emploi.
Affaiblisseur au persulfate d'ammoniaque. — Le persulfate
d'ammoniaque possède la remarquable propriété d'attaquer les
grandes opacités plus que les demi-teintes et d'adoucir ainsi les
contrastes des négatifs trop durs. La formule normale est :
184 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Eau 100 ce.
Persulfate d'ammoniaque 3 gr.
Il vaut mieux diminuer la concentration de ce bain que de l'aug-
menter. La réaction est, il est vrai, plus lente, mais une solution
plus concentrée risquerait de désagréger la gélatine.
L'affaiblissement ne commence pas immédiatement après l'im-
mersion du phototype, mais la marche en est ensuite très régulière.
Quand le résultat désiré est atteint, il faut plonger la plaque dans
une solution de sulfite de soude à 10 pour 100, afin d'arrêter net
l'action du persulfate. Cette précaution n'est pas indispensable :
on peut se contenter de laver à Feau courante, en s'y prenant un
peu à l'avance, l'affaiblissement se poursuivant jusqu'à l'élimina-
tion totale du persulfate. Cette dernière méthode fait même gagner
du temps, mais conduit à des résultats moins parfaits et surtout
moins exactement contrôlés que la première.
Le persulfate s'altère très rapidement en solution. Il ne faut
donc le faire dissoudre qu'au dernier moment. En outre, il arrive
parfois qu'une solution fraîchement préparée ne produit aucun
effet; c'est que le persulfate n'affaiblit pas, lorsqu'il présente une
réaction alcaline. Si donc la provenance de ce sel permet d'en sus-
pecter la qualité, il sera prudent, en le dissolvant, de l'essayer au
papier de tournesol bleu. La réaction n'est-elle pas nettement
acide, on ajoutera quelques gouttes d'acide sulfurique, jusqu^à ce
que le papier rougisse.
L'affaiblisseur au persulfate convient surtout aux clichés sous-
exposés qui ont été trop développés, tandis que les affaiblisseurs
précédents en détruiraient les demi-teintes et exagéreraient encore
les oppositions d'une image déjà trop heurtée. Il faut remarquer
cependant que le persulfate ne doit pas être appliqué aux clichés
développés au paramidophénol : dans ce cas, en effet, les demi-
teintes seraient encore plus rongées qu'avec les autres affaiblisseurs.
Affaihlisseur à la quinone. — MM. Lumière et Seyewetz ont
reconnu que les quinones et leurs dérivés sulfoniques en solution
aqueuse acidulée présentent des propriétés analogues au persul-
fate d'ammoniaque. « Pour expliquer, disent-ils*, le phénomène
1. Bulletin de la Société française de photographie, 1910,,
L'ACHEVEMENT DU PHOTOTYPE 185
que la quinone agit de préférence sur les parties opaques de l'i-
mage et respecte les faibles impressions, c'est-à dire paraît exercer
son action depuis le fond de la couche jusqu'à la surface, on peut
supposer que rtiydroquinone et le sel d'argent soluble qui pren-
nent naissance dans la dissolution de l'argent jouent le rôle de
renforçateur physique qui tend à déposer de l'argent à la surface
de l'image et à paralyser ainsi la dissolution de l'argent à partir de
la surface de l'image. »
La composition qui a donné les meilleurs résultats est :
Eau 1.000 ce.
Acide sulfurique 20 —
Benzoquinone 5 —
Cette solution est d'abord jaune clair, mais se colore à la longue
en brun, même à l'abri de la lumière, et laisse déposer un préci-
pité verdâtre. Elle n'agit pas immédiatement sur l'image et n'y
exerce son action dissolvante qu'au bout de quelques minutes.
Quand l'image est suffisamment affaiblie, on lave le phototype et
on le plonge dans une solution de bisulfite de soude à 20 p. 100.
Ce réactif est ensuite éliminé par un dernier lavage.
Affaiblisseur à l'acide chromique. — La formule la plus sim-
ple est :
Eau 1.000 ce.
Acide chromique cristallisé 1 gr.
Cependant, quelques gouttes d'acide sulfurique facilitent la dis-
solution de l'argent des clichés très intenses. Aussi préfère-t-on
généralement préparer cet affaiblisseur en utilisant la réaction de
l'acide sulfurique sur le bichromate de potasse :
Eau 1.000 ce.
Bichromate de potasse 1 gr.
Acide sulfurique 1 —
Ces proportions donnent déjà un mélange fort actif. Il vaudrait
même mieux diluer davantage; en tout cas, c'est là un maximum
de concentration à ne pas dépasser. Un bain trop énergique est
difficile à surveiller, produit souvent des irrégularités et risque
même de tout effacer avant que l'on ait eu le temps d'en retirer le
cliché.
186 TRAITE GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
L'affaiblisseur à l'acide chromique se conserve indéfiniment
intact; il est, par conséquent, toujours prêt à l'emploi. Il est si.
dilué, il nécessite une si faible quantité de substance active, que
l'élimination en est facile et rapide, ce qui réduit le lavage au mi-
nimum.
Affaiblisseur à l'acide permanganique. — La solution doit être
très étendue :
Eau 1.000 ce.
Permanganate de potasse 0 gr. 5
Acide sulfarique 1 ce.
Ce bain s'emploie de la même manière que l'acide chromique,
mais n'en a pas la stabilité. Il a, de plus, l'inconvénient de pro-
duire dans la gélatine un dépôt de bioxyde de manganèse, qu'il
faut éliminer dans :
Eau 1.000 ce.
Acide oxalique 10 gr.
Affaiblisssur à l'eau céleste. — On appelle eau céleste la solu-
tion ammoniacale de l'oxyde de cuivre. Pour la préparer, on fait
dissoudre 1 gr. de sulfate Je cuivre dans un litre d'eau, et Ton y
ajoute de l'ammoniaque jusqu'à ce que le précipité qui se forme
d'abord soit exactement redissous. On a alors une liqueur bleue^
limpide. Pour l'employer à l'affaiblissement, on l'additionne d'une
quantité égale d'hyposulfite de soude à 5 p. 100.
Cet affaiblisseur passe généralement pour adoucir les contrastes
du phototype. Cependant cet adoucissement est très contestable;
en tout cas, il est certainement moins marqué que celui qu'on
obtient avec le persulfate, avec la quinone et surtout avec la mé-
thode de chloruration et de second développement qui va être
décrite.
Affaiblissement par second développement. — Les affaiblis-
seurs précédents ont un défaut commun. Leur action consiste sim-
plement dans la dissolution progressive de l'argent qui constitue
l'image. On conçoit, dès lors, que, si cette action n'est pas arrêtée
à temps, l'image peut se trouver trop affaiblie, sans qu'il soit pos-
sible de faire renaître les demi-teintes complètement disparues. Il
peut même arriver qu'une circonstance imprévue oblige le photo-^
L'ACHEVEMENT DU PHOTOTYPE 187
graphe à abandonner momentanément la surveillance de l'opéra-
tion et que son absence se prolonge, tant et si bien qu'il ne retrouve
plus, à son retour, qu'une plaque de verre ou une feuille de cellu-
loïd uniquement revêtue de gélatine parfaitement transparente. On
peut quelquefois y remédier à Faide du renforçateur physique à
l'argent, mais souvent le mal est sans remède, et le meilleur moyen
d'éviter à coup sûr cet accident est de procéder de la façon suivante.
L'argent qui forme l'image est d'abord transformé en un sel
insoluble dans l'eau : chlorure, bromure ou iodure d'argent, que
l'on réduit ensuite partiellement, en pleine lumière, à l'aide d'un
révélateur.
Pour chlorurer le phototype, on a conseillé l'emploi d'un^ solu-
tion de bichlorure de cuivre à 5 p. 100. Mais la réaction de cette
substance sur l'argent donne lieu à la formation de protochlorure
de cuivre, insoluble dans l'eau et difficile à éliminer complètement.
Il vaut mieux se servir de perchlorure de fer à 3 p. 100, ou bie#
du mélange ci-après :
Eau 150 ce.
Bichromate de potasse 1 gr.
Acide chloriiydrique 3 ce.
En employant une solution de bromure de cuivre, l'argent de
l'image serait transformé en bromure d'argent; il le serait en iodure
d'argent, si Ton s'était servi d'iode en dissolution avec un iodure
alcalin, par exemple :
Eau 1.000 ce.
Iodure de potassium 10 gr.
Iode en paillettes 2 —
Dans l'un et l'autre cas, le principe de la méthode resterait iden-
tique, et la suite des opérations ne serait pas changée.
Quand l'image tout entière est devenue blanche, même à l'envers,
on lave abondamment la plaque, puis on la traite par un révélateur
dont on a soin d'arrêter l'action avant qu'elle se soit exercée dans
toute l'épaisseur de la couche. On fixe alors, et l'hyposulfite enlève
définitivement le chlorure, le bromure ou l'iodure resté inattaqué.
Il est clair qu'en faisant usage d'un révélateur riche en alcali et tra-
vaillant surtout à la surface, comme le métol, on noircira rapide-
188 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ment les demi-teintes, qui conserveront, dès lors, toute leur vigueur
primitive, tandis que les fortes opacités n'auront pas eu le temps
d'être développées dans toute leur profondeur. Le résultat final
sera, par conséquent, un adoucissement encore plus parfait que
celui qui serait résulté de l'emploi du persulfate ou de la quinone.
Ce second développement est certainement le plus précieux des
correctifs dont nous disposions actuellement. L'opérateur a la
faculté d'en varier à son gré les éléments constitutifs et la concen-
tration, avec cet avantage sur le premier développement qu'il y
procède au grand jour, sans courir le moindre risque de voile, et
dans les meilleures conditions possible pour bien juger de l'inten-
sité du phototype. D'ailleurs^ si l'on se trompe dans l'appréciation
de cette intensité ou dans le rendu des valeurs, il n'y a qu'à laver
le cliché et à le blanchir de nouveau, pour recommencer le déve-
loppement. On ne fixera que lorsqu'on aura obtenu le résultat voulu.
Vernissage. — Les clichés destinés au tirage d'un petit nombre
d'épreuves sont rarement vernis. Cependant, la couche de géla-
tine se conservera mieux et plus longtemps, si elle est recouverte
d'un enduit qui la préserve des frottements et de l'humidité. D'au-
tre part, certains papiers positifs contiennent du nitrate d'argent
susceptible d'occasionner des taches sur un phototype non verni,
quand le tirage se prolonge par temps humide ou quand, l'image
n'étant pas suffisamment venue à la fin de la journée, on laisse
l'épreuve en contact avec le cliché pendant la nuit. Enfin, les cli-
chés soumis à un fort tirage risquent d'être abîmés par les frotte-
ments réitérés qu'ils auront à subir : il sera donc nécessaire de les
vernir.
Cette opération ne devra être effectuée qu'après complète des-
siccation de la couche de gélatine. Parmi les nombreuses formules
de vernis qui ont été proposées, nous conseillons les suivantes :
1. Alcool méthylique 1.000 ce.
Sandaraque 100 gr.
Térébenthine de Venise 75 —
Ce vernis se prépare à froid, mais s'applique à chaud. Le cliché
est préalablement chauffé et posé horizontalement; on y étend
rapidement le vernis et on le redresse de manière à faire couler
L'ACHEVEMENT DU PHOTOTYPE 18»
Texcédent dans un flacon surmonté d'un entonnoir. Le cliché est
ensuite chauffé de nouveau, avec précaution, pour ne pas enflam-
mer l'enduit. La couche ainsi obtenue est très brillante.
2. Alcool 100 ce.
Benjoin 15 gr.
Ce vernis, peut être appliqué à froid, mais la couche est alors
moins brillante et moins résistante que si on l'applique à chaud.
Par contre, elle off"re l'avantage de rendre la retouche très facile,
sans dépolissage préalable.
3. Benzine cristallisable 1.000 ce.
Gomme Dammar ; 10 gr.
4. Tétrachlorure de carbone 100 ce.
Gomme Dammar 5 gr.
Ces vernis s'emploient à froid. Le tétrachlorure de carbone a sur
la benzine l'avantage de n'être pas inflammable.
5. Acétone 50 ce.
Acétate d'amyle 50 —
Celluloïd 1 gr.
Pour la préparation de ce dernier enduit, connu sous le nom de
vernis cristal, on peut utiliser des pellicules hors d'usage, dont la
couche de gélatine aura été préalablement enlevée dans l'eau
chaude. Le celluloïd se dissout à froid dans les liquides indiqués
et s'étend de même. Il donne une couche très brillante et parfaite-
ment transparente.
6. Eau 1.000 ce.
Borax 25 gr.
Gomme laque blanche 100 —
Carbonate de soude 6 —
Glycérine 5 ce.
Le mélange est chauffé et maintenu en ébullition jusqu'à com-
plète dissolution, en agitant continuellement. On filtre ensuite, on
laisse reposer quelques jours et on décante. Ce vernis est appliqué
à froid.
Retouche. — Les clichés à retoucher sont placés sur un pupitre
spécial (fig. 89), essentiellement constitué par un verre dépoli incliné
et éclairé au moyen d'un miroir. Une règle plate que l'on déplace
490 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
à volonté au-dessus de l'image sert d'appui-main. Une planchette
intercepte les rayons passant
par-dessus le pupitre; certains
retoucheurs y ajoutent un voile
noir dont ils s'enveloppent la
tête, de manière à n'être pas
gênés dans leur travail par toute
autre lumière que celle qui est
m\^^\\^^^*ÉS^ transmise par le cliché.
x\, — =^^^^^^^^1 La retouche est ordinairement
exécutée à l'aide de crayons dont
la pointe est rendue très effilée
par frottement sur une lime fine
ou sur un morceau de papier
Cl. Demarîa-Lapierre. émcri. Le crayou ne prend en
Fig. 89. - Pupitre à retouche. général pas suffisamment sur la
couche de la gélatine ni sur les vernis très brillants. Dans ce cas,
on applique sur la partie à retoucher, au moyen d'un pinceau ou
d'un linge fin, une très petite quantité d'un enduit désigné sous
-le nom de mattolin. En voici deux formules, également recom-
mandables :
1. Essence de térébenthine 66 ".e.
Baume du Canada 3C. —
2. Essence, de térébenthine 100 ec.
Gomme Dammar 5 gr.
L'enduit est ensuite tamponné avec un linge fin. Le crayon prend
alors très facilement. La retouche s'effectue par petites hachures,
si fines que la loupe est parfois nécessaire pour les distinguer.
Pour boucher les trous, ou pour couvrir les parties trop trans-
parentes que le crayon ne parviendrait pas à intensifier suffisam-
ment, on emploie l'encre de Chine ou la laque carminée appliquées
au pinceau.
Les retouches s'effectuent parfois au dos de la plaque, par grandes
masses, et Ton obtient ainsi de seffets très doux. Dans ce cas, il faut
d'abord étendre sur le verre un vernis mat, tel que celui-ci :
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE 191
Ether sulfurique 250 ce.
Benzine cristallisable 125 à 150 —
Sandaraque 15 gr.
Mastic en larmes 15 —
La proportion de benzine est modifiée suivant le degré de dépoli
que l'on veut obtenir : le grain est d'autant plus gros qu'il y a plus
de benzine. Ce vernis mat s'emploie à froid et sèche rapidement.
La retouche s'y exécute soit au crayon, soit à l'estompe.
Quand il s'agit de diminuer la transparence d'une assez grande
partie de la plaque, par exemple le ciel d'un paysage, on la recou-
vre de ce vernis, au besoin coloré en rouge par un peu d'éosine,
ou en jaune par de l'aurantia (environ 0,5 p. 100).
Quant aux parties très opaques qu'il est nécessaire d'éclaircir,
on les frotte légèrement à l'aide d'un grattoir ou d'une aiguille, par
petites hachures. Si l'on veut rendre plus transparentes des parties
d'une certaine étendue, on peut les traiter, avant le vernissage, par
l'un des réducteurs mécaniques suivants.
Le phototype étant bien sec, on le frotte du bout de l'index enve-
loppé d'un linge très fin préalablement imbibé d'alcool à 90°. Ces
frictions ne déchirent pas la gélatine, pourvu que le linge reste
constamment humecté. On diminue ainsi peu à peu l'épaisseur de
la couche et son opacité. Dans le cas de halo, notamment, ce moyen
est assez efficace pour faire disparaître l'auréole qui entoure le
point lumineuxc
Dans le même but, M. Bartlett mélange, par parties égales, de
l'huile d'olive et de l'essence de térébenthine, auxquelles il ajoute
une pincée de rouge anglais. Le cliché, après complète dessiccation,
est frotté doucement avec une touffue d'ouate imbibée de cette
mixture. Il faut avoir soin de dégraisser ensuite les opacités ainsi
traitées à l'aide d'un peu de benzine. M. Parlow préconise l'em-
ploi d'une pâte analogue, dans laquelle l'huile est remplacée par
un soluté de savon à l'eau ou à l'alcool. La mixture savonneuse,
additionnée de potée d'étain, de tripoli ou de toute autre poudre à
polir, doit avoir la consistance d'une crème épaisse. Elle est éten-
due par frottement avec le doigt ou avec un tampon de coton. Un
lavage copieux est ensuite indispensable pour enlever les moin-
dres traces de savon.
192 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Pelliculage. — Il est parfois nécessaire de séparer de son sup-
port la couche de gélatine dans laquelle est formé le phototype, et
de la reporter sur un nouveau support, à moins qu'on ne préfère
la conserver à l'état de simple pellicule. Cette séparation, désignée
sous le nom de pelliculage, est pratiquée notamment dans les pro-
cédés d'impression photomécanique, où l'image doit être inversée
de droite à gauche. On y a également recours quand le verre con-
tient des bulles ou des stries qui seraient apparentes sur l'épreuve,
ou quand il est brisé sans que la gélatine soit cependant endom-
magée.
Les manipulations à effectuer et les produits à employer diffè-
rent suivant que le phototype doit conserver exactement ses di-
mensions primitives ou qu'on. préfère l'agrandir légèrement.
Dans le premier cas, le cliché à pelliculer est d'abord plongé
dans :
Eau 100 ce.
Formol du commerce 20 —
Carbonate de soude 5 gr.
On le retire au bout de 15 à 20 minutes, et on le met à sécher
après l'avoir épongé, mais non lavé, de manière que la gélatine
reste imprégnée de carbonate. Une fois sèche, la couche est incisée
au canif, à 2 ou 3 millimètres des bords de la plaque, que Ton
immerge ensuite dans :
Eau 100 ce.
Acide chlorhydrique 10 —
La réaction de cet acide sur le carbonate de soude détermine un
dégagement d'acide carbonique, qui soulevé la pellicule et la dé-
tache du verre. On passe alors sous cette pellicule une plaque de
verre préalablement frottée de talc en poudre et recouverte d'une
couche de collodion, et on retire le tout de la cuvette, en évitant
les bulles d'air. L'excès d'eau est chassé en passant sur la pellicule
un rouleau en gélatine, et on laisse sécher. On recouvre enfin la
pellicule d'une couche de collodion à 3 p. 100 additionné d'une
faible quantité d'huile de ricin. Quand cette couche est sèche, la
pellicule se détache facilement du verre et se trouve protégée sur
ses deux faces par du collodion.
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE 193
Si Ton ne tient pas à conserver à l'image ses dimensions primi-
tives, si l'on désire l'amplifier, il n'y a qu'à supprimer le formol.
La pellicule subit alors, en se détachant, une notable extension,
d'ailleurs variable suivant la nature de la gélatine et la tempéra-
ture des bains. Il va sans dire que, dans ce cas, le cliché devra être
placé dans une cuvette assez grande et que la pellicule sera reçue
sur une plaque d'un format suffisant, soit environ le double du for-
mat primitif.
Lepelliculage avec extension de la couche peut également s'ob-
tenir à l'aide d'un seul bain. Une simple immersion dans une solu-
tion d'acide chlorhydrique à iO p. 100 suffît généralement. Cepen-
dant le résultat est assez aléatoire. On réussira plus sûrement en
plongeant le cliché dans une solution de fluorure d'ammonium à
10 p. 100. Quand la gélatine est détachée du verre, on vide la
cuvette avec précaution, pour ne pas endommager la pellicule, qui
est assez fragile, et on y verse de l'eau pure. On passe ensuite la
nouvelle plaque de verre qui doit recevoir la pellicule. Si la couche
doit rester sur cette plaque, il est nécessaire qu'elle soit parfaite-
ment nettoyée; si, au contraire, elle doit être séparée, la plaque
sera talquée et collodionnée, comme dans le cas du pelliculage
sans extension. La pellicule amplifiée perd naturellement en épais-
seur ce qu'elle gagne en surface : celle-ci se trouvant à peu près
doublée, il en résulte que l'intensité de l'image est baissée de moi-
tié. Il est donc nécessaire de pousser plus loin que d'ordinaire les
clichés destinés à subir le pelliculage avec extension, ou de ren-
forcer l'image, soit avant le report, soit après, mais, dans ce dernier
cas, il ne faut pas collodionner.
Insuccès dans les procédés négatifs. — Les accidents suscepti-
bles d'empêcher la réussite d'un cliché sont très nombreux, mais on .
peut cependant les ramener, en définitive, à quelques causes qu'il
suffira d'indiquer brièvement, en y ajoutant le moyen d'y remé-
dier, quand ce sera possible.
Limage est déformée. — La chambre noire n'a pas été placée
horizontalement, ou bien l'objectif est mal corrigé de la distorsion.
L'image manque de netteté. — Ce défaut provient de l'une ou de
plusieurs des causes suivantes : objectif mal construit ou mal fixé
sur l'appareil, barillets mal centrés sur la monture, lentilles vis-
194 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
sées de biais, champ de netteté trop restreint, diaphragme trop
grand, poussière ou buée sur les lentilles, mise au point impar-
faite, défaut de coïncidence entre la plaque sensible et le verre
dépoli (soit que le châssis soit mal construit, soit que le verre
dépoli ait été placé à l'envers, c'est-à-dire le côté dépoli en
dehors, soit que la plaque ait été mise en châssis verre en avant
et gélatine en arrière), appareil ébranlé par le vent ou par un fonc-
tionnement trop brusque de Tobturateur, vitesse insuffisante de
l'obturateur.
Aucune image n'apparaît au développement. — L'obturateur
fonctionne mal, ou bien un écran opaque (le voile noir ou le bras
de l'opérateur) s'est interposé entre l'objectif et le sujet, au mo-
ment de la pose, ou, enfin, le révélateur a été mal préparé, soit
qu'on ait oublié l'un de ses éléments constitutifs essentiels, soit
qu'on ait fait usage de produits impurs ou altérés par un séjour
trop prolongé dans des flacons mal bouchés. Vérifier le fonction-
nement de l'obturateur et recommencer, s'il est possible, le déve-
loppement avec un nouveau révélateur.
La gélatine se décolle. — Cet accident se produit soit quand la
température des bains est trop élevée, soit quand le révélateur
contient un excès de carbonate, soit quand le développement est
trop prolongé, soit quand le fixateur est trop concentré. On l'évite
en passant un corps gras sur la tranche de la plaque, avant de la
mouiller, en durcissant la gélatine dans l'alun et en faisant usage
de solutions et d'eaux de lavage dont la température ne dépasse
guère 20°.
Voile général très intense. — Si la couche devient toute noire
dans le révélateur, c'est que la plaque a vu le jour. Il faudra véri-
fier l'éclairage du laboratoire et examiner attentivement l'appareil
pour voir si le soufflet n'est pas percé. Cet accident provient aussi
d'une très forte surexposition : on peut alors y remédier, dans une
certaine mesure, en ajîaibUssant le cliché dans le réducteur de
Farmer.
Voile partiel. — Les traînées noires qui coupent l'image pro-
viennent des rayons lumineux qui pénètrent par une fente du châs-
sis ou de la chambre noire. Parfois aussi elles sont causées par le
soleil, dont l'image est réfléchie par les lentilles. Les taches de
VACHEVEMENT DU PHOTOTYPE 195
forme rectangulaire sont occasionnées par le contact de feuilles de
papier blanc qui ont emmagasiné la lumière et impressionnent
■ensuite l'émulsion dans l'obscurité.
Voile dichroïque. — Le cliché est jaune quand on le regarde par
réflexion du côté verre, et rose ou violacé quand on l'examine par
transparence. Ce double aspect est dû, soit à l'introduction dans le
révélateur de substances capables de dissoudre le bromure d'ar-
gent (hyposulfite de soude, sulfocyanure d'ammonium, ammo-
niaque en excès), soit à l'introduction dans le fixateur d'une petite
quantité de révélateur. Cet accident risque donc de se produire si
l'on manipule le cliché pendant le développement avec les doigts
imprégnés d'hyposulûte ou si on plonge dans le fixateur un cliché
mal lavé après le développement. Il est surtout fréquent dans le
développement-fixage et dans le traitement des clichés sous-expo-
sés, qui restent très longtemps dans le révélateur et ne se fixent
ensuite que très lentement. On y remédie en plongeant bs cliché
dans une solution de permanganate de potasse à 1 p. 1.000. Quand
la coloration jaune a complètement disparu, on passe la plaque
dans un bain de bisulfite de soude commercial liquide étendu de
son volume d'eau et on l'y laisse 5 minutes. On termine par un
lavage.
Dépôt blanchâtre. — Les eaux trop calcaires occasionnent par-
fois un précipité qui reste adhérent à la couche, mais que l'on
dissout facilement en passant le cliché dans une solution d'acide
chlorhydrique à 5 p. 1.000.
Taches transparentes. — Les poussières déposées sur la plaque
se traduisent au développement par autant de points blancs. Les
espaces transparents assez larges sont dus à des bulles d'air for-
mées à la surface de la gélatine au moment de son immersion dans
le révélateur. Des inégalités d'intensité se produisent aussi quand
la plaque n'est pas recouverte d'un seul coup par le bain de déve-
loppement : on les évitera en employant une quantité de révéla-
teur suffisante pour que la plaque soit rapidement mouillée sur
toute son étendue.
Marbrures. — Ces inégalités se produisent quand la cuvette n'est
pas agitée pendant le développement, ou quand le révélateur est
modifié par addition d'une substance directement introduite dans
196 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
la cuvelte. Le mélange devra toujours s'effectuer dans un récipient
distinct et reversé ensuite dans la cuvette, après dissolution com-
plète de ses éléments constitutifs.
Méiallisalions. — Des reflets métalliques se montrent sur les
plaques développées à l'oxalate ferreux, quand on y ajoute un
excès d'accélérateur à l'hyposulfite. On les rencontre aussi après
un développement prolongé avec un révélateur épuisé, surtout avec
l'hydroquinone.
Fixage trop lent. — La solution d'hyposulfîte est trop peu
concentrée ou est épuisée après avoir servi à plusieurs clichés.
Le même inconvénient se manifeste aussi quand le phototype est
exposé au grand jour avant d'être complètement fixé.
Teinte opaline partielle. — Le fixage est incomplet : il faut
l'achever en employant, au besoin, une solution d'hyposulfîte fraî-
chement préparée.
Le cliché, développé au pyrogallol, a une couleur brune trop
intense. — Cette teinte ne nuit pas à la qualité des épreuves, mais
elle en retarde le tirage. On y remédie en plongeant le négatif,
fixé et lavé, dans un mélange de 3 parties d'acide chlorhydrique et
de 100 parties d'une solution d'alun saturée à froid, ou bien dans
un mélange de 5 à 10 parties d'acide citrique et de 100 parties de
solution saturée d'alun.
Le cliché est faible, avec des contrastes bien équilibrés. — Le
temps de pose a été exactement calculé, mais le développement n'a
pas été suffisamment prolongé. Renforcer au ferricyanure d'urane
ou de cuivre, ou bien à l'argent (renforçateur physique).
Le cliché est sans vigueur et voilé, — La pose a été trop longue
et le développement arrêté trop tôt. Effacer le voile dans l'affai-
blisseur de Farmer au ferricyanure de potassium et à l'hyposulfîte,
laver et renforcer au bichlorure ou à l'iodure de mercure.
Le cliché, quoique trop faible, est heurté. — Pose et développe-
ment insuffisants. Renforcer au ferricyanure d'urane.
Le cliché est harmonieux, bien détaillé, mais trop vigoureux. —
Il a été correctement exposé, mais trop poussé au développement.
Affaiblir à l'acide chromique.
Le cliché présente une intensité exagérée, avec des contrastes
insuffisants. — 11 donnerait une épreuve sans vigueur, quoique très
L'ACHÈVEMENT DU PHOTOTYPE 197
lente à s'impressionner au tirage, inconvénient qui résulte d'une
pose et d'un développement trop prolongés. Affaiblir au ferricya-
nure de potassium et à Thyposulfite de ?oude (liqueur de Farmer
modifiée suivant les indications de M. Sturenberg, V. p. 183).
Le cliché est trop opaque, avec des contrastes excessifs. — La pose
a été trop courte et le développement trop prolongé. Affaiblir au
persulfate d'ammoniaque, à la quinone, ou par chloruralion suivie
d'un second développement très peu poussé: Si le cliché a été pri-
mitivement développé au paramidophénol, ne pas employer le
persulfate.
Le cliché offre une densité convenable, mais manque de contrastes.
— C'est là un indice de surexposition. Affaiblir Légèrement à l'acide
chromique, laver et renforcer à l'iodure mercurique.
Le cliché, suffisamment intense, est voilé. — Ce défaut est dû soit
à une faible surexposition, soit à l'inactinisme imparfait du labo-
ratoire. Affaiblir très légèrement dans le réducteur de Farmer.
Le cliché a une intensité normale, mais il est dur, heurté. — Ces
contrastes trop accentués sont un indice de sous-exposition. Affai-
blir légèrement au persulfate ou à la quinone, laver et renforcer
àFurane; ou bien chlorurer l'argent, puis développer à nouveau,
mais en ayant soin d'arrêter l'action du révélateur avant que les
grandes opacités soient complètement noircies. Fixer ensuite dans
l'hyposulfite, afin de dissoudre le chlorure non décomposé, laver
et renforcer, si on le juge nécessaire.
Les grandes lumières du sujet sont entourées d'un halo. — Cet
accident ne se produira pas si l'on emploie des plaques anti-halo,
ou des plaques ordinaires dont on a soin d'enduire le verre d'une
couche opaque. Nous avons indiqué, p. 191, un moyen de faire dis-
paraître l'auréçle, lorsqu'on aura été obligé d'utiliser des plaques
sans anti-halo.
Altération du cliché. — Le fixage a été incomplet, ou bien l'hy-
posulfite n'a pas été entièrement éliminé. La gélatine se détériore
dans les locaux humides et se couvre de moisissures : on évitera
cette cause d'altération en vernissant le phototype.
198 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
OUVRAGES A CONSULTER
A. CouRRÈGES, la Retouche du cliché', Paris (Gauthier- Villars) , 1898.
E. CousTET, les Correctifs du développement, Paris (Gauthier- Villars), 1908.
Ganichot, Retouche des épreuves ne'gatives et positives, 3' édition, Paris (Gh,
Mendel).
Klary, l'Art de retoucher les négatifs photographiques, 4« tirage, Paris (Gau-
thier-Villars), 1902.
L. Mathet, les Insuccès dans les divers procêde's photographiques, tome I^', Paris
(Ch. Mendel).
P. PiQUEPÉ, Traité pratique de la retouche des cliche's photographiques, Paris
(Gauthier- Villars), 1906.
WuRTz, la Retouche, Paris (H. Desforges), 1905.
LES PROCÉDÉS AU COLLODION 199
CHAPITRE IX
LES PROCÉDÉS AU COLLODION
Généralités. — Le collodion est un liquide sirupeux que l'on
prépare en faisant dissoudre du coton-poudre ou de la cellulose
tétranitre'e dans un mélange d'éther et d'alcool. En photographie,
ce liquide est ordinairement désigné sous les noms de collodion
simple ou de collodion normal , pour le distinguer du collodion
ioduré ou bromure qui, mis en présence d'une solution de nitrate
d'argent, fournit des couches sensibles à la lumière» Avant la
découverte des émulsions au gélatinobromure, les procédés au
collodion étaient les plus rapides. Aujourd'hui, ils sont entièrement
abandonnés par les photographes portraitistes et par les amateurs,
non seulement à cause de leur rapidité insuffisante, mais encore
et surtout en raison des complications qu'entraîne la préparation
des surfaces sensibles, que l'opérateur est obligé d'effectuer lui-
même.
Cependant, les procédés au collodion sont encore utilisés dans
l'industrie, notamment pour les impressions photomécaniques,
grâce à l'extrême finesse des reproductions qu'ils permettent d'ob-
tenir. Nous n'en ferons néanmoins qu'un exposé succinct, car les
plaques au gélatinobromure à émulsion peu mûrie fournissent des
images qui peuvent dès à présent presque rivaliser de finesse avec
celles que donne le collodion. Il est donc à prévoir que l'industrie
elle-même finira par abandonner des procédés qui ont rendu pen-
dant de longues années d'incontestables services, mais qui sem-
blent condamnés fatalement à disparaître tôt ou tard et se trouver
supplantés par un procédé infiniment plus commode et dont les
résultats ne le cèdent en rien à aucun de ceux que fournissaient
les anciennes méthodes, pleines de difficultés pratiques.
Procédé au collodion humide. — Un grand nombre de formules
20& TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ont été proposées pour la préparation du collodion photographi-
que. La plupart conduisent à de bons résultats, mais à la condi-
tion expresse que les produits employés soient d'excellente qualité
et très exactement dosés.
La formule suivar^te est établie pour des reproductions de sujets
à demi-teintes, tels que tableaux à l'huile, aquarelles, lavis, épreu-
ves photographiques :
Ether sulfarique 600 ce.
Alcool à 90" 400 —
lodure de potassium 2 gr.
— d'ammonium 4 —
— de cadmium 6 —
Bromure de cadmium 3 —
i Coton-poudre 8 —
On fait d'abord dissoudre les iodures et le bromure dans une
l^ortion de l'alcool; le coton-poudre est mis dans le reste de l'al-
cool, et, quand il en est bien imbibé, on ajoute l'éther; on secoue
jusqu'à parfaite dissolution, et l'on mélange les deux solutions.
Pour les reproductions de gravures et de dessins au trait, on
préparera :
A. Ether.. 700 ce.
Alcool 490 —
Pyroxyline 16 gr.
B. Chlorure de calcium 1 gr. 60
lodure d'ammonium 4 gt. 70
lodure de cadmium 7 gr. 80
Alcool à 96° 123 ce.
Après parfaite dissolution, les deux liquides seront mélangés.
Ces collodions iodurés seront conservés en flacons bien bouchés
jusqu'au moment où l'on aura à les étendre sur les plaques de
verre. Ils ne sont, en cet état, nullement sensibles à la lumière.
Les plaques de verre sur lesquelles doit être étendue la couche
de collodion sont d'abord nettoyées avec le plus grand soin. On
emploie de préférence des glaces bien polies, planes, exemptes de
bulles et de rayures. On les dégraisse soit dans la potasse caustique,
soit dans l'acide nitrique, puis, une fois sèches, on les conserve,
à l'abri des poussières, dans des boîtes d'où on ne les sort qu'au
moment de l'emploi.
LES PROCÉDÉS AU COLLODION 20(\
L'étendage du collodion nécessite un tour de main que l'opéra-»
leur ne réussit parfaitement qu'après quelques essais. La glace est
prise par un de ses angles entre le pouce et l'index gauches, tan-
dis que les trois autres doigts, appliqués dessous, la maintiennent
horizontalement. Le flacon de collodion est saisi dans la main
droite; on verse sur la plaque, non pas juste au milieu, mais entre
le milieu et l'angle opposé à celui que Ton tient, la quantité jugée
nécessaire pour couvrir toute la surface ; on incline la glace, et, par
un mouvement circulaire lent, mais ininterrompu, on fait étendre
le collodion, en évitant de le faire revenir sur lui-même, ce qui
produirait des moutonnements. On relève ensuite lentement la
glace et Ton fait écouler, par l'angle opposé à celui que l'on tient,
l'excès de collodion dans un flacon spécial, surmonté d'un enton-
noir garni d'un filtre en laine de verre. Les glaces de grandes
dimensions ne sauraient être tenues de cette manière. On les pose
sur un pivot spécial, qui peut être constitué par un ballon de
caoutchouc, et on leur imprime tous les mouvements d'oscillation
nécessaires à l'aide d'une poignée à ventouse appliquée près d'un
des coins de la surface inférieure.
L'éther et l'alcool s'évaporant rapidement, le collodion ne tarde
pas à faire prise. Aussitôt que sa consistance est jugée suffisante,
on immerge la plaque dans le bain de sensibilisation ;
Eau distillée 1.000 ce.
Nitrate d'argent fondu blanc !.. 80 gr.
lodure de potassium 0 gr. 5
Acide nitrique pur 2 gouttes.
Cette opération s'accomplit dans le laboratoire éclairé par la
lumière jaune. La couche côllodionnée blanchit peu à peu. Quand
elle a pris un aspect uniforme, d'un blanc opalin assez transparent,
elle est prête à servir. 11 faut alors l'égoutter rapidement, la mettre
en châssis et l'exposer sans tarder dans la chambre noire, de telle
sorte que le développement puisse être efTectué avant que la cou-
che ait eu le temps de se dessécher. Entre le moment où la plaque
est retirée du bain d'argent et celui où elle est développée, il ne
doit pas s^écouler plus de 5 minutes. Si Ton attend 10 minutes, le
nitrate d'argent se concentre par l'évaporation et détermine des
taches indélébiles.
202 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Après l'exposition dans la chambre noire, la plaque ne montre
aucune trace d'impression lumineuse. L'image latente est révélée
en versant sur la couche posée horizontalement l'une des solutions
suivantes :
1. Révélateur pow négatifs à demi-teintes :
Eau 1.000 ce.
Acide pyroligneux . iOO gr.
Alcool à 360 50 —
Sulfate double de fer et d'ammoniaque 50 —
2. Révélateur four reproduction de traits (négatifs très durs):
Eau \ 1.000 ce.
Protosulfate de fer 36 gr.
Sulfate de cuivre 12 —
Acide acétique à 85 p. 100 80 —
Alcool 40 —
Ces solutions, en contact avec l'excès de nitrate d'argent dont la
"couche sensible est restée imprégnée, constituent des révélateurs
physiques. C'est pour éviter une dilution excessive du sel d'ar-
gent que la plaque est seulement recouverte d'une très faible
quantité de liquide, au lieu d'être plongée dans une cuvette con-
tenant une couche de 2 ou 3 centimètres d'épaisseur, comme on le
fait pour le gélatinobromure. Aussitôt que les blancs du négatif
tendent à se griser, la plaque est lavée pendant une minute sous
un jet d'eau coulant doucement.
Le fixage est effectué en immergeant la plaque dans une solu-
tion de cyanure de potassium à 3 pour 100. La plaque est ensuite
lavée pendant 2 ou 3 minutes et enfin mise à sécher.
Le négatif ainsi obtenu peut être modifié à l'aide de correctifs
analogues à ceux que l'on applique au gélatinobromure. Ainsi, le
renforcement est généralement effectué à l'aide d'une solution de
nitrate d'argent additionnée d'une substance qui la décompose,
comme l'acide pyrogallique ou le métol : l'argent précipité à l'état
métallique se dépose sur les noirs de l'image proportionnelle-
ment à leur opacité. Quant à l'affaiblissement des négatifs trop
intenses, on le réalise soit en dissolvant directement l'argent qui
constitue l'image dans une solution acide de permanganate de
LES PROCÉDÉS AU COLLODION 203
potasse, soit en le transformant eniodure que Ton dissout ensuite
partiellement dans une solution de cyanure de potassium.
Procédés au collodionsec. — La nécessité de développer l'image
latente moins de 10 minutes après la sensibilisation était autrefois
un inconvénient prohibitif pour le photographe obligé de travailler
en plein air : il lui fallait transporter sur place un véritable labo-
ratoire, et chaque plaque qui n'était pas utilisée à l'instant voulu
était une plaque perdue. Aussi une foule de chercheurs se sont-
ils évertués à éviter cet inconvénient, soit en retardant la dessicca-
tion des liquides dont la couche est imbibée, soit en préparant des
couches susceptibles d'être séchées sans provoquer des taches. De
là les procédés dits coWodions prései^vés et coUodions secs. Aujour-
d'hui, ces procédés n'offrent presque plus aucun intérêt, l'emploi
du collodion demeurant limité à certaines industries, à des tra-
vaux de reproductions, où. rien n'empêche de sensibiliser la plaque
juste au moment de l'impressionner. Les collodions secs ont d'ail-
leurs l'inconvénient d'exiger une pose plus longue que le collodion
humide. Ils sont cependant utilisés dans l'exécution des diaposi-
tifs à l'aide desquels sont préparées les planches d'héliogravure.
Ces diapositifs étant impressionnés souvent par contact sous un
négatif, et non pas dans la chambre noire, on conçoit qu'il est
nécessaire que la couche soit sèche, le défaut de sensibilité n'ayant
en ce cas aucun inconvénient et se trouvant d'ailleurs compensé
par les conditions dans lesquelles s'effectue l'impression.
Le meilleur procédé de collodion sec est celui que le major Rus-
sel a fait connaître dès 1861 et qui est basé sur l'emploi du tanin.
La plaque collodionnée et sensibilisée dans le bain de nitrate
d'argent est ensuite lavée pendant quelques minutes dans l'eau
distillée, puis plongée dans :
Eau ■ 1.000 ce.
Tanin 50 gr.
Alcool 50 ce.
Le tanin doit d'abord être dissous dang l'eau et filtré. On y
ajoute ensuite l'alcool, qui en empêche la décomposition et permet
au liquide de pénétrer plus facilement la couche de collodion.
Après 5 minutes d'immersion, la plaque est mise à sécher. Elle se
204 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
conserve alors plusieurs jours, et même pendant des mois entiers,
à l'abri de la lumière et de l'humidité.
L'impression au châssis-presse, sous un cliché négatif, s'effectre
comme nous l'expliquerons en traitant des diapositifs (chap. XIV).
Sous un cliché de moyenne intensité, placé à 1 mètre d'une puis-
sante lampe à arc, la durée de pose varie de 15 secondes à i minute
environ. Si l'exposition s'effectue à la chambre noire, pour une
reproduction amplifiée ou réduite, le temps de pose sera toujours
très long. On en aura une idée en sachant que le collodion au tanin
est de 3 à 8 fois moins sensible que le collodion humide, et que
celui-ci à son tour exige une pose 200 fois plus longue que les
plaques au gélatinobromure rapides.
Avant de développer la plaque impressionnée, il faut la laver
abondamment, de manière à en éliminer le tanin. L'image est
révélée soit par la méthode chimique, soit par la méthode physi-
que. Le révélateur chimique est constitué par une solution d'acide
pyrogallique à 4 p. 100, additionnée au besoin de quelques gouttes
d'une solution à 2 p. 100 de carbonate de soude. L'image est très
faible et doit être renforcée au moyen d'un mélange de pyrogallol,
d'acide citrique et de nitrate d'argent, constitué en somme de la
même manière que le révélateur physique, ordinairement préparé
en mélangeant à volumes égaux :
A. Eau distillée 1.000 ce.
Acide citrique 5 gr.
Acide pyrogallique 5 gr.
B, Eau distillée 1.000 ce.
Nitrate d'argent cristallisé 20 gr.
La plaque développée est lavée à grande eau, fixée dans une
solution d'hyposulfite de soude à 10 p. 100 et lavée de nouveau.
Si l'image est encore trop faible, on renforcera par la méthode
physique; si elle est trop opaque, on l'éclaircira dans l'afTaiblis-
seur à l'acide permanganique.
Emulsion au collodion-bromure. — Sayce et Bolton préparaient
pour la première fois, en 1865, une emulsion au bromure d'argent
dans le collodion avant d'en enduire les glaces. Peu après, Char-
don perfectionnait ce procédé, qui aurait supplanté tous les autres
si, vers la même époque, le gélatinobromure n'était venu donner
LES PROCÈDES AU COLLODIO N 205
une solution encore plus parfaite au point de vue de la rapidité.
L'émulsion est préparée en faisant dissoudre 12 grammes de pyro-
xyle dans 500 ce. d'alcool et d'éther mélangés à parties égales. On
y ajoute 12 grammes de bromure de zinc, puis, lentement et en
agitant sans cesse, 21 grammes de nitrate d'argent préalablement
dissous dans 30 ce. d'eau et 70 ce. d'alcool. Il se produit ainsi da
bromure d'argent, qui donne au collodion l'aspect d'une crème.
Cette émulsion, préparée à l'abri de la lumière blanche, est aban-
donnée pendant plusieurs jours, dans l'obscurité, et subit alors une
modification moléculaire analogue à la maturation du gélatino-
bromure. Au bout de trois ou quatre jours, le collodion est devenu
beaucoup plus sensible à la lumière. On y ajoute un peu d'eau
régale, on agite bien et on lave le tout dans l'eau distillée. On
recueille ensuite sur un filtre en mousseline le pyroxyle bromure
qui s'est séparé du collodion à l'état spongieux,' on le lave à l'al-
cool et on le fait sécher.
Cette émulsion sèche se conserve pendant plusieurs semaines.
Pour en enduire les plaques, on la fait dissoudre dans l'éther
alcoolisé. Les plaques ainsi préparées se conservent parfaitement
et fournissent des images d'une extrême finesse, mais elles sont
50 à 60 fois moins rapides que les plaques au gélatinobromure de
• sensibilité moyenne.
OUVRAGES A CONSULTER
F. BoiviN, Procédé au collodion sec, 3« édition, Paris (Gauthier-Villars), 1883.
H. Galmels, les Procédés au collodion humide, Paris (édition du journal le Pro-
cédé), 1905.
J.-M. Eder, Das Bromsilber-Kollodion, 2* édition, Halle a/S. (W. Knapp).
C Fabre, la Photor/raphie sur plaque sèche. Emulsion au coton-poudre avec
bain d'argent, Paris (Gauthier-Villars), 1880.
J. Ferret, la Photographie par le collodion, Paris (Gauthier-Villars), 1880.
A.-F. VON HiiBL, Die Kollodion-Emulsion und ihre Anwendung, Halle a/S. (W.
Knapp).
K.-O. Klein, Çollodionemulsion, 2° éd[i[on,Londves{A.-VJ .Penvose etCo.), 1910.
A. LiÉBERT, la Photographie en Amérique, i^ édition, Paris (B. Tignol), 1884.
D.-V. Mongkhoven, Traité général da photographie, 7® édition, Paris (G, Masson),
1884.
C. Russel, le Procédé au tanin, 2^ édition, Paris (Gauthier-Villars), 1864.
Ch.-W. Gamble, We^ Collodion Photography, Londres {Da.v/ha.Tn etWard), 1895.
A. Payne, The Wet Collodion Process, Newcastle on Tyne (Mawson), 1907.
12
LIVRE III
PROCÉDÉS POSITIFS
CHAPITRE X
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT
Procédés au chlorure d'argent. — La combinaison du chlore
et de l'argent se décomposant facilement à la lumière, le moyen
le plus simple d'obtenir une image positive est d'exposer au jour,
sous un cliché négatif, un papier recouvert de chlorure d'argent :
la couche, d'abord blanche, noircit progressivement, d'autant plus
rapidement que la lumière est plus vive et le phototype plus trans-
parent. Tantôt la substance sensible est directement incorporée
au papier (c'est le procédé au papier salé), tantôt elle imprègne un
enduit superficiel, tel que l'albumine, la gélatine ou le collodion.
Si l'on se bornait à fixer dans l'hyposulfite de soude l'image ainsi
réalisée par noircissement direct, on n'aurait que des tonalités
rouges désagréables et d'ailleurs peu stables : on y remédie par le
virage^ y qui consiste à substituer plus ou moins complètement à
l'image primitive un précipité d'or. L'or pulvérulent étant pourpre,
la nuance définitive sera intermédiaire, suivant la durée du virage,
entre la couleur de l'or et celle de l'image primitive.
Les papiers sensibles aux sels d'argent étant livrés tout pré-
parés, nous nous bornerons à indiquer très sommairement la ma-
nière dont ils sont sensibilisés. En revanche, nous insisterons sur
1. Imaginé par Blanquart-Evrard, en 1845.
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 201
les manipulations auxquelles il y a lieu de les soumettre, afm d'en
tirer le meilleur parti.
Papier salé. — On emploie généralement le papier de Rives ou
de Steinbach. Chaque feuille est d'abord mise à flotter, pendant
2 ou 3 minutes, sur :
Eau distillée , 100 ce.
Chlorure de sodium 8 gr.
Le papier doit y être étendu de manière à ne se trouver mouillé
que d'un seul côté. Pour cela, après avoir marqué d'une croix au
crayon l'envers de la feuille, on la saisit des deux mains par ses
extrémités et, la pliant légèrement, on la fait adhérer au liquide,
d'abord par le milieu, puis on abaisse lentement les bords. Après
quelques secondes de flottage, on soulève un des angles en s'ai-
dant d'une lame de verre, afin de chasser les bulles d'air inter-
posées. On abaisse alors cet angle, pour procéder de même avec
l'extrémité opposée. Au bout de 2 ou 3 minutes, on soulève de
nouveau l'un des angles au moyen de la lame de verre, et l'on fait
sécher la feuille, en la suspendant par des pinces en bois attachées
à une corde.
Pour sensibiliser le papier salé, on le fait flotter, pendant 3 mi-
nutes, sur :
Eau distillée 660 ce.
Azotate d'argent 60 gr.
Carbonate de soude 4 —
Acide citrique 10 —
L'azotate d'argent en contact avec le chlorure de sodium déter-
mine la formation du chlorure d'argent. Le papier se trouve en
outre imbibé d'un excès d'azotate d'argent, qui rend le papier plus
sensible. On fait sécher dans l'obscurité.
Le papier salé donne, bien entendu, des images mates. Elles
sont un peu ternes, étant formées dans l'épaisseur même de la
pâte. On obtient de plus beaux eff'ets avec les papiers gélatines ou
collodionnés à surface mate. Les images brillantes sont obtenues
sur des papiers recouverts d'albumine ou de gélatine.
Papier albuminé. — Pour procéder à l'albuminage, on fait flot-
208 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ter un papier de bonne qualité, du papier de Rives particulière-
ment, sur : 1
Blancs d'œufs battus et filtrés 100 gr.
Chlorure de sodium 6 —
*
Le flottage régulier et sans bulles d'air exige les mêmes précau-
tions que pour le papier salé. Au bout de 5 minutes, la feuille est
retirée et mise à sécher. Le bain de sensibilisation est le même que
celui du papier salé. Bien entendu, c'est le côté albuminé qui doit
se trouver en contact avec le liquide. Le nitrate d'argent coagule
aussitôt l'albumine et la rend insoluble dans les bains auxquels
le papier sera soumis après le tirage. Cette albumine contient en
suspension le chlorure d'argent résultant de la réaction du nitrate
'l'argent sur le chlorure de sodium ; elle contient, de plus, un
excès de nitrate d'argent, qui rend la couche plus sensible et per-
met de développer l'image après un tirage partiel, mais nuit beau-
coup à sa conservation.
On augmente notablement la sensibilité du papier albuminé,
en le soumettant, pendant 10 minutes, à des fumigations ammo-
niacales. Les feuilles sont suspendues à l'inlérleur d'une boîte au
fond de laquelle est placée une cuvette contetiant du carbonate
d'ammoniaque. Ce sel s'effleurit, en se transformant en sesquicar-
bonate, et dégage des vapeurs ammoniacales sèches.
Une fois sensibilisé, le papier albuminé ne se conserve bien que"
dans un endroit très sec. Le mieux est de le tenir dans un étui en
zinc contenant du chlorure de calcium..
Papier au gélatinochlorure. — Ce papier, plus connu sous les
noms de papier au citrate ou de papier aristotype, est de beaucoup
le plus répandu, malgré l'imperfection des images qu'il fournit,
parce que la manipulation en est extrêmement simple, à la portée
même d'un enfant, et aussi parce que c'est le moins coûteux.
Ce papier est recouvert d'une émulsion de chlorure d'argent
incorporée dans de la gélatine, avec un léger excès de nitrate
d'argent. 11 contient aussi de l'acide citrique (d'oii le nom de papier
au citrate), dont le rôle est de conserver le chlorure plus longtemps
inaltéré et de modifier la teinte de l'image. La surface en est bril-
lante, lisse ou mate, suivant l'effet à réaliser.
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 209
L'idée de cette préparation, due à Humbert de Molard, remonte
à 1848, mais ce procédé ne s'est vulgarisé que beaucoup plus tard.
Le mode de fabrication actuel varie naturellement d'une usine à
l'autre. Les formules suivantes sont celles qu'a indiquées Eder :
A. Nitrate d'argent 32 gr.
Acide cilrique 8 —
Eau chaude 160 eCc
B. Gélatine 96 gr.
Chlorure d'ammonium 2 gr. 8
Eau. 700 ce.
G. Aciâe tartrique -. . . . / 2 gr. 8
Bicarbonate de soude i gr. 4
Alun 1 gr. 8
. Eau 700 ce.
On fait gonfler à froid, puis fondre à chaud la gélatine dans la
quantité d'eau indiquée en B, puis on y ajoute le chlorure d'am-
monium. L'acide tartrique est dissous dans l'eau (C), puis on y
ajoute le bicarbonate et enfin l'alun. Les solutions B et G sont mé-
langées à une température d'environ 50°, et la solution A est ajou-
tée, à la lumière jaune, en maintenant la température et en agitant
continuellement le mélangé. L'émulsion, maintenue pendant quel-
que temps entre 40° et 50°, est ensuite filtrée à la laine de verre, et
enfin coulée sur le papier*.
Papier au collodiochlorure. — Le papier au collodiochlorure,
ou à la celloidinej est un papier recouvert d'une couche de nitro-
cellulose à laquelle est incorporé du chlorure d'argent, avec un
léger excès de nitrate. La surface sensible en est brillante ou mate,
suivant le mode de fabrication. Il est plus cher que les papiers au
citrate, mais fournit des images bien supérieures, au point de vue
artistique. Le papier mat, notamment, est d'un très bel effet, sur-
tout quand il a été viré au platine. On peut cependant le traiter de
la même manière que les papiers au citrate, mais des formules
spéciales lui ont été appliquées, et nous les indiquerons, en trai-
tant du virage.
Les formules de préparation du papier h la nitrocellulose sont
très nombreuses. Gelle qui suit est due à Valenta.
1. Eder, Ausfûhrliches Eandbuch der Photographie, IV, i, 1898, p. 165.
210 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
A. Chlorure de strontium 10 gr.
Chlorure de lithium 5 —
Eau 30 ce.
Alcool 55 —
B. Nitrate d'argent cristallisé 22 gr.
Eau 30 ce.
Alcool 60 —
C. Acide citrique 5 gr»
Alcool 40 ce.
Glycérine 6 —
A 350 ce. de collodion normal à 3 p. 100 on ajoute, peu à peu,
15 ce. de la solution A. On y ajoute ensuite, en lumière inactinique,
60 ce. de B, puis 50 ce. de G et enfin 50 ce. d'éther. Après un repos
de 24 heures, on coule sur papier.
Emploi des papiers au chlorure. — Les papiers au chlorure
d'argent ne se conservent pas très longtemps. Même renfermés
dans des enveloppes en papier paraffiné, ils s'altèrent au bout de
quelques mois, parfois même après quelques semaines. Celte alté-
ration est due au nitrate d'argent, qui occasionne peu à peu le
jaunissement de la couche et des réductions du composé sensible.
Le mieux est donc de faire usage uniquement de papiers récem-
ment préparés. La présence du nitrate d'argent provoque égale-
ment des taches sous l'influence de l'humidité : il faut donc éviter
d'appliquer le papier sensible contre un cliché qui ne serait pas
parfaitement sec, car ce cliché se trouverait ensuite couvert de
taches indélébiles. Il en serait de même si le papier restait trop'
longtemps en contact avec un cliché non verni, par un temps
humide ou pendant toute une nuit.
Cependant MM. Lumière ont réussi à préparer un papier à noir-
cissement direct ne contenant point de sels d'argent solubles.
Ce papier, désigné sous le nom d'ActinoSj se conserve indéfiniment
et ne risque pas de tacher les clichés.
Tous les papiers à noircissement direct peuvent être manipulés
soit à la clarté d'une lampe, soit même à la lumière du jour, mais
dans un recoin peu éclairé. Il n'est donc pas nécessaire de s'enfer-
mer dans le laboratoire pour ouvrir les pochettes contenant le
papier, pour le mettre en contact avec le phototype et pour sur-
veiller l'apparition de l'image.
Toutefois, il n'en sera pas de même lorsqu'on se. proposera de
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 211
ne pas pousser jusqu'au bout le tirage par noircissement direct et
d'achever l'image par de'veloppement, comme nous l'expliquerons
dans le chapitre suivant. Dans ce cas, il ne faudra manipuler le
papier qu'en lumière inactinique, comme s'il était très sensible.
Sans cette précaution, l'exposition du papier au jour détermine-
rait une impression d'abord invisible, mais qui se traduirait, au
développement, par des taches ou par un voile uniforme. Il est
essentiel de ne jamais toucher un papier sensible avec les doigts
imprégnés d'hyposulfîte; on évitera d'ailleurs de saisir les épreu-
ves autrement que par leurs bords extrêmes, le contact des doigts
déterminant presque toujours des taches.
Tirage. — La surface sensible du papier est appliquée contre le
côté gélatine ou collodionné du phototype, et les deux surfaces en
contact sont maintenues serrées l'une contre l'autre au moyen d'ua
Fig. 90. — Châssis-presse à glace.
Fig. 91. — Châssis-presse sans gîace.
châssis-presse (fig. 90 et 91). On place dans le cadre de ce châssis
d'abord le cliché et le papier, puis un blanchet ou coussin constitué
par quelques feuilles de papier buvard ou par une pièce de feutre,
et enfin une planchette brisée à charnières maintenue serrée con-
tre le cadre par deux barres transversales portant sur des lames
élastiques. Le tout est exposé au jour, et la lumière, passant à tra-
vers les parties transparentes du négatif, noircit progressivement
le papier, qui reste blanc sous les parties opaques du phototype.
C'est afin de permettre de surveiller l'impression que la planchette
est formée de deux panneaux réunis par des charnières. Quand on
veut examiner l'image, on porte le châssis dans un endroit modé-
rément éclairé, on écarte une des barres et l'on soulève la moitié
de la planchette, comme le montre la fig. 91. On peut ainsi regarder
212
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
une partie de l'image et juger s'il y a lieu d'arrêter le tirage ou de
le continuer. Dans ce detnier cas, on n'a qu'à remettre en place
la planchette et la barre qui la maintient appliquée sur i'épreuve.
Comme l'autre moitié de la planchette n'a pas cessé de maintenir
le papier sensible serré contre le cliché, le côté qui a été soulevé
reviendra se placer exactement dans la position qu'il occupait
primitivement, et la netteté de l'image ne sera en rien altérée.
Le châssis représenté fig. 90 est muni d'une glace épaisse sur
laquelle peuvent être placés des clichés de formats différents. Le
dessin suivant reproduit un modèle sans glace; il est plus léger et
moins coûteux, mais ne peut recevoir que les clichés dont le for-
mat est exactement celui du cadre.
Le tirage s'effectue soit au soleil, soit à l'ombre; il est naturelle-
ment beaucoup plus rapide dans le premier cas. Généralement, on
expose au soleil les clichés très intenses, à contrastes vigoureux.
La lumière diffuse est préférable pour les phototypes faibles, très
transparents ou à oppositions insuffisantes. Ces mêmes clichés sont
parfois exposés au soleil, mais sous un verre dépoli ou sous un
papier dioptrique.
Il est nécessaire de prolonger le tirage un peu au delà de Fioten-
sité que devra présenter l'image, une fois achevée, car elle baisse
toujours au fixage. Cependant, certains papiers baissent moins que
d'autres, et l'intensité à laquelle il convient d'arrêter l'impression
sera déterminée une fois pour toutes par un
tirage d'essai.
Lorsqu'on doit tirer d'un même cliché plu-
sieurs épreuves identiques, il est utile d'em-
ployer un contrôleur de tirage. Le contrôleur
impressimètre de Wynne (fig. 92) est une boîte
percée de 32 ouvertures de transparences dé-
croissantes, avec un chiffre opaque au centre.
Le cadre s'ouvre pour recevoir une bande de
papier sensible de même provenance que celui
qui s'impressionne dans le châssis-presse. Cette
bande se place sous l'échelle transparente. Le tirage de la première
épreuve s'effectue comme à l'ordinaire, en ouvrant de temps à autre
le châssis-presse pour surveiller la venue de l'image. Quand elle est
Cl. Calmels.
Fig. 92. — Impressi-
mètre.
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 213;
à point, on regarde le contrôleur : le dernier numéro visible au
moment où le tirage est fini est celui qui servira de contrôle aux
tirages suivants. Dès lors, pour avoir une série d'épreuves de
même intensité, à l'aide du même cliché, il ne sera plus néces-
saire d'ouvrir le châssis-presse. Il suffira de regarder le contrôleur
et d'arrêter le tirage, quand la nouvelle bande de papier sensible
présentera le même aspect que la première.
Marges et vignettes. — Pour réserver des marges autour de
l'épreuve ou n'imprimer qu'une partie d'un cliché, on se sert de
caches. On désigne sous ce terme des feuilles de papier noir dans
lesquelles ont été découpées des ouvertures correspondant aux
limites de l'image à imprimer. Ces ouvertures sont de forme quel-
conque, ovales, rondes, carrées, etc. Si la délimitation doit être
nette, on place le papier noir évidé entre le cliché et la surface
sensible; si l'on préfère adoucir un peu la ligne de séparation, on
le place en avant du cliché, que l'on expose alors en lumière dif-
fuse (ou au soleil, sous un écran dioptriquej. Enfin, si l'on veut
réaliser un effet de fondUj où la délimitation ne s'opère que par
gradations insensibles, on dispose sur le châssis-presse un dégra-
dateur.
Les dégradateurs sont des caches dont les ouvertures sont cer-
nées de papiers dioptriques superposés ou de dentelures en carton
légèrement recourbées. Gomme ces dentelures sont assez écartées
du cliché exposé en lumière diffuse, elles ne projettent pas une
ombre nette sur l'épreuve, mais ne font qu'en ralentir l'impression
du centre vers les bords. C'est ainsi que sont exécutés les portraits
vignettes. Le modèle a posé devant un fond clair. Au tirage, on
place sur le cliché un dégradateur dont l'ouverture, en forme de
poire, limite l'impression autour de la tête et du buste, non pas
brusquement, mais par gradations rappelant le travail de l'estompe.
Les dégradateurs à dentelures sont parfois remplacés par àes
glaces colorées en jaune ou en rouge, excepté au centre, qui est
incolore. La teinte Ta d'ailleurs de la transparence à l'opacité sans
brusque démarcation, de sorte que le tirage peut être effectué en
plein soleil.
L'ouverture des dégradateurs précédents a une forme invariable.
Chacun d'eux ne peut donc s'appliquer qu'à un nombre de cas très
214
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
•Cl. Demaria-Lapierre.
Fig. 93. — Dégradateur
iris.
restreint. Le dégradateur in's (fig. 93) permet d'obtenir à volonté
toutes les formes d'ouvertures. C'est un cadre dans lequel sont
disposées des lamelles mobiles pivotant les
unes sur les autres et qu'il est facile de com-
biner de manière à laisser un évidement de
la forme voulue. Un verre dépoli s'y adapte
et permet de réaliser un dégradé aussi régu-
lier, aussi délicatement fondu que les dégra-
dateurs ordinaires.
Les marges laissées blanches par les ca-
ches et les dégradateurs produisent quelque-
fois un effet trop cru. Il est bon, dans ce
cas, de les teinter légèrement, en exposant
pendant un instant au jour l'épreuve dont on
a eu soin de protéger la partie impressionnée
à l'aide d'un contre-cache ou d'un contre-
<iégradateur , c'est-à-dire d'un papier noir ou d'un écran à bords
nuancés ou dentelés constituant la contre-partie de l'écran primitif.
Virage. — Les papiers impressionnés seront, autant que possi-
ble, virés le jour même. Si l'on est obligé d'attendre jusqu'au len-
demain, il sera nécessaire de les enfermer dans une enveloppe
paraffinée ; si le virage est différé davantage, il faudra les placer
dans un tube desséché par le chlorure de calcium. L'opération du
virage sera effectuée, de préférence, à la lumière du jour faible,
•qui permettra, mieux qu'un éclairage artificiel, de juger des chan-
gements de couleur que subit l'image dans le bain de dorure.
Le sel employé pour le virage est le chlorure d'or, mais il est
indispensable d'en neutraliser l'acidité en y ajoutant diverses subs-
tances, sans lesquelles l'image serait rongée et perdrait ses plus
délicates demi-teintes. Un grand nombre de formules ont été pro-
posées, soit pour effectuer le virage et le fixage séparément, soit
pour combiner ensemble ces deux opérations. Les papiers salés,
albuminés et collodionnés sont généralement traités par virage
séparé du fixage. Le papier albuminé, surtout, ne donne de belles
épreuves que par un virage distinct du fixage.
Le bain de virage le plus ancien et aussi le plus stable, quand il
est préparé avec soin, est le virage à la craie :
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 215
Eau 1.000 ce.
Chlorure d'or 1 gr.
Craie lévigée 5 —
On agite vivement, on laisse reposer, en pleine lumière, au moins
pendant 24 heures, puis on décante. L'exposition à la lumière doit
être prolongée jusqu'à décoloration complète de la solution, qui
est d'abord jaune. Quand cette teinte a disparu et que le liquide
est bien limpide, il est devenu neutre et ne ronge plus les épreuves.
Il se conserve très longtemps en bon état et donne des tons d'un
beau noir violacé.
Si l'on préfère une autre nuance, on emploiera l'une des for-
mules suivantes :
I II III IV V VI
A. Chlorure d'or
Eau
B. Eau
Benzoate de soude...
Potasse caustique
Phosphate de soude. .
Bicarbonate de soude.
Borax
Tungstate de soude. .
Acétate de soudée ...
Proportions A
— B
Couleur de virage
Auteur
1
150
1000
45
0,5
1
1
Noir.
Archer.
1
500
1000
32
8
1
1
Tiolet rouge.
Phot. franc.
1
250
1000
14
28
20
3
Tiolet noir.
AnttiODy.
1
1000
1000
25
1
1
Sépia.
Bain.
1
1000
1000
25
15
1
1
Tiolet rose.
Wilson.
i
1000
1000
20
1
1
Chocolat
Moncklioveo.
Les formules précédentes sont établies pour le papier albuminé.
Elles peuvent être appliquées au papier salé; maîs comme le virage
en est plus rapide, il est préférable de diluer davantage les solu-
tions, en doublant les quantités d'eau indiquées. La formule sui-
vante s'applique aux papiers au collodio-chlorure :
A. Eau 1.000 ce.
Acétate de soude fondu 20 gr.
B. Eau 500 ce.
Sulfoeyanure d'ammonium ^ gr.
C. Eau 100 ce.
Chlorure d'or 1 gr.
1. L'acétate de soude fondu donne des tons plus bleus que l'acétate cristallisé,
généralement préféré.
216 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Pour l'usage, on prend 170 ce. de la solution A, 40 ce. de la solu-
tion B, et 10 ce. de la solution G. Ce mélange ne se conserve pas
longtemps.
Les papiers au citrate sont généralement traités par virage-fixage.
Néanmoins, on peut aussi les soumettre au virage distinct du fixage,
à l'aide des solutions :
A. Eau 125 ce.
Ph osphate de soude 6 gr.
B. Eau 100 ce.
Chlorure d'or 1 gr.
Pour Tusage, on verse, dans la solution A, 30 ce. de la solution
B. Ce virage donne des tons qui passent du noir velouté au gris-
de-fer.
On peut, enfin, employer le virage à la thiocarbamide ou sulfo-
urée, indiqué par Kessler. A 25 ce. d'une solution de chlorure d'or
à 1 p. 100, on ajoute la quantité nécessaire d'une solution à 2
p. 100 de thiocarbamide pour que le précipité qui s'était d'abord
formé se redissolve, soit environ 15 ce. On y ajoute ensuite :
Acide citrique 0 gr. 5
Chlorure de sodium 10 —
et de Peau en quantité suffisante pour faire un litre.
Ce bain se conserve bien et sert jusqu'à épuisement total de l'or.
Le virage s'effectue très rapidement.
Tous ces bains doivent être décolorés avant d'être employés. Au
moment de procéder au virage, la solution sera versée dans une
cuvette en porcelaine ou en verre réservée exclusivement à cet
usage.
Les épreuves sont d'abord lavées dans deux ou trois eaux, de
manière à éliminer la plus grande partie des sels solubles, puis
on les immerge une à une dans la cuvette à virage, que l'on agite
continuellement. On vire généralement plusieurs épreuves à la
fois, mais il faut cependant éviter d'en mettre un trop grand nom-
bre dans une petite cuvette et les tenir constamment en mouve-
ment, en évitant qu'elles adhèrent les unes contre les autres. Si on
remarque des bulles d'air, il faut les chasser aussitôt à l'aide d'une
tige de verre, ou sortir, les épreuves que l'on replonge ensuite.
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 211
Cette manœuvre suffit presque toujours pour crever les bulles. On
retourne de temps à autre les épreuves, toujours une à une, l'image
tantôt en dessus et tantôt en dessous. Sans ces précautions, le virage
s'effectuerait d'une manière irrégulière, et les épreuves présente-
raient des inégalités de tons. Il importe, en outre, d'éviter abso-
lument de toucher le bain de virage ou les épreuves à virer avec
les doigts imprégnés d'hyposulfîte. L'opérateur qui n'est pas aidé
par un ouvrier chargé du fixage manipulera avec la main droite
les épreuves immergées dans les eaux de dégorgement ou dans le
bain de virage, et ne touchera qu'avec la main gauche celles qui
sont plongées dans le fixateur. Si l'on n'observe pas rigoureuse-
ment ces prescriptions, on aura sûrement des épreuves tachées.
La nuance de l'image change peu à peu, sous l'action du virage •
elle est d'abord rouge-brique, puis rouge violacé, pourpre et noir
froid. Ce changement, variable suivant la composition du virage,
est plus ou moins rapide, suivant que le bain est neuf ou a déjà
servi à virer plusieurs épreuves. L'action en est accélérée par la
chaleur, et certains bains qui paraissent épuisés, en hiver, virent
encore très bien quand on les fait tiédir.
Aussitôt que le ton voulu est atteint, et même un peu avant, car
le virage va continuer encore quelques instants, on sort l'épreuve
et on la plonge dans l'eau. On la retire aussitôt, sinon elle continue
de virer, et on l'immerge dans le fixateur.
Fixage. — Les épreuves virées sont immergées une à une dans :
Eau 1.000 ce.
Hyposulfite de soude 150 gr.
On y ajoutera 3 gr. d'alun, s'il s'agit de papiers gélatines. Le bain
de fixage doit être fréquemment renouvelé. •
A mesure que le sel d'argent non impressionné se dissout, l'image
prend un ton plus rouge; elle semble même revenir au ton qu'elle
avait avant le virage, mais cette teinte disparaîtra au séchage.
Au bout de 10 minutes, les épreuves sont fixées. On les met alors
dans une grande cuvette, oii elles sont soumises à un lavage très
abondant et très soigné, sur lequel nous reviendrons plus loin.
Virage-fixage. — Les papiers au citrate sont généralement virés
et fixés simultanément. Les bains de virage et fixage combinés
13
218 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
ont, sur les bains séparés, l'avantage de donner plus facilement
des images fraîches et brillantes, avec des demi-teintes très fines
et des noirs profonds, quoique bien détaillés. On leur a reproché
de fournir des épreuves moins stables que les bains séparés. En
réalité, si l'on fait usage de solutions préparées avec soin et non
épuisées; si, surtout, les lavages sont bien exécutés, les épreuves
virées et fixées en un seul bain se conservent aussi longtemps que
celles qui ont été virées et fixées séparément. D'autre part, si les
bains ou les lavages laissent à désirer, chacun des deux procédés
aboutit à des épreuves qui s'altèrent, jaunissent et s'effacent en peu
de temps.
Les pochettes dans lesquelles sont vendus les papiers au citrate
cotitiennent ordinairement une instruction relative à leur mode
d'emploi. On se conformera à ces indications, surtout en ce qui
concerne la composition des bains, que le fabricant n'a déterminée
qu'à la suite de nombreux essais. Telle formule, excellente pour
un papier, ne vaudrait rien si on l'appliquait à un papier de pro-
venance différente. A titre d'exemples, nous indiquerons la for-
mule de MM. Lumière et celle de la compagnie Eastman Kodak.
Ces formules conduisent à d'excellents résultats quand elles sont
appliquées aux papiers pour lesquels elles ont été combinées, mais
elles ne conviendraient pas également à d'autres.
Le virage-fixage Lumière a pour formule :
A. Eau bouillante 1.000 ce.
Hyposulfite de soude 250 gr.
Alun ordinaire 15 —
Acétate de plomb 2 - —
B. Eau 100 ce.
Chlorure d'or 1 gr.
La solution A est préparée en faisant dissoudre l'hyposulfite et
l'alun dans l'eau bouillante. On filtre ensuite, et l'on n'ajoute qu'a-
près refroidissement l'acétate de plomb, préalablement dissous
dans un peu d'eau distillée.
Le bain normal est préparé, 24 heures avant de s'en servir, en
ajoutant 6 ce. de la solution B à 100 ce de la solution A. Pour
obtenir plus de limpidité, il est utile d'y ajouter un peu de kaolin
et de filtrer. La température du bain, pendant le virage-fixage, doit
être comprise, autant que possible, entre 18° et 20°,
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 219
Les épreuves, préalablement dégorgées dans r<«eau, sont immer-
gées une à une dans la cuvette (en verre ou en porcelaine) conte-
nant le bain de virage-fixage et maintenues constamment en mou"
vemenf. Dès qu'elles y sont plongées, les images s'affaiblissent et
prennent une couleur rouge-brique, qui ne tarde pas à se modifier
sous l'action du sel d'or. Dès que les demi-teintes ont atteint le ton
voulu, soit au bout de iO minutes environ, les épreuves sont reti-
rées du bain et lavées à grande eau. Si on les laissait davantage
dans la cuvette de virage, les demi-teintes seraient rongées.
On obtient de beaux tons violacés en faisant précéder le virage-
fixage d'un virage or-borax :
Eau 1.000 ce.
Borax ', 10 gr.
Solution de chlorure d'or à 1 p. 100 25 ce.
La solution de chlorure d'or n'est ajoutée à la solution de borax
qu'au moment de procéder au virage; il est bon, toutefois, d'atten-
dre un quart d'heure avant d'employer le mélange.
Le virage-fixage Kodak est préparé en mélangeant :
A. Eau 1.000 ce.
Hyposulfite de soude 200 gv.
Sulfocyanure d'ammonium 4 —
B. Eau 500 ce.
Acétate de plomb 10 gr.
Chlorure d'or 1 — (
Chacune de ces deux solutions doit être préparée au mois 24 heu-
res avant d'être employée. Elles se conservent d'ailleurs très bien,
à l'abri de la lumière. Les deux solutions seront mélangées une
demi-heure avant l'emploi. On prendra 1.000 ce. de A et seulement
100 ce. de B. Cette quantité est exactement suffisante pour virer et
fixer en 8 ou 10 minutes une pochette de papier Soîio au ton brun-
pourpre.
Pendant l'été, les épreuves, rapidement dégorgées dans de l'eau
fraîche, seront laissées, pendant 5 minutes, dans ;
Eau 1.000 ce.
Alun 25 gr.
La couche de gélatine sera alors assez dure pour ne pas fondre au
220 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
cours des opérations suivantes. Les épreuves seront ensuite lavées
avant de passer dans le virage-fixage.
Virage-fixage sans or. — Un vieux bain d'hyposulfite, dans
lequel ont été fixées des épreuves virées, devient lui-même suscep-
tible de virer de nouvelles épreuves. De même, un bain de fixage
acide, quoique ne contenant aucune trace de chlorure d'or, peut
donner des tons agréables, mais peu stables et d'ordinaire rongés
dans les demi-teintes.
La formule suivante donne un ton noir :
Solution de penlathionate de plomb à 21° Baume 1.000 ce.
Hyposulfite de soude 250 gr.
Pour préparer le pentathionate de plomb, on sature par du car-
bonate de plomb une solution d'acide pentathionique à 10° Baume.
Virage au platine. — On obtient de beaux tons noirs, d'une
remarquable stabilité, en virant au platine les épreuves préalable-
ment virées à l'or, mais non fixées. La formule suivante convient
particulièrement aux papiers à la celloïdine mats :
Eau 800 ce.
Ghloroplatinite de potassium i'gr.
Acide citrique 20 —
Les épreuves virées à l'or et lavées sont laissées dans le bain de
virage au platine pendant o à 10 minutes, suivant que la solution
est neuve ou épuisée. On les retire aussitôt que le ton désiré est
obtenu. On les lave ensuite à grande eau, et on les fixe dans un
bain d'h3^posulfite de soude à 5 p. 100.
Les papiers au citrate peuvent également être virés au platine.
On obtient des tons très variés avec le bain suivant, qui devra pré-
céder le virage-fixage. Les épreuves, tirées plus foncées que d'or-
dinaire, seront lavées dans deux ou trois eaux, puis immergées
dans :
Eau 500 ce.
Chlorure de sodium 2 gr.
Ghloroplatinite de potassium 1 —
On les y laissera jusqu'à obtention du ton noir, et on les lavera
rapidement avant de les passer dans le bain de virage-fixage.
Virages divers. — On obtient des images bleu de Prusse sur
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 22!
papier albuminé en faisant flotter Tépreuve, fixée et lavée, mais
non virée, sur un bain préparé à l'aide des deux solutions suivantes
mélangées en parties égales :
A. Eau 1.000 ce.
Citrate de fer ammoniacal 175 gr.
B. Eau 1.000 ce.
Ferricyanure de potassium 200 gr.
On peut traiter de même les papiers au citrate. La pureté des
blancs est mieux conservée en divisant le virage en deux phases.
L'épreuve, fixée et lavée, est d'abord plongée dans :
Eau 1.000 ce.
Ferricyanure de potassium 2 gr.
L'image y disparait presque complètement. On lave avec soin,
et l'jn passe l'épreuve dans une solution diluée de perchlorure de
fer, où l'image reparaît en bleu. On termine par des lavages abon-
dants.
Le virage à l'urane donne des images brun-rouge. L'épreuve
fixée et lavée est passée dans une solution saturée de chlorure de
sodium, puis dans un bain d'alun à 6 p. 100. On la laisse 4 à5 mi-
nutes dans chacun de ces deux bains, et on l'immerge dans :
Solution de ferricyanure de potassium à 2 p. 100 1 partie.
Solution de nitrate d'urane à 6 p. 100 1 —
Dans ce mélange, l'image passe du brun au rouge. On lave, on
fixe de nouveau dans une solution d'hyposulfite de soude à 10
p. iOO, et on lave à grande eau.
Lavages. — Les papiers aux sels d'argent doivent être soumis,
après fixage, à des lavages abondants, afin d'assurer l'élimination
de rhyposulfite, dont les moindres traces restées dans la couche
compromettraient la stabilité des images. Ces résidus du fixage
attaquent, en eff'et, le dépôt d'argent, en provoquent la sulfuration
et déterminent la formation d'un composé complexe jaunâtre qui
pâlit à la longue et finit par disparaître. De là ces épreuves
rongées, résultant de lavages insuffisants, que tout le monde con-
naît.
Cependant, si l'on prolonge les lavages au delà de iO ou 12
heures, on risque de désagréger la pâte du papier. Pour éliminer
222 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
l'hyposulfite en quelques heures, il faut que les épreuves soient
placées dans l'eau courante ou, à défaut, dans une eau fréquem-
ment renouvelée. On les met habituellement dans une cuve en bois
garnie de zinc. Si on les abandonne dans ce récipient, elles s'em-
pilent au fond, et l'eau ne circule plus suffisamment entre les
feuilles. Certaines cuves sont munies d'un grillage disposé à quel-
ques centimètres au-dessus du fond. Les épreuves s'y déposent,
tandis que l'eau contenant l'hyposulfite gagne le fond, par suite
de sa plus grande densité. Le mieux est d'établir un système de
siphonnage qui entretient le liquide et les épreuves en mouvement.
Si l'on ne dispose pas d'une provision d'eau suffisante pour opé-
rer ainsi, on obtiendra néanmoins une élimination suffisante en
procédant comme suit. On remplit à demi deux cuvettes d'eau. On
met dans la première les épreuves, une à une. Au bout d'un
quart d'heure, on retire les épreuves, toujours une à une, et on les
immerge dans la seconde cuvette. On vide l'eau de la première
cuvette, on la remplace par de Teau propre, et, au bout d'un
quart d'heure, on y plonge les épreuves. On recommence avec la
seconde cuvette, et ainsi de suite, en changeant l'eau chaque fois.
On peut aussi se borner à employer une seule cuvette. Chaque
fois qu'on change l'eau, il faut avoir soin de vider complètement
le récipient, et même de presser un peu les feuilles empilées, de
manière à chasser le plus d'eau possible. Enfin on abrège les
lavages, en décomposant l'hyposulfite, soit au moyen du thioxy-
dant Lumière à 10 p. 100, soit en immergeant les épreuves, préa-
lablement alunées, dans :
Eau iOO ce.
Eau de Javeb 15—.
On peut également employer l'acide nitrique, à raison de 2
gouttes pour 100 ce. d'eau.
Si l'on emploie un papier gélatine et que le bain de virage ne
contienne point d'alun, il est nécessaire de rendre la gélatine
insoluble, avant de procéder aux lavages. Sans cette précaution, le
montage des épreuves serait très délicat et, de plus, pendant l'été,
la couche risquerait de couler pendant le lavage. Pour durcir la
gélatine, il suffit de laisser les épreuves, pendant 5 minutes, dans
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 225
une solution d'alun ordinaire à 3 p. 100, ou dans une solution de
formol à 1 p. 100. Le papier Actinos, qui ne contient point de sels
solubles, peut même être durci au formol avant les opérations de
virage et de fixage.
