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Full text of "Traité pratique de sylviculture: Les forêts"

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UNIVERSITY  OF  B.C.  LIBRARY 


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U.B.C.  LIBRARY 


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H.  H.  m^VoïKû^  Zsr., 


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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  British  Columbia  Library 


http://www.archive.org/details/traitpratiquedOObopp 


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LES    FORETS 


Une  Sapinière  près  de  Leviers  (Doubs),  (photographie  de 
M.  Juvanon  du  Vachat). 


É    PRATIQUE   DE   SYLVICULTURE 


LES  FORÊTS 


I'  A  H 


L.  BOPPE 

Directeur    honoraire  de    L'École  Nationale  des  Eaux   et  Forêts  de  Nancy, 

Membre  du  Conseil   supérieur  de   l'Agriculture, 

Membre  correspondant  de  la  Société  Nationale  d'Agriculture, 

Officiel'  de  la  Légion  d'honneur. 


ET 


Ant.  JOLYET 

Inspecteur  adjoint  des  Eaux  et  Forêts, 
Chargé  de  Cours  à  l'Ecole  Nationale  des  Eaux  et  Forets  de  Nancy. 


Avec  95  photogravures  intercalées  dans  le  texte. 


PARIS 
LIBRAIRIE    J.-B.    BAILLIÈRE    ET    FILS 

19,  rue  Hautefeuille,  près  du  Boulevard  Saint-Germain 

1901 

Tous  droits  réservés. 


AVANT-PROPOS 


Sollicité  de  toutes  parts  de  publier  les  leçons  que 
j'ai  longtemps  professées  à  l'Ecole  Nationale  des 
Eaux  et  Forets,  j'ai  pensé  devoir  donner  à  ce  volume 
un  sens  pratique  qui  le  mit  à  la  portée  de  tous  les 
représentants  de  la  richesse  forestière  en  France, 
aussi  bien  des  propriétaires  particuliers  que  des 
fonctionnaires  de  l'État. 

Pour  m'aider  dans  cette  tâche,  j'ai  eu  la  bonne  for- 
tune de  rencontrer  dans  M.  l'Inspecteur  adjoint 
Antoine  Jolyet,  un  collaborateur  des  plus  dévoués, 
dont  l'érudition  m'a  permis  de  mettre  au  niveau  du 
jour  toutes  les  données  empruntées  directement  aux 
sciences  naturelles. 

Il  nous  a  paru  utile  d'éclairer  le  texte  par  des  pay- 
sages forestiers.  De  ceux-ci,  beaucoup  ont  été  emprun- 
tés à  l'album  des  Élèves  de  l'École  Nationale  des 
Eaux  et  Forêts  ;  en  effet,  chaque  promotion  compte 
ses  artistes,  qui,  pendant  les  tournées,  ont  la  bonne 


VI  AVANT-PROPOS, 

habitude  de  prendre  l'objet  de  la  démonstration  sur 
le  point  précis  où  elle  vient  d'être  faite. 

Nous  en  devons  d'autres  à  d'aimables  Correspon- 
dants, qui  nous  ont  gracieusement  confié  leurs  cli- 
chés. 

Enfin,    l'obligeance    de   M.    Fournel,    adjudant    à 

l'Ecole,  nous  en  a  grandement  facilité  la  mise  en 
œuvre. 

Que  tous  reçoivent  ici  nos  meilleurs  remercî- 
ments. 

L.  Boppe. 


Nancy,  le  1^' juillet  1900. 


PLAN    I)K   L'OUVRAGE 


Imiter  la  nature,  hâter  son  œuvre, 
telle  est  la  maxime  fbndamenta  e  de 
la  sylviculture. 

Parade. 


La  culture  forestière  a  toujours  occupé  une  place 
spéciale  à  côté  des  autres  exploitations  agricoles  ;  et 
cela  pour  deux  motifs. 

Le  premier,  c'est  que  les  végétaux  forestiers  ne 
donnent  des  produits  rémunérateurs  qu'au  bout  d'un 
nombre  d'années  d'existence  plus  ou  moins  considé- 
rable. Si  le  fait  a  des  conséquences  dans  l'ordre 
économique,  il  en  a  surtout  dans  l'ordre  naturel. 

La  forêt,  en  effet,  —  obligée  de  se  suffire  à  elle- 
même  pendant  un  demi  siècle,  un  siècle  et  même 
davantage,  dans  les  terrains  généralement  médiocres 
que  l'agriculture  lui  abandonne,  de  braver  les  hivers 
rigoureux  et  les  étés  excessifs,  —  se  constitue  et  se 
perpétue  en  harmonie  intime  avec  les  conditions  de 
sol  et  de  climat  du  lieu.  Les  plantes  agricoles,  au 
contraire,  sont  des  hôtes  de  passage,  auxquels  la  vie 
est  rendue  possible,  d'une   manière  plus  ou   moins 


VIII  PLAN    DE    L  OUVRAGE. 


factice,  par  les  soins  constants  dont  on  les  entoure. 
Une  forêt  n'est  pas  non  plus,  comme  un  champ  de 
blé,  un  simple  groupement  d'individus  de  même 
espèce  croissant  côte  à  côte  jusqu'à  l'époque  où  le 
bûcheron  juge  à  propos  d'y  porter  la  hache  :  des 
essences  forestières,  aux  exigences  souvent  les  plus 
diverses,  s'y  trouvent  réunies,  et,  de  leur  naissance  à 
leur  vieillesse,  non  seulement  elles  grandissent, 
mais  encore  elles  modifient  leurs  besoins,  quant  à 
l'état  physique  du  sol  qui  les  porte  ou  quant  à  l'espa- 
cement qui  leur  est  dévolu;  elles-mêmes,  en  épais- 
sissant ou  en  éclaircissant  leur  feuillage,  ont  une 
action  considérable  sur  ce  sol,  sur  la  quantité  de 
lumière  qu'elles  y  laissent  arriver,  sur  les  détritus 
qu'elles  lui  restituent;  toujours  en  lutte  les  unes 
avec  les  autres,  elles  se  prêtent  ou  s'opposent  à 
l'existence  de  toute  une  population  d'arbres  nouveau- 
venus,  d'arbustes,  de  plantes  basses,  ou  d'animaux 
qui,  à  leur  tour,  réagissent  sur  elles.  En  un  mot,  la 
forêt,  bien  que  constituée  par  un  assemblage  d'êtres 
vivants,  soumis  à  toutes  les  vicissitudes  du  climat, 
est  un  organisme  unique,  éminemment  variable  et 
complexe,  ayant  sa  vie  propre,  ses  périodes  de  ré- 
génération, ses  phases  d'évolution,  et  ses  crises  sou- 
vent mortelles. 

La  foret,  c'est  l'ensemble  des  végétaux  qui  occupent  le  sol,  —  lichens, 
mousses  et  autres  cryptogames  qui  tapissent  la  terre,  —  herbes,  grami- 
nées et  autres,  qui  disparaissent  en  hiver,  sauf  à  renaître  de  leurs 
souches  ou  de  leurs  semences,— ronces,  airelles, broussailles, morts-bois, 
formant  sous-étage  avec  les  jeunes  plants  des  bonnes  essences  fores- 
tières qui  s'y  trouvent  mêlées  et  qui  sont  l'espoir  de  la  régénération, 
—  enfin,  arbres  forestiers  plus  ou  moins  élancés,  plus  ou  moins  gros, 
plus  ou  moins  serrés,  en  taillis  ou  en  futaie  (1). 

(1)  E.  Guinier.  Le  mouton.  Revue  des  Eaux  et  Forêts,  10  juillet  1897. 


PLAN    DE    L  OUVB  tGE.  IX 

Le  second  motif  réside;  dans  le  caractère  extensil 
de  la  culture  forestière,  qui  réduit  à  peu  de  chose 
l'intervention  humaine.  Bien  rares  sont  les  cas  où 
la  pioche  ameublit  les  sols  forestiers,  plus  rares 
encore  ceux  où  un  apport  d'engrais  augmente  sa  fer- 
tilité. En  fait,  la  forêt  est  un  bien  naturel,  que  l'homme  /  ) 
se  contente  de  domestiquer  à  son  profit. 

La  sylviculture  est  donc  pour  nous:  la  science  r/ui 
étudie  les  phénomènes  relatifs  à  la  végétation  de  la 
forêt  sauvage,  et  U art  d'exploiter  celle-ci  sans  entraver 
son  fonctionnement  physiologique. 

En  d'autres  termes,  le  sylviculteur  a  comme  prin- 
cipaux ouvriers  les  agents  qui  président  aux  phéno- 
mènes dont  le  sol  et  l'atmosphère  sont  le  théâtre. 

A  lui  de  maintenir  l'harmonie  dans  ces  forces 
mises  gratuitement  à  sa  disposition  ;  à  lui  de  les 
diriger  vers  la  production  de  la  matière  ligneuse  et 
de  tous  les  avantages  que  procure  l'état  boisé  d'une 
contrée.  La  besogne  est  intéressante  ;  elle  est  aussi 
des  plus  délicates,  car,  parfois,  des  accidents  de  force 
majeure,  trop  souvent  aussi  des  fautes  commises  par 
une  imprévoyance  coupable  ou  par  ignorance, 
suffisent  à  détruire   tout   l'équilibre   du  système. 

C'est  dire  qu'avant  tout  le  sylviculteur  devra  ob- 
server, chercher  dans  l'étude  de  chaque  station,  de 
chaque  massif,  les  renseignements  nécessaires  à  sa 
gestion.  Si  la  chose  est  vraie  d'une  façon  générale, 
dans  un  pays  comme  la  France,  où,  elle  est  justifiée 
plus  que  partout  ailleurs,  des  hautes  chênaies  des 
vallées  de  la  Loire  et  de  la  Seine  aux  sapinières 
des  Vosges,  du  Jura  et  des  Pyrénées,  —  des  taillis 


PLAN    DE    L  OUVRAGE 


sous  futaies  du  Nord  et  de  l'Est  aux  taillis  simples 
de  chêne  vert  de  la  Provence,  —  la  forêt  se  pré- 
sente sous  des  aspects  si  divers,  en  conservant  par- 
tout son  utilité  et  son  charme. 

Evitant  donc  avec  soin  de  poser  à  priori  des 
règles,  des  systèmes  auxquels  devraient  se  plier 
toutes  les  forêts,  nous  adopterons  la  méthode  d'ob- 
servation que  nous  venons  de  recommander,  consi- 
dérant d'abord  Y  arbre  au  strict  point  de  vue  fores- 
tier; puis,  nous  étudierons  Y  espèce  qui  s'affirme  par 
son  tempérament,  et  nous  la  suivrons  dans  ses  rap- 
ports avec  les  phénomènes  météoriques  et  avec  le  sol. 
Ce  sera  l'occasion  de  passer  en  revue  les  différentes 
essences  qui  peuplent  nos  plaines  et  nos  montagnes, 
en  donnant  Y  aire  d'habitation  de  chacune  avec  les 
lois  qui  président  à  cette  distribution. 

Ensuite,  nous  verrons  comment  ces  essences  se 
comportent  quand  elles  sont  à  Y  état  isolé,  ou  réunies 
en  massifs  pour  former  les  peuplements,  dont  l'en- 
semble constitue  la  forêt.  Celle-ci,  influencée  par  le 
sol  et  le  climat,  change  d'aspect  dans  chaque  station 
et  nous  en  montrerons  les  principaux  types. 

Après  avoir  établi  les  exigences  de  la  forêt  spon- 
tanée dans  chaque  station,  nous  dirons  d'une  manière 
générale  par  quel  genre  de  culture  la  forêt  aménagée, 
c'est-à-dire  économiquement  constituée,  sera  régéné- 
rée et  améliorée,  en  vue  de  diriger  la  fabrication  de  la 
matière  bois  vers  telle  ou  telle  qualité  de  marchandise. 

Seulement  alors,  nous  aborderons  l'étude  détaillée 
des  régimes  et  des  modes  de  traitement  en  usage 
avec  leur  application  en  toutes  circonstances. 


PL  w    DE    L'OUVH  \»il.  VI 

Après  ces  six  premiers  Chapitres  consacrés  à  la 
vieille  forêt  en  étal  de  rendement,  il  nous  restera 
deux  questions  importantes  à  examiner:  i°Ia  pro- 
tection de  lu  forêt,  contre  les  dommages  qu'elle 
peut  subir  et  d'où  qu'ils  lui  viennent;  —  a0  le  boi- 
sement des  terrains  nus,  partout  où  l'exploitation 
rationnelle  du  sol  le  commande,  qu'il  s'agisse  de 
satisfaire  à  des  intérêts  publics  ou  à  des  intérêts 
privés;  elles  feront  l'objet  des  Chapitres  Vil  et  VIII. 


Notre  tâche  sera  bien  remplie  si  nous  arrivons  à 
faire  comprendre  aux  propriétaires  de  forêts  que  le 
meilleur  moyen  de  les  bien  cultiver  est  de  s'y  pro- 
mener souvent,  de  les  interroger  toujours  sur  leur 
état  de  santé,  sur  leurs  besoins.  Ils  seront  surpris 
de  la  facilité  avec  laquelle  on  comprend  le  langage 
des  arbres,  et  du  plaisir  qu'on  éprouve  à  leur 
répondre. 


LES   FORETS 


TRAITÉ    PRATIQUE    DE    SYLVICULTURE 


CHAPITRE    PREMIER 
L'ARBRE 

ARTICLE     PREMIER 

PARTIES  CONSTITUTIVES  D'UN  ARBRE 

Partie  aérienne.  —  Enracinement.  —  Structure  du  bois. 

Écorce. 

Partie  aérienne.  —  La  partie  aérienne  d'un  arbre  com- 
prend la  tige,  c'est-à-dire  l'axe  du  végétal,  qui  va  du  niveau  du 
sol  jusqu'au  bourgeon  terminal,  —  et  les  branches,  insérées 
sur  cette  tige  ;  celles-ci  se  divisent  à  leur  tour  en  branches 
principales  ou  maîtresses  branches,  en  rameaux  et  en 
ramilles. 

Il  est  plus  intéressant  dans  la  pratique  de  distinguer  le 
fût,  portion  de  la  tige  allant  du  sol  au  niveau  des  premières 
branches,  —  et  la  cime  ou  houppier  englobant  le  reste  de  la 
tige  et  les  branches.  C'est  le  fût  qui  fournit,  en  effet,  le  bois 
propre  au  plus  grand  nombre  d'usages,  par  suite,  le  plus 
précieux.  D'ailleurs,  si  dans  un  sapin  on  peut  suivre  facile- 
ment la  tige  jusqu'au  dernier  bourgeon,  il  n'en  est  pas  de 
même  chez  toutes  les  espèces  :  bien  souvent  cette  tige  se 
bifurque,  se  divise  en  un  nombre  de  plus  en  plus  grand  de 
ramifications  et  n'existe  plus  qu'à  l'état  théorique. 

Il  peut  arriver  que  brusquement,  pour  une  raison  ou  pour 
Boppe  et  Jolyet.  1 


L  ARBRE. 


une  autre,  des  branches  de  faible  grosseur  naissent  sur  le  fût 
d'un  arbre  qui  jusque-là  en  était  dépourvu.  On  les  appelle 
branches  gourmandes  ou  gourmands. 

Enracinement.  —  Le  collet  de  la  racine  est  la  ligne  qui 
sépare  la  portion  inférieure  du  fût  d'une  part,  et  les  racines 
de  l'autre  :  le  microscope  accuse   des  différences    sensibles 

dans  la  structure  du  bois 
de  tige  et  celle  du  bois  de 
racine  ;  c'est  au  niveau 
du  collet  que  finit,  dans 
les  chênes,  la  distinction 
entre  l'aubier  et  le  bois 
parfait  (fig.  1). 

Dans  les  racines  nous 
ne  trouvons  rien  d'ana- 
logue au  fût  ;  mais  il  peut 
se  faire  que  l'une  d'elles 
prolonge  directement  la 
tige,  et  s'affirme  parmi 
toutes  les  autres;  c'est  le 
pivot.  Le  développement 
du  pivot  n'est  prononcé 
que  pendant  la  jeunesse 
de  l'arbre  ;  plus  tard  il 
s'arrête  dans  sa  crois- 
sance, et,  alors  même 
qu'il  ne  rencontre  pas 
d'obstacle  à  son  allongement,  il  s'atrophie,  ou  se  ramifie  en 
racines  nouvelles  qui  s'enfoncent  plus  ou  moins  obliquement 
dans  la  terre. 

Par  analogie,  quand  les  racines  d'un  arbre  ont  une  ten- 
dance à  prendre  une  direction  verticale,  on  dit  que  l'enracine- 
ment est  pivotant  ou  mieux  profond.  Lorsqu'au  contraire 
elles  ont  une  propension  à  s'étaler  horizontalement,  on  dit 
qu'il  est  traçant  ou  superficiel.  Cette  question  de  l'enracine- 
ment est  très  importante  :  on  conçoit  combien  il  est  peu  in- 
diqué de  cultiver  des  arbres  à  enracinement  profond  dans  un 
terrain  superficiel. 


Fig.  1.  —  Souche  de  chêne  :  h  droite 
et  à  gauche,  aubier;  au  milieu,  bois 
parfait  ;  en  bas,  collet  de  la  racine. 


PARTIES    CONSTITUTIVES    l>  UN    ARBRE 


Les  ramifications  extrêmement  Unes  des  racines  se  nom- 
ment le  chevelu. 

Structure  du  bois.  —  L'arbre  s'accroît  en  hauteur  parle 
développement  du  bourgeon  terminal,  lequel  s'ouvre  au  prin- 
temps et  donne  une  pousse  qui  grandit  généralement  jusque 
vers  le  milieu  de  Télé.  Il  s'organise  alors  un  nouveau  bour- 
geon terminal,  qui  passera  l'hiver  à  l'état  latent.  Les  branches 
s'allongent  par  un  processus  analogue. 

L'arbre  s'accroît  en  grosseur  par  la  multiplication  des  cel- 
lules dans  la  zone  génératrice.  Cette  multiplication  se  fait, 
chez  les  essences  indigènes  du  moins,  de  l'intérieur  vers  l'ex- 
térieur dans  le  sens  du  rayon,  sur  une  section  transversale  du 
fût;  d'autre  part,  elle  est  suspendue  durant  l'hiver;  il  en 
résulte  que  la  masse  de  bois  fabriquée  chaque  année  forme 
une  couche  ligneuse  bien  distincte,  qui  se  superpose  à  la 
précédente  et  l'enveloppe  de  toutes  parts.  On  peut  donc  avec 
raison  appeler  aussi  couches  annuelles  ces  couches  ligneuses, 
et  déduire  de  leur  nombre 
l'âge  de  l'arbre. 

11  est  en  général  facile,  sur 
la  tranche  d'une  tige  exploi- 
tée, de  distinguer  les  diffé- 
rentes couches  ligneuses. 
Tantôt,  en  effet,  le  bois 
fabriqué  au  début  de  la  sai- 
son de  végétation,  dit  bois 
de  printemps,  est  franche- 
ment distinct  du  bois  d'été, 
qui  se  forme  plus  tard.  Et, 
comme  dans  ce  cas  la  carac- 
téristique du  bois  de  prin- 
temps est  d'être  constitué 
par  des  éléments  à  parois 
minces  et  à  grosses  cavités 
intérieures,  il  apparaît  tou- 
jours    sous     l'aspect    d'un 

tissu  tendre  ou  blanchâtre,  par  opposition  au  tissu  plus  dur 
et  plus  coloré  du  bois  d'été  (chêne  (fig.  2),  sapin,  etc.). 


Fi! 


2.  —  A  [fauche,  bois  de  chêne; 
à  droite,  bois  de  hêtre. 


L'ARBRE. 


Tantôt,  au  contraire,  bois  de  printemps  et  bois  d'été  se 
ressemblent;  mais  alors  les  derniers  éléments  de  celui-ci, 
ceux  qui  bordent  la  couche  ligneuse  vers  l'extérieur,  sont  très 
minces  et  souvent  colorés  en  brun,  ce  qui  rend  encore  les  for- 
mations annuelles  distinctes  l'une  de  l'autre,  avec  plus  de 
difficulté  toutefois  (hêtre  (fig.  2),  bouleau,  charme,  frui- 
tiers, etc.). 

Des  accidents  de  végétation  peuvent  déterminer  une  for- 
mation prématurée  et  temporaire  de  bois  d'été.  Un  peu  de 
pratique  permet  de  reconnaître  ces  fausses  limites  d'accroisse- 
ment souvent  interrompues  et  à  bords  toujours  indécis. 

Chez  certains  arbres  on  distingue  un  aubier  et  un  bois 
parfait,  le  premier  de  coloration  pâle,  riche  en  amidon,  le 
second  plus  foncé,  pauvre  en  cette  matière,  mais  chargé  de 
tanin  qui  imprègne  les  parois  des  éléments,  donnant  aux 
tissus,  en  même  temps  qu'une  coloration  spéciale,  des  qualités 
particulières  de  résistance  à  la  décomposition.  La  couche 
d'aubier  est  épaisse  chez  le  chêne  rouvre,  le  chêne  pédon- 
cule, les  pins,  mince  chez 
le  mélèze,  très  mince  chez 
le  châtaignier,  le  robi- 
nier, etc. 

Parfois  aussi,  au  centre 
de  la  tige  apparaissent  des 
tachas,  de?  zones  ou  des 
ilanvues  noires,  rouages  ou 
brune-,  qu'on  pourrait  à 
première  vue  prendre  pour 
un  bois  parlait  plus  accen- 
tué encore,  quand,  en  réa- 
lité, elles  ne  sont  dues  qu  à 
un  commencement  d'altéra- 
tion. Et  si  ces  colorations  spéciales  peuvent  être  recherchées 
pour  l'ébénisterie,  du  moins  ne  faut-il  pas  en  conclure  à 
une  supériorité  [du  bois  au  point  de  vue  de  sa  conservation, 
bien  au  contraire.  Les  chênes  à  feuilles  persistantes,  le  poi- 
rier (fig.  3),  le  prunier,  présentent  fréquemment  cet  accident. 
Dans   le  même  'ordre  d'idées  nous    citerons  le    bois    rouge, 


Pig.  3.  —  Poirier  coloration  centrale) 


PARTIES    C0NSTIT1  TIVES    D  1  N    ABBR1  .  5 

malheureusement    trop     fréquent    chez    les     vieux      hêtres. 
Ecorce.  —  L'écorce  est  pour  les  arbres  ce  qu'esl  la  peau 

pour  les  animaux;  une  enveloppe  él.uielie  protégeant  les 
régions  plus  profondes  contre  les  agents  extérieurs.  Toute 
Lésion  de  l'écorce  est  donc  une  plaie  avec  Bes  consé- 
quences funestes,  une  porte  ouverte  aux  germes  infectieux. 
Parmi  les  tissus  constituant  l'écorce,  un  des    pins  iinpro- 


Fig.  4.  — En  haut,  cerisier  merisier  (liège  externe  mince);  à  (fauche, 
chêne  liège  (liège  externe  épais)  ;  à  droite,  chêne  rouvre  (liège  interne), 
rhytidome  gerçure). 

tants  est  le  liège,  caractérisé  par  son  imperméabilité.  Tantôt 
le  liège  est  externe,  et  peut  alors  acquérir  des  épaisseurs 
considérables,  comme  dans  le  chêne-liège,  ou  rester  très  mince 
comme  dans  le  hêtre  et  le  charme,  tous  deux  remarquables 
par  leurs  écorces  fines  et  luisantes  (fig.  4).  Tantôt,  au  con- 
traire, se  formant  au  milieu  des  autres  tissus  de  l'écorce,  il  en 
isole  des  lames  qui  finissent  par  mourir:  liège  et  tissus  morts 
constituent  une  croûte  rugueuse,  sèche,  appelée  rhytidome. 


L  ARBRE. 


Tout  le  monde  connaît  le  rhytidome  gerçure  (1)  des  chênes, 
des  ormes,  des  peupliers,  qui  s'effrite  par  l'usure  dans  ses 
parties  extérieures,  tandis  qu'il  s'accroît  dans  les  parties  pro- 
fondes par  la  formation  incessante  de  nouvelles  lames  de 
liège;  ou  encore  le  rhytidome  des  pins,  des  mélèzes  dont  les 
larges  écailles  se  détachent  facilement.  Chez  les  vieux  mé- 
lèzes ce  rhytidome  acquiert  souvent  une  épaisseur  d'un  déci- 
mètre et  plus. 

Nous  mentionnerons  aussi  le  liber.  C'est  par  les  tubes  cri- 
blés du  liber  que  descendent  les  matières  nutritives  élaborées 
par  les  feuilles  et  qui  vont  se  diffuser  dans  le  corps  de  l'arbre 
et  dans  les  racines.  Une  blessure  annulaire  de  l'écorce  inter- 
rompant à  un  niveau  quelconque  la  continuité  de  ces  tubes 
criblés  a  pour  résultat  d'affamer  (2)  toutes  les  régions  du 
végétal  situées  au-dessous  d'elle  et  occasionne  la  mort  de 
l'individu. 

Les  fibres  du  liber  sont  parfois  assez  résistantes  pour  être 
utilisées  comme  matières  textiles  (tilleul). 

ARTICLE  II 

FORME  DES  ARBRES 

Flagage  naturel.  —  Forme  spécifique.  —  Influence  du  sol  et  du  cli- 
mat. —  Forme  forestière.  —  Généralités  sur  l'accroissement.  — 
Accroissement  en  hauteur.  —  Accroissement  en  diamètre;  ses  varia- 
tions suivant  les  espèces  et  les  individus  ;  ses  variations  dans  un 
même  arbre  ;  anomalies  diverses. 

Élagage  naturel.  —  Pour  nous  rendre  compte  de  la 
forme  d'un  arbre,  suivons  le  développement  d'un  chêne  depuis 
ses  premières  années  jusqu'à  sa  veillcsse.  Au  début,  il  est 
formé  d'une  tige  principale  peu  ramifiée,  dont  le  bourgeon 
terminal,  plus  gros  et  mieux  nourri  que  celui  des  ramilles 
grêles  qui  l'entourent,   donne  naissance  à  une  pousse  vigou- 


(1)  Ces  gerçures  se  produisent  inévitablement  dans  une  enveloppe 
rigide,  contrainte  de  s'étendre  pour  permettre  le  grossissement  de 
l'arbre. 

(2)  L'eau  puisée  clans  le  sol  par  les  racines,  continue  à  monter  aux 
feuilles  par  le  corps  de  l'arbre. 


FORME    DES    /CABRES. 


reuse.  L'arbre  s'élève  alors  rapidement,  Mais,  au  fur  et  à 
mesure  que  la  tige  grandit,  elle  produit  des  rameaux  nom- 
breux, qui,  en  vieillissant,  se  couvrent  d'une  abondante  fron- 
daison, et  prennent  des  dimensions  de  plus  en  plus  fortes. 
L'importance  de  la  lige  diminue  progressivement;  le  plus 
souvent  son  bourgeon  terminal  s'étiole,  et  l'arbre  cesse  de 
croître  en  hauteur. 

D'autre  part,  les  branches  inférieures,  que  dominent  de 
plus  en  plus  celles  qui  se  développent  au-dessus  d'elles,  se 
dessèchent  et  finissent  par  tomber.  La  tige  se  dénude  de  la 
sorte  de  bas  en  haut,  tandis  que  la  cime  s'élève.  Un  moment 
vient,  toutefois,  où  la  croissance  en  hauteur  se  ralentit  beau- 
coup ;  la  production  d'axes  nouveaux,  dans  les  régions  élevées, 
se  réduisant  à  très  peu  de  chose,  les  rameaux  qui  ont  pu  se 
maintenir  vivants  jusque  là  ont  dès  lors  leur  existence  assurée  : 
ils  s'affirment,  s'allongent,  grossissent  et  se  constituent  en 
branches  principales  :  le  fût  est  parvenu  à  sa  longueur  maxima. 

Ce  phénomène  est  ce  que  l'on  nomme  Yélagage  naturel. 
C'est  un  de  nos  adjuvants  les  plus  précieux. 

D'ailleurs  les  branches  dominées,  longtemps  avant  de 
mourir,  ne  s'accroissent  plus  en  longueur  ni  en  grosseur; 
lorsqu'elles  tombent,  leur  diamètre  est  généralement  très 
faible  relativement  à  celui  de  la  tige  :  il  ne  reste  ainsi  sur 
le  tronc  que  des  cicatrices  insignifiantes,  à  peine  visibles  dans 
le  débit.  Au  contraire,  l'amputation  de  main  d'homme  des 
branches  vivantes  ou  mortes,  même  les  plus  petites,  occa- 
sionne toujours  une  blessure  et  une  solution  de  continuité 
dont  la  trace  ne  s'efface  jamais  dans  le  bois. 

Forme  spécifique.  —  La  forme  de  l'arbre  varie  suivant  les 
espèces,  et,  chez  une  même  espèce,  suivant  l'âge  du  sujet. 
Elle  varie  également  avec  la  nature  du  sol  ou  la  rigueur  du 
climat.  Enfin  les  conditions  plus  ou  moins  factices  dans  les- 
quelles nous  plaçons  les  végétaux  de  nos  forêts  leur  créent,  à 
côté  de  la  forme  spécifique,  une  forme  forestière  du  plus 
haut  intérêt  à  considérer. 

La  forme  spécifique  dépend  du  degré  de  résistance  des 
branches  inférieures  au  couvert  des  branches  supérieures. 
Elle  dépend  aussi  de  l'ouverture  de  l'angle  sous  lequel  les 


« 


L  ARBRE. 


branches  sont  insérées  sur  la  tige.  Ainsi  les  cimes  sont 
d'autant  plus  longues  et  étroites  que  les  branches  sont  plus 
redressées  (arbres  pyramidaux)  ou  plus  abaissées  (formes 
à  branches  retombantes).  Elles  sont  au  contraire  d'autant 
plus  courtes  et  étalées  que  les  branches,  plus  horizontales, 
s'éloignent  davantage  du  fût  (la  plupart  des  feuillus,  cer- 
tains résineux). 

C'est  à  une  cause  semblable  qu'il  faut  attribuer  les  modi- 
fications dues  à  l'âge.  Les 
branches  sont,  à  l'origine, 
redressées  comme  les 
pousses  qui  les  ont  pro- 
duites. En  s'allongeant 
elles  fléchissent  sous  leur 
propre  poids,  et  sous 
celui  de  la  neige,  des 
feuilles  et  des  fruits.  La 
transformation  des  bour- 
geons de  prolongement  en 
boutons  à  fruits  modifie, 
d'autre  pari, la  ramification 
de  certains  arbres  dès  qu'ils 
deviennent  fertiles.  Une 
fructification  abondante 
est  toujours  une  cause  d'é- 
claircissement de  la  cime. 
Les  arbres  ont  donc  une 
physionomie,  un  port  spé- 
cial qu'ils  doivent  à  leur 
tempérament  propre  et  à  la 
disposition  naturelle  de  leurs  rameaux.  La  cime  du  chêne  est 
irrégulière  et  ovoïde,  celles  du  hêtre  et  du  tilleul  sont  pleines 
et  sphériques,  etc.  C'est  surtout  dans  la  vieillesse  que  certains 
arbres  prennent  leur  faciès  particulier.  Il  suffit  de  parcourir 
une  futaie  mélangée  de  sapins  et  d'épicéas  pour  constater 
la  différence  entre  le  port  de  ces  deux  essences.  Tandis  que 
l'épicéa  garde  toujours  sa  forme  de  pyramide  aiguë  pointant 
vers  le  ciel,   chez  les  vieux  sapins  la  ilèche  s'oblitère,  et  les 


Fig.  5.    —   Au  milieu    :  sapin  faisant 
la   table  ;    à    droite,    jeunes    sapins 
à   cime   pyramidale.   ^Photographie 
de  M.  P.  Hirsch.) 


POEME    i>i:s    ARBRES.  (.) 

branches  voisines    du   sommet   s'étendent    horizontalement 

comme  celles  du  cèdre  fig.  .r>)  (1).  Les  pins  piniers  s<»nl  célè- 
bres par  leur  cime  en  parasol,  les  \  îeux  pins  laricios  par  l'in- 
clinaison accentuée  de  L'extrémité  de  leur  lige  ((ig.  G),  etc. 
Influence  du  sol  et  du  climat.  —  Le  sol  agit  surtout  par 
son  plus  ou  moins  de  profondeur.  Tous  les  forestiers  savent 
que  dans  les  terrains  meubles  et  profonds  du  grès  vosgien 


Fig\  6.  —  Vieux  pins  laricios,  forêt  d'Aitone  (Corse). 
(Photographie  de  M.  H.  Bregeault.) 

les  sapins  sont  plus  élevés  que  sur  les  granits.  Il  en  est  de 
même  du  chêne  qui  n'acquiert  jamais  une  grande  hauteur 
dans  les  sols  superficiels. 

L'influence  du  climat  est  peut  être  moins  nette.  Pourtant 
il  est  bien  certain  qu'un  arbre  placé  sous  un  climat  qui  ne  lui 
convient  qu'à  demi,  pour  un  motif  ou  pour  un  autre^  se  rape- 
tisse, se  rapproche  de  la  forme  buissonnante,  tels  les  derniers 


(1)  On  dit  alors  qu'un  sapin  fait  la  table. 


10 


L  ARBRE. 


spécimens  de  la  végétation  forestière  dans  les  régions  mon- 
tagneuses et  arctiques.  On  constate  aussi  qu'aux  expositions 
du  Nord  et  de  l'Est  les  axes  se  développent  plus  en  hauteur 
qu'aux  expositions  Sud  et  Ouest  moins  fraîches  et  plus  en- 
soleillées. 

Les  phénomènes  météoriques  peuvent  avoir  une  action 
toute  spéciale.  Les  vents  violents  déjettent  la  cime  des  arbres 
(fig.  7)  ;  le  fait  est  très  visible  sur  les  bords  de  l'Atlantique  où 


Fig.  7.  —  Aubépines  déjetées  par  le  vent,  Chargey-lès-Port 
(Haute-Saône). 

les  arbres  n'ont  de  branches  que  du  côté  de  la  terre.  C'est 
l'inverse  qui  a  lieu  sur  le  littoral  de  la  Provence,  le  mistral  ne 
permettant  aux  branches  de  se  développer  que  du  côté  de  la 
mer.  Même  chose  se  passe  vers  la  cime  de  nos  montagnes  sous 
l'action  des  vents  dominants  de  l'Ouest. 

Dans  les  belles  futaies  des  plateaux  du  Risoux  ou  du  Mas- 
sacre, dans  le  Jura,  les  épicéas  affectent  la  forme  columnaire 
pour  résister  au  poids  des  neiges  (fig.  8).  Tantôt  les  branches 
sont  courtes,  toutes  de  même  longueur;  tantôt  ces  branches 
longues,  mais  flexibles,  coulent  jusque  près  du  sol  en  s'appli- 


KORMK    DU     AliHItl  S. 


11 


quant  contre  !«'  tronc;  dans  L'un  et   L'autre  cas,  l'épicéa  «le 
ces  liantes  régions  se  présente  sous  la  forme  d'un  long  fuseau 


Fig.  8.  —  Épicéa  columnaire,  foré  t  du  Risoux  (Jura;. 
(Photographie  de  M.  P.  Galland.) 

de  verdure  qui  laisse  tomber  indifférent  les  masses  de  neige 
s'abattant  dans  ces  forêts. 
Forme  forestière.  —  La  forme  spécifique  ne  conserve  sa 


12 


L  ARBRE. 


constance  que  chez  l'arbre  isolé  dont  les  branches  se  déve- 
loppent librement  (fig.  9).  Dans  nos  massifs  forestiers,  il  n'en 
est  plus  de  même.  La  forme  forestière  apparaît. 

Si  l'arbre  est  entouré  de  végétaux  qui,  recépés  pério- 
diquement, n'arrivent  jamais  à  dépasser  une  certaine  hauteur 
inférieure  à  celle  à  laquelle  il  peut  prétendre,  le  couvert  laté- 
ral vient  augmenter  l'effet  de  l'élagage  naturel.  Alors  sa  tige 
se  dénude  jusqu'au  niveau  le  plus  élevé  atteint  par  les  sujets 


Fig.  9.  —  Chêne  isolé  (forme  spécifique),  Etival  (Vosges). 
(Photographie  de  M.  J.  George.) 

environnants  et  sa  cime  se  constitue  au-dessus  de  l'océan 
de  verdure  dans  lequel  le  fût  reste  noyé.  Le  fût  est  donc  plus 
long  que  dans  l'arbre  crû  en  rase  campagne.  Mais  cette  forme 
forestière  reste  voisine  de  la  forme  spécifique,  la  cime  ayant 
encore  toute  latitude  pour  se  développer.  C'est  le  cas  des 
réserves  de  nos  taillis  sous  futaie  (fig.  10). 

Il  en  est  autrement  quand  l'arbre  fait  partie  intégrante  d'un 
massif  serré,  dont  tous  les  sujets  se  poussent  en  hauteur.  Il 
y  a,  dès  lors,  lutte  pour  la  lumière,  c'est-à-dire  pour  la  vie. 


FORME    i>i:s    AHBRBS.  1 1\ 

Les  dernières  branchei  seules  étant  assez,  éclairées  pour 
demeurer  vivantes,  la  tige  se  dégarni!  de  plus  en  plus  ; 
d'ailleurs   ces    branches   elles-mêmes  ne    peuvent  s'allonger 


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Fig.  10.  —  Chêne  de  taillis  sous  futaie    forme  forestière', 
forêt  de  Chargey-lès-Port  (Haute-Saône). 

sans  se  heurter  à  celles  des  arbres  voisins.  Aussi  la  forme 
spécifique  disparaît-elle  ou  à  peu  près  ;  dans  les  vieux  mas- 
sifs, chênes,  hêtres  ou  sapins  prennent  une  forme  analogue  : 
ce  sont  toujours  les  mêmes  fûts  démesurément  longs,  sur- 
montés par  une  cime  grêle  (fig.  11). 


L  ARBRE. 


Mais   ces  formes  anormales  ne  se  maintiennent  que  sous 
l'influence  persistante  des  causes  qui  les  ont  fait  naître.  Isole- 


Fig.  11.  —  Chêne  de  futaie  (forme  forestière^,  avec  un  ebrancheur 
s'apprêtant  à  en  couper  la  cime,  forêt  de  Bercé  (Sarthe).  (Photogra- 
phie de  M.  Couturier,  photographe  au  Mans.) 

t-on  un  arbre  crû  en  massif,  on  voit  bientôt  sa  cime  dépérir. 
Si  l'espèce  est  douée  de  la  faculté  d'émettre  des  rejets,  et  si 


FORMB    DBS    ARBRES.  15 

l'individu  n'est  pa^  hop  âgé,  il  peu!,  dans  dos  conditions 
favorables,  se  reformer  une  nouvelle  tête  au  dessous  de  la  pre- 
mière; dans  le  cas  contraire,  il  est  voué  à  une  mori  certaine. 

De  même,  quand  un  arbre  se  trouve  peu  à  peu  englobé  dans 
un  massif  plus  jeune  qui  s'élève  autour  de  lui,  ses  branches  les 
plus  basses  périssent,  successivement  étouffées  par  le  couvert 
latéral  qui  se  crée  autour  d'elles.  L'arbre  recommence  à 
croître  en  hauteur  et  se  constitue  une  nouvelle  cime  dans 
l'espace  qui  lui  reste  disponible  au  milieu  du  peuplement 
dont  il  fait  désormais  partie.  Toutefois  la  mort  des  grosses 
branches  basses  entraîne  des  nécroses  qui  dégradent  son  bois 
et  abrègent  la  durée  de  son  existence. 

Généralités  sur  l'accroissement.  —  L'activité  physiolo- 
gique plus  ou  moins  grande  des  feuilles  et  des  racines,  la 
répartition  inégale  dans  l'arbre  des  matériaux  élaborés,  se 
traduisent  par  des  variations  dans  l'accroissement  en  hauteur 
et  dans  l'accroissement  en  diamètre,  par  suite,  dans  la  forme 
de  la  tige. 

Pour  étudier  ces  variations,  deux  procédés  sont  possibles: 
soit  prendre  tous  les  ans,  ou  mieux,  à  plus  longs  intervalles, 
des  mesures  extérieures  sur  un  arbre  vivant,  mesures  que 
l'on  compare  entre  elles,  soit  abattre  l'arbre  et  le  disséquer 
pour  se  rendre  compte  de  la  manière  dont  il  s'est  accru. 

La  grosseur  d'un  arbre  sur  pied  s'évalue  à  l'aide  de  chaînes 
ou  de  rubans  donnant  la  circonférence,  et  à  l'aide  de  compas, 
d'une  forme  analogue  à  celle  des  compas  de  cordonniers,  qui 
donnent  le  diamètre  (lig.  12)  (1). 

Diamètres  et  circonférences  se  mesurent  le  plus  souvent  à 
hauteur  d'homme,  c'est-à-dire  à  lm,30  (parfois  lm,50)  au- 
dessus  du  sol  (2).  La  surface  d'une  section  horizontale  de  la 
tige  à  ce  niveau  est  dile  surface  terrière. 

(1)  Quand  on  utilise  la  chaîne,  il  faut  éviter  les  protubérances  acci- 
dentelles de  l'écorce,  les  plaques  de  mousse,  etc.  Quand  on  se  sert  du 
compas,  il  est  prudent  de  mesurer  deux  diamètres  perpendiculaires  et 
de  prendre  la  moyenne  des  lectures. 

En  général,  le  diamètre  calculé  d'après  la  circonférence  est  un  peu 
plus  fort  que  le  diamètre  mesuré  directement  au  compas. 

(2)  Il  est  sage  de  repérer  sur  l'arbre,  par  un  cercle  de  couleur  noire 
ou  rouge,  le  niveau  précis  où  la  mesure  a  été  prise,  afin  de  ne  pas  s'en 
écarter  dans  l'avenir. 


16  l'arbre. 

La  hauteur  s'évalue  à  l'œil  ou  avec  l'aide  de  l'un  des  nom- 
breux instruments  inventés  à  cet  effet.  Un  des  plus  pratiques 


E  i  .1  '   ,i  '  >i   !  4^_X  ■  g  !  5  I  â 


Fig.  12.  —  Compas  forestier. 


parmi  ces  dendromèlres  est  le  clisimètre  Goulier,  adapté  à  cet 
emploi  par  M.   Belliéni,  ingénieur  opticien  à  Nancy  et  basé 

sur  les  propriétés  des  tan- 


gentes trigonométriques 
(fig.  13).  Mais,  quelle  que 
soit  la  perfection  du  den- 
dromètre  utilisé,  avec  les 
données  qu'il  fournit,  il 
n'est  pas  possible  de 
suivre  d'une  façon  sé- 
rieuse la  marche  de  l'al- 
longement des  arbres 
sur  pied.  Il  est  préférable 
d'attribuer  à  ceux-ci  des 
hauteurs  mesurées  sur 
des  sujets  d'expérience 
de  même  grosseur  et 
même  végétation  préalablement  abattus. 

Le  procédé  par  dissection,  ou  procédé  par  analyses  de  tigesy 
est  de  beaucoup  le  plus  précis. 

Sur  l'arbre  exploité,  on  prélève  des  rondelles  de  distance  en 
distance,  par  exemple  :  au  niveau  du  sol,  à  lm,30  au-dessus 
du  sol,  puis  à  3m,30,  5m,30,  7m,30,  etc.  Comptant  sur  la  ron- 
delle de   base,    puis   sur  toutes   les    autres,  le   nombre  de 


Fig-.  13.  —  Clisimètre  Goulier 


FORME    DES    ARBRES. 


17 


couches  ligneuses  (1),  on  en  déduit  l'âgé  total  du  sujet  et,  par 
de  simples  soustractions,  ses  âges  successifs  quand  il  avait  les 
hauteurs  de  lm,30,  3m,30,  etc.  On  est  ainsi  en  possession  de 
données  précises  sur  la  marche  de  la  croissance  en  hauteur. 
Il  ne  reste  plus  qu'à  mesurer  le  diamètre  de  chaque  rondelle  (2) 
pour  avoir  tous  renseignements  quant  à  la  croissance  en 
grosseur. 

Le  plus  commode  est  d'exprimer  par  des  graphiques  les 
résultats  obtenus. 

Des  variations  du  diamètre  et  de  la  hauteur,  on  déduit  celles 
de  la  surface  de  section  (accroissement  circulaire)  et  celles  du 
volume. 

Accroissement  en  hauteur.  —  L'accroissement  en  hauteur 
est  surtout  rapide  pendant  la  jeunesse  (3);  il  passe  bientôt 
par  un  maximum,  puis  diminue  et  se  réduit  à  néant  chez  les 
vieux  arbres.  Le  pin  sylvestre,  le  mélèze,  l'épicéa,  s'allongent 
très  vite  au  début  de  leur  existence  ;  le  hêtre,  le  sapin,  et 
surtout  l'épicéa  grandissent  plus  régulièrement  et  jusqu'à  un 
âge  plus  avancé.  Nous  avons  parlé  déjà  de  l'influence  du  sol 
et  du  climat  et  de  celle  de  l'état  isolé  ou  de  l'état  en  massif 
sur  le  point  qui  nous  occupe. 

Ajoutons  ce  fait  très  constant  que  la  croissance  en  hauteur 
des  rejets  de  souche  est  toujours  bien  différente  de  celle  des 
brins  de  semence.  Beaucoup  plus  active  pendant  les  dix  ou 
vingt  premières  années,  elle  se  ralentit  en  même  temps  que  la 
vitalité  du  sujet.  Vers  trente  ans,  les  brins  de  semence  repren- 
nent un  avantage  qui  va  toujours  en  s'accentuant. 

(1)  Quand  les  couches  annuelles  sont  peu  distinctes,  on  frotte  la 
section  avec  de  la  terre,  ou  mieux,  on  a  recours  à  un  colorant  pour 
les  rendre  plus  visibles.  Dans  tous  les  cas,  la  section  est  rabotée  et 
passée  au  râcloir. 

(2)  La  surface  de  la  section  doit  être  rigoureusement  normale  à  Taxe 
de  l'arbre  :  si  les  accroissements  étaient  coupés  obliquement,  on  mesu- 
rerait des  épaisseurs  trop  fortes.  —  Quand  la  section  n'est  pas  un 
cercle,  on  prend  la  moyenne  de  deux  diamètres  perpendiculaires,  ou 
même  de  trois  ou  quatre  diamètres  convenablement  choisis. 

(3)  Nous  ne  pouvons  que  résumer  brièvement  ces  questions  si  impor- 
tantes de  l'accroissement  des  arbres.  Au  lecteur  désireux  de  plus 
amples  détails,  nous  recommanderons  le  Traité  de  M.  le  Professeur 
Hùffël  :  Les  Arbres  et  les  Peuplements  forestiers  ;  formation  de  leuï 
volume  et  de  leur  valeur,  Nancy,  1893. 

Boppe  et  Jolyet.  2 


18  l'arbre. 

Accroissement  en  diamètre.  —  L'accroissement  en  dia- 
mètre varie  dans  d'énormes  proportions  suivant  les  essences  (1) 
et  surtout  suivant  les  conditions  dans  lesquelles  l'arbre  s'est 
accru.  Ainsi  les  pins  sylvestres  de  nos  plaines  françaises 
pourront  avoir  des  accroissements  de  5  millimètres  d'épais- 
seur et  plus,  tandis  que  leurs  congénères  de  Finlande  fourniront 
ces  bois  si  recherchés  dont  les  couches  annuelles  ne  sont 
pour  ainsi  dire  distinctes  qu'à  la  loupe.  Il  en  est  de  même 
pour  l'épicéa  et  pour  le  mélèze,  hôtes  habituels  de  stations 
froides,  mais  fréquemment  introduits  sous  des  climats  beau- 
coup plus  doux. 

L'influence  de  la  profondeur  et  de  la  richesse  du  sol  est 
tout  aussi  considérable.  On  devine  que  dans  les  terrains  limo- 
neux qui  bordent  nos  rivières,  les  arbres  grossiront  plus  vite 
que  sur  des  plateaux  calcaires  sans  profondeur  et  exposés  au 
dessèchement,  ou  sur  des  sables  grossiers  et  stériles. 

Il  y  a  lieu  de  tenir  compte  enfin  de  l'état  de  massif  plus  ou 
moins  serré  dans  lequel  l'arbre  a  vécu.  Les  chênes  de  taillis 
sous  futaie,  dont  la  ramure  puissante  est  toujours  baignée 
de  lumière,  ont  les  accroissements  larges  ;  ils  sont  minces,  au 
contraire,  chez  les  sujets  de  même  essence,  mais  à  cimes  réduites, 
qui  peuplent  les  massifs  serrés  de  nos  vieilles  futaies  (fig.  14)  (2). 

Sur  un  arbre  donné  on  observe  le  plus  souvent  : 

1°  Que  l'épaisseur  des  anneaux  ligneux  d'une  même  section 
transversale  est  variable;  la  rapidité  de  la  croissance  en  dia- 
mètre n'a  donc  pas  été  constante  pendant  toute  la  vie  du  sujet. 
En  général  l'accroissement  du  diamètre,  considérable  au 
début,  diminue  de  plus  en  plus  à  partir  d'un  certain  âge. 

2°  Que  le  manchon  ligneux  fabriqué  au  cours  d'une  année 
quelconque  a  une  épaisseur  variable  aux  différents  niveaux 

(1)  Ainsi  le  pin  cembro  a  toujours  des  couches  ligneuses  remarqua- 
blement minces,  aussi  bien  dans  les  jardins  botaniques  de  la  plaine 
que  dans  lés  régions  montagneuses  où  il  est  spontané. 

(2)  L'épaisseur  du  bois  de  printemps  des  essences  feuillues  varie 
peu.  Donc,  quand  les  accroissements  sont  larges,  c'est  le  bois  d'été 
qui  domine  ;  aussi  les  chênes  qui  ont  crû  vite  ont-ils  un  bois  lourd  et 
nerveux.  Dans  les  résineux,  au  contraire,  c'est  le  bois  d'été  qui  reste 
constant  en  épaisseur.  La  largeur  des  accroissements  correspond  à  une 
.plus  forte  proportion  de  bois  de  printemps,  c'est-à-dire  de  tissus  légers 
*et  mous. 


FORME    DES    ARBRES.  I'.' 

de  la  tige,  depuis   Le   sol  jusqu'au  boiirgeon  terminal,   Ainsi 


Fig.  14.  —  Types  de  bois  de  chêne  et  d'épicéa  :  1.  Épicéa  (Chamounix, 
ait.  1  400  m.).  —  2.  Épicéa  (Grande  Chartreuse,  ait.  1  360  m.). —  3.  Épi- 
céa (Saint-Laurent,  ait.  450  m.).  —  4.  Chêne  rouvre  (Vosges,  taillis 
sous  futaie).  —  5.  Chêne  rouvre  (Allier,  futaie  pleine).  —  6.  Chêne 
pédoncule  (Landes,  arbre  isolé).  (Le  n°  1   est  en  haut  et  à  gauche.) 


la  croissance  en  diamètre  n'a  jamais  eu  la  même  intensité  sur 
toute  la  longueur  de  cette  tige  (1). 

(1)  L'accroissement  en  diamètre  peut  diminuer  sans  que  cela  im- 
plique nécessairement  une  diminution  dans  l'accroissement  circulaire. 
En  effet,  si  le  rayon  du  cercle  intérieur  est  plus  grand,  l'anneau  ligneux 
aura  parfois,  avec  une  épaisseur  moindre,  une  surface  plus  considérable. 


20  l'arbre. 

Celte  inégalité  de  l'épaisseur  des  accroissements  aux  diffé- 
rents niveaux  se  traduit  pas  des  modifications  importantes 
dans  la  forme  de  la  tige  considérée  dans  son  ensemble.  Celle-ci 
se  rapproche  plus  ou  moins  de  solides  géométriques  variant 
du  cylindre  à  la  neiloïde,  en  passant  par  le  cône  et  le  parabo- 
loïde(l). 

A  ce  sujet,  M.  le  Dr  N'ordlinger  (2)  cite  les  faits  suivants  : 
1°  Dans  un  jeune  arbre  garni  de  ses  branches  depuis  le  sol, 
conséquemment  isolé,  les  accroissements  s'amincissent  régu- 
lièrement de  la  base  au  sommet  :  la  forme  de  la  tige  est 
conique  ;  2°  quand  les  branches  inférieures  sèchent  naturelle- 
ment, les  accroissements  présentent  leur  plus  grande  épais- 
seur dans  le  voisinage  et  au-dessous  des  premières  branches 
vives  ;  ils  s'amincissent  de  là  jusqu'au  pied  :  la  tige  se  rap- 
proche du  paraboloïde  ;  3°  à  l'état  de  massif,  les  couches 
deviennent  de  plus  en  plus  larges  par  le  haut,  souvent  deux 
ou  trois  fois  plus  larges  qu'au  pied  :  elles  donnent  à  la  tige 
une  forme  plus  cylindrique;  4°  l'arbre  en  massif  qu'on  isole, 
s'accroît  dans  l'ordre  inverse;  c'est-à-dire  que  les  grossisse- 
ments supérieurs  s'amincissent,  tandis  que  les  inférieurs 
s'élargissent;  la  tige  a  des  tendances  à  revenir  à  la  forme 
conique  qui  est  la  plus  générale  chez  les  arbres  crûs  isolé- 
ment. 

Donc,  comme  le  fait  observer  M.  Hùffel  (3),  quand  par  suite 
de  circonstances  favorables  les  fûts  sont  élevés,  ils  sont  aussi, 
le  plus  souvent,  très  voisins  de  la  forme  cylindrique. 

Signalons  enfin  l'évasement  prononcé  habituel  dans  les 
régions  tout  à  fait  basses  de  la  tige  et  qui  tient  à  l'empattement 
formé  par  la  naissance  des  grosses  racines.  C'est  en  partie  pour 
éviter  les  erreurs  que  ferait  commettre  cette  déformation,  que 

(1)  Cette  forme  s'exprime  soit  par  un  coefficient  de  forme,  facteur 
plus  petit  que  l'unité,  par  lequel,  pour  avoir  le  volume  vrai,  il  faut 
multiplier  le  volume  d'un  cylindre  ayant  comme  base  la  surface  ter- 
rière  de  l'arbre  et  comme  hauteur  celle  de  ce  dernier;  ou  par  un  coeffi- 
cient de  décroissance,  facteur  également  plus  petit  que  l'unité,  par 
lequel  il  faut  multiplier  le  diamètre  à  hauteur  d'homme  pour  avoir  le 
diamètre  au  milieu  de  la  tige. 

(2)  Nordlinger,  Die  technischen  Eigcnschaflen  der  Hôlzer.  Stuttgard, 
1860. 

(3)  Hiiffel,  loc.  cit. 


FORME   m  s    \nmiis.  21 

l'on  a  l'habitude  de  mesurer  les  arbres  à  lm,30  au-dessus  du  sol. 

Nous  avons  dit  que,  parfois,  un  ou  plusieurs  anneaux  ligneux 
se  trouvent,  sur  tout  leur  pourtour,  plus  épais  ou  plus  minces 
que  ceux  qui  les  avoisinent.  Les  augmentations  d'épaisseur 
sont  dues  à  des  conditions  particulièrement  favorables  à  la 
vie  de  l'arbre  :  abondance  des  pluies  d'été  dans  un  climat  ha- 
bituellement sec,  pléthore  de  nourriture,  etc..  A  l'appui  de 
ces  faits,  plusieurs  auteurs,  notamment  M.  l'Inspecteur  Bar- 
tet  (1)  pour  les  chênes,  et  M.  le  Professeur  Henry  (2) 
pour  les  hêtres,  ont  constaté  qu'après  une  exploitation, 
les  arbres  réservés  dans  les  taillis  sous  futaie  accusent 
soudain  une  brusque  augmentation  dans  l'accroissement  en 
diamètre.  «  Les  convives  étant  moins  nombreux  à  table, 
dit  M.  Henry,  sont  plus  copieusement  servis...  »  Cette 
augmentation  ne  se  maintient  d'ailleurs  que  pendant  quel- 
ques années  (3). 

Les  diminutions  sont  liées  à  des  causes  contraires.  Ce  peut 
être  un  hiver  rigoureux,  qui,  sans  tuer  un  chêne,  lui  occa- 
sionne un  tort  suffisant  pour  que  sa  croissance  soit  ralentie 
pendant  quelques  années;  ce  peut  être  un  été  exceptionnelle- 
ment   sec    (4),   ou    au   contraire,    dans    les  régions  monta- 


(1)  Bartet,  Recherches  sur  l'accroissement  des  chênes  de  taillis  sous 
futaie.  (Revue  des  Eaux  et  Forêts,  1891.) 

(2)  E.  Henry,  Accroissement  des  arbres  de  réserve  après  l'exploita- 
tion du  taillis.  (Rull.  Société  des  Sciences  de  Nancy,  1899.) 

(3)  Elle  paraît  être  surtout  sensible  dans  les  régions  basses  de  la 
tige  :  M.  Henry  le  constate  notamment  pour  le  hêtre.  —  M.  Mer  signale 
un  fait  analogue  chez  des  sapins  après  une  éclaircie.  (Revue  des  Eaux 
et  Forêts,  1889,  page  72.) 

(4)  M.  Henry  signale  qu'en  1893,  année  célèbre  par  la  sécheresse  de 
l'été,  l'accroissement  des  hêtres  n'a  été  qu'environ  37  p.  100  de 
l'accroissement  pendant  l'année  1891  dans  la  forêt  de  Haye,  et  n'a 
même  pas  atteint  26  p.  100  dans  certaines  forêts  des  environs  d'Héri- 
court  (Haute-Saône),  d'où  une  perte  considérable  pour  les  proprié- 
taires de  forêts.  Les  chênes  à  enracinement  plus  profond  ont  moins 
souffert.  —  Influence  de  la  sécheresse  de  1893  sur  la  végétation  fores- 
tière. (Rull.  Société  des  Sciences  de  Nancy,  1897.) 

M.  Mer  a  constaté  un  fait  analogue  pour  le  sapin  dans  les  Vosges  à  la 
suite  de  cette  même  sécheresse,  qui  avait  eu  pour  autre  conséquence 
de  réduire  chez  le  sapin  la  longueur  de  la  pousse  annuelle. —  Influence 
de  l'état  climatérique  sur  la  croissance  des  sapins.  {Ext.  Journal  de 
Rotanique,  n.  10,  11,  12,  13  et  14,  année  1895.) 


22 


L  ARBRE. 


gneuses,  un  été  trop  pluvieux  (1);  ou  bien  encore  une  invasion 
d'insectes  (2),  qui  détruit  le  feuillage,  une  gelée  tardive  au 
printemps,  etc. 

Quand   les    anneaux  ligneux   n'ont  qu'une   épaisseur  très 


Fig.  15. 


Pin  sylvestre  (moelle  excentrique). 


réduite  sur  certaines  régions  de  leur  pourtour,  la  tige  devient 
excentrique,  phénomène  fréquent  chez  les  arbres  qui  croissent 
sur  des  terrains  très  inclinés  ou  sur  les  lisières  des  forêts  et 
qui  reçoivent  ainsi  plus  de  nourriture  d'un  côté  que  de  l'autre 
(fig.  15). 

Le  fait  est  normal  chez  les  espèces  à  contours  sinueux  et 
irréguliers  comme  les  genévriers,  les  ifs,  les  thuias,  les  oli- 
viers, etc. 


(1)  MM.  Henry  et  Mer,  dans  les  travaux  cités,  établissent  que  pen- 
dant L'été  froid  de  1888,  la  croissance  des  hêtres  et  des  sapins  a  été 
sensiblement  ralentie. 

(2)  Aux  invasions  périodiques  des  hannetons  correspondent,  chez  les 
chênes,  des  accroissements  très  minces,  souvent  presque  nuls. 


in  PRODUCTION.  23 

ARTICLE    III 

REPRODUCTION 

Semis  et  rejets.  —  Fertilité  des  arbres.  —  Germination  des  graines  et 
installation  des  semis.  —  Rejets  proventifs  et  rejets  adventïfs.  — 
Influence  de  l'époque  de  l'exploitation  sur  l'évolution  des  rejets.  — ■ 
Influence  du  mode  d'abatage.  —  Drageons.  —  Rejets  de  racine.  — 
Modes  spéciaux  d'exploitation. 

Semis  et  rejets.  —  L'arbre  peut  se  reproduire  par  voie 
sexuée,  c'est-à-dire  par  la  germination  de  graines  qui  donnent 
naissance  à  de  nouveaux  individus,  libres,  dès  le  premierjour, 
de  toute  attaebe  avec  le  pied-mère,  —  ou  par  voie  asexuée, 
c'est-à-dire  par  l'évolution  de  bourgeons  se  développant  en 
drageons  ou  en  rejets,  qui  ne  prennent  que  peu  à  peu  une  in- 
dividualité plus  ou  moins  complète. 

Sans  doute,  des  rejets  de  charme  ou  de  chêne  peuvent,  à  la 
longue,  s'isoler  de  la  souche  dont  ils  dépendaient  à  l'origine; 
sans  doute,  des  drageons  de  tremble  ou  de  robinier  peuvent 
percer  le  sol  très  loin  de  l'arbre  sur  les  racines  duquel  ils  se 
sont  constitués  ;  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  régénération 
par  voie  sexuée  est  le  véritable  mode  de  reproduction;  la  ré- 
génération par  voie  asexuée  n'est  qu'un  procédé  de  rajeunis- 
sement; elle  produit  des  descendants  qui  n'ont  pas,  en  général, 
la  vitalité  et  la  longévité  des  individus  nés  de  semence. 

Tout  sujet  issu  d'une  graine  porte,  au  début,  le  nom  de 
semis,  plus  tard  celui  de  brin  de  semence,  ou  simplement  de 
brin.  Les  forêts  traitées  en  futaie  sont  toujours  régénérées 
par  voie  de  semis. 

Les  différents  modes  de  rajeunissement  par  les  axes  (c'est- 
à-dire  par  l'évolution  de  bourgeons)  sont  la  bouture,  la  mar- 
cotte, le  rejet  et  le  drageon.  La  bouture  et  la  marcotte  sont 
surtout  utilisées  en  arboriculture;  les  rejets  et  les  drageons 
prennent,  au  contraire,  une  importance  capitale  dans  la  régé- 
nération des  forêts  traitées  en  taillis. 

Fertilité  des  arbres.  —  Pour  qu'un  arbre  donne  naissance 
à  des  semis,  la  première  condition  est  qu'il  porte  des  graines 
fertiles  en  quantité  appréciable.   Or,  toutes  les   essences  ne 


24  l'arbre, 

sont  pas  également  fécondes.  On  peut  les  classer  en  deux 
groupes;  celles  à  semences  lourdes  (1)  et  celles  h  semences 
légères.  La  fructification  absorbe  chez  les  premières  une 
beaucoup  plus  grande  quantité  de  matières  nutritives  que 
chez  les  secondes,  et,  tandis  que  l'arbre  à  semences  légères 
fournit  presque  tous  les  ans  celles-ci  en  très  grande  quantité, 
il  est  rare  que,  si  la  semence  est  lourde,  le  même  sujet  soit 
fertile  deux  années  de  suite. 

La  fécondité  varie  non  seulement  avec  l'espèce,  mais  encore, 
pour  chaque  espèce,  avec  les  conditions  plus  ou  moins  favo- 
rables de  climat  et  de  sol.  Le  bourgeon  à  fleur  étant  formé  dès 
l'année  qui  précède  celle  de  la  fructification,  une  récolte  de 
semence  est  le  résultat  du  concours  de  deux  années  favorables 
consécutives  :  circonstances  qui  diminuent  singulièrement  les 
chances  de  l'obtenir.  Les  gelées  printanières  qui  détruisent 
les  bourgeons  floraux,  les  temps  froids  qui  nuisent  à  la  fé- 
condation, les  insectes  dont  les  larves  minent  les  bourgeons 
avant  la  floraison  ou  vivent  à  l'intérieur  des  semences  une  fois 
formées,  comptent  parmi  les  causes  de  destruction  les  plus 
fréquentes.  Si  le  climat  est  doux,  si  l'arbre  est  placé  dans  sa 
zone  naturelle  d'expansion,  la  fécondité  sera,  la  chose  va  sans 
dire,  plus  grande  que  dans  les  conditions  inverses  (2).  A  côté 
de  la  clémence  de  la  température,  qui  diminue  les  chances 
d'accidents,  il  faut  constater  l'effet  direct  de  la  lumière  et  de 
la  chaleur.  Aussi  dans  les  régions  méridionales,  les  arbres 
forestiers  fructifient-ils  plus  tôt  et  plus  abondamment  que 
dans  les  contrées  du  Nord,  froides  et  brumeuses. 

A  ce  même  point  de  vue,  les  arbres  isolés  ou  les  réserves  des 
taillis  sous  futaie,  dont  la  cime  est  bien  étalée  au  soleil,  sont 
toujours   beaucoup    plus  fertiles   que  ceux  qui  croissent  en 


(1)  Nous  employons  le  terme  semence  de  préférence  au  terme  (/raine. 
Sous  ce  nom  de  semences,  nous  confondrons,  en  effet,  des  fruits  comme 
le  gland  et  des  graines  comme  celles  du  sapin. 

(2)  Tandis  que  dans  le  bassin  de  l'Adour  les  chênes  donnent  des 
semences  tous  les  deux  ou  trois  ans,  dans  les  régions  du  Centre  et  de 
l'Ouest  les  glandées  se  produisent  seulement  tous  les  quatre  à  huit 
ans  et  dans  le  Nord  et  l'Est  de  la  France  elles  se  font  attendre  parfois 
quinze  uns  et  plus.  De  même,  la  fertilité  du  sapin  diminue  sensiblement 
aux  grandes  altitudes. 


RFPRODUCTÏON.  "25 

massif  serré.  D'ailleurs  les  premiers,  qui  ont  une  ramification 
puissante  et  loulï'ue,  portent  en  abondance  des  bourgeons 
floraux,  lesquels  naissent  en  pleine  lumière  et  à  l'extrémité  des 
rameaux;  il  n'en  est  pas  de  même  chez  les  seconds,  dont  la 
cime  est  toujours  réduite  et  pauvre  en  menues  branches. 

La  profondeur  et  la  richesse  du  sol  permettent  aux  arbres 
de  réparer  plus  vite  les  fatigues  des  années  de  semence  : 
celles-ci  se  succéderont  donc  d'autant  plus  fréquemment  que 
les  conditions  seront  meilleures. 

En  général  (1)  les  arbres  forestiers  ne  commencent  à  porter 
des  graines  fertiles,  que  lorsqu'ils  ont  à  peu  près  atteint  leur 
hauteur  normale.  Ils  sont  alors  adultes  et  fructifient  avec 
autant  d'abondance  et  de  régularité  que  le  comportent  leur 
situation  et  l'espèce  à  laquelle  ils  appartiennent.  Toutefois, 
cette  fécondité  diminue  progressivement  quand  l'arbre  devient 
vieux  et  très  vieux. 

Germination  des  graines  et  installation  des  semis.  — 
Supposons  réunies  toutes  les  conditions  voulues  pour  qu'un 
chêne  ou  un  sapin  donne  de  bonnes  semences  ;  la  naissance 
de  semis  nombreux  ne  sera  pas  encore  certaine.  Que  l'hiver, 
en  effet,  soit  trop  froid  ou  trop  humide,  les  semences  gèlent  ou 
pourrissent  sur  le  sol;  qu'un  brusque  refroidissement  sur- 
vienne au  moment  de  la  germination,  les  jeunes  plantules 
sont  détruites  dès  leur  formation.  D'autre  part,  et  c'est  là 
peut-être  une  des  causes  les  plus  fréquentes  d'insuccès,  le 
sol  n'est  toujours  pas  en  état  de  recevoir  utilement  les  fruits 
ou  les  graines.  Les  semis  de  sapin  ne  réussissent  que  si  la  graine 
tombe  sur  du  terreau;  ceux  du  pin  maritime  préfèrent  un  sable 
meuble  et  presque  dépourvu  de  toute  autre  végétation;  les 
racines  des  jeunes  plants  d'épicéas  ne  peuvent  arriver  à  percer 
les  couches  d'aiguilles  mortes  qui  jonchent  le  terrain  ;  beau- 
coup d'essences  réclament  de  l'abri  dans  leur  jeunesse,  d'au- 
tres le  plein  découvert,  etc..  En  somme,  chaque  espèce  a  ses 

(1)  Accidentellement  des  arbres  poussant  en  sol  maigre  ou  superficiel, 
ou  bien  encore  des  sujets  fatigués  par  une  transplantation  récente  ou 
pour  tout  autre  motif,  se  mettent  à  fruits  de  très  bonne  heure  ;  mais 
ce  n'est  là  qu'un  effet  dû  à  leur  situation  précaire.  Aussi  leurs  semences 
sont-elles  généralement  stériles  ou  tout  au  moins  de  qualité  très  mé- 
diocre; il  faut  bien  se  garder  de  les  récolter. 


26  l'arbre. 

exigences  souvent  très  absolues  ;  mais  presque  toutes  deman- 
dent que  le  sol  soit  meuble  :  quand  il  est  dur,  tassé,  desséché, 
la  germination  peut  se  faire,  mais  le  jeune  plant  ne  parvient 
pas  à  se  créer  un  enracinement  suffisant  avant  les  chaleurs 
de  l'été,  alors  qu'il  peut  être  tué  par  la  sécherese.  Cet  état 
malencontreux  du  sol  est  une  conséquence  inévitable  du  pâ- 
turage; il  est  également  fréquent  sous  les  vieux  massifs  dont 
le  couvert  est  élevé  et  déjà  éclairci  ;  cet  inconvénient,  ajouté 
au  fait  que  les  arbres  sont  âgés  et  par  suite  moins  fertiles,  rend 
la  régénération  par  la  semence  beaucoup  plus  aléatoire  qui 
dans  les  massifs  d'âge  moyen. 

Le  remède  existe-t-il?  Oui  heureusement,  et  la  chose  a  trop 
d'importance  pour  qu'au  risque  de  nous  répéter  nous  ne  l'in- 
diquions pas  dès  maintenant.  Notre  règle  habituelle  sera  de 
maintenir,  ou  de  créer  au  besoin,  en-dessous  des  vieilles  fu- 
taies, un  sous-étage  d'essences  acceptant  le  couvert,  que 
maintiendra  le  sol  meuble  et  riche  en  terreau  jusqu'au  mo- 
ment où  l'on  voudra  installer  les  semis.  Dans  le  cas  où  cette 
précaution  n'aura  pas  été  prise  ou  n'aura  pas  produit  un  effet 
suffisant,  il  restera  la  ressource  de  recourir  à  la  pioche  et  de 
donner  au  sol  une  légère  façon  par  bandes  ou  en  plein  :  un 
tel  travail  exécuté  avec  intelligence  est  peu  coûteux  et  donne 
les  meilleurs  résultats. 

Rejets  proventifs  et  rejets  adventifs.  —  Certaines  es- 
pèces ne  drageonnent  pas  et  ne  rejettent  pas  de  souches,  d'au- 
tres jouissent  de  ces  facultés  à  des  degrés  très  divers. 

Parmi  les  rejets,  il  faut  distinguer  ceux  de  bourgeons  pro- 
ventifs et  ceux  de  bourgeons  adventifs. 

Les  bourgeons  proventifs,  ou  bourgeons  dormants,  sont  des 
bourgeons  qui,  au  lieu  de  se  développer  tout  de  suite  en  ra- 
meaux, restent  dans  l'écorce  à  l'état  rudimentaire,  et  ne  s'al- 
longent chaque  saison  que  d'une  quantité  égale  à  l'épaisseur 
de  l'anneau  ligneux  formé.  Ils  vivent  à  l'état  latent  pendant 
de  longues  années,  toujours  prêts  à  se  développer  aussitôt 
qu'une  cause  accidentelle  leur  en  fournit  l'occasion.  Ainsi  une 
blessure  grave,  une  incision  annulaire  profonde,  la  suppres- 
sion ou  la  mort  naturelle  de  branches  principales,  l'amputation 
du  tronc  en  un  point  quelconque  de  sa  hauteur,  font  naître, 


RBPR0D1  CTION.  ¥1 

immédiatement  au-dessous  delà  bleSBUrcoilde  la  section,  des 
rameaux  plus  ou  moins  nombreux.  1  )e  même,  après  risolcment 
brusque  d'un  arbre,  on  voit  apparaître  ces  mômes  productions 

aux  emplacements  qu'aurait  occupés  la  cime  chez  un  individu 
de  même  espèce  normalement  constitué.  De  même  encore, 
quand  un  arbre  est  dominé  ou  dépérissant,  des  brindilles  nom- 
breuses se  développent  sur  les  parties  dénudées  de  sa  tige  et 
de  ses  grosses  branches.  Tous  ces  ell'ets  ont  une  seule  et  môme 
cause  :  l'évolution  de  bourgeons  proventifs  localement  réveillés 
par  un  apport  plus  considérable  de  matières  nutritives  ou  par 
l'influence  d'une  lumière  plus  abondante. 

Les  rejets  d'origine  proventive  appartiennent  donc  toujours 
à  la  formation  primitive  de  l'axe  sur  lequel  ils  sont  implantés; 
ils  sont  en  correspondance  directe  avec  la  moelle  centrale  :  en 
un  mot,  à  leur  point  d'insertion  sur  la  lige,  ils  ont  le  même 
âge  que  celle-ci.  On  comprend  dès  lors  que  ces  bourgeons,  qui 
à  la  longue  perdent  leur  vitalité,  soient  plus  nombreux  sur  les 
parties  jeunes  ou  d'âge  moyen  que  sur  celles  qui  sont  plus  âgées. 

Du  reste,  la  persistance  de  cette  vitalité  diffère  beaucoup 
suivant  les  essences  :  chez  le  hêtre  et  le  bouleau,  par  exemple, 
elle  s'éteint  de  bonne  heure,  après  une  vingtaine  d'années  au 
maximum  ;  chez  le  chêne,  chez  le  charme,  elle  se  maintient 
jusqu'à  un  âge  très  avancé,  quatre-vingts  ans  et  même  davan- 
tage. En  résumé,  plus  le  sujet  mutilé  est  vieux,  moins  nom- 
breux sont  les  bourgeons  qui  évoluent  ;  certes,  il  n'est  pas  rare, 
dans  les  coupes,  de  voir  des  rejets  apparaître  sur  les  souches 
de  modernes  et  d'anciens,  mais  ils  s'étiolent  bientôt,  et  sont 
étouffés  par  ceux  qui  sont  issus  des  souches  plus  jeunes  les 
avoisinant. 

Quoi  qu'il  en  soit,  parmi  les  essences  feuillues  existe  une 
grande  inégalité  dans  l'aptitude  à  donner  des  rejets  d'origine 
proventive.  Par  opposition  au  hêtre  et  au  bouleau,  nous 
venons  de  citer  le  chêne  et  le  charme,  dont  les  bourgeons 
dormants  sont  bien  plus  longévifset  aussi  bien  plus  nombreux. 
A  ces  deux  essences  nous  pouvons  ajouter  entre  beaucoup 
d'autres:  le  tilleul,  qui  donne  des  touffes  de  rejets  à  végéta- 
tion parfois  exubérante,  les  érables,  etc.. 

Les  bourgeons  adventifs  s'organisent  dans  le  tissu  cicatri- 


28  l'arbre. 

ciel,  ou  bourrelet  de  recouvrement,  qui  se  forme  sur  les  bords 
de  toutes  les  blessures  ou  sections  faites  sur  la  tige.  Les  rejets 
auxquels  ils  donnent  naissance  n'apportent  qu'un  faible 
appoint  à  la  reproduction  des  essences  riches  en  bourgeons 
proventifs.  Chez  le  hêtre  et  le  bouleau,  mal  partagés  à  ce 
dernier  point  de  vue,  ils  sont  au  contraire  assez  abondants 
et  surtout  très  précieux  (1).  Dans  tous  les  cas,  ils  sont  mal 
soudés  à  la  souche  et  il  suffit  d'un  choc  ou  d'un  vent  vio- 
lent pour  les  détacher. 