Séchage. — Les épreuves lavées sont suspendues par un coin à
des pinces en bois fixées à une corde ou déposées, image en dessus,
sur des feuilles de papier buvard blanc très propre. On peut appli-
quer un morceau de buvard sur l'image, pour en enlever les gout-
telettes qui rendraient la dessiccation trop lente, mais il ne faut
pas l'y laisser, car Fépreuve, en séchant, se couvrirait d'une sorte
de duvet formé de filaments de papier.
' Si les épreuves doivent être conservées non montées, on évitera
qu'elles se roulent au séchage en les plongeant dans un mélange
d'eau et de glycérine ou dans :
Eau l.OOOcc.
Alcool 400 —
Glycérine 300 —
On les y laisse environ 5 minutes et on les fait ensuite sécher
comme d'habitude. Pour rendre plus brillante la surface des papiers
gélatines, on les fait sécher sur une surface polîe (plaque de tôle
émaillée, glace cirée ou enduite de talc) : nous reviendrons sur ce
procédé, en traitant du montage des épreuves.
Insuccès. — Les procédés par noircissement direct sont si sim-
ples et si sûrs, que les insuccès y sont très rares et ne sont dus
qu'à un manque de soins, soit dans le tirage, soit dans la prépara-
tion des bains de virage et de fixage.
Défaut de netteté. — Si le cliché est net et l'épreuve floue, c'est
que la planchette du châssis-presse est mal assujettie ou a été ou-
verte trop brusquement. Garnir le châssis de coussins en feutre et
n'ouvrir la planchette, pour examiner l'image, qu'avec précaution.
Taches. — Papier humide ou de préparation trop ancienne,
cliché imparfaitement sec, condensation de l'humidité (surtout
pendant la nuit), contact des doigts gras ou humides, cuvette mal
lavée ,
Image grise. — Cliché trop faible ou lumière trop intense. On
y remédie, soit en renforçant le cliché, soit en tirant en lumière
224 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
faible, soit en interposant un verre dépoli, un verre coloré ou du
papier dioptrique.
Image dure. — Cliché à contrastes exagérés, tirage à une lumière
trop douce. Maquiller l'envers du cliché, sur les parties transpa-
rentes, à l'aide d'un vernis mat. Tirer au soleil.
Image rougeâtre. — Virage insuffisant, bain trop vieux ou trop
froid, utilisé pour un trop grand nombre d'épreuves. Chauffer le
bain, ou le renforcer avec un peu de bain neuf, prolonger davan-
tage le virage.
Image noir froid. — Yirage trop prolongé dans un bain neuf.
Inégalités de tons. — Épreuves insuffisamment remuées dans le
bain de virage. Les points circulaires rouges correspondent à des
parties couvertes de bulles d'air que l'on n'aura pas crevées assez
rapidement et qui auront retardé le virage. Deux tons différents
séparés par une ligne de démarcation très nette sont l'indice d'une
immersion trop lente dans le bain de virage. On évite ces irrégu-
larités en employant un bain assez abondant, en y plongeant rapi-
dement les épreuves une à une, en chassant les bulles d'air immé-
diatement et en remuant constamment les papiers, soit dans le
virage, soit dans le fixage.
Ampoules. — Bain de virage trop acide, température des bains
trop élevée ou trop différente d'un bain à l'autre. Ces ampoules
disparaissent généralement au séchage. Quelquefois cependant
elles laissent une trace. On les évite à l'aide d'une solution d'alun
à 3 p. 100.
Gélatine visqueuse. — Température trop élevée. Durcir la géla-
tine dans l'alun ou dans le formol.
Altération de l'image. — Lavage imparfait, humidité, émanations
sulfureuses, mauvaise qualité de l'encollage du papier ou du carton
sur lequel on le monte, acidité de la colle, exposition prolongée au
soleil.
Photographie sur étoffes. — Les tissus peuvent être teints par
des méthodes photographiques, comme nous le verrons en traitant
des impressions pigmentaires (chap. XII). Mais on peut aussi tirer
des images aux sels d'argent sur des étoffes recouvertes d'une sorte
d'apprêt sensibilisé.
L'étoffe est d'abord plongée, pendant 30 à 40 secondes, dans :
LES PHOTOCOPIES PAR NOIRCISSEMENT DIRECT 225
Alcool 1.000 ce.
Benjoin 8 gr.
Mastic en larmes 5 —
Chlorure de cadmium 30 —
On îa presse ensuite entre deux feuilles de papier buvard blanc
parfaitement propres et on la laisse sécher à Tair. Pour la sensi-
biliser, on la tient immergée, pendant une minute, dans une solu-
tion de nitrate d'argent à 10 p. 100, et on la presse de nouveau
entre deux feuilles de buvard avant de la laisser sécher dans l'obs-
curité.
Le tirage s'effectue dans le châssis-presse, comme s'il s*agissait
d'exécuter une épreuve sur papier. Il faut seulement prolonger
davantage l'impression, car l'image baisse un peu plus au virage.
Le tissu impressionné est lavé dans 5 ou 6 eaux différentes, et
viré dans :
Eau 1.000 ce.
Bicarbonate de soude 1 gr.
Chlorure d'or 10 —
Quand le ton voulu est atteint, on rince, et on fixe dans une solu-
tion d'hyposulfite de soude à 10 p. 100.
La méthode précédente ne s'applique pas à la soie. Ce tissu doit
d'abord être lavé à l'eau tiède, afin d'en éUminer l'apprêt ordinaire.
On fait ensuite sécher, puis la pièce de soie est plongée dans :
Eau ■ 100 ce.
Arrow-root 4 gr.
Chlorure de sodium 4 —
Acide acétique 15 ce.
Cette solution est préparée en délayant d'abord l'arrow-root
dans un peu d'eau et en ajoutant le mélange au restant de l'eau
dans laquelle on aura fait dissoudre le chlorure de sodium. On fait
bouillir jusqu'à épaississement (l'arrow-root est une fécule et forme
par conséquent un empois) et on ajoute l'acide acétique.
Au sortir de ce bain, la soie est mise à sécher. Pour la sensibili-
ser, on l'immerge dans :
Eau'distillée 100 ce.
Nitrate d'argent 10 gr.
Acide nitrique 20 gouttes.
226 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
On fait sécher dans l'obscurité, on imprime au châssis-presse et
on vire comme s'il s'agissait d'une épreuve sur papier albuminé.
On procède de même pour le fixage et pour les lavages.
OUVRAGES A CONSULTER
A. GouRRÈGES, Impression des épreuves sur papiers divers par noircissement
direct, par impy^ession latente et développement, Paris (Gauthier- Villars),
1898.
F. DiLLAYE, le Tirage des épreuves en photographie, Paris (J. Tallandier), 1903.
J.-M. Eder, Biç photo graphischen Kopierverfahren, 2e édition, Halle a/S. (W.
Knapp).
Klary, Traite pratique d'impression photographique sur papier albuminé, Paris
(Gauthier-Villars), 1898.
A. LiÉBERT, la Photographie en Amérique, 4^ édition, Paris (B. Tignol), 1884.
L. Mathet, les Insuccès dans les divers procédés photographiques, Paris (Gh.
Mendel).
P. Mercier, Virages et Fixages, 2 vol., Paris (Gauthier-Villars), 1892.
D. VAN MoNCKHovEN, Truité général de photographie, 7^ édition, Paris (G. Mas-
son), 1884.
E. Trtjtat, les Positifs en photographie, Paris (0. Doin et fils), 1910.
E. Valenta, D/e Behandlung der fur den Auskopierprozess bestimmten Emul-
sionspapiere {fihlorsilber gélatine- und Celloïdinpapiere)^ Halle a/S. (W.
Knapp).
LES PHOTOCOPIES PAR DEVELOPPEMENT 227
CHAPITRE XI
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT
Développement des papiers au chlorure. — Les papiers a\* ^
chlorure d'argent noircissent directement au tirage, comme on
l'a vu dans le chapitre précédent. Mais on peut également arrêter
l'impression bien avant que l'image ait acquis toute son intensité,
et la renforcer par développement. Cette opération sera pratiquée
à l'aide d'un révélateur physique dont le nitrate d'argent aura été
remplacé par celui que contient le papier. On a proposé un grand
nombre de formules pour ces révélateurs, désignés quelquefois
sous le nom de continuateurs. La plupart ne donnent que des
images couvertes de taches ou de tonalité désagréable, qu'il est
nécessaire de modifier dans un bain de virage. Ce ton varie d'ail-
leurs, non seulement suivant la composition du révélateur, mais
aussi suivant le degré d'impression de l'image. En effet, une
épreuve directement noircie à son intensité normale devient rouge
dans le bain de fi'xage; une image invisible, au contraire, est révé-
lée en noir au développement et reste noire dans l'hyposulfîte.
Ainsi donc, si une épreuve incomplètement noircie à la lumière est
complétée ensuite dans un révélateur, sa teinte définitive sera
intermédiaire entre le rouge et le noir, et d'autant plus rouge que
le tirage aura été prolongé davantage. L'avantage de cette combi-
naison, outre la rapidité du tirage, c'est la stabilité des images,
moins altérables que celles qu'on obtient par noircissement direct,
et les beaux tons auxquels on arrive sans faire usage des bains d'or.
Le papier est exposé à la lumière , dans le châssis-presse ,
comme nOus l'avons précédemment expliqué, mais seulement jus-
qu'à ce que l'image commence à apparaître. Cette image, à peine
visible, est ensuite complétée dans le révélateur. Il faut bien se
garder de laver le papier, avant de le soumettre au développe-
228 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ment, car le nitrate d'argent qu'il contient est un élément essentiel
du révélateur. Il va sans dire que ce procédé n'est pas applicable
au papier Aclinos.
Le continuateur à l'acide gallique est le plus ancien. On le pré-
pare en faisant d'abord une solution de réserve i
Alcool à 90° 100 ce.
Acide gallique iO gr.
Au moment de développer on prend :
Eau 200 ce.
Solution de réserve 5 —
bolution d'acétate de plomb à 10 p. 100 1 —
L'épreuve y est immergée rapidement, et la cuvette agitée avec
soin. L'image se renforce progressivement et, quand elle est à
point, on la retire aussitôt, on la ]ave sommairement et on la fixe
à l'hyposulfite. On obtient ainsi un ton sépia. En augmentant la
dose d'acétate de plomb, on aurait des tons noir marron. Si l'i-
mage est bien visible, même dans les ombres, il vaudra mieux
augmenter la quantité d'eau indiquée : en la doublant, on aurait
des tons sépia doré. On aura de beaux tons se rapprochant de ceux
du papier albuminé viré à l'or, en prenant :
Eau 200 ce.
Solution de réserve 10 —
Solution d'acétate de plomb 5 gouttes.
Acide acétique cristallisable 15 à 25 —
Liesegang a proposé le continuateur suivant, connu sous le nom
d'Aristogène :
A. Eau bouillie 750 ce.
Acétate de soude cristallisé 200 gr.
Tarlrate de soude et de potasse 30 —
Acide citrique 3 —
B. Alcool 200 ce.
Glycérine 80 ce.
Hydroquinone 45 gr.
On mélange ces deux solutions, que l'on conserve en flacons de
100 ce. bien bouchés. Au moment de développer, on prend ;
Eau 100 ce.
Aristogène 10 —
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT 22»
Le ton obtenu est généralement d'un brun orangé qu'il est néces-
saire de modifier en passant l'épreuve, préalablement lavée, dans
un bain de virage-fîxage ordinaire.
Le continuateur au mélol donne de beaux tons pourprés et ne
nécessite pas de virage complémentaire ;
Eau 200 ce.
Métol 1 gr.
Acide tarlrique i —
Il est à remarquer, toutefois, que les demi-teinles jaunissent
parfois, dans Thyposulfile, ou que l'image vire en deux tons difTé-
rents, suivant l'intensité des ombres. Cet inconvénient ne se pro-
duit pas quand on emploie le paramidophénol, qui donne égale-
ment de belles images, sans virage :
Eau.... 1.000 ce.
Paramidophénol (base) 5 gr.
Acide tarlrique 7 —
Acétate de soude 11 —
^ Acide acétique 45 —
Ce bain est généralement trop énergique, et il est nécessaire de
le diluer. A tous ces continuateurs il est utile d'ajouter un peu de
gomme arabique, dont l'effet est de retarder la précipitation des
composés insolubles qui se forment par la réaction du nitrate d'ar-
gent sur le révélateur. Il faut cependant éviter d'en mettre une
./ trop grande quantité, car le développement serait alors trop ra-
lenti. Le mieux sera de préparer d'avance une eau gommée con-
centrée dont on ajoutera 10 ce. à 100 ce. de révélateur.
Les papiers au chlorure destinés au développement seront ma-
nipulés en lumière très faible ou même dans le laboratoire. Il sera
donc prudent d'effectuer en lumière inactinique l'ouverture de la
pochette contenant le papier sensible, la mise en châssis, l'examen
de l'image et le développement. Sans ces précautions, un voile
général, d'abord invisible, se manifesterait ensuite dans le révéla-
teur.
Papiers au gélatinobromure d'argent. — Les papiers recou-
verts d'une émulsion analogue à celle des plaques et des pellicules
sont traités, de même, par développement et fixage. Les avantages
qu'ils présentent sur les papiers à noircissement direct sont • la
230 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
rapidité du tirage, la régularité de l'impression à la lumière artifi-
cielle et la stabilité des images. La tonalité en est agréable quand
le développement est bien conduit, mais les détails sont souvent
perdus dans les ombres. Sans être réellement difficile, la manipu-
lation en est un peu plus délicate que celle des papiers au citrate.
Les émulsions sur papier sont de sensibilités différentes, suivant
l'usage auquel elles sont destinées. Les plus rapides, quoique plus
lentes que les plaques, ne doivent être manipulées qu'en lumière
rouge. Les papiers les plus lents, recouverts d'une émulsion spé-
ciale au chlorobromure, peuvent être exposés à la lumière jaune
sans se voiler. Il est même possible d'opérer dans une pièce ordi-
naire, éclairée par une lampe à pétrole devant laquelle sera inter-
posé un écran orangé en papier. Dans ce cas, Touverture dès
pochettes, le chargement et le déchargement du châssis-presse,
ainsi que le développement et le fixage, seront effectués à l'abri
de l'écran, tandis q[ué le tirage se fera en approchant le châssis-
presse de la lampe pendant quelques instants.
La manipulation de tous ces papiers nécessite quelques précau-
tions. 11 faut éviter de toucher les surfaces sensibles et surtout de
les rayer; il ne faut même pas que le bord d'une feuille frotte sur
l'émulsion d'une autre feuille. Les moindres frottements se tradui-
sent, au développement, par des raies noires. C'est d'ailleurs pour
les réduire au minimum que la pose doit être calculée de telle
sorte que le développement s'accomplisse en moins d'une minute.
La durée du développement influe d'ailleurs sur le ton de l'image;
la pureté des blancs et la profondeur des noirs en dépendent
aussi.
Il s'ensuit que la valeur du cliché influe sur l'aspect de l'é-
preuve. Les meilleures photocopies sont celles qui sont obtenues à
l'aide de phototypes bien détaillés, vigoureux sans dureté, et dont
le temps de pose n'a été ni trop court ni trop long. Toutefois, on
peut compenser dans une certaine mesure l'excès ou le défaut de
vigueur d'un cliché, en modifiant l'intensité de la source lumi-
neuse. Comme les papiers au gélatinobromure sont impressionnés
à la lumière artificielle, il suffira de faire varier la distance entre
la lampe et le châssis-presse. On éloignera donc les clichés doux,
tandis qu'on rapprochera les clichés durs. Il sera même possible
LES PHOTOCOPIES PAR DEVELOPPEMENT 23i
de faire des corrections locales, en approchant des parties trop
opaques la flamme d'une allumette-bougie.
Les meilleurs révélateurs des papiers au gélatinobromure sont .
ceux au diamidophénol et à la métoquinone. Le premier sera pré-
paré, au moment de l'emploi, selon la formule :
Eau 1.000 ce.
Sulfite de soude anhydre 20 gr.
Diamidophénol 5 —
Solution de bromure de potassium à 2 p. 100. . 10 ce.
Ce révélateur ne se conserve pas, mais donne de très beaux noirs,
en même temps que des blancs très purs. Le bain à la métoquinone
se conserve longtemps, préparé de la façon suivante :
Eau....* 1.000 ec.
Métoquinone " 9 gr.
Sulfite de soude anhydre 60 —
Carbonate de soude 10 —
Solution de bromure de potassium à 10 p. 100. 10 ce.
Ces deux formules sont établies de telle sorte qu'une épreuve
exposée pendant le temps voulu soit complètement développée en
30 ou 40 secondes. Toutefois, si l'on veut obtenir une image vigou-
reuse d'un cliché doux, on réduira un peu le temps de pose, et on
augmentera la dose de bromure, de manière que le développement
dure un peu plus longtemps.
Le révélateur est d'abord versé dans un verre, en quantité suffi-
sante pour recouvrir facilement le papier, soit au moins 100 ce.
pour une feuille 13X18. L'épreuve est trempée dans une cuvette
pleine d'eau, que l'on vide auand le papier est suffisamment assou-
pli. On aura soin que le côté émulsionné soit en dessus. On pro-
jette alors d'un seul coup le révélateur sur la couche sensible, en
évitant les bulles d'air par une rapide agitation de la cuvette. Aus-
sitôt que l'image est sur le point d'atteindre à l'intensité voulue,
on reverse dans le verre le révélateur qui servira à développer
l'épreuve suivante, on lave l'épreuve qui vient d'être développée
et on la fixe dans :
Eau '.. 1.000 c«.
Hyposulfite de soude .* 200 gr.
Bisulfite de soude liquide .' 20 ce.
232 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Le lavage qui précède le fixage doit être rapide, sans quoi
l'image serait trop noire et les blancs n'en seraient pas parfaitement
purs. Le fixage est terminé au bout de 5 minutes. L'élimination de
l'hyposulfite exige, comme toujours, des lavages abondants et pro-
longés. Pendant l'été, le coulage de la gélatine et la formation des
ampoules seront évités au moyen d'une solution d'alun à 3 p. 100,
comme pour les papiers au citrate. La dessiccation s'effectuera
de même, comme nous l'avons expliqué au chapitre précédent.
Au début d'un tirage au gélatinobromure, il est prudent de n'ex-
poser sous le cliché qu'un petit morceau de papier que l'on trempe
dans le révélateur, afin de déterminer le temps de pose. Après
quelques essais, on est exactement fixé sur la valeur du chché et
de l'éclairage, et le tirage s'effectue dès lors très rapidement, avec
une régularité parfaite. En employant un révélateur de composi-
tion constante et peu oxydable, comme la métoquinone, la durée
du développement est invariable, si bien qu'il est facile d'obtenir
un grand nombre d'épreuves identiques, en réduisant au minimum
la surveillance des opérations. Dans certaines usines même, tout
s'effectue automatiquement, à l'aide de machines : c'est ce que
Ton a appelé la photographie au kilomètre. Le papier au gélatino-
bromure est enroulé en longue bande sur un treuil. Un méca-
nisme l'amène d'abord sous le cliché, au-dessus duquel une lampe
électrique détermine l'impression de l'image latente. Le papier
avance de la quantité voulue, et une nouvelle surface se présente
sous le cliché. Pendant que l'impression continue, le commencement
de la bande a été amené par la machine dans une cuve contenant
le révélateur. Chaque photocopie n'y séjourne que juste le temps
nécessaire au développement et passe ensuite dans d'autres réci-
pients destinés au fixage et aux lavages. La bande est enfin séchée
rapidement, et les épreuves automatiquement coupées. On a ainsi,
en quelques instants, de très belles impressions, stables, à des
conditions de prix inconnues autrefois, susceptibles de lutter même
avec les tirages photomécaniques.
Le Thebugraph (ûg. 94 et 95), construit par Th. Busam, de Stutt-
gard, est une réduction simplifiée des usines dont nous venons de
décrire sommairement la disposition. C'est un appareil facilement
transportable, puisqu'il pèse moins de 30 kilos, et qui n'exige de
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT 233
l'opérateur aucune connaissance spéciale. On le charge en pleine
lumière, avec un rouleau de papier ou de carte au bromure d'une
longueur de 50 mètres, ce qui représente environ 320 cartes pos-
tales. On tourne la maniveHe, et la
bande passe successivement sous le
cliché, puis dans les bacs contenant
le révélateur, le fixateur et les eaux
de lavage. Les épreuves sortent de
l'appareil à moitié sèches : quelques
instants d'exposition à l'air suffisent
pour compléter la dessiccation. La
production du Thebugraph est d'en-
viron 800 exemplaires à l'heure. Les
tirages sont remarquables par la ré-
gularité de leur impression, et la
mise en train est assez rapide pour
qu'on puisse commencer la livraison
une heure à peine après l'exécution
du cliché.
Virage des photocopies au bromure. — Le développement des
papiers au bromure donne des tons noirs qu'il est facile de modi-
fier par un virage. Un grand nombre de formules ont été proposées,
mais la plupart ne donnent que des
images facilement altérables. Nous
indiquerons les méthodes les plus
sûres.
Virage en brun par sulfuration. —
Bien que la sulfuration accidentelle
des épreuves aux sels d'argent soit
la cause fréquente de leur altération,
le traitement suivant donne des ima-
ges très stables. Ce traitement, dû à -
MM. Lumière et Seyewetz, consiste ^I;.^-^'^' n ^ rpu a,
To V / 1 p , Fig. 95. — Coupe du Thebugraph.
a sulfurer 1 argent par le soufre à
l'état naissant à l'état colloïdal. A cet effet, on mêle à une solution
d'hyposulfite un colloïde, tel que la gomme arabique, et, après
dissolution, on y ajoute de l'acide chlorhydrique, qui décompose
Cl. F. Krebs.
Fig-. 94. — Thebugraph
234 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
rhyposulfite et libère du soufre. Ce soufre ne se dépose pas, mais-
reste émulsionné à l'état d'extrême division, si les proportions de
colloïde, d'hyposulfite et d'acide sont convenablement établies. Le
mélange suivant satisfait à cette condition :
Eau 1.000 c'a.
Hyposulfite de soude 125 gr.
Solution de dexMne à 50 p. 100. ...... 250 ce.
Au moment d'utiliser cette solution pour le virage, on ajoute :
Acide chlorhydrique ordinaire 50 ce.
Le mélange, qui, au. début, était jaunâtre et limpide, devient peu
à peu lactescent, mais le soufre qu'il contient ne se dépose pas^
même après plusieurs heures. Les épreuves ne paraissent y subir
aucun changement; mais si, après 20 à 25 minutes d'immersion,,
on les soumet à un lavage prolongé, on voit leur teinte virer peu
à peu au brun. Après une heure et dernie de lavage, le ton défi-
nitif est obtenu : c'est un brun chaud, avec des blancs très purs.
Pour remédier à la longueur du lavage, on peut le confondre
avec celui qu'exige l'élimination du fixateur. On peut même sim-
plifier la méthode précédente, en utilisant l'hyposulfite dont le
papier est imprégné au sortir du bain de fixage : l'épreuve est
alors plongée directement dans une solution d'acide chlorhydri-
que à 1 p. 100, où elle séjourne pendant 30 à 40 minutes, après
quoi on la lave pendant une heure et demie au moins.
Virage rouge-cuivre. — Dans une solution à l pour 100 de sul*
fate de cuivre, on verse peu à peu une solution saturée de carbo-
nate d'ammoniaque. Quand le précipité qui s'est d'abord formé se
redissout, on ajoute O^^S de ferricyanure de potassium (prussiate
rouge). L'épreuve, préalablement fixée et lavée, est plongée dans
ce bain : elle passe delà couleur lilas au rouge-violet et finalement
au -rouge vif. On lave ensuite avec soin.
Virage sépia. — L'épreuve, bien lavée après fixage, est plongée
dans :
Eau 1.000 ce.
Ferricyajiure. de potassium 1 gr.
Azotate d'urane 1 —
Acide acétique cristallisable 40 —
LES PHOTOCOPIES PAR DEVELOPPEMENT 235
Village bleu de Prusse. — L'épreuve, bien lavée, est plongée dans :
Eau 100 ce.
Ferri cyanure de potassium 5 gr.
Ammoniaque 5 gouttes.
Quand Timage a presque complètement disparu, on lave la feuille
et on l'immerge dans :
Eau 100 ce.
Solution concentrée de perchlorure de fer 2 gr.
L'image présente alors une teinte bleue très franche.
Virage vert. — L'épreuve, d'abord virée en bleu comme il vient
d'être dit, est passée, après lavage, dans la solution :
Eau 100 ce.
Sulfure de sodium . 1 gi"*
Acide chlorhydrique 5 ce.
Virage jaune. — On prépare séparément les deux solutions :
A. Eau 100 ce.
Ferricyanure de potassium 8 gr.
B. Eau 100 ce.
Nitrate de plomb 8 gr.
Acide acétique 5 ce.
On les mélange au moment de l'emploi et, si le liquide devient
opalescent, on le filtre avant de s'en servir. L'épreuve y blanchit
en peu de temps. On lave jusqu'à disparition complète du voile
jaune uniforme, puis on passe dans une solution de bichromate
de potasse à 1 pour 100. On lave de nouveau, et, si les blancs res-
tent jaunâtres, on les décolorera dans une solution d'acide sulfu-
rique à 1/2 pour 100. Si l'on neutralise le bichromate avec un peu
d'ammoniaque et qu'on y ajoute de l'iodure de potassium, on aura
une image plus intense.
Si l'on ajoute au bichromate (non neutralisé) une faible quantité
d6 perchlorure de fer, le ton obtenu sera vert intense.
Si l'on ajoute au bichromate du bichlorure de cuivre, l'image
sera de couleur orangée. En modifiant les proportions de ces
divers éléments, on réalise une grande variété de teintes.
Insuccès. — Certaines causes d'insuccès sont communes aux
procédés par développement et aux procédés par noircissement
236 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
direct : il en est ainsi, notamment, pour le défaut de netteté, l'insuf-
fisance ou l'excès d'intensité, les inégalités de tons, les ampoules
et la viscosité de la gélatine. On n'aura donc qu'à se reporter à ce
qui en a été dit au chapitre précédent. Par contre, il en est de spé-
ciales au gélatinobromure.
Absence d'image au développement. — La conservation des émul-
sions étant presque indéfinie, l'absence d'image est due soit à
l'omission d'un produit dans le révélateur, soit à l'emploi de pro-
duits impurs, soit à une sous-exposition très considérable, occa-
sionnée quelquefois par le retournement du papier, que l'opéra-
teur aura appliqué par mégarde à l'envers contre le cliciié.
Blancs sales. — Excès de développement ou dose insuffisante de
bromure de potassium dans le révélateur.
Teinte verdâtre. — Cliché trop doux, excès de bromure ou excès
d'exposition compensé par un développement abrégé.
Teinte jaune. — Excès de développement, révélateur altéré,
fixateur trop vieux.
Points hoirs. — Parcelles de révélateur incomplètement dis-
soutes avant l'immersion du papier.
Traits noirs. — Frottement de la surface sensible. Ces traces
peuvent être effacées, après séchage, en les frottant fortement avec
une peau très douce imbibée d'alcool. Il est possible de les éviter,
quand on sait que l'émulsion a été rayée, en ajoutant au révéla-
teur 2 à 4 ce. d'une solution d'iodure de potassium à 1 p. dOO. Les
blancs restent alors parfaitement blancs, mais le fixage de l'épreuve
est un peu plus lent, parce que l'hyposulfite dissout difficilement
l'iodure d'argent qui s'est substitué au bromure. On obtiendra, si
l'on veut, un fixage plus rapide, en employant 300 gr. d'hyposul-
fite par litre d'eau.
Taches jaune-brun. — Traces d'hyposulfîte dans le révélateur;
doigts ou. cuvettes mal lavés.
Platinotypie. — Le platine étant inaltérable, on a songé depuis
longtemps à l'utiliser en photographie. La platinotypie a été inven-
tée par Willis, en 1878. Nous avons vu qu'il était facile de virer
au platine les photocopies au chlorure d'argent préalablement
virées à l'or. On a ainsi de beaux tons noirs très stables. Mais
on peut aussi tirer directement des épreuves au platine, en uti-
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT 237
lisant, comme l'a imaginé Willis, la propriété qu'ont les sels de ses-
. quioxyde de fer d'être réduits par la lumière en sels de protoxyde,
lesquels sont eux-mêmes susceptibles de réduire certains sels de
platine. Ce procédé est simple et rapide. Les images qu'il donne
sont caractérisées par un réel cachet artistique, une teinte gris-
noir rappelant l'aspect d'une gravure ou d'un dessin au crayon.
Les teintes extrêmes du sujet sont bien rendues, sans que les dé-
tails des ombres disparaissent. L'épreuve est une exacte interpré-
tation du cliché, et sa stabilité est certaine. Le seul inconvénient
du papier au platine est son prix élevé.
Il importe de ne pas confondre le papier au platine avec certains
papiers au gélatinobromure mats, dont l'étiquette porte la men-
tion « platine », sous prétexte que la tonalité qu'ils donnent offre
quelque ressemblance avec les résultats de la platinotypie : en réa-
lité, ces papiers ne réalisent ni la finesse des images au platine, ni
le fouillé de leurs noirs profonds, ni leur stabiHté.
Bien que Ton trouve dans le commerce le papier au platine prêt
h l'emploi, nous en ferons connaître le mode de préparation. Cer-
tains amateurs préfèrent d'ailleurs sensibiliser eux-mêmes les
papiers spéciaux qu'ils se proposent d'utiliser dans leurs tirages.
Le papier doit être de pur chiffon et bien encollé. On emploie
de préférence les papiers de Rives, de Zander et de Steinbach, et
on leur fait subir un encollage supplémentaire en les trempant
5 minutes dans la solution suivante maintenue chaude :
Eau 1.000 ce.
Arrow-root 15 gr.
Alun 5 gr.
Après séchage, on recommencera l'encollage, en procédant
comme la première fois. Certains papiers doivent même être
encollés à trois ou quatre reprises.
Les formules de sensibilisation sont assez nombreuses, mais peu
différentes les unes des autres. La plus simple comprend :
Solution saturée de chloroplatinite de potassium 4 ce.
Solution saturée d'oxalate ferrique 8 —
L'oxalate ferrique (qu'il ne faut pas confondre avec l'oxalate
ferreux) est préparé en mettant en présence le perchlorure de fer
238 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
et l'acide oxalique. Ce composé est sensible à la lumière et devra
être conservé dans l'obscurité.
. Le mélange sensibilisateur est étendu sur le papier, d'abord avec
un pinceçLu assez dur, puis égalisé au blaireau. Cette opération
ainsi que le séchage devront s'effectuer à l'abri de la lumière acti-
nique. La dessiccation sera activée en chauffant le papier au moj^en
d'un bec de gaz ou d'une lampe à alcool, sans dépasser cependant
50° à 60°. Quelques minutes suffiront dans ces conditions.
Le papier au platine ne se conserve bien qu'à la condition d'être
parfaitement sec. Comme la couche sensible est très hygrométri-
que, les feuilles doivent être enfermées dans des étuis spéciaux
contenant une substance desséchante, telle que le chlorure de cal-
cium. Les papiers au platine que l'on trouve dans le commerce
exigent les mêmes précautions que ceux que l'opérateur a préparés
lui-même : ils ne doivent être exposés ni à la chaleur ni à l'humi-
dité. On les conservera dans un endroit frais et sec. Quand on
ouvre le tube pour y prendre une feuille destinée au tirage, il faut
renfermer immédiatement les autres feuilles, sans quoi l'effet de
l'humidité qu'elles auraient absorbée se traduirait par des images
grises, dépourvues de vigueur et de brillant.
On s'assurera que le cliché et le coussin du châssis-presse sont
parfaitement secs. Il est même avantageux de remplacer le coussin
de feutre ou de papier par une feuille de caoutchouc.
L'exposition s'effectue à la lumière diffuse du jour. Si le châssis
est placé en plein soleil, le cliché sera protégé par un verre dépoli
ou par une feuille de papier Joseph. Le chargement du châssis et
l'examen de l'image s'effectueront à une lumière aussi faible que
possible.
L'image est légèrement visible; dès qu'elle apparaît sous les
parties opaques du cliché, le tirage est terminé : l'expérience ap-
prendra rapidement le degré exact auquel il est nécessaire de s'ar-
rêter.
Si l'épreuve n'est pas développée immédiatement après le tirage,
on l'enfermera dans un tube contenant des substances desséchantes.
Le développement s'effectue d'ordinaire dans :
Eau 100 ce.
Oxalate neutre de potasse 25 gr.
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT 239
Cette solution doit être employée chaude (40° à 50°) si l'on se
sert du papier préparé comme nous l'avons indiqué. Actuellement,
la plupart des papiers au platine que l'on trouve dans le commerce
se développent à froid, soit dans la solution d'oxalate, soit dans
un bain spécialement préparé par les fabricants. Le développement
est très facile et très rapide. L'épreuve est immergée d'un seul
coup dans le révélateur : aussitôt, l'image que l'on distinguait à
peine en gris pâle sur le fond jaune de la couche acquiert toute
son intensité, qui dépend uniquement du degré d'impression lumi-
neuse et n'est pas augmentée par un séjour prolongé dans le révé-
lateur.
Le fixage s'effectue en passant l'épreuve, sans lavage préalable,
dans trois bains consécutifs identiques, ainsi composés :
Eau l.OGOcc.
Acide chlorhydrique pur 15 —
La qualité de l'acide chlorhydrique influe sur le résultat. L'esprit
de sel du commerce donnerait des épreuves jaunes. Il faut em-
ployer l'acide chimiquement pur. L'épreuve séjourne 3 minutes
dans chacun des bains acides. Après un lavage de 15 à 20 minutes
à l'eau courante, on la laisse sécher.
Certains photographes additionnent de glj^cérine la solution
d'oxalate, afin d'en ralentir l'action et de développer l'image au
pinceau, en insistant plus ou moins sur les diverses parties de sa
surface. Ce développement local constitue une véritable retouche,
qui permet de corriger les défauts du négatif. A cet effet, Horsley-
Hinton a proposé d'employer trois solutions différentes, que l'on
applique sur telle ou telle région de l'image, selon l'effet que l'on
désire réaliser.
1. Solution d'oxalate à 30 p. 100. |
2. Glycérine .1 1 partie.
Solution d'oxalate 1 —
3. Glycérine ..,....,.,.,,.,,. 4 —
Solution d'oxalate * 1 —
Il va sans dire que les zones recouvertes de ces mélanges diffé-
rents devront être raccordées entre elles à coups de pinceau, de
manière à graduer le modelé de l'image sans brusques transitions.
240 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Pour obtenir des épreuves de teinte sépia, il faut prolonger Tex-
position un peu plus que pour les tons noirs habituels et dévelop-
per dans le révélateur suivant :
A. Eau 1.000 ce.
Oxaîate neutre de potasse 120 gr.
B. Eau 1.000 ce.
Citrate de potasse 20 gr.
Bichlorure de mercure 12 —
Acide cilrique 32 —
Le fixage s'opère, comme d'habitude, dans l'acide chlorhydrique
-dilué, que Ton renouvelle jusqu'à ce qu'il ne se colore plus en
jaune.
On trouve actuellement dans le commerce des papiers au pla-
tine qui se traitent par simple fixage. Les sels sensibles et le révé-
lateur sont réunis dans la couche, et la réaction s'opère par la
simple humidité de l'atmosphère- Aussi faut-il redoubler de pré-
€aution pour conserver ce papier à l'état sec. Le tirage est poussé
jusqu'à ce que l'image, qui se développe au fur et à mesure de sa
formation, ait acquis sa vigueur définitive. On fixe dans Peau addi-
tionnée d'acide chlorhydrique.
Papiers aux sels de fer. — Ces papiers rendent mal les demi-
teintes et ne sont appliqués qu'à la reproduction de dessins au
trait. Ils servent surtout à copier les plans dressés sur papier
^transparent. On en distingue trois catégories.
1. Papier au ferro-prussiate ou ferrotype négatif. ~ Ce papier
^onne une image positive bleue quand on l'impressionne sous un
cliché négatif. Si l'on s'en sert pour copier un plan tracé en noir
sur papier transparent, ce plan se trouvera figuré en traits blancs
sur fond bleu. Le bain de sensibilisation est préparé en mélangeant
par parties égales :
A. Eau V 100 ce.
Citrate de fer ammoniacal 20 gr.
B. Eau 100 ce.
Ferrieyanure de potassium 16 gr.
Pour sensibiliser le papier, on le fait flotter sur ce mélange
pendant 2 minutes. On peut également sensibiliser le carton en
le badigeonnant au moyen d'un pinceau ou d'une touffe de coton
hydrophile imbibé de la même liqueur. On sèche dans l'obscurité.
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT 241
L'impression se fait dans le châssis-presse exposé à la lumière
diffuse ou en plein soleil. On l'arrête quand le papier, d'abord
jaune, prend une teinte lilas clair ou gris d'argent dans les grands
noirs de l'image, qui présentent alors une sorte d'aspect métal-
lique. Cette image est faible, mais acquiert rapidement l'intensité
voulue par simple développement dans l'eau. Des lavages abon-
dants suffisent pour fixer l'épreuve.
2. Papier cyano fer, cijanotype ou ferrotyjoe positif. — Ce papier
donne une image bleue de même sens que le cliché • l'épreuve
tirée sous un négatif est donc négative, et la copie d'un plan des-
siné sur papier transparent le reproduit en traits bleus sur fond
blanc. Le sensibilisateur est constitué par :
A. Eau 100 ce.
Gomme arabique 20 gr.
B. Eau 100 ce.
Citrate de fer ammoniacal 50 çr.
G. Eau ..,, 100 Cf.
Perchlorure de fer sublimé 50 gr.
Au moment de l'emploi, on mélange :
Solution A 20 ce.
— B 8 —
— C 5 —
Ce mélange est étendu, sur un papier bien encollé, à l'aide d'un
large pinceau ou d'une éponge fine. La dessiccation s'accomplit dans
l'obscurité, et le tirage est surveillé comme pour le papier précé-
dent. On développe en passant à la surface de l'épreuve un pinceau
imbibé de ferrocyanure de potassium (prussiate Jaune) à 20 p. 100.
On peut aussi faire flotter la feuille, image en dessous, sur cette
solution, mais en évitant que le liquide vienne mouiller le dos du
papier, oià il produirait des taches indélébiles.
L'épreuve développée est rincée d'abord à l'eau pure, puis dans
de l'eau acidulée par addition de 6 à 8 p. 100 d'acide sulfurique ou
chlorhydrique, où le ton de l'image passe du violet au bleu de
Prusse. On lave ensuite de nouveau, et on fait sécher.
3. Papier au gallate de fer. — Ce papier donne, comme le précé-
dent, un contretype du cliché, c'est-à-dire une image négative sous
14 ■
242 TRAITÉ GÊ:^ÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
un négatif et positive sous un positif; seulement cette image est
noire. Pour le sensibiliser, on prépare :
A. Eau 500 ce.
Gomme arabique 50 gr.
B. Eau 200 cG.
Acide tartrique 50 gr.
C. Eau ' 200 ce.
Sulfate de fer 30 gr.
On verse G dans B et le tout dans A, puis on ajoute :
Perchlorure de fer liquide à 45° Baume 100 ce.
Après filtrage, on enduit de cette liqueur le papier, qu'on laisse
sécher dans l'obscurité. On imprime au châssis-presse, en surveil-
lant le tirage comme pour les papiers précédents, et on développe
dans :
Eau 1.000 ce. ,:
Acide oxalique. 0 gr. 1
Acide gallique. 3 — ,
On lave ensuite avec soin, dans l'eau ordinaire, sans fixateur
spécial.
Callitypie. — Ce procédé, assez ancien, est fondé sur la pro-
priété qu'ont les sels ferriques- réduits, par la lumière à l'état de
sels ferreux, de réduire à leur tour les sels d'argent. 11 offre donc
une certaine analogie avec la platinotypie. Il donne d'ailleurs de
belles épreuves, très artistiques et peu coûteuses, aussi stables que
celles que l'on obtient sur les papiers au bromure. Les formules de
callitypie sont assez nombreuses, mais ne diffèrent guère les unes
des autres. Les suivantes, dues à M. Margaret Walpole, fournis-
sent d'excellentes images, très stables.
Le papier, bien encollé, est sensibilisé au moyen de la solution :
Eau.-. ' 100 ce.
Oxalate ferrlque '• 17 gr.
Azotate d'argent 7 —
L'eau est d'abord chauffée avec Toxalate, jusqu'à dissolution
complète de ce sel. Si la dissolution est trop longue à se faire, on
l'active en ajoutant 1 gr. d'acide oxalique. On filtre ensuite et Ton
ajoute Fazotate d'argent. Le mélange se conserve assez longtemps,
à l'abri de la lumière. «
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT .243
La sensibilisation s'effectue à la clarté d'une bougie. Le papier
est fiîcé par quatre pointes à une planchette, et la liqueur sensibi-
lisatrice y est étendue au nioyen d'un tampon de coton. On active
ensuite la dessiccation en. chauffant légèrement les feuilles, que
l'on conserve ensuite à l'abri de l'humidité dans des étuis conte-
nant du chlorure de calcium. Il vaut mieux cependant l'employer
le plus tôt possible.
L'impression est à peine visible : on ne distingue qu'une image
bleuâtre très faible sur le fond jaune de la couche sensible. Le
mieux est de contrôler le tirage au moyen d'un photomètre ana-
logue à l'impressimètre de Wynne. La composition du révélateur
varie suivant le ton que Ton désire obtenir :
1. Pour tons bruns :
Eau 250 ce.
Borax 27 gr.
Sel de seignette (tartrate double de potasse et de soude) 20 —
Solution de bichromate de potasse à 1 p. 100 20 ce.
2. Four tons sépia chauds :
Eau 250 ce.
Sel de seignette 14 gr.
Solution de bichromate à 1 p. 100.; 15 ce.
En mélangeant ces deux révélateurs suivant des proportions dif-
férentes, on obtient une grande variété de teintes. Le bichromate
augmente la vigueur des images ; on en ajoutera donc plus ou moins,
suivant le caractère du phototype. Une dose trop élevée empêche-
rait cependant les demi-teintes de se développer.
Le développement dure environ 15 à 20 minutes. On lave ensuite,
et on fixe dans :
Eau 500 ce.
Hyposulfite de soude 28 gr.
Ammoniaque 6 ce.
Les épreuves y séjournent 10 minutes et sont enfin lavées à l'eau
courante pendant une denii-heure.
Papier sépia. — La surface sensible de ce papier contient de
l'azotate d'argent et un sel ferrique, comme en callitypie, mais le
développement s'effectue dans de l'eau ordinaire. Le sensibihsateur
est préparé en mélangeant i
244 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
A. Eau 50 ce.
Citrate de fer ammoniacal vert 20 gr.
Acide citrique 5 —
B. Eau 10 ce.
Azotate d'argent 5 gr.
Au moment de Temploi, on réunit ces deux solutions et Ton y
ajoute une quantité d'eau suffisante pour arriver au volume total
de 100 ce. On a ainsi un liquide trouble que l'on étend tel quel sur
le papier. Si Ton estime qu'une seule application ne donnera pas
des images suffisamment vigoureuses, on procédera, après dessic-
cation, à une nouvelle sensibilisation. Le papier maintenu sec se
conserve plusieurs mois en bon état.
La durée de Texposition à la lumière est plus courte qu'avec le
papier albuminé et même qu'avec beaucoup de papiers au citrate.
On ne distingue qu'une image très faible, et il faut d'ailleurs arrê-
ter le tirage avant que tous les détails soient visibles.
Le développement s'effectue dans l'eau, que l'on renouvelle à
deux ou trois reprises. L'image acquiert rapidement toute son
intensité ; elle est d'un ton jaune foncé assez désagréable, qui vire
au brun dans le bain de fixage, constitué par une solution d'hypo-
sulfite de soude dont la concentration ne doit pas dépasser 10 p. 100.
Un fixateur plus fort affaiblirait l'image. On lave ensuite à l'eau
courante pendant 10 minutes. En séchant, les images gagnent en
vigueur et prennent un beau ton sépia.
L'image ne peut pas être virée avant le fixage, mais elle peut
l'être après. Elle acquiert un beau ton pourpre dans :
Eau. l.OOOcc.
Sulfocyanure d'ammonium 25 gr.
Chlorure d'or brun 5 —
Il va sans dire que le virage doit être précédé d'un lavage suffi-
sant pour assurer l'élimination de Thyposulfite.
Papier aux sels de cuivre. — Un papier bien encollé à l'amidon
est mis à flotter pendant une minute sur :
Solution saturée de bichromate de potasse ... 20 ce.
Solution saturée de sulfate de cuivre 80 —:
On fait sécher dans l'obscurité, et on expose sous un négatif,
LES PHOTOCOPIES PAR DÉVELOPPEMENT 245
Jusqu'à ce que l'image soit nettement dessinée, quoique très faible.
On développe en faisant flotter l'épreuve sur la solution :
Eau 100 ce.
Nitrate d'argent 1 gr. 5
L'image se renforce rapidement et prend une tonalité rouge. On
termine par des lavages abondants.
Si l'on préfère une image de. teinte lilas, le papier impressionné
sous le négatif est d'abord lavé à l'eau pure, dans l'obscurité. On
le plonge ensuite dans une solution de chlorure de sodium très
diluée, on lave de nouveau, et on fait sécher dans l'obscurité. On
soumet alors à Faction des vapeurs ammoniacales, et on expose à
la lumière : l'épreuve prend alors un ton lilas. On obtient une image
d'un beau rouge en la plongeant, après exposition, dans un bain de
ferricyanure de potassium (Sassi).
Papiers aux sels d'uranium, — On dissout dans une petite quan-
tité d'eau :
Nitrate d'urane 72 gr.
Nitrate de cuivre 20 —
et on neutralise la solution en y ajoutant quelques gouttes de car-
bonate de soude, jusqu'à ce que le papier de tournesol bleu n'y
rougisse plus. On ajoute ensuite la quantité d'eau nécessaire pour
faire un litre.
On fait flotter sur cette solution, pendant une ou deux minutes,
un papier gélatine ou encollé à l'arrow-root, que l'on fait ensuite
sécher dans l'obscurité. Après exposition h la lumière sons le
négatif, on développe dans :
Eau 100 ce.
Ferricyanure de potassium 8 gr.
On termine par un lavage abondant.
Ce procédé donne des images rouge-sang. Pour obtenir des tons
J3run-sépia, le sensibilisateur sera constitué par :
Nitrate d'urane 127 gr.
Nitrate de cuivre 8 —
Ces sels sont d'abord dissous dans une faible quantité d'eau,
comme dans la méthode précédente. On neutralise avec de l'am
24G TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
maniaque pure, jusqu'au rougissement du papier de tournesol, et
l'on ajoute assez d'eau pour porter le volume de la solution à
1.000 ce.
Le papier est sensibilisé par flottage sur cette solution et séché à
l'obscurité. Le tirage à la lumière diff'use, sous un cliché de moyenne
intensité, s'effectue en 8 ou 10 minutes. On développe dans :
Eau 200 ce.
Ferricyanure de potassium 5 gr.
Pour fixer l'épreuve, il suffit de la laver abondamment.
OUVRAGES A CONSULTER
A. GouRRÈGES, Impression des épreuves sur papiers divers par noircissement di-
rect, par impression latente et développement, Paris (Gauthier-Villars), 1898.
F. DiLLAYE, le Tirage des épreuves en photographie, Paris (J. Tallandier), 1903.
J.-M. Eder, Die photographischen Kopiet^verfahren, 2^ édition, Halle a/S. (W.
Knapp).
H. Emery, Manuel pratique de platinotypie , Paris (Gh. Mendel), 1903.
HoRSLEY-HiNTON, la Platinotypic , Paris (Gauthier-Villars), 1898.
A. -F. VON HiJBL, Der Platindruck, Halle a/S. (W. Knapp).
R.-Ed, Liesegang, le Développement des papiers photographiques à noircisse'
ment direct, Paris (Gauthier-Villars), 1898.
E. Trutat, les Tirages photographiques aux sels de fer, Paris (Gauthier-Villars),
1904.
E Trutat, les Positifs en Photographie, Paris (0. Doin et fils), 1910.
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 247
CHAPITRE XII
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES
Invention du procédé au charbon. — L'instabilité des épreuves
aux sels d'argent a fait chercher, dès les premiers temps de la
photographie, un procédé susceptible de fournir des images inal-
térables. Il s'agissait de substituer à ces sels une matière ^analogue
à l'encre d'impcimerie.
Yauquelin, en 1798, avait constaté l'altérabilité du chromate
d'argent à la lumière. Mungo^ Ponton, en 1838, découvrait la pro-
priété que possède le bichromate de potasse de rendre certaines
matières organiques insolubles sous l'influence de la lumière.
En 1855, A. Poitevin faisait breveter un procédé de tirage fondé
sur l'insolubilisation par la lumière de la gélatine bichromatée. Un
papier était recouvert d'une solution de gélatine additionnée de
bichromate de potasse et de noir de fumée ou de toute autre cou-
leur en poudre. On faisait sécher dans l'obscurité, et on appliquait
cette couche sensible sous un cliché négatif. Après exposition à la
lumière, le papier était lavé dans l'eau chaude, qui dissolvait la
gélatine préservée de l'action lumineuse par les opacités du pho-
totype, tandis que la gélatine insolubilisée sous les transparences
du négatif demeurait adhérente au papier.
Ce procédé ne s'appliquait qu'à des reproductions de gravures,
à des dessins au trait. Les images photographiques exécutées d'a-
près nature, composées d'une infinité de demi-teintes, perdaient
leurs détails les plus délicats dans l'opération du dépouillement ou
dissolution du pigment dans l'eau chaude. Et il est facile d'en
comprendre la raison. La gélatine bichromatée est, en principe,
soluble dans l'eau chaude, et l'action de la lumière a pour effet de
la rendre insoluble. Mais cette action ne s'opère pas uniformément
dans toute l'épaisseur de la couche. Gomme la gélatine colorée est
248 TRAITE GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
peu transparente, la lumière n'insolubilise d'abord que la surface,
puis gagne de proche en proche et finit par rendre insoluble la
couche sensible dans toute son épaisseur. Il en résulte que les
demi-teintes ne sont insolubilisées qu'à la surface et qu'il reste,
entre cette mince pellicule insoluble et le papier, une sous-couche
de gélatine encore soluble. Cette dernière est donc emportée, lors
du dépouillement, et entraîne avec elle la pellicule superficielle
privée de tout support.
C'est à l'abbé Laborde qu'est due cette explication de l'insuccès
de Poitevin, et c'est à Fargier que revient le mérite d'avoir su y
remédier en transportant la couche gélatineuse sur un autre sup-
port, ce qui permet d'effectuer le dépouillement par-dessous. Far-
gier coulait la mixtion gélatineuse sur un verre collodionné. Swan,
en 1864, supprime la pellicule de collodion et coule la couche co-
lorée sur un papier. Après l'insolation, il cimente le papier mix-
tionné sur un autre papier recouvert de caoutchouc, les immerge
dans l'eau chaude, oii le premier papier se détache de la couche.
L'image est alors inversée, comme si le sujet était vu dans un
miroir; on la redresse en transportant, après le dépouillement, la
couche colorée sur un troisième papier.
La même année, Davies remarquait que la couche de gélatine
adhérait au second support sans qu'il fût nécessaire d'employer le
collodion ni le caoutchouc : il- suffisait que le papier mixtionné ne
restât préalablement plongé dans l'eau que pendant quelques ins-
tants. A partir de cette époque, le procédé au charbon 'par trans-
fert était créé de toutes pièces, et l'on n'y a apporté depuis que quel-
ques perfectionnements de détail. Ce procédé est un peu délicat,
mais ne présente aucune difficulté sérieuse. Il fournit des images
très fines, exactement de la nuance voulue et inaltérables.
Fabrication du papier au charbon. — Le papier au charbon est
vendu nonsensibiUsé, car la gélatine une fois imprégnée de bichro-
mate s'insolubilise spontanément, au bout de quelques jours, même
dans l'obscurité. La fabrication dont il est ici question consiste
donc à recouvrir un papier du mélange de gélatine et d'une cou-
leur en poudre. L'amateur n'a aucun avantage à préparer soi-même
le- papier dont il a besoin, car, sans être bien compUquée, cette
fabrication n'est exécutée avec la régularité 'nécessaire que dans
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 249
les usines spécialement outillées à cet effet. On trouve d'ailleurs
dans le commerce un grand choix de nuances, suffisant pour tous
les besoins. Il nous suffira donc de décrire en peu de mots le prin-
cipe de cette fabrication.
Le papier brut est acheté en rouleaux, satiné et peu encollé. Il
est entraîné, d'un mouvement uniforme, dans une cuvette chauffée
contenant la solution de gélatine colorée. On se sert de gélatines
fines, comme celles de Nelson ou de Goignet, quelquefois addition-
nées de colle de poisson. On y ajoute une couleur en poudre, autant
que possible inaltérable, comme l'encre de Chine, le peroxyde de
fer, l'alizarine, la purpurine, etc. Enfin, pour que la couche ne soit
pas trop cassante, la mixtion contient un peu de sucre ou de savon.
Voici, à titre d'exemple, les produits qui entrent dans la fabrica-
tion d'un rouleau de papier au charbon (ton brun-rouge photo-
graphique) de 3"°, 60 de longueur sur O'^.TS de largeur :
Eau 675 ce.
Gélatine n" 1 de Nelson 25 gr.
Gélatine de poisson ambrée 200 —
Sucre blanc 30 —
Savon sec 25 —
Rouge indien 10 —
Encre de Chine 8 —
Alizarine 6 —
La mixtion est maintenue à la température de 35° par un bain-
marie abondant. La feuille de papier effieure la surface du liquide,
en entraîne par capillarité une faible épaisseur, et passe de là sur
un grand rouleau de fonte creux, dont l'intérieur est parcouru par
un courant d'eau fraîche qui fige la gélatine. Le papier arrive en-
suite sur une table horizontale, où on le coupe en feuilles qui sont
portées au séchoir, dans lequel un ventilateur amène de l'air sec et
froid en grande abondance.
Le papier au charbon se conserve facilement, tant qu'il n'est pas
sensibilisé. Il convient cependant de le préserver de l'humidité,
qui altérerait la gélatine, diminuerait la sensibilité et donnerait des
images sans vigueur. Dans un endroit sec, on peut le garder indé-
finiment.
Sensibilisation. — Le bichromate de potasse étant peu soluble,
250 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
il est bon de le pulvériser avant de le faire dissoudre. La propor-
tion à employer varie suivant la température et l'opacité des cli-
chés. Pour des phototypes de densité moyenne, on emploiera, en
hiver, 3 grammes de bichromate pour 100 ce. d'eau ; en été, on
ri^eri prendra que 2 gr. Si les phototypes sont durs, on portera
la dose de bichromate à 4 gr. en été et 5 gr. en hiver, tandis que
s'ils sont très doux, on la réduira à 1 ou 1,5 pour 100.
Bien que la gélatine bichromatée ne soit sensible qu'à l'état sec,
ii vaut mieux ne procéder à la sensibilisation que dans une pièce
modérément éclairée, soit par la lumière diurne, soit au moyen
d^une lampe à gaz ou au pétrole. Le papier est généralement sen-
sibilisé la veille de l'emploi.
La solution de bichromate ne doit pas servir à sensibiliser un
trop grand nombre de feuilles. Comme le bichromate a bien moins
de valeur que le papier au charbon, il ne faut pas compromettre
le succès des opérations par une économie insignifiante. Même si
le bain sert trè5 peu, il faut le renouveler tous les 8 jours, sur-
tout en été. Quand' le bain n'est pas renouvelé à temps, les épreuves
sont grises, sans vigueur dans les noirs. De plus, le papier sensi-
bilisé dans un bain trop vieux s'insolubilise parfois spontanément,
surtout en été, ou n'adhère pas au transfert.
Au moment de la sensibilisation, la température du bain ne doit
pas dépasser 15°. En été, il sera donc nécessaire de le faire refroidir
ëti ti:*etnpant le flacon qui le contient dans de l'eau fraîche ou en y
ajoutant un peu de glace.
La solution est versée dans une cuvette en verre ou en porcelaine.
Avant d'y plonger le papier au charbon, il faut Fépousseter avec
éoin. Si la gélatine est couverte de duvet provenant de l'envers de
la feuille avec laquelle elle se trouvait en contact, il est indispen-
sable de frotter la surface avec une brosse. Le papier est ensuite
mis dans la cuvette, la gélatine en dessus. Comme il a une tendance
à se fouler et que la surface gélatinée repousse d'abord le liquide,
on agitera la cuvette et on forcera le papier à rester immergé, en
y appuyant une baguette de verre ou un doigt recouvert de caout-
chouc.
11 ne faut jamais tremper les mains nues dans la dissolution de
bicïiromate ; on doit même éviter de toucher le papier lorsqu'il en
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES
251
est imprégné, surtout si l'on a des coupures : le bichromate enve-
nimerait les plaies et les empêcherait de se cicatriser. Si toutefois
les circonstances font qu'il ne soit pas possible d'éviter le contact
de la solution bichromatée, les érosions qui pourraient en résulter
seront pansées avec la pommade suivante :
Chlorhydrate de morphine
Pommade iodurée
0 gr. 10
30 —
Si l'on remarque des bulles d'air sur la gélatine, on les chassera
à l'aide d'une éponge douce ou d'un large pinceau, car ces bulles,
empêchant le liquide de mouiller la couche, se traduiraient par
autant de points blancs sur l'image. Au bout de 2 à 3 -minutes
d'immersion, le papier sorti de la cuvette est placé, gélatine en
dessous, sur une glace bien propre, et l'on enlève l'excès de liquide
Fig. 96. — Raclette.
en passant légèrement, dans tous le sens, une raclette de caout-
chouc. Cet outil (fîg. 96), dont on se sert à chaque instant dans le
procédé au charbon, consiste en une lame de caoutchouc montée
entre deux lames de bois.
La feuille ainsi essorée est alors suspendue par une pince à une
corde tendue dans une pièce obscure. La dessiccation ne doit être
ni trop rapide ni trop lente. Si l'on sensibilise le papier le soir, il
doit être sec le lendemain matin. Un séchage trop lent amène le
coulage de la gélatine; trop rapide, il en provoque la réticulatioriy
c'est-à-dire que la surface de la gélatine se trouve couverte, après
le dépouillement, d'un réseau de petites rides enchevêtrées.
Si le papier. est laissé dans un endroit très sec, il devient dur et
cassant; mais il Suffît de le placer pendant quelques minutes dans
un endroit humide, pour qu'il redevienne flexible.
252 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Conservation du papier sensibilisé. — La gélatine bichromatée
devient peu à peu insoluble, même dans l'obscurité, si bien qu'au
bout de 6 à 8 jours environ le papier au charbon sensibilisé est
généralement hors de service. Néanmoins, on arrive à le conser-
ver pendant 3 mois et même davantage, en le plaçant dans des
boîtes en fer-blanc parfaitement étanches et contenant une subs-
tance desséchante, telle que le chlorure de calcium. Mais nous
avons vu avec quelle précaution il faut manier le papier très sec,
qui est dur et cassant. Le mieux est d'employer le papier fraîche-
ment sensibilisé.
La transformation que subit la gélatine bichromatée est d'ail-
leurs utihsée pour tirer parti de certains clichés. Les clichés fai-
bles donneront les meilleurs résultats avec un papier sensibilisé
la veille; mais, avec les clichés très durs, il vaut mieux employer
un papier sensibilisé depuis deux ou trois jours.
Tirage. — Les bords du phototype doivent être masqués, sur
«ne largeur de 2 ou 3 millimètres au moins, soit en y collant des
bandes de papier noir, soit en y appliquant au pinceau une cou-
leur opaque, afin que la gélatine bichromatée reste soluble sur le
pourtour de l'épreuve : sans cette précaution, elle adhérerait mal
au transfert.
Le papier sensible est mis en contact avec le phototype, gélatine
contre gélatine, et exposé à la lumière dans le chlssis-presse, de
la' même manière que les papiers aux sels d'argent. La coloration
de la couche ne permet pas de surveiller la venue de l'image. La
rapidité du papier noir est à peu près la même que celle des pa-
piers au citrate ; les papiers bleus s'impriment plus rapidement,
les papiers rouges plus lentement. La durée exacte de l'insolation
est ordinairement déterminée photométriquement, par exemple
à l'aide de l'impressimètre de Wynne (fig. 92). On peut d'ailleurs
se passer de tout instrument spécial, en procédant de la façon sui-
vante. Un papier recouvert de gélatine incolore, tel que le papier
transfert dont nous parlerons plus loin, est sensibilisé en même
temps que le papier au charbon et dans le même bain. Ce papier
est exposé, en même temps que l'autre, sous un cliché de même
râleur que celui dont on tire une épreuve au charbon. Dès que
l'image qui se dessine en brun sur le fond jaune du papier accuse
LES PROCEDES PIGMENTAIRES 253
très légèrement tous les détails du négatif, on peut considérer
domme suffisante l'impression du papier mixtionné. Il faut tenir
compte cependant de la couleur de la mixtion et abréger le tirage
si elle est bleue, le prolonger au contraire si elle est rouge. Le
tirage doit s'effectuer autant que possible à l'ombre, la chaleur
solaire risquant d'insc|lubiliser la gélatine même sous les parties
opaques du phototype.
Il est essentiel de tenir compte de ce fait que l'impression du
papier au charbon continue même après que l'action de la lumière
a cessé. Cette action est lente, à basse température, mais la chaleur
l'accélère; aussi l'insolubilisation dans l'obscurité est-elle plus
rapide en été qu'en hiver. Cependant, le dépouillement peut être
différé, si le papier imprimé est conservé à l'état absolument sec
dans des étuis à chlorure de calcium. L'insolubilisation s'arrête
également quand le papier est plongé dans l'eau. A partir de ce
moment, les manipulations diffèrent, suivant que l'on procède
par simple transfert ou par double transfert. Dans le premier cas,
l'opération est beaucoup plus simple que dans le second, mais
l'image est inversée, et c'est afin de la replacer dans son véritable
sens qu'il est souvent nécessaire de recourir au procédé le plus long.
Toutefois, même dans ce cas, les manipulations, qui semblent
compliquées si l'on en inçe par les détails qui vont suivre, sont,
dans la pratique, assez rapides et ne consistent qu'en quelques
tours de main qu'il faut connaître, mais que l'on acquiert très faci-
lement.
Transfert simple.— Le papier dit de simple transfert est vendu
prêt à l'emploi, soit en rouleaux, soit en feuilles. C'est un papier
recouvert d'une couche de gélatine incolore insolubilisée dans
l'alun de chrome. Quand on veut effectuer un transfert, on en
découpe un morceau un peu plus grand que le papier au charbon
auquel il va être accolé, et on le trempe dans l'eau froide. Il faut
l'y laisser au moins 2 ou 3 minutes, et il n'y a point d'inconvénient
à prolonger cette immersion beaucoup plus longtemps.
Le papier au charbon qui vient de recevoir l'impression lumi-
neuse est également plongé dans l'eau froide, seulement la durée
de son immersion est strictement limitée. De plus, il faut n'y pro-
céder qu'à une faible lumière, car la gélatine bichromatée conserve
i5
254 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
sa sensibilité tant qu'elle n'est pas entièrement imprégnée d'eau.
La température de l'eau employée est également très importante
et ne doit pas dépasser 15 degrés. Si elle est plus chaude, l'image
sera presque à coup sûr réticulée.
Le papier au charbon doit rester dans l'eau de 30 à 60 secondes
environ. S'il y séjourne trop peu de temps, une foule de petites
bulles d'air s'interposent, pendant le transfert, entre les deux
papiers, parce que la gélatine, continuant à se gonfler, aspire l'air
à travers les pores du papier. Ces bulles se traduisent, au dépouil-
lement, par autant de points blancs. Si, au contraire, le papier
mixtionné est laissé trop longtemps dans l'eau, il n'adhérera plus
au transfert. Comme la durée d'immersion la plus convenable dé-
pend de l'état de la couche impressionnée et de la température, le
plus sûr est d'observer les mouvements du papier mixtionné.
Ce papier étant plongé dans une cuvette pleine d'eau fraîche,
la gélatine d'abord en dessous, puis en dessus, on le remue et on
presse à la surface une éponge ou un pinceau, afin de chasser les
bulles d'air. Le papier se recroqueville d'abord en dedans, puis il
devient plan, et c'est à ce moment précis, sans attendre qu'il se
recroqueville en dehors, qu'il faut l'appliquer sur le papier trans-
fert. Le mieux est d'introduire ce papier dans la cuvette contenant
le papier mixtionné et de mettre les deux couches de gélatine en
contact sous l'eau. On évite ainsi plus facilement l'interposition
de bulles d'air.
Les deux papiers se trouvant ainsi accolés, on les sort de la
cuvette, on les pose sur une glace, le papier impressionné en des-
sus, et, les maintenant de la main gauche, on saisit de la main
droite la raclette, que l'on frotte sur le papier au charbon, d'abord
légèrement, puis très fortement, en allant toujours du centre vers
les bords, jusqu'à ce que les deux papiers soient devenus bien
plans. On passe ensuite une éponge, pour enlever l'excès d'eau,
surtout sur les bords. Sans celte précaution, la pellicule mixtion-
née risquerait de se détacher.
Le dépouillement peut être effectué 10 minutes après le transfert,
mais pas avant, sinon la pellicule impressionnée risquerait de se
séparer de son support. Si l'on a plusieurs épreuves à dépouiller, on
les mettra à plat les unes sur les autres, afin d'éviter qu'elles sèchent.
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 255
Dépouillement. — Celte opération s'effectue en pleine lumière,
car la gélatine mouillée a perdu sa sensibilité, et il s'agit mainte-
nant de bien surveiller l'image.
Dans une cuvette en tôle émaillée, on verse de l'eau tiède (SO»
environ) en quantité suffisante pour qu'il y en ait une couche de-
2 centimètres d'épaisseur. On y plonge les deux papiers accolés,
le transfert en dessous et le papier mixtionné en dessus. On agite
la cuvette, et, au bout de quelques instants, on voit les bords de la
couche pigmentée se gonfler, puis laisser couler des veines colo-
rées. Quand les angles commencent à se soulever, on maintient de
la main gauche les papiers au fond de la cuvette, et, saisissant
par un de ses angles le papier au charbon entre le pouce et l'index
de la main droite, on le soulève avec précaution et on le détache
lentement du papier transfert. Le papier au charbon ainsi séparé
niontre généralement une vague image négative, mais il n'est plus
d'aucun usage, et il n'y a qu'à le jeter.
Le papier transfert laisse maintenant apercevoir l'image posi-
tive, mais très confusément, car il reste encore un excès de géla-
tine mixtionnée qu'il faut éliminer. On ajoute donc de l'eau plus
chaude, de façon à porter le mélange à la température de 40° envi-
ron. On voit alors l'image s'éclaircir et devenir de plus en plus
pure. Si le dépouillement est trop lent, on l'active en projetant
l'eau chaude avec la main sur les endroits qui tardent à se mon-
trer. On reconnaît que le dépouillement est terminé quand, soule-
vant l'épreuve hors de l'eau et la laissant un instant égoutter^
aucune trace de matière colorante n'apparaît plus au coin inférieur
du papier.
Quand l'exposition a duré juste le temps voulu, le dépouillement
s'accomplit en 5 minutes environ. Quand elle a été trop prolongée^
l'image se dépouille très difficilement : on y remédie quelquefois
en élevant la température de l'eau à 43° et même à 50°, mais cet
expédient n'est pas sans danger, car il provoque souvent des réti-
culations. Il est préférable de ne pas dépasser 42° ou 43° et d'addi-
tionner l'eau d'un carbonate alcalin ou de sulfite de soude, à rai-
son de 1 ou 2 grammes par litre. Quand l'exposition a été trop
courte, l'image se dépouille rapidement, mais manque de vigueur
et d'éclat.
256 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Après le dépouillement, il est utile de passer l'épreuve pendant
10 minutes dans une solution d'alun à 5 pour 100. L'alun durcit la
gélatine dont est formée l'image, rend la couche non collante, ce
qui rend plus facile le montage à la colle d'amidon, et, comme
le bichromate est très soluble dans l'alun, les dernières traces en
sont très rapidement éliminées. On rince ensuite l'épreuve dans
de l'eau propre, et on la suspend par une pince pour la laisser
sécher.
Double transfert. — Dans ce procédé, l'image est dépouillée sur
un support provisoire, constitué par une feuille de papier spécial,
appelé support flexible, ou sur une plaque de verre cirée.
Le support flexible est préparé à l'aide du papier à simple trans-
fert, dont la couche de gélatine est recouverte d'un vernis à la cire.
Pour préparer ce vernis, on fait dissoudre 1 gr. de cire jaune dans
100 ce. de benzine. On en imbibe un tampon de flanelle dont on
frotte légèrement le papier.
Au moment d'efl'ectuer le premier transfert, on immerge le sup-
port flexible dans l'eau, et, quand il s'y est bien détendu, on le pose
sur une glace, le côté ciré en dessus. On immerge, d'autre part, le
papier au charbon impressionné, en prenant les précautions indi-
quées pour le simple transfert, c'est-à-dire en opérant à une lu-
mière peu intense et en arrêtant l'immersion au bout d'une minute,
au moment oii le papier est redevenu plan. On le pose alors sur le
support flexible, le côté gélatine en contact avec la surface cirée;
on met par dessus une toile caoutchoutée', et on passe la raclette
dôî manière à chasser les bulles d'air. On enlève enfin l'excès d'eau
avec une éponge, surtout près des bords.
Le dépouillement ne doit pas être efl'ectué- moins de 10 minutes
après cette opération; il n'y a d'ailleurs aucun inconvénient à n'y
procéder qu'une heure plus tard. Il y a même avantage à le faire :
les demi-teintes sont mieux conservées. Le dépouillement s'exé-
cute de la même manière que s'il s'agissait d'un simple transfert.
L'épreuve une fois dépouillée est passée au bain d'alun et lavée.
On peut ensuite procéder au second transfert ou laisser sécher, si
l'on préfère remettre à plus tard la suite des opérations.
Le papier dit double transfert qui va servir de support définitif
à l'image est livré prêt à l'emploi. C'est un papier recouvert d'une
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 257
couche de gélatine rendue seulement à moitié insoluble par l'alun
de chrome. Quand il est de préparation récente, la gélatine qui le
recouvre se ramollit dans l'eau tiède (35° environ). Mais, à la lon-
gue, la gélatine s'insolubilise de plus en plus. Il faut alors, pour
la rendre collante, de l'eau de plus en plus chaude et même y
ajouter quelques gouttes d'ammoniaque.
Pour procéder au second transfert, on coupe ce papier à la
dimension voulue, on le fait détendre dans l'eau froide, puis on le
plonge dans l'eau chaude (de 30° à 60°, selon l'état de la gélatine),
jusqu'à ce qu'il soit complètement ramolli. 11 ne faut pas cependant
que l'eau soit trop chaude, car la gélatine risquerait de couler. En
même temps, si le support flexible sur lequel est l'image avait été
mis à sécher antérieurement, il faut le faire détendre un instant
dans l'eau. On applique alors les deux papiers l'un sur l'autre, la
gélatine du double transfert contre l'image; on passe la raclette
pour assurer l'adhérence et chasser les bulles d'air, on éponge et
on laisse sécher.
Quand la dessiccation est achevée, on introduit entre les deux
papiers, à l'un des angles, la lame d'un canif, puis, saisissant cha-
cune des feuilles par leur angle ainsi rendu libre, on les sépare faci-
lement : l'image a abandonné le support provisoire et se trouve
maintenant sur son support définitif.
La surface de l'épreuve ainsi obtenue est légèrement hrillante,
comme celle du papier albuminé avant le satinage. Pour avoir des
images tout à fait mates ou, au contraire, très brillantes, il faut
effectuer le transfert provisoire, non plus sur le support flexible^
mais sur une plaque de verre ou de métal. Si le support rigide est
dépoli ou rugueux, l'épreuve sera mate; s'il est poh, elle sera
brillante.
C'est ordinairement le verre, poli ou dépoli, qui sert de support
temporaire. On commence par le frotter avec un tampon de fla-
nelle imbibée d'une solution de cire dans la benzine ou du mélange
suivant :
Essence de térébenthine 100 ce.
Cire jaune 2 gv.
Golophatie 2 —
Pour effectuer le premier transfert, on mouille le papier au char-
258 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
bon pendant une minute, comme nous l'avons expliqué, on l'ap-
plique par le côté gélatine sur le verre ciré, on passe la raclette et
on éponge, de même que dans les procédés précédents. Au bout
de 10 minutes, on peut commencer le dépouillement.
Après le passage dans l'alun, suivi d'un lavage à grande eau,
l'image provisoirement transférée sur verre est mise à sécher. Si
l'on procédait au second transfert avant dessiccation, tous les re-
liefs de la gélatine seraient écrasés, et l'image manquerait de fînesse.
Toutetois, si l'on est pressé, on n'a qu'à immerger la plaque dans
l'alcool, qui absorbe l'eau et abaisse les reliefs.
Le second transfert s'exécute ensuite comme avec le support
flexible. Le papier double transfert, d'abord mouillé dans l'eau
froide, est plongé dans l'eau chaude, qui ramollit la gélatine en
quelques secondes. En même temps, on plonge un instant la plaque
dans l'eau froide, de manière que la gélatine qui contient l'image
soit légèrement mouillée. On met ensuite le papier gélatine en
contact avec l'image, on passe la raclette, on éponge et on fait
sécher.
Pour séparer le papier du verre, après dessiccation, il n'y a
qu'à inciser les bords : si la surface du support provisoire a^€té
bien cirée, l'épreuve s'en détachera très facilement.
Le repiquage de l'épreuve doit être exécuté avant son applica-
tion sur le papier à double transfert. On emploie pour cet usage le
pinceau ou l'estompe. Dans le premier cas, la retouche est faite
avec des couleurs à l'huile; dans le second, avec des couleurs
sèches réduites en poudre impalpable. L'immersion dans l'eau,
pour l'opération du second transfert, n'enlève pas le repiquage
ainsi pratiqué. De plus, l'épreuve reste parfaitement brillante, si
on l'a voulue telle. Si l'on préfère une surface mate, le repiquage
pourra être exécuté sur l'épreuve entièrement finie.
Insuccès. — Manque d'adhérence du papier au charbon avec le
simple transfert. — L'immersion dans la première eau a été trop
prolongée, ou bien le dépouillement dans l'eau chaude a eu lieu
trop tôt après la mise en contact des deux papiers.
Bulles au dépouillement. — La raclette n'a pas été passée avec le
soin voulu, et des bulles d'air ou même des particules solides sont
restées interposées entre la gélatine mixtionnée et le papier trans-
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 239'
fert. Cet accident est encore aggravé par l'emploi d'une eau trop
chaude.
Taches foncées ou empâtements. — Des gouttes d'eau sont tombées
sur le papier au charbon, après Tapplication sur le papier transfert
et avant le dépouillement. Cet accident se produit surtout en été.
Taches brillantes sur papier rugueux. — Contact imparfait au
transfert. On peut y remédier en immergeant l'épreuve dans do
l'eau chaude pendant une demi-heure, ou plutôt jusqu'à ce quo
toute la couche gélatineuse soit bien ramollie. On la place en-
suite dans Teau froide pour procéder au montage habituel. Oh peut
aussi supprimer le lustre des épreuves sèches et montées, en les
trempant dans l'eau chaude et en les frottant très délicatement
avec un morceau de flanelle bien humectée.
Réticulation. — On désigne sous ce terme une sorte de filet à
mailles noires micrcscopiques qui semble recouvrir l'image tout
entière et qui en altère complètement la finesse. Ce défaut est dii
à la température trop élevée de l'eau dans laquelle est trempé lo
papier mixtionné avant le transfert. On l'évite toujours, si l'on se
sert d'une eau très froide et très abondante.
Les causes d'insuccès qui précèdent sont communes aux procé-
dés par simple et par double transfert. Les suivantes sont spéciales
au double transfert.
Dissolution de la pellicule mixtionnée au dépouillement. — Le
support flexible aura été employé trop tôt après avoir été enduit de
cire, ou bien on aura exécuté le dépouillement dans de l'eau trop
chaude. Ne pas dépasser 40°.
Pellicule détachée du support. — Séchage trop rapide.
Pellicule déchirée après séchage. — Cirage incomplet du support
provisoire, ou dessiccation incomplète.
Procédé au charbon sans transfert. — En réduisant l'épaisseur
du pigment, ou en déposant la matière colorante à la surface de la
gélatine, on est parvenu à fabriquer des papiers au charbon sus-
ceptibles d'être dépouillés directement, sans qu'il soit nécessaire
de reporter la couche impressionnée sur un autre support. Les
images ainsi obtenues ne sont pas tout à fait aussi fines que celles
auxquelles on arrive à l'aide des procédés précédents, mais elles
sont d'un très bel effet artistique, avec l'aspect d'une eau-forte ou
26fO TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
d'un -vigoureux fusain. De plus, elles se prêtent à rinterventioh
de l'opérateur, qui parvient, en dépouillant localement certaines
parties autrement que les autres, à produire des œuvres très per-
sonnelles, a marquer de son empreinte les épreuves qu'il tire de
ses clichés, à ajouter, en un mot, son propre talent au travail auto-
matique de l'objectif.
La surface de ces papiers est mate. Le papier Artigue fournitdes
images veloutées et très fines; le papier Fresson présente, dans les
grandes lumières, un reflet satiné. De là les noms de charbon-
velours et de charbon-satin donnés à ces préparations. Ces papiers
sont livrés non sensibilisés et se conservent en cet état indéfîni-
^nent. 11 en existe de toute espèce de teintes.
Sensibilisation. — Cette opération s'effectue en pleine lumière.
La feuille de papier est d'abord détendue pendant 2 minutes dans
de Feau fraîche. La température de cette eau, ainsi que celle du
bain de sensibilisation, ne doit pas dépasser 18°. On sort le papier
à plusieurs reprises de la cuvette, afin de chasser les bulles d'air,
et on l'immerge ensuite, pendant 2 minutes, dans une solution de
bichromate de potasse à 2 p. 100, qui ne devra servir que pour
quelques feuilles. On agite légèrement la cuvette pendant la sensi-
bilisation; on passe ensuite sous un coin du papier une baguette
de verre, pour le soulever et le saisir par une pince en bois. On le
laisse sécher dans l'obscurité, et, lorsqu'il est sec, le mieux est de
l'utihser le plus tôt possible. On facihte beaucoup la dessiccation
en faisant adhérer au dos de l'angle inférieur de chaque feuille un
petit morceau de buvard mince.
Tirage. — Le chargement du châssis-presse sera fait rapidement
et dans un endroit très peu éclairé, car le papier bichromate est
très sensible. Sous un cliché de moyenne intensité, le temps d'ex-
position, à l'ombre, vers le milieu d'une belle journée d'été, est
approximativement de 2 minutes pour le papier bleu, de 3 minutes
pour le papier vert, de 8 minutes pour le papier noir, de 10 mi-
nutes pour les papiers brun et bistre, de 12 minutes pour le papier
sanguine. Le tirage est généralement poussé jusqu'à ce que les
grandes ombres de l'image commencent à être très -légèrement
visibles par transparence. Cependant, cet état de la couche est déjà
l'indice d'un commencement de surexposition.
LES PROCÉDÉS PIGMENT AIRES
2ffl
Dépouillement. — Le papier extrait du châssis-presse est d'abord
passé dans l'eau froide, d'où on le sort à plusieurs reprises pour
l'immerger ensuite de nouveau, de manière à bien chasser les
bulles d'air. A partir de ce moment, la himière n'a plus d'action
sensible, et les manipulations peuvent sans inconvénient se pour-
suivre au grand jour. On dispose, d'autre pari., pour les avoir im-
médiatement sous la
mam :
1° Un thermomètre
à échelle sur tôle
émaillée;
2° Une feuille de
verre un peu plus
grande que l'épreuve
à dépouiller;
3° Une cuvette con-
tenant de l'eau tiède à
26° ou 28° environ;
4° Une. large terrine
contenant un mélange
d'eau et de sciure fine
de bois blanc, dans la
proportion de 400 gr.
de sciure pour 5 litres
d'eau, à la température
moyenne de 18°;
5° Une casserole à bec ou une cafetière.
Après quelques instants d'immersion dans l'eau froide, l'épreuve
est plongée pendant 2 minutes dans l'eau à 28° et placée rapidement
sur la feuille de verre, la gélatine pigmentée en dessus, puis, tenant
le tout dans une position presque verticale au-dessus de la terrine
à sciure, ou plonge, la casserole dans le mélange et on en arrose
l'épreuve vers le haut, en promenant le jet d'un bord à l'autre.
Après quelques casserolées de sciure, on projette un peu d'eau
sur l'image, afin de mieux la distinguer et se rendre ainsi compte
delà manière dont il convient de continuer le dépouillement. Après
une exposition de durée normale, l'image se dépouille également
Fig. 97. — Dépouillement à la sciure.
262 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
dans toutes ses parties. Il n'y a donc qu'à continuer l'arrosage avec
le mélange d'eau et de sciure, après avoir repassé le papier dans
l'eau tiède, si les blancs résistent. En dirigeant convenablement
l'action mécanique de la sciure, il est facile d'éclaircir ou de négli-
ger telle ou telle partie de l'image. Certains opérateurs proposent
même, pour faciliter le traitement local, d'exercer de légères
frictions, à l'aide d'un pinceau très souple et dont on peut encore
adoucir l'efTet, en l'imbibant de glycérine. Il faut toujours dépouil-
ler bien au-dessous de la valeur voulue, car l'image remonte beau-
coup en séchant. Cependant, le dépouillement peut être repris
après séchage, si on le juge nécessaire.
Quand l'exposition a été trop courte, les ombres se détaillent
rapidement, mais les parties claires tendent à rester grises et
grenues. Il ne faut alors continuer le dépouillement qu'avec du
mélange très clair, en plongeant la casserole près de la surface,
où il y a moins de sciure.
Quand l'exposition a été exagérée, le dépouillement est difficile,
surtout dans les ombres. On versera alors de plus haut le mélange,
puisé au fond du récipient, où il y a plus de sciure. Au besoin,
abandonner l'épreuve dans l'eau froide pendant quelques heures,
avant de continuer.
Le dépouillement achevé, on plonge l'épreuve dans une solution
de bisulfite de soude liquide à 3 ou 4 p. 100. Au bout de 4 ou 5
minutes, quand la coloration jaune due au bichromate aura dis-
paru, on remettra la feuille dans l'eau froide, pour balayer avec
un pinceau doux la sciure demeurée adhérente. Après un lavage
de quelques minutes, l'épreuve est suspendue pour sécher.
Avant de monter l'épreuve, il faut la laisser tremper dans l'eau
pendant 5 minutes, l'égoutter face en dessous sur une feuille de
verre, essorer le dos avec un buvard et y étendre de la colle fraî-
che d'amidon.
Procédé à la gomme bichromatée. — C'est le 7 septembre 1858
que Pouncy exposa, à The London Photographie -Socze^?/^ less pre-
mières épreuves à la gomme bichroinatée. Ces images indélébiles
étaient obtenues en recouvrant un papier de gomme arabique
additionnée de noir de fumée et de bichromate de potasse. La
couche pigmentée, une fois sèche, était impressionnée à la lumière
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 263
SOUS un négatif et dépouillée dans de l'eau froide. En 1859, Heine-
ken proposait la sépia comme matière colorante, dans un procédé
analogue. En Amérique, à peu près à la même époque, Charles
Scely employait, comme Pouncy, la gomme bichromatée avec du
charbon. Ce procédé avait été abandonné, parce qu'on lui repro-
chait de ne pas reproduire tous les détails du phototype.
Plus tard, vers 1895, après les essais de MM. llouillé-Ladevèze,
Demachy et Maskell, la gomme bichromatée fut reprise, justement
pour les motifs qui l'avaient fait délaisser auparavant. Les artistes
y avaient su voir un moyen de réaliser ces sacrifices, ces effets
synthétiques qui, dans beaucoup de cas, sont préférables à la mi-
nutie, à la sécheresse des images aux sels d'argent. Ils y avaient
aussi reconnu un procédé très souple, se prêtant à Tintervention
de l'opérateur, un moyen d'interprétation personnelle. Et, de fait,
c'est à ce procédé que l'art photographique doit surtout son essor,
et les salons qui se sont succédé dans ces dernières années ont
bien montré les ressources de la gomme bichromatée par les belles
œuvres qu'elle a permis de produire.
Aujourd'hui, on trouve dans le commerce des papiers recouverts
de gomme et de pigment, noir ou de toute autre couleur. Il suffît,
pour les sensibiliser, de les plonger dans une solution de bichro-
mate de potasse additionnée d'alcool pour en activer la dessiccation
et empêcher le coulage de la couche, qui est très fragile. Mais plu-
sieurs artistes préfèrent encore préparer eux-mêmes leurs papiers.
Cette préparation est d'ailleurs très facile et n'exige que quelques
ingrédients et outils très peu coûteux.
On prépare d'abord une solution de gomme arabique ordinaire
à 50 p. 100, et on la laisse aigrir. La gomme vieillie et acide est
moins visqueuse, s'étend plus facilement et fournit une couche
plus sensible. On fait ensuite dissoudre du bichromate de potasse,
à raison de 1 gr. p. 10 ce. d'eau.
Quant au pigment, comme il est nécessaire qu'il soit parfaite-
ment homogène, le mieux est d'employer des couleurs d'aquarelle
en tubes : noir d'ivoire, terre de Sienne, brun Van Dyck, sépia,
ocre rouge, indigo, etc.
On choisira pour support du pigment un papier à dessin de
bonne qualité et bien encollé. Les papiers les plus faciles à recou-
264 TRAITE GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
vrir sont ceux des marques Canson-Montgolfîer pour lavis, Rives,
Allongé, Michallet et Joynson.
On mêle la couleur avec la gomme et la solution de bichromate,
de manière à former une pâte semi-liquide, facile à étendre au
pinceau et assez claire pour laisser apercevoir le grain du papier,
lorsque la feuille en est couverte. Il est impossible de préciser les
proportions de ces éléments, qui varient suivant la nature et la
consistance de la couleur.
On se sert d'une brosse en soies de porc et d'un blaireau en
forme d'éventail. La brosse sert à étendre le mélange, et le blai-
reau à égaliser la couche. Cette préparation s'effectue en pleine
lumière, car la couche n'est sensible qu'à l'état sec.
La feuille de papier, préalablement détendue dans l'eau, est
placée sur une planchette ou sur une glace et épongée. On la badi-
geonne avec la brosse chargée de la mixture, en donnant un mou-
vement de va-et-vient. Quand toute la surface est couverte, on
continue encore un moment la manœuvre du pinceau, mais ea
diminuant progressivement la pression, afin d'avoir une couche
aussi régulière que possible. On s'arrête dès que la mixture com-
mence à faire prise, et Ton achève de l'égaliser en l'effleurant déli-
catement avec le blaireau, comme si l'on voulait Tépousseter. On
laisse ensuite sécher dans l'obscurité. La couche sèche est plus
foncée qu'à l'état humide, et ne laisse plus apercevoir le papier.
L'exposition sous le cliché doit se faire, de préférence, à l'om-
bre. La chaleur du soleil risquerait de provoquer l'insolubilisation
partielle de toute la couche et de donner des images voilées. La
durée du tirage varie naturellement suivant l'opacité du cliché,
l'éclat de la lumière, l'épaisseur de la couche, la couleur du pig-
ment et la quantité de bichromate. Certaines épreuves n'exigent
que 20 minutes d'exposition, tandis que pour d'autres il faut 4
heures. L'image n'est pas visible; cependant, quand la pose a été
assez longue, on distingue par transparence une très légère
silhouette, mais c'est là un indice de surexposition.
Le dépouillement s'effectue en déposant l'épreuve, la couche en
dessous, sur une couche d'eau froide. Si l'exposition a duré juste le
temps voulu, la couche se dissout régulièrement, d'abord dans les
grandes lumières, puis dans les demi-teintes, et Timage reproduit
LES PROCÈDES PIGMENT AIRES 265
fidèlement le modelé du sujet. Le dépouillement dure parfois plu-
sieurs heures. On peut l'activer en ajoutant à l'eau de la sciure très
fine et en agitant le tout, mais, dans ce cas, il vaut mieux immer-
ger l'épreuve en laissant la couche au-dessus, afin d'éviter qu'elle
ne soit abîmée en frottant le fond de la cuvette.
Si l'opérateur veut modifier le motif qu'il interprète, il procède
au dépouillement local. A cet effet, l'épreuve mouillée est placée
sur une plaque de verre, et la couche est lavée aux endroits que
l'on veut éclaircir par des affusions d'eau froide ou tiède. Ce tra-
vail est effectué en plein jour, la couche n'ayant aucune sensibilité
une fois mouillée. Le dépouillement local s'exécute aussi en frot-
tant légèrement la surface avec un pinceau très doux ou une touffe
de coton imbibé d'eau. Mais il faut alors que l'exposition ait été
suffisamment prolongée. Après un tirage de durée normale, la
couche est si fragile que même une goutte d'eau accidentellement
tombée sur une demi-teinte suffît à la faire immédiatement dispa-
raître.
La retouche en blanc se fait avec un pinceau fin que l'on appli-
que sur l'épreuve placée dans l'eau, au fond d'une cuvette. Pour
la retouche en noir, il est préférable d'attendre que la couche soit
sèche : cette retouche s'exécute avec les couleurs qui ont servi à
préparer la mixtion.
Quand l'épreuve a séjourné assez longtemps dans l'eau, il n'y a
plus qu'à la laisser sécher. Si le dépouillement a été rapide et si
l'on craint qu'un peu de bichromate ne soit resté dans le pigment
gommé ou dans la pâte du papier, on l'éhminera en plongeant
l'épreuve, pendant quelques instants, dans une solution de bisul-
fite de soude à 10 p. 100. Après un lavage fait avec précaution,
de manière à ne pas endommager l'image, qui est très fragile,
on laisse sécher l'épreuve sur une feuille de verre légèrement
inclinée.
Procédé ozotype. — Le 28 mars 1899, M. Manly faisait connaître
à la Royal Photographie Society un procédé pigmentaire qui sup-
primait deux inconvénients du procédé au charbon : impossibilité
de contrôler directement l'impression de l'image et nécessité d'un
double transfert pour obtenir d'un phototype ordinaire une image
non inversée.
266 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Une feuille de papier ordinaire (du papier à lettres, par exemple)
est sensibilisée dans :
Eau 100 ce. ■
Sulfate de manganèse 14 gr.
Bichromate de potasse 7 —
Si le papier n'est pas suffisamment encollé, on ajoutera à 6 ce.
de cette solution i à 2 ce. d'une solution de gélatine à 2 p. 100.
Le mélange e^i étendu sur la feuille à l'aide d'im pinceau souple.
L'opération s'effectue à la lumière artificielle et à la température
de 17" environ. On fait ensuite sécher dans l'obscurité.
Une fois sec, le papier sensible est exposé à la lumière, sous un
phototype, dans un châssis-presse. L'impression est facile à con-
trôler, car l'image positive, quoique faible, est nettement visible et
se détache en brun sur le fond jaune du papier bichromate. On
arrête le tirage avant que tous les détails se soient montrés, puis
on lave le papier à l'eau froide, afin d'éliminer le bichromate non
impressionné. Ce lavage ne doit pas durer plus de 10 minutes; un
séjour prolongé dans l'eau aurait pour effet d'affaiblir l'épreuve.
On a ainsi l'image primaire^ qui va servir à fixer le pigment. On
peut la pigmenter dès la fin du lavage ou la laisser sécher pour
continuer l'opération un autre jour. Elle se conserve indéfiniment.
Quand le moment est venu de pigmenter l'image primaire, il faut
d'abord la faire détendre dans l'eau pendant une ou deux minutes,
si on l'avait laissée sécher. On prend alors une feuille de papier au
charbon ordinaire et on la plonge dans un bain dont la composi-
tion varie suivant l'effet à réaliser :
Eau
CLICHÉ DOUX
CLICHÉ NORMAL
CLICHÉ HEURTÉ
1.000 ce.
3gr.
1 —
1 —
1.000 ce.
4 gr.
1 —
1 —
1.000 ce.
5gr.
1 —
1 —
Acide acétique cristallisable. .
Hvdroquinone
Sulfate de cuivre
La solution est versée dans une cuvette en verre ou en porce-
laine légèrement chauffée au bain-marie. Si l'épreuve primaire a été
tirée sur papier lisse, la température de la solution sera maintenue
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES ' 267
à 21® ou 22°; si le tirage a été exécuté sur papier rugueux, on
poussera le chauffage jusqu'à 23° ou 26°, mais jamais davantage.
La durée d'immersion du papier pigmenté varie suivant l'état de
l'image primaire : si le tirage a été prolongé de manière que tous
les détails soient visibles, il y a surexposition, et alors l'immersion
doit être réduite à 30 ou 40 secondes. Si, au contraire, l'impres-
sion paraît faible, on prolongera l'imbibition jusqu'à 2 minutes.
Pour une épreuve normalement tirée, le papier séjournera environ
1 minute dans la solution acétique.
Le papier mixtionné est plongé dans le bain, la gélatine d'abord
en dessous; puis on le retourne, on chasse les bulles d'air à l'aide
d'un pinceau, et on laisse l'imbibition continuer le temps que l'on a
jugé nécessaire. On plonge alors dans la même cuvette l'épreuve
primaire, on met l'image en contact avec la gélatine colorée et on
sort les deux papiers accolés, que l'on pose sur une glace. On passe
la raclette pour assurer l'adhérence et chasser les bulles d'air, on
éponge avec soin l'excès d'eau, principalement sur les bords, et on
laisse le tout entre deux feuilles de papier buvard sous une légère
pression, par exemple celle d'un gros livre. Si l'on a plusieurs
épreuves à traiter, on les superposera, et on laissera le contact se
prolonger pendant 2 ou 3 heures, avant de procéder au dépouil-
lement. Si cette opération (levait être différée plus longtemps, il
serait nécessaire de laisser sécher les papiers librement, en suspen-
dant les épreuves, après 3 heures de contact. Quand le moment
sera venu de les dépouiller, il faudra alors les laisser préalable-
ment dans l'eau froide, pendant 15 ou 20 minutes en été, et une
demi-heure en hiver.
Le dépouillement s'effectue dans l'eau chaude, à 40° ou 42°^
de la même manière que pour le procédé au charbon. On durcit
ensuite la gélatine, en l'immergeant pendant 5 minutes dans une
solution d'alun à 7 p. iOO, et, après un lavage à l'eau froide, il n'y
a plus qu'à laisser sécher. On a ainsi une épreuve au charbon non
inversée, sans être obligé de recourir aux manipulations délicates
et fastidieuses du double transfert. Toutefois, les images obtenues
par ozolypie sont moins fines, moins exactement détaillées que
celles qu'on obtient par l'impression directe du papier mixtionné.
Il nous reste à expliquer pourquoi le nom d'ozolypie a été donné
268
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
au procédé de M. Manly. L'inventeur supposait que, sous l'action
de la lumière, le bichromate de potasse perdait une partie de son
oxygène, qui venait alors se fixer sur le protoxyde de manganèse
du sulfate, pour former un peroxyde. Sous l'action de l'acide acé-
tique imprégnant la mixtion gélatineuse, ce peroxyde reformait
un nouveau sel de protoxyde, et l'oxygène dégagé se fixait sur la
gélatine, en l'insolubilisant. L'oxygène ainsi mis en liberté sous
l'influence de l'acide acétique était considéré par M. Manly comme
se trouvant à l'état d'ozone. De là le nom donné au procédé.
La théorie qui vient d'être résumée a d'ailleurs été contestée.
M. Haddon a montré que l'action de la lumière sur le mélange de
bichromate de potasse et de sulfate de manganèse n'a pas pour
efi'et de produire un peroxyde, mais bien de former un chromate
neutre de potasse et un chromate de manganèse. Sous l'action de
l'acide acétique, ce chromate de manganèse perd son acide chro-
mique, qui agit alors sur la gélatine, en la rendant insoluble.
En, 1904, le baron von Hùbl a découvert de nouvelles réactions
qui ont rendu le procédé plus rapide, en abrégeant le contact des
deux papiers. Le bain sensibilisateur de l'image primaire reste
le même, mais le bain à l'acide acétique et à Fhydroquinone dans
lequel devait éti^ plongé le papier mixtionné est remplacé par
l'une des combinaisons suivantes, d'après la nature du cliché :
Eau
IMAGE A CONTRASTES
IMAGE NORMALE"
IMAGE DOUCE
1.000 ce.
2 gr.
1.000 ce.
2 gr.
1.000 ce.
2gr.
4s%5
Acide chlorhydrique..
Sulfate de fer
L'épreuve primaire étant bien détendue dans l'eau pure, le papier
mixtionné est plongé dans le bain acide, mais ne doit y séjourner
que 30 secondes. Au bout de 25 secondes, on introduit dans ce
même bain l'image primaire et on l'applique contre le papier géla-
tine, en opérant rapidement, puisqu'on ne dispose plus que de
5 secondes. Les deux papiers accolés sont mis sous presse entre
deux buvards, et le dépouillement peut commencer une demi-heure
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 269
après. En ajoutant aux bains une petite quantité de chlorure d'am-
monium, on augmente beaucoup les contrastes.
Ozotypie à la gomme. — ^ Le procédé à la gomme bichromatée
présente, comme le procédé au charbon, l'inconvénient de laisser
l'opérateur dans l'incertitude sur la durée exacte qu'il convient de
laisser à l'impression, l'image étant souvent invisible à travers la
couche colorée. Il n'en est pas de même avec Fozotypie.
L'image primaire est préparée de lamême manière que s'il s'a-
gissait d'une ozotypie au charbon. L'épreuve primaire, étant exé-
cutée comme nous l'avons expliqué dans le paragraphe précédent,
est recouverte du pigment gommé, que l'on prépare en mélan-
geant :
A. Eau iOO gr.
Gomme arabique 40 gr.
Couleur d'aquarelle 1 à 2 gr.
B. Eau 100 ce.
Sulfate de cuivre 20 gr.
G. Eau 100 ce.
Alun de chrome 10 gr. ■
A 30 ce. de la solution A, on ajoute 4 ce. de la solution B et 1 ce.
de la solution G. Ce mélange est étendu sur l'épreuve primaire
comme s'il s'agissait de préparer un papier à la gomme bichro-
matée, mais le plus rapidement possible, d'abord avec la brosse
en soies de porc, puis avec le blaireau en éventail pour achever
d'égaliser la couche. On laisse sécher dans l'obscurité et on dé-
pouille dans l'eau froide. Les retouches locales, s'il y a lieu, s'exé-
cutent comme dans le procédé à la gomme bichromatée. Si l'eau
froide ne suffît pas pour dépouiller le pigment, on en élèvera peu
à peu la température.
Les solutions B et C peuvent être remplacées par :
D. Eau 30 ce.
Acide acétique cristallisable 2 —
Hydroquinone .' . . 1 gr.
Sulfate de fer 0=r^5 à 5 gr.
Dans ce cas, on ajoute 1 partie de la solution D à 10 parties de
la solution de gomme pigmentée A.
Procédé ozobrome. — Malgré ses avantages indéniables, l'ozo-
typie n'a pas obtenu tout le succès qui lui paraissait d'abord assuré.
270 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRARIIIE
11 est vrai que ses résultats n'ont p£^s la perfection et la finesse des
épreuves au charbon par transfert, car il se produit toujours une
certaine diffusion, qui se fait surtout remarquer dans les menus
détails. 11 est vrai aussi que Tozotypie laissait subsister quelques
inconvénients communs, jusqu'à ces derniers temps, à tous les
procédés pigmentaires : le papier ozotype, de même que le papier
à la gomme bichromatée et les papiers au charbon, avec ou sans
transfert, doit être sensibilisé la veille de l'emploi et ne se con-
serve plus en cet état, d'oià l'obligation, pour l'amateur, de procé-
der à cette préparation au fur et à mesure de ses besoins et de
courir le risque de subir une perte sèche si le mauvais temps
ou des occupations imprévues viennent à l'empêcher de mettre à
exécution ses projets de tirage. Enfin, les papiers sensibilisés au
bichromate sont relativement lents. Quoique plus sensibles que le
papier au chlorure d'argent, ils ne le sont pas suffisamment pour
se prêter aux tirages à la lumière artificielle et surtout aux agran-
dissements qui sont d'un si bel effet, exécutés par des procédés
pigmentaires. Ces difficultés ont été heureusement résolues, en
substituant à l'action réductrice de la lumière le pouvoir égale-
ment réducteur de l'argent très divisé qui constitue les images au
gélatinobromure.
En 1881, M. Louis Warnecke avait fait breveter un procédé dans
lequel il utilisait l'insolubilisation que le révélateur à l'acide pyro-
gallique fait subir à la gélatine en contact avec l'argent réduit. Un
pigment coloré était incorporé aune émulsion au gélatinobromure,
et l'épreuve impressionnée, puis développée au pyrogallol, était
dépouillée dans l'eau chaude. L'impossibilité de suivre le dévelop-
pement de la couche opaque fît abandonner cette combinaison, ou
quelques auteurs ont voulu voir, à tort semble-t-il, le germe de la
méthode inventée, en 1906, par M. JManly, qui lui donna le nom de
procédé ozobrome.
Le positif est d'abord tiré sur papier au gélatinobromure ordi-
naire et développé comme d'habitude. On l'applique ensuite con-
tre une feuille de papier au charbon imbibée d'une solution spé-
ciale; on chasse les bulles d'air à coups de raclette, et, au bout
de 30 ou 40 minutes de contact, on procède au dépouillement dans
l'eau chaude. Si l'image pigmentaire est dépouillée lorsqu'elle
LES PROCÉDÉS PIGME NTAIRES 271
adhère encore au positif primaire, elle se superpose à ce dernier,
que l'on peut effacer -à l'aide du persulfate d'ammoniaque ou du
réducteur de Farmer. Mais on peut aussi détacher la couche pig-
mentée du positif au bromure et l'appliquer sur une feuille de
papier gélatine de simple transfert.
Ce procédé est basé sur une réaction dont les éléments n'ont pas
été divulgués par la G'" Ozotype, mais qu'il est cependant facile de
deviner. En effet, une maison allemande faisait breveter, en 1904,
un procédé analogue, qui d'ailleurs n'a pas été mis dans le com-
merce, et dans lequel l'insolubilisation de la mixtion colorée résul-
tait de Faction produite sur la gélatine par un ferricyanure double
réduit en présence de l'argent divisé de l'image primaire au gélati-
nobromure. Sur ces données, M. H. Quentin est parvenu à recons-
tituer, sinon les formules mêmes de M. Manly, du moins une mé-
thode qui conduit à des résultats équivalents.
Le papier au charbon est plongé, pendant 2 minutes environ, dans:
Solution de bichromate de potasse à 10 pour 100 25 ce.
— de ferricyanure de potassium à 10 pour 100. . 50 —
— de bromure de potassium à 10 pour 100 10 —
En augmentant la dose de bichromate, on obtient des images
plus douces. En diluant le bain, la réaction est plus lente, mais les
résultats n'en sont pas modifiés. Une très faible quantité d'alun
ajoutée à la solution rend le dépouillement moins délicat.
Le papier mixtionné ainsi imbibé est appliqué sur l'épreuve au
gélatinobromure préalablement développée, fixée, durcie dans une
solution de formol à 10 p. 100 et lavée. Les deux gélatines une fois
en contact, on passe la raclette et on éponge, avec les mêmes pré-
cautions que dans le procédé au charbon.
Après une demi-heure de contact, on sépare les deux papiers et
on les lave abondamment. Le papier mixtionné est reporté sur une
feuille de papier pour simple transfert, après quoi le dépouille-
ment s'effectue absolument comme s'il s'agissait d'une épreuve au
charbon ordinaire.
On comprend facilement que l'image obtenue dans ces condi-
tions n'est pas inversée : elle se présente dans son vrai sens, bien
qu'elle n'ait subi qu'un seul transfert, parce qu'elle a été imprimée
contre le 'positif, et non pas sous le cliché.
272 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Au premier abord, ce transfert semble rendre l'ozobromie un
peu plus compliquée que l'ozotypie, qui n'en exige aucun. En réa-
lité, il en est tout autrement, car le plus précieux avantage de la
nouvelle méthode est le suivant.
Quand on la sépare du papier pigmenté, l'épreuve primaire au
gélatinobromure d'argent n'est presque plus visible : au lieu des
noirs les plus vigoureux^ on n'y remarque plus que des ombres
d'un brun pâle. Mais il suffit de la soumettre à l'action d'un révé-
lateur quelconque, pour qu'elle reprenne, en même temps que son
aspect primitif, ses propriétés réductrices et insolubilisantes. En
sorte que cette épreuve-type, soigneusement lavée pour qu'il n'y
reste aucune trace du révélateur qui vient de la régénérer, est sus-
ceptible de créer de nouvelles images pigmentaires, sans qu'il soit
nécessaire de faire intervenir à nouveau l'action de la lumière, et le
cliché négatif ne joue plus aucun rôle dans la suite du tirage, qui
peutêtre continué dans les mêmes conditions, autant de fois qu'il
le faut.
Si l'on en excepte le premier développement dupositif au géla-
tinobromure, toutes les opérations qui viennent d'être énumérées
peuvent s'effectuer, sans aucun inconvénient, soit à la clarté d'une
lampe ordinaire, soit à la lumière diffuse du jour.
Procédé aux encres grasses. — iM. Rawlins a fait connaître, en
1904, sous le nom de procédé à Vhuile, une méthode particulière-
ment avantageuse pour obtenir des images photographiques indé-
lébiles, de couleur quelconque, et permettant à l'opérateur de
donner à ses œuvres un cachet tout particulier d'interprétation
personnelle.
Une épreuve à l'huile n'est pas autre chose, théoriquement,
qu'une image photocollographique (V. chapitre XVI); seulement
cette image est obtenue, non plus par tirage mécanique à la presse,
comme on le fait dans l'industrie phototypique, mais bien en expo-
sant à la lumière chacune des feuilles de papier destinées à rece-
voir l'impression à l'encre grasse. De plus, dans le procédé Raw-
lins, l'encrage s'effectue à l'aide de pinceaux, et non plus au moyen
de rouleaux en cuir ou en gélatine.
Tous les clichés peuvent être utilisés pour le tirage à l'huile;
cependant il les vaut mieux vigoureux que doux.
LES PROCEDES PIGMENTAIRES 213
Le papier destiné aux impressions à l'huile est facile à préparer.
ïl n'y a qu'à couler une solution tiède de gélatine sur la feuille
choisie, préalablement détendue dans l'eau et appliquée sur un
support bien horizontal. On trouve, d'ailleurs, dans le commerce
des papiers gélatines qui peuvent parfaitement servir. Tels sont
les papiers de double transfert, en usage dans le procédé au char-
bon. Quant au papier de simple transfert, il est impropre à cet em-
ploi, parce que la gélatine dont il est recouvert a été insolubilisée.
La sensibilisation du papier gélatine s'effectue en l'immergeant,
pendant 2 ou 3 minutes, dans une solution de bichromate de
potasse à 2 pour 100. On le laisse ensuite sécher dans l'obscurité.
Pour l'impressionner, lorsqu'il est sec, on le met en contact avec
le négatif, dans le châssis-presse, gélatine contre gélatine. Sous
l'action de la lumière, une image positive se dessine, mais elle est
très faible et d'une tonalité qui varie suivant l'encollage du papier.
Aussitôt que tous les détails ont paru, on arrête l'insolation ; sous
un cliché normal, il faut à peu près une minute de pose, en plein
soleil, pendant l'été.
L'épreuve est alors plongée dans de l'eau ordinaire, que l'on
renouvelle à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'elle ne se colore plus ;
on sera alors certain que tout le bichromate a été éliminé.
La feuille étant sortie de l'eau et légèrement épongée, si Ton exa-
mine la couche impressionnée sous une incidence assez inclinée,
on dislingue une image en relief : les parties correspondant aux
noirs du négatif (et, par conséquent, aux blancs du modèle) sont
fortement gonflées par l'eau que la gélatine a absorbée; les zones
correspondant aux transparences du négatif sont, au contraire,
déprimées, parce qu'elles sont devenues imperméables à l'eau;
enfin, les demi-teintes sont traduites par des épaisseurs variables,
indices d'une imperméabilisation plus ou moins avancée. La sur-
face étant ainsi mouillée proportionnellement à l'éclat des parties
claires du modèle, il est facile de comprendre ce qui se produira
lorsqu'on appliquera sur cette gélatine un pinceau garni d'encre
d'imprimerie. Le pigment gras^ repoussé par l'eau, ne sera reten'u
que par la gélatine rendue imperméable et ne s'attachera qu'aux
parties correspondant aux noirs du positif. Si l'on ne doit pas pro-
céder de suite à l'encrage (qui peut, sans inconvénient, être indéfi-
274 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
niment différé), il n'y a qu'à laisser sécher. Quand on voudra
ensuite encrer l'épreuve, il faudra commencer par la faire tremper
dans l'eau, pendant une heure ou deux.
L'encrage est la phase la plus délicate, mais aussi la plus inté-
ressante, du procédé à l'huile. Deux sortes d'encres peuvent être
utilisées : les encres t3^pographiques et les encres lithographiques.
Les unes et les autres sont composées d'huile cuite et de noir de
fumée; mais les première^s sont plus fluides, les secondes sont plus
dures. Ni les unes ni les autres ne doivent d'ailleurs être employées
telles quelles, dans le cas actuel, car elles sont toutes trop épais-
ses, et il convient de les délayer avec un peu d'huile cuite, dans
des proportions variables selon l'état de la couche impressionnée
et selon l'effet à réaliser. On mêle l'encre et l'huile, à l'aide d'un
couteau à palette, sur une plaque de verre ou de porcelaine, puis
on achève de rendre le mélange bien homogène en le travaillant
au rouleau de cuir ou, ce qui vaut mieux, au rouleau en pâte des
graveurs.
Pour appliquer l'encre sur l'épreuve, M. RawHns a imaginé de
remplacer le rouleau dont on se sert en photocoUographie par
des pinceaux de'formes et de grosseurs différentes, suivant les
exigences du travail. Ces pinceaux, ou pochoirs^ sont en putois,
les uns droits, les autres coupés en biseau ou en pied-de-biche.
L'épreuve sortie de la cuvette est placée sur un coussin de papier
buvard mouillé. Les gouttelettes restées sur la gélatine sont enle-
vées doucement avec une mousseline, et Ton commence l'encrage.
A cet effet on prend un peu d'encre avec un pinceau pied-de-biche.
On choisit un point de l'image où se trouve une ombre intense et^
en tapotant légèrement, on s'assure si l'encre prend convenable-
ment. Cet essai suffît pour reconnaître si la composition de l'encre
convient bien à l'épreuve. Si l'encre adhère mal, c'est qu'elle est
trop dure ou que la pose a été trop courte : on y remédie en ajou-
tant de Fhuile ou de l'encre taille-douce. Si, au contraire, l'encre
est fortement happée partout et tend à produire une image voilée,
ce qui est l'effet d'une surexposition ou d'une encre trop fluide, il
faut durcir celle-ci par de petites additions d'encre lithographique.
Une impression défectueuse est d'ailleurs facile à enlever par es-
suyage, à l'aide de chiffons très légèrement glissés sur la gélatine ;
LES PROCEDES PIGMENTAIRES 275
après quoi on recommence avec un mélange d'encres et d'huile
mieux en rapport avec Tétat de la couche impressionnée.
La gélatine sur laquelle repose l'encre grasse ne permet pas
de donner aux blancs une matité parfaite, et l'éclat de l'image en
est amoindri; d'autant plus que les noirs ont un aspect luisant,
qui nuit à leur profondeur. En outre, la couche gélatineuse peut
s'altérer, à la longue, sous l'influence de l'humidité. On évite ces
inconvénients au moyen du report. La couche encrée est appli-
quée contre une feuille de papier (non gélatine) sur lequel l'encre
est transportée par pression, soit à l'aide d'une machine pour
impressions en taille-douce (v. fig. 116], soit en frottant le papier
avec un objet dur à contours arrondis, tel qu'une pierre à brunir
ou un ébauchoir. Pour obtenir un beau report, il faut assurer uq
gonflement assez considérable de la gélatine correspondant aux
blancs, en trempant l'épreuve primaire dans une solution d'am-
moniaque à 10 p. 100, à la température de 16 à 20°. Si elle se gonfle
mal, on l'immerge dans l'eau tiède pendant quelques secondes, et
on la replonge aussitôt après dans le bain ammoniacal.
Pour les tirages rapides, au jour ou à la lumière artificielle, et
notamment pour l'exécution des agrandissements, le procédé Raw-
lins peut être combiné avec l'ozobromie. L'image est d'abord exé-
cutée sur papier au gélatinobromure. Après développement, fixage
et lavage, l'épreuve est passée dans le bain au bichromate et au
ferricyanure dont on se sert dans le procédé ozobrome. Les noirs^
pâlissent et sont, en même temps, rendus imperméables à l'eau,
donc susceptibles de retenir l'encre grasse. Après l'encrage, il est
facile de faire disparaître dans l'hyposulfite de soude les dernières-
traces de l'image primitive, ou, au contraire, de la faire reparaître
avec toute son intensité dans un révélateur quelconque, si l'on,
préfère combiner les deux effets produits par le pigment gras et
par l'image à l'argent.
Procédés aux poudres. — Ces procédés sont basés sur la pro-
priété que possède la lumière de modifier les qualités hygrométri-
ques de certaines substances. Si l'on frotte la surface im pressionnée
avec un pinceau chargé d'une couleur en poudre, celle-ci adhérera
sur les points qui sont hygrométriques et collants, tandis que les-
endroits secs ne la happeront pas. La nature du phototype à-
276 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
employer varie suivant que la surface h recouvrir est sensibilisée
au bichromate de potasse ou au perchlorare de fer, dont le mode
d'action est tout opposé. Dans le premier cas, le phototype sera
constitué par une image positive; dans le second, ce sera un né-
gatif ordinaire.
1° D'après un cliché positif. — On coule, sur une plaque de verre
opale :
Eau 100 ce.
Glucose 5 gr.
Dextrine 5 —
Bichromate d'ammoniaque 5 —
Après dessiccation, on expose la plaque sous un positif trans-
parent. Si l'on saupoudre ensuite la plaque impressionnée d'une
couleur très finement broyée, cette poudre adhérera à la couche
sur les points protégés de la lumière par les opacités du diapositif.
Quant aux endroits placés sous les transparences du cliché, comme
la couche a perdu ses propriétés hygrométriques, elle ne retiendra
point de pigment. Sur les demi-teintes, la poudre adhérera faible-
ment, et, si l'exposition à la lumière a exactement duré le temps
voulu, le-modelé du cliché sera fidèlement reproduit.
Quand l'image est complète, on plonge la plaque dans une
cuvette contenant parties égales d'alcool et d'acide chlorhydrique
et on l'y laisse jusqu'à ce que tout le bichromate ait disparu. On
fait sécher, puis on lave afin d'éliminer l'acide. L'image est enfin
fixée au moyen d'un vernis en couche mince.
2° D'après un cliché négatif. — Poitevin a découvert que les
propriétés déliquescentes du perchlorure de fer disparaissent en
présence de l'acide tartrique, pour reparaître ensuite sous l'action
dé la lumière. Le sensibilisateur est préparé en faisant dissoudre,
d'une part, 22 gr. de perchlorure de fer dans 60 ce. d'eau, et,
d'autre part, 8 gr. d'acide tartrique dans 60 ce. d'eau. Les deux
solutions, filtrées séparément, sont réunies, puis additionnées de
80 ce. d'eau. Ce mélange est conservé à l'abri de la lumière.
Pour s'en servir, on en recouvre une glace dépolie à grain fin,
et on laisse sécher pendant 12 heures, à l'abri de la lumière et de
la poussière.
L'impression s'effectue sous un négatif bien verni; elle dure à
LES PROCÈDES PIGMENTAIRES 277
peu près le même temps qu'avec un papier au chlorure d'argent.
L'image, très peu visible au sortir du châssis-presse, se dessine
bientôt nettement, en blanc sur fond jaune, à mesure que les par-
ties impressionnées absorbent l'humidité de l'air.
On applique alors sur la surface impressionnée un blaireau très
doux préalablement trempé dans la poudre colorante. Cette pou-
dre ne se fixe que sur les parties impressionnées, et en quantités
proportionnelles à la lumière qui a traversé le cliché.
Quand l'image a acquis* toute sa valeur, on peut la transporter
sur papier. A cet effet, on la recouvre d'une couche de collodion
normal, on la plonge dans l'eau jusqu'à disparition de l'aspect hui-
leux de la surface, puis on verse une solution d'acide chlorhy-
drique étendu d'eau, pour détruire l'adhérence du collodion à la
glaqe. On lave ensuite, afin d'éliminer l'acide, et on applique une
feuille de papier non collé préalablement humectée. Cette feuille
doit être plus petite que la glace. On chasse les bulles d'air à l'aide
de la raclette, on ramène tout autour de la feuille les bords de la
pellicule de collodion qui la dépassent, et, soulevant le papier
avec précaution, d'abord par l'un des coins, on enlève l'image sans
la déchirer.
La pellicule de collodion est maintenant appliquée sur une feuille
de papier gélatine préalablement mouillée. Quand le contact est
bien établi, on enlève la feuille qui a servi de support temporaire.
L'image se trouve alors emprisonnée entre le papier gélatine et
la couche de collodion qui la préserve extérieurement et sert de
vernis.
3° Images métalliques sw fond noir. — Les procédés par sau-
poudrage permettent de produire des effets analogues aux laques
décorées du Japon. Comme on applique dans ce cas des poudres
argentées, dorées ou bronzées sur un fond noir, il faut effectuer
le tirage sous un positif si la couche est sensibilisée au perchlorure
de fer, et sous un négatif si eUe est sensibilisée au bichromate,
contrairement aux procédés précédents, dans lesquels le pigment
saupoudré constitue les ombres de l'image, et non pas ses parties
les plus claires.
On emploie généralement un cliché négatif, et on prépare le
sensibilisateur en faisant dissoudre :
16
2T8 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
A. Eau..... 180 ce.
Sucre blanc 10 gr.
Dextrine 10 —
B. Eau ' 30 ce.
Bichromate de potasse 3 gr.
On mélange A et B, puis on ajoute 10 à 30 gouttes de glycérine,
suivant que l'atmosphère est humide ou sèche.
Cette liqueur est versée sur le support noir placé horizontale-
ment. Les artistes japonais se servent à cet effet de planchettes de
bois dur laqué qu'il est assez difficile de se procurer en Europo^
On y supplée soit à l'aide d'une plaque de verre dont on enduit
l'envers d'une couche de vernis noir, soit à l'aide de plaques de
tôle émaillées en noir. Le liquide étant uniformément étalé à la
surface de la plaque, on sèche rapidemant sur une brique ou une
bouillotte chauffée à 60°. La dessiccation doit s'effectuer, sinon dans
Fobscurité complète, du moins à la lumière artificielle très faible,
par exemple à la lueur d'une bougie. Il faut ensuite mettre en
châssis et exposer à la lumière sans attendre que la plaque soit
refroidie. Le tirage s'effectue en 8 ou 10 minutes, à l'ombre, sous
un négatif de densité moyenne. Rentrant alors dans le laboratoire
faiblement éclairé, on passe sur la couche sensible un pinceau
doux chargé d'une poudt e métallique très fine (poudre d'alumi-
nium ou bronzes pour dorures). L'image se dessine peu à peu, et,
au bout de 10 minutes environ, elle est complètement venue. On
époussette alors rapidement l'excès de poudre, et on fixe en por-
tant la plaque en pleine lumière. On peut ensuite recouvrir immé-
diatement la couche d'un vernis blanc, ou collodionner et laver
afin d'éliminer les sels restés solubles,
La finesse de la poudre employée a une grande importance. Une
poudre grossière donne des images dures, sans détails; les pou-
dres les plus fines sont celles qui produisent les images les mieux
modelées.
Emaux. — Les procédés par saupoudrage ont reçu de nom-
breuses applications dans l'exécution des émaux photographiques.
Les couleurs employées dans ce cas sont des oxydes métalliques
ou des émaux en poudre. Ce pigment une fois déposé sur la cou-
che impressionnée, au lieu de transporter Timage sur papier, on
la fixe sur une plaque de verre ou d'émail. On soumet le tout à la
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 271
cuisson dans un moufle, et l'on obtient ainsi des images vitrifiées
inaltérables.
Une autre méthode, plus commode, consiste à faire usage de
papiers mixtionnés spéciaux. Les papiers pholocéramiques que
l'on trouve actuellement dans le commerce sont préparés à peu
près comme les papiers au charbon et contiennent des couleurs
vitriiîables incorporées dans la gélatine. La sensibilisation et le
tirage s'effectuent comme dans le procédé au charbon, et la couche
est ensuite transférée sur le support vitrifîable. On dépouille dans
l'eau chaude, et, après séchage, on soumet le tout à la cuisson.
On exécute ainsi des émaux de grand feu ou des décorations sur
verre et sur porcelaine.
Le procédé au charbon permet aussi d'exécuter des simili -émaux,
sans cuisson. On emploie, dans ce cas, du papier au charbon .ordi-
naire et on effectue le transfert, non plus sur papier, mais sur
verre ou sur porcelaine. Après dépouillement et achèvement de
l'image, on la recouvre d'un grand nombre de couches très minces
d'un vernis dur et transparent, à l'ambre ou au copal, en ayant
soin de ne passer une nouvelle couche qu'après dessiccation com-
plète et durcissement de la couche précédente. Quand on a ainsi
obtenu une couche assez épaisse de vernis, on fait chauffer, dans
le four d'un fourneau de cuisine ou dans une petite étuve, jusque
vers 80° ou 90°. Cette température est maintenue pendant 5 ou
6 heures. On laisse ensuite refroidir, et on polit la couche de ver-
nis, d'abord à la pierre ponce, puis à la potée d'étain, jusqu'à cô
que la surface soit devenue parfaitement brillante.
Hydrotypie. — Ce procédé, inventé par Charles Cros en 1880,
est fondé sur la propriété que possède la gélatine bichromatée de
devenir imperméable à l'eau sous l'influence de la lumière. Pour
obtenir une image positive par hydrotypie, il faut se servir d'un
cliché positif. Si l'on expose sous ce phototype une plaque de
verre recouverte de gélatine bichromatée, cette couche sera ren-
due imperméable sur les points correspondant aux parties claires
du modèle, tandis qu'elle conservera sa perméabilité sur les
points protégés de l'action lumineuse par les opacités du cliché
positif.
Le tirage achevé, on lave la plaque afin d'en éliminer les sels
280 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
restés solubles, et on l'immerge dans un colorant en solution
aqueuse, par exemple dans un bain de fuchsine. Le liquide péné-
trera facilement dans la gélatine demeurée perméable, mais il
sera repoussé sur les points qui ont reçu l'impression lumineuse.
On aura donc ainsi une image positive, de la couleur que l'on
voudra. Il y a plus : une fois la plaque ainsi colorée par imbibi-
tion, on pourra l'appliquer sur une feuille de papier et en tirer
une série de copies, en l'imbibant de nouveau quand l'impression
sera devenue trop pâle.
^ Ce procédé a récemment fait l'objet de diverses applications :
M. Sanger Shepherd l'a utilisé dans des tirages en couleurs, ainsi
que M. L. Didier, qui, sous la dénomination de pinatypie, a com-
biné une série de couleurs spécialement préparées dans ce but.
Teinture photographique. — Ce procédé d'impression pig-
mentaire consiste à transformer en un mordant tinctorial la
substance qui constitue l'image photographique. Smith, en 1854,
obtenait des tons rouges, jaunes, pourpres, bleus, verts, par
les solutions ferriques, des tons chamcris par le bichromate de
potasse, et, en combinant les deux procédés avec le campêche,
il variait les nuances. La double propriété que possèdent les sels
de chrome d'être réduits par la lumière et de fixer certaines
matières colorantes avait aussi permis d'obtenir quelques résul-
tats intéressants. Persoz, en 1857, dans son cours au Conserva-
toire des arts et métiers ; Kopp, en 1863, à la Société industrielle
de Mulhouse, faisaient mention de cette particularité et des appli-
cations dont elle est susceptible.
En 1866, Endemann perfectionnait ce mode d'impression, en
ajoutant au sel de chrome un sel de vanadium, qui fournit un
mordant plus énergique et une plus grande sensibilité. Le papier
ou le tissu à im.primer est sensibilisé dans :
Eau 1.000 ce.
Bichromate d'ammoniaque 50 gr.
Métavanadate d'ammoniaque ou de soude.... 4 —
Après dessiccation dans l'obscurité et impression à la lumière
sous un cliché négatif, une légère image positive est visible. Un
lavage à l'eau froide suffît pour éliminer les sels qui n'ont pas été
impressionnés et ne laisse subsister que le mordant, rendu inso-
LES PROCÈDES PIGMENTAIRES 281
lubie et fixé par Taction lumineuse. On procède alors à la tein-
ture, dans une solution chaude du colorant choisi, qui ne se
dépose qu'aux endroits imprégnés du mordant. M. Villain, en
1892, appliquait à ce procédé les couleurs d'alizarine nouvelles,
plus économiques que celles qu'avaient employées les précédents
expérimentateurs. Il recommandait, notamment, les colorants
suivants : alizarines artificielles pour violet, bleu d'alizarine S,
noirs d'alizarine S et R, galloflavine, purpurine, brun d'anthra-
cène, orangé d'alizarine, jaune d'alizarine, marron d'alizarine,
vert d'alizarine S, alizarine bleu-indigo S, alizarine Bordeaux,
alizarines cyanines, galléine et céruléine. Certains de ces produits
peuvent d'ailleurs se mélanger entre eux et donner une gamme
extrêmement variée de nuances très solides.
Les procédés aux sels de fer fournissent également des mor-
dants tinctoriaux. Le tissu est sensibilisé par immersion dans le
mélange, à volumes égaux, des deux solutions ci-après, récena-
ment préparées :
A. Eau 100 ce.
Ferricyanure de potassium 37 gr.
B. Eau 100 ce.
Gilrate de fer ammoniacal 37 gr.
On sèche dans l'obscurité, on imprime sous le cliché négatif et
on fixe dans l'eau. L'image ainsi obtenue est bleue, comme dans
le procédé au ferro-prussiate. Le tissu est alors plongé dans
une solution au millième de soude caustique, dans laquelle l'i-
mage disparaît. On lave d'abord à l'eau chaude, puis dans une
solution chaude de phosphate ^de soude, et l'on rince de nouveau
dans l'eau chaude. Pour redévelopper l'image, on passe le tissu
dans une solution de gélatine à 5 pour 1.000 portée à la tempé-
rature de 70°. Au bout de 2 ou 3 minutes, en enlèveje tissu, et
on ajoute à la solution de gélatine le colorant choisi. Ainsi, pour
obtenir une image en noir verdâtre, on fera dissoudre 5 grammes
de nigroso-résorcine dans un litre de solution gélatineuse. On
élève la température du bain à 80° et, quand le colorant est entiè-
rement dissous, on replonge le tissu. L'image apparaît rapide-
ment. Quand elle est à point, on rince à l'eau bouillante et on
éclaircit les blancs par un savonnage à 70°. Pour obtenir une
282 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
image bleue, on remplacera la nigroso-résorcine par la gallocya-
nine; le brun d'anthracène donne des tons marrons; Talizarine
pour rouge, des tons violets. Cette méthode est due à M. Stewart
F. Carter.
D'autres réactions ont été utilisées. Ainsi, les dérivés diazoïques
et tétrazoïques sont susceptibles de donner avec le sulfite de
soude des combinaisons moléculaires
R — Azr=Az — SO^Na
qui ne possèdent plus la propriété de se copuler en formant des
matières colorantes. Ces combinaisons étant détruites par l'action
photo-chimique, MM. Lumière et Seyewetz ont appliqué cette
propriété à l'impression des dessins sur étoffes. Le tissu est
passé d'abord dans la solution du phénate alcalin ou de sel de
lamine , puis dans le diazosulfite alcalin , d'où il sort coloré.
On l'expose alors à la lumière, sous un phototype, et il ne reste
ensuite qu'à le laver à l'eau bouillante, qui élimine le mélange
non impressionné, tandis que le colorant reste fixé sur les autres
parties de l'étoffe.
On peut également tirer parti de ce fait que la lumière décom-
pose les dérivés diazoïques, stables dans les conditions ordinai-
res. Le tissu est imprégné de la solution du diazoïque, puis séché
et exposé à la lumière, sous un cliché. Une fois impressionné, il
peut être soumis à deux sortes de développement. En effet, le
résultat de l'action lumineuse est la formation d'un phénol : si
on passe l'étoffe dans un bain de diazoïque, le l^olorant sera
produit sur les parties réduites par la lumière, tandis que, si
on passe en bain d'aminé ou de phénate alcalin, le colorant
ne se formera que sur les parties préservées de l'action de Ja
lumière. ^
M. Frank J. Farrel sensibihse la soie, préalablement lavée? pour
en enlever l'apprêt et les corps gras, en la plongeant, à la lumière
jaune, dans : t
Eau •. 1.000 ce.
Nilrite de soude 5 gr.
Acide chlorhydrique 10 ce.
Le tissu y séjourne 5 à 6 heures, en ayant soin d'agiter fré-
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 283
queiïiment, puis on le met à sécher sur un cadre, dans l'obscu-
rité. On expose sous un cliché positif. Le développement s'opère
à chaud, 33° environ, dans une solution contenant 0,3 pour iOO
de soude caustique et 0,5 pour iOO d'un hydroxyde aromatique,
qui varie suivant la couleur à obtenir. Ainsi, le béta-naphtol
donne des tons rouge-pourpre, qui, après rinçage dans l'eau et
lavage dans une solution diluée d'acide acétique, tournent à
l'écarlate. L'alpha-naphtol donne un ton bleu rougeâtre; le résor-
cinal, un rouge brillant, qui, après le rinçage à l'acide acétique,
passe à l'orangé-or.
Enfin, on a cherché à transformer en mordants tinctoriaux les
positifs aux sels d'argent, en raison de la facilité d'emploi de ces
composés, et plus particulièrement le gélatinobromure, en raison
de son extrême sensibilité, qui rend possible l'exécution des agran-
dissements et les tirages rapides qu'exige l'industrie. M. Traube a
reconnu que le chlorure d'argent n'a presque aucune affinité pour
les matières colorantes et que le bromure en possède fort peu,
mais que l'iodure fixe suffisamment les colorants basiques, tels
que le bleu méthylène et l'auramine. Quant aux colorants acides,
il n'est guère possible de les fixer de la sorte, à l'exception de Téo-
sine, de ses dérivés et de quelques autres triphénylméthanilines.
Le procédé diachrome de Traube consiste à transformer en iodure
d'argent une image positive au gélatinobromure. La plaque déve-
loppée, fixée et lavée, est plongée dans :
Eau 100 ce. ■ ■
Iodure de potassium 5 gr.
Iode en paillettes 2 —
Elle y séjourne jusqu'à ce que les noirs soient devenus jaune
pâle. On rince alors la photocopie et on l'immerge dans le bain de
teinture, qui doit être très dilué si l'on tient à conserver la pureté
des blancs. Dans ces conditions, la teinture est lente : elle exige
souvent 24 heures et même davantage, mais comme elle ne néces-
site pas une surveillance fréquente et qu'elle s'accomplit à la tem-
pérature ordinaire, cette durée n'offre pas de grands inconvé-
nients.
»
M. Namias a trouvé dans les sels de plomb des mordants éner-
giques et très faciles à substituer à l'image photographique. Le
284 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
positif au gélatinobromure est blanchi après développement, fixage
et lavage, dans :
Eau , 100 ce.
Ferricyanure de potassium 10 gr.
Acétate de plomb 5 —
Acide acétique 1 ce.
L'image pâlit progressivement. Quand elle est devenue entière-
ment jaune, on lave abondamment, pendant une demi-heure au
moins, afin d'éliminer les dernières traces de sels qui risqueraient
d'occasionner des taches pendant la teinture. Les noirs primitifs
doivent alors paraître parfaitement blancs. S'ils restaient encore
jaunes, il serait nécessaire de clarifier l'image, soit dans un bain
d'acide nitrique très dilué (2 ou 3 p. 100), soit dans une solution
d'hyposulfite de soude peu concentrée (10 p. iOO au plus). Ni l'un
ni l'autre de ces réactifs ne doit agir plus de 10 minutes, sans quoi
les demi-teintes de l'image seraient rongées. La teinture s'opère
à froid. M. Namias cite comme donnant les meilleurs résultats : la
safranine, le bleu méthylène et la fuchsine, la combinaison de ces
couleurs étant susceptible de produire un nombre illimité de nuan-
ces. Le colorant doit être très dilué, pour ne pas ternir les blancs.
OUVRAGES A CONSULTER
E. Belin, Manuel de photographie au charbon, Paris (Gautliier-Villars), 1900.
E. GousTET, le Procédé ozobr orne, Paris (Gh. Mendel), 1908.
F. DiLLAYE, le Tirage des épreuves en photographie, Paris (J. Tallandier), 1903.
Geymet, Traité pratique des émaux photographiques, 3^ édition, Paris (Gautbier-
Villars), 1885.
Geymet, Traité pratique de céramique photographique, Paris (Gauthier-Villars),
1885.
R. d'Héliécourt, la Photographie vitrifiée, Paris (Gb, Mendel).
A.-F. VON HiJBL, Die Ozotypie. Ein Verfahren zur Herstallung von Pigment Ko-
pieen ohne Uebertragung, Halle a/ S. (W. Knapp).
W. KôSTERS, Der Gummidruck, Halle a/S. (W. Knapp).
J.-A. LiÉBERT, la Photographie par les procédés pigmentaires. La Photographie
au charbon par transferts et ses applications, Paris (Gauthier-Villars), 1908.
Martin, les Procédés pigmentaires, édition de la Revue belge de photographie,
1904.
A. Maskell et R. Demachy, le Procédé à la gomme bichromates ou Photo-
aquateinte, 2^ édition, Paris (Gauthier-Villars), 1905.
LES PROCÉDÉS PIGMENTAIRES 285
D. VAN MoNCKHOVEN, Traite pratique de photographie au charbon, Paris (Mas-
son et Cie), 1886.
C. PuYO, le Proce'dé à l'huile, nouvelle édition, Paris (Ch. Mendel), 1911.
H. Quentin, les Photo-bijoux (simili-émaux), Paris (Ch. Mendel).
H. Quentin, le Procédé Ozotype, Paris (Ch. Mendel), 1903.
Rouillé-Ladevèze, Sépia-Photo et Sanguine-Photo, Paris (Gauthier-Villars), 1894.
E. RouYER, la Gomme bichromatée, Paris (Ch. Mendel).
De Valicourt, la Photographie sur-métal, sur papier et sur verre, tome II, Paris
(Encyclopédie Roret), 1851.
R. Demachy, le Report des épreuves à l'huile, Paris (Ch. Mendel), 1912.
288 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE XIII
LE MONTAGE DES PHOTOCOPIES
Calibrage. — Les épreuves destinées à être montées sur des
cartes d'un format déterminé doivent d'abord être coupées exac-
tement aux dimensions voulues. On se sert pour cela d'un calibre
(fig. 98) constitué par une plaque de verre ou de métal ayant à
Ci. Demaria-Lapierre. , Cl. Demaria-Lapieire.
Fig. 98. — Calibres.
peu près le même format que la carte, moins les marges qu'il con-
vient de laisser. De plus, en cas de montage à la colle liquide, il
faut tenir compte de la dilatation que subira le papier, une fois
mouillé.
On place l'épreuve à rogner sur une glace épaisse, et on la
recouvre du calibre, exactement repéré sur la partie à conserver.
Appuyant alors de la main gauche sur le calibre, de manière à
l'empêcher de glisser, on prend de la main droite un canif bien
aiguisé ou une pointe de cartonnier, et, se servant des bords du
calibre comme d'une règle, on rogne tout autour de la photocopie
ce qui excède le format voulu.
Pour les grandes épreuves, le calibre est remplacé par une
équerre en verre épais, dont l'un des côtés porte des divisions gra-
vées en centimètres et en millimètres.
Les épreuves une fois coupées, si l'on doit les monter à la colle
liquide, il faut au préalable les faire détendre dans l'eau. En outce,
si ce sont des papiers gélatines, comme il est commode de les
empiler pour les enduire de colle, il est nécessaire que la gélatine
LE MONTAGE DES PHOTOCOPIES
287
soit durcie à l'alun ou au formol, sans quoi les épreuves risque-
raient d'adhérer les unes aux autres et de se déchirer quand on
voudrait les séparer. Si donc les épreuves n'ont pas été durcies
avant le séchage, comme nous l'avons conseillé (p. 222), il sera
indispensable de le faire avant de les coller.
DÉNOMINATION
DES CARTES EMPLOYÉ
Carte Mignonnette 3.5x6 c.
— Visite 6.3x10.5 —
— Malverne 8x16 —
— Victoria 8x12.6 —
— Album 11x16.5 —
S ET FORMATS
ES EN PHOTOGRAPHIE
Carte American
19x33 c.
23x29-
22x34 —
26x32-
25x38 —
28x38 —
28x45 —
38x48 —
38x55 —
48x58 —
48x60 —
— Family
— Excelsior , , ,
— Promenade 10.2x21 —
— Paris-Portrait... 13x21 —
— Amateur 9x12 —
— — 13x18 —
— — 15x21 —
— — 18x24 -
— Artiste 20x26 —
— Panel
— Royal
— Portrait nature
Montage à la colle liquide. — La meilleure substance à em-
ployer pour cet usage est l'amidon de blé, qui fournit une excellente
colle facile à préparer et qui se conserve longtemps, quand on a
eu soin de l'additionner d'un antiseptique. On met dans une cas-
serole 100 ce. d'eau froide ou à peine tiède et 8 à 10 gr. d'amidon,
que l'on délaye avec une cuiller jusqu'à ce que le liquide soit
devenu uniformément laiteux. On place alors la casserole sur le
feu, et l'on tourne le mélange avec la cuiller, sans interruption,
jusqu'à ce que l'on sente s'épaissir le liquide, qui perd alors son
aspect laiteux et devient à demi transparent. On retire à ce mo-
ment la casserole du feu et, après avoir encore un peu tourné la
pâte, on la laisse refroidir. On y ajoute, enfin, quelques gouttes de
formol, afin de l'empêcher de se putréfier. Si l'on tient à avoir une
colle parfaitement homogène, il est bon de la passer à travers une
mousseline, mais l'essentiel est de ne pas cesser de tourner le lait
d'amidon, pendant la cuisson.
Les épreuves, bien détendues dans l'eau (une immersion de 5 à
288 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
6 minutes est suffisante), sont sorties une à une de la cuvette et
empilées sur une glace, l'image en dessous. Il faut les poser l'une
sur l'autre en éventail, c'est-à-dire sans que leurs angles coïnci-
dent, de telle sorte qu'un coin au moins de chaque épreuve porte
directement sur la glace : si tous les papiers étaient exactement
superposés, il serait difficile d'en soulever un sans endommager
ceux qui se trouvent dessous. Les épreuves étant ainsi réunies, on
presse légèrement le paquet, de manière à chasser l'excès d'eau
qu'elles ont retenue, et l'on enduit de colle, avec un pinceau large
et plat, celle qui se trouve placée au dessus. On la soulève ensuite,
en glissant l'ongle ou la pointe d'un canif sous le coin en contact
direct avec le verre. Tenant alors l'épreuve des deux mains et
rapprochant légèrement ses deux extrémités, de manière qu'elle
soit un peu courbée, on la dépose sur le carton, d'abord par le
milieu, après quoi on laisse retomber lentement les deux extré
mités. Ce tour de main a pour but de bien placer l'épreuve sur
le carton. Néanmoins, si elle ne se trouve pas exactement dans
la position voulue, on la fera facilement glisser, en appuyant les
doigts dessus et en exerçant une traction régulière.
Il reste presque toujours un peu d'air emprisonné entre le papier
et le carton; on le reconnaît à des cloches très apparentes, que
l'on fait disparaître en appliquant sur l'épreuve une feuille de
buvard blanc bien propre que Ton frotte en tous sens, soit avec la
paume de la main, soit avec un coupe-papier, soit avec un rouleau
de caoutchouc. On laisse ensuite sécher.
On enduit alors de colle la seconde épreuve; on la saisit, comme
la première, en soulevant l'angle en contact avec la glace, et l'on
recommence les manipulations qui viennent d'être décrites.
Satinage. — Les photocopies montées à la colle liquide perdent
généralement une partie de leur brillant, une fois sèches. De plus^
le carton, inégalement dilaté par l'humidité, reste gondolé. Autant
pour donner le lustre aux épreuves que pour redresser leur sup-
port, les photographes ont l'habitude de les satine?^, à l'aide de
presses spéciales. Le satinage s'opère à froid ou à chaud.
La presse à satiner à froid est ordinairement constituée par une
plaque de fonte polie sur laquelle un rouleau de même métal est
serré plus ou moins fortement au moyen de vis de réglage. On fait
LE MONTAGE DES PHOTOCOPIES
28^-
passer l'épreuve entre la plaque et le rouleau, et le laminage qu© .
subit le carton le redresse complètement. L'épreuve satinée à froid
présente une surface lisse, d'un très bel effet dans les grands for-
mats. Pour les petites cartes, le public préfère le plus souvent une-
surface brillante, qui s'obtient par le satinage à chaud.
La fig. 99 représente une presse combinée de manière à satiner
soit à froid, soit à chaud. Elle se compose de deux cylindres métal-
liques, l'un poli et l'autre cannelé, formant laminoir. Une vis com-
mandée par un volant règle la pression. Un autre volant, muni
d'une manivelle, sert à mettre les cylindres en mouvement. L'é-
preuve est passée entre les rouleaux de telle sorte que l'image soit-
en contact avec la surface polie, tandis que le dos du carton porte
sur la surface cannelée, dont le rôle est de faciliter l'entraînement-
régulier. En chauffant le cylindre poli, au moyen d'une rampe à
gaz ou de lampes à alcool, on rend l'épreuve plus brillante. Il faut
éviter cependant que le rouleau soit chauffé au delà de 60° ou 70°.
Une température trop élevée roussirait le papier ou le détacherait
du carton. C'est pourquoi un thermomètre est adapté au socle de-
la presse.
Certaines presses, destinées uniquement au satinage à chaud,
se composent seulement d'un rouleau cannelé et d'un couteau fixe
poli que l'on fait chauffer au gaz ou à l'alcool. Dans ce cas, il est-
nécessaire de faciliter le glissement des cartes, car le moindre-
17
290 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
arrêt se traduirait par des raies luisantes indélébiles. On enduit, à
cet effet, la surface de l'image de cire ou de savon. Le plus simple
est de frotter un morceau de savon de Marseille sur une pièce de
drap ou de flanelle, jusqu'à ce que l'étoffe paraisse bien graissée.
On en frotte alors la surface de l'épreuve.
Montage à sec. — Les épreuves mouillées s'allongent un peu
plus dans un sens que dans l'autre, et il en résulte une légère
déformation de l'image, sans inconvénient dans la plupart des cas,
mais qu'il est cependant nécessaire d'éviter dans les reproductions
de haute précision, et même dans les grands portraits, le visage
se trouvant quelque peu aminci ou élargi, suivant le sens dans
lequel le papier a été mis sous le cliché. Le montage humide pro-
voque également le gondolage du carton, et le seul moyen d'y
remédier est le satinage. Encore cette opération ne convient-elle
pas aux papiers artistiques dont la surface est veloutée. En outre,
les supports souples, tels que certains papiers feutrés, ne se ^prê-
tent pas à ce mode de montage. Du reste, les papiers à la gomme
bichromatée sont difficiles à bien coller à Fétat humide, en raison
de l'extrême fragilité du pigment. Enfin, la colle liquide sert quel-
quefois de véhicule à diverses substances solubles restées dans
la pâte du carton, et c'est là une cause fréquente d'altération des
images.
Tous ces motifs font préférer dans bien des cas le montage à sec,
qui consiste à remplacer la colle liquide par un adhésif fusible à
une température peu élevée. L'idée de cette combinaison remonte
au moins à 1867. A cette époque, Robinson appliquait, au dos de
l'épreuve ainsi que sur le carton, une colle au caoutchouc dissous
dans la benzine. Après la mise en contact, il faisait adhérer en pas-
sant à la presse à satiner*. Dobler, en 1895, vendait de la gutta-
percha en feuilles très minces destinées à servir d'adhésif à sec :
on en coupait un morceau de la dimension de l'épreuve, on le
plaçait entre le papier et le carton, et on passait sur le tout un fer
à repasser modérément chauffé. Plus récemment MM. Derepas ont
combiné un adhésif à la gomme laque, ainsi qu'une presse spé-
ciale très bien comprise.
1. Britisk Journal of Photography, 1S67, p. 311.
LE MONTAGE DES PHOTOCOPIES 291
M. Briand a fait connaître le mode de préparation d'un adhésif
qui donne de bons résultats :
Gomme laque blanche , 30 gr.
Gomme élémi ; 3 —
Baume du Canada sirupeux 5 —
Glycérine 3 —
Alcool à brûler, 1er choix 100 ce.
On dissout d'abord dans la moitié de l'alcool la gomme élémi et le
baume du Canada, et dans l'autre moitié la gomme laque. On mé-
lange les deux solutions et l'on ajoute la glycérine.
Les pellicules adhésives que Ton trouve dans le commerce sont
constituées par des feuilles de papier très mince, comme le papier
des copie-lettres, que l'on a trempées dans une solution analogue
à la précédente.
Pour procéder au montage, on réunit d'abord l'adhésif et l'é-
preuve. On prend une feuille adhésive un peu plus grande que
l'épreuve et on applique celle-ci face en dessous sur une surface
lisse,' telle qu'un carton bien sec. Avec un petit fer spécial, préa-
lablement chauffé sur une lampe à alcool, on fait adhérer par un
point l'épreuve à l'adhésif : une légère pression du fer chaud est
suffisante. L'épreuve et l'adhésif ainsi accouplés sont alors calibrés
simultanément à l'aide d'un calibre en verre ou en zinc. On place
ensuite l'épreuve sur le carton support que l'on a choisi, en ayant
soin qu'elle s'y trouve exactement dans la position voulue. On la
maintient d'une main, pendant que de l'autre on la fixe provisoi-
rement en y appliquant le petit fer chaud. On évite ainsi le dépla-
cement de l'épreuve au moment de la. placer sur le plateau de la
presse.
La presse (fig. 100) rappelle un peu, par son aspect général, les
appareils à copier les lettres; seulement, le plateau supérieur est
creux et contient une rampe à gaz ou un réchaud à alcool. On y
adapte à volonté, soit une plaque de zinc nickelé, pour les épreuves
brillantes, soit une plaque dépolie, pour les épreuves mates. La
presse eff'ectue ainsi à la fois le montage et le satinage. Un ther-
momètre indique la température, qui doit être réglée selon la nature
des épreuves :
Papiers au charbon 65°
292 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Papiers au citrate de 75° à 80°
— à Talbuinine 90°
— au gélalinobromure 90*>
— mats genre platine 9ô°
La pression doit être assez forte, sans exagérer cependant, et
dure environ 5 secondes. Cependant, pour coller les papiers au
gélatinobromure de forte épaisseur, 11 faut prolonger la pression
de 15 à 20 secondes.
Cl. Demaria-Lapierre.
Fig. 100. — Presse pour le montage à sec.
La même presse sert également à produire des gaufrages ou
estampages, sur des carions lisses ou graines, en intercalant des
plaques de formes et de surfaces diflerenles limitant la pression à
une partie seulement du support.
L'emploi d'une presse particulière n'est pas absolument indis-
pensable pour monter les épreuves à chaud, et Ton réussit parfai-
tement avec un simple fer à repasser modérément chauffé, en
prenant la précaution d'interposer une feuille de papier entre le fer
LE MONTAGE DES PHOTOCOPIES 238
chaud et l'épreuve. On peut même se passer de feuilles impre'gnées
d'adhésif, et appliquer au pinceau la solution alcoolique de gomme
laque et de baume indiquée par M. Briand. Toutefois, cette mixture
ne doit pas être passée directement au dos d'une épreuve ordinaire,
car elle tacherait l'image. Il faut, au préalable, enduire le papier
d'un encollage destiné à empêcher la pénétration de la solution
alcoolique. On appliquera donc au verso des épreuves la solution
suivante, également indiquée par M- Briand .
Eau 1.000 ce.
Gomme arabique 200 gr.
Formol 50 ce.
Glycérine 15 —
On laisse sécher les épreuves ainsi gommées, et l'on y étend au
pinceau la solution adhésive. On fait sécher cette première couche
et on en passe ensuite une seconde. Pour coller l'épreuve, il suffît
alors de l'appliquer sur le support qui doit la recevoir et de passer
un fer chaud, en interposant une feuille de papier blanc On soumet
enfin le tout à une forte pression, par exemple sous une presse à
copier.
Pour détacher de son support une épreuve miontée à chaud, il
suffit de la faire chauffer modérément : le papier se sépare de lui-
même.
Emaillage. — Les épreuves tirées sur papier gélatine sont sus-
ceptibles d'acquérir un aspect très brillant, sans passer par la presse
à satiner. 11 suffît à cet effet de les appliquer toutes mouillées sur
une surface polie et de les y laisser sécher. Cet aspect miroitant,
quoique fort commun, est recherché par beaucoup d'amateurs, sur-
tout pour les images de très petit format. Aussi convient-il d'indi-
quer la manière de l'obtenir, malgré son caractère peu artistique.
On trouve dans le commerce des plaques de tôle laquée très bril-
lantes destinées à l'émaillage des épreuves, mais on peut se servir
aussi d'une glace bien polie, à la condition de l'enduire au préalable
d'une substance propre à empêcher l'adhérence du papier géla-
tine. Il suffit pour cela de frotter la glace avec un tampon de coton
couvert de talc en poudre, puis avec un second tampon bien propre
pour enlever toute trace visible de talc. On remplace quelquefois
le talc par :
294 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Benzine 500 ce.
Cire de spermaceti 5 gr.
Cette solution est appliquée sur la glace au moyen d'un tampon
d'ouate. Quand toute la surface en est couverte, on la frotte avec
un morceau de flanelle.
L'épreuve bien imprégnée d'eau est appliquée, du côté gélatine,
contre la surface polie. On pose sur le papier un morceau de toile
cirée ou caoutchoutée, que l'on presse en tous sens à l'aide d'une
raclette ou d'un rouleau souple, de manière à chasser toutes les
bulles d'air interposées entre la gélatine et la plaque. On enlève
ensuite la toile imperméable, et on laisse sécher le papier à l'air
libre sur le support poli, d'où il ne doit être séparé qu'après par-
faite dessiccation. Il faut éviter de faire sécher au soleil ou à la
chaleur, car l'épreuve serait gondolée. Quand le papier est bien
sec, il se détache de lui-même.
Une fois émaillée, l'épreuve ne doit plus être mouillée, car la
gélatine imbibée d'eau reprendrait en séchant l'aspect qu'elle avait
avant l'émaillage, qu'il faudrait recommencer. On peut cependant
monter à la colle liquide une épreuve émaillée, en procédant de la
façon suivante. On fait dissoudre dans l'eau de la gomme arabique
additionnée d'un antiseptique, tel que le thymol ou l'acide salicy-
lique, et on filtre sur du coton. Cette colle se conserve plusieurs
mois. On en enduit le dos des épreuves placées sur la plaque d'é-
maillage, avant qu'elles soient sèches. La dessiccation achevée, on
enduit le papier d'une nouvelle couche de gomme et on l'applique
aussitôt sur le carton. L'adhérence est facilitée en passant un rou-
leau de caoutchouc sur l'épreuve recouverte d'une feuille de bu-
vard blanc. Le brillant de la surface reste ainsi parfaitement intact.
Retouche des photocopies. — La retouche étant exécutée sur
les clichés, il est rare que les petites épreuves soient chacune Lob-
jet d'un travail long et minutieux. On se borne, le plus souvent, à
un simple repiquage, qui consiste à enlever les petits points noirs
ou blancs provenant soit de trous dans la couche du négatif, soit
de poussières interposées pendant le tirage entre le phototype et
le papier sensible.
Pour faire disparaître les points noirs, sur les papiers mats, on
se sert du grattoir; sur les papiers brillants, il vaut mieux appli-
LE MONTAGE DES PHOTOCOPIES
295
quer du blanc gouache additionné de gomme, posé par petites
touches à l'aide de pinceaux très fins. Les points blancs sont bou-
chés soit au crayon, soit au pinceau chargé de couleur d'aquarelle
gommée.
Les grandes épreuves exigent souvent une retouche plus impor-
tante. C'est le cas, notamment, pour les agrandissements, comme
on le verra plus loin (chap. XXIII). Cette retouche est effectuée,
Cl. Sté Franco-Américaine.
Fig-. 101. — Pinceau à air.
suivant l'effet à réahser, au moyen de crayons, de pinceaux ou de
pulvérisateurs spéciaux dont le plus parfait est le pinceau à air. Ce
dernier instrument (fîg. 101) projette la couleur par l'air comprimé,
qui la divise en minuscules gouttelettes. En approchant plus ou
moins le jet du papier, on obtient des traits vigoureux ou des effets
d'estompé, des demi-teintes fondues très délicates.
La retouche doit évidemment être de même teinte que l'image.
Il est quelquefois difficile d'obtenir exactement le même ton par
des mélanges de couleurs. Du reste, la retouche étant tantôt plus,
tantôt moins altérable que le pigment constitutif de l'image pho-
tographique, il en résulte, à la longue, des différences choquantes.
29C TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Le mieux est donc d'utiliser dans la retouche une substance iden-
tique à celle dont est formée la photocopie. Ainsi, pour retoucher
une épreuTC au gélatinobromure, si l'on a eu soin d'employer un
papier plus grand que le cliché, l'image se trouve entourée de
marges qui ont pris au développement le même ton que les grandes
ombres du positif. On rogne ces marges, et on les met dans l'eau
chaude, qui dissout la gélatine colorée : il n'y a qu'à recueillir
cette gélatine et à s'en servir en guise de couleur.
De même, dans le procédé au charbon, la retouche devra être
exécutée à l'aide de la mixtion prélevée sur un petit morceau de
papier identique à celui qui a servi au tirage de l'épreuve.
Coloriage. — On emploie tantôt des couleurs solides, tantôt des
colorants en solutions aqueuses ou alcooliques.
i. Peinture à l'huile. — Il faut d'abord étendre sur l'épreuve,
avec un blaireau large et fin, une solutian chaude de :gélatine blan-
che à 3 p. 100. Quand ce médium est bien sec, on y applique les
couleurs. On se sert habituellement dans ce but de couleurs trans-
parentes ou laques, sous lesquelles l'image photographique reste
visible. On rehausse seulement les grandes lumières par quelques
touches de blanc d'argent, pur ou additionné de jaune. Quelques
artistes emploient cependant des couleurs opaques, comme les
ocres, le jaune de chrome, la terre de Sienne, etc., et peignent à
pleine pâte, de manière à faire complètement disparaître la pho-
tographie. Il faut alors une grande habileté et une connaissance
parfaite du dessin, pour éviter ces effets lourds qui détruisent
absolument la pureté des contours et les délicates demi-teintes
caractéristiques de l'image de la chambre noire.
2. Peinture à Vaquarclle. — Les couleurs à l'eau ne prennent pas
directement sur les papiers albuminés et gélatines. Cependant, on
arrive généralement à les appliquer, après avoir passé à la surface
de l'épreuve une pomme de terre fraîchement coupée. Néanmoins,
il est préférable de recouvrir l'image à colorier d'un vernis tel que :
Alcool ICO ce. •
Gomme laque blanche \ 10 gr.
Cette solution, reposée pendant 24 heures et filtrée, est placée
dans un vaporisateur à l'aide duquel on en recouvre l'image, jusqu'à
LE MONTAGE DES PHOTOCOPIES 297
ce que sa surface paraisse légèrement humide. Le vernis est sec au
bout de 10 minutes environ, et retient alors facilement les couleurs
à l'aquarelle.
Une autre méthode, applicable seulement aux papiers gélatines,
consiste à pousser le tirage ou le développement de manière à ob-
tenir une image beaucoup trop foncée. Plongeant alors l'épreuve
dans l'eau chaude, on en fait fondre la gélatine, et il ne reste plus
sur le papier qu'une très faible image, insuffisante pour ne rece-
voir qu'une légère enluminure, mais sur laquelle l'artiste pourra
exécuter une peinture avec tout son modelé.
Quant au papier à la celloïdine, il ne faut y appliquer des cou-
leurs à l'eau qu'après y avoir étendu quelques gouttes d'essence
de térébenthine dont on fait ensuite évaporer l'excès à une douce
chaleur. Pour que la couleur ne devienne pas terne en séchant,
mais conserve son brillant, il est bon d'y ajouter un peu de sirop
de gomme ou d'albumine.
3. Colorants en solutions. — Les colorants solubles, tels que ceux
désignés sous le terme générique de couleurs d'aniline, s'appliquent
assez facilement sur les épreuves. Les couleurs solubles dans l'al-
cool prennent bien sur les surfaces coUodionnées; celles que l'on
prépare en solutions aqueuses s'appliquent facilement sur la géla-
tine et sur l'albumine. C'est d'ailleurs à l'aide de ces substances
que sont coloriés les diapositifs destinés à la projection ou à la
stéréoscopie. Ces colorants font un très bel effet sur les images vues
par transparence, mais sur les papiers destinés à être examinés
par réflexion l'effet est souvent lourd et criard, quand la couleur
est déposée au-dessus de l'épreuve. Il est préférable de colorier les
épreuves par le dos. On se sert alors de colorants solubles dans
l'alcool. L'épreuve est placée, avant d'être collée, sur un pupitre à
retouche, l'image en dessous, visible par lumière transmise à tra-
vers le papier. La couleur est appliquée au dos, et la solution
alcoolique traverse le papier de part en part, mais ne pénètre pas
la gélatine. Le coloris joue ainsi sous l'image photographique, et
l'effet en est singulièrement adouci, les petites défectuosités dispa-
raissant sous l'image, qui conserve ses moindres détails, sans rien
perdre de son modelé.
298 TRAITÉ GÉNÉRAL DE FBOTOGRAP^HIE
OUVRAGES A CONSULTER
Ganichot, Retouche des épreuves, 3« édition, Paris (Gh. Mendel).
Van Karl, la Minif,ture photographique, Pa.ris (Gauthier-Villars) , 1894.
Klary, l'Art de retoucher en noir les épreuves positives sur papier, Paris (Gau-
thier-Villars), 1898.
Klary, Traité pratique de la peinture des épreuves photographiques, Paris (Gau-
thier-Villars), 1899.
■G. Mergator, Anleitung zum Kolorieren photographischer Bilder jeder Art mit
tels Aquai^ell-, Lasur-, Oel-, Pastell-, und anderen Farben, Halle a/S. (W.
Knapp).
A. Schaeffner, la Fotominiatura, Paxis (Gauthier-Villars), 1991.
LES DIAPOSITIFS 299
CHAPITRE XIV
LES DIAPOSITIFS
Notions générales. — On appelle dîapositifs ou images diaposi-
tives (du grec Sia, à travers) les photographies destinées à être
vues par transparence, comme les vitraux. On peut utiliser, à cet
effet, tous les procédés qui servent à exécuter des épreuves sur
papier. Ainsi, il est facile de sensibiliser une plaque de verre en-
duite de gélatine en la plongeant dans des solutions de ferricyanure
de potassium et de citrate de fer : on obtient ainsi une épreuve
transparente bleue. Le procédé au charbon fournit de très belles
images transparentes inaltérables : le papier mixtionné est alors
transféré sur une plaque de verre. Néanmoins, ces procédés ne
sont utilisés que très exceptionnellement, et, en pratique, on s'en
tient presque exclusivement au gélatinobromure. Il est facile d'ob-
tenir un positif transparent sur une plaque sensible ordinaire, soit
en l'impressionnant au châssis-presse sous un cliché négatif, soit en
l'exposant dans la chambre noire si l'on veut obtenir une repro-
duction réduite ou amplifiée. Dans ce cas, le cUché est placé en
avant de l'objectif, derrière un verre dépoli qui tamise la lumière
et l'éclairé d'une manière uniforme. Une chambre à trois corps
(fig. 1) est très commode pour cette opération : l'objectif est placé
sur le cadre du milieu, et le cadre antérieur porte une série d'in-
termédiaires, de façon à, recevoir les clichés de divers formats. Le
soufflet antérieur empêche la lumière d'arriver à l'objectif ail-
leurs que par le cliché.
Les plaques rapides ne sont que rarement utilisées à cette appli-
cation. Leur grain ne permet pas d'obtenir des images très fines,
et quelques-uns des détails du phototype risquent d'être perdus.
Aussi fabrique-t-on des plaques spécialement préparées pour l'exé-
cution des diapositifs. Leur émulsion, peu mûrie, est relativement
300 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
lente, mais. ce défaut de sensibilité n'offre aucun inconvénient, et
les images qu'elles fournissent sont d'une remarquable finesse. Ces
plaques servent à obtenir les diapositifs destinés à la projection,
au stéréoscope ou au montage dans des verrières, sous forme de
vitraux. Le ton de ces images diffère suivant le temps de pose et
la composition du révélateur. On le modifie, du reste, à l'aide de
divers virages. Nous citerons, à titre d'exemple, le mode de trai-
tement des plaques Lumière. La société Lumière fabrique deux
sortes de plaques pour diapositifs : les plaques à tons noirs et les
plaques à tons chauds.
Plaques à tons noirs. — Ces plaques sont plus lentes que celles
qui servent à l'exécution des clichés, mais leur sensibilité est
cependant assez grande pour qu'il soit nécessaire de ne les mani-
puler qu'en lumière rouge ou verte. Elles sont indifféremment
applicables aux impressions par contact, par réduction ou par
agrandissement. Par contact, sous un cliché de densité moyenne
placé à 50 centimètres d'un bec de gaz papillon, la durée du tirage
est approximativement de 5 secondes. Le temps de pose est natu-
rellement beaucoup plus long, quand la plaque est impressionnée
dans la chambre noire : il varie, comme toujours, suivant l'inten-
sité de la lumière et l'ouverture de l'objectif.
Tous les révélateurs conviennent au développement de ces pla-
ques, mais le diamidophénol leur est particulièrement favorable.
Le ton obtenu est un beau noir bleuté, que l'on peut modifier par les
virages qui seront indiqués plus loin. Le fixage est le même que
dans les procédés négatifs.
Plaques à tons chauds. — Ces plaques sont assez lentes pour
qu'on puisse les manipuler à la clarté d'une lampe ordinaire,
pourvu qu'elles en soient éloignées d'au moins 3 ou 4 mètres.
Toutefois, il vaut mieux se servir d'une lanterne à verre jaune.
L'émulsion supporte des écarts de pose très considérables; ainsi, le
tirage par contact à 10 centimètres d'un bec papillon peut varier
de 15 secondes à 15 minutes, mais la tonalité de l'image varie sui-
vant son degré d'impression. Pour obtenir des résultats constants,
le mieux est d'employer pour source de lumière un ruban de ma-
gnésium dont on fait brûler une longueur déterminée à une cer-
taine distance du châssis.
LES DIAPOSITIFS 301
Si Ton fait brûler 6 centimètres de ce ruban (dont la largeur est
de 2,5 millimètres) devant un cliché de densité moyenne, on
obtiendra un ton sépia chaud, si le châssis est placé à 30 centi-
mètres du foyer lumineux. Si on rapproche le châssis-presse, les
tons deviendront de plus en plus chauds, jusqu'aux tons sanguine
et jaune-rouge. Si, au contraire, on l'éloigné, la tonalité de l'image
tendra au vert. Ces nuances sont celles que l'on obtient en déve-
loppant la plaque dans le révélateur suivant, dont il faut éviter de
modifier la formule :
Eau 1.000 ce.
• Hydroquinone , 10 gr.