Il  ne  saurait  être  question  de  reproduction  par  rejets  pour 
les  conifères  indigènes. 

Quelle  que  soit  l'origine  des  rejets,  la  lumière  et  la  chaleur 
jouent  un  rôle  important  dans  leur  développement.  Ils  seront 
d'autant  plus  abondants  que  la  lumière  sera  plus  vive  et  le 
climat  plus  chaud  ;  c'est  dire  que  leur  évolution  se  fera  mieux 
en  plein  découvert  que  sous  un  massif,  en  plaine  qu'en  mon- 
tagne, à  l'exposition  Sud  qu'à  l'exposition  Nord,  enfin  dans  les 
régions  méridionales  que  dans  les  régions  septentrionales.  Il 
faut  ensuite  que  les  rejets  naissants  puissent  vivre  et,  pour 
cette  raison  encore,  un  climat  suffisamment  chaud  est  indis- 
pensable; en  effet,  poussant  tard  au  printemps  qui  suit  le 
recépage,  renfermant  des  tissus  gorgés  d'eau,  ils  sont  détruits 
par  les  gelées  de  l'hiver,  si  la  saison  de  végétation  n'a  pas  été 
assez  longue,  si  l'automne  n'a  pas  été  assez  chaud  pour  qu'ils 
puissent  s'aoùter. 

Influence  de  l'époque  de  l'exploitation  sur  l'évolution 
des  rejets.  —  Le  sylviculteur  peut  intervenir  efficacement 
pour  favoriser  ou  entraver  l'évolution  des  rejets.  Il  y  a  lieu 
de  considérer  à  cet  égard  l'époque  de  l'année  où  se  pratique 
le  recépage  et  les  conditions  dans  lesquelles  il  est  exécuté; 
c'est  la  base  fondamentale  de  tout  traitement  en  taillis. 

Les  rejets,  avons-nous  dit,  seront  d'autant  plus  abondants 

(1)  M.  Bartet  a  observé  que,  dans  les  environs  de  Nancy,  les  souches 
de  hêtre  engendrent  un  peu  plus  de  rejets  adventifs  que  de  rejets  pro- 
ventifs, tandis  que  sur  les  souches  de  charme,  les  proventifs  sont  envi- 
ron huit  fois  plus  nombreux  que  les  adventifs.  —  De  l'Influence  exercée 
par  l'époque  de  Vabatage  sur  la  production  et  le  développement  des 
rejets  de  souches.  (Annales  de  la  Science  agronomique  française  et 
étrangère,  1891.) 


REPRODUCTION.  29 

que  l'arbre  sera  plus  jeune.  Il  faul  toutefois  (cuir  compte 
de  l'épuisement  du  sol  e1  de  la  souche  qu'entraînent  infail- 
liblement des  exploitations  souvent  répétées.  En  effet,  comme 
nous  le  verrons  clans  la  suite,  les  axes  jeunes  sont  les  plus 
riches  en  matières  minérales.  Il  en  résulte  qu'on  prend  beau- 
coup plus  au  sol  en  y  coupant  cinq  fois  de  suite  des  taillis  de 
vingt  ans  qu'en  y  exploitant  une  fois  des  arbres  de  cent  ans. 
Aussi  croyons-nous  téméraire  de  compter  sur  un  taillis  pour 
fournir  dune  manière  permanente  des  récoltes  bi  ou  trisan- 
nuelles de  menues  ramilles  utilisables  comme  fourrage.  La 
chose  peut  se  faire  par  extraordinaire  une  fois  ou  deux  après 
une  révolution  normale,  mais,  répétées  trop  souvent,  ces  ex- 
ploitations ruineraient  le  sol  à  bref  délai.  Malgré  tout,  les 
exploitations  à  court  terme  sont  à  la  rigueur  possibles  clans  les 
sols  très  riches  en  matières  nutritives,  comme  les  limons  et 
certaines  argiles.  Elles  sont,  au  contraire,  désastreuses  dans  les 
sables  peu  fertiles  et  les  calcaires  superficiels. 

Pour  des  raisons  économiques,  l'exploitation  des  taillis  a 
presque  toujours  lieu  pendant  la  morte  saison,  de  la  fin  de 
l'automne  au  premier  printemps,  la  main-d'œuvre  étant  alors 
moins  chère.  C'est  également  l'époque  la  plus  avantageuse  au 
point  de  vue  cultural  :  pendant  l'hiver,  en  effet,  les  matériaux 
de  réserve  destinés  à  la  nourriture  des  bourgeons  proven- 
tifs,  à  la  formation  et  au  développement  des  bourgeons  ad- 
ventifs,  se  trouvent  en  quantité  maxima  accumulés  dans  les 
souches.  D'autre  part,  les  rejets  pouvant  évoluer  dès  le  premier 
printemps  auront  toute  la  bonne  saison  pour  grandir  et  s'aoûter. 

Mais  certaines  considérations  peuvent  conduire  à  n'exploiter 
que  beaucoup  plus  tard  :  à  la  fin  du  printemps  par  exemple. 
Il  en  est  ainsi  dans  les  taillis  de  chêne  destinés  à  la  production 
des  écorces  :  la  levée  de  l'écorce  ne  s'opérant  bien  qu'en  temps 
de  sève,  force  est  de  reculer  l'abatage  des  perches  jusqu'aux 
mois  de  mai  et  de  juin.  Ce  retard  n'a  pas  d'inconvénient 
sérieux  quant  au  nombre  et  à  la  vigueur  des  rejets,  comme 
il  résulte  de  recherches  faites  à  la  station  d'expériences  de 
l'Ecole  forestière  par  M.  Bartet  (1),  et  dont  nous  résumerons 

(1)  E.  Bartet,  loc.  cit. 


30  l'arbre. 

ainsi  les  conclusions:  pour  le  chêne  les  meilleurs  résultats  sont 
obtenus  par  l'exploitation  en  mars,  avril  et  mai  (la  coupe  en 
juin  occasionne  un  déchet  déjà  très  appréciable);  —  pour  le 
charme  en  mars  et  avril;  —  pour  le  hêtre  la  coupe  en  juin  est 
la  plus  favorable  au  point  de  vue  du  nombre  des  rejets,  celle 
en  avril  active  leur  croissance.  D'ailleurs,  chez  le  charme 
comme  chez  le  hêtre,  la  coupe  en  pleine  foliaison  augmente 
la  proportion  des  rejets  d'origine  adventive  par  rapport  à 
ceux  d'origine  proventive.  Pour  toutes  les  essences,  l'époque 
la  plus  défavorable  est  le  milieu  d'août  :  les  exploitations  à  la 
fin  d'août  et  en  septembre  sont  moins  dangereuses,  car  les 
rejets  n'apparaissent  (ju'au  printemps  suivant. 

Dans  les  climats  doux,  on  peut  sans  inconvénient  couper  dès 
novembre  ;  mais,  dans  les  contrées  où  l'hiver  est  habituel- 
lement rude,  il  vaut  mieux  attendre  le  printemps,  les  souches 
fraîchement  recépées  pouvant  souffrir  des  grands  froids. 
Dans  tous  les  cas,  il  est  bon  de  suspendre  la  coupe  pendant 
le  fort  de  l'hiver  :  le  bois  gelé  éclate  sous  la  hache,  et  les 
sections  d'abatage  ne  présentent  plus  toute  la  netteté  désirable. 

En  Sologne  (1),  on  a  l'habitude  d'exploiter  les  bouleaux  en 
automne  (novembre  et  décembre)  ;  quand  on  coupe  au  prin- 
temps, la  sève  inonde  les  souches  et  peut,  paraît-il,  les  faire 
périr.  On  abat,  au  contraire,  le  chêne  en  cette  dernière  saison 
pour  éviter  l'action  nocive  du  froid,  et  retarder  l'évolution 
des  rejets,  qui  échappent  ainsi  à  l'effet  désastreux  des  gelées 
printanières. 

Influence  du  mode  d'abatage.  —  L'abatage  doit  se  faire 
avec  des  outils  bien  tranchants,  d'un  poids  proportionné  à  la 
grosseur  des  sujets  à  couper  :  les  perches  ayant  un  décimètre 
de  tour  et  au-dessus  sont  coupées  à  la  hache;  pour  les  brins 
plus  faibles,  il  est  préférable  d'employer  la  serpe,  afin  d'éviter 
l'ébranlement  et  surtout  la  rupture  des  racines.  L'usage  de  la 
scie  doit  être  rigoureusement  proscrit,  et  même  avec  la  serpe 
ou  la  hache,  il  faut  veiller  à  ne  pas  déchirer  l'écorce  au-des- 
sous, de  la  section. 

On  donne  à  celle-ci  un  léger  bombement  vers  le  haut,  'de 

(1)  Observation  de  M.  l'Inspecteur  Croizette-Desnoyërs. 


ni  i'iîmdi  (îïion.  31 

manière  à  faciliter  1'écouleménl  des  eaux  pluviales  ;  ptesl 
l'exploitation  dile  en  t&lus,  par  opposition  à  l'exploitation  en 
gouttière  très  défavorable  à  la  vitalité  des  souches  (fîg.  16). 


1  2 

Fig.  16.  —  Exploitations  en  talus  et  en  gouttière. 

En  thèse  générale,  la  section  sera  opérée  aussi  près  de 
terre  que  possible  pour  forcer  les  rejets  à  naître  au  niveau  du 
sol  et  même  au-dessous  ;  c'est  la  condition  indispensable 
pour  perpétuer  les  peuplements  traités  en  taillis.  Il  faut,  en 
efTet,  établir  une  distinction  entre  les  rejets  de  souche,  d'ori- 
gine proventive  ou  adventive,  et  les  rejets  de  tige. 

Le  véritable  rejet  de  souche  naissant  en  contact  avec  la 
terre,  ses  jeunes  tissus  peuvent  émettre  des  racines  qui  lui 
sont  propres,  ce  qui  lui  permet  de  se  marcotter  et  par  suite 
de  s'isoler,  de  former  un  sujet  indépendant.  Sans  doute,  une 
souche  après  l'exploitation  est  vouée  à  la  pourriture  ;  mais 
celle-ci  n'apparaît  d'abord  que  dans  les  régions  supérieures 
et  centrales;  les  zones  qui  avoisinent  l'écorce,  c'est-à-dire  le 
point  d'insertion  des  rejets,  présentent,  il  est  vrai,  des  signes 
manifestes  d'altération  tels  que  colorations  diverses,  lignes  en 
zigzag  noires  ou  très  foncées  dues  à  des  transports  de  ma- 
tières oxydées,  etc.,  mais  la  nécrose  ne  les  gagne  qu'assez 
lentement,  et  la  patte  du  rejet  a  le  temps  de  se  recouvrir 
d'un  tissu  cicatriciel  qui  intercepte  toute  communication  avec 
le  bois  mort  (1). 

Le  rejet  de  tige,  au  contraire,  reste  directement  attaché  à 
l'axe  mutilé  qui  le  porte.  Il  ne  s'affranchit  jamais  et  n'assure 
pas  la  perpétuation  de  l'individu;  celui-ci  est  toujours  cons- 
titué par  la  tige  ou  portion  de  tige  centrale,  dont  les  pro- 
ductions nouvelles  ne  sont  que  des  ramifications.  Tôt  ou 
tard  cette  tige  meurt  de  caducité,  entraînant  avec  elle  la  perte 
de  tous  les  rejets  auxquels  elle  a  servi  de  centre  de  végéta- 
tion, et  il  faut  pourvoir  à  son  remplacement. 

(1)  Théodore  Hartig.  Vollstandige  Naturgeschichte  der  forstlichen 
Culturpflanzen  Deutschlands.  Berlin,  1852. 


32 


L  ARBRE. 


Quoi  qu'il  en  soit,  l'évolution  des  rejets  de  tige  a  servi  de 
point  de  départ  à  plusieurs  modes  de  traitement:  ainsi  les 
têtards  et  les  arbres  d'émonde,  dont  la  tige  est  recepée  à  une 
hauteur  variant  de  un  à  plusieurs  mètres,  ainsi  encore  les 
taillis  furetés,  où  la  section  est  généralement  beaucoup  plus 
rapprochée  du  sol.  Il  faut,  en  effet,  considérer  comme  rejets 
de  tige  tous  ceux  qui,  sur  une  souche,  naissent  à  une  hauteur 
telle  qu'ils  ne  puissent  se  créer  un  enracinement  propre,  si 
faible  d'ailleurs  que  soit  cette  hauteur.  Dans  les  taillis  furetés 
et  même  dans  des  taillis  simples  exploités  trop  haut,  le  cas  se 
présente  toujours.  Ce  ne  sont  plus  alors  que  des  vieux  étocs 
bosselés,  chancreux,  dépassant  le  sol  de  10  à  50  centimètres  et 
qui  s'acheminent  vers  la  stérilité.  On  ne  peut  mieux  les  compa- 
rer qu'à  la  tête  mutilée  des  saules  si  communs  dans  nos  prairies. 

L'ensemble  des  rejets  nés  sur  une  même  souche  porte  le 
nom  de  cépée  ou  de  trochée.  Ces  cépées  sont  caractérisées 
par  le  groupement  de  plusieurs  individus  autour  d'un  centre 
commun  et  aussi  par  la  courbure  en  forme  de  crosse  que 
présente  individuellement  chaque  rejet  à  sa  base. 

Drageons.  —  Les  bourgeons  à  drageons  s'organisent  spon- 
tanément sur  les  racines  saines  et  intactes  d'un  certain 
nombre  d'arbres  et  d'arbustes  feuillus.  Citons  parmi  les 
arbres  :  le  peuplier  tremble,  l'aune  blanc,  le  robinier  faux 
acacia,  le  chêne  tauzin,  le  chêne  yeuse,  l'orme  champêtre. 
Les  drageons  naissent  plus  communément  sur  les  racines 
horizontales  et  superficielles,  sans  qu'il  faille  généraliser  cette 
faculté  à  toutes  les  essences  à  racines  traçantes.  Ils  sont  le 
résultat  d'un  fait  physiologique  normal  localisé  chez  des 
espèces  déterminées;  on  n'est  pas  libre  de  les  faire  naître, 
comme  les  rejets  de  souche,  sur  tous  les  arbres  feuillus.  Les 
drageons  évoluent  de  préférence  sur  les  racines  d'arbres 
isolés,  comme  les  peupliers  et  les  ormes  plantés  le  long  des 
routes,  les  robiniers  qui  ornent  les  jardins  ou  encore  sur 
celles  de  sujets  récemment  exploités.  Un  exemple  très  fré* 
quent  de  ce  dernier  cas  nous  est  donné  par  les  drageons  de 
peuplier  tremble  qui  poussent  par  myriades  dans  certaines 
coupes  de  taillis  après  le  recépage  des  quelques  individus  de 
cette  essence  qui  pouvaient  s'y  trouver. 


REPRODUCTION.  33 

Le  drageon  s'affranchil  facilement  pour  former  bientôl  une 

tige  indépendante;  mieux  donc  que  le  rejet,  il  assure  la  re- 
production et  même  V expansion  de  l'arbre,  les  drageons 
pouvant  percer  le  sol  lies  loin  du  pied  qui  lui  sert  d'origine. 
Rejets  de  racine.  —  Sur  les  racines  d'espèces  qui  d'ailleurs 
ne  sont  pas  drageonnanlcs,  notamment  sur  les  racines  du 
bouleau,  peuvent  s'organiser  des  bourgeons  qui  évoluent,  le 
cas  échéant,  en  rejets  sortant  de  ferre  à  une  très  faible  dis- 
tance (1  centimètre  à  peine)  du  pied-mère. 

Les  jeunes  racines  du  bouleau  forment  des  bourgeons  d'un  ordre 
tout  spécial,  qui,  sans  s'être  produits  à  l'aisselle  des  feuilles,  rappellent 
beaucoup  les  bourgeons  proventifs.  Comme  ces  derniers,  les  bour- 
geons de  racines,  une  fois  formés,  restent  latents  et  peuvent  se  multi- 
plier en  nombre  tel  qu'ils  rendent  parfois  le  bois  de  souche  madré  (1). 

Quiconque  a  planté  des  bouleaux  a  éprouvé  l'agréable 
surprise  de  voir  un  de  ces  rejets  naître  au  pied  d'un  plant 
qu'il  croyait  mort. 

Ajoutons  enfin  qu'une  section,  une  blessure,  peuvent  pro- 
voquer sur  toutes  les  racines  d'arbres  feuillus  l'évolution  de 
rejets  d'origine  adventive,  souvent  appelés  faux  drageons. 
Ils  n'offrent  rien  de  bien  spécial,  si  ce  n'est  que,  naissant  très 
près  de  terre,  demeurant  longtemps  grêles  et  chétifs,  ils  ont, 
en  général,  le  temps  de  se  souder  solidement  à  la  racine,  et 
même  de  s'individualiser  avant  qu'ils  soient  de  taille  à  olfrir 
prise  au  vent  ou  aux  chocs,  qui  décollent  si  souvent  les  rejets 
adventifs  ordinaires. 

Procédés  spéciaux  d'exploitation.  —  La  coupe  entre 
deux  terres,  c'est-à-dire  la  coupe  exécutée  en  dessous  du 
niveau  du  sol,  provoque  naturellement  l'évolution  des  rejets 
de  racines  et  des  drageons. 

Un  des  procédés  les  plus  connus,  spécialement  appliqué  à 
une  espèce  drageonnante,  le  chêne  yeuse,  est  appelé  le  saut  de 
piquet.  Pour  faire  sauter  le  piquet,  on  coupe  chaque  brin 
d'une  cépée  à  25  centimètres  au-dessus  du  sol  ;  puis,  avec  une 
forte  cognée,  nommée  passe-partout,  dont  le  tranchant  est  mal 
avivé,  on  fend  la  souche  entre  les  tiges  principales.  Avec  la 

(1)  Flore  forestière,  par  A.  Mathieu,  quatrième  édition,  revue  par 
P.  Fliche. 

BOPPE   et  JOLYET.  *} 


34 


L  ARBRE. 


tête  de  la  cognée,  on  frappe  ensuite  sur  chaque  brin  et  on 
l'ébranlé  jusqu'à  pouvoir  l'arracher  à  la  main.  L'opération 
est  bonne  ou  désastreuse  :  bonne,  si  elle  est  faite  dans  un 
but  cultural,  celui  de  favoriser  la  naissance  des  drageons; 
désastreuse,  au  contraire,  si  le  bûcheron  n'a  d'autre  objectif 
que  d'extraire  le  plus  possible  de  bois  de  racines,  dont 
l'écorce,  très  riche  en  tanin,  se  vend  à  un  prix  élevé.  Elle 
équivaut  alors  à  un  véritable  défrichement. 

11  est,  en  cela  comme  en  toutes  choses,  une  mesure  à  garder 
et  des  conditions  locales  à  observer.  Ainsi,  dans  les  régions 
méridionales,  quelles  que  soient  les  essences,  il  sera  bon 
de  couper  les  tiges  un  peu  au-dessous  du  niveau  du  sol,  afin 
d'éviter  que  les  souches  exploitées  trop  haut  se  dessèchent 
à  l'ardeur  du  soleil  et  que  l'écorce  se  détache  du  bois. 
Si  la  nature  pierreuse  du  terrain  empêche  de  ravaler  les 
étocs,  on  peut  avec  avantage  préserver  la  section  en  la 
recouvrant  de  quelques  centimètres  de  terreau  mélangé  de 
broussailles. 

Inversement,  en  Sologne  (1),  on  a  l'habitude  de  couper  le 
chêne  un  peu  plus  haut  que  la  règle  dans  les  terrains  où  l'eau 
séjourne  lors  des  grandes  pluies;  —  dans  les  cantons  où  la 
sécheresse  et  le  froid  sont  à  craindre  ;  —  enfin  sur  les  sols  peu 
profonds.  En  effet,  en  exploitant  ainsi,  on  ne  coupe  que  le  ou 
les  rejets,  sans  entamer  complètement  la  souche;  la  surface  de 
section  est  donc  bien  moins  considérable,  et,  par  suite,  les 
effets  de  la  sécheresse  ou  des  gelées  sont  moins  redoutables. 
D'autre  part,  l'abatage  ne  nécessite  pas  des  coups  de  hache 
aussi  nombreux,  aussi  violents,  ce  qui  peut  avoir  de  l'im- 
portance dans  des  sols  légers  et  peu  profonds  où  l'ébranle- 
ment des  racines  est  à  craindre. 

De  même,  sur  le  bord  des  rivières,  il  est  permis  de  couper 
à  1  ou  2  centimètres  au-dessus  du  sol,  pour  que  les  souches 
ne  se  trouvent  pas  complètement  enfoncées  sous  les  dépôts 
possibles  de  limon. 

(1)  Observations  de  M.  l'inspecteur  Ooizette-Desnoyers. 


CIIAPITHK   II 
LES     ESSENCES 

ARTICLE       PREMIER 

GÉNÉRALITÉS 

Définitions.    —   Tempérament.    —    Influence   de   la   lumière.   —    In- 
fluence de  l'humidité  atmosphérique.    —  Influence  de  la  tempéra- 
ture et  influences  diverses.    —  Aire    forestière.   —   Influence    des 
qualités  chimiques  et  physiques  du  sol  —  Influence  de  la  fertilité. 
—  Essences  sociales  et  disséminées.  —  Dissémination.  —  Longévité. 

Définitions.  —  Dans  le  langage  forestier,  le  mot  essence 
est  synonyme  d'espèce. 

Les  essences  qui  peuplent  les  forêts  peuvent  être  rapportées 
à  deux  groupes,  suivant  leurs  dimensions  :  Yarbre  et  Yar- 
brisseau. 

M.  Mathieu  (1)  a  défini  chacun  de  ces  deux  types  comme 
il  suit  : 

A rbre,  végétal  ligneux,  à  tige  simple  et  unie,  et  s'élevant  à  7  mètres 
au  moins.  —  Arbrisseau,  végétal  ligneux,  rameux  dès  la  base,  dont  la 
hauteur  totale  va  de  1  à  7  mètres. 

Le  chêne,  le  hêtre,  le  frêne,  l'orme,  le  sapin,  le  mélèze 
sont  des  arbres.  Le  houx,  le  noisetier,  le  fusain,  etc.,  sont  des 
arbrisseaux.  Parmi  ces  derniers,  on  distingue,  sous  le  nom  de 
sous-arbrisseaux,  ceux  qui  restent  dans  les  plus  petites 
dimensions  et  atteignent  rarement  1  mètre  de  hauteur, 
comme  la  bruyère,  le  genêt,  l'airelle,  etc. 

On  confond  sous  le  nom  de  morts  bois  tous  les  arbris- 
seaux. Ils  sont  sans  valeur  marchande,  à  moins  qu'ils  ne 
puissent  servir  à  quelques  usages  spéciaux,  tels  :  la  bour- 
daine, dont  le  charbon  est  recherché  pour  la  fabrication  des 

(t)  Mathieu,  Flore  forestière. 


36  LES    ESSENCES. 

poudres  noires,  le  cornouiller  mâle,  dont  on  fait  des  manches 
d'outils,  les  épines,  utilisées  comme  cannes,  manches  de 
parapluie,  etc. 

La  dénomination  de  bois  blancs,  impropre,  mais  consacrée 
par  l'usage,  indique,  parmi  les  essences  feuillues,  les  bois 
d'une  contexture  molle,  quelle  qu'en  soit  d'ajlleurs  la  couleur 
(aunes,  tilleuls,  peupliers,  saules....)  Nous  emploierons  à  son 
lieu  et  place  l'expression  de  bois  tendres  ou  bois  moux  (1). 

Par  opposition  à  cette  désignation  des  bois  blancs  ou  bois 
tendres,  on  comprend  sous  le  nom  de  bois  durs  les  autres 
feuillus  (chêne,  charme,  hêtre,  etc..) 

Les  résineux  ou  conifères,  dont  le  bois  a  des  qualités  spé- 
ciales, ne  rentrent  pas  dans  ces  catégories. 

Tempérament.  —  Les  grandes  espèces  ligneuses  se  com- 
portent différemment  en  présence  des  agents  naturels  de  la 
production.  Les  unes  affirment  des  exigences  spéciales;  les 
autres  marquent  de  simples  préférences  ;  d'autres  enfin,  et  ce 
ne  sont  pas  les  moins  utiles,  s'accommodent  des  conditions 
mauvaises  qui  seraient  fatales  à  la  majorité.  Si,  en  même 
temps  que  de  ces  aptitudes  diverses,  on  tient  compte  de  la 
longévité,  on  obtiendra  toutes  les  données  qui,  réunies, 
constituent  le  tempérament  des  essences. 

Influence  de  la  lumière.  —  Dans  leur  entier  développe- 
ment, toutes  les  espèces  recherchent  la  lumière  ;  mais,  dans 
leur  jeune  âge,  quelques-unes  demandent  le  plein  découvert, 
quand  les  autres  ont  besoin  d'un  abri.  Entre  ces  deux  extrêmes, 
la  faculté  de  supporter  l'ombrage  se  trouve  développée  à  des 
degrés  variables.  Parmi  les  premières  on  peut  citer  :  le  pin 
sylvestre,  le  mélèze,  le  chêne,  l'orme, le  bouleau,  le  tremble; ... 
parmi  les  secondes,  le  hêtre  et  le  sapin  se  rangent  en  première 
ligne  ;le  charme  et  l'épicéa  ont  des  allures  intermédiaires. 

De  cette  aptitude  toute  spéciale  qui  dispose  le  jeune  plant 
à  craindre  ou  à  supporter  les  effets  de  l'ombrage,  découlent 
des  conséquences  permanentes  pendant  toute  l'existence  de 
l'arbre.  Il  ne  saurait  d'ailleurs  en  être  autrement,  car  cette 
•organisation,  et  par  suite  ces  exigences  du  bourgeon  extrême 

(1)  Autrefois  le  «  mol  bois  ». 


(.i'm'ii  w.nïs.  37. 

de  la  jeune  tige,  se  retrouveront  plus  tard  dans  tous  les  bour- 
geons de  l'arbre  constitué,  qu'ils  terminent  la  tige  ou  les 

rameaux.  Aussi  les  espèces  dont  les  bourgeons  se  développent 
à  l'ombre  ont-elles  un  feuillage  abondant,  dont  tons  les  élé- 
ments fonctionnent  avec  activité.  Elles  peuvent  se  maintenir 
long-temps  vivantes  sous  un  massif  d'autres  arbres  plus  élevés 
et  attendre  patiemment  qu'une  trouée  faite  dans  l'étage  supé- 
rieur leur  permette  de  reprendre  essor.  Toutefois  l'épanouis- 
sement simultané  des  bourgeons  et,  par  suite,  le  nombre  très 
restreint  de  ceux  qui  restent  à  l'état  dormant,  est,  en  diverses 
circonstances,  une  cause  d'infériorité  pour  ces  espèces  feuillues; 
après  une  gelée  printanière  ou  une  invasion  d'insectes,  par 
exemple,  elles  sont  dans  l'impossibilité  de  se  reconstituer 
une  frondaison  suffisante.  De  même,  si  on  les  mutile  ou  les 
recèpe,  elles  émettent  peu  de  rejets.  C'est  le  cas  du  hêtre. 

Inversement,  chez  les  essences  qui  ont  besoin  de  la  pleine 
lumière  pour  ouvrir  leurs  bourgeons,  bon  nombre  de  ceux-ci 
restent  à  l'état  latent,  même  sur  les  ramifications  les  plus 
élevées  de  l'arbre  ;  dans  tous  les  cas,  les  branches  inférieures 
ne  donnent  que  des  feuilles  rares  et  chlorotiques.  Dominées, 
ces  espèces  s'étiolent  et  meurent  bientôt  :  par  contre,  celles 
qui  appartiennent  à  la  classe  des  feuillus,  comme  le  chêne, 
sont  toujours  prêtes,  le  cas  échéant,  à  émettre  des  rejets  ou  à 
réparer  les  accidents  dont  nous  parlions  quelques  lignes  plus 
haut. 

On  voit  toute  l'importance  que  prend  en  sylviculture  la 
manière  dont  le  jeune  plant  se  comporte  à  l'égard  de  la  lu- 
mière. Il  n'est  donc  pas  surprenant  que  les  auteurs  forestiers 
soient  partis  de  cette  donnée,  à  l'exclusion  de  toutes  les 
autres,  pour  caractériser  le  tempérament  d'une  essence.  C'est 
ainsi  qu'en  Allemagne  on  les  distingue  en  essences  d'ombre 
et  essences  de  lumière.  En  France,  on  appelle  souvent  déli- 
cates les  essences  qui  ont  besoin  d'un  abri  dans  leur  jeunesse 
et  robustes  celles  qui  demandent  la  pleine  lumière  dès  leur 
naissance.  Les  expressions  allemandes  sont  peut-être  préfé- 
rables, en  ce  sens  qu'elles  ne  préjugent  en  rien  du  plus  ou 
moins  de  résistance  d'une  espèce  à  l'égard  des  influences 
mauvaises. 


38 


LES    ESSENCES. 


Toutefois  cette  division  ne  reste  absolument  vraie  que 
dans  les  régions  moyennes  de  l'Europe,  et,  même  dans  ces 
limites,  l'intensité  plus  ou  moins  grande  de  la  lumière  atténue  ou 
exagère  les  aptitudes  qui  caractérisent  chacun  des  deux  types. 


>5ubordoji7ze 


1        1      très  7*ai'e  ^  ou  Mil 

Fig.  17.  —  Distribution  du  Hêtre  (1). 

En  effet,  les  jeunes  plants  d'essence  de  lumière  supportent 
mieux  le  couvert  dans  les  régions  chaudes  et  bien  ensoleillées 
que  dans  les  stations  froides  et  brumeuses  ;  dans  les  pre- 
mières, certains  arbres  dits  à  couvert  léger  ont  une  frondaison 
plus  épaisse  que  ne  le  comporterait  cette  qualification  et  les 

(1)  L'Atlas  de  Statistique  forestière  de  1878,  auquel  nous  empruntons 
les  cartes  ci-jointes,  donne  la  distribution  des  essences  par  cantonne- 
ment. Les  limites  des  zones  sont  donc  bien  souvent  des  limites  admi- 
nistratives, qu'il  ne  faut  point  considérer  comme  rigoureusement 
exactes  :  tout  un  cantonnement  peut  être  ombré  d'une  certaine  façon, 
alors  que  l'essence  en  question  fait  défaut  sur  certains  points. 


Gl   M    I!   \l 


39 


espèces  clouées  de  la  l'acuité  de  repousser  de  souche  y  four 
nissent  des  rejets  plus  abondants.  C'est  ainsi  que  les  jeunei 
planls  de  chêne,  (pie  L'on  considère  comme  très  robustes  dans 
le  Nord  de  la  France,  où  ils  ne  résistent  pas  plus  de  trois  ou 


Fis:.  18. 


■H  vluù  p2*  l'année  entière  ; 60  ?'et plus 

MM     id    Zo  à  40 

1       1  tempéra  litre  d'été  supérieure  à  +20° 

Carte  météorologique,  d'après  la  France  météorologique, 
par  E.  Levasseur.  Paris,  Gh.  Delagrave. 


quatre  ans  à  l'action  du  couvert,  se  maintiennent,  dans  les 
forêts  du  bassin  de  l'Adour,  en  fourrés  vigoureux  sous  des 
massifs  complets  et  bien  feuilles.  C'est  ainsi  encore  qu'en 
Provence,  en  Italie  et  en  Espagne,  on  laisse  grimper  la  vigne 
contre  les  arbres  fruitiers,  et  les  raisins  mûrissent  dans  leurs 
cimes  malgré  l'ombre  du  feuillage. 

Influence  de  l'humidité  atmosphérique.  —  Les  essences 
à  frondaison  abondante,  comme  le  hêtre  et  le  sapin,  ont  une 
transpiration  très  active.  Il  en  résulte  que,  sous  un  climat  sec 


40  LES    ESSENCES. 

leurs  racines  sont  parfois  impuissantes  à  rétablir  l'équilibre 
et  l'arbre  est  exposé  à  périr  de  soif.  L'humidité  de  l'atmo- 
sphère leur  semble  pourtant  plus  indispensable  que  celle  du 
sol  ;  ainsi  les  hêtres  et  les  sapins  acceptent  un  terrain  relative- 
ment sec,  si  le  climat  est  humide,  tandis  qu'ils  dépérissent, 
bien  que  plantés  dans  un  sol  humide,  si  le  climat  est  trop 
sec. 

En  France,  le  hêtre  est  rare  et  fait  même  totalement  défaut 
dans  les  stations  dont  l'atmosphère  est  desséchée  en  été  par 
une  température  moyenne  supérieure  à  -\-20°.  Partout  ailleurs 
il  existe  en  quantité  variable,  excepté  cependant  aux  environs 
de  Fontainebleau,  sur  certains  cantons  disjoints  où  la  hauteur 
d'eau  fournie  par  les  pluies  annuelles  n'atteint  pas  40  centi- 
mètres. En  fait,  pour  qu'il  soit  dominant,  il  faut  que  cette 
quantité  atteigne  et  dépasse  60  centimètres. 

Le  hêtre  existe  donc,  en  plaine  et  en  montagne,  partout 
où  il  trouve  le  minimum  nécessaire  d'humidité  atmosphé- 
rique, qu'il  le  doive  au  voisinage  de  la  mer,  à  la  latitude,  ou 
à  l'altitude.  D'ailleurs,  bien  souvent,  on  le  voit  plus  abondant 
dans  l'intérieur  des  grands  massifs  forestiers,  à  cause  de  l'hu- 
midité relative  que  produit  la  forêt,  que  sur  les  lisières  expo- 
sées aux  vents  secs  soufflant  des  plaines  voisines. 

Le  sapin,  au  contraire,  n'est  spontané  que  dans  les  régions 
à  relief  montagneux,  ou,  à  tout  le  moins,  accidenté.  Toutes  nos 
montagnes  le  possèdent,  c'est  là  seulement  qu'il  trouve,  en 
même  temps  que  la  fraîcheur,  sans  doute  aussi  certaines 
autres  conditions  dont  nous  ne  nous  rendons  pas  très  bien 
compte. 

Il  ne  faudrait  pas  toutefois  spécialiser  aux  essences  d'ombre 
ce  besoin  d'humidité  atmosphérique  ;  car  le  mélèze,  essence 
de  lumière,  redoute  encore  plus  la  sécheresse  de  l'air  que  le 
hêtre  et  le  sapin. 

D'une  manière  générale,  d'ailleurs,  on  peut  dire  que  la 
vapeur  d'eau,  quand  elle  ne  se  présente  pas  sous  la  forme  de 
brouillards  trop  fréquents  qui  interceptent  la  chaleur  et  la 
lumière,  est  toujours  favorable  à  la  végétation  forestière. 
Néanmoins  certaines  espèces  sont  très  exigeantes  à  cet  égard, 
d'autres  beaucoup  moins  ;    il  en   est  même,   comme  le  pin 


(.1  M  R ALITES. 


\\ 


sylvestre,   et  surloul   le    pin   d'Alep  qui   fonl  preuve  d'une 
extrême  résistance  à   la  Bécheresse, 

Influence  de  la  température  et  influences  diverses.  — 
Le  plus  ou  moins  de  sensibilité  aux  excès  de  température, 
aussi  bien  en  dessus  qu'en  dessous  du  0  centigrade,  est  encore 


mm 


dvj}iiiia7?'t 
Subordonne 

rare 

t/res  rare   ou  :ml 

Fig.  19.  —  Distribution  du  Sapin. 


une  des  principales  causes  de  la  distribution  géographique 
des  espèces. 

Pour  chacune,  on  constate  une  limite  méridionale  de  son 
aire  d'habitation  fixée  par  un  degré  de  chaleur  qu'elle  ne  peut 
plus  supporter,  et  une  limite  septentrionale  où  un  froid  trop 
intense  met  obstacle  à  son  expansion.  Pourtant,  il  faut  bien 
reconnaître,  en  ce  qui  concerne  la  limite  méridionale,  que 
si  la  chaleur  agit  directement,  elle  intervient  surtout,  et  d'une 
façon  préjudiciable,  par  les  sécheresses  exagérées  qui  en 
sont  le  corollaire  habituel. 


42 


LES    ESSENCES. 


Les  espèces  indigènes  peuvent  être  classées  comme  il  suit, 
eu  égard  à  la  manière  dont  elles  se  comportent  en  présence 
du  froid. 

1°  Le  pin  d'Alep,  le  chêne  liège,  le  chêne  occidental, 
périssent   quand    le    thermomètre    descend    au-dessous    de 


domÙKZjvl 

subordonné 

rare 

1res  roL7-e  ou  nul 
Fig.  20.  —  Distribution  du  Chêne  vert. 

— 6°,  ou  du  moins  quand  il  se  maintient  quelque  temps  à  ces 
basses  températures. 

2°  Un  froid  prolongé  de  —  20°  tue  le  chêne  yeuse  et  le  pin 
maritime. 

Ces  deux  essences,  malgré  leurs  allures  franchement  méri- 
dionales, peuvent  remonter  assez  haut  vers  le  Nord  sur  les 
côtes  de  l'Océan,  où  le  voisinage  de  la  mer  atténue  les  effets 
de  la  latitude.  Au  contraire,  les  espèces  du  premier  groupe 
restent  confinées  dans  les  parties  chaudes  de  la  Provence  (1). 


(1)  Exception  doit  être  fuite  pour  le  chêne  occidental  qui  habite  le 


GÉNÉRALITÉS, 


43 


Cette  même  température  de  r-  20°  endommage  nu  tue  les 
tiges  du  chêne  tauzin  et  du  châtaignier,  mais  1rs  souches 
sont  rarement  atteintes  et  leur  régénération  par  rejets 
demeure  le  plus  souvent  assurée, 

3°  Si  le  thermomètre  descend  à  —  30°,  on    voit  disparaître 


domuiaiil 
suftordorwie 

/are 

1res  jwc  oujiuI 
Fig.  21.  —  Distribution  du  Pin  cTAlep. 


un  certain  nombre  de  tiges  de  chêne  rouvre,  de  chêne 
pédoncule,  d'érable  champêtre,  d'orme,  de  charme,  de  hêtre 
et  de  sapin. 

4°  Enfin  le  pin  de  montagne,  le  pin  sylvestre,  le  mélèze, 
l'épicéa,  le  pin  cembro,  parmi  les  résineux;  les  grands  érables, 
le  bouleau,  le  sorbier  des  oiseleurs,  etc.,  parmi  les  feuillus, 
semblent   pouvoir   supporter  les    froids   les   plus    vifs    dans 


bassin  de  la   Garonne,  mais    est  un   arbre  de  verger,    plutôt   qu'une 
essence  forestière. 


44 


LES    ESSENCES. 


les  stations  les  plus  extrêmes,  sous  le  climat  de  la  France. 
On  ne  saurait  donner  trop  d'attention  —  surtout  quand  on 
constitue  artificiellement  de  nouvelles  forêts  —  à  la  résistance 
au  froid  des  différentes  espèces.  Dans  notre  pays,  si  on  excepte 
les  régions  montagneuses  où  les  saisons  offrent  une  certaine 


dominant 

subordonné 

rare 

J      ?res  rare  ou  /tui 

Fig.  22.  —  Distribution  du  Charme. 


régularité,  on  est  exposé  à  supporter  de  temps  à  autre  un 
hiver  exceptionnel  par  sa  rigueur  et  qui  suffit  à  anéantir  des 
plantations  déjà  anciennes.  La  dure  expérience  faite  en  1879- 
1880  a  permis  de  classer  les  essences  indigènes  et  exotiques 
suivant  le  degré  de  résistance  dont  elles  ont  fait  preuve  (1). 


(1)  Charles  Baltet,  De  faction  du  froid  sur  les  végétaux  pendant 
Vhiver  1879-80.  Paris,  impr.  J.  Tremblay  1882.  Extrait  des  mémoires 
de  la  Société  nationale  d'agriculture  de  France,  t.  CXXVII. 


i.i  m  it  \i.iti:s. 


45 


Nous  en  dirons  quelques  mois  au  chapitre  des  repeuplements 
artificiels. 

En  dehors  de  l'action  des  gelées  d'hiver,  le  chêne,  le  hêtre, 
le  sapin  et  aussi  l'épicéa,  sont  souvent  atteints  par  les  gelées 
printanières.  Dans  certaines  stations  (vallons  particulièrement 


domiricL7il 

subordonne 

rare 

1res  rare  ou  nul 

Fig.  23.  —  Distribution  du  Chêne  tauzin. 


froids,  voisinage  des  étangs,  etc.)  les  dégâts  causés  par  cet 
accident  météorique,  se  répètent  assez  fréquemment  pour 
rendre  impossible  la  culture  de  ces  espèces.  Au  contraire,  les 
jeunes  pousses  du  pin  sylvestre  et  du  charme  supportent 
sans  danger  un  froid  persistant  de  plusieurs  degrés. 

Enfin  certaines  essences  ont  une  aire  d'habitation  res- 
treinte sans  que  les  causes  qui  en  fixent  les  limites  soient 
bien  apparentes.  Ainsi,  Tostrya  à  feuilles  de  charme  est  loca- 
lisé dans  le  Sud-Est,  le  chêne  tauzin  dans  le  Sud-Ouest,  le 


46  LES    ESSENCES. 

charme  est  un  arbre  du  Nord-Est  ;  Pourquoi?...  Nous  citons 
le  fait  sans  le  discuter. 

Aire  forestière.  —  llya  lieu  de  distinguer  l'aire  botanique 
d'une  espèce,  de  son  aire  forestière.  L'aire  botanique,  toujours 
la  plus  étendue,  comprend  toutes  les  régions  où  cette  espèce 
peut  vivre  et  se  reproduire.  Or,  dans  le  voisinage  des  limites 
de  cette  aire,  soit  en  latitude,  soit  en  altitude,  non  seulement 
le  végétal  considéré  peut  devenir  plus  rare,  mais  souvent 
encore  il  se  modifie.  Tous  les  observateurs  connaissent  les 
changements,  parfois  très  sensibles,  qui  afTectent  les  caractères 
de  la  plante  quand  le  climat  se  refroidit  ou  se  réchauffe  à 
l'excès  :  sa  taille  diminue,  sa  floraison  est  moins  abondante, 
ses  fruits  demeurent  stériles,  ses  feuilles  se  rapetissent  comme 
cela  arrive  chez  le  hêtre  aux  grandes  altitudes  et  dans  les 
stations  sèches  ;  dans  le  midi,  le  chêne  rouvre  garnit  de 
poils  ses  feuilles  et  ses  rameaux,  de  là  son  aspect  tomenteux 
et  son  nom  de  chêne  blanc 

Or,  si  certaines  de  ces  modifications  ne  sont  intéressantes 
que  pour  le  botaniste,  d'autres  peuvent  avoir  une  importance 
forestière  considérable.  A  quoi  bon  cultiver  telle  ou  telle 
essence,  si,  sous  un  climat  trop  froid,  elle  devient  chétive  et 
buissonnante?  A  quoi  bon  remplacer  des  essences  s'accommo- 
dant  d'hivers  rigoureux  par  d'autres  qui  ont  théoriquement 
plus  de  valeur,  si,  sous  la  latitude  du  lieu,  elles  ne  doivent 
donner  qu'un  bois  industriellement  déclassé  par  les  tares  de 
toutes  sortes  qui  dégradent  les  arbres  mal  venants  ? 

Nous  appellerons  donc  aire  forestière  d'une  essence,  l'éten- 
due des  régions  où  elle  peut,  non  seulement  vivre  et  se  repro- 
duire, mais  encore  donner  un  bois  d'œuvre  sain  et  capable  de 
jouer  un  rôle  économique  utile. 

Influence  des  qualités  chimiques  et  physiques  du  sol.  — 
En  général,  les  essences  forestières  se  montrent  assez  indiffé- 
rentes quant  aux  qualités  chimiques  du  sol.  Néanmoins  il 
résulte  d'analyses  faites  par  MM.  Fliche  et  Grandeau  (1)  que 
certaines  d'entre  elles,  sans  indiquer  une  préférence  pour  les 
autres  éléments    minéralogiques,   manifestent    une  évidente 

(1)  Annales  de  la  station  agronomique  de  VEst.  Quatre  mémoires  de 
recherches  chimiques  et  physiologiques  sur  la  végétation  forestière. 


i.l.M  HAI.ITl'.S. 


47 


répulsion  pour  la  chaux.  Ainsi  Le  pin  maritime  refuse  de  se 
développer  dans  les  terrains  qui  renferment  plus  de  4  p.  100 
de  calcaire  (1).  La  carte  ci-jointe  fait  voir  que  non  seulement 
ce  pin  recherche  les  climats  méridionaux,  mais  qu'il  évite  les 
calcaires  de  la  Provence,  et  reste  cantonné  sur  les  sables  de 


domùicuii 

sut>ordojirw 

rare 

1res- rare  ou,  nul 


Fig\  24.  —  Distribution  du  Pin  maritime. 


l'Océan  ou  sur  les  terrains  non  calcaires  des  Maures  et  de 
l'Esterel.  On  nomme  ces  essences  calciluges.  Beaucoup  d'ar- 
bustes et  de  sous-arbrisseaux  sont  dans  le  même  cas  :  la 
callune  (vulgairement  bruyère),  l'airelle  myrtille,  la  fougère 
impériale,  etc.. 

(1)  On  s'exposerait  à  de  grosses  erreurs  en  se  basant  sur  la  nature 
de  la  roche  sous-jacente  pour  qualifier  un  sol  de  calcaire  ou  de  siliceux: 
Par  lixiviation  ou  par  apport  de  matériaux,  un  terrain  reposant  sur 
des  dalles  calcaires  ne  contient  souvent  que  des  traces  infinitésimales 
de  chaux.  Une  analyse  rapide  au  calcimètre  s'impose. 


48  LES    ESSENCES. 

D'autres  espèces  affectionnent  aussi  les  sols  siliceux,  mais 
sans  qu'on  puisse  affirmer  que  cette  préférence  soit  due  à 
l'absence  de  chaux,  plutôt  qu'aux  qualités  physiques  propres 
aux  terres  de  cette  nature.  C'est  le  cas  du  pin  sylvestre,  qui 
se  plaît  dans  les  terrains  divisés  et  notamment  dans  les  sols 
graveleux  provenant  de  roches  dolomitiques. 

Quelques  essences,  comme  le  chêne  yeuse  et  le  pin  d'Alep, 
affectent,  au  contraire,  des  allures  calcicoles.  Mais  ici  encore, 
c'est  une  propriété  accessoire  des  sols  calcaires,  leur  plus 
grande  aptitude  à  réchauffement,  qui  les  leur  fait  rechercher. 
Ainsi  le  chêne  yeuse,  qui  ne  se  rencontre  en  France  que  sur 
les  calcaires,  est  beaucoup  moins  exclusif  en  Corse  et  en  Al- 
gérie (1). 

L'aune,  l'orme,  le  frêne,  le  pin  de  montagne,  peuvent 
vivre  dans  les  sols  aquatiques  pourvu  que  l'eau  ne  soit  pas 
stagnante;  les  terres  simplement  humides  conviennent  à  ces 
mêmes  espèces  et  au  chêne  pédoncule  ;  le  pin  maritime,  le  pin 
sylvestre,  le  pin  noir  d'Autriche,  le  pin  d'Alep  comptent 
parmi  les  essences  qui  s'accommodent  le  mieux  des  terrains 
secs  (2);  le  bouleau  a  la  faculté  de  tolérer  les  excès  d'humi- 
dité et  de  sécheresse. 


La  consommation  plus  ou  moins  grande  d'eau  que  font  les  végétaux 
ligneux,  comme  toutes  les  plantes  à  chlorophylle,  dépend  essentielle- 
ment de  la  transpiration.  Plus  les  feuilles  perdent  d'eau  par  la  trans- 
piration, plus  elles  en  extraient  du  sol  si  elles  fonctionnent  norma- 
lement... 

Les  résineux  forment  un  contraste  bien  net  avec  les  feuillus  :  leurs 
feuilles  aciculaires,  étroites  et  raides,  couvertes  d'un  épiderme  épais, 
fortement  cuticularisé  et  imprégné  de  résine,  provoquent  une  telle 
diminution  dans  la  transpiration  qu'elles  évaporent,  d'après  les 
recherches  de  von  Hœnel,  6  à  10  fois  moins  d'eau  que  celles  des  feuillus  ; 
en  conséquence,  les  résineux  ont  des  exigences  moindres  en  eau  et  en 

(1)  P.  Fliche  in  A.  Mathieu,  Flore  Forestière,  quatrième  édition, 
Paris,  J.-B.  Baillière  et  fils,  1897. 

(2)  Certains  sols  sont  évidemment  humides,  d'autres  évidemment 
secs.  Pourtant,  il  ne  faut  pas  se  fier  à  une  simple  apparence  :  la 
partie  superficielle  de  certaines  argiles,  de  certaines  marnes  prend 
un  aspect  de  sécheresse  extrême,  après  quelques  jours  de  soleil, 
alors  que  les  couches  profondes  tiennent  à  la  disposition  des  racines 
plus  d'eau  qu'on  se  l'imagine.  M.  le  professeur  Fliche  explique  de 
cette  façon  la  réussite  de  l'aune  dans  les  craies  de  la  Champagne. 


Gl  m  i:  M  il  i  S. 


49 


principes  nutritifs  que  les  arbres  feuillus  croissait  avec  <-ux  sur  le 

même  soi  (  i  ). 

Le  frêne,  le  chêne  n'atteignent  de  belles  dimensions  qu'en 
terrain  profond;  le  hêtre,  l'épicéa  et  quelques  autres  essences 
à  enracinement  traçant  acceptent  volontiers  des  sols  superfi- 
ciels. Certaines  espèces  sont  plus  accommodantes  que  d'autres, 
mais  il  reste  acquis,  en  principe,  que  la  végétation  forestière 
sera  toujours  plus  belle  sur  les  sols  frais  et  profonds  que  sur 
ceux  qui  présentent  les  qualités  inverses. 

Influence  de  la  fertilité.  —  De  même,  tous  les  arbres, 
comme  les  hommes  et  les  animaux,  préfèrent  une  nourriture 
abondante  à  un  régime  trop  maigre  ;  et,  si  Ton  voit  des 
essences  se  développer  convenablement  dans  les  sols  les  plus 
pauvres,  c'est  que,  douées  d'un  tempérament  frugal,  elles 
résistent  dans  un  milieu  où  d'autres  mourraient  d'inanition. 

A  la  suite  d'analyses  qu'il  a  fait  porter  sur  des  arbres  de 
la  forêt  de  Haye,  en  terrain  calcaire  jurassique,  M.  le  Pro- 
fesseur Henry  classe  nos  principales  espèces  de  la  manière 
suivante,  en  commençant  par  les  plus  exigeantes  (2)  :  1°  frêne 
et  érable  ;  2°  tremble;  3°  chêne,  orme  de  montagne  et  ali- 
sier; 4°  hêtre  et  charme. 

Le  frêne  enlève  au  sol  deux  fois  plus  de  potasse  et  d'acide 
phosphorique  que  le  hêtre. 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  M.  le  Professeur  Ebermayer  (3) 
distingue  : 

l°Les  feuillus,  à  grande  consommation,  demandant  plus  que 
tous  les  autres,  de  la  potasse  et  de  l'acide  phosphorique  ;  ils  ne 
prospèrent  que  dans  le  lehm,  les  marnes  et  les  calcaires  argi- 
leux. Citons  par  ordre  d'exigence  :  le  frêne,  le  peuplier  pyra- 
midal, l'orme  champêtre,  les  tilleuls,  le  sorbier  des  oiseleurs,  le 
robinier,  le  marronnier  d'Inde  et  les  érables  plane  et  sycomore; 

2°  Les  feuillus  à  consommation  moyenne  :  tremble,   saules 

(1)  Ebermayer,  La  nutrition  minérale  des  arbres  des  Forêts.  (Traduc- 
tion par  E.  Henry,  Amiales  de  la  station  agronomique  de  VEst.) 

(2)  E.  Henry,  Études  chimiques  sur  les  principales  essences  de  la 
forêt  de  Haye  et  sur  leurs  cendres.  (Annales  delà  station  agronomique 
de  l'Est.) 

(3)  Ebermayer,  loc.  cit. 

Boppe  et  Jolyet.  4 


50  LES    ESSENCES. 

et  chênes,  peuplier  blanc,   charme,  hêtre,  érable  champêtre; 

3°  Les  feuillus  à  faible  consommation  :  bouleau,  aune 
glutineux  et  aune  blanc; 

4°  Les  résineux  :  le  moins  frugal  est  le  sapin,  qui  exige 
sensiblement  plus  de  potasse  et  d'acide  phosphorique  que  les 
suivants;  puis  viennent  le  pin  cembro,  le  mélèze,  l'épicéa  (ce 
dernier  demande  une  notable  quantité  de  chaux,  autant  que  le 
hêtre),  le  pin  Weymouth,  enfin  le  pin  sylvestre  et,  pour  ter- 
miner la  série,  le  pin  noir  et  le  pin  de  montagne.  Après  cette 
dernière  espèce,  l'auteur  ne  range  que  la  callune  et  un  lichen. 

Il  faut  toutefois  remarquer,  avec  M.  Ebermayer,  qu'une 
espèce  peut  avoir  des  cendres  très  riches  en  certaines  substan- 
ces, sans  exiger  un  sol  qui  les  renferme  en  quantité  notable; 
elle  dispose  quelquefois,  en  effet,  de  moyens  spéciaux  qui  lui 
permettent  de  ...  gagner  sa  vie.  Ainsi  le  frêne  «  aime  à 
prendre  une  partie  de  sa  nourriture  à  l'état  de  dissolution 
dans  les  eaux  de  ruissellement  ou  d'infiltration  ;  dans  ces  cas,  il 
se  contente  de  sols  assez  pauvres  ».  L'aune,  les  saules  agissent 
de  même.  Le  robinier,  en  sa  qualité  de  légumineuse,  vit  en 
symbiose  avec  un  bacille,  grâce  auquel  il  transforme  direc- 
tement l'azote  de  l'air  en  matière  albuminoïde  :  malgré  ses 
exigences^  il  doit  être  rangé  parmi  les  espèces  améliorantes. 
Les  protubérances  des  racines  de  l'orme  glutineux  renferment 
un  schizomycète,  qui  joue,  sans  doute,  le  rôle  du  bacille  chez 
le  robinier.  Le  hêtre  s'accommode  de  sols  très  superficiels,  une 
couche  de  terreau  lui  suffit  :  en  effet  ses  radicelles  sont  en- 
tourées de  filaments  mycéliens,  ou  mycorhizes,  «  qui  appor- 
tent l'eau  et  les  matières  nutritives  et  par  l'intermédiaire  des- 
quelles les  arbres  se  nourrissent  bien  mieux  dans  les  sols  hu- 
miques  qu'ils  ne  le  feraient  à  l'aide  de  poils  radicaux  dans  les 
sols  minéraux  (Franck).  »  L'épicéa  est  dans  le  même  cas. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'extrême  frugalité  des  résineux,  jointe  à 
leur  moindre  besoin  d'eau,  fait  que  ces  essences  sont  toutes 
désignées  pour  rétablir  l'état  boisé  dans  les  forêts  épuisées 
et  pour  constituer,  par  voie  artificielle,  un  premier  peuplement 
dans  les  friches  et  les  landes  stériles.  Cette  observation  s'ap- 
plique   également  au  bouleau. 

Essences  sociales  et   essences   disséminées.    —  Dans 


ci'.m'h  w.rn's.  51 

le  travail  cité  plus  haut,  le  1>  Ebérmayèr  fait  une  inté- 
ressante comparaison  entre  les    végétaux    forestiers    et  les 

plantes  agricoles.  Seuls,  dit-il,  les  feuillus  du  premier  groupe, 
le  robinier  exeeplé,  exigent  des  sols  assez  lions  pour  la  cul- 
ture des  prairies  et  des  céréales.  Les  autres  se  contentent 
tous  de  terrains  que  l'agriculture  ne  pourrait  utiliser  à  moins 
de  fortes  fumures. 

Or,  dans  un  pays  de  vieille  civilisation  comme  le  nôtre,  les 
bonnes  terres  à  blé  sont  généralement  employées....  à  donner 
du  blé  ;  il  est  rare  que  le  sylviculteur  en  dispose.  Le  cas 
peut  se  présenter,  cependant,  motivé  par  des  raisons  spéciales  : 
déclivité  du  terrain,  fréquence  des  inondations,  etc.  Alors 
des  terres  excellentes  reviennent  à  la  culture  forestière; 
nous  en  avons  vu,  en  Bavière,  sur  des  terrains  basaltiques  dans 
la  région  de  Rhon  ;  nous  en  connaissons  également  sur  les 
bords  de  la  Saône,  de  l'Oignon,  de  l'Adour  ;  il  doit  s'en 
rencontrer  le  long  de  la  plupart  de  nos  grands  cours  d'eau. 

Mais,  ailleurs,  c'est-à-dire  dans  la  majorité  des  cas,  le  sol 
des  forêts  est  trop  pauvre  pour  nourrir  un  grand  nombre  de 
végétaux  exigeants.  De  même  que  les  animaux  de  proie  vivant 
de  chair,  c'est-à-dire  d'une  nourriture  de  luxe,  sont  moins 
nombreux  que  le  peuple  des  granivores  ou  des  rongeurs,  de 
même  les  gros  mangeurs  de  potasse  et  d'acide  phosphorique 
doivent  rester  clairsemés.  Les  nombreuses  familles  sont 
l'apanage  des  petites  gens,  a  dit  quelque  part  Toussenel. 

Ceci  nous  amène  à  classer  nos  arbres  forestiers  en  deux 
grands  groupes  :  les  essences  sociales  et  les  essences  dissé- 
minées. 

Les  premières,  grâce  à  leur  frugalité  et  à  une  certaine  flexi- 
bilité de  tempérament,  semblent  se  plier  au  plus  grand  nom- 
bre des  circonstances  locales;  aussi  constituent-elles  la  partie 
principale,  souvent  même  la  totalité  des  peuplements.  Le 
chêne,  le  hêtre,  le  sapin,  l'épicéa,  les  pins,  sont  des  essences 
sociales. 

Les  essences  disséminées,  au  contraire,  affectent  de  vivre,  soit 
par  pieds  isolés,  soit  par  bouquets  épars.  Cette  répulsion 
apparente  pour  leurs  semblables  résulte  d'exigences  trop 
spéciales  de  leur   part  au  point  de  vue  de  la  fertilité  du  sol. 


52  LES    ESSENCES. 

Réunies  en  grand  nombre  sur  un  même  point,  à  moins  qu'il 
s'agisse  de  l'un  de  ces  terrains  d'une  fertilité  exceptionnelle 
que  nous  citions  plus  haut,  elles  s'affament  entre  elles,  et 
l'individu  le  mieux  doué  résiste  seul.  Les  frênes,  les  ormes, 
les  érables,  les  fruitiers,  les  bois  blancs,  font  partie  de  ce 
groupe,  qui  ne  contient  que  des  espèces  feuillues. 

La  variété  de  la  flore  forestière  sur  un  même  point  est  donc 
un  indice  certain  de  la  fertilité  du  sol,  et  aussi  de  la  douceur 
du  climat.  Car,  plus  les  circonstances  sont  mauvaises,  plus  est 
restreint  le  nombre  des  espèces  douées  d'une  force  de  résis- 
tance suffisante  pour  s'y  maintenir.  C'est  ainsi  que  les  es- 
sences disséminées  sont  toutes,  ou  à  peu  près  toutes,  canton- 
nées dans  les  régions  de  plaine.  En  montagne,  au  contraire, 
on  rencontre  surtout  des  espèces  sociales;  parfois  même, 
dans  les  stations  les  plus  rudes,  une  seule  forme  occupe  toute 
la  forêt. 

Dissémination.  —  La  nature  semble  d'ailleurs  avoir  pris 
soin  de  régler  la  répartition  des  essences  sociales  et  des 
essences  disséminées  par  la  manière  dont  elle  assure  leur 
multiplication. 

Toutes  les  espèces  à  semences  lourdes  sont  sociales  par  la 
force  des  choses  et  aussi  par  nécessité  :  d'une  part,  en  effet, 
ces  semences  tombent  au  pied  de  l'arbre  qui  les  porte,  ce  qui 
dispose  les  nouveaux  individus  par  bouquets  et  même  par 
masses  considérables;  d'autre  part,  elles  ont  besoin,  pour  se 
protéger  contre  le  froid  et  la  dessiccation,  d'une  couverture  de 
feuilles  mortes  qui  ne  se  rencontre  que  dans  les  massifs 
forestiers  ;  tombant  en  automne,  avant  la  chute  des  feuilles, 
qui  les  recouvrent  quelques  jours  plus  tard,  elles  sont,  en 
outre,  recherchées  par  les  rongeurs  (1),  par  les  sangliers,  et 
ces  animaux  en  enfouissent  autant  qu'ils  en  mangent. 

(1)  Bien  que  sociales,  ces  essences  ne  sont  pas  dépourvues  de  tout 
moyen  de  dissémination  au  loin.  Ce  sont  les  petits  rongeurs,  en  accu- 
mulant des  provisions  d'hiver  exagérées,  les  geais,  en  transportant 
des  glands  ou  des  faînes  qu'ils  oublient  ou  laissent  tomber,  qui  se 
chargent  de  cette  mission.  Les  chênes  nés  de  glands  réunis  par  les 
rongeurs  naissent  par  paquets  ;  ceux  qui  proviennent  des  semences 
jetées  çà  et  là  par  les  oiseaux  germent  isolés. 


G]  NI  RALITÉS. 


53 


Toutes  les  espèces  disséminées  ont  des  semences  légères, 
souvent  ailées,  ou  munies  d'aigrettes  rendant  plus  facile  leur 
transport  par  le  vent,  qui  les  disperse  au  loin  (1).  D'ailleurs 
elles  sont,  non  plus  charnues,  mais  sèches,  et  supportent 
sans  en  souffrir  de  fortes  gelées.  Elles  germent,  enfin,  sur 
un  sol  nu,  pourvu  qu'elles  y  rencontent  la  faible  quantité 
d'humidité  qui  leur  est  nécessaire.  Une  épaisse  couverture 
morte  est,  pour  beaucoup  d'entre  elles,  plus  nuisible  qu'utile  à 
leur  installation  ;  car,  en  raison  de  l'extrême  ténuité  de  leurs 
organes  naissants,  elles  recherchent,  avant  tout,  une  surface 
meuble  [2)  et  riche  en  terreau;  aussi,  pour  en  faciliter  l'ins- 
tallation, la  nature  fait-elle  tomber  leurs  semences  pendant 
l'hiver,  après  la  chute  des  feuilles,  quand  celles-ci  sont  déjà 
tassées  et  en  voie  de  décomposition.  Ajoutons  qu'elles  sont 
presque  toutes  d'une  exubérante  fécondité  et  que  leurs  jeunes 
semis,  dont  la  croissance  est  des  plus  rapides,  luttent  avan- 
tageusement contre  la  végétation  herbacée  au  milieu  de  la- 
quelle ils  sont  jetés, 

Tous  les  résineux  ont  des  semences  ailées,  dont  la  dissémi- 
nation se  fait  au  loin  sous  l'action  du  vent,  comme  chez  les 
espèces  précédentes.  Et,  pourtant,  ce  sont  des  essences  so- 
ciales. Mais,  en  général  cantonnées  dans  les  régions  monta- 
gneuses et  dans  les  mauvais  sols  de  la  plaine,  elles  ont  peu  à 
redouter  la  compétition  d'autres  espèces.  Elles  donnent  d'ail- 
leurs des  graines  en  quantité  suffisante  pour  assurer,  tout  à  la 
fois,  la  régénération  des  massifs  qu'elles  constituent,  et  leur 
installation  dans  les  pâturages  avoisinants,  qu'elles  auraient 
bien  vite  envahis,  si  l'homme  et  les  troupeaux  n'y  mettaient 
obstacle  (3).  Enfin,  les  résineux  sont  tous  plus  ou  moins  des 

(1)  Les  fruitiers  ont  des  semences  lourdes  et  charnues  ;  mais  les 
graines  sont  transportées  de  côtés  et  d'autres  par  les  oiseaux  et  se  re- 
trouvent dans  leurs  déjections  :  le  résultat  est  le  même. 

(2)  Aussi,  exception  faite  des  forêts  en  terrain  sablonneux,  où  le 
peuplement  n'est  pas  très  dense,  où  le  sol  n'est  jamais  compact,  les 
semis  des  saules  et  des  bouleaux  n'apparaissent-ils  nombreux  que  dans 
les  clairières  et  principalement  sur  les  anciennes  places  à  charbon, 
dont  Taire  est  couverte  de  fraisil.  Ils  sont  plus  que  rares  dans  le  massif 
lui-même. 

(3)  C'est  ainsi  que  la  dispersion  de  leurs  graines  légères  fait  remonter 
certaines  espèces  au  delà  des  limites  de  l'aire  où  elles  mûrissent  leurs 


54  LES    ESSENCES. 

essences  de  lumière,  leurs  jeunes  plants  naissent  dans  des 
clairières,  dans  des  vides,  plutôt  que  sous  la  projection  immé- 
diate des  vieux  arbres.  Le  sapin  seul  fait  exception,  par  le 
poids  de  sa  graine  plus  grosse  que  celle  des  épicéas  et  de  la 
plupart  des  pins  de  nos  forêts,  par  la  désarticulation  de  son 
cône,  dont  toutes  les  graines  tombent  en  bloc  sur  le  sol;  cette 
essence  d'ombre  par  excellence  n'est  pas  sans  présenter 
quelques  analogies  avec  les  espèces  feuillues  sociales,  le  hêtre 
notamment. 

En  résumé,  si  l'on  considère  l'énorme  production  des  se- 
mences forestières,  les  procédés  multiples  mis  en  œuvre  pour 
assurer  leur  dispersion  et  leur  adaptation  aux  milieux  pro- 
pices, il  semble  que  la  nature  ait  voulu  rétablir,  au  profit  de 
l'espèce  végétale,  la  faculté  de  locomotion  qu'elle  a  refusée  à 
l'individu.  Un  arbre  périra,  plusieurs  fois  séculaire,  sur  le 
point  même  où  le  hasard  a  fixé  la  graine  dont  il  est  sorti  ;  mais, 
longtemps  avant  sa  mort,  sa  descendance,  qui  constitue  le 
massif,  se  meut  sans  cesse  dans  toutes  les  directions.  Cette 
progression  continue,  pour  être  plus  lente,  n'est  pas  moins 
assurée  que  celle  des  animaux  doués  de  mouvement,  et  bientôt 
la  forêt  aurait  reconquis  son  ancien  domaine,  si,  à  tout  instant, 
l'homme  ne  venait  pas  l'arrêter  dans  sa  marche  envahissante. 

Longévité.  —  Dans  la  pratique  forestière,  par  longévité, 
il  faut  entendre  non  pas  la  durée  absolue  de  la  vie  des  arbres, 
mais  le  temps  pendant  lequel  leur  bois  reste  généralement 
sain.  D'ailleurs  chaque  espèce  est  douée  d'une  vitalité  qui  lui 
est  propre,  mais  dont  un  concours  de  circonstances  plus  ou 
moins  favorables  peut  avancer  ou  reculer  le  terme  dans  des 
limites  très  étendues. 

Les  conifères  et  toutes  les  essences  de  bois  dur,  peut-être  le 
charme  excepté,  sont  susceptibles  de  s'accroître  sans  dépérir 
pendant  cent  cinquante   ans  et  même  davantage.    Certaines 

fruits.  On  remarque,  en  effet,  que,  clans  la  haute  montagne,  vers  les 
confins  supérieurs  de  leur  habitat,  les  forets  résineuses  se  prolongent 
et  s'égrènent  en  arbres  épars,  qui  sont,  en  général,  stériles.  Ils  pro- 
viennent des  semences  apportées  des  massifs  inférieurs.  Que  ceux-ci 
soient  imprudemment  détruits,  les  arbres  des  pâtures,  n'étant  plus 
remplacés,  disparaîtront  après  eux. —  A.  Mathey,  Inspecteur-adjoint  des 
Eaux  et  Forêts,  le  Pâturage  en  forêt.  Besançon,  imp.  Paul  Jacquin,  1900* 


ci  \i  it  IUTBS.  .)•) 

espèces,  nolammcnt  le  chêne  el  le  mélèze,  se  maintiennent 
en  massif  pendant  trois  cents  ans  et  pins.  En  général,  les  bois 
tendres  et  les  arbustes  ont  une  durée  beaucoup  moindre. 

Un  climat  favorable  augmente  la  longévité;  aussi  les  es- 
pèces naturalisées  ou  introduites  vivent-elles  moins  long- 
temps que  dans  leur  station  d'origine  ;  mais  l'influence  de 
la  fertilité  du  sol  est  capitale  :  sur  un  terrain  pauvre  ou  man- 
quant de  profondeur,  les  arbres  tombent  en  décrépitude  bien 
avant  l'âge  normal.  On  chercherait  vainement  à  les  maintenir 
sur  pied  au  delà  de  ces  limites;  tous  périraient  sans  profit. 

Dans  une  même  station,  l'état  de  massif  augmente  ou  dimi- 
nue la  longévité  d'un  sujet  considéré  isolément  ;  tel  arbre 
appartenant  à  une  espèce  plus  longévive  que  ses  voisins,  sera 
fatalement  entraîné  par  le  dépérissement  du  massif  avec 
lequel  il  fait  corps  :  il  partagera  le  sort  commun  quand,  seul, 
ou  associé  à  ses  semblables,  il  aurait  pu  vivre  plus  longtemps; 
tel  autre,  au  contraire,  verra  son  existence  prolongée  par 
les  conditions  meilleures  de  protection  et  d'humidité  que  lui 
assure  l'état  de  massif. 

C'est,  d'ailleurs,  sous  l'influence  de  l'énergie  vitale  propre  à 
chaque  individu  que  la  sélection  s'opère  dans  les  forêts  natu- 
relles d'une  manière  plus  parfaite  que  dans  les  milieux  culti- 
vés. En  effet,  la  nature  jette  à  profusion  les  germes  des 
arbres  forestiers  ;  mais  il  n'en  survit  qu'un  petit  nombre, 
appartenant  aux  types  les  plus  parfaits,  lesquels,  en  arrivant 
à  l'âge  de  la  fertilité,  fourniront  les  germes  les  mieux  préparés 
pour  la  propagation  de  l'espèce.  Cet  argument  doit  être  invo- 
qué en  faveur  de  la  régénération  naturelle;  car,  lorsqu'on 
élève  les  plants  destinés  à  la  régénération  artificielle  dans  des 
pépinières  où,  par  des  soins  constants,  on  en  sauve  le  plus 
grand  nombre,  on  constitue  les  peuplements  avec  une  foule 
de  tiges  de  vigueur  au-dessous  de  la  moyenne,  et  que  la  na- 
ture aurait  éliminées.  Il  en  est  de  même  pour  les  semis  de 
main  d'homme,  dans  lesquels  on  est  obligé  d'épargner  la  graine 
par  raison  d'économie.  Semis  et  plantation  donneront  des 
massifs  moins  résistants  que  ceux  de  la  forêt  naturelle,  et, 
dans  l'avenir,  les  races  iront  en  s'affaiblissant. 


56  LES    ESSENCES. 

ARTICLE    II 

MONOGRAPHIES  DES  PRINCIPALES  ESSENCES  (1) 

Le  chêne  rouvre  et  le  chêne  pédoncule. 

Aire  et  Station.  —  Indifférents  à  la  composition  minérale 
du  terrain,  ces  deux  chênes  se  plaisent  surtout  dans  les  sols 
profonds,  argileux  sans  trop  de  compacité.  Bien  que,  pendant 
longtemps,  on  les  ait  considérés  comme  pouvant  impunément 
se  substituer  l'un  à  l'autre,  ils  manifestent  des  préférences 
distinctes  (2).  Le  pédoncule  exige  un  sol  humide  ou,  tout  ou 
moins,  frais;  les  terrains  argilo-sablonneux,  fussent-ils  sub- 
mergés en  certaines  saisons,  lui  sont  très  favorables,  c'est, 
par  excellence,  l'espèce  des  grandes  plaines  et  des  vallées.  Au 
contraire,  les  sols  bas,  argileux,  humides  conviennent  peu  au 
chêne  rouvre  ;  celui-ci  préfère  les  terrains  plus  meubles,  gra- 
veleux, sablonneux,  calcaires,  pourvu  qu'une  certaine  quan- 
tité d'argile  y  maintienne  la  fraîcheur  dont  il  ne  peut  se 
passer;  les  collines,  les  plateaux,  les  contreforts  des  mon- 
tagnes, où  il  trouve  plus  habituellement  toutes  ces  conditions 
réunies,  forment  sa  station  de  prédilection.  On  ne  saurait 
attacher  trop  d'importance,  dans  les  travaux  de  repeuple- 
ment, à  cette  différence  fondamentale,  afin  de  placer  chacune 
des  deux  formes  dans  la  station  qui  lui  est  propre. 

Sous  ces  réserves,  le  chêne  pédoncule  et  le  chêne  rouvre, 
se  rencontrent  en  France  à  peu  près  partout,  sauf  dans  la  haute 
montagne  et  dans  les  stations  les  plus  chaudes  du  littoral  de 
la  Méditerranée.  Le  premier  est  très  abondant  dans  les  régions 
du  sud-ouest  où  il  peuple,  presque  à  lui  seul,  les  forêts  feuil- 
lues des  Landes  et  du  bassin  de  l'Adour.  C'est  lui  qu'on  plante 
dans  les  haies  de  la  Normandie,  c'est  lui  qu'on  retrouve  dans 

(1)  Nous  indiquerons  sommairement  la  distribution  géographique  des 
essences  et  nous  prierons  le  lecteur  de  se  reporter  pour  plus  de  détails 
à  la  Flore  forestière,  par  A.  Mathieu,  4e  édition,  revue  par  M.  Fliche, 
Paris,  J.-B.  Baillière  etfds,  1897.  C'est  à  cette  flore  que  nous  emprun- 
tons toutes  les  données  botaniques. 

(2)  Dubois,  Considérations  cullurales  sur  les  futaies  du  chêne  du 
Blésois,  Blois,  Lexesne,  1856. 


LE   CHÊNE    ROUVBE   V.T    LE   CHENE    PÉDONCULE.  •>/ 

les  alluvions  de  la  Saône  el  de  nos  grandes  vallées.  Le  second 
domine  dans  le  centre  de  la  France  et  dans  les  régions  acci- 
dentées; il  s'élève  môme  jusqu'à  I  000  mètres  d'altitude  et  au 
delà.  Ces  chênes  atteignent  leur  maximum  d'expansion  dans 
la  zone  tempérée,  où  ils  caractérisent, par  leur  abondance,  une 
région  se  confondant  souvent  avec  celle  de  la  vigne;  au-dessus 
d'eux  on  trouve  le  sapin. 

Tempérament.  —  Les  deux  espèces  ont  un  jeune  plant 
robuste  ;  leur  couvert  est  léger,  souvent  même  incomplet 
pour  le  pédoncule.  Ils  résistent  bien  à  la  chaleur,  assez  bien 
aux  grands  froids  de  l'hiver,  mais  leur  feuillage  est  très  sen- 
sible aux  gelées  printanières  ;  le  pédoncule,  qui  entre  en 
végétation  plus  tard  que  le  rouvre,  est  moins  exposé  à  ces 
accidents  (1).  L'un  et  l'autre  repoussent  parfaitement  de 
souche  et  conservent  cette  faculté  jusqu'à  un  âge  très  avancé. 

Enracinement,  fructification.  —  La  racine  de  ces  deux 
chênes  est  essentiellement  pivotante.  Le  gland  est  un  fruit 
lourd  ;  les  années  de  semence,  ou  glandées,  sont  surtout  fré- 
quentes dans  la  région  du  Sud-Ouest,  où  l'on  peut  récolter  des 
fruits  presque  tous  les  ans;  plus  on  s'avance  vers  le  Nord, 
plus  les  glandées  sont  rares  ;  dans  la  France  septentrionale, 
elles  se  font  parfois  attendre  dix  et  même  quinze  ans. 

Croissance,  longévité.  —  La  croissance  de  ces  chênes, 
lente  au  début,  devient  bientôt  assez  active  dans  les  bons 
sols  ;  elle  se  soutient  jusqu'à  un  âge  très  avancé,  car  leur  lon- 
gévité est  très  considérable  et  dépasse  plusieurs  siècles. 
L'accroissement  en  hauteur  des  arbres  en  massif,  comme  des 
sujets  isolés,  s'arrête  vers  l'âge  de  cent  ans. 

Bois  et  usages.  —  Le  bois  de  chêne  doit  être  mis  au  pre- 
mier rang  pour  l'ensemble  des  qualités  qu'on  y  rencontre  ; 
mais,  suivant  la  nature  du  sol  et  du  climat,  qui  active  ou  ra- 
lentit la  végétation,  il  est  plus  ou  moins  nerveux  ou  plus  ou 
moins  tendre.    Le  bois  du    pédoncule  est,  en     général,  plus 


(1)  Cette  observation  de  M.  l'Inspecteur  Bartet  dans  la  forêt  de 
Haye  [Observations  phénologiques  sur  les  chênes  rouvre  et  pédoncule), 
(Ann.  Se.  agronom.  française  et  étrangère^,  suffirait  à  expliquer  ce  fait 
souvent  constaté  que  les  chênes  pédoncules  donnent  des  glands  plus 
fréquemment  que  les  chênes  rouvres. 


58  LES    ESSENCES. 

dense  que  celui  du  rouvre,  il  convient  mieux  comme  bois  de 
construction.  Le  rouvre  est  plus  estimé  pour  le  travail  et 
pour  la  fente  ;  le  pédoncule  de  Hongrie  donne,  néanmoins 
du  merrain  très  apprécié. 

Produits  accessoires.  —  L'écorce  de  ces  deux  chênes  est 
utilisée  comme  écorce  à  tan  ;  celle  du  rouvre,  qui  croît  sur  les 
coteaux  chauds  et  bien  éclairés,  est  généralement  plus  riche 
et  plus  recherchée. 

Allures  forestières.  —  «  Le  grand  mérite  du  chêne  pour 
les  propriétaires  de  bois,  dit  M.  Broilliard  (1),  c'est  qu'il 
abonde  dans  les  forêts,  qu'il  croît  dans  presque  tous  les  sols, 
qu'il  prospère  à  l'état  de  massif  ou  d'arbre  isolé,  en  futaie 
comme  en  taillis,  et  qu'il  joint  à  la  rusticité  une  longévité  per- 
mettant à  la  plupart  des  sujets  d'arriver  à  de  grandes  dimen- 
sions. » 

Le  chêne  s'accommode  très  bien  du  traitement  en  taillis 
simple  et  fournit  un  chauffage  estimé,  surtout  quand  il  pro- 
vient de  taillis  écorcés  ;  on  le  vend  alors  sous  le  nom  de  hois 
pelard. 

Mais  le  principal  mérite  du  chêne  consiste  dans  ses  qualités 
comme  bois  d'œuvre  et  clans  les  grandes  dimensions  qu'il  est 
susceptible  d'acquérir.  Traité  en  futaie,  il  devient  le  géant  des 
forêts  de  la  plaine;  par  contre,  ce  n'est  pas  avant  l'âge  de 
deux  cents  à  trois  cents  ans  qu'il  acquiert  son  maximum  de 
valeur.  Les  massifs  qu'il  forme  ont  besoin  d'être  desserrés  de 
bonne  heure  ;  mais  alors  ils  entretiennent  mal  la  fertilité  du 
sol.  11  ne  convient  donc  pas  d'élever  le  chêne  à  l'état  pur  et 
on  doit  le  conduire  en  mélange  avec  le  hêtre  ou  avec  le 
charme  ;  à  leur  défaut,  il  est  indispensable  de  conserver  avec 
soin  toute  la  végétation  arbustive  qui  se  développe  en  sous- 
bois,  grâce  à  la  demi-lumière  tamisée  à  travers  sa  cime  (2).  A 
ce  point  de  vue,  l'exercice  du  pâturage  sous  les  vieilles  fu- 
taies de  chêne  est  particulièrement  nuisible.  En  général,  le 
feuillage  plus  fourni  du  chêne  rouvre  lui  permet  de  mieux 
accepter  ce  genre  de  traitement. 

Leur  tempérament  robuste,    leurs  exigences  spéciales    au 

(1)  Broilliard,  Traitement  des  bois  en  France. 

(2)  Dubois,  loc.  cit. 


LE    CHÊNE    ROUVRE    ET    LE    CHINE    PEDONCULE.  59 

point  de  vue  de  la  lumière  el  de  l'espace,  disposent  naturelle- 
ment ces  deux  chênes  et,  plus  spécialement  le  pédoncule,  à 
rechercher  l'état  isolé  |  I),  aussi  les  rlève-t-on  avec  avantage 
sous  l'orme  de  réserves  dans  les  taillis  sous  futaie.  Ils  donnent 
alors  une  proportion  de  bois  d'œuvre  moins  forte  que  dans  les 
massifs  de  futaie,  mais,  grâce  à  un  grossissement  plus  rapide, 
leur  bois  acquiert  la  plus  grande  dureté.  Isolés  dans  les 
campagnes,  ils  fournissaient  autrefois  des  pièces  courbes 
recherchées  pour  les  constructions  navales. 

Ces  deux  chênes,  le  rouvre  surtout,  possèdent  la  précieuse 
faculté  de  se  plier  aux  conditions  les  plus  diverses  que  le 
traitement  leur  impose  ;  ils  vivent  môme  longtemps  en  forme 
de  têtards  et  d'arbres  d'émonde.  Dans  les  sols  les  plus  maigres 
et  les  plus  secs,  le  rouvre  végète  sous  les  dimensions  réduites 
d'un  simple  buisson  ;  c'est  sous  cette  forme  qu'on  le  voit  per- 
sister dans  certaines  forêts  ruinées,  comme  le  dernier  repré- 
sentant des  anciennes  richesses.  En  un  mot,  suivant  la  fertilité 
des  milieux,  le  chêne  se  montre  exigeant  ou  frugal  ;  mais, 
c'est  seulement  dans  les  bons  sols,  qu'il  mérite  sa  réputation 
et  que  les  dépenses  pour  le  multiplier  se  justifient. 

Variétés.  —  Le  chêne  rouvre  et  le  chêne  pédoncule,  comme 
beaucoup  d'espèces  dont  les  aires  sont  étendues,  présentent 
d'assez  nombreuses  variétés. 

Nous  en  citerons  deux  : 

1°  Le  chêne  pubeseent,  variété  du  chêne  rouvre  :  c'est 
le  chêne  blanc  du  midi,  arbre  généralement  de  petite  taille, 
souvent  tortueux  ou  même  simple  buisson,  mais  qui  n'en  est 
pas  moins  précieux  par  la  complaisance  avec  laquelle  il  ac- 
cepte de  croître  dans  les  pierrailles  calcaires  brûlées  par  le 
soleil. 

2°  Le  chêne  de  juin  ou  tardif,  variété  du  chêne  pédoncule  : 
cette  intéressante  variété,  signalée  en  France  par  M.  le  Con- 
servateur de  Béer  dès  1877,  est  surtout  connue  depuis  l'étude 

(1)  Le  chêne  pédoncule  constitue  rarement  des  massifs  de  futaie 
pleine  :  ainsi,  dans  certaines  régions  de  la  Normandie,  il  est  très  com- 
mun dans  les  haies  qui  séparent  les  héritages  et  fait  totalement  défaut, 
à  quelques  pas  de  là,  dans  les  futaies  domaniales.  Il  est,  au  contraire, 
l'arbre  des  taillis  sous  futaie,  dont  il  fournit  les  réserves  idéales  (quand 
la  nature  du  sol  s'y  prête,  bien  entendu). 


60 


LES    ESSENCES. 


très  complète  qu'en  a  faite  M.  le  Conservateur  Gilardoni  (1). 
L'épanouissement  tardif  de  ses  bourgeons  (ils  s'ouvrent  un 


Fig.  25 


,    _   Forci  du   Petit-Noir  (Jura).    Vue   prise    le    10  mai  1894  : 
à  droite  Chêne  de  juin.  (Photographie  de  M.  Gilardoni.) 


mois,  quelquefois  deux  mois  plus  tard  que  ceux  des  chênes 
pédoncules  ordinaires)  (fig.  25), met  cet  arbre  à  l'abri  des  ge- 

(1)  Le  chêne  de  juin,  notice  sur  une  variété  bressane  du  chêne  pé- 
doncule, par  M.  Gilardoni,  inspecteur  des  Forêts.  Nancy,  impr.  Ber- 
ger-Levrault  et  Gie,  1X95. 


LE    CIIIiNF    ROUVRE    ET    LE    CHENE    I' NCULÉ, 


61 


lées  printanières.  11  est  Burtoul  commun  dans  la  vallée  d<-  la 
Saône  (départements  do  Saône- et- Loire  el  du  Jura).  M.  le 
Conservateur  Duchalais  l'a  retrouvé  dans  la  vallée  d<-  la 
Loire  et  M.  Fôldes  en  Hongrie.  Des  expériences  faites  à 
l'Ecole  Nationale  des  Eaux  et  Forêts  à  Nancy  (fîg.  26),  ont 


Fig.  26.  —  A  gauche  Chênes  de  juin,  glands  de  la  forêt  du  Petit-Noir 
(Jurai.  —  Adroite  Chênes  pédoncules  ordinaires,  glands  de  la  forêt 
du  Petit-Noir  (Jura).  Semis  en  automne  1896,  dans  le  jardin  de  l'École 
Nationale  des  Eaux  et  Forêts.  Aspect  le  4  mai  1898.  (Photographie 
de  M.  l'Adjudant  Fournel.) 

montré  que  le  caractère  particulier  à  cet  arbre,  le  retard 
dans  la  foliaison  et  la  floraison,  était  complètement  hérédi- 
taire (1). 

Le  port  des  chênes  tardifs  est  particulièrement  élancé, 
avantage  dû  sans  doute  à  ce  que  la  croissance  n'est  pas  en- 
travée par  les  accidents  de  gelée. 


(1)  Bulletin  Société  des  Sciences  de  Xancy,  1899. 


62  LES    ESSENCES. 


Le  chêne  tauzin. 


Aire  et  station.  —  Cette  essence,  propre  au  Sud-Ouest  de 
la  France,  caractérise  la  région  océanique  qui  s'étend  des 
Pyrénées  à  la  Loire  et  même  un  peu  plus  au  Nord,  et  du 
littoral  à  une  ligne  tirée  d'Orléans  à  Tulle  et  à  Toulouse. 
Elle  semble  préférer  les  sols  siliceux  et  croît  plutôt  dans  les 
stations  du  chêne  pédoncule  que  dans  celles  du  chêne  rouvre. 

Tempérament.  —  Le  tempérament  du  jeune  plant  est  ro- 
buste ;  le  couvert  de  l'arbre  est  léger  ;  on  ne  rencontre  le 
chêne  tauzin  que  dans  les  stations  où  les  grands  froids  de 
l'hiver  et  les  gelées  printanières  sont  peu  à  craindre.  D'ail- 
leurs, comme  il  entre  en  végétation  très  tardivement,  il  est 
moins  exposé  que  les  deux  espèces  précédentes  à  ces  derniers 
accidents.  Il  repousse  très  bien  de  souches. 

Enracinement,  fructification.  —  Bien  que  pourvu  d'un 
pivot,  ce  chêne  est  particulièrement  remarquable  par  ses  ra- 
cines traçantes,  qui  possèdent  au  plus  haut  degré  la  faculté  de 
drageonner. 

La  production  des  glands  est  assez  abondante  chaque  année. 

Croissance.  —  Le  chêne  tauzin  est,  le  plus  souvent,  un 
arbre  tortueux;  il  est  loin  d'atteindre  les  belles  dimensions 
du  rouvre  ou  du  pédoncule. 

Bois  et  usages.  —  Son  bois  raide,  se  gerçant  et  se  tour- 
mentant beaucoup,  peu  estimé  comme  bois  de  construction 
ou  de  travail,  est,  au  contraire,  recherché  comme  bois  de  feu. 

Produits  accessoires.  —  L'écorce  jeune  renferme  beau- 
coup de  tanin  et  fournit  du  tan  d'une  qualité  supérieure. 
Dans  les  départements  du  Sud-Ouest,  ses  glands  sont  récoltés 
pour  l'engraissement  des  porcs. 

Allures  forestières.  —  Le  traitement  en  taillis  convient  à 
tous  égards  au  chêne  tauzin  ;  il  doit  même  lui  être  exclusive- 
ment appliqué,  car  ses  dimensions  toujours  restreintes  et  ses 
médiocres  qualités  comme  bois  d'œuvre,  font  qu'on  n'aurait 
aucun  intérêt  à  le  traiter  en  futaie. 


LE    CHÊNE    LIÈGE    BT    LE    CHÊNE    OCCIDENTAL,  63 


Le  chéne-llège  et  1<*  chêne  occidental. 

Le  chêne-liège  est  une  essence  exclusivement  méditerra- 
néenne. Répandu  en  Corse  et  en  Algérie,  il  occupe  dans  la 
France  continentale  trois  régions  disjointes  :  les  Maures  et 
l'Esterel,  —  le  Gard  et  l'Hérault,  —  les  Pyrénées-Orientales. 
Cette  essence  calcifuge  se  trouve  cantonnée  sur  les  sols 
granitiques,  porphyriques  et  schisteux.  Dans  les  Maures, 
elle  monte  jusqu'à  700  mètres  d'altitude  ;  dans  les  Pyrénées, 
jusqu'à  500. 

Tempérament.  —  Le  feuillage  du  chêne-liège  est  persis- 
tant, mais  grêle,  rare;  son  couvert  est  léger,  son  jeune  plant 
très  robuste.  Il  repousse  bien  de  souches. 

Enracinement,  fructification.  —  Les  racines  sont,  à  la 
fois,  pivotantes  et  traçantes,  suivant  la  profondeur  du  sol  ;  elles 
ont  aussi  la  faculté  de  drageonner,  notamment  quand  les  sou- 
ches ont  été  atteintes  par  les  incendies  qui  ravagent  les  forêts 
dans  sa  région.  La  fructification  est  précoce  et  se  produit  dès 
l'âge  de  quinze  ans  ;  ce  n'est  guère  qu'à  trente  ans  qu'elle  est 
abondante  et  soutenue;  en  France,  elle  n'est  le  plus  souvent 
qu'intermittente. 

Croissance,  longévité.  —  Arbre  de  deuxième  grandeur, 
d'une  croissance  assez  rapide  dans  le  jeune  âge,  mais  prenant 
bientôt  une  forme  trapue.  Sa  longévité  est  grande. 

Bois  et  ses  usages.  —  Son  bois  est  peu  estimé  comme 
bois  de  service,  parce  qu'il  est  très  lourd  et  se  tourmente  trop  ; 
il  fournit  un  très  bon  combustible  et  d'excellent  charbon. 

Produits  accessoires.  —  Le  liège  qu'on  tire  de  son  écorce 
a  plus  de  valeur  que  le  bois  lui-même  ;  il  donne  une  très 
grande  importance  à  cette  précieuse  essence,  dont  on  ne  sau- 
rait trop  recommander  la  multiplication  partout  où  elle  peut 
prospérer.  Les  glands,  sans  être  très  âpres,  ne  sont  pas  ordi- 
nairement comestibles.  En  Algérie,  le  liber  est  très  recherché 
à  cause  de  sa  richesse  en  tanin  ;  les  vieux  arbres  sont  exploi- 
tés en  vue  de  cette  récolte. 

Le  chêne  occidental.  —  Il  ressemble  en  tous  points  au 
chêne-liège  :  pour  lé  tempérament,  l'enracinement,  la  crois- 


64 


LES    ESSENCES. 


sance,  les  qualités  de  son  bois  et  de  son  écorce,  ses  exigences 
calcifuges.  Il  n'en  diffère  que  par  la  maturation  bisannuelle 
de  ses  glands  et  sa  localisation  sur  les  côtes  de  l'Océan. 

Allures  forestières.  —  Le  chêne-liège  et  le  chêne  occiden- 
tal n'ont  d'autre  importance  forestière  que  celle  de  leur  écorce.' 


Fit?.  27.  —  Chêne-liège  près  de  Bastia.  —  Photographie 


de  M.  H.  Bregeault. 


A  ce  point  de  vue,  on  en  obtient  le  meilleur  rendement  en  les 
disposant  par  pieds  isolés,  à  la  façon  des  arbres  fruitiers  dans 
les  vergers  (fig.  27). 

Le  chêne  yeuse  ou  chêne  vert. 


Aire  et  Station.  —  Cette  espèce  méridionale  est  rare  dans 
la  région  océanique,  très  commune,  au  contraire,  sur  le  ver- 
sant méditerranéen,  de  Menton  à  Géret,  —  de  la  mer  à  Digne, 
Sisteron  et  Montélimart;  elle  remonte  même  au  nord  de 
Valence.  Elle  manifeste,  dans  la  France  continentale  du 
moins,  une   préférence   pour  les   sols  calcaires,    de    là    son 


LE    CHENE    ÏEUSE    OU    CHENE    VERT.  65 

abondance  sur  le  littoral  méditerranéen,  sauf  dans  les  régions 
granitiques  des  Maures  et  de  l'Esterel  ;  delà  aussi  sa  rareté 
sur  le  littoral  de  l'Océan,  si  oe  n'esl  dans  les  stations  calcaires 
de  la  Charente  ;  de  là  enfin,  son  apparition  dans  le  Plateau 
central,  par  les  caftons  des  Causses.  Elle  parvient  dans  les 
Alpes  et  en  Provence  jusqu'à  l'altitude  de  700  à  800  mètres, 
dans  les  Pyrénées  à  celle  de  000  mètres. 

Tempérament.  —  L'yeuse  est  très  robuste  et  résiste  aux 
expositions  méridionales  les  plus  chaudes;  son  feuillage,  per- 
sistant, est  assez  léger.  11  fournit  des  rejets  de  souches  jusqu'à 
un  âge  avancé. 

Enracinement,  fructification.  —  Bien  que  solidement  (1) 
ancré  dans  le  sol,  l'yeuse  possède  des  racines  latérales  dra- 
geonnantes. 

La  fructification  est  précoce  et  se  produit  dès  huit  à  dix 
ans  ;  elle  se  soutient  abondante  et  régulière  jusqu'à  un  âge 
avancé. 

Croissance,  longévité.  —  Sa  croissance  est  assez  rapide 
clans  le  jeune  âge,  pourtant  il  ne  dépasse  pas  les  dimensions 
d'un  arbre  de  troisième  grandeur.  Sa  longévité  atteint  trois 
siècles  et  plus. 

Bois  et  ses  usages.  —  Le  bois  du  chêne  yeuse  est  très  dur, 
très  lourd  et  extrêmement  compact;  il  est  fort  sujet  à  se  tour- 
menter et  peu  convenable  au  travail  ;  son  poids  exagéré  et  ses 
faibles  dimensions  en  longueur  limitent  ses  emplois  comme 
bois  de  construction.  Il  n'a  point  d'égal  comme  combustible. 

Produits  accessoires.  —  L'écorce  du  chêne  yeuse  donne 
un  tan  très  estimé,  supérieur  à  celui  des  chênes  à  feuilles  ca- 
duques. Les  glands,  lorsqu'ils  sont  doux,  ont  une  saveur 
agréable  et  servent  à  la  nourriture  de  l'homme,  qu'ils  soient 
crus  ou  cuits.  On  les  récolte  pour  cet  usage  dans  quelques 
départements  du  Midi. 

Allures  forestières.  —  Comme  le  chêne  tauzin  et  pour 
des  causes  identiques,  le  chêne  yeuse  ne  comporte  pas  d'au» 


(1)  Les  pivots  du  chêne  vert  pénètrent  dans  certaines  crevasses  jus- 
qu'à 15  et  20  mètres  de  profondeur.  Beaucoup  de  végétaux  des  stations 
sèches  agissent  ainsi  pour  se  procurer  l'eau  qui  a  disparu  des  régions 
superficielles  du  terrain. 

Boppe  et  Jolyet.  5 


66  LES    ESSENCES. 

tre  traitement  que  celui  du  taillis  simple.'  Sous  cette  forme, 
il  peut  être  utilement  associé  au  pin  d'Alep;  il  fournit  à 
celui-ci  d'excellents  sous-bois  peu  sujets  à  être  détruits  par 
les  incendies. 


Le  châtaignier. 

Station.  —  Le  châtaignier,  répandu  sur  beaucoup  de  points 
de  la  Franee,  ne  paraît  cependant  pas  y  être  spontané,  et  c'est 
une  erreur  populaire  de  croire  que  l'hiver  de  1709  l'a  fait  dis- 
paraître des  régions  de  la  Loire.  Il  recherche  les  terrains  sili- 
ceux. 

Tempérament.  —  Le  châtaignier  exige  moins  de  lumière 
et  forme,  en  conséquence,  des  massifs  plus  serrés  que  les 
chênes  à  feuilles  caduques  ;  il  tient  assez  bien  le  milieu,  pour 
le  tempérament,  entre  le  hêtre  et  ces  chênes,  avec  lesquels 
il  peut  être  maintenu  en  sous-étage.  Il  repousse  très  bien  de 
souches. 

Fructification.  —  Le  châtaignier  fructifie  vers  vingt-cinq 
ou  trente  ans,  s'il  est  isolé  —  vers  quarante  ou  soixante  ans, 
s'il  est  en  massif;  ses  années  de  semences  se  succèdent  à  deux 
ou  trois  ans  d'intervalle  et  sont  généralement  abondantes. 

Enracinement.  —  L'enracinement  est  formé  d'un  pivot 
assez  allongé  et  de  nombreuses  et  fortes  racines  latérales. 

Croissance,  longévité.  —  C'est  un  arbre  de  première 
grandeur,  à  croissance  rapide  et  d'une  grande  longévité, 
malgré  les  tares  centrales  qu'il  contracte  d'assez  bonne  heure. 

Bois  et  ses  usages.  —  Le  bois  de  châtaignier  a  beaucoup 
d'analogie  avec  celui  du  chêne  (1)  ;  il  lui  est  cependant  infé- 
rieur en  qualité  pour  les  constructions  ;  même  dans  les  con- 
trées les  plus  méridionales  de  la  France,  l'arbre  se  creuse 
avant  d'avoir  atteint  les  dimensions  qui  le  rendraient  propre 
à  ce  service.  Il  est  estimé  comme  bois  de  merrain  et  fournit 
également  de  très  bons  échalas;  en  effet,  son  aubier  étant  tou- 
jours   très  mince,  il  y  a  une   forte    proportion    de    bois    de 

(1)  La  confusion  est  toutefois  impossible  entre  ces  deux  bois  :  le  bois 
du  chêne  a  de  larges  rayons  médullaires;  celui  du  châtaignier,  au  con- 
traire, a  des  rayons  invisibles  à  l'œil  nu  :  il  n'est  jamais  maillé. 


i  i    in  i  ni    oi     i  oi  \nn.  f>7 

cœur,  même  dans  les  jeunes  sujets  ;  il  est  aussi  recherché  pour 
la  fabrication  des  cercles  de  tonneau. 

Produits  accessoires.  —  Son  fruit  est  comestible  ;  sous  le 
nom  de  chât&igne,  il  sert  à  l'alimentation  dans  les  départe- 
ments du  Centre  et  du  Midi.  Le  marron  comestible  n'est  autre 
chose  que  le  fruit  d'un  châtaignier  amélioré  et  traité  à  la  façon 
des  arbres  fruitiers.  Cette  culture,  très  répandue  dans  la  ré- 
gion des  Maures,  fournit  des  fruits  très  estimés,  connus  dans 
le  commerce  sous  les  noms  de  marrons  du  Luc  ou  de  Lyon, 

Allures  forestières.  —  Le  châtaignier  exige  un  climat 
doux.  En  France,  du  moins,  il  constitue  rarement  des  massifs 
de  quelque  étendue.  Il  est  souvent  introduit  artificiellement, 
sur  de  petites  surfaces,  dans  les  sols  fertiles  que  leur  déclivité 
rend  impropres  à  l'agriculture.  Traité  en  taillis,  il  donne  alors 
des  produits  très  abondants  et  recherchés  comme  menu  bois 
d'œuvre.  Pour  constituer  un  massif  de  futaie,  le  chêne  devra 
toujours  lui   être  préféré. 

Le  hêtre  ou  foyard. 

Aire  et  Station.  —  Il  se  rencontre  partout,  en  France,  si  ce 
n'est  dans  la  haute  région  des  Alpes,  sur  le  littoral  méditer- 
ranéen de  Nice  à  Perpignan,  et  sur  les  côtes  de  l'Océan  de 
Bayonne  aux  Sables  d'Olonne;  il  abonde  dans  les  régions 
de  collines  et  dans  les  montagnes  de  moyenne  élévation. 
Le  hêtre,  assez  indifférent  à  la  composition  minéralogique  du 
terrain,  préfère,  néanmoins,  les  sols  légers  et  surtout  calcaires, 
il  redoute  les  terres  fortes  et  mouillées  et  craint  la  trop  grande 
chaleur. 

Tempérament.  —  Le  jeune  plant  de  hêtre  est  très  délicat, 
le  couvert  de  l'arbre  très  épais.  Il  supporte  les  plus  grands 
froids  de  l'hiver,  mais  son  jeune  feuillage,  bien  qu'un  peu 
moins  sensible  aux  gelées  printanières  que  celui  du  chêne, 
est  souvent  atteint  à  cause  de  sa  précocité.  Le  hêtre  repousse 
mal  de  souches  dans  les  climats  froids,  mieux  et  même  bien 
dans  les  régions  méridionales,  notamment  dans  les  Pyrénées  ; 
partout  il  perd  d'assez  bonne  heure,  à  vingt-cinq  ou  trente 
ans,  la   faculté  d'émettre  des   rejets    de   bourgeons   proven- 


68  LES    ESSENCES. 

tifs;    ceux -d'origine  adventive   sont    alors    plus    fréquents. 

Enracinement,  fructification. —  Dans  les  premières  an- 
nées,la  racine  pivote, reste  simple  ets'enfonce  à  peu  près  autant 
dans  le  sol  que  la  tige  s'élève  dans  l'air  ;  vers  douze  ou  quinze 
ans,  le  pivot  s'arrête  et  les  racines  latérales  prennent  une 
grande  extension  ;  à  trente  ans,  celles-ci  cessent  de  croître  et 
sont  alors  remplacées  par  des  racines  superficielles,  traçantes, 
souvent  en  partie  saillantes  hors  du  sol  jusqu'à  une  certaine 
distance  du  pied  de  l'arbre.  En  somme,  l'enracinement  total 
est  peu  profond,  mais  très  étendu  en  surface,  sans  pour  cela 
donner  de  drageons. 

Le  hêtre  appartient  à  la  catégorie  des  arbres  à  semences 
lourdes;  il  ne  fructifie  qu'à  un  âge  avancé,  vers  soixante  ou 
quatre-vingts  ans  en  massif,  quarante  ou  cinquante  ans,  quand 
il  est  isolé.  Les  faînes  ne  sont  abondantes  que  tous  les  cinq  ou 
six  ans  dans  les  circonstances  les  plus  favorables,  et,  quelque- 
fois, tous  les  quinze  ou  vingt  ans  seulement.  Les  [aînées  com- 
plètes sont  généralement  plus  communes  dans  les  plaines 
et  sur  les  coteaux  que  dans  les  régions  montagneuses;  mais, 
en  retour,  les  années  de  disette  absolue  n'y  sont  pas  rares  : 
en  montagne,  au  contraire,  les  faînées  partielles  se  succèdent 
à  peu  près  sans  interruption. 

Croissance,  longévité.  —  Le  hêtre  atteint  de  très  grandes 
dimensions,  sans  parvenir  cependant  à  celles  du  chêne  et  du 
sapin,  en  raison  de  sa  longévité  bien  moins  élevée  et  qui  dé- 
passe rarement  deux  cents  ou  deux  cent  cinquante  ans.  Cette 
longévité  décroît  d'une  façon  notable  au  fur  et  à  mesure  qu'il 
quitte  la  région  des  collines  pour  s'abaisser  dans  la  plaine  ; 
dans  les  forêts  situées  sur  les  bords  de  la  Loire,  il  dépérit,  en 
massif,  avant  l'âge  de  cent  cinquante  ans. 

Au  début  de  son  existence,  le  plant  s'accroît  peu,  environ 
d'un  décimètre  de  hauteur  annuellement  ;  mais,  passé  cinq  ans, 
il  prend  son  essor,  écrasant  autour  de  lui  les  espèces  de  lu- 
mière qu'on  voudrait  lui  associer  ;  vers  quarante  ou  cin- 
quante ans,  il  parvient  à  son  maximum  d'allongement  annuel; 
comme  le  chêne,  entre  quatre-vingts  et  cent,  il  ne  s'accroît 
plus  sensiblement  en  hauteur. 

Bois  et  ses  usages.  —  Les  emplois  du  hêtre  sont  nombreux 


il     m  lui.    OU    i  «>\  Aiin. 


09 


comme  bois  d'industrie.  Il  esl   très  estimé  comme  chau  liage 
et  donne  un  charbon  lourd  et  <!<•  bonne  qualité. 

Produits  accessoires.  —  La  faîne  contient  une  huile 
grasse,  comestible  quand  elle  est  exprimée  à  froid;  en  tous 
cas,  très  propre  à  L'éclairage.  La  récolte  des  faines  devient, 
de  ce  fait,  dans  les  années  d'abondance,  une  source  impor- 
tante de  produit  pour  les  propriétaires  ou  pour  les  habitants 
qui  achètent  le  droit  de  les  ramasser. 

Allures  forestières.  —  L'état  de  massif  plein  est  celui  qui 
convient  le  mieux  au  hêtre;  par  son  couvert  épais  et  ses  détri- 
tus abondants,  il  fertilise  le  sol.  Les  produits  les  plus  précieux 
sont  aussi  tirés  des  arbres  dont  le  fût  élancé  et  lisse  s'est  cons- 
titué dans  les  futaies  régulières.  Il  se  régénère  facilement  par 
la  semence,  et  la  faculté  qu'ont  ses  jeunes  plants  de  suppor- 
ter un  couvert  prolongé,  permet  d'user  de  tous  les  délais  né- 
cessaires pour  obtenir  un  ensemencement  naturel  complet.  Il 
peut  être  élevé  à  l'état  pur,  mais  il  est  avantageux  de  lui 
associer  d'autres  essences  à  croissance  aussi  rapide  que  la 
sienne  :  un  massif  de  hêtre  est,  en  effet,  le  milieu  fécondant 
le  plus  favorable  à  leur  bon  développement.  Par  contre,  il 
faut  surveiller  ses  tendances  à  devenir  dominant  et,  lors- 
qu'on ne  veut  lui  réserver  qu'un  rôle  secondaire,  c'est  à 
l'état  de  sous-étage  qu'il  rendra  le  plus  de  services,  sans 
devenir  jamais  nuisible.  Le  hêlre  accepte  le  jardinage,  mais 
alors  les  arbres  fournissent  moins  de  bois  d'oeuvre  que  dans 
les  futaies  régulières.  Cette  essence  conserve  trop  peu  de 
temps  la  faculté  de  rejeter  de  souches  pour  être  avantageu- 
sement traitée  en  taillis  simple.  Sous  cette  forme,  le  peuple- 
ment ne  se  maintient  complet  que  sur  les  versants  bien 
éclairés  et  à  la  condition  expresse  d'être  exploité  très  jeune. 
Parmi  toutes  les  essences  forestières,  c'est  à  peu  près  la 
seule  qui  puisse  s'accommoder  du  traitement  en  taillis  d'âges 
mêlés  ou  furetés.  Maintenu  à  l'état  de  réserve  dans  les  taillis 
composés,  le  hêtre  se  constitue  une  cime  ample,  épaisse,  qui 
écrase  toute  la  végétation  inférieure;  on  n'obtient  ainsi  que 
des  arbres  à  fût  court,  donnant  un  bois  de  travail  de  mé- 
diocre qualité  et  en  faible  quantité. 

En   résumé  le  hêtre  est  l'espèce  par  excellence  à  cultiver 


70 


LES    ESSENCES, 


dans  les  sols  sans  profondeur  ;  on  ne  saurait  trop  le  propager 
dans  les  collines  jurassiques  du  Nord  et  de  l'Est  de  la  France; 
sa  frugalité  le  désigne  également  pour  remettre  en  état  les 
terres  sableuses  fatiguées  par  le  pâturage,  par  le  maintien 
abusif  du  chêne  à  l'état  pur,  ou  par  le  traitement  en  taillis. 


Le   charme. 

Aire  et  station.  —  C'est  un  arbre  de  plaines  et  de  coteaux  : 
en  montagne,  qu'il  s'agisse  des  Vosges,  du  Jura  ou  du  Pla- 
teau central,  il  disparaît  brusquement,  sans  passer  par  l'état 
buissonnant  qu'affectent  beaucoup  d'essences  à  la  limite  su- 
périeure de  leur  aire.  Il  occupe  toute  la  partie  de  la  France 
située  au  nord  d'une  ligne  tirée  de  Grenoble  à  l'embouchure 
de  la  Gironde  ;  il  est  surtout  commun  dans  les  départe- 
ments du  Nord  et  de  l'Est.  Le  charme  accepte  tous  les  ter- 
rains, mais  il  accuse  une  préférence  marquée  pour  les  sols 
frais  et  profonds  (1). 

Tempérament.  —  Le  charme,  bien  que  son  tempérament 
soit  robuste,  a  besoin  d'abri  dans  sa  jeunesse,  en  raison  de 
la  faiblesse  de  l'enracinement  des  plants  naissants  et  des  dan- 
gers auxquels  les  exposerait  le  dessèchement  d'un  sol  décou- 
vert. Il  demande  bientôt  de  la  lumière,  qu'il  faut  lui  mé- 
nager prudemment.  En  sols  secs,  pierreux,  les  chaleurs 
exceptionnelles  de  certains  étés  lui  sont  parfois  fur  estes  ; 
en  revanche,  il  présente,  en  toutes  circonstances,  une  ré- 
sistance remarquable  à  l'action  des  gelées  printanières.  Le 
charme  rejette  parfaitement  de  souche. 

Enracinement,  fructification.  —  L'enracinement  est  faible 
et  superficiel.  11  se  compose  de  nombreuses  racines  latérales, 
issues  d'un  pivot  bientôt  oblitéré,  et  l'ensemble  pénètre  rare- 
ment à  plus  de  50  centimètres  de  profondeur. 

Malgré  leur  disposition  traçante,  ces  racines  n'émettent 
pas  de  drageons  ;  mais  les  brins  traînants  du  charme  se  mar- 

(1)  C'est,  du  moins,  en  pareille  station  qu'il  constitue  les  arbres  les  plus 
longévifs  et  les  plus  beaux  ;  mais  ses  taillis  couvrent  des  étendues 
considérables  de  terrains  calcaires  superficiels. 


i  i     CH  m;mi  .  "é  1 

cottent  avec  la  plus  grande  facilitée  Dans  la  forêt  de  (Iham- 
pcnoux  (Mcurthc  et  Moselle)  cl'ôpais  fourrés  de  celle  essence 
se  constituent  ainsi,  el  s'étendent  de  proche  en  proche,  cons- 
tituant un  obstacle  sérieux  à  la  régénération  du  chêne  par  la 
semence.   Il  en  est  ainsi  sur  beaucoup  d'autres  points. 

La  fécondité  du  charme  se  manifeste  de  bonne  heure,  à 
vingt  ans  et  même  au-dessous  :  il  est  peu  de  végétaux  fores- 
tiers qui  aient  des  années  de  semences  aussi  abondantes  et  en 
même  temps  aussi  répétées.  Le  fruit  du  charme  est  un  gland 
peu  volumineux,  dont  la  dissémination  est  encore  facilitée  par 
la  cupule  légère  à  laquelle  il  est  soudé  et  qui  joue  le  rôle  d'une 
aile  offrant  une  large  prise  au  vent.  Ce  gland  ne  germe  que  le 
deuxième  printemps  après  sa  maturité. 

Croissance,  longévité.  —  La  croissance  du  charme  est  tou- 
jours lente  et,  à  toutes  les  époques  de  sa  vie,  elle  est  de  beau- 
coup inférieure  à  celles  du  chêne  et  du  hêtre.  La  végétation 
des  rejets  de  souches  est,  au  contraire,  assez  active  pendant 
les  vingt  ou  trente  premières  années  :  à  cette  époque,  elle  se 
ralentit  pour  devenir  assez  semblable  à  celle  des  sujets  de 
franc-pied.  Quelle  que  soit  son  origine,  le  charme  reste  tou- 
jours un  arbre  de  deuxième  grandeur.  Il  peut  atteindre 
cent  à  cent  vingt  ans,  et  même  dépasser  cent  cinquante  ans, 
dans  de  bonnes  conditions  et  quand,  au  point  de  vue  cultural, 
on  a  intérêt  à  le  maintenir. 

Bois  et  ses  usages.  —  Le  charme  fournit  un  chauffage  de 
toute  première  qualité  ;  il  n'est  pas  employé  comme  bois  de 
construction,  en  raison  de  son  peu  de  durée  ;  sa  fibre,  souvent 
entrelacée,  le  rend  d'un  travail  peu  facile  et  les  menuisiers  ne 
l'utilisent  pas  communément;  cependant  sa  dureté,  son  ho- 
mogénéité, sa  ténacité,  le  rendent  précieux  pour  la  fabrica- 
tion de  formes  et  d'outils  divers  et  pour  la  confection  de  cer- 
taines pièces  de  machines,  qui  ont  à  subir  des  frottements, 
telles  que  dents  d'engrenages,  etc.  On  ne  tire  du  charme 
aucun  produit  accessoire. 

Allures  forestières.  —  Le  charme  ne  se  rencontre  à  l'état 
pur,  dans  la  futaie,  que  par  suite  d'erreurs  culturales.  A  cause 
delà  lenteur  de  sa  croissance,  les  espèces  qui  l'accompagnent 
parviennent  toujours  à  le  dominer;  mais,  dans  le  rôle  secon- 


72  LES    ESSENCES. 

daire  où  il  y  a  lieu  de  le  confiner,  il  peut  rendre  les  plus 
grands  services,  comme  remplissage. 

Traité  en  taillis,  il  donne  jusqu'à  un  âge  assez  avancé  (cin- 
quante à  soixante  ans)  des  rejets  très  abondanls,  dont  on  ob- 
tient de  bons  produits.  Dans  son  aire,  il  se  perpétue  par 
rejets  de  souche,  même  dans  les  conditions  les  plus  mauvaises, 
et  c'est  grâce  à  sa  présence  que  certains  taillis,  en  sol  presque 
stérile,  conservent  quelque  valeur. 

Sa  végétation  est  trop  lente  et  son  couvert  est  trop  bas,  pour 
qu'on  puisse  l'élever  avec  profit  sous  forme  de  réserve  dans  les 
taillis  composés  ;  c'est  donc  seulement  à  titre  exceptionnel,  et 
quand  on  n'a  rien  de  mieux  à  attendre  du  terrain,  qu'on  aura 
recours  à  lui.  Si  on  n'a  jamais  l'occasion  d'élever  le  charme 
en  futaie  pour  lui-même,  il  est  toujours  fort  utile  de  l'asso- 
cier au  chêne;  car  il  augmente  la  densité  du  massif  dans  sa 
jeunesse;  plus  tard,  il  protège  les  fûts  des  arbres,  en  même 
temps  qu'il  entretient  la  fertilité  du  sol  :  ce  qui  permet  de 
maintenir,  sans  inconvénient,  les  cimes  des  chênes  dans  l'état 
clair  qui  leur  convient  spécialement. 

Le  frêne. 

Aire  et  Station.  —  Le  frêne  vit  à  l'état  disséminé  dans 
presque  toutes  les  régions  de  la  France,  où  il  croît  dans  les 
conditions  lesplus  diverses.  C'est  dans  les  plaines  basses,  dans 
les  grandes  vallées,  dans  les  vallons  à  sol  frais  et  fertile  qu'on 
le  rencontre  le  plus  communément.  Il  est  habituellement  le 
compagnon  de  l'orme,  de  l'aune,  du  chêne  pédoncule.  Mais 
on  le  trouve  aussi  dans  les  montagnes,  sans  qu'il  atteigne 
cependant  l'altitude  du  hêtre,  et  dans  les  sols  secs  des  colli- 
nes, pourvu  qu'ils  soient  suffisamment  meubles. 

Tempérament.  —  Le  feuillage  léger  du  frêne,  sa  cime 
peu  ramifiée  sont  les  indices  d'un  tempérament  robuste;  c'est 
donc  un  arbre  de  pleine  lumière,  qui  demande  à  être  main- 
tenu à  l'état  isolé.  Nous  avons  vu,  cependant,  des  jeunes  plants 
de  frêne  résister  au  couvert;  aussi  serions-nous  tentés  de 
croire  qu'ils  le  supportent  mieux  que  les  jeunes  chênes.  Ils 
ont,  en  tout  cas,    cet  avantage,   que  grâce  à  leur  tendance  à 


i.i  s    l'.ii  \r.i  BS.  l'A 

pousser  en  hauteur,  à  filer,  ils  percent  beaucoup  mieux  que 
les  chênes  les  fourrés  de  ronces,  de  rejeta  ou  d'épines  dans 
lesquels  ils  peuvent  se  trouver  englobés.  Le  Irène  rejette  bien 
de  souches. 

Enracinement,  fructification.  —  La  racine  s'enfonce  pro- 
fondément dans  la  jeunesse  et  ne  Larde  pas  d'émettre  des  ra- 
mifications latérales  qui,  se  développant  beaucoup  en  longueur 
et  en  grosseur,  constituent  à  l'arbre  une  assiette  très  puis- 
sante. Sa  fructification  est  abondante  et  assez  régulière. 

Croissance,  longévité.  —  Le  frêne  est  un  arbre  de  pre- 
mière grandeur,  qui  peut  atteindre  les  plus  belles  dimensions  si 
les  conditions  lui  sont  favorables;  il  reste,  au  contraire,  étiolé 
et  chétif  dans  les  sols  médiocres.  En  tout  état  de  choses,  sa 
croissance,  relativement  rapide  dans  sa  jeunesse,  en  fait  par- 
tout une  essence  précieuse.  Sa  longévité  est  au  moins  égale  à 
celle  du  hêtre. 

Bois.  — Le  bois  du  frêne,  peu  propre  à  la  construction,  est, 
à  cause  de  son  élasticité,  très  recherché  comme  bois  de  tra- 
vail.   Il    donne  un  bon  combustible. 

Produits  accessoires.  —  A  l'état  vert,  comme  à  l'état  sec, 
les  feuilles  fournissent  un  bon  fourrage;  aussi,  en  pays  de 
basses  montagnes,  rencontre-t-on  souvent  des  frênes  clans  le 
voisinage  des  habitations,  où  ils  sont  exploités  en  têtards  et 
surtout  en  arbres  d'émonde. 

Les    érables. 

Observations  générales.  —  On  compte  en  France  cinq 
espèces  d'érables  :  l'érable  sycomore,  l'érable  plane,  l'érable 
à  feuilles  d'obier,  l'érable  champêtre  et  l'érable  de  Montpel- 
lier. 

Les  trois  premières  forment  la  catégorie  des  grands  érables 
et  présentent  entre  elles  une  grande  analogie,  au  double  point 
de  vue  des  conditions  d'existence  et  de  la  qualité  des  produits. 
Elles  sont  exigeantes  sous  le  rapport  delà  fertilité  du  sol  et 
vivent  dans  les  forêts  à  l'état  disséminé.  Le  feuillage  de  ces 
arbres  est  assez  épais.  Leurs  jeunes  plants  peuvent  être  qua- 
lifiés de  robustes  ;  pourtant  ils  se  maintiennent  longtemps 
sous  le   couvert,  et,  hors  forêt,  s'installent  de   préférence  au 


74  LES    ESSENCES. 

milieu  de  buissons,  ou  encore  sous  des  pins  sylvestres,  sous 
des  bouleaux,  qui  leur  donnent  un  premier  abri.  Les  grands 
érables  ont  donc  un  tempérament  mixte,  intermédiaire  entre 
celui  des  essences  de  lumière,  et  celui  des  essences  d'ombre. 

Ils  fructifient  régulièrement  et  leursamare  légère,  dissémi- 
née au  loin,  germe  en  abondance  dans  les  clairières  des  forêts, 
sur  les  places  privées  d'herbes. 

Les  souches  produisent  des  rejets  abondants  et  vigoureux. 

Leur  bois,  recherché  comme  bois  de  travail,  fournit  un  très 
bon  comestible. 

L'érable  sycomore  se  rencontre,  le  plus  souvent,  mélangé 
au  hêtre,  dont  il  a  toutes  les  exigences  climatériques;  il  pré- 
fère les  pays  accidentés  aux  plaines  et,  dans  les  montagnes, 
dépasse  la  région  des  sapins.  Dans  les  Alpes,  il  parvient  jus- 
qu'à 1500  mètres  d'altitude.  Sa  croissance  est  très  rapide 
dans  la  jeunesse  et  devient  parfois  gênante,  comme  celle  des 
bois  blancs,  pour  les  autres  essences  avec  lesquelles  il  s'asso- 
cie naturellement.  A  l'état  isolé,  le  sycomore  développe  une 
belle  cime,  fortement  étalée.  Il  peut  vivre  de  cent  cinquante 
à  deux  cents  ans. 

L'érable  plane  accompagne  souvent  le  sycomore,  bien 
que,  plus  délicat,  il  soit  plus  rare  et  s'élève  moins  que  lui 
dans  les  montagnes.  En  forêt,  son  aire  d'habitation  semble 
limitée  à  quelques  départements  du  Nord  et  de  l'Est  de  la 
France.  Sa  croissance  est  aussi  plus  lente  que  celle  du 
sycomore.  Le  plane  est  souvent  utilisé,  et  à  juste  titre,  comme 
arbre  de  parc  ou  d'avenue. 

L'érable  à  feuilles  d obier  joue  un  rôle  assez  important 
dans  les  forêts  du  Jura,  des  Alpes,  des  Cévennes,  des  Pyré- 
nées, où  il  vit,  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  à  l'état  dis- 
séminé; par  sa  forme,  son  couvert  et  ses  exigences,  il  se  rap- 
proche beaucoup  du  sycomore  ;  son  bois  est  également  re- 
cherché par  l'industrie  et  fournit  un  bon  combustible. 

L'érable  champêtre  est  plutôt  un  grand  arbrisseau  qu'un 
arbre;  à  cause  de  sa  croissance  très  lente,  il  disparaît  de 
bonne  heure  au  milieu  des  grandes  essences  qu'on  laisse  vieil- 
lir à  l'état  de  massif;  par  contre,  il  est  très  commun  dans  les 
taillis  de  la  région  parisienne,  où  il  accompagne  le   charme  et 


F.KS    ORMBS. 


75 


forme  avec  lui  un  utile  mélange.  Son  bois,  toujours  rare 
sous  des  dimensions  un  peu  Tories,  présente  une  ténacité  spé- 
ciale, qui  le  fait  rechercher  par  les  tourneurs;  il  est  d'ailleurs 
très  bon  comme  combustible. 

L'érable  de  Montpellier,  malgré  ses  petites  dimensions  et 
la  lenteur  de  son  accroissement,  est  précieux  par  la  qualité 
qu'il  possède  de  croître  dans  les  sols  les  plus  secs,  jusque 
dans  les  fissures  des  rochers.  Il  est  assez  répandu  dans  les 
forêts  des  zones  girondine  et  provençale,  où  il  se  comporte  en 
tous  points  comme  l'érable  champêtre  dans  les  stations  qui 
lui  sont  propres. 

Les   ormes. 

L'orme  champêtre  recherche,  avant  tout,  les  sols  meubles  et 
fertiles;  il  peut  devenir  un  arbre  de  la  plus  grande  taille,  c'est 
dans  les  terrains  d'alluvions  récentes,  sur  les  bords  submersi- 
bles des  fleuves  et  des  rivières,  qu'on  le  trouve  le  plus  abon- 
dant à  l'état  spontané,  aussi  bien  au  nord  qu'au  midi  de  la 
France.  Il  devient  alors  envahissant  par  ses  racines  traçantes, 
qui  se  développent  en  rayonnant  et  par  ses  semences  nom- 
breuses et  légères,  qui  se  disséminent  au  loin  ;  les  semis  na- 
turels qui  en  résultent,  grâce  à  la  rapidité  de  leur  végétation, 
risquent  peu  d'être  étouffés  par  les  herbes.  En  .terrain  sec,  ses 
dimensions  sont  bien  réduites,  il  donne  des  tiges  irrégulières 
à  fibre  tourmentée  :  de  là  le  nom  d'orme  tortillard,  qui  lui  est 
alors  appliqué.  Cette  espèce  est  très  fréquemment  et,  avec 
raison,  plantée  le  long  des  routes,  des  avenues,  sur  les  pro- 
menades publiques  et  sur  les  glacis  des  places  fortes.  Bien 
que  l'orme  se  rencontre  à  peu  près  partout,  il  semble  préférer 
les  climats  doux  et  même  chauds  du  Midi  à  ceux  plus  rudes 
et  surtout  plus  froids  du  nord-est,  où  son  bois  est  souvent 
altéré  par  les  gélivures. 

Son  bois  parfait,  dur,  élastique,  extrêmement  tenace,  est 
d'une  durée  au  moins  égale  à  celle  du  chêne  ;  aussi  est-il  re- 
cherché pour  une  foule  d'ouvrages  ;  l'aubier  se  dégrade  rapi- 
dement et  n'est  pas  employé.  Les  feuilles  d'orme  constituent 
le  meilleur  fourrage  que  puissent  fournir  les  arbres  forestiers  ; 
desséchées  à  l'air  libre,  c'est-à-dire  fanées,  elles  sont  presque 


76  LES    ESSENCES. 

aussi  riches  en  azote  que  la  luzerne  et  le  trèfle  des  prairies 
artificielles  et  sont  supérieures  à  cet  égard  au  foin  des  prairies 
naturelles. 

L'orme  de  montagne,  facilement  reconnaissable  à  ses  feuilles 
plus  larges,  à  sa  cime  plus  ample,  n'atteint  jamais  les  grandes 
dimensions  du  précédent.  Il  est  fréquemment  disséminé  au 
milieu  des  chênes,  des  hêtres  et  même  des  sapins,  dans  les 
forêts  des  coteaux  et  des  basses  montagnes  ;  malgré  ses  préfé- 
rences pour  les  terrains  frais  et  légers,  il  se  trouve  en  assez 
bon  état  de  végétation  sur  les  sols  secs  des  calcaires  jurassiques 
et  jusque  dans  les  éboulis  rocheux. 

Quoique  doué  par  ses  racines  et  par  sa  fécondité  de  la  même 
faculté  d'expansion  que  l'orme  champêtre,  en  forêt,  du  moins, 
l'orme  de  montagne  est  beaucoup  moins  intéressant  que  ce 
dernier  ;  car  son  bois  est  beaucoup  plus  léger,  plus  mou,  moins 
tenace  et  moins  durable.  Les  charrons  savent  très  bien  le  dis- 
tinguer; ils  le  désignent  sous  le  nom  d'orme  blanc  et  refusent 
habituellement  de  l'employer. 

Citons,  pour  mémoire,  l'orme  diffus,  peu  répandu  et  don- 
nant un  bois  des  plus  médiocres. 

Allures  forestières  des  grandes  essences  disséminées. 
—  A  l'exclusion  des  érables  champêtres  et  de  Montpellier, 
essences  n'entrant  que  dans  la  composition  des  taiilis,  les 
autres  formes  des  trois  genres  précédents  offrent  entre  elles 
assez  d'analogie  pour  qu'on  puisse  les  considérer  comme  un 
groupe  à  part. 

Frêne,  orme  et  grands  érables  constituent  d'excellentes 
réserves  dans  les  taillis  sous  futaie.  L'orme  par  ses  drageons, 
le  frêne  et  les  érables  par  leurs  nombreux  semis,  donnent 
d'excellents  baliveaux  ayant  une  longévité  assurée.  Le  frêne 
et  l'orme  champêtre,  ce  dernier  surtout,  veulent  toutefois  des 
sols  profonds  et  riches.  Les  grands  érables,  bien  moins  exi- 
geants, constituent  une  ressource  précieuse  dans  des  taillis 
sous  futaie  à  sol  superficiel,  où  les  chênes  ne  poussent  qu'à 
regret.  Ils  ont  cet  avantage  de  ne  rien  craindre  des  gelées 
printanières;  l'orme  est  dans  le  même  cas,  qualité  précieuse 
qu'il  ne  partage  malheureusement  pas  avec  le  frêne. 

Peut-être    l'orme  champêtre  pourrait-il   se  maintenir  dans 


i  i     MICOCOULIER.  77 

des  massifs  de  futaie?  Nous  avouons  n'en  point  connaître 
d'exemple.  Au  contraire,  le  Irène  existe  fréquemment  dans  les 
futaies  de  chêne.  Plus  souvent  encore,  on  trouve  le  sycomore 
dans  les  sapinières  ou  les  liètraies  :  il  s  accommode  très  bien 
d'un  pareil  voisinage. 

Dans  la  basse  montagne,  les  essences  disséminées  sont  par- 
fois traitées  en  têtards  et  en  arbres  d'émonde.  Leur  feuillage 
est  alors  donné  aux  bestiaux  comme  fourrage  vert. 

Le   micocoulier. 

Aire  et  station.  —  Celte  espèce  habite  les  climats  méri- 
dionaux. Elle  prospère  en  plaine,  en  coteaux  et  même  en  mon- 
tagne, à  toutes  les  expositions  ;  elle  réussit  bien  dans  tous  les 
terrains,  pourvu  qu'ils  ne  soient  ni  trop  légers,  ni  trop  humides 
ou  marécageux;  on  la  voit  végéter  jusque  dans  les  pierrailles 
et  sur  les  ruines  ;  ce  sont  néanmoins  les  sols  gras  et  frais  qu'elle 
préfère. 

Tempérament.  —  Son  feuillage  est  très  léger;  son  enra- 
cinement est  puissant,  pivotant  et  traçant.  Ses  racines  dra- 
geonnent;  les  souches  produisent  des  rejets  abondants  et  d'une 
grande  vigueur. 

La  croissance  du  micocoulier  est  rapide,  et,  bien  qu'il  n'ac- 
quière pas  les  dimensions  d'un  arbre  de  première  grandeur, 
il  peut  atteindre  20  mètres  de  hauteur  totale  et  3  mètres  de 
circonférence  à  la  base,  à  cause  de  sa  grande  longévité.  Il 
fructifie  assez  jeune,  mais  il  reste  quelquefois  deux  années 
sans  rien  produire. 

Bois  et  usages.  —  Son  bois  ressemble  à  celui  du  frêne, 
dont  il  a  toutes  les  qualités,    à  un    degré  plus    élevé   encore. 

Comme  produits  accessoires,  on  tire  de  ses  racines  une 
matière  tinctoriale  jaune.  Ses  feuilles  donnent  aussi  un  bon 
fourrage  pour  le  bétail. 

Allures  forestières. —  Le  micocoulier  se  rencontre  rare- 
ment en  massif.  Il  se  plaît  mieux  à  l'état  isolé  ;  aussi,  son  rôle 
est-il  plus  important  comme  arbre  d'alignement,  d'agrément 
ou  de  culture  industrielle,  que  comme  arbre  forestier  propre- 
ment dit.  On  le    rencontre,    néanmoins,  disséminé   dans    les 


/O  LES    ESSENCES. 

terrains  vagues,  pauvres,  livrés  au  pâturage  ou  couverts  de 
broussailles.  En  somme,  dans  sa  station,  il  se  comporte  à  la 
façon  des  ormes  dans  les  régions  plus  septentrionales. 

Les  fruitiers. 

Observations  générales.  —  Les  fruitiers  se  rencontrent, 
en  France,  à  l'état  disséminé,  dans  presque  toutes  les  forêts 
de  plaines  et  de  coteaux,  où,  à  cause  de  la  lenteur  de  leur 
végétation  et  de  leurs  faibles  dimensions,  ils  sont  surtout  can- 
tonnés clans  les  peuplements  traités  en  taillis  simple  ou  en 
taillis  sous  futaie.  Parmi  les  nombreuses  espèces  qui  compo- 
sent ce  groupe,  Y  alisier  torminâl,  le  sorbier  cormier,  le  ceri- 
sier merisier  et  le  poirier  sauvage  méritent  d'être  signalés. 

Les  deux  premiers  préfèrent  les  terrains  calcaires;  mais 
l'alisier  torminal  n'atteint  de  belles  dimensions  que  si  le  sol 
présente  suffisamment  de  profondeur  et  de  fraîcheur.  Ils  ont 
une  assez  grande  longévité  et  se  signalent  par  les  qualités 
exceptionnelles  de  leur  bois  ;  on  a  donc  un  avantage  réel  aies 
laisser  vieillir. 

Le  cerisier  merisier,  commun  en  plaine,  est  beaucoup  plus 
rare  en  montagne,  où  il  s'étend  dans  la  région  du  hêtre,  sans, 
toutefois,  la  dépasser.  Il  n'est  pas  très  exigeant  sous  le  rap- 
port des  qualités  du  sol,  il  préfère  néanmoins  ceux  qui  sont 
frais  et  meubles.  Sa  croissance  est  assez  rapidejusqu'à  l'âge  de 
trente  ou  quarante  ans,  puis  il  dépérit  d'assez  bonne  heure 
pour  qu'il  soit  imprudent  de  le  laisser  vivre  au-delà  de 
soixante  à  soixante-dix  ans. 

Son  bois  s'altère  rapidement  à  l'air;  sa  couleur  acajou  et  ses 
qualités  spéciales,  le  font  rechercher  des  tourneurs  pour  la 
fabrication  des  bois  de  chaises  et  de  fauteuils;  c'est  un  com- 
bustible de  médiocre  qualité. 

Allures  forestières.  —  En  futaie,  ces  espèces  ne  peuvent 
jouer  qu'un  rôle  de  remplissage  dans  les  jeunes  peuplements. 
Dans  les  taillis  sous  futaie,  il  n'y  a  jamais  lieu  de  se  préoc- 
cuper de  leur  multiplication  ;  on  se  contentera  de  réserver  les 
sujets  les  mieux  venants,  partout  où  il  ne  se  présentera  rien 
de  meilleur  pour  occuper  leur  place;  quoi    qu'il    en   soit,    on 


LE    BOULE  Ù  .  79 

devra  toujours  les  préférerai]  charme,  non  seulement  à  cause 
des  qualités  précieuses  de  leur  bois,  dont  la  valeur,  celle  du 
sorbier  surtout,  dépasse  parfois  celle  du  chêne,  mais  aussi 
parce  que  leurs  baies  servent  de  nourriture  à  des  oiseaux  utiles. 

Le  bouleau  (i). 

Aire  et  Station.  —  Le  bouleau  se  distingue  par  son  extrême 
rusticité.  Il  vit  dans  toutes  les  stations,  aussi  bien  en  plaine 
qu'en  montagne,  pourvu  que  l'atmosphère  ne  soit  pas  trop 
sèche.  Peu  exigeant  sur  la  nature  du  sol  et  réussissant  même 
dans  les  tourbières,  il  préfère  néanmoins  les  terres  légères  et 
sablonneuses. 

Tempérament.  —  Essence  de  pleine  lumière,  le  bouleau  a 
le  couvert  extrêmement  léger  ;  à  l'état  pur,  il  ne  donne  que 
des  massifs  très  clairs,  sous  l'ombrage  desquels  le  sol  se  dé- 
grade. Il  émet  des  rejets  de  souche  et  des  rejets  de  racine 
assez  nombreux,  mais  il  est  rare  que,  dans  la  suite,  un  ou 
deux  brins  de  la  cepée  ne  prennent  pas  l'avantage  sur  tous  les 
autres,  qui  demeurent  chétifs.  L'énorme  quantité  de  semis 
que  donne  cette  essence  dans  les  terrains  sablonneux,  sup- 
plée, d'ailleurs,  le  cas  échéant,  à  l'insuffisance  des  rejets.  Par 
contre,  le  bouleau  n'atteint  pas  de  bien  grandes  dimensions; 
son  fût  dépasse  rarement  50  centimètres  de  diamètre.  Il  vit 
cent  à  cent -vingt  ans  et  peut  aller  exceptionnellement  jus- 
qu'à cent  cinquante. 

Bois  et  usages.  —  Son  bois,  demi  dur,  blanc,  soyeux,  est 
d'assez  bonne  qualité;  impropre  à  la  construction,  il  sert  à  la 
menuiserie,  au  tour  et  à  la  fabrication  des  sabots  ;  il  fournit 
un  assez  bon  combustible. 

Son  écorce  renferme  une  huile  essentielle,  qui  donne  au  cuir 
de  Russie  son  odeur  spéciale.  Elle  n'est  pas  utilisée  en  France 
pour  cet  usage. 

Allures  forestières. —  La  cime  du  bouleau  a  un  tel  besoin  de 
lumière  qu'elle  n'accepte  pas  l'état  de  massif  plein.  C'est  seu- 
il) Il  n'y  a  pas  lieu  de  distinguer  ici  le  bouleau  verruqueux  et  le  bou- 
leau pubescent,    ce  dernier  plus   commun   dans   les  stations   froides 
et  humides. 


80  LES    ESSENCES. 

lement  dans  les  sols  pauvres,  ou  même  ruinés,  qu'il  forme 
des  peuplements  purs;  il  prend  alors  des  allures  franchement 
sociales;  partout  ailleurs  les  espèces  spontanées  s'associent 
naturellement  à  lui. 

Il  est  indifférent  de  le  voir  mélangé  avec  d'autres  espèces 
feuillues,  mais  il  est  nuisible  aux  résineux,  dont  les  bourgeons 
sont  brisés  lorsque,  par  un  grand  vent,  les  rameaux  flexibles 
du  bouleau  viennent  fouetter  leur  cime. 

Le  bouleau  est  souvent  envahissant,  parfois  même  un  peu 
gênant.  Sa  présence  est  pourtant  justifiée  dans  les  jeunes 
régénérations,  car  les  espèces  précieuses  se  développent  sous 
son  abri  protecteur.  Le  mélange  force  les  sujets  d'élite  à 
s'élever  et,  dès  que  ceux-ci  ont  acquis  une  résistance  suffi- 
sante, le  moment  est  seulement  venu  de  couper  les  bouleaux, 
qui  donneront  alors  de  bons  produits.  On  commet  trop  sou- 
vent l'erreur  de  les  extirper  radicalement  avant  cette  époque. 

D'ailleurs,  grâce  à  son  extrême  frugalité,  comparable  à  celle 
des  résineux,  le  bouleau  reste  souvent  la  seule  essence  fores- 
tière de  quelque  valeur  peuplant  les  forêts  en  voie  de  dégra- 
dation; pour  le  même  motif,  il  est  utilisé  comme  première 
essence   de  boisement  dans  les  terrains  pauvres. 

Les    nuiies. 

L'aune  commun  se  rencontre  dans  les  stations  humides  de 
toute  la  France  ;  il  affectionne  les  talus  des  rivières  et  des 
ruisseaux,  dont  il  sert  à  fixer  les  berges.  Il  semble  d'ailleurs 
assez  accommodant  sous  le  rapport  du  soi,,  car  il  résiste  en 
même  temps  sur  les  terrains  marécageux  ou  tourbeux  et  sur 
les  craies  de  la  Champagne  (1);  néanmoins,  les  argiles  trop 
compactes  et  le  séjour  prolongé  des  eaux  stagnantes  à  la  sur- 
face du  sol  lui  sont  préjudiciables. 

Sa  croissance  est  rapide,  mais  il  vit  rarement  au-delà  de 
soixante-dix  à  quatre-vingts  ans  ;  il  repousse  parfaitement 
de  souches.  Son  bois,  demi  dur,  coloré  en  rouge,  se  dégrade 

(1)  Nous  avons  eu  l'occasion  de  dire  que  ces  craies  conservent  une 
dose  d'humidité  plus  considérable  qu'on  ne  se  l'imagine  souvent 
(M.  Fliche). 


LES     IUNEB.  il 

rapidement  quand  il  est  employa  à  l'air;  au  contraire,  sous 
l'eau,  il  a  une  durée  au  moins  égale  à  celle  du  chêne.  Il  est 
utilisé  parla  menuiserie  pour  certains  usages,  et,  comme  bois 
de  chauffage,  recherché  pour  la  boulangerie. 

Lînunv  blanc  abonde  dans  le  lit  des  torrents  des  Alpes;  il 
se  propage  sur  les  berges  des  cours  d'eau,  les  éboulis  et  les 
cônes  de  déjection,  où  il  ne  craint  pas  les  sols  couverts  de 
gros  galets  amenés  parles  torrents.  Également  représenté  dans 
le  Jura,  il  ne  se  rencontre  pas  clans  les  sols  siliceux  et  gra- 
nitiques des  Vosges  et  du  Plateau  central.  Son  bois  ressemble 
à  celui  du  précédent. 

L'aune  vert  appartient,  en  France,  à  la  région  alpine;  c'est 
le  dernier  représentant  de  la  forêt  dans  les  hautes  stations, 
sur  le  confin  des  clappes  rocheuses  et  des  neiges  éternelles.  Il 
recherche  les  sols  siliceux,  frais  ou  humides  et  réussit  sur  les 
pentes  les  plus  rapides,  où  il  est  très  propre  à  fixer  le  sol  et  à 
le  garantir  contre  les  affouillements  et  les  éboulements.  Ce 
feuillu  est  la  meilleure  essence  à  propager  pour  garnir  les 
hauts  couloirs  des  avalanches,  car,  il  peut  être  recepé  souvent 
et  possède  la  précieuse  faculté  de  se  redresser,  après  avoir  été 
écrasé  sous  le  poids  de  la  neige;  il  est  regrettable  que  ses 
exigences  trop  spéciales  au  point  de  vue  du  sol  ne  permettent 
pas  de  l'utiliser  dans  les  montagnes  calcaires,  où  aucune  forme 
analogue  ne  se  présente  pour  le  remplacer.  L'aune  vert  n'est, 
à  proprement  parler,  qu'un  arbrisseau,  dont  le  bois  ne  peut 
servir  qu'au  chauffage  ;  il  est  d'ailleurs  très  utile,  dans  les  hautes 
stations  qu'il  habite,  pour  fournir  le  combustible  nécessaire 
aux  fromageries. 

Allures  forestières.  —  Les  aunes  ne  se  rencontrent  qu'ac- 
cidentellement dans  les  futaies;  exploités  en  taillis,  ils  rendent 
d'excellents  services  et,  dans  des  sols  trop  humides  pour 
beaucoup  d'autres  espèces,  on  a  un  avantage  sérieux  à  les  pro- 
pager. On  les  introduit  alors  par  plantation,  car  les  semis, 
naturels  ou  artificiels,  ne  pourrraient  réussir  au  milieu  des 
hautes  herbes  qui  envahissent  ces  terrains. 


Boppe  et  Jolyet.  " 


82 


LES    ESSENCES. 


Les  bois  tendres. 


Le  tilleul  (1)  est  un  arbre  de  très  grande  taille,  qui,  à  l'état 
isolé,  atteint  les  plus  belles  dimensions;  il  se  rencontre  dans 
les  plaines  et  sur  les  coteaux,  où  il  ne  dépasse  pas  l'altitude 
du  chêne.  Il  recherche  les  sols  frais.  —  Son  bois  blanc,  léger, 
mou,  de  peu  de  durée,  mais  d'un  travail  facile  et  se  gerçant 
peu,  est  apprécié  des  tourneurs  et  des  sculpteurs.  C'est  un 
assez  médiocre  combustible.  Le  liber  de  l'écorce  du  tilleul, 
fournit  la  matière  filamenteuse  connue  sous  le  nom  de  tille. 

Le  peuplier  tremble  (2)  se  rencontre  en  France  dans  tous 
les  sols  et  dans  toutes  les  stations  ;  de  la  plaine,  il  s'élève  dans 
la  montagne  jusqu'aux  altitudes  de  1  600  à  1  700  mètres.  Il 
recherche  les  sols  frais,  humides,  riches  en  terreau,  pourvu 
qu'ils  ne  soient  pas  trop  compacts,  et  prend  alors  un  dévelop- 
pement convenable;  partout  ailleurs  il  reste  chétif.  L'accrois- 
sement du  tremble  est  très  rapide,  mais  sa  faible  longévité  ne 
lui  permet  pas  de  fournir  de  gros  arbres  ;  pourtant,  dans  cer- 
taines stations  qui  lui  sont  particulièrement  favorables,  on 
peut  voir  des  tiges  qui  mesurent  0™,80  de  diamètre.  En 
général,  il'  atteint  tout  son  développement  vers  cinquante  ou 
soixante  ans;  passé  cet  âge,  son  bois  est  presque  toujours 
dégradé  par  la  pourriture  centrale.  Son  couvert  très  léger,  et 
son  tempérament  robuste  ne  lui  permettent  pas  de  supporter  le 
moindre  abri.  Il  pousse  assez  mal  de  souches,  mais  drageonne 
très  abondamment.  —  Le  bois  de  tremble  est  léger,  tendre, 
de  consistance  homogène  ;  il  est  recherché  pour  la  fabrication 
des  allumettes  et  des  pâtes  à  papier.  Chauffage  médiocre,  il 
est  cependant  d'un  bon  usage  comme  bois  de  boulangerie. 

Les  Saules  comprennent  un  grand  nombre  d'espèces,  qui, 
presque  toutes,  habitent  les  bords  des  grands  fleuves  et  des 
rivières,  ou  les  terrains  submersibles  : 

Le  saule  blanc  est  l'espèce  la  plus  importante  du  genre  par 
sa  taille  et  sa  longévité;  croissant  à  l'état  libre   dans  les    sols 

(1)  Nous  réunissons  le  tilleul  à  grandes  feuilles  et  le  tilleul  à  petites 
feuilles  :  ce  dernier  est  le  plus  commun  en  forêt. 

(2)  Les  autres  peupliers  indigènes  sont  très  rares  en  forêt. 


LES    M<HS    TENDRES.  M 

frais  et  fertiles,  il  peul  donner  un  grand  arbre.  Il  est  loujours 
assez  rare  dans  les  forêts,  où  son  couvert  Léger  esi  peu  nuisi- 
ble aux  espèces  plus  précieuses.  Le  saule  blanc  se  bouture 
très  facilement. — Son  bois,  faiblement  teinté  en  rose,  es!  léger 
et  très  homogène;  il  serf  à  la  sculpture  et  se  débite  en  vo- 
liges  pour  la  fabrication  des  caisses  d'emballage.  Comme 
chauffage,  il  peut  être  assimilé  au  Iremble. 

Le  saule  marceau  est  bien  plus  répandu  que  le  précédent; 
il  accompagne  partout  le  tremble  ;  comme  lui,  il  se  bouture 
assez  mal.  Sa  longévité  est  d'ailleurs  très  restreinte.  Croissant 
en  liberté,  il  vit  à  peine  quarante  à  cinquante  ans  ;  englobé 
dans  un  massif,  il  périt  vers  vingt-cinq  ans.  —  Son  bois,  plus 
dur,  plus  lourd  que  celui  du  tremble,  présente,  employé  à  l'air, 
une  certaine  résistance  à  l'altération  et  fournit,  pour  ce  motif, 
des  perches  à  houblon  et  des  échalas  recherchés.  C'est  un  mau- 
vais combustible. 

Allures  forestières  des  bois  tendres.  —  En  général,  les 
bois  tendres  ne  sont  appelés  qu'à  jouer  un  rôle  secondaire 
dans  le  traitement  des  forêts  ;  ce  sont  surtout  des  essences 
accessoires  et  de  remplissage.  Toutefois  chacune  d'elles  a  une 
manière  d'être  spéciale. 

On  trouve  rarement  le  tilleul  dans  les  vieux  massifs  de 
futaie.  Mais,  abondant  dans  certains  taillis,  il  fournit  des  rejets 
nombreux  et  d'une  croissance  extrêmement  rapide  dans  les 
débuts  ;  toutefois,  sa  production  moyenne  en  argent  ne  dé- 
passe pas  celles  des  espèces  plus  précieuses,  à  moins  qu'on 
tire  parti  de  son  écorce,  comme  dans  les  environs  de  Chan- 
tilly. Sa  présence  est  même  nuisible  sur  les  points  où  l'on 
cherche  une  régénération  par  la  semence;  il  y  a  souvent  lieu, 
dans  ce  cas,  de  l'extirper  radicalement,  car  ses  énormes  cé- 
pées étouffent  les  semis  qui  les  environnent. 

Le  tremble  se  multiplie  très  abondamment  dans  les  jeunes 
futaies  ;  mais  il  est  surtout  commun  dans  les  taillis,  où,  par 
ses  nombreux  drageons,  il  envahit  quelquefois  toutes  les  sur- 
faces récemment  exploitées.  Malgré  celte  extrême  abondance, 
le  tremble  devient  rarement  nuisible,  car  la  vigueur  de  ses 
drageons  s'épuise  vite  et  beaucoup  d'entre  eux  disparaissent 
des  les  premières  années.  On  commet  souvent  la  faute  de  les 


84  LES    ESSENCES. 

détruire  trop  tôt,  sous  prétexte  d'amélioration  culturale  ;  il  est 
facile,  en  effet,  de  constater  que  leurs  tiges  grêles  et  élancées 
servent  de  tuteurs  et  d'abri  à  celles  des  espèces  plus  dé- 
licates, qu'elles  soutiennent  et  protègent  sans  les  entraver.  En 
les  laissant  grossir,  on  en  obtiendra,  plus  tard,  des  produits 
abondants,,  qui  feront  largement  compensation  à  des  dom- 
mages éventuels.  En  un  mot,  il  en  est  du  tremble  comme  du 
bouleau;  il  faut  les  compter  l'un  et  l'autre  comme  remplissage, 
tant  qu'on  ne  peut  obtenir  mieux  à  leur  place;  sans  chercher 
à  les  propager,  on  ne  doit  pas  les  expulser  systématiquement 
des  forêts;  il  suffit  de  les  surveiller  et  d'en  tirer  profit,  dès 
qu'ils  deviennent  gênants,  en  tous  cas,  avant  leur  complet  dé- 
périssement. Le  couvert  très  léger  du  tremble,  sa  reproduc- 
tion par  drageons,  le  rangent  au  nombre  des  essences  dont  le 
choix  est  logique  comme  arbre  de  réserve  dans  les  taillis  sous 
futaie,  où  il  ne  dépasse  pas  la  dimension  de  moderne. 

Malgré  sa  longévité  assez  grande,  le  saule  blanc  dépérit  de 
très  bonne  heure  dans  les  massifs  forestiers;  c'est  lui  qui  con- 
tribue pour  la  plus  forte  part  à  former,  dans  certaines  forêts, 
la  charge  de  bois  sec  des  délinquants.  Dans  les  campagnes,  il 
est  surtout  planté  sur  le  bord  des  ruisseaux,  où  on  le  traite  en 
têtard.  Il  est  aussi  cultivé  pour  la  production  de  l'osier.  La 
facilité  avec  laquelle  il  se  bouture  permet  de  l'utiliser  sous 
forme  de  plançons  pour  soutenir  les  talus  et  former  les  barrages 
vivants  dans  le  lit  des  torrents. 

Le  saule  marceau  est  une  espèce  envahissante  au  premier 
chef  et  qui,  par  sa  croissance  rapide  et  son  couvert,  assez 
épais  dans  le  jeune  âge,  est  souvent  préjudiciable  aux  bonnes 
essences.  Il  faut  alors  l'extirper  sans  ménagement.  Le  saule 
marceau  peut  néanmoins  rendre  des  services,  à  cause  de  sa 
rusticité  ;  on  l'emploie  avec  succès  pour  former  un  premier 
broussaillement  dans  les  terrains  pauvres  à  reboiser. 