Sulfite de soude anhydre 50 —
Carbonate de polasse pur el sec 2 —
Solution de bromure de potassium à 10 p. 100. 10 ce.
Le développement s'accomplit lentement. L'image commence à
se montrer au bout de 3 ou 4 minutes et passe successivement par
les tons jaune, rouge, sanguine, brun, sépia, vert-jaune et vert. En
même temps, son intensité s'accroît graduellement et atteint la
valeur voulue après un laps de temps qui varie de 4 à 10 minutes,
suivant la durée de la pose. Le fixage s'effectue comme d'habi-
tude.
La densité du cliché influe .sur la tonalité du diapositif. A temps
de pose égal, on n'obtiendra pas avec un cliché doux le même ton
qu'avec un cliché vigoureux. Le fixage modifie légèrement le ton
réalisé au développement. Il en est de même du séchage.
Si le ton obtenu n'est pas satisfaisant, il est facile de le modifier
par un virage.
Virages. — Après l'élimination complète de l'hyposulfite par
des lavages abondants, la couleur de l'image diapositive peut être
modifiée par l'un des procédés suivants.
Virage à l'or. — On obtient des tons violacés, d'un aspect très
agréable, en immergeant la plaque dans un bain de virage-fixage
semblable à celui dont on se sert dans le traitement des papiers au
citrate.
Virage aux sels de fer. — On obtient une image bleu de Prusse
en passant le diapositif d'abord dans une solution de ferricyanure
de potassium à 5 pour 100, dans laquelle les noirs deviennent
302 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
blanc jaunâtre, pu^s en lavant la plaque et en l'immergeant dans
une solution de citrate de fer ammoniacal à 1 pour 100.
Virages à l'urane. — On peut obtenir des tons très variés, en
cjmbinant les solutions suivantes :
A. Eau 100 ce.
Ferricyaiiure de potassium 1 gr.
B. Eau 100 ce.
Acide azotique 0 ce. 5
Azotate d'urane 1 -gr.
G. Eau 100 ce.
Citrate <ie fer ammoniacal 1 gr.
D. Eau 100 ce.
Molybdate d'ammonium 1 gr.
Acide azotique 1 goutte.
Les teintes réalisées sont indiquées dans le tableau ci-après :
TEINTE
SQL.. A
SOL. B
SOL. G
SOL. D
Sépia
50 ce.
50 -
50 —
50 —
50 —
50 —
50 —
50 —
50 —
40 —
100 ce.
70 —
50 —
40 —
15 -
30 —
50 -
75 ce.
75 —
50 —
50 -
50 ce.
50 —
Brun-rouge
Rouge vif . ..,,,...,.
Vermillon
Bleu
Vert-bleu
Vert-olive
Vert pur
Brun-rouge
Brun- sépia
Tous ces mélanges sont sensibles à la lumière; aussi ne faut-il
procéder au virage qu'à un jour faible. La plaque virée est lavée
d'abord dans de Teau acidulée par quelques gouttes de vinaigre,
puis dans l'eau ordinaire, pendant 10 à 15 minutes. Si les blancs
de l'image sont teintés, on les éclaircira en passant la plaque d'a-
bord dans de l'eau contenant quelques gouttes d'une solution satu^»
rée de carbonate de soude, puis dans un bain d'hyposulfite à 10
pour 100. On lavera alors de nouveau, pendant 20 minutes-
Vii^age au cuivre. — Pour obtenir des tons rouge-pourpre très
solides, on prépare :
LES DIAPOSITIFS 303
A. Em 100 ce.
Ferricyanure de potassium 10 gr.
B. Eau lOOcc.
Sulfate de cuivre 10 gr.
C. Eau 100 ce.
Citrate neutre de potassium 10 gr.
Au moment de l'emploi, on ajoute à la solution A d'abord 7 ce.
de la solution B, puis 6 ce. de la solution C. L'image passe du
noir au brun et au rouge. On termine par un court lavage.
Village far teinture. — L'argent qui constitue l'image diaposi-
tive peut être transforme, comme on Ta vu dans le chapitre XII,
soit en iodure d'argent, soit en ferricyanure double d'argent et
de plomb. Ces composés constituent des mordants tinctoriaux sus-
ceptibles de fixer divers colorants.
Coloriage. — Le coloriage des diapositifg a perdu beaucoup de
son intérêt depuis l'invention des plaques à filtres trichromes, qui
permettent de réaliser, directement et par des manipulations peu
compliquées, la reproduction exacte des couleurs. Néanmoins, on
recourt encore quelquefois à la mise en couleurs de certains dia-
positifs monochromes. On se sert dans ce but de couleurs trans-
parentes solubles dans l'eau, comme le violet de méthyle, le bleu
diamine, le vert malachite, l'acide picrique, l'orangé d'aniline, l'éc-
sine, la fuchsine, l'érythrosine, etc.
Ces solutions colorantes sont passées sur la gélatine en teintes
plates, sans se préoccuper du modelé, exclusivement constitué par
les demi-teintes de l'image photographique. On se sert de pin-
ceaux d'aquarelle de bonne qualité. Il faut en avoir au moins
deux, l'un très fin et l'autre assez gros, mais à pointe effilée.
Avant d'étaler une teinte plate assez large, il convient de mouil-
ler la couche gélatineuse et de l'éponger ensuite doucement. La
couleur prend alors d'une manière plus uniforme sur cette surface
moite. Au contraire, pour colorier des détails très délicats, il vaut
mieux appliquer le pinceau sur la couche sèche.
Montage. — Le montage des diapositifs consiste à appliquer une
plaque de verre sur la couche gélatineuse parfaitement sèche et
à maintenir les deux plaques en collant tout autour une bande de
papier noir.
Les diapositifs destinés à la projection sont doublés d'une plaque
304 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
de verre ordinaire, dont le but est seulement de protéger rimag&
contre tout frottement. On intercale généralement entre les deux
verres une feuille de papier noir découpée de manière à limiter
le tableau par un encadrement. Les paysages sont généralement
présentés dans un cadre carré; les reproductions microscopi-
ques sont, au contraire, presque toujours limitées par un cercle.
Si le format du diapositif est plus petit que celui du passe-cliché,
on peut le monter sur un carton évidé ou sur une plaque de verre
du format voulu, en l'y maintenant à l'aide de papier gommé.
Les diapositifs destinés à l'examen stéréoscopique, ainsi que ceux
qui doivent être encadrés comme des vitraux, sont doublés d'un
verre dépoli, qui donne du corps aux demi-teintes. On peut cepen-
dant employer un verre ordinaire, en appliquant un vernis dépoli
sur l'une des deux plaques. Enfin, certaines plaques diapositives,
telles que les plaques opalines, de Guilleminot, dont l'émulsion
contient une résine, dispensent de l'emploi d'un verre dépoli et de
l'application d'un vernis.
OUVRAGES A CONSULTER
H. FouRTiER, les Positifs sur verre, 2° édition, Paris (Gauthier- Villars) , 1907.
L. Tranchant, les Positives pour projections^ Paris (Gh. Mendel).
POSITIFS DIRECTS ET CONTRETYPES 305
CHAPITRE XV
POSITIFS DIRECTS ET CONTRETYPES
Positifs directs par réflexion. — Le daguerréotype donnait
directement des images positives par réflexion, mais seulement
sous une certaine incidence. Les clichés sur collodion donnent une
image négative par transparence et positive par reflexion, quand
la plaque est adossée à une surface noire. C'est sur cette propriété
qu'est basé le procédé ferrotype, encore en usage chez les forains
qui livrent en quelques minutes des portraits sur tôle. Le collodion
est coulé sur des feuilles de tôle enduites d'un vernis noir, et
l'image se détache en blanc, ou plus exactement en gris-perle,
sur le fond sombre. Ces images sont dépourvues d'éclat, mais bien
détaillées et très fines. Du reste, leur principal avant :ige est leur
extrême bon marché.
Généralement, ces portraits ferrotypes, de très petit format, sont
exécutés à l'aide d'un appareil muni de plusieurs objectifs. Un ob-
turateur à volets ouvre et ferme tous ces instruments simultané-
ment, et la plaque de tôle collodionnée contient ainsi plusieurs
images, qu'il suffit ensuite de découper aux ciseaux.
Avec le gélaLinobromure,les révélateurs habituels donnent quel-
quefois une image légèrement visible par réflexion : dans ce cas,
cette image, négative par transparence, apparaît en positif quand
on l'examine par réflexion, devant un fond noir, mais ce positif est
très faible. Cependant, certains révélateurs appliqués au gélati-
nobromure fournissent des images présentant le double aspect
des clichés au collodion. Ce sont la paraphénylènediamine et
l'orthoamidophénol employés en présence du sulfite de soude
seul. Le premier de ces révélateurs a pour formule :
Eau 1 .000 ce.
Paraphénylènediamine 10 gr.
Sulfite de soude anhydre 60 —
âoe TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Le second est composé suivant les mêmes proportions, c'est-à-
dire à raison de 10 gr. d'orthoamidophénol et 60 grammes de sul-
fite anhydre pour 1 litre d'eau.
Ces révélateurs ne s'appliquent qu'à des clichés notablement
surexposés et agissent lentement. L'image, développée en 20 ou 30
minutes, est brunâtre par transparence et grise par réflexion.
On obtient des positifs plus brillants sur plaques au gélatino-
bromure en transformant l'argent de négatifs vigoureux en un
composé blanc opaque. Ainsi, dans le procédé connu sous le nom
A'albâtrotypie^ le négatif, développé au moyen d'un révélateur
quelconque, fixé et lavé, est plongé dans :
Eau 300 ce.
Bichlorure de mercure' 10 gr.
Acide chlorhydrique 15 —
Chlorure de sodium 5 —
Sulfate de fer 5 —
Quand les noirs sont entièrement devenus blancs, on lave et on
fait sécher. On "enduit ensuite la couche de gélatine d'un vernis
noir.
Ces positifs sont d'un très bel effet, bien détaillés dans les demi-
teintes, mais un peu ternes, car les blancs, une fois secs, ne sont
plus que gris clair.
On obtient des blancs plus francs en transformant les opacités
de l'image en ferrocyanure de plomb. Il faut pour cela un négatif
très intense, très poussé au développement, présentant de vigou-
reux contrastes, et même trop dur pour les tirages habituels. Ce
négatif est blanchi dans :
Eau 100 ce.
Ferricyanure de potassium 6 gr.
Azotate de plomb 4 —
Acide acétique 5 ou 6 gouttes.
Quand la plaque se montre entièrement blanche, ou plutôt jau-
nâtre, des deux côtés, on la lave soigneusement. Presque toujours,
l'image positive par réflexion sort du bain précédent empâtée dans
une sorte de voile jaune. On la plonge alors dans une solution de
sulflte de soude à 10 p. 100, où elle devient parfaitement blanche.
Il arrive même souvent qu'elle est trop pâle. Pour bien juger de la
vigueur du positif, il faut l'examiner dans une cuvette noire, ou,
POSITIFS DIRECTS ET CONTRETYPES 307
si la cuvette est blanche, en garnir le fond d'un morceau de papier
noir ou de toile cirée. Si l'image paraît, dans ces conditions d'exa-
men, peu vigoureuse, avec des blancs empâtés, on ajoute à l'eau de
la cuvette une petite quantité d'hyposulfite de soude. Ce sel dissout
le ferrocyanure qui constitue les blancs opaques de l'image : il
rend plus transparent le négatif observé par lumière transmise,
et plus sombre le positif examiné sur un fond noir. 11 faut donc
en surveiller attentivement l'effet, car, si on le laissait agir trop
longtemps, l'image finirait par disparaître complètement. On lave,
ensuite, on fait sécher, et on enduit d'un vernis noir.
Les positifs obtenus de la sorte sont très beaux tant que la géla-
tine est mouillée ; l'éclat des blancs est extrêmement remarquable,
elles moindres demi-teintes sont rendues avec une rare finesse.
Au séchage, l'image est un peu plus terne, et on ne peut lui rendre
son éclat primitif qu'en la mouillant de nouveau.
Il va sans dire que cette image, positive par réflexion sur un
fond noir ou de couleur foncée, se montre négative quand on l'exa-
mine par transparence. Nous allons maintenant rencontrer des
méthodes qui permettent d'obtenir directement des images posi-
tives par transparence. On a ainsi des diapositifs directs, ou, plus
exactement, des contretypes, cesi-k-dire des images de même sens
que le modèle qui a servi à les impressionner. Un cliché négatif
donnera donc une image négative, et un original positif donnera
un diapositif.
Contretypes au gélatinobromure bichromate. — Une plaque
au gélatinobromure d'argent quelconque (même voilée) est plon-
gée pendant 2 ou 3 minutes dans une solution de bichromate de
potasse à 3 p. 100 et mise ensuite à sécher, à l'abri de la lumière
et de la poussière. Une fois sèche, on la met dans un châssis-presse,
en contact avec le négatif ou le diapositif dont on désire obtenir
un contretype, gélatine contre gélatine, et on expose à la lumière
jusqu'à ce qu'une faible image soit visible au dos.
On lave la plaque pendant 10 à 15 minutes, afin d'en éliminer
le bichromate, on la plonge dans un révélateur et on porte la
cuvette en pleine lumière. La gélatine bichromatée devient imper-
méable à l'eau, sous l'action de la lumière 11 en résulte que les
parties de la plaque qui ont été protégées de l'action lumineuse
398 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
par les opacités du cliché seront noircies par le révélateur, puisque
le développement est effectué en pleine lumière, tandis que les
parties qui ont été impressionnées sous les transparences du
cliché resteront blanches, puisqu'elles n'absorbent point le révé-
lateur. Les demi-teintes n'étant que partiellement imperméabili-
jsées absorbent lentement le révélateur et ne sont que faiblement
noircies.
Le développement dure assez longtemps. La couche se couvre
fi^é<|ue'mment de marbrures, mais, comme elles restent superfi-
cielles, il ne faut pas s'en préoccuper. Quand l'image a acquis
l'intensité voulue, on lave et on procède au fixage à l'hyposulfite,
qui est aussi très lent.
L'image obtenue de cette manière a la même apparence que le
cîiché dont elle provient : elle est donc négative si le cliché est un
négatif, et positive si c'est un positif. Mais elle n'est pas identique à
là première : elle lui est symétrique, c'est-à-dire que l'image y est
vue comme dans un miroir. Le portrait d'un militaire, par exem-
ple, montrerait le modèle avec l'épée du côté droit. Cette particu-
larité est précisément utilisée dans certains procédés qui nécessi-
tent le retournement du cliché, comme le procédé au charbon par
simple transfert et les tirages photomécaniques.
La méthode qui vient d'être décrite permet d'utiliser des pla-
ques au gélatinobromure accidentellement mises hors d'usage par
l'action de la lumière. Elle est trop lente pour être appliquée aux
reproductions réduites ou amplifiées, et ne convient qu'aux repro-
ductions à taille égale, exécutées par contact dans le châssis-presse.
Les procédés suivants s'appliquent également aux reproductions
par contact ou dans la chambre noire
Contretypes par surexposition. — Lorsqu'une plaque au géla-
tinobromure est très fortement surexposée, l'image que fait appa-
raître le révélateur est parfois positive et non plus négative. Tou-
tefois, il est impossible d'obtenir par cette méthode des résultats
constants, du moins avec les émulsions usuelles.
Il n'en est pas de même si l'on emploie une plaque Intensive,
dont l'émulsion contient diverses substances additionnelles, telles
que l'ésérine, la morphine, etc. M. Mercier a indiqué le moyen d'ob-
tenir à coup sûr des contretypes en employant en pleine lumière
POSITIFS DIRECTS ET CONTRETYPES 309
une plaque de ce genre. Bien que Témulsion de V Intensive soit très
sensible, la mise en châssis, le développement et le fixage s'effec-
tuent au grand jour. Il est même nécessaire que la plaque soit voilée
des deux côtés, car c'est ce voile qui produira les noirs du contre-
type, tandis que les blancs seront déterminés par la partie de ce
voile qui sera détruite par la surexposition des parties exposées
sous les transparences du cliché.
L'exposition sous un cliché de densité moyenne pourra varier
de 1 à 5 minutes, à l'ombre. Si on remplace la lumière du jour par
celle du magnésium, on brûlera environ 1 mètre à 1 m. 50 de
ruban de magnésium à 20 centimètres du châssis.
Le développement s'efTectue à l'aide d'un révélateur ralenti par
addition de bromure de potassium. On a ainsi un contretype sans
voile dans les blancs. L'image monte d'autant moins vite que l'ex-
position au jour a été plus longue, et on l'aperçoit alors d'autant
moins par réflexion. Il faut donc l'examiner par transparence, en
plaçant la plaque devant une lampe. Quand on la juge assez déve-
loppée, on lave et on fixe comme d'habitude.
On obtient aussi des contretypes sur des plaques ordinaires nor-
malement exposées, en laissant pénétrer la lumière dans le labora-
toire pendant le développement. Mais ce procédé est d'une appli-
cation délicate et réussit rarement au gré de l'opérateur. Il arrive
trop souvent que l'inversion n'est que partielle et que l'image est
en partie négative et en partie positive.
Contretypes par inversion. — Ce procédé, quoique un peu plus
compliqué en apparence que les précédents, leur est cependant
préférable, parce qu'il conduit à des résultats certains, sans pré-
senter d'ailleurs aucune difficulté d'application. Une plaque au
gélatinobromure, impressionnée comme à l'ordinaire, soit dans la
chambre noire, soit dans un châssis-presse, est d'abord dévelop-
pée dans un révélateur quelconque. Quand le négatif ainsi révélé
a acquis l'intensité voulue, on lave la plaque, puis, au lieu de la
fixer dans l'hyposulfile, on la plonge dans un bain susceptible de
dissoudre l'argent constituant l'image, sans attaquer le bromure
d'argent. On emploie généralement, à cet effet, soit l'acide per-
manganique, soit l'acide chromique. Ce dernier se conserve mieux.
On le prépare facilement, en prenant :*
310 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Eau 100 ce.
Bichromate de potasse 0 gr. 5
Acide sulfurique à 66» 10 gouttes.
Cette quantité suffît pour une plaque 13xlS; Le bain ne doit
servir qu'une seule fois. L'argent s'y dissout rapidement. Quand
l'image a disparu, on lave la plaque, on la laisse pendant 2 ou
3 minutes dans une solution de suliîte de soude à 5 pour 100, puis
on lave de nouveau, en pleine lumière.
Si on examine alors la plaque par transparence, on reconnaît
que le négatif s'est transformé en positif, mais ce dernier est faible,
car ses opacités ne sont constituées que par le bromure d'argent
resté inattaqué dans le révélateur. Quant aux parties transpa-
rentes, ce sont celles qui étaient primitivement noires : les opacités
qui constituaient le négatif ayant été dissoutes il n'est plus resté
que la gélatine.
Pour donner à la nouvelle image, inverse de la première, toute
son intensité, il suffît de plonger la plaque dans un révélateur quel-
conque, qui noircira le bromure d'argent. Si Fémulsion est très
épaisse, il est nécessaire de surveiller ce second développement
et de l'arrêter aussitôt que le positif a acquis la vigueur voulue.
0.n lave alors et on fixe dans l'byposulfite. Cette dernière opé-
ration est inutile quand l'émulsion est très mince. Il suffit, dans
ce cas, de laisser agir le révélateur jusqu'à ce que tout le bro-
mure soit noirci. Nous verrons qu'il en est ainsi pour les plaques
employées dans la photographie des couleurs (autochromes, omni-
nolores, etc.).
Quand l'épaisseur de l'émulsion n'est pas uniforme sur toute
l'étendue de la plaque, la méthode qui vient d'être décrite fournit
des images inégales, plus foncées en certains points de la plaque,
plus transparentes ailleurs. On y remédie en limitant de la façon
suivante l'impression lumineuse qui va produire l'image positive.
Le premier développement est effectué comme d'habitude. On lave
ensuite la plaque, et, si l'envers n'est pa^s enduit d'un anti-halo, on
la pose sur une étoffe noire ou sur un carton noir. Tenant le tout
verticalement, on fait brûler,, à 50 centimètres de distance environ,
de 5 à 10 centimètres de ruban de magnésium. Pendant cette expo-
sition, la première image'a fait écran, et le bromure d'argent se
POSITIFS DIRECTS ET CONTRETYPES 311
trouve impressionné, sur chaque point de sa surface, proportion-
nellement aux transparences du négatif, quelle que soit l'épais-
seur de la couche. On continue alors les opérations à l'abri de la
lumière actinique. C'est donc à la lueur de la lanterne du labora-
toire que la plaque est passée dans le bain de bichromate acide,
dans le sulfite de soude, dans le second révélateur et dans le
fixateur.
Phototégie. — En 1897, Liesegang signalait une singulière pro-
priété du persulfate d'ammoniaque. Si l'on immerge un phototype
dans une solution concentrée dé ce sel et qu'on l'y laisse jusqu'à
blanchiment complet, on remarque que la gélatine qui contenait
primitivement l'argent réduit parle révélateur est devenue d'une
fragilité extrême. En effet, si, après avoir sommairement rincé la
plaque, on la plonge dans l'eau tiède, ou même si on l'échauffé
légèrement par le frottement de la main, on enlève facilement des
épaisseurs de gélatine proportionnées aux opacités de l'image pri-
mitive. On a ainsi une image en relief, et, si l'on plonge la plaque
dans un bain colorant, la gélatine absorbant ce dernier proportion-
nellement à son épaisseur, on aura une image en couleur. Cette
dernière image sera positive, si l'image primitive était négative.
L'image teinte sera donc de même genre que le modèle : si c'est
une plaque impressionnée dans la chambre noire, on aura ainsi
un diapositif direct; si c'est une plaque tirée par contact au
châssis-presse sous une autre plaque, on en aura un contretype
symétrique.
D'autres oxydants agissent à peu près comme le persulfate. Tels
sont le sulfate et quelques autres sels titaniques, d'après MM. Lu-
mière et Seyewetz. En 1899, M. Andresen obtenait des reliefs très
épais en employant l'eau oxygénée. Cette substance agit d'une façon
très différente, suivant sa composition. Si elle est suffisamment con-
centrée et acide, le dépouillement des opacités s'accomplit en
quelques instants, même à froid, et même si la gélatine est durcie
dans l'alun. Toutefois, l'action varie suivant les émulsions.
L'auteur de cet ouvrage a étudié cette propriété de l'eau oxy-
génée et l'a appliquée à un procédé de teinture directe, qui a reçu
le nom de phototégie (de cptoToç, lumière, et téyyeiv, teindre).
Au lieu d'employer au dépouillement l'eau oxygénée du com-
312 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
merce, dont la composition est trop variable, il vaut mieux pré-
parer la solution suivante :
Eau 100 ce.
Acide chlorhydrique 10 ce.
Bioxyde de baryum pulvérisé 4 gr.
Il faut éviter réchauffement de la solution, pendant qu'on la pré-
pare. A cet effet, il est bon de placer dans l'eau froide le flacon qui
doit la contenir. On y versera l'eau d'abord, puis l'acide, et enfin
le bioxyde, par petites quantités et en agitant de temps à autre.
Ce bain peut servir plusieurs fois, mais ne se conserve que quel-
ques jours. En été surtout, il perd vite ses propriétés dissolvan-
tes. Comme il est oxydant et acide, il ne faudra le verser que dans
des cuvettes en verre ou en porcelaine.
Les clichés destinés au dépouillement doivent être développés
dans un révélateur ne tannant pas la gélatine, ce qui exclut l'em-
ploi du pyrogallol et celui des bains contenant du formol. L*oxa-
late ferreux est celui qui donne le meilleur résultat. Après le déve-
loppement, il n'est pas nécessaire de fixer dans l'hyposulfîte. La
plaque, sommairement lavée, est mise à sécher ou plongée de
suite dans la solution oxygénée.
Certaines émulsions ont une tendance à se soulever dans le bain
acide et à se détacher du verre en se dilatant notablement. On évi-
tera cet inconvénient en passant tout autour de la couche, avant
de la mouiller, un corps gras, ne fût-ce qu'un morceau de Chan-
delle que l'on appuiera sur la tranche de la plaque.
Il faut agiter la cuvette contenant l'eau oxygénée, afin que le
liquide imprègne uniformément la gélatine Bientôt cette dernière
se plisse, aux endroits correspondant aux noirs du négatif, et se
soulève. On balance la cuvette et, dés qu'on voit quelques par-
celles de gélatine abandonner leur support, il faut se hâter de
reverser l'eau oxygénée dans le flacon qui lui est réservé et la rem-
placer par de l'eau pure. Sans cette précaution, la couche tout
entière risquerait, si elle était formée de gélatine très tendre,
d'être complètement arrachée du verre.
Une fois la plaque dans l'eau, on achève le dépouillement en agi-
tant la cuvette. Si quelques lambeaux de gélatine restent encore
adhérents, le meilleur moyen de les arracher sans abîmer l'image
POSITIFS DIRECTS ET CONTRETYPES 313
«st de les frôler très légèrement du bout du doigt, en évitant, bien
entendu, de les rayer avec l'ongle. Éviter l'emploi des pinceaux,
car même les plus souples occasionnent des stries.
Le dépouillement du négatif achevé, on se trouve en présence
d'un diapositif constitué par des épaisseurs de gélatine. Si l'on n'a
pa;s fixé le négatif, le bromure d'argent resté dans la couche four-
nira un diapositif noir très vigoureux par immersion dans un révé-
lateur quelconque. Mais, dans la plupart des cas, il sera préfé-
rable d'obtenir un diapositif coloré, en immergeant la plaque dans
une couleur en solution aqueuse. L'image étant constituée par des
épaisseurs variables de gélatine, le liquide colorant sera absorbé
proportionnellement à ces épaisseurs. On aura ainsi une image de
n'importe quel ton, et il sera très facile d'exécuter des diapositifs
dans des nuances auxquelles il ne serait pas possible d'arriver par
les procédés habituels de virage. Toutes les matières colorantes
solubles dans l'eau — et il y en a des centaines — sont applicables
à ce procédé, soit isolément, soit mélangées. C'est dire que la
gamme des tons réalisables est illimitée.
OUVRAGES A CONSULTER
E. GousTET, les Positifs directs et les Contretypes, Paris (Gh. Mendel), 1912.
F. Drouin, la Ferrotypie, 3^ édilion, Paris (Gh. Mendel).
H. Gauthibr-Villars, Manuel de ferrotypie, Paris (Gautliier-Villars), 1891.
L. Tranchant, les Clichés pelliculaires, contre-types et clichés retournés, Paris
(Gh. Mendel), 1911.
18
314 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE XVI
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES
Historique. — Les premiers essais de gravure par la lumière
sont antérieurs à la découverte de Daguerre. C'est de 1813 que
datent les tentatives de Nicéphore Niepce pour graver des planches
métalliques enduites de bitume et exposées au soleil sous le dessin
à copier. La couche sensible, primitivement soluble dans l'huile
de naphte, était insolubilisée par la lumière et formait une réserve
inattaquable aux acides. Plusieurs gravures sur étain furent exé-
cutées à l'aide de cette méthode.
La rapidité du daguerréotype lit abandonner ces essais, mais on
ne renonça pas à multiplier les images fournies par la lumière en
les tranformant en planches d'impression. Il semble, d'ailleurs,
que ce soit là le but auquel doivent tendre les procédés photogra-
phiques, car il n'est pas logique de faire intervenir la lumière pour
l'exécution de chaque épreuve, et il serait plus rationnel de trans-
former directement le phototype en cliché d'imprimerie.
Le docteur Donné fut le premier qui réussit à transformer la
plaque daguerrienne en planche propre à la gravure, mais seule-
ment pour des reproductions de dessins au trait. La plaque était
soumise à la morsure dans une solution étendue d'acide chlorhy-
drique, qui attaquait le métal sur les points amalgamés et laissait
intacte la couche d'argent. Le relief ainsi obtenu était très faible,
et la dureté insuffisante de l'argent limitait le tirage à 40 ou 50
épreuves. Fizeau* perfectionna ce procédé, en frottant la planche
gravée d'huile grasse qui s'incrustait dans les cavités et ne s'atta-
chait pas aux saillies. On dorait alors celles-ci à l'aide de la galva-
noplastie, puis, nettoyant la plaque, on l'attaquait par l'eau-forte,
qui pénétrait dans les creux et restait sans action sur les saillies
préservées par la dorure. On recouvrait enfm la planche, par la
LBS IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 315
galvanoplastie, d'une couche de cuivre dont la dureté permettait
un tirage assez prolongé. C'était bien long et bien compliqué, pour
n'obtenir, en somme, que des reproductions en blanc et noir. Cette
méthode, comme la précédente, convenait à des dessins au trait,
non à des images à teintes continues, comme les tableaux ou les
photographies.
Le 27 août 1855, Alphonse Poitevin faisait breveter ses procédés
basés sur les propriétés de la gélatine bichromatée, dont l'emploi
avait déjà été indiqué, en 1853, par Fox Talbot. Antérieurement,
d'ailleurs, Mungo Ponton avait reconnu que l'acide chromique du
bichromate de potasse est facilement réduit par la lumière en pré-
sence des matières organiques, et principalement de la gélatine,
Paul Pretsch avait également pris, le V juin 1855, un brevet rela-
tif à l'emploi de la gélatine bichromatée. Le mérite de Poitevin
fut de prévoir les applications multiples des modifications que la
lumière fait subir aux matières gommeuses, gélatineuses, albumi-
neuses et mucilagineuses, en présence des bichromates alcalins.
Ces substances sont rendues insolubles dans Teau et la repoussent
à la façon des corps gras. De là, plusieurs combinaisons qui ont
donné naissance à une foule de procédés de tirage. Si on lave, par
exemple, dans l'eau chaude une couche de gélatine bichromatée
préalablement exposée au jour sous un négatif, on aura une image
formée de reliefs et de creux. On peut donc prendre une empreinte
de cette surface, soit par la galvanoplastie, soit par un moulage
au plâtre suivi d'un contre-moulage à l'aide d'un alliage métalli-
que. On peut aussi, quand la couche sensible a été coulée sur une
plaque métallique, attaquer celle-ci par un acide qui creusera uni-
quement les parties mises à nu par le dépouillement. On peut, enfin,
mouiller simplement à l'eau froide la gélatine impressionnée L'eau
sera repoussée par la couche exposée à la lumière, tandis que la
gélatine protégée par les opacités du négatif aura conservé sa per-
méabilité. Si l'on passe alors, sur cette surface plus ou moins
humectée, un rouleau garni d'encre typographique, le corps gras
sera repoussé sur les points correspondant aux blancs de l'image,
tandis qu'il adhérera aux points représentant les noirs du sujet.
Ces phénomènes, étudiés par Poitevin, ont été le point de départ
des perfectionnements qui ont rapidement conduit les procédés
316 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
photomécaniques au degré de perfection qu'ils ont atteint aujour-
d'hui. Les divers genres de gravure autrefois en usage, lithogra-
phie, eau-forte, planches sur acier ou sur bois, ont actuellement
leur équivalent dans les méthodes photographiques que nous allons
analyser : fhotolithographie , à laquelle se rattache la photocollo'
graphie ou pholotypie ; héliogravure en creux, ou gravure en taille-
douce; et phototypogravure, ou gravure en relief, que l'on désigne
habituellement sous le nom de photogravure pour les reproduc-
tions de dessins au trait, et sous celui de similigravure pour les
images à modelé continu.
Phototypes. — Les phototypes à l'aide desquels sont préparées
les planches d'impression photomécanique sont généralement
exécutés par le procédé au coUodion. Jusqu'à ces derniers temps,
ce procédé donnait seul des négatifs assez fins et assez brillants
pour obtenir des reproductions irréprochables. Les plaques ordi-
naires au gélatinobromure offraient des surfaces irrégulières qui
empêchaient leur contact parfait avec la planche sensibilisée; en'
outre, le grain de leur émulsion était trop grossier et donnait lieu
à des effets de diffusion qui nuisaient à la netteté de la gravure.
Ces inconvénients ont pu être évités en coulant des émulsions peu
sensibles, mais très fines, sur des glaces bien dressées, et Ton
trouve actuellement dans le commerce des plaques spéciales qui
joignent à la commodité du gélatinobromure la perfection des ré-
sultats que le coUodion seul permettait auparavant d'obtenir. Telle
est, entre autres, la plaque Process de MM. Wratten et Wainwright.
La plupart des procédés photomécaniques exigent un négatif
retourné, ainsi qu'il est facile de s'en rendre compte. En effet, si la
planche qui va servir au tirage était impressionnée sous un photo-
type ordinaire, l'image ainsi produite serait vue dans son vrai sens
sur la couche sensible de la planche, comme sur une épreuve ordi-
naire. Par conséquent, l'image imprimée sur le papier à l'aide de
cette planche serait inversée, comme si le sujet était vu dans un
miroir.
Pour avoir une image redressée, il existe divers moyens. Dans
certains procédés d'amateurs, la planche peut être constituée par
une couche de gélatine coulée sur une feuille de celluloïd suscep-
tible d'être impressionnée parle verso; on peut, de même, exécuter
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 317
le cliché sur celluloïd et l'appliquer par l'envers sur la planche.
Mais, dans ces deux cas, l'interposition d'une couche de celluloïd
donne à l'image un certain flou, et ces combinaisons ne convien-
nent pas aux reproductions industrielles, pour lesquelles on s'en
tient à l'une des solutions ci-après :
1° Pelliculer le cliché, par un des moyens indiqués au chapi-
tre VIII, et reporter la couche, inversée, sur une autre glace;
Objectif monté sur miroir inverseur.
2** Exécuter un contretype par contact (V. p. 309);
3° Exposer la plaque par le verso, en la mettant dans le châssis
verre en avant et gélatine en arrière. Cette disposition nécessite
l'emploi de glaces sans défaut, ainsi qu'une légère correction de la
mise au point, puisque la couche sensible se trouve reculée d'une
quantité égale à l'épaisseur du verre;
4** Placer, en avant ou en arrière de l'objectif, un miroir opti-
quement dressé (fig. 102) ou, ce qui est préférable, un prisme à
318
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
réflexion totale dont la face hypoténuse est argentée (fig. 103). Ce
dispositif est le plus généralement adopté dans les ateliers de pho-
togravure, où l'on exécute les planches d'impression soit d'après
des dessins, soit d'après des épreuves photographiques sur papier.
La nécessité d'un parallélisme absolu entre le modèle et la pla-
que sensible oblige à
disposer le porte-modèle
et la chambre noire soit
sur un pont rigide soit
sur une voie ferrée. Pour
les formats usuels, le
pont, ou pied-table (fig.
lOi), est ordinairement
préféré. Quand le sol de
l'atelier n'est pas rigou- <
reusement à l'abri des
trépidations provenant
soit du fonctionnement
des outils de l'usine soit
de la circulation des vé-
hicules sur la voie pu-
blique, il est indispen-
sable d'y remédier, en
installant le pont sur des
ressorts amortisseurs
tîg. 105) ou même en le
suspendant à des corda-
ges attachés aux poutres
du plafond (fig. 106). On
Fig. 103. - Prisme à létlexiou totale, place en avant remarquera sur les deux
de 1 objectif. ^ ... ,,
gravures ci-jomtes 1 o-
rientation de la chambre par rapport au porte-modèle : l'interpo-
sition du prisme dévie de 90° l'axe optique principal. La chambre
noire se déplace, pour la mise en grandeur de la reproduction, stir
une petite voie ferrée, avec entraînement par pignon sur crémail-
lère en fonte et frein d'arrêt.
Photocollographie. — Déjà très répandue autrefois dans l'illus-
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 31»
Iration hors texte, la photocollographie, également désignée sous
le nom de phototypie, doit actuellement un regain de faveur à la
vogue des cartes' postales. C'est la seule méthode susceptible de
produire à très bas prix des images rappelant, par la finesse des
détails et la délicatesse du modelé, l'aspect des images photogra-
phiques. L'amateur qui se borne à tirer un petit nombre d'épreuves
peut parfaitement préparer, sans outillage spécial, une planche
Fig. 104. — "Pied-table à reproductions.
photolypique. Il suffit de sensibiliser dans une solution de bichro-
mate une plaque au gélatinobromure (même voilée) ou une pelli-
cule, de la laisser sécher dans l'obscurité et de l'impressionner
sous un négatif, jusqu'à ce que les détails se montrent en brun sur
le fond jaune de la couche bichromatée. Après un lavage destiné
à éliminer le bichromate, la couche mouillée avec un mélange
d'eau et de glycérine est prête au tirage. On passe sur cette sur-
face moite un rouleau souple garni d'encre grasse, on y applique
une feuille de papier, et Ton soumet le tout à la pression. Une
presse très rudimentaire est souvent utilisée : certains opérateurs
se contentent d'une presse à copier, ou même d'un châssis-presse.
320
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Mais, pour des tirages d'une certaine importance, ces moyens
primitifs ne suffisent plus. Aussi, dans Tindustrie, les tirages pho-
totypiques, quoique peu compliqués, nécessitent quelques mani-
pulations complémentaires et un outillage perfectionné. Chaque
usine, d'ailleurs, chaque atelier pratique certaines variantes, cer-
tains tours de main dont quelques-uns sont tenus secrets. En réa-
lité, ces détails n'ont pas grande importance, et le procédé, tel
que nous allons le décrire, conduit à d'excellentes impressions.
Fig. 105. — Pont à reproduction, monté sur ressorts amortisseurs.
Le support de la couche sensible phototypique était constitué,
dans le procédé de Poitevin, par une pierre lithographique. Tessié
du Motay y substituait, en 1867, des plaques de cuivre plané et
poli. Depuis 1868, on emploie des dalles en verre, indiquées par
E. Albert, de Munich.
Ces glaces sont épaisses de 8 à 20 millimètres, suivant leur
format. La surface en est parfaitement dressée et finement dou-
cie. Avant d'y couler la couche sensible, on recouvre la plaque,
LES IMPRESSIONS PHOTOMECANIQUES 32!
soigneusement nettoyée, d'une sous-couche ou substratum, géné-
ralement composé de :
Bière légère 90 ce.
Soluliqn de silicate de soude à 36o Baume 10 —
En séchant, cet enduit subit une sorte de granulation superfi-
cielle qui, s'ajoulant aux propriétés adhésives du silicate, assurera
à la couche sensible une adhérence parfaite.
Pour la préparation de la mixtion sensible, un grand nombre de
Fig. 106. — Pont à suspension par cordages.
formules ont été proposées, mais elles diffèrent peu les unes des
autres, et il suffira d'en citer une :
Eau 200 ce.
Gélatine Nelson dure 6 gr.
Gélatine Drescher tendre 10 —
Bichromate de potasse 3 —
La gélatine, d'abord gonflée dans l'eau froiJe, est ensuite fondue
au bain-marie, puis on y ajoute le bichromate.
Les dalles, posées de niveau sur un support à vis calantes, sont
couvertes de cette mixtion chaude et iî^échces à l'étuve, afin d'éviter
la cristallisation^superficielle du bichromate qu'occasionnerait une
dessiccation trop lente. Les glaces sensibilisées doivent être utili-
sées au plus tôt : elles ne se conservent guère que deux ou trois
jours.
322
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Fig, 107. — Ghâssis-prebse pour
photocollographie.
L'impression au châssis-presse (fîg. 107) est facile à contrôler,
l'image étant légèrement visible à travers la glace, en brun-cho-
colat sur fond jaune-d'or. Néanmoins, le contrôle est souvent effec-
tué au photomètre.
L'insolation achevée, on
procède à une seconde expo-
sition, à la lumière diffuse, à
travers l'épaisseur du verre,
en posant la dalle sur un drap
noir, la couche sensible en
dessous; on l'expose ainsi de
2 à 5 minutes, suivant l'éclat
de la lumière : la couleur
brune que prend le bichro-
mate indique le moment où il
faut s'arrêter. Cette impres-
sion supplémentaire, imagi-
née par Despaquis, n'est pas
indispensable, mais elle ne peut qu'augmenter la solidité de la
couche et la finesse des détails; elle accroît l'adhérence de la
gélatine à son support et l'empêche de se gonfler outre mesure au
mouillage.
La plaque est ensuite lavée dans l'eau plusieurs fois renouvelée,
jusqu'à complète élimination du bichromate. On durcit alors la
couche en l'immergeant, pendant 5 à 40 minutes, dans une solu-
tion d'alun à 2 pour 100. Après un dernier lavage, on peut laisser
sécher ou passer directement au bain de mouillage qui doit pré-
céder l'encrage.
Ce bain est un mélange d'eau et de glycérine, dont les propor-
tions varient suivant les auteurs. La moyenne généralement ad-
mise est :
Eau 400 ce.
Glycérine pure 600 —
Le mouillage dure plusieurs heures. On éponge ensuite la sur-
face, et l'on cale la dalle sur la presse.
L'encrage, dans l'industrie, s'opère mécaniquement et permet de
tirer avec chaque planche plus de 1.500 épreuves par jour. Dans
LES IMPRESSIONS PHOTOMECANIQUES 323
les procédés d'amateur, l'encrage s'exécute au moyen d'un rou-
leau à main (fig. 108). L'encre phototypique est une pâte épaisse,
à peu prés de la consistance du cirage. On en prend avec une spa-
tule une petite quantité, que l'on étend sur une plaque de verre ou
de métal. On passe alors sur cette encre le rouleau, constitué par
une pâte souple à base de gélatine, et on le
pousse devant soi; on l'enlève ensuite,
pour le poser de nouveau au même point
de départ et recommencer le même mou-
vement. On continue ainsi jusqu'à ce que
le plateau soit uniformément recouvert
d'encre. Le rouleau étant alors bien encré,
on le passe sur la planche phototypique et Fig-. 108. — Rouieauàmain.
on lui imprime un mouvement de va-et-
vient, en ayant soin de recouvrir chaque fois toute la surface im-
pressionnée. En passant le rouleau lentement, la planche se charge
d'encre; en le passant ensuite rapidement, on dégage les blancs et
les demi-teintes. Un opérateur habile sai-t tirer le meilleur parti du
sujet, en maniant adroitement le rouleau; il arrive aussi à varier
les efTets, en se ser-
vant d'encres plus ou
moins dures.
La planche une fois
encrée, s'il faut mé-
nager des marges, on
y place une frisquette,
c'est-à-dire une
feuille de papier dé-
coupée formant cache
ou encadrement; on
met par- dessus la
feuille de papier destinée à recevoir l'image, et l'on fait agir la presse.
Cette première épreuve obtenue, on vérifie si les blancs restent
purs et si les noirs et les demi-teintes sont fidèlement rendus. Cet
examen est-il satisfaisant, il n'y a qu'à continuer le tirage, en
renouvelant l'encrage à chaque épreuve. Sinon, il faut rechercher
d'où vient le défaut.
Cl. Alauzet.
Fig. 109. — Presse photocollographique.
324 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Un mauvais cliché ne donnera jamais de bonnes épreuves; de
même, si la couche bichromatée a reçu une impression trop courte
ou trop prolongée, il serait très difficile d'en tirer un bon parti, et
le mieux est d'en préparer une autre. Mais il arrive souvent que la
planche, étant excellente, prend trop d'encre ou n'en retient pas
assez. Dans le premier cas, elle manque simplement d'humidité :
on la lave alors à l'essence de térébenthine et on la mouille de nou-
veau dans l'eau additionnée de glycérine. Dans le second cas, elle
a absorbé trop d'eau ; on y remédie en la laissant un peu sécher,
après l'avoir nettoyée à l'essence.
Quand l'encrage est bien réglé, on peut tirer plus de 30 épreuves
sans mouiller de nouveau. Dès que les images commencent à deve-
nir un peu grises, on nettoie la planche, en pressant une ou deux
feuilles sans encrer, puis on y verse du mouillage à la glycérine,
qu'on laisse séjourner à sa surface pendant quelques minutes, après
quoi on éponge et on recommence l'encrage.
Le tirage achevé, on nettoie la planche, qui pourra servir à de
nouvelles impressions. On la frotte doucement avec un petit tam-
pon de linge fin imbibé d'essence de térébenthine, jusqu'à ce qu'il
n'y reste plus aucune trace d'encre, puis on enlève l'essence avec
un linge sec. On plonge enfin la plaque dans l'eau, où on la laisse
séjourner une heure ou deux, et on la fait sécher. On la conservera
à l'abri de l'humidité et, lorsqu'on voudra l'utiliser de nouveau,
on n'aura qu'à la soumettre au mouillage glycérine, pour qu'elle
soit prête à l'encrage.
Photolithographie. — Ce procédé, ordinairem.ent limité à la
reproduction de dessins au trait, est fondé sur le même principe
que la photocollographie. Un papier recouvert de gélatine bichro-
matée est exposé à la lumière sous un négatif ordinaire (non re-
tourné). Après lavage, on passe sur la couche impressionnée un
rouleau garni d'une encre dite 'pfiotolransfert, spécialement pré-
parée pour les reports lithographiques. Cette encre est vendue
toute prête, mais on f)eut facilement la préparer soi-même, suivant
la formule de M. Londe :
Cire 1 gr.
Suif 1 _
Savon noir 1 —
LES IMPRESSIONS PHOTOMECANIQUES 325
Vernis moyen 12 gr.
Térébenthine de Venise , 6
Noir de famée : quantité suffisante pour obtenir un beau noir.
L'encre grasse adhère aux parties rendues imperméables par la
réduction du bichromate, tandis qu'elle est repoussée sur les points
imbibés d'eau qui correspondent aux blancs de l'image.
Cette impression préliminaire est ensuite reportée sur une pierre
lithographique ou sur une plaque de zinc ou d'aluminium, qui cons-
tituent la planche définitive. L'épreuve encore humide et souple
est posée sur la pierre ou sur le métal; on la recouvre de deux ou
trois feuilles de papier, et Ton met le tout sous presse. Au bout
de quelques instants, on supprime la pression, on mouille à l'é-
ponge l'envers de l'épreuve, et, quand le papier est bien imprégné
d'eau, on peut la détacher : l'encre doit être passée tout entière
sur la pierre ou sur le métal.
On recouvre alors la pierre ou le métal d'une solution de gomme
arabique, qui s'attache à la surface, excepté sur les parties qui
portent le décalque à l'encre grasse. Si l'on passe ensuite un rou-
leau chargé d'encre lithographique, celle-ci n'adhère qu'aux par-
ties qui ne sont pas mouillées. . —
Le report n'est pas indispensable. On peut sensibiliser directe-
ment une pierre lithographique , en la recouvrant d'albumine
bichromatée. Dans ce cas ,
l'impression exige un néga- f^r:rz^^^^^^^^^2I^ "^^"^^ -
tif retourné, comme en pho- ^^^^^J^^^^^^^^^B
totypie. Comme le support ^^^^^T^^â^^^^^B
de la couche sensible est ri faimrk^W ' ' tfs^-^^^gsfc^^s^
rigide et Opaque, le contrôle j^,. ... ^^ ; ; T^~:
, . . ,, T . 1, ^^S' 11'-'* — Rouleau et mandrm a encrer.
du tirage exige 1 emploi d un
photomètre. La couche impressionnée est légèrement mouillée
avec une éponge douce, et l'on y passe un rouleau garni d'encre
lithographique. Le corps gras, repoussé pap l'humidité, n'adhère
que sur les parties rendues imperméables par l'action de la
lumière, tandis que les blancs du dessin restent intacts partout oii
la lumière n'a pas modifié la solubilité de l'albumine, qui joue ici le
même rôle que la gomme arabique employée dans la lithographie
ordinaire.
19
326
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Actuellement, les pierres lithographiques sont presque toujours
remplacées par des plaques de zinc ou d'aluminium, plus légères,
moins encombrantes, meilleur marché et susceptibles d'être uti-
fcD
O
fcc
lisées sur les machines rotatives. La plaque efet recouverte d'albu-
mine bichromatée ou de bitume de Judée. Après impression,
encrage et dépouillement, le métal est mouillé à la gomme, et le
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 321
tirage s'effectue suivant les procédés habituels de la lithogra-
phie.
La solution gommée dont on recouvre la planche pour qu'elle
repousse l'encre grasse n'est pas la même pour les deux métaux.
Voici les deux formules ordinairement adoptées :
Pour le zinc :
Eau 1.000 ce.
Gomme arabique 50 gr.
Acide gallique 20 —
Acide phosphorique sirupeux 3 ce.
Pour l'aluminium :
Solution de gomme à 10° Baume 1.000 ce.
Acide phosphorique sirupeux . 15 à 30 —
Nous avons dit que la photolithographie était ordinairement limi-
tée à la reproduction des dessins au trait. Elle ne donne, en effet»
que deux tons : le blanc du papier et la couleur de l'encre. Néan-
moins, elle est susceptible de reproduire les sujets à modelés con-
tinus, à l'aide de certains artifices qui donnent l'illusion des demi-
teintes, par le rapprochement de lignes au de points entièrement
noirs. A cet effet, on n'a qu'à exécuter le tirage sur pierre, sur mé-
tal ou sur papier à report d'après un cliché tramé j préparé comme
nous l'expliquerons en analysant la similigravure. Certains atehers
arrivent à un résultat analogue à l'aide de clichés à modelés con-
tinus, en se servant de planches grainées recouvertes de bitume
que la lumière insolubilise plus ou moins profondément. 11 résulte
de la forme ondulée de la planche que la largeur des points mis
à découvert par le dépouillement varie suivant les gradations du
modelé. On mouille à l'eau gommée ces points de la surface mé-
tallique, on enlève le bitume et l'on passe l'encre lithographique,
qui est repoussée par les points humectés.
Héliogravure. — On désigne sous cette dénomination la gravure
en creux, analogue à la taille-douce^ à l'aide de planches obtenues
par la photographie. Quand il s'agit de reproduire de simples des-
sins au trait, ce procédé est d'une réalisation facile, et depuis long-
temps on savait obtenir des planches gravées par la lumière. Re-
couvrons, par exemple, une plaque de cuivre de bitume de Judée,
328
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
comme le faisait Niepce, et exposons-la sous un dispositif. Si nous
lavons ensuite dans Thuile de naphte la couche impressionnée, le
vernis au bitume sera enlevé sur les parties correspondant aux
noirs. La plaque étant plongée dans un bain de perchlorure de
fer, le cuivre mis à nu sera rongé, et chaque trait du modèle sera
représenté par une rainure. Le bitume resté sur la plaque est alors
complètement enlevé, on recouvre d'encre toute la surface métal-
lique, puis on ressuie avec un tampon de linge. La surface est
ainsi nettoyée, mais l'encre est restée dans les creux, si bieu qu'en
pressant fortement contre la planche une feuille de papier préala-
blement assouplie dans l'eau, l'impression s'effectuera comme dans
les procédés chalcographiques (gravure au burin, gravure à Teau-
forte, mezzotinte, aquatinte, etc.).
Mais cette méthode si simple ne convient pas k la reproduction
photographique des demi-teintes. Si Ton veut reproduire une
image à modelé continu, il est nécessaire de produire un gi^ain à la
surface de la planche. A cet effet, un grand nombre de moyens ont
été proposés. Celui que nous allons
décrire et dont on se sert presque
exclusivement aujourd'hui fournit
de magnifiques impressions. Il est
dû à Klic et remonte à 1879 :
depuis cette époque, il n'a subi que
quelques modifications de détail.
La plaque métallique destinée à
servir de planche d'impression est
quelquefois en zinc ou en acier,
mais on préfère ordinairement le
cuivre rouge bien martelé et par-
faitement plané. La surface en est
d'abord dégraissée dans la potasse,
puis passée au blanc d'Espagne et
soigneusement lavée. Après dessic-
cation, elle est prête à être grainée.
Cette opération est effectuée à l'aide d'une boîte à grain (fig. 112).
C'est une caisse cubique, d'environ un mètre de côté, montée sur
deux tourillons. Un tiroir s'ouvre sur l'un des côtés. On introduit
Fig. 112. — Boîte à grainer sur pivots.
LES IMPRESSIOAS PHOTOMÉCANIQUES 329
par cette ouverture une certaine quantité, un demi-kilo, par exem-
ple, de résine en poudre très fine, ordinairement constituée par un
mélange de copal et de colophane. Après avoir fermé l'orifice, on
imprime à la boîte un mouvement de rotation rapide, qui a pour
effet de la remplir d'un nuage de poudre
résineuse. La boite à grain représentée
fig. 113 est fixe, et la résine y est mise en
suspension par des palettes à balais, mues
de l'extérieur par une manivelle. Dès qu'on
arrête le mouvement, les grains de résine
commencent à tomber au fond de la boîte,
d'abord les plus gros, puis les grains
moyens, et enfin les plus fins. Au bout
d'une ou deux minutes de repos, il ne reste
plus en suspension que les grains d'une
extrême ténuité. On ouvre alors doucement
le tiroir, on place sur un support disposé
à cet effet la plaque à grainereton referme
le tiroir. -
Après un séjour de 20 à 25 minutes dans
la boîte, la plaque se trouve recouvert^
d'une poussière de résine uniformément
répandue sur toute sa surface. 11 est bon,
néanmoins, de l'examiner à la loupe, et.
si l'on y découvre la moindre irrégularité
(lacunes ou superpositions de grains), il ne
faut pas hésiter à recommencer la manœu-
vre précédente.
Quand le grain est reconnu parfait, on
le fixe en chauffant la plaque avec précau-
tion, de façon que la résine soit assez molle
pour adhérer au métal, mais sans aller
jusqu'à la fusion complète qui permettrait aux grains de se souder
et de former une couche continue. Aussi ne faut -il pas dépasser
80° ou 90^
La plaque grainée est alors recouverte de la solution suivante, à
la température de 40° environ :
Fig-. 113. — TBoîte à grai-
ner, modèle à palettes
intérieures.
330 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Eau 1.000 ce.
Gélatine 100 gr.
Bichromate de potasse 20 —
On fait sécher dans l'obscurité, à l'abri de la poussière, et Ton
expose à la lumière, sous un diapositif. Le contact entre la couche
du cliché et celle de la planche doit être parfait sur toute l'étendue
de la surface, afin que le tirage fournisse des images nettes. C'est
pourquoi on fait usage d'un châssis-presse spécial (fîg. 114) muni de
vis destinées à régler
la pression et à la ré-
partir uniformément
l^^^^^^^a sur toute la plaque.
1 ii^ii -"fe^^^^^^^^ Ces vis portent direc-
?<ïi??ïïT[!iiifc z-^^^^^^^mm^m^^^^rg^^^^Ê^ tement sur le dos de
la planche, sans inter-
!/î j^^>^ ^^^^^^^ position de volet ni de
feutre.
Fig. 114. — Châssis-presse pour héliogravure. ^^ rigidité de la pla-
que de cuivre et son
opacité empêchent de surveiller directement le tirage. La durée de
l'exposition est donc réglée par lès indications d'un photomètre.
Elle est, en moyenne, de 15 à 20 minutes, sous un cliché vigou-
reux et par une bonne lumière.
L'impression achevée, on borde la plaque avec des boudins de
cire à modeler, de manière à former une sorte de cuvette destinée
à contenir le liquide qui va servir à la morsure. On peut aussi
recouvrir le dos de la plaque d'un vernis imperméable et la pla-
cer dans une cuvette en porcelaine ou en ardoise contenant le
mordant.
Le mordant est une solution de perchlorure de fer à 45°, Baume.
Ce liquide ne pénètre que difficilement la gélatine bichromatée
rendue imperméable par l'action de la lumière. La plaque de cui-
vre demeure donc inattaquée aux endroits qui correspondent aux
blancs de l'image et par conséquent aux parties les plus transpa.-
rentes du cliché positif. Sur les parties préservées de l'action de la
lumière par les opacités du diapositif, la gélatine est restée per-
méable : le perchlorure traverse donc rapidement cette couche et
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES
331
attaque le cuivre, mais seulement dans les intervalles séparant les
grains de résine. Sous les grains de résine, la surface métallique
est protégée contre l'action du mordant. Il en résulte que les noirs
du sujet, ainsi que ses demi-teintes, seront représentés sur la plan-
che par une multitude de petites cavités étroitement juxtaposées.
Fig. 115. — Presse pour l'impression en taille-douce.
Ces cavités seront à peine marquées dans les faibles demi-teintes;
elles seront un peu plus profondes dans les demi-teintes plus
foncées et atteindront, enfin, leur maximum de profondeur dans
les grands noirs.
La morsure achevée, on nettoie la plaque à la potasse, à l'eau
chaude et à l'essence de térébenthine, de manière à enlever la gé-
latine et le grain résineux. En examinant la planche au jour, sous
332
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
une incidence convenable, on aperçoit très bien l'image : les blancs
du sujet sont représentés par la surface métallique parfaitement
unie et miroitante, tandis que les ombres sont marquées par un
aspect grenu, un pointillé microscopique.
Au lieu de couler la gélatine bichromatée sur la plaque de
cuivre, certains ateliers utilisent le papier au charbon. Après
l'impression, le papier mixtioané est mouillé, puis transféré sur
la plaque grainée. On procède au dépouillement dans l'eau tiède,
puis à la morsure. Le perchlorure pénètre la gélatine et atteint
le métal d'autant plus rapidement que la couche insolubilisée est
moins épaisse.
Le cuivre ne supporte pas un long tirage. Si la planche doit
fournir un grand nombre d'é-
preuves, il faut la recouvrir
d'une mince pellicule de fer dé-
posé par galvanoplastie. Cette
opération est désignée sous le
nom d'aciérage.
Le tirage s'effectue sur les
presses employées dans la gra-
vure en taille-douce (fig. 115 et
116). Il exige beaucoup de soins
et des ouvriers habiles. On en-*
cre la planche en la frottant
avec un tampon de linge trempé
dans l'encre grasse. Quand la
plaque est uniformément noire, il faut l'essuyer en y passant avec
précaution des tampons de mousseline humectés de potasse. Cet
essuyage enlève l'encre déposée à la surface de la planche, mais
laisse subsister celle qui a pénétré dans les creux. Ceux-ci sont
d'autant plus profonds et retiennent par conséquent d'autant plus
d'encre qu'ils correspondent à des parties plus sombres de l'image.
La planche bien essuyée donne une idée assez exacte de ce que
sera l'épreuve ; il est donc facile de se rendre compte si l'encrage
est bon ou s'il vaut mieux le recommencer.
Le papier destiné à l'impression est préalablement imprégné
d'eau, afin d'être assez souple pour pénétrer dans les cavités micros-
Fig 116. — Presse û'arLisie
pour héliogravure.
LES IMPRESSIONS' PHOTOMECANIQUES 333
copîques qui retiennent l'encre. Après l'avoir épongé, on le met
en contact avec la planche encrée, on pose par-dessus des pièces
de flanelle afin de faciliter la pénétration du papier dans les creux
de la planche, et l'on fait passer le tout, à deux reprises, sous le
cylindre compresseur. Le papier, relevé d'abord par l'un de ses
coins, doit emporter toute l'encre de la planche, dont le métal
apparaît alors brillant jusqu'au fond des creux. S'il en était autre-
ment, il y aurait quelque chose de défectueux.
Chaque épreuve exige un nouvel encrage suivi d'un essuyage,
et, si ces manipulations ne sont pas exécutées avec tout le soin
voulu, la meilleure planche ne donnera rien de bon. La lenteur du
tirage et l'attention qu'il nécessite expliquent le prix élevé des
épreuves tirées en héliogravure. Mais, si ce procédé est relative-
ment coûteux, les résultats splendides qu'il est susceptible de
fournir le font choisir dans tous les cas où la question de prix est
secondaire. Aucun autre mode d'impression photomécanique n'é-
gale celui-ci pour conserver tous les détails du cliché photographi-
que et en rendre fidèlement les plus délicates demi-teintes. L'éclat
des blancs, la richesse du modelé, les noirs profonds dont la vigueur
est encore accrue par le velouté du grain, tout contribue à placer
l'héliogravure au premier rang des moyens de reproduction pho-
tographique. La puissance d'opposition qu'elle permet d'atteindre
n'a de comparable que celle de l'eau-forte, et les publications de
grand luxe y ont eu recours, pour faire revivre avec toute la per-
fection désirable les œuvres des grands peintres.
Le coût des épreuves exécutées suivant le procédé qui vient d'ê-
tre décrit, et qui est le plus répandu, a suggéré divers perfection-
nements dont il convient de connaître au moins le principe.
Le sectionnement au grain de résine est souvent remplacé par
un sectionnement quadrillé, obtenu par l'emploi d'une trame. Le
cliché photographique négatif est reproduit, à la chambre noire,
sur une plaque sensible devant laquelle est appliquée une trame
à lignes opaques très fines (fîg. 117) contenant 100 à 150 lignes au
centimètre, dans chaque sens. On a ainsi une reproduction posi-
tive du modèle, divisée en cellules limitées par un quadrillage
transparent. Un papier au charbon, sensibilisé au bichromate, est
exposé à la lumière, sous le cliché positif, puis mouillé, transféré
334
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cl. Calmels.
Fig. 117. — Trame pour
héliogravure.
sur un cylindre en cuivre et dépouillé dans l'eau chaude. Le cylindre
est ensuite soumis à la morsure, dans la solution de perchlorure
de fer, qui creuse le métal, excepté sur
les points protégés par la gélatine inso-
lubilisée sous les parties transparentes
de la trame et du cliché. Après net-
toyage, le cylindre est monté sur une
presse rotative où Tencrage est auto-
matiquement effectué par des rouleaux»
et l'essuyage par une lame d'acier ani-
mée d'un mouvement de va-et-vient.
Photogravure. — Les procédés qui
viennent d'être décrits ont un défaut
commun : ils ne sont applicables
qu'aux tirages hors texte, ce qui en limite singulièrement l'emploi.
Pour tirer une gravure en même temps que le texte , il faut des
clichés formés de lignes ou de points en relief et creusés assez pro-
fondément pour que l'encrage s'effectue de la même manière que
sur les caractères typographiques. Autrefois, l'illustration dans le
texte utilisait la gravure sur bois, qui exigeait des artistes habiles
et coûtait très cher. Aujourd'hui, le travail du graveur est à peu
près complètement supprimé par la gravure photographique, et
l'intervention du dessinateur lui-même se fait de plus en plus rare.
On désigne sous le nom de photogravure l'exécution par les pro-
cédés photographiques de planches reproduisant en relief les traits
d'un dessin. Pour la reproduction des sujets à demi-teintes (pho-
tographies, tableaux à l'huile, lavis, etc.), on a recours à la simi'
ligravure, qui sera analysée dans le paragraphe suivant.
La phototypogravure au trait est due à Charles Gillot, dont le
père, Firmin Gillot, avait créé, en 1850, un procédé de gravure
sur zinc, appelé paniconographie, permettant de reproduire typo-
graphiquement un dessin et d'exécuter des chchés analogues à
ceux de la gravure sur bois sans l'intervention du graveur. C'est en
combinant la paniconographie avec l'invention de Niepce, que
Charles Gillot réalisa les procédés de photogravure au trait, tels,
à peu près, qu'on les pratique encore actuellement.
Les clichés de trait sont presque toujours exécutés sur zinc On
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 335
se sert de plaques d'environ 2 millimètres d'épaisseur, parfai-
tement polies et dégraissées. La couche sensible, primitivement
constituée par du bitume de Judée, est maintenant presque toujours
composée d'albumine bichromatée, qui permet d'obtenir les mêmes
résultats beaucoup plus rapidement. Voici, à titre d'exemple, une
des nombreuses formules de sensibilisation applicables à ce pro-
cédé :
■ Eau 1.000 ce.
Albumine sèche 20 gr.
Bichromate d'ammoniaque 15 —
La solution, préalablement filtrée, est étendue sur la plaque, à
la façon du collodion, égalisée à la tournette et séchée dans l'obs-
curité.
Après dessiccation, la planche est exposée à la lumière, dans le
châssis-presse, sous le cliché (négatif retourné). La durée de l'in-
solation est déterminée à l'aide du photomètre ; elle est générale-
ment courte, le cliché ne présentant point de demi-teintes, mais
seulement des noirs opaques et des blancs entièrement transpa-
rents. Au soleil, la pose ne dépasse guère 1 minute ; à la lumière
diffuse, elle atteint rarement 1 heure.
La couche impressionnée est entièrement recouverte, au rou-
leau de gélatine, d'une encre grasse spéciale, puis on plonge la
plaque dans l'eau. Après une ou deux minutes, on passe doucement
sur la surface encrée un tampon d'ouate imbibé d'eau légèrement
gommée. L'albumine non impressionnée se dissout, entraînant
l'encre qui la recouvrait, et l'image apparaît, en traits noirs, sur le
fond métallique. Le dépouillement achevé, on rince à grande eau,
et l'on fait rapidement sécher à une chaleur modérée. L'encre
restée sur les lignes insolubilisées ne résistant pas suffisamment à
l'acide qui va creuser la gravure, il faut la renforcer par addition
de substances résineuses. On prépare, dans ce but, un mélange de
résine et de cire que l'on réduit en poudre très fine. Cette poudre
est appliquée sur la planche à l'aide d'un tampon de coton ; elle
adhère à l'encre grasse, mais non au métal mis à nu. On épous-
sette au blaireau, et l'on fait chauffer jusqu'à ce que l'image, qui
était devenue mate par le dépôt de poudre, redevienne brillante.
La cire et la résine se trouvent alors fondues et forment sur les
336
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
traits de l'image une couche compacte qui résistera parfaitement
au mordant.
La morsure du zinc s'effectue dans une solution étendue d'acide
nitrique. Un solution trop concentrée déterminerait un échauffe-
ment capable de ramollir les substances qui constituent les réserves.
Aussi préfère-t-on attaquer le métal lentement : en employant une
solution à 5 pour 100 d'acide du commerce (à 36° Baume) la pro-
fondeur des creux déterminés par la morsure n'est que de 1/3 de
Fig. 118. — Cuves à morsure.
millimètre par heure. L'acide est placé dans des cuvettes (fig. 118)
auxquelles un nriécanisme communique un mouvement continuel
de bascule, de manière à régulariser la morsure. Dans certains
ateliers, l'acide est projeté sur la plaque par une sorte de pulvéri-
sateur.
L'acide ronge le métal, le creuse partout où sa surface n'est pas
protégée par les réserves. Quand il en a enlevé une certaine épais-
seur, il commence à attaquer les talus sur lesquels se trouvent les
réserves : la surface protégée par les substances grasses reste inat-
taquée, mais il n'en est pas de même des parois verticales qui sont
mises à découvert par les progrès de la morsure. Les traits de la
gravure seraient donc minés par-dessous et même parfois entiè-
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 337
rement rongés, si l'on ne prenait certaines précautions. C'est à
Firmin Gillot qu'est dû le tour de main grâce auquel les talus des
reliefs sont protégés contre l'action du mordant : de là le nom de
gillotage donné à l'opération suivante.
Dès que l'acide a légèrement creusé le métal, on suspend la
morsure et on passe sur la planche une éponge douce imbibée d'une
solution de gomme arabique et d'acide gallique, qui adhère au
métal à nu, mais non aux réserves grasses. On lave ensuite som-
Fig. 119. — Presse pour photogravure.
mairement, de manière à éliminer l'excès de gomme. Si l'on passe
alors sur la planche un rouleau garni d'encre lithographique, le
corps gras adhère aux lignes formant réserve, mais il est repoussé
par la gomme dont il subsiste encore qnehjues traces contre le
métal; on fait sécher, on saupoudre de colophane, qui ne s'attache
qu'à l'encre, et l'on chaufï'e modérément. L'encre et la résine se
fluidifient, débordent légèrement et coulent sur les talus des reliefs,
qui se trouvent ainsi protégés.
On procède alors à une deuxième morsure, que l'on arrête
comme la précédente, aussitôt qu'elle a déterminé des creux appré-
338 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ciables. On passe une nouvelle couche d'encre, on la saupoudre de
résine, on fait chauffer et Ton reprend la morsure.
Ces opérations sont recommencées jusqu'à sept fois, et même
davantage, jusqu'à ce que la profondeur des creux atteigne environ
1 millimètre. Il résulte de cette méthode que les reliefs sont sup-
portés par dès bases qui vont s'élargissant de la surface au niveau
inférieur des creux. Par suite du fractionnement des morsures, le
profil des talus présente une série de gradins. Pour leur donner
une forme oblique régulière, on procède à un encrage de toute la
plaque. L'encre est ensuite saupoudrée de résine, et l'on fait chauf-
fer. Le mélange fond et coule : les saillies que présentent les talus
sont ainsi mises à nu, et il suffit alors, pour les faire disparaître, de
soumettre la plaque à une dernière morsure.
La planche est enfin montée sur un bloc de bois, de manière à
se trouver au même niveau que les caractères d'imprimerie au mi-
lieu desquels elle doit être placée.
Cette méthode exige un négatif retourné. On peut utiliser un
cliché ordinaire, en procédant par report. On impressionne alors
d'abord sous ce cliché un papier enduit de gomme bichromatée, on
le recouvre d'encre lithographique, on mouille, afin d'éliminer
l'encre des parties préservées de Faction de la lumière par les opa-
cités du négatif, et l'on applique le papier sur une plaque de zinc.
La pression imprime l'image sur le métal, et si l'on soumet la sur-
face encrée à l'action de l'acide azotique, le métal est attaqué sur
les points laissés à nu, mais non sur ceux qui sont protégés par
l'encre grasse. Bien entendu, on renforce les réserves, comme dans
le procédé direct, par un saupoudrage de résine, et on fractionne
la morsure en plusieurs phases alternant avec des encrages suivis
d'un léger chauffage, afin de protéger les parois desrehefs.
Similigravure. — Les tirages typographiques ne donnent que
deux tons : celui de l'encre et celui du papier. Pour reproduire par
ce moyen des images à modelé eontinu, comme les photographies
d'après nature, les tableaux, les lavis, il est nécessaire de trans-
former ce modelé en une combinaison de points ou de lignes plus
ou moins larges et plus ou moins espacés. Le cliché n'imprimera
en réalité que du noir pur sur* du papier blanc, mais les teintes
claires seront représentées par des points noirs très fins et très
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES
33»
espacés, tandis que les teintes foncées résulteront du rapprochement
de points noirs assez larges séparés les uns des autres par d'étroits
lisérés blancs. C'est d'ailleurs ainsi que procède le dessinateur
pour donner l'illusion d'un modelé, en couvrant son papier de
points ou de hachures au crayon ou à l'encre. Il s'agissait d'arriver
au même résultat sans l'intervention du dessinateur et par des
moyens automatiques. On y a réussi, en sectionnant l'image pho-
tographique au moyen d'un écran graine ou tramé.
Dès 1853, Talbot interposait entre le phototype et la planche
sensibilisée un tissu à trame très fine. Berchtold, en 1859, impres-
sionnait sous le négatif une plaque enduite de bitume qui était
ensuite exposée de nouveau à la lumière derrière un réseau à fines
lignes parallèles obtenues en photographiant une trame lithogra-
phique. E. et J. BuUock, en 1865, disposaient pour la première fois
la trame dans l'appareil photographique, en avant et à faible dis-
tance de la plaque sensible. Cette trame était simplement formée de
lignes parallèles, ainsi que celles de Swan (1879) et de la compagnie
Meisenbach (1882). C'est l'Américain F. Yves qui donnait, en 1886,
sa forme actuelle à la similigravure, en créant la trame quadrillée
et en substituant au diaphragme ordinaire de l'objectif un dia-
phragme carré.
Pour expliquer le rôle que joue une trame semblable à celle dont
la fîg. 120 reproduit un fragment
très agrandi, supposons d'abord
l'objectif diaphragmé dirigé vers
une surface toute blanche, et exa-
minons à la loupe le verre dépoli.
Si la trame quadrillée est en contact
avec l'écran de mise au point, elle
y projettera son image très nette.
Mais, si nous éloignons lentement
la trame, nous verrons sa silhouette
s'estomper peu à peu et perdre progressivement de sa netteté. Cha-
cune des mailles va former des ombres et des pénombres, et, en ré-
glant avec soin la distance, nous arriverons à ce résultat que chaque
élément de la trame apparaîtra comme une tache lumineuse au centre
et s'obscurcissant réguUèrement jusqu'aux bords, qui seront noirs.
► ♦♦♦♦♦♦
♦ ♦:♦♦♦♦ ♦
► ♦♦♦♦♦ ^ <
> # <^ > <^ ^ ^
Cl. Calmels.
Fig. 120. — Trame de similigravure.
S40
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Ce réglage effectué, si le verre dépoli est remplacé par une pla-
que sensible, nous obtiendrons un négatif qui paraîtra uniformé-
ment gris, vu d'une certaine distance, mais qui, examiné à la loupe,
se montrera formé d'une multitude de points noirs au centre et
régulièrement dégradés jusqu'aux bords, qui seront transparents.
Plaçons maintenant devant l'objectif, non plus une surface toute
blanche, mais une épreuve photographique oii se trouvent du
blanc pur, du gris clair, du gris foncé et du noir. Prenons un temps
Cl. Calmels.
Fig. 121. — Similigravure.
(Trame de 20 lignes au centimètre.)
Cl. Calmels.
Fig. 122. — Similigravure.
(Trame de 53 lignes au centimètre.)
de pose juste suffisant pour que les points correspondant aux
blancs viennent bien noirs au développement, dans toute leur lar-
geur. Les images du gris clair seront évidemment moins intenses,
sur les bords extrêmes; celles du gris foncé ne seront suffisam-
ment impressionnées qu'au centre de chaque maille; enfin, celles
du noir seront, sinon entièrement invisibles, du moins pratiquement
négligeables. Ainsi donc, à la condition de calculer exactement la
pose et de développer de manière à obtenir un cliché brillant et
plutôt heurté que doux, nous verrons le blanc du modèle repré-
senté par des points larges et se touchant presque, les gris repré-
sentés par des points plus étroits et dont les bords seront par
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES
341
conséquent plus espacés les uns des autres, et les noirs représen-
tés par des points imperceptibles.
^ Ce négatif donnera évidemment un positif sur lequel le blanc
sera représenté par de très petits points espacés, les gris par des
points plus larges et moins espacés, et le noir par des points dont
la largeur sera presque égale à celle des mailles de la trame
(fig. 121 et 122).
Fig, 123. — Chambre noire à porte-trames.
Le phototype que nous venons d'analyser est exécuté à l'aide
d'une chambre noire de construction spéciale (fig. 123), En avant
de la plaque est disposé un cadre sur lequel est montée la trame
et dont on fait varier la distance avec le plan focal à l'aide d'une
crémaillère et d'une vis micrométrique. L'intervalle qui sépare la
plaque sensible de la trame est généralement compris entre 2 et
7 millimètres, suivant Ja distance focale, la plus faible distance
correspondant au plus court foyer.
Les trames dont on se sert actuellement sont ordinairement
compcfsées de deux glaces sur chacune desquelles ont été gravées
des lignes parallèles rendues opaques par l'application d'un vernis.
342 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
Ces deux glaces sont superposées de manière que les deux lignés
se croisant à angle droit forment un quadrillage. Depuis quelques
années cependant la trame quadrillée est souvent remplacée par la
trame Schulze (fîg..l24), inventée en 1902 et dont les lignes opaques
se croisent sous un angle de 60°.
Cette disposition permet plus de
précision dans la reproduction des
détails et, sans compliquer ni la
gravure ni le tirage, donne aux
images une structure moins régu-
lièrement apparente,
p, ^ , , - La finesse de la trame varie sui-
Li. Calraels.
Fiff. 124. — Trame Schulze. ^^^^ ^^ nature des travaux à exécu-
ter. Pour les grandes affiches, elle
contient seulement 20 à 25 lignes par centimètre; elle en contient
25 à 30 pour les journaux quotidiens imprimés sur presses rota-
tives, 50 à 60 pour les travaux courants exécutés sur papiers de
qualité moyenne, 70 à 80 pour les éditions de luxe, 90 à 100 pour
les catalogues de très grand luxe et pour certains travaux scien-
tifiques. Le prix d'une trame quadrillée du format 30 X 40 est de
400 francs, si elle ne contient que 30 lignes par centimètre; si elle
en contient 80, son prix s'élève à 1.250 francs.
La structure de l'image, son modelé et ses contrastes sont nota-
blement modifiés suivant la forme et les dimensions du diaphragme.
On se sert généralement de diaphragmes carrés, mais on utilise
aussi d'autres formes, dont la fig. 125 reproduit quelques modèles.
Le plus souvent, on fait usage de deux ou trois diaphragmes de
dimensions différentes, que l'on substitue l'un à l'autre pendant la
pose. C'est en proportionnant judicieusement ces poses fraction-
nées que le similigraveur arrive à obtenir un modelé correct.
La planche d'impression qui doit traduire en reliefs et en creux
les JDlancs et les noirs du négatif est une plaque de zinc ou de cui-
vre. Le zinc, dont le coût est moins élevé et la morsure plus rapide,
est employé aux travaux urgents ou peu soignés. Comme il se
prête à une profondeur plus grande des creux, c'est également
sur ce métal que sont gravés les clichés à grosse trame, comme
ceux des journaux quotidiens. Le cuivre, plus facile à retoucher,
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES
343
moins altérable et plus résistant mécaniquement, est réservé aux
travaux de luxe et aux longs tirages.
Le procédé à l'albumine décrit dans le paragraphe précédent est
également applicable à la similigravure. Mais, en fait, on ne l'utilise
Fig. 125. — Diaphragmes pour similigravure.
que pour les clichés à grosse trame des journaux quotidiens, et,
dans la plupart des cas, la simili est gravée au moyen du procédé
émail. Le colloïde employé dans ce procédé est une gélatine spé-
ciale rendue soluble dans l'eau froide par une cuisson prolongée.
Pour préparer la couche sensible, on mélange :
Eau • 200 ce.
Colle liquide pour émail 100 —
Bichromate d'ammoniaque 5 à 10 gr.
L'étendage de la plaque et la dessiccation s'effectuent comme
dans les procédés précédents. La durée de l'exposition sous le né-
gatif est de 2 à 3 minutes en plein soleil d'été, de 1 heure et plus
en lumière diffuse, et de 5 à 10 minutes à 30 centimètres d'une
lampe à arc de 20 ampères.
Après l'insolation, on lave la plaque pendant 2 minutes, afin d'en
éliminer le bichromate. On colore ensuite la couche, de manière à
mieux contrôler le dépouillement, en la plongeant pendant quelques
minutes dans une solution de violet de méthyle (5 gr. par litre).
On rince pour enlever l'excès de colorant, et on facilite le dépouil-
lement par des frictions modérées au tampon d'ouate ou en agitant
la plaque dans de l'eau additionnée de son, de sciure de bois blanc
ou d'amidon délayé à froid. L'image apparaît en violet intense sur
fond métallique.
Le dépouillement achevé, on peut durcir la gélatine dans une
solution à 10 p. 100 d'alun de chrome rendue alcaline par addition
344 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
de quelques gouttes d'ammoniaque; mais cette opération n'est pas
indispensable.
La plaque lavée et séchée est ensuite soumise à la cuisson, qui
va transformer la gélatine en un corps suffisamment résistant au
bain de morsure. A cet efifet, on la place sur un gril métallique
sous lequel on déplace un brûleur à gaz. Dès le début de la chauffe,
l'image se décolore, par suite de la décomposition du violet de
méthyle, puis elle réapparaît, à mesure que la gélatine subit une
sorte de caramélisation, et sa couleur permet de juger de son
degré de cuisson. Si le cliché est en zinc, on s'arrêtera à la nuance
or pâle ; s'il est en cuivre, on poussera jusqu'à la teinte brun rouge.
On passe ensuite à la morsure.
Le mordant employé est l'acide nitrique dilué pour les clichés
sur zinc, et le perchlorure de fer pour les clichés sur cuivre. Par
suite du rapprochement des points dont l'image est formée, les
creux de simili sont ordinairement limités à une faible profondeur.
La morsure de simili est donc plus rapide que la morsure de trait
et s'opère généralement en une seule phase, sans qu'il soit néces-
saire d'avoir recours aux complications de gillotage. Dans certains
cas, cependant, la largeur des éléments de la trame et la profon-
deur des creux obligent à fractionner la morsure comme il a été
dit au paragraphe précédent*
Pour que l'impression soit bonne, il faut que chaque maille de la
trame se trouve représentée sur la planche par un point en relief
de largeur variable. Les teintes claires sont reproduites par des
points très petits séparés par des lisérés blancs assez larges; les
teintes moyennes sont représentées par un quadrillage, une sorte
de damier formé de carrés blancs et noirs; enfin les teintes fon-
cées sont traduites par des points blancs très étroits sur fond noir.
Parfois même, ces points blancs disparaissent dans les ombres les
plus intenses, et la touche est alors uniformément noire. De même,
aux endroits correspondant aux plus vives lumières du sujet, le
point noir en relief fait quelquefois défaut, et le papier ne reçoit
aucune impression. Mais ces deux cas extrêmes sont exceptionnels
et doivent rester limités à des espaces peu étendus, sans quoi
l'image manquerait d'harmonie. Les noirs opaques seraient lourds,
les blancs sembleraient rongés, et d'ailleurs il arriverait fréquem-
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 345
ment que le rouleau encreur, n'étant pas soutenu au-dessus des
cavités trop larges, les remplirait d'encre, d'où impossibilité d'im-
primer des images propres.
Ce pointillé répandu sur toute la surface, même sur les endroits
que l'on voudrait voir entièrement blancs, offre un réel inconvé-
nient. La simili jette ainsi sur l'image une sorte de voile (le voile de
sa trame) qui diminue l'éclat et la précision de l'original. Ce voile
€St peu sensible quand la trame est d'une extrême finesse; mais
une telle trame exige un matériel de premier choix, un personnel
habile, un très beau papier et des encres de qualité supérieure* qui
en limitent l'application aux publications de luxe.
Une trame très large donne des points gris, faciles à graver et à
tirer, même sur des papiers grossiers, mais supprime beaucoup de
détails. Aussi l'emploi en est-il réservé aux journaux quotidiens.
Les trames de finesse moyenne sont les plus usitées, car elles
permettent de concilier, jusqu'à un certain point, les exigences
artistiques avec les nécessités économiques. La finesse relative de
ces trames exige déjà que la morsure soit limitée à de très faibles
creux, pour ne pas détruire le point dans les blancs. Il est donc
nécessaire de régler l'encrage des reliefs avec le plus grand soin,
afin d'éviter les empâtements. En outre, il faut employer des
papiers à surface absolument plane et lisse, obtenue en recouvrant
une pâte déjà très régulière d'un enduit brillant ou couchage.