D'autres  saules,  dont  la  taille  ne  dépasse  pas  celle  des  ar- 
bustes, sont  localisés  sur  les  bords  des  grands  fleuves,  dans  les 
zones  périodiquement  inondées.  Exploités  sous  forme  de  me- 
nus taillis,  on  en  tire  un  parti  très  avantageux. 


LE     SATIN. 


Le  sapin. 


85 


Aire  et  station.  — Le  sapin  constitue,  en  France,  de  grandes 
forêts  dans  les  régions  montagneuses  des  Vosges,  du  Jura,  des 
Alpes,  des  Pyrénées  et  du  Plateau  Central;  rare  dans  les  col- 
ines  de  la  Bourgogne,  il  manque  dans  les  Maures  et  l'Ksterel 
et  dans  les  Ardennes,  mais  on  le  trouve  sur  quelques  points 
des  collines  de  Normandie  à  la  limite  des  bassins  de  la  Seine  et 
de  la  Loire.  Partout,  le  sapin  recherche  le  climat  montagneux 
et  il  n'apparaît  dans  les  faibles  altitudes  (200  ou  250  mètres)  que 
sur  les  coteaux,  au  pied  de  montagnes,  du  climat  desquelles 
ces  derniers  participent.  Il  caractérise  le  commencement  de 
la  région  froide  qui  succède  à  celle  du  charme  et  du  chêne. 

Le  sapin  prospère  dans  les  Vosges  jusqu'à  1  100  mètres, 
jusqu'à  1300  dans  le  Jura;  il  atteint  1  500  mètres  dans  le  Pla- 
teau central,  1700  dans  les  Alpes,  et  près  de  2  000  dans  les 
Pyrénées.  La  nature  minéralogique  du  sol  lui  est  indiffé- 
rente, pourvu  que  le  terrain  soit  meuble,  profond  et  sim- 
plement frais  (1). 

Tempérament.  —  Le  jeune  plant  du  sapin  est  très  délicat; 
c'est  l'arbre  d'ombre  par  excellence  et,  plus  que  toute  autre 
espèce,  il  conserve  la  faculté  de  prendre  son  essor  après  avoir 
été  longtemps  gêné  par  le  couvert.  Il  résiste  assez  bien  aux 
grands  froids  de  l'hiver,  mais  il  est  très  sensible  aux  gelées 
printanières. 

Enracinement,  fructification.  —  L'enracinement  du  sapin 
est  profond.  Toutefois  cette  essence,  profitant  des  crevasses 
qui  sillonnent  les  sous-sols  calcaires,  acquiert  de  fort  belles  di- 
mensions sur  des  terrains  qu'à  première  vue  on  lui  aurait 
jugé  contraires.  Les  sapins  du  Jura  sont  là  pour  en  témoigner. 
La  fructification,  assez  abondante  et  assez  régulière,  ne  pré- 
sente point  les  intermittences  et  les  inégalités  que  l'on  observe 
chez  les  pins,  les  chênes  et  les  hêtres. 

Croissance,  longévité.  — Le  sapin  est  un  arbre  de  première 

(1)  Ou  tout  au  moins  que  le  sous-sol  soit  fissuré  dans  le  sens  verticaL 


86  LES    ESSENCES. 

grandeur,  qui  peut  parvenir  à  40  mètres  d'élévation  (1)  sur 
lm,20  à  2  mètres  de  diamètre.  Il  croît  rapidement  en  hauteur 
jusque  vers  l'âge  de  cent-  à  cent  vingt  ans,  en  conservant  une 
cime  pyramidale  aiguë.  A  un  âge  plus  avancé,  l'axe  principal 
cesse  de  s'allonger  et  la  cime  s'aplatit  de  plus  en  plus  au  som- 
met ;  c'est  alors  l'époque  de  la  pleine  fructification. 

Sa  longévité  est  très  considérable. 

Bois  et  ses  usages.  —  Bois  de  construction  et  de  travail 
de  premier  ordre,  souvent  utilisé  pour  la  fente,  il  donne  un 
chauffage  médiocre,  sauf  son  écorce  et  ses  branches,  ou  raies, 
qui  sont  gorgées  de  résine  et  lancent  une  flamme  claire  et  vive. 

Produits  accessoires.  —  L'écorce  du  sapin  renferme  une 
certaine  quantité  de  tanin  et  pourrait  servir  à  la  préparation 
des  cuirs.  L'arbre  ne  fournit  que  peu  de  résine;  celle-ci  est 
localisée  dans  l'écorce  et  on  a  perdu  l'habitude  d'en  retirer  ce 
produit,  qui  était  connu  dans  les  Vosges  sous  le  nom  de  téré- 
benthine de  Strasbourg. 

Allures  forestières.  —  Le  sapin,  comme  toutes  les  coni- 
fères indigènes,  ne  peut  être  traité  autrement  qu'en  futaie. 
Il  constitue  les  forêts  les  plus  sombres  et  affectionne  l'état  de 
massif  très  serré.  Un  peuplement  de  sapin  abandonné  à  lui- 
même  comporte  toujours  plusieurs  étages  de  végétation;  le 
feuillage  se  continue  pour  ainsi  dire  sans  interruption,  depuis 
les  plus  hautes  cimes  jusqu'au  niveau  du  sol,  et  le  couvert 
épais  qui  en  résulte  entretient  la  fertilité  du  terrain,  en  même 
temps  que  l'humidité  constante  dont  cette  espèce  ne  peut  se 
passer.  Aussi,  le  sapin  sembie-t-il  né  pour  le  traitement  en 
futaie  jardinée.  Du  reste,  dans  toutes  les  forêts  qu'on  ne 
fatigue  pas  par  le  pâturage  ou  par  des  exploitations  abusives, 
le  semis  naturel  ne  fait  jamais  défaut,  même  sous  les  massifs 
intacts. 

Si  les  circonstances  climatériques  locales  ne  s'y  opposent 
pas,  le  sapin  accepte  la  forme  de  futaie  régulière;  mais  à 
cette  condition  expresse  qu'on  respecte  les  différents  étages 
superposés  qu'il  réclame  d'une  façon  impérative,  surtout  dans 
les  sols  exposés  à  se  dessécher.  En  effet,  quand  le  sapin  a  cessé 

(1)  La  hauteur  du  «  Président  »  dans  la  forêt  de  la  Joux  (Jura)  dépasse 
49  mètres. 


i  ïi'iri'  \.  S" 

décroître  en  hauteur,  sa  cime  s'étale  et  B'éclaircit;  le  sol,  mal 
protégé  par  le  couvert  d'un  peuplement  réduit  à  un  étage 
unique,  va  sans  cesse  en  se  dégradant;  il  est  envahi  par  une 

épaisse  couverture  vivante,  au  milieu  de  laquelle  la  régénéra* 
tion  naturelle  devient  toujours  difficile  et  parfois  même 
impossible. 

Sous  cette  réserve,  le  sapin  peut  former  de  bonnes  forets  à 
l'état  pur  ;  mais  il  est  préférable  de  lui  associer  d'autres 
essences,  notamment  le  hêtre  et  l'épicéa.  Le  mélange  avec  les 
formes  qui  le  précèdent  ou  qui  le  suivent  en  altitude,  s'im- 
pose dès  qu'on  approche  des  limites  inférieures  ou  supérieures 
de  la  zone  montagneuse  relativement  étroite  qu'il  habite.  Le 
sapin  fait  d'ailleurs  excellent  ménage  avec  les  feuillus,  arbres 
ou  arbustes,  dont  il  recherche  le  terreau.  C'est  la  raison  pour 
laquelle  il  envahit  les  taillis  avoisinant  la  sapinière. 

L'épicéa. 

Aire  et  Station.  —  Bien  que  très  répandu  dans  les  plaines 
du  nord  de  l'Europe,  l'épicéa  ne  se  rencontre  spontané  en 
France  que  dans  une  zone  supérieure  à  celle  du  sapin.  Assez 
rare  dans  les  Vosges,  où  il  monte  jusqu'à  1  300  mètres 
d'altitude,  il  couvre  des  étendues  considérables  sur  les 
deuxième  et  troisième  plateaux  du  Jura,  jusqu'à  1500  mètres, 
et  acquiert  une  importance  toute  spéciale  dans  les  Alpes  sep- 
tentrionales et  centrales,  où  il  parvient  à  2400  mètres.  Moins 
commun  déjà  dans  les  Alpes  méridionales,  il  est  remplacé 
dans  les  Pyrénées  par  le  Pin  de  montagne,  et  manque  dans  le 
Plateau  central.  Dans  ces  différentes  régions,  l'épicéa  re- 
cherche surtout  les  stations  froides  et  fraiches.  Malgré  son 
adaptation  toute  spéciale  aux  sols  calcaires,  l'épicéa  ne  se 
montre  nullement  exclusif  à  cet  égard  et  accepte  tous  les 
terrains,  même  mouilleux. 

Tempérament.  —  Le  tempérament  de  l'épicéa  est  assez 
robuste.  Son  jeune  plant  ne  résiste  pas  à  un  ombrage  épais. 
Au  contraire,  on  le  voit  s'installer  en  plein  découvert,  dans 
l'herbe  des  clairières  ou  des  pâturages.  Toutefois,  à  cause  de 
son  faible  enracinement,  le  léger  couvert  du  bouleau  ou  du 


88  LES    ESSENCES. 

sorbier  des  oiseleurs,  l'abri  d'une  roche  ou  d'un  mur  de  clôture, 
celui  de  quelques  broussailles  lui  conviennent  à  merveille. 
Partout,  il  craint  la  sécheresse.  Il  résiste  indifférent  aux 
hivers  les  plus  rigoureux  et  souffre  moins  que  le  sapin  des 
gelées  printanières.  Il  présente,  sous  tous  ces  rapports,  une 
certaine  analogie  avec  le  charme. 

Enracinement,  fructification.  — L'enracinement  de  l'épi- 
céa consiste  essentiellement  en  une  souche  dépourvue  de  pivot 
et  garnie  de  racines  traçantes. 

Sur  les  plateaux  calcaires  du  Jura,  il  est  curieux  de  voir  ces 
racines  ramper  sur  le  sol  jusqu'à  ce  qu'elles  rencontrent  une 
fente,  une  lésine,  dans  laquelle  elles  s'engagent  aussitôt;  elles 
arrivent  a  faire  ainsi  corps  avec  les  blocs  de  rocher.  Gela  permet 
à  cette  espèce  traçante  de  lutter  contre  les  terribles  coups  de 
vent  qui  balayent  ces  régions.  Souvent,  on  la  voit  s'installer 
dans  le  bois  pourri,  sur  les  souches  exploitées,  à  plusieurs 
décimètres  au-dessus  du  sol  ;  de  là  ses  racines  gagnent  la 
terre  en  lui  donnant  pour  base  une  sorte  de  candélabre  ren- 
versé. La  fructification  est  sujette  à  plus  d'intermittences  et 
d'irrégularités  que  celle  du  sapin  et,  suivant  les  contrées, 
n'est  abondante  que  tous  les  deux,  six  et  même  huit  ans;  elle 
se  produit  normalement  à  cinquante  ans. 

Croissance,  longévité.  —  L'épicéa  est  un  arbre  de  très 
grande  dimension,  à  tige  droite,  élancée,  pouvant  atteindre 
jusqu'à  50  mètres  d'élévation,  mais  dont  le  diamètre  reste 
généralement  inférieur  à  celui  du  sapin.  Son  couvert  est  assez 
épais  ;  il  conserve  une  cime  touffue,  pyramidale  et  qui  jamais 
ne  prend  la  forme  tabulaire,  naturelle  chez  les  sapins  qui 
ont  dépassé  cent  ans. 

Sa  longévité  atteint  quatre  cents  à  cinq  cents  ans. 

Bois  et  usages.  —  Le  bois  d'épicéa,  plus  léger,  en  général 
plus  blanc  que  celui  du  sapin,  s'emploie  aux  mêmes  usages 
et,  suivant  sa  provenance,  se  paie  plus  ou  moins  cher  que  ce 
dernier.  Il  est  mou,  spongieux,  de  qualité  inférieure  dans 
les  stations  basses,  en  raison  de  la  rapidité  de  sa  croissance; 
vers  les  limites  supérieures  de  sa  zone,  au  contraire,  il 
acquiert  d'excellentes  qualités  et  sa  valeur  dépasse  du  quart 
au  cinquième,  celle  du  bois  de  sapin.  C'est  ainsi  que,  dans  les 


i.'hi'Icka.  89 

Alpes,  il  est  toujours  préféré  à  ce  dernier,  quel  que  soit  l'em- 
ploi auquel  ou  le  destine.  En  résumé,  bois  cle  construction  et 
de  travail  cle  première  ordre,  il  peut  môme  être  employé  pour 
la  mature. 

Produits  accessoires.  —  L'écorceconlicnl  du  tanin  etsert, 
dans  les  régions  où  le  chêne  fait  défaut,  à  la  préparation  du 
cuir.  Il  faut  10  kilogr.  d'écorce  d'épicéa  pour  remplacer 
3  kilogr.  d'écorce  de  chêne.  En  France,  on  a  renoncé  à  extraire 
la  résine  de  l'épicéa;  cet  arbre  est,  en  effet,  trop  précieux  comme 
bois  d'œuvre,  pour  qu'on  lui  fasse  subir  les  dégradations  que 
comporte  cette  pratique,  d'ailleurs  peu  lucrative. 

Allures  forestières.  —  Comme  le  sapin,  l'épicéa  demande 
à  être  maintenu  en  massif  sombre,  mais  il  s'y  comporte  d'une 
manière  différente  ;  végétant  mal  à  l'état  dominé,  il  se  cons- 
titue naturellement  en  un  seul  étage,  auquel  le  grand  nombre 
des  tiges  conserve  toute  sa  densité.  Grâce  à  la  forme  toujours 
conique  de  sa  cime,  il  possède,  plus  qu'aucune  autre  essence, 
la  faculté  de  vivre  à  l'état  très  serré,  ce  qui  lui  permet  de  for- 
mer les  peuplements  les   plus   riches  en   matériel. 

Il  est  avantageusement  traité  en  futaie  régulière;  mais 
comme  il  est  très  exposé  à  être  renversé  par  le  vent,  on  fera 
bien  de  le  mélanger  avec  le  hêtre,  le  sapin  ou  le  mélèze  :  les 
peuplements  acquièrent  ainsi  plus  de  solidité  et  se  régénèrent 
plus  facilement.  Il  se  montre  d'ailleurs  très  envahissant  dans 
les  pâtures  et  les  taillis  qui  avoisinent  les  forêts  résineuses  ;  on 
dirait  que,  sous  l'influence  d'un  traitement  méthodique,  il  a 
des  tendances  à  déserter  les  grands  massifs.  A  cause  de  son 
tempérament  robuste,  il  est  une  des  rares  essences  pour  les- 
quelles on  a  pu  tenter  avec  succès  la  régénération  naturelle 
par  coupe  à  blanc. 

Aucune  espèce  ne  supporte  mieux  la  transplantation.  La 
souplesse  de  son  tempérament  lui  permet  de  vivre  à  peu  près 
partout;  cette  faculté  d'adaptation  se  traduit  par  de  perpétuels 
changements  dans  sa  forme,  changements  qui  ont  donné 
naissance  aux  nombreuses  races  souvent  décrites  (1). 

(1)  Brenot,  Remarques  sur  les  deux  variétés  de  l'épicéa  commun. 
Paris,  Imprimerie  nationale,  1878  ;  —  Revue  des  Eaux  et  Forêts,  1870, 
—  Dr  Schroter,  Vielgestaltigkeit  der  Fitchte.  Zurich,  1898. 


90  LES    ESSENCES. 


Le  mélèze. 


Aire  et  Station.  —  En  France,  le  mélèze  n'apparaît  spon- 
tané que  dans  les  régions  élevées  des  Alpes.  Il  y  vit  en  massif 
mélangé  avec  le  sapin,  l'épicéa,  le  pin  sylvestre  ou  le  pin  de 
montagne,  à  partir  de  1  200  mètres  d'altitude.  Pur  ou  mélangé 
avec  le  pin  cembro,  il  peut  s'élever  jusqu'à  2900  mètres. 
Par  contre,  on  le  voit  s'installer  naturellement,  même  au- 
dessous  de  1000  mètres  d'altitude,  dans  les  friches  mises  en 
défens,  quand  elles  sont  exposées  au  Nord  ou  à  l'Est. 

Le  mélèze  ne  marque  aucune  préférence  pour  les  qualités 
minéralogiques  des  sols,  pourvu  qu'ils  soient  suffisamment 
meubles,  légers  et  profonds.  L'espace  et  la  lumière  lui  sont 
indispensables. 

Tempérament.  —  Le  jeune  plant  de  mélèze  ne  supporte  pas 
le  moindre  couvert  ;  ce  qu'il  craint  surtout,  c'est  la  sécheresse. 
Naissant  en  pleine  lumière,  sa  graine  ne  peut  germer  que 
dans  un  terrain  toujours  humide.  Le  feuillage,  qui  se  renou- 
velle en  totalité  chaque  année,  fournit  un  terreau  mieux 
constitué  que  celui  d'aucune  autre  conifère  ;  il  ne  forme 
d'ailleurs  qu'un  couvert  assez  léger,  sous  lequel  s'installe  un 
gazon  continu,  généralement  pâturé  ou  fauché. 

Enracinement,  fructification.  —  L'enracinement,  très 
solide,  se  fait  par  plusieurs  racines  principales,  obliquement 
et  profondément  enfoncées,  desquelles  partent  un  grand 
nombre  d'autres  petites  racines  plus  ou  moins  traçantes;  le 
pivot  véritable  s'est  oblitéré  dès  les  premières  années. 

La  fécondité  du  mélèze  est  précoce  et  la  fructification 
s'opère  assez  régulièrement  tous  les  ans  ;  mais  la  récolte 
donne  toujours  une  forte  proportion  de  graines  vaines. 

Croissance,  longévité.  —  La  croissance  du  mélèze,  rapide 
dans  sa  jeunesse,  devient  extrêmement  lente  à  un  âge  plus 
avancé. 

Dans  sa  station,  il  peut  vivre  plus  de  cinq  siècles  et  donner 
des  arbres  énormes.  Transporté  à  de  faibles  altitudes,  sa  lon- 
gévité est  fort  réduite. 

Bois  et  ses  usages.  —  Le  bois  du  mélèze  est  d'excellente 


LE    Ml  l-i  ZE. 


91 


qualité,  c'est  un  des  plus  précieux  que  produisent  les  forêts 
indigènes  ;  on  a  pu  dire  de  lui  avec  raison  qu'il  est  le  chêne 
de  la  montagne.  Dans  les  Alpes,  il  passe  pour  imputrescible 
dans  toutes  les  conditions  d'emploi.  Descendu  sur  les  collines 
par  la  culture  artificielle,  il  donne  encore  un  très  bon  bois  ; 
malgré  la  rapidité  de  sa  végétation,  il  conserve  son  aubier 
mince,  et  son  bois  parfait  reste  préférable  à  celui  de  toutes 
les  autres  espèces  résineuses  qui  pourraient  lui  être  associées. 

Produits  accessoires.  —  En  France,  les  forêts  de  mélèze 
ne  sont  pas  soumises  au  résinage.  Les  feuilles  de  cette  es- 
sence sécrètent  une  gomme  particulière,  que  la  médecine  uti- 
lise, comme  purgatif,  sous  le  nom  de  manne  de  Briançon 
L'écorce  du  jeune  mélèze  est  très  riche  en  tanin. 

Allures  forestières.  —  Dans  les  hautes  régions  habitées 
par  le  mélèze,  les  peuplements  ont  à  lutter  contre  la  rigueur 
du  climat,  l'âpreté  du  sol,  la  déclivité  des  pentes  et  le  voisi- 
nage des  pâtures.  Alors,  le  traitement  d'une  forêt  est  toujours 
chose  fort  délicate,  car  la  moindre  imprudence  peut-être 
l'occasion  de  désastres  irréparables. 

A  cause  de  son  extrême  besoin  de  lumière  à  tous  les  âges, 
le  mélèze  végète  mal  en  étages  superposés  ;  les  massifs  clairs, 
composés  d'arbres  de  même  hauteur,  sont  de  beaucoup  préfé- 
rables. Pour  perpétuer  cet  état,  il  suffit  de  mettre  scrupu- 
leusement en  défens,  non  seulement  les  bois  très  jeunes,  mais 
encore  les  parties  exploitables  que  l'on  veut  régénérer.  Dès 
que  le  découvert  est  suffisant,  le  semis  s'installe  au  milieu 
du  gazon  peu  touffu  qui  tapisse  toujours  le  sol  de  la  forêt. 

A  la  limite  inférieure  de  son  aire,  le  mélèze  se  mélange 
avantageusement  avec  l'épicéa,  le  pin  de  montagne  ou  même 
le  pin  sylvestre.  11  accepte  alors  le  traitement  jardiné  adapté 
à  ces  espèces.  Conservé  en  groupe  dans  les  hauts  gazons,  il 
abrite  le  bétail,  en  même  temps  qu'il  fournit  d'excellents  pro- 
duits :  aucune  espèce  ne  convient  mieux  pour  la  création  de 
prés-bois  alpestres. 


92 


LES    ESSENCES. 


Le  pin  sylvestre. 


Aire  et  station.  —  Le  pin  sylvestre  est  l'arbre  des  plaines 
et  des  montagnes  sablonneuses. 

En  France,  on  le  trouve  spontané  dans  les  Vosges  (1),  où 
il  peut  être  cultivé  jusqu'à  l'altitude  de  1  100  mètres,  dans  le 
Plateau  Central  jusqu'à  1  500  mètres,  dans  les  Alpes  jusqu'à 
1700,  dans  les  Pyrénées  jusqu'à  2  000.  Partout  il  recherche 
les  expositions  chaudes.  Excepté  dans  les  régions  du  pin 
d'Alep  et  du  pin  maritime,  le  pin  sylvestre  a  été  propagé 
comme  principale  essence  de  reboisement  ;  en  plaine  comme 
en  montagne,  il  a  ainsi  reçu  une  très  grande  expansion  artifi- 
cielle. Sans  refuser  de  croître  dans  les  sols  compacts,  il  pré- 
fère de  beaucoup  ceux  qui  sont  meubles  et  divisés. 

Tempérament.  —  Le  pin  sylvestre  a  le  couvert  léger,  sur- 
tout à  un  âge  avancé  ;  son  jeune  plant  est  des  plus  robustes  ; 
l'arbre  constitué,  très  avide  de  lumière,  ne  comporte  pas  l'état 
de  massif  serré.  Il  exige  de  l'espace  pour  développer  en 
largeur  une  cime  qui  ne  peut  rester  feuillée  sur  une  grande 
hauteur;  aussi  est-il  indispensable  de  lui  en  ménager,  sans 
quoi  l'on  s'expose  à  ne  produire  que  des  arbres  grêles,  qui 
se  plient  sous  leur  propre  poids,  sous  celui  de  la  neige  ou  du 
givre,  et  à  voir,  chaque  année,  les  peuplements  se  clairiérer 
d'eux-même  par  la  rupture  des  tiges  dont  la  cime  est  trop  ré- 
duite. Cette  essence  n'a  rien  à  redouter  des  gelées  d'hiver, 
ni  de  celles  du  printemps;  par  contre,  plus  que  toutes  les 
autres,  elle  est  exposée  aux  ravages  des  insectes  et  des  cham- 
pignons :  dangers  qui  sont  surtout  à  redouter  en  dehors  de  ses 
stations  naturelles.  Le  pin  sylvestre  craint  aussi  les  hauts 
sommets  exposés  à  des  vents  violents  ;  alors,  il  semble  ré- 
sister tant  qu'il  est  assez  jeune  pour  passer  l'hiver  sous  la 
neige;  mais,  dès  que,  en  grandissant,  sa  cime  dépasse  cette 
zone,  il  perd  ses  feuilles  et  ne  tarde  pas  à  périr,  plutôt  sous 
l'action  mécanique  des  vents,  que  par  l'effet  d'un  climat  trop 
rigoureux. 

(1)  Dans  les  Vosges,  l'origine  spontanée  du  pin  sylvestre  n'est  cer- 
taine qu'en  dehors  de  nos  frontières. 


LE    riN    SYLVESTRE 


93 


Enracinement,  fructification.  —  L'enracinement  esl  assez 
variable;  en  sol  léger  et  profond,  le  pivot  Be  développe  beau- 
coup et  forme  la  partie  essentielle  de  la  racine  jusque  vers 
trente  ou  quarante  ans  ;  passé  ce  terme,  les  racines  latérales 
s'accroissent  en  vigueur,  mais  ont  aussi  une  tendance  à  s'en- 
foncer. Dans  les  terrains  liants,  au  contraire,  le  pivot  s'arrête 
de  très  bonne  beure  et  des  racines,  peu  profondément  situées, 
ne  tardent  pas  à  le  remplacer. 

La  fécondité  du  pin  sylvestre  est  très  précoce  et  l'on  voit 
des  arbres  isolés  qui,  à  quinze  ans,  produisent  déjà  des  cônes 
et  de  bonnes  graines;  régulièrement,  dans  les  massifs,  ce  n'est 
guère  que  vers  cinquante  ans,  et  même  au  delà,  qu'elle  se 
prononce.  En  général,  on  trouve  au  moins  quelques  cônes 
chaque  année,  mais  il  n'y  a  abondance  que  tous  les  trois  à 
cinq  ans. 

Croissance,  longévité.  —  Dans  ses  stations  naturelles,  le 
pin  sylvestre  est  un  arbre  de  grande  taille,  qui  atteint  30  ou 
40  mètres  d'élévation,  mais  dépasse  rarement  4  mètres  de 
circonférence  et  reste,  à  cet  égard,  bien  en  arrière  du  sapin. 
Sa  croissance,  très  lente  dans  le  Nord,  est  infiniment  plus  ra- 
pide dans  les  climats  tempérés. 

Sa  longévité  est  également  très  grande.  Dans  les  plaines  où 
il  a  été  introduit,  il  vit  beaucoup  moins  longtemps. 

Bois  et  ses  usages.  —  Le  bois  du  pin  sylvestre,  de  toute 
première  qualité  sous  les  climats  septentrionaux  et  monta- 
gneux, devient  médiocre,  au  fur  et  à  mesure  qu'un  ciel  plus 
doux  lui  donne  une  croissance  plus  rapide.  Dans  ce  dernier 
cas,  la  proportion  d'aubier  est  considérable,  relativement  à 
celle  du  bois  parfait,  qui,  lui-même,  bien  que  d'assez  bonne 
qualité,  est  loin  de  valoir  le  bois  connu  dans  le  commerce  sous 
le  nom  de  sapin  rouge,  et  qui  n'est  autre  que  le  pin  sylvestre 
de  Norwège  ou  de  Finlande.  Comme  chauffage,  il  est  meil- 
leur que  le  sapin  et  l'épicéa;  il  est  surtout  recherché  par  la 
boulangerie.  Ainsi  que  la  plupart  des  résineux,  il  entre  au- 
jourd'hui dans  la  fabrication  des  pâtes  à  papier. 

Produits  accessoires.  —  On  ne  résine  pas  le  pin  sylvestre, 
autrement  qu'en  délit.  Ses  souches,  distillées  en  vase  clos, 
donnent  du  goudron  et  du  charbon  de  bonne  qualité. 


94 


LES    ESSENCES. 


Allures  forestières.  —  Le  pin  sylvestre  doit  être  con- 
duit en  futaie  régulière.  En  massif  pur  et  dans  les  stations 
convenables,  les  peuplements  jeunes  entretiennent  assez  bien 
le  sol  jusque  vers  l'âge  de  vingt-cinq  à  trente  ans  ;  plus 
tard,  l'état  superficiel  se  dégrade  et,  sous  les  vieux  massifs 
purs,  la  régénération  naturelle  devient  difficile.  C'est  ce  qui 
explique  pourquoi,  dans  les  forêts  fatiguées,  on  est  souvent 
obligé  d'avoir  recours  à  la  régénération  artificielle,  qui  s'ob- 
tient d'ailleurs  facilement,  soit  par  plantations,  soit  par  semis. 
Le  pin  sylvestre  se  mélange  naturellement  avec  le  hêtre,  le 
sapin  ou  l'épicéa,  au  milieu  desquels,  grâce  à  sa  naissance  ra- 
pide, il  se  maintient  à  l'état  dominant  et  fournit  d'excellents 
produits.  Ces  mélanges  sont  malheureusement  beaucoup  trop 
rares  en  France,  et,  dans  bien  des  circonstances,  on  aurait  in- 
térêt à  les  créer  par  voie  artificielle.  Dans  la  haute  montagne, 
il  accepte  un  jardinage  adapté  à  son  tempérament. 

Souvent  cette  essence  se  rencontre  dans  les  sols  trop 
pauvres  pour  qu'on  puisse  lui  associer  aucune  autre  espèce  de 
grande  taille  ;  dans  ce  cas,  il  est  indispensable  de  respecter 
scrupuleusement  toute  la  végétation  arbustive  qui  buissonne 
à  ses  pieds.  Qu'ils  soient  purs  ou  mélangés,  les  pins  sylvestres 
sont  faciles  à  traiter  ;  il  suffit,  à  tous  les  âges,  de  ménager 
aux  plus  belles  tiges  l'espace  nécessaire  pour  développer 
librement  leur  cime. 

La  frugalité  de  cette  forme  et  sa  faculté  de  s'adapter  aux 
conditions  les  plus  diverses,  en  font  une  espèce  précieuse 
entre  toutes  pour  la  mise  en  valeur  des  terrains  incultes,  dans 
les  régions  de  collines  et  de  basses  montagnes. 

Le  pin  de  montagne  ou  pin  à  crochets. 

Aire  et  station.  —  Dans  les  Alpes  et,  surtout,  dans  les 
Pyrénées,  le  pin  de  montagne  constitue,  seul  ou  mélangé,  des 
forêts  étendues.  Dans  ces  deux  stations,  il  apparaît  vers 
1500  mètres,  s'élève  en  massif  jusqu'à  2  200  et  se  maintient 
même  à  2  500  mètres  d'altitude.  Jamais  il  ne  descend  dans  les 
plaines,  même  dans  les  plus  septentrionales  (1). 

(1)   Le  pin  de   montagne  existe  sur  quelques  sommets  des  Hautes- 


LB    PIN    DE    MONTAGNE    <»i     PIN     \    CHOCHETS.  Bu 

Il  crdîl  sur  tous  les  sols,  qu'ils  soicnl  secs,  humides,  maré- 
cageux ou  tourbeux.  Outre  les  qualités  de  son  bois,  cette  pro- 
priété de  végéter  dans  les  conditions  où  aucune  autre  essence 
ne  pourrait  se  maintenir,  le  rend  précieux  pour  assurer  la 
permanence  de  l'état  boisé  dans  les  régions  alpestres. 

Tempérament.  —  Dans  les  hautes  stations  où  il  est  can- 
tonné, son  jeune.plant  ne  demande  aucun  abri;  néanmoins  le 
pin  de  montagne  résiste  mieux  que  le  pin  sylvestre  à  l'action 
du  couvert,  sa  cime  reste  beaucoup  plus  longue,  et  il  peut 
reprendre  une  belle  végétation  une  lois  qu'il  a  été  dégagé. 
Le  feuillage  de  l'arbre  est  assez  épais. 

Enracinement,  fructification.  —  L'enracinement  est  com- 
posé de  plusieurs  maîtresses  racines  traçantes  ;  on  n'y  remar- 
que pas  de  pivot  principal. 

La  fructification  se  produit  de  bonne  heure,  vers  dix  ans, 
et  se  maintient  abondante  et  continue. 

Croissance,  longévité.  —  La  croissance  du  pin  de  mon- 
tagne est  lente,  jamais  il  n'atteint  les  dimensions  d'arbre  de 
première  grandeur;  cependant,  les  belles  formes  de  sa  lige  et 
la  régularité  de  ses  anneaux  ligneux  en  font  une  espèce  inté- 
ressante à  tous  égards.  Sa  longévité  peut  dépasser  deux  cents 
ans. 

Bois  et  ses  usages.  —  Le  pin  de  montagne  est  estimé  pour 
la  charpente  et  le  sciage  et,  à  l'exception  du  mélèze,  on  le 
préfère,  dans  les  Alpes,  aux  autres  essences  résineuses.  Le 
grain  de  son  bois  est  très  fin  et  très  égal  ;  aussi  se  fend-il  et  se 
travaille-t-il  très  bien.  Comme  chauffage,  il  est  aussi  plus 
apprécié  que  les  autres  conifères. 

Allures  forestières.  —  Le  pin  de  montagne  offre  la  plus 
grande  analogie  avec  l'épicéa  ;  cependant  on  ne  rencontre 
presque  jamais  ces  deux  espèces  associées  ;  au  contraire,  le 
pin  de  montagne  semble  se  substituer  complètement  à  l'épicéa, 
dès  que  le  climat  devient  trop  sec  pour  ce  dernier.  Quoi  qu'il 
en  soit,  l'un  et  l'autre  peuvent  être  traités  d'une  façon  iden- 
tique, soit  à  l'état  pur,  soit  en  mélange  avec  le  sapin  ou  le 
mélèze. 

Vosges,  et  dans  les  tourbières  du  Jura.  Mais  son  importance  forestière 
y  esi  à  peu  près  nulle. 


96  LES    ESSENCES. 

Dans  les  hauts  couloirs,  il  maintient  l'état  boisé,  grâce  à  sa 
forme  en  candélabre  et  à  ses  branches  flexibles,  qui  se  cour- 
bent sous  la  neige.  Il  y  faut  abandonner  ces  massifs  à  leur  rôle 
de  forêts  de  protection. 

Le  piii  maritime. 

Aire  et  station.  —  Le  pin  maritimca  son  maximum  d'ex- 
pansion dans  les  Landes  et  sur  les  côtes  de  l'Océan  jusqu'à 
Bayonne.  Il  existe  le  long  des  Pyrénées,  et  se  retrouve  abon- 
dant sur  le  littoral  méditerranéen,  dans  les  Maures  etl'Esterel, 
et  en  Corse  où  il  atteint  l'altitude  de  1000  mètres.  Il  est  rare 
en  Algérie.  La  culture  l'a  répandu  dans  tout  l'ouest  de  la 
France,  et  même  dans  le  centre  (Sologne).  Cette  essence  cal- 
cifuge  accepte  tous  les  sols,  même  les  plus  médiocres,  pourvu 
qu'ils  soient  siliceux. 

Tempérament.  — Arbre  de  pleine  lumière,  à  couvert  léger, 
le  pin  maritime  résiste  très  bien  à  la  chaleur  et  à  la  sécheresse. 
Il  supporte  mal  des  froids  prolongés  et  dépassant  —  15°. 

Enracinement,  fructification.  —  Les  racines  sont  dévelop- 
pées, pivotantes  et  traçantes  à  la  fois.  Cette  disposition,  jointe 
à  une  croissance  très  rapide  dans  la  jeunesse  et  au  peu  d'exi- 
gence de  l'espèce  à  l'égard  de  la  fertilité  du  sol,  a  fait  choisir 
avec  succès  le  pin  maritime  pour  fixer  les  sables  mouvants  des 
dunes  et  pour  boiser  ceux  des  Landes. 

La  fructification  est  précoce  ;  dans  les  sables  des  dunes,  elle 
apparaît  quelquefois  à  quinze  ans,  mais  alors  les  graines  sont 
souvent  vaines.  Elle  devient  très  abondante  et  presque  conti- 
nue vers  quarante  ou  cinquante  ans. 

Croissance,  longévité.  —  Le  pin  maritime  est  un  arbre 
de  grande  taille  et  de  végétation  rapide,  longtemps  soutenue, 
qui  peut,  à  cent  ans,  atteindre  plus  de  3  mètres  de  circonfé- 
rence ;  il  parvient  à  de  plus  grandes  dimensions  encore  à  la 
faveur  de  sa  longévité  plusieurs  fois  séculaire  et  arrive  à 
30  mètres  de  haut  sur  4  à  5  mètres,   et  même  plus,  de  tour. 

Bois  et  ses  usages.  —  Le  bois  du  pin  maritime  est  à  grain 
grossier  ;  ses  accroissements  sont  épais  et  très  apparents. 
Purgé  de  son  aubier,  il  donne  des  bois   de  construction  et 


LE    PIN    MARITIME. 


de  sciage  de  qualité  moyenne.  L<i  geramage  diminue  consi- 
dérablement le  développement  des  arbres  el  enlève  toute 
homoffénéité  au  bois  dan-  la  région  des  carres;  il  faut  néan- 


Fig.  28.  —  Vieux  pins  maritimes  gemmés.  —  Pots,  système  Hugues, 
recueillant  la  résine  qui  découle  des  carres";  —  par  terre  :  un  barcous, 
réservoir  à  résine,  recouvert  d'un  abri  en  planches.  (D'après  une 
photographie  achetée  au  commerce.) 

moins  reconnaître  que  cette  opération,  en  ralentissant  la 
croissance,  donne,  dans  les  portions  restées  intactes,  un  bois 
plus   lourd,  plus  résineux,  beaucoup  plus  résistant   et   plus 

BOPPE  et   JOLYET. 


98  LES    ESSENCES. 

durable.  C'est  un  combustible  très  recherché  par  la  boulan- 
gerie ;  dans  les  foyers  ouverts,  il  a  l'inconvénient  d'éclater  et 
de  projeter  au  loin  des  étincelles. 

Produits  accessoires.  —  Surtout  exploité  au  point  de  vue 
de  la  gemme  (fig.  28),  le  pin  maritime  fournit  en  résine  un 
revenu  qui  peut  varier  de  25  à  40  francs  par  hectare. 

Allures  forestières.  —  Dans  ce  cas,  le  pin  maritime  est 
soumis  à  un  traitement  spécial;  en  toute  autre  circonstance, 
il  doit  être  conduit  comme  le  pin  sylvestre,  peut-être  même 
en  massif  plus  clair.  Il  se  régénère  très  facilement,  à  cause  de 
sa  fertilité  précoce  et  abondante,  aussi  bien  que  par  sa  faculté 
de  s'installer  sur  les  sols  nus. 


Le  pin  d'Alep. 

Aire  et  station.  —  Essence  méditerranéenne  au  premier 
chef,  très  sensible  aux  gelées  d'hiver,  le  pin  d'Alep  reste,  en 
France,  confiné  sur  les  terrains  calcaires  des  régions  chaudes 
de  la  Provence.  Il  prospère  sur  les  versants  rocheux  les  plus 
dépourvus  de  terre  végétale,  les  plus  brûlés  par  le  soleil. 

Tempérament.  —  Son  jeune  plant  est  très  robuste,  son 
couvert  très  léger  ;  sa  résistance  considérable  à  la  sécheresse 
en  fait  un  arbre  des  plus  utiles. 

Enracinement,  fructification. —  L'enracinement  est  pivo- 
tant et,  en  même  temps,  largement  développé;  il  reste  parfois 
superficiel,  au  détriment  de  la  bonne  végétation  de  l'arbre. 
La  fructification  est  précoce  et  abondante;  l'arbre  est  carac- 
térisé par  la  persistance  des  cônes  ouverts,  qui  restent  indéfi- 
niment attachés  aux  rameaux. 

Croissance,  longévité.  —  Le  pin  d'Alep  a  une  croissance 
assez  rapide  ;  cependant,  il  ne  dépasse  pas  les  dimensions  de 
seconde  grandeur;  vers  vingt  ans,  il  forme  un  arbre  de  tige 
grêle,  flexueuse,  dont  la  végétation  se  ralentit;  à  un  âge 
avancé,  la  cime  s'étale  largement  et  prend  la  forme  en  para- 
sol, analogue  à  celle  du  pin  pinicr. 

Bois  et  ses  usages.  —  Son  bois,  d'assez  médiocre  qualité, 
sert  néanmoins  clans  la  menue  charpente,  et  fournit  une 
grande  quantité  de  sciage,  employé  à  la  confection  de  caisses 


i  i  S    PINS    LARICIOS.  '•'.) 

d'emballage  ou  de  tonneaux  pour  le  transport  des  matières 
Bêches.  C'est  un  combustible  flambant  bien  et  recherché  dans 
certaines  usines. 

Allures  forestières.  —  Le  pin  d'Alep  se  rencontre  peu  en 
massif  pur.  Le  plus  souvent,  il  constitue  des  forêts  livrées 
au  pâturage,  en  mélange  avec  le  chêne  yeuse  et  d'autres  es- 
pèces feuillues.  On  exploite  ces  dernières  en  taillis,  et  on  ré- 
serve les  pins  pour  les  réaliser  dès  qu'ils  ont  atteint  des 
dimensions  convenables.  Dans  ces  conditions,  le  pin  d'Alep 
se  régénère  très  bien  ;  il  mériterait  cependant,  à  cause  de  sa 
rusticité  et  des  produits  qu'il  donne,  un  traitement  plus  ration- 
nel. 

Les  pins  laricios. 

Le  pin  laricio  a  donné  naissance  à  des  races  diverses,  comme 
le  laricio  de  Corse,  le  laricio  des  Cévennes,  celui  des  Pyré- 
nées, spontanés  dans  ces  trois  localités;  —  comme  le  pin  de 
Calabre  et  le  pin  noir  d'Autriche,  artificiellement  introduits 
en  France. 

Le  pin  laricio  de  Corse,  que  nous  prendrons  pour  type,  ne 
se  rencontre  que  dans  cette  île  ;  il  habite  les  régions  monta- 
gneuses, où  sa  station  commence  vers  1  000  mètres,  c'est-à- 
dire  au-dessus  de  celle  du  pin  maritime  et  s'élève  jusque  vers 
1  700  mètres,  il  recherche  les  sols  graveleux  qui  proviennent 
de  la  décomposition  des  granits. 

Le  tempérament  du  pin  laricio  est  loin  d'être  aussi  robuste 
que  celui  du  pin  sylvestre  ;  son  couvert  est  assez  épais  et, 
dans  les  hautes  altitudes  qu'il  habite,  le  semis  naturel  s'ins- 
talle et  résiste  sous  le  couvert  des  grands  arbres.  11  supporte 
assez  bien  le  froid,  même  dans  les  régions  septentrionales 
de  la  France.  Cependant,  l'hiver  de  1879-1880  a  fait  périr, 
en  grand  nombre,  ceux  qu'on  y  avait  introduits. 

L'enracinement  est  généralement  faible  et  pivotant  dans 
l'origine  ;  il  n'est  représenté,  plus  tard,  que  par  quelques  ra- 
cines traçantes,  peu  allongées  comparativement  aux  dimen- 
sions de  l'arbre. 

La  fructification  se  produit  dans  des  conditions  analogues  à 
celles  du  pin  sylvestre  qui  se  trouverait  dans  les  mêmes  stations. 


100  LES    ESSENCES. 

Le  pin  laricio  de  Corse  est  un  arbre  de  première  grandeur, 
qui  parvient  quelquefois  à  une  hauteur  de  45  mètres  et  à  une 
circonférence  de  5m  à  6m.  La  tige,  bien  plutôt  cylindrique  que 
conique,  se  dépouille  rapidement  de  ses  branches  inférieures, 
et  reste  complètement  nue  jusqu'au-dessous  de  la  cime,  qui, 
dès  quatre-vingts  ou  cent  ans,  est  courte,  aplatie,  peu  dé- 
veloppée et  formée  de  quelques  grosses  branches  irréguliè- 
rement ramifiées.  L'accroissement  en  diamètre  est  peu  rapide; 
vers  cent  cinquante  ans,  il  se  ralentit  encore  et  devient  très 
faible  ;  sa  longévité  dépasse  cinq  cents  ans. 

Le  pin  laricio  de  Corse,  caractérisé  par  l'épaisseur  de  son 
aubier,  possède  un  bois  parfait,  dont  les  qualités  toutes  spé- 
ciales le  font  rechercher  pour  la  construction,  malgré  son 
poids  exagéré. 

Bien  que  ce  pin  soit  assez  riche  en  résine,  il  ne  peut  pas 
être  gemmé  avantageusement. 

Le  laricio  des  Cèvennes  est  tortueux  et  sans  élévation  sur 
les  sols  peu  profonds  du  calcaire  corallien  ou  du  grès  houiller 
de  l'Hérault,  du  Gard  et  de  l'Ardèche,  où  il  est,  en  outre, 
fatigué  par  la  violence  des  vents  de  la  vallée  du  Rhône,  mais 
il  s'élance  dès  que  le  terrain  devient  frais  et  profond. 
M.  l'Inspecteur-Adjoint  Calas  l'a  trouvé  aux  environs  de 
Confolens  (Pyrénées-Orientales),  seule  station  française  de 
laricio  dans  les  Pyrénées  françaises.  Il  ne  semble  pas,  dès 
lors,  qu'il  y  ait  lieu  de  faire  une  race  distincte  du  laricio  des 
Pyrénées,  connu  sur  le  versant  Espagnol  de  la  chaîne. 

Le  pin  laricio  d'Autriche,  ou  pin  noir,  est  fréquemment 
employé,  pour  sa  rusticité,  dans  les  boisements  des  terrains  cal- 
caires; il  donne  des  détritus  abondants,  qui  améliorent  le  sol. 
Son  introduction  et  sa  culture  en  France,  de  date  relative- 
ment récente,  ne  permettent  pas  de  juger  comment  se  com- 
porteront des  massifs  âgés,  en  état  de  donner  du  bois  de 
service.  En  Autriche,  notamment  dans  le  Wienerwald,  ses 
produits  sont  préférés,  pour  tous  usages,  à  ceux  du  pin  syl- 
vestre croissant  dans  les  mêmes  conditions.  Il  y  est  de  plus 
soumis  au  gemmage. 

Il  existe  dans  le  domaine  des  Barres-Vilmorin  (Loiret)  des 
massifs  de  laricio  de  Calabre,  aussi   remarquables   par   leur 


l  i     PIN    CEMBRO. 


101 


rusticité  que  par  la  beauté  de  leur  port,  l'exiguïté  <i  la  régu- 
larité de  leurs  branches,  la  forme  étroite,  allongée  <•!  aiguë 
de  leur  cime.  Ce  serait  une  race  intéressante  à  propager. 

Allures  forestières.  —  Le  pin  laricio  de  Corse,  n'a  pas 
pas  encore  été  soumis  depuis  assez  longtemps  à  un  traitement 
méthodique,  pour  qu'on  soit  bien  fixé  sur  la  manière  de  le 
conduire.  Néanmoins,  toutes  les  races  de  pins  laricios  aiï'ectent 
plutôt  les  allures  de  l'épicéa  que  celles  du  pin  sylvestre.  Ils 
semblent  donc  pouvoir  être  traités  sans  inconvénients  à  la 
façon  de  la  première  de  ces  essences  ;  c'est  d'ailleurs  ainsi 
qu'on  procède,  pour  le  pin  noir,  dans  son   pays  d'origine. 

Le  pin  oemforo. 

Aire  et  station.  —  Le  pin  cembro  est  peu  répandu  en 
France,  il  croît  uniquement  dans  les  Alpes,  en  mélange  avec 
le  mélèze,  le  pin  de  montagne  et  l'épicéa  ;  c'est  le  dernier  des 
arbres  résineux  de  la  montagne  :  au-dessus  de  lui,  la  végéta- 
tion arborescente  n'est  plus  représentée  que  par  un  petit 
nombre  d'espèces  feuillues,  dont  la  plus  intéressante  est 
l'aune  vert.  Il  s'accommode  de  tous  les  terrains,  pourvu  qu'ils 
soient  assez  profonds  et  frais. 

Tempérament.  —  Le  jeune  plant  craint  surtout  la  séche- 
resse, l'arbre  constitué  a  le  couvert  assez  épais,  mais  les 
branches  restent,  en  général,  courtes,  et  la  projection  de  la 
cime  sur  le  sol  est  réduite  à  très  peu  de  chose. 

Enracinement,  fructification.  —  L'enracinement  est  lar- 
gement développé  ;  il  se  fait,  dans  la  jeunesse,  par  un  pivot 
et  de  fortes  racines  latérales  ;  vers  quinze  ou  vingt  ans,  le  pre- 
mier s'atrophie  et  les  secondes  seules  continuent  à  s'accroître 
avec  vigueur,  en  traçant  au  loin. 

La  fructification  commence  vers  cinquante  ans  et  n'est 
abondante  que  tous  les  quatre  h  six  ans. 

Croissance,  longévité.  —  La  croissance  du  pin  cembro  .est 
extrêmement  lente  ;  néanmoins,  par  sa  très  grande  longévité, 
cet  arbre  parvient  à  d'assez  fortes  dimensions  en  grosseur, 
mais  sa  hauteur  dépasse  rarement  quinze   ou  vingt   mètres. 


102 


LES    ESSENCES. 


Il  est  du  reste  remarquable  que  sa  croissance  reste  la  même 
lorsqu'on  le  cultive  dans  les  régions  basses  ;  il  est  bien  diffé- 
rent en  cela  du  mélèze,  qui,  clans  de  semblables  circons- 
tances, se  développe  avec  une  rapidité  extraordinaire. 

Bois  et  ses  usages.  —  Son  bois  est  tendre  et  peu  recherché 
pour  les  constructions  ;  mais,  à  cause  de  la  lenteur  de  sa 
croissance,  il  est  d'une  homogénéité  parfaite,  et,  comme  tel, 
très  recherché  pour  la  fabrication  des  petites  figurines  en  bois 
sculpté,  qui  forment  une  des  industries  des  hautes  vallées  de 
la  Suisse. 

Produits  accessoires.  —  Le  pin  cembro  ne  se  résine  pas. 
Sa  graine,  assez  grosse  et  remplie  d'une  amande  comestible  et 
savoureuse,  se  vend  sur  les  marchés  du  Briançonnais. 

Allures  forestières.  —  Le  pin  cembro  ne  comporte  pas 
d'autre  traitement  que  celui  que  la  nature  veut  bien  lui 
donner.  Cependant,  s'il  était  mieux  conservé,  il  rendrait 
encore  d'importants  services  pour  la  protection  des  massifs 
inférieurs;  il  maintiendrait  le  sol,  arrêterait  les  avalanches  et 
servirait  de  refuge  au  bétail.  Malheureusement,  cette  essence 
tend  à  disparaître  sous  la  hache  du  montagnard,  qui  l'accuse  à 
tort  d'occuper  une  place  exclusivement  réservée  à  l'herbe. 
C'est  à  peine  si,  dans  les  Alpes  françaises,  on  rencontre 
encore  quelques  rares  peuplements  de  Cembro  à  qui  on  puisse 
donner  le  nom  de  forêt.  Ce  ne  sont  même,  le  plus  souvent, 
comme  dans  la  forêt  des  Ailles  (Briançonnais),  que  de  petits 
massifs  disposés  en  la  forme  de  prés-bois. 

Le  pin  cembro  n'accepte  le  mélange  avec  l'épicéa  et  avec 
le  mélèze  qu'à  l'état  de  massif  clair. 


CHAPITRE  III 
LES    PEUPLEMENTS 

ARTICLE    PREMIER 

GÉNÉRALITÉS 

Définition.  —  Genèse  d'un  peuplement.  —  Situation  particulière 
du  peuplement  forestier. 

Définition.  — On  nomme  peuplement  une  association  de 
végétaux  ligneux  vivant  sur  un  espace  déterminé  de  terrain 
forestier. 

Genèse  d'un  peuplement.  —  De  quelle  manière  les  peu- 
plements se  sont-ils  formés  sur  les  terres  vierges,  à  l'aurore 
des  époques  géologiques?  On  peut  s'en  rendre  compte  en  sui- 
vant la  série  des  phénomènes  qui  accompagnent,  sous  nos 
yeux,  l'installation  de  la  forêt  sur  les  rochers  nus,  qu'il  s'a- 
gisse de  moraines  granitiques,  d'éboulis  calcaires,  ou  de  cônes 
de  déjection  accumulés  par  le  temps  aux  pieds  d'une  falaise. 
L'algue  et  le  lichen  apparaissent  les  premiers  sur  la  pierre 
nue,  qu'ils  attaquent  et  désorganisent  comme  le  font,  d'autre 
part,  les  actions  atmosphériques.  Les  débris  de  ces  végétaux 
inférieurs  se  mélangent  aux  éléments  sableux  provenant  de 
l'usure  et  constituent  la  première  terre  végétale,  que  le  vent 
et  les  pluies  emploient  à  combler  les  vides  béants  entre  les 
blocs  de  rochers.  Alors  s'installent  les  plantes  d'un  ordre  plus 
élevé,  d'abord  les  espèces  herbacées  annuelles  ou  vivaces, 
puis  les  espèces  ligneuses,  arbrisseaux  et  arbustes,  et  enfin  les 
arbres. 

A  partir  de  cet  instant,  le  peuplement  s'organise,  et  de  pro- 
che en  proche,  en  gagnant  sur  l'espace,  il  devient  la  forêt. 

Situation  particulière  du  peuplement  forestier.  —  Cet 
état  de  peuplement,  dont  la  situation  est  perçue  d'instinct  au 


104 


LES    PEUPLEMENTS. 


moment  où  l'on  quitte  les  vergers  ou  autres  terrains  plantés 
d'arbres,  pour  pénétrer  sous  les  ombrages  forestiers,  crée  un 
être  à  part,  un  organisme  complexe,  dont  l'individualité  s'af- 
firme dans  ses  fonctions,  comme  dans  son  évolution. 

Les  fonctions  du  peuplement  se  rapportent  aux  effets  qu'il 
produit  :  d'une  part  sur  les  arbres  qui  le  composent,  d'autre 
part  sur  le  sol  qui  le  nourrit  ;  c'est  après  avoir  étudié  cette 
double  action,  que  nous  parlerons  de  V évolution. 

ARTICLE  II 

ACTION  RÉCIPROQUE  DES  ARBRES  LES  UNS  SUR  LES  AUTRES 

Les  peuplements  dans  la  forêt  sauvage.  —  Perturbations  apportées 
par  l'intervention  de  l'homme.  —  Origine  des  peuplements.  —  Leur 
forme.  —  Leur  consistance.  —  Leur  constitution  en  étages  de  végé- 
tation. —  Leur  composition  ;  avantages  des  peuplements  mélangés. 
—  Mélanges  rationnels.  —  Le  hêtre.  —  Conduite  des  peuplements 
mélangés.  —  État  de  végétation  des  peuplements. 

Les  peuplements  dans  la  forêt  sauvage.  —  Dans  la  forêt 
primitive,  dans  la  forêt  vierge,  les  arbres  atteignent  le  dernier 
terme  de  leur  longévité  ;  ils  ne  tombent  que  par  vétusté  et 
enrichissent  le  sol  de  leurs  débris.  Partout  se  trouvent  des 
sujets  fertiles,  dont  les  graines  se  disséminent  à  profusion  sur 
une  terre  toujours  prête  à  les  recevoir.  En  sorte  que,  sur 
chaque  point  découvert  par  les  hasards  du  destin,  l'individu 
doué  de  la  plus  grande  énergie  vitale  parvient,  à  son  tour  et 
à  son  heure,  à  se  rendre  maître  de  la  place  qu'il  occupera 
jusqu'à  la  fin  de  son  existence.  Naturellement,  suivant  les 
climats  et,  sous  chaque  climat,  suivant  les  stations,  telles  ou 
telles  essences  seront  prédominantes.  Mais  il  y  aura  place 
pour  toutes  les  espèces  de  la  région,  qu'elles  soient  d'ombre 
ou  de  lumière.  De  là,  cette  variété  sans  fin  dans  l'aspect  de 
la  forêt  sauvage,  ces  éternels  changements  de  situation  et 
de  groupement  dans  une  liste  plus  ou  moins  longue  d'es- 
pèces spontanées,  changements  qui  prendraient  bien  d'autres 
proportions  encore  si,  au  lieu  de  limiter  nos  observations 
à  des  espaces  de  temps  assez  courts  pour  être  comparés  à 
la  vie  humaine, on  voulait  tenir  compte  des  modifications  plus 


ACTION    DBS    ARBRES    LES    UNS    SUR    LBS    AUTRES.  I°> 

profondes  qui  ont  accompagné  Les  évolutions  géologiques- du 

globe. 

Perturbations  apportées  par  l'intervention  de  l'homme. 
—  Mais,  dès  que  l'homme  es!  intervenu,  variant  ses  procédés 

d'exploitation  de  façon  à  approprier  les  produits  de  la  forêt  à 
la  diversité  de  ses  besoins,  il  a  modifié  les  actions  naturelles. 
Le  traitement  appliqué  à  chaque  forôl  varie  avec  les  essences 
cultivées  et  avec  la  nature  des  marchandises  que  l'on  se  pro- 
pose d'en  tirer  :  bois  à  brûler,  bois  de  travail,  écorces,  rési- 
nes, etc..  Il  s'établit,  dès  lors,  entre  le  traitement  et  la  manière 
d'être  du  peuplement,  une  relation  nécessaire  et  constante. 

Ces  effets  du  traitement  se  manifestent  sur  Vorigine,  la 
forme,  la  consistance,  la  composition  et  Vêlai  de  végétation 
du  peuplement  et  lui  donnent  le  type  dans  lequel  il  se  main- 
tiendra. 

Origine  des  peuplements. — L'origine  d'un  peuplement  peut 
être  naturelle  ou  artificielle  :  naturelle,  quand  la  régénération 
est  obtenue  sous  l'influence  des  seules  actions  de  la  nature,  — 
artificielle,  lorsqu'elle  provient  de  plantations  ou  de  semis 
exécutés  de  main  d'homme. 

En  France,  le  principe  de  la  régénération  naturelle  est  géné- 
ralement appliqué  ;  aussi,  l'origine  de  la  grande  majorité  des 
peuplements  se  rattache-t-elle  à  l'une  des  causes  suivantes  :  soit 
la  dissémination  naturelle  des  graines,  qui  donne  naissance  à 
des  peuplements  formés  de  brins  de  semence;  —  soit  la  repro- 
duction par  les  axes,  qui  rajeunit  les  peuplements  au  moyen 
des  rejets  de  souches  ou  des  drageons. 

Quel  que  soit  l'âge  des  peuplements,  on  est  convenu  de  les 
appeler  des  futaies  (1)  dans  le  premier  cas  ;  des  taillis  simples 
dans  le  second.  On  a  donné  à  chacun  de  ces  groupes  fonda- 
mentaux le  nom  de  régime,  qui  est  synonyme  de  :  mode  de 
régénération.  On  dit  :1e  régime  de  lafutaie\\e  régime  du  tail- 
lis simple. 

(1)  Autrefois,  en  France,  on  appelait  futaies  tous  les  gros  arbres, 
tous  ceux  dont  la  tige  mesurait  à  hauteur  d'homme  trois  pieds  de 
tour,  quelle  que  fût  leur  origine.  La  définition  actuelle  date  de  la  pu- 
blication du  magistral  traité  de  MM.  Lorentz  et  Parade  :  la  Culture  des 
hois. 


106 


LES    PEUPLEMENTS. 


Lorsqu'on  cherche  à  réunir  sur  une  même  surface  les  avan- 
tages du  régime  delà  fulaie  à  ceux  du  régime  du  taillis  sim- 
ple, on  obtient  des  peuplements  mixtes,  qui,  dans  la  pratique, 
acquièrent  une  importance  suffisante  pour  qu'on  ait  cru  de- 
voir en  faire  un  troisième  régime,  celui  du  taillis  sous  futaie, 
dit  aussi  régime  du  taillis  composé. 

Forme  des  peuplements.  —  Dans  chacun  de  ces  régimes, 
suivant  qu'on  fait  porter  les  exploitations  sur  des  surfaces 
continues  ou  sur  des  tiges  considérées  individuellement,  ou 
bien  que  l'on  adopte  toute  autre  combinaison  pour  récolter 
les  produits,  on  applique  des  modes  de  traitements  différents. 
On  appelle  forme  d'un  peuplement  le  faciès  qu'il  revêt  sous 
l'influence  du  traitement  qu'on  lui   applique. 

A  ce  point  de  vue,  les  peuplements  se  divisent  en  deux 
classes  principales  :  ceux  qui  sont  composés  de  tiges  ayant 
sensiblement  même  âge  et,  par  suite,  mêmes  dimensions  —  et 
ceux  qui  sont  formés  de  tiges  de  différents  âges  et  conséquem- 
ment  de  hauteurs  et  de  grosseurs  différentes.  Les  premiers 
sont  les  peuplements  d'un  seul  âge  ou  uniformes  ;  les  seconds 
sont  dits  d'âges  multiples  ou  inégaux',  on  les  appelle  encore 
mêlés,  en  ce  sens  que  les  plus  jeunes  sujets  et  les  plus  âgés 
sont  confusément  agencés  sur  des  espaces  restreints. 

Quand  une  série  (1)  de  futaie  est  composée  d'une  suite  non 
interrompue  de  peuplements  ayant  même  âge  chacun,  on  dit 
qu'elle  est  traitée  en  futaie  régulière  ou  futaie  pleine',  de 
même  pour  la  série  de  taillis,  qui  sera  traitée  en  taillis  simple 
régulier.  —  Quand  la  série  de  futaie  est  composée  de  groupes 
de  peuplements  d'âges  mêlés,  on  dit  qu'elle  esljardinée',  dans 
les  mêmes  conditions  un  taillis  simple  est  fureté.  Le  jardi- 
nage et  le  furetage  sont  les  modes  de  traitement  qui  donnent 
naissance  à  ces  formes.  Le  régime  du  taillis  composé  ne  com- 
porte nécessairement  que  des  peuplements  mêlés. 

Quand,  pour  des  causes  d'un  ordre  cultural  ou  économique, 


(1)  On  appelle  série  d'exploitation  ou  simplement  série,  toute  forêt 
ou  portion  de  forêt,  disposée  de  façon  à  fournir,  durant  la  révolution, 
une  série  de  coupes  successives  et  annuelles  (Lorenlz  et  Parade, 
Culture  des  bois).  La  notion  de  la  série,  conception  toute  française, 
doit  être  attribuée  à  ces  auteurs. 


ACTION    DBS    AgBAES    LES    UNS    BUB    LES    AUTBB8.  K>7 

on  est  amené  à  changer  le  mode  de  traitement  .- 1 j > j >  1 1 < 1 1 1 <'*  jus- 
qu'alors à  une  forêt,  on  lui  fait  subir  un  traitement  tempo- 
raire, qui  prend  le  nom  de  conversion,  quand  on  passe  d'un 
régime  à  un  autre  régime,  —  et  de  transformation,  quand 
on  change  simplement  le  mode  de  traitement  dans  le  même 
régime. 

Consistance  des  peuplements.  —  La  consistance  d'un 
peuplement  se  rapporte  au  nombre  des  tiges  qu'il  renferme 
et  à  la  densité  de  son  feuillage. 

Le  nombre  des  tiges  peut  varier  à  l'infini  en  raison  de  l'Age 
des  peuplements,  des  essences  qui  le  composent  et  de  la  fer- 
tilité locale.  Mais,  en  tenant  compte  de  cesditTérentséléments, 
on  peut  admettre  que,  pour  chaque  état  particulier,  il  existe 
un  nombre  maximum  de  tiges  qui  n'est  jamais  dépassé.  Plus 
on  se  rapproche  de  ce  maximum,  plus  le  peuplement  est 
plein. 

On  dit  qu'un  peuplement  est  un  massif,  dès  que  les  bran- 
ches des  arbres  se  touchent  sans  être  agitées  par  le  vent.  Le 
massif  est  serré,  quand  les  branches  s'entrelacent.  Dès  que  les 
cimes  des  arbres  sont  isolées,  l'état  de  massif  n'existe  plus  : 
on  obtient  alors  un  peuplement  d'arbres  isolés  ou  clair- 
plant é. 

On  nomme  clairières  les  surfaces  de  peu  d'étendue  peu- 
plées d'arbres  épars  et,  dans  lesquelles,  sous  l'influence  d'un 
couvert  insuffisant,  l'état  superficiel  du  sol  est  dégradé.  Les 
vides  sont  des  espaces  plus  grands,  entièrement  dépourvus 
de  bonnes  essences  et  tout  au  plus  couverts  de  mort  bois.  Le 
peuplement  est  clairière,  s'il  y  existe  de  nombreuses  clai- 
rières; entrecoupé,  quand  il  présente  des  vides. 

La  densité  du  feuillage,  par  suite  l'obscurité  plus  ou 
moins  grande  du  couvert,  dépend  avant  tout  de  la  frondai- 
son des  essences  du  massif.  A  ce  point  de  vue,  chaque  espèce 
se  constitue  d'une  manière  différente  et,  dès  que  l'état  maxi- 
mum de  densité  qu'elle  comporte  est  atteint,  il  disparaît  au- 
tant de  feuillage  dans  le  dessous  qu'il  s'en  produit  dans  le 
dessus.  Nul  n'ira  chercher,  sous  les  pins  sylvestres  ou  les  bou- 
leaux, les  épais  ombrages  des  sapins  ou  des  hêtres  (fig.  29  et  30). 
Entre  ces  types  extrêmes,  tous  les  intermédiaires  existent. 


108 


LES    PEUPLEMENTS. 


Figi  29.   —  Vieille  futaie  de  hêtre  en    massif  très  serré,  canton  de^  la 
Mare-aux-Bourres(Lyons-la-Forèt).  (Photographie  de  M.  J.  George.) 


ACTION    m  s    Aitliltl  ;s    LES    UNS    Mit    Lis    AUTRES. 


III!» 


D'ailleurs,  en  sol  fertile  cl   sous   nu  climat  doux,  la  végé- 
tation des  arbres  esl  plus  luxuriante,   les   limbes  des    feuilles 


Fig.  30.  —  Haut  perchis  de  pins  sylvestres  formant  massif  clair, 
canton  des  Rappes,  forêt  de  Bertrichamps  (Meurthe-et-Moselle. 
(Photographie  de  M.  l'Ingénieur  Guéroult.) 

sont  plus  développés,  par  suite  le  couvert  est  plus  dense, 
plus  noir,  que  dans  les  sols  médiocres  et  sous  les  climats 
rudes. 

Étages  de  végétation.  —  Jusqu'alors  nous  avons  considéré 


110  LES    PEUPLEMENTS. 

le  peuplement  à  l'état  simple,  c'est-à-dire,  formé  par  un  seul 
étage  de  végétation,  fourni  par  des  arbres  semblables  les  uns 
aux  autres,  dont  les  cimes  s'étalent  parallèlement  au  sol  dans 
une  même  zone  de  hauteur.  Mais,  souvent,  on  rencontre  sur 
un  même  point  plusieurs  de  ces  étages  ;  il  est  rare,  cependant, 
que  ces  peuplements  composés  en  présentent  plus  de  deux. 
On  appelle,  alors,  étage  dominant,  celui  qui  est  formé  par  la 
masse  des  cimes  les  plus  élevées,  dont  les  rameaux  s'épanouis- 
sent en  pleine  lumière  ;  tous  les  sujets  dont  les  cimes,  subor- 
données aux  précédentes,  végètent  ou  languissent  en  dessous 
d'elles,  constituent  Y  étage  dominé  ou  sous-étage. 

Entre  l'étage  dominant  et  l'étage  dominé,  il  s'établit  une 
relation  nécessaire  quant  à  la  densité  ;  le  second,  en  effet,  ne 
vit  que  delà  lumière  tamisée  à  travers  le  feuillage  de  l'étage 
supérieur;  donc,  plus  celui-ci  sera  léger,  plus  la  végétation 
basse  pourra  se  développer. 

On  constate  que  les  peuplements  de  même  âge,  quelles  que 
soient  leur  origine  et  les  essences  qui  les  composent,  ont  tou- 
jours une  tendance  à  se  constituer  en  un  étage  unique,  au- 
dessous  duquel  les  longues  tiges  nues  se  profilent  dans  des 
espaces  vides  de  feuillages.  Cette  tendance  à  l'uniformité  est 
d'autant  plus  marquée  que  la  station  est  plus  fertile.  Au  con- 
traire, plus  les  conditions  sont  mauvaises,  moins  les  arbres 
affamés  supportent  l'état  serré;  au  fur  et  à  mesure  que  le 
massif  s'éclaircit,  le  sol  se  couvre  de  générations  nouvelles  et 
l'uniformité  originelle  disparaît.  C'est  une  indication  dont  il 
est  utile  de  se  souvenir,  quand  il  s'agit  de  choisir  le  mode  de 
traitement  applicable  à  une  forêt  donnée.  Quoiqu'il  en  soit, 
cette  égalité  absolue,  qui,  pendant  longtemps,  a  été  considérée 
comme  le  type  idéal  vers  lequel  devaient  tendre  tous  les 
efforts  des  forestiers,  doit  autant  que  possible  être  prévenue  et 
évitée.  Car,  sous  son  couvert  insuffisant  et  qui  va  sans  cesse 
en  s'éclaircissant  avec  l'âge,  le  sol  se  tasse,  se  dessèche,  les 
vents  balayent  les  feuilles  mortes  et  avec  elles  disparaissent 
les  éléments  qui  le  fécondent. 

La  présence  de  sous-étages,  ne  fussent-ils  représentés  que 
par  les  plus  humbles  sous-bois,  prévient  ces  accidents.  Aussi 
l'hygiène  de  la  forêt  commande-t-elle  de  conserver  scrupuleu- 


ICTIOM    DES    A.RBRES    LES    UNS    *l'U    LES     AUTRES. 


Il  l 


sèment  cette  végétation  intermédiaire  on  buissonnante,  et, 
lorsqu'elle  a  disparu  sous  l'influence  <lc  pratiques  mauvaises, 
telles  que  pâturage  ou  nettoiements  inutiles,  d'en  provoquer 
la  reconstitution  par  les  moyens  naturels,  ou  même  artificiels. 
Telle  est  L'importance  attribuée  à  ces  sous-étages,  que  nous 
n'hésitons  pas  à  considérer  les  sous-bois  eux-mêmes    comme 


Fig\  31.  —  Essence  d'ombre  (sapin),  se  constituant  à  elle-même  un 
sous-étage  (forêt  des  Elieux,  Meurthe-et-Moselle).  (Photographie  de 
M.  A.  Fron.) 


faisant  partie  intégrante  du  peuplement,  à  la  densité  duquel 
ils  concourent. 

Il  est  évident  que  les  essences  à  couvert  épais  peuvent 
mieux  se  passer  de  ces  sous-étages  bienfaisants  que  les  espèces 
à  couvert  léger,  et  que  le  tempérament  des  essences  d'ombre 
leur  permet  d'accepter  le  rôle  de  sous-bois  (fig.  31),  quand 
cette  faculté  est  refusée  aux  espèces  de  lumière,  qui  périssent 
infailliblement  dès  qu'elles  sont  simplement  surcimées. 

Tous  les  avantages  et  les  inconvénients  qui   accompagnent 


112  LES    PEUPLEMENTS. 

la  présence  ou  l'absence  des  sous-étages  ne  sont  plus  à  con- 
sidérer quand  il  s'agit  de  peuplements  d'âges  multiples,  qui 
présentent  une  masse  de  feuillage  continue  depuis  le  sol  jus- 
qu'aux plus  hautes  cimes  et  dans  la  verdure  desquels  l'œil  ne 
perçoit  aucun  étage  distinct. 

Composition  des  peuplements.  —  Un  peuplement  peut 
être  composé  d'une  seule  essence  ou  de  plusieurs  espèces  di- 
versement associées.  Dans  le  premier  cas,  on  dit  qu'il  est 
pur,  dans  le  second  qu'il  est  mélangé. 

Dans  la  nature,  la  différence  des  tempéraments  des  espèces  facilite  la 
dispersion  des  individus,  augmente  la  zone  des  aires  d'habitation,  et 
favorise  les  mélanges.  C'est  un  facteur  nouveau,  qui  s'ajoute  à  la  rapi- 
dité de  la  végétation  pour  créer  les  forêts  mélangées.  Si  toutes  les 
espèces  exigeaient  également  la  lumière,  ou  supportaient  aussi  mal 
l'ombrage,  l'espace  appartiendrait  à  celle  qui  végéterait  le  plus  vite 
dans  sa  jeunesse  (1). 

Les  peuplements  purs  ne  seraient  donc  qu'une  rare  excep- 
tion, si  l'homme  n'était  intervenu  pour  propager,  à  l'exclu- 
sion des  autres,  l'espèce  qui  semble  le  mieux  répondre  aux 
besoins  du  moment.  Des  chênaies,  des  sapinières,  des  taillis 
à  écorce,  sont  ainsi  entretenus  à  l'état  pur,  pour  obtenir  en 
plus  grande  quantité  les  produits  spéciaux  qu'on  leur  de- 
mande. Mais,  en  dehors  de  ces  causes  voulues,  des  erreurs 
ou  des  fautes  provoquent  de  semblables  accidents  :  c'est  ainsi, 
par  exemple,  qu'après  des  coupes  à  blanc,  dans  des  futaies  de 
chêne  ou  de  hêtre,  le  sol  peut  se  trouver  envahi  par  des  semis 
de  charme  pur  ;  —  que  Je  bouleau  ou  des  essences  secondaires 
se  substituent  seules  aux  bonnes  espèces  dans  un  sol  appauvri 
par  des  abus  de  jouissance,  etc. 

Des  raisons  culturales  de  premier  ordre  doivent,  en  toutes 
circonstances,  faire  préférer  les  peuplements  mélangés  aux 
peuplements  purs.  Les  premiers,  surtout  lorsqu'ils  sont  com- 
posés d'espèce  à  assiette  et  à  tempérament  différents,  résis- 
tent mieux  à  la  violence  des  vents,  au  poids  de  la  neige  et  du 
givre,  aux  dégâts  des  organismes  nuisibles,  insectes  ou  cham- 
pignons. Les  feuilles  qui  tombent  sur  le  sol,  ayant  des  consis- 
tances diverses,  se  décomposent  plus  facilement,  la  couche 

(1)  Vagener,  Das  Verhalten  der  Bliume  im  Kampfe  um's  Dasein. 


ACTION    DBS     \mtHES    LES    UNS    si  il    lis    AUTRES.  113 

de  terreau  est  aussi  plus  épaisse  el  mieux  constituée  :  toutes 
causes  qui,  eu  augmentant  la  fertilité  ef  l'am  eu  bassement 
du  sol,  facilitent  la  régénération  par  la  Bemence. 

A  la  rigueur,  les  essences  à  couvert  épais  peuvent  être  cul- 
tivées à  l'état  pur,  puisque  leurs  nombreux  détritus  enrichis- 
sent le  sol.  Cependant,  on  observe  partout  que,  si  les  essences 
d'ombre  sont  mélangées  entre  elles,  --le  hêtre  avec  le  sapin, 
par  exemple,  —  la  régénération  est  mieux  assurée;  c'est 
surtout  vers  les  limites  supérieures  ou  inférieures  de  l'aire 
forestière  d'une  espèce  qu'une  telle  situation  est  désirable. 

Mais,  dès  que  les  essences  à  couvert  léger  sont  appelées  au 
rôle  prépondérant  dans  le  peuplement,  le  mélange  cesse  d'être 
facultatif,  et  l'association  d'espèces  à  couvert  épais  s'impose. 
On  sait,  en  effet,  que  ces  dernières  peuvent,  seules,  remplir  le 
rôle  de  sous-étage  et  donner  au  massif  la  densité  indispen- 
sable. 

En  dehors  de  ces  considérations,  il  faut  ajouter  que  les 
peuplements  mélangés  ont  des  avantages  économiques,  puis- 
que, par  la  variété  de  leurs  produits,  de  tels  massifs  satisfont 
à  un  plus  grand  nombre  de  besoins,  et,  par  cela  même, 
augmentent  l'utilité  de  la  forêt. 