Les papiers couchés ont souvent fait l'objet de justes critiques/
bien qu'ils donnent des impressions très vigoureuses et d'une net-
teté parfaite. Leur surface miroitante fatigue la vue, et la lecture
des textes qui y sont imprimés est pénible, à la longue. Ils sont, de
plus, facilement salissants, fragiles, cassants, et la conservation des
ouvrages imprimés sur ces pâtes complexes n'est rien moins qu'as-
surée.
Cependant, on arrive à réaliser d'excellentes impressions sur des
papiers à surface mate, quoique très régulière. Ces papiers sont
généralement assouplis dans de l'eau additionnée de 5 pour 100 de
glycérine. Les images tirées de la sorte sont parfaites de netteté et
de finesse; elles sont même plus belles et d'un aspect plus artis-
tique que les épreuves glacées, et le texte qui les accompagne est
beaucoup plus commode à lire, sans fatigue pour la vue.
346 TRAITE GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
La simili est loin d'égaler l'héliogravure et même la photocollo-
graphie pour la beauté des résultats, mais elle se recommande par
la rapidité avec laquelle est obtenue la planche d'impression et la
facilité avec laquelle on en tire économiquement de bonnes épreu-
ves. En quelques heures, elle permet d'exécuter, par les moyens
ordinaires de l'imprimerie, des milliers d'épreuves, mêlées au texte
et d'une exactitude autrefois inconnue. On conçoit donc la vogue
dont ce procédé était appelé à jouir, à notre époque d'information
rapide et précise. La photographie crée, en un instant, le docu-
ment irrécusable, et la photogravure permet de le lancer dans le
public le jour même. Aussi les revues périodiques l'utilisent-elles
à profusion, de même que les livres, et les grands quotidiens -eux-
mêmes y ont cçnstamment recours. La similigravure a multiplié
en quelques années les publications illustrées dans des proportions
déconcertantes, en même temps qu'elle les rendait accessibles à
tous.
OUVRAGES A CONSULTER
A. Albert, Der Lichtdruck, Halle a/S. (W. Knapp), 1898.
N.-S. Amstutz, Handbook of Photoengraving, Chicago (The Inland Printer G»},
1907.
J. Bock, Zincography, Londres (Dawbarn etWard), 1895.
G. Bonnet, Manuel de phototypie, Paris (Gauthier- Villars), 1889.
G. Bonnet, Manuel d'héliogravure, Paris (Gauthier- Villars), 1890^.
G. Blecher, Die verwendung des Zinks fur die Lithographie, Halle a/S. (W.
Knapp), 1908.
G. Blecher, Lehrbuch der Reproduktionstechnik, Halle a/S. (W. Knapp), 1908.
A. Broquelet et p. Mauron, Traité de l'art lithographique, Paris (Garnier),
1907. . ^
L.-P. Clerc, les Reproductions photomécaniques monochromes , Paris (0. Doin jl
et fils), 1910. ' '
W. Crqnenberg, la Pratique de la phototypogravure américaine, Paris (Gau-
thier-Villars), 1898.
J.-M. Eder, Die Pigment verfahren und die Héliogravure, Halle a/S. (W. Knapp),
1896.
Gh. Féry et a. Burais, Traité de photographie industrielle, Paris (Gauthier-
Villars), 1896.
A. FiscH, Traité pratique des impressions photomécaniques, Paris (Gh. Men-
del), 1901.
LES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 347
W. FiTHiAN, Practical Collotype, Londres (Dawbarn et Ward).
E. Forestier, le Procédé Collo, Paris (H. Galmels), 1909.
Geymet, Traité pratique de photogravure sur zinc et sur cuivre, Paris (Gauthier-
Villars), 1886.
A.-F. VON HuBL, Die Pkotographische Reproduktions Verfahren, Halle a/S. (W.
Knapp), 1898.
J. HusNiK, Die Zinkdtzung, "Vienne (Harlleben), 1908.
L. Laynaud, la Photo typie pour tous, Paris (Gauthier- Villars), 1900.
ft. Namias, I modelai Processi fotomeccanici. Milan, 1899
Sghilz, Manuel pratique d'héliogravure en taille-douce , Paris (Gauthier- Vil-
lars), 1899.
J. Verfasser, The Half-Tone Process, 4e édition, Londres (Iliffe and sons), 1907,
L. Vidal, Traité pratique de photogravure en creux et en relief, Paris (Gauthier-
Villars), 1900.
J. VoiRiN, Manuel pratique de phototypie , 2^ édition, Paris (Gh. Mendel), 1909.
J. Adeline, les Arts de Reproductions vulgarisés, Paris (May et Motteroz).
J. Puisard, l'Illustration du livre moderne par la photographie, Paris (Gh. Men-
del), 1897.
LIVRE IV
CHROIVIOPHOTO GRAPHIE
CHAPITRE XVII
LE PROCÉDÉ TRICHROME
Historique. — L'idée de reproduire les couleurs du sujet par la
superposition de plusieurs images photographiques monochromes
est manifestement inspirée des procédés de chromotypie et de chro-
molithographie. Cependant, la nécessité de préparer autant de cli-
chés que l'épreuve doit contenir de teintes aurait fait de cette com-
binaison une méthode trop complexe, si la théorie des couleurs
fondamentales n'avait permis de réduire l'analyse du coloris à trois
éléments.
En 1859, Clerk Maxwell exposait* une théorie des couleurs com-
posées qui sera résumée dans le paragraphe suivant et qui peut
être considérée comme la base essentielle des méthodes trichro-
mes. Aussi, dès 1863, Collen, en Angleterre, décrivait-il succincte-
ment un procédé de photochromie fondé sur celte théorie^. Toute-
fois, il ne faisait qu'énoncer le problème, sans indiquer le moyen
de le résoudre pratiquement et sans même songer à une sélection
opérée par un tamisage des radiations élémentaires à travers des
écrans ou filtres colorés : il prétendait que, pour opérer cette sélec-
tion, il faudrait tout d'abord trouver des substances photogj^aphi-
ques exclusivement et isolément sensibles aux trois couleurs pri-
maires. Yers la même époque, le baron Ransonnet, en Autriche,
entreprenait des essais dans la même voie, en interposant des ver-
1. Proceedings of the royal Society of London, t. X, p. 404-484.
2, British Journal of Photography, 27 octobre 1865, p. 547.
LE PROCEDE TRICHROME 349
res colorés; mais il ne parvint jamais à impressionner une plaque
derrière un filtre jaune-orangé.
Le 2 décembre 1867, Charles Gros déposait à l'Académie des
sciences un pli cacheté qui ne fut ouvert, sur sa demande, que le
26 juin 1876. Ce pli contenait une note intitulée : Procédés d'enre-
gistrement et de reproduction des couleurs^ des formes et des mouve-
ments. En voici un extrait :
« En premier lieu, trois épreuves photographiques sont prises
successivement d'après un mêrfte tableau. Pour la première de
ces épreuves, on interpose, entre le tableau et l'objectif de l'appa-
reil photographique ordinaire, un verre rouge, pour la seconde,
un verre jaune, pour la troisième un verre bleu. Les rayons de
lumière rouge contenus dans le tableau passeront en maximum à
travers le verre rouge, et il en sera de même pour les deux autres
sortes de rayons et les deux autres verres.
« Si maintenant, après avoir obtenu le positif des trois épreuves,
on superpose les projections de ces positifs traversés respective-
ment par un rayon rouge, jaune et bleu sur un écran, la projection
composée représentera le tableau donné avec ses teintes réelles...
« ... La superposition\des trois épreuves positives sur une sur-
face blanche, en ayant soin de constituer chacune des épreuves
dans la couleur complémentaire de celle qui a servi à l'obtenir,
donnera la reproduction définitivement fixée de toutes les teintes
du tableau à reproduire, avec une exactitude que limitent seules la
pureté et la transparence des couleurs employées. »
M. L. Ducos du Hauron ne connaissait évidemment pas le con-
tenu du pli cacheté déposé par Charles Cros, lorsqu'il prit, le 23 no-
vembre 1868, un brevet dans lequel est décrite la méthode des cli-
chés analytiques et des tirages superposés, à peu ^rès telle qu'on
la pratique encore actuellement : « Si l'on décompose, disait-il,' en
trois tableaux distincts, l'un rouge, l'autre jaune, l'autre bleu, le
tableau, en apparence unique, qui nous est off'ert par la nature, et
si de chacun de ces trois tableaux on obtient une image photogra-
phique séparée qui en reproduise la couleur spéciale, il suffira de
confondre ensuite en une seule image les trois images ainsi obte-
nues pour jouir de la représentation exacte de la nature, couleur
et modelé tout ensemble. >
20
350 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Dès ses premiers essais, efFectue's avec le collodion humide,
M. Ducos du Hauron avait reconnu la nécessité d'orthochromatiser
ses plaques et indiqué diverses formules de collodion sensible au
rouge. Il fut le premier à obtenir des épreuves photographiques
reproduisant fidèlement les couleurs du sujet. La pratique n'avait
pas tardé à lui démontrer que ses reproductions gagnaient en
vérité, à mesure qu'il modifiait la couleur des écrans primitivement
employés. C'est ainsi qu'il arriva à réaliser la sélection comme on
la pratique aujourd'hui, à l'aide "de filtres respectivement violet,
vert et rouge-orangé.
Principe de la trichromie. — Bien que le nombre des couleurs
nous semble illimité, elles peuvent toutes se ramener, au point de
vue de l'impression qu'elles déterminent sur notre œil, à trois cou-
leurs fondamentales, dont les combinaisons infiniment variées sont
susceptibles de produire toutes les nuances possibles. Ce n'est pas
là une simple hypothèse. Il semble bien démontré que l'organe de
la vision humaine contienne trois groupes de fibrilles nerveuses
affectés chacun à la perception d'une zone du spectre. Il y a plus :
l'analyse- attentive de certaines anomalies constatées chez les dal-
toniens, c'est-à-dire chez les personnes qui sont incapables de dis-
tinguer telle ou telle couleur, a permis de déterminer exactement
la nuance des trois couleurs fondamentales.
On admettait autrefois, avec David Brewster, que ces trois cou-
leurs sont le bleu, le jaune et le rouge-carmin. Il est acquis main-
tenant, conformément aux théories de Young, de Helmholtz et de
Maxwell, d'ailleurs corroborées par les résultats de la photogra-
phie trichrome, que les couleurs fondamentales sont le violet, le
vert et le rouge-orangé. Nous allons voir cependant que, dans la
photographie trichrome par tirages superposés, l'image colorée est
formée de. bleu, de jaune et de rouge-carmin. C'est qu'il importe
de ne pas confondre les mélanges de lumières colorées avec les
superpositions de pigments colorés. Supposons, en effet, trois lan-
ternes magiques garnies l'une d'un verre violet, la seconde d'un
verre vert et la troisième d'un verre rouge-orangé. Dirigeons sur
un écran blanc les trois projections colorées, de façon qu'elles
empiètent partiellement les unes sur les autres. Si les verres sont
bien choisis et les intensités lumineuses exactement réglées, la
LE PROCEDE TRICHROME 351.
zone où convergent les trois faisceaux paraît blanche, parce qu'elle
re'fléchit simultanément les trois couleurs dont la résultante pro-
duit sur notre rétine la sensation de la lumière blanche.
La région où le rouge-orangé empiète sur le vert paraît jaune,
parce que, lorsque nos nerfs sensibles au rouge-orangé sont im-
pressionnés en même temps que les nerfs sensibles au vert, la sen-
sation éprouvée est exactement la même que si nous avions devant
nous le jaune pur, tel qu'il existe dans le spectre solaire. Cette
particularité s'explique, depuis que l'on sait que le jaune pur im-
pressionne également les fibrilles du rouge-orangé et celles du vert.
De même, l'impression simultanée du violet et du rouge-orange'
correspond à celle du rouge-carmin. De même, enfin, l'action com-
binée des radiations vertes et violettes agit exactement comme
celle du bleu simple du spectre.
Si, maintenant, nous passons à l'effet des pigments mélangés,
les résultats sont entièrement différents, et il est facile d'en trou-
ver la raison. Un pigment- est une substance, en poudre ou en
pâte, qui n'est pas lumineuse par elle-même, mais qui réfléchit la
lumière ou seulement une partie de la lumière qui l'éclairé. La
craie, par exemple, vue au grand jour, paraît blanche, parce
qu'elle n'absorbe aucune des teintes du spectre solaire visible et
les réfléchit toutes ; vue à la lueur d'un feu de bengale bleu ou
jaune, elle paraîtrait bleue ou jaune. Un bluet paraît bleu à la
lumière blanche, parce qu'il ne réfléchit que la lumière bleue et
absorbe les autres radiations dont la lumière blanche est compo-
sée. Une prairie paraît verte, parce que l'herbe absorbe toutes les
radiations, sauf le vert. Une rose paraît rose, parce qu'elle ne
réfléchit que les radiations roses et absorbe les autres. L'encre,
enfin, est noire, parce qu'elle absorbe toutes les radiations et n'en
réfléchit aucune.
Ainsi, quand nous mélangeons un pigment bleu et un pigment
jaune, c'est-à-dire une substance qui absorbe le jaune et le rouge,
et une substance qui absorbe le bleu et le rouge, nous réalisons
une combinaison où toutes les radiations sauf le vert se trouvent
absorbées. Le bleu et le jaune à l'état de pigments forment donc un
mélange vert. De même, le bleu et le rouge-carmin forment un
mélange violet; le jaune et le rouge forment un mélange orangé.
352 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPEJE
Enfin, si nous mélangeons des pigments bleus, jaunes et rouges,
nous formons un mélange où toutes les radiations se trouvent
absorbées, et la résultante en est noire, tandis que le mélange des
trois lumières colorées formait une résultante blanche. On exprime
cette différence en appelant synthèse additive celle que l'on obtient
par des combinaisons de lumières coloréqs, et synthèse soustrac-
tive celle qui résulte des mélanges de pigments absorbants.
Il convient aussi de rappeler en quoi consistent les couleurs
complémentaires. Un objet bleu examiné à travers un verre orangé
paraît noir; il en est de même pour un objet jaune examiné à
travers un verre violet, ainsi que pour un objet rouge examiné
à travers un verre vert. Sans entrer à cet égard dans des détails
superflus, nous retiendrons que Ton exprime ces phénomènes en
disant que le bleu est la couleur. complémentaire de l'orangé, et
.réciproquement. De même, le jaune est complémentaire du violet
-et vice versa; de même, le rouge et le vert sont complémentaires
l'un de l'autre.
Il nous reste à montrer l'application de ces principes à la repro-
duction photographique des couleurs.
Dans le procédé au charbon, si l'on fait usage d'un papier enduit
de gélatine colorée en bleu, les noirs du sujet, c'est-à-dire les par-
ties transparentes du cliché, seront représentés par du bleu; si, au
contraire, le pigment que contient la gélatine est rouge, cette cou-
leur correspondra aux parties non impressionnées du cliché, et les
noirs du modèle seront traduits par du rouge.
Or, la photographie trichrome est l'art de reproduire toutes les
couleurs du modèle en superposant trois images partielles colorées
l'une en bleu, *la seconde en jaune et la troisième en rouge. Cha-
cune de ces images porte le nom de monochrome^ , parce qu'elle ne
contient qu'une seule couleur.
Le monochrome bleu devra être tiré sous un cliché exécuté de
telle sorte que toutes les parties du modèle bleues ou contenant du
bleu soient représentées par des parties transparentes, afin qu'elles
puissent figurer en bleu sur l'épreuve. Dans ce but, il faut éteindre
toutes les radiations bleues venues du modèle, de façon qu'elles
1. Du grec [xovoç, seul, et j^pwjjia, couleur»
LE PROCÉDÉ TRICHROME 353
n'agissent pas plus que le noir sur la plaque au gélatinobromure.
Pour cela, il suffit de placer devant l'objectif, ou entre Tobjectif et
la plaque sensible, un verre orange'. On a vu, en effet, que l'orangé
est la couleur complémentaire du bleu, et qu'un objet bleu, vu à
travers un verre orangé, paraît noir. Donc, les parties bleues du
modèle n'agiront pas plus sur la plaque sensible que si elles étaient
noires; l'émulsion restera inattaquée sur ces points, qui se tradui-
ront, après développement et fixage, par de la gélatine entière-
ment transparente. Dès lors, le papier bichromate bleu sera inso-
lubilisé par l'action de la lumière qui aura traversé sans obstacle
la gélatine transparente du cliché, et, en définitive, toutes les par-
ties bleues du sujet seront conservées sur le monochrome bleu.
Un raisonnement analogue nous conduit à exécuter le mono-
chrome jaune Q.n moyen d'un papier enduit de gélatine jaune et tiré
sous un cliché obtenu en interposant un verre violet. De même,
le monochrome rouge sera fait d'après un phototype impressionné
derrière un verre vert.
Ces trois monochromes transférés sur le même papier et repérés
de telle sorte que les trois images partielles coïncident, devront
reconstituer toutes les couleurs du modèle, si les opérations qui
viennent d'être énumérées ont été convenablement conduites.
Il est à remarquer que les nuances les plus complexes, comme
celles que les peintres désignent sous le nom de tons rompus, ne
sont pas plus difficiles à reproduire que les couleurs primaires.
Ainsi, le vert, par exemple, résultera de la superposition du bleu
et du jaune. Le vert, en efTet, traversera sans absorption le verre
vert; le cliché correspondant sera donc opaque sur les points
ainsi impressionnés, et la gélatine bichromatée, restée soluble
sous ces opacités , disparaîtra lors du dépouillement du mono-
chrome rouge. Quant aux verres violet et orangé, ils absorberont
une partie des radiations vertes ; les clichés correspondants conser-
veront une certaine transparence, les gélatines bleue et jaune
seront, en grande partie , insolubilisées , et leur superposition
reconstituera le vert. La nuance de ce vert pourra, d'ailleurs,
varier à l'infini, splon qu'il contiendra des proportions diverses
de bleu, de jaune et même de rouge, cette dernière couleur en très
faible quantité, pour donner un ton rompu.
354 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Quant aux parties blanches du modèle, elles impressionneront
les trois plaques et s'y traduiront par des opacités. Par conse'quent,
les trois mixtions gélatineuses colorées, soustraites à Faction de la
lumière, conserveront leur solubilité, et, les trois couleurs étant
enlevées par l'eau chaude, laisseront le papier blanc à nu. Au con-
traire, les noirs du sujet n'impressionneront aucune des trois pla-
ques, qui resteront transparentes : les trois gélatines mixtionnées
seront donc insolubilisées par la lumière, et les trois pigments
superposés formeront une résultante noire.
Pratique de la trichromie. — Le procédé trichrome par élé-
ments superposés exige trois séries d'opérations :
1° La sélection ou analyse des couleurs, c'est-à-dire l'exécution
de trois négatifs impressionnés chacun par une seule des couleurs
fondamentales;
2° Le tirage de^trois monochromes colorés respectivement en
bleu, en jaune et en rouge;
3° La superposition des monochromes, réalisant la synthèse des
couleurs.
Le matériel photographique ordinaire suffit généralement à
l'exécution des images trichromes. Toutefois, il est indispensable
que les lentilles de l'objectif soient absolument incolores, sans
quoi le coloris serait inévitablement faussé. En outre, dans les
travaux de précision, on emploie des objectifs apockromatiqueSy
ou anlispectroscopîquesj c'est-à-dire corrigés de Taberration chro-
matique pour toutes les radiations visibles, de telle sorte qu'elles
aient toutes le même foyer. Tel est l'objectif antispectroscopique
de Roussel (fig. 126).
Analyse ou sélection. — La première opération du procédé
trichrome consiste à décomposer les couleurs du sujet, en exécu-
tant trois négatifs impressionnés chacun par une seule des cou-
leurs fondamentales. Chacune des trois plaques employées dans
ce but doit être spécialement sensibilisée pour la couleur complé-
mentaire de celle du monochrome correspondant. Ainsi, pour
abtenir le négatif qui servira à obtenir le monochrome bleu, on
emploiera une plaque aussi sensible que possible à l'orangé;
la plaque destinée au monochrome jaune sera surtout sensible
au violet, et celle du monochrome rouge recevra un supplément
LE PROCÉDÉ TRICHROME
355
•de sensibilité pour le vert. En outre, comme on ne connaît aucun
moyen de rendre une plaque uniquement sensible à un groupe
déterminé de radiations, l'analyse sera complétée en interposant,
pendant la pose, devant ou derrière Tubjectif, un écran coloré. La
couleur de chaque écran doit être la complémentaire de celle du
monochrome correspondant,, comme on Ta vu dans le paragraphe
précédent. Toutefois, sa nuance exacte et l'intensité de sa colora-
tion sont subordonnées à la sensibilité des plaques employées.
Pig. 126. — Objectif anlispeclroscopique.
MM. Lumière ont fait connaître le mode de préparation des
'écrans à employer avec leurs plaques :
Violet.. Eau 20 ce.
Solution de bleu méthylène à 1/2 p. 100 20 —
Vert... Solution de bleu méthylène à 1/2 p. 100 5 ce.
Solution d'auramine à 1/2 p. 100 30 —
Orange'. Solution d'érythrosine à 1/2 p. 100 18 ce.
Solution de jaune métanile saturée à 15° 20 —
i
Dans chacune de ces trois solutions, filtrées et amenées à la tem-
pérature de 20°, on immerge, pendant 5 minutes, deux glaces à
faces parallèles recouvertes d'une couche de gélatine. Les bains
doivent être constamment agités pendant la teinture. Après un
lavage sommaire, on fait sécher les plaques à l'abri des poussières
3o6
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
et on les colle deux à deux, gélatine contre gélatine, au moyen
d'une solution visqueuse de baume du Canada dans le chloroforme.
Derrière Técran violet, on emploie une plaque Lumière étiquette
bleue; derrière Fécran vert, une plaque Lumière orthochromati-
que série A; enfin, derrière l'écran orangé, une plaque Lumière
orthochromatique série B. Le temps de pose est environ 10 à 12
fois plus long avec les écrans vert et orangé qu'avec l'écran violet.
Toutefois, cette indication n'est qu'approximative, le rapport précis
entre les durées des trois poses variant pour chaque série d'écrans.
Dans certains cas, il est utile de compléter l'effet des trois mono-
chromes par un quatrième tirage, exécuté en noir. Le négatif cor-
respondant est alors impressionné en interposant un verre jaune.
Le tableau suivant reproduit les formules de préparation de qua-
tre écrans combinés par M. Ludwig Englich*.
ECRAN
VIOLET
SOLUTIONS COLORÉES DE RÉSERVE
Bleu-carmin chimiquementpur. 2 gram.
Violet acide 1 gram.
Acide acétique cristallisable . . . V gout.
Eau distillée tiède. . . , ...... . . 50 ce.
ECRAN
VERT
'Jaune naphtol S 3 gram.
Bleu-carmin chimiquement pur. 2 gram.
I Vert naphtol Hœchst 0»%5
j Acide acétique VI gout.
Eau distillée tiède 150 oc.
Rouge dianile Hœchst 3 gram.
ÉCRAN Tartrazine chimiquement pure. O^^S
ORANGÉ Acide acétique VIII gout,
iEau distillée tiède 100 ce.
ÉCRAN "^^^"^ naphtol S 4 gram.
JAUNE ^^^^® acétique V gout.
Eau distillée tiède 150 ce.
MIXTIONS COLORÉES
Solution violette .... 6 ce.
Solution de gélatine
à 10 p. 100 lOOcc,
Solution verte 5 ce,
Solution de gélatine. lOOcc,
Solution orange, . .. 6 ce.
Solution de gélatine. 100 ce.
Solution jaune 8cc.
Solution de gélatine. 100 ce.
1. Le Procéc?é Juillet 1907.
LE PROCÉDÉ TRICHROME
3o7
-^^^
Fig. 127. — Cuves pour écrans liquides.
Chacune de ces mixtions colorées est coulée sur deux glaces
identiques, à raison de 8 ce. par décimètre carré. Après dessicca-
tion, les glaces sont collées au baume du Canada.
Pour réaliser une sélection plus parfaite, on remplace parfois
les écrans secs par des écrans liquides, constitués par des cuves
en verre à faces paral-
lèles remplies de li-
quides colorants. La
fig. 127 représente une
série de trois cuves
adaptées à la même
monture, ce qui permet
d'exécuter les trois
poses successives avec
le moins de perte de
temps possible. Les formules d'écrans liquides indiquées dans le
tableau suivant, d'après M. Ludwig Englich, sont prévues pour
l'emploi de cuves dont la distance entre joues soit de 5 millimè-
tres. Pour des cuves de 10 millimètres, les liqueurs devraient être
diluées d'un égal volume d'eau.
Ecran violet {cliché du jaune).
Solution à 0,5/1000^ de violet de méthyle crist. chimiquement pur .... 250 ce.
Eau distillée ',.......,.. Quantité suffisante pour compléter à 1.000 —
Ecran vert {cliché du rouge).
Solution à 5/1000^ d'acide picrique chimiquement pur 210 ce.
Solution à 1/1000« de bleu-carmin chimiquement pur Hœchst 80 —
Eau distillée Quantité suffisante pour compléter à 1.000 —
Ecran orangé {cliché du bleu).
Solution à 2/1000" de mandarine G , -. . 260 ce.
■ Solution à 2/1000^ d'écarlate de Biebrich R 210 —
Eau distillée . . . . , Quantité suffisante pour compléter à 1.000 —
Ecran jaune {cliché du noir).
Solution à 5/1000" de jaune naphtol S 165 ce.
Eau distillée Quantité suffisante pour compléter à 1.000 —
Ces solutions doivent être soigneusement filtrées et conservées
dans l'obscurité, en flacons bien bouchés. Quand le cliché du jaune
est exécuté sur plaque au collodion humide (pour tirages photo-
358 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
mécaniques), le liquide violet est remplacé par de l'eau pure ou,
ce qui est préférable, par une solution de sulfate de quinine ou
d'esculine qui absorbe l'ultra-violet.
Les plaques impressionnées derrière les filtres sélecteurs doivent
être développées de manière à obtenir trois (ou quatre) phototypes
de mêmes densités. On conçoit, en effet, que si le cliché corres-
pondant, par exemple, au bleu était doux et faible, et le cliché du
rouge très intense et heurté, il ne serait pas possible de réaliser
un coloris exact et bien équilibré.
Synthèse par le procédé au charbon. — Le principe des tirages
trichromes au charbon a déjà été brièvement exposé (p. 352). En
pratique, quelques précautions spéciales sont nécessaires, notam-
ment pour éviter Tinégale extension des trois couches qui rendrait
impossible le repérage exact des images monochromes à super-
poser. Cette difficulté est évitée si l'on emploie le papier mixtionné
Vaucamps. Ce papier, livré en bandes de 76 centimètres de lar-
geur, porte côte à côte trois couches mixtionnées respectivement
en bleu, jaune et rouge, ayant chacune une largeur utihsable de
22 centimètres environ. Ces trois couches sont, à la nuance près,
de constitution identique et, étant coulées en même temps par la
même machine, présentent toujours une épaisseur identique; étant
coulées sur le même papier, trois feuilles, coupées dans le même
sens à un même rouleau, subiront nécessairement des exteusions
identiques.
La sensibilisation, le tirage, le transfert provisoire sur verre
ciré, s'effectuent comme à l'ordinaire, et le lecteur n'a qu'à se repor-
ter à Ce qui en a été dit au chapitre XIL L'essentiel, pour assurer
l'équilibre entre les trois impressions, est de traiter simultané-
ment les trois papiers, le bleu, le jaune et le rouge. Ainsi, on les
laissera immergés en même temps dans le bain de bichromate,
afin qu'ils possèdent tous trois la même sensibilité; la dessicca-
tion s'accompUra à la même température, le tirage aura lieu dans
des conditions identiques d'éclairage et d'état hygrométrique;
le dépouillement, enfin, ne sera pas effectué dans une eau plus
chaude ou plus froide.
Le support définitif est constitué par du papier de Rives recou-
vert d'une couche de gélatine. On y applique d'abord le mono-
LE PROCÉDÉ TRICHROME 359
chrome jaune : la plaque cirée qui le porte est mise dans l'eau,
ainsi que le papier gélatine; on met les deux couches de gélatine
en contact, on sort le tout, on éponge le papier et on passe la
raclette afin de chasser Feau et les bulles d'air. On laisse ensuite
sécher, en ayant soin de coller sur les bords des bandes de papier
qui empêcheront l'épreuve d'abandonner le support rigide avant
complète dessiccation. Quand le séchage est terminé, on incise avec
un canif bien aiguisé les quatre bords du papier, on le soulève par
un des coins et on le détache avec précaution. On le plonge alors
vivement dans une solution de gélatine à 4 p. 100 maintenue tiède
(25° environ), et on le retire aussitôt.
On procède ensuite au transfert du monochrome bleu, qui s'ef-
fectue comme le précédent, avec cette différence qu'il s'agit de
repérer les deux images. Après avoir passé la raclette, on fait glis-
ser les deux surfaces gélatinées l'une contre l'autre, jusqu'à ce
que l'image bleue et l'image jaune coïncident exactement. On passe
alors de nouveau la raclette, on éponge e^t on laisse sécher. On
procède de même pour transférer le monochrome rouge.
Procédé par imbibition. — Une variante intéressante de la mé-
thode précédente consiste à impressionner trois pellicules bichro-
matées incolores et à ne les colorer qu'après le lavage dans l'eau
chaude, en les immergeant dans des solutions respectivement bleue,
jaune et rouge. L'avantage de la synthèse par imbibition, c'est
qu'elle permet de rectifier le coloris, quand l'un des monoc^omes
est trop faible ou trop intense, en renforçant sa coloration pcir une
nouvelle teinture ou en l'atténuant au moyen d'un lavage plus ou
moins prolongé.
La pellicule impressionnée sous le cUché sélectionné par l'écran
violet est colorée en jaune, après dépouillement dans l'eau chaude,
par imbibition au moyen de la solution suivante :
Eau 1.000 ce.
Ghrysophénine G 4 gr.
Faire dissoudre à 70° et ajouter alcool 200 ce.
LapelHcule impressionnée sous le cliché sélectionné par l'écran
vert est colorée en rouge par la solution :
Eau 1.000 ce.
Solution à 3 p. 100 d'érythrosine J r?5 —
360 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
La pellicule impressionnée sous le cliché sélectionné par l'écran
orangé est teinte dans :
Eau 1.000 ce. .
Solution de bleu pur diamine F à 3 p. 100 50 —
Solution de colle forte à 15 p. 100 70 —
Les images primitivement incolores, constituées par des épais-
seurs variables de gélatine insolubilisée, se colorent progressive-
ment, en absorbant le liquide colorant proportionnellement à leurs
reliefs. La coloration n'est complète qu'après environ 12 heures
d'immersion. On lave ensuite sommairement, et on fait sécher.
Avant de superposer définitivement les trois pellicules colorées,
on les applique Tune sur l'autre, sans les coller, afin de vérifier si
la synthèse est exacte. Presque toujours, cette superposition pro-
visoire révèle quelque inégalité et indique quelles sont les correc-
tions à faire subir aux monochromes. Par exemple, si la résultante
des trois impressions est trop verte, on renforcera le monochrome
rouge en l'immergeant de nouveau dans la^ solution d'érythrosine.
On peut également affaiblir un ou deux monochromes, par lavage
à l'eau pure. Toutefois, si l'on emploie les colorants indiqués ci-
dessus, le jaune et le rouge sont seuls susceptibles d'être affaiblis de
la sorte. Le bleu pur diamine fixé sur la gélatine bichromatée résiste
aux dissolvants ordinaires et ne dégorge que dans l'eau contenant
1 p. 100 de colle forte.
Ces corrections achevées, les trois pellicules sont transportées
sur verre, si l'on veut obtenir un diapositif en couleurs, ou sur
papier, s'il s'agit d'exécuter une épreuve visible par réflexion. Dans
ce dernier cas, les monochromes doivent être rnoins fortement
colorés. Ces transferts s'efTectuenf de la même manière que dans
le procédé au charbon.
Par cette combinaison, MM. A. et L. Lumière ont exécuté de
splendides diapositifs stéréoscopiques dont le rendu, saisissant de
vérité, a gagné l'admiration de tous ceux qui ont pu les examiner.
Mais ce sont là des résultats exceptionnels, et la complication des
opérations qui viennent d'être succinctement résumées est trop
souvent la cause d'échecs décourageants.
Similigravure tr^chrome. — Les phototypes destinés à la
similigravure en couleurs sont impressionnés, comme d'habitude,
LE PROCÉDÉ TRICHROME
361
derrière une trame. Toutefois, il importe d'éviter la superposition
des pointille's, surtout dans les demi-teintes qui présentent de déli-
cates nuances, sans quoi les couleurs mélangées seraient ternes
et lourdes : pour réaliser un coloris brillant et frais, il vaut mieux
que les pointillés soient simplement juxtaposés, sauf dans les prin-
cipales ombres du tableau, où la superposition des trois encres
aura l'avantage de se traduire par un noir intense et profond.
Dans ce but, on emploie quelquefois trois trames différentes.
Dans ce cas, la trame correspondant au monochrome bleu est
quadrillée, celle du jaune est formée de traits parallèles dirigés
obliquement, et celle du rouge par des traits obliques dirigés à
angle droit par rapport à ceux du jaune. Il faut, en effet, que les
traits de chaque trame présentent une inclinaison différente.
S'ils étaient tous dirigés dans le même sens, il en résulterait un
moirage.
Cependant, il n'est pas indispensable d'employer une trame
spéciale pour chaque monochrome. On construit des trames mon-
tées sur châssis tournant (Û2-.
128). La même trame sert ain>i
pour les trois clichés : il sufliL
de la fixer dans des positions
différentes. En même temps,
on change aussi le diaphrag-
me : ainsi, on emploiera, par
exemple, un diaphragme or-
dinaire pour le bleu, un dia-
phragme allongé obliquement
pour le jaune, et un diaphrag-
me également allongé, mais
oblique dans le sens opposé,
pour le rouge.
Il va sans dire que l'exposi-
tion de chacune des trois plaques s'effectue en plaçant devant l'ob-
jectif un écran coloré, solide ou liquide, violet pour le cliché des-
tiné à l'impression du jaune, vert pour le cliché du rouge et orangé
pour le cliché du bleu.
Chacun de ces clichés tramés sert ensuite à exécuter une plan-
21
l'iK. J.-CÙ. — PurLe-irame rotatif.
362 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
che sur cuivre, traitée par le procédé émail que nous avons décrit
au chapitre précédent.
Le procédé trichrome permet ainsi d'arriver, h l'aide de trois
tirages seulement, à des résultats qui valent au moins autant que
les anciennes chromolithographies, qui exigeaient la préparation
de sept ou huit planches et même d'un plus grand nombre. Le
triage des couleurs constitutives de ces chromos était d'ailleurs
très long, très difficile, et exigeait des artistes habiles, tandis que
les phototypes analytiques s'effectuent automatiquement, par la
simple interposition des filtres sélecteurs violet, vert et orangé.
L'exposition successive des trois clichés, dont deux exigent
l'interposition d'écrans qui décuplent la durée du temps de pose,
excluait jusqu'à ces dernières années la reproduction des sujets
animés. L'invention des plaques à filtres colorés (autochromes et
autres), que nous étudierons dans le chapitre suivant, évite désor-
mais toute difficulté. Le sujet est d'abord reproduit sur une plaque
autochrome ou sur une plaque similaire, et c'est ensuite ce diapo-
sitif en couleurs qui sert à obtenir les trois clichés analytiques pai*
interposition d'écrans sélecteurs violet, vert et orangé.
Les trois planches une fois gravées, le repérage des impressions
monochromes, ainsi que leur mise en train pour bien équilibrer
le coloris, nécessitent beaucoup de soin. Mais, une fois ce réglage
préliminaire convenablement effectué, les tirages se succèdent
rapidement et avec une régularité très satisfaisante, en sorte que
le prix de revient de chaque épreuve en couleurs finit par être
extrêmement modique.
La similigravure trichrome réalise donc un progrès appréciable
sur les anciens modes d'impression en couleurs, mais il ne s'ensuit
pas qu'elle échappe à toute critique. Trop souvent, le rendu des
couleurs laisse k désirer, et il n'est pas rare que le coloris soit
criard, quand il n'est pas entièrement faussé. Ces défauts sont dus
tantôt à une sélection imparfaite des teintes fondamentales, tantôt
à un orlhochromatisme insuffisant des émulsions, tantôt à la com-
plexité et à la longueur des opérations au cours desquelles la
moindre erreur est susceptible de compromettre le résultat final.
Qu'une couleur soit, même très légèrement, ou trop forte ou trop
faible, et l'équilibre se trouve complètement rompu.
LE PROCÉDÉ TRICHROME 363
C'est pourquoi les ateliers soucieux de ne livrer que des produits
irréprochables ont l'habitude de faire retoucher leurs clichés par
des ouvriers expérimentés et d'ajouter, au besoin, une quatrième
planche aux trois monochromes ordinaires. Ce tirage supplémen-
taire, en noir ou en brun, est effectué d'après un cliché exposé
derrière un écran jaune. Quelquefois, cependant, ce monochrome
additionnel est exécuté dans une autre nuance, suivant l'effet à
obtenir, soit pour compléter le coloris, soit pour en corriger les
inexactitudes.
On pourrait souhaiter que les trames utilisées en simili trichrome
fussent notablement plus fines que celles dont on se sert actuelle-
ment, afin que les éléments colorés révèlent d'une manière moins
apparente leurs formes géométriques. C'est dans ce but que les
trames rayées ou quadrillées sont parfois remplacées par des
trames à grain irrégulier. Il faudrait aussi trouver le moyen de se
passer de ces papiers couchés dont le satinage excessif blesse la
vue. Ces deux inconvénients ont déjà pu être atténués, en gaufrant
le papier après l'impression. Le grain de ce gaufrage, qui imite
l'aspect du papier à dessin, détruit partiellement le lustre de la
surface, en même temps qu'il dissimule un peu la trame de simili-
gravure. Malheureusement, cette amélioration est limitée aux
images destinées à être encadrées ou montées séparément; elle
ne saurait s'appliquer aisément à l'illustration du livre.
OUVRAGES A CONSULTER
H. Galmels et L.-P. Clerc, la Reproduction photographique des couleurs,
Paris (H. Galmels), 1907.
E. GousTET, la Photographie des couleurs, Paris (Larousse), 1907.
Gh, Gros, Solution générale du problème de la photographie en couleurs, Paris
(Gauthier- Villars), 1869.
A. Ducos DU Hauron, la Triplice photographique des couleurs et l'Imprimerie,
Paris (Gauthier-Villars), 1897.
A. ET L. Ducos DU Hauron, Traité pratique de la photographie des couleurs,
Paris (Gauthier-Yillars), 1878.
L. Ducos DU Hauron, les Couleurs en photographie ; solution du problème,
Paris (Marion), 1869.
L. Ducos DU Hauron, les Couleurs en photographie et, en particulier, rHéliO'
chromie au charbon, Paris (Marion), 1870.
364 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
F. Drouin, la Photographie des couleurs, Paris (Ch. Mendel), 1896.
G. Fritsch. Beitrcic/ezur Dreifarhen-Photographie, Halle a/S. (W. Knapp).
Hesse, La Chromolithographie et la Photochromolithographie , Paris (Gautbier-
Villars).
A.-F. VON HiJBL, Die Dreifarhenphotographie mît besonderer Berûcksichtigung
des Dreifarhendrukes usw., 2^ édition, Halle a/S. (W. Knapp).
E. KoNiG ET E.-J. Wall, Natural Colour Photography, Londres (Dawbarn et
Ward), 1906,
L. Tranchant, la Photographie des couleurs simplifiée, Paris (H. Desforges),
1903.
L. Vidal , la Photographie des couleurs par impressions pigmentaires superpo-
sées, Paris (Gh. Mendel), 1904.
L.-P. Clrrc, les Reproductions photomécaniques polychsomes, Paris (0. Doin et
fils), 1919.
LES PLAQUES A FILTRES COLORES . 36!>
CHAPITRE XVIII
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS
Invention de la trichromie par éléments juxtaposés. — Ducos
du Hauron, à la fin de son brevet du 23 novembre 1868 (déjà cité
p. 349), signalait une importante simplification du procédé tri-
chrome : « Enfin, disait-il, il existe une dernière méthode par
laquelle la triple opération se fait sur une seule surface. Le tami-
sage des trois couleurs simples s'accomplit non plus au moyen de
verres colorés, mais au moyen d'une feuille translucide recouverte
mécaniquement d'un grain de trois couleurs. »
Supposons, en effet, qu'une plaque sensible à toutes les couleurs
soit exposée, dans la chambre noire, derrière un filtre trichrome,
c'est-à-dire derrière un écran transparent composé d'une multitude
d'éléments colorés les uns en violet, d'autres en vert et les autres
en orangé. Si les teintes de tous ces éléments sont bien équilibrées,
l'écran observé d'une certaine distance paraîtra incolore, mais la
plaque sensible impressionnée derrière ce filtre, développée, fixée
et replacée en contact avec le même écran, exactement dans la
même position qu'auparavant, montrera un négatif coloré dont les
teintes seront les complémentaires de celles du modèle photogra-
phié. En effet, les rayons lumineux transmis par l'objectif traver-
sent les particules colorées, avant d'atteindre le gélatinobromure,
et subissent, par conséquent, suivant leur couleur propre et suivant
la couleur des éléments qu'ils rencontrent, une absorption variable.
Il en résulte une sélection qui aura pour effet de rendre certains
éléments colorés invisibles et de ne plus laisser paraître que telle
ou telle nuance.
Considérons, par exemple, une région de l'image colorée en bleu:
il est clair que les radiations bleues seront absorbées par les élé-
ments sélecteurs orangés, tandis que les éléments violets et verts
les laisseront passer. La couche sensible sera donc impressionnée
366 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
SOUS les éléments violets et sous les éléments verts, tandis qu'elle
restera inaltérée sous les éléments orangés. Au développement,
le révélateur réduira le sel d'argent impressionné, en sorte que,
lorsqu'on superposera de nouveau le cliché et le filtre coloré, les
éléments violets et verts seront masqués par l'argent réduit à
l'état métallique et opaque, tandis que les éléments orangés res-
teront visibles à travers les transparences du phototype.
La même analyse montrerait que, sous la lumière verte, les élé-
ments verts seront cachés et que la couche apparaîtra colorée en
rouge, par suite de la visibihté des éléments orangés et des élé-
ments violets. Un raisonnement identique s'appliquerait à n'im-
porte quelle nuance et expliquerait comment chaque couleur,
simple ou coïîïposée, doit se trouver représentée par sa complé-
mentaire. Quanta la lumière blanche, elle impressionnera l'émul-
sion derrière tous les éléments qui, tous, se trouveront ensuite
masqués par les opacités de l'argent réduit. Au contraire, un objet
noir ne déterminant aucune impression, tous les éléments colorés
correspondant à cette partie de l'image demeureront visibles, et la
résultante des trois couleurs fondamentales vues simultanément
sera blanche. Les demi-teintes, les tons rompus, seront, bien en-
tendu, représentés par la disparition partielle des éléments "sélec-
teurs correspondants.
Le négatif ainsi obtenu pourrait facilement être transformé en
diapositif par la méthode d'inversion déjà décrite p. 309 (dissolution
de l'argent dans l'acide chromique et second développement). Mais
on peut aussi conserver le négatif tel quel et le photographier à
l'aide d'une plaque également exposée derrière un filtre trichrome :
on obtient alors une image dont les couleurs sont les complémen-
taires de celles du négatif, c'est-à-dire les couleurs mêmes du sujet
à reproduire.
Tels sont les résultats auxquels aurait dû, théoriquement, abou-
tir la combinaison suggérée par Ducos du Hauron. En fait, elle est
restée impraticable pendant près de quarante ans. L'application en
était d'abord impossible, à une époque où l'orthochromatisme
n'existait pas encore; en outre, l'emploi d'une trame séparée de la
plaque exigeait un repérage dont la difficulté croissait avec l'exi-
guïté des éléments sélecteurs.
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS ' 367
En 1892, Mac Donough proposait de rendre la trame trichrome
solidaire de l'émulsion. Une plaque de verre enduite d'un vernis
poisseux était saupoudrée de particules gélatineuses ou résineuses
colorées en violet, en vert et en rouge-orangé. On obtenait ainsi
une mosaïque microscopique sur laquelle était coulée une émul-
sipn au gélatinobromure panchromatique. Toutefois, comme cette
émulsion conservait un excès de sensibilité pour le violet et le bleu,
l'inventeur jugeait nécessaire d'interposer, pendant l'exposition, un
verre jaune compensateur. Ce perfectionnement décisif resta néan-
moins à l'état de projet et passa à ce point inaperçu que, deux ans
plus tard, on considérait comme une innovation la combinaison sui-
vante. *
Revenant au dispositif décrit 26 ans auparavant par Ducos du
Hauron, M. John Joly, de Dublin, faisait breveter, en 1894, une
trame trichrome distincte et indépendante de la couche sensible.
Cette trame était constituée par une glace sur laquelle étaient tra-
cées des lignes colorées transparentes et parallèles, alternativement
violettes, vertes et orangées. Il y avait environ 8 de ces lignes par
millimètre. Le repérage ne présentait pas de grandes difficultés,
mais l'interposition de la trame, d'une finesse insuffisante, se tra-
duisait par un aspect choquant : l'image examinée dans ces condi-
tions paraissait comme entrevue à travers les barreaux d'une cage.
Pour atténuer ce défaut, il fallait rendre les éléments sélecteurs
assez exigus pour demeurer invisibles à l'œil nu. Mais le repérage
se fait de plus en plus délicat à mesure qu'augmente cette exiguïté,
et finit même par devenir impossible, si bien qu'on se trouve amené
à rendre le filtre sélecteur solidaire de la couche sensible, comme
le proposait Mac Donough. L'image reste alors constamment visi-
ble avec ses couleurs; mais, comme chaque plaque doit être munie
de son écran trichrome, il est indispensable que ce dernier puisse
être fabriqué à bas prix.
Le premier écran réunissant les conditions requises a été réalisé
par MM. A. et L. Lumière, dont les plaques autochromes, inventées
en 1904 et mises dans le commerce en 1907, ont fait de la trichro-
mie par éléments juxtaposés le plus simple et le plus remarquable
de tous les procédés de photographie en couleurs.
Fabrication des plaques autochromes. — Les éléments colorés
368 TRAITé'gÉNÊRAL DE PHOTOGRAPHIE
du filtre sélecteur imaginé par MM. Lumière sont des grains de
fécule de pomme de terre choisis (par tamisage) parmi ceux dont
les dimensions sont comprises entre 10 et 12 millièmes de millimètre.
Ces granules, ovales, très transparents et facilement perméables
aux solutions colorantes, forment une poudre blanche très fine que
l'on divise en trois lots, respectivement colorés en violet, en vert
ou en rouge-orangé. Après dessiccation, les trois poudres colorées
sont mélangées, en proportions telles que le mélange ne présente
point de teinte dominante. Ce pigment, gris neutre pour qui le
voit à l'œil nu, est étalé sur des plaques de verre préalablement
recouvertes d'un enduit poisseux. Ce saupoudrage est exécuté de
telle sorte que la surface de chaque verre se trouve uniformément
couverte de grains se touchant tous, sans aucune superposition.
Toutefois, bien que les grains de fécule se touchent, il reste inévi-
tablement entre eux, en raison de leur forme ovale, des interstices
qui laisseraient passer la lumière et qu'il faut boucher. On écrase
donc par laminage les grains sur leur support, de manière à les
rendre polygonaux et contigus par leurs bords, et les petites lacunes
qui subsistent après cette opération sont bouchées par un saupou-
drage de noir opaque.
Le filtre trichrome ainsi préparé contient environ huit à neuf
mille élàments colorés par millimètre carré. C'est dire qu'il est
impossible d'en soupçonner, sans le secours d'une loupe, la consti-
tution granuleuse et tricolore : la vue la plus perçante n'y aper-
çoit qu'une surface translucide, blanche par transparence et gris
neutre par lumière réfléchie. Naturellement, il n'en est plus de même
si l'examen se fait au microscope ; cette surface, en apparence inco-
lore, se montre formée de particules rondes ou polygonales très
richement colorées en violet, en vert et en orangé, séparées les
unes des autres par d'étroits lisérés opaques.
Cet écran est ensuite protégé par un vernis transparent, sur lequel
est enfin coulée, après dessiccation, une émulsion très sensible et
de grain très fin, en couche extrêmement mince.
Les plaques autochromes ainsi préparées ne doivent être mani-
pulées qu'avec précaution, autant que possible dans l'obscurité
complète, en raison de leur sensibilité à toutes les couleurs visi-
bles. En outre, elles ne conservent pas indéfiniment leurs propriétés
LES PLAQUES A FILTRES COLORES 369
et présentent parfois, au bout de quelques mois, des traces d'alté-
ration qui se manifestent même plus vite quand elles n'ont pas été
suffisamment préservées de la chaleur et de l'humidité. C'est pour-
quoi les boîtes contenant ces plaques portent une date indiquant
l'époque avant laquelle il convient de les utiliser. Toutefois, si on
les laisse dans leur emballage d'origine, où l'émulsion se trouve
en contact avec un carton noir spécial, la durée de conservation
dépasse de 4 à 5 mois la date limite d'utilisation indiquée sur les
boîtesc
Exposition des plaques autochromes. — Les plaques autochro-
mes étant très sensibles à toutes les radiations visibles, l'ouver-
ture des boîtes qui les contiennent et la mise en châssis ne doivent
être exécutées qu'en lumière rouge extrêmement faible ou à la lueur
d'une lanterne garnie de papiers Virida spécialement préparés à
cet effet par MM. Lumière.
Chaque plaque est mise dans le châssis verre en avant et géla-
tine en arrière, contrairement à la disposition habituelle, car il est
nécessaire que la lumière n'impressionne l'émulsion qu'après avoir
traversé les granules colorés. Comme la couche sensible est très
fragile, un carton noir la préserve des rayures qu'occasionneraient
les ressorts du châssis.
L'exposition de la plaque par le revers modifie évidemment la
mise au point. Toutefois, aucune correction n'est nécessaire, si l'on
place en arrière de l'objectif le verre jaune préparé par les fabri-
cants. L'interposition d'un verre détermine, en effet, une élonga-
tion du plan focal, et l'épaisseur du verre jaune est calculée de
manière à compenser assez exactement le recul occasionné par le
retournement de la plaque sensible.
On peut aussi effectuer la mise au point en retournant le verre
dépoli et placer le verre jaune en avant de l'objectif. Mais, de toute
façon, l'interposition de ce verre est indispensable pour compen-
ser les différences d'actinisme. Cet écran a l'inconvénient d'allon-
ger notablement le temps de pose, mais, sans cette précaution, on
n'obtiendrait qu'une image bleue ou violacée. La nuance de l'écran
fabriqué par MM. Lumière a été choisie avec le plus grand soin,
de manière à réaliser une compensation chromatique rigoureuse-
ment exacte. Avec tout autre écran, l'effet serait presque à coup
370 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
sûr imparfait; une couleur dominerait plus ou moins, au de'triment
des autres, et le coloris tout entier en serait inévitablement faussé.
Malgré l'extrême sensibilité de leur émulsion, les plaques auto-
chromes nécessitent une exposition environ 50 fois plus longue
que les plaques Lumière étiquette bleue. La raison en est due à la
double absorption que subissent les rayons lumineux en traver-
sant d'abord le verre jaune, puis les grains de fécule colorés.
Vers le milieu de la journée, en plein soleil, pendant la belle
saison, le temps de pose sera approximativement de 1 seconde et
demie, si l'ouverture de l'objectif est égale à F : 10.
Traitement normal des autochromes. — La plaque impression-
née sera préservée de la lumière avec les mêmes précautions qu'au
moment de la mise en châssis. On la placera dans une cuvette en
porcelaine recouverte d'une planchette ou d'un carton, à moins
qu'on ne fasse usage d'une cuve à fermeture étanche, dont il sera
question plus loin.
Premier développement. — On prépare d'abord :
A. Eau 100 ce.
Bisulfite de soude liquide 2 gouttes
Acide pyrogallique 3 gr.
Bromure de potassium 3 —
B. Eau 85 ce.
Sulfite de soude anhydre 10 gr.
Ammoniaque à 22° B 15 ce.
Pour une plaque 13x18, on prendra :
Eau 100 ce.
Solution A 10 —
Solution B IQ —
Ce mélange, ne se conservant pas, ne doit être préparé qu'au mo-
ment de l'emploi. Il ne sert qu'une seule fois et doit être jeté après ;
il est d'ailleurs déjà coloré avant la fin du développement.
Au moment où ce révélateur est versé dans la cuvette contenant
la plaque, on consulte une montre, en même temps qu'on remet en
place le couvercle ou la planchette qui doit préserver l'émulsion
de la moindre lumière. La durée du développement est strictement
limitée : elle est exactement de 2 minutes et demie, à la tempéra-
ture de 15» à 16° qu'il est bon de ne pas dépasser.
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS
311
Cuve Marbach.
Au bout de ce laps de temps, la plaque est retirée du révélateur
et lavée dans l'eau pure pendant 30 secondes environ. On la plonge
ensuite dans le bain d'inversion.
Le développement h durée fixe peut être effectué hors du labo-
ratoire, si l'on emploie- certaines cuvettes spécialement construites
dans ce but, par exemple
la cuve Marbach. Cet ap-
pareil (fîg. 129 et 130) se
compose de deux parties,
la cuvette proprement dite
et son couvercle. Une
double gorge A (fîg. 130)
qui entoure le récipient
et dans laquelle s'engage
le couvercle empêche toute introduction de lumière. Sur le cou-
vercle est ménagée une ouverture C, avec des chicanes qui per-
mettent déverser le liquide à l'intérieur sans que le moindre rayon
lumineux y puisse pénétrer. Une autre ouverture D, percée au fond
de la cuvette et munie également de chicanes, laisse rapidement
écouler les liquides, dés qu'on retire le bouchon qui la ferme, sans
laisser entrer la lumière. On introduit d'abord la plaque âutochrome
dans la cuvette, soit en s'enfermant un instant dans le cabinet noir,
soit au moyen d'un manchon en étoffe opaque, et l'on met le cou-
vercle en place. Rien
n'empêche ensuite de
porter l'appareil en
plein jour et de l'y lais-
ser aussi longtemps
qu'il sera nécessaire;
, On a pu opérer en plein
^ soleily sans remarquer
le moindre voile. Au
Fig. 130. — Coupe de la cuve Marbach.
moment de développer, on prépare le révélateur comme il est dit
plus haut, et on le verse par l'orifice d'admission, dont la surface
est très large, de façon que l'action du bain soit immédiate sur
toute l'étendue de la plaque. On consulte alors une montre (ce qui
est beaucoup plus facile en plein jour que dans le laboratoire, -sur-
372 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
tout avec l'éclairage très atténué qu'exige l'émulsion des aulochro-
mes), on balance régulièrement la cuve, et, au bout de 2 minutes
et demie, on enlève le bouchon, ce qui permet au révélateur de
s'écouler instantanément. On verse alors de l'eau pure par l'orifice
supérieur, et on lave jusqu'à ce que le liquide qui sort par le fond
,C soit parfaitement clair. On
remet ensuite le bouchon, et
■^ on introduit la solution de
(T- -^ permanganate acide qui -va
-é,%. servir à l'inversion. Au bout
^^^^•^j^^^ de quelques secondes, on
\ 'Wim^ ^;:^^^é^^^^^^W peut, sans inconvénient, en-
^^^Sé^f^^^^^^ lever le couvercle et continuer
^^""^^"^^--^^^s^s^w^^ en plem jour les opérations
que nous allons décrire.
Une autre combinaison a
r^" été imaginée par M. Macken-
steln. La plaque autochrome
est placée dans un châssis
Fig. 131. -Cuve Mackenstein, pour le déve- spécial, qui s'adapte à une
loppement des plaques autochromes. -, i ^ . ,
cuve elanche et permet de
procéder au développement sans qu'il soit nécessaire de se servir
d'un manchon ni de passer dans le laboratoire. Le châssis une fois
engagé dans les glissières du couvercle G (fig. 131), on démasque la
plaque en tirant le volet A et on la fait tomber dans le récipient, en
faisant fonctionner le levier de déclanchement B. Les liquides sont
introduits par un tube de caoutchouc finissant en entonnoir et
fermé par une bague-pince E.
Inversion. — Le bain de dissolution de l'argent réduit constituant
le négatif est préparé en mélangeant :
G. Eau 1.000 ce.
Permanganate de potasse 2 gr.
Acide sulfurique à 66° B 10 ce.
Gette solution se conserve un certain temps. Il faut la rejeter dès
qu'elle devient trouble et se décolore.
La plaque développée et lavée est plongée dans le bain de per-
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 37a
manganate acide. A partir de ce moment, les opérations peuvent
et doivent même s'accomplir en pleine lumière.
L'argent réduit par le révélateur est rapidement dissous par la
solution C, et la plaque examinée par transparence montre déjà
un positif en couleurs, très faible, il est vrai, et d'un aspect assez
désagréable, car ses opacités ne sont constituées que par le bro-
mure d'argent resté inattaqué par le révélateur. C'est justement
afin de pouvoir noircir rapidement ce bromure par un second
développement qu'il est nécessaire d'opérer en pleine lumière.
Au bout de 2 à 3 minutes, la dissolution de l'argent est com-
plète, et on jette la solution G, qui ne doit servir qu'une fois. On
lave alors la plaque pendant 15 à 20 secondes En même temps,
on prépare le second révélateur. Pendant l'été, il est utile d'assu-
rer à la gélatine une résistance suffisante en la plongeant pendant
2 minutes environ, au sortir du bain de dissolution du négatif,
dans :
Eau 1.000 ce.
Alun de chrome 10 gr.
On rince ensuite la plaque, avant de la passer dans le second
révélateur. On peut aussi, dans le même but, laisser sécher la pla-
que, avant de procéder au second développement.
Second développement. — On prépare, au moment d'opérer :
D. Eau 100 ce.
Sulfite de soude anhydre 1 gr. 5
Diamidophénol 0 gr. 5
La plaque est laissée dans ce bain, en pleine lumière, pendant
2 à 3 minutes. Dès ce moment l'image est complète et, si on la
juge suffisamment vigoureuse, il n'y a plus qu'à laisser sécher et
à vernir ensuite la couche, comme nous le verrons plus loin. Mais,
le plus souvent, elle est un peu pâle et gagne beaucoup à subir un
renforcement, qui avive l'éclat des couleurs. Toutefois, rien n'em-
pêche de laisser sécher la couche et de remettre à un autre jour
la suite des opérations.
Oxydation. — Avant de renforcer l'image, il est indispensable
d'éliminer la moindre trace de révélateur contenu dans la couche,
en plongeant la plaque, préalablement lavée pendant 30 à 40 se-
condes, dans :
374 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
E. Eau 1.000 ce.
Solution de permanganate acide G 20 —
L'immersion dans ce bain ne dure que 10 secondes environ. On
lave ensuite pendant 15 à 20 secondes, et on procède au renfor-
cement.
Renforcement. — On prépare d'avance :
F. Eau distillée 1.000 ce.
Acide pyrogallique 3 gr.
Acide citrique 3 gr,
G. Eau distillée 100 ce.
Nitrate d'argent 5 gr.
Pour renforcer, on prend :
Solution F ,... 100 ce.
Solution G ' 10 —
Il faut observer l'accroissement d'intensité du diapositif, en
l'examinant de temps en temps par transparence. Comme le nitrate
d'argent salit les doigts, il est bon de saisir la plaque dans une
pince spéciale dont les mâchoires doivent être en corne, en ébo-
nite ou en celluloïd, et non pas en métal.
Le mélange ci-dessus jaunit peu à peu et finit par se troubler.
Il doit être employé au plus vite et rejeté aussitôt que le trouble
commence à se manifester. Presque toujours, le renforcement est
suffisant avant que cette limite soit atteinte. Néanmoins, si l'on
juge nécessaire de pousser plus loin l'intensification, il faudra pré-
parer un nouveau bain, identique au premier, et procéder à un
second renforcement, mais seulement après avoir passé la plaque
dans l'eau, puis dans la solution E (bain d'oxydation), puis de nou-
veau dans l'eau.
Il arrive parfois que les blancs de l'image se teintent fortement
en jaune et présentent le voile dichroïque. Il ne faut pas s'en préoc-
cuper, car le voile argentique qui en est la cause disparait dans
les opérations suivantes, qui sont d'ailleurs indispensables après le
renforcement.
Clarification. — La plaque renforcée est lavée pendant quelques
secondes, puis immergée dans uije solution de permanganate sans
acide :
LES PLAQUES A FILTRES COLORES 375
H. Éati 1.000 ce.
Permang-anate de potasse 1 gr.
On laisse agir ce bain pendant 30 à 60 secondes.
Fixage. — Après un lavage sommaire, la plaque est fixée dans :
I. Eau •. . 1.000 ce.
Hyposulfite de soude 150 gr.
Bisulfite de soude (solution commerciale ) 50 ce.
Au bout de deux minutes, on procède au lavage final, dans Teau
courante. Il est inutile de prolonger ce lavage au delà de 4 à 5
minutes.
Si les blancs de l'image conservaient une légère teinte jaunâtre,
on la ferait disparaître, en recommençant le traitement au perman-
ganate neutre (H) et à Thyposulfite acidifié (I).
Aussitôt le dernier lavage terminé, la plaque est mise à égoutter,
dans un local suffisamment aéré pour que la dessiccation s'accom-
plisse aussi rapidement que possible. Mais il faut bien se garder
d'activer le séchage par l'alcool, qui aurait pour eff'et immédiat de
faire disparaître les couleurs. Il faut également éviter d'exposer la
plaque à une température supérieure à 25o.
Vernissage. — Après dessiccation complète de la couche, il est
nécessaire de la vernir, non seulement pour en assurer la conser-
vation, mais aussi pour augmenter la transparence et l'éclat de
l'image. Le vernis employé ne doit point contenir d'alcool, et le
meilleur est celui qu'indiquent MM. Lumière :
J. Benzine cristallisable 100 ce.
Gomme dammar 20 gr.
La solution sera filtrée, si elle n'est pas absolument limpide, et
appliquée à froid : on en verse une quantité suffisante sur la pla-
que soutenue par l'un de ses angles; on incline ensuite la plaque
de façon à faire couler le liquide sur toute sa surface, puis on reverse
l'excès de vernis dans son flacon muni d'un entonnoir.
Le diapositif en couleurs ainsi obtenu est d'une stabilité très
satisfaisante; il ne s'altère pas sensiblement à la lumière diffuse,
mais il faut éviter de l'exposer inutilement au soleil ou à la chaleur,
qui risqueraient d'occasionner des craquelures.
Développement méthodique. — Le développement à durée fixe
316 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
(2 minutes i/2) indiqué dans le paragraphe pre'cédent n'est prati-
quement applicable qu'aux plaques dont le temps de pose ne s'est
pas notablement écarté du temps de pose normal. En cas de surex-
position, cette méthode conduit à des images dont les détails sont
rongés, et en cas de sous- exposition, elle donne des diapositifs
trop opaques. Le moyen de remédier à ces erreurs de pose est de
substituer au développement purement automatique une méthode
différente permettant de reconnaître immédiatement .(d'après la
durée d'apparition des premiers contours de l'image dans un révé-
lateur dilué) dans quelles proportions doivent être modifiées la
durée totale du développement et la composition du révélateur.
Le laboratoire doit être éclairé par une lanterne munie de papiers
Virida, qui laisseront apercevoir l'image sans la voiler. Le déve-
loppement est effectué soit au pyrogallol, soit à la métoquinone.
Développement au pyrogallol. — On emploie la solution A telle
qu'elle est indiquée au paragraphe précédent, mais la solution B
doit être diluée au quart, soit :
Eau 3 parties.
Solution B 1 —
Pour développer une autochrome 13x18, on verse dans la
cuvette :
Eau 80 ce.
Solution A 10 —
Solution B diluée 10 —
D'autre part, on versera dans une éprouvette graduée -45 ce. de
la solution B diluée prêts à être ajoutés en totalité ou en partie
au révélateur pendant le développement, si on le juge nécessaire.
La température du bain doit être de 15° à 16°.
On retire la plaque du châssis en s'éloignant le plus possible de
la lanterne, et on la plonge rapidement dans le bain. On commence
aussitôt à compter le nombre de secondes qui vont s'écouler entre
l'immersion et l'apparition des premiers contours de l'image. S'il
s'agit d'un paysage, il ne faut pas tenir compte du ciel.
Il est inutile d'observer l'image avant d'avoir compté au moins
20 secondes, car, quel que soit le degré de surexposition d'une
autochrome, les premiers contours ne se montrent jamais avant
22 secondes. Jusque-là, il vaut donc mieux préserver l'émulsion
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS
3-.7
de la lumière, en recouvrant la cuvette d'une planchette. Le nom-
bre de secondes compte'es depuis Timmersion de la plaque jusqu'à
l'apparition de l'image sert à déterminer, d'après le tableau sui-
vant, la quantité' de solution B diluée qu'il faut ajouter au révéla-
teur, ainsi que la durée du développement.
DURÉE d'apparition
QUANTITÉ
DURÉE TOTALE
DES PREMIERS
DE SOLUTION AM~MONL\CALE
DU DÉVELOPPEMENT
CONTOURS DE l'iMAGE
A AJOUTER APRÈS
A PARTIR
SANS TENIR
l'apparition de l'jmage
DE l'immersion
COMPTE DES CIELS
POUR UNE ÉPREUVE 13x18
DE LA PLAQUE
Secondes.
Centimètres cubes.
Minutes.
Secondes.
22 à 24
Néant.
2
»
25 à 27
2
2
15
28 à 30
8
2
30
31 à 35
15
2
30
36 à 41
20
2
30
42 à 48
25
2
30
49 à 55
30
2
45
56 à 64
35
3
»
65 à 75
40
4
»
Au-dessus de 75
45
5
»
On trouve dans le commerce ce tableau imprimé sur papier
transparent, que l'on colle sur le verre de la lanterne, de manière
à pouvoir le consulter plus commodément. C'est au moment où les
contours de l'image font leur apparition que l'on doit ajouter le
complément nécessaire de la solution ammoniacale B diluée. Sup-
posons, par exemple, que l'image ait commencé à se montrer
50 secondes après l'immersion de la plaque : un coup d'œil jeté
sur le tableau transparent nous indique qu'il faut ajouter 30 ce.
de solution B diluée et continuer le développement de manière
que sa durée totale soit de 2 minutes 45 secondes.
Ce laps de temps écoulé, on lave la plaque et on la passe dans
le bain d'inversion G.
Développement à la métoquinone. — On prépare d'avance une
solution concentrée :
Eau 1.000 ce.
378 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Métoquinone 15 gr.
Sulfite de soude anhydre 100 gr.
Bromure de potassium 6 —
Ammoniaque à 22o B 32 ce.
Pour développer une plaque 13x18, on verse dans la cuvette :
Eau 80 ce.
Révélateur concentré à la métoquinone 5 — ,
D'autre part, on verse dans une éprouvette 15 ce. du révélateur
concentré, et dans une autre éprouvette 45 ce. de la même solu-
tion. On placera ces deux éprouvettes à proximité de la lanterne
garnie de papiers Virida, de manière à retrouver immédiatement
celle dont on aura besoin. La température du révélateur doit
s'écarter aussi peu que possible de 15°.
On plonge la plaque dans la cuvette, et on compte le nombre de
secondes qui s'écoulent jusqu'à l'apparition de l'image (toujours
sans tenir compte des ciels). Si l'image apparaît avant 40 secondes,
il faut ajouter seulement 15 ce. de révélateur concentré; si, au
contraire, elle n'apparaît qu'après 40 secondes, il faut ajouter 45 ce.
de solution concentrée. Ces indications, ainsi que la durée totale
du développement, sont imprimées sur un papier transparent que
l'on fixe sur le verre de la lanterne. Cetabkiau, fourni gratuitement
par les fabricants des plaques autochromes, est ci-après reproduit :
DURÉE d'apparition
DES PREMIERS CONTOURS
DE l'image
SANS TENIR COMPTE DES CIELS
QUANTITÉ DE
RÉVÉLATEUR A A^UTER
DÈS l'apparition
DES PREMIERS CONTOURS
durée totale
du développement
y compris la durée
d'apparition de l'image
Secondes,
12 à 14
15 à 17
18 à 21
22 à 27
28 à 33
34 à 39
-
Cent, cubes.
15
15
15
15
15
15
Minutes.
1
1
2
8
3
4
Secondes.
15
45
15
80
30
Forte sous- ) de 40 à 47
exposition, j Au-dessus de 47
45
45
3
4
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 379
Traitement simplifié des autochromes. — Les manipulations
énumérées dans les paragraphes précédents fournissent de très
beaux diapositifs en couleurs, mais elles sont un peu compliquées.
MM. Lumière ont fait connaître une méthode beaucoup plus sim-
ple et qui donne des résultats presque équivalents, quand le temps
de pose a été exactement calculé. Deux solutions seulement sont
nécessaires : l'une sert au premier et au second développement,
l'autre à l'inversion. Il n'est pas nécessaire de fixer, quand on ne
renforce pas.
Le bain de développement est le révélateur à la métoquinone
dont nous avons indiqué dans le paragraphe précédent la formule
en solution concentrée.
Pour une plaque 13 X 18, on prendra ;
Révélateur concentré à la métoquinone 20 ce.
. Eau 80 —
La durée du développement est exactement de 2 minutes et
demie, si le temps de pose est correct et la température voisine de
15°. Si l'on a des doutes sur l'exactitude du temps de pose, on pro-
cédera comme il est dit au paragraphe précédent. Le développe-
ment achevé, on laisse dans la cuvette le révélateur qui va servir
une seconde fois, pour noircir le positif, et la plaque est lavée som*
mairement. On la passe ensuite dans la solution de permanganate
acide C, oii se dissout l'argent réduit par le révélateur. A partir de
ce moment, on opère en plein jour.
Au bout de 3 ou 4 minutes, la plaque est retirée du bain d'inver-
sion, rincée pendant 30 secondes environ, et plongée de nouveau
dans le révélateur qui avait servi au premier développement; on
la laisse dans ce bain jusqu'à ce que le positif ait complètement
noirci, ce qui exige environ 3 à 4 minutes. Après un lavage de 3 à
4 minutes, il n'y a plus qu'à laisser sécher, et à vernir ensuite, si
l'image est suffisamment intense.
Si elle était trop faible, il y aurait lieu de la renforcer. Il serait
alors nécessaire de passer la plaque, d'abord dans le bain d'oxyda-
tion E, puis dans le renforçateur (solutions F et G), puis dans le
bain de clarification H et enfin dans le fixateur I.
Insuccès. — Le seul point vraiment délicat de l'autochromie,
380 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
c'est Tappréciation du temps de pose, d'où dépendent non seule-
ment l'exactitude du modelé, mais aussi l'harmonie des couleurs,
et c'est de là surtout que viennent les déceptions. Il importe donc
de savoir à quels signes on reconnaîtra que l'exposition a été ou
trop courte ou trop longue. Mais il convient de signaler aussi la
conséquence de certaines négligences, assez fréquentes chez les
débutants.
Défaut de netteté. — Si les contours du modèle sont seuls dédou-
blés, c'est qu'il a bougé; si la duplication s'étend à toutes les
lignes du tableau, elle est due au déplacement ou h la vibration
de l'appareil. Si le flou est général et d'aspect cotonneux, la cause
en est imputable à une mise au point inexacte : on aura oublié de
retourner le verre dépoli, quoique le filtre jaune fût placé derrière
l'objectif; ou bien, le verre dépoli étant retourné, on n'aura adapté
l'écran compensateur qu'après le réglage de la mise au point.
Image jaunâtre. — Coloration des lentilles de l'objectif.
Image rouge ou verte. — La plaque aura subi, par le verso, Tac-
lion prolongée de la lumière rouge ou verte émise par la lanterne.
Image hl eue. — Verre jaune oublié ou mal ajusté.
Image voilée ou très intense et sans aucune trace de coloris. —
L'émulsion aura directement reçu les radiations émises par la lan-
terne; ou bien le photographe, habitué à mettre ses plaques en
châssis l'émulsion en avant, aura, par distraction, procédé comme
il le faisait autrefois. Les éléments sélecteurs se trouvant dès lors
placés derrière l'émulsion, aucun eff'et de coloration n'est plus pos-
sible.
Image terne, quoique intense, avec des couleurs lavées. — Pous-
sière ou buée sur l'objectif; lumière réfléchie d'une lentille à
l'autre.
Image faible, couleurs lavées. — Surexposition, ou révélateur
trop chaud, ou premier développement trop prolongé. Dans cha-
cun de ces cas, le négatif étant trop noir, il ne reste plus assez de
bromure d'argent pour que le second révélateur fournisse un posi- i
tif suffisamment intense. Il peut alors arriver que les opacités ne
soient plus assez fortes pour masquer les grains de fécule dont la
disparition devrait avoir pour efl'et de faire ressortir telle ou telle
nuance.
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 381
Défaut de transparence. — Sous-exposition, révélateur trop froid
ou développement arrêté trop tôt. Le négatif n'ayant pas été dé-
veloppé à fond, il reste trop de bromure d'argent, en sorte que le
second développement détermine un assombrissement général.
Demi-leinies rongées. — Le bain d'oxydation E était trop concen-
tré, ou bien la plaque y a séjourné trop longtemps.
Voile dichroique. — Renforcement trop prolongé, clarification
(dans la solution H] insuffisante. On v remédie en reprenant lé trai-
tement par le permanganate neutre, comme il est indiqué p. 374.
Couleurs affaiblies dans le fixateur. — Le second révélateur
^ tait trop faible, ou son action n'a pas été suffisamment prolongée,
ou, enfin, la plaque n'a pas été exposée à une lumière assez intense
pour assurer la décomposition de tout le bromure d'argent. On est
prévenu de cette insuffisance lorsque, en traitant la plaque par le
bain d'oxydation E, on voit l'image blanchir. On devra alors sus-
pendre l'opération et faire subir à la plaque un nouveau dévelop-
pement en plein jour.
Traînées noirâtres. — Si le traitement . par le permanganate
acide (solution G) a été interrompu trop tôt, ou si le bain est trou-
ble, il reste de petites quantités d'argent non dissous, résidus de
l'image négative. Au renforcement, ces particules s'intensifient et
apparaissent sous forme de traînées noirâtres irrégulières. Les
mêmes traînées se montrent également quand la cuvette n'a pas
été suffisamment agitée pendant le premier développement.
Décollements. — La température des bains dans lesquels sont
immergées les plaques autochromes ne doit pas dépasser 15°. Les
eaux de lavage doivent également avoir une température voisine
de ce point. Si la température est trop élevée, et surtout s'il y a
une trop grande différence entre la température des bains et celle
des eaux de lavages, la couche gélatineuse risque de se décoller.
On évite cet accident en faisant refroidir les solutions, en employant
de l'eau fraîche pour les lavages, et en laissant tremper les cuvettes
dans de l'eau froide avant d'en faire usage. On peut aussi durcir
la couche dans l'alun de chrome, comme il a été dit p. 373, ou lais-
ser sécher la plaque après le traitement par le bain G, et reprendre
la suite des opérations avec cette plaque sèche.
Empreintes des doigts sur l'image, — Il faut éviter de toucher
382 TUAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
l'émulsion : le simple contact des doigts sur la couche gélatineuse
se traduit par une marque foncée.
Points blancs. — Ces lacunes du réseau seront bouchées au pin-
ceau enduit, suivant le cas, d'encre de Chine ou d'une couleur d'a-
quarelle : laque carminée, gomme-gutte ou bleu de Prusse.
Points noirs. — On peut les effacer à l'aide d'un pinceau très fin
imbibé de la solution de permanganate acide C ou de la solution
suivante :
Eau 50 ce.
lodure de potassium : 3 gr.
Iode en paillettes 1 —
Après cette retouche chimique, il est nécessaire de laver la pla-
que et de la passer ensuite dans le bain de fixage. Après un nou-
veau lavage, on laisse sécher.
Autochromie instantanée. — Bien que la lenteur relative des
plaques autochromes exclue, en principe, la reproduction des
sujets animés, on arrive à exécuter des Instantanés en couleurs,
soit à la lumière artificielle, soit à la lumière diurne.
Les instantanés en lumière artificielle sont relativement faciles
à obtenir, puisqu'il suffit d'augmenter notablement la dose de pou-
dre-éclair. Toutefois, en pratique, cette combinaison n'est pas si
simple qu'elle paraît. D'abord, le verre jaune ordinaire ne suffît
plus pour équilibrer le coloris. Il faut préparer un écran compen-
sateur spécial pour chaque espèce de poudre utilisée, le spectre de
la lumière émise variant suivant le métal et suivant l'oxydant qui
constituent le mélange éclairant. En outre, la plupart des poudres
photogènes sont de dangereux explosifs, et il n'est pas prudent
d'enflammer une quantité exagérée d'un produit contenant du chlo-
rate de potasse ou quelque autre substance similaire.
La poudre au perchlorate de potasse, dont le mode de prépara-
tion a été indiqué p. 128, n'offre pas ces inconvénients. Elle n'est
pas sujette aux explosions spontanées, elle résiste aux chocs, et
cette stabilité permet de l'employer en toute sécurité, même à dose
élevée. Appliquée aux reproductions en couleurs par les plaques
autochromes, elle exige l'interposition d'un écran spécial, de cou-
leur jaune verdâtre, fabriqué par la société Lumière.
La quantité de poudre à employer varie naturellement suivant
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 383
les dimensions du local, la couleur de ses parois, la distance du
sujet principal, etc. On peut cependant indiquer, à titre de donnée
approximative, qu'avec un objectif ouvert à F : 5, il faudra envi-
ron 8 grammes de poudre au perchlorate pour une plaque 13 X 18,
et 5 grammes pour une plaque 9 X 12. Il va sans dire que, si l'on
utilise une ouverture différente, la quantité de poudre sera modi-
fiée, en raison inverse du carré du diamètre utile du diapljragme.
Ainsi, les doses qui viennent d'être indiquées seront doublées, si
l'objectif fonctionne à F : 7.
L'exécution des instantanés en plein air n'est possible qu'à la
condition de modifier la sensibilité de l'émulsion des autochromes.
M. Ch. Simmen a trouvé le moyen de" rendre ces plaques huit fois
plus sensibles, en améliorant leur orthochromatisme de manière à
supprimer le verre jaune, dont l'interposition est l'une des causes
principales de la longueur du temps de pose.
Les matières employées par M. Simmen sont le pinaverdol, le
pinacyanol et le pinachrome. Les deux premiers augmentent la
sensibilité surtout pour le vert-bleu et l'orangé, le troisième la
renforce surtout pour le jaune. Il s'agit de doser convenablement
ces trois sensibilisateurs, de manière à équilibrer les couleurs
aussi exactement que possible. Ce dosage est un peu délicat, parce
que les propriétés sensibilisatrices du pinaverdol et du pinacyanol
varient notablement suivant les échantillons. Il faut donc procéder
par tâtonnements et modifier la proportion des trois sensibilisa-
teurs, en solutions à 1 p. 1000, jusqu'à ce que les couleurs soient
exactement rendues. Le mélange une fois déterminé, le bain sen-
sibilisateur définitif est constitué par :
Eau distillée 66 ce.
Alcool éthylique 33 ce.
Ammoniaque à 22° 0 ce. 1
Solution sensibilisaLriee 2 ce
Les plaques, époussetées avec soin, sont immergées dans ce bain
et doivent y séjourner exactement o minutes. On les fait ensuite
sécher. Il va sans dire que ces manipulations s'accomplissent dans
l'obscurité complète.
L'émulsion possédant, dès lors, une sensibilité chromatique iden-
tique à celle de notre œil pour toutes les radiations visibles, il n'y
384 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
a plus à compenser de différences d'actinisme. Toutefois, comme
le traitement qui vient d'être décrit n'a pas supprimé lasensibilité
que le gélatinobromure d'argent possède pour les radiations ultra-
violettes, il reste à absorber ces radiations invisibles, en interpo-
sant un écran préparé à l'aide de la solution suivante :
Eau distillée 100 ce.
Gélatine tendre 10 gr.
Ammoniaque 1 ce.
Glycérine 0 ce. 2
Esculine 0 gr. 2
On en recouvre deux lames de verre à faces parallèles, h raison
de 1 ce. de liquide pour 8 centimètres carrés de surface d'écran.
Après dessiccation, les deux glaces sont appliquées l'une contre
l'autre, gélatine sur gélatine, et collées au baume du Canada.
Les plaques sensibilisées par le procédé Simmen et impression-
nées à travers l'écran à l'esculine n'exigent, toutes choses égales
d'ailleurs, qu'une exposition 8 fois plus courte que les autochro-
mes employées suivant la méthode habituelle. Ainsi, avec un
objectif diaphragmé à F : 5, il devient possible de photographier
une scène animée en i/oO de seconde, si l'on opère par une belle
lumière. Si le temps est couvert, on peut encore réussir en ne
posant que 1/10 de seconde. La plupart des sujets intéressants
se trouvent donc désormais accessibles à l'aulochromiste.
La méthode précédente est assez délicate : la préparation de
l'écran offre surtout quelques difficultés pour l'amateur. Afin de
diminuer les risques d'insuccès, M. Thovert a indiqué un bain hy-
persensibilisateur évitant la fabrication d'un écran compensateur
spécial et permettant d'employer un écran que l'on trouve couram-
ment dans le commerce (c'est l'écran pour reproductions au ma-
gnésium, dont il va être question dans le paragraphe suivant). Pour
l'hypersensibilisation , on prépare d'abord une solution de réserve :
Alcool à 900 1.000 ce.
Pinachrome 1 gr.
Au moment de l'emploi, on prend 1 ce. de cette solution, que
Ton ajoute à 1 litre d'eau contenant 2 ou 3 gouttes d'ammoniaque.
On verse le tout dans une cuvette parfaitement propre, et l'on y
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 385
plonge les plaques, qui doivent y séjourner 5 minutes. On peut
opérer sur plusieurs plaques à la fois, en se servant d'une cuve
verticale à rainures, mais le bain doit être constamment agité.