Mélanges  rationnels.  —  La  question  du  mélange  des 
essences  est  une  des  plus  délicates  qui  se  présentent  en  sylvi- 
culture. Il  faut  toutes  les  ressources  de  l'art  du  forestier  pour 
obtenir,  soit  naturellement,  soit  artificiellement,  la  composi- 
tion voulue.  Chaque  station  demande,  pour  ainsi  dire,  un 
mélange  différent.  Ce  qui  est  vrai,  par  exemple,  en  Lorraine, 
n'est  pas  forcément  applicable  aux  mêmes  essences  en  Nor- 
mandie ;  pareillement  sur  un  même  point  géographique,  ce 
qui  est  bon  au  pied  d'une  montagne  ne  l'est  peut-être  pas  à 
1  000  mètres  plus  haut  ;  «  vérité  dans  les  Pyrénées,  erreur 
dans  les  Alpes  »,  a  dit  Pascal.  Mais  en  cherchant  bien,  surtout 
en  interrogeant  la  forêt  autour  de  soi,  on  trouvera  toujours 
une  solution  satisfaisante,  sans  sortir  des  espèces  spontanées. 

Le  hêtre.  —  A  ce  sujet,  nous  ne  pouvons  que  recomman- 
der l'emploi  du  hêtre,  qui  se  prête  merveilleusement  à  toutes 
les  combinaisons.  Il  vit  en  plaine  comme  en  montagne,  son 
aire  d'habitation,    très  étendue,   englobe  celle   de  toutes  les 

BûPI'E   et  JOLYBT.  8 


114  LES    PEUPLEMENTS. 

espèces,  auxquelles  il  peut  être  associé  comme  essence 
d'ombre.  C'est,  dès  lors,  l'espèce  indiquée  pour  faciliter  les 
transitions  entre  deux  stations  voisines,  dans  ces  zones  indé- 
cises, si  délicates  à  manier,  où  une  espèce  va  disparaître  quand 
l'autre  n'est  pas  encore  bien  installée  :  entre  la  région  du 
chêne  et  la  sapinière,  par  exemple,  ou,  à  la  limite  supérieure 
de  celle-ci,  entre  la  forêt  de  rendement  et  le  pâturage. 

D'ailleurs,  son  tempérament  plastique  lui  permet  d'accepter 
tous  les  rôles;  au  gré  du  forestier,  il  sera,  sur  le  même  point, 
l'espèce  précieuse  atteignant  les  plus  grandes  formes  ou  le 
modeste  buisson  végétant  en  sous-bois.  Nous  connaissons 
trop  de  forêts  qui  ont  été  victimes  d'une  expulsion  systéma- 
tique du  hêtre  pour  ne  pas  demeurer  convaincus  qu'on  a  tout 
à  gagner  en  lui  réservant  la  grande  place  qu'il  mérite.  Mais, 
c'est  à  la  condition  expresse  de  rester  toujours  son  maître, 
sans  jamais  se  laisser  dominer  par  lui. 

Conduite  des  peuplements  mélangés.  —  Il  ne  suffit  pas 
de  créer  le  mélange,  il  faut  encore  savoir  maintenir  l'équilibre 
entre  des  voisins  qui  luttent  à  armes  inégales.  En  effet,  les 
espèces  associées  n'ont  pas  la  même  activité  de  végétation 
à  leurs  différents  âges  et  l'on  se  fait  souvent  illusion  sur  l'ave- 
nir d'un  mélange  qui,  au  moment  de  sa  formation,  présente  les 
plus  belles  promesses.  On  est  donc  conduit  à  intervenir  d'une 
main  adroite  et  patiente,  pour  donner  à  ces  peuplements  les 
soins  culturaux  qu'ils  réclament  pendant  toute  leur  existence. 

Il  peut  même  se  faire  que  le  mélange  intime  —  pied  à 
pied  —  de  deux  espèces  à  tempéraments  opposés  soit  irréa- 
lisable dans  une  région  donnée.  Quand,  à  l'espèce  de  lumière, 
on  associe  une  essence  d'ombre,  dont  les  tendances  envahis- 
santes, par  sa  nature,  sont  encore  exagérées  par  une  meilleure 
adaptation  au  milieu,  la  première  succombe  toujours  victime 
de  la  seconde.  Il  en  est  ainsi  du  chêne  et  du  hêtre  dans  les 
forêts  du  Nord  et  de  l'Est  de  la  France,  où  le  hêtre,  qui  se 
trouve  dans  le  centre  de  son  aire,  aura  toujours  des  tendances 
à  dominer  le  chêne  et  l'aura  bientôt  éliminé,  si,  par  des  éclair- 
cies  bien  conduites,  on  ne  vient  pas  sans  cesse  le  cantonner 
dans  le  rôle  secondaire  qui  lui  est  dévolu.  Ainsi,  encore,  du 
hêtre  et  du  sapin,  aux  altitudes  un  peu  considérables. 


ACTION     DES    ARBRES    LES    UNS    si  lt    LES     AUTRES. 


115 


Aussi,   quelles   que    soient   les   espèces  ei   les  slations,  pour 

éviter  ce  danger,  donl  Le  caractère  es!  permanent  partout  où 
il  B6  présente,  nous  conseillons  de  préférer  an  mélange  intime, 


Fig.  32.  —  Essence  de  lumière  (chêne  rouvre)  avec  sous-étage  d'essence 
d'ombre  (hêtre),  forêt  de  Bellême  (Orne).  (Photographie  de 
M.  Thiollier.) 


le  mélange  par  groupes,  par  places  ou  par  compartiments, 
plus  ou  moins  étendus,  où  chaque  espèce  sera  traitée  à  l'état 
pur,  suivant  les  besoins  qui  lui  sont  propres  ;  de  créer,  en  un 
mot,  des  peuplements  de  composition  zébrée  ou  mouchetée.. 


116  LES    PEUPLEMENTS. 

Il  vaudra  mieux  encore  obtenir  des  mélanges  superposés,  où 
l'essence  d'ombre  jouera  un  rôle  subordonné,  sous  le  couvert 
léger  des  espèces  de  lumière,  dont  les  cimes  s'étaleront  libre- 
ment au  soleil  (fig.  32).  Voilà  la  forêt  idéale! 

C'est  au  prix  de  ces  précautions,  de  ces  soins  éclairés,  qu'on 
obtiendra  des  peuplements  mélangés  les  résultats  qu'il  est 
permis  d'en  attendre.  Mais  ceux  qui  ne  voudraient  pas  s'as- 
treindre à  de  semblables  exigences  de  la  part  de  leur  forêt, 
feront  mieux,  pour  éviter  tout  mécompte,  d'abandonner  ce 
genre  de  culture  intensive  et  de  s'en  tenir  à  des  modes  moins 
perfectionnés. 

État  de  végétation  des  peuplements.  —  Vélat  de  végé- 
tation d'un  peuplement  décide  de  son  avenir,  c'est-à-dire  de 
sa  durée  probable  ou  de  sa  fin  prochaine. 

On  dit  qu'un  peuplement  est  bien  venant,  quand  la  majo- 
rité des  sujets  dominants  présente  des  jeunes  pousses  de 
longueur  normale,  des  cimes  à  ramification  complète  et 
abondante,  un  feuillage  à  coloration  saine  et  foncée,  des 
écorces  lisses.  L'élasticité  plus  ou  moins  grande  du  sol  et  son 
bon  état  superficiel  fournissent  aussi  des  indications  pré- 
cieuses. 

Tous  les  signes  contraires,  c'est-à-dire,  pousses  chétives, 
—  cimes  incomplètes  et  mal  ramifiées,  dans  lesquelles  la 
végétation  abandonne  la  périphérie  pour  se  rapprocher  des 
centres,  —  feuillage  pâle  et  étiolé,  —  écorces  rugueuses  et 
couvertes  de  végétations  parasites,  —  sol  dur  et  dégradé, 
caractérisent  un  peuplement  mal  venant  ou  sur  le  retour. 

ARTICLE    m. 

ACTION  DES  ARBRES  SUR  LE  SOL 

Fertilité  permanente  des  sols  forestiers.  —  La  couverture.  —  La  cou- 
verture morte;  son  rôle  physique.  —  Le  terreau  ;  l'ameublissement 
du  sol  et  la  terre  à  bois.  —  Rôle  chimique  de  la  couverture  morte  ; 
l'acide  phosphorique  et  la  potasse  ;  l'azote.  —  Les  terreaux  acides  et 
tourbeux.  —  Rôle  du  sylviculteur  dans  la  constitution  de  la  couver- 
ture ;  dans  celle  du  terreau.  —  La  couverture  vivante. 

Fertilité  permanente  des  sols  forestiers.  —  En  toute 
culture,    qu'elle   soit    agricole,    maraîchère    ou    fruitière,   le 


action    DES    ARBRES    SUR    LE   SOL.  11' 

labour  et  l'apport  d'engrais  sont  indispensables.  <>r,  on  cul- 
ture forestière,  l'homme  n'apporte  pas  d'engrais  el  ne  laboure 
pas  le  sol.  Pourquoi  ce  dernier  conserve-t-il  néanmoins  sa 
fertilité? 

C'est  que,  d'une  part,  —  les  analyses  chimiques  l'ont  dé- 
montré, —  le  bois  constitué  de  lout  échantillon  ayant  dépassé 
les  dimensions  de  branchettes  ou  de  brindilles  renferme  en 
quantités  très  faibles  les  matériaux  rares  et  précieux,  comme 
l'azote,  l'acide  phosphorique  et  la  potasse;  si,  donc,  on  se 
contente  d'exporter  de  la  forêt  du  bois  ayant  au  moins  le 
calibre  de  rondins,  la  production  forestière  sera  beaucoup 
moins  épuisante  que  les  autres.  Et,  d'autre  part,  nous 
allons  le  voir,  Faction  du  peuplement  suffit  pour  entretenir 
le  sol  dans  un  état  de  fertilité  satisfaisant  et  même  pour 
l'améliorer. 

La  couverture.  —  L'instrument  dont  il  se  sert  est  la 
couverture,  qui,  par  ce  fait,  est  appelée  à  jouer,  dans  la  vie  de 
la  forêt,  un  rôle  capital,  tant  au  point  de  vue  physique  qu'au 
point  de  vue  chimique. 

Comme  son  nom  l'indique,  la  couverture  est  la  couche 
superficielle  qui  recouvre  immédiatement  le  sol  minéral.  On 
distingue  la  couverture  vivante,  généralement  connue  sous  le 
nom  de  tapis  végétal,  composée  par  des  plantes  de  petite 
taille,  ligneuses  ou  herbacées,  qui  verdissent  la  surface  du  sol, 
sans  jamais  s'élever  au  point  d'être  confondues  avec  les  sous- 
bois,  —  et  la  couverture  morte,  véritable  litière  ou  paillis  de 
détritus  de  tous  genres,  tels  que  :  feuilles,  aiguilles,  brindilles 
et  branches  mortes,  lambeaux  d'écorce,  fruits,  déjections  et 
débris  d'animaux,  etc. 

La  couverture  morte,  son  rôle  physique.  —  D'après 
M.  le  professeur  Henry,  le  poids  de  la  couverture  morte 
récoltée  au  mois  de  novembre  dans  des  taillis  sous  futaie  de 
vingt  ans,  aux  environs  de  Nancy,  varie  suivant  les  sols,  entre 
4.600  et  5.500  kil.  à  l'hectare;  et,  dans  les  futaies  de  hêtre 
de  la  même  région,  il  peut  atteindre  7  à  8.000  kil.  (1). 


(1)  E.  Henry,  Poids  et  composition  de  la  couverture  morte  {Annales 
de  la  Science  agronomique  française  et  étrangère). 


118  LES    PEUPLEMENTS. 

M.  le  professeur  Ebermayer  (1),  a  résumé  les  principales 
propriétés  physiques  de  la  couverture  de  la  manière  sui- 
vante : 

1°  Elle  offre  de  nombreux  espaces  capillaires,  des  sortes  de  canaux, 
qui  la  rendent  comparable  à  une  éponge  et  lui  permettent  de  retenir 
une  grande  quantité  d'eau  par  imbibition,  quantité  qui,  parfois,  peut 
atteindre  deux  fois  et  demi  son  poids  ; 

2°  Elle  protège  le  sol  contre  l'accès  direct  de  l'air  et  le  met  par- 
tiellement à  l'abri  des  mouvements  de  l'atmosphère,  empêchant  ainsi 
une  trop  active  évaporation  ; 

3°  Enfin,  l'air  renfermé  dans  ces  canaux  agit,  comme  dans  le  cas  de 
la  neige,  en  rendant  la  couverture  peu  conductrice  pour  la  cha- 
leur et  diminue  ainsi,  tantôt  le  rayonnement  du  sol,  tantôt  la  quan- 
tité de  chaleur  qu'il  absorberait  s'il  était  nu;  la  couverture  empêche 
donc  la  couche  superficielle  du  sol  de  s'échauffer  ou  de  se  refroidir 
trop  rapidement. 

Ajoutons  enfin  que  la  couverture  s'oppose  au  tassement 
du  sol,  en  brisant  le  choc  des  gouttes  qui  viendraient  le 
battre  pendant  les  grandes  pluies;  qu'elle  prévient  le  ruisselle- 
ment des  eaux  et  le  ravinement  des  terres  ;  qu'elle  facilite 
enfin  la  pénétration  des  eaux  athmosphériques  dans  les 
couches  profondes. 

Le  terreau,  l'ameublissement  du  sol  et  la  terre  à  bois. 
—  Sous  l'influence  de  ferments  divers,  agissant  dans  des 
milieux  favorables,  les  éléments  de  la  couverture  se  résolvent 
en  une  matière  pulvérulente,  de  couleur  foncée,  souvent 
complètement  noire,  dégageant  une  odeur  de  moisissure  spé- 
ciale que  tout  le  monde  connaît.  C'est  V humus  ou  terreau. 
Son  importance  est  prépondérante,  et  nous  devons,  tout 
d'abord,  enregistrer  ses  propriétés  physiques,  qui  viennent 
s'ajouter  aux  précédentes  pour  le  bénéfice  du  sol  forestier. 

Il  absorbe  et  retient  une  quantité  d'eau  beaucoup  plus 
considérable  que  tous  les  autres  éléments  terreux;  mais 
s'il  reste  toujours  frais,  il  n'est  jamais  mouilleux,  car  il  est 
aussi  filtrant  qu'hygroscopique.  Il  semble,  d'ailleurs,  qu'en 
toutes  choses,  il  se  montre  le  pondérateur  merveilleux  des 
qualités  physiques  d'un  sol.  Ainsi,  il  se  comporte  à  la  façon 

(1)  Ebermayer,  Étude  d'ensemble  sur  la  couverture  des  forêts,  Ber- 
lin, 1876;  analyse  de  M.  L.  Grandeau,  dans  les  Annales  de  la  Science 
agronomique  française  et  étrangère,  Nancy,  Berger-Levrault,  1878. 


ACTION    DBS    ARBRES    Si  it    LE    BOL.  119 

dos  argiles  pour  donner  quelque  cohésion  aux  sables  les  plus 
pulvérulents,  sans  que  ses  effets,  dans  ce  sons,  viennent 
s'ajoutera  ceux  de  l'argile;  bien  au  contraire,  il  divise  les 
terres  trop  compactes.  De  môme,    il   tempère  les    excès  de 

chaleur  et  de  froid  et  adoucit  les  propriétés  mauvaises  de 
certaines  matières  minérales. 

D'autre  part,  le  terreau  est  le  principal  agent  d'un  véri- 
table ameublissomenl  mécanique  du  sol,  dont  l'effet  ne  peut 
être  comparé  qu'à  celui  du  labour.  Darwin  avait  déjà  appelé 
l'attention  sur  les  procédés  à  l'aide  desquels  les  vers  de  terre 
brassent  les  couches  superficielles  du  terreau;  mais,  en  ce  qui 
concerne  plus  particulièrement  les  forêts,  les  travaux  récents 
poursuivis  en  Danemark  par  M.  le  Docteur  Mûller  (1)  ont 
montré  que,  dans  le  terreau  forestier,  existent  des  pléiades 
d'organismes,  de  dimensions  aussi  variées  que  les  embranche- 
ments auxquels  ils  appartiennent.  Tous  ces  fouisseurs  vivent 
dans  le  terreau  et  par  le  terreau  ;  plantivores  et  carnassiers  le 
perforent  de  leurs  galeries  et  le  transforment  en  une  masse 
mouvante,  sous  l'effort  constant  des  mangeurs  et  des  mangés, 
qui  le  parcourent  dans  tous  les  sens  à  la  poursuite  les  uns 
des  autres.  Mais  bientôt,  attirés  par  ce  régal,  les  animaux 
d'un  ordre  plus  élevé  :  musaraignes,  taupes  ou  sangliers, 
achèvent  de  mélanger  sol,  sous-sol  et  terreau,  comme  ferait 
la  pioche  ou  le  soc  de  la  charrue. 

A  ce  propos,  ajoutons  que  les  arbres  eux-mêmes  con- 
tribuent, d'une  manière  directe,  à  donner  au  sol,  sinon 
l'ameublissement,  du  moins  la  perméabilité,  par  leurs  racines 
qui  le  pénètrent  profondément. 

Avec  le  temps,  l'ensemble  de  ces  actions  concourt  à  trans- 
former la  terre  sauvage  en  cette  terre  à  bois,  dont  la  consis- 
tance toute  spéciale  explique  la  sensation  d'élasticité  qu'on 
éprouve  en  marchant  sur  le  sol  d'un  vieux  peuplement. 

Rôle  chimique  de  la  couverture  morte,  l'acide  phos- 
phorique  et  la  potasse,  l'azote.  —  Le  rôle  chimique  de  la 
couverture   n'est  pas   moindre.    En  analysant  les  matériaux 

(1)  D1'  P.-E.  Mûller,  Studien  ûher  die  nalûrlichen  Humusformen  und 
deren  Einwirkung  au/*  Végétation  und  Boden.  Berlin,  1887.  (Trad.  par 
M.  Henry  Grandeau.  Nancy,  Berger-Levrault,  1889). 


120  LES    PEUPLEMENTS. 

qui  constituent  la  couverture  morte  dans  des  forêts  doma- 
niales des  environs  de  Nancy,  traitées  en  taillis-sous-futaie, 
M.  le  Professeur  Henry  (1)  a  trouvé  les  chiffres  suivants  par 
hectare,  dans  un   peuplement  âgé  de  20   ans. 

Acide  phosphorique..     23  kil.  en  sol  calcaire.     29  kil.  en  sol  argileux. 

Potasse 16  —  33  — 

Azote environ     43  kil.  dans  l'un  et  l'autre  sol. 

Ce  qui  représente  l'équivalent  de  6.000  kilos  de  fumier  de 
ferme,  et,  aux  prix  actuels  des  engrais  chimiques,  une  valeur 
de  74  francs. 

Si  les  feuilles  rendent  au  sol  ce  qu'elles  lui  ont  pris,  où 
trouver  la  restitution  des  matériaux  précieux  exportés  dans 
la  récolte-bois  et  qui,  malgré  leur  faible  importance  relative, 
ne  constituent  pas  moins  une  perte  sèche? 

Cette  restitution  se  fait  par  une  sorte  de  mobilisation  de 
la  réserve  du  sol,  sous  l'influence  de  la  vie  du  peuplement. 
a  On  appelle  réserve  du  sol,  dit  M.  Henry,  les  éléments  tels 
«  que  les  silicates  de  potasse,  de  chaux,  de  magnésie,  etc. ,  qui, 
«  insolubles  pour  le  moment  et  inutilisables  pour  la  végéta- 
«  tion,  le  deviennent  peu  à  peu  grâce  à  l'oxygène  et  surtout 
«  à  l'acide  carbonique,  dont  l'air  occlus  dans  les  sols  forestiers 
«  contient  toujours  de  notables  quantités.  »  Or,  l'air  pénètre 
dans  les  sols  ameublis  et  fournit  l'oxygène.  D'autre  part, 
l'acide  carbonique  en  excès  est  dégagé  par  les  microorga- 
nismes, lorsqu'ils  réduisent  la  couverture  en  terreau.  Ce 
dernier  dissout  les  sels  nutritifs,  les  digère  pour  ainsi  dire  et 
les  prépare  en  aliments  tout  prêts  à  être  livrés  à  la  consom- 
mation  des   racines. 

Mais  d'où  vient  l'azote?  Car,  si  les  phosphates  et  la  potasse 
restent  fixés  dans  la  terre  tant  que  la  végétation  ne  vient  pas 
les  lui  prendre,  on  sait  que  les  nitrates  ne  font  que  traverser  les 
couches  superficielles  et  se  perdent  avec  les  eaux  de  drainage. 

On  admet  que  les  matières  nitreuses  en  dissolution  dans  les 
eaux  météoriques  (pluies,  neiges,  rosées),  lorsqu'elles  traver- 
sent lentement  les  puissantes  assises  pénétrées  par  les  racines 

(1)  E.  Henry,  Poids  et  composition  de  la  couverture  morte  des  Forêts 
(Comptes  rendus  Ac.  des  Sciences,  1896). 


action    m  s    A.RBRB8    BUH    LE    BOL.  1-1 

des  grands  arbres,  cèdenl  à  ceux-ci  plus  d'azote  qu'elles 
n'en  peuvent  fournir  aux  récoltes  agricoles,  dans  leur  court 
trajet  à  travers  la  mince  couche  arable  qui  l<is  nourrit. 

Quoiqu'il  en  soil,  les  chiffres  empruntés  à  la  Btatique 
chimique  de  la  foréi  dressée  par  M.  L.  Grandeau  (I),  démon- 
trent que  ces  quantités  sont  insuffisantes  pour  rétablir  l'équi- 
libre entre  les  recettes  et  les  dépenses  de  cette  nature.  Des 
recherches  de  M.  Henry  mettent  en  lumière  ce  fait  nouveau 
que  c'est  encore  la  couverture  qui  vient  combler  le  déficit. 
En  effet,  par  l'intermédiaire  d'infiniments  petits,  encore  mal 
déterminés,  les  feuilles  mortes  ont  la  faculté  de  fixer  direc- 
tement l'azote  de  l'air,  jouant,  ainsi,  pour  les  sols  forestiers, 
le  rôle  des  légumineuses  en  culture  agricole.  Dans  les 
conditions  où  étaient  installées  ces  expériences,  il  a  été 
établi  que  le  gain  en  azote  dû  à  cette  cause  variait,  par  hectare 
et  par  an,  de  J3  kilogrammes,  pour  les  feuilles  de  chêne,  à 
22  kilogrammes,  pour  celles  de  charme. 

o  Les  feuilles  »  ajoute  l'auteur  du  mémoire,  «  sont  réelle- 
ment des  organes  admirables...,  on  dirait  qu'elles  ont  hâte, 
même  mortes,  de  travailler  pour  l'arbre  qui  les  a  produites. 
Dès  qu'arrivent  les  beaux  jours,  elles  servent  de  pâture  à 
des  microorganismes,  dont  la  présence  et  l'activité  sont  attes- 
tées par  un  fort  dégagement  d'acide  carbonique,  et  dont  un 
certain  nombre  a  la  faculté  d'absorber,  outre  l'oxygène, 
l'azote  de  l'air,  pour  le  faire  entrer  dans  la  constitution  de  leur 
protoplasma.  » 

Voilà  donc  le  bilan  des  richesses  que  renferme  dans  son 
sein  cette  couverture  morte  dont  tant  de  gens  voudraient 
s'emparer  gratuitement,  comme  d'une  matière  inerte,  qui 
pourrit  sans  profit  pour  le  propriétaire  de  la  forêt.  C'est 
comme  si  on  voulait  prendre  au  paysan  le  fumier  de  ses 
étables. 

Les  terreaux  acides  et  tourbeux.  —  Mais  le  terreau  ne 
se  constitue  pas  toujours  suivant  la  formule  idéale  dont  nous 
venons  d'esquisser  les  bienfaits. 

Il   suffit  de   regarder  la   couverture   pour   constater    que 

(-1)  L.  Grandeau,  Cours  d'agriculture  de  l'École  forestière.  Nancy, 
Berger-Levrault.  1879. 


122  LES    PEUPLEMENTS. 

certaines  feuilles,  comme  celles  de  hêtre  ou  les  aiguilles 
d'épicéa,  de  consistance  coriace,  se  décomposent  très  lente- 
ment; que  d'autres,  au  contraire,  comme  les  feuilles  de 
charme,  d'orme,  de  frêne,  dont  le  bétail  se  montre  très  avide 
sous  forme  de  feuillage  vert,  sont,  en  même  temps,  les  plus 
recherchées,  à  l'état  sec,  par  les  plantivores  du  sol,  notam- 
ment par  les  lombrics.  Cela  explique  pourquoi  ces  dernières 
ont  disparu  depuis  longtemps,  animalisées  dans  le  terreau, 
quand  les  autres  sont  encore  presque  entières  sur  plusieurs 
lits  superposés. 

D'autre  part,  quand  l'eau  est  en  excès,  l'action  de  l'oxygène 
et  de  la  chaleur  se  trouve  diminuée.  La  décomposition  des 
débris  organiques  devient  extrêmement  lente  et  reste  tou- 
jours incomplète.  Les  combinaisons  acides  se  produisent 
abondantes  et  il  en  résulte  un  résidu  analogue  à  la  tourbe, 
dans  laquelle,  parmi  nos  grandes  essences  forestières,  l'aune,  le 
bouleau,  le  tremble,  le  pin  de  montagne  peuvent  seuls  résister. 

Inversement,  quand  il  y  a  excès  de  sécheresse,  le  terreau  se 
brûle  et  devient  charbonneux,  poudreux  ou  fibreux.  Cette 
poussière  brune  ou  noire,  de  décomposition  ultérieure  très 
difficile,  est  une  véritable  tourbe  sèche,  avec  tous  ses  incon- 
vénients. Elle  se  rencontre  surtout  dans  les  sables  siliceux, 
auxquels  elle  se  mélange  pour  donner  les  terres  dites  de 
bruyères. 

Dans  l'ouvrage  déjà  cité,  M.  le  Dr  Mûller  insiste  tout  parti- 
culièrement pour  caractériser  ces  différentes  sortes  de 
terreau  et  il  donne  les  moyens  pratiques  de  distinguer  facile- 
ment chacun  d'eux.  Dans  l'humus,  où  l'acide  carbonique  est 
pour  ainsi  dire  le  seul  produit  acide,  la  vie  animale  abonde 
et,  parmi  ses  colons,  le  grand  lombric  se  montre  très  nom- 
breux; le  sol  est  gonflé  par  les  taupinières,  creusé  par  les 
vermillures  des  sangliers,  et,  au  milieu  des  plantes  qui  lui 
sont  spéciales,  on  trouve  abondamment  l'aspérule  odorante, 
la  mercuriale  vivace,  l'oxalis,  l'anémone  des  bois,  etc. 

La  tourbe,  au  contraire,  constitue  une  sorte  de  feutrage, 
dont  la  résistance  sous  le  pied  est  encore  augmentée  par  l'en- 
chevêtrement de  racines  superficielles  et  d'un  mycélium  spé- 
cial à  cette  formation. 


action    DBS     utuni.s    -in    LE    SOL.  l 'l'A 

Tantôt  clic  csi  pulvérulente  el  imperméable,  tantôt  elle 
B'imbibe  comme  une  éponge  ei  retient  l'eau  en  excès.  Tou- 
jours ricin1  en  matières  organiques  acides,  elle  porte  une 
végétation  basse  caractérisée  par  la  canche  flexueuse,  par  le 

tri  entai  ei  par  les  mousses,  qui,  à  pari,  quelques  touffes  de  poly- 
tric,  font  défaut  sur  l'humus.  Enfin,  la  faune,  beaucoup  moins 
riche,  csl  surtout  remarquable  par  l'absence  presque  complète 
de  lombrics  et  de  taupes.  En  un  mot,  sur  ces  terreaux  déserts, 
la  couverture  échappe  à  l'action  réductrice  des  milliers  de 
tubes  digestifs  qui  élaborent  les  engrais  animaux,  et  attend, 
pour  se  décomposer,  le  fonctionnement  des  réactifs  chi- 
miques. 

La  tourbe  est  des  plus  communes  dans  les  régions  froides 
et  brumeuses  de  l'Europe  septentrionale.  En  France,  où  les 
saisons  de  végétation  sont  longues,  où  les  sols  calcaires  sont 
abondants,  elle  est  beaucoup  plus  rare.  Elle  se  rencontre, 
cependant,  sous  la  forme  sèche,  dans  certaines  forêts  sablon- 
neuses, —  sous  la  forme  humide,  dans  la  montagne,  et  il 
importe  d'y  veiller. 

Rôle  du  sylviculteur  dans  la  constitution  de  la  couver- 
ture morte;  dans  celle  du  terreau.  —  Sous  ces  réserves, 
voyons  quelle  est  la  part  d'action  du  sylviculteur  dans  la  con- 
fection des  seuls  engrais  dont  il  puisse  disposer.  Sur  la  cou- 
verture, comme  sur  le  terreau,  il  peut  agir,  autant  par  des 
soins  culturaux  que  par  des  mesures  répressives. 

En  maintenant  les  massifs  complets,  en  respectant  les  sous- 
étages,  en  évitant  les  découverts  trop  fréquents,  il  contribue 
à  augmenter  la  quantité  de  détritus  qui  s'accumulent  sur  le 
sol.  Mais  il  doit  surtout  s'opposer  de  la  façon  la  plus  énergique 
à  l'enlèvement  des  feuilles  mortes.  Heureusement,  ce  fléau, 
qui  sévit  encore  en  Allemagne,  est  très  localisé  en  France  ; 
car,  partout,  les  expériences  dirigées  en  vue  de  traduire  par 
des  chiffres  l'influence  de  cette  funeste  pratique,  lui  ont  fait 
imputer  une  perte  de  50  p.  100  et  plus  sur  la  production 
ligneuse. 

En  ce  qui  concerne  le  terreau,  on  peut  conseiller  :  de 
choisir  des  révolutions  plutôt  longues  que  courtes,  afin  de 
découvrir  le  sol  le  moins  souvent  possible;  —  de  maintenir  les 


124  LES    PEUPLEMENTS. 

sous  bois;  —  de  conserver,  tout  autour  des  enceintes,  des 
arbres  de  lisières,  qui  tiennent  le  peuplement  bien  clos,  à 
l'abri  des  coups  de  soleil  et  aussi  des  coups  de  vent;  car  ceux- 
ci,  en  bouleversant  la  couverture,  rendent  la  vie  difficile  aux 
animaux  qu'elle  abrite;  —  enfin,  de  créer  des  forêts  mélan- 
gées, où,  la  décomposition  des  feuilles  se  faisant  beaucoup 
mieux,  on  évite  la  formation  de  ces  litières  de  feuilles  de 
hêtres,  ou  de  ces  feutrages  d'aiguilles  d'épicéa,  parfois  si  gê- 
nants dans  les  forêts  de  la  montagne. 

Dans  les  sables  grossiers,  secs  et  brûlants  :  exagérer  encore 
le  principe  du  couvert  bas  et  continu  ;  faire  tous  ses  efforts  pour 
maintenir  les  espèces  à  feuillage  épais,  qui  ont  trop  de  ten- 
dances à  fuir  ces  régions  où  l'humidité  leur  fait  défaut  ;  dans 
ce  but,  préférer  les  peuplements  d'âges  multiples  aux  peuple- 
ments d'un  seul  âge,  ou  choisir  des  révolutions  très 
longues.  Au  contraire,  dans  les  argiles  froides  et  très  humides  : 
relever  le  couvert,  pour  faciliter  l'accès  de  la  chaleur;  choisir 
des  traitements  qui  découvrent  périodiquement  le  sol  ;  préférer 
le  taillis  sous  futaie  à  la  futaie  pleine. 

En  résumé,  dans  toutes  les  circonstances  et  en  tous  lieux, 
maintenir  le  sol  à  l'état   de  saine  fraîcheur  que  commande 
l'hygiène  de  la  forêt,  et  qui  convient  aux  lombrics  et  autres 
animaux,  sur  le  rôle  desquels  on  ne  saurait  trop  insister. 

La  couverture  vivante.  —  La  couverture  vivante,  telle 
que  nous  l'avons  définie,  varie  suivant  la  nature  du  sol;  sa 
présence  est  toujours  l'indice  d'une  dégradation  dans  l'état  du 
peuplement;  en  effet,  elle  absorbe  à  son  profit  les  réserves 
alimentaires  du  terrain.  Elle  entrave  la  régénération  naturelle 
en  empêchant  les  graines  d'arriver  au  contact  de  la  terre;  et 
les  jeunes  semis  qui,  malgré  tout,  viendraient  à  s'installer,  ont 
à  lutter  contre  les  racines  des  plantes  rivales,  qui  les  en- 
serrent et  les  affament. 

Néanmoins,  cette  couverture  vivante  est  encore  préférable 
à  un  état  de  dénudation  complet.  Elle  donne  de  l'assiette 
au  sol,  le  protège  contre  les  érosions  des  eaux  et  les  ardeurs 
trop  vives  du  soleil,  empêche  le  tassement,  et,  de  plus,  par 
les  débri6  morts  qu'elle  abandonne,  fournit  à  la  terre  des 
éléments  organiques,  dont  les  grands  arbres  peuvent  profiter. 


i  \  «>ii  Tl<>\    m      ru  il  EMBNT.  1  25 

Aussi,  on  dehors  du  cas  spécial  <>ii  l'on  cherche  une  régéné- 
ration par  la  semence  n'esl-il  pas  indiqué  de  la  faire  dispa- 
raître par  des  travaux  onéreux .  (  le  serait  supprimer  l'effet  sans 
supprimer  la  cause;  car  l'évolution  d'un  (apis  végétal  est  la 
conséquence  nécessaire  de  l'arrivée  au  soi  de  rayons  lumi- 
neux, tamisés  à  travers  la  frondaison  insuffisante  d'un  peu- 
plement incomplet  ou  mal  composé.  Le  seul  moyen  d'en  avoir 
raison,  sans  frais,  est  donc  de  laisser  le  peuplement  se  recon- 
stituer normalement  et  de  provoquer  la  réinstallation  des  sous 
bois. 


ARTICLE     IV 

ÉVOLUTION  DU  PEUPLEMENT 

Evolution  du  peuplement  uniforme.  —  États  de  développements  suc- 
cessifs des  futaies  régulières  ;  —  du  taillis  simple  régulier.  —  Évo- 
lution des  peuplements  jardines  et  furetés. 

Évolution  du  peuplement  uniforme.  —  Suivant  son  ori- 
gine et  sa  forme,  chaque  peuplement  évolue  à  sa  manière  et, 
à  ce  point  de  vue,  il  faut  établir  une  différence  fondamentale 
entre  le  peuplement  uniforme  et  le  peuplement  d'âges  mêlés. 

Dans  tout  peuplement  uniforme,  les  tiges  d'avenir,  celles 
que  leur  vitalité  plus  grande  maintient  dans  l'étage  dominant 
où  rien  n'arrête  leur  essor,  s'élèvent  en  bloc,  chaque  année, 
d'une  quantité  à  peu  près  égale  pour  toutes,  jusqu'au  moment 
où  elles  ont  atteint  leur  maximum  de  hauteur.  Aussi,  à  tous 
les  âges,  le  profil  du  massif  est-il  limité  par  une  ligne  régulière 
et  parallèle  au  sol. 

États  de  développements  successifs  de  la  futaie  régu- 
lière; —  du  taillis  simple  régulier.  —  Dans  cette  suite  non 
interrompue  d'accroissement  en  hauteur,  l'observation  de 
phénomènes  qui  se  reproduisent  d'une  manière  constante  a 
permis  de  distinguer  certaines  phases,  certains  états  particu- 
liers, qui,  pour  la  futaie  régulière,  ont  été  appelés,  dans  l'ordre 
où  ils  se  produisent  :  semis,  fourrés,  cjaulis,  bas  et  haut  per- 
chis,  haute  futaie  et  vieille  futaie . 

Chacun  de  ces  états  de  développement  peut  être  caractérisé 


126  LES    PEUPLEMENTS. 

dans  les  termes  suivants,  que  nous  empruntons  à  M.  le  Pro- 
fesseur Broilliard  (1)  : 

...  Tant  que  les  jeunes  semis  se  trouvent  isolés  l'un  de  l'autre  sur 
le  terrain  découvert  entr'eux,  la  végétation  reste  faible,  et  l'avenir  de 
la  forêt  naissante  est  encore  incertain;  mais,  quand  le  fourré  s'est  gé- 
néralement constitué,  s'élevant  plus  ou  moins  suivant  les  points,  et 
alors  même  qu'il  y  reste  quelques  places  vides,  la  forêt  a  pris  posses- 
sion du  sol  et  se  développe  rapidement. 

Les  fourrés  naturels  offrent  généralement  des  tiges  de  hauteurs 
rrégulières,  et  faisant  un  mélange  confus  de  jeunes  sujets  de  bonnes 
essences  avec  des  espèces  secondaires  et  des  morts-bois,  dont  la  pré- 
sence hâte  la  formation  du  fourré  et  lui  donne  la  densité  désirable. 

Le  gaulis  est  formé  de  baguettes,  ou  gaules  flexibles,  ayant  perdu 
les  branches  basses....  Le  sol  s'améliore  rapidement  par  l'effet  du  cou- 
vert bas  et  complet  et  des  détritus  végétaux  qui  s'accumulent.  Le  nom- 
bre des  petites  cimes  qui  luttent  entre  elles  en  s'élevant  pour  prendre 
la  place  au  soleil,  diminue  d'année  en  année,  pour  ainsi  dire  à  vue 
d'œil. 

Une  futaie  se  trouve  à  l'état  de  perchis,  quand  elle  est  principalement 
constituée  par  des  perches,  tiges  de  1  décimètre  de  diamètre  au 
moins...  Dans  les  bas  perclus,  la  production  annuelle  en  bois  arrive  à 
son  maximum  ;  l'élagage  naturel  des  branches  basses  s'opère  encore 
avec  rapidité  et  le  nombre  des  tiges  diminue  de  même. 

On  appelle  haut-perchis  ou  demi-futaie  le  massif  dont  les  fûts  ont 
déjà  pris  une  grande  hauteur  :  hauteur  qui  correspond  souvent  à  un 
diamètre  minimum  de  2  décimètres,  à  1  m.  30  du  sol.  Les  cimes,  dont 
les  branches  principales  sont  déjà  fortes,  occupent  chacune  une  place 
assez  large,  les  plus  faibles  résistent  longtemps  avant  de  périr  sous 
l'étreinte  de  leurs  voisines... 

Quand  les  fûts  sont  entièrement  constitués,  le  massif  prend  le  nom 
de  «  futaie  proprement  dite  »  ou  de  «  haute-futaie  ».  Les  cimes  élevées 
ont  de  fortes  branches,  qui  persisteront  à  peu  près  indéfiniment,  ou  ne 
disparaîtront  à  la  longue  qu'en  laissant  au  tronc  des  tares  amenant  la 
dégradation  lente  des  arbres  les  plus  faibles.  Les  trouées  qui  viennent 
à  se  produire  se  comblent  dès  lors  difficilement,  et,  au-dessous  d'elles, 
des  semis  se  montrent  en  permanence  sur  le  sol.  La  production  ligneuse 
du  massif  est  un  peu  plus  faible  que  dans  les  perchis. 

Chacun  de  ces  états  persiste  un  temps  plus  long  que  celui  qui  l'a 
précédé,  le  bas  perchis  plus  longtemps  que  le  gaulis,  mais  moins  long- 
temps que  le  haut  perchis  et  celui-ci  moins  encore  que  la  haute  futaie. 
Celle-ci  prend  le  nom  de  Vieille  futaie  quand  les  arbres,  devenus  gros, 
approchent  de  la  maturité.  Les  vieilles  futaies  ne  sont  pas  toujours 
en  massif  uniforme  par  l'âge  et  la  grosseur  des  tiges. 

En  résumé,  dans  l'évolution  du  peuplement  uniforme, 
comme  dans  celle  de  tout  être  organisé,  on  peut  distinguer 
trois  grandes  phases  : 

(1)  Broilliard,  Le  traitement  desbois  en  France,  p.  238. 


i'  \  OLUTION    i»i     PEUPL1  \n.\  i .  I  'Il 

1"  Naissance è\  constitution  du  fourré; 

2°  ./aînesse  et  croissance  en  hauteur,  pendant  les  états  de 

gaulis,  bas  et  haut  perclus. 

3°  Enfin  Age  mûri  pendant  lequel  les  arbres  adultes  s'ac- 
croissent surtout  en  grosseur  et  fructifient  abondamment. 

Le  taillis  simple  régulier  ne  se  comporte  pas  toul  à  l'ait  de 
même.  Les  rejets,  à  leur  naissance,  émergent  de  souches  tou- 
jours plus  ou  moins  éloignées  les  unes  des  autres,  de  sorte 
qu'il  se  passe  un  temps  variable,  mais  toujours  assez  long, 
avant  que  les  branches  basses  se  rejoignent  et  s'entrelacent 
pour  former  le  fourré.  Pendant  ce  temps,  les  tiges  principales 
dépassent  les  dimensions  de  gaulis  et  le  peuplement  devient 
un  bas  perchis,  sans  prendre  l'aspect  de  gaulis.  A  partir  de  ce 
moment,  il  évolue  comme  la  futaie  pleine,  dont  il  se  différencie 
néanmoins  par  certaines  tares  qu'il  doit  à  son  origine  :  les  tiges 
sont,  en  effet,  plus  ou  moins  déviées  à  la  base,  et  leur  section 
faite  dans  cette  même  région,  au  lieu  d'être  circulaire,  est  dé- 
primée du  côté  de  la  souche  dont  elles  sortent.  Aussi,  pour  les 
distinguer  de  la  futaie  vraie,  ajoute-t-on  les  mots  sur  souches, 
aux  expressions  qui  caractérisent  leur  état  de  développement 
et  l'on  dit  :  bas  et  haut  perchis  sur  souches,  haute  futaie  sur 
souches. 

Évolution  des  peuplements  jardines  et  furetés  -  Bien 
différentes  sont  les  allures  des  peuplements  qu'un  traitement 
systématique  entretient  dans  les  formes  jardinées  etfuretées. 
Ici,  les  sujets  mûrissent  individuellement,  et,  sur  chacun  des 
points  dénudés  par  la  coupe  qui  les  enlève,  il  en  naîtra  d'au- 
tres pour  occuper  leur  place.  Les  bois  de  tous  âges  se  déve- 
loppent irrégulièrement  dans  les  espaces  variables  que  leur 
ménagent  les  hasards  des  exploitations,  leur  croissance  étant 
tantôt  activée,  tantôt  ralentie  par  la  plus  ou  moins  grande  quan- 
tité de  lumière  qu'ils  reçoivent  à  un  instantdonné.  Pas  plus  que 
dans  la  masse  de  leur  frondaison  on  ne  distingue  d'étages, 
on  ne  peut  constater  dans  la  durée  de  leur  évolution  aucune 
phase,  aucun  état  particulier  de  développement.  Si  bien  que 
ces  .peuplements,  qui  n'ont  pour  ainsi  dire  point  d'âge,  se  per- 
pétuent toujours  semblables  à  eux-mêmes. 

Pour  mieux  faire  comprendre  la  situation,  pour  mieux  faire 


128  LES    PEUPLEMENTS. 

ressortir  la  différence  qui  sépare  ces  deux  types  de  peuple- 
ment, nous  comparerons  leur  évolution  à  celle  des  parcs  d'agré- 
ment, suivant  qu'ils  sont  créés  et  entretenus  d'après  une  des 
méthodes  :  française  ou  anglaise.  Dans  les  parcs  français,  les 
arbres,  souvent  de  même  essence,  sont  disposés,  à  la  même 
époque,  en  longues  bordures  ou  en  avenues  régulières,  où,  tou- 
jours solidaires  les  uns  des  autres,  ils  grandissent  et  vieillis- 
sent ensemble.  Ils  forment  un  tout  homogène,  et  sous  peine 
d'en  rompre  le  caractère  grandiose  et  l'harmonie,  il  est  im- 
possible de  les  rajeunir  autrement  que  par  un  remplacement 
en  masse.  C'est  l'analogue  du  peuplement  uniforme. 

Au  contraire,  dans  le  parc  anglais,  tous  les  éléments  sont 
indépendants  les  uns  des  autres.  Les  arbres,  plantés  un  peu 
au  hasard,  tout  en  suivant  certaines  règles  de  l'esthétique, 
peuvent  être  remplacés  individuellement  au  fur  et  à  mesure  de 
la  maturité  de  chacun,  sans  nuire  au  caractère  de  l'ensemble. 
Comme  les  peuplements  jardines  ou  furetés,  ces  parcs 
conservent  toujours  le  même  aspect.  En  deux  mots,  l'évolu- 
tion de  l'un  se  fait  à  temps,  tandis  que  celle  de  l'autre  se  pro- 
longe h  perpétuité. 

A  propos  des  traitements  qui  engendrent  des  formes  aussi 
dissemblables,  nous  pouvons,  dès  maintenant,  déduire  les 
conséquences  suivantes  : 

1°  Chacune  des  unités  de  surface  couverte  par  un  peuple- 
ment d'âges  multiples  forme  un  tout  complet  qui,  au  point  de 
vue  du  but  final,  évolue  indépendamment  des  surfaces  voi- 
sines. La  vie  de  relation  y  existe  à  peine  ;  c'est,  en  quelque 
sorte,  la  cellule  unique  des  êtres  inférieurs. 

Comme  l'organisme,  le  traitement  restera  simple. 
2°  Dans  les  peuplements  uniformes,  chacun  des  éléments 
est  solidaire  des  autres,  avec  lesquels  il  marche  d'ensemble 
vers  le  but  commun.  Pour  assurer  l'harmonie  dans  ce  concert, 
un  instrument  nouveau  est  indispensable,  dont  le  rôle  n'est 
pas  sans  présenter  une  certaine  analogie  avec  celui  du  système 
nerveux  chez  les  êtres  supérieurs.  Le  traitement  de  la  forêt 
-sera  compliqué  d'aulnnt. 


CHAPITRE  IV 
LES     FORÊTS 

Nous  venons  de  constater  les  effets  de  l'intervention  de 
l'homme  sur  la  vie  des  peuplements.  Mais,  de  cette  étude,  il 
ne  faudrait  pas  conclure  que  la  forêt  se  prête,  sans  protester,  ;t 
tous  les  caprices  de  l'exploitant.  Loin  de  là,  l'expérience  de 
tous  les  jours  nous  l'indique,  chaque  mode  de  traitement 
est  cantonné  dans  un  champ  d'application  dont  les  limites  sont 
parfois  très  étroites  et  en  dehors  desquelles  tous  les  accidents 
sont  à  craindre.  Sans  pousser  les  choses  au  pire,  dès  que  la 
main  de  l'homme  élimine  l'une  ou  l'autre  des  espèces  qui 
forment  la  forêt  spontanée,  la  fertilité  générale  en  souffre  et 
s'amoindrit  ;  cette  modification  dans  le  sens  rétrograde  peut 
avoir  une  marche  assez  lente  pour  ne  pas  être  bien  visible  dans 
le  cours  d'une  génération,  mais  elle  n'en  est  pas  moins  fatale. 

C'est  dire  que,  toujours  et  partout,  l'action  de  la  nature  est 
prépondérante.  Dans  chaque  région,  dans  chaque  station 
même,  les  agents  sol  et  climat  imposent  à  la  forêt  des  allures 
particulières,  lui  façonnent  une  sorte  de  capacité  forestière, 
qu'on  ne  saurait  lui  faire  dépasser.  Nous  pensons  en  fournir  la 
preuve  dans  les  pages  qui  vont  suivre. 

ARTICLE    PREMIER 

ACTION    DU    SOL 

Rôle  du  sol  :  généralités  ;  classement.  —  Sols  siliceux  :  propriétés 
physiques;  tapis  végétal;  allures  des  forêts;  sables  à  grains  fins; 
alios  ;  tourbières.  —  Sols  argileux:  propriétés  physiques;  tapis  vé- 
gétal ;  allures  des  forêts;  lcehm.  —  Sols  à  base  calcaire  :  propriétés 
physiques  ;  tapis  végétal  ;  allures  des  forêts  ;  marne. 

Rôle  du  sol.  —  Le  rôle  du  sol,  en  même  temps  qu'il  sert 
Boppe  et  Joi/yet.  •' 


130 


LES    FORETS. 


de  support  aux  arbres,  est  de  maintenir  à  leur  disposition 
une  quantité  d'eau  suffisante  pour  contre-balancer  les  effets 
de  l'évaporation.  D'autre  part,  nous  avons  dit  que  les 
végétaux  ligneux  et  surtout  les  espèces  sociales,  qui  for- 
ment la  base  de  tous  nos  peuplements,  sont  très  peu  exigeants 
au  point  de  vue  de  la  richesse  minérale  du  sol.  Remarquons 
enfin,  qu'il  faut  considérer  comme  faisant  partie  du  sol  fores- 
tier, non  seulement  la  terre  arable,  mais  encore  toutes  les 
zones  sous-jacentes  perméables  aux  racines;  par  conséquent 
la  masse  nourricière  des  forêts  est  beaucoup  plus  puissante 
que  celle  qu'utilisent  les  végétaux  agricoles  ;  cependant  cette 
quantité  n'est  pas  illimitée  ;  car,  en  dehors  des  fissures  qui,  en 
raison  de  leur  humidité  constante,  font  pénétrer  les  racines 
jusqu'aux  assises  les  plus  profondes  des  rochers  disloqués  et 
des  éboulis,  il  est  rare  que  celles-ci  fonctionnent  au-delà  de 
un  ou  deux  mètres  de  profondeur. 

Pour  la  forêt,  les  propriétés  chimiques  d'un  sol  importent 
donc  beaucoup  moins  que  ses  qualités  physiques;  parmi 
lesquelles  la  profondeur  et  la  perméabilité  d'une  part,  et 
d'autre  part  l'aptitude,  non  seulement  à  absorber  l'eau  des 
pluies,  des  neiges,  du  givre  et  de  la  rosée,  mais  encore  à  la 
retenir,  sont  les  plus  importantes. 

Dans  la  pratique,  on  a  conservé  l'habitude  de  classer  les  sols 
en  trois  groupes  distincts  :  les  sables  siliceux,  les  argiles  et 
les  terrains  à  base  calcaire.  Sans  doute,  dans  les  milliers 
d'échantillons  de  terres  qui  se  rencontrent  à  la  surface 
du  globe,  la  proportion  des  trois  éléments  :  silice,  argile 
et  carbonate  de  chaux  varie  à  l'infini  ;  mais  il  est  rare  que  l'un 
d'eux  ne  prédomine  pas  suffisamment  pour  donner  au  milieu 
son  caractère  propre. 

Sols  siliceux.  —  Le  sable  siliceux  pur,  lorsqu'il  contient 
peu  de  matière  organique  en  mélange,  forme  un  sol  meuble, 
sans  liaison  à  l'état  sec,  n'ayant  même  qu'une  faible  cohésion 
sous  l'influence  de  l'humidité. 

L'eau,  qui  traverse  facilement  cet  amas  filtrant,  entraîne 
avec  elle  les  particules  fines  dans  les  profondeurs  ;  aussi  la 
surface,  n'offrant  aucune  résistance  à  l'érosion,  est-elle  facile- 
ment ravinée  par   les  eaux  ou   déplacée  par   les    vents.    Sa 


\<.ii<»\    nu    SOL 


ni 


faible  ténacité  n'offre  aux  grands  arbres   qu'une  assiette  in- 
suffisante; du  reste,  aussi  bien  pour  y  chercher  leur  nourriture 

que  pour    trouver   un    point    d'appui  plus    solide,    les  racines 
pénètrent  fort  avant  dans  ces  sols  et  -'\  étalenl  amplement. 
Très  pénétrable  par  l'air,  le  sable  prend  rapidement  la  tem- 
pérature du  milieu  ambiant  :  il  s'échauffe  et  se  refroidit  très 


Fig.   33.  —  Escarpements  calcaires  des  bassins  du  Doubs. 
(Photographie  de  M.  Thiollier.) 


vite;  aucune  terre  n'est  plus  apte  à  se  dessécher,  à  devenir 
aride  dès  qu'elle  est  ouverte  à  l'accès  des  vents  et  des  rayons 
du  soleil  :  toutes  conditions  mauvaises  pour  la  bonne  fabrica- 
tion du  terreau,  qui  prendra  souvent  la  forme  fibreuse.  Les 
accidents  de  gelées,  printanières  ou  autres,  y  sont  aussi  plus 
à  craindre  qu'ailleurs. 

Le  tapis  végétal  du  sol  siliceux  est  plus  pauvre  en  espèces 
que  celui  des  terres  plus  fertiles;  mais  les  plantes  sociales,  qui 
s  accommodent  de  ces  stations,  se  jettent  à  foison  dans  les  vides 
et  profitent  de  toutes  les  fautes  pour  en  augmenter  la  gravité  ; 


132  LES    FORÊTS. 

car,  une  fois  installées,  elles  ne  se  laissent  plus  exproprier,  même 
par  les  grands  arbres.  Ces  plantes  sociales  peuvent  être  her- 
bacées, comme  la  grande  fétuque  bleue,  mais  elles  sont  plus 
souvent  ligneuses  :  comme  les  genêts,  les  ajoncs,  l'airelle  myr- 
tille, la  callune  et  ces  éternelles  bruyères,  qui,  suivant  les 
climats,  feront  la  lande  ou  le  maquis . 

Malgré  tout,  le  sol  siliceuxpeut nourrir  de  belles  et  bonnes 
forêts,  sous  la  condition  d'être  découvert  le  moins  possible.  Le 
semis  y  réussit  très  bien;  par  contre,  les  souches  n'y  rejettent 
que  médiocrement  :  c'est  dire  que  le  traitement  en  futaie  est 
préférable  au  traitement  en  taillis.  Aussi  les  tentatives  faites 
pour  y  perpétuer  ce  dernier  mode  ont-elles,  le  plus  souvent, 
amené  des  désordres  et  des  états  d'épuisement  tels,  qu'il  a 
fallu  remplacer  les  espèces  spontanées  par  d'autres  plus 
frugales.  Les  trop  nombreuses  taches  de  résineux  introduits, 
qui  envahissent  progressivement  les  régions  autrefois  peuplées 
de  magnifiques  forêts  de  hêtre  et  de  chêne,  n'ont  pas  d'autre 
origine. 

Enfin,  ces  sols  conviennent  parfaitement  à  la  culture  en 
pépinière;  car  ils  se  travaillent  sans  effort  et  s'entretiennent 
à  peu  de  frais  en  bon  état  de  propreté.  Essentiellement 
neutres,  ils  n'excluent  aucune  essence  et  acceptent  sous 
forme  d'engrais  et  d'amendement  toutes  les  matières  qu'on 
veut  leur  incorporer.  D'ailleurs,  à  cause  de  leur  état  de  divi- 
sion, les  racines  développent  un  chevelu  abondant,  qui  facilite 
la  reprise  des  sujets  lors  de  la  transplantation. 

Ces  propriétés  moyennes  peuvent  être  profondément  modi- 
fiées en  bien  ou  en  mal  par  des  causes   diverses. 

C'est  ainsi  que  ces  mêmes  sols,  quand  les  éléments  en  sont 
fins  ou  très  fins,  conviennent  mieux  que  tous  les  autres  à 
l'éducation  des  massifs  de  futaie;  les  sables  les  plus  ténus, 
pourvu  qu'ils  soient  imprégnés  de  terreau,  jouent  à  s'y 
méprendre  un  rôle  analogue  à  celui  de  l'argile  et  assurent 
une  fraîcheur  constante.  Les  arbres  atteignent  des  hauteurs 
considérables,  leurs  fûts  se  rapprochent  de  la  forme  cylin- 
drique et  la  régénération  par  la  semence  y  est  des  plus  faciles. 
Les  argiles  h  silex,  qui,  malgré  leur  nom,  rentrent  dans  la 
catégorie  des  sols  siliceux,  nourrissent  les  plus  belles  futaies 


\<:tion   DU   sol.  133 

de  France  :  ainsi,  celles  de  Villers-Cotterets,  de  Lyons,  de 
Bellême,  de  Bercé,  de  Senonches,  de  Trouvais,  pour  ne  citer 
que  les  plus  remarquables  par  leur  splendeur  et  leur  étendue. 
On  peut  en  dire  autant  des  sapinières  qui  reposent  sur  les  près 
infraliasiques  elles  autres  formations  gréseuses,  sous  le  climat 
humide    des  Basses- Vosges. 

Souvent  aussi,  quelle  que  soit  la  grosseur  des  éléments 
et  l'apparence  filtrante  de  ces  sables,  on  est  surpris  de  les 
voir  constamment  mouilleux  ;  c'est  qu'alors  il  s'est  formé,  à 
une  faible  profondeur,  celte  couche  d'altos  si  connue  dans  les 
Landes  de  Gascogne  et  dont  la  composition  n'est  autre  que 
celle  du  sable  lui-même,  agglutiné  en  une  sorte  de  roche 
compacte,  imperméable,  de  couleur  brune,  par  un  ciment 
organique  dans  lequel  les  sels  de  fer  ne  manquent  jamais. 
Partout  où  cet  alios  se  rencontre,  les  effets  ordinaires  d'une 
végétation  mauvaise  sont  encore  aggravés  par  des  accidents 
fréquents  de  gelées  prinlanières  et  de  gelées  d'hiver.  Quand 
les  circonstances  le  permettent,  et  plus  particulièrement 
lorsque  le  relief  est  peu  accusé  ou  en  forme  de  cuvette,  la 
présence  de  l'alios  est  pour  ainsi  dire  fatale.  Le  seul  moyen 
d'y  remédier  temporairement  serait  de  percer  de  loin  en  loin 
la  couche  imperméable  par  des  trous  de  sonde,  qui  rempli- 
raient l'office  de  puits  perdus. 

On  peut  encore  faire  rentrer  les  tourbières  dans  le  groupe 
des  terrains  siliceux.  Celles-ci,  heureusement  assez  rares  en 
France,  n'y  ont  qu'une  faible  importance  forestière.  Souvent 
d'ailleurs,  surtout  dans  la  moyenne  montagne,  elles  jouent, 
au  point  de  vue  de  l'alimentation  des  cours  d'eau  pendant 
Tété,  un  rôle  analogue  à  celui  des  glaciers.  Aussi,  sans  pré- 
tendre les  mettre  en  valeur  par  des  assainissements  coûteux, 
suffit-il  de  préserver  par  des  fossés  d'écoulement  les  cantons 
boisés  qui  les  entourent,  contre  leur  envahissement  toujours 
à  craindre. 

Sols  argileux.  —  Les  terrains  argileux  sont  froids, 
humides,  et,  quand  ils  se  dessèchejit  sous  l'action  du  vent  ou 
du  soleil,  ils  se  transforment  en  une  masse  dure,  crevassée 
par  un  retrait  considérable  et  douée  d'une  odeur  spéciale  lors- 
qu'elle  s'humecte.  Les  eaux  séjournent  à  leur  surface  si  la 


134 


LES    FORETS. 


pente  fait  défaut;  alors  l'excès  d'humidité,  le  manque  de 
chaleur  retardent  la  végétation  et  entravent  la  décomposition 
des  débris  organiques;  le  terreau  y  prend  la  forme  acide 
et  la  pauvreté  de  sa  faune  ne  lui  permet  d'amender  que 
les  couches  les  plus  superficielles.  Ces  terrains  sont,  en  géné- 
ral, profonds  ;  mais  les  racines  des  arbres  s'enfoncent  difficile- 
ment dans  ces  masses  compactes,  où  elles  ne  fonctionnent 
qu'avec  peine,  faute  d'oxygène. 

Un  couvert  prolongé  sera  donc  plus  nuisible  qu'utile  aux 
sols  argileux  et  l'accès  modéré  de  l'air  et  du  soleil  ne  peut 
que  leur  donner  plus  de  fertilité  ;  leur  teneur  suffisante  en 
sels  nutritifs,  leur  fraîcheur  constante  permettent  de  leur 
appliquer  un  genre  de  culture  assez  épuisant;  toutes  raisons 
qui  justifient  le  traitement  en  taillis  sous  futaie  ou  même 
en  taillis  simple,  qu'on  applique  généralement  aux  forêts 
feuillues  de  ces  stations.  De  pareils  modes  de  traitement, 
quelque  peu  artificiels,  conviennent  à  ces  terrains,  qui  donnent 
de  belles  récoltes  en  bois,  comme  ils  donneraient  de  belles 
récoltes  en  blé,  à  condition  que  l'homme  se  charge  de  veiller 
à  la  régénération  de  la  forêt,  aussi  bien  qu'il  le  fait  pour  la 
semaille  des  céréales.  Par  contre,  ces  terres,  très  difficiles  à 
travailler,  sont  tout  à  fait  impropres  à  la  culture  des  plants 
en  pépinière. 

Le  tapis  végétal  varie  suivant  le  degré  de  compacité  des 
argiles;  souvent  composé  d'herbes  denses  et  touffues  :  joncs, 
graminées,  carex,  il  se  réduit  parfois,  dans  les  cas  extrêmes, 
à  une  couche  de  mousse  peu  épaisse,  dans  laquelle  l'ensemen- 
cement semble  assez  bien  réussir;  mais  où,  bientôt,  les  jeunes 
plants  disparaissent,  faute  de  pouvoir  enfoncer  leurs  radi- 
celles dans  la  terre.  Bien  que  la  flore  arbustive  n'ait  pas  la 
variété  de  celle  des  terrains  calcaires,  on  y  trouve,  outre  la 
bourdaine,  fréquente  comme  sur  les  sables,  d'abondants 
fourrés  d'épines  noires  et  blanches.  Parmi  les  grandes  es- 
sences, les  plus  communes  sont  le  chêne  pédoncule,  le  frêne  et 
surtout  les  bois  tendres:  tilleuls,  aunes,  saules,  trembles,  etc., 
qui,  d'ailleurs,  y  rejettent  bien  de  souches. 

Deux  variétés  principales  se  rencontrent  dans  les  terrains 
de  ce  groupe  : 


AC'UmN     Dl       SOL,  I  35 

l"  Le  lehm  <>u  le  lœss,  que  sa  fertilité  incomparable  a 
converti  depuis  longtemps  en  nos  meilleures  terres  agricoles, 
aussi  n'en  restc-t-il  à  la  forêi  que  des  lambeaux  sur  les  rives 
submersibles  des  grandes  rivières,  comme  L'Adour  <-l  la  Saône. 

"2"  Les  terrains  feldspathiques  provenant  de  la  décomposi- 
tion de  roches  comme  les  granits  ou  les  syénites,  donl  les 
éléments  argileux  sont  divisés  par  de  menus  cristaux  et  qui, 
malgré  leur  peu  de  profondeur,  sont  1res  favorables  à  la  végé- 
tation forestière;  dans  les  régions  montagneuses,  où  on  les 
rencontre  le  plus  souvent,  ils  sont  couverts  de  fort  belles 
sapinières. 

Sols  à  base  calcaire.  —  Dans  la  majorité  des  cas,  les  sols 
calcaires  donnent  une  terre  de  ténacité  moyenne,  très  avide 
d'humidité  et  se  délayant  en  boue,  mais  qui  se  dessèche  très 
vite,  se  fendille  finement  et  tombe  en  poussière.  Parfois 
aussi,  les  plateaux  oolithiques  ont  leur  ossature  calcaire  recou- 
verte d'un  manteau  d'argile  rouge  ferrugineuse,  terre  excel- 
lente, d'une  épaisseur  toutefois  trop  variable.  Dans  l'un  et 
l'autre  cas,  ces  sols  s'échauffent  avec  une  grande  facilité  et, 
si  l'humidité  ne  fait  pas  défaut,  la  couverture  morte  s'y  décom- 
pose rapidement  dans  d'excellentes  conditions,  en  même  temps 
que  les  acides  organiques  s'y  neutralisent.  Toujours  riches  en 
principes  nutritifs,  ils  conviennent  tout  particulièrement  à  la 
végétation  ligneuse,  bien  qu'ils  manquent,  en  général,  de  pro- 
fondeur et  que  la  nature  fissurée  des  roches  sous-jacentes  les 
rende  très  perméables  et  les  expose  au  dessèchement  f  fig.  34). 
Ces  inconvénients  sont,  d'ailleurs,  atténués  ou  aggravés  suivant 
l'orientement  du  système  de  fissures.  Lorsque  celles-ci  sont 
verticales,  les  racines  peuvent  les  suivre  et  s'y  nourrir  jusqu'à 
de  grandes  profondeurs  dans  la  terre  qui  les  remplit.  Si,  au 
contraire,  la  direction  en  est  horizontale,  la  roche  se  présente 
en  la  forme  de  dallages  superposés,  contre  lesquels  les 
racines  se  buttent  en  vain. 

Dans  ces  conditions,  le  choix  du  mode  de  traitement  est 
entièrement  subordonné  à  la  profondeur.  Quand  elle  est 
suffisante,  on  peut  tout  demander  et  tout  obtenir;  partout  où 
elle  fait  défaut,  on  s'efforcera  d'éviter  le  dessèchement  que 
causerait  un  découvert  trop  complet  et  trop  souvent  répété 


136 


LES    FORETS. 


et,  renonçant  aux  chênes  et  autres  arbres  pivotants,  on  ne 
cultivera  que  des  espèces  à  racines  traçantes.  Dans  les 
régions  méridionales,  les  forêts  en  terrain  calcaire  sont  ex- 
ploitées surtout  en  vue  de  leur  production  en  écorce, 
ou  utilisées  comme  pâtures;  chêne  yeuse  et  chêne  blanc, 
traités  en  taillis  simple,  couvrent  de  grands  espaces,  dont 
l'étendue  dépasse  100  000  hectares.  Assez  souvent  le  pin 
d'Alep  les  accompagne. 

Le  calcaire  nourrit  une  flore  très  variée;  plantes  herbacées, 
arbrisseaux,  arbustes,  grands  arbres  y  abondent  en  espèces; 


Fig\  3i.  —  Taillis  sous  futaie  sur  roche  calcaire  fissurée  (oolithe) 
Forêt  de  Chargey-lès-Port  (Haute-Saône). 


n'en  sont  exclues  que  les  formes  calcifuges  déjà  signalées.  Les 
essences  les  mieux  appropriées  à  ces  terrains  sont  le  hêtre  et 
l'épicéa  à  cause  de  leur  enracinement  superficiel;  puis  les 
essences  exigeantes  :  ormes  de  montagne,  érables,  fruitiers,  à 
cause  de  la  richesse  du  sol  ;  enfin  les  espèces  frileuses,  comme 
le  pin  d'Alep  et  le  chêne  yeuse,  qui  y  trouvent  la  chaleur 
dont  elles  ont  besoin. 

Étant  donnée  cette  richesse  de  la  flore  ligneuse,  partout  où 
la  sécheresse  n'est  pas  absolue,  il  se  rencontrera  toujours  quel- 
ques sujets  assez  accommodants  pour  se  contenter  des  maigres 
conditions  qui  leur  sont  offertes  par  les  calcaires  les  plus 
dégradés.    Aussi    le   caractère   véritable    de    ces    stations   se 


ACTION     Dl      S<>F.. 


.37 


pévèle-t-il  par  la  bâte  avec  laquelle  Les  surfaces  dénudées  Be 
couvrentdc  broussailles.  Quelque  mal  justifié  que  soit  le  traite- 


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ment,  quelqu'abusives  que  soient  les  exploitations,  l'état 
boisé  se  maintient.  Si  les  arbres  disparaissent,  arbrisseaux 
et  arbustes  seront  toujours  là,  prêts  à  masquer  les  vides,  à 


138 


LES    FORETS. 


panser  les  blessures.  Malgré  leur  vitalité,  ils  ne  sont  pas  à 
redouter  comme  la  tenace  bruyère.  En  effet,  tandis  que  celle-ci 
contribue  à  l'acidité  du  terreau,  tandis  qu'à  l'instar  de  toutes 
les  plantes  sociales,  elle  couvre  le  sol  d'un  tapis  continu  et 
permanent,  qui  ne  s'élève  jamais  assez  pour  jouer  le  rôle  utile 
de  sous-étage,  les  coudriers,  les  cornouillers  et  les  différents 
arbustes  des  sols  calcaires  fournissent  un  excellent  humus, 
et,  si  on  a  la  patience  de  les  laisser  grandir,  constituent  un 
abri,  sous  lequel  naissent  abondants  les  semis  de  sapin  ou 
des  autres  essences  d'ombre.  De  même,  au  milieu  de  touffes 
de  buis,  de  genévriers  ou  d'épines  dans  les  friches  ou  les 
garriques,  on  voit  poindre,  suivant  les  altitudes,  la  flèche 
d'un  épicéa  ou  d'un  pin,  la  cime  d'un  charme  ou  d'un  chêne 
(fig.  35).  Et  toute  cette  broussaille  complaisante,  après  avoir 
abrité  les  grands  arbres  dans  leur  jeunesse  contre  l'enva- 
hissement des  plantes  herbacées,  contre  les  rayons  du  soleil 
ou  la  dent  du  bétail,  se  laisse  dominer  par  eux  et  passe  mo- 
destement à  l'état  de  sous-bois. 

Les  pépinières  établies  en  terrain  calcaire  se  cultivent 
facilement,  et,  bien  soignées,  elles  fournissent  de  bons  plants  ; 
mais,  en  raison  de  l'extrême  diversité  des  plantes  sauvages 
qui  s'y  développent,  elles  sont  d'un  entretien  très  coûteux. 

Si  la  proportion  du  calcaire  en  mélange  avec  l'argile 
descend  au-dessous  de  30  p.  100,  la  terre  devient  la  marne, 
à  laquelle  les  agriculteurs  ne  permettent  plus  aux  forestiers 
de  s'intéresser. 

ARTICLE    II 

ACTION  DU  CLIMAT 

I.  Aptitude  forestière.  —  II.  Les  climats  de  plaine  :  caractères  géné- 
raux. —  Division  en  zones.  —  Zone  parisienne.  —  Zone  girondine. 
—  Zone  provençale.  —  III.  Les  climats  de  montagne  :  caractères 
généraux.  —  Vosges.  —  Jura.  —  Alpes.  —  Plateau  central.  — 
Pyrénées. 

I.  —  Aptitude  forestière. 

En  culture  forestière,  tout  comme  en  agriculture,  il  s'agit 
de   tirer   parti    de  végétaux.   Pour  apprécier    les    aptitudes 


1 10 
Ai'TlTi  DE    I  ORESTII  RE,  ,u' 

forestières  d'un  climat,  on  ajoute  doncà  Is  série  des  phéno- 
mènes  atmosphériques   que   1rs  cultivateurs  apprécient   ou 


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redoutent,  certaines  particularités,  qui  concernent  plus  étroi- 
tement le  végétal  arbre  et,  par  suite,  la  forêt. 

Pour  maintenir]  un  état    de  saturation   constant   dans    sa 


140  LES    FORÊTS. 

masse  ligneuse,  qui  doit  renfermer  toujours  au  moins  40  p.  100 
de  son  poids  total  en  eau,  l'arbre  a  besoin  d'une  somme  con- 
sidérable d'humidité  pendant  la  saison  de  végétation  ;  il  n'est 
pas  surprenant,  dès  lors,  que  la  forêt  n'existe  plus  partout  où 
le  climat  lui  refuse  le  minimum  d'eau  nécessaire  aux  espèces 
les  moins  exigeantes  à  cet  égard.  La  nudité  relative  des 
déserts,  des  steppes,  des  champagnes  ou  campines  n'a  pas 
d'autre  cause.  A  ce  point  de  vue,  la  culture  forestière  se  rap- 
proche beaucoup  plus  des  cultures  fourragères  et  pastorales 
que  des  autres;  car  elle  a  plus  d'intérêt  à  favoriser  le  déve- 
loppement des  axes  et  des  organes  verts  que  celui  des  graines 
ou  des  fruits  mûrs.  En  un  mot,  régions  forestières  et  régions 
pastorales  se  superposent.  On  peut  donc  dire  que  les  contrées 
où  l'herbe  reste  verte  toute  Vannée,  grâce  à  leur  climat 
humide,  sont,  en  même  temps,  la  patrie  des  belles  et  bonnes 
forêts. 

Mais,  plus  que  toutes  les  autres  plantes  cultivées,  l'arbre 
craint  la  violence  des  vents  ;  quand  l'ouragan  passe  inoffensif 
sur  les  prairies  et  les  champs,  il  est  mécaniquement  nuisible 
aux  arbres  des  forêts,  en  déracinant  les  uns,  brisant  les 
autres,  renversant  parfois  des  cantons  tout  entiers.  Les  sujets 
brisés,  arrachés  par  le  vent  se  nomment  chablis  (fig.  36).  Le 
danger  que  courent  les  massifs  dépend  de  l'essence,  de  l'âge, 
de  la  saison,  de  l'altitude,  de  l'exposition  et  du  mode  de 
traitement. 

Enfin  des  expériences  aussi  concluantes  en  France  (1)  qu'en 

(1)  Les  expériences  installées  aux  environs  de  Nancy,  en  1867,  par 
M.  Mathieu,  sous-directeur  de  l'École  forestière,  et  continuées  jus- 
qu'en 1900  par  les  soins  de  la  station  de  recherches,  établissent  les 
lois  suivantes  : 

1°  En  forêt,  pour  cette  région,  la  température  moyenne  annuelle 
est  d'environ  un  demi-degré  plus  basse  que  dans  les  terres  agricoles 
voisines  ; 

2°  cet  abaissement,  très  faible  pendant  les  mois  d'hiver,  est  surtout 
sensible  en  été  ; 

3°  la  moyenne  annuelle  des  minima  est  même  relevée  de  près  de 
un  degré,  tandis  que  celle  des  maxima  est  abaissée  de  deux  environ, 
d'où  une  diminution  dans  l'écart  entre  les  maxima  et  les  minima 
atteignant  presque  trois  degrés; 

4°  les  hauteurs  d'eau  pluviale  dans  une  clairière  de  forêt,  —  sur  la 
lisière  d'un  massif,  — et  dans  une  région  franchement  agricole  voisine, 
sont  entre  elles  comme  les  nombres  100,  95  et  77; 


APTITUDE   FORESTIÈRE.  1  \  I 

Allemagne,  concourent  à  l'aire  admettre  les  faits  généraux 

suivants  comme  chose  jugée  : 

l"  Les  grands  massifs  forestiers  abaissent  quelque  peu  la 

température  moyenne  de  l'année  ;  niais,  en  même  temps,  ils 
régularisent  les  climats,  en  diminuant  l'intensité  des  grands 
froids  et  des  chaleurs  extrêmes. 

*J"  La  forêt  qui  abaisse  la  température  moyenne,  facilite  la 
condensation  des  vapeurs;  d'autre  part,  la  transpiration  des 
feuilles  augmente  la  quantité  de  vapeur  d'eau  contenue  dans 
l'atmosphère;  par  conséquent,  l'état  boisé  d'une  contrée 
active  la  chute  des  pluies  et  le  dépôt  des  rosées. 

Ainsi,  en  modifiant  l'état  hygrométique  d'un  climat,  la 
forêt  le  rend  plus  favorable  à  sa  propre  production.  Elle 
exerce  dans  l'intérieur  du  continent  un  rôle  analogue  à  celui 
de  la  mer  sur  les  îles  et  les  côtes.  On  peut  donc  dire  que  la 
forêt  appelle  la  forêt  et  qu'il  est  toujours  avantageux  de  la 
cultiver  en  grands  massifs. 

Telles  sont  les  considérations  qui  nous  ont  servi  de  base 
pour  diviser  la  surface  de  la  France  en  deux  groupes  princi- 
paux de  climats  forestiers  :  les  climats  de  plaine  et  les  climats 
de  montagne  (1). 

5°  il  pleut  davantage  sur  la  lisière  Sud-Ouest  d'un  grand  massif 
forestier  que  sur  la  lisière  Est;  mais  c'est  le  centre  du  massif  qui 
reçoit  le  plus  d'eau  ; 

6°  le  couvert  des  arbres  feuillus  intercepte,  en  été,  environ  8  p.  100 
de  l'eau  pluviale  ;  mais  comme  la  forêt  reçoit  22  p.  100  d'eau  en  excès 
sur  les  champs  voisins,  c'est  encore  un  bénéfice  de  22  —  8  =  14  p.  100, 
en  faveur  du  sol  forestier,  par  rapport  au  sol  agricole. 