Les plaques sont ensuite mises à égoutter verticalement par un
angle, où les gouttelettes qui restent sont absorbées par un
buvard blanc. Après 3 minutes, on essuie le dos des plaques, et
on les fait sécher le plus rapidement possible. On trouve dans le
commerce des boîtes spécialement destinées à cette dessiccation*.
Toutes ces opérations doivent être effectuées dans Tobscurité;
cependant, on peut utiliser une lanterne munie de papier Virida,
afin de se rendre compte de ce que l'on fait, mais il ne faut y
avoir recours que le moins possible.
Si les plaques ainsi traitées accusent une dominante jaune, c'est
que l'immersion dans le bain aura été trop prolongée ou que la
température était trop élevée. Une dominante bleue serait l'indice
des défauts contraires. Si la dominante est rouge ou orangée,
c'est que le bain était trop concentré; elle sera verte, dans le cas
de concentration trop faible. Ces observations effectuées sur une
plaque d'essai permettront de rectifier le traitement des autres
autochromes que l'on se propose d'hypersensibiliser.
Les plaques hypersensibilisées ne se conservent pas longtemps
et doivent être utilisées avant 15 jours. Aussi ne peuvent-elles être
préparées industriellement. Ajoutons que, pour simplifier la beso-
gne de l'amateur, MM. Lumière livrent une solution qui permet
d'augmenter quatre fois la sensibilité de leurs plaques aulochromes.
Reproduction des autochromes. — Les plaques autochromes
peuvent être reproduites comme les diapositifs ordinaires, à l'aide
d'une chambre noire. L'objectif doit être muni d'un verre jaune.
Cette combinaison est la seule possible lorsqu'il s'agit d'obtenir
une reproduction réduite ou amplifiée. Pour les reproductions à
taille égale, il vaut mieux procéder par contact, afin d'éviter la
longue pose nécessitée par l'impression à la chambre noire. Tou-
tefois, on rencontre ici une difficulté résultant de l'obligation d'im-
pressionner la couche derrière le filtre sélecteur. 11 faut appliquer
contre l'image à reproduire, non pas l'émulsion sensible, mais le
1. Essoreuse et dessiccaleur, système Adrien.
,22
386
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
côté verre de l'autochrome que l'on veut impressionner par con-
tact. Les deux couches se trouvent ainsi séparées par toute l'é-
paisseur du verre et, pour éviter la diffusion de lumière qui tend
à se produire dans ces conditions, ainsi que les effets de parallaxe
que déterminerait l'emploi d'une source lumineuse étendue, il est
nécessaire d'employer une source lumineuse très réduite et fixe.
MM. Lumière ont réalisé un dispositif très simple et qui satisfait
bien aux conditions requises (fig. 132). Une caisse rectangulaire en
bois ABCD, de 0™,40 environ de longueur, étanche à la lumière et
noircie intérieurement, est percée en E d'une ouverture à laquelle
s'adapte un verre coloré de manière à donner un effet orthochro-
Fig-. 132. — Appareil Lumière pour la reproduction des autochromes.
matique exact avec la lumière du magnésium. Cette ouverture peut
être à volonté masquée ou découverte en déplaçant le volet V. L'ex-
trémité opposée de la caisse contient un châssis HI, dans lequel
on place d'abord le chromotype à reproduire 0, le côté verre en
avant, c'est-à-dire regardant l'ouverture E, puis la plaque auto-
chrome non impressionnée P, le côté verre en contact avec le
chromotype, et ensuite le carton noir habituel, appliqué contre
Fémulsion. On ferme enfin le châssis à l'aide du volet R.
En face de l'ouverture antérieure, une colonne soutient une spi-
rale en fil de fer horizontale S, dans laquelle on introduit un ruban
de magnésium coupé à la longueur convenable (10 à 20 centimètres
en moyenne, pour un ruban de 2™°',5 de largeur, suivant l'opacité
du chromotype à reproduire), et plié en deux de manière à n'oc-
cuper dans la spirale qu'une longueur deux fois moindre.
Le magnésium" est enflammé de préférence avec une lampe à
alcool, et on ouvre immédiatement le volet V, que l'on referme
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 387
aussitôt la combustion achevée. La plaque autochrome ainsi im-
pressionnée est traitée comme à l'ordinaire.
Reproductions négatives. — Les autochromes reproduites sui-
vant la méthode habituelle, c'est-à-dire aboutissant à un diapo-
sitif, présentent souvent une couleur dominante, et ce défaut s'ex-
plique aisément. L'écran jaune interposé lors de l'exposition de la
première plaque a été établi avec le plus grand soin, de manière
à compenser aussi exactement que possible les défauts d'isochro-
matisme de l'émulsion; cependant, en pratique, la compensation
ne saurait être absolument rigoureuse, et, suivant les circons-
tances de la pose et la qualité de l'éclairage, il peut y avoir sur le
diapositif une teinte résiduelle.
Cette teinte est presque toujours trop légère pour qu'on puisse
la remarquer sur la première plaque; mais, si l'on veut repro-
duire cette image dans les mêmes conditions, avec le même éclai-
rage et le même écran, la reproduction se trouvera entachée
d'une dominante sensiblement plus apparente.
En effet, supposons que l'écran employé soit tel que les objets
blancs soient reproduits légèrement jaunâtres. Si nous reprodui-
sons ensuite cette image avec le même écran, qui tend à traduire
en jaune même le blanc pur, l'image primitive légèrement jau-
nâtre se trouvera traduite par un jaune plus accentué. Et, si cette
seconde image devait être soumise à son tour à la reproduction,
de la même manière, la troisième image serait encore plus jaune,
le défaut initial s'aggravant de plus en plus.
M. E. Cousin a trouvé le moyen d'éviter toute dominante, quel
que soit l'écran employé, et même en supprimant toute espèce
d'écran compensateur. Son procédé consiste à traiter d*abord une
plaque autochrome de manière à obtenir un négatif. Pour cela, il
suffit d'opérer comme dans la photographie en noir : au lieu d'in-
verser, après le développement, on se borne à fixer l'image néga-
tive dans l'hyposulfite de soude; on a ainsi un cliché où les blancs
du sujet sont traduits par des opacités et ses noirs par des trans
parences, et où chaque couleur se trouve représentée par sa com-
plémentaire. Ce phototype négatif sert ensuite à exécuter des
copies positives sur autochromes, en procédant de la même
façon, c'est-à-dire par simple développement et fixage.
388 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Si la première plaque a été exposée sans écran, les autres
devront être exposées de même; et, si Ton fait usage d'un écran
dans la première opération, cet écran devra encore être inter-
posé lorsqu'il s'agira de tirer les photocopies. Autant que possi-
ble, la lumière devra être la même dans les deux cas.
En procédant ainsi, la dominante qui tendrait à se produire
sur les positifs se trouve neutralisée par la dominante, de couleur
complémentaire, que présente le négatif.
M. Cousin juge néanmoins avantageux d'emploj^er, autant que
possible, l'écran autochrome spécial pour la lumière utilisée, car
la correction laissée à la charge du négatif est alors moins impor-
tante et, par suite, mieux assurée. Avec ou sans écran, du reste, le
temps de pose est à peu près le mênie, parce qu'il faut laisser aux
radiations jaunes le temps d'agir, et Fécran n'a point d'influence
sur elles.
Il est utile de poser un peu plus longtemps qu'on ne le fait
dans la méthode ordinaire et de pousser le développement, afin
d'avoir un négatif assez intense; sans quoi, la lumière le traver-
sant trop facilement, il ne pourrait pas réaliser complètement la
correction nécessaire.
On peut ainsi multiplier les images autochromes , soit à la
même échelle, soit en les amplifiant ou en les réduisant. L'em-
ploi de la lumière artificielle permet d'opérer rapidement et avec
une parfaite régularité.
Filtres trichromes à éléments réguliers. — Diverses combinai-
sons ont été proposées pour réaliser des réseaux sélecteurs cons-
titués par des éléments de formes géométriques et régulièrement
répartis sur toute la surface. Dans les deux premières éditions de
cet ouvrage, nous décrivions le mode de préparation et le mode
d'emploi des plaques om?2tco/ores de MM. Ducos du Hauron et de Ber-
cegol et des plaques diopiichromes de M. Dufay. Les unes et les au-
tres donnaient de belles images en couleurs ; mais la préparation en
était difïïcile, et les éléments sélecteurs un peu trop apparents. La
fabrication de ces plaques a été interrompue; cependant, le prin-
cipe du réseau à éléments réguliers n'est pas abandonné, comme
on le verra au paragraphe suivant, et, à ce titre, il n'est pas sans
intérêt de savoir comment on arrive à obtenir une surface couverte
LES PLAQUES A FILTRES COLORES 389
de carrés colorés presque microscopiques, étroitement juxtaposés
et uniformément distribués, sans lacunes ni empiétements.
Voici, entre autres, la méthode imaginée par M. Dufay. Sur une
plaque de verre gélatinée, on imprime à Tencre grasse un réseau
de lignes parallèles et équidistantes, très fines et très serrées.
On plonge ensuite la plaque dans un colorant vert en solution
aqueuse, qui ne peut pénétrer dans la gélatine qu'aux endroits non
protégés par les lignes grasses. On fait sécher, on recouvre d'un
vernis résineux, on fait de nouveau sécher, et l'on enlève l'encre
grasse à l'aide d'un tampon imbibé d'un dissolvant qui n'attaque
pas la résine. Celle-ci reste donc adhérente aux lignes teintées en
vert, tandis que, sur les bandes non colorées, elle est enlevée en
même temps que l'encre grasse sous-jacente.
On imprime alors un nouveau réseau ligné à l'encre grasse, per-
pendiculaire au premier, et l'on immerge dans un colorant rouge-
orangé. Le liquide ne peut traverser ni les lignes vernies ni les
lignes encrées : il n'imbibe la gélatine que dans les espaces restés
à nu et qui présentent la forme de petits carrés intercalés entre les
deux séries de lignes croisées à angle droit. A ce moment de la
fabrication , la surface est donc composée de lignes vertes, de
carrés rouge-orangé et de carrés incolores. On recouvre le tout de
vernis, on enlève l'encre grasse, et l'on plonge la plaque dans une
solution violette qui, ne pouvant traverser ni les bandes vertes ni
les carrés rouges, pénètre uniquement dans les carrés incolores.
Les trois couleurs fondamentales occupent ainsi les compartiments
qui leur étaient assignés.
Une dernière application de vernis protège le filtre trichrome.
Procédé Paget Color. — La Paget Prize Plate Go., de Watford,
exploite un procédé de photographie en couleurs qui fournit des
résultats analogues à ceux des plaques autochromes, mais qui s'en
distingue pourtant par de notables différences. Dans ce procédé,
dû à M. G. Whitfield, le réseau sélecteur et la couche sensible ne
sont point solidaires : ils sont fixés sur des plaques de verre dis-
tinctes, et le négatif noir une fois obtenu sert à tirer des diaposi-
tifs noirs, qui reconstituent le coloris du modèle, lorsqu'on les
met en contact avec le réseau coloré sous lequel a été pris le négatif,
ou avec un autre réseau qui lui soit exactement superposable.
390 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Le principe de cette méthode avait été prévu par Ducos du
Hauron, dins ce passage de son brevet du 23 novembre 186S :
« On aura, une fois pour toutes, une pellicule unique ou feuille
de mica recouverte, sur un côté, de raies rouges, jaunes et
bleues... On se sert alors de cette pellicule comme tamis pour
obtenir, sur d'autres surfaces mises en contact avec elle (papier,
verre, etc.), des clichés négatifs au bromure d'argent; chacun de
ces clichés fournira à son tour des positifs de couleur noire au
charbon sur pellicule, verre ou mica, etc. ; il ne restera plus qu'à
appliquer chacun de ces positifs sur une surface opaque ou trans-
parente recouverte mécaniquement de raies rouges, jaunes et
bleues correspondant une à une par leur position aux raies de la
pellicule qui a servi au tamisage des rayons de couleurs simples. »
On a vu (p. 367) que John Joly avait essayé de mettre cette
combinaison en pratique, mais qu'il n'était pas arrivé à réaliser
un réseau coloré à la fois assez fin et facile à repérer. Ces diffi-
cultés ont été heureusement résolues par la G'* Paget, qui est
parvenue à fabriquer un réseau quadrillé en trois couleurs, d'une
extrême finesse et parfaitement régulier.
Les éléments sélecteurs carrés sont juxtaposés sur une mince
plaque de verre gélatinée. Les carrés rouges et les carrés verts me-
surent 0'"'°,080 de côté. Les carrés violets ne mesurent que 0°'™,064,
mais leur nombre est égal au total des carrés rouges et des carrés
verts. A l'œil nu, on ne distingue pas ces couleurs; à peine aper-
çoit-on, quand on a très bonne vue, un léger quadrillage, comme
sur les plus fines trames de photogravure, et les teintes en sont
assez bien équilibrées pour que l'ensemble paraisse incolore.
Cet écran est placé, dans le châssis négatif, en contact avec
une plaque sensible spéciale. Bien que Témulsion employée soit
orthochromatique, il est indispensable d'interposer un écran
jaune compensateur. Néanmoins, la pose est assez rapide : pour
en donner une idée, nous dirons qu'eii plein air, par un très beau
temps, elle est de 1/10^ de seconde, avec un objectif diaphragmé
à F : 6,5.
Les deux plaques accolées sont alors séparées : l'écran mosaï-
que est mis de côté, pour servir à prendre d'autres vues, et la
plaque sensible est plongée dans le révélateur. On recommande
LES PLAQUES A FILTRES COLORES 391
particulièrement à cet effet le Rodinal\ additionné d'eau de façon
à amener à 30 volumes un volume de la solution commerciale
concentrée. Dans ce bain, à la température de 16 à 18°, Ja durée
normale du développement est de 2 minutes. On rince ensuite la
plaque à l'eau pure, et l'on fixe en bain acide, soit, par exemple,
dans une solution d'hyposulfite de soude à 25 p. 100 additionnée
d'environ 25 ce de bisulfite de soude par litre de fixateur. Après
un lavage d'uiie vingtaine de minutes, on met à sécher.
L'image ainsi obtenue est un négatif monochrome, finement
quadrillé, comme une héliogravure. Si on l'appliquait contre le
réseau sélecteur exactement repéré, on y verrait les couleurs com-
plémentaires de celles du sujet : un ciel bleu serait orangé; un
bouquet de violettes, jaune; les feuilles, rouges, etc. Mais ce
réseau n'est plus d'aucune utilité pour les opérations suivantes.
Les diapositifs sont tirés sur des plaques à émulsion lente. La
couche sensible est mise en contact avec le négatif, et les deux
plaques, serrées dans un châssis-presse, sont exposées à la
lumière. A 30 centimètres d'une bougie, la durée de l'exposition
est d'environ 15 secondes; à 1 mètre d'une lampe électrique à fila-
ment de charbon de 16 bougies, elle sera de 5 secondes.
Le révélateur doit donner des images très pures et très vigou-
reuses, d'un noir neutre. La formule suivante satisfait bien à ces
conditions :
A. Eau 1.000 ce.
Hydroquinone 12 gr.
Métabisulfite de potasse 12 gr.
Bromure de potassium 12 gr.
B. Eau l.OOOcc.
Potasse caustique pure 24 gr.
Au moment de l'emploi, mélanger volumes égaux des solutions
A et B, agiter vivement et commencer aussitôt le développement,
qui doit durer à peu près 2 minutes et demie, à la température de
1. Le rodinal est un révélateur concentré au paramidophénol. En voici une for-
«nule de préparation :.
Eau distillée 800 ce.
Sulfite de potasse 300 crp.
Cblorhydrale de paramidophénol 100 gr.
On ajoute ensuite de la soude caustique, jusqu'à dissolution du précipité qui s'é-
tait formé.
392 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
15 ou 16°. Il faut que les grands noirs transparaissent au dos de
la plaque et qu'il ne reste nulle part de blancs purs : si ce résul-
tat est atteint avant 2 minutes, c'est un indice de surexposition;
si, au contraire, le développement exige plus de 3 minutes, l'ex-
position a été insuffisante. Dans un cas comme dans l'autre, il
vaut mieux recommencer un autre diapositif, en rectifiant la durée
de l'impression lumineuse.
Le fixage s'effectue en bain acide, comme celui du négatif.
Après lavage et séchage, le diapositif monochrome est appliqué
contre un écran de vision^ dont la structure est identique à celle de
l'écran sélecteur, mais avec des couleurs, plus saturées. Les élé-
ments colorés étant distribués régulièrement, on peut réaliser un
repérage très précis, et l'image acquiert alors toutes ses couleurs.
Le repérage est assez délicat; il est cependant facilité par les
aspects changeaiits de l'image, où l'on voit se succéder de très
curieux effets de coloration. Au moment où les deux plaques sont
mises en contact, gélatine contre gélatine, on remarque un quadril-
lage coloré, généralement beaucoup plus gros que celui du réseau.
En faisant tourner lentement l'une des surfaces sur l'autre, les car-
rés de couleurs deviennent ou plus grands ou plus petits. Contrai-
rement à ce que l'on pourrait supposer, il faut tourner dans le sens
où les carrés grandissent. Un moment vient où ils disparaissent et
sont remplacés par des moires, qui s'évanouissent à leur tour. Le
quadrillage du diapositif et celui de l'écran se trouvent alors exac-
tement parallèles, et il suffit d'un déplacement de quelques cen-
tièmes de millimètre dans le sens convenable pour substituer les
couleurs exactes aux couleurs fantaisistes qui apparaissent. Le sens
dans lequel doit s'effectuer le déplacement est recherché en incli-
nant les deux plaques, toujours maintenues au contact,, dans diver-
ses directions, jusqu'à ce que les couleurs se montrent exafctes et
vigoureuses. Pour arriver h la position normale, on fait glisser
très doucement la plaque supérieure dans la direction qui, lors de
la vision correcte, était la plus éloignée des yeux. Quand l'image
apparaît avec ses couleurs véritables sous l'incidence normale, on
maintiennes deux plaques, d'abord provisoirement en les serrant
dans deux pinces à ressorts, puis on procède au montage définitif
en collant autour des bords une bande de papier noir.
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 393
Ce procédé est évidemment trop long et trop compliqué, lors-
qu'il s'agit d'obtenir seulement un ou deux diapositifs en cou-
leurs : dans ce cas, les plaques autochromes donnent le même
résultat beaucoup plus simplement. Mais il n'en est plus de même
quand il est nécessaire de reproduire le même sujet à plusieurs
exemplaires. La méthode Paget offre alors plusieurs avantages.
D'abord, un seul réseau suffit pour tous les négatifs, et les pla-
ques sensibles utilisées à cet effet sont beaucoup moins coûteu-
ses que les plaques à filtre coloré solidaire de l'émulsion. Cha-
que cliché noir permet ensuite de tirer autant de diapositifs qu'il
en faut. Si, parmi ces images, il en est qui soient mal venues, par
suite d'un vice de fabrication ou d'une erreur de manipulation, la
perte qui en résulte est bien minime. Les écrans de vision sont
relativement chers, mais on ne les applique que sur les diapositifs
sans défaut : aucun n'est gaspillé.
Applications des plaques à filtres colorés. — La trichromie
par éléments lecteurs juxtaposés, telle, du moins, qu'on la con-
naît et qu'on l'emploie actuellement, ne fournit pas des images
visibles par réflexion et susceptibles d'être montées sur les feuillets
d'un album ou encadrées et pendues aux murs : elle ne donne que
des diapositifs^ . Lu effet, les blancs y sont représentés par la visi-
bilité simultanée de particules violettes, vertes et orangées : cet
ensemble, examiné par transparence, procure bien l'impression du
blanc, mais il n'en est plus de même si l'on examine par lumière
réfléchie la plaque posée sur une feuille de carton blanc. La résul-
1. Cependant, le procédé Paget Color se prête, dans une certaine mesure, à
l'examen par lumière réfléchie. A cet effet, l'épreuve positive est tirée sur un
papier sensible à sous-couche argentée, que l'on applique, encore humide, contre
un écran de vision spécial, à couche détachable et beaucoup plus transparent que
ceux destinés aux diapositifs. Le repérage s'effectue de la même manière qu'avec
les diapositifs, et, lorsqu'il est bien réglé, on abandonne le papier à la dessiccation.
Une fois sec, il suffit de soulever l'un des coins avec la pointe d'un canif et d'exer-
cer une traction légère : le papier entraîne avec lui l'écran de vision, qui se détache
du verre et demeure adhérent à l'image.
Cette image n'est pas également brillante sous toutes les incidences; mais, lors-
qu'elle est éclairée de façon à se montrer sous l'angle de la réflexion régulière, elle
est réellement très belle : les couleurs en sont franches et vives ; l'éclat en est même
surprenant, si l'on tient compte de l'interposition du filtre pelliculaire trichrome
qui recouvre le positif noir et absorbe au moins un tiers de la lumière incidente.
394
TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
tante des trois pigments vus dans ces conditions est gris fonce', ce
qui est insuffisant pour constituer une image vigoureuse, puisque
la gamme des valeurs est comprise dans les limites trop étroites
qui vont de cette teinte déjà sombre au noir pur.
L'absorption de lumière qu'occasionne l'interposition du filtre
sélecteur restreint même l'utilisation des plaques autochromes et
similaires sous forme de diapositifs. C'est ainsi que ces plaques
s'appliquent mal h la décoration des vitraux, malgré la beauté de
leur coloris, à cause de l'assombrissement qui en résulte dans l'ap-
partement où la lumière n'arrive qu'à travers ces images. En effet,
dans un vitrail ordinaire ou même dans un diapositif trichrome
obtenu par la superposition de trois pellicules colorées, les blancs,
les grandes lumières du sujet, sont représentés par du verre inco-
lore et parfaitement transparent. Un jaune éclatant s'y trouve
figuré par un verre ou une couche de gélatine jaune pur, et il en
est de même pour toutes les couleurs vives. Au contraire, sur un
diapositif à éléments juxtaposés, la sensation du blanc nous est
procurée par lia lumière qui a traversé des particules colorées.
Chacune de ces particules absorbe une notable partie des radia-
tions qui la traversent : deux tiers au moins sont absorbés par la
sélection du coloris, et, de plus, les éléments du filtre ne sont pas
eux-mêmes parfaitement diaphanes. Ainsi, dans une plaque auto-
chrome, il y a lieu de tenir compte de l'absorption occasionnée
par l'interposition de la fécule et par les interstices, si étroits
soient-ils, formés de* poudre noire et opaque. S'agit-il d'une cou-
leur unique, par exemple celle d'un bouquet de violettes, elle résul-
tera, sur la plaque autochrome, de l'opacité complète des éléments
orangés et verts et de la transparence relative des éléments vio>-
lets, qui absorbent plus des deux tiers des radiations qui les tra-
versent. On voit donc qu'une plaque de ce genre laissera passer
tout au plus un tiers de la lumière qu'aurait transmise un vitrail
exécuté dans d'autres conditions. L'effet artistique n'en est pas
amoindri, si l'on a soin d'entourer le diapositif d'une large bor-
dure opaque ou sombre, mais on conçoit l'inconvénient résultant
d'écrans si peu transparents interposés devant une fenêtre.
Le plus souvent, les plaques à filtres colorés sont examinées une
à une, et dans des conditions spécialement déterminées pour en
LES PLAQUES A FILTRES COLORÉS 395
faire valoir tous les avantages. On ne juge bien de ces plaques que
lorsqu'elles sont vivement éclairées, présentées isolément, entou-
rées d'une large marge, noire ou très foncée, de telle sorte que
l'observateur ne reçoive presque point d'autre lumière que celle
qui traverse le diaposilif.
Ces conditions d'examen sont suffisamment réalisées par le sté-
réoscope. Les photographies en couleurs gagnent beaucoup d'éclat
à la vision binoculaire et offrent des reproductions saisissantes
de vérité, car, avec le relief et le coloris, c'est la nature même que
l'on a sous les yeux.
Les images simples sont également bien mises en valeur par
des appareils monoculaires disposés
à peu près de la même manière que
les stéréoscopes américains. Tel est,
par exemple, le chromodiascope Lu-
mière (fig. 133). C'est une caisse
dont l'avant, divisé en deux compar-
timents par une cloison, est percé
d'une ouverture sur laquelle est vissé
un système de lentilles achromati-
ques. A l'arrière, des rainures verti-
cales reçoivent les cadres contenant
les diapositifs. Au repos, ces cadres
se trouvent dans le compartiment
inférieur. Pour examiner une pla-
que, on n'a qu'à appuyer sur un
levier extérieur qui la soulève et
l'amène en face de l'oculaire. L'i-
mage est éclairée par derrière, à
l'aide d'un miroir dont on règle l'inclinaison suivant la direction
delà lumière. Un écran opaque supprime tout éclairage, quand les
cadres sont tous abaissés ; il remonte lorsqu'on soulève un des ca-
dres : on évite ainsi l'accès de la lumière directe entre les observa-
tions des diverses plaques, et l'œil n'est pas ébloui par un éclairage
plus intense que celui que transmettent les diapositifs colorés.
Un autre mode d'examen assez avantageux et extrêmement
simple est celui où l'image apparaît par réflexion dans une glace.
CI. Lumière.
Fig. 133. — Chromodiascope.
396
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cl. Pouieiic.
Fig". 134. — Pupitre à miroir, pour l'examen
des diapositifs en couleurs.
I.a plaque est placée dans un cadre incliné sur un miroir, comme
1p mutiUe la fig. 134, elle diapositif se montre seul éclairé dans un
milieu obscur qui en
avive l'éclat, par un
effet de contraste.
Mais le meilleur
^^ moyen de mettre en
p valeur une autochro-
me ou toute autre pla-
que de même nature
est d'en projeter sur
un écran blanc l'image
amplifiée. L'assom-
brissement par absor-
ption, résultant de l'in-
terposition du filtre
coloré, subsiste évi-
demment quel que soit le mode d'examen des diapositifs, mais, en
réalité, il est très facile d'y remédier quand l'image est placée au
foyer d'une lanterne de projection. En effet, le diapositif projeté
aura le même éclat qu'une image trois fois plus transparente, si l'on
triple la puissance lumineuse du projecteur. Et d'ailleurs, dans le
cas actuel, il n'est même pas nécessaire de recourir à cet artifice
pour réaliser un effet suffisamment brillant. L'éclairage normal des
lanternes de projection suffit presque toujours, d'abord parce que
l'œil s'adapte avec une surprenante souplesse aux changements
d'intensité lumineuse, ensuite et surtout parce que l'atténuation
de luminosité qu'occasionne le réseau sélecteur est amplement
compensée par l'éclat du coloris et le charme irrésistible qui se
dégage des tableaux ainsi présentés. Néanmoins, si un projecteur de
puissance moyenne est généralement suffisant, il est certain qu'un
foyer plus éclatant donnera de^ meilleurs résultats, à la condition
que la lumière en soit parfaitement blanche. La plupart des sources
de lumière artificielle dénaturent les couleurs : le pétrole, notam-
ment, fournit un éclairage trop jaune, qui»assombrit les violets et
les bleus. Avec l'acétylène et le chalumeau oxhydrique, ces altéra-
tions sont plus atténuées, mais rien ne vaut l'arc électrique, qui
LES PLAQUES A FILTRES COLORES 391
joint à, une blancheur parfaite un éclat éblouissant, avec lequel
aucun autre luminaire artificiel ne saurait rivaliser.
Les diapositifs en couleurs servent aussi de clichés pour les-
tîrages photomécaniques. La similigravure trichrome exige tou-
jours, il est vrai, la préparation de trois planches exécutées cha-
cune d'après un cliché sélectionné. Quand il s'agit de reproduire
un tableau ou tout autre sujet complètement immobile, les plaques
autochromes n'offrent donc aucune utilité, puisqu'il n'en faut pas
moins exécuter trois clichés analytiques. Mais, chaque fois que
l'on a une scène animée à reproduire, l'emploi de l'autochrome
est tout indiqué, pour obtenir d'abord rapidement une image fidèle
du modèle, que l'on reproduira ensuite tout à loisir, dans l'atelier,
à l'aide des procédés habituels. La plaque autochrome est, en
effet, susceptible d'être photographiée, comme tout autre sujet,
lorsqu'on l'éclairé, par transparence, d'une lumière bien diffusée
au moyen d'un verre dépoli. Il est dès lors facile d'exécuter trois
négatifs sélectionnés par interposition d'écrans respectivement
violet, vert et orangé, pour réaliser les trois phototypes néces-
saires à la préparation des trois planches.
Enfin, les plaques autochromes et similaires constituent d'ex-
cellents clichés pour tirer des épreuves sur papier par les procé-
dés qui vont être décrits dans le chapitre suivant, notamment le
procédé par décoloration.
OUVRAGES A CONSULTER
E. GousTET, la Photographie des couleurs, Paris (Larousse), 1907.
E. CousTET, la Photographie en couleurs sur plaques à filtres colore's, Paris (B.
Tignol), 1908.
V. Crémier, la Photographie des couleurs par les plaques autochromes, Paris
(Gauthier-Villars), 1911.
A.-P. VON HtJBL, Die Théorie und Praxis der Farbenphotographie mit Auto-
chromplatten, Halle a/S. (W. Knapp).
E. Wallon, la Photographie des couleurs et Les Plaques autochromes, Paris-
(Gauthier-Villars), 1907.
A. ScHEFFER, Manuel pratique de photographie des couleurs par les plaques
autochromes, Paris (Gli. Mendel).
D' Mebes, Farbenphotographie mit Farlenrasterplatten, Bunzlau i/Schl. (L.
Fernbach), 1911.
23
a98 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE XIX
LES PROCÉDÉS PAR ADAPTATION
Coloration du chlorure d'argent. — Avant la découverte de la
photographie, en Ï810, Seebeck avait remarqué que le chlorure
d'argent noirci devient brun dans le violet du spectre solaire,
bleuâtre dans le bleu, rouge dans le rouge, et ne subit aucune
altération dans le jaune. En 1840, John Herschel, reprenant l'ex-
périence de Seebeck, vérifiait qu'un papier recouvert de chlorure
d'argent et noirci à la lumière prenait ensuite, sous l'influence
de radiations diversement colorées, des teintes variées, mais sans
éclat. Hunt, en 1845, faisait des constatations analogues. Edmond
Becquerel, en 1847, obtendt les premières épreuves en couleurs
sur plaques métalliques. Une lame de cuivre argenté est plongée
dans une solution d acide chlorhydrique à 123 p. 1.000. On fait
>communiquer la plaque avec le pôle positif d'une pile formée de
deux petits éléments Bunsen, et le liquide avec le pôle négatif au
moyen d'une lame de platine parallèle à la plaque argentée. Sous
l'action de l'électrolyse, la plaque se recouvre d'une couche rose
de sous-chlorure d'argent, puis prend une teinte violet rose. On la
recuit ensuite dans l'obscurité, à une température de 80° à 100°,
jusqu'à ce qu'elle prenne une couleur de bois. Après refroidisse-
ment, on l'expose aux rayons du spectre solaire, et les teintes
correspondantes s'y reproduisent après une impression assex lon-
gue (environ deux heures). Les couleurs ainsi obtenues ne sont
pas fixées et s'effacent, sous l'influence de la lumière. Becquerel
réussit également à reproduire quelques gravures coloriées, mais
sans parvenir à rendre ces épreuves inaltérables au jour. Il con-
vient d'ajouter que quelques-unes de ces œuvres, exécutées vers
1850 et soigneusement conservées dans l'obscurité, existent encore
actuellement.
LES PROCEDES PAR ADAPTATION 399
Niepce de Saint-Victor, le cousin du collaborateur de Daguerre,
perfectionna le procédé de Becquerel et obtint de très belles
reproductions, malheureusement trop instables.
En 1864, Poitevin exécutait des épreuves en couleurs sur papier.
Une feuille recouverte de chlorure d'argent violet était plongée
dans :
Solution de bichromate de potasse à saturation 1 volume.
Solution de sulfate de cuivre à saturation 1 —
Solution de chlorure de potassium à 5 p. 100 1 —
Après dessiccation, le papier était exposé sous l'image à reproduire.
Au soleil, l'impression n'exigeait que 10 ou 15 minutes. L'épreuve
colorée était ensuite lavée à l'acide chromique, puis au bichlorure
de mercure, au nitrate de plomb, et enfin à l'eau pure. Ce traite-
ment n'en fixait que très imparfaitement le coloris, et l'épreuve
ne se conservait que dans l'obscurité.
En 1873, M. de Saint-Florent obtenait également des images
colorées sur papier au chlorure d'argent et en réalisait le fixage
partiel en plongeant l'épreuve dans un mélange d'alcool et d'am-
moniaque, puis dans une solution saturée d'un chlorure alcalin,
M. R. Colson, en 1895, utihsait les papiers au chlorure d'ar-
gent que l'on trouve dans le commerce, et notamment les papiers
au collodidn. On fait d'abord brunir au soleil la couche sensible,
jusqu'à ce qu'elle présente la teinte chocolat, puis on l'expose de
nouveau à la lumière, mais cette fois dans le châssis-presse, sous
le cliché coloré à copier. La pose ne dépasse pas trois quarts
d'heure en plein soleil. L'épreuve est ensuite lavée, passée dans
une dissolution faible de chlorure de sodium, qui transforme en
chlorure d'argent l'excès d'azotate d'argent retenu dans la couche,
soumise à un nouveau lavage et séchée. M. Colson a réussi à fixer,
au moins temporairement, ses épreuves en les mettant en contact,
pendant deux jours, avec une substance capable de leur fournir
de l'oxygène, par exemple avec une feuille de papier imprégnée
d'encre ordinaire. Cette substance, après s'être oxydée à Tair,
cède facilement son oxygène et contre-balance ainsi l'action réduc-
trice de la lumière.
Ces procédés n'ont qu'un intérêt théorique : en réalité, ils ne
donnent que des reproductions très imparfaites. On aperçoit seu-
430 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
lement des traces de couleurs sur le fond sombre de la couche;
les blancs du diapositif viennent en noir; cependant on peut les
transformer en blancs (très relatifs) en exposant l'image au soleil.
De Saint-Florent est parvenu à aviver les couleurs, en procédant
de la façon suivante.
Un papier à la celloïdine est d'abord exposé à la lumière jusqu'à
ce qu'il ait pris une nuance violet clair. On le recouvre alors d'une
couche de gomme arabique assez épaisse et on laisse sécher dans
l'obscurité. On expose ensuite à la lumière, sous l'image transpa-
rente en couleur servant de phototype. L'impression exige 3 ou 4
heures au soleil. On obtient ainsi une image à couleurs très vives,
que l'on expose pendant quelques instants à la lumière, à sa sortie
du châssis-presse, afin de faire venir les noirs. On fixe dans un
bain contenant 30 ce. d'ammoniaque pour 1 litre d'eau; on ravive
les couleurs en exposant de nouveau à la lumière ou en présen-
tant l'épreuve devant un feu un peu vif. On peut encore passer
un fer chaud à la surface de l'image, en interposant une feuille de
papier buvard. L'épreuve est alors fixée*.
Adaptation par décoloration. — En 1881, Charles Gros propo-
sait de recouvrir une feuille de papier de trois couches sensibles
superposées, Tune de collodion coloré en rouge par la carthamine,
la seconde de gélatine colorée en bleu par la phylloc}^anine, et la
troisième de collodion coloré en jaune par le curcuma. Cette pré-
paration était fort peu sensible, el le défaut de fixage enlevait toute
utilité pratique à cette combinaison, mais les résultats obtenus
n'en vérifiaient pas moins la théorie sur laquelle était fondé ce
premier essai, c'est-à-dire la sélection opérée par la lumière dans
un ensemble de colorants facilement altérables.
Le résultat de cette sélection est une épreuve positive directe,
dont les couleurs sont celles mêmes de l'original. En effet, la lumière
bleue, par exemple, traverse sans absorption les molécules bleues,
puisqu'un colorant bleu est une substance qui laisse passer les ra-
diations bleues sans les arrêter. Il est donc naturel que la lumière
bleue n'exerce aucune action sur un corps de cette nature. Mais ces
mêmes radiations bleues ne traversent ni les molécules jaunes ni
1. B ulletin de la Société française de photographie, 1904, p. 352.
LES PROCÉDÉS PAR ADAPTATION 401
les molécules rouges : elles y sont absorbées, et, quoique nous
ignorions le mécanisme intime de la transformation d'énergie qui
s'y produit, nous comprenons que les ondes lumineuses ainsi arrê-
tées déterminent une certaine réaction, qui, dans l'espèce, est une
altération ou même la destruction de la couleur.
Un raisonnement semblable explique comment la lumière jaune
tend à décolorer les particules bleues et rouges, tandis qu'elle laisse
intact l'élément jaune. Pareillement, la lumière rouge décolore le
bleu et le jaune, sans altérer le rouge. Enfm, la lumière blanche,
agissant sur toutes les molécules, les décolore toutes et restitue au
papier sa blancheur primitive, tandis que les parties noires, opa-
ques, du cliché, préservant toutes les couleurs de l'action lumineuse,
laissent subsister, inattaqué, le mélange des trois couleurs, qui est
noir. Il va sans dire que si le traitement de l'épreuve s'arrête là, la
lumière détruira d'elle-même son œuvre éphémère, en effaçant
toutes les couleurs. On peut évidemment retarder cette altération,
en choisissant des colorants moins instables; mais alors la durée du
tirage augmente dans des proportions pratiquement inadmissibles.
Ainsi, en 1895, M. Vallot opérait en mélangeant trois solutions
colorées :
A. Alcool 50 ce.
Bleu Victoria 0 gr. 2
B. Alcool 50 ce.
Curcuma 10 gr.
C. Alcool 50 ce.
Pourpre d'aniline 0 gr. 2
Une feuille de papier imprégnée de ce mélange était, après des-
siccation, exposée à la lumière, sous un vitrail peint. L'impression
exigeait plusieurs jours. A sa sortie du châssis-presse, l'épreuve
se trouvait terminée, sajis autre précaution, en sorte qu'il fallait la
conserver dans l'obscurité. De plus, les trois couleurs employées
ne possédaient pas la même sensibilité; le curcuma était décoloré
beaucoup plus rapidement que le bleu Victoria et que le pourpre
d'aniline, et le coloris en était naturellement faussé.
La même année, M. Utlo Wiener* suggérait l'emploi de colorants
1. Farbenphotographie durch Korperfarben und mechanische Farhenanpas-
sung in der Natur [Wiedemann's Annalen, 1895, p. 225.
402 TRAITE GENERAL DE, PHOTOGRAPHIE
stables dans les conditions habituelles, auxquels on ajouterait^
avant la pose, des substances accélératrices et, après la pose,
d'autres substances protégeant les éléments colorés contre l'action
ultérieure de la lumière. Le physicien allemand n'indiquait pas
quelles devaient être ces substances, mais les recherches entre-
prises dans la voie signalée ne tardaient pas à fournir quelques
résultats appréciables.
Le D"" Neuhauss découvrait, en effet, dès 1901, les propriétés
accélératrices de l'eau oxygénée. Ce composé, ajouté à un mélange
de gélatine, de bleu méthylène, d'auramine et d'érythrosine, lui
permit d'obtenir des épreuves colorées en 5 minutes, à un soleil
intense ^ Après l'impression, les images étaient fixées par des-
immersions successives dans des solutions de tanin, d'acétate de
soude, d'émétique et d'acétate de plomb. L'emploi de l'eau oxy-
génée n'est pas sans inconvénient : l'opérateur est obligé de sensi-
biliser l'épreuve au moment même du tirage et de l'impressionner à
l'état humide sous le cliché, qui doit être très soigneusement verni.
En outre, si l'opacité du phototype prolonge le tirage, le sensibili-
sateur, très volatil, est décomposé ou évaporé avant que l'image
soit achevée, et il est dès lors impossible d'avoir un coloris vigou-
reux et des blancs purs.
Peu après, M. Karl Worel remarquait que certaines huiles essen-
tielles ont la propriété d'accroître considérablement la sensibilité
à la lumière des matières colorantes organiques. La volatilité de
ees huiles et aussi leur solubilité au sein de liquides dans lesquels
les couleurs restent insolubles donnent le moyen de faire dispa-
raître cette sensibilité et d'obtenir des images relativement stables.
Le meilleur accélérateur indiqué par M. Worel est Fanéthol^. Le
mode opératoire est très simple. Du papier exempt de fibre de bois
est plongé dans un mélange de primerose, de bleu Victoria, de
cyanine, de curcuma et d'auramine en solutions alcooliques addi-
tionnées d'anéthol. Le papier, séché dans l'obscurité, est impres-
sionné au châssis-presse, sous un diapositif en couleurs. Au soleil,
la durée du tirage peut être réduite à 5 minutes. Quand l'image est
complète, avec toutes ses couleurs, on plonge le papier dans de la
1. Allgemeine Photographen Zeitiing, 22 janvier 1902*
2. Photographisches Correspondénz, juin 1902.
LES PROCÈDES PAR ADAPTATION 40.1
benzine pure, où on le laisse pendant une heure, au moins, à l'abri
de la lumière. Le fixage est ensuite complété par une immersion,
de deux à trois heures dans une solution saturée de sulfate de
cuivre. Ce dernier sel une fois éliminé par lavages, l'épreuve est
terminée» Les nuances sont ainsi distinctement rendues, mais
les couleurs employées sont trop fugaces pour qu'il soit possible
de considérer l'image comme suffisamment stable.
En 1906, M. J.-H. Smith fabriquait, à Zurich, un papier recou-
vert d'une couche gélatineuse imprégnée de trois couleurs et d'a-
néthol. Cette préparation, mise dans le commerce sous le nom de
Papier Uto, avait donné des résultats peu satisfaisants, et la fabri-
cation en avait été bientôt interrompue. M. Smith, cependant, pour-
suivait ses recherches et découvrait les propriétés accélératrices
de la thiosinnamine, propriétés qui se trouvent notablement
accrues en présence de la glycérine. En 1911 , il fabriquait en
France, à la Garenne-Colombes, un nouveau papier, VUtocolor,
plus sensible que le précédent. Néanmoins, l'impression exigeait
encore 2 ou 3 heures d'exposition au soleil, sous une autochrome
de transparence moyenne. Le fixage s'effectuait par immersion
dans une solution alcoolique de tanin, puis dans un autre bain
vendu tout préparé et dont la composition exacte n'était pas
indiquée par les fabricants, mais qui contenait, entre autres,
des sels de plomb et de cuivre.
Outre la lenteur du tirage, on reprochait au papier Utocolor de
ne pas reproduire avec tout leur éclat les couleurs du cliché. La
pureté des blancs laissait aussi à désirer. Enfin, le fixage était
incomplet, et les épreuves pâhssaient assez rapidement, lors-
qu'elles restaient exposées à la lumière. Néanmoins, si imparfait
qu'il fût encore, ce papier fournissait des résultats intéressants,
•et il est regrettable que la fabrication en ait été abandonnée.
Les accélérateurs essayés jusqu'ici étant encore insuffisants, on
a cherché à développer les images, après une courte exposition h
la lumière, comme on le fait dans les procédés aux sels d'argent.
Le réactif qui a fourni les meilleurs résultats est le permanganate
de potasse en solution faible. La coloration brune que ce composé
laisse sur le papier est facilement détruite par l'hydrosulfite de
soude. Ce mode de développement, toutefois, n'est efficace que si
404 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
l'impression a atteint un certain degré (la moitié environ de l'ex-
position complète) et ne s'applique qu'à un petit nombre de colo-
rants. Cette méthode n'est pas encore au point.
OUVRAGES A CONSULTER
H. Calmels et L.-P. Clerc, la Reproduction photographique des couleurs,
Paris (H. Calmels), 1907.
E. GousTET, la Photographie des couleurs, Paris (Larousse), 1907.
P. Drouin, la Photographie des couleurs, Paris (Gh. Mendel), 1896.
.Dumoulin, les Couleurs reproduites en Photographie, 2e édition, Paris (Gau-
thier-Villars), 1894.
E. KoNiG ET E,-J. Wall, Natural Colour photography. Londres (Dawbarn et
Ward), 1906,
Comte E, Ogonowski, la Photochromie, Paris (Gauthier- Villars), 1861.
M. DE Valigourt, la Photographie sur métal, sur papier et sur verre, tome I^f,
Paris (Encyclopédie Roret), 1851.
LA MÉTHODE INTERFÊRENTIE LLE 405
CHAPITRE XX
LA MÉTHODE INTERFÉRENTIELLE
Historique, — La plupart des daguerréotypes bien conservés
présentent des nuances très délicates, surtout dans les carnations.
En faisant jouer la lumière sous diverses incidences, on distingue,
dans les étoffes, d'exquises teintes !i»leu pâle, mauve, crème, etc.,
dont la stabilité n'est plus contestable. A vrai dire, le coloris de
ces images n'est pas toujours exact, et certains tons font généra-
lement défaut, mais il convient de remarquer que l'orthochroma-
tisme n'a jamais été appliqué au daguerréotype.
Les couleurs qui prennent ainsi naissance sur la surface miroi-
tante avaient été attribuées, depuis longtemps, à une production de
lames minces, comme celles qui déterminent les irisations de la
nacre et des bulles de savon, sans que la théorie, toutefois, en eût
été nettement élucidée :
« M. Ross, lisons-nous dans la Lumière du 10 mars 1855, pen-
sait qu'il se produisait dans les images photochromatiques des
teintes dues aux lames minces telles que les montrent les bulles
de savon, les anneaux colorés, etc., et que les couleurs sont dues à
une épaisseur variable d'un composé qui se produirait sous l'action
de la lumière. »
L'année suivante, une communication de M. Garrère, publiée
dans le même journal, mérite d'être citée textuellement :
« Si les différents points de la lame sont frappés par des rayons
simples différents, l'oxydation variera d'un point à un autre de la
lame, par conséquent l'épaisseur de la lame variera aussi, et il
pourra se faire que les couleurs produites par la lame mince en
ses différents points soient identiques h celles des rayons qui l'ont
frappée en ces points. On pourra donc obtenir la photochromie,
-406 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
c'est-à-dire la formation par la lumière des images des objets avec
leurs couleurs ^ »
En 4868, Becquerel, cherchant à expliquer la formation des
couleurs dans son procédé par adaptation (V. p. 398), écrivait: « Un
faisceau de lumière diffuse qui vient frapper une image colorée
produite par la lumière renfermant une masse de vibrations diffé-
rentes, chaque partie de l'image vibrerait de préférence sous l'ac-
tion des rayons de même longueur d'onde que ceux qui ont agi
pour la produire, et alors les rayons réfléchis par les divers points
de cette image se trouveraient identiques à ceux qui lui ont
donné naissance. »
Vers la même époque, Zenker donnait une théorie plus précise
du phénomène, en supposant l'existence de lames minces de chlo-
rure d'argent, produites dans l'épaisseur de la couche par les ondes
stationnaires (on verra plusloin ce qu'il faut entendre par là) déter-
minées par la réflexion à la surface du métal. Enfin, M. N. Rood,
faisant allusion aux essais de Niepce de Saint-Victor, écrivait, en
1881 : « L'étude des détails des Mémoires relatifs à ces expé-
riences indique que les couleurs ainsi obtenues sont dues à une
réduction plus ou moins considérable de la pellicule de chlorure
d'argent, et ne sont, en réalité, produites que par l'interférence de
la lumière^. » ^
La méthode interférentielle avait donc été pressentie avant la
découverte de M. Lippmann, mais personne avant lui n'en avait
donné la théorie exacte et précisé les conditions de réalisation.
M. Lippmann a été le premier à obtenir des reproductions photo-
graphiques en couleurs, parfaites de vérité et d'éclat, et d'une sta-
bilité comparable à celle des images ordinaires aux sels d'argent.
Le procédé qu'il a imaginé est, au fond, très simple et peut être
réSLimé en peu de mots. Une couche transparente et très fine de
gélatinobromure mise en contact avec une surface réfléchissante
s'impressionne dans la chambre noire de telle sorte qu'après déve-
loppement et fixage, elle reconstitue, non plus seulement les con-
tours du modèle, mais aussi la variété infinie de ses couleurs. Pour
comprendre comment une disposition si simple est susceptible de
1. La Lumière, 1856, p. 90.
2. N. Rood, Théorie scientifique des couleurs.
LA MÉTHODE INTE RFÉRENTIELLE 407
produire un résultat si complexe, il est indispensable de connaître
quelques principes éle'mentaires d'optique physique.
Principe de la méthode interférentielle. — La lumière est un
mouvement vibratoire, une succession très rapide d'ondulations
propagées à travers ïéther^. Pour concevoir ce mode de propaga-
tion, il suffit de se rappeler certains faits bien connus. Ainsi, quand
on lance une pierre dans l'eau, on voit aussitôt se fornier une série
de vagues qui, partant du point où la surface liquide a été ébran-
lée, se transmettent tout autour, en cercles qui vont s'élargissant
à mesure qu'elles s'éloignent de leur centre. L'eau est ainsi le siège
d'un mouvement ondulatoire qui se propage avec une vitesse uni-
forme. De même, les sons qui frappent notre oreille consistent en
des déplacements alternatifs de l'air. Ces déplacements se trans-
mettent, de proche en proche, en ondulations dispersées à l'entour
du corps sonore. La vitesse de ce mouvement vibratoire est d'en-
viron 340 mètres par seconde. Suivant que les vibrations se succè-
dent avec plus ou moins de fréquence, l'oreille perçoit un son plus
ou moins aigu : le la normal du diapason correspond à 870 vibra-
tions simples par seconde, tandis que la même note de l'octave
suivante correspond à 1.740 vibrations dans le même laps de temps.
Dans un cas comme dans l'autre, la vitesse de propagation est la
même : les notes les plus graves ne se transmettent ni plus rapi-
dement ni plus lentement que les notes les plus aiguës. De même,
l'éther, ce fluide insaisissable dont les physiciens sont obligés d'ad-
mettre l'existence dans l'univers entier, est susceptible d'entrer
aussi en vibration. Suivant sa fréquence, le mouvement ondulatoire
se manifeste en des formes très différentes de l'énergie. Les vibra-
tions les plus lentes, celles qui correspondent aux notes les plus-
.graves de la gamme éthérée, sont invisibles et ne se manifestent à.
nous que sous forme de chaleur ou d'électricité. Plus rapides, elles
se révèlent à nos yeux : ce sont les ondes lumineuses. A mesure que
1. Substance extrêmement subtile, invisible, impondérable, presque immaté-
rielle, mais éminemment élastique, que les physiciens supposent répandue dan»
l'univers entier. Ce fluide pénètre la masse de tous les corps; il remplit même les
espaces célestes, et ses vibrations produisent la lumière, la chaleur, les radiations
électriques, etc., suivant leur fréquence. L'existence de l'éther n'est qu'hypothé-
tique, mais elle explique un grand nombre de phénomènes qui, sans elle, demeu-
reraient inexplicables.
408
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
leur fréquence s'accroît, notre nerf optique nous fait apercevoir
d'abord le rouge, puis l'orangé, puis successivement le jaune, le
vert, le bleu, l'indigo et le violet. Parvenue à ce degré, si la fré-
quence continue à augmenter, nous cessons de voir vibrer l'éther,
mais la plaque photographique est encore impressionnée par les
rayons ultra-violets.
Ces vibrations éthérées, quelle que soit leur fréquence, parcou-
rent l'espace avec une rapidité égale. Toutes sont animées de la
formidable vitesse de 300.000 kilomètres par seconde. Quand leur
fréquence s'accroît, les vagues sont plus courtes et plus rappro-
chées les unes des autres, mais elles courent toujours avec la même
rapidité. Ainsi, la longueur d'onde, c'est-à-dire la distance qui sé-
pare deux vagues consécutives de l'éther, est d'autant moindre que
ces vagues se succèdent en plus grand nombre, dans un laps de
temps déterminé, comme le montre le tableau suivant :
COULEUR
NOMBRE DE VIBRATIONS
PAR SECONDE
LONGUEUR d'onde
EN millionièmes
DE MILLIMÈTRE
Rouge
497 trillions.
528 —
529 —
601 -
648 -
686 -
728 -
620
583
551
512
475
449
423
Orangé
Jaune
Vert
Bleu
Indig'o
Violet..:
Lorsqu'un rayon de lumière vient rencontrer un miroir, il se ré-
fléchit, c'est-à-dire rebondit comme la bille qui a heurté la bande
du billard et suivant la même loi : l'angle de réflexion est égal à
l'angle d'incidence. En particulier, quand le faisceau lumineux
frappe le miroir perpendiculairement à sa surface, il revient nor-
malement sur lui-même et reprend, en sens inverse, le chemin qu'il
suivait auparavant. Il en résulte que l'espace situé en avant du mi-
roir est le siège de deux sortes d'ondulations : celles qui vont vers
le miroir et celles qui en reviennent. Entre ces deux groupes de
mouvements vibratoires, il y a conflit ou, pour employer l'exprès-
LA MÉTHODE INTERF É RE N TIE LLE 409
sion des physiciens, interférence. Là où l'onde réfléchie tend à
déplacer l'éther dans le même sens que l'onde incidente, les deux
mouvements s'ajoutent, et la lumière est doublée; là, au contraire,
où les deux forces s'exercent dans des directions opposées, elles
se détruisent l'une l'autre et aboutissent à cet étrange résultat que
la lumière ajoutée à la lumière produit l'obscurité.
Or, comme la vitesse de propagation des ondes lumineuses reste
constante, les interférences ne se déplacent pas, et l'on re'alise de
la sorte des ondes stationnaires . Dès lors, devant le miroir se suc-
cèdent des plans parallèles, alternativement lumineux et obscurs,
que nous appellerons des maxima et des minima. Entre deux maxima,
comme entre deux minima, la distance sera égale à la longueur
d'onde de la couleur du rayon lumineux : 475 millionièmes de
millimètre si la lumière est bleue, 551 si elle est jaune, etc. Entre
un maximum et un minimum, la distance sera naturellement d'une
demi-longueur d'onde, soit 310 millionièmes de millimètre si la
lumière est rouge, 256 si elle est verte, et ainsi de suite.
Il est maintenant facile de prévoir ce qui se produira si une
couche transparente de gélatinobromure d'argent se trouve en con-
tact avec la surface réfléchissante. Les maxima impressionneront
le sel d'argent, tandis que les minima le laisseront inattaqué. Après
développement et fixage, la gélatine contiendra un certain nombre
de lames d'argent extrêmement minces séparées par des intervalles
de même épaisseur. Suivant l'ingénieuse comparaison de M. Lipp-
mann, nous n'aurons plus une 'pâte grenue, comme dans la pho-
tographie ordinaire, mais bien une pâte feuilletée. Il nous reste à
expliquer comment ce feuilletage, quoique formé de substances
incolores, va reconstituer la couleur même qui lui a donné nais-
sance.
Tout le monde a vu les brillantes irisations des bulles de savon.
Les nuances du spectre s'y succèdent très rapidement à mesure
que les parois s'amincissent. La cause de ces colorations est un
phénomène d'interférence. Les deux faces de la paroi transparente
réfléchissent la lumière blanche qui les éclaire, mais le rayon réflé-
chi par la seconde face a parcouru un chemin plus long que celui
qui s'est réfléchi sur la première. Suivant l'épaisseur de la lame, la
différence de marche sera telle que certaines couleurs s'éteindront
410 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
par interférence, tandis que celle dont la longueur d'onde coïncide
avec cette différence de marche sera vivement réfléchie et exer-
cera sur notre organe visuel une impression prépondérante.
Tels sont les principes, qui ont conduit M. Gabriel Lippmann à la
mémorable découverte par lui annoncée à l'Académie des sciences,
le 2 février 1891. Une couche transparente de gélatine, de collo-
dion ou d'albumine sensibilisée à l'iodure ou au bromure d'argent-
et mise en contact avec une surface réfléch.îssante, qu'il est com-
mode de constituer par une couche de mercure, suffit pour pro-
duire une image stratifiée en lames minces entre lesquelles peu-
vent seuls se réfléchir les rayons de même longueur d'onde que
ceux qu'a transmis l'objectif.
Préparation des plaques. — Les émulsions ordinaires ne con-
viennent pas à la photographie interférentielle, d'abord parce
qu'elles manquent de transparence et sont à peine translucides,
comme le papier huilé, et aussi parce que la maturation y a agglo-
méré le bromure d'argent en grains de dimensions bien supé-
rieures à celles des longueurs d'onde des radiations lumineuses.
Le collodion et l'albumine fournissent des couches très fines et suf-
fisamment diaphanes, mais dont la sensibilité laisse trop à désirer.
M. Lippmann a obtenu une émulsion tranaparente et sans grain^
en opérant de la façon suivante.
On fait d'abord gonfler, dans 100 ce. d'eau, 4 grammes de géla-
tine que l'on chauffe ensuite légèrement, jusqu'à complète dissolu-
tion. On ajoute 0s%o3 de bromure de potassium, puis, pour rendre
l'émulsion orthochromatique, 6 ce. d'une solution alcoolique de
cyanine à 1 p. 500 et 3 ce. d'une solution alcoolique de rouge de
quinoléine à 1 p. 500. On porte ensuite le tout, dans l'obscurité,
à une température ne dépassant pas 40°, et l'on ajoute 0='",7o de
nitrate d'argent sec en poudre. On fait dissoudre par agitation, et
on filtre à la laine de verre. L'émulsion ainsi préparée est coulée
sur des plaques de verre tièdes placées sur un support parfaitement
horizontal. Quand la gélatine est figée, on plonge les plaques dans
l'alcool, on les lave pendant une demi-heure et on laisse sécher.
Ces plaques se conservent fort longtemps, à l'abri de la lumière et
de l'humidité, mais elles sont très lentes.
La maison Richard Jahr, à Dresde, fabrique des plaquesr à émul-
LA MÉTHODE INTERFÉRENTIELLE
411
sion sans grain, spécialement préparées suivant les données de
M. H. Lehmann pour la photographie interférentielle. Ces plaques
peuvent être manipulées en lumière rouge très claire. Comme elles
sont très transparentes, on ne distingue pas, à première vue, le
côté émulsionné de celui qui ne l'est pas. Pour savoir quel est le
côté qu'il faut mettre en contact avec le mercure, on projette l'ha-
leine contre la plaque tenue devant la lanterne à verre rouge : la
face qui se couvre de buée est celle qui ne porte pas la couche sen-
sible. En l'humectant légèrement et en la frottant avec un linge,
on la débarrasse des taches qui pourraient s'y trouver et feraient
ombre sur l'image. Quant au côté émulsionné, il faut éviter de le
toucher. La plaque doit être exposée verre en avant et gélatine en
arrière, en contact avec une couche de mercure. La
méthode interférentielle exige l'emploi d'un châs-
sis spécial, disposé de inanière à recevoir une cer-
taine quantité de mercure maintenu derrière la
plaque formant paroi étanche.
Les constructeurs ont combiné divers modèles
de châssis à mercure. La fîg. 135 représente celui
de M. Mackenstein. Ce châssis s'ouvre comme un
livre, pour recevoir la plaque, et la maintient ser-
rée, une fois fermé, contre un joint élastique. Le
mercure, d'abord contenu dans une poire de caout-
chouc, est introduit derrière la plaque au moyen
d'un tuyau de caoutchouc pénétrant dans le châs-
sis, et reversé après la pose dans la poire, où on le Fig.135. — Châssis
,,,,,,. . , a mercure.
conserve jusqu a 1 opération suivante.
Il est indispensable d'employer du mercure chimiquement pur.
Le mercure qui se recouvre d'une pellicule grise est absolument
impropre à la photographie interférentielle. Le mercure pur doit,
en outre, être filtré de temps en temps : à cet effet, il faut le com-
primer dans un nouet de peau de chamois ou de mousseline pliée
en quatre.
Exposition. — La reproduction exacte des couleurs exige pres-
que toujours l'interposition d'un écran compensateur. M. Lippmann
a exécuté ses premières photographies interférentielles en dispo-
sant devant l'objectif une cuve en verre à faces parallèles contenant
412 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
des solutions de bichromate de potasse ou d'hélianthine. Les
plaques R. Jahr, de Dresde, sont rendues sensibles à toutes les
couleurs visibles suivant une méthode spéciale* qui permet de
les exposer sans écran, mais à la condition d'observer certaines
précautions. Ainsi, il faut éviter les grands contrastes et ne i>as
photographier les sujets éclairés directement par le soleil. Si l'on
aborde ces sujets, le temps d'exposition normal, qui seul permet
de rendre correctementtoutes les couleurs, reste compris dans des
limites si étroites qu'il est très difficile de ne pas s'en écarter.
Ces inconvénients sont évités par l'interposition d'un écran cor-
recteur spécial, fabriqué par G. Zeiss. Les couleurs sont alors
exactement reproduites, même en cas de sous-exposition et de
surexposition. La saturation des teintes diminue seulement avec
le temps de pose.
En plein soleil, un paysage découvert exige une exposition
comprise entre 1 et 2 minutes, lorsqu'on emploie l'écran correc-
teur avec un objectif ouvert à F : 4,5. Les meilleurs résultats sont
obtenus avec un éclairage très vif et un objectif très rapide.
Développement. — La plaque impressionnée est retirée du
châssis dans le laboratoire éclairé par une lanterne à verre rouge
clair. Il faut d'abord débarrasser la couche sensible des goutte-
lettes de mercure qui y adhèrent encore. Généralement, il suffit
d'y passer un blaireau très doux et de recueillir le mercure dans
une coupelle. M. Neuhauss conseille de frotter la couche avec un
tampon de peau très fine exclusivement réservé à cet usage. M. H.
Lehmann y ajoute un peu de poudre à polir impalpable. La plaque
est alors prête à l'immersion dans le révélateur.
Le développement s'effectue dans un bain très dilué. On prépare
d'abord une solution de réserve :
Eau distillée ■ 25 ce.
Sulfite de soude 5 gr.
Diamidophénol 0 gr. 5
Au moment de développer, on en prpnd seulement de 1 à 5 ce,
que l'on dilue dans 100 ce d'eau. Le développement ne dure que de
2 à 5 minutes : on l'arrête dès que le négatif parait suffisamment
1. Jahrbuch fiXr Photographie, 1908, p. ^157.
LA MÉTHODE INTERF E RE NTIE LLE 413
détaillé par réflexion. Afin de juger exactement de son intensité,
il est bon de se servir pour cette opération d'une cuvette em por-
celaine blanche sur le fond de laquelle l'image se dessinera nette-
ment. Comme l'émulsion est peu sensible, on peut, de temps en
temps, l'éclairer au moyen d'une lampe ordinaire suffisamment
éloignée.
La plaque développée est rincée rapidement et fixée dans une
solution d'hyposulfite à 25 p. 100, oii elle n'est laissée que pendant
une minute et demie environ. Après un lavage de trois minutes, on
passe au renforcement, presque toujours nécessaire pour accen-
tuer les contrastes entre les maxima et les minima interférentiels.
L'image est d'abord blanchie dans une solution de bichlorure de
mercure à 1 p. 1.000, lavée et renoircie dans le révélateur au dia-
midophénol dilué comme précédemment.
Ce mode de traitement est celui qui permet les poses les plus
courtes. Il convient à la reproduction des couleurs complexes et
des sujets à contrastes, mais non à celle des spectres dont il est
nécessaire de copier les nuances exactes. Le développement à
l'acide pyrogallique exige une exposition plus longue et ne sup-
porte pas les contrastes exagérés, mais il convient parfaitement
aux photographies spectrales, parce qu'il ne nécessite point de
fixage. La dissolution du bromure déplace, en effet, légèrement
les couleurs vers le bleu : il faut donc supprimer le fixage, dans
les reproductions du spectre, si l'on tient à avoir des tons absolu-
ment exacts.
Les solutions de réserve, paur ce mode de développement, sont :
A. Eau distillée 100 ce.
Métabisulfite de potasse 0 gr. 2
Acide pvrogallique 1 gr.
B. Eau dislillée 150 ce.
Bromure de potassium 15 gr.
Ammoniaque (densité 0,91) 30 ce.
Pour développer, on ajoutera, à 100 ce. d'eau, 3 ce. de la solu-
tion A et 6 ce. de la solution B. Si l'on veut avoir des couleurs
pures et très légères, on prendra un peu moins de la solution B,
soit environ 4 ce. Une plus forte dose de cette solution donne des
couleurs plus lumineuses, mais moins saturées. A la température
414 TRAITÉ GÉ'NÉKAÎ. DE] PHOTOGRA BHIE
de 15° à 18°, le développement à racide pyrogallique et à l'ammo-
niaque ne doit durer que 1 minute ou 1 minute et demie. On lave
ensuite la plaque pendant une minute, dans l'eau courante, et, si
on le juge nécessaire, on la fixe pendant 1 minute au plus dans
une solution à 20 p. 100 d'hyposulfite-d-ft soude. Après un lavage
de trois minutes, on laisse sécher.
Certains opérateurs ne procèdent au fixage, s'il y a lieu, qu'après
avoir laissé sécher la couche, de manière à pouvoir en examiner le
coloris, qui demeure invisible tant qu'elle est mouillée. Les images
qui ne présentent pas des couleurs très brillantes ne doivent pas
être fixées, car le fixage atténue encore leur éclat. M. Lûppo-Cra-
mer a vérifié que la suppression du fixage ne compromet en rien
la stabilité de la Reproduction. Une plaque interférentielle non fixée
fut recouverte à moitié d'un papier noir et exposée pendant un
certain temps aux rayons solaires. La moitié non abritée brunit
sensiblement, mais cette modification arriva bientôt à un maxi-
mum qui n'altéra en rien le brillant de l'image examinée par
réflexion, à tel point que la partie de la plaque exposée au soleil
ne difTérait aucunement de la partie protégée par le papier opaque^
Examen et montage. — La gélatine imprégnée d'eau ne montre
aucune trace de coloration : le gonflement de la couche agrandit,
en effet, la distance qui sépare les maxima et les minima interfé-
rentiels, qui ne reprennent leur position normale qu'à la dessicca-
tion. Si l'on examine attentivement la surface au moment où les
dernières traces d'humidité s'évaporent, on assiste au spectacle
admirable, et même impressionnant lorsqu'on le voit pour la pre-
mière fois, de l'apparition des couleurs, qui peu à peu prennent leur
place, et acquièrent un très vif éclat quand les opérations ont été
bien conduites.
Ces couleurs, toutefois, ne se montrent que dans des conditions
toutes particulières d'éclairage et d'examen. Par transparence, on
n'aperçoit qu'un négatif très pâle et monochromatique, de teinte
ordinairement brune. Il faut regarder la couche par lumière réflé-
chie, comme on le fait pour les images daguerriennes. Encore les
couleurs examinées directement ne sont- elles pas absolument
exactes. Il résulte des recherches de M. 0. Wiener que cette alté-
ration du coloris est due à la lumière réfléchie à la surface exté-
LA MÉTHODE INTE RFÉRENTIE LLE
415
rieure de la couche, tandis que les couleurs sont produites par le
jeu de la lumière dans l'épaisseur de la couche contenant les lames
minces des ondes stationnaires.
Il est donc nécessaire de séparer ces deux lumières, en mettant
la couche gélatineuse en contact optique avec une couche prisma-
tique (c'est-à-dire à faces non parallèles) d'une
substance transparente possédant
presque le même indice de réfraction.
La fîg. 136 montre quelle est dans ce
cas la marche des rayons lumineux.
La couche b de la plaque photogra-
phique a est collée au prisme c. Une
faible partie des rayons incidents qui
rencontrent le prisme dans la direc-
tion AB est réfléchie dans la direction
BF, tandis que la majeure partie est
réfractée vers C. Ces rayons pénètrent
dans la couche stratifiée, se colorent
par interférence et, renvoyés vers D,
parviennent à l'œil de l'observateur
dans la direction DE.
Le milieu prismatique peut être
constitué par une couche liquide limi-
tée par des surfaces non parallèles. Le procédé le plus simple
pour supprimer la réflexion superficielle est celui qu'a indiqué
M. 0. Wiener. Il consiste h plonger la plaque obliquement dans
Une cuve remplie de benzine, et à regarder l'image à travers ce
liquide. La fig. 137 représente la coupe d'une cuve à benzine cons-
truite par la maison Zeiss. Pour assurer à la plaque une position
oblique, le fond de la cuve est incliné. A l'exception delà face anté-
rieure, toutes les parois de ce récipient sont recouvertes d'un ver-
nis noir mat.
La cuve à benzine ne sert ordinairement qu'à l'appréciation pro-
visoire du ton des vues, que l'on peut légèrement modifier, avant
de procéder au montage définitif, soit en chauff'ant modérément
la plaque de manière à la dessécher plus complètement, soit en la
rendant un peu plus humide par la projection de l'haleine. Dans le
Cl. Zefeà
Fig. 136. — Montage
sur prisme.
Fig. 137.
Cuve à
benzine.
416
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
premier cas, les couleurs sont décalées vers le bleu ; dans le second,
elles le sont vers le rouge.
Le montage définitif consiste à coller la plaque sur un prisme
de verre avec du baume de Canada liquide, mais assez consistante
Ce prisme doit avoir un angle assez aigu, comme celui de la
fig. 436. C'est, en réalité, une plaque de verre un peu plus épaisse
d'un côté que de l'autre. Pour éviter la fol'mation de bulles, il faut
mettre beaucoup de baume et exercer une forte pression : l'excès
de baume s'échappe par les bords, et on le recueille avec une spa-
tule. On nettoie ensuite les bords à l'alcool et on les recouvre de
papier noir. Le dos de la plaque
est enfin enduit d'un vernis noir
mat, protégé par du papier noir
collé sur les bords.
L'examen d'une vue ainsi pré-
parée et tenue à la- main exige
une certaine habitude. Les pho-
tographies interférentielles ne
font bien voir leurs couleurs
que dans une direction déter-
minée, qui devra se rapprocher
autant que possible de la direc-
tion perpendiculaire à la surface
de l'image. La pièce la plus fa-
vorable pour cet examen est une
chambre à une seule fenêtre
laissant apercevoir une assez
grande portion du ciel. On se
place dans le fond de la pièce et,
tournant le dos à la fenêtre, on
incline la vue en cherchant à y
faire miroiter les rayons colorés.
Cl. Zeiss.
Fig. 138. — Iconoscope Zeiss.
Il n'est pas toujours facile de trouver un point de vue dans lequel
on ne soit pas gêné par la lumière diffuse, qui pâlit notablement
le coloris. Les vues interférentielles sont plus avantageusement
mises en valeur quand l'examen en est effectué à l'aide d'instru-
ments spéciaux. La fîg. 138 représente l'un des iconoscopes combi-
LA MÉTHODE INTE RFÉRE NTIE LLE
4n
nés à tel effet par la maison Zeiss. Dans la boîte A est placée la
plaque interférentielle B, dont la position est réglée par des vis
calantes. L'imagf^ reçoit, par l'intermédiaire du miroir concave C,
la Lumière, émanée du verre dépoli D éclairé par le miroir plan E.
La couche interterentielle intercepte le cône lumineux dirigé vers
D' et le renvoie, par réflexion, vers l'oculaire F.
Cl. Zeiss.
Fig. 139. — Projection des images interférentielles
La maison Zeiss construit aussi, pour la projection des images
interférentielles, un appareil dont la fig. 139 montre les dispositions
essentielles. Les rayons émanés d'une lampe à arc placée en A
sont concentrés vers A' par le condensateur B. La plaque interfé-
rentielle G les renvoie vers le point D, qui coïncide avec le centre
optique d'un objectif à projections. L'image amplifiée de l'épreuve
en couleurs va se peindre sur l'écran de projection E.
Insuccès. — Sans être compliquée, la méthode interférentielle
est assez délicate, et l'incertitude de ses résultats décourage sou-
vent les débutants. Le mercure en contact avec l'émulsion occa-
sionne fréquemment des taches métalliques brillantes, de formes
et de dimensions très différentes. Parfois même ces taches cou-
vrent uniformément l'image. Les taches faibles ne^'ont que dépla-
cer les couleurs, mais les taches brillantes les voilent complète-
ment.
Si le mercure est pur, ces taches ne se produisent que sur les
premières plaques, à la condition que le châssis soit parfaitement
propre. Les taches métalliques ne se formant qu'au développement
et apparaissant un peu moins rapidement que l'image, il y a avan-
tage à interrompre le développement aussitôt que possible. Un
développement prolongé ne fournit jamais de bons résultats.
4!8 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Un autre moyen d'e'viter les taches mercurielles a été indiqué par
M. H. Lehmann. Il consibte à durcir la couche sensible dans :
Eau distillée 100 ce.
Formaline à 40 p. 100. 5 —
La plaque est laissée dans ce bain pendant une minute, lavée à
l'eau courante pendant 2 à 3 minutes, épongée avec soin et mise à
sécher rapidement, de préférence dans une étuve. Ce traitement
n'influe nullement sur la sensibilité des plaques Jahr^
Les plaques sous-exposées donnent des couleurs trop peu
intenses. Les plaques surexposées avec l'écran de correction pré-
sentent des couleurs blanchâtres. Sans écran, les couleurs dispa-
raissent complètement, dès que l'exposition est un peu trop longue.
Même lorsqu'on emploie l'écran et que la pose a été normale,
il peut arriver exceptionnellement que les couleurs soient plus
ou moins déplacées vers l'une ou l'autre extrémité du spectre. Ce
déplacement est parfois occasionné par le voile mercuriel, qui
empêche la suppression complète de la réflexion superficielle au
moyen de la cuve à benzine ou du prisme en verre. Quand ce cas
se présente, les couleurs sont pâles et mates. Nous avons déjà indi-
qué les moyens d'éviter les taches mercurielles.
Le déplacement des couleurs résulte aussi d'une diff'érence no-
table entre l'état hygrométrique de la couche sensible et du mer-
cure au moment de la pose et après le séchage. ISi la couche était
trop humide pendant que la plaque était impressionnée, le séchage
occasionne un déplacement vers le bleu, car toutes les lames d'in-
terférence et les intervalles qui les séparent se trouvent resserrés.
On rectifie alors le coloris, soit en refroidissant la plaque, soit en
l'humectant très légèrement avec l'haleine, avant de l'immerger
dans la cuve à benzine. Si, au contraire, la plaque était primiti-
vement trop sèche, l'image est trop rouge, parce que la couche est
plus épaisse qu'au moment de la pose, et il faut un peu la chauffer
avant de la coller sur le prisme.
Un autre moyen de ramener au ton voulu une image trop rouge
consiste à augmenter l'angle de réflexion lors de l'examen ou de
la projection. Un portrait normalement exposé pâlira donc si on le
1. Photo graphische Rundschau, 1909, fascicule 11,
I
LA MÉTHODE INTE RFÊRE NTIELLE 419
regarde sous une incidence trop oblique. Quand le déplacement
des couleurs est très faible, on peut le corriger pour l'examen et
pour la. projection dans la cuve à benzine, en modifiant simplement
l'indice de réfraction du liquide contenu dans la cuve. Pour ren-
forcer le rouge, on prend de l'éther ou de l'alcool absolu. Au con-
traire, pour rendre le bleu plus vigoureux, on choisira le sulfure
de carbone ou, si Ton veut éviter l'odeur désagréable de cette
substance, la naphtaline chlorée proposée par M. E. Kônig. En
mélangeant la benzine avec une des deux dernières substances, on
peut réaliser tous les effets intermédiaires. C'est un spectacle extrê-
mement curieux, et particulièrement intéressant au point de vue
théorique, que de voir ainsi passer un paysage des tons chauds
aux tons froids et réciproquement.
Applications de la méthode interférentielle, — La lenteur des
émulsions sans grain, la complication qu'entraîne l'emploi du mer-
cure, l'incertitude des résultats, l'aspect miroitant des couleurs
et leurs conditions très limitées de visibilité restreignent singuliè-
rement, en pratique, la portée de la méthode interférentielle, sur-
tout depuis que l'on trouve dans le commerce les plaques à filtres
colorés.
Cependant, la méthode interférentielle conserve d'incontestables
avantages. D'abord, elle offre au physicien une admirable confir-
mation de la théorie moderne de la lumière. L'existence des ondu-
lations éthérées n'est plus une hypothèse : le microscope permet
d'analyser la -structure de la couche sensible dans l'épaisseur de
laquelle les ondes stationnaires déterminées par interférence ont
réduit l'argent à l'état de lames minces. En outre, cette méthode
produit des couleurs chatoyantes, d'une pureté et d'un éclat très
supérieurs à celles que l'on obtient à l'aide des autres procédés.
Les couleurs interférentielles ont comme des reflets métalliques et
scintillent, pour ainsi dire, quand elles sont vivement éclairées.
Elles sont éminemment aptes à reproduire fidèlement le spectre,
les effets de polarisation et tous les autres phénomènes qui font
apparaître des couleurs très saturées.
L'invention de M. Lippmann est certainement la solution la plus
élégante du problème de la chromophotographie, et son charme
particulier est de faire sortir, en quelque sorte, du néant des cou-
420 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
leurs splendides, formées par le rapprochement de substances inco-
lores.
OUVRAGES A CONSULTER
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N, RooD, The'orie scientifique des couleurs, Paris (Germer-Baill ère), 1881,
E. Valenta, Die Photographie in natilrlichen Farben, mit besonderer Berûcksich"
iigung des Lippmannschen Verfahrens, Halle a/ S. (W. Knapp), 1894.
LIVRE V
APPLICATIONS DE LA PHOTOGRAPHIE
\
CHAPITRE XXI
LA STÉRÉOSCOPIE
Vision binoculaire. Stéréoscope. — Le principe sur lequel repose
la sensation du relief par la vision simultanée des deux yeux est
connu depuis l'antiquité. Euclide a dit, 300 ans avant notre ère :
« Voir le relief (axspeov axoTisTv), c'est recevoir, au moyen de chaque
œil, l'impression simultanée de deux images dissemblables du
même objet. » La théorie en était exactement élucidée à l'époque
de la Renaissance, ainsi qu'en témoignent les manuscrits de Léo-
nard de Yinci.
Quand un objet en relief est placé devant nous, l'image qu'en
voit l'œil gauche n'est pas tout à fait la même que celle qu'en voit
l'œil droit. Par exemple, si un dé à jouer se trouve à égale distance
entre les deux yeux, tous deux en verront bien la face antérieure;
mais, en outre, Fœil droit en apercevra la face latérale droite, qui
se trouve cachée à l'œil gauche, tandis que ce dernier apercevra la
face latérale gauche, que l'œil droit ne peut pas voir. Dessinons
séparément ces deux aspects et disposons les croquis de telle sorte
que chaque œil aperçoive uniquement celui qui correspond à sa
perspective : nous distinguerons alors, non pas deux images diffé-
rentes, maison objet unique, qui nous paraîtra en relief, comme
si c'était, non plus une figure dessinée sur une surface plane, mais
bien un solide [en grec axîpsoc;). De là le nom de stéréoscope donné
24
422
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cl. Zeiss
Fig-. 140. — Stéréoscope à miroirs.
à rinstrument qui nous donne la sensation du relief par la vision
binoculaire.
La réalisation du stéréoscope est à peu près contemporaine du
daguerréotype. C'est Wheatstone qui construisit le premier, en
1838. Deux dessins d'un même objet le représentaient sous les
perspectives légèrement
différentes qui correspon-
dent à chacun des deux
yeux. Ces deux dessins
étaient disposés l'un en
face de l'autre, aux deux
extrémités d'une plan-
chette (fîg. 140). Deux mi-
roirs inclinés renvoyaient
les deux images vers
deux œilletons, à travers
lesquels l'observateur aporcevait le sujet en relief.
En 1844, Brewster construisait le stéréoscope à prismes, à peu
près tel qu'on le fabrique encore actuellement. Néanmoins, depuis
quelques années,, les prismes sont généralement remplacés par des
lentilles achromatiques au foyer desquelles se trouvent placées,
l'une à côté de l'autre, les deux
images dont la vision simultanée
procure la sensation du relief.
Une crémaillère permet de
mettre au point, suivant la vue
de chaque observateur. La paroi
opposée aux oculaires est ordi-
nairement constituée par un,
verre dépoli, pour l'observation
des diapositifs stéréoscopiqups.
Les épreuves sur papier sont
Fig. 141. — Stéréoscope à lentilles.
éclairées par devant au moyen d'un miroir monté à. charnières sur
la paroi supérieure (fig. 141). Le stéréoscope à colonne (fig. 142)
contient une série de vues stéréoscopiques que l'observateur amène
successivement devant les oculaires en tou rnant deux boutons exté-
rieurs.
LA STÉRÉOS COPIE
423
Le stéréoscope serait demeuré 'u'rie simple curiosité de cabinet de
physique, sans la photographie qui permet
d'exécuter très facilement les images desti-
nées à la vision binoculaire.
Appareils et méthodes stéréophotogra-
phiques. — Pour la reproduction des objets
Fig. 142. — Stéréoscope
à colonne.
Cl. Poulenc.
Fig. 143. — Appareil photôstéréographiqpie.
immobiles, une chambre photographique ordinaire suffit parfaite-
ment. On la fixe à un support sur lequel on lui fait prendre suc-
cessivement deux posi-
tions différentes, éloignées
Tune de l'autre d'une quan-
tité égale à l'écartement
des yeux, ou même un
peu supérieure, si l'on
tient à exagérer le relief.
On exécute successive-
ment les deux clichés, et
les deux épreuves qu'on q Beiiieni
en obtient sont juxtapo-
sées sur le même carton
(ou sur le même verre,
si ce sont des diaposi-
tifs).
Dans la plupart des cas,
il faut exécuter les deux
clichés simultanément, à l'aide d'une chambre noire divisée en
deux compartiments et munie de deux objectifs (fîg. 143, 144 et
Fig. 144. — Jumelle pholostéréographique.
424
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Fig. 145. — Vérascope.
145). Ces deux objectifs doivent, bien entendu, avoir des foyers
rigoureusement égaux.
La fig. 144 représente la jumelle Bellieni. Les deux objectifs 0, 0
sont munis de diaphragmes iris reliés par une bielle articulée I qui
se déplace en regard d'une division indiquant l'ouverture utilisée.
Une pince à ressort et à vis L évite toute modification de l'ouver-
ture des diaphragmes. La mise au point s'effectue à Taide du bou-
ton J : en même temps que les
objectifs se déplacent, un index D
se meut sur une échelle graduée
E, qui sert à régler au juger la
distance focale, d'après la dis-
tance du sujet à photographier.
Le viseur est constitué par un
œilleton A et un cadre à réticule
B, qui peuvent se rabattre, pen-
dant le transport, sur la paroi
supérieure de la chambre. L'ob-
turateur est armé, c'est-à-dire mis à sa position de départ, à l'aide
du bouton G. La vitesse d'obturation se règle par le bouton F,
chiffré de 1 à 5, et le déclanchement est obtenu en pressant le
bouton K. Pour faire la pose, on tourne l'index H, après avoir armé
l'obturateur jusqu'à mi-course. L'exposition successive des pla-
ques contenues dans le magasin est commandée par la tirette C.
Un compteur automatique P fait connaître le nombre de plaques
exposées. Les flèches M sont des repères nécessaires au remontage
exact des objectifs, lorsqu'on les a dévissés pour en nettoyer les
lentilles.
Les deux images se trouvent ordinairement juxtaposées sur la
même plaque. Pour en tirer une épreuve sur papier, on met dans
le châssis-presse, en contact avec le double négatif, une feuille
sensible de même format. Les deux images contiguës sont ainsi
imprimées, virées et fixées simultanément. Mais, si on les obser-
vait dans ces conditions à travers les oculaires du stéréoscope, on
verrait le sujet, non pas en relief, mais bien en creux, comme
ei on en regardait un moulage. Cet effet pseudoscopique résulte
de l'inversion des images dans chacun des compartiments de la
LA STÉRÉOSCOPIE
425
chambre noire, ainsi qu'il est facile de s'en rendre compte par les
diagrammes suivants.
Chacun des objectifs donnant une image renversée :
•ailonEt)
•ajiojQ
Si nous redressons le cliché dans sa position normale, les ima-
ges se trouveront interverties :
Droite.
Gauche.
D'où la nécessité de sépàï''éï' 1'-^ àie^x €pr^'uv€s fet àé ïes trans^
poser dans leur véritable sens i
Gauche.
33î"ôi;tè..
Il faut donc coller sur le côté droit du carton l'image qui se
trouvait à gauche de la double épreuve, et sur le côté gauche celle
qui se trouvait à droite. Ennel a fait connaître un artifice très ingé-
nieux, et cependant peu usité, pour imprimer directement et sans
aucune transposition les épreuves stéréoscopiques sur papier d'a-
près un négatif exécuté dans la chambre binoculaire. On évite une
grande perte de temps en procédant comme suit. Supposons que
la plaque portant les deux images négatives ait une longueur totale
de 18 centimètres. On prend une bande de papier sensible de 36 cen-
timètres de longueur et d'une largeur égale à la hauteur des images
négatives. On replie chaque bout de cette bande (9 centimètres de
chaque côté), la surface sensible en dehors, de telle sorte que les
bords se rencontrent au milieu. Le milieu du papier ainsi replié
présente une surface continue de 18 centimètres de long, et les
deux bouts repliés ont ensemble également une longueur de 18 cen-
timètres. On imprime alors sous le cliché l'une des surfaces sensi-
bles, puis on retourne le papier et l'on imprime l'autre (si le papier
est mince et très sensible, il sera prudent d'interposer une bande
de papier noir). Ces deux impressions terminées, la bande est virée,
fixée, lavée et séchée. On a ainsi, sur cette bande de 36 centimètres
Fig-. 146. — Châssis transposenr.
426 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
de longueur, deux séries d'épreuves stéréoscopiques complètes,
c'est-à-dire quatre images en ligne droite qui sont dans la position
voulue. On n'a plus qu'à couper le papier par le milieu pour avoir
deux couples stéréoscopiques que Ton pourra coller chacun sur un
carton, sans avoir à en transposer les images.
Les diapositifs sur verre peuvent être séparés au diamant et
transposés sur une glace où on les assujettit par des bandes de
^ papier noir gommé. Ce-
plaque positive sous le
négatif placé à gauche,,
et la partie gauche bous le négatif de droite.
Plaques autostéréoscopiques. — En 1903, l'Américain E. Ives
faisait connaître, sous le nom de 'parallax-stereograms , des diapo-
sitifs sur lesquels on voyait directement les objets en relief, sans
avoir recours à aucun instrument d'optique. Les plaques sur les-
quelles était obtenu cet effet pouvaient être de dimensions quelcon-
ques et observées simultanément par plusieurs personnes, tandis
que, dans le stéréoscope, le format est limité au moins dans le sens
de la largeur par l'écartement des yeux, et l'image n'est visible
que par un seul observateur à la fois.
Pour obtenir un parallax-stéréogramme, M. Ives, appliquant un
principe indiqué dès 1896 par M. Berthier, exposait une plaque
au foyer d'un objectif simple de grand diamètre, contre la lentille
duquel était fixée une lame opaque percée de deux ouvertures en.
regard des deux extrémités du diamètre horizontal du verre. De
plus, un gril ou réseau à lignes verticales était interposé en avant
de la surface sensible, plus ou moins près suivant l'espacement des
traits (il y en avait environ 100 à 150 par pouce).
Les rayons transmis par chacune des deux ouvertures sont par-
LA STERÉOSCOPIE 427
tiellement interceptés par les lignes opaques de la trame. Après
développement, fixage et tirage du cliché composite, on a une
image confuse, où ne se montre aucun relief. Mais l'effet sera tout
différent si l'on observe cette image derrière le gril qui avait été
interposé devant la plaque sensible, en ayant soin de le repérer
exactement dans sa position primitive. Alors, les traits opaques du
réseau cachent à l'œil droit l'image fournie par l'ouverture placée
à gauche, et vice versa. Chaque œil ne voit ainsi que l'image qui lui
est destinée, comme dans le stéréoscope, mais l'illusion est ici plus
complète, parce que l'observateur peut se déplacer à droite et à
gauche sans cesser de percevoir le relief.
M. Estanave a supprimé tout repérage, en imprimant un réseau
de lignes noires parallèles au dos d'une plaque au gélatinobro-
mure. Cette plaque est impressionnée, verre en avant et gélatine
en arrière, dans une chambre dont l'objectif est muni d'un dia-
phragme à deux ouvertures, comme dans le procédé Ives. Après
développement et inversion, on a un diapositif reproduisant le
modèle avec le relief stéréoscopique. La trame n'ayant environ
que 40 lignes par centimètre, le diapositif examiné de très près se
montre haché de rayures, comme si on le regardait à travers les
barreaux d'une grille; mais si l'on s'en éloigne suffisamment, cet
inconvénient disparaît, l'illusion est complète, et le relief persiste
même si l'observateur change de place.
Le même dispositif a permis d'obtenir des épreuves à effet chan-
geant. Au lieu délaisser pénétrer la lumière simultanément par les
deux ouvertures de l'objectif, on exécute deux poses successives
sur la même plaque. Ainsi, dans le cas d'un portrait, le sujet aura
les yeux ouverts pendant qu'on laissera pénétrer la lumière par
l'orifice droit, et les tiendra fermés pendant la pose exécutée par
l'orifice gauche. Si l'on examine le diapositif ainsi obtenu, on verra
le modèle avec les yeux ouverts ou fermés, suivant qu'on se pla-
cera à droite ou h gauche du centre de la plaque. Et, si l'on se
déplace rapidement, ou si l'on imprime au diapositif un mouvement
d'oscillation, on verra le modèle fermer les yeux, puis les ouvrir
et les fermer encore.
Enfin, en remplaçant le réseau primitif par une trame quadril-
lée, c'est-à-dire rayée de traits verticaux et de traits horizontaux,
428 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PROTOGRAPHIE
et en perçant le diaphragme de quatre otivertores disposées aux
angles d'un carré dont les côtés sont verticaux et horizontaux,
M. Estanave a réalisé des effets plus complexes. Le relief est donné
par les raies verticales, tandis que les raies horizontales donnent
lieu à des effets changeants, que l'observateur obtient en se dépla-
çant dans le sens vertical ou en inclinant la plaque en avant on en
arrière.
Photographie intégrale. — M. Lipptnann à imaginé, en 1<K^, uït
procédé susceptible de donner l'illusion du relief beaucoup plnS
complètement que ne peuvent le faire lès méthodes stéréoscopi-
ques précédentes. Ce qui ajoute encore à l'originalité de cette itiîiô^
vation, c'est qu'elle supprime la chambre noire et l'objectif. L'ap-
pareil se réduit à un châssis contenant la plaque sensible, que l'on
démasque au moment de l'impressionner. Après développement et
inversion, on. a un diapositif à travers lequel le modèle est vu en
relief et présente des perspectives changeantes à mesure que l'ob-
-servateur se déplace, absolument comme si cette plaque était une
fenêtre ouverte sur le site que l'on a voulu reproduire.
A vrai dire, la réalisation de ce procédé singulier offre de gran-
des difficultés techniques, mais la théorie en est si ingénieuse qu'il
convient d'en connaître au moins l'essentiel.
La plaque sensible est formée d'une multitude d'éléments coti^
vexes constituant chacun un objectif et une chambre noire micros-
copiques. C'est une pellicule de celluloïd dont les deux surfaces sont
moulées de manière à présenter des convexités disposées en regard
les unes des autres, mais avec des courbures différentes. Le côté
sur lequel est coulée l'émulsion est faiblement ondulé, tandis que
le côté opposé, -qui sera dirigé vers le sujet à photographier, est
formé d'éléments dont la convexité est beaucoup plus accusée. Ces
éléments antérieurs, de courbure à très faible rayon, constituent
autant d'objectifs projetant une microscopique image du modèle
sur la face opposée de la pellicule, ôii se trouve l'émulsion au
gélatinobromure. La courbure de la surface sur laquelle se forme
l'image est calculée de manière que celle-ci soit bien au point.
Comme le foyer de chaque objectif est extrêmement court, tous les
objets, même situés à faible distance, se dessineront avec une net-
teté pratiquement suffisante. Il est utile qu'une couche de pigment
LA STÉREOSCOPIK 429^^
noir isole optiquement chaque élément de ceux qui l'entourent.
Pour abréger, nous donnerons le nom de cellule à chacune des
petites chambres noires ainsi constituées.
La plaque est enfermée dans un châssis, que l'on ouvre en face
du sujet à reproduire et que l'on referme après la pose. On déve-
loppe et l'on inverse, de manière à obtenir un diapositif.
Si l'on examine alors la plaque par transparence, en la regar-
dant du côté de la gélatine, on ne dislingue aucune image, à l'œil
nu. Au microscope, on apercevrait une multitude de petites images
juxtaposées. Mais, si l'observateur se place du côté opposé à la
gélatine, c'est-à-dire du côté des objectifs, alors il voit le sujet
en grandeur naturelle, en relief, et sous des aspects qui changent
à mesure qu'on regarde la plaque sous des incidences différentes,
comme si l'on se trouvait en présence de la réalité, d'oii le nom de
photographie intégrale donné à ce procédé.
Ce résultat, si étrange qu'il semble à première vue, s'^explique
cependant. Chacun des petits objectifs fournit une image virtuelle
amplifiée dont le champ est très étendu, par suite de la très faible
distance focale. L'œil de l'observateur n'embrasse à la fois qu'une
faible partie de ce champ; mais, s'il se déplace, il verra une nou-
velle partie du champ, et, comme les deux yeux occupent des posi-
tions différentes, ils aperçoivent des perspectives correspondant
à la vision binoculaire du modèle. Les conditions de la perception
du relief se trouvent ainsi remplies, sans l'emploi d'un stéréoscope.
L'image perçue par chaque œil du spectateur est la résultante
des microscopiques images formées au fond des cellules. L'image
perçue paraîtra continue si les cellules sont suffisamment rappro-
chées : il faut pour cela que la distance linéaire entre deux cellules
soit moindre que l'ouverture pupillaire. « A chaque instant, dit
M. Lippmann*, l'image observée est limitée par les bords de Té-
preuve, comme la vue des objets extérieurs le serait par les bords
d'une lucarne à travers laquelle on regarderait. En déplaçant la
tête, on voit d'autres objets s'encadrer entre les mêmes bords, et
par un mouvement suffisant, on fait, s'il s'agit d'un paysage, le tour
de l'horizon. Il pourrait paraître invraisemblable à priori qu'une
1. Photo-Gazette, 25 avril 1908, p. 110,
430 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
seule et même épreuve photographique puisse nous montrer une
succession de vues différentes. Mais ce résultat s'explique simple-
ment: lorsqu'on est en face de l'épreuve, l'image résultante qui
apparaît projetée dans l'espace est la sommation d'éléments, dont
chacun est emprunté à la partie médiane de l'une des petites images
cellulaires, qui occupent toute l'étendue de l'épreuve. Lorsqu'on
regarde celle-ci obliquement, la sommation se fait aux dépens d'élé-
ments empruntés respectivement aux parties latérales des images
cellulaires. Si celles-ci ont une ouverture.de 120°, par exemplje,
on pourra balayer 120o du paysage. La perception est ainsi variée,
parce que chaque cellule porte, imprimée dans son fond, une vue
panoramique du monde extérieur. Tota in minimis existit natura.
« On augmenterait encore l'angle balayé, on le porterait à 360°,
■en employant une pellicule convexe, cylindrique par exemple, au
lieu d'une pellicule plane. Avec une pellicule bombée, comme le
serait une portion de sphère ou d'ellipsoïde, on embrasserait le
ciel et la terre en même temps que tout l'horizon, et la ressem-
blance du système avec certains yeux d'insectes deviendrait plus
complète.
« Lorsque le sens de la marche de la lumière est changé dans
une chambre noire, les rayons reprennent à la sortie lé même
chemin qu'à l'entrée. Il en résulte que les déformations de l'image,
<iues aux imperfections de l'objectif, sont sans effet; elles sont éli-
minées grâce au renversement, et l'objectif, malgré ses défauts,
fonctionne comme s'il était parfait. »
OUVRAGES A CONSULTER
R. CoLSON, la Photographie sféréoscopigue, Paris (Gauthier- Villars), 1899.
A. Delamarre, Pratique de la photographie ste'réoscopiqueyVduVis, (H. Desforges),
1906.
A.-L. DoNNADiEU, Traité de photographie stêrêoscopique, Paris (Gauthier- Vil-
lars), 1892.
F. Drouin, le Stéréoscope et la Photographie stêrêoscopique, Paris (Gh. Mendel).
G. Fabre, Traité de photographie stêrêoscopique, Paris (Gauthier- Villars), 1906.
L. Mathet, Traité pratique de photographie ste'réoscopique, Paris (Ch. Mendel).
Von Rohr, Die binokulai^en Instimmente, Berlin (Julius Springer), 1907.
"F. Stolze, Die Stereoskopie und das Stereoskop in Théorie und Praxis, 2^ édi-
tion. Halle a/S. (W. Knapp).
L Stockhammer, la Stéréoscopie rationnelle, 2. édition, Paris (Ch. Mendel), 1913.
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE 431
GHAPITRE XXII
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE
Généralités. — En principe, toutes les images photographiques
peuvent être considérées comme des documents d'une indéniable
exactitude. Le portrait sans retouche, applicable aux cartes d'iden-
tité, le paysage, la reproduction des monuments ou des tableaux^
tout cela, au fond, c'est de la photographie documentaire, aussi
bien que les microphotographies, les radiographies et les chchés
qu'exécutent les astronomes. A tous ces points de vue, le rôle de
la photographie, déjà prépondérant, grandit chaque jour davan-
tage.
Les procédés modernes permettent d'atteindre presque à la per-
fection avec le minimum de difficulté. Les objectifs exempts d'a-
berration, les anastigmats, fournissent des images d'une extrême
finesse sur toute l'étendue du champ utihsé; leur luminosité, jointe
à la sensibilité des plaques, facilite la reproduction fidèle des objets,
même animés de mouvements rapides. L'orthochromatisme des
émuisions, la souplesse et l'énergie des révélateurs, permettent de
ne rien perdre des plus délicates nuances. Les. couleurs elles-mêmes,
nous l'avons vu, sont actuellement fixées avec toute l'exactitude
désirable.
Aussi, toutes les sciences y ont-elles recours, aussi bien l'ana-
tomie ou la physiologie que l'archéologie et la géographie. De nos
jours, l'explorateur ne saurait se dispenser de rapporter une ample
moisson de clichés qui ne constituent pas seulement pour lui des
sujets d'études, mais qui sont aussi les preuves nécessaires de la.
véracité de ses récits. Nous sommes ainsi initiés à la faune et à la
flore de toutes les contrées, et, grâce à la photographie, il est loi-
sible à tous de faire le tour du monde sans sortir de chez soi.
La presse illustrée photographiquement nous a habitués au docu-
432 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
ment précis, et les œuvres des grands peintres sont maintenant
connues partout, depuis que les impressions photomécaniques en
ont rendu les copies accessibles à tous.
Que ce soit sous forme de projections, de vues stéréoscopiques,
de similigravures ou de cartes postales, la photographie est désor-
mais le plus puissant moyen d'information et d'enseignement.
Au cours de ce chapitre, nous allons analyser quelques-unes des
applications de la photographie considérée comme moyen de docu-
mentation : reproduction des tableaux ou des images monochromes,
photographie judiciaire, topographie, cartographie, etc. D'autres
méthodes documentaires, en raison soit de leur importance, soit
de leur caractère spécial, feront l'objet de chapitres séparés.
Reproductions. — Avant de photographier un tableau, une gra-
vure, une page manuscrite ou imprimée, il est presque toujours
nécessaire de faire subir au modèle une préparation. Si c'est un
tableau à l'huile, il est essentiel d'en atténuer l'aspect miroitant.
En outre, si la peinture en est salie ou assombrie par le temps, il
faut au préalable l'éclaircir. La toile sera donc minutieusement
époussetée, puis légèrement lavée avec un linge humide. Si les
blancs, ordinairement constitués par de la céruse (carbonate de
plomb), ont noirci sous l'influence d'émanations sulfureuses, on
pourra les revivifier à l'aide de l'eau oxygénée, qui transforme le
sulfure de plomb noir en sulfate de plomb blanc. Une fois les cou-
leurs éclaircies, on remédie au miroitement du vernis en le recou-
vrant d'une couche de glycérine pure que Ton frotte à l'aide d'une
éponge non humide. La surface devient alors mate, et les couleurs
s'avivent encore. Cet enduit s'enlève, du reste, facilement, après
l'opération, au moyen d'une éponge imbibée d'eau. La glycérine
est quelquefois remplacée par l'albumine, qui s'emploie de la
même manière.
Si le modèle à reproduire est encadré sous verre et qu'il soit
nécessaire de le laisser ainsi, il faut veiller aux moindres pous
sières qui risqueraient de compromettre la réussite. Quand le mo-
dèle n'est pas conservé sous verre, certains auteurs conseillent de
le plonger dans une cuvette pleine d'eau et de le photographier à
l'aide d'un appareil à axe optique vertical. Il est certain que l'im-
mersion atténue les inégalités des surfaces, et que le grain du
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE 433
papier y disparaît. Néanmoins, ces avantages sont surtout théori-
ques. Il ne faut pas songer à tremper une aquarelle ou un pastel :
ce serait les perdre à coup sûr. Les gravures elles-mêmes s'abî-
ment, dans de telles conditions : le papier, en séchant, se gondole,
et il en résulte des déformations toujours fâcheuses et parfois très
graves, s'il s'agit d'un plan coté ou d'une carte. Cependant l'immer-
sion est assez avantageuse dans la reproduction des épreuves pho-
tographiques non montées.
En fait, l'immersion peut être remplacée par l'application du
modèle sur le côté dépoli d'une glace finement doucie. Le contact
des deux surfaces doit être assuré par une certaine pression,
comme celle que l'on obtient dans un châssis à épreuves. Le modèle
est photographié à travers la glace, dont on a soin d'éviter les
reflets en procédant comme il est dit plus loin. L'image obtenue
par ce moyen est exempte de grain, mais elle manque générale-
ment de vigueur, si l'on n'a soin d'éviter la surexposition, ainsi
que le voile au développement.
Mais le grain du papier, comme le miroitement du verre, seront
plus pratiquement supprimés par un éclairage judicieusement réglé.
Une excellente méthode consiste à disposer le modèle au fond
d'un cône ou d'un tronc de pyramide à base rectangulaire dont
les surfaces intérieures sont recouvertes de papier blanc ou de
feuilles d'étain. On arrive cependant à un résultat sensiblement
équivalent en interposant un écran de mousseline blanche du
côté d'oij vient la lumière, et des écrans blancs opaques formant
réflecteurs du côté opposé, de façon à entourer le sujet d'une
lumière très diffusée.
Pour obtenir une reproduction exacte, sans aucune altération
des formes, il est indispensable que la surface à photographier
soit rigoureusement parallèle au plan qu'occupera la surface sen-
sible. Dans l'industrie, cette condition est réalisée par le dispositif
représenté fîg. 147. La chambré noire repose sur quatre galets
roulant sur deux rails fixés le long d'un socle horizontal, à l'ex-
trémité duquel un châssis vertical reçoit le modèle à reproduire.
Le parallélisme nécessaire se trouve ainsi automatiquement assuré,
quelle que soit la distance qui sépare l'appareil du modèle. Cette
distance une fois réglée, d'après les dimensions que doit avoir
25
431
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
îa reproduction, la chambre est immobilisée sur les rails par des
vis de serrage. La tablette repose d'ordinaire sur quatre pieds
rigides. Néanmoins, dans les locaux où les vibrations du sol ris-
<juent d'altérer la netteté des images, qui exigent une grande pré-
cision, la tablette est posée sur des ressorts amortisseurs, ou
même suspendue au plafond par des cordages, ainsi que nous
t'avons déjà vu en traitant des procédés photomécaniques (p. 318).
L'objectif sera, bien entendu, rectilinéaire. Une lentille simple,
Fig. 147. — Appareil à reproductions.
quoique achromatique et même anastigmatique, ne vaudrait rien,
puisqu'elle ne saurait être complètement exempte de distqrsion.
L'aplanat est suffisant quand on veut reproduire un tableau ou
un fusain dont les détails ne sont pas très poussés. Un grand
angulaire offre l'avantage de n'exiger qu'une planchette de sup-
port assez courte et de réduire par conséquent au minimum l'en-
combrement du matériel de reproduction.
Mais, quand il s'agit de ne rien perdre dés moindres détails
d'une épreuve au citrate ou d'une gravure au trait; quand on
tient à rendre toute la finesse des lignes d'une carte ou d'une
«au-forte, alors il est nécessaire de recourir à l'anastigmat. Seu-
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE 435
îement, pour tirer parti de toutes ses qualités, il faut régler la
mise au point avec le plus grand soin, par suite du défaut de pro-
fondeur de foyer de l'instrument qui doit être utilisé à sa plus
grande ouverture, ou du moins très peu diaphragmé, parce qu'une
ouverture trop étroite épaissirait les traits par diffraction (V.
p. 40). Il importe donc que la construction de l'appareil soit
assez précise pour que la surface sensible vienne occuper rigou-
reusement le même plan que le verre dépoli : une chambre noire
mal construite rendrait complètement illusoires les qualités de
l'objectif le plus parfait.
Les plaques ordinaires conviennent toutes à la reproduction
•des fusains et des lavis qui n'exigent pas une extrême définition.
Les sujets en couleurs nécessitent, bien entendu, l'emploi de pla-
ques panchromatiques et l'interposition d'un verre jaune. On fera
également usage d'un écran jaune pour reproduire des caractères
bleus ou violets sur papier blanc, tandis qu'un écran bleu fera
parfaitement ressortir une écriture jaunie par le temps et deve-
nue presque invisible. Pour les dessins, les gravures et surtout
les cartes dont on tient à reproduire toute la finesse de trait, ies
émulsions rapides ne vaudraient rien. Si l'on veut utiliser toutes
les qualités d'un objectif de haut rendement, il faut avoir recours
à des surfaces sensibles à grain très fin et même sans grain.
€'est pourquoi l'industrie n'a pas entièrement abandonné le pro-
cédé au coUodion. On obtiendra cependant des clichés très fins
en employant les émulsions au gélatinobromure lentes ou, ce qui
vaut mieux, les plaques destinées à l'exécution des diapositifs.
Ces plaques exigeront naturellement une pose très longue, mais
fourniront des images d'une extrême finesse.
La durée du temps de pose sera d'ailleurs déterminée, non seu-
lement d'après la sensibilité de l'émulsion et l'intensité de l'é-
<;lairage, mais aussi d'après l'aspect du modèle et l'effet à réaliser.
Les sujets à teintes continues, comme les tableaux peints à l'huile,
les aquarelles, les photocopies, s'accommodent bien d'une légère
surexposition, qui contribue à mettre bien en valeur la délicatesse
de leur modelé. Par contre, la sous-exposition convient aux gra-
vures au trait, aux dessins à la plume.
La même distinction doit encore se poursuivre dans les autres
436 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
opérations. Les sujets à demi- teintes seront développés plutôt
lentement, dans un révélateur évitant l'empâtement des opacités.
Pour les reproductions de traits, le développement sera, au con-
traire, conduit de manière à former un cliché dont les noirs seront
bien opaques et les blancs bien transparents. Si le contraste n'en
est pas suffisant, on éclaircira complètement les blancs dans le
réducteur de Farmer, on lavera la plaque avec soin, et l'on renfor-
cera les noirs au bichlorure ou à l'iodure de mercure.
Photographie judiciaire. — Le document probablement le plus
ancien qui mentionne l'emploi de la photographie ^n matière
judiciaire est le Journal des tribunaux du 10 septembre 18o4.
L'avocat Pellis, de Lausanne, y raconte comment un portrait au
daguerréotype permit seul de découvrir l'identité d'un individu
énigmatique, inculpé de vol. Depuis cette époque, la photogra-
phie a été souvent utilisée par la police, mais les services qu'elle
était susceptible de rendre, à défaut d'organisation rationnelle,
étaient loin d'égaler ceux que l'an doit aux portraits signalétiques
actuels.
Il est difficile de fixer la date du premier emploi de la photo-
graphie comme moyen de reconnaître les faux en écriture : on
trouve des reproductions de lettres remontant aux premiers jours
de la photographie, mais ces épreuves sont plutôt exécutées dans
le but de garder le duplicata d'un document que pour fournir un
moyen d'analyse.
Ce n'est guère que depuis 1880 que des ateliers photographiques
sont spécialement affectés à l'usage poMeier et judiciaire, et c'est
de 1882 que date rorganisation, par M. Alphonse Bertillon, du ser-
vice d'identification connu sous le nom d'anthropo7nétrie signalé-
tique, dans lequel une large place est réservée à la photographie.
Actuellement, le rôle de la photographie en matière judiciaire
comprend : 1° la reproduction des lieux du crime ou de l'accident;
2° l'exécution de documents comme moyen d'expertise ; 3" l'iden-
tification des criminels ou de cadavres inconnus.
Photographie prise sur le lieu du crime ou de la catastrophe. —
L'image reproduite par la chambre noire est un document indis-
cutable, où l'on peut constamment reconnaître les moindres détails
qui auraient passé inaperçus au cours d'une sommaire constata-
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE 437
tîon visuelle. Il est presque toujours nécessaire d'exécuter plusieurs
clichés différents, de façon à fixer non seulement Tensemble des
lieux, vus sous diverses perspectives, mais aussi tous les détails
capables d'intéresser Tenquête judiciaire, comme les meubles
montrant des traces d'effraction , les tapis dont les plis caracté-
ristiques indiquent une lutte ou une fuite. La reproduction des
empreintes de pas ou des lignes papillaires de la peau des doigts,
les taches de sang, etc., serviront à l'identification de Tinculpé
ou à la recherche du criminel inconnu.
A cette catégorie documentaire il faut aussi ajouter l'emploi
occasionnel de la photographie pour prendre des instantanés
pendant des grèves ou des incendies.
Photographie comme moyen d'expertise. — Cette application est
basée sur ce fait que la plaque photographique est sensible à des
différences de nuances qui échappent à notre organe visuel. C'est
ainsi qu'un cliché peut montrer sur le corps d'un cadavre des
traces de coups ou de strangulation absolument invisibles à l'exa-
men direct. La photographie sert également à découvrir des
taches de sang sur des étoffes lavées. Elle donne aussi le moyen
de reconstituer des lettres ou des billets de banque brûlés. Enfin,
la photographie est appliquée à l'examen des documents écrits,
soit pour rechercher une falsification sur l'original, soit pour
comparer entre elles deux ou plusieurs écritures. L'emploi de
plaques ordinaires et orthochromatiques, l'interposition d'écrans
diversement colorés, l'agrandissement, la superposition, sont
autant de moyens de reconnaître si tous les traits d'un document
sont de la même main ou s'ils ont été exécutés par deux personnes
différentes, ou s'ils sont tracés avec la même encre et à la même
époque.
Identification d'inconnus. — Par la méthode Bertillon, il est
actuellement facile de classer des centaines de mille portraits au
moyen des fiches signalétiques et de retrouver, en quelques minu-
tes, le portrait d'un individu déterminé. Chaque fiche indique la
taille, l'envergure des bras, le buste (hauteur de l'homme assis),
la longueur de la tête, la longueur de l'oreille droite, la dislance
qui sépare les deux zygomas, la longueur du pied gauche, la lon-
gueur du doigt médius gauche, la longueur de l'auriculaire gauche
138
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
et la longueur de la coudée gauche. A ces indications numériques
sont joints certains signalements descriptifs, tels que la couleur de
l'iris, la teinte des cheveux, etc., et l'énumération des marques
particulières : cicatrices, tatouages, etc. Enfin, au milieu du recto
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE 439
de la fiche, se trouve la photographie de profil et de face (fig. 148),
exécutée à l'aide d'un appareil spécial.
L'appareil Bertillon (fig. 149) se compose d'une chambre à foyer
fixe M, réglée d'avance pour la réduction à 1/7 surmontée d'une
autre chambre plus petite V servant de viseur, et d'une chaise de
pose C qui, par sa forme appropriée, force le sujet à s'asseoir de
manière que la colonne vertébrale soit rigoureusement appuyée au
dossier. Le socle S est percé de huit trous, destinés à recevoir la
chaise de pose et à repérer exactement les positions de profil et
de face. La distance de la chaise à l'objectif étant réglée une fois
pour toutes, la position du siège reste toujours la même pour la
photographie de face ; il est seulement nécessaire d'ajouter des
dossiers supplémentaires D, suivant les sujets, pour compenser les
différences d'écarts. Pour la photographie de profil, on fait pivoter
la chaise de 90°, en prenant comme axe de rotation la verticale
passant par l'angle externe de l'œil droit. La tête du sujet est ap-
puyée contre une pièce mobile T. Suivaint la taille du sujet, on élève
ou on abaisse la chambre noire, de manière à amener au centre du
verre dépoli (marqué par le croisement d'un trait vertical et d'un
trait incliné de 15° sur l'horizontale) l'image de l'angle externe de
l'œil droit pour la pose de profil, et l'image de la racine du nez pour
la pose de face. P est le porte-mire, muni d'une glace verticale avec
lignes inclinées de 15°.
Les lignes xxy yy tracées sur le sol servent à déterminer exacte-
ment les positions respectives de l'appareil, du socle et de la mire.
Deux règles pliantes A, B, donnent la distance pour les deux poses.
Métrophotographie. — Malgré l'imperfection des premiers objec-
tifs, l'invention de Daguerre avait immédiatement donné à prévoir
que les images si détaillées et si rapidement obtenues dans la
chambre noire seraient susceptibles de singulièrement faciliter les
relevés des architectes et des topographes. Arago et Gay-Lussac,
en communiquant leur rapport sur le nouveau procédé, le premier
devant la Chambre des députés, le second devant la Chambre des
pairs, n'avaient pas manqué d'appeler l'attention sur l'importance
de cette application.
C'est le colonel Laussedat qui a définitivement résolu le problème
ébauché au dix-septième siècle par Beautemps-B^aupré : d'images
LA PEOTOGRAPEIE DOCUMENTAIRE
4il
dessinées avec précision, déduire les dimensions réelles des objets
qui s'y trouvent représentés; puis, avec ces données, construire la
projection des objets sur un plan quelconque; en particulier, dresser
la carte d'un pays, le plan et l'élévation d'un édifice, en se servant
uniquement de vues perspec-
tives, prises dans des condi-
tions exactement détermi-
nées.
Les premiers essais de
Laussedat remontent à 1844.
Les images dont il se servait
à cette époque étaient dessi-
nées à main levée, et ce n'est
qu'en 1852 qu'il commença à
utiliser des épreuves photo-
graphiques. Il reconnut alors
que le matériel photographi-
que ordinaire était insuffisant
pour déterminer avec une
précision rigoureuse les élé-
ments de la reconstitution
géométrique, et, en 1859, il
fît construire par Brunner le
premier photothéodolite,
c'est-à-dire la première
chambre noire munie des
organes essentiels propres
aux instruments topographi-
ques de précision.
L'appareil primitif a reçu
divers perfectionnements, et
la fîg. 150 en montre le mo-
Fig. 150. — Photothéodolite Laussedat.
dèle actuel, construit par M. Ducretet. La chambre noire C, en mé-
tal et de forme rigide, reçoit des plaques ou des pellicules. L'ob-
jectif 0, un anastigmat grand angulaire de Zeiss, est monté sur
une planchette H mobile dans le sens vertical et coulissant sur le
panneau antérieur fixe E. Le viseur est constitué par la lunette V.
442
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cl. Ducretet
L'appareil est monté sur cercle horizontal et vertical (éclimètre)
avec lunettes de visée LD et niveau à bulle d'air N. La fîg. 151
représente l'arrière de la chambre, où quatre lames triangulaires
V, H projettent sur la surface sensible
des ombres qui servent à repérer les
images. G est le verre dépoli de mise
au point, serti dans un cadre à char-
nières.
Le procédé Laussedat consiste essen-
tiellement à mesurer une base aux deux
extrémités de laquelle on photographie
es vues d'un même terrain. On recon-
naît alors, on identifie les mêmes points
sur ces vues rabattues et convenable-
ment orientées sur une feuille de papier
à dessiner, orientation résultant d'une
Fi^.151- Arrière de la chambre seule mesure d'angle, h chacune des
photogrammetnque. ... , ,, , , . . ,
stations, et 1 on détermine la position
des différents points sur le plan à l'intersection des rayons visuels
allant des deux stations aux points considérés, tracés sur le papier
en projection horizontale. Enfin, la ligne d'horizon^ que l'on a des
moyens très simples d'obtenir sur chacune des vues (elle peut
même apparaître spontanément sur les photographies), permet, en
y projetant les différents points, de calculer leurs différences de
niveau avec l'une ou l'autre des stations, ou avec toutes les deux,
pour avoir une vérification.
La fîg. 152 reproduit une des premières expériences de Laussedat,
en avant de l'un des fronts du fort de Vincennes. Cette expérience,
devenue classique, donne une idée très nette de la transformation
des vues de paysages en plans.
La méthode imaginée par Laussedat a reçu le nom de métro-
photographie; cependant en Allemagne elle est désignée sous le
nom de photogrammétrie^ et les épreuves obtenues à l'aide des
photothéodolites sont qualifiées de photo grammes.
La métrophotographie des monuments d'architecture ou des tra-
vaux d'art ne présente aucune difficulté. Il suffit de connaître la
distance focale de l'objectif qui a servi à photographier l'édifice.
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE 445
c est-à-dire la distance du point de vue au tableau, et d'avoir !a
ligne d'horizon tracée sur ce tableau. Et même ces deux élémenta
peuvent souvent être trouvés sur des épreuves de provenanco
Cl. Ducretet
Fig. 152. — Lever photogrammétrique da château de Vincennes.
inconnue. On n'a alors qu'à disposer convenablement l'image sur
une feuille de dessin sur laquelle on rapporte la projection hori-
zontale du peint de vue, et la restitution du plan et des élévations
des façades apparentes de l'édifice répond au problème inverse
de la perspective.
444 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
La métrophotograpnie des paysages, qui a pour objet la cons-
truction des plans topographiques et le nivellement, est plus com-
pliquée. Quand il s'agit de monuments, on se trouve en présence
de formes géométriques bien définies, terminées le plus souvent
par des lignes droites dont les perspectives suivent des règles très
simples; mais les accidents du sol ont des formes tout à fait irré-
gulières, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'il est possible de s'en
tenir aux règles simples de la perspective linéaire. Une vue isolée
est presque toujours insuffisante; il en faut ordinairement deux,
au moins, prises de deux points différents. En combinant les deux
images, on parvient alors à tracer sur un plan, d'abord les posi-
tions relatives de points remarquables du terrain pris comme
repères, puis peu à peu au-
tour d'eux les maisons, les
routes, les cours d'eau, les
divisions de culture, etc., en
un mot tous les détails de
la planimétne. La mesure
des hauteurs apparentes des
différents points permet
ensuite d'effectuer le nivel-
lement.
Lorsqu'il s'agit d'exécuter
un lever d'une assez grande
étendue ou de poursuivre
une reconnaissance d'itinéraire, une base unique avec une vue à
chaque extrémité ne suffît plus. On procède alors par triangula-
tions, comme le font tous les topographes, en se servant du théo-
dolite ou de la boussole. La précision de plus en plus parfaite des
images permet actuellement de réduire la grandeur des bases à la
distance qui sépare les deux objectifs d'un appareil stéréoscopique.
L'emploi de stéréoscopes de précision simplifie singulièrement
la métrophotographie, en la soulageant de la plupart des opéra-
tions géométriques. Au fond, il s'agit toujours d'intersection de
rayons visuels, mais la faible base sur laquelle on opère rapproche
cette nouvelle méthode de celle des parallaxes, dont les astronomes
font usage pour déterminer la distance des astres.
Verant- stéréoscope Zeiss.
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE
445
Le stéréo- comparaleur de Pulfrich est combiné de manière à éta-
blir les plans topographiques à l'aide de couples exécutés soit au
moyen de l'appareil stéréoscopique, soit à l'aide du photolhéodo-
lite placé successivement en deux stations différentes dont la dis-
tance est exactement mesurée. Cet instrument, de haute précision,
est assez compliqué, et le principe en sera plus facilement compris
en supposant le stéréo-micromètre de Zeiss (fig. 154) placé sur des
épreuves stéréoscopiques. La pointe m^ étant amenée en regard de
l'objet dont on veut connaître la distance, on fait mouvoir la vis
Stéréo-micromètre.
micrométrique S, jusqu'à ce que la pointe ^2 se trouve exactement
sur le même objet, dans l'épreuve de droite. Les graduations gra-
vées sur la règle, ainsi que sur le vernier de la vis, font connaître
la distance entre les deux pointes, d'où se déduit la distance réelle
de l'objet. Le couple stéréoscopique reproduit fîg. 155 fait claire-
ment comprendre comment l'écartement des points homologues
varie en fonction de l'éloignement des plans. En observant ce cou-
ple dans un stéréoscope, on verra l'échelle des distances s'étendre
en profondeur, planer au-dessus du paysage, dont il sera dès lors
facile d'établir un plan coté. Nous n'indiquons, bien entendu, que
très sommairement le principe de la méthode, dont l'application
est, en fait, assez délicate et d'un caractère trop étroitement tech-
nique pour être exposée dans cet ouvrage avec tous les développe-
ments qu'exigerait l'enseignement de sa mise en pratique.
446
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
o
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La photographie en ballon ou en aéroplane permet aussi de
LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE
447
prendre des vues à vol d'oiseau et d'effectuer des relevés de la
plus grande importance au point de vue stratégique. Cette méthode
sera surtout précieuse dans les pa^^s de montagne, pour avoir une
idée d'ensemble d'une contrée inexplorée ou peu connue.
Le commandant Moëssard a appliqué au lever des plans le cylin-
drographe (fig. 156). Cet appareil est une chambre noire en forme
de demi-cylindre. Une pel-;
îicule placée dans un châs-
sis souple en occupe toute
la surface courbe. L'objec-
tif est monté au centre, sur
un axe vertical, de manière
à impressionner successi-
vement toute la surface
sensible, utilisant ainsi un
angle d'environ 170°. L'ins-
trument est réglé de telle
^sorte que, malgré la rota-
tion de l'objectif, l'image
ne change ni de forme ni
de position et reste tou-
jours nette. Les épreuves
obtenues dans ces conditions dojvent être examinées dans un cadre
demi-circulaire, à l'aide d'un oculaire fixé au centre de la courbure,
qui permet de reconstituer la perspective exacte.
Le cylindrographe est également applitjué à l'exécution d'épreu-
ves panoramiques pittoresques, représentant de vastes étendues-:
vues générales de villes, rades, champs de course, etc. Ces épreuves,
montées sur carton et examinées à plat, ne donnent évidemment
qu'une reproduction inexacte de la réalité, mais l'aspect n'en est
pas choquant, excepté dans le cas où la vue comporte de longues
lignes dont la déformation est manifeste : c'est ainsi qu'une jetée,
un grand navire, une large façade, paraîtront fortement courbés.
Fig. 15l). — CyJiiidrographe.
448 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
OUVJRAGES A CONSULTER
Beatjtemps-Beatjpré, Méthode pour la levée et la construction des cartes et plans
hydrographiques, Paris (Imprimerie impériale), 1811.
A. Bertillon, la Photographie Judiciaire, Paris (Gauthier-Villars), 1890.
L. Gazes, Stéréoscopie de précision the'origue et pratique, Paris (Ph. Pellin), 1895.
A. GouRRÈGES, Reproduction des gravures, dessins, plans, manuscrits, Paris
(Gauthier-Villars), 1900.
E. DoLEZAL, Die Anwendung der Photographie in der praktischen Messkunsf,
Halle a/S. (W. Knapp), 1896.
A.-L. DoNNADiEu, la Photographie des objets immergés, Paris (Gh. Mendel),
1902.
A. Laussedat, La Métrophotographie, Paris (Gauthier-Villars), 1899.
E. Grouzet, Etude sur l'emploi des perspectives et de la photographie dans l'art
des levers de terrain, Paris fBerg-er-Levrault et O^), 1902.
G. Le Bon, les Levers photographiques et la Photographie en voyage, 2 vol.,
Paris (Gauthier-Villars)', 1889..
P. Moëssard, le Cylindrographe, 2 vol., Paris (Gauthier-Villars), 1899.
R.-R. Reiss, la Photographie judiciaire, Paris (Gh. Mendel), 1911.
F. Schiffner, Die photographische Messkunst oder Photo gr ammetrie , Halle
a/S. (W. Knapp).
H. ET J. Vallot, Application de la photographie aux levés topographiques en
haute montagne, Paris (Gauthier-Villars), 1907.
AGRANDISSEMENTS ET PROJECTIONS 44$
CHAPITRE XXIII
AGBJ^NDISSEMENTS ET PROJECTIONS
Généralités. — Il est rare que Ton exécute directement de très
grands clichés. Certaines chambres noires d'atelier permettent
bien d'aller jusqu'au format de 1 mètre carré, et même au delà, et
l'on en a vu, dans certaines expositions, des spécimens d'une rare
perfection. Cependant ce sont là des résultats exceptionnels. Il est
trop difficile d'obtenir à la chambre noire un immense cliché sans
défaut. Aussi préfère-t-on, dans la plupart des cas, ne pas dépasser
le format 30 x 40- Au-dessus de cette dimension, on commence
presque toujours par exécuter un petit cliché, 9 X 12 par exemple,
dont on se sert pour tirer des épreuves amplifiées. Toutefois, lors-
qu'il s'agit d'exécuter plusieurs grandes épreuves, il est préférable
d'obtenir d'abord un grand négatif, soit sur verre, soit sur papier,
le grain du support n'ayant généralement aucun inconvénient dans
les grands formats.
Ce négatif peut être exécuté à la chambre noire; mais, si l'am-
plification est très forte, il faut un appareil énorme, le plan focal
se trouvant reculé très loin de l'objectif. On préfère alors utiliser
une des dispositions décrites plus loin.
S'il s'agit d'exécuter une reproduction agrandie d'une épreuve
montée sur carton (le cas se présente souvent pour les portraits),
il faut d'abord en tirer, à la chambre noire, un petit négatif qui
servira ensuite à obtenir la grande épreuve positive. *
Agrandissements à la lumière diurne. — Pour utiliser la
lumière diffuse, la paroi d'une chambre obscure est percée d'une
ouverture contre laquelle est placé le cliché à reproduire. Un objec-
tif projette l'image amplifiée du cliché sur un écran porté par un
chevalet muni de galets roulant sur rails. La mise au point étant
réglée, on place sur l'écran une feuille de papier sensible. Si l'on
veut tirer un portrait en vignette, on interpose un dégradateur.
4S0
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Ce dispositif s'applique aux papiers rapides, au gélatinobromure.
Pour les procédés plus lents, papier albuminé ou papier au char-
bon, on utilisait jadis la lumière solaire, que l'on dirigeait dans la
chambre noire au moyen d'un réflecteur.
Aujourd'hui, ces combinaisons sont à peu près complètement
abandonnées. Presque toujours, on a recours à la lumière artifi-
cielle, dont on peut disposer tous les jours, à toute heure, et dont
on règle à volonté l'intensité.
Agrandissements à la lumière artificielle. — Les appareils
d'agrandissements à la lumière artificielle sont construits à peu
près de la même manière que les lanternes magiques, ainsi qu'on
peut s'en rendre
compte en jetant un
coup d'œil sur la fîg.
157. Une caisse en
tôle noircie contient
une lampe à pétrole,
dont la lumière est
concentrée, par un
réflecteur concave et
par une grande len-
tille ou condensateur^
sur le cliché placé
derrière l'objectif. La lanterne est construite de manière à ne lais-
ser filtrer aucune lumière susceptible de voiler le papier sensible
exposé au foj^er de l'objectif. L'air nécessaire à la combustion de
la lampe pénètre dans la caisse par un système de chicanes et en
sort par la cheminée, également h chicanes. L'espace qui sépare
l'objectif du cliché est fermé par un soufflet.
L'écran sur lequel est projetée l'image amplifiée est monté sur
un cadre où l'on fixe le papier sensible. Un volet le protège de la
lumière avant et après la pose.
La lampe à pétrole suffit généralement pour les agrandissements
au gélatinobromure, mais, pour les papiers lents, il faut un éclai-
rage plus intense, lumière électrique ou lumière oxhydrique.
Agrandisseurs. — On désigne sous ce nom de pelits appareils
d'agrandissement très simples, particulièrement commodes pour
Fig. 157. — Lanterne d'agrandissement.
AGRANDISSEMENTS ET PROJECTIONS
451
les amateurs qui n'emportent dans leurs excursioiis que des cham-
bres noires de format très exigu et tirent ensuite de leurs clichés
des épreuves amplifiées seulement deux ou trois fois.
L'agrandisseur représenté ûg. 138 est une boîle dont l'un des
côtés reçoit le petit cliché, et le côté opposé le châssis contenant
le papier sensible. L'objectif est fixé à demeure entre le cliché et
répreuve, et à une distance telle des deux sur-
faces que l'image du premier se dessine net-
tement sur la seconde avec l'amplification
voulue. Devant le cliché sont disposés un
verre dépoli diffusant l'éclairage et un volet
servant d'obturateur.
On se sert de cet appareil comme d'un
châssis-presse. On y place le papier sensible,
dans le laboratoire, puis on le porte au jour
ou devant une lampe électrique, on ouvre le
volet, puis, l'exposition terminée, on le re-
porte dans le laboratoire, pour en extraire le
papier impressionné.
Artifices d'exécution. — Lorsqu'on exécute
un agrandissement sur papier à image latente (gélatinobromure ou
charbon), il est prudent de faire un essai préalable en impression-
nant sur l'écran un petit morceau de papier sensible que l'on déve-
loppe ensuite ou que l'on dépouille, afin de vérifier si le temps de
pose a été bien calculé. Il est quelquefois nécessaire de renouveler
plusieurs fois cet essai, en rectifiant chaque fois la durée d'expo-
sition. Ce n'est que lorsqu'on est sûr de réussir que l'on expose la
grande feuille de papier sensible.
M. José a proposé, en 1894, un procédé très original, qui évite
toute incertitude dans l'évaluation du temps de pose des papiers
au gélatinobromure. Avant de démasquer l'objectif, on mouille la
couche sensible avec un révélateur à i'h3'droquinone ou à l'icono-
gène additionné de glycérine. On voit alors venir l'image, absolu-
ment comme sur un papier à noircissement direct, et on arrête
l'exposition au moment opportun. Comme les noirs du phototype,
projetés sur les parties claires de l'épreuve, empêchent de bien
juger de son intensité, il faut de temps en temps placer devant Tob-
Asrandisseur.
4S2 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
jectif un verre jaune dépoli. L'épreuve se trouve alors éclairée par
une lumière diffuse inactinique, et l'on reconnaît facilement si Fim-
pression est suffisante ou s'il convient de la continuer. Un dévelop-
pement complémentaire est généralement inutile, mais peut quel-
quefois servir à modifier les caractères de l'image : dans ce dernier
cas, il faut avoir soin d'interrompre l'exposition de l'épreuve avant
qu'elle ait acquis toute son intensité.
L'amateur possède rarement des cuvettes assez grandes pour
développer et fixer les épreuves fortement amplifiées. 11 est facile
de construire une grande cuvette, en collant des bandes de carton
autour d'une planchette et en rendant le tout imperméable en y
passant un pinceau enduit d'un vernis gras ou de paraffine en
fusion. Mais on peut aussi opérer sans cuvette, en posant l'épreuve
sur une planche bien propre ou sur une vitre, et y passant le révé-
lateur à l'aide d'un large pinceau ou d'une éponge douce. Le déve-
lappement achevé, on lave à grande eau sous un robinet, et l'on
passe le fixateur également au pinceau ou à l'éponge.
Retouche des agrandissements. — Les images modérément
amplifiées n'exigent pas, en général, de retouche proprement dite.
Si le cliché a déjà été retouché, ou s'il est sans défaut, il suffira
de repiquer Vépreiive, comme après un tirage par contact. Mais les
grandes épreuves exécutées d'après de très petits clichés nécessi-
tent d'ordinaire une retouche complète. Le moindre défaut imper-
ceptible sur le phototype s'exagère à l'agrandissement, et, même
si le cliché est sans défaut apparent, le grain du gélatinobromure
se traduit sur l'épreuve agrandie par des lacunes qu'il est presque
toujours nécessaire de combler et par des duretés qu'il convient
d'adoucir. Aussi les portraits agrandis exigent-ils l'intervention du
retoucheur.
La retouche s'exécute soit au crayon, soit au pinceau ordinaire,
soit au pinceau à air. Le coloriage, s'il y a lieu, s'exécute comme
nous l'avons vu à propos des petites' photocopies.
Pour les agrandissements qui doivent être peints à l'huile, on
trouve dans le commerce des toiles au gélatinobromure d'argent,
beaucoup plus résistantes que les papiers et dont le mode d'em-
ploi est exactement le même.
Les grandes images peuvent également être mises en couleur au
AGRANDISSEMENTS ET PROJECTIONS
453
moyen du pastel. L'épreuve, clouée sur une planche à dessin, est
d'abord frottée avec un tampon de laine enduit de poudre de
pierre ponce, jusqu'à complète disparition de la couche gélati-
neuse. Après avoir soigneusement épousseté la surface, on étend
les couleurs en poudre, soit du bout du doigt, soit à l'estompe,
soit au blaireau, suivant l'étendue à couvrir et suivant l'effet à réa-
liser.
Projections. — L'art des projections est connu et pratiqué de-
puis longtemps (la lanterne magique est décrite par le P. Kircher
vers 46t)U) mais il était
resté rudimentaire et
d'un usage très restreint,
jusqu'à ce que la photo-
graphie lui eût donné son
véritable essor.
La projection est le
meilleur moyen de met-
tre en valeur les dia po-
sitifs tirés de petits cli-
chés. Ce n'est, en somme,
qu'un agrandissement
temporaire, et les lanter-
nes de projection sont
construites de la même
manière que les lanternes
d'agrandissement.
Pour obtenir de belles
projections, il faut une
source de lumière à la
fois très intense et très
blanche. Les lampes à manchons incandescents suffisent, à la ri-
gueur, dans les locaux exigus oi^i Ton se contente d'une amplifi-
cation très restreinte; la lumière oxhyélhérique donne des effets
plus brillants, mais rien ne vaut l'arc électrique. La fîg. 160 repré-
sente une lampe électrique construite par M. L. Korsten. Les char-
bons sont disposés obliquement, de manière à utiliser le maximum
de lumière. Le réglage du point lumineux est effectué à l'aide de
Fig. 159. — Lanterne à projections.
434 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
trois boutons qui permettent de hausser les charbons errsemble
ou séparément et de les dévier
à droite ou à gauche. ^
Les diapositifs destinés à la
projection sont généralement
passés dans un cadre ou châssis
à mouvement alternatif. Pen-
dant qu'une plaque est en face
de l'objectif qui en projette l'i-
mage, on en introduit une autre
dans le cadre resté à l'exté-
rieur. On pousse alors le châs-
sis, la nouvelle image passe à
la projection, pendant qu'on
retire la première et qu'on
la remplace par une autre
Fig. 160. — Lampe à arc pour projections, v o" ^^ )■ ^ _
Les projections peuvent être
vues par transparence ou par réflexion. Dans le premier cas,
l'écran est placé entre le projecteur et les spectateurs. L'écran
transparent est généralement constitué par une pièce de toile que
Cl. Radiouet.
Fig. 161. — Châssis passe-vues.
l'on mouille immédiatement avant la séance. Il existe aussi des
écrans à la gélatine, spécialement préparés pour la projection par
transparence.
Quand le projecteur est placé derrière les spectateurs, la projec-
AGRANDISSEMENTS ET PROJECTIONS 455
tion se fait par réflexion sur un écran blanc, ordinairement en
toile. Il faut, autant que possible, que Técran soit opaque, car tout ce
qui passe à travers est perdu pour le spectateur. Le mieux serait
donc de projeter les images sur un mur blanchi. A défaut, on peut
tendre sur un châssis une toile h tissu très serré que l'on enduit
d'une forte couche de peinture à l'hujle à base de blanc de zinc ou
de blanc de céruse.
Ce qui est encore préfe'rable, c'est Técran métallique de Zeiss,
Fig. 162. — Appareil de projeclion pour images microscopiques.
constitué par une surface bien plane recouverte de poudre d'alu-
minium. Avec cet écran, la projeclion paraît environ dix fois plus
brillante que sur une toile, mais seulement pour les spectateurs
placés près de l'axe du faisceau lumineux ; pour ceux qui en sont
écartés de plus de 30^, la lumière est, au contraire, très diminuée.
Ce mode de projection n'est donc réellement avantageux que dans
les salles longues et relativement étroites.
Pour projeter les images microscopiques, on se sert d'instru-
ments spéciaux, tels que celui que représente la fig. 162. Le dia-
positif est fixé au porte-objet par deux lames élastiques. L'objectif,
436
TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
à très court foyer, est monté sur un chariot à crémaillère et vis
micrométrique pour la
mise au point. Gomme
le condensateur con-
centre sur l'image une
grande quantité de ra-
diations, il est néces-
saire d'absorber une
partie de la chaleur en
interposant une cuve
en verre à faces paral-
lèles (fig.163), que l'on
remplit d'eau pure.
Nous ne dirons rien
ici des projections animées, dont l'étude fera l'objet de la plus grande
partie du chapitre suivant.
Fig. 163. — Cuve à eau.
OUVRAGES A CONSULI-ER
J. Bernard et L. Touchebœuf, Petits Clichés et Grandes Épreuves^ Paris (Gau-
thier-Villars), 1894.
A. CouRRÈGES, les Agrandissements photographiques, Paris (Gauthier-Villars),
1901.
H. FouRTiER, les Positifs sur verre, 2^ édition, Paris (Gauthier-Villars), 1907.
H. FouRTiER, la Pratique des projections, 2 vol., Paris (Gauthier-Villars),
1892-1893.
H. FouRTiER ET A. MoLTENi , Ics Projcctions scientifiques, Paris (Gauthier-
Villars), 1894.
F. GmiA^o^, les Agrandissements, Paris (Gauthier-Villars), 1901.
Klary, les Portraits au crayon, au fusain et au pastel obtenus au moyen des
agrandissements photographiques, Paris (Gauthier-Villars), 1904.
E. Trutat, Traité pratique des agrandissements photographiques, à l'usage des
amateurs, 2^ édition, 2 vol., Paris (Gauthier-Villars), 1897-1900.
E. Trutat, les Agrandissements sur papier à couches pigmentaires , Paris (G h.
Mendel), 1909.
E. Trutat, Traité général des projections, Paris (Gh. Mendel), 2 vol.
E. Wallon, les Agrandissements y Paris (Gauthier-Villars), 1899.
LA CINÉMATOGRAPHIE 431
CHAPITRE XXIV
LA CINÉMATOGRAPHIE
Analyse du mouvement, — - Les premiers essais de chronopho-
tographie (du grec x?'^^^'^? temps, période) remontent à l'année 1878
et sont dus à Muybridge, de San-Francisco, Ces débuts furent très
remarqués, malgré l'extrême complication de la méthode employée.
Le sujet dont on voulait analyser les attitudes se déplaçait sur une
piste le long de laquelle se trouvaient disposés, d'un côté un écran
blanc exposé au soleil, et de l'autre une batterie de 30 chambres
noires munies chacune d'un objectif à grande ouverture et d'un
obturateur électrique. Chaque obturateur se trouvait déclanché par
l'ouverture du circuit dont faisait partie un fil tendu en travers de
la piste. A mesure que le sujet avançait en face des objectifs, les
fils se brisaient successivement sur son passage, les obturateurs
s'ouvraient au moment voulu et' se refermaient aussitôt, de telle
sorte qu'on obtenait une suite de clichés représentant les phases
successives du mouvement à analyser. Sur chaque épreuve, le sujet
se détachait en noir sur le fond blanc de l'écran. On avait donc, en
réalité, non pas des images complètes, mais seulement des silhouet-
tes figurant les différentes attitudes du coureur ou de l'animal sou-
mis à l'expérience. Le matériel nécessaire à ces essais était encom-
brant et onéreux; en outre, l'emploi simultané de 30 plaques au
collodion exigeait un nombreux personnel. Aussi les expériences
. de Muybridge coûtèrent-elles 300.000 francs.
Ces expériences furent reprises quelques années plus tard, avec
le gélatinobromure, par le professeur Marey, dont les travaux sur
l'analyse de la locomotion chez l'homme et chez les animaux sont
restés célèbres.
Au début, Marey avait employé un appareil analogue au revol-
ver asironomique imaginé par Janssen pour étudier le passage de
26
458 TRAITÉ GENERAL DE PHOTOGRAPHIE
Vénus sur le soleil le 8 décembre d874. Ce revolver imprimait sur
plaque daguerrienne une série de 12 images représentant les pha-
ses successives du contact. Comme les images étaient prises à
70 secondes d'intervalle, l'expérience de Janssen n'a qu'un rapport
lointain avec le sujet que nous traitons ici, et, si nous en faisons
mention, c'est que Marey s'est inspiré de la disposition adoptée par
.l'astronome pour construire son fusil photographique. Un méca-
nisme à répétition permettait d'imprimer successivement 12 ima-
ges sur une plaque sensible au gélatinobromure accomplissant un
mouvement de rotation en 1 seconde. L'impression de chaque
image durait 1/720 de seconde. Pour opérer à l'aide de cet instru-
ment, on épaulait, on visait comme avec un fusil ordinaire, et l'on
pressait la détente. L'inconvénient de cette combinaison était de
limiter l'analyse à 12 images, d'ailleurs trop petites. Aussi fut-elle
bientôt abandonnée et remplacée par la suivante.
L'appareil installé par Marey à la station physiologique du Parc
aux Princes était constitué par une chambre noire montée sur un
chariot à quatre roues pouvant se déplacer le long d'une petite voie
ferrée perpendiculaire à la piste. L'obturateur placé devant l'objec-
tif consistait en un grand disque percé d'une série de fenêtres équi-
distantes, auquel un poids assez lourd communiquait un mouve-
ment de rotation rapide. La plaque sensible se trouvait ainsi exposée
un grand nombre de fois. Pour éviter le voile général qui serait
résulté de ce mode d'opérer, un fond rigoureusement noir faisait
face à l'instrument. Ce fond était formé d'un large écran de velours
noir protégé par un auvent qui le laissait complètement dans l'om-
bre, tandis que la piste était vivement éclairée. Le sujet se déta-
chait ainsi en blanc sur fond noir. Une échelle métrique, alter-
nativement blanche et noire, fixée au sol, indiquait les distances
parcourues; et comme, d'autre part, la vitesse du disque obtura-
teur était exactement déterminée, il était facile de connaître le.
temps pendant lequel un espace donné avait été franchi, ainsi que
la durée de tel ou tel mouvement. Le sujet qui se déplaçait le long
de la piste était ainsi photographié un grand nombre de fois,
sur la même plaque, en ses diverses attitudes. Pour les* mouve-
ments lents, dans le but d'éviter la superposition et la confusion
des images, le sujet était revêtu de noir, à l'exception de quelques
LA CINÊMATOGRAPIIIE 4o9
lignes blanches ou même seulement de quelques boutons brillants
correspondant aux principales articulations et qui, impressionnant
seuls la plaque, suffisaient pour marquer l'aspect géne'ral de chaque
attitude.
Cette méthode n'est évidemment applicable qu'aux sujets qui se
déplacent dans une direction perpendiculaire à Taxe optique. Pour
les sujets qui s'approchent de l'objectif ou qui s'en éloignent, la
décomposition de leur mouvement doit être enregistrée sur des
plaques rapidement substituées lune à l'autre, et le problème n'a
été complètement résolu que par les appareils cinématographiques
qui seront décrits plus loin.
Synthèse du mouvement. — Des jouets d'enfants avaient déjà per-
mis de donner l'illusion du mouvement à l'aide d'images dessinées
sans le secours de la photographie. Au début du dix-neuvième siècle,
le physicien belge Plateau avait imaginé le phénaklsticope, composé
de deux disques de carton fixés aux extrémités d'un axe horizontal.
L'un des disques était noir et percé d'un certain nombre de fentes
étroites. En regard de chacune de ces fentes, le second disque mon-
trait une image représentant l'une des phases d'un mouvement.
Ce couple de disques tournant rapidement, l'œil placé devant les
fentes avait l'illusion d'un mouvement réel.
Le zootrope est formé d'un cylindre ouvert à sa partie supérieure
et posé sur un pivot vertical. Une bande de papier, sur laquelle sont
dessinées 12 altitudes différentes d'un sujet, est placée à l'intérieur
du cylindre, dont elle n'occupe que la moitié de la hauteur. L'autre
moitié est percée de 12 fentes verticales. On imprime au cylindre
un mouvement de rotation rapide, et l'on regarde l'intérieur à
travers les fentes. On voit alors le sujet s'animer et exécuter cer-
tains gestes ou certains mouvements : ce sera, par exemple, un
acrobate exécutant des sauts périlleux, un enfant jouant au ballon,
des valseurs tournoyant, etc.
Le praxiyioscope consiste également en un cylindre tournant,
mais sa hauteur est réduite à celle des images. Celles-ci se reflètent
dans des miroirs disposés au centre de l'appareil, en nombre égal
à celui des images. En dirigeant le regard vers les miroirs, le
spectateur voit s'animer le sujet représenté sur la bande de papier.
Les dimensions de ces appareils ne permettent pas de reproduire
460 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
des scènes bien variées. Les images représentent un mouvement
décomposé en 12 phases au plus, qui reviennent, toujours le»
mêmes, à chaque tour.
Muybridge, qui avait inauguré la chronophotographie, fut aussi
l'initiateur de la projection animée. En 1883, il réalisait pour la
première fois la reconstitution du mouvement analysé par la pho-
tographie. Il mettait bout à bout les instantanés d'une course de
cheval saisie par ses 30 appareils, et les projetait à travers une
sorte de phénakisticope. Dans des séances pubUques données chez
le peintre Meissonier et à l'École des beaux-arts, on avait ainsi vu
courir sur l'écran des silhouettes d'hommes et d'animaux.
Peu après, Anschutz, de Lissa, construisait, avec l'aide de la mai-
son Siemens, des zootropes photographiques dans lesquels chaque
image était éclairée seulement pendant un instant extrêmement
court, lorsqu'elle passait dans le champ visuel. Cet éclairage inter-
mittent était produit par la décharge électrique traversant un tube
de Geissler.
M. Demeny, collaborateur de Marey, disposait autour d'un disque
M images chronophotographiques et les faisait successivement
passer devant un objectif.
En 1892, Edison construisait le kinétographe (de xivtitoc:, mû).
C'était une chambre noire à l'intérieur de laquelle une longue pel-
licule sensible se déroulait au foyer d'un objectif périodiquement
démasqué par un obturateur très rapide. La pellicule développée
et fixée servait à obtenir une suite de petits diapositifs également
disposés le long d'un ruban transparent. Ces photocopies reconsti-
tuaient la scène que l'on avait photographiée, lorsqu'on les faisait
passer derrière un oculaire périodiquement découvert par un obtu-
rateur. L'instrument destiné à cette reconstitution du mouvement
portait le nom de kinétoscope. La pellicule positive s'y déroulant
d'un mouvement continu, il fallait, pour que son déplacement ne fût
pas sensible à l'observateur, que la durée de visibilité restât extrê-
mement courte, environ 1/7000 de seconde. Dans ces conditions,
pour que lès images parussent se succéder sans interruption, il
fallait en faire passer un grand nombre, au moins 30 par seconde.
Cet inconvénient a été évité en donnant à la pellicule un mouve-
ment saccadé et en ne la démasquant que lorsqu'elle est immobi-
LA CINÉMATOGRAPHIE
461
lîsée. Il suffit alors, pour procurer une sensation lumineuse con-
tinue, grâce à la persistance des impressions rétiniennes, de faire
passer 15 images par seconde. Cette combinaison avait été utilisée
d'abord par Marey et Demeny. « Je me servis, écrit le premier*,
des bandes ou pellicules transparentessur lesquelles j'avais obtenu
l'analyse du mouvement; je les fis passer dans un chronophoto-
graphe projecteur où elles étaient
entraînées par des rouleaux, mais
où certains organes les arrêtaient
assez longtemps pour qu'elles reçus-
sent, par derrière, un éclairement
suffisant. » En 1894, M. Gaumont
construisait, sous les noms de bio-
graphe et de bioscope, l'un pour l'a-
nalyse, l'autre pour la synthèse du
mouvement, les appareils imaginés
par M. Demeny. Le biographe exé-
cutait une suite continue de 80 images
et même davantage, avec une vitesse.
de 8 à 20 images par seconde, et le
bioscope reconstituait la scène pho-
tographiée, en montrant successive-
ment toutes ces images.
L'année suivante, MM. Lumière
montraient les premières projections
animées, obtenues à l'aide de leur cine-
matographe (de xivTj[j.a, mouvement).
Dans cet appareil,, chaque période, ci. Gaumom.
correspondant à la prise ou à la vue Fig. 164. — Chrono négatif Gaumont
d'une image, a une durée de 1/15 de P""^, ^}' "^'''^ ^^' ''''' cinémato-
j T iT 1 * • u-1 graphiques.
seconde. La pellicule reste immobile
pendant 2/45 de seconde et emploie à se déplacer le dernier l/4o.
Pendant sa phase d'immobilité, l'objectif est ouvert; pendant sa
phase de déplacement, la lumière est au contraire interceptée par
un secteur plein qui tourne devant l'objectif.'
1. Marey, la €hronophotographie, p. 25.
462 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Le cinématographe, rapidement perfectionné, a obtenu dès ses
débuts un succès qui n'a fait que s'accroître, si bien qu'il constitue
actuellement le plus en vogue de tous les spectacles.
Prise des vues cinématographiques. — Les fig. 164 et 165 re-
présentent le chrono négatif con^irmi par M. Gaumont pour la prise
des vues cinématographiques. La pellicule sensible à impression-
ner est enroulée sur une bobine enfermée dans une boîte-magasin
___ surmontant la chambre
Magasin s\fpénem noire. La pellicule est une
bande dont la longueur
atteint jusqu'à 100 mètres ;
de chaque côté de ce ru-
ban, des perforations ré-
gulièrementespacées vien-
nent s'adapter à des cylin-
Cyiindre denté drcs dcntés reliés à une
ij Magasin inférteu^^
Perforateur
Galet
Boucle
.Objectif
Fig-. 165. — Schéma du chrono négatif,
manivelle, de manière à
assurer l'entraînement ré-
gulier de la couche sen-
sible. L'objectif, de grande
luminosité, est un anas-
tigmat de 52 millimètres
^, , .^ ,. de foyer. Un obturateur,
Cyàaare dencsi .'' -
constitue par deux sec-
teurs opaques se recou-
vrant, laisse périodique-
ment pénétrer la lumière,
pendant que la pellicule
est momentanément arrê-
Came
Galet
tée. La surface impressionnée passe ensuite sur une seconde bobine,
dans la boîte-magasin qui se trouve placée à la partie inférieure
arrière de l'appareil. Au-dessus de la manivelle, un viseur, consti-
tué par une véritable chambre noire, reproduit exactement et très
clairement l'image que l'on cinématographie.
L'appareil étant placé bien de niveau sur un pied à trois bran-
ches, on règle la mise au point, suivant la distance du sujet prin-
cipal. Comme le foyer de l'objectif est très court, toutes les images
LA CINÈMATOGRAPHIE 463
sont nettes à partir de 5 mètres. On règle aussi la vitesse de 1 ob-
turateur, qui peut donner des poses variant de 1/64 à 1/512 de
seconde, suivant la rapidité des mouvements à enregistrer. On
saisit alors la manivelle de la main droite, et Ton tourne avec une
vitesse de deux tours par seconde environ, dans le sens des aiguilles
d'une montre et sans jamais revenir en arrière. La régularité du
mouvement est nécessaire, mais elle s'acquiert rapidement. Le
viseur permet de s'assurer constamment que le sujet à prendre est
bien dans le champ de l'objectif, ce champ se trouvant reproduit
en vraie grandeur sur la glace dépolie du viseur.
Développement et tirage. — La bande impressionnée est en-
roulée, couche en dessus, autour d'une planchette ou d'un cadre
que l'on plonge dans une cuve assez grande contenant la quantité
nécessaire de révélateur. M. J. Ducom indique la formule suivante
comme la plus fréquemment appliquée au développement des
bandes cinématographiques :
Eau .. .................. 2.000 ce.
Métol ............ ... 3 gr.
Hydroquinone 5 —
Sulfite d€ soude anhydre ....................... 60 —
Carbonate de potasse 40 —
Bromure de potassium 2 —
Ce bain est versé dans des cuves contenant environ 150 à
200 litres. On y développe successivement plusieurs séries de vues,
en y ajoutant de temps en temps un peu de bain neuf. Quand les
négatifs ont acquis l'intensité voulue, le cadre est retiré de la cuve,
lavé à l'eau courante et immergé dans un grand récipient conte-
nant une solution d'hyposulfite additionnée de bisulfite de soude.
La méthode adoptée pour le développement conduit souvent à
des négatifs ou trop durs ou trop faibles : on y remédie en affai-
blissant la pellicule ou en la renforçant à l'aide des correctifs
habituels.
Après lavage, la pellicule ne doit pas être mise directement à
sécher, car elle s'enroulerait irrégulièrement et serait trop cas-
sante. Il faut, au préalable, la passer dans :
Eau 15 litres.
Alcool à 'QSo 2 —
Glycérine 0>5 —
464
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Pour ]a dessiccation, la pellicule est enroulée sur un barillet
formé de baguettes en bois arrondies, la gélatine en dehors.
Fig. 166. — Appareil Lu-
mière, pour le tirage
des positifs cinémato-
graphiques.
La fig. 168 représente le cinématographe Lumière disposé pour
le tirage des diapositifs. La boîte-châssis PP' contient deux bobines
LA CINEMATOGRAPHJE
465
sur lesquelles sont enroulées la bande négative N et la bande non
encore impressionnée P. En tournant la manivelle, on entraîne les
Cl. Gaumopt.
Fig. 167. — Poste de projection double.
deux pellicules, appliquées l'une contre l'autre, devant une ouver-
ture par laquelle pénètre la lumière qui impressionne la pellicule
positive à travers la pellicule négative.
Une fois imprimée, la pellicule positive est développée de la
406
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
même manière que la pellicale négative, dans le révélateur au
métol-hydroquinone. On procède ensuite au fixage, au lavage et
au gh'cérinage, comme il est dit plus haut.
Projection des vues cinématographiques. — Certains appareils
destinés à la prise des
vues cinématographi-
ques peuvent également
servir à les projeter :
dans ce cas, la chambre
noire est placée devant
•4a condensateur d'une
lanterne à projection;
on ouvre le panneau qui
empêchait l'accès de la
lumière sur la pellicule
sensible, on met en place
la pellicule portant les
images positives, et on
règle la position de l'ob-
jectif, de manière à ob-
tenir sur l'écran une
projection aussi nette
que possible. Une reste
plus alors qu'à tour-
ner la manivelle, pour
reconstituer la scène
cinématographiée. La
pellicule positive est
perforée de la même
manière que la pellicule
négative; ses perfora-
tions s'adaptent donc
exactement aux griffes
des galets d'entraînement, et le mouvement de progression est pé-
riodiquement arrêté pendant les instants très brefs où l'obturateur
démasque l'objectif.
Cependant, dans la plupart des cas, la projection s'effectue à
Cl. Gaumont.
Fiff. 168
Schéma du déroulement d'un film
à la projection.
LA CINEMATOGRAPIIIE
467
l'aide d'appareils spécialement disposés dans ce but. L'obturateur
est combiné de manière à fournir le maximum (i'écJairement, tout
en réduisant au mini-
mum le scintillement ré-
sultant de la succession
des images.
Le fîlnif ou bande à
projeter, est d'abord en-
roulé sur un rouet (fig.
167 et 168). L'extrémité
correspondant au com-
mencement de la scène à
reproduire est engagée
dans les galets d'entraî-
nement et adaptée à
l'axe d'un second rouet
sur lequel la bande est
enroulée au fur et à me-
sure de la projection des
images qu'elle contient.
Les bandes de très
grande longueur sont or-
dinairement déroulées à
l'aide du défileur Carpen-
tier-Lumière (ûg. 169), .
dont les rouets peuvent
recevoir plus de 400 mè-
tres de pellicule.
Les risques d'incendie
résultant de l'emploi du
celluloïd à proximité d'u-
ne lampe .de projection
ont imposé des précau-
tions assez rigoureuses.
La préfecture de police de
Paris et un grand nombre
Cl. Lumière.
Fig. 169. — Défileur Carpentier-Lumière.
de villes exigent que les bobines contenant les films soient non point
468 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
placées dans les rouets évidés représentés sur les figures précéden-
tes, mais bien enfermées dans des boîtes métalliques. La Tig. 170
représente le chrono de projection Gaumont muni de carters pare-
Fig. 170. — Chrono Gaumont avec pare-feu.
feu. En outre, les spectacles cinématographiques ne sont autorisés
qu'à la condition expresse d'isoler de la salle l'appareil de projec-
tion, qui doit être enfermé dans une cabine à parois métalliques.
Lafig. 171 représente une cabine démontable, formée de panneaux
LA CINÉMATOGRAPHIE
469
renforcés en tôle de fer nervée. Chaque panneau est numéroté, et
l'assemblage s'effectue rapidement, au moyen de crochets inté-
Fig. 171. — Cabine de projections cinématographiques.
rieurs. Quoique très exigu, ce local est suffisamment aéré pour que
l'opérateur n'y soit pas incommodé par la chaleur et les produits
de la combustion du projecteur.
27
470 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
OUVRAGES A CONSULTER
J.-L. Breton, la Chronophotographie, Paris (L. Geisler).
R.-L. DoNNADiEU, la Photographie animée, Paris (Gli. Mendel).
J. DucoM, Iç Cinématographe scientifique'et industriel, Paris (L. Geisler), 1911,
Marey, la Chronophotographie, Paris (Gaulhier-Villars), 1899.
E. Trutat, la Photographie animée, Paris (Gauthier- Villars), 1899.
K.-W. WoLF CzAPEK, la Cinématographie, 2^ édition, Berlin (Deutsche Velags-
gesellschaft), 1911.
E. Covs-rET, Traité pratique de Cinématographie, 2 vol., Paris (Ch. Mendel), 1914,
LA MICROPHOTOGRAPHIE 411
CHAPITRE XXV
LA MICROPHOTOGRAPHIE
Premiers essais. — Dès la découverte du daguerréotype, le
D' Donné et Léon Foucault l'appliquèrent à la reproduction ampli-
fiée des objets microscopiques. La photographie fournit ainsi le
moyen de fixer ces images fugitives que l'on aperçoit dans le
microscope, jusqu'aux moindres détails qu'il est si difficile de des-
siner avec exactitude. La plaque sensible n'est pas sujette aux
mêmes illusions et aux mêmes défaillances que l'œil de l'obser-
vateur; aussi l'épreuve microphotographique constitue-t-elle un
témoignage irrécusable et présente un degré de certitude que nul
ne saurait suspe.cter. Elle a d'ailleurs permis, ces temp? derniers, de
pousser l'analyse plus loin que notre organe visuel n'est capable
de le faire, de révéler ainsi l'invisible et d'en fixer l'image.
L'appareil dont on se servait primitivement pour les reproduc-
tions microphotographiques n'était autre que le microscope solaire,
appareil de projection fondé sur le même principe que la lanterne
magique. La lumière solaire était concentrée par deux lentilles
formant condensateur sur l'objet à reproduire, dont un objectif
projetait sur un écran l'image très amplifiée. L'objectif était formé
de lentilles très petites et de très court foyer, afin de réduire le
plus possible la distance qui devait le séparer de l'écran. Après
avoir mis au point, la plaque sensible était substituée à l'écran.
Actuellement, cette combinaison est rarement employée, et l'on
se sert presque toujours de l'instrument que les physiciens dési-
gnent sous le nom de microscope composé.
Emploi du microscope composé. — Bien que cet appareil d'op-
tique soit universellement connu, rappelons très brièvement qu'il
est constitué par la combinaison de deux groupes de lentilles con-
vergentes montés aux extrémités d'un tube métallique. Les lentilles
Fig. 172.
Microscope composé.
LA MICROPHOTOGRAPHIE
473
disposées à proximité de l'objet à observer forment Vobjectif,
et celles qui se trouvent placées du côté opposé, où l'observateur
applique son œil, portent le nom d'oculaire. L'objet, placé entre
deux lames de verre, est éclairé à l'aide d'un miroir adapté à ud
support articulé, etla mise au point s'effectue au moyen d'une cre-
maillère et d'une vis micrométrique permettant
de faire varier la distance entre
le tube et l'objet à observer
(fig. 172, '173 et. 174).
Si l'on dispose une glace dé-
polie à quelque distance de l'o-
culaire, on voit s'y projeter une
image de l'objet placé.au foyer
de l'objectif. Si l'on enlève l'o-
culaire, on observe encore une
Cl. Krauss. image réelle sur le verre dé-
Fig. 173. — Oculaire poli, mais elle est renversée. Fig. 174. — Objectif
du microscope corn- ^jg^ns l'un et l'autre cas ^ en sub- du microscope com-
pose. . j' 1- posé.
stituant-au verr& dépoli une ^
plaque sensible, on doit, théoriquement, obtenir une microphoto-
graphie. En pratique, cependant, l'opération ne réussit complète-
ment qu'en obseryant certaines conditions.
D'abord, les microscopes dont les lentilles ne sont achromatisées
que pour l'observation visuelle ne conviennent pas à la photogra-
phie, à moins d'avoir recours à un mode d'éclairage spécial (mono-
chromatique) : l'image mise au point pour l'œil de l'observateur ne
serait plus nette sur la plaque, le foyer des rayons ultra-violets ne
coïncidant pas avec celui des radiations visibles. Il faut donc que
rinstrument ait été achromatisé de la même manière que les objec
tifs photographiques, afin qu'il n'y ait point de foye?- chimique. Il
convient d'ajouter que la plupart des microscopes actuellement
construits par les grandes maisons d'optique satisfont parfaite-
ment à cette condition.
Le tube du microscope s'adapte, au moyen d'un raccord très
simple, à une chambre noire spéciale, ordinairement de petit for-
mat, mais à très long tirage (fig. 175^e't;176.).
Gn utilise l'objectif du microscope, soit seul, soit avec l'oculaire,
Dans le premier cas, le
tirage de la chambre est
plus long, pour un même
grossissement. Il dépend,
bien entendu, de l'ampli-
fîcation qu'il s'agit d'obte-
nir. Pour avoir une image
de plus en plus grande, il
suffit de rapprocher l'ob-
jectif de l'objet et de l'é-
loigner de la plaque ; mais
on ne gagne en amplifi-
cation qu'aux dépens de
la netteté.
Si le microscope est
muni de son ocujaire, l'i-
mage sera plus grande,
pour le même éloigne-
ment de la plaque sen-
sible. Le tirage est donc
plus court que dans le
cas précédent, à grossis-
sement égal. Cette combi-
naison, qui réduit Tinstal-
lalion au minimum d'en-
combrement, a encore
l'avantage de faciliter
l'application alternative
de l'observation visuelle
et delà reproduction pho-
tographique. Le sujet à
étudier est d'abord placé,
comme d'habitude, entre
deux lames de verre, sur
le porte-objet. On l'exa-
mine, en mettant l'œil à
l'oculaire, et, lorsqu'on y
476 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
découvre quelque détail intéressant dont on tient à conserver
l'image, on n'a qu'à ajuster la petite chambre noire au micros-
cope, sans déplacer l'objet. On met au point, en regardant le verre
dépoli, et l'on expose la plaque sensible. MM. Thomas et Bellieni
ont même imaginé une méthode qui supprime la modification de
la mise au point et permet de laisser le microscope réglé pour
ll'examen visuel. L'instrument étant mis au point pour l'observation
oculaire, on n'a qu'à le raccorder à une chambre photographique
ordinaire inunie de son objectif préalablement mis au point sur
l'infini. Il est ainsi extrêmement facile de passer alternativement
-de l'étude visuelle à l'opération photographique, et vice versa.