M.  Mathieu,  Météorologie  agricole  et  forestière,  Paris,  1878. 

M.  Fautrat,  Id. 

M.  Bartet.  Id.  Bull.  Ministère  de  l 'agriculture,  1895. 

M.  Claudot,  Id.  Ann.  Société  d'émulation  des  Vosges,  Épinal,   1897. 

M.  Hûffel,  Influence  des  forêts  sur  le  climat,  Bull.  Société  forestière 
de  Franche-Comté  et  Belfort,  1895. 

(1)  Nous  ne  pouvons  ici  que  diviser  la  France  en  grands  climats 
forestiers.  Mais  chaque  département,  chaque  montagne,  suivant  l'expo- 
sition, suivant  l'altitude,  se  subdivise,  souvent,  en  plusieurs  régions, 
caractérisées  par  leurs  espèces  forestières  et  que  l'on  peut  reconnaître, 
même  quand  les  grandes  essences  font  défaut,  à  leur  flore  herbacée 
ou  arbustive.  On  sait,  par  exemple,  que  l'on  se  trouve  dans  la  zone  du 
sapin,  quand  on  voit  à  ses  pieds  Géranium  sylvaticum,  Prenanlhes 
purpurea,  lianunculus  aconitifolius,  —  dans  celle  du  chêne  vert 
quand  on.  rencontre  Cistus  monspeliensis,  C.  albidus,  Lavandula  lati- 


142  LES    FORÊTS. 


II.  —  Les  climats  de  plaine. 

Caractères  généraux.  —  Un  climat  de  plaine  comprend, 
en  général,  celui  des  pays  de  collines  et  de  coteaux.  Il  est 
caractérisé  par  des  altitudes  variables  entre  0  et  600  mètres  et 
des  reliefs,  qui,  bien  que  parfois  assez  accusés,  ne  présentent 
nulle  part  les  allures  abruptes  et  tourmentées  des  pays  fran- 
chement montagneux. 

Dans  chaque  station  la  température  est  aussi  chaude  que 
leur  latitude  le  comporte  ;  les  saisons  sont  bien  marquées  par 
les  quatre  grandes  phases  du  mouvement  de  la  terre  qui  les 
produisent.  Le  printemps,  l'été,  l'automne,  et  l'hiver  se  suc- 
cèdent avec  les  variations  annuelles  qui  leur  sont  propres  :  le 
printemps,  plus  ou  moins  régulier,  avec  ses  alternatives  de 
chaleur  et  de  froid,  qui  activent  ou  suspendent  la  végétation, 
au  point  de  la  détruire  quand  surviennent  les  gelées  dites 
printanières;  — l'été,  plus  ou  moins  chaud;  — l'automne,  plus 
ou  moins  sec;  —  l'hiver  plus  ou  moins  froid.  La  suspension  de 
la  végétation  par  les  froids  de  l'hiver  dure  quatre  à  cinq  mois 
et  la  période  d'activité  se  prolonge  pendant  sept  ou  huit. 
Mais,  si  la  végétation  est,  en  moyenne,  plus  rapide,  la  produc- 
tion annuelle  est  aussi  plus  variable;  pendant  telle  année,  un 
concours  de  circonstances  atmosphériques  favorables  fait  que 
la  production  ligneuse  se  trouve  deux  fois  plus  forte  que  pen- 
dant telle  autre,  où  ces  mêmes  influences  auront  été  mau- 
vaises. Il  en  résulte  que  les  bois  formés  dans  les  plaines 
présentent  une  assez  grande  irrégularité  dans  l'épaisseur  de 
leurs  couches  annuelles  et,  par  suite,  peu  d'homogénéité 
dans  leur  structure. 

Division  en  zones.  —  En  France,  étant  données  la  grande 

folia,  Thymus  vulgaris,  Genisia  scorpius,  etc.  M.  Flahault,  Professeur 
à  l'Université  de  Montpellier,  a  entrepris  le  travail  considérable,  mais 
d'un  haut  intérêt,  qui  consiste  à  établir  des  cartes  forestières  ana- 
logues, comme  échelle  et  comme  facture,  aux  feuilles  de  la  carte 
géologique  (Ch.  Flahault,  Projet  de  carte  botanique,  forestière  et 
agricole  de  la  France,  Paris,  Librairies-imprimeries  réunies,  1895.  — 
Au  sujet  de  la  carte  botanique,  agricole  et  forestière  de  France, 
Annales  de  Géographie,  189G). 


F.HS    CLIMATS    DE    PLAINK. 


L43 


étendue  relative  des  régions  dites  de  la  plaine  et  la  quantité 
variable  de  lumière,  de  chaleur  et  d'humidité  qu'on  y  ren- 
contre, il  est  nécessaire  de  les  partager  en  un  certain 
nombre  de  subdivisions,  (l'est  encore  la  question  d'humidité 
ou  de  répartition  des  pluies  qui  permet  de  distinguer  les 
trois  zones  suivantes  :    1"  zone  du  nord  et  de  l'est  ou  pari- 


Zône  Parisienne 
Zone  Girondine 
Zone  Fivven  cale 
i  ÛHuicvt  demoiilamte 

Fig.  37.  —  Carte  des  climats  forestiers. 


sienne;  2°  zone  océanique  ou  girondine  ;  3°  zone  méditerra- 
néenne ou  provençale  (fig-.  37). 

Zone  parisienne.  —  Cette  zone  est  la  plus  développée 
de  toutes,  elle  embrasse  plus  de  la  moitié  de  la  France,  c'est- 
à-dire,  toutes  les  contrées  qui,  à  l'exception  du  Morvan,  du 
Jura  et  des  Vosges,  s'étendent  au  nord  d'une  ligne  orientée 
de  l'Est  à  l'Ouest,  de  Valence  à  l'embouchure  de  la  Gironde. 
Les  forêts  y  sont,  en  totalité,  peuplées  d'essences  feuillues; 


144  LES    FORÊTS. 

les  bois  résineux,  pin  sylvestre,  pin  maritime  ou  pin  laricio 
d'Autriche,  n'y  apparaissent  jamais  qu'à  l'état  d'essences 
introduites  par  la  culture.  Le  charme  en  est  peut-être  l'es- 
sence la  plus  caractéristique  ;  le  chêne  rouvre  et  le  chêne 
pédoncule  sont  plus  nombreux  là  que  partout  ailleurs  ;  le 
hêtre  y  abonde,  sans  appartenir  en  propre  à  cette  région, 
puisqu'il  s'élève  dans  la  montagne.  A  côté  des  essences  prin- 
cipales qui  admettent  la  culture  en  massif,  on  y  rencontre,  à 
l'état  disséminé,  des  espèces  précieuses,  telles  que:  les  frênes, 
les  érables  et  les  ormes,  dont  les  bois,  doués  de  qualités 
spéciales,  apportent  le  plus  utile  contingent  à  la  richesse 
forestière;  c'est  également  la  patrie  des  bois  tendres  :  saules, 
tilleuls,  peupliers,  qui  recherchent  surtout  les  terrains  fer- 
tiles et  humides  :  de  nombreux  arbustes  y  constituent  les 
sous-bois. 

La  quantité  d'eau  tombée  atteint,  en  moyenne,  70  centi- 
mètres; mais,  ce  qui  caractérise  l'influence  bienfaisante  des 
pluies,  c'est  que  la  majeure  partie  se  précipite  en  été,  de  sorte 
que  les  grandes  sécheresses  sont  rarement  à  craindre.  Les 
vents  dominants  sont  ceux  de  l'Ouest,  qui,  chargés  de  nuages, 
activent  peu  l'évaporation  et  se  condensent  en  brouillards  et 
en  pluies  au  moindre  abaissement  de  température.  Tout 
concourt  donc  à  rendre  le  climat  humide  et  essentiellement 
favorable  à  la  végétation  ligneuse.  C'est,  par  excellence,  la 
région  qui  produit  les  bons  bois  d'œuvre,  région  d'aspects 
très  divers,  toutefois,  pour  celui  qui  la  parcourt  de  l'Ouest 
à  l'Est. 

A  l'Ouest,  sont  les  grands  massifs  forestiers  bien  limités, 
souvent  isolés  au  milieu  de  vastes  espaces  livrés  à  la  culture 
(fig.  38);  beaucoup  portent  des  noms  historiques,  presque 
tous  sont  d'anciennes  forêts  royales  ou  des  biens  d'apanage, 
dont  les  uns  ont  fait  retour  au  Domaine,  quand  les  autres 
sont  devenus  propriétés  particulières.  Si  les  étés  sont  moins 
chauds  que  dans  l'est,  du  moins,  les  hivers  y  sont-ils  plus 
doux:  circonstances  qui,  jointes  à  la  nature  généralement 
siliceuse  du  sol,  justifient  le  traitement  en  futaie,  auquel  nous 
devons  les  superbes  forêts  que  nous  avons  déjà  citées  à  l'ar- 
ticle précédent. 


LES    CI.IM  \  i  S    DE    PL  \l\i  . 


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Par  contre,  le  régime  épuisant  du  taillis,  là  fréquence  des 
celées   printanièreâ  <'t  l'abus  du  pâturage  aux  siècles  passés 


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ont  amené  la  ruine  de  nombreux  massifs,  dont  les  plus  impor- 
tants sont  ceux  de  Fontainebleau,  d'Orléans  et  de  Montargis. 
Boppe  et  Jolyet.  1  ^ 


146 


LES    FORETS. 


A  l'Est,  le  climat,  plus  excessif,  prend  un  caractère  conti- 
nental, avec  des  étés  plus  chauds,  des  hivers  plus  froids. 
Les  années  de  semence  se  font  rares,  et  la  nature  générale- 
ment argileuse  ou  calcaire  du  terrain  se  prête  mieux  à  la 
culture  de  l'arbre  isolé  ;  par  suite,  le  traitement  en  taillis 
sous  futaie  est  commun  et  souvent  très  justifié.  Suivant  le 
relief  et  la  fertilité  des  terrains,  les  forêts  sont  tantôt  en 
massifs  étendus,  tantôt  dispersées  parmi  les  champs  et  les 
vignes,  qui  les  entourent  et  les  pénètrent.  C'est  le  pays  des 
gros  chênes,  à  fût  court,  à  boix  nerveux,  croissant  au  milieu 
de  taillis,  dont  les  produits,  autrefois  convertis  en  charbon, 
alimentaient  les  usines  de  la  région.  Le  charme  en  est 
l'essence  caractéristique;  le  hêtre  abonde  partout  et  sous 
toutes  les  formes  :  futaie  pleine,  réserve  ou  même  cépée 
de  taillis. 

En  fait,  dans  la  zone  parisienne,  trois  régions  ou  pays, 
bien  caractérisés  par  les  allures  des  forêts  qu'on  y  ren- 
contre: 

1°  les  plaines  de  l'Ouest,  ondulées  par  les  collines  du  Perche 
et  de  la  Bretagne,  au  climat  doux  et  humide,  sont  le  pays 
de  l'herbe  et  de  l'arbre,  où  les  pommiers  ombragent  les 
pâtures,  où  le  chêne  et  le  hêtre  s'alignent  dans  les  haies  du 
Bocage,  en  même  temps  qu'ils  s'élancent  dans  les  hautes 
futaies.  Cette  contrée  se  prolonge  par  les  riches  plaines  du 
Nord,  dont  le  sol,  trop  fertile  pour  elle,  ne  garde  plus  la  forêt 
que  sous  la  forme  d'accident; 

2°  au  Centre,  la  Sologne,  pays  siliceux,  humide  et  déboisé 
par  l'imprudence  de  l'homme,  où,  chaque  jour,  des  travaux 
intelligents  rétablissent  la  forêt  indispensable  à  la  vie;  et,  un 
peu  plus  au  Nord,  le  grand  îlot  de  la  Champagne,  dont  le 
surnom  de  pouilleuse  n'indique  que  trop  l'antique  pauvreté 
en  arbres.  Elle  aussi  se  reboise  ; 

3°  enfin,  à  TEst  du  ressaut  de  l'Argonne,  dont  la  ligne  de 
faîte  se  prolonge  par  le  plateau  de  Langres  jusqu'au  M  or  van 
pour  fermer  le  bassin  de  Paris,  s'étendent  les  plaines  de  la 
Lorraine,  de  la  Eranche-Comlé  et  de  la  Bourgogne,  avec  leur 
taux  de  boisement  qui  dépasse  25  p.  100,  avec  leurs  forêts 
feuillues,  pour  la  plupart  traitées  en   laillis-sous-futaie,  où  le 


i  BS    Cl  im  \TS    DE    PLAINE.  I4*î 

hêtre,  souvent  expulsé  par  ce  traitement,  reparait,  en  hâte, 
dès  qu'on  cesse  de  le  maltraiter  par  des  exploitations  répétées 
à  trop  courts  intervalles, 
Zone  girondine.  —  Elle  suit   les  rivages  de  L'Océan,  de 

Bayonne  à  l'embouchure  de  la  Loire;  c'est  dans  les  Dunes  el 
les  Landes  de  Gascogne  qu'elle  est  le  mieux  accusée.  Ses 
caractères  s'effacent  et  se  fondent  insensiblement  avec  ceux 
de  la  région  tempérée,  à  mesure  qu'on  s'éloigne  du  littoral  en 
s'avançant,  dans  la  direction  de  l'Est,  vers  le  plateau  central. 
Le  pin  maritime  (fig.  39),  le  chêne  occidental  et  le  chêne 
tauzin  en  sont  les  essences  caractéristiques;  ces  deux  der- 
nières lui  appartiennent  en  propre.  On  y  remarque  aussi  le 
chêne  pédoncule,  particulièrement  abondant  clans  les  parties 
submersibles  de  la  vallée  de  l'Adour,  où  il  végète  avec  vigueur, 
atteint  de  remarquables  dimensions  et  fournit  ces  excellents 
chênes  de  Bayonne,  très  recherchés  dans  les  chantiers  de 
constructions  maritimes;  —  le  chêne  rouvre,  qui,  néanmoins, 
fait  presque  absolument  défaut  dans  la  région  des  Landes;  — 
le  chêne  yeuse,  qui  ne  se  trouve  pas  uniformément  réparti  et 
semble  rechercher  les  terrains  calcaires;  aussi  est-il  rare  dans 
les  sables  des  Landes  et  n'a-t-il,  en  aucun  point,  la  grande 
importance  qu'il  acquiert  sur  le  littoral  de  la  Méditer- 
ranée. 

A  ces  végétaux  essentiels  des  forêts  se  joignent  d'assez 
nombreuses  espèces  arbustives  de  la  région  parisienne, 
auxquelles  s'en  ajoutent  quelques  autres  de  la  région  médi- 
terranéenne. 

Deux  types  de  forêts  distinguent  cette  région:  les  chê- 
naies de  l'Adour,  et  les  massifs  de  pins  maritimes  réinstallés 
avec  un  plein  succès  sur  le  sable  des  Landes.  Franchement 
méridionale  dans  son  aspect,  avec  le  ton  grisâtre  de  ses  pins, 
ses  touffes  de  daphne,  de  tamarix,  de  grandes  bruyères,  la 
Lande  couvre  de  nombreux  hectares,  que  limite  la  dune 
littorale  du  côté  de  la  mer.  C'est  la  terre  classique  de  la 
lutte  par  la  forêt  contre  l'envahissement  des  sables,  contre 
l'insalubrité  des  eaux  stagnantes.  C'est  aussi  la  seule  contrée, 
en  France,  où  l'on  récolte  la  résine. 

Le  climat,   moins  chaud  et  moins  sec  que  celui  de  la  Pro- 


148 


LES    FORETS. 


vence,  convient  parfaitement  à  l'agriculture.  Il  y  tombe  à  peu 
près  autant  d'eau  que  dans  la  première  zone;  seulement,  ici, 
ce  sont  les  pluies  d'automne  qui  sont  les  plus  fréquentes,  et 
les  vents  d'Ouest  dominants  y  entretiennent  une  somme  d'hu- 
midité suffisante  pour  les  forêts,  auxquelles  la  production 
des  céréales,  du  vin  et  des   fruits  n'ont  laissé    qu'une   bien 


ES* 


Kifi".  39.j —  Forêt  de  pins  maritimes   à    Arcachon,    d'après  une  photo- 
graphie achetée  dans  le  commerce,  auteur  inconnu. 


petite  place,  en  dehors  des  départements  des  Landes  et  de  la 
Gironde. 

Zone  provençale.  —  Région  au  climat  sec  et  chaud, 
au  sol  en  très  grande  partie  calcaire,  qui  borde  la  Méditer- 
ranée de  Nice  à  Port-Vendres;  elle  est  resserrée  à  ses  deux 
extrémités  entre  le  littoral  et  le  pied  clesAlpes-Maritimes  à  l'Est, 
celui  des  Pyrénées  à  l'Ouest,  et  s'élargit  dans  son  parcours 
moyen;  elle  remonte  le  Rhône  jusqu'aux  environs  de  Va- 
lence, pénétrant,  d'un  côté,  assez  profondément  dans  les  Alpes 
par  les  grandes  vallées  qui  en  débouchent,  s'appuyant,  de 
l'autre,  sur  les  grands  contreforts  des  Cévennes.  Les  forêts  y 


»*î 


Fi;;-.  40  et  il.  —  Les  gorges  du  Régalon  et  la  Grande  Combe  dans  la 
i'orèt  de  Mérindol  (Vaucluse),  pins  d'Alep  et  chênes  verts.  (Photo- 
graphie de  M.  J.  George.) 


150 


LES    FORETS. 


sont  nombreuses,  étendues  ;  mais,  malgré  l'intérêt  qu'elles 
offrent,  elles  ne  présentent  plus  ces  massifs  frais  et  touffus, 
cette  végétation  vigoureuse,  élancée  des  forêts  des  zones 
tempérées.  Le  chêne  yeuse,  le  chêne  blanc,  et  le  pin  d'Alep  en 
sont  les  essences  dominantes  et  caractéristiques  (fig.  40et4l  )  ;  le 
pin  maritime  et  le  chêne-liège,  qui,  par  ses  produits  accessoires, 
est  appelé  à  devenir  une  des  principales  richesses  du  pays, 
n'apparaissent  que  sur  les  terrains  siliceux  des  Maures  et  de 
l'Esterel.  C'est,  enfin,  la  région  de  l'olivier  et  du  mûrier,  qui 
n'appartiennent  plus  à  la  culture  forestière.  Les  grandes  es- 
pèces disséminées  deviennent  rares  dans  les  forêts,  où  la 
végétation  buissonnante  prend  un  caractère  spécial  et  une 
forme  toute  différente  de  celle  des  régions  plus  tempérées  ; 
les  cistes,  les  térébinthes  et  les  lentisques  fournissent  des 
sous-bois  impénétrables,  qui  se  dessèchent  pendant  l'été  et 
sont  l'une  des  principales  causes  d'incendies  désastreux. 

Les  bois  nourris  sous  ces  climats  chauds  et  bien  ensoleillés 
jont,  en  général,  durs,  serrés,  lourds,  raides,  sujets  à  se 
gercer  et  à  se  tourmenter  ;  ils  n'atteignent  que  rarement  de 
fortes  dimensions,  mais  donnent  des  bois  de  feu  appréciés, 
des  charbons  de  première  qualité  et  d'excellentes  écorces 
à  tan,  dont  la  valeur  va  malheureusement  en  diminuant  d'une 
façon  inquiétante. 

Malgré  tout,  même  au  point  de  vue  forestier,  il  ne  faut  pas 
mépriser  ces  buissons  d'yeuse  qui  s'arrondissent  presque 
isolés  sur  des  rochers  brûlés  par  le  soleil.  L'état  de  misère 
dans  lequel  nous  les  voyons,  ne  fait  que  prouver  leur  résis- 
tance dans  la  lutte  qu'ils  soutiennent  depuis  des  siècles  contre 
la  dent  du  mouton  et  la  cognée  du  bûcheron  piémontais. 
Loin  de  se  montrer  ingrats,  ils  favorisent  la  production  de 
la  truffe,  dont,  parfois,  la  récolte  annuelle  se  loue  plus  de 
500  francs  par  hectare.  Signalons,  enfin,  le  pin  d'Alep  :  si  l'on 
en  juge  par  les  massifs  domaniaux  qui  ombragent  le  pied  du 
Luberon,  il  peut  fournir  à  l'industrie  locale  des  produits 
fort  intéressants. 

La  quantité  annuelle  de  pluie  tombée  n'est  pas  de  beau- 
coup inférieure  à  celle  de  la  région  parisienne  ;  la  distribution 
en   est   toutefois   très  différente.  Plus   de  la   moitié    se   pré- 


LE   climat    m:    MONTAGNE.  15J 

cipite  en  automne,  l'autre  moitié,  en  hiver  et  au  printemps  : 
il  en  résulte,  en  été,  des  sécheresses  persistantes  ;  les  averses 
d'automne  élant  très  abondantes,  on  ne  compte  qu'un  petit 
nombre  de  jours  de  pluie,  circonstance  qui,  on  le  Bait,  est 
très  défavorable  à  la  forêt. 

Le  vent  dominant  est  celui  du  Nord-Est  ;   sous  le  nom  de 
Mistral,  il  soufile  avec  violence  dans  la  vallée  du  Rhône. 


III.  —  Le  climat  de  montagne. 

Caractères  généraux.  —  Les  stations  montagneuses  sont 
caractérisées  par  un  relief  fortement  accusé,  des  pentes 
raides,  parfois  abruptes,  un  sol  souvent  rocheux,  mais,  sur- 
tout, par  des  pluies  et  des  neiges  qui  entretiennent  une 
somme  d'humidité  à  peu  près  constante,  de  telle  sorte  que 
les  inconvénients  de  la  sécheresse  n'y  sont  à  redouter  dans 
aucune  saison  de  l'année. 

En  montagne,  l'hiver,  au  lieu  de  quatre  à  cinq  mois,  en 
dure  sept  à  huit;  il  s'allonge  ainsi  au  détriment  du  printemps 
et  de  l'automne.  La  neige,  toujours  abondante  dans  les  hautes 
régions,  fond  brusquement  et  l'on  passe,  pour  ainsi  dire  sans 
transition,  de  l'hiver  à  l'été.  11  en  est  de  même  pour  l'automne 
qui  est  abrégé  par  les  chutes  de  neige  prématurées.  C'est 
ainsi  que  dans  les  Alpes,  par  exemple,  aux  altitudes  de  1,800 
à  2,000  mètres,  la  neige  ne  disparait  que  vers  le  15  juin  et 
commence  à  tomber  abondamment  dès  le  15  septembre  ;  le 
printemps  et  l'automne,  avec  leurs  influences  utiles  ou  nui- 
sibles, n'existent  donc  plus  que  de  nom  dans  ces  stations 
élevées,  où,  au  lieu  de  quatre,  le  nombre  des  saisons  est 
réduit  à  deux  :  un  hiver  de  huit  mois  sous  la  neige  et  un 
été  de  quatre  mois  avec  des  quantités  de  lumière,  de  cha- 
leur  et   d'humidité    à    peu    près    constantes    chaque    année. 

11  en  résulte  qu'en  montagne,  les  arbres  ont  une  végétation 
beaucoup  moins  rapide  ;  mais  que,  croissant  dans  des  condi- 
tions qui,  d'une  année  à  l'autre,  restent  toujours  égales  à 
elles-mêmes,  leurs  bois  présentent  des  accroissements  régu- 
liers et  homogènes.   A  ce  point  de  vue,  le  climat  des  mon- 


\ô'2  LES    FOUETS". 

tagnes  présente  une  certaine  analogie  avec  celui  des  régions 
les  plus  septentrionales  du  globe. 

Il  n'y  a  ici  aucune  subdivision  à  établir,  car  la  conséquence 
de  l'altitude  se  fait  partout  sentir  sous  la  même  forme,  sans 
être  sérieusement  influencée  par  la  latitude,  dont  le  seul  effet 
est  de  remonter  ou  d'abaisser  le  point  où  commence  le  climat 
montagneux.  Il  suffira  donc  d'indiquer  sommairement  les 
caractères  spéciaux  que  présente  chacun  des  cinq  grands 
massifs  naturels  formés  par  les  Vosges,  le  Jura,  les  Alpes,  le 
Plateau  central  et  les  Pyrénées. 

Vosges.  —  Le  climat  de  montagne  commence  vers  350 
mètres  d'altitude  dans  les  Vosges,  qui  forment  une  des  con- 
trées les  mieux  et  les  plus  richement  boisées  delà  France.  Le 
sapin,  le  hêtre,  auxquels  se  joint  l'épicéa  sur  certains  points, 
en  sont  les  essences  dominantes.  Le  chêne,  le  charme,  n'en 
occupent  que  les  contreforts  et  disparaissent  complètement 
vers  les  sommets  ;  les  grands  érables  accompagnent  le  sapin 
jusqu'aux  plus  grandes  altitudes.  Le  pin  sylvestre,  subspon- 
tané, est  assez  commun  et  provient,  dans  la  plupart  des  cas, 
de  travaux  de  reboisements  entrepris  sur  une  grande  échelle, 
surtout  depuis  la  création  de  l'Ecole  des  Eaux  et  Forêts. 

La  végétation  forestière  ne  s'élève  guère  au-dessus  de 
1,250  mètres  dans  ces  montagnes,  où  les  cimes  les  plus  éle- 
vées dépassent  à  peine  1,400  mètres. 

Entre  ces  deux  altitudes  minima  et  maxima,  cinq  types  de 
peuplements  attirent  surtout  l'attention. 

Si,  placé  sur  la  frontière  de  1870,  on  aborde  le  contrefort 
occidental  de  la  chaîne  au  point  où  les  collines  de  grès  Vos- 
gien  s'éteignent  dans  la  plaine  Lorraine,  on  rencontre  tout 
d'abord  d'anciens  taillis  de  charme,  de  chêne,  de  bouleau 
ruinés  par  ce  mode  d'exploitation  que  ne  comportent,  ni  un  sol 
trop  pauvre,  ni  un  climat  déjà  trop  rude.  Le  sylviculteur  avisé 
s'efforce  d'y  ramener  le  hêtre,  partout  où  c'est  encore  pos- 
sible ;  quand  le  mal  est  trop  avancé,  il  a  recours  au  pin  syl- 
vestre pour  panser  les  blessures. 

Plus  haut,  c'est  la  forêt  des  Basses-Vosges,  où  règne  le 
noir  sapin.  Là,  toute  culture  agricole  devient  impossible  en 
dehors  des   parcelles  irrigables,  et  la   forêt   couvre  les  ver- 


i  i     CLIMAT    DE    MONTAGNE. 


153 


sanls  cl  les  sommets  ;  niais  elle  change  d'aspect  avec  1  exposi- 
tion ;  vigoureuse  et  touffue  au  Nord  el  à  l'Est,  elle  s'éclaircit 
et  se  rapetisse  à  l'Ouest  et  au  Sud,  sous  l'influence  de  la  chaleur 
qui  engendre  la  sécheresse.  Les  habitations  sont  agglomérées 

en  villages  et  en  hameaux  au  niveau  des  sources. 

Au  centre  de  la  chaîne  el  clans  sa  partie  méridionale,  les 
terrains  granitiques  affleurent.  L'eau,  qui  ne  peut  s'infiltrer 
dans  les  roches  massives,  abonde  partout  vers  la  surface.  Aussi 
la  sapinière  est-elle  souvent  échancrée  par  des  cultures  etdes 
pâturages.  Les  habitations,  dont  chacune  a  sa  fontaine,  sont 
disséminées  à  toutes  les  altitudes  et  donnent  à  la  région  des 
Hautes  Vosges  un  aspect  tout  particulier  et  qui  n'est  pas  sans 
rappeler  la  Bretagne.  La  forêt,  d'ailleurs,  s'arrête  vers  les 
crêtes,  aux  chaumes  qui  couronnent  les  ballons.  Mais,  avant 
de  disparaître,  elle  se  transforme  en  parcelles  de  protection, 
où  les  arbres,  à  croissance  lente,  dégradés  par  la  neige  et 
couverts  de  lichens  jouent,  malgré  leur  faible  rendement,  un 
rôle  des  plus  utiles,  en  abritant  les  massifs  inférieurs  contre 
les   intempéries. 

Sur  la  pente  méridionale  qui  descend  vers  les  plaines  de  la 
Franche-Comté,  les  schistes  succèdent  bientôt  aux  syénites  et 
aux  porphyres,  et,  brusquement,  les  sapins  cèdent  la  place  aux 
fouillies  de  chêne,  exploitées  en  taillis  simple  en  vue  de  la 
production  des  écorces.  Autrefois,  on  y  pratiquait  le  sartage 
comme  dans  les  haies  des  Ardennes. 

Signalons  enfin,  à  la  base  occidentale,  le  petit  pays  de  la 
Vost/e,  îlot  de  grès  bigarré,  dont  les  sables  à  grains  fins 
nourissent  de  fort  belles  futaies  de  chêne  et  de  hêtre.  C'est  de 
leurs  assises  que  sourdent  les  sources  minérales  ayant  donné 
naissance  à  la  ceinture  de  stations  balnéaires  qui  les  entourent 
et  dont  Plombières  est  la  plus  ancienne. 

Jura. —  Les  forêts  du  Jura  sont  moins  étendues,  en  général, 
mais  elles  sont  aussi  riches,  plus  riches  même  que  celles  des 
Vosges.  Bien  qu'assises  en  sol  calcaire,  tandis  que  celles  de  la 
région  Vosgienne  le  sont  en  terrain  siliceux,  elles  présentent 
avec  ces  dernières,  dans  leur  peuplement  et  la  nature  des 
essences  principales  qui  les  forment,  une  similitude  remar- 
quable,  avec    un    cachet    spécial   toutefois,   à  raison    de     la 


154 


LES    FORETS. 


différence  des  latiludes,  d'une  part,  et  de  l'autre  parce  que 
les  derniers  plateaux  jurassiques  appartiennent,  par  leur  alti- 
tude, à  la  région  alpestre,  que  les  Vosges  n'atteignent  qu'ex- 
ceptionnellement. 

Les  forêts  du  premier  plateau,  par  leur  végétation  et  leur 
composition,  se  rattachent  bien  plus  à  la  région  de  la  plaine 
qu'à  celle  de  la  montagne.  Néanmoins,  elles  manifestent  une 
tendance  marquée  à  se  laisser  envahir  par  le  sapin.  D'ailleurs, 
il  n'est  pas  facile  d'établir  si  cette  espèce  descend  vers  la 
plaine,  ou  si  elle  ne  fait  que  rentrer  en  possession  des  sur- 
faces dont  le  traitement  en  taillis  l'avait  expulsée.  Toujours 
est-il  qu'aujourd'hui,  partout  où  le  sapin  n'existe  plus  qu'à 
l'état  de  vieux  arbres  disséminés  de  loin  en  loin  à  travers  les 
feuillus,  des  semis,  longtemps  cachés  dans  le  sous-bois, 
pointent  leurs  flèches  au-dessus  des  cépées  et  cherchent  à  se 
grouper  en  peuplements.  Au  prix  actuel  du  bois  de  feu  les 
propriétaires  ne  doivent  pas  regretter  cette  substitution. 

Vers  500  ou  600  mètres  d'altitude,  surles  escarpements  qui 
séparent  le  premier  du  second  plateau,  le  sapin  se  montre, 
d'abord  à  l'état  pur,  pour  se  mélanger  bientôt  avec  l'épicéa. 
Dans  les  sols  riches  et  profonds  qui  appartiennent  à  l'assise 
oxfordienne  de  la  formation  jurassique,  on  rencontre  les  plus 
belles  sapinières  de  France,  celles  de  Levier  et  de  la  Joux, 
notamment.  Ailleurs,  les  arbres  sont  moins  élevés;  mais  les 
fûts  se  soutiennent  encore  bien,  surtout  quand  ils  sont 
poussés  en  hauteur  par  1  épicéa. 

Celui-ci,  moins  difficile  que  le  sapin  sous  le  rapport  de  la 
profondeur  du  sol,  manifeste  surtout  ses  qualités  d'essence 
rustique  et  productive  dès  qu'on  atteint  le  troisième  plateau, 
à  800  ou  900  mètres  d'altitude.  Plus  haut,  vers  1*200  mètres, 
dans  les  forêts  du  Massacre  et  du  Risoux,  par  exemple,  on  le 
voit  se  plier  à  tous  les  caprices  d'un  sol  âpre  et  d'un  climat 
rude.  Il  infléchit  ses  branches  pour  mieux  résister  au  poids 
de  la  neige  (fig.  8),  et  fait  ramper  ses  racines  traçantes  jus- 
qu'aux lésines  pour  y  pénétrer.  Il  se  régénère  au  besoin  sur 
ses  propres  souches,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut.  Sou- 
vent, après  la  mort  brutale  d'un  peuplement  renversé  par  le 
vent  ou  tué  par  les  insectes,  le  sol,  d'abord  envahi  par  les  sor- 


i.i:    climat    DB   MONTAGNE.  (55 

bicrs  ou  autres  arbustes,  se  garnit  avec  le  temps  de  semis 
qui  végètent  à  leur  ombre,  jusqu'au  jour  où,  solidement  ins- 
tallés, ils  referont  la  I) te  forêt. 

Au  sapin,  à  l'épicéa  et  aux  hêtres  s'associe  —  quoique 
beaucoup  plus  rare  —  l'érable  sycomore. Nous  le  mentionnons, 
car  dans  certaines  forêts  des  contreforts  du  second  plateau, 


Fig.  42.   —   Chartreuse  de  Bonlieu,   contreforts   du  deuxième  plateau 
du  Jura.  [Photographie  de  M.  J.  George. 

en  terrain  argileux,  il  fournit,  avec  l'érable  plane,  une  part 
notable  des  revenus  de  la  forêt. 

Toutefois,  si  le  climat  pluvieux  (1)  du  Jura  permet  à  la 
végétation  forestière  d'être  luxuriante  sur  les  calcaires  les 
plus  superficiels  des  grandes  altitudes,  il  n'en  est  pas  de  même 
dans   les  régions  plus  chaudes,  sur  les  pentes  ensoleillées  du 

(1)  Les  plateaux   du  Jura,   placés  entre  deux  dépressions  humides  : 
la  vallée  de  la  Saône  et  la  région  des  grands  lacs, —  étages,  de  l'Ouest  à 
l'Est,  de  façon  à  recueillir  toute   l'eau   apportée   de   l'Océan   par  les 
vents  du  Sud-Ouest,  —  reçoivent  des  quantités  de  pluie  considérables 
dépassant  1  mètre  dans  les  hautes  régions. 


156 


LES    FORÊTS. 


Jura  méridional  notamment.  Là  existent  des  taillis,  qui 
sont  d'un  rapport  plus  que  modeste.  Il  n'est  que  deux 
moyens  d'en  tirer  parti  —  y  cultiver  le  buis  :  expédient  moins 
paradoxal  qu'on  peut  le  supposer,  —  ou  leur  substituer  des 
peuplements  de  résineux. 

Dans  le  Haut  Jura,  comme  dans  les  Hautes  Vosges,  au-des- 
sus de  la  forêt  (fig.  43)  s'étend  une  zone  de  pâturages,  séparés 


Fig.  43.  —  Limite  de  la  végétation  forestière,  la  Dôle  vJura). 
(Photographie  de  M.  J.  George.) 

des  massifs  inférieurs,  tantôt  par  une  lisière  boisée,  véritable 
forêt  de  protection,  tantôt  par  cette  culture  mixte  qui  donne 
naissance  aux  prés-bois. 

Alpes.  —  Le  grand  massif  des  Alpes,  qui  s'étend  du  lac  de 
Genève  à  la  Méditerrannée,  présente,  étagées  les  unes  au- 
dessus  des  autres,  toutes  les  zones  de  la  végétation  forestière 
française  de  la  cote  0  à  la  limite  supérieure  de  la  végétation 
des  espèces  ligneuses. 

La  basse  montagne  et  la  chaînes  des  Alpines,  jusqu'à  600  à 
650  mètres  d'altitude,  bien  qu'appartenant  au  massif  par  leur 
relief,  jouissent  encore  des  bénéfices  du  climat  de  la  plaine 
provençale.  On  y  trouve  le  chêne  blanc,  le  chêne  yeuse,  le 
châtaignier,  et  toutes  les  espèces  qui  caractérisent  cette 
station,  —  souvent  aussi  le  pin  sylvestre. 

Plus  haut,  apparaissent  les  essences  de  montagne  ;  d'abord, 


i  i     I  LIMAT    DE    MONTAGN1  . 


157 


de  vieilles  connaissances  :  le  pin  Bylvestre,  le  hêtre,  le  Bapin, 
L'épicéa,  puis  trois  nouveaui  venus  :  le  pin  de  montagne,  le 
mélèze  et  le  j>in  cembro. 


Fil 


Forêt  de  montagne  près  de  Saint-Etienne  de  Tinée 

(Alpes-Mari limes  . 


A  l'exception  du  pin  cembro,  qui  s'avance  sous  forme  de 
sentinelle  perdue,  sur  les  confins  des  pâturages  alpestres, 
toutes  les  autres  espèces  peuvent  fournir  de  bons  massifs, 
lambeaux   plus   ou  moins  étendus   de    la    forêt   continue   qui 


158  LES    FORETS. 

couvrait  les  Alpes  avant  l'arrivée  de  l'homme.  On  peut  citer 
encore  :  les  hêtres  du  Vercors,  les  épicéas  de  la  Tarentaise, 
les  pins  de  montagne  de  l'Embrunois,  les  sapins  de  toutes  les 
vallées  fraîches,  même  dans  le  Var  et  les  Alpes  maritimes, 
et  enfin  les  mélèzes  du  Briançonnais,  du  Queyras  et  du 
Comté  de  Nice. 

Ce  dernier  fait  la  richesse  forestière  des  Alpes.  Tantôt,  ce 
sont  des  massifs  purs  ;  tantôt,  en  mélange  avec  l'épicéa  ou  le 
pin  de  montagne,  il  s'accroche  aux  flancs  les  plus  escarpés, 
domine  les  crêtes  les  plus  élevées  et  s'avance  jusqu'aux  èhoulis 
et  aux  clnppes,  où  il  a  tout  à  souffrir  des  avalanches  de  neige 
et  de  pierres  et  surtout  de  la  dent  des  chèvres. 

Dans  la  partie  française  des  Alpes,  on  peut  distinguer  deux 
régions  forestières  : 

1°  Les  Alpes  septentrionales,  —  les  Alpes  vertes,  —  du 
Mont  Blanc  au  Pelvoux,  dont  les  vallées  fraîches,  s'ouvrant  au 
Nord,  sont  livrées  à  la  culture  pastorale  et  produisent  assez 
pour  nourrir  leurs  habitants,  où  la  forêt  préserve  encore  la 
montagne  contre  les  ravages  des  torrents.  Le  hêtre,  le  sapin, 
l'épicéa  forment  les  principaux  massifs  de  cette  Suisse  fran- 
çaise; les  mélèzes  y  sont  rares. 

2°  Les  Alpes  méridionales,  du  Pelvoux  à  la  Méditerranée, 
où  la  direction  Nord-Sud  de  la  chaîne  oriente  les  pentes 
du  Dauphiné  et  de  la  Provence  vers  les  expositions  chau- 
des de  l'Ouest  et  du  Sud.  Au  point  de  vue  de  la  répartition 
des  pluies,  le  climat  devient  excessif  ;  à  de  violents  orages,  trop 
souvent  mêlés  de  grêle,  succèdent  des  sécheresses  prolongées; 
le  sol,  calciné  par  le  soleil  du  midi,  est  facilement  entraîné  par 
les  paquets  d'eau  qui  le  délayent  et  le  ravinent  ;  ailleurs,  des 
terres  affouillables,  que  les  assises  rocheuses  ne  soutiennent 
pas,  glissent,  entraînant  avec  elles  des  pans  de  montagnes 
tout  entiers.  C'est  la  terre  classique  des  torrents.  Sans  doule 
aux  grandes  altitudes,  là  où  la  roche  donne  de  la  solidité  au 
terrain,  il  v  a  encore  de  belles  et  bonnes  forêts  (fig.  44).  Sans 
doute,  sur  les  versants  Nord  ou  Nord-Est,  sur  les  uhach, 
comme  on  les  désigne  dans  certaines  vallées,  le  sapin  et  l'épicéa 
forment  des  massifs  pleins,  ombreux  et  frais  à  quelques  dizaines 
de  kilomètres  de  la  côte  Niçoise  ;  mais,  souvent  aussi,  la  forêt 


m     .1  [MAT    DE    MON  r  IGNE, 


L59 


change  d'aSpect,  elle  est  plus  clairiérée  et  sa  composition  se 
modifie  :  l'épicéa  se  fait  plus  rare,  il  cède  fréquemment  la 
place  au  pin  tic  montagne  ou  au  pin  sylvestre,  Buivant  1  alti- 
tude ;  mais  surtout,  —  cl  on  ne  peul  que  sYn  louer  —  le 
mélèze  acquiert  une  Importance  prépondérante.  Comme 
feuillus,  citons  le  hêtre,  compagnon  habituel  des  résineux, 
quand  on  ne  l'a  pas  détruit  systématiquement  (1),  —  à  lilrcde 
curiosité,  le  tremble,  qui  existe  parfois  en  beaux  exemplaires, 
en  mélange  avec  les  pins  sylvestres,  —  enfin  le  châtaignier, 
dont  les  massifs  égayent  le  bas  des  versants  et  dont  on  ne 
saurait    trop   favoriser    la    propagation. 

Mais  clans  l'une  et  l'autre  de  ces  régions,  faute  de  routes, 
ces  arbres  ne  se  vendent  encore  que  des  prix  dérisoires. 
Souhaitons  que  l'initiative  privée  du  commerce  des  bois  intro- 
duise bientôt  dans  les  vallées  les  mieux  boisées  des  systèmes 
de  transport  perfectionnés,  plans  inclinés  ou  câbles  aériens  (2). 
Il  est  regrettable  en  outre  que,  dans  ce  pays,  si  bien  doué 
par  la  nature  pour  la  production  du  bois  d'excellente  qua- 
lité, les  forêts  aient  en  grande  partie  disparu  par  suite  de 
l'abus  du  pâturage.  L'administration  forestière  a  reçu  l'im- 
portante mission  de  reboiser  les  Alpes  ;  mais  c'est  dans  le 
but  de  consolider  le  sol  que  ces  travaux  sont  entrepris,  et  il 
faudra  que  les  forêts  nouvellement  créées  aient  accompli 
pendant  bien  longtemps  ce  rôle  protecteur,  pour  qu'on  puisse 
les  considérer  comme  une  véritable  source  de  produits 
ligneux.  En  tout  cas,  jamais  elles  ne  remplaceront  les  forêts 
de  la  plaine  que  certains  économistes  en  chambre  voudraient 
sacrifier  à  une  œuvre  toute  de  restauration  et  d'entretien. 

Plateau  central.  —  Comme  celles  des  Alpes,  les  forêts 
du  Plateau  central  sont  loin  d'occuper  la  place  qui  leur  se- 
rait assignée  par  l'exploitation  rationnelle  du  sol;  car,  sous 
ce  climat  franchement  montagneux,  les  bois  sont  susceptibles 
d'acquérir  toutes  les  qualités  désirables.  La  pauvreté  actuelle 
des  forêts  résulte  de  la  situation  qui  leur  a  été  faite  dans  les 
temps   passés,  alors   que,  dans  ce   grand  massif  arrondi,  les 

(1)  Sur  quelques  points,  le  hêtre  fait  naturellement  défaut. 

(2)  E.  Thiéry,  Les  transports  par  câbles  aériens.  (Bull.  Société  d'en- 
couragement pour  Vindustrie  nationale.  Nancy,  A.  Nicolle,  1896.^ 


160  LES    FORETS. 

voies  de  pénétration  étaient  trop  rares  pour  attirer  le 
commerce  des  bois.  Faute  de  débouchés  pour  les  produits 
ligneux,  les  habitants  n'ont  estimé  la  valeur  productive  des 
forêts  que  sous  forme  de  pâturage,  et  la  dent  des  bestiaux 
a  fait  son  œuvre  de  destruction.  L'ouverture  des  grandes 
voies  ferrées  qui  le  traversent  a  sensiblement  modifié  la 
situation  économique  du  pays;  et  sur  ces  terrains  solides,  où 
il  suffit  d'ensemencer  le  sol  sans  qu'il  soit  besoin  de  le  sou- 
tenir, l'œuvre  de  reboisement,  entreprise  au  milieu  du  siècle, 
marche  rapidement  avec  plein  succès.  On  y  trouve  déjà  de 
beaux  cantons  en  pleine  production. 

A  ce  groupe,  peuvent  se  rattacher  les  montagnes  du  Mor- 
van,  où  domine  le  hêtre,   dont  le  bois  de  moule  descend  àt 
Paris  par  les  canaux  et  les  rivières,  —  et  celles  des  Cévennes 
connues  par  la  forme  de  pin  laricio  qui  porte  son  nom. 

Pyrénées.  —  Au  point  de  vue  forestier,  le  massif  des 
Pyrénées  doit  être  séparé  en  deux  régions  distinctes;  mais, 
ici,  ce  n'est  plus  comme  dans  les  Alpes  une  simple  affaire 
d'exposition,  puisque  dans  tout  son  développement  l'axe  de 
la  chaine  orienté  Est-Ouest,  donne  naissance  à  des  vallées 
ouvertes  du  Sud  au  Nord;  c'est  une  question  d'influence 
climatérique  plus  complexe. 

En  effet,  le  climat  et  la  flore  des  Pyrénées  Orientales  par- 
ticipent du  climat  provençal,  tandis  que  le  climat  et  la  flore 
des  Pyrénées  Centrales  et  Occidentales  sont  influencés  par 
le  voisinage  de  l'Atlantique.  La  frontière  entre  ces  deux 
stations  peut  être  établie  vers  la  ligne  de  séparation  des 
eaux  entre  le  bassin  de  l'Aude  et  celui  de  l'Ariège. 

Dans  la  première,  le  climat  se  rapproche  de  celui  des 
Alpes  Maritimes,  moins  sec  cependant.  Les  pluies  torren- 
tielles accompagnées  de  grêle  y  sont  d'ailleurs  moins  fréquentes 
et  moins  redoutables  ;  enfin  le  sol  est  plus  solide.  Aussi,  bien 
que  les  inondations  soient  encore  graves  et  dangereuses,  ne 
prennent-elles  pas  le  caractère  désastreux  des  torrents  des 
Alpes. 

Les  essences  qui  peuplent  les  forêts  sont  le  sapin,  le  hêtre 
et  le  pin  de  montagne,  qui  prend  le  nom  de  pin  k  cro- 
chets. Les  sapins  forment  dans  le  département  de  l'Aude,  sur 


LE    CLIMAT    DE    M0NTAGN1  .  161 

1rs  derniers  contre-forts  de  la  Montagne  Noire,  de  superbes 
massifs,  dont  les  produits  rivalisent  en  qualité  avec  ceux  des 
Vosges  et  du  Jura.  Nulle  part  aussi,  le  pin  de  montagne  ne 
donne  des  forêts  plus  denses  et  plus  exclusivement  pures. 
Il  règne  en  maître  au-dessus  de  Taire  du  sapin,  dans  une 
région  où  épicéas  et  mélèzes,  qui  manquent  complètement 
dans  les  Pyrénées,  ne  viennent  plus  lui  disputer  l'espace, 
comme  ils  le  font  dans  les  Alpes. 

Les  pâtures,  médiocres,  sont  fortement  dégradées  par  des 
abus  de  toute  sorte  et,  plus  particulièrement,  par  le  pâturage 
immodéré  des  moutons  et  des   chèvres. 

La  deuxième  zone  est  beaucoup  mieux  partagée  sous  le  rap- 
port des  pluies,  que  lui  apportent  régulièrement  les  vents 
d'Ouest.  Sous  leur  action  bienfaisante,  les  forêts  et  les  pâtu- 
rages s'améliorent.  Les  vallées,  plus  vertes  et  mieux  boisées, 
prennent  parfois  l'aspect  riant  de  la  Suisse.  Les  bêtes  à  corne 
se  substituent  aux  chèvres  et  aux  moutons  et  les  forêts, 
moins  dégradées,  se  refont  plus  facilement. 

Les  essences  sont  à  peu  près  les  mêmes  que  dans  la  zone 
orientale;  cependant,  les  forêts  sont  plus  denses;  le  hêtre  est 
en  mélange  plus  nombreux  avec  les  résineux;  peu  à  peu  le 
pin    sylvestre   se    substitue   au   pin   à    crochets,  qui  devient 
d'autant  plus  rare  qu'on  se  rapproche  d'Irun  et  d'Hendaye. 
La  montagne    est    ici    franchement    pastorale    et   forestière. 
Pourquoi   faut-il   que,    malgré    ses  aptitudes,    en    dépit    des 
lois  et  règlements,  les  habitants  ne  cessent  de  ruiner  pâtures 
et  forêts?  Dans  la  partie  centrale   et  notamment  dans  le  dé- 
parlement de  l'Ariège,  le  mal  a  produit  son  maximum  d'ef- 
fet ;  car,  sous  la  rubrique  trompeuse  de  forêts  domaniales,  la 
statistique  enregistre  plus  de  30.000  hectares   de  rochers  nus 
et  absolument  improductifs.   Jusqu'à  ces  derniers  temps,  la 
véritable  situation  forestière  des  Pyrénées  était  restée  à  peu 
près  ignorée  ;  en  dehors  des  sapinières  classiques  de  l'Aude, 
on  parlait  vaguement  de  surfaces  couvertes  de  taillis  de  hêtre, 
agonisant  sous  le  régime  du  furetag'e  ;    pour  révéler,  sinon 
les  richesses,  du  moins  les  aptitudes  forestières  de  la  région, 
il    a  fallu    que   des    forestiers  fussent  appelés  par  l'opinion 
publique  pour  préserver  les  stations   balnéaires   de  Luchon 
Boite  et  Jolyet.  1 1 


162  LES    FORÊTS. 

et  de  Barèges  contre  les  inondations  et  mettre  les  sources 
thermales  de  Cauterets  à  l'abri  des  avalanches  de  pierres  qui 
les  mitraillaient  du  haut  de  la  combe  de  Pégères.  Mais  ces 
sauvetages  si  vaillamment  accomplis  suffiront-ils  pour  con- 
vaincre les  montagnards  que  la  conservation  des  forêts  est  la 
meilleure  prime  d'assurance  contre  la  ruine  des  pâturages? 


CHAPITRE  V 
LES    MODES   DE  TRAITEMENT 

ARTICLE    PREMIER 

LES  OPÉRATIONS  CULTURALES. 

La  régénération.  —  Les  dégagements  de  semis.  —  Les  eclaircies;  leur 
but  CulturaL  —  Leur  but  économique.  —  La  manière  de  les  con- 
duire. —  Leur  importance. 

La  régénération.  —  Dans  la  culture  forestière,  l'inter- 
vention de  l'homme  se  rapporte  à  deux  ordres  d'idées 
distincts  :  la  régénération  et  les  améliorations.  De  la  régéné- 
ration, nous  ne  dirons  rien  ici  :  il  en  a  été  parlé  déjà  à  propos 
de  la  reproduction  de  l'arbre  et,  d'autre  part,  les  procédés 
qui  permettent  de  l'obtenir,  variables  avec  les  modes  de 
traitement  qu'ils  caractérisent,  seront  étudiés  au  chapitre  VI. 

Les  dégagements  de  semis.  —  Au  contraire,  les  dégage- 
ments de  semis  et  les  eclaircies  tendent  toujours  à  un  même 
but,  procèdent  toujours  des  mêmes  principes  et  peuvent 
être,  par  suite,  l'objet  d'observrations  générales. 

Les  semis  de  nos  grandes  espèces  ligneuses,  les  brins  de 
dix,  quinze  et  même  vingt  ans,  ont  une  croissance  lente,  si 
on  la  compare  à  l'évolution  rapide  des  morts  bois  qui  se 
jettent  au  milieu  d'eux  et,  surtout,  des  rejets  de  souche  qui 
parfois  les  entourent.  Il  peut  aussi  se  faire,  il  arrive  même 
presque  toujours,  que,  dans  un  peuplement  mélangé,  une  des 
essences  se  montre  envahissante  aux  dépens  d'une  autre. 
L'opération  qui  consiste  à  retarder  l'essor  des  espèces  secon- 
daires ou  trop  ambitieuses,  tendant  à  entraver  le  dévelop- 
pement normal  du  peuplement  d'avenir,  constitue  le  dégage- 
ment de  semis. 

Dans  la  première  jeunesse,   les   brins   de  semence,   dont 


164 


LES    MODES    DE    TRAITEMENT. 


les  rameaux  latéraux  n'ont  qu'une  faible  importance,  vivent 
surtout  par  leur  bourgeon  terminal,  et  l'on  favorise  leur 
développement  par  la  simple  suppression  des  obstacles  qu'ils 
peuvent  rencontrer  suivant  la  verticale  :  aussi, 
l'opération  se  fait-elle  rapidement  et  à  peu  de  frais. 
Sauf  quand  il  s'agit  de  dégager  de  tout  jeunes  semis 
perdus  sous  un  roncier  qui  les  étoufîe,  point  n'est 
besoin  de  couper  rez  terre  :  on  se  contente  d'étêter 
les  tiges  nuisibles,  en  enlevant  d'un  coup  de  serpe 
les  parties  gênantes  de  leur  cime.  L'instrument  le 
plus  commode  est  le  croissant,  sorte  de  serpe,  à 
manche  long  de  1  mètre  à  lm,50,  qui  permet  de 
faire  l'opération  très  vite  et  sans  se  blesser  (fig.  45). 
En  principe,  un  dégagement  de  semis  n  est  pas 
une  guerre  aux  morts  bois.  L'objectif,  dans  une 
opération  de  ce  genre,  ne  <loit  pas  être  la  chose  à 
détruire,  mais  le  brin  à  dégager.  Aussi  écartons- 
nous  le  terme  nettoiement,  qui  est  parfois  employé 
comme  synonyme  de  dégagement  de  semis.  Chaque 
coup  de  serpe  donné  sans  but  précis  est  inutile  et 
nuisible.  Inutile,  parce  qu'il  augmente  sans  profit  les  frais  d'un 
travail  toujours  coûteux,  —  nuisible,  parce  qu'il  est  important 
de  ne  jamais  détruire  l'état  de  fourré,  quelque  négligeables 
que  soient,  au  point  de  vue  de  leur  valeur  vénale,  les  espèces 
qui  entrent  dans  sa  composition.  En  isolant  complètement  les 
tiges  d'avenir,  on  risque,  en  effet,  de  les  voir  se  courber  sous 
le  poids  de  la  neige,  du  givre  ou  de  leur  propre  feuillage  ;  de 
plus  on  découvre  le  sol  :  résultats  fâcheux  à  tous  les  points 
de  vue.  Nous  déconseillons  donc  absolument  les  expurgades 
trop  souvent  pratiquées. 

Quand  faut-il  commencer  les  dégagements  de  semis?  Quelle 
périodicité  faut-il  leur  donner?  Ces  questions  ne  comportent 
pas  de  réponse  catégorique.  Lin  pareil  dégagement  n'est 
justifié  que  s'il  est  opportun  :  c'est  au  forestier  de  voir  quand 
les  semis  ont  besoin  de  son  secours,  et  il  doit  le  leur  apporter 
aussitôt,  et  aussi  souvent  quil  est  nécessaire. 

Nous  prévoyons  une  objection  :  les  dégagements  de  semis 
sont  des  opérations  onéreuses...  C'est  vrai  ;  mais  les  dépenses 


Fig.  45. 
Croissant 


LES    OPERATIONS    Cl  II  II»  Ail  s.  M'»."» 

seront  bien  réduites  si  L'on  évite  des  recépages  inutiles.  Quant 
à  vouloir   compenser    les    lV;iis  par  la  vente  des  produits,  ce 
serait    taire  un  mauvais  calcul  :  on  se  laisserait  aller  a  de  vé 
ritables     coupes,    dont    le    préjudice    dépasserait     la     mince 
rémunération. 

Nous  terminerons  par  deux  conseils  :  le  premier  est  de  don- 
ner ses  soins  toujours  aux  mêmes  individus.  Il  est  regrettable, 
en  effet,  de  prendre  la  peine  de  dégager  une  première  fois  un 
brin,  puis  de  l'oublier  pour  s'occuper  d'un  autre  qui,  noyé 
jusque-là  dans  le  fourré,  a  perdu  toute  vitalité.  Le  second  est 
de  faire  exécuter,  dans  la  mesure  du  possible,  les  dégage- 
ments par  les  gardes  de  la  forêt.  Un  bon  garde  doit  dé- 
fendre les  semis  confiés  à  sa  surveillance  contre  les  morts 
bois,  comme  il  les  défend  contre  les  délinquants.  Des  primes 
l'encourageant  dans  cette  voie  sont  un  argent  mieux  placé 
que  des  salaires  donnés  à  des  lâcherons  ignorants  des  choses 
forestières  et  qui  saccagent  tout  autour  d'eux.  Si  même  le 
propriétaire  veut  prêcher  d'exemple  et,  quand  il  se  promène 
dans  son  domaine,  s'armer  d'un  croissant  au  lieu  d'une  canne, 
il  sera  tout  étonné  du  nombre  très  respectable  de  jeunes 
chênes  ou  de  jeunes  épicéas  qu'il  «  tirera  d'affaire  »  dans  un 
temps  relativement  court.  Les  dégagements  les  mieux  faits 
sont  ceux  dont  le  prix  ne  dépasse  pas  la  valeur  de  deux  ou 
trois  journées  par  hectare. 

Les  éclaircies;  leur  but  cultural.  —  Pour  l'éclaircie,  au 
contraire,  le  bûcheron  s'impose  :  nous  travaillons  au  milieu  de 
perches  ou  même  d'arbres. 

Bien  que  l'effet  principal  de  l'éclaircie  soit  toujours  de  fa- 
voriser la  croissance  des  sujets  d'élite,  on  peut  dire  qu'elle 
poursuit  un  double  but  :  au  point  de  vue  cultural,  maintenir 
un  peuplement  dans  les  meilleures  conditions  de  végétation, 
ou  un  mélange  dans  les  proportions  voulues  ;  —  au  point  de 
vue  économique,  augmenter  le  rendement. 

Dans  un  peuplement,  on  constate  à  tous  les  âges  la  lutte 
pour  la  vie  entre  les  sujets  qui  le  composent,  lutte  qui  se  tra- 
duit par  l'élimination  d'un  nombre  considérable  d'entre  eux, 
surtout  pendant  la  jeunesse. 

D'après  M.  R.  Hartig,  le  nombre  de  tiges  à  l'hectare  clans 


166  LES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

les  forêts  de  hêtre  du  Spessart,  en  Franconie,  est  environ  le 
suivant  (1)  : 


à  10  ans,  230.000  |  à  40  ans,  5.000 
à  20  —  15  000  ;  à  50  —  2.500 
à  30  —    8.000  |  à  (30  —  1.700 


à  70  ans,  1.400 
à  80  —  1.160 

à  90  —   960 


à  100  ans,  800 
à  110  —  690 
à  120  —  610 


D'après  M.  Broilliard  (2),  la  composition  moyenne  d'un 
peuplement  régulier,  bien  complet,  peut  présenter  en  sapins 
des  Vosges  : 

à   0m,20  de   diamètre  à  hauteur  d'homme  :  1.200  à  1.800  perches. 
à  0m,30                  —                                —  500  à      700  arbres, 

à   0m,40  —  —  300  à      400       — 

à  0m,50  —  200  à      250       — 

à  0m;60  150  à      200 

Or,  pendant  la  durée  des  états  de  fourrés  et  de  gaulis,  les 
tiges  les  plus  vigoureuses  ont  facilement  raison  des  faibles  :  on 
peut  laisser,  sans  inconvénients,  la  nature  agir  seule;  on  a 
même  intérêt  à  le  faire,  car  la  sélection  naturelle  favorise  les 
individus  les  mieux  constitués.  Au  contraire,  dès  l'état  de  per- 
clus, les  éliminations  portent  sur  des  sujets  plus  gros,  doués 
d'une  plus  grande  vitalité  et,  par  suite,  présentant  plus  de 
résistance  ;  les  plus  forts  triomphent  encore  des  plus  faibles, 
mais  les  vainqueurs  ne  sortent  pas  indemnes  de  la  bataille  :  il 
devient  utile  d'intervenir  dans  la  lutte,  pour  pratiquer  un  véri- 
table desserrement.  Il  arrive  trop  souvent  que  des  arbres 
parviennent  à  se  maintenir  vivants  en  nombre  excessif  sur  un 
espace  donné  ;  alors  se  constitue  un  peuplement  dont  les  cimes 
étriquées,  le  feuillage  insuffisant,  attestent  la  situation  pré- 
caire ;  non  seulement  la  végétation  se  ralentit  à  l'extrême, 
mais  ces  peuplements  sans  vigueur  sont  à  la  merci  de  tous  les 
accidents:  ravages  des  insectes  et  des  champignons,  écrase- 
ment sous  le  poids  de  la  neige,  etc..  Des  éclaircies  faites  à 
temps  et  bien  conduites  auraient  réagi  contre  cette  tendance 
naturelle  à  s'uniformiser,  toujours  à  craindre  dans  les  peu- 
plements d'un  seul  âge  et  constitués  par  une  seule  essence  (3)  ; 

(1)  Chiffras  tirés  du  traité  de  M.  Hiïffel  :  Les  arbres  et  les  peuple- 
ments forestiers. 

(2)  Broilliard,  Traitement  des  bois  en  France. 

(3)  Ce  danger  est  particulièrement  grand  pour  les  peuplements 
d'origine  artificielle. 


LES    OPERATIONS    CULTURALB8.  1()7 

niais  une  lois  les  choses  arrivées  à  ce  point,  le  diamètre  trop 
faible  des  tige  s,  hors  de  proportion  avec  leur  hauteur,  ne 
permet  pins  d'entr'ouvrir  ces  massifs,  que  le  vent  renverse- 
rait aussitôt, 

D'autre  part  si,  dans  les  peuplements  mélangés,  on  ne  con- 
tinue pas,  sous  une  forme  quelconque,  les  dégagements  com- 
mencés dans  les  fourres  et  les  faillis,  tous  les  sujets  sauvés 
pendant  le  jeune  âge  seront  bientôt  irrémédiablement  tués 
ou  dégradés.  D'où  la  nécessité  de  donner  à  l'éclaircie,  dans 
certains  cas  tout  au  moins,  le  caractère  cYéclaircie-dégagc- 
ment. 

But  économique  des  éclaircies.  —  Nous  avons,  la  chose 
est  évidente,  intérêt  à  activer  le  plus  possible  la  croissance  des 
arbres  en  hauteur  et  surtout  en  diamètre. 

Beaucoup  s'imaginent  que  plus  les  arbres  sont  serrés,  plus 
leur  croissance  en  hauteur  est  rapide,  plus  ils  filent,  sui- 
vant l'expression  courante.  C'est  tout  le  contraire  de  la  réalité. 
Sans  doute  un  arbre  isolé  n'acquiert  pas  les  hauteurs  exagérées 
des  arbres  de  massif,  mais  encore  faut-il,  pour  qu'un  arbre 
grandisse,  qu'il  dispose  de  l'espace  nécessaire  à  la  constitution 
de  sa  cime,  et  que  sa  frondaison  reçoive  une  part  suffisante  de 
lumière.  C'est  dans  l'atmosphère  et  par  leurs  feuilles  que  les 
arbres  puisent  la  majeure  partie  de  leur  nourriture,  et,  s'ils 
sont  mal  nourris,  ils  ne  s'allongent  pas. 

Il  semble,  qu'il  soit  bien  inutile  d'insister  sur  ce  fait  que  des  arbres 
trop  serrés  se  développent  mal,  tant  en  hauteur  qu'en  diamètre... 
Varcnne  de  Fenillc,  dans  son  premier  mémoire  (1790),  signale  les 
bons  effets  de  l'éclaircie  sur  l'accroissement  en  hauteur  de  jeunes 
bois  trop  serrés.  —  Voici,  littéralement  traduit,  ce  qu'on  lit,  page  16 
du  volume  de  M.  V.  Baur,  sur  l'épicéa  (1876)  :  «  C'est  une  erreur  de 
croire  qu'un  état  de  massif  trop  serré  favorise  l'accroissement  de  la 
hauteur  des  peuplements;  au  contraire,  la  lutte  trop  longue  et  trop 
rude  entrave  le  développement  des  hauteurs...  »  Le  même  auteur 
s'exprime  d'une  manière  analogue  au  sujet  du  hêtre  en  1881  (Die  Rolh- 
buche,  page  115).  Différents  autres  écrivains  en  1885,  1888,  etc..  ont 
répété  cette  observation,  devenue  pour  ainsi  dire  banale  dans  le  monde 
forestier  (l). 

Le  sapin  se  comporte  de  même,  l'observation  l'a  démontré. 
Le  fait  que  les  éclaircies  activent  la  croissance  en  diamètre 

1)  G.  Hfiffel,  Loc.  cil. 


168  LES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

est  trop  connu  pour  qu'il  y  ait  lieu  d'en  parler  davantage. 
Il  suffira  de  citer  les  chiffres  suivants,  tirés  d'études  de 
M.  l'inspecteur  Brenot  sur  les  sapins  du  Jura  (1)  : 

Diamètre  à  hauteur  d'homme. 

Ages.  Sapins  en  massif  Sapins  en  massif 

non  éclairci.  éclairci. 

40  ans ficm,-,  2lcm 

60  ans 12cm  35cm 

80  ans 19cm  48cm 

100  ans 26cm,."ï  59cm,5 

1 20  ans 32cm  69°m 

1  10  ans 36cm  7icm 

Ue  ce  que  le  desserrement  active  la  croissance  en  hauteur 
et  en  diamètre,  il  ne  résulte  pas  qu'il  soit  toujours  une  cause 
d'augmentation  de  volume  pour  V ensemble  du  peuplement', 
car  celui-ci  est  appauvri  de  tous  les  mètres  cubes  réalisés 
par  Téclaircie.  Mais,  si  l'on  peut  perdre  en  quantité,  du 
moins  est-on  sûr  de  gagner  —  et  beaucoup  —  en  qualité  :  les 
tiges  d'élite  représentent  les  bons  ouvriers,  ceux  qui  fabri- 
quent le  bois  de  choix,  le  bois  se  vendant  cher  au  mètre  cube. 
On  a  donc  tout  intérêt  à  favoriser  leur  production,  même  au 
prix  de  sacrifices  consentis  au  détriment  de  la  masse,  peu  inté- 
ressante, des  faibles  ou  des  inhabiles. 

Les  éclaircies  sont  de  véritables  exploitations  donnant  des 
produits  marchands  :  mais,  ici  encore,  l'idée  de  récolte  ne 
doit  pas  intervenir  dans  la  conduite  de  l'opération,  qui  est 
d'ordre  cultural  avant  tout.  Toutefois,  en  même  temps  que 
l'éclaircie,  peuvent  se  faire  certaines  réalisations,  qui  Yaccom- 
pagnent  sans  en  faire  partie  inhérente.  Ainsi  l'on  profite  de 
la  présence  du  bûcheron  pour  débarrasser  le  peuplement  des 
sujets  tarés  ou  difformes,  —  de  ceux  qui  sont  envahis  par  les 
champignons  et  menacent  de  contaminer  leurs  voisins,  —  enfin 
de  tous  les  bois  morts  ou  mourants,  qui  attirent  les  délin- 
quants, et  ne  jouent  plus  aucun  rôle  utile.  De  même  encore, 
on  fait  coïncider  avec  une  éclaircie  l'exploitation  des  bois 
tendres,  saules,  trembles  et  autres  essences  sans  longévité, 
qui  dépériraient  avant  le  passage  de  la  coupe  principale. 

(1    Ces  résultats  sont  traduits  graphiquement,  par  M.  Hiiil'el,  loc.  cil, 


LES    OPERATIONS   GULTURALBS.  H'»(.» 

Manière  de  conduire  les  éclaircies.  —  L'éclaircie  consiste 
donc,  à  desserrer  les  sujets  précieux,  dans  la  région  OÙ  leur 
cime  manque  d'espace,  et  cela  progressivement.  Les  ternies 
de  celte  définition  demandent  quelques  explications. 

Il  s'agit  de  venir  en  aide  aux  sujets  précieux  \  ceux  là  seuls 
seront  notre  objectif,  et,  agissant  comme  nous  l'avons  dit  à 
propos  des  dégagements  de  semis,  nous  chercherons  du   re- 


Fig.  \6.  — Schéma  d'un  peuplement  à  éclaircir.  —  an,  tiges  d'élite; 
bh,  sujets  dominants  mais  qui  nuisent  aux  tiges  d'élite  (à  enlever)  ; 
ce,   sujets  dominés  (à  conserver. 


gard,  non  pas  des  tiges  à  abattre,  mais  des  tiges  à  sauvegarder. 
Ces  dernières  sont  celles  qui,  parleur  espèce,  parleur  forme, 
et  par  la  place  qu'elles  occupent,  présentent  le  plus  d'intérêt 
pour  l'avenir.  En  général,  dès  les  premières  années,  elles  sont 
reconnaissables  à  leur  aspect  plus  sain,  à  leur  diamètre  plus 
gros,  à  leur  cime  plus  fournie  (fig.  46).  S'il  en  est  autrement, 
ce  qui  arrive  quelquefois,  surtout  dans  les  peuplements  d'ori- 
gine artificielle,  la  première  éclaircie  tend  à  rompre  cette  uni- 
formité trop  grande  :  on  choisit  au  hasard,  à  des  distances 
convenables,  des  perches  à  desserrer,  auxquelles  ce  premier 


170  EES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

travail  donne  sur  leurs  voisins  un  avantage  qu'il  ne  reste  plus 
qu'à  maintenir  clans  la  suite. 

L'éclaircie  porte  sur  ïétage  dominant,  c'est-à-dire  qu'elle 
enlève  des  perches,  ou  des  arbres,  dont  le  feuillage  s'épanouit 
à  peu  près  au  môme  niveau  que  celui  de  l'individu  dont  on 
veut  améliorer  la  situation.  Au  contraire,  le  respect  scrupu- 
leux de  l'étage  franchement  dominé  est  la  base  fondamentale 
du  système.  Toutes  les  tiges  qui,  de  guerre  lasse,  ont  aban- 
donné le  combat  pour  la  lumière,  toutes  celles  qui  sont  ré- 
duites à  végéter  à  un  niveau  inférieur  à  celui  de  rivales  plus 
heureuses,  tous  les  étages  intermédiaires,  tous  les  sous- 
bois  plus  ou  moins  buissonnants,  doivent  échapper  à  la 
hache.  Leur  enlèvement  serait  inutile  puisque  leur  feuillage  ne 
peut  plus  faire  concurrence  à  celui  des  sujets  d'avenir.  Il  serait 
nuisible  pour  trois  motifs:  d'abord,  leur  maintien  permet 
d'agir  vigoureusement  sur  l'étage  dominant  sans  crainte  de 
découvrir  le  sol;  en  second  lieu,  ces  bois  dominés  peuvent 
souvent  reprendre  leur  essor  et  remplacer  une  tige  d'élite  dé- 
truite par  un  accident  ;  enfin,  cette  végétation  intermédiaire 
forme  un  écran,  qui  préserve  les  fûts  contre  la  lumière  directe 
du  soleil,  fait  dépérir  les  branches  basses,  favorise  en  un  mot 
l'élagage  naturel.  Grâce  à  leur  présence,  on  peut  placer  les 
sujets  d'avenir  dans  cette  situation  excellente  pour  les  arbres 
destinés  à  produire  de  bon  bois  d'œuvre  :  la  cime  au  soleil, 
le  fut  à  l'ombre,  et  les  racines  au  frais. 

Enfin  l'éclaircie  doit  être  progressive.  Ceci  nous  amène  à 
parler  de  l'époque  à  laquelle  doit  se  faire  la  première  éclaircie 
dans  un  massif,  et  de  la  périodicité  avec  laquelle  les  autres 
la  suivront. 

Dans  les  peuplements  mélangés,  les  éclaircies-dégagements 
sont  la  continuation  des  soins  donnés  aux  semis  et  leur  suc- 
cèdent sans  qu'un  intervalle  trop  long  permette  aux  essences 
envahissantes  de  reprendre  leur  œuvre  de  dégradation.  La 
grosseur  des  sujets  et  la  réalisation  de  produits  marchands 
fait  changer  l'étiquette  de  l'opération;  son  but  reste  le  même. 

Dans  les  peuplements  purs,  la  première  éclaircie  se  fait 
plus  tôt  quand  il  s'agit  d'essences  de  lumière  que  quand  il 
s'agit  d'essences  d'ombre.  Il  est  important,  dans  tous  les  cas, 


LES    OPÉRATIONS    CULTURALB8,  1 T 1 

d'opérer  prudemment.  En  général,  celle  première  éclaircie 
doil  avoir  lieu,  clans  les  futaies,  aussitôt  les  peuplements 
arrivés  à  l'état  de  gaulis  ou,  au  plus  lard,  de  bas  perchis. 

La  périodicité  varie  surtout  avec  l'âge  des  peuplements. 
A  chaque  opération,  on  n'isole  pas  la  cime  des  sujets  d'avenir 
dune  manière  complète,  mais  on  se  contente  de  dégager  une 
ou  deux  de  ses  faces  par  l'abatage  de  quelques  arbres  gê- 
nants (1),  avec  l'idée  d'opérer  de  même  dans  la  suite  aux 
autres  orientations.  Or,  dans  les  peuplements  jeunes,  l'enlè- 
vement d'une  gaule  ou  d'une  petite  perche  fait  une  lacune  de 
peu  d'importance  bien  vite  refermée:  les  éclaircies  devront 
donc  se  succéder  à  courts  intervalles.  Dans  les  peuplements 
âgés,  au  contraire,  le  vide  créé  par  la  disparition  d'une  grosse 
perche,  ou  d'un  arbre,  reste  béant  pendant  plusieurs  années  : 
les  éclaircies  ne  passeront  que  plus  rarement. 

La  périodicité  de  6  à  12  ans  convient,  dans  les  forêts  trai- 
tées en  futaie,  depuis  l'état  de  gaulis  jusqu'à  la  fin  de  celui 
de  haut  perchis,  —  et  celle  de  douze  à  vingt  ans,  dans  les 
hautes  futaies  constituées.  Dans  les  sols  fertiles,  il  faudra 
passer  plus  souvent  que  dans  les  sols  médiocres  et  mauvais; 
plus,  en  clfet,  les  conditions  de  végétation  sont  bonnes,  plus 
les  arbres  tendent  à  prendre  de  l'ampleur,  plus  par  suite  leur 
nombre  tend  à  diminuer  à  l'hectare;  ainsi  les  forêts  de  pins 
sylvestres  de  l'Allemagne  du  Nord  contiennent  approxima- 
tivement à  l'hectare,  les  nombres  de  liges  suivants  (2): 

Conditions        Conditions  Conditions 

très   bonnes,     moyennes.       mauvaises. 

à     40  ans 1.750  3.050  5.600 

à     50  ans 1.150  2.050  4.000 

à     60  ans 800  1.500  2.800 

à     70  ans    650  1.100  2.000 

à  100  ans 425  625  1.075 

Dans  la  pratique,  un  bon  critérium  pour  juger  de  l'oppor- 
tunité d'une  éclaircie  est  l'aspect  même  des  arbres  du  peu- 

(1)  Ces  arbres  sont  ceux  dont  la  cime  entrave  le  développement  de 
celle  de  l'arbre  d'élite.  Ils  peuvent  fort  bien  ne  pas  être  les  tiges  les 
plus  voisines  de  ce  dernier,  mais  s'en  trouvei  séparés  par  quelques 
sujets  domines. 

(2)  G.  Hùffel,  loc.  cit. 


172  LES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

plement  dominant.  Si,  par  exemple,  des  chênes  de  futaie  se 
couvrent  de  branches  gourmandes,  sans  que  leur  âge  très 
avancé  ou  toute  autre  cause  accidentelle  explique  cette  évo- 
lution anormale,  c'est  que  leur  cime  manque  de  lumière  dans 
les  régions  élevées;  il  en  est  ainsi  encore  des  chênes  dont  la 
cime  apparaît  étriquée,  souffreteuse,  à  frondaison  chlorotique. 
De  même,  dans  un  perchis,  un  pin,  un  sapin,  dépourvu  de 
branches  vivantes  sur  plus  des  deux  tiers  et  surtout  des  trois 
quarts  de  la  hauteur  de  sa  tige,  réclame  d'urgence  qu'on  le 
desserre. 

Nous  avons  dit  qu'on  rencontrait  parfois  des  peuplements 
trop  uniformes  et  trop  serrés,  dont  les  cimes  réduites,  usées 
par  le  frottement  sous  l'action  du  vent,  accusaient  l'état  de 
langueur  (lig.  47)  :  on  peut,  à  la  rigueur,  espérer  les  remettre 
en  état  par  des  éclaircies  très  prudentes,  et  répétées  à  inter- 
valles fréquents,  tous  les  trois  ans  par  exemple.  Dans  les  sapi- 
nières des  Basses  Vosges,  des  massifs  compromis  ont  repris 
lentement  leur  essor,  grâce  à  des  opérations  qui  suivaient  pour 
ainsi  dire  pas  à  pas  la  reconstitution  du  feuillage.  Quoi  qu'il 
en  soit,  il  vaut  mieux  prévenir  un  pareil  état  de  choses  que 
que  d'avoir  à  y  remédier. 

Dans  les  taillis  sous  futaies,  on  ne  fait,  en  général,  qu'une 
seule  éclaircie,  six  à  huit  ans  avant  la  coupe  principale.  Pour- 
tant, sur  certains  sols,  il  peut  y  avoir  intérêt  à  réaliser  plus 
tôt,  dans  une  première  éclaircie,  les  bois  tendres  parvenus  à 
maturité. 

Importance  des  éclaircies.  —  L'éclaircie,  telle  que  nous 
venons  d'en  exposer  les  principes,  est  appelée  quelquefois 
éclaircie  par  le  haut]  elle  est  d'origine  toute  française.  C'est 
elle  que  pratiquait  le  marquis  de  Rostaing,  Réformateur  géné- 
ral des  eaux  et  forêts  sous  le  roi  Charles  IX  (1)  ;  c'est  elle  qui 
a  fait  l'objet  des  importants  travaux  de  Varenne  de  Fenille  en 
1790  et  1791;  enfin,  mieux  que  toute  autre,  elle  convient  à 
notre  tendance  nationale  qui  nous  invite  à  faire  des  individus, 
des  beaux  arbres,  plutôt  que  des  massifs  d'une  uniformité 
parfois    monotone.    Pendant    quelque  temps    on    a    semblé 

I     G.   Hufîel,  loc.  cil. 


LES    OPÉRATIONS    Cl  LTURALBS, 


173 


l'oublier  dans  son  pays  natal,  et  il  a  fallu  les  travaux  de 
MM.  Bagneris  et  Broilliard,  pour  lui  rendre  la  place  qu'elle 
mérite  dans  la  culture  forestière. 


Fig.  -Î7.  —  Perchis  de  sapins  très  serré,   forêt   domaniale  des  Ëlieux 
(Meurlhe  et-Moselle).  (Photographie  de  M.  Juvanon  du  Vachat.) 

Aujourd'hui,  son  rôle  s'impose  plus  que  jamais  :  on  crée  de 
tous  côtés,  par  voie  artificielle,  des  peuplements  d'épicéa,  de 
pin   sylvestre,   de    pin    noir,    de    mélèze,  dans    des    stations 


17^  LES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

souvent  étrangères  à  ces  essences.  Si  l'on  ne  se  décide  pas  à 
entrer  hardiment  dans  la  voie  des  éclaircies,  il  ne  faut  pas 
espérer  y  produire  autre  chose  que  de  la  pâte  à  papier  ou  des 
étais  de  mine.  Le  maintien  jusqu'à  la  haute  futaie  dépareilles 
forêts,  toujours  menacées  de  maladies  cryptogamiques  ou 
d'invasions  d'insectes,  n'est  possible  que  si  l'on  y  constitue 
des  individus,  en  même  temps  que  l'on  hâte  la  formation  d'un 
sous  bois  feuillu. 

D'ailleurs,  à  une  époque  où  il  faut  faire  vite,  il  est  bon  de 
se  rappeler  que  l'on  a  dansl'éclaircie  le  meilleur  adjuvant  à  la 
rapidité  de  l'accroissement  en  grosseur.  Ajoutons  toutefois 
que,  si  l'éclaircie  est  toujours  utile  pour  qui  sait  la  manier, 
elle  est  d'une  application  délicate.  Elle  change  de  forme  et 
d'intensité  suivant  les  essences,  suivant  leur  état  de  mélange, 
suivant  le  but  poursuivi,  suivant,  enfin,  les  idées  et  le  bon 
vouloir  de  celui  qui  la  dirige.  En  un  mot,  c'est,  pour  les 
futaies  pleines  au  moins,  l'opération  culturale  par  excellence, 
et  celui  qui  n'en  comprend  pas  le  mécanisme  fera  mieux  de 
s'abstenir. 


ARTICLE  n 

NOTIONS    D'AMÉNAGEMENT 

Capital  forestier.  —  Définitions.  —  Réalisation  de  la  possibilité  :  par 
contenance,  par  volume,  par  pieds  d'arbres.  —  Observations  géné- 
rales. 

Capital  forestier.  —  Un  arbre  ne  donne  des  produits 
marchands  qu'après  de  longues  années  d'existence.  La  récolte 
forestière  est  donc  essentiellement  périodique  sur  un  point 
déterminé,  et,  pour  la  rendre  annuelle  comme  l'exigent  les 
besoins  de  l'homme,  il  est  nécessaire  de  réaliser  les  produits, 
successivement,  sur  autant  de  points  ou  de  surfaces  différentes 
qu'il  faut  d'années  aux  arbres  pour  atteindre  les  dimensions 
requises.  Pour  satisfaire  à  cette  condition,  la  forêt  économi- 
quement constituée,  c'est-à-dire  aménagée,  doit  donc  présenter, 
sur  des  surfaces  équivalentes,  une  suite  non  interrompue 
d'arbres  ou  de  peuplements  différant  entre  eux  d'une  année 


notions  d'aménagement.  175 

d'âge,  depuis  les   sujets  naissants  jusqu'à  ceux    qui    <>nl  vécu 
le  nombre  d'années  que  ces  mêmes  dimensions  comportent. 

Ces  derniers  constituent  seuls  la  nro//con  le  retenu. 

Le  déplacement  successif  des  surfaces  occupées  p&i  les 
récoltes  annuelles  a  (ait  naître  l'idée  de  rotation,  et  on  est 
convenu  de  nommer  révolution  le  temps  qui  s'écoule  entre 
deux  récolles  successives  sur  le  même  point.  C'est,  en  théorie, 
le  temps  laissé  aux  arbres  pour  atteindre  les  dimensions  qu'on 
leur  demande. 

Les  bois  en  croissance,  c'est-à-dire  ceux  qui  restent  sur  pied 
dans  les  surfaces  autres  que  celles  qui  portent  la  récolte,  l'ont 
nécessairement  partie  du  capital  générateur,  puisque,  en 
dehors  de  leur  présence,  on  ne  peut  concevoir  de  revenu 
annuel. 

Exemples  :  Soit  une  forêt  de  100  hectares  couverte,  par 
parties  égales,  d'une  suite  de  peuplements  âgés  de  un  à 
vingt  ans  et  dont  les  produits  sont  réputés  réalisables  à  l'âge 
de  vingt  ans.  La  récolte  sera  fournie  par  les  5  hectares  qui 
portent  les  bois  de  vingt  ans,  et  les  peuplements  en  croissance, 
répartis  sur  les  dix-neuf  autres  surfaces,  feront  partie  du  capital 
d'exploitation. 

De  même,  dans  une  forêt  de  100  hectares  peuplée  de  bois 
d'âges  gradués  de  un  à  cent  ans,  le  revenu  sera  fourni  par  le 
seul  hectare  où  sont  localisés  les  arbres  de  cent  ans,  et  ceux 
qui  sont  âgés  de  un  à  quatre-vingt-dix-neuf  ans  et  répartis  sur 
les  quatre-vingt-dix-neuf  autres  surfaces,  seront  comptés 
comme  capital  superficiel, 

Il  en  résulte  que  la  partie  du  capital  générateur  représentée 
par  les  bois  en  croissance  est  essentiellement  variable.  Son 
importance  est  entièrement  subordonnée  à  la  longueur  de 
la  révolution  et  va  sans  cesse  en  augmentant  avec  cette 
dernière  :  à  des  révolutions  courtes  correspond  un  capital 
superficiel  restreint;  les  révolutions  longues  exigent  un 
capital  d'exploitation  d'autant  plus  considérable  qu'il  ren- 
ferme des  arbres  plus  âgés  et,  par  conséquent,  ayant  plus  de 
valeur.  —  De  plus,  ce  capital  ligneux  n'est  pas  seulement 
représenté  par  un  cube  de  bois  de  dimensions  quelconques, 
mais  par  ce  même  volume  constitué  d'une  façon  toute  parti- 


170  LES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

culière  au  point  de  vue  de  la  gradation  des  âges.  C'est  seulement 
lorsqu'il  renferme  la  suite  complète  de  ceux-ci,  répartis  sur 
autant  de  surfaces  d'égale  production,  qu'il  est  normalement 
constitué  :  on  dit  alors  que  la  forêt  est  normale. 

Dès  lors,  le  capital  forestier  se  compose  de  deux  éléments 
distincts,  qui  fonctionnent  concurremment,  mais  chacun  à  sa 
manière,  ce  sont:  d'une  part  le  fonds  de  terre  (1),  dont  la  va- 
leur, subordonnée  à  sa  fertilité,  est  soumise  aux  mêmes  fluctua- 
tions que  celles  des  autres  biens  ruraux  :  il  donne  Vespace  et 
fournit  la  quantité)  —  d'autre  part,  le  capital  superficiel,  de  va- 
leur essentiellement  variable,  mais  de  forme  définie  :  ce  dernier 
se  constitue  par  l'épargne  et  grandit  avec  le  temps)  il  travaille 
uniquement  à  l'accroissement  des  produits  en  qualité. 

Le  caractère  particulier  du  capital  ainsi  constitué  est  d'être 
toujours  en  partie  mobilisable  :  ce  qui  expose  à  des  confusions 
fâcheuses  avec  le  revenu  et,  par  suite,  à  des  abus  de  jouissance. 
Par  contre,  toute  fraction  du  revenu  qu'on  ne  réalise  pas, 
s'incorpore  et  fonctionne  avec  lui,  naturellement  et  sans  frais. 

De  la  composition  toute  spéciale  du  capital  forestier  résul- 
tent les  conséquences  suivantes,  qu'il  suflit  d'énoncer  ici  sous 
forme  de  propositions  :  1°  toutes  choses  restant  égales  d'ail- 
leurs, plus  les  révolutions  sont  longues,  plus  le  revenu  annuel 
est  considérable  ;  "2°  le  taux  de  placement  suit  une  marche 
inverse,  il  est  d'autant  plus  faible  que  les  révolutions  sont  plus 
longues  (2). 

1)  Ce  fonds  de  terre  comprend  le  sol,  avec  son  ensouchement  ou  les 
graines  forestières  prêtes  à  germer  qu'il  renferme,  sa  réserve  d'humus, 
et  aussi  les  travaux  de  l'homme  qui  facilitent  l'exploitation  de  la  forêt  : 
bornages,  chemins  de  vidanges,  etc. 

(2)  Ce  capital-superficie  augmente  avec  la  longueur  des  révolutions. 
Très  faible  dans  un  taillis  simple  aménagé  à  15  ans,  où  il  ne  comprend 
que  des  taillis  de  1  à  14  ans,  presque  sans  valeur  marchande,  il 
devient  très  grand  dans  un  taillis  sous  futaie  riche  en  réserves,  plus 
considérable  encore  dans  les  futaies  pleines  aménagées  à  150  ou 
200  ans.  Dans  la  forêt  domaniale  de  Bercé  (Sarthe),  certaines  parcelles 
contiennent,  à  l'hectare,  700  à  800  mètres  cubes  de  chêne,  repré- 
sentant une  valeur  de  30  à  40  000  francs  pour  le  capital-superficie. 
Dans  la  forêt  de  Levier  (Doubs),  plus  d'un  hectare,  dont  le  sol  nu 
vaudrait  100  francs  à  peine,  porte  1  000  mètres  cubes  de  sapin  d'une 
valeur  de  25  000  francs.  Ces  massifs  sont  peut-être  les  plus  beaux  de 
France  ;  mais  dans  des  forêts  même  beaucoup  moins  riches  en  maté- 
riel, le  capital  superficie  est    souvent  assez  considérable  pour  rendre 


muions    D  AMENAGEtfBNT.  177 

Définitions.  —  Coupes  (1).  —  On  appelle  coupe,  toute 
étendue  déterminée  dans  une  forêt  pour  y  abattre  le  bois,  en 
totalité,  ou  avec  réserve  d'un  certain  nombre  d'arbres.  Le 
mot  exploitation  est  souvent  employé  dans  le  sens  de  coupe 
ou  de  renie. 

La  désignation  du  lieu  où  doit  se  faire  une  coupe  s'appelle 
Y  assiette.  Ainsi,  asseoir  une  coupe  ou  faire  l'assiette  d'une 
coupe,  c'est  déterminer  son  emplacement. 

Une  coupe  est  en  usance  lorsqu'on  l'exploite,  elle  est  usée 
lorsqu'elle  est  exploitée  et  vidée. 

Les  coupes  sont  dites  principales,  lorsqu'elles  ont  pour 
conséquence  la  régénération  des  surfaces  parcourues. 

Quand,  dans  une  coupe,  on  exploite  tous  les  arbres,  on  dit 
que  cette  coupe  est  faite  à  hlanc-étoc. 

Accroissement.  —  L'accroissement  de  volume,  ou  sim- 
plement Y  accroissement  d'un  arbre  ou  d'un  peuplement  est 
la  quantité  dont  le  volume  de  cet  arbre  ou  de  ce  peuplement 
s'accroît  au  bout  d'un  temps  déterminé. 

U accroissement  annuel  est  celui  que  les  bois  prennent  en 
un  an  ;  l' accroissement  périodique  est  celui  que  l'on  réalise  au 
coursd'une  période  de  plusieurs  années. h' accroissementannuel 
moyen,  ou  Y  accroissement  moyen,  est  le  quotient  d'un  accrois- 
sement périodique  quelconque  par  le  nombre  d'années  de  la 
période  considérée,  laquelle  peut  correspondre  à  la  durée 
totale  de  l'existence  des  sujets. 

Rentes.  —  Taux  de  placement.  —  Le  revenu  brut 
d'une  forêt  est  le  montant  de  ses  produits,  sans  déduction 
d'aucun  frais.  Si  l'on  déduit  de  ce  revenu  brut  les  frais  de 
production,  on  a  le  revenu  net  ou  la  rente. 

Le  taux  de  placement  est  le  rapport  entre  la  rente  et  le 
capital  qui  la  produit  (2). 

le  capital  fonds  presque  négligeable  clans  les  estimations  en  fonds  et 
superficie. 

(1)  Tassy,  V Aménagement  des  forêts,  3e  édition,  Paris,  1887. 

(2>  Le  taux  de  placement  est  le  rapport  du  revenu  au  capital  géné- 
rateur.Donc, si  beau  que  puisse  être  le  rendement  d'une  forêt  comme  celle 
de  Bercé  ou  celle  de  Levier,  elle  fonctionnera  toujours  à  un  taux  très 
réduit.  Au  contraire,  les  plus  mauvaises  «  rapailles  »  de  chêne  vert, 
avec  un  rendement  infime  fonctionneront  à  un  taux  très  élevé,  le  capi- 
tal engagé  étant  nul  ou  à  peu  près. 

BorPE  et  Jolvet.  1- 


178  I-ES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Aménagement.  —  L'aménagement  est  un  travail  qui 
consiste  à  régler  l'exploitation  d'une  forêt,  de  façon  que  celle- 
ci  fournisse  un  revenu  annuel  aussi  soutenu  et  aussi  avanta- 
geux que  possible. 

Tout  aménagement  a  pour  but  de  créer  l'état  normal  et  de 
le  perpétuer  quand  il  est  obtenu.  Le  moyen  employé  consiste 
à  régler  l'ordre  et  la  nature  des  exploitations,  après  avoir  fixé 
l'âge  ou  la  dimension  des  arbres  à  couper  et  le  volume  des 
produits  à  réaliser  annuellement. 

Pour  faire  comprendre  l'importance  de  ces  questions,  il  est 
nécessaire  d'indiquer  sommairement  ce  qu'on  entend  par  les 
termes  exploitabilité  et  possibilité. 

Exploitabilité.  —  Un  arbre  ou  un  peuplement  est  ex- 
ploitable, quand  il  réalise  le  mieux  possible  le  genre  d'utilité 
qu'on  réclame  de  lui. 

Sans  entrer  dans  le  détail  des  différents'  services  qu'une 
propriété  boisée  est  susceptible  de  rendre,  nous  constaterons 
les  deux  faits  suivants  : 

1°  Dans  les  forêts  de  protection,  on  doit,  en  principe,  lais- 
ser les  arbres  sur  pied  jusqu'à  leur  dépérissement  :  les  pro- 
duits ligneux  n'ont  donc  qu'une  faible  valeur  marchande  ; 

2°  Dans  un  grand  pays  comme  la  France,  l'industrie  réclame 
des  bois  de  fortes  dimensions.  Pour  les  obtenir,  il  faut  exploiter 
à  des  âges  très  avancés  ;  cela  conduit  à  entretenir  sur  pied  un 
capital  superficiel  considérable,  et  abaisse  le  taux  de  place- 
ment à  un  chiffre  trop  peu  rémunérateur  pour  les  proprié- 
taires particuliers . 

Ces  deux  considérations  justifient  la  possession  par  l'Etat 
d'un  certain  nombre  de  forêts.  Seul,  il  peut  logiquement 
accepter  cette  situation,  en  vue  de  l'intérêt  général. 

Possibilité.  —  Théoriquement,  la  possibilité  est  l'expres- 
sion de  la  capacité  productive  de  toute  surface  boisée. 

Il  est  évident  que  si,  dans  une  forêt  normale,  on  se  contente 
tous  les  ans  d'enlever  à  la  forêt,  sous  forme  de  bois  exploitables, 
un  volume  moyen  équivalent  à  celui  dont  s'accroissent  les  peu- 
plements répartis  sur  toute  la  surface,  le  revenu  en  matière 
sera  constant  et  le  capital  générateur  maintenu  intact. 

Toutefois,  le  propriétaire  désire  tirer  de  son  bien  un  revenu 


notions   ii'amkn aobment.  179 

constant,  tandis  (jue  la  quantité  do  bois  fabriquée  et(  évi- 
demment variable  suivant  les  années  ;  d'autre  part,  les  forêts 
étant,  en  général,  plus  ou  moins  éloignées  de  Fêlai  normal,  en 
suite  d'excès  ou  d'insuffisance  du  capital  générateur,  il  peut  y 
avoir  nécessité  de  couper  plus  ou  moins  (pie  la  production,  en 
vue  de  se  rapprocher  de  cet  état.  Il  en  résulte  que,  dans 
les  forêts  aménagées,  la  récolte  annuelle,  ou  ta.rc,  diffère  sen- 
siblement de  la  possibilité  vraie;  néanmoins,  et  par  extension, 
on  est  convenu  de  désigner  la  quolité  qu'elle  représente  par  ce 
même  nom  de  possibilité.  Dès  lors,  la  possibilité  devient  l'ex- 
pression pratique  du  revenu  en  matière,  tel  qu'il  est  fixé  par 
l'aménagement  en  cours  d'application  (l). 

Série  d'exploitation.  —  La  série  d  exploitation  ou  sim- 
plement série,  est  l'unité  de  gestion  de  la  propriété  fores- 
tière, car  chaque  série  est  destinée  à  fournir,  durant  la 
révolution,  une  même  suite  de  coupes  principales  annuelles, 
ayant  chacune  à  peu  près  même  valeur.  Nous  avons  donné  la 
définition  de  la  série,  page  106,  en  note. 

Parcelles.  —  Lorsque,  dans  une  même  station  et  sous 
l'influence  d'un  même  traitement,  le  peuplement  se  constitue 
identique  à  lui-même  dans  toutes  ses  parties,  la  surface  qu'il 
occupe  représente  une  parcelle  naturelle.  Quand,  dans  un 
peuplement,  il  se  rencontre  des  différences  dues  à  des  causes 
permanentes,  étrangères  au  traitement  (essences,  sol,  exposi- 
tion), on  a  affaire  à  des  parcelles  distinctes.  Ainsi  constituée, 
la  parcelle  est  l'unité  culturale  de  la  série. 

Réalisation  de  la  possibilité.  —  Pour  réaliser  la  possibilité, 
on  peut  :  ou  bien  faire  porter  les  exploitations  sur  des  surfaces 
égales  ;  —  ou  bien  abattre  des  arbres  en  nombre  indéterminé  jus- 
qu'à concurrence  d'un  chiffre  de  mètres  cubes  fixé  à  l'avance  ; 
—  ou,  enfin,  couper  chaque  année  un  même  nombre  d'arbres, 
choisis  parmi  les  tiges  exploitables,  sans  se  préoccuper  autre- 
ment de  leur  volume.  De  là  trois  méthodes  d'aménagement. 

La  méthode  par  contenance,  la  plus  simple,  suppose  impli- 
citement que  les  facteurs  de  la  production  sont  partout  les 
mêmes,  et  que  les  produits  matériels  sont  entre  eux  comme 

(1)  A.  Puton,  Traité  d'économie  forestière.  Paris.  1888. 


180  LES    MODES    DE    TRAITEMENT. 

les  surfaces.  Elle  est  toujours  appliquée  aux  forêts  traitées  en 
taillis,  mais  peut  très  bien  convenir  aux  autres. 

La  méthode  par  volume  nécessite  la  détermination  de 
l'accroissement  moyen  en  volume;  quel  que  soit  le  système 
employé  pour  arriver  à  ce  résultat,  on  taxe  la  forêt  à  un  chiffre 
de  mètres  cubes  que  l'on  réalise  annuellement  sans  s'inquiéter 
du  nombre  de  tiges  nécessaires  pour  l'obtenir.  Une  pareille 
manière  de  procéder  n'est  rigoureusement  possible  que  dans  les 
futaies  régulières,  où  tous  les  arbres  qui  constituent  un  mas- 
sif donné  arrivent  en  même  temps  au  terme  de  l'exploilabilité. 

Quand  on  traite  une  forêt  comprenant  des  peuplements 
d'âges  multiples,  et  dont  les  individus  arrivent  un  à  un  au 
terme  de  l'exploitabilité,  on  peut  opérer  autrement:  on  estime, 
par  tradition  ou  par  comparaison,  la  production  éventuelle 
de  cette  forêt;  on  évalue  d'autre  part  le  volume  de  l'arbre 
réputé  exploitable,  et  le  quotient  du  premier  nombre  par  le 
second  donne  le  nombre  des  pieds  d'arbres  à  réaliser. Les  futaies 
iardinées,  la  réserve  des  taillis  sous  futaie,  peuvent  être  amé- 
nagés de  la  sorte. 

Observations  générales.  —  Quelle  que  soit  la  méthode 
adoptée  pour  déterminer  les  possibilités  par  volume  ou 
par  pieds  d'arbres,  elle  ne  saurait  être  parfaite.  La  prudence 
exige  donc  que  des  inventaires  fréquents  —  répétés  tous  les 
dix  ans  par  exemple  —  établissent  les  oscillations  du  matériel 
sur  pied.  C'est  le  seul  moyen  d'éviter  des  abus  de  jouissance 
ou  des  épargnes  exagérées.  Si  ces  inventaires  sont  dressés  de 
manière  à  faire  ressortir  l'accroissement,  ils  fourniront  des 
renseignements  intéressants  sur  l'effet  cultural  des  opérations. 

Dans  le  même  ordre  d'idées  rentre  la  tenue  de  sommiers  de 
contrôle,  registres  où  sont  inscrits,  par  parcelle  et  par  année, 
la  nature  et  l'importance  des  coupes,  les  prix  de  vente,  les 
travaux  d'amélioration  exécutés,  le  but  poursuivi,  les  dé- 
bours etc.  Une  colonne  est  réservée  aux  «  faits  divers  »  de  la 
forêt:  gelées  printanières,  invasions  d'insectes,  années  de  se- 
mence, etc. 

Les  anciennes  pratiques  forestières  françaises,  réglementées 
par  les  ordonnances  remarquables  qui  ont  servi  de  modèles  à 
notre  Code  forestier,  prévoyaient  les  exploitations  par  conte- 


NOTIONS    l>  AMÉNAGEMENT. 


181 


nance,  On  ne  concevail  pas  autrefois,  dans  noire  pays,  une 
forêt  aménagée, sans  compartiments  délimités  sur  le  terrain  et 
affectés  chacun  aux  exploitations  de  telle  ou  telle  année.  On  a 
fait  à  ces  méthodes  le  reproche  d'être  trop  primitives,  trop  peu 
savantes.  Peut-être  les  critiques  oubliaient-ils  qu'elles  avaient 
été  un  objet  d'études  raisonnées  pour  des  agents  de  la  marine 
et  des  forestiers  éminents,  parmi  lesquels  on  s'honore  de  comp- 
ter Réaumur,  Duhamel  du  Monceau,  de  Bulïbn,  Varenne  de 
Fenilles.  Peut-être  aussi  ne  songeaient-ils  pas  que  l'ordre  et 
la  suite  dans  les  opérations  de  gestion  sont  plus  assurés  quand 
on  est  lié  par  des  divisions  assises  sur  le  terrain,  que  lorsqu'on 
a  pour  seul  guide  un  nombre  de  mètres  cubes  d'un  calcul  sou- 
vent problématique. 

D'ailleurs,  rien  n'empêche  de  concilier  les  deux  choses  ; 
libre  à  chacun  de  faire  intervenir  les  volumes  dans  son  sys- 
tème d'aménagement;  mais  nous  ne  cesserons  de  recommander, 
avec  M.  Broilliard,  la  division  de  la  forêt  en  compartiments 
limités  par  des  chemins  de  vidange  ou  des  tranchées  bien 
tracées,  d'une  contenance  de  5  à  10  hectares,  véritables  unités 
de  gestion,  dont  le  développement  sera  suivi  pas  à  pas. 

Rappelons  enfin,  avant  de  commencer  l'étude  des  divers 
modes  de  traitement,  que  si  les  auteurs  forestiers  ont  dû,  pour 
les  besoins  de  leurs  règlements  ou  de  leurs  traités  didactiques, 
classer  les  systèmes  employés,  leur  donner  des  noms  et 
leur  imposer  des  définitions,  ils  admettent,  du  moins,  que  les 
méthodes  se  fondent  entre  elles,  et  que  chacune  possède  une 
élasticité  suffisante  pourse  plier  aux  exigences  des  arbres. 

Sous  l'empire  de  cette  idée,  nous  avons,  clans  les  quatre 
premiers  chapitres,  attaché  la  plus  grande  importance  à  tout 
ce  qui  concerne  la  vie  de  nos  essences  ligneuses.  Les  données 
qui  vont  suivre,  et  surtout  le  sens  forestier  du  sylviculteur, 
suffiront,  dès  lors,  à  lui  tracer  sa  ligne  de  conduite. 

Nous  étudierons  successivement  : 

1°.  Le  régime  delà  futaie  :  futaie  régulière,  futaie  jardinée. 

k2°.  Le  régime  du  taillis  simple  :  taillis  simple  régulier,  taillis 
fureté. 

3°.  Le  régime  du  taillis  sous  futaie. 

4°.  Les  améliorations  possibles  en  toutes  situations. 


CHAPITRE  VI 
LES   DIFFÉRENTS  MODES   DE  TRAITEMENT 

ARTICLE   PREMIER 

LA   FUTAIE   RÉGULIÈRE 

Principe  de  la  méthode.  —  Avantages  et  inconvénients.  —  La  régé- 
nération. —  Procédé  par  coupe  unique.  —  Procédé  par  coupes  suc- 
cessives .  — Soins  culturaux.  —  Application  aux  principales  essences. 

Principe  de  la  méthode.  —  On  se  propose  pour  but  : 

1°  d'assurer  la  régénération  complète  et  naturelle  de  la 
forêt  en  essences  appropriées  au  sol  et  au  climat,  et  de  créer 
une  suite  de  peuplements  uniformes,  d'âges  gradués  et  d'une 
composition  déterminée  à  l'avance; 

2°  de  profiter  de  cet  état  régulier  pour  améliorer  la  situation 
des  peuplements  en  croissance. 

Avantages  et  inconvénients.  —  L'irrégularité  première 
qu'affectent,  en  général,  les  fourrés  et  les  gaulis  est  favorable 
à  leur  végétation  ;  car,  en-dessous  de  l'étage  dentelé,  formé 
par  les  sujets  les  plus  forts,  se  maintiennent  des  tiges  retarda- 
taires et  surcimées,  dont  le  grand  nombre  augmente  la  densité 
du  massif.  Le  sol,  hermétiquement  couvert,  se  maintient  dans 
les  meilleurs  conditions  de  fertilité  pendant  toute  la  période 
de  jeunesse  qui  précède  la  formation  de  la  haute  futaie. 

L'état  uniforme,  le  plus  souvent  acquis  vers  la  dimension 
de  bas  perchis,  permet  d'intervenir  efficacement  pour  donner 
aux  sujets  d'élite  les  soins  culturaux  convenables.  En  favori- 
sant l'élagage  naturel,  il  augmente  aussi  la  production  du  bois 
d'œuvre  :  les  arbres  prennent  une  forme  régulière  et  allon- 
gée, leur  bois  reste  généralement  sain.  Au  point  de  vue  de 
la  qualité,    la  longueur   exagérée   des  fûts,  qui  accompagne 


l.  \    FUTAIE    Itl  (.1  LIERE. 


183 


une  faible  épaisseur  des  couches  ligneuses,  est  plus  ou  moins 
avantageuse   suivant  les  espèces  :  excellente  pour  les  sapins 


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(fig.  48),  les  épicéas,  les  pins,  —  bonne  pour  les  hêtres,  — 
parfois  moins  désirable  pour  les  chênes. 

Enfin,  la  futaie  régulière  assure  la  mise  en  ordre  des  forêts, 


184  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

le  rapport  soutenu,  la  facilité  des  exploitations  et  l'exactitude 
dans  la  comptabilité  et  le  contrôle. 

Par  contre,  cette  forme  présente  certains  dangers,  dont  l'im- 
portance est  atténuée  ou  aggravée  par  la  composition  des 
massifs.  C'est  ainsi  que,  dans  les  peuplements  purs,  la  haute 
futaie,  souvent  réduite  à  un  seul  étage,  s'achemine  plus  ou 
moins  vite,  suivant  le  sol,  le  climat  et  les  essences,  vers  l'état 
incomplet  qui  caractérise  la  vieillesse.  Le  feuillage  s'éclaircit, 
la  couverture  se  dégrade,  le  sol  se  tasse,  se  durcit  et  là  préci- 
sément où  il  va  être  appelé  à  recevoir  les  semences.  De  plus, 
ces  massifs  sont  exposés  à  être  renversés  par  les  ouragans, 
ou  encore  écrasés  par  la  neige,  qui  s'accumule  en  grande 
masse  sur  la  surface  horizontale  de  leurs  cimes.  Enfin,  chaque 
sujet  présentant  les  mêmes  conditions  d'âge  et  de  végétation 
que  ses  voisins,  ils  offrent  à  l'invasion  des  insectes  des  milieux 
identiques  et,  partant,  favorables  à  leur  multiplication. 

Dans  les  forêts  mélangées,  ces  inconvénients  sont  en  partie 
atténués;  mais  d'autres  soins  sont  nécessaires,  car  ils  exi- 
gent l'intervention  continuelle  du  forestier  pour  maintenir 
l'équilibre  entre  des  espèces  de  tempéraments  différents. 

En  tout  état  de  choses,  cette  période  de  régénération,  qui 
marque  la  fin  d'un  massif  et  le  commencement  d'un  autre, 
constitue  un  véritable  temps  de  crise,  pendant  lequel  une 
imprudence  ou  un  accident  de  force  majeure  peut  compro- 
mettre l'état  boisé. 

En  résumé,  les  allures  des  futaies  régulières  sont  entière- 
ment artificielles  :  les  peuplements  d'un  seul  âge  ne  se  créent 
jamais  spontanément  que  sur  des  espaces  restreints,  où  la  na- 
ture les  a  jetés  au  hasard,  en  un  jour  de  colère  ;  ils  ne  se  per- 
pétuent dans  cette  forme  que  grâce  à  l'intervention  de  l'hom- 
me et  à  l'aide  de  soins  incessants.  Aussi,  bien  qu'on  doive 
toujours  tenter  de  s'en  rapprocher  le  plus  possible,  à  cause 
des  avantages  incontestables  qu'elle  présente,  sera-t-il  prudent 
de  ne  la  rechercher  dans  toute  sa  rigueur  que  si  les  agents 
naturels  de  la  production  peuvent  se  plier  à  toutes  les 
exigences  qu'elle  comporte. 

La  régénération.  —  La  régénération  naturelle  d'une  futaie 
se  réalise  par  trois  sortes  d'opérations  consécutives  : 


LA    FUTAIE    RÉGULIÈRE, 


is:> 


1°  le  desserrement  des  cimes,  qui  favorise  la  mise  à  fruits 
des  porte-graines  ; 

2°  la  destruction  du  sous  bois  et  le  relèvement  du  couvert, 
qui  permettent  au  sol  de  recevoir  la  lumière  et  la  chaleur 
nécessaires  à  la  germination  des  graines  et  à  l'évolution  des 
semis; 

3°  la  mise  en  état  du  sol,  qui  doit  être  assez  meuble  pour 
que  les  graines  s'y  enterrent  légèrement  et  surtout  que  les 
racines  des  jeunes  plants  puissent  y  pénétrer. 

Le  desserrement  des  cimes  est  plus  ou  moins  intense  suivant 
les  cas;  il  peut  aller  jusqu'à  l'isolement  complet. 

La  destruction  des  sous  bois  consiste  dans  l'enlèvement  de 
toute  la  végétation  basse  :  sujets  dominés  ou  morts  bois.  Le 
relèvement  du  couvert  s'obtient  par  la  coupe  ou  l'ébranchage 
des  sujets  dont  le  feuillage  descend  près  du  sol  :  les  hêtres, 
les  charmes  surtout,  sont  le  plus  souvent  dans  ce  cas. 

La  mise  en  état  du  sol  est  inutile  si  le  terreau  et  la  couver- 
ture morte  sont  normalement  constitués.  Cette  situation  heu- 
reuse peut  exister  dans  les  forêts  dont  le  pâturage  est  proscrit, 
quand  on  y  a  observé  le  respect  des  sous  bois  jusqu'à  l'épo- 
que de  la  régénération.  Mais,  souvent  aussi,  le  sol  est  trop 
tassé,  ou  bien  une  couverture  vivante  fait  obstacle  à  l'instal- 
lation des  semis  ;  il  faut  alors  intervenir. 

Pour  les  semences  lourdes,  il  suffit  de  remuer  la  couche 
superficielle  du  sol  avec  une  charrue  spéciale  (1),  ou  simple- 
ment à  la  houe.  L'opération  se  fait  en  automne,  après  la  chute 
des  glands  et  des  faines.  Ces  «  crochetages  »,  d'un  usage  cou- 
rant dans  les  futaies  de  l'ouest  de  la  France,  où  ils  produisent 
les  meilleurs  effets,  coûtent  une  dizaine  de  francs  par  hec- 
tare. 

Quand  il  s'agit  de  graines  légères,  on  détruit,  avant  leur 
chute,  la  couverture  vivante  (herbes,  bruyères,  myrtilles, 
mousses),  ou  bien  on  rompt  la  couverture  morte  trop  épaisse 
(aiguilles  d'épicéa,  feuilles  de  hêtre)  par  les  moyens  les  plus 
économiques  dans  la  localité.  Ces  enlèvements  se  font  tantôt 
sur  toute  la  surface,  tantôt  sur  des  bandes  alternes,  de  0m,60  à 

(1)  Dubois,  Travaux  de  reboisement  exécutés  à  la  chai^rue  forestière 
dans  le  Blésois.  Blois,  irnpr.  Lecesne,  1862. 


186  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

0m,80  de  largeur,  séparées  par  des  intervalles  incultes  de  1  à 
2  mètres.  Mais,  en  toute  circonstance,  l'essentiel  est  de  limiter 
les  effets  de  la  culture  à  quelques  centimètres  au-dessous  de  la 
surface,  de  façon  à  ne  pas  enfouir  la  couche  de  terreau  en  la 
mélangeant  avec  la  terre  minérale  des  zones  plus  profondes  ; 
car  c'est  seulement  lorsque  les  semences  sont  en  contact 
immédiat  avec  l'humus,  qu'elles  germent  et  se  développent 
assez  promptement  pour  résister  à  la  chaleur  et  à  la  séche- 
resse de  l'été. 

Parfois,  dans  les  pentes  exposées  àl'ouest  ou  au  midi,  la  super- 
ficie est  dégradée  à  ce  point  que  toute  régénération  naturelle 
ou  artificielle  y  serait  impossible.  On  peut  améliorer  la 
situation  à  peu  de  frais,  en  ouvrant  une  série  de  petits  fossés 
disposés  horizontalement  en  la  forme  de  gradins.  Les  feuilles 
mortes  s'accumulent  au  fond  de  ces  rigoles,  l'humidité  s'y 
conserve,  et  il  se  forme  une  couche  fertile,  dans  laquelle  le 
semis  naturel  prend  à  la  longue. 

On  peut  aussi,  dans  certains  cas,  recommander  l'exploita- 
tion par  extraction  de  souches,  qui  ameublit  le  sol  par  places. 

Enfin,  dans  les  régions  où  l'habitude  du  panage  s'est  con- 
servée, on  a  souvent  recours  à  l'introduction  des  porcs.  Mais 
cette  pratique  doit  toujours  être  considérée  comme  un  moyen 
de  culture,  et  non  comme  un  profit;  car  les  produits  de  la 
glandée  peuvent  être  entièrement  dévorés  parles  hardes  qu'on 
laisserait  séjourner  à  jeun  dans  les  coupes. 

Nous  ne  saurions  trop  insister  sur  l'utilité  de  ces  travaux 
de  mise  en  état  du  sol.  En  les  négligeant,  on  s'expose  à 
attendre  indéfiniment  une  régénération  que  quelques  coups 
de  pioche  eussent  suffi  à  provoquer. 

Nous  conseillerons  d'ailleurs  de  ne  pas  hésiter  à  recourir 
à  la  régénération  artificielle  quand,  logiquement,  celle-ci  s'im- 
pose, c'est-à-dire  toutes  les  fois  que  les  porte-graines  sont  en 
nombre  insuffisant,  toutes  les  fois  que  des  gelées  printanières 
répétées  ou  une  cause  accidentelle  quelconque  entravent 
manifestement  l'intallation  du  semis.  Il  vaut  mieux,  en  pareil 
cas,  réaliser  les  bois  exploitables  avant  qu'ils  se  dégradent,  et 
reboiser  par  un  des  procédés  que  nous  indiquerons  dans  le 
chapitre  VIII. 


l  \    FUTAIE    RÉGULIÈRE.  187 

Enfin,  la  régénération  par   la  semence  et  l'éducation   des 

arbres  en  massifs  uniformes  pendant  de  longues  années  donnent 
inéluctablement  l'avantage  aux  essences  les  mieux  appropriées 

au  sol  et  au  climat  I  ;  à  l'instar  du  hêtre,  celles-ci  éliminent 
toutes  les  autres.  Si  doue  on  préfère  cultiver  des  espèces  plus 
précieuses,  mais  moins  bien  armées  pour  la  lutte,  eu  égard  à 
la  station,  il  faut  adopter  un  autre  mode  de  traitement  :  le 
taillis  sous  futaie,  par  exemple,  où  des  recépages  fréquents 
donnent  plus  de  puissance  à  l'intervention  du  sylviculteur.  Il 
est  illogique  de  vouloir  marcher  à  l'encontrc  de  cette  loi  na- 
turelle. Nous  avons  vu  quelquefois,  avec  regret,  des  régénéra- 
tions en  hêtre  sur  des  terrains  peu  profonds  de  l'oolithe,  qui 
ne  demandaient  qu'à  prendre  leur  essor,  et  que  l'on  sacri- 
fiait à  l'espoir  chimérique  de  leur  substituer  le  chêne.  Avec 
un  pareil  système,  on  dépense  beaucoup  d'argent,  pour 
obtenir,  en  fin  d'opération,  des  fourrés  d'aubépine  ou  de  cor- 
nouiller. 

La  régénération  d'une  futaie  régulière  peut  se  faire  par 
coupe  unique, oupar  coupes  successives. 

Procédé  par  coupe  unique.  —  Ce  procédé  consiste  à 
exploiter  systématiquement,  en  une  seule  fois,  fout  le  ma- 
tériel existant  sur  les  surfaces  à  rajeunir,  et  à  confier  à  la 
nature  le  soin  de  régénérer  celles-ci  par  l'apport  des  graines 
provenant,  soit  des  peuplements  voisins,  soit  de  quelques 
arbres  réservés  dans  l'enceinte  parcourue.  En  deux  mots,  la 
coupe  unique  est,  pour  la  nature,  une  sorte  de  mise  en  de- 
meure de  procéder  à  la  façon  du  malheureux  qui  ramasse  un 
chiffon  quelconque  pour  rapiécer  son  vêtement  en  lambeaux; 
elle  prend  une  essence  au  hasard,  la  première  venue,  pour 
cacher  la  nudité  du  sol  brutalement  découvert.  Ceci  explique 
les  bigarrures  des  vieilles  futaies  dont  l'origine  remonte  à 
ce  traitement.  Ici,  le  hasard  a  favorisé  le  chêne;  plus  loin, 
le  hêtre  ou  le  charme  sont  à  l'état  pur;  parfois  encore,  un 
champ  de  bruyères  a  succédé  aux  bois  tendres  et  appelle  la 
régénération  artificielle   en   pins.    L'ensemble    constitue   ces 

(1)  Exception  peut  être  faite  pour  le  sapin,  qui,  grâce  à  son  abondante 
fructification  et  surtout  à  son  tempérament  d'ombre,  est  envahissant, 
même  dans  des  stations  où  il  n'existe  pas  spontanément. 


lOO  LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

«  futaies   irrégulières  »,    dont   parlent    Lorenlz    et    Parade. 

Que  l'exploitation  soit  faite  à  blanc  étoc  ou  à  tire  et  aire  (1), 
la  coupe  unique  ne  peut  être  appliquée  méthodiquement 
aux  essences  à  graines  lourdes  ;  car,  si  le  semis  de  ces  espèces 
n'existe  pas  avant  l'opération,  il  ne  se  formera  plus  après. 
En  effet,  le  sol  dénudé  se  dégrade  rapidement  et  ne  se  couvre 
que  d'espèces  à  graines  légères,  de  telle  sorte  que  le  jeune 
peuplement  formé  n'aura  aucune  ressemblance  avec  celui 
qui  l'a  précédé. 

Même  dans  les  circonstances  les  plus  favorables,  c'est-à- 
dire  quand,  au  moment  de  son  passage,  le  sol  est  garni  de 
semis  préexistants  des  essences  à  cultiver,  la  coupe  rase  n'est 
pas  mieux  justifiée  : 

1°  parce  qu'elle  entraîne  le  développement  de  l'espèce 
unique  dont  le  semis  existe  au  moment  où  on  vient  découvrir 
le  sol  et  donne  ainsi  naissance  à  des  peuplements  purs  fgéné- 
ralement  d'essences  d'ombre)  ; 

2°  parce  que  les  semis  préexistants  disparaissent  en  grand 
nombre  sous  l'influence  d'une  trop  brusque  exposition  aux 
agents  atmosphériques  (insolation,  sécheresse,  gelée)  ; 

3°  enfin,  parce  que  l'exploitation  et  l'enlèvement  d'un 
matériel  considérable  sur  des  surfaces  restreintes,  fatigue  le 
semis  au  point  de  compromettre  son  existence. 

L'emploi  de  la  coupe  unique  reste  donc  limité  à  la  régé- 
nération des  espèces  à  graines  légères.  Encore  faut-il  que 
cette  condition  soit  accompagnée  de  certaines  circonstances 
favorables  :  en  montagne,  par  exemple  aux  grandes  altitudes 
et  sur  les  points  où  la  violence  des  vents  empêche  d'utiliser 
une  méthode  plus  perfectionnée.  En  ces  stations,  le  nombre 
des  espèces  est  très  restreint;  les  arbustes  et  les  arbrisseaux 
faisant  à  peu   près   défaut,  le  sol  dénudé  ne  se  couvre  que 

(1)  La  coupe  unique  a  été  appliquée  à  toutes  les  futaies  feuillues  de 
l'Ile  de  France,  de  la  Normandie  et  du  Berry,  en  exécution  de  l'Ordon- 
nance de  1669.  Ces  forêts  étaient  exploitées  par  contenance,  de 
proche  en  proche  et  à  tire  et  aire,  avec  reserve  d'un  certain  nombre 
de  porte-graines  (20  par  hectare)  ;  en  même  temps,  on  imposait  l'obli- 
gation de  ne  jamais  revenir  en  arrière  pour  faire  des  coupes  d'amélio- 
ration ou  autres,  et  de  répandre  une  certaine  quantité  de  graines  sur  les 
parcelles  récemment  exploitées. 


LA   PUTAIB   aBGULlÈRB,  189 

d'herbes   grêles  et    peu    touffues,    nu   milieu    desquelles   les 

graines  ailées  des  mélèzes,  des  épicéas,  des  pins  de  montagne, 

provenant  des  massifs  voisins,  s'installent  en  plein  découvert. 

Pour  faciliter  leur  régénération,  ces  coupes  blanches  son! 

disposées  par  bandes  longues  et  étroites,  et  marchent  à  la 
rencontre  des  vents  dominants.  On  cherche  également  à  les 
établir  dans  la  direction  de  la  ligne  de  plus  grande  pente, 
plutôt  que  suivant  l'horizontale;  enfin,  il  est  toujours  pru- 
dent de  réserver  à  la  limite  supérieure  de  la  forêt  une  zone 
d'abri  intacte.  On  doit  d'ailleurs  renoncer  à  cette  méthode 
partout  où  les  pentes  sont  très  raides. 

Quoiqu'il  arrive,  la  régénération  ne  s'obtient  qu'assez  len- 
tement et,  souvent,  on  est  obligé  de  la  compléter  artificielle- 
ment. Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  on  'a  proposé  de  dis- 
poser les  coupes  par  bandes  alternées,  dont  les  unes  sont 
rasées  et  les  autres  conservées  en  massif  plein  ;  les  bandes 
nues,  mieux  abritées  et  recevant  la  graine  des  deux  côtés  à 
la  fois,  auraient  ainsi  plus  de  chances  de  se  régénérer.  Nous 
connaissons  dans  les  Alpes  des  couloirs  d'avalanche  qui 
simulent  à  merveille  des  coupes  par  bandes  et  qui  se  gar- 
nissent de  semis.  Mais,  s'appuyer  sur  ces  résultats  acciden- 
tels pour  ériger  la  chose  en  système  de  régénération,  nous 
paraît  bien  imprudent,  d'autant  plus  que  les  bandes  de  mas- 
sifs demeurés  debout  sont  à  la  merci  des  ouragans. 

Où  la  coupe  unique  donne,  au  contraire,  des  résultats  à 
peu  près  certains,  où  elle  semble  d'une  application  logique  et 
recommandable,  c'est  dans  les  stations  chaudes  des  plaines 
girondines  et  provençales,  lorsqu'on  a  affaire  à  des  essences 
de  lumière,  et  portant  régulièrement  de  la  graine,  comme  le 
pin  maritime  et  le  pin  d'Alep.  11  suffit  d'exploiter  le  massif 
à  blanc,  en  automne,  avant  la  dissémination  des  graines;  les 
cônes  se  détachent  en  ce  moment  et,  si  l'on  prend  la  précau- 
tion d'activer  l'exploitation  et  la  vidange,  de  manière  que  le 
parterre  soit  débarrassé  avant  la  germination  des  graines,  on 
voit  le  sol  se  garnir  d'une  quantité  de  jeunes  plants  suffisante 
pour  assurer  la  régénération.  Ces  jeunes  sujets  sont  doués 
d'une  végétation  assez  rapide  pour  s'élever  en  même  temps 
que  le  fourré  des  morts  bois  qui  les  enserre  de  toute  part. 


190  LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Dans  les  pignadars  du  Sud-Ouest,  les  cônes  des  arbres 
exploités  jonchent  le  sol  et  le  couvrent  de  graines  qui  germent 
bientôt  ;  souvent,  d'ailleurs,  on  laisse  debout  pendant  deux  ou 
trois  ans  quelques  pins  épars,  analogues  aux  anciennes  réser- 
ves prévues  par  l'ordonnance  de  1669,  et  qui  complètent 
l'ensemencement. 

Procédé  par  coupes  successives.  —  La  méthode  des  cou- 
pes successives  offre  beaucoup  moins  d'aléa.  Au  lieu  d'enle- 
ver en  bloc  tout  le  matériel  sur  pied  (fig.  49)  dans  une  par- 
celle donnée,  on  le  réalise  par  fractions  de  telle  sorte  que  le 
nouveau  peuplement  s'installe  sous  l'ombrage  et  se  substitue 
graduellement  à  l'ancien.  Ces  opérations  de  régénération 
portent  les  noms  de  coupe  cl  ensemencement ,  coupes  secon- 
daires et  coupe  définitive. 

Gomme  son  nom  l'indique,  la  première  a  pour  but  de  favo- 
riser l'ensemencement,  en  provoquant  la  production  des 
graines  et  en  mettant  le  sol  en  état  de  les  recevoir  avec  uti- 
lité (fig.  50). 

Si  l'on  tient  compte  de  l'état  superficiel  du  sol,  de  la  fécon- 
dité locale  des  espèces  et  de  la  rigueur  du  climat,  cette  pre- 
mière coupe  peut  être  faite  tantôt  sombre,  tantôt  espacée. 

La  coupe  est  sombre,  dit  M.  Bagnéris  (1),  quand  les  branches  laté- 
rales des  cimes  des  réserves  se  touchent  lorsqu'elles  sont  agitées  par 
le  vent. 

Dans  la  coupe  espacée,  l'intervalle  entre  les  cimes  peut  aller  de  2  à 
j  et  6  mètres. 

La  coupe  ombre  est  celle  qu'on  a  le  plus  souvent  l'occasion  d'appli- 
quer; elle  est  nécessaire  toutes  les  fois  que  la  semence  est  lourde  et 
s'écarte  peu  du  pied  de  l'arbre  qui  l'a  produite,  que  le  tempérament  du 
jeune  plant  est  délicat,  que  le  sol  est  exposé  à  s'enherber  fortement 
ou  à  se  dessécher,  qu'on  opère  sur  les  lisières  des  forêts  ou  dans  les 
endroits  exposés  aux  vents. 

Quant  aux  porte-graines,  il  est  évident  qu'il  faut  les  conserver 
parmi  les  pieds  les  plus  vigoureux,  ceux  à  fût  élevé  et  dont  la  cime  est 
largement  développée.  On  doit,  avant  tout,  s'attacher  à  une  égale 
distribution  du  feuillage  et  non  à  la  régularité  de  répartition  des  tiges. 

Pour  que  la  régénération  soit  suffisante  à  tous  égards,  il 
suffit  que  les  espèces  à  cultiver  soient  représentées  par  quel- 

(1    Bagnéris,  Manuel  de  sylviculture,  2"  édition.  Nancy,  1878. 


1  \    FUTAIE    Itl'ci -J.1KHF.  191 

ques  plants  au  mètre  carré,  pourvu  qu'ils  soicni   uniforme' 


Fig\  49.  —  Vieille  futaie  de  chênes,  canton  des  Clos,  dans  la  forêt  de 
Bercé  (Sarthe).  D'après  une  photographie  de  M.  Couturier,  photo- 
graphe au  Mans. 

ment  répartis,  Ce  résultat  obtenu,  il  est   inutile    de   refuser 
plus  longtemps  au  jeune  semis  la  lumière  dont  il  a  besoin  ; 


192  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

on  juge  d'ailleurs  de  son  état  de  gêne  à  la  pâleur  de  son  feuil- 
lage et  à  la  faible  longueur  de  ses  pousses. 

Le  moment  est  venu  de  faire  les  coupes  secondaires.  A  cet 
effet, on  désigne  pour  être  abattus  un  certain  nombre  d'arbres, 
choisis  parmi  ceux  qui  recouvrent  les  semis  les  plus  complets 
et  les  plus  vigoureux:  les  plus  gros  sont  généralement  les 
plus  nuisibles;  on  laisse  mieux  garnies  et  tout  à  fait  intactes 
les  places  insuffisamment  ensemencées  ou  celles  qui  sont 
peuplées  de  sujets  trop  jeunes  (fîg.  51),  pour  éviter  à  ceux-ci 
les  insolations  trop  brusques,  le  dessèchement  du  sol  et  les 
accidents  de  gelée  (1). 

Ces  extractions  se  font  avec  une  lenteur  mesurée  par  la 
rigueur  du  climat,  la  fertilité  du   sol  et   le   tempérament  des 

essences. 

Les  circonstances  fussent-elles  aussi  favorables  que  pos- 
sible, on  serait  toujours  amené  à  faire  les  coupes  en  plusieurs 
fois,  afin  d'épargner  au  jeune  semis  la  fatigue  considérable 
qui  serait  la  conséquence  de  l'enlèvement  d'une  trop  grande 
quantité  de  produits  sur  des  espaces  restreints. 

Sous  l'influence  de  ces  coupes  secondaires  successives,  le 
semis  participe  progressivement  à  la  lumière  ;  il  s'installe  et 
grandit.  En  même  temps  s'opère  le  mélange  naturel.  Après 
les  espèces  sociales  installées  les  premières,  les  formes  dis- 
séminées, dont  la  graine  légère  vient  des  massifs  environ- 
nants, apparaissent  à  leur  heure,  au  fur  et  à  mesure  que  le 
découvert  fait  naître  sur  le  sol  les  conditions  favorables  au 
tempérament  de  chacune  d'elles.  Quel  que  soit  l'avenir  réservé 
à  ces  régénérations  de  hasard,  elles  jouent,  comme  rem- 
plissage, un  rôle  des  plus  utiles  et  hâtent  la  formation  du 
fourré. 

On  conduit  ainsi  le  peuplement  jusqu'au  moment  où, 
passant  au  gaulis,  il  n'a  plus  à  redouter  ni  le  plein  soleil,  ni  la 
sécheresse,  ni  la  gelée.  Alors  la  coupe  définitive  lui  donne 
un  libre  essor.  Celle-ci  fait  disparaître  les  derniers  représen- 
tants de  l'ancienne  futaie.  A  proprement  parler,  elle  n'est  que 
la  dernière  des  coupes  secondaires  ;  car  elle  n'enlève  ni  plus, 

(1)  Les  arbres  d'abri  :  1°  diminuent  l'intensité  du  rayonnement  noc- 
turne; 2°  empêchent  un  réchauffement  trop  brusque  après  la  gelée. 


i\    FUTAIE    RÉGULIÈRE, 


93 


DÎ  moins  de  matériel,  elle  ne  donne  ni  plus,  ni  moins  de 
lumière  que  ne  le  fait  chacune  de  ces  exploitations  relative- 
ment à  celle  qui  l'a  précédée  (l). 


Fig.  50.  —  Coupe  d'ensemencement  dans  une  futaie  de  chênes,  forêt  de 
Bercé  (Sarthe).  (Photographie  de  M.  P.  Galland.) 

Remarques  générales.  —   1°  Suivant  les  circonstances,  il 
faut  compter  qu'il  s'écoulera  de  10  à  25  ans  entre  la~coupe 

(1)' Au  point  de  vue  économique,  il  serait  souvent  désirable  de  laisser 
surjpied,  après  le  passage"de  la  coupe  définitive,  des  chênes  de  végé- 

BOPPE   et  JOLYET.  13 


J94  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

d'ensemencement  et  la  coupe  définitive.  La  durée  de  cette 
période  sera  plus  longue  chez  les  essences  d'ombre  (sapin, 
hêtre)  que  chez  les  essences  de  lumière  (pin  sylvestre,  chêne)  ; 
—  plus  longue  dans  les  peuplements  mélangés  que  dans  les 
peuplements  purs;  —  sous  les  climats  rudes  que  sous  les  cli- 
mats doux;  —  sur  les  points  exposés  aux  gelées  prin- 
tanières  que  sur  ceux  où  ces  dangers  ne  sont  pas  à  redouter. 

2°  Dans  les  sols  médiocres,  superficiels,  dans  les  hautes 
stations,  les  coupes  d'ensemencement  devraient  être  faites 
moins  sombres  à  cause  de  la  rareté  des  années  de  semence, 
de  la  moindre  fertilité  des  arbres  et  aussi  de  l'enchevêtre- 
ment des  racines  de  la  vieille  futaie,  qui  dessèchent  superficiel- 
lement le  sol  et  ne  laissent  au  semis  aucune  place  disponible 
où  il  puisse  s'installer.  Mais  ces  coupes  trop  claires  auraient 
l'inconvénient  de  dégrader  davantage  la  surface  ;  aussi  est-il 
préférable  de  procéder  par  petites  trouées,  disposées  de 
loin  en  loin,  en  choisissant  les  places  où  il  existe  déjà  du 
semis.  Le  passage  des  coupes  secondaires  augmente  l'étendue 
de  ces  découverts,  au  fur  et  à  mesure  que  les  jeunes  brins 
naissent  sur  leurs  bords  ;  à  la  longue,  les  semis  se  rejoignant, 
la  surface  entière  est  régénérée.  Ce  moyen  est  également 
recommandable  pour  obtenir  un  mélange  naturel. 

3"  La  méthode  par  coupes  successives  donne  naissance  à 
des  semis,  qui  se  présentent  sous  forme  de  taches  d'autant 
plus  inégales  en  hauteur  que  la  période  de  régénération  aura 
été  plus  longue.  Cet  état,  au  lieu  d'être  nuisible,  est  plutôt 
avantageux  puisque,  tout  en  favorisant  les  mélanges,  il 
donne  plus  de  densité  au  peuplement  et  augmente  sa  force 
de  résistance  contre  la  neige,  le  givre  ouïe  verglas.  D'ailleurs, 
ces  inégalités  s'atténuent  avec  l'âge  et  disparaissent  avant 
l'état  de  haut  perchis. 

Les  soins  culturaux.  —  Le  plus  souvent,  il  y  a  lieu  de 
commencer  les  dégagements  de  semis  pendant  la  durée  même 

tation  vigoureuse,  qui  acquerraient,  clans  la  suite,  des  dimensions 
exceptionnelles.  L'expérience  a  malheureusement  montré  que  ces 
arbres  se  dégracient  presque  toujours  aussitôt  après  leur  isolement, 
et  qu'il  faut  les  réaliser  à  bref  délai.  En  tout  cas,  la  question  ne  se 
pose  que  pour  les  essences  de  lumière  à  bois  parfait  distinct  et  de 
grande  valeur,  comme  le  chêne. 


I    \     I  ITMi:     HLC.ri.lKHB. 


195 


de  la  période  de  régénération,  dès  les  premières  années  qui 
suivent  la  coupe  d'ensemencement.  <>n  les  répète  aussi  sou- 
vent qu'il  est  nécessaire,  jusqu'à  ce  que  les  tiges  des  espèces 
à  cultiver  soient  généralement  dominant  es;  il  doit  en  être  ainsi 
vers  L'époque  du  passage  de  L'étal  de  gaulis  à  celui  de  perchis. 


Fig.  51.  —  Coupe  secondaire  dans  une  futaie  de  chênes,  forêt  domaniale 
de  Champenoux  (Meurthe-et-Moselle).  —  A  droite  :  espace  occupé 
par  un  semis  incomplet  ou  peu  développé,  au-dessus  duquel  on  a 
maintenu  des  grands  arbres.  —  A  gauche  :.  tache  de  semis  bien 
développés,  au-dess.is  desquels  on   a  fait   un  large    découvert. 


Alors  la  constitution  générale  du  peuplement  est  acquise  : 
il  reste  à  l'améliorer  dans  sa  composition,  sa  consistance  et  le 
choix  des  sujets  d'avenir.  C'est  le  rôle  des  éclaircies,  étudiées 
dans  le  chapitre  V. 

Application  aux  principales  essences.  —  Nous  donnons 
ci-après  le  résumé  succinct  des  opérations  applicables  à 
celles  de  nos  essences  sociales  'qui  sont   susceptibles   d'être 


196 


LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 


traitées  en  futaie  régulière,  renvoyant  aux  Chapitres  II  (les 
essences)  et  III  (les  peuplements),  pour  tout  ce  qui  concerne 
leur  tempérament  et  leurs  allures  forestières. 


Hêtre. 


Régénération.  —  Fruits  lourds  :  coupe  d'ensemencement 
très  sombre,  formant  un  abri  régulièrement  réparti  si  la  sta- 


Fig.  52.  —  Coupe  d'ensemencement  et,  au  dernier  plan,  coupe  secondaire 
dans  une  futaie  de  hêtres,  forêt  de  Lyons-la-Forêt,  canton  de  Pain 
d'Épices.  (Photographie  de  M.  J.  George.) 

tion  est  fertile  (fig.  52),  interrompu  par  de  petites  trouées  si  le 
sol  est  pauvre  et  superficiel. 

Mise  en  état  du  sol  par  un  ratissage  des  couches  trop  épaisses 
de  feuilles  mortes,  ou  par  un  crochetage  des  surfaces  tassées 
et  de  la  couverture  vivante  (mousses  et  plantes  diverses). 
Profiter  des  semis  préexistants  (1)  s'ils  n'ont  pas  été  trop  long- 

(1)  On  appelle  semis  préexistants  des  semis,  —  appartenant  presque 
toujours  à  des  essences  d'ombre,  —  qui  s'installent  sous  un  massif 
préalablement  à  toute  coupe  de  régénération. 


CHENE    ri  R. 


[91 


temps  dominés;  attendre  patiemment  que  les  faînées  partielles 
complètent  les  régénérations  insuffisantes  au  début. 

Coupes  secondaires  1res  prudentes,  au  nombre  de  quatre  ou 
cinq,  Limitées  chacune  à  l'enlèvement  d'un  arbre  sur  trois  ou 
quatre  avec  retour  tous  les  cinq  à  six  ans.  On  sait, en  effet,  que 
les  jeunes  hèlres  supportent  aisément  un  couvert  prolongé. 

Dégagement  de  semis. —  Le  hêtre  se  défend  contre  les 
semis  de  toutes  les  autres  grandes  essences.  Parfois,  des  déga- 
gements peuvent  s'imposer  pour  le  protéger  contre  l'envahis- 
sement des  rejets,  des  morts-bois  et  des  ronces. 

Eclaircies.  —  Le  hêtre  se  plaît  en  massif  très  serré.  La 
première  éclaircie  n'est  nécessaire  qu'une  fois  l'état  de  bas 
perchis  bien  aftirmé.  De  ce  moment,  jusqu'à  l'âge  de 
cent  ans  :  eclaircies  tous  les  dix  ans,  à  faire  très  prudentes, 
pour  favoriser  l'élagage  naturel  et  éviter  les  ronces.  A  partir 
de  cent  ans,  ne  plus  les  répéter  que  tous  les  quinze  à  vingt 
ans. 

Respect  absolu  de  l'étage  dominé  ;  enlèvement  systéma- 
tique des  sujets  tarés  ou  branchus  qui  ne  paient  pas  la  place 
qu'ils  occupent. 

Chêne   pur. 

Régénération.  —  Fruits  lourds:  coupe  d'ensemencement 
sombre,  dont  l'abri  sera  toujours  régulièrement  réparti. 

Nettoiement  radical  du  sol,  excepté,  pourtant,  dans  les 
régions  où  les  années  de  semence  sont  rares  ou  très  rares; 
on  attendra,  en  pareil  cas,  pour  faire  l'opération,  que  la  glan- 
dée  soit  certaine.  Partout  et  toujours,  crochetage  au  moment 
de  la  chute  des  glands. 

Le  semis  général  ne  peut  être  que  le  produit  d'une  glandée 
complète,  les  résultats  partiels  disparaissant  sous  un  couvert 
prolongé  (1).  Dès  qu'on  juge  la  régénération  acquise,  procé- 
der aux  coupes  secondaires.  Les  faire  d'autant  plus  intenses 

(1)  Souvent,  les  jeunes  semis  de  chêne,  dont  la  tigelle  semble  morte, 
conservent,  dans  les  régions  avoisinant  le  collet  de  la  racine,  une  vita- 
lité suffisante  pour  émettre  des  rejets  qui  s'élancent  à  nouveau  des 
que  la  lumière  leur  parvient.  Aussi  dit-on  que  les  jeunes  chênes  se 
recèpent  sous  le  couvert. 


198  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

que  les  gelées  printanières  sont  moins  à  craindre;  à  chaque 
passage,  prendre  un  arbre  sur  deux  ou  trois,  en  évitant  d'a- 
battre trop  de  matériel  à  la  fois. 

Dans  la  région  girondine,  une  coupe  secondaire,  ou  deux 
au  plus,  précèdent  la  coupe  définitive  ;  dans  celle  du  Centre 
et  de  l'Ouest,  deux  ou  trois  sont  nécessaires.  Enfin,  dans  le 
Nord  et  l'Est  de  la  France,  on  doit  procéder  plus  lentement, 
pour  éviter  les  accidents  de  gelée  et  pour  permettre  aux 
essences  de  remplissage  de  combler  les  lacunes  d'une  régé- 
nération trop  souvent  incomplète. 

Dégagements  de  semis.  —  Ils  sont  presque  toujours 
indispensables  (sauf  peut-être  dans  la  région  girondine).  Leur 
nécessité  s'impose  partout  où  la  rareté  des  années  de  semence 
permet  aux  morts  bois  et  au  hêtre  de  s'installer  avant  le  chêne. 

Eclaircies.  —  Jusqu'à  l'état  de  bas  perchis  le  chêne  pur 
peut  former  des  massifs  assez  denses.  Mais,  à  partir  de  cette 
époque,  les  tiges  demandent  à  être  desserrées  :  dès  qu'on  les 
voit  se  couvrir  de  gourmands,  on  peut  être  certain  qu'elles 
souffrent  et  qu'il  faut  intervenir.  Alors,  procéder  hardiment 
en  faveur  des  tiges  d'avenir  qui  s'affirment  ;  revenir  tous  les 
dix  ans,  et  même  plus  souvent,  jusqu'à  l'état  de  haut 
perchis  ;  enlever  les  chênes  dominés,  qui  sont  voués  à  une 
mort  inévitable,  mais  respecter  tous  les  sous-bois  de  hêtre 
ou  d'essences  diverses  qui  peuvent  exister.  Il  suffit  de  par- 
courir tous  les  vingt  ans  les  hautes  et  les  vieilles  futaies. 

Chêne  et  hêtre    mélangés. 

Régénération.  —  Opérer  comme  ci-dessus,  mais  en  ayant 
soin,  de  toute  nécessité,  d'installer  le  chêne  le  premier;  à  cet 
effet,  traiter  les  semis  préexistants  de  hêtre  comme  des  morts 
bois:  les  couper,  ou  mieux  les  arracher.  Le  chêne  ayant  pris 
possession  du  terrain  après  une  bonne  glandée,  permettre 
seulement  au  hêtre  de  combler  peu  à  peu  les  vides. 

Donner  à  une  même  coupe  secondaire  une  intensité 
variable  suivant  l'espèce  à  favoriser  sur  un  point  donné  :  la 
faire  plus  intense  là  où  l'on  veut  du  chêne,  plus  timide  sur 
les  places  réservées  au  hêtre. 


V  \l'l\. 


11)0 


Dégagements  de  semis.  —  Os  opérations  sont  toujours 
indispensables  pour  protéger  le  chêne  contre  !«■  hêtre  el  les 
rejels  envahissants. 

Éclaircies.  —  Kllcs  sont  laites  en  forme  d'éclaircies-déga- 
gements,  et  répétées  tous  les  quatre  à  cinq  .m-  dans  les  gaulis 
et  les  bas  perehis,  sans  jamais  dépasser  dix  à  douze  ans,  quel 
que  soit  l'âge  du  massif. 

Ces  soins  culturaùx  sont  bien  simplifiés  si  Ton  établit  un 
mélange  par  compartiments.  Il  suffit  alors  de  protéger  le  chêne 
sur  les  bords  des  placeaux  où  il  vit  à  l'état  pur,  tout  en  béné- 
ficiant de  l'avantage  d'une  association  avec  le  hêtre. 

Une  excellente  pratique,  indispensable  même  dans  les  futaies 
de  chêne  conduites  au-delà  de  deux  cents  ans,  est  la  création 
d'un  sous-étage  de  hêtre  sous  les  chênes  arrivés  à  l'état  de 
haut  perehis. 

Sapin. 

Régénération.  —  Essence  d'ombre,  habitant,  en  outre, 
des  stations  exposées  au  vent  :  coupe  d'ensemencement  très 
sombre. 

S'il  y  a  lieu,  détruire  la  couverture  vivante  (herbes,  myr- 
tilles, bruyères)  et  mettre  le  terreau  à  nu  par  bandes.  Inutile 
de  recéper  les  morts  bois  feuillus  (sureaux,  coudriers,  etc.) 
qui  envahissent  fréquemment  le  parterre  des  coupes;  car 
avec  le  temps,  le  sapin  s'installera  sous  leur  couvert  devenu 
moins  épais,  dans  l'excellent  terreau  formé  par  leurs  détritus. 
Utiliser  les  semis  préexistants  dont  l'avenir  ne  paraît  pas  com- 
promis. 

Commencer  les  coupes  secondaires  quand  le  sapineau  est 
verticillé,  c'est-à-dire  âgé  de  six  à  huit  ans.  Les  conduire  avec 
lenteur.  Dans  la  crainte  des  chablis,  il  est  permis,  aux  gran- 
des altitudes,  où  les  insolations  sont  moins  à  craindre,  de  lais- 
ser la  régénération  s'installer  solidement,  puis,  après  dix  à 
douze  ans,  de  passer  sans  transition  à  la  coupe  définitive. 

Quand  la  régénération  se  fait  attendre,  ou  parait  aléatoire, 
procéder  par  trouées  prudentes,  ou  par  bandes  qui  pro- 
gressent du  périmètre  vers  le  centre  du  massif. 


"2(>0  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Dégagements  de  semis.  —  Le  jeune  sapin  arrive,  en 
général,  à  percer,  par  ses  seuls  moyens,  des  fourrés  épais  de 
hêtres  ou  de  morts  bois.  Néanmoins,  afin  d'éviter  que  les 
sujets  dominés  soient  déshonorés  par  la  perte  de  leur  flèche, 
il  est  toujours  utile  d'intervenir  par  des  dégagements  de  semis 
sobres  et,  par  suite,  peu  coûteux. 

Éclaircies.  —  Bien  que,  par  son  tempérament,  le  sapin 
accepte  de  vivre  en  massifs  très  denses,  les  éclaircies  sont  du 
plus  haut  intérêt.  Très  délicates  à  conduire  dans  des  peuple- 
ments mal  dirigés  au  début,  elles  deviennent  faciles  si  l'on 
a  toujours  eu  soin  de  respecter  scrupuleusement  les  sujets 
dominés.  Dans  ces  éclaircies,  enlever  avant  tout  les  arbres 
champignonnés,  chaudrorînés  ou  mal  conformés  ;  adopter  les 
mêmes  périodicités  que  pour  le  hêtre. 

Le  sapin  peut,  à  la  rigueur,  être  traité  à  l'état  pur  dans  les 
régions  moyennes  de  son  aire.  Mais,  sur  les  limites  de  celle-ci, 
un  mélange  rationnel  avec  les  essences  qui  le  précèdent  ou 
qui  le  suivent  est  indispensable. 

Aux  altitudes  basses,  le  hêtre  s'impose.  Aux  altitudes 
élevées,  cette  essence  donne  des  produits  dont  la  valeur  mar- 
chande est  des  plus  médiocres  ;  d'autre  part,  étant,  en 
pareille  station,  bien  plus  souvent  fertile  que  le  sapin,  elle 
devient  envahissante;  aussi,  sans  la  proscrire  systématique- 
ment, semble-t-il  indiqué  de  donner  dans  le  mélange,  —  au 
besoin  par  voie  artificielle,  —  une  large  part  à  l'épicéa,  comme 
cela  se  présente  spontanément  dans  le  Jura  et  dans  les  Alpes. 
Dans  l'un  et  l'autre  cas,  la  conduite  des  exploitations  sera 
modifiée  pour  tenir  compte  des  exigences  du  nouveau  venu. 

Épicéa. 

Régénération. —  Semence  ailée  :  coupe  d'ensemencement 
assez  claire;  toutefois,  les  chablis  étant  à  redouter,  il  vaut 
mieux  procéder  par  trouées  éparses,  en  enlevant  trois  ou 
quatre  arbres  sur  le  même  point. 

Le  ratissage  par  bande  de  la  couverture  vivante,  et  sur- 
tout des  couches  épaisses  d'aiguilles  non  décomposées,  faci- 
lite l'installation  du  semis. 


I  PI(  I  \ 


J(M 


Fig.  53.—  Épicéas  de  Gilley  Doubs;,  1892.  —  Arbres  atteignant 
50  m.  de  hauteur.  (Photographie  de  M.  Thiollier.) 


202  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Dans  la  haute  montagne,  les  jeunes  épicéas  supportent 
assez  bien  le  couvert  des  grands  hêtres,  moins  nuisible 
qu'en  plaine  par  suite  de  la  petitesse  du  limbe  des  feuilles  ; 
mais  il  faut  extirper  les  semis  préexistants  de  cette  espèce, 
quand  ils  couvrent  les  parcelles  à  régénérer.  Il  n'en  est 
pas  de  même  des  arbustes,  dont  la  présence  ou  l'apparition 
n'ont  rien  d'inquiétant  :  «  La  régénération,  dit  M.  l'Inspec- 
»  teur  Guinier  (1),  est  médiate  et  indirecte,  quand  elle  a 
»  lieu  lentement  et  seulement  avec  l'intermédiaire  de  phases 
»  diverses  de  végétation,  c'est-à-dire  après  l'occupation  suc- 
»   cessive  du  sol  par  certaines    plantes  herbacées   ou  arbo- 

»  rescentes.... Il    ne   faut   donc  pas  considérer  l'avenir 

»  comme  compromis  et  la  forêt  comme  ruinée  parce  que  la 
»  régénération  immédiate  et  directe  n'est  pas  obtenue  et  que 
»  le  sol  est  envahi  par  cette  végétation  appelée  bien  à  tort 
»  parasite.  Au  contraire,  c'est  une  végétation  auxilliaire...  » 
A  l'appui  de  celte  théorie,  rappelons  certains  cantons  du 
Jura,  où  le  massif,  détruit  par  la  tempête,  a  fait  place  à  une 
végétation  herbacée,  puis  frutescente,  au  milieu  de  laquelle 
sont  nés,  comme  troisième  stade  dans  la  régénération  de  la 
forêt,  de  nombreux  épicéas,  qu'il  n'y  a  plus  maintenant  qu'à 
dégager  du  fourré. 

Une  fois  le  semis  installé,  le  découvrir  rapidement,  afin  de 
le  soustraire  aux  funestes  effets  de  la  coupe  définitive  brutale 
toujours  subordonnée  au  caprice  des  ouragans.  Si  l'on  a  pro- 
cédé par  trouées,  les  coupes  secondaires  élargiront  les  pre- 
miers vides  et  en  créeront  de  nouveaux. 

Dégagements  de  semis. —  La  lente  croissance  de  l'épicéa 
pendant  sa  première  jeunesse  rend  ces  opérations  très  utiles. 
A  l'occasion,  respecter  les  sorbiers,  dont  le  couvert  léger 
n'est  point  gênant,  et  dont  les  fruits  attirent  toute  une  popu- 
lation d'oiseaux,  qui  font  la  guerre  aux  insectes  si  dangereux 
dans  de  pareilles  forêts. 

Éclaircics.  —  L'épicéa  ne  prend  les  belles  formes  cylindri- 
ques et  élancées  qui  font  sa  valeur  (fig.  53),  que  si  l'élagage  natu- 
rel fonctionne  régulièrement.  Contrairement  au  sapin,  il  meurt 

(1)  E.  Guinier,  Traitement  de  V épicéa  dans  les  Alpes,  Saint-Jcan-de- 
Maurienne,  1896. 


m  i  ;  il  /i  . 


•ur.i 


dès  qu'il  est  dominé.  Dos  lors,  faire  de  bonne  heure  des  éclair- 
oies  très  prudentes,  mais  Bouvenl  répétées.  Profiter  de  leur 
passage  pour  enlever  lous  les  arbrea  tarés  ou  dépérissants,  qui 
favorisent  la  multiplication  des  insectes  et  deviennent  des 
l'o\  ers  d'invasion. 

A  tous  ces  points  de  vue,  il  est  avantageux  de  mélanger 
l'épicéa  avec  le  sapin  et  le  hêtre  (1),  ou  de  lui  constituer  un 
sous  bois  de  ces  essences. 

Mélèze. 

Régénération.  —  Coupe  d'ensemencement  très  claire,  ou 
mieux  par  trouées  éparses,  après  avoir  rigoureusement  fermé 
au  pâturage  les  cantons  à  régénérer  (2). 

Quand  le  sol  est  trop  enherbé,  donner  une  très  légère  cul- 
ture, en  procédant  par  bandes  de  0m,30  de  largeur,  séparées 
par  des  intervalles  de  lm,50  à  2  mètres. 

Faire  une  seule  coupe  secondaire  hardie,  puis  la  coupe 
définitive,  car  on  peut,  sans  crainte,  laisser  largement  entrou- 
verts les  massifs  de  mélèze,  dont  l'enracinement  est  très 
puissant. 

Dégagements  de  semis.  —  Les  jeunes  mélèzes  croissant 
vite,  et  la  végétation  basse  étant  peu  redoutable  à  ces  hautes 
altitudes,  les  dégagements  sont  peu  nécessaires.  Il  suffit,  dans 
les  semis  très  drus,  d'opérer  un  dépressage. 

Éclaircies.  —  Faire  de  bonne  heure  des  éclaircies  hardies. 
Pourtant,  comme  le  mélèze  a  la  cime  peu  étalée,  ne  pas  exa- 
gérer leur  intensité  de  façon  à  ne  pas  entraver  le  fonction- 
nement de  l'élagage  naturel. 

A  toutes  les  altitudes,  il  est  bon  de  favoriser  le  mélange  du 
mélèze  avec  d'autres  espèces  par  crainte  des  maladies  crypto- 

(1)  Dans  ces  mélanges,  l'épicéa  est  toujours  quelque  peu  dominant 
par  rapport  aux  espèces  associées,  ou,  du  moins,  il  les  dépasse  légè- 
rement en  hauteur.  On  ne  peut  que  se  féliciter  d'un  pareil  état  de 
choses. 

(2)  Les  jeunes  mélèzes,  dans  les  prés-bois  alpins,  arrivent  pourtant, 
mieux  que  beaucoup  d'autres  conifères,  à  se  défendre  contre  la  dent  du 
bétail  :  à  la  façon  des  genévriers  ou  des  épines  blanches,  ils  étalent 
leurs  branches  basses  jusqu'à  ce  que  les  animaux  ne  puissent  plus 
atteindre  le  centre  de  cette  touffe,  d'où  s'élance  une  flèche  vigoureuse. 


204  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

gamiques,  —  sous  cette  réserve  que  le  mélèze  demeure  l'es- 
sence principale  du  peuplement. 


Pin  sylvestre. 

Régénération.  —  Coupe  d'ensemencement  très  claire,  ou 
par  trouées.  Donner  une  culture  au  sol  souvent  durci,  tassé  et 
couvert  de  sous-abrisseaux  de  grande  taille  et  envahissants 
(bruyères,  genêts)  ;  au  besoin,  procéder  par  arrachis,  suivant 
des  bandes  plutôt  espacées  et  larges  (0m,50  au  minimum)  que 
nombreuses  et  étroites.  On  évite  cette  dépense,  en  partie  tout 
au  moins,  par  l'extraction  des  souches  des  arbres  exploités. 

Dès  que  le  semis  est  suffisant,  on  peutdécouvrir hardiment, 
brusquement  même,  les  jeunes  pins,  qui  ne  craignent  ni  le 
soleil,  ni  les  gelées.  Eviter  toutefois  de  fatiguer  les  régénéra- 
tions par  des  coupes  radicales. 

Dans  les  mélanges  de  pin  sylvestre  avec  le  hêtre,  installer 
d'abord  celui-ci  par  une  coupe  d'ensemencement  sombre  ; 
plus  tard  les  pins  se  jetteront  en  abondance  dans  les  vides, 
partout  où  les  coupes  secondaires  apporteront  de  la  lumière, 
et,  grâce  à  leur  végétation  rapide,  ils  se  raccorderont  facile- 
ment avec  ce  qui  les  entoure. 

Dégagements  de  semis.  —  S'ils  ne  sont  que  rarement 
nécessaires,  du  moins  est-il  important  de  pratiquer  des  dépres- 
sages toutes  les  fois  que  les  semis,  trop  nombreux,  se  consti- 
tuent en  fourrés  très  denses,  où  l'évolution  des  champignons 
parasites  est  à  craindre  ;  ces  dépressages  s'imposent  dans  les 
pineraies  de  création  artificielle. 

Éclaircies.  —  L'éclaircie  est  la  base  du  traitement  des 
essences  de  pleine  lumière,  comme  le  pin  sylvestre,  dont  la 
cime  franchement  desserrée  dès  le  jeune  âge,  isolée  même  à 
partir  de  l'état  de  haut  perchis,  doit  alors  occuper  au  moins 
le  tiers  de  la  hauteur  totale  du  sujet.  Sinon,  la  croissance  est 
ralentie,  l'arbre  ne  forme  pas  de  bois  de  cœur,  prend  une 
forme  étriquée,  et  devient  la  proie  des  insectes  ou  des  cham- 
pignons. Les  g-aulis  et  perchis  serrés  et  uniformes  sont  fré- 
quemment aussi  écrasés  par  la  neige. 

Dans  les  peuplements  artificiels,  faire  la  première  éclaircic 


PIM    m  UUTIMB.  '2<l.') 

drs  l'âge  de  dix  ans  ;  dans  les  peuplements  naturels,  la  retar- 
der quelque  peu.  Répéter  l'opération  ions  les  quatre  à  six  ;ms 
jusqu'à  L'étal  de  haut  pérchis,  puis  tous  les  huil  à  douze  ans. 
Les  pins  dominés  el  les  sujets  mal  conformés,  doivent  être 
enlevés  systématiquement.  Au  contraire,  le  respect  de  toute 
la  végétation  de  feuillus  ou  de  mort-bois  qui  protège  le  sol, 
—  la  création  même,  sous  les  perchis  de  pins  arrivés  à  lïige 
de  trente  ou  quarante  ans,  d'un  sous  bois  de  sapin,  ou  mieux 
encore  de  hêtre,  —  ne  sauraient  être  trop  recommandés. 

Pin  maritime. 

Régénération.  — Graines  ailées,  abondantes  ;  régénération 
très  facile  quand  le  sable  est  nu  et  meuble;  —  quand  il  est 
tassé  ou  enherbé,  une  mise  en  état,  par  ouverture  de  bandes 
ou  par  extraction  de  souches,  assure  l'ensemencement. 

Procéder  très  hardiment  aux  coupes  de  régénération,  ou 
même  faire  une  coupe  unique  avec  une  réserve  de  quelques 
porte-graines  à  l'hectare. 

Dans  les  forêts  résinées  (1),  on  gemme  à  mort  tous  les 
arbres  qui  doivent  être  abattus  et  on  les  exploite,  par  extrac- 
tion de  souche,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  épuisement. 

Dégagements  de  semis.  —  La  végétation  rapide  des 
jeunes  pins  maritimes  rend  ces  opérations  peu  nécessaires. 

Éclaircies.   —  Les  pins  destinés  au  gemmage  réclament 


(!)  Pour  gemmer  un  pin  à  vie,  on  ouvre  au  pied  de  l'arbre,  vers  le 
commencement  de  mars,  une  plaie  ou  carre  large  de  10  centimètres, 
dont  la  profondeur  ne  dépasse  pas  l  centimètre.  Pendant  toute  la 
période  de  végétation,  le  gemmier  ravive  cette  carre,  obstruée  par  des 
dépôts  de  résine  solidifiée  et  l'élève  progressivement,  en  lui  conservant 
sa  largeur  et  sa  profondeur.  A  la  fin  de  la  première  année,  elle 
atteint  une  hauteur  de  55  centimètres  ;  à  la  fin  de  la  cinquième  année, 
elle  arrive  à  3  m.  80.  On  l'abandonne  alors,  pour  en  ouvrir  une  autre 
dans  des  conditions  analogues. 

Pour  gemmer  h  mort,  on  ouvre  à  la  fois  un  grand  nombre  de 
carres,  autant  que  la  grosseur  du  sujet  en  comporte,  de  façon  à  sou- 
tirer rapidement  la  plus  grande  quantité  possible  de  résine  à  l'arbre, 
qui  meurt  bientôt  épuisé. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  la  résine  est  recueillie  dans  des  pots  en 
terre  vernissée,  fixés  contre  la  carre  au  niveau  de  sa  région  active 
(système  Hugues  :  page  97,  fig.  28). 


206  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

un  état  plus  clair  encore  que  les  pins  sylvestres  :  leur  cime 
doit  être  ensoleillée. 

Une  première  éclaircie  se  fait  à  dix  ou  douze  ans.  On 
revient  tous  les  cinq  à  six  ans,  hardiment,  mais  sans  isoler 
complètement  les  perches  avant  l'âge  de  vingt  ans,  époque  à 
laquelle  il  doit  rester  sur  pied  de  six  à  sept  cents  tiges  à 
l'hectare.  De  celles-ci,  on  gemme  à  mort  deux  cents,  que 
l'éclaircie  enlèvera,  et  ainsi  de  suite  tous  les  quatre  à  cinq 
ans  ;  à  trente  ans,  il  ne  reste  sur  pied  que  deux  cent  cinquante 
ou  trois  cents  tiges  ;  à  soixante  ou  quatre-vingts  ans  :  cent 
cinquante  ou  deux  cents  arbres. 

On  commence  à  gemmer  à  vie  les  perchis  de  trente  ans  ; 
il  est  bon,  jusqu'à  soixante  ans,  de  laisser  aux  pins  une  année 
de  repos  après  quatre  ans  de  résinage.  Ainsi  ménagée,  la 
pignadar  peut  durer  cent  vingt  ans  et  plus. 

Au  passage  des  éclaircies,  élaguer  les  branches  basses 
jusqu'à  la  hauteur  qu'atteindront  les  carres  (4m),  sans  plus. 

Pin   d'Alep. 

Le  pin  d'Alep  peut-être  conduit  à  l'état  pur,  à  la  façon  du 
sylvestre.  La  présence  d'un  sous  bois  de  buis  facilite  les 
opérations  en  couvrant  le  sol  et  en  permettant  de  donner  au 
peuplement  le  degré  d'éclaircissement  qu'il  exige. 

Souvent  aussi,  cette  essence  est  mélangée  avec  des  chênes 
verts  :  ces  derniers  sont  traités  en  taillis,  et  les  pins,  conservés 
sous  forme  de  réserves,  sont  enlevés,  en  jardinant,  lors  du 
passage  des  coupes. 

Pin   de  montagne.    Pins  laricios. 

Nous  avons  vu  que  le  tempérament  de  ces  essences  les  rap- 
proche beaucoup  plus  de  l'épicéa  que  du  pin  sylvestre.  Le 
traitement  appliqué  au  premier  leur  convient  donc  à  tous 
égards. 

En  ce  qui  concerne  le  pin  noir  d'Autriche,  ajoutons  que, 
dans  le  jeune  âge  tout  au  moins,  il  doit  être  tenu  en  massif 
assez  serré,  sinon  les  arbres  prennent  une  forme  défectueuse, 


!  A    FUTAIE   JARDIN] 'i  .  207 

trapue,  avec  des  branches  qui  acquièrent  un  développement 
démesuré  en  grosseur  cl  en  Longueur.  De  préférence,  enlever 
dans  les  éclaircies  les  pins  fourchus,  qui  sont  parfois  très 
nombreux. 

ARTICLE  II 

LA  FUTAIE  JARDJNÉE 

Principe  de  la  méthode.  —  Avantages  et  inconvénients.  —  Cas  où  le 
jardinage  doit  être  maintenu.  —  Pratique  du  jardinage.  —  Les  rota- 
tions. —  Les  soins  culturauw  —  Application  aux  différentes  essences, 

Principe  de  la  méthode.  —  Le  jardinage,  tel  qu'il  était 
appliqué  à  toutes  les  forêts  résineuses,  en  suile  de  l'observa- 
tion des  anciens  règlements  généralisés  par  l'Ordonnance  de 
1669,  était  un  mode  de  traitement  parfaitement  justifié,  et 
qui,  de  nos  jours  encore,  employé  avec  de  légers  correctifs, 
présente  des  avantages  très  sérieux. 

Il  consistait  à  parcourir  annuellement  toute  l'étendue  des 
forêts  jardinées,  en  exploitant,  par  unité  de  surface,  un  nom- 
bre d'arbres  fixé  à  l'avance,  et  constituant  la  possibilité.  Ces 
arbres  étaient  enlevés  çà  et  là,  et  choisis  uniquement  parmi 
ceux  que  leur  dimension  ou  leur  mauvais  état  de  végétation 
rendaient  exploitables. 

Cette  opération,  qui  constituait  le  véritable  mode  de  jouis- 
sance de  la  forêt,  était  accompagnée  de  l'extraction  des  sujets 
morts.  Tous  ceux  de  ces  bois  morts,  qui  avaient  la  dimension 
d' arbre  (l),  étaient  défalqués  du  nombre  des  tiges  à  réaliser.  On 
ne  tenait  aucun  compte  des  autres.  En  somme,  tout  en  tirant 
parti  des  produits  sains  et  exploitables,  on  procédait  au 
curage  de  la  forêt,  comme  il  y  a  toujours  lieu  de  le  faire; 
mais  il  ne  faudrait  pas  croire  que  le  jardinage  ne  donnait  que 
des  bois  en  majorité  tarés,  loin  de  là. 

Un  semblable  système  a  pour  résultat  de  faire  porter  les 
exploitations  annuelles,  non  plus  sur  des  peuplements  recou- 
vrant des  espaces  continus,  mais  sur  des  arbres  considérés 
individuellement,  répartis  au  hasard  dans  toute  l'étendue  de 

(1)  Sujet  ayant  au  minimum  1  mètre  3  pieds  de  tour  à  hauteur 
d'homme. 


208  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

la  forêt.  La  régénération  se  fait  uniquement  par  points  et  non 
par  surfaces,  dans  les  endroits  découverts,  entourés  de 
toutes  parts  par  des  arbres  en  croissance  de  dimensions 
variables,  dont  quelques-uns  sont  fertiles. 

Dans  ces  conditions,  la  futaie  jardinée  revêt  une  forme 
toute  spéciale  et  dont  on  ne  rencontre  l'analogue  dans  aucun 
autre  mode  de  traitement.  En  effet,  le  peuplement  jardiné, 
considéré  dans  son  ensemble,  présente  un  mélange  confus  de 
tiges  de  toutes  grosseurs  sur  chaque  unité  de  surface  (fig.  54). 
Une  passe  donc  pas  par  les  états  de  développement  successifs 
d'un  peuplement  régulier. 

D'ailleurs,  l'aspect  d'une  forêt  jardinée  change  avec  le 
calibre  choisi  pour  rendre  l'arbre  exploitable.  Plus  celui-ci 
est  faible,  moins  il  y  a  de  tiges  ayant  dépassé  l'âge  de  leur 
plus  grand  accroissement  en  hauteur  :  le  nombre  de  celles 
qui  ont  des  longueurs  différentes  sera  maximum,  et  le  profil 
du  massif  se  dessinera  suivant  une  ligne  irrégulièrement 
brisée.  Plus,  au  contraire,  la  grosseur  sera  forte,  plus  disparaî- 
tra cette  forme  sinueuse;  car  les  arbres  qui,  ayant  dé- 
passé le  terme  de  leur  accroissement  en  longueur,  élalent 
leurs  cimes  dans  une  même  zone  de  hauteur,  seront  alors 
plus  abondants  ;  ces  sujets,  grâce  à  leur  nombre  et  à 
leurs  grandes  dimensions,  forment  la  partie  principale  du 
peuplement  et  la  catégorie  la  plus  importante  ;  comme 
arbres  constitués,  il  sont  les  seuls  qui  frappent  la  vue  et  cela 
au  point  que  certains  massifs  jardines  présentent  l'aspect  de 
vieilles  futaies  régulières  (1),  à  l'état  plus  ou  moins  clair. 

Avantages  et  inconvénients.  —  Le  profil  sinueux  des 
peuplements  jardines  permet  à  la  lumière  de  se  projeter 
sur  une  vaste  surface  foliacée,  et  beaucoup  de  tiges,  bien 
que  dominées,  sont  maintenues  vivantes  sous  l'influence 
de  la  lumière  latérale.  Tous  les  points  du  sol  sont  ainsi 
protégés  par  une  végétation  active,  dont  les  étages  se  su- 
perposent en  donnant  d'abondants  détritus.  En  fait,  mieux 
que  tout  autre  mode  de  traitement,  le  jardinage  régle- 
menté   est    à    même    d'assurer    d'une    manière   permanente 

(1)  A  distance,  l'œil  juge  assez  mal  du  calibre  d'un  arbre. 


i  \    FUTAIE   JARDIN]  i  ,  w2<>(.» 

l'entretien  de  la  couverture  morte  et  la  fertilité  de  la  forêt. 
Les  sujets  les  plus  vigoureux,  tout  en  continuai  à  appar- 
tenir au  massif,  8e  créent  une  certaine  individualité.  Parleur 


Fig.  5i.  —  Une  futaie  jardinée  clans  le  Jura. 
(Photographie  de  M.  A  Fron.) 

végétation  meilleure,  par  leur  enracinement  plus  profond, 
ils  rendent  la  foret  plus  solide  et  plus  durable.  Les  massifs 
jardines  sont  moins  exposés  que  les  peuplements  réguliers 
aux  dégâts  de  la  neige  et  du  vent  ;  ils  ne  présentent  pas  non 

BOPPE   et   JOLYET.  Il 


210  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

plus  un  milieu  aussi  favorable  au  développement  des  orga- 
nismes nuisibles. 

La  forêt  entière  est  sans  cesse  en  voie  de  végétation,  et 
ses  peuplements,  dont  on  ne  saurait  déterminer  exactement 
l'âge  moyen,  se  succèdent  sans  crise  de  transition,  sans  à 
coup,  sans  qu'on  s'en  doute,  pour  ainsi  dire. 

D'ailleurs,  dans  les  massifs  jardines,  l'intensité  du  couvert, 
variable  dans  le  temps,  diffère,  par  suite,  à  un  moment  donné, 
d'un  point  à  un  autre  d'une  même  enceinte  et  favorise  l'instal- 
lation, ici  d'une  essence,  là  d'une  autre.  Les  espèces  fores- 
tières se  succèdent  donc  et  se  mélangent  avec  une  opportu- 
nité, un  à-propos,  auxquels  ne  peuvent  prétendre  les  procédés 
factices  du  sylviculteur,  dans  le  délai  relativement  court  affecté 
à  la  régénération  d'une  parcelle  de  futaie  régulière.  Enfin  le  jar- 
dinage, dont  l'organisme  est  simple,  peut  s'appliquer  à  toutes 
les  forêts,  aux  plus  petites  comme  aux  plus  grandes,  et  il  est 
juste  de  constater  qu'il  a  maintenu  jusqu'à  nos  jours  de  nom- 
breuses sapinières  dans  un  état  de  prospérité  remarquable. 

Par  contre,  la  qualité  des  produits  laisse  souvent  à  désirer. 
Les  arbres  ne  fournissent  pas  toujours  ces  pièces  élancées,  de 
croissance  régulièrement  constante  que  produisent  les  peu- 
plement suniformes. 

Les  exploitations  portant  sur  de  gros  arbres  englobés  au 
milieu  de  tiges  de  tous  âges  occasionnent  à  ces  dernières  des 
dégâts  importants.  Leur  dissémination  sur  de  grandes  éten- 
dues couvertes  de  bois  en  croissance  rend  la  surveillance  diffi- 
cile et  le  transport  des  produits  onéreux. 

Les  peuplements  restent  ce  que  la  nature  les  a  faits,  leur 
composition,  comme  leur  amélioration,  échappent  à  l'action 
du  forestier. 

La  possibilité,  calculée  sur  des  bases  incertaines,  ne  permet 
pas  de  réaliser  un  rapport  suffisamment  soutenu,  et  les  limites 
vagues  dans  lesquelles  flotte  le  capital  générateur  rendent  la 
confusion  possible  entre  ce  capital  et  le  revenu  ;  d'où  des 
épargnes  inutiles  ou  des  abus  de  jouissance. 

Cas  où  le  jardinage  doit-être  maintenu.  —  Nous  citerons 
en  premier  lieu,  suivant  les  conseils  de  M.  Broilliard  (1),  les 

1    Ch.  Broilliard,  Cours  d'aménagement.  Édition  de  1878,  p.  180. 


la  m  r  mi    j  \um\i  i  .  '211 

foré  ta  de  protection,  c'est-à-dire  celles  <>ù  le  maintien  cons- 
tant du  massif  est  indispensable,  soi!  à  la  sécurité  publique 
pour  prévenir  les  éboulements,  les  torrents,  les  avalanches, 
soil  à  la  prospérité  des  forêts  de  rendement  donl  elles  cons- 
tituent la  ceinture  de  défense;  puis  toutes  les  forêts  <»ii  la 
régénération  se  lait  avec  lenteur.  Tantôt  c'est  un  escarpe- 
ment, une  pente  très  déclive,  où  la  majorité  des  graines 
roulent  entraînées  par  les  eaux  pluviales  :  tantôt  c'est  un 
éboulis  rocheux,  où  les  semis  ne  n'installent  qu'à  la  longue 
dans  les  interstices  des  pierres,  et  à  la  seule  condition  que 
la  mousse  ne  soit  pas  desséchée  par  un  découvert  irréfléchi  ; 
tantôt  encore  c'est  le  climat  qui  rend  les  arbres  peu  fer- 
tiles, le  vent  qui  renverse  les   porte-graines  isolés  dans  les 

coupes  successives  de  régénération A  quoi   bon    prendre 

la  peine  de  fixer  une  révolution,  d'établir  des  périodes, 
auxquelles  correspondent  sur  le  papier  des  affectations,  si  la 
nature  bouleverse  toutes  les  prévisions  de  l'aménagiste,  si  tel 
canton,  qui  doit  se  régénérer  d'après  le  procès  verbal  en 
vingt-cinq  ou  en  trente  ans,  ne  se  garnit  qu'à  la  longue  de 
semis  se  développant  avec  une  lenteur  désespérante?  On  se 
trouve  conduit  à  prolonger  la  durée  des  périodes  préalable- 
ment fixée,  — ce  qui  est  contraire  au  principe  de  la  méthode, 
—  et  à  conserver  sur  pied  des  sapins  dépérissants,  —  ce  qui, 
fait  plus  regrettable,  entraîne  des  sacrifices  de  matériel  impor- 
tants. 

A  cette  énumération,  nous  ajouterons  les  forêts  de  faible 
étendue,  et  toutes  celles  où  l'on  craint  de  ne  pouvoir  donner 
les  soins  culturaux,  dégagements  de  semis  et  éclaircies,  que 
comporte  la  futaie  régulière. 

D'ailleurs,  il  faut  bien  se  dire  que  les  inconvénients  des 
futaies  jardinées  peuvent  être  atténués.  L'irrégularité  théori- 
que de  ces  forêts  est  moindre  dans  la  pratique  qu'on  ne 
pourrait  le  supposer.  Quand  un  arbre  est  devenu  dominant, 
il  est  rare  qu'il  perde  la  situation  acquise,  et,  si  le  terme  de 
l'exploitabilité  est  reculé,  le  peuplement  prend  cette  forme 
d'apparence  quasi  régulière  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  : 
les  produits  qu'il  fournit  répondent  très  suffisamment  aux 
exigences  du  commerce. 


212  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

La  réalisation  de  la  possibilité  par  volume,  et  surtout  les 
comptages  et  les  inventaires  souveni,  répétés  réduisent  à  peu 
de  chose  les  dangers  du  système  au  point  de  vue  économi- 
que; enfin,  nous  allons  le  voir,  l'établissement  de  coupons 
remédie  à  la  dissémination  des  produits,  signalée  comme  pré- 
judiciable au  propriétaire  de  la  forêt,  aussi  bien  qu'à  l'acqué- 
reur des  coupes. 

Pratique  du  jardinage.  —  L'application  du  jardinage 
est  d'une  simplicité  primitive,  car  la  régénération  est  en  gran- 
de partie  abandonnée  à  la  nature.  Néanmoins,  si  la  régénéra- 
tion est  incomplète  ou  se  fait  trop  attendre  sur  un  point,  on 
lui  vient  en  aide  par  la  mise  en  état  du  sol,  par  des  semis  ou 
des  plantations.  De  même,  un  martelage  bien  dirigé  fait 
tomber  de  préférence  les  arbres  âgés  dont  le  couvert  étouffe 
des  placeaux  de  jeunes  semis;  ailleurs,  sur  les  points  où  la 
lumière  arrive  au  sol  en  quantité  insuffisante,  il  rompt  le 
massif  pour  faciliter  l'ensemencement.  Tout  en  laissant  faire 
la  nature,  il  n'est  pas  défendu  de  conduire  intelligemment  la 
cognée. 

Le  principal  soin  nécessaire  est  de  bien  choisir  les  arbres  à  exploiter. 
On  prend  de  préférence,  parmi  les  gros,  ceux  qui  couvrent  la  jeunesse 
et  qui  sont  les  moins  bien  venants.  On  évite  de  faire  de  larges  trouées, 
de  dégarnir  les  lisières,  d'isoler  les  arbres  pauvres  en  branches  et,  par 
suite,  en  racines.  On  se  garde  bien  d'enlever  les  perches  dominées 
qui  seront  un  jour  ou  l'autre  des  sujets  de  remplacement.  Quand  le 
hêtre  se  trouve  mélangé  aux  résineux,  on  coupe  les  gros  hêtres,  qui 
s'étalent,  de  préférence  aux  sapins  et  aux  épicéas,  à  moins  que  les 
hêtres  ne  soient  rares  ou  placés  sur  les  bords  du  massif,  auquel  ils  font 
alors  comme  un  manteau  protecteur.   (1) 

Les  rotations.  —  Les  séries  jardinées  seront  de  faible 
étendue,  de  façon  à  égaliser  autant  que  possible  les  facteurs 
de  la  production.  Cette  précaution  prise,  dans  le  but  de  ré- 
glementer les  exploitations,  de  faciliter  le  choix  des  arbres, 
et  de  garantir  la  bonne  exécution  des  opérations,  on  a  imagi- 
né de  restreindre  encore  la  surface  annuellement  parcourue, 
en  partageant  la  série  en  un  certain  nombre  de  divisions,  dans 
chacune  desquelles  la  coupe  de  Tannée  se  trouve  concentrée. 
Il  s'établit  ainsi  une  véritable  rotation. 

(1)  Ch.  Broilliard,  Traitement  des  bois  en  France,  p.  311. 


LA    M   i  Mi     JARDINES.  213 

Le  nombre  des  divisions  ou  coupons,  qui  1  i x < *  la  périodi» 
cité  du  retour  du  jardinage  sur  le  mémo  point,  règle  en  môme 
temps  l'intensité  de  la  coupe  sur  chaque  unité  de  surface. 
En  effet,  étant  donnée  une  série  de  cent  hectares,  avec  une 
possibilité  d'un  arbre  par  hectare  et  par  an,  si  la  BUrfaCe 
est  divisée  en  dix  coupons,  dans  chacun  de  ceux-ci  succes- 
sivement on  réalise  cent  arbres,  en  une  seule  fois.  Si  le 
nombre  des  coupons  est  réduit  à  cinq,  la  surface  de  chacun 
se  trouve  doublée,  et,  comme  le  nombre  des  arbres  à  prendre 
reste  toujours  de  cent,  l'intensité  de  la  coupe  est  réduite  de 
moitié. 

Ce  procédé  est  donc  un  palliatif  ingénieux,  mais  l'importance 
donnée  aux  exploitations  constitue  une  dérogation  au  prin- 
cipe de  la  méthode.  Si  on  augmente  outre  mesure  le  nombre 
des  coupons,  si  Ton  en  fait  vingt,  par  exemple,  on  découvre 
le  sol  vingt  fois  plus  qu'on  ne  le  doit  théoriquement  et  l'on 
s'expose  à  perdre  les  avantages  culturaux  du  jardinage. 

Pour  concilier  ces  derniers  avec  les  avantages  économiques 
du  coupon,  on  est  conduit,  en  tenant  compte  de  la  situation, 
du  climat  et  des  essences,  à  faire  varier  la  durée  des  rotations 
entre  cinq  et  quinze  ans.  En  général,  il  faut  revenir  plus  sou- 
vent chez  les  essences  d'ombre  que  chez  celles  de  lumière, 
plus  fréquemment  dans  les  sols  fertiles  que  dans  les  sols  pau- 
vres, dans  les  climats  doux  que  dans  les  climats  rudes.  Par- 
fois même,  dans  les  régions  alpestres  où  la  végétation  est  très 
lente,  on  se  croit  autorisé  à  dépasser  le  chiffre  de  quinze  ans. 
Cela  permet  de  réglementer  le  pâturage,  de  cantonner  le 
bétail  dans  les  coupons  où  les  semis,  âgés  de  huit  à  dix  ans 
déjà,  souffriront  moins  de  sa  présence. 

Les  rotations  un  peu  longues  créent,  par  suite  des  vides 
qui,  relativement  grands  au  début,  vont  sans  cesse  en  se 
réduisant  et  permettent  aux  diverses  essences  de  trouver  l'une 
après  l'autre  les  conditions  propres  à  leur  régénération  ;  elles 
facilitent  donc  le  mélange. 

Les  coupons  sont,  bien  entendu,  établis  une  fois  pour 
toutes  sur  le  terrain  et  délimités  par  des  tranchées  ou  des 
chemins  de  vidange.  En  outre,  quelle  que  soit  la  méthode 
adoptée  pour  le  recrutement   de   la  possibilité   (volume   ou 


21  1  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

pieds  d'arbres),  la  division  en  tour  d'exploitation  doit  être 
entièrement  parcourue  par  la  coupe  ;  il  est  facile  d'obtenir  ce 
résultat  si  la  taxe  de  chaque  coupon  a  été  individuellement 
calculée,  comme  si  ce  dernier  constituait  une  série  à  part. 

Soins  culturaux.  —  En  principe,  la  futaie  jardinée  ne 
comporte  pas  de  soins  culturaux.  D'une  part,  en  effet,  la  ré- 
génération est  supposée  obtenue  par  les  seules  forces  natu- 
relles, ce  qui  supprime  les  dégagements  de  semis.  D'autre 
part,  l'impossibilité  où  l'on  est  de  distinguer  les  individus 
appelés  à  jouer  les  rôles  principaux  dans  le  peuplement,  de 
ceux  qui  seront  éternellement  réduits  à  l'état  dominé,  ne 
permet  pas  de  faire  des  éclaircies,  opérations  destinées  par 
définition  à  l'amélioration  des  sujets  d'avenir. 

Cependant,  quand  de  jeunes  sapineaux  luttent  péniblement 
pour  se  dégager  d'un  roncier  ou  d'un  fourré  de  hêtres,  quel- 
ques coups  de  serpe  donnés  à  propos  peuvent  être  fort  utiles. 
De  même,  au  passage  de  la  hache,  on  coupera  les  perches  mal 
conformées  qui  gênent  un  sujet  voisin  de  belle  venue.  La 
différence  entre  ces  soins  culturaux  et  ceux  qui  sont  en  usage 
dans  les  futaies  régulières,  est  que,  dans  celle-ci,  ils  consti- 
tuent une  ou  plusieurs  suites  d'opérations  systématiques  spé- 
ciales et  indépendantes  des  coupes  principales.  Dans  le  jardi- 
nage, au  contraire,  tout  se  fait  à  la  fois  dans  la  même  enceinte  : 
en  même  temps  que  l'on  réalise  les  «  vieux  »,  on  améliore  la 
situation  des  «  jeunes  ».  Le  passage  fréquent  de  cette  coupe  à 
tout  faire  assure  un  travail  durable  et  suivi,  pourvu  que  les 
exploitations  soient  strictement  limitées  aux  nécessités  cul- 
turales. 

Application  aux  différentes  essences.  —  Le  jardinage 
étant  surtout  à  sa  place  dans  les  régions  montagneuses,  ne 
trouvera  son  application  que  dans  des  forêts  généralement 
peuplées  de  conifères. 

D'autre  part,  le  jardinage  vrai,  ne  convient  qu'aux  essences 
d'ombre,  et,  en  fait,  c'est  dans  la  sapinière  qu'il  a  pris  nais- 
sance, c'est  à  elle  seule  qu'il  peut  s'appliquer  sans  réserves; 
d'ailleurs,  la  présence  du  hêtre  ne  s'oppose  en  rien  à  l'appli- 
cation d'une  méthode  grâce  à  laquelle  le  mélange  se  main- 
tient en  d'excellentes  proportions. 


LA  FI  TAIE   J  midim'i  .  215 

Dans  |e  Jura,  le  sapin  (île  à  travers  les  hêtres,  ci  il  esl  facile  de  I"' 
sauver.  Dans  les  Vosges,  il  exige  pins  de  précaution  et  de  soins.  Mais 
partout  il  se  tire  d'affaire  dans  la  futaie  jardinée,  car,  à  L'état  dominé 
comme  à  l'état  dominant,  il  prime  eu  hauteur  les  hêtres  voisins,  et 
prend  ainsi  la  meilleure  place  (1). 

Le  propriétaire  ne  peut  pas  rêver  mieux. 

Quant  au  mélèze,  bien  que  comportant  peu  l'état  jardiné, 
il  se  rencontre  à  de  hautes  altitudes,  dans  la  zone  alpine  où 
la  plus  grande  prudence  s'impose,  quel  que  soit  le  nom  du 
traitement  choisi.  Or,  le  jardinage  se  prête  à  toutes  les  mo- 
dalités, et  permet  au  sylviculteur  d'agir  au  mieux  des  inté- 
rêts de  la  forêt.  On  peut,  en  effet,  parcourir  les  cantons  en 
enlevant  des  arbres,  toujours  cà  et  là,  mais,  de  préférence,  en 
créant  de  petites  trouées  où  les  semis  naîtront  par  bouquets  : 
le  mélange  des  âges  s'établira  non  plus  par  pieds  isolés,  mais 
par  petits  groupes  plus  ou  moins  homogènes.  Les  arbres  qui 
constituent  ces  forêts  ont  d'ailleurs  assez  de  résistance  indivi- 
duelle aux  intempéries  et  aux  coups  de  vent  pour  qu'il  n'y 
ait  pas  trop  de  danger  à  entrouvrir  les  massifs.  Sous  ses 
réserves,  on  peut  jardiner  le  mélèze  dans  les  Alpes,  comme 
le  pin  de  montagne  et  même  le  pin  sylvestre  dans  les  Pyré- 
nées et  dans  toute  situation  analogue  (fig.  55).  Il  suffira,  par 
exemple,  d'exploiter  de  ci  et  de  là  quelques  arbres  sur  un 
même  point. 

Pour  l'épicéa,  la  question  est  plus  discutable.  En  dehors 
de  la  zone  alpine,  où  le  jardinage  peut  lui  être  appliqué  comme 
au  pin  et  au  mélèze,  on  sait  :  1°  que  son  semis  a  besoin  de 
lumière  pour  s'installer  ;  —  2°  que  plus  tard,  au  contraire,  si 
l'on  veut  en  obtenir  du  bois  de  bonne  qualité,  cette  essence 
doit  former  des  peuplements  très  pleins;  or,  ces  considéra- 
tions semblent  incompatibles  avec  le  jardinage. 

Nous  ne  pensons  pas  cependant  devoir  en  proscrire  systé- 
matiquement l'application.  Tout  d'abord,  il  favorise  d'une 
manière  générale  le  mélange  des  essences  et  ne  peut  être,  en 
particulier,  nuisible  à  l'association  sapin  et  épicéa.  En  second 
lieu,  dans  les  forêts  d'épicéa  pur  à  de  grandes  altitudes,  les 
arbres,  dont  les  cimes  se  rapprochent  plus  ou  moins  de  la 

(1)  Gh.  Broilliard,  loc.  cit.,  p.  310. 


216 


LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 


forme  columnaire,  ne  constituent,  malgré  leur  grand  nombre, 
que  des  massifs  peu  serrés  ;  on  pourra  donc,  sans  trop  se  préoc- 


Fig.  55.  —  Mélèzes  et  pins  ccmbros  à  2000  mètres  d'altitude,"  forêt  de 
Villarodin  Bourges,  près  de  Modane.  (Photographie  de  M.  Thiollier.) 

cuper  d'une  régénération  qui,  avec  le  temps,  se  produira  tou- 
jours, tantôt  sur  les  vieilles  souches,  tantôt  dans  les  clairières, 


I.E    TAU. US    SIMPLE    RÉGULIER. 


217 


réaliser,  en  jardinant,  les  gros  bois,  de  préférence  les  arbres 
sur  le  retour  ou  menacés  par  les  hnslrirhes.  La  production  du 
sol  atteignant  à  peine  deux  mètres  cubes,  par  hectare  et  par 
an,  il  faut  ménager  un  matériel  dont  la  croissanee  est  lente, 
mais  la  qualité  exceptionnelle. 

On  peut,  à  la  rigueur,  ranger  dans  les  forêts  jardinées  les 
peuplements  de  chêne-liège  des  Maures  et  de  l'Esterel.  Ces 
chênes  forment  des  massifs  très  clairs,  ou  même  sont  à  l'état 
d'arbres  isolés  au-dessus  d'épais  maquis  de  bruyères,  de  cistes 
et  d'autres  arbustes  méridionaux  ;  le  plus  souvent,  ils  poussent 
en  mélange  avec  les  pins  maritimes.  Le  seul  produit  de  valeur 
étant  le  liège,  on  exploitera  —  en  jardinant  —  les  arbres  où  la 
levée  de  l'écorce  sera  devenue,  avec  l'âge,  peu  rémunératrice. 
Pour  propager  l'essence  précieuse,  il  est  indispensable  d'en 
dégager  radicalement  tous  les  semis  et  de  découvrir,  en 
temps  opportun,  les  jeunes  tiges  par  des  extractions  de  pins 
en  forme  jardinatoire.  L'incendie,  qui  détruit  les  résineux, 
n'atteint  pas  la  vitalité  des  souches  de  chêne  :  celles-ci  four- 
nissent d'abondants  rejets  après  le  passage  du  feu;  mais 

ce  n'est  pas  là  un  procédé  de  culture  à  recommander! 

article  m 
LE  TAILLIS  SIMPLE  RÉGULIER 

Principe  de  la  méthode.  —  Avantages  et  inconvénients.  — Régénéra- 
tion. —  Soins  culturaux.  —  Application  dans  les  régions  tempérées. 
—  Application  dans  les  régions  méridionales.  —  Applications  di- 
verses. 

Principe  de  la  méthode.  —  Quand  on  coupe  systémati- 
quement à  blanc  étoc,  et  sans  y  faire  aucune  réserve,  une 
surface  continue,  peuplée  de  bois  feuillus  susceptibles  de 
rejeter  de  souches,  les  peuplements  se  constituent  en  taillis 
■simple  régulier.  La  régénération  est  la  conséquence  nécessaire 
de  l'exploitation.  Dès  le  printemps  qui  suit  la  coupe,  le  recrû, 
formé  de  rejets  et  de  drageons,  naît  sur  toute  la  surface  à 
la  même  époque,  et  son  ensemble  représente  le  type  le  plus 
parfait  de  peuplement  uniforme. 


218 


LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 


La  densité  d'un  taillis,  eu  égard  au  nombre  des  cépées, 
est  fonction  de  la  révolution.  Comme  chacune  de  celles-ci  se 
développe  avec  les  années,  sa  projection  occupe  d'autant  plus 
d'espace  qu'on  la  laisse  davantage  vieillir.  Par  conséquent,  le 
nombre  des  centres  de  reproduction  est  d'autant  plus  faible, 
et  par  suite  le  fourré  véritable,  —  abstraction  faite  des  morts 
bois,  — s'établit  d'autant  plus  tard,  que  les  révolutions  sont 
plus  longues. 

Le  mode  de  régénération  par  rejets  entraîne  une  liaison 
intime  entre  le  peuplement  à  venir,  et  celui  qui  va  tomber 
sous  la  hache.  En  fait,  il  n'y  a  pas  de  nouvelles  individualités 
créées,  puisque  les  anciens  sujets  continuent  leur  existence 
sous  la  forme  des  rejets  émergeant  de  leurs  souches  mutilées. 
Il  y  a  rajeunissement  plutôt  que  naissance  d'une  génération 
nouvelle  ;  aussi,  théoriquement,  en  dehors  de  la  question 
d'âge,  ne  devrait-il  y  avoir  aucune  différence  entre  le  peu- 
plement ancien  et  le  peuplement  nouveau,  où  les  mêmes 
essences  se  retrouvent  dans  la  même  situation. 

Les  seules  causes  de  perturbation  dont  il  y  ait  lieu  de  tenir 
compte  sont  :  la  mort  naturelle  d'un  certain  nombre  de  sou- 
ches, —  l'évolution  possible  de  drageons,  —  enfin  l'appari- 
tion de  quelques  brins  de  franc  pied,  provenant  de  semences 
apportées  par  les  vents  ou  par  les  animaux. 

Avantages  et  inconvénients.  —  L'exploitation  en  tail- 
lis simple  régulier  est  facile  et  commode.  Elle  fournit  des 
produits  constants.  Le  capital  engagé  reste  toujours  très 
faible  et  fonctionne  à  un  taux  de  placement  élevé. 

Les  peuplements  de  cette  forme  sont  peu  exposés  aux 
dégâts  des  champignons  et  des  insectes  (1),  non  plus  qu'aux 
bris  de  vent  ou  de  neige  ;  d'ailleurs,  en  cas  d'accident,  on  ne 
perd  que  la  récolte  et  les  bois  en  croissance  :  l'ensouchement 
reste  toujours  intact. 

Enfin,  le  taillis,  dont  les  tiges  flexibles  résistent  à  l'arra- 
chement, dont  les  racines  nombreuses  s'entrelacent  dans  la 
partie  la  plus  superficielle  du  sol,  est  tout  indiqué  pour 
prévenir  et  corriger  les  ravinements. 

Par  contre,  les  taillis  simples,  du  moins  dans  leur  jeunesse, 

(1)  Un  Corœbus  est  pourtant  nuisible  dans  les  forêts  de  chêne  vert. 


LE  tau. lis   si  m  il  I  :   iti  <  ;  i  i.i  i-:it . 


219 


sont  Irôs  exposés  à  l'atteinte  des  gelées.  La  première  année 
surtout,  les  rejets  peuvent  être  arrêtée  dans  leur  lignification 
par  les  gelées  d'automne  et  disparaître  victimes  de  l'hiver,  qui 
les  trouve  mal  «  aoutés  ».  C'est, alors, une  année  de  végétation 
à  peu  près  perdue,  et  si  l'accident  se  répète  plusieurs  années 
de  suite,  les  souches  meurent  en  grand  nombre.  Les  gelées 
prinlanières,  quand  elles  sévissent  fréquemment  dans  un  can- 
ton, entravent  aussi  la  croissance  des  taillis,  qui  prennent  un 
aspect  chélif  et  rabougri  caractéristique;  on  dirait  d'un  abou- 
tissement par  le  bétail.  Le  régime  du  taillis  exige  donc  un 
climat  doux,  une  grande  somme  de  chaleur  et  un  temps  de 
végétation  suffisamment  long  :  ce  qui  rend  son  aire  d'applica- 
tion beaucoup  plus  restreinte  que  celle  de  la  futaie. 

En  outre,  le  traitement  en  taillis,  qui  dénude  complète- 
ment les  surfaces  à  des  intervalles  rapprochés  et  ne  produit 
que  des  bois  jeunes,  fatigue  le  sol,  auquel  il  n'apporte 
que  des  restitutions  insuffisantes.  D'ailleurs,  les  effets  de 
l'épuisement  sont  d'autant  plus  rapides  que  le  terrain  est  d'une 
nature  plus  sèche  et  la  révolution  plus  courte. 

L'influence  des  taillis  sur  les  phénomènes  météoriques  est 
aussi  bien  moindre  que  celle  des  futaies.  Enfin  les  taillis  ne 
fournissent  que  du  bois  de  chauffage,  du  charbon,  des  écorces, 
ou  du  menu  bois  d'industrie  ;  encore  la  quantité  de  ces  derniers 
est-elle  subordonnée  à  la  longueur  des  révolutions. 

Régénération.  —  Toute  la  méthode  de  régénération  des 
taillis  simples  réguliers  repose  sur  le  fait  même  de  l'exploita- 
tion. Les  points  essentiels  à  considérer,  pour  assurer  la  pro- 
duction permanente  des  rejets,  sont  relatifs  à  l'âge  de  l'ex- 
ploitation des  peuplements,  à  la  saison  la  plus  favorable  pour 
faire  la  coupe  et  au  mode  d'abatage  des  produits,  toutes 
questions  étudiées  au  chapitre  ier. 

Soins  culturaux.  —  Les  soins  culturaux  se  bornent, 
en  général,  à  quelques  plantations  sobrement  faites,  pour 
rétablir  l'état  de  massif  continu  en  bonnes  essences,  sur 
les  points  clairières  par  la  mort  accidentelle  d'une  ou  de  plu- 
sieurs souches. 

Ces  plants  doivent  être  dégagés  périodiquement  en  la  forme 
prescrite,  afin  qu'ils  ne  soient  pas  étouffés  par  la  poussée  des 


220  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

essences  inférieures.  Le  plus  souvent,  les  plantations  seront 
rendues  inutiles,  si  l'on  prend  soin  de  sauver  les  semis  naturels 
qui  se  rencontrent  accidentellement  disséminés,  et  qui  pro- 
viennent de  semences  fournies  par  le  taillis  lui-même  (1),  ou 
par  des  arbres  constitués,  fructifiant  dans  les  environs. 

Dans  les  taillis  simples  réguliers,  systématiquement  exploités 
à  des  révolutions  courtes,  souvent  inférieures  à  vingt-cinq  ans, 
tous  les  sujets  ont  même  avenir  et  sont  appelés  à  une  même  fin 
prochaine.  Les  cépées  existent  aux  distances  que  comporte  la 
révolution  ;  elles  s'étalent  sans  se  gêner  l'une  l'autre.  Dès  lors, 
si  la  lutte  s'engage,  ce  n'est  pas  de  cépée  à  cépée,  mais  de  rejet 
à  rejet  dans  une  même  cépée.  Cette  lutte  est  d'assez  courte 
durée  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  d'intervenir;  car,  par- 
tout où  l'on  n'a  aucun  intérêt  à  créer  des  individualités, 
l'éclaircie  ne  se  justifie  pas. 

Il  n'en  est  plus  de  même  si  les  révolutions  atteignent  ou 
dépassent  30  ans.  Alors  une  éclaircie  s'impose,  dans  le  même 
esprit  que  celle  des  peuplements  de  futaie.  Dans  chaque  cépée, 
traitée  comme  une  unité  à  part,  on  enlèvera,  au  profit  des  plus 
belles  tiges,  les  perches  surabondantes  ou  tarées  de  l'étage 
dominant,  en  respectant  scrupuleusement  tous  les  brins  do- 
minés, rabougris  ou  traînants,  qui  composent  le  sous  étage 
et  lui  donnent  sa  densité.  Une  telle  opération  est  aussi  délicate 
à  diriger  qu'à  exécuter;  car  il  n'est  pas  toujours  facile  au  bû- 
cheron de  lancer  sa  hache  au  milieu  d'une  cépée  pour  y 
abattre,  sans  froisser  les  autres,  le  ou  les  seuls  brins  à  faire 
tomber. 

Exceptionnellement,  en  sol  fertile,  dans  un  mélange  de 
bois  tendres  et  de  bois  durs,  quand  les  premiers  sont  exploi- 
tables avant  les  seconds,  on  peut  les  réaliser  en  temps  oppor- 
tun, avant  la  coupe  principale.  Mais  alors  ces  éclaircies,  qui 
sont  de  véritables  exploitations  anticipées,  perdent  en  partie 
leur  caractère  cultural... 

Application  dans  les  régions  tempérées.  —  En  France, 
on  trouve   les  taillis  simples    clans  les   régions  méridionales 

(1)  Les  cépées  de  chêne  rouvre  et  surtout  de  chêne  pédoncule  don- 
nent des  quantités  assez  considérables  de  glands.  Mais  beaucoup  de 
ceux-ci,  quoique  de  belle  apparence,  demeurent  stériles. 


LE   tau. lis   SIMPLE    RÉGULIER.  221 

comme  dans  les  régions  septentrionales.  Malgré  leur  impor- 
tance —  ils  couvrent  plusieurs  millions  d'hectares  —  et  leur 
variété,  nous  ne  ferons  que  passer  rapidement  en  revue  les 
principaux  types. 

Dans  les  climats  tempérés,  ce  mode  de  traitement,  très  jus- 
lilié  alors  que  diverses  industries  (salines,  verreries,  for- 
ges, etc.)  consommaient  des  quantités  considérables  de  bois 
de  petits  calibre,  répond  de  moins  en  moins  à  la  situation 
économique  de  notre  pays,  à  une  époque  où  le  charbon  et 
les  bois  à  brûler  perdent  de  jour  en  jour  de  leur  valeur.  Les 
écorces  à  tan,  d'un  produit  autrefois  très  rémunérateur,  souf- 
frent aussi  d'une  baisse  de  prix  considérable.  Il  est  donc  ur- 
gent de  songer  à  transformer  les  taillis  simples  en  vue  de  la 
production  de  marchandises  d'un  plus  fort  diamètre. 

Le  rôle  et  la  composition  de  ces  taillis  différent  sensible- 
ment d'une  région  à  l'autre.  Dans  l'ouest,  ce  sont  des  taillis  de 
chêne  tauzin;  en  Sologne,  on  trouve  le  chêne  rouvre  et  le 
chêne  pédoncule  ;  dans  les  Ardennes,  dans  les  Vosges  méri- 
dionales, le  chêne  rouvre  domine.  Un  peu  partout,  aux  chênes 
se  mélangent  :  le  bouleau,  sur  les  sables  pauvres,  —  les  bois 
blancs  dans  les  stations  fraîches,  —  le  charme,  l'érable  cham- 
pêtre, le  coudrier  dans  des  sols  secs  et  moins  profonds.  Par- 
tout, des  améliorations  importantes  pourraient  être  apportées 
à  ce  genre  d'exploitation  et  en  atténuer  les  mauvais  effets;  la 
principale  serait  l'allongement  des  révolutions,  précédant  la 
conversion  en  taillis  sous  futaie. 

En  ce  qui  concerne  les  taillis  de  chêne  écorcés  (1),  nous 
avons  vu  au  Chapitre  Ier  que  l'exploitation  pouvait,  sans  in- 
convénients sérieux  pour  l'évolution  des  rejets,  être  reculée 
jusqu'en  mai,  époque  de  la  levée  des  écorces.  D'autre  part 
nous  pensons  que  l'écorçage  sur  pied  est  peu  préjudiciable,  à 
condition  que  l'exploitation  des  perches  soit  précédée  d'une 
incision  annulaire  ouverte  au  dessus  du  niveau  du  sol,  et  que 
la  coupe  ait  lieu  ensuite  rez-terre  ;  et  cela  malgré  l'opinion  des 
sylviculteurs  autorisés  qui  considèrent  celte  incision  comme 
inutile  et  même  nuisible  ('2). 

(1)  Bouvart.  De  l'écorçage  du  chêne.  (Bévue  des  Eaux  et  Forêts,  1866.) 

(2)  Société  centrale  forestière  de  Belgique,  avril  1899. 


222  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Nous  restons  convaincus  que  le  plus  grand  inconvénient  de 
l'écorçage  sur  pied  consiste  dans  le  va-et-vient  de  nombreux 
ouvriers  dans  les  coupes  où  commencent  à  évoluer  les  rejets; 
et,  pour  ce  motif,  nous  croyons  bon  de  tenir  la  main,  —  atin 
de  délivrer  le  plus  vite  possible  la  forêt  de  toute  cette  popu- 
lation qui  la  fatigue,  —  à  l'abatage  des  perches  écorcées  dans 
le  plus  court  délai  possible,  alors  même  qu'il  serait  démontré 
que  le  maintien  sur  pied  de  ces  perches,  pendant  une  quinzaine 
de  jours,  n'est  pas  nuisible  à  la  vitalité  de  leurs  propres 
souches. 

Il  va  sans  dire  que  les  propriétaires  de  forêts  ne  peuvent  que 
souhaiter  l'extension  des  procédés  d'écorçage  à  la  vapeur. 
—  après  exploitation,  —  inventés  par  MM.  Maitre  et  de 
Nomaison  (1). 

Disons  enfin  un  irfot  de  la  pratique  du  sartage,  ne  fût-ce 
que  pour  en  signaler  le  danger. 

Dans  certaines  régions,  notamment  dans  les  Ardennes  et 
les  Gévennes,  les  taillis  de  chêne  sont  encore  soumis  à  cette 
pratique.  Le  sartage  consiste,  après  l'exploitation  d'un  taillis 
simple,  à  brûler  les  rémanants  répandus  sur  le  sol,  de  façon  à 
le  faire  profiter,  sans  frais,  des  matières  fertilisantes  immédia- 
tement assimilables  et  à  permettre,  grâce  à  cet  engrais,  d'in- 
tercaler une  culture  agricole,  du  seigle  généralement,  entre 
deux  exploitations  forestières  (2). 

Mais  le  mince  bénéfice  qu'on  en  tire  s'obtient  au  détriment 
de  la  forêt  :  1"  la  mise  à  feu  se  faisant  vers  le  mois  d'août, 
toute  la  pousse  de  l'année  est  perdue,  et  un  certain  nombre 
de  souches,  les  unes  fatiguées  par  cette  pratique  qui  dérange 
le  mouvement  de  la  sève,  les  autres  directement  atteintes  par 
le  feu,  cessent  de  repousser  et  meurent  ;  le  sarteur,  qui  ne 
cherche  que  le  chêne,  aide  à  la  destruction  de  toutes  les  autres 
essences  :  charmes,  bouleaux,  fruitiers,  qui  disparaissent  et 
sont  remplacés  par  des  morts  bois  et  surtout  par  le  genêt, 
dont  la  multiplication  est  favorisée  par  la  grande  quantité  de 
potasse  contenue  dans  les  cendres  ;  —  2°  sur  les  versants  à 

(1)  Bull.  Société  des  Agriculteurs  de  France,  mai  1873. 

(2)  Cornebois.  Notice  sur  le  sartage  dans  V arrondissement  de  Hocroy, 
Paris,  J.  Tremblay,  1882. 


LB    TAILLIS    SI  Mil  i:    ni  <,i  LIER, 


223 


pente  rapide,  la  terre  végétale  est  brûlée  e\   perd,  pendanl 

quatre  ou  cinq  ;uis  au  inoins,  la  cohésion  nécessaire  pour 
résistera  l'action  des  pluies;  le  retour  de  chaque  exploitation 
en  enlève  une  bonne  part,  et  les  lianes  des  montagnes  mon- 
trent de  plus  cfî  plus  les  rochers  stériles  qui  en  forment  les 


Fig.  jG.  —  Un  taillis  de  chêne  vert;  exploitation  par  le  saut  du  piquet. 
Forêt  de  Mérindol  (Vaucluse).  (Photographie  de  M.  J.  George.' 

assises;  —  3°  enfin  le  sartage  met  obstacle  à  rallongement  des 
révolutions  et  à  la  conversion  en  taillis  sous  futaie. 

Du  reste,  tous  les  prétendus  avantages  attribués  au  sar- 
tage  au  point  de  vue  forestier,  ne  supportent  pas  la  discus- 
sion. On  entend  dire,  en  effet,  que  les  taillis  se  sontmaintenus 
grâce  à  lui  ;  or,  il  est  facile  de  se  rendre  compte  de  ce  fait  que, 
pour  sarter,  il  faut  couper  soigneusement  les  taillis  rez-terre; 
c'est  donc  grâce  à  leur  bonne  exploitation  que  ces  taillis  se 
sont  perpétués  quoique,  —  et  non  parce  que,  —  sartés.  Le 
sartage  perd  d'ailleurs  du  terrain  dès  que  l'aisance  pénètre 
dans  les  pauvres  contrées  qui  en  vivaient. 

Applications  dans  les  régions  méridionales.  —  Les  taillis 


224  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

de  chêne  yeuse,  pur  ou  mélangé  de  chêne  blanc  (tig.  56), 
donnent  la  seule  forêt  qu'on  puisse  demander  aux  terrains  cal- 
caires brûlés  par  le  soleil  de  la  Provence,  sur  lesquels  ils  sont 
localisés  (1). 

Pour  ceux-ci,  comme  pour  tous  les  précédents,  l'allongement 
des  révolutions  s'impose.  Leur  durée  actuelle,  qui  varie  de 
huit  à  quinze  ans,  peut,  sans  inconvénients,  être  portée  à  vingt 
ou  vingt-cinq  ans.  Sans  rien  perdre  au  point  de  vue  de  la  pro- 
duction des  écorces,  on  aurait  l'avantage  d'augmenter  la  valeur 
des  produits  ligneux  et  de  faciliter  l'exercice  du  pâturage  (2). 

Heureux  le  propriétaire  de  pareils  taillis  qui,  à  défaut  de 
bois,  peut  y  récolter  des  truffes  (3).  Peut-être,  comme  le  con- 
seille M.  Broilliard,  des  éclaircies  bien  dirigées  augmente- 
raient-elles la  production  de  cet  intéressant  cryptogame.  Il 
semble  nécessaire  que  le  taillis  ait  huit  à  dix  ans  pour  que 
les  truffes  y  soient  abondantes;  elles  disparaissent  quand  les 
cépées  sont  plus  âgées,  et,  malheureusement,  —  sur  les  pentes 
du  Ventoux  tout  au  moins,  —  ne  reviennent  pas  quand  on 
substitue  une  forêt  nouvelle  à  l'ancien  peuplement  devenu 
stérile  (4). 

(1)  Voir  :  Regimbeau,  Le  chêne  yeuse  ou  le  chêne  vert  dans  le  Gard, 
Nîmes,  impr.  Jouve,  1879. 

A,  Rousset,  Recherches  expérimentales  sur  les  écorces  du  chêne 
yeuse,  Paris,  imprim.  Nationale,  1887. 

E.  Rouis,  Note  sur  le  développement  et  la  gestion  des  forêts  com- 
munales dans  le  déparlement  du  Gard,  Avignon,  Séguin,  1896. 

V.  de  Larminat,  Les  forêts  de  chêne  vert,  Troyes,  L.  Lacroix,  1893. 

F.  Tessisr,  Le  versant  méridional  du  Ventoux.  (Revue  des  Eaux  et 
Forêts,  janvier,  février,  mars  1900.) 

(2)  Voir  chapitre  Vil. 

(3)  En  1892,  la  commune  de  Bédouin  (Vaucluse)  a  tiré  un  revenu  de 
plus  de  55,000  francs  d'une  forêt  truffière,  créée  par  M.  l'Inspecteur 
général  Bédel,  alors  qu'il  était  chef  de  service  à  Avignon  en  1865. 

(4)  Nous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter  que  le  chêne  «  truffier  »  est 
une  pure  chimère  en  tant  que  race  ou  variété.  Des  glands  nés  de  chênes 
verts  ou  de  chênes  blancs  quelconques,  peuvent  donner  des  cépées 
truffières,  si,  d'ailleurs,  les  conditions  nécessaires  à  la  vie  du  champi- 
gnon sont  remplies.  Peut-être,  cependant,  de  la  terre  ou  des  feuilles, 
prises  dans  une  forêt  où  vivent  des  truffes,  en  apporteraient-elles  des 
spores. 

Pour  créer  une  truffière  artificielle,  on  défriche  le  terrain,  on  cultive 
des  bandes  de  quatre  à  six  mètres  de  largeur  et  on  y  sème  des  glands 
de  chêne  yeuse  autant  que  possible.  Dans  l'intervalle,  et  en  attendant 
que  les  truffes  apparaissent,   ou  peut  pratiquer  une  culture  agricole 


Ll    TAILLIS    SIMPLE    ltl  GULI1  R. 


225 


Applications  diverses.  —  Indépendamment  des  essences 
dont  nous  vouons  de  parler,  il  peu!  «'Ire  avantageux  de  cultiver 
en  taillis  simple  d'autres  espèces  et,  plus  particulièrement,  les 
suivantes  : 

1°  dès  l'âge  de  quinze  ans,  les  taillis  d'aune  donnent  de 
fort  beaux  rendements;  mais  ils  peuvent,  avec  avantage,  être 
conduits  beaucoup  plus  loin.  Les  stations  où  le  sol  est  frais 
cl  profond,  les  parties  trop  mouilleuses  des  régions  de  prai- 
ries, le  bord  des  rivières  conviennent  à  merveille  à  cette 
essence; 

2°  sous  la  dimension  de  faibles  perches,  le  châtaignier 
présente  déjà  une  bonne  proportion  de  bois  parfait,  et, 
comme  il  pousse  très  vite,  on  a  la  coutume  de  le  couper 
d'assez  bonne  heure,  généralement  vers  douze  à  quinze  ans. 
Dans  les  sols  riches,  en  retardant  l'exploitation  et  en  prati- 
quant des  éclaircies  convenables,  on  obtient,  dès  l'âge  de 
trente  ans,  des  perches  de  vingt  à  vingt-cinq  centimètres  de 
diamètre,  dont  on  tire  d'excellents  merrains.  Le  châtaignier, 
traité  en  taillis  simple,  ne  prospère  que  dans  les  climats  doux 
et  sur  les  sols  siliceux,  légers  et  profonds.  Les  scories  volca- 
niques du  Plateau  central  lui  conviennent  particulière- 
ment (1)  ; 

3°  les  taillis  de  robinier  (vulgairement  acacia),  sont  d'un 
bon  rapport.  Les  plants  doivent  être  espacés  et  maintenus  à 
l'état  pur,  car  ils  ne  supportent  aucun  mélange  avec  les  es- 
sences indigènes.  En  général,  on  exploite  le  robinier  rez  terre 
tous  les  dix,  douze  ou  quinze  ans  ;  mais,  en  le  maintenant  en 
massif  clair,  on  peut  le  conduire  avantageusement  jusqu'à 
quarante  et  même  cinquante  ans.  A  quelqu'âge  qu'on  le 
coupe,  il  se  reproduit  très  facilement  par  drageons.  Le  robi- 
nier   croît    vite  ;  mais  il    craint   le    vent,  l'état  serré    et   le 

(Ad.  Chatin,  De  la  truffe,  de  sa  culture  et  de  sa  naturalisation,  Bull. 
Société  botanique  de  France,  1872.) 

(1)  En  Alsace,  le  châtaignier  fournit,  à  4  ou  5  ans,  des  cercles  de 
futaille,  —  à  15  ou  20  ans,  d'excellents  échalas  pour  la  vigne.  L'hectare 
de  taillis  de  châtaignier,  dont  la  création  exige  une  dépense  d'environ 
800  francs,  sol  et  plantation  compris,  rapporte  annuellement,  clans  la 
région  du  vignoble  un  revenu  net  de  100  francs.  —  Millischer,  La  cul- 
ture du  châtaignier  en  Alsace.  (Bull.  Société  forestière  de  Franche- 
Comté  et  Bel  fort,  avril  1893.) 

BorrE  et  Jolyet.  1-* 


22()  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

couvert.  On  le  plante  trop  souvent  dans  des  sols  sans  pro- 
fondeur ou  compacts,  sous  le  prétexte  qu'il  «  reprend  » 
presque  toujours  ;  c'est  un  tort,  car  il  n'est  d'une  culture 
avantageuse  et  justifiée  que  dans  des  sols  légers  et  profonds; 

4°  dans  les  terrains  submersibles  enrichis  par  le  limon  des 
cours  d'eau  débordés,  les  bois  blancs,  les  saules  surtout, 
prennent  une  végétation  active  et  donnent  de  bons  revenus. 
Les  révolutions  adoptées  sont  très  courtes  :  elles  dépassent 
rarement  douze  ans,  et  descendent  parfois  au-dessous  de 
huit  ans,  pour  former  les  menus  taillis', 

5°  les  perches  ou  barres  de  micocoulier,  réduites  au 
nombre  de  deux  ou  trois  sur  chaque  souche,  atteignent  une 
dizaine  de  centimètres  de  diamètre  à  dix  ou  douze  ans  et 
valent  un  à  deux  francs  pièce.  Des  taillis  de  cette  essence 
peuvent  être  d'un  rendement  avantageux,  mais  ils  exigent 
un  sol  divisé,  bien  ameubli  et  le  climat  méditerranéen. 

Nous  empruntons  une  bonne  part  des  renseignements  qui 
précèdentau  Traitement  des  Bois  en  France  de  M.  Broilliard. 
Nous  ne  pouvons  que  renvoyer  à  cet  important  ouvrage  le 
lecteur  désireux  de  plus  amples  détails  sur  la  création  et  la 
conduite  de  ces  divers  types  de  taillis  simples. 

ARTICLE  IV 

LE  TAILLIS  SIMPLE  FURETÉ 

Forme  des  peuplements.  —  Circonstances  clans  lesquelles  il  se 
justifie.  — Régénération.  —  Réglementation. 

Forme  des  peuplements.  — Pour  fureter  un  taillis  simple, 
on  y  revient  à  de  courts  intervalles,  compris  entre  huit  et 
quinze  ans,  en  se  bornant  à  couper  les  perches  exploitables, 
c'est-à-dire,  le  plus  généralement,  celles  qui  ont  de  0m30  à 
0m35  de  tour  à  hauteur  d'homme.  Si,  par  exemple,  on  passe 
tous  les  neuf  ans  dans  un  taillis  où  il  faut  vingt-sept  ans  aux 
rejets  pour  atteindre  cette  grosseur,  on  trouvera,  en  théorie, 
sur  chaque  cépée,  immédiatement  avant  la  coupe,  des  ra- 
meaux de  neuf,  dix-huit  et  vingt-sept  ans. 

En  fait,  les  choses  se  passent  comme  il  suit:  les  exploita- 


LE    TAILLIS    SIMPLE    PURETÉ. 


•JJ7 


lions,  limitées  sur  chaque  cépée  à  un  petit  nombre  de  perches 
choisies  dans  l'étage  dominant,  avec  réserve  de  tous  les 
rejets  moins  forts,  occasionnent,  çà  et  là  sur  La  souche,  des 
blessures  qui  tendent  à  se  cicatriser;  à  la  longue,  la  surface  de 
cette  souche  présente  donc  des  îlots  de  tissu  cicatriciel  (l),dans 


Fig.  57.  —  Souche  de  taillis  fureté. 


lequel  s'organisent  des  bourgeons  adventifs.  De  ces  bourgeons, 
les  uns  restent  à  l'état  dormant,  d'autres  s'allongent  quelque 
peu  en  restant  grêles  et  chétifs,  mais  tous  sont  prêts  à  se  déve- 
lopper dès  que  le  hasard  d'une  exploitation  leur  donnera 
l'espace  et  la  lumière  ;  la  question  d'âge  n'entre  donc  pour 
rien  dans  leur  évolution  successive:  chacun  peut  devenir 
dominant  bien  avant  son  tour  d'ancienneté. 


(1)  Un  grand  nombre  de  bourgeons  adventifs  naissent  sur  le  tissu 
cicatriciel  des  blessures  faites  aux  souches  et  aux  racines  par  le 
trainage  des  produits  et  les  autres  accidents  consécutifs  à  l'exploita- 
tion. 


228  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Les  éléments  qui  entrent  dans  la  composition  d'un  taillis 
fureté  représentent,  par  suite,  une  cépée  en  forme  de  buisson 
(fig.  57),  dont  les  brins,  émergeant  tous  d'une  souche  d'aspect 
tourmenté  comme  la  cime  d'un  têtard,  sont  les  uns  plus 
ou  moins  dominants,  les  autres  franchement  chétifs  et  traî- 
nants :  à  vrai  dire,  au  lieu  de  trois  ou  quatre  classes  d'âge, 
l'œil  distingue  à  peine  deux  étages. 

Dans  son  ensemble,  le  peuplement  constitue  un  fourré  per- 
pétuel, ayant  de  6  à  10  mètres  de  hauteur.  Quand  il  est  plein 
et  parcouru  par  des  exploitations  modérées,  il  est  souvent 
fort  difficile  d'y  pénétrer  :  la  présence  des  traînants,  notam- 
ment, rend  la  circulation  pénible  pour  peu  que  la  pente  soit 
accusée.  Il  n'y  peut  être  non  plus  question  de  pâturage;  et 
si,  pour  satisfaire  aux  exigences  de  propriétaires  ou  d'usagers, 
on  coupe  lesdits  traînants,  on  perd  tous  les  bénéfices  de  la 
forme  furetée.  Cette  pratique  funeste  explique  tout  le  mal  que 
l'on  a  dit  du  furetage,  procédé  trop  peu  étudié  et,  par  suite, 
souvent  calomnié,  véritable  jardinage  sur  souches,  qui  par- 
tage avec  le  jardinage  dans  les  futaies  le  grand  mérite  de  tenir 
le  sol  toujours  couvert  et  de  bien  le  protéger  contre  l'éro- 
sion. 

Circonstances  dans  lesquelles  il  se  justifie.  — Bien  que 
des  chênes,  des  châtaigniers,  des  fruitiers,  puissent  se  jeter  et 
se  maintenir  quelque  temps  dans  un  taillis  fureté,  ce  mode  de 
traitement  ne  concerne  que  le  hêtre,  et  voici  sa  justifica- 
tion. 

En  général,  les  taillis  simples  réguliers  de  cette  essence  ne  se 
perpétuent  facilement  que  dans  les  stations  tempérées,  et  sous 
la  condition  d'être  exploités  jeunes.  Dès  que  les  rejets  naissants 
ne  résistent  plus,  sans  protection,  à  l'action  d'un  climat  trop 
rigoureux  par  excès  de  chaleur  ou  de  froid,  dès  que  les  pro- 
duits, pour  être  utilisés,  doivent  atteindre  une  dimension  qui 
dépasse  celle  où  le  hêtre  repousse  facilement  de  souches,  il 
est  nécessaire,  si  l'on  veut  rester  dans  le  régime  du  taillis,  de 
recourir  au  furetage.  C'est,  d'ailleurs,  en  de  semblables  cir- 
constances, que  ce  mode  de  traitement  est  né  dans  le  Morvan, 
dans  les  Pyrénées  et,  sans  doute  aussi,  dans  les  Cévennes,  en 
Savoie  et  en  Suisse. 


LE    TMI.I.IS     SOUS     M    I    Ml   . 


229 


Régénération.  —  La  nécessité  de  ménager  tous  les 
pamèaux  d'avenir  oblige  à  couper  les  perches  exploitables  à 
un  certain  niveau  au-dessus  du  sol,  de  1<'II<'  sorte  que  les 
bourgeons  donnent  des  rejets  qui  ne  s'affranchissent  jamais  ; 
les  souches  furelées  sont  donc  condamnées  à  mourir  de  vieil- 
lesse un  jour  ou  l'autre.  Pour  les  remplacer,  il  faut  utiliser  les 
faux  drageons,  les  brins  de  semence  qui  naissent  dans  les  inter- 
valles, ou,  à  défaut,  marcotter  des  traînants.  Ces  remplaçants 
sontrecépés  d'assez  bonne  heure  pour  provoquer  la  création 
de  cépées,  qui  seront,  à  leur  tour,  mises  à  l'état  furelé. 

Réglementation.  —  On  doit  s'astreindre,  non  seulement  à 
ne  réaliser  que  des  brins  de  calibre,  mais  encore  à  couper  le 
plus  grand  nombre  de  ceux-ci.  Sinon,  les  perches  dominantes 
auraient  des  tendances  à  former  un  massif  assez  serré,  et 
arrêteraient  le  développement  des  rameaux  intermédiaires  et 
des  bourgeons  dormants  ;  alors  se  constituerait  un  perchis 
plus  ou  moins  régulier,    qui  ne  serait  plus  un  taillis  fureté. 

On  n'a  pas  intérêt  à  multiplier  le  nombre  des  exploitations  ; 
au  contraire,  en  augmentant,  dans  une  limite  convenable, 
l'intervalle  qui  sépare  les  retours  de  la  hache  dans  une  même 
cépée,  on  rend  plus  nette  la  distinction  des  perches  de  calibre  ; 
le  peuplement  se  trouve  moins  souvent  exposé  aux  fatigues  et 
aux  abus  d'une  exploitation;  enfin,  on  a  l'avantage  d'augmenter 
la  surface  des  cantons  où,  les  rejets  étant  plus  âgés,  le  pâtu- 
rage est  moins  nuisible.  A  tous  les  points  de  vue,  les  rota- 
tions de  douze  à  quinze  ans  sont  préférables  à  celles  de  huit 
à  douze  ans. 

ARTICLE    V. 

LE   TAILLIS  SOUS    FUTAIE 

Constitution.  —  Solidarité  entre  la  futaie  et  le  taillis.  —  Avantages 
et  inconvénients.  —  Régénération  du  taillis.  —  Constitution  de  la 
futaie.  —  Les  dégagements  de  semis.  —  Les  éclaircies. 

Constitution.  —  Le  taillis  sous  futaie,  ou  taillis  composé, 
est  caractérisé,  comme  ce  dernier  nom  l'indique,  aussi  bien 
par  son  mode  de  régénération,  que  par  sa  nature  complexe. 
Il  est  formé,   en  effet,  de    deux  éléments    :   un    sous    étage 


•23() 


LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 


exploité  à  intervalles  égaux,  à  la  façon  des  taillis  simples,  — 
et  un  étage  composé  d'arbres  irrégulièrement  disséminés, 
dont  les  cimes,  qui  dominent  le  taillis,  se  développent  à  l'état 
isolé  jusqu'au  terme  de  leur  existence  utile.  Ces  arbres  consti- 
tuent ce  qu'on  appelle  la  réserve  ou  la  futaie. 

Cette  réserve,  d'ailleurs,  est  constituée  et  s'exploite  de  la 
manière  suivante:  lors  du  passage  des  coupes,  on  réalise  dans 
la  futaie,  individuellement  et  en  jardinant,  les  arbres  devenus 
exploitables.  En  même  temps,  on  choisit,  pour  les  conserver, 
un  certain  nombre  de  brins  de  l'âge  du  taillis,  qui,  à  partir 
de  cet  isolement,  sont  acquis  à  la  réserve  et  viennent  la  ren- 