L^inconvénient de l'oculaire est que ses lentilles absorbent «itïe
grande quantité de lumière. Il faut alors augmenter considérable-
ment le temps de posre ou recourir à un éclai-
rage beaucoup plus intense. En ontre, pour éviter
toute réflexion sur les parois. intérieures du mi-
croscope, réflexions qui "ne ise ; produisent pas
lorsqu'on se sert de l'objectif seul, il est néces-
saire d'interposer un diaphragme vers l'extré-
Fig. 177. —Micro- mité du tube. Un autre moyen d'empêcher ces
planar. réflexions, déterminées par les rayons marginaux
et dont refl"et est de donner une image confuse et une tache cen-
trale, est de remplacer le tube ordinaire par un tube plus large.
C'est dans ce but que la maison Zeiss construit des microscopes
dont le tube a 49 mm. de diamètre intérieur. Du reste, tous les
constructeurs tendent, depuis quelques années, à employer des
tubes courts et de gros diamètre , qui seuls permettent d'utiliser
tout le champ des objectifs de grande longueur focale, tels que
les microplanars (fig. 177) et autres anastigmats. Ces objectifs,
spécialement établis pour la microphotographie, admirablement
corrigés de toute trace d'aberration, fournissent des images infini-
ment plus parfaites que celles qu'on obtenait avec les systèmes
optiques primitifs.
Éclairage. — La lumière diff'use, généralement suffisante pour
l'observation directe, est rarement appliquée à la microphotogra-
phie, parce qu'elle nécessite une pose trop longue. Le plus sou-
vent, on utilise une source de lumière artificielle, d'autant plus
LA MJCROPHO'TCyORAPHIE 411
intense qu'il s'agit d'obtenir un grossissement plus fort. Jusqu'à
500 diamètres, les lampes électriques à incandescence suffisent.
Au delà, on a recours à Tare électrique ou à la lumière oxhydrique.
L'objet est ordinairement éclairé par transparence : la lumière
îs'y trouve concentrée à l'aide d'un miroir concave disposé au-
dessous du porte-objet. Pour les fortes amplifications, on y ajoute
un condensateur, lentille supplémentaire qui s'adapte au porte-
objet. Les préparations destinées à la micrographie (coupes de
tissus animaux ou végétaux, microbes, etc.) sont assez souvent
colorées, de manière à se détacher plus nettement sur le fond
transparent. Suivant la couleur employée à cet effet, il sera par-
fois nécessaire d'avoir recours aux plaques orthochromatiques,
combinées avec un écran coloré.
Certaines substances sont trop opaques pour se prêter à l'éclai-
rage par lumière transmise. Même réduites en coupes aussi min-
ces que possible, elles ne présenteraient pas encore la diaphanéité
nécessaire. C'est le cas, notamment, pour les métaux et pour
certains minéraux, qui exigent l'emploi d'objectifs illuminât eurs.
Le faisceau lumineux pénètre d'abord dans le tube du microscope,
par une ouverture latérale. Un prisme à réflexion totale le dirige
vers l'objectif, qui le concentre sur l'objet. '
Quel que soit le mode d'éclairement, il faut veiller à ce que la
lumière arrive régulièrement sur toute la surface à impressionner.
On s'en assurera en examinant le verre dépoli, sur lequel la pro-
jection devra présenter une surface circulaire uniformément bril-
lante. La mise au point s'effectue d'abord approximativement, en
modifiant le tirage de la chambre, puis d'une façon beaucoup plus
précise en manœuvrant la crémaillère du microscope et enfin la
vis micrométrique.
Si le foyer optique ne coïncide pas avec ïe foyer chimique, on
y remédie en faisant usage de lumière monochromatique. A cet
effet, on interpose sur le trajet des rayons lumineux un verre
teinté, ou, ce qui est préférable, une cuve en verre à faces paral-
lèles remplie d'un liquide coloré, tel que l'acide picrique, le
bichromate de potasse, le sulfate de cuivre, etc.
Limites du grossissement. — Les grossissements réalisés à
l'aide du microscope ordinaire ne dépassent pas 600 à 800 diamè-
478 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
très quand on emploie l'objectif seul, et 2.000 ou 2.500 quand on
y ajoute l'oculaire. Pour obtenir des grossissements supérieurs,
il faut- avoir recours à des dispositi(^ns spéciales. En effet, le pou-
voir du microscope a des bornes strictement limitées par la
nature même de la lumière : si l'on essaye de les franchir, on ne
gagne en amplification qu'au détriment de la netteté, et, loin de
faire apparaître des détails plus fins, on n'obtient que des images
de plus en plus confuses.
C'est qu'en réalité l'image de chaque point lumineux fournie
par un instrument d'optique même supposé parfait n'est pas un
point, mais bien une tache circulaire entourée d'anneaux concen-
triques, d'ailleurs très petits. Si l'on pousse l'amplification jus-
qu'à mettre en évidence cette structure complexe, les images des
divers points contigus s'enchevêtrent et cessent d'être distinctes.
Toutefois, la photographie a ici un nouvel avantage sur l'œil
humain. Ces taches, ces anneaux concentriques, n'ont pas tous les
mêmes dimensions : ceux qui proviennent des radiations rouges
sont plus larges que ceux des jaunes; ceux-ci à leur tour sont
moins resserrés que les verts et que les bleus, proportionnelle-
ment aux longueurs d'ondes des radiations correspondantes (V.
le tableau de la page 408). Les plus étroits, pour l'observation
visuelle, sont ceux qui sont formes par les rayons violets. Il suit
de là que la limite de résolution des fines structures peut être
poussée d'autant plus loin qu'on les éclaire par des rayons de
plus petite longueur d'onde. Ainsi s'explique l'utilisation des rayons
ultra-viulets, que notre œil ne voit pas, mais qui impressionnent
la plaque photographique.
La réalisation pratique de la microphotographie en lumière ultra-
violette présentait de sérieuses difficultés, heureusement résolues,
en 1904, par le D'" A. Kôhler, d'Iéna. Les lentilles du microscope
construit par Zeiss (fig. 178) sont composées de cristal et de quartz
fondu et ne sont corrigées que de l'aberration sphérique, l'appli-
cation d'un éclairage monochromatiqùe rendant tout à fait négli-
geable l'aberration de réfrangibilité. Les rayons ultra-violets sont
produits par une étincelle électrique qui jaillit entre des électrodes
de cadmium. La mise au point s'efï'ectue sur un écran fluorescent
que l'on examine à l'aide d'un système optique en cristal.
Fig. 178. — Appareil pour la microphotographia eu lumière ultra- violette.
&80
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Cette méthode permet de pousser le grossissement jusqu'à
3.600 diamètres. Le pouvoir résolvant atteint le double de celui
que donnerait, sous les radiations visibles:^ un objectif d'égale
ouverture numérique. En outre, les- radiations ultra- violettes
révèlent l'existence de détails que la lumière ordinaire ne ferait
pas soupçonner, même si le grossissement était suffisant, parce
qu'un grand nombre de préparations organiques fraîches ou fixées
accusent des différences de~transparence considérables suivant les
radiations qui les éclairent, et se comportent, en lumière ultra-
violette, absolument commedés objets différemment colorés, bien
qu'elles soient incolores en. lumière blanche.
Un autre moyen de voir l'inTisible est V ultramicroscope créé,
en 1903, par deux Allemande, Siedenlopf et Zsigmondy, et parti-
179. — Ultramicroscope.
culièrement étudié eniErance par MM. Gottonet Mouton. Ce mode
d'investigation est fondé sur ce fait qu'un objet extrêmement
petit peut devenir visible, sous la triple condition d'être lumineux,
de se détacher sur uir fond obscur et d'être suffisamment éloigné
des autres points lumineux.
La fig. 179 représenté l'ultramicroscope Siedentopf-Zsigmondy
construit par la mctison Zeiss. Une lampe à arc de 30 ampères
éclaire les objets: microscopiques, non plus parallèlement à l'axe
optique, mais perpendiculairement à cette direction, ou très obli-
quement. La fig. lS0.montrB_ de quelle manière les:ïra^oji s lumineux
LA MICROPHOTOGRAPHIE
481
sont dirigés vers le porte-objet par un condensateur parabolique.
Aucun rayon lumineux direct ne pénètre dans le tube du micros-
cope, et les objets les plus menus apparaissent nettement, bril-
lants sur fond obscur, à la façon des poussières en suspension
dans l'air au milieu d'une chambre où
pénètre un rayon de soleil.
Le D*" Comandon a utilisé cette com-
binaison pour cinématographier, à rai-
son de 3:2 poses par seconde, des êtres
prodigieusement petits, tels que ceux
qui vivent dans le sang des animaux,
organismes que l'on n'avait pu jus-
qu'ici étudier qu'après les avoir colorés
et par conséquent tués^ L'ultramicros-
cope rend ainsi des services inespérés
aux biologistes, en leur permettant d'ob-
server vivants divers microbes qui échappaient auparavant à leurs
études. Conjugué avec le cinématographe, qui donne l'illusion- par-
faite de la réalité, le nouvel instrument a révélé au public un nou-
veau monde, le m onde; des infiniment petits.
Fig. 180, — Condensateur
parabolique.
OUVRAGES A CON S ULTER
A. CoTTON ET Mouton, les Ultramicroscopes , Paris (G. Masson), 1906.
L. Mathet, le Microscope et son Application à la photographie des infiniment
petits, Paris (Gh. Mendel).
MoNPiLLARD, la Microphotographie, Paris (Gauthier^ Villars), 1899.
R. Neuhauss, Anleitung zur Mikrop holographie, 2® édition, Halle a/S. (W.
Knapp).
H. Viallanes, Microphotographie, Paris (Gauthier-Villars), 1886,
R. ZsiGMONDY, Colloids and the Ultramicroscope, New-York (John Wiley and
Sons), 1909.
M. Langeron, Précis de Jdicroscopie, Paris (Masson et Qie), 1914.
482 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
CHAPITRE XXVI
LA RADIOGRAPHIE
Découverte des rayons X. — Lorsqu'une décharge électrique
éclate à l'inlérieur d'un tube de verre rempli d'air à la pression
atmosphérique ordinaire, elle s'y manifeste sous la forme de traits
de feu rapides, accompagnés de crépitements caractéristiques. Mais,
si l'on y fait le vide, le tube s'illumine dans toute son étendue, et
l'étincelle fait place à une lueur continue. Cet effet est particulière-
ment remarquable dans les tubes de Geissler. Deux fils de platine
ou d'aluminium traversent le verre et constituent les électrodes,
c'est-à-dire les conducteurs qui amènent la charge électrique à
l'intérieur. On appelle anode le fil relié au pôle positif de la ma-
chine qui fuurnit l'électricité, et cathode l'électrode négative. Après
avoir introduit dans le tube un gaz ou une vapeur, on y produit un
vide partiel, après quoi l'ouverture est scellée au chalumeau.
Le passage de l'électricité à travers le tube de Geissler produit
une lueur dont la teinte varie suivant la nature du gaz dont il reste
encore quelques traces. La lumière part de l'extrémité de l'anode
et s'arrête à une faible distance de la cathode; une gaine lumi-
neuse entoure la cathode, dont elle est séparée par un espace
obscur. Si le vide a été fait après avoir introduit dans le tube une
vapeur d'alcool, d'essence de térébenthine ou de sulfure de car-
bone, la lueur n'apparaît plus uniforme : on aperçoit, dans ce cas,
des stratifications, c'est-à-dire des raies alternativement brillantes
et obscures. ,
Dès 1875, deux expérimentateurs, Hittorff, à Munster, et Gold-
stein, à Berlin, avaient reconnu que la lueur produite dans le tube
de Geissler était due à un vide imparfait et qu'elle disparaissait
progressivement, à mesure que la raréfaction se faisait plus com-
plète. Ils avaient remarqué, en outre, qu'après la disparition de la
LA RADIOGRAPHIE 483
lueur intérieure, le verre du tube devenait le siège d'une pâle fluo-
rescence verte.
Ces premières observations étaient restées à peu près inaper-
çues. Elles étaient déjà oubliées, en 1879, quand Grookes entreprit
Tétude méthodique de cet ordre de phénomènes. Il constata que,
lorsque le vide se fait d'une façon de plus en plus parfaite dans le
tube, la gaine lumineuse qui entoure la cathode disparaît tout d'a-
bord. La zone obscure va ensuite s'élargissant et gagne de proche
en proche jusqu'à la pointe positive. Une à une, les stratifications
s'éteignent. Dés que le point lumineux qui termine l'anode s'éva-
nouit à son tour, la fluorescence du verre commence à se mani-
fester.
Pour Crookes, ce sont les molécules du gaz raréfié à l'extrême
qui, repoussées par l'électricité négative de la cathode, bombar-
dent le fond de l'ampoule et font jaillir, par leurs chocs inces-
sants, ces lueurs phosphorescentes dont le point de départ semble
bien être le fil négatif. C'est pourquoi il leur donna le nom de
rayons cathodiques. En arrêtant ce flux de projectiles au moyen
d'une lame d'aluminium enfermée dans le tube, l'ombre de cette
lame venait se peindre sur le verre.
En 1889, le physicien allemand Henri Hertz vérifia que lorsque
la lame d'aluminium est suffisamment mince, elle devient impuis-
sante à arrêter les rayons cathodiques, et que d'autres métaux
présentent les mêmes propriétés. Cinq ans plus tard, M. Philippe
Lenard mit à profit cette particularité pour faire jaillir les rayons
cathodiques hors de l'ampoule de Crookes. Celte dernière fut percée
d'une petite fenêtre fermée par une lame d'aluminium. Les radia-
tions n'étaient ainsi plus arrêtées par les parois de verre et fran-
chissaient facilement la feuille métallique. Les rayons invisibles
filtrés de la sorte à travers une vitre opaque avaient la propriété
d'impressionner la plaque photographique et de décharger à dis-
tance les corps électrisés. Projetés sur un écran enduit d'une subs-
tance fluorescente, telle que le sulfure de zinc ou le platino-cya-
nure de baryum, ils le rendaient immédiatement lumineux.
Cet historique succinct suffit pour montrer que les principales
propriétés des rayons cathodiques étaient connues plusieurs années
avant que le D'' Flôntgen, professeur à Wurzbourg, se fût occupé
484 TRAITE GÉNÉRAL DE PHaTOGRAPHlE
de eétte question. C'est è lui cependant qu'est généralement attri-
buée l'invention de la radiographie. Le mérite du physicien bava-
rois fut seulement d^ mettre en évidence, grâce à un dispositif
habilement combiné, tout le parti qu'il était possible de tirer d'un
phénomène considéré jusque-là comm« foi?t curieux, mais sans
portée pratique.
Vers la fin de l'année i89o, Rôntgcn, ayant excité la décharge
électrique dans un tube de Crookes enfermé à l'intérieur d'une boite
de carton placée elle^même=au fond d'un laboratoire obscur, remar-
qua qu'une plaque fluorescente, laissée par hasard à proximité,
s'illuminait. Il reconnut que, quoique invisibles, les rayons catho-
diques pouvaient traverser le verre de l'ampoule, sans qu'il fût
nécessaire d'avoir recours a un diaphragme d'aluminium, et qu'ils
franchissaient aussi le carton. Il eut alors l'idée de faire quelques
expériences photographiques à l'aide de ces radiations, auxquelles
il donna le nom de rayons X, en raison de leur nature mystérieuse,
empruntant ainsi au langage algébrique le signe qui sert à dési-
gner l'inconnu.
L'une de ces expériences démontra à Rôntgen que les os de la
main sont à peu près complètement opaques aux rayons X, tandis
que les chairs, les muscles, les tendons, les nerfs et les artères se
laissent facilement traverser. On put ainsi obtenir, pour la pre-
mière fois, la photographie du squelette d'un individu vivant.
Les ra3^ons X ne se réfractent pas, en traversant un prisme ou
une lentille. Traversant un grand nombre de corps que nous appe-
lons opaques, parce que nos yeux ne sont pas organisés pour voir
à travers leurs molécules, comme le bois ou le carton, les rayons X
sont arrêtés par des substances qui sont transparentes pour notre
nerf optique. Le cristal est dans ce dernier cas, et c'est pourquoi
la photographie par les rayons X, o\i radiographie, s'obtient par
simple projection de silhouettes, -et non par réfraction à travers
un objectif.
Matériel radiographique. — Les organes nécessaires à l'exécu-
tion des radiographies sont : la source d'énergie électrique, le tube
dans lequel les rayons X prennent naissance, et le châssis conte-
nant la plaque sensible.
Générateur d'électricité. — La tension électrique qui correspond
LA RADIOGRAPHIE 485
à une longueur d'étincelle de 5 à 30 centimètres, à l'air libre, est
la mieux appropriée aux opérations radiographiques. Néanmoins, il
est préférable de choisir un générateur d'énergie électrique capable
de fournir des étincelles de 60 centimètres, parce qu'un appareil
Fig. 181. — Machine de Wimshurst.
puissant travaille plus sûrement et pins régulièrement qu'un appa-
reil poussé h son maximum de rendement.
Les machines statiques, notamment celles de Wimshurst (fig. 181)
et de Topler, conviennent très bien à la radiographie. Leur cons-
truction a fait l'objet, dans ces dernières années, de divers perfec-
486
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
tionnements qui assurent au flux de rayons X une constance et une
fixité remarquables. Malheureusement, elles craignent la poussière
et l'humidité, qui diminuent l'isolement et arrêtent parfois la pro-
duction d'énergie au moment le plus inopportun. Aussi la machine
statique reste-t-elle encore, malgré l'avanlage de sa simplicité, l'ou-
til des radiographes qui n'ont pas à leur portée le courant électri-
que fourni à bon compte par les usines.
Dans la plupart des cas, la source d'énergie appliquée à la ra-
diographie est la machine d'induction ou bobine de Ruhmkorfî
Flg. 182. — Bobine de Ruhmkorff
(fîg. 182), qui transforme un courant à basse tension en un courant
à haute tension. Le courant inducteur ou primaire parcourt un fîl
de cuivre gros et court enroulé autour du noyau de la bobine. Ce
circuit est entouré d'un autre enroulement, formé de fil très lin et
très long, dans lequel prennent naissance les courants induits ou
secondaires à haute tension. Comme chaque courant induit ne dure
qu'un instant, il est indispensable que le courant inducteur soit
périodiquement interrompu.
Les interrupteurs mécaniques des petites bobines fonctionnent de
la même manière que le trembleur de* sonneries électriques. Cette
LA RADIOGRAPHIE 48T
combinaison n'est plus suffisante lorsqu'on utilise des courants
intenses, parce que l'étincelle de rupture qui jaillit entre les pièces
mobiles de l'interrupteur les mat rapidement hors d'usage et offre
d'ailleurs l'inconvénient de prolonger la durée du courant pri-
maire. Pour obtenir un bon rendement, il faut une interruptioa
T
Fig-, 183. — Interrupteur à moteur.
très brusque. L'interrupteur Ducretet représenté fig. 183 est cons-
titué par une tige t plongeant dans un godet HG contenant uno
couche de mercure recouverte de pétrole. Un moteur électrique M
imprime à la tige t, par l'intermédiaire de la bielle B, un mouve-
ment alternatif vertical très rapide. Le C(jurant primaire est amené
à la tige mobile par une bande métallique souple L et passe dans
la masse de mercure. Quand la tige t est soulevée hors du mercure,
le courant est brusquement interrompu, pour passer de nouveau
quand le contact est rétabU.
488
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
On emploie aussi, depuis quelques années, des interrupteurs à jet
de mercure par force centrifuge. Un moteur électrique M (fig. 184)
actionne une petite turbine T qui projette un filet de mercure A
établissant dans sa rotation des contacts successifs sur des lames
a
F, JltrCRETET & Œ.ROGFRâ. PABIS,
HfBHKr
Fig. 184. — Interrupteur à jet de mercure;
métalliques /. Cette combinaison supprime l'emploi d'un liquide
isolant, tel que l'alcool ou le pétrole, qui forme à la longue avec
le mercure une sorte d'émulsion pâteuse.
Enfin, on utilise, surtout avec les courants très intenses, l'inter-
rupteur électrolytique de Wehnelt. La cuve R (fig. 185) contient,
de l'eau acidulée. La borne + reliée au pôle positif du générateur
d'énergie électrique communique avec une vis B qui se termine,
à l'intérieur de la cuve, par une pointe de platine Ft. Le pôle néga-
tif est relié au liquide par la borne — et la lame de plomb E. Le
passage du courant a pour effet de déterminer sur la pointe de pla-
tine une chaleur intense qui vaporise immédiatement la couche;
liquide qui l'entoure. Cette gaine de vapeur interrompt aussitôt le
courant. La cause de réchauffement cessant, la vapeur se condense,
LA BAD 10 GRAPHIE
48!)
le couraTit passe de nouveau, et le phénomène de caléfaction recom-
mence. Les interruptions produites dans ces conditions sont extrê-
mement brusques et se succèdent à raison de 1.500 par seconde
environ. L'interrupteur électroly-
tique convient principalement aux
grandes bobines ; il est d'un emploi
plus facile, plus commode et plus
sûr que l'interrupteur au mercure.
Tube. — L'appareil dans lequel
les rayons X prennent naissance
est constitué en principe par une
simple ampoule de verre d'où
l'air a été chassé et dans laquelle
pénètrent deux tiges métalliques,
servant d'anode et de cathode.
En réalité, les tubes actuellement
employés sont un peu plus compli-
qués. D'abord, l'anode est géné-
ralement double, c'est-à-dire com-
posée de deux tiges distinctes,
que l'on relie ensemble quand il
s'agit de diminuer la résistance
intérieure, suivant le degré de vide ^-^^ 185. - Interrupteur électrolytique.
et l'effet à obtenir. La plupart
des tubes applicables à la radiographie sont donc bianodiques (fîg.
186). Ils sont, en outre, munis d'un régulateur du vide. Le degré
de vide réalisé dans le tube est, en effet, d'une très grande impor-
tance. A mesure que la raréfaction augmente, le passage de l'élec-
tricité est de plus en plus difficile, et il faut augmenter la tension du
courant induit pour vaincre la résistance intérieure. Quand le vide
est poussé très loin, on dit que le tube est dur : il produit alors des
rayons d'une force de pénétration extrême, mais il exige une ma-
chine donnant des étincelles plus longues. Les tubes très durs sont
peu employés en radiographie, bien qu'ils permettent des poses
très courtes, parce que les rayons principaux qu'ils produisent
s'accompagnent de rayons secondaires d'où résulte la formation
"d'un voile dont on n'est pas encore parvenu à se débarrasser.
490
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
Les tubes doux ou mous sont ceux où le vide est très imparfait.
Ils offrent peu de résistance au passage de l'électricité et n'exigent
qu'une tension relativement peu élevée, mais n'ont qu'un faible
pouvoir de pénétration. Il est à remarquer que le degré du vide
augmente spontanément par le seul fonctionnement du tube : la
décharge électrique y détermine l'absorption des molécules gazeu-
ses qu'il contient par les parois de verre et les pièces métalliques
intérieures, si bien qu'à la longue un tube primitivement mou finit
par devenir dur.
Divers moyens ont été proposés pour amener les tubes au degré
de vide convenable. Quand le tube est bianodique, on augmente la
résistance en n'utilisant qu'une seule anode; on la diminue, lorsque
le tube est devenu trop dur, en reliant ensemble les deux anodes.
On peut régénérer un tube devenu trop résistant en le passant
légèrement sur la flamme d'une lampe à alcool. Sous l'influence
de la chaleur, une partie des gaz absorbés par occlusion se dégage
et diminue le vide. Si, au contraire, le vide est insuffisant, il suffit
d'inverser pendant quelques instants le sens du courant : la cathode
sert d'anode, et réciproquement, et l'excès de gaz est réabsorbé.
Toutefois, ces modes de
régénération ne don-
nent de bons résultats
qu'un certain nombre
de fois. Aussi a-t-il fallu
chercher autre chose.
Le procédé primiti-
vement employé consis-
tait à introduire dans le
tube, pendant sa fabri-
cation, une matière ca-
pable de laisser échap-
per, sous l'influence d&
la chaleur, une très
petite quantité de gaz
qui compense l'excès
de raréfaction produit par les décharges électriques. Tel est, par
exemple, le tube de Zehnd.er, auquel est soudée une ampoule
Fig^. 186.
Tube à régulateur de vide
par la potasse.
LA RADIOGRAPHIE
491
contenant du charbon absorbant, qu'il suffit de chauffer pour
libérer une petite quantité de gaz.
Croolies a utilisé la potasse caustique pour la régénérat-ion des
lubes. Dans le modèle représenté fjg. 186, la potasse est placée au
fond d'un petit réservoir R. Quand le tube e^ttrop vidé, on chauffe
lentement ce réservoir sur une lampe à alcool. Lorsque, au con-
traire, le vide est insuffisant, on l'augmente en inversant le sens
du courant pendant quelques instants.
M. Ch.-Ed. Guillaume modifie la raréfaction au moyen d'une
anode supplémentaire terminée par une lame de palladium : en la
chauffant ou en la prenant pour anode, on restitue ou on enlève
à l'atmosphère intérieure du tube une minime quantité de gaz, de
manière à obtenir le vide le plus favorable.
L' osmo -régulateur de M. Viîlard est basé sur la propriété que
possède l'hydrogène de traverser une paroi de platine chauffée au
rouge. Quand le tube est trop résistant, on chauffe avec un bec de
Bunsen le tube de platine soudé à l'ampoule : l'hydrogène de la
flamme passe à travers le tube de platine par osmose, et pénètre
dans le tube, qui devient ainsi moins résistant.
Quand, au contraire, le tube est trop mou et pos-
sède, par conséquent, un excès de gaz, on coiffe
le tube de platine d'un manchon de même métal,
de plus grand diamètre, qui l'isole du contact de
la flamme tout en laissant circuler l'air : par os-
mose encore, les gaz sortent du tube, et le vide
convenable se rétablit.
Pour les grandes intensités, l'interrupteur de
Wehneltest généralement relié à un tube biano-
dique avec anode à large surface refroidie par
l'eau. On verse dans le récipient B ffig. 187) de
l'eau jusqu'aux deux tiers de sa hauteur. Pendant
le fonctionnement du tube, l'eau est portée à Té- ci. Ducretet,
bullilion ; la vapeur se condense en B' et retombe Fig. 187. — Anode
en B. L'anode M', en contact direct avec l'eau, à refroidissement,
reste à 100°, et cette température relativement
basse permet de soumettre le tube à de fortes décharges. Signa-
lons, enfin, le tube double du D' Guilloz (fig. 188) avec deux ca-
.c^
492 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
thodes et deux anlicathodes en chrome plaliaé, pour la radiosté-
réoscopie.
Cl. Ducretet
Fig. 188. — Tube radiostéréoscopique.
Dans les tubes précédents, le passage de la décharge s'opère
par l'intermédiaire des gaz résiduels, dont la conductibilité varie
suivant leur degré de raréfaction. Le tube Coolidge est fondé sur
un principe tout différent. Le vide y est poussé si loin que, même
à des tensions supérieures à 100.000 volts, l'électricité ne pourrait
pas franchir la distance qui sépare les électrodes. On supplée à
l'absence de résidu gazeux par une émission à'éiectrons^ corpus-
cules qui se dégagent de la cathode quand celle-ci est portée à
l'incandescence. A cet effet, la cathode est formée d'un fil de métal
peu fusible, relié à une source d'électricité à basse tension, par
exemple un petit accumulateur. Le pouvoir de pénétration des
rayons X ainsi émis ne dépend que du voltage aux bornes de l'am-
poule; il ne varie donc pas, tant que la tension reste constante. La
figure 189 représente un tube Guolidge construit en France par les
Fig. 189. — Tube Coolidge.
Etablissements Gaiffe, Gallot et Pilon. La cathode est creuse, et
dans sa cavité se loge une spirale en fil de tungstène, soutenue
par deux tiges de molybdène. L'anode, faite d'un gros bloc de
LA RADIOGRAPHIE 493
tungstène, se prolonge à l'extérieur du tube par un radiateur à.
ailettes, dont la large surface assure la dissipation de la chaleur
produite par le bombardement cathodique.
Ce tube peut être alimenté par les courants induits de la
bobine de Ruhmkorff, et aussi par les courants alternatifs que dis-
tribuent les stations centrales, avec un transformateur qui en élève
la tension. Les autres tubes laissant passer le courant dans les deux
sens exigent l'emploi de redresseurs (contacts tournants) ou de
soupapes spéciales supprimant Tune des alternances. Quant au tube
Coolidge, il ne laisse passer le courant que dans le sens voulu. Un
autre avantage de ce tube est son extrême souplesse et la facilité
avec laquelle on en obtient à volonté des rayons X plus ou moins
pénétrants. En réduisant le voltage, on exécute de bonnes radiogra-
phies des tissus mous; en l'élevant, au contraire, on arrive à ana-
lyser la structure des corps les plus opaques (radiométallographie).
Châssis porte-plaque. — On peut employer en radiographie un
châssis ordinaire, dans lequel la plaque sensible est enfermée,
comme d'habitude gélatine en dessus, c'est-à-dire tournée vers
le volet. On y ajoute généralement une feuille de plomb, en con-
tact avec le verre, et un écran fluorescent destiné à abréger la pose,
comme on le verra plus loin. Mais l'emploi du châssis n'est pas
indispensable, et il suffît d'enfermer la plaque dans une feuille- de
papier noir; cette enveloppe, imperméable à la lumière, empêche
l'émulsion de se voiler, et se laisse facilement traverser par les^
rayons X. Pour éviter que ces rayons occasionnent un voilé acci--
denteiipendant l& régtè^: àfessapparBiIs^, on n'a^ qu'à; protéger la
plaque^ àr l'aide d'une feuille dëemétal ou même d'un carton épais.
La-soçEpression du châssis s'àm|>ose, d'ailleurs, da«s certaines opé-
rations; : ainsi, les dentistès> ont quelquefois à radiographier une
mâchoire, afin de Yénïï&r l'existence d'une- dent encore invisible
ou de préciser la position d'une racine. Dans ces cas, on se borne à.
envelopper de papier noir une très petite plaque sensible, que Ton
introduit dans la bouche à étudier .
Procédés radiographiques. — On peut utiliser, en radiographie,
des plaques ordinaires, et d'ailleurs on n'en employait pas d'autres
à l'époque où les rayons X venaient à peine d'être découverts. Mais
le temps de pose qu'elles exigent est généralement trop long, et il
28
494
TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOfOGRAPHIE
est presque toujours plus avantageux d'avoir recours aux émul-
sions spécialement réservées à cette application. Ainsi, les plaques
^^^ii;:ili;i^M^liiiii
Fiy. IQO. — Uisposilit. radiographique
radiograpbiqnes Lumière sont remarquables par leur sensibilité et
par la gradation de teintes qu'elles permettent d'obtenir. La cou-
LA RADIOGRAPHIE 495
che sensible en est très épaisse. La plupart des fabricants de pla-
ques radiographiques les livrent dans des boîtes où elles sont em-
paquetées séparément, de manière à en faciliter l'emploi, au besoin
sans châssis.
La plaque est disposée, gélatine en avant, aussi près que possible
de l'objet à radiographier, placé entre la surface sensi.l)le et le
tube, de telle sorte que les rayons X en projettent la silhouette
sur Témulsion. Derrière la plaque, en contact avec le verre, on met
assez souvent une feuille de plomb, destinée à arrêter les rayons X
de retour, comme l'a indiqué M. A. Buguet en 1897. L'emploi de
cet écran n'est pas indispensable pour 1 is poses courtes avec des
tubes peu pénétrants, mais il est nécessaire dans les poses avec
tubes à grande pénétration.
Pour utiliser complètement
l'activité photochimique des
rayons durs et semi-durs, Heinz
Bauer conseille d'ajouter aux
émulsions destinées à la radio-
graphie du verre au plomb très
finement pulvérisé ou toute autre
substance absorbant les rayons
X, ou bien encore d'étendre l'é- ^^^"*^''^*«*- ♦
, . . , , , Fig. 191. — Radiographie d une mam.
mulsion sur des plaques de verre
au plomb. La maison Schleussner, de son côté, coule ses émulsions
radiographiques sur verre blanc opale spécial : ces plaques donnent
des images très claires et sont très sensibles.
La durée du temps de pose dépend non seulement de la sensibi-
lité de l'émulsion, mais aussi du degré d'opacité du sujet et de la
force de pénétration des rayons X. Elle est généralement comprise
entre quelques secondes et plusieurs minutes. On peut toutefois la
réduire à une fraction de seconde, en faisant usage d'un écrati i^en-
forçateur. Dès 1895, Rôntgen avait observé que la lame de verre et
la gélatine des plaques sensibles devenaient fluorescentes sous
Taction des rayons X. Ce phénomène a été utilisé pour réduire les
temps de pose, en appliquant contre l'émulsion un écran fluores-
cent aussi plan que possible. Le D^ VanHeurk a fait usage d'écrans
aux sels d'uranyle et de plaques en verre chargé d'oxyde d'ura-
.496 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
.nium. Les D""^ Winkelmann et R. Straubel ont employé le spath
.fluor. M. Ducretet a indiqué les lames en feldspath préparées par
MM. F. Bapterosses et le verre connu sous le nom d' agatine. hes
.écrans au tungstate de calcium à grains très fins paraissent les
iplus favorables. Il convient d'ajouter que si rinterposition de ces
.écrans réduit considérablement la durée de la pose, elle présente
Tiriconvénient d'altérer la netteté de l'image. On le remarque sur-
tout quand on radiographie des os, qui donnent habituellement
beaucoup de détails sur leur structure intérieure : un calcanéum,
par exemple, est beaucoup moins net avec écran que sans écran.
Cependant, pour les régions épaisses, qui offrent toujours des radio-
graphies un peu floues, la présence de l'écran ne rend pas l'épreuve
moins nette, tout en permettant de poser 10 fois moins.
MM. Hoffmann et Hossier, de Leipzig, en collaboration avec le
ffàbricant Otto Gehler, ont inventé un nouvel écran renforçateur
qui, soijs ;.L'aetion des rayons X, émet une lueur bleue violacée
inripressioniiant très rapidement le bromure d'argent. Il faut épous-
seter^soigneusement la surface fluorescente ainsi que" l'émulsion,
avant de les mettre en coiita-ct. La plaque sensible doit être expo-
sée verre en avant : les rayons X traversent donc successivement le
sujet radiographié, la plaque de verre, l'émulsion et enfm l'écran
renforçateur.
Pour développer les plaques radiographiques, le D^ Hugo Kulh
préconise l'emploi du révélateur au glycin préparé suivant la for-
mule de Pizzighelli :
A. Eau distillée 1.000 ce.
Glycin , 30 gr.
Sulfite de soude 100
Carbonate de soude 20
B. Eau distillée 1 .000 ce.
Carbonate de potasse 100 gr.
Au moment d'opérer, on mélange parties égales des solutions
A et B,
La couche sensible étant très épaisse, le développement doit être
poussé jusqu'à opacité presque complète du cliché. Il faut ensuite
laver abondamment. Le fixage est effectué dans une solution con-
centrée d'hyposulfite de soude (300 gr. pour 1 htre d'eau) et doit
498 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
être suivi de lavages encore plus longs que dans les procédés
ordinaires, en raison de l'épaisseur de la couche.
On active ensuite le séchage, en trempant la plaque dans l'alcool
pendant 5 minutes.
Le tirage des épreuves radiographiques est effectué suivant les
procédés positifs ordinaires, ■«urrpapier au citrate ou sur papier au
gélatinobromure, .au encore esut plaques diapositives. Si l'épreuve
est exécutée sur;papier, il y a lieu de faire une distinction sur le
sens de la reproduction. Quand le cliché a été exécuté suivant la
méthode indiquée ;pour remploi de l'écran Hoffmann et Rossler,
c'est-à-dire verre en avant (vers le sujet) -et gélatine en arrière,
l'épreuve tirée par contact offre une reproduction exacte du
sujet. Mais quand la plaque est exposée gélatine en avant, alors
l'image est inversée, comme si le sujet était observé dans un miroir.
Si l'on veut avoir une reproduction redressée , il est facile d'y
remédier en exécutant un contretype du chché radiographique.
La radiographie ne donne, en principe, que ,des silhouettes, des
projections d'ombres sur lesquelles on ne distingue pas la succes-
sion des plans différents et qui ne renseignent par conséquent que
très imparfaitement sur la forme exacte du sujet, sur sa structure
intérieure et sur la position précise qu'occupe tel ou tel détail. On
arrive pourtant à mettre en évidence le reUef des objets radiogra-
phiés et à localiser l'objet que l'on veut rechercher, en appliquant
la méthode stéréoscopique. A cet effet, on peut radiographier le
sujet à l'aide d'un tube double (fig. 189) ou exécuter successivement
deux clichés en se servant d'un seul tube placé dans des positions
différentes pendant les deux poses. Les deux épreuves constituant
le couple .stéréoscopique sont observées, soit dans un stéréoscope
ordinaire si elles sont d'un format suffisamment réduit, soit dans
le stéréoscope à miroirs du D' Krouchkoll (fig. 193), qui permet
d'examiner les radiographies sur verre ou sur papier de toutes
dimensions, jusqu'au format 40x50. Les deux miroirs plans en
verre argenté M, M' sont disposés à 90° l'un de l'autre et mobiles
dans le sens vertical. Leur ensemble est commandé par la vis de
rappel Y qui les fait mouvoir perpendiculairement à la règle RR'.
Les porte-plaques P, F portent des tiges mobiles t, t', a, a' entre les-
quelles sont maintenues les plaques ou épreuves stéréoscopiques
LA RADIOGRAPHIE
499
En déplaçant P et P' sur la règle RR', on arrive rapidement à obte-
nir la superposition des deux images, lorsqu'on regarde avec un
œil dans chaque miroir. Deux e'crans blancs mobiles E, E' servent
à refléLer la lumière sur les images N, N'.
Cette combinaison met en pleine évidence la structure réelle des
Fig. 193. — Stéréoscope à miroirs.
corps opaques. On aperçoit ainsi, dans leurs véritables dispositions,
les organes cachés sous les tissus les. plus épais des êtres vivants,
que Ton aurait crus à jamais inaccessibles à l'observation directe
sans recourir à la dissection. La science moderne, par le concours
de l'électricilé, de la photographie et du stéréoscope, a singulière-
ment étendu le champ de nos investigations, et nous lui devons le
don de voir l'invisible.
OUVRAGES A CONSULTER
J.-L. Breuoi^, Rayons cathodiques et rayons X, Paris (L. Geisler).
G. Brunel, Manuel pratique de radiographie, Paris (B. Tignol).
E. CouSTET, l'Electricité j ses lois et ses applications mises à la portée de tous,
Paris (J. Tallandier), 1907 (t. 1er).
500 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
J.-M. Eder et E. Valenta, Versuche ûber Photographie mittelst der Rontgen-
chen Strahlen, Paris (Gauthier- Villars), 1896.
G.-E. Guillaume, les Rayons X et la Photographie à travers les corps opaques,
2c édition, Paris (Gauthier- Villars), 1897.
A. Hébert, la Technique des rayons X, Paris (Masson et Cie), 1897.
A. LoNDE, Traité pratique de radiographie et de radioscopie, Paris (Gauthier-
Villars), 1899.
f A. LoNDE, La Radiographie et ses diverses applications, Paris (Gauthier-Villars),
1899.
A. Parser-Muhlbacher, Rbntgenphotographie, 2e édition, Berlin (Gustav
Schniidt), 1908.
E.-N. Santini, la Photographie à travers les corps opaques, 4^ édition, Paris
(Gh.Mendel).
M. TisSANDiER, Pratique expérimentale radiographique, Paris (Ch. Mendel).
E. CouSTET, les Rayons X et leurs applications, Paris (Ch. Delagrave), 1914,
LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE 561
CHAPITRE XXVII
LA PHOTOGRAPHIE AISTRONOMIQUE
Généralités. — Le rapport que François Arago lut à la Chambre
des députés, à l'époque où l'invention de Niepce et de Dagueire
allait devenir l'objet d'une récompense nationale, faisait déjà pré-
voir le progrès qui allait en résulter dans l'étude des astres : « La
préparation sur laquelle M. Daguerre opère est un réactif beaucoup
plus sensible à l'action de la lumière que tous ceux dont on s'était
servi jusqu'ici. Jamais les rayons de la lune, nous ne disons pas à
l'état naturel, mais condensés au foyer de la plus grande lentille,
au foyer du plus large miroir réfléchissant, n'avaient produit d'ef-
fet physique perceptible. Les lames de plaqué préparées par
M. Daguerre blanchissent au contraire à tel point sous l'action de
ces mêmes rayons et des opérations qui lui succèdent, qu'il est
permis d'espérer qu'on pourra faire des photographies de notre
satellite. C'est dire qu'en quelques minutes on exécutera un des
travaux les plus longs, les plus minutieux, les plus délicats de
l'astronomie. »
Ces prévisions sont aujourd'hui amplement réalisées; mais, en
1839, l'enthousiasme du public et du monde savant pour la nou-
velle découverte pouvait seul les justifier. La lenteur des premiers
procédés s'aggravait, en effet, de l'impossibilité de différer le déve-
loppement de l'image latente, et la reproduction de la plupart des
astres était à peu près impossible à réaliser d'une manière utile à
la science.
Il est vrai que, quelques mois à peine après la découverte de la
photographie, J.-W, Draper, en Amérique, réussissait à prendre
un daguerréotype de la lune ; mais ce n'était là qu'une image bien
petite et fort peu détaillée, sans aucune valeur documentaire. Ce
n'est qu'en 1849 que W.-C. Bond, directeur d'Harvard Collège,
502 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
obtenait la première reproduction daguerrienne de la lune vrai-
ment satisfaisante et digne de figurer à l'Exposition de 1851.
Quant à la photographie solaire, elle remonte à l'éclipsé du
8 juillet 1842 : peu avant la disparition totale de l'astre, Majocchi, à
Milan, exécutait un daguerréotype sur lequel se montrait nettement
le mince croissant lumineux. La première photographie complète
du soleil fut obtenue, en 1/60 de seconde, le 2 avril 1845, par
Fizeau et Foucault. On peut en voir une excellente reproduction
en héliogravure dans les Œuvres complètes d'Arago.
Avec le collodion, ces mêmes astres furent copiés avec une
remarquable perfection; on photographia aussi les plus brillantes
étoiles, et il devint même possible de fixer quelques-uns des prin-
cipaux détails des disques planétaires, comme les bandes de Jupi-
ter, l'anneau de Saturne et les neiges polaires de Mars. Ces résul-
tats, dus principalement à Whipple, à Warren de la Rue, à Airy, à
Grubb, au P. Secchi, à Rutherfurd, ont été singulièrement dépas-
sés, depuis la création des plaques au gélatin )bromure. La fin du
dix-neuvième siècle marquera, dans l'histoire de l'astronomie, une
étape aussi importante que l'application des lunettes et des téles-
copes à l'étude du ciel. Actuellement, la photographie tend à se
substituer de plus en plus aux observations oculaires, et l'adop-
tion de cette méthode s'explique aisément.
La plaque sensible a, sur l'œil humain, une merveilleuse supé-
riorité. Ce que notre œil n'a pas pu distinguer après un instant
d'attention, il ne le verra jamais. Que l'on observe à l'œil nu ou
dans un télescope, s'il s'agit d'un objet trop éloigné ou trop peu
lumineux, on ne gagne rien à prolonger l'observation : au contraire,
l'œil se fatigue et perd de plus en plus sa puissance de pénétration.
Il en est tout autrement pour la plaque photographique : cette
« rétine du savant », comme l'a si justement surnommée Janssen,
a le don de voir l'invisible, pourvu qu'on lui en laisse le temps,
parce qu'elle accumule indéfiniment l'impression lumineuse, de
telle sorte que les radiations les plus faibles, en s'ajoutant sans cesse
les unes aux autres, finissent à la longue par y déterminer une ré-
duction suffisante pour être révélée au développement.
Cette propriété caractéristique, si difi*érenle de celle de notre
organe visuel, suffirait amplement à justifier l'adoption de la pho-
LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE 503
tographie dans les observatoires. Mais la plaque sensible a d'autres
titres encore à la faveur croissante dont elle jouit auprès des astro-
nomes : c'est, d'abord, la rapidité avec laquelle elle analyse et fixe
les détails les plus minutieux et les plus fugitifs; c'est, ensuite,
l'exactilude et la sûreté de ses indications.
Un dessin, quelque habile et consciencieux qu'en soit l'auteur,
est toujours plus ou moins une œuvre d'interprétation et de mé-
moire, surtout pour les détails difficilement visibles. On a souvent
remarqué que deux astronomes observant tour à tour le même
astre dans le même instrument en donnaient des croquis sensible-
ment différents. Et d'ailleurs, la concordance même des dessins
n'est pas une garantie de fidélité, car l'observateur peut être
influencé par des jugements antérieurs. La photographie, au con-
traire, échappe à toutes les influences, physiologiques ou morales,
qui peuvent faire dévier la main ou le jugement de l'artiste, et ses
témoignages restent toujours susceptibles d'être contrôlés, comme
on le fait d'ailleurs le plus possible, par la répétition des poses.
Enfin, l'étude des documents photographiques a, sur l'observa-
tion directe, l'immense avantage de pouvoir se faire à loisir et d'af-
franchir l'astronome des caprices du temps. Désormais, ce n'est
plus en plein air ou sous une coupole ouverte, accroché au téles-
cope, dans les positions les plus incommodes, que l'explorateur du
ciel se livre à ses investigations les plus fécondes. C'est dans le
silence et la tranquillité de son cabinet de travail qu'il consulte les
données recueillies par l'objectif, et souvent des mois entiers d'é-
tudes et de calculs ne suffisent point à épuiser tous les renseigne-
ments condensés sur une seule plaque.
A ces avantages, communs à toutes les applications de la pho-
tographie astrouonfiique, il convient d'ajouter quelques particu-
larités qui seront rapidement énumérées dans les paragraphes
suivants, de manière à donner une idée des principaux résultats
obtenus.
Photographie du soleil. — La vive luminosité de cet astre et
l'extrême pouvoir photuchimique de ses radiations en ont de bonne
heure rendu facile la reproduction fidèle et très détaillée. Il n'y a
pas à se préoccuper, dans celte application de la méthode photo-
graphique, des déplacements occasionnés par le mouvement
504 TRAITÉ. GÉNÉRAL DK PHOTOGRAPHIE
diurne (mouvement apparent de la voûte céleste, résultant du mou-
vement réel de la terre), car une pose extrêmement courte suffît
pour créer un cliché parfaitement fouillé, même avec un objectif
de faible diamètre, et même en employant des plaques très peu
sensibles. Du reste, pour avoir des images plus finement détaillées,
on a souvent recours au coUodion.
A l'observatoire de Meudon, le soleil est photographié tous les
jours, quand l'état du ciel le permet. L'objectif, construit par Pra^-
mowski, n'a que i35 millimètres de diamètre, avec une longueur
focale de 2 mètres. L'image qui se forme à son foyer, n'ayant que
2 centimètres de diamètre, est amplifiée par une lentille qui pro-
jette sur la plaque sensible un disque solaire dont le diamètre
atteint 30 centimètres. Un obturateur rapide réduit le temps de
pose à 1/3000 de seconde : cet instant si bref suffit pour enregis-
trer toutes les taches, les facules, les lucules et les granulations
delà photosphère. Les clichés sont d'ailleurs assez finement dé-
taillés pour supporter une nouvelle amplification. A l'Exposition
universelle de 1900 figuraient de remarquables agrandissements
exécutés à Meùdon. Les plaques au coUodion mesuraient 1"',50 de
,côté; c'étaient d'épaisses glaces pesant chacune 38 à 40 kilos. La
cuvette, pesant elle-même 193 kilos, contenait 48 litres de bain
d'argent pour la sensibilisation.
M. Steinheil construit une lunette raccourcie spécialement afl'ec^
tée à la photographie solaire. En arrière de l'objectif convergent
est interposée une lentille achromatique divergente, qui raccourcit
le tirage de la chambre sans diminuer les dimensions de l'image.
Cette comibinaison optique constitue donc un véritable téléobjectif.
Le globe solaire est entouré de couches gazeuses dont Tobserva-
tion n'était jadis possible que pendant les rares et fugitifs instants
des éclipses totales. On apercevait alors, autour du disque noir de
la lune, les protubérances roses de la chromosphère, autour de
laquelle s'étendait la couronne, çà et là prolongée par de longues
aigrettes blanches.
Actuellement, l'atmosphère solaire est constamment accessible à
l'observation, par la spectrographie, basée sur un principe décou-
vert en 1868 par Janssen et Lockyer. Si l'on dirige un spectroscope
sur l'un des bords du disque solaire, on distingue deux spectres
LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE
juxtaposés, très différents l'un de l'autre : celui de la photosphère
est une bande brillante coupée de raies noires, tandis que celui des
protubérances gazeuses est formé de raies brillantes se détachant
sur un fond obscur. Gomme la lumière ne pénètre, dans le spectro-
scope que par une fente étroite, l'éclat du premier spectre est assez
atténué pour laisser apercevoir le second, dont l'intensité est indé-
pendante de la largeur de la fente, car il est constitué par des radia-
tions concentrées en lignes très étroites. En déplaçant peu à peu l'ins-
trument, il est facile de délimiter les contours des protubérances,
en repérant les limites de leur spectre, et de reconstituer leur forme
exacte par des coupes successives. En -communiquant un mouve-
ment oscillatoire au spectroscope monté sur une chambre noire, on
obtient une image continue des protubérances, dont la photographie
enregistre ainsi les variations incessantes. Les appareils combinés
à cet effet portent le nom de spectrohéliographes : leur emploi se
généralise de plus en plus, dans les grands observatoires. Certains
de ces appareils fonctionnent sans qu'il'soit nécessaire de les dépla-
cer pendant la pose : ils donnent ainsi la reproduction simultanée
de l'atmosphère solaire tout entière, simplement en ne laissant agir
sur la plaque sensible que les radiations d'une longueur d'onde stric-
tement Umitée. Par les clichés qu'ils fournissent, il est maintenant
très facile d'étudier à loisir des phénomènes très importants par la
relation qu'ils paraissent avoir avec la météorologie terrestre, et
que l'on ne pouvait autrefois qu'entrevoir à la hâte, de loin en loin.
Photographie de la lune. — La photographie de notre satellite
est devenue, depuis quelques années, une opération relativement
facile, du moins lorsqu'on se contente d'images de faibles dimen-
sions, car dans ce cas le temps de pose se trouve réduit à moins
d'une seconde, si l'on se sert de plaques extra-rapides. La plupart
des grands observatoires ont exécuté de nombreuses reproductions
de la lune, et plusieurs amateurs d'astronomie obtiennent même,
dans cette voie, des résultats intéressants, bien qu'ils soient loin
d'atteindre la valeur du magnifique Atlas que nous devons à la col-
laboration de Maurice Lœwy et de M. Puise ux. « Je ne crois pas
être aveuglé parla fierté patriotique, dit M. H. Poincaré*, en décla-
1. Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1908.
29
S06 TRAITE GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
rant que ces planches sont très supérieures à ce que Ton a fait d'a-
nalogue à l'étranger. Ce n'est certes pas à la pureté du ciel parisien
ni à la puissance de l'instrument que nous le devons. C'est d'abord
à l'habileté des opérateurs, c'est surtout à leur infatigable persévé-
ance. »
L'instrument auquel il vient d'être fait allusion est le grand
équatorial coudé de l'observatoire de Paris, construit en 1889 par
M. Gautier. Sur les plaques directement exposées au foyer de la
lentille, le disque lunaire a déjà un diamètre de près de 18 centi-
mètres. Bien que le temps de pose ne dépasse pas 7/10 de seconde,
les grandes dimensions de l'image exigent une compensation
rigoureuse des déplacements dus au mouvement diurne. Dans ce
but, il n'a pas été possible d'utiliser le mécanisme d'horlogerie
dont l'équatorial est muni; malgré tout le soin avec lequel il avait
été installé, on ne parvenait pas à éviter de fâcheuses vibrations.
Il a donc fallu renoncer à faire mouvoir la lunette elle-même,
pendant la pose : ce n'est plus ce poids énorme qui se déplace,
c'est la plaque sensible, légère et plus docile, qui suit exactement,
à l'aide de mouvements compliqués, le déplacement apparent de
l'astre.
La compensation obtenue de la sorte est si précise que, lorsque
l'agitation atmosphérique n'occasionne aucune perturbation, les
clichés sont d'une finesse et d'une netteté qui permettent d'am-
plifier l'imagé jusqu'à 14 fois son diamètre. On a ainsi exécuté des
épreuves sur lesquelles le disque lunaire atteint 2™, 50 et oii l'on
distingue des détails qui, en réalité, ne mesurent pas plus de
' 400 mètres. Un village, un monument même, s'il en existait sur
notre satellite, y seraient certainement aperçus.
Malheureusement, les circonstances qui permettent d'arriver à
de tels résultats sont extrêmement rares, car les mouvements de
l'air, ces bouillonnements, ces vagues tremblotantes que tout le
monde a eu l'occasion de remarquer même dans les lunettes ter-
restres, troublent presque toujours les images photographiques.
Ces perturbations échappent à peu près complètement au pouvoir
de l'astronome, qui en est réduit à guetter les instants où elles
se font le moins sentir. Pour montrer à quel degré leur influence
est nuisible, MM. Lœwy et Puiseux faisaient remarquer, en 1898,
LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE S07
que pendant quatre anne'es, au cours desquelles ils avaient utilisé
toutes les circonstances favorables à Texécution de leurs photogra-
phies, une dizaine de soirées au plus avaient donné des épreuves
réellement convenables et susceptibles de supporter un fort agran-
dissement.
Ce n'est pas tout : même en n'opérant que dans ces rares cir-
constances favorables, sur dix clichés obtenus il fallait en rejeter
neuf, pour ne conserver que ceux dont la netteté était parfaite et
MmHiiiTiimTr TT"
l'ig. 194. — Ëquatorial coudé (observatoire de Paris).
qui ne présentaient ni la moindre piqûre ni la moindre tare. Les
auteurs de l'Atlas lunaire s'étaient, en effet, interdit toute retou-
che, de la façon la plus absolue. Ce n'est évidemment qu'à ce prix
que l'on peut acquérir un document d'une réelle valeur scienti-
fique.
Du reste, il convient de remarquer qu'un seul cliché parfaite-
ment réussi renferme une abondance de détails que le dessinateur
le plus laborieux mettrait plusieurs années à réunir. J. Schmidt
avait entrepris, à Athènes, de dresser une carte de la lune : il la
cûmmença en 1835 et ne la termina qu'en 1874, après un labeur
508 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
acharné de trente-neuf ans. En moins d'une seconde, la photogra-
phie accompht aujourd'hui la même lâche, avec plus de sûreté et
plus de précision, a D'ici quelques années, dit M. H. Poincaré^
nous pourrons savoir si notre satellite est figé dans une définitive
immobilité, ou s'il s'y produit de rares changements, comme on la
affirmé quelquefois, sans en avoir d'autre preuve que la fantaisie
d'un dessinateur. »
La photographie a permis d'aller plus loin, dans l'étude de la
lune, en fournissant un moyen de mesurer les reliefs de son sol,
par la stéréosôopie. Notre satellite est animé d'un lentmouvement
d'oscillation autour de son centre de gravité : ce balancement est
connu sous le nom de libration. En opérant successivement à deux'
époques convenablement choisies, on obtient donc deux vues légè-
rement différentes et qui, examinées dans un stéréoscope, mon-
trent l'astre en relief. Cette méthode avait été appliquée, dès 1851,
par Warren de la Rue, mais elle a été reprise il y a quelques
années et perfectionnée, si bien qu'elle a permis dç calculer la
hauteur des montagnes de notre satellite, les dépressions de ses
cratères, la profondeur de ses vallées. C'est ainsi que M. Pulfricby
en opérant sur deux épreuves qui lui avaient été communiquées
par MM. Lœwy et Puiseux, est parvenu, à l'aide de son stéréo-com-
parateur (V. p. Mo), à dresser des courbes de niveau du sol lunaire,
désormais mieux connu que certaines régions de notre propre
globe.
Planètes et satellites. — Appliquée à l'étude de la constitution
physique des planètes, la photographie reste, jusqu'à présent,
manifestement inférieure à l'observation visuelle.^Les mouvements
aériens qui troublent et ternissent les images lunaires prennent
ici une importance exagérée, jusqu'à empêcher à peu près com-
plètement de fixer quoi que ce soit des détails découverts sur les
disques planétaires. La photographie de Jupiter, de Mars et de
Saturne n'est encore pratiquement abordable qu'avec de très
grands instruments, installés à une haute altitude, sous un ciel
très pur.
Cependant, le peu que nous montrent les photographies des
planètes a, sur les dessins antérieurs, l'avantage d'une certitude
hors de contestation. C'est ainsi que l'existence des canaux de
LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE 509
Mars avait été mise en doute par plusieurs observateurs, qui, ne
parvenant pas à les apercevoir, croyaient à un phénomène pure-
ment subjectif, à une illusion d'optique. Cette incertitude n'a pris
fm que le jour où M. Lowell, réussissant à photographier ces tra-
cés énigmatiques, en a défîniliviinent confirmé la réalité objective.
Quant à la forme sphérique des planètes, les opérateurs savent
depuis longtemps la mettre en évidence, dans le stéréoscope, à
l'aide de photographies exécutées à deux intervalles calculés d'a-
près la vitesse de rotation. Warren de la Rue avait fixé ces inter-
valles à 2 heures pour Mars et à 26 minutes pour Jupiter. Deux
images de Saturne, prises à trois ans et demi d'intervalle, montrent
en relief les anneaux qui entourent le globe planétaire.
La stéréoscopie facilite singulièrement la recherche des petites
planètes qui gravitent entre Mars et Jupiter. Autrefois, la décou-
verte de ces astres exigeait une attention soutenue, une patience
peu commune et la faveur d'un hasard assez rare. Aujourd'hui, il
suffit de placer dans le stéréoscope deux clichés représentant la
même région du ciel, mais pris à un jour d'intervalle. Les étoiles
y occupent les mêmes positions relatives, et leurs images se con-
fondent; mais, si une planète s'est trouvée dans le champ de la
lunette photographique, le mouvement propre qu'elle a effectué
entre la première et la seconde pose la fait paraître fortement en
relief. Depuis que M. Max Wolf, d'Heidelberg, a imaginé cette mé-
thode d'investigation, près de 500 planètes ont été découvertes.
La photographie a aussi révélé l'existence de nouveaux satel-
lites gravitant autour de Jupiter et autour de Saturne. Ce sont de
très petits corps, qui néanmoins ont pu ensuite être reconnus à
l'examen télescopique, à l'exception d'un seul. Thémis, découvert
par M. Pickering le 16 avril 1904, ne nous est connu que par les
traînées que sa marche a marquées sur des plaques exposées pen-
dant de nombreuses heures dans la direction de Saturne. Ces traî-
nées ont permis de calculer les éléments de l'orbite décrite par le
minuscule satellite. Mais il est impossible de le voir, parce que sa
luminosité, comparable à celle d'une étoile de 18^ grandeur, est
inférieure h la limite de visibilité dans les télescopes les plus puis-
sants. Et il en sera ainsi tant que l'optique n'aura pas accompli de
notables progrès.
510 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
N'y a-t-il pas là un étrange sujet d'étonnement? Voilà un objet
que personne n'a vu et que, probablement, aucun de nos con-
temporains ne parviendra à distinguer. Mais l'objectif l'a aperçu;
la rétine photographique en a gardé l'empreinte, et son témoi-
gnage sufût à nous guider. Nous savons, à n'en pouvoir douter,
que ce monde invisible existe et gravite autour de Saturne; nous
en suivons la marche, nous en mesurons les dimensions, comme
s'il était à notre portée, et l'analyse des perturbations qu'il exerce
sur les autres satellites nous permettra un jour de le peser.
Comètes. — C'est en 1881 que fut obtenue, à Meudon, la pre-
mière photographie de comète, mais le premier de ces astres qui
ait été tlécouvert par la photographie est la comète de Barnard.
Cet astronome aperçut, en examinant un cliché d'une portion de
la voie lactée, exécuté à l'observatoire Lick, le 12 octobre 1892,
une tramée lumineuse figurant la queue d'une comète. L'observa-
tion visuelle confirma ensuite la découverte photographique.
Depuis cette époque, la photographie révèle, chaque année, le
passage de plusieurs de ces masses légères et inconsistantes, dont
un grand nombre échappent à l'observation (|irecte.
La comète périodique de Halley est revenue à proximité du soleil
en avril 1910, ainsi que l'avait fait prévoir la théorie. Les observa-
tions à l'œil nu, gênées presque partout en Europe par des mauvais
temps persistants, n'ont été favorisées qu'en Amérique. Mais la
photographie a permiç de fixer l'image de cet astre pendant une
assez longue période. Dès le 12 septembre 19Û9, M. Max Wolf dé-
couvrait la comète sur un cliché exposé vers la région du ciel que
le calcul avait précisée. Jusqu'au mois de janvier &uivant il ne fut
pas possible de l'observer au télescope, et l'étude de cet astre de-
meura limitée aux méthodes photographiques : la plaque sensible
en enregistrait les aspects changeants; combinée avec le spectro-
scope, elle en faisait connaître la composition chimique, et c'est
ainsi que l'on apprit que cet objet encore invisible contenait divers
gaz, et notamment du cyanogène.
Carte du ciel. — Les premiers essais de photographie stellaire
remontent à 1850 et sont dus à Bond et à Whipple, qui obtinrent
sur plaques daguerriennes quelques images d'étoiles de première
grandeur, telles que Véga et Castor. En 1865, avec le collodion,
LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE 511
Rutherfurd photographia les Pléiades et entrevit la possibilité de
dresser une carte photographique du ciel. Toutefois, cette vaste
entreprise ne devint pratiquement abordable qu'après la décou-
verte du gélatinobromure. Son exécution exigeait, naturellement,
le concours de plusieurs observatoires situés sous des latitudes
différentes, mais l'initiative en est due aux astronomes français.
En 1852, Chacornac s'était proposé de dresser, à l'observatoire
de Paris, une carte des régions avoisinant/J'écliptique, afin de faci-
Fig. 195. — Lunette photographique, pour l'exécution de la carte du ciel.
liier la recherche des petites planètes. Cette carte devait être
formée, comme on l'avait fait jusque-là, en guettant le passage de
chaque astre au foyer de la lunette méridienne. A la mort de Cha-
cornac, Paul et Prosper Henry résolurent de continuer cette œuvre
rrstée inachevée, mais ils ne tardèrent pas à être arrêtés par une
difficulté insurmontable. A l'approche de la voie lactée, les étoiles
06 présentaient si nombreuses, si confusément compactes, que les
mesures les plus minutieuses n'en seraient jamais venues à bout.
C'est alors que les frères Henry eurent l'idée de recourir à la pho-
512 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
tographie, et les résultats de leurs premiers essais furent à ce point
satisfaisants, que la plupart des astronomes de toutes les nations
se rallièrent au projet d'un travail d'ensemble, à répartir entre les
principaux observatoires du monde entier. Réuni pour la première
fois en avril 1887, le Congrès astronomique de la carte du ciel
élabora définitivement le plan de cette œuvre en 1891,
La sphère céleste a été divisée en 18 zones approximativement
égales, et le soin de phqftographier chacune d'elles a été confié à
un observatoire distinct. Les observatoires choisis comme étant les
plus importants et les mieux outillés sont ceux de Greenwich, Rome,
Gatane, Helsingfors, Potsdam, Oxford, Paris, Bordeaux, Toulouse,
Alger, San-Fernando, Santiago-du-Chili, Tacubaya, La Plata, Rio-
de-Janeiro, cap de Bonne-Espérance, Sydney et Melbourne.
L'appareil employé à Paris "par les frères Henry a été construit
par M. Gautier. L'objectif photographique est formé d'un système
de deux lentilles de flint et de crown achromatisées pour les rayons
chimiques les plus intenses du spectre et aplanétique pour ces
mêmes rayons. Il a 0™,33 de diamètre. La lunette a 3"*, 43 de dis-
tance focale. Une deuxième lunette, juxtaposée à la première, fait
fonction de chercheur. L'instrument est monté de manière que
rimage d'une étoile se maintienne toujours à la même place.
La carte du ciel doit être double. Elle comprendra d'abord un
atlas où seront relevées, avec leur longitude et leur latitude, toutes
les étoiles jusqu'à la 11* grandeur, au nombre d'environ quatre ou
cinq minions. La seconde partie du travail entrepris sera l'établis-
sement de la carte proprement dite, précisant les positions res-
pectives de toutes les étoiles jusqu'à la 19^ grandeur, au nombre
d'environ trente à quarante millions.
Depuis 1891, les observatoires désignés poursuivent assidûment
•leur tâche. L'inventaire de l'univers stellaire se complète peu à peu
et sera, pour les astronomes de l'avenir, le plus riche et le plus
sûr de tous les documents.
Une demi-seconde suffit pour reproduire tous les astres visi-
bles à l'œil nu, dans le champ exploré par la plaque sensible. En
13 minutes, et même moins encore si l'on emploie des émulsions
très rapides, l'objectif imprime l'image des étoiles les plus faibles
que permettent d'apercevoir les télescopes les plus puissants. Si la
LA PHOTOGRAPHIE ASTRONOMIQUE 513
pose est prolongée plus longtemps, alors nous pénétrons dans le
domaine de Tinvisible : des millions d'astres dont nous n'aurions
jamais pu soupçonner l'existence viennent marquer leur empreinte
sur le bromure d'argent et attester leur présence à de telles dis-
tances que l'imagination demeure impuissante à s'en représenter
la grandeur.
Chacun de ces points fixés sur les clichés est catalogué avec le
plus grand soin. Des mesures de haute précision déterminent
rigoureusement leurs positions relatives, et la superposition de
deux images d'une même région du ciel exécutées à quelque temps
d'intervalle met en évidence les moindres déplacements de cette
multitude de soleils.
Parmi ces déplacements, les uns résultent des mouvements pro-
pres des étoiles, tandis que d'autres ne sont qu'une apparence
résultant du mouvement de translation de la terre autour du so-
leil. Par suite de ce mouvement, notre planète se trouve constam-
ment à environ 299 millions de kilomètres de la position qu'elle
occupait, par rapport au soleil, six mois auparavant. Il en résulte
un changement de perspective qui se traduit par une modification
dans les positions des étoiles les plus rapprochées, tandis que les
étoiles les plus éloignées restent au même point. Le calcul a per-
mis d'en déduire les distances réelles de plus de 300 étoiles. D'au-
tres changements de perspectives stellaires sont dus au mouvement
de translation du système solaire, qui se meut tout «ntier vers la
constellation d'Hercule. La comparaison d'un grand nombre- de
clichés a permis de calculer la vitesse avec laquelle le soleil et
son cortège planétaire se déplacent : cette vitesse serait de près
de 20 kilomètres par seconde.
Enfin, la photographie fixe l'image des nébuleuses, dont la
lumière est beaucoup trop faible pour que notre œil puisse les
distinguer : sans cesse, -de nouvelles créations apparaissent ainsi, et
les limites de Tunivers visible sont indéfiniment reculées. Là même
où les télescopes les plus puissants ne parvenaient pas à percer les
ténèbres, en ces endroits déserts que William Herschel qualifiait
de « sacs à charbon », la rétine photographique découvre encore
des amas d'étoiles et de matière cosmique. Au delà de ces univers
inconnus, d'autres n'attendent, pour se montrer à leur tour,
514 TRAITÉ GÉNÉRAL DE PHOTOGRAPHIE
qu'une pose plus longue ou une émulsion plus sensible. A mesure
que nos proce'dés vont se perfectionnant, l'objectif sonde de plus
en plus profondément les abîmes de l'infini.
OUVRAGES A CONSULTER
Annuaire du Bureau des Longitudes pour les années 1878, 1887, 1890, 1898,
1901, 1907, 1908, 1910, Paris (Gauthier-Villars).
E. CousTET, l'Astronomie mise à la portée de tous, Paris (J. Tallandier), 1908.
A. Jarson, la Photographie astronomique, Paris (Ch. Mendel), 1904.
P. PuiSEux, Sur quelques progrès re'cents accomplis avec l'aide de la photogra-
phie dans l étude du ciel, Paris (Gauthier-Villars), 1899.
F. QuÉNissET, Manuel pratique de photographie astronomique, Paris (Gh.
Mendel).
G. Rayet, Notes sur l'histoire de la photographie astronomique, Paris (Gau:hier-
Villars), 1887. ^
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
LIVRE PREMIER
MATÉRIEL PHOTOGRAPHIQUE
Chapitre premier. — La chambre noire.
Organes essentiels 15
Chambres noires d'atelier 16
Chambres noires portatives 18
Châssis 22
Magasin 23
Viseurs 27
Supports des appareils légers . 30
Ouvrages à consulter 31
Chapitre II. — L'objectif.
Propagation de la lumière 32
Lentilles 33
Aberration de sphe'ricité . 35
Profondeur de foyer et profondeur de champ 36
Courbure du champ 38
Distorsion 38
Astigmatisme 38
Aberration chromatique ou de réfrangibilité 39
Diffraction . 40
Réflexion de la lumière sur les surfaces des lentilles 41
Caractéristiques d'un objectif 41
Longueur focale 42
Ouverture 42
Angle 43
Construction de l'objectif. Monture 44
Diaphragmes 44
Parasoleil 46
Classification des objectifs 47
Objectifs simples. 47
Objectif double à portraits 48
Aplanat 49
5^6 TABLE DES MATIERES
Anasligmats 50
Objectifs à liquides. . 57
Téléobjectifs ' 57
Objectifs anachromatiques ...........".... 58
Choix et emploi des objectifs 60
Sténopé. . 63
Ouvrages à consulter 65
Chapitre III, — L'obturateur.
Notions générales 67
Obturateurs à volets 68
Obturateur à guillotine 69
Obturateurs à rideaux 70
Obturateurs centraux 72
Obturateurs de plaques. . 73
Déclancheur Bowden 75
Détermination de la vitesse des obturateurs . . 75
Ouvrages à consulter 77
Chapitre IV. — Le laboratoire et l'atelier.
Dispositions générales s ....,, .^ 78
Cabinet noir 78
Outillage 81
Cuvettes . 82
Laboratoire simplifié pour amateurs , . . . 83
Contrôle de l'étancbéité du laboratoire. 85
Atelier dépose. . . . 86
Accessoires de pose ....>... 93
Ouvrages à consulter 96
LIVRE II ^
PROCÉDÉS NÉGATIFS
Chapitre V. — Le ge'latinobromure.
Historique 97
Fabrication des plaques au gélatinobromure 98
Supports' souples K)l
Plaques ortho chromatiques 102
Plaques anti-halo . 107
Conservation des plaques -. . . 108
Sensitométrie , 109
Ouvrages à consulter 111
Chapitre VI. — L'exposition.
Chargement des châssis 112
Installation de l'appareil 113
Mise au point H-i
Temps de pose 116
Photomètres ' H^
TABLE DES MATIÈRES 517
Temps de pose des sujets en mouvement 122
Prise du sujet 124
Artifices divers . . ' . ^ 124
Lumière ariificielle. ...»....., 126
Ouvrages a consulter. . „ „ 131
Chapitre VIL — Le développement.
Image latente . , , , . , 132
Destruction de l'image latente » 135
Généralités sur le développement . . ^ '. 136
Composition et caractères des principaux révélateurs 138
Révélateur à l'adurol , , ^ 138
Révélateur à l'amidol ou diamidophénol „<-,,.. „ . 139
Révélateur au crésophénol , 140
Révélateur à la diamidorésorcine , ^ , 141
Révélateur à l'édinol = . » . , 141
Révélateur à la glycine . . , . . » » . , „ , . 142
Révélateur a l'hydramine . . . ^ . . ., . . t . o , o 142
Révélateur à l'hydroquinone .,...,„.,. ,.., 143
Révélateur à l'iconogène , , , , 143
Révélateur à l'hydroquinone et à riconogène. ............ 144
Révélateur au métol , , . 144
Révélateur à l'hydroquinone et au métol . . 145
Révélateur à la métoquinone ........ ^ 145
Révélateur à l'ortol. 146
Révélateur à l'oxalate ferreux , , 147
Révélateur au paramidophénol ; , , c, c 148
Révélateur à la paraphénylènediamine c . . . 149
Révélateur à la pyrocatéchine „ . . . 149
Révélateur au pyrogallol. . 149
Révélateurs physiques , , , , , . 150
Méthodes de développement , . . . 151
Développement contrôlé . , 151
Développement rationnelou méthodique au pyrogallol .,.,.... 154
Développement en deux cuvettes « . 156
Développement lent , 157
Développement chronométré . . ^ „ ,..,,, 159
Développement à durée fixe » . . c . , . . 160
Développement en machine. 162
Développement en pleine lumière 163
Développement et fixages simultanés 166
Développement après fixage. 168
Ouvrages à consulter 170
Chapitre VIII. — L'achèvement du phototype.
Fixage . 171
Durcissement de la couche 172
Elimination de l'hyposulfite 173
Dessiccation 174
518 TABLE DES MATIÈRES
Correctifs du développement , 175
Renforçateur au bichlorure de mercure ., 176
Renforçateur à l'iodure de mercure 178
Renforçateur au ferricyanure d'urane 178
Renforçateur au ferricyauure de cuivre ......< 180
Renforçateurs à l'argent 181
Renforcement par chloruration et second développeniiit 181
Affaiblisseur au ferricyanure de potassium 182
Affaiblisseur aux sels de cérium. 183
Affaiblisseur au persulfate d'ammoniaque 183
Affaiblisseur à la quinone. ,,.....,...., 184
Affaiblisseur à l'acide chromique 185
Affaiblisseur à l'acide permanganique 186
Affaiblisseur à l'eau céleste 186
Affaiblissement par second développement. ,,, 186
Vernissage 188
Retouche 189
Pelliculage 1^
Insuccès dans les procédés négatifs 193
Ouvrages à consulter. 197
Chapitre IX. — Les procédés au collodion.
Généralités 199
Procédé au collodion humide , 199
Pr;océdés au collodion sec 203
Emulsion au collodion-bromure 204
Ouvrages à consulter •, 205
<»
LIVRE III
PROCÉDÉS POSITIFS
Chapitre X. — Les photocopies var noircissement direct.
Procédés au chlorure d'argent 206
Papier salé 207
Papier albuminé 207
Papier au gélatinochlorure 208
Papier au collodiochlorure 209
Emploi des papiers au chlorure 210
Tirage , 211
Marges et vignettes . 218
Virage 214
Fixage 217
Virage-fixage 217
Virage-fixage sans or. 220
Virage au platine. 220
Virages divers , 220
Lavages 221
TABLE DES MATIERES 519
Séchage. . 223
Insuccès 223
Photographie sur étoffes 224
Ouvrages à consulter 226
Chapitre XI. — Les photocopies par développement.
Développement des papiers au chlorure 227
Papiers au gélatinobromure d'argent 229
Virage des photocopies au bromure . . 233
Insuccès 235
Plalinotypie 236
Papiers aux sels de fer 240
Callitypie 242
Papier sépia • 243
Papier aux sels de cuivre 244
Papier aux sels d'uranium 245
Ouvrages à consulter. , . ; 246
Chapitre XII. — Les procédés pigmentaîres.
Invention du procédé au charbon 247
Fabrication du papier au charbon 248
Sensibilisation 249
Conservation du papier sensibilisé 252
Tirage 252
Transfert simple 253
Dépouillement 255
Double transfert , 256
Insuccès . 258
Procédé au charbon sans transfert 259
Procédé à la gomme bichromatée 262
Procédé ozotype 265
Ozotypie à la gomme 269
Procédé ozobrome. 269
Procédé aux encres grasses 272
Procédés aux poudres .* 275
Emaux 278
Hydrotypie • 279
Teinture photographique. 280
Ouvrages à consulter , . 284
Chapitre XIII. — Le montage des photocopies.
Calibrage 286
Montage à la côîle liquide 287
Satinage 288
Montage à sec. . 290
Emaillage 293
Retouche des photocopies 294
Coloriage 296
Ouvrages à consulter 293
520 TABLE DES MATIÈRES
Chapitre XIV. — Les diapositifs.
Notions générales , « 299
Plaques à tons noirs ^ 300
Plaques à tons chauds . 300
Virages ....,.,. 301
Coloriage 803
Montage . 303
Ouvrages à consulter 304
Chapitre XV. — Positifs directs et contretypes.
Positifs directs par réflexion. ,• . ^ . . 305
Contretypes au gélatinobromure bichromate , , , 307
Contretypes par surexposition 308
Contretypes par inversion oc 309
Phototégie .....,,. 311
Ouvrages à consulter .....,,.......- = ,.. 313
Chapitre XVI. — Les impressions photomécaniques.
Historique. .....>,. 314
Phototypes » 316
Photocollographie . . . o , 318
Photolithographie . , 324
Héliogravure . . . , 327
Photogravure . 334
Similigravure 338
Ouvrages à consulter 346
LIVRE IV
CHROMOPHOTOGRAPHIE
Chapitre XVII. — Le procédé trichromé.
Historique 348
^ Principe de la trichromie ~. 350
Pratique de la trichromie c .354
Analyse ou sélection 354
Synthèse par le procédé au charbon. 358
Procédé par imbibition ^ 359
Similigravure trichromé '. -.... = . 360
Ouvrages à consulter. 363
Chapitre XVIIT. — Les plaques à filtres colorés.
Invention de la trichromie par éléments juxtaposés 365
Fabrication des plaques autochromes 367
Exposition des plaques autochromes 369
Traitement normal des autochroraes 370
Développement méthodique 375
Traitement simplifié des autochromes 379
Insuccès 379
Autochromie instantanée - 382
TABLE DES MATIÈRES 521
Reproduction des autochromes 385
Reproductions négatives 387
Filtres trichromes à éléments rég-uliers 388
Procédé Paget Golor 389
Applications des plaques à filtres colorés 393
Ouvrages à consulter. 397
Chapitre XIX. — Les procédés par adaptation.
Coloration du chlorure d'argent. .- 398
Adaptation par décoloration 400
Ouvrages à consulter 404
Chapitre XX. — La méthode interférentielle.
Historique 405
Principe de la méthode interférentielle 407
Préparation des plaques 410
Exposition 411
Développement 412
Examen et montage . . 414
Insuccès 417
Applications de la méthode interférentielle 419
Ouvrages à consulter 420
LIVRE V
APPLICATIONS DE LA PHOTOGRAPHIE
Chapitre XXI. — La stéréoscopie.
Vision binoculaire. Stéréoscope. . " 421
Appareils et méthodes stéréophotographiques 423
Plaques autostéréoscopiques 426
Photographie intégrale 428
Ouvrages à consulter , . 430
Chapitre XXII. — La photographie documentaire.
Généralités 431
Reproductions 432
Photographie judiciaire 436
Métrophotographie '. 439
Ouvrages à consulter 448
Chapitre XXIII. — Agrandissements et projections.
Généralités 449
Agrandissements à la lumière diurne 449
Agrandissements à la lumière artificielle 450
Agrandisseurs • 450
Artifices d'exécution 451
Retouche des agrandissements . , 452
Projections .• 453
Ouvrages à consulter. ,,,,,,, , 456
522 TABLE DES MATIÈRES
Chapitre XXIV. — La cînématographie.
Analyse du mouvement • • • '^^^
Synthèse du mouvement •459
Prise des vues cinématographiques ,, 462
Développement et tirage • 463
Projection des vues cinématographiques 466
Ouvrages à consulter » 470
Chapitre XXV. — La microphotographie.
Premiers essais 471
Emploi du microscope composé 471
Eclairage • • 477
Limites du grossissement 478
Ouvrages à consulter •.,.... 481
ÊHAPiTRE XXVI. — La radiographie.
Découverte des rayons X 482
Matériel radiographique 484
Procédés radiographiques • 493
Ouvrages à consulter «.. 499
Chapitre XXVII. — La photographie astronomique.
Généralités . 501
Photographie du soleil , . 503
Photographie de la lune . 505
Planètes et satellites 508
Comètes 510
Carte du ciel 510
Ouvrages à consulter. 514
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et de leurs Applications
PAR MM. t ,
P. POIRÉ, Agrégé des Sciences physiques, Prof, honoraire au Lycée 0^ /
ED. PERRIER, Membre de l'Institut, Directeur du Muséum d'Histoire t ^
R. PERRIER, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de Paris. f
A. JOANNIS, Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux, Chargé \
la Faculté des Sciences de Paris. 7;
Précédé d'une Préface de M. EDMOND PERRIER
Directeur du Muséum d'Histoire îiaturelle.
A^ec la collaboration d'une réunion de Savants, de Professeurs et d'h
PRINCIPALEMENT .M.M. '
V, Baudoi, prof, de Mathématiques au Lycée St-Louis. — F. Bernard, | /
Muséum d'Iiistoire Naturelle. — A. Billard, agrégé de rcniversité.'; :
docteur en médecine, agrégé de l'Université, préparateur à la 1
Sciences de l'Université de Paris. — D. Bois, assistant au Muséî"
chaire "de Culture. — J.-F. Bois, professeur à l'École primaire supérie
— A. Daguitlon, chargé de cours à la Faculté des Sciences de l'Li
Paris. — J. Giraud, agrégé de l'Université. — J. Joannis, architecte du
ment, licencié en droit. — H. de Lappareni, inspecteur général de l'A
— F. Leteur, préparateur à la Faculté des Sciences de l'Université r
D'A. Vigoureux, médecin en chef des Asiles de la Seine. ,.
Deux volumes, grand in-8°, à deux colonnes : Tome I (A-G) p|f
Préface de M. Ed. Perhier, Torae li (H-Z), renfermant ensenife '
o.OOO pages et 5.000 gravures. '
*m
OUVRAGES DE C. LEBOIS;
Inspecteur général de l'Enseignement technique
L'A, B, C, de l'Électricité Industrielle. — 1 vol.
grand in-18, relié toile.
L'Électricité Industrielle, 2 volumes m-18 jésus
reliés toile. — Tome I. Notions élémentaires.
Tome II. Courants continus et alternatifs.
Électricité et Mécanique industrielle, par
G. Lebois, Poels et J. Roumajon. 1 vol. in-18, nom
breuses illustrations, relié toile. .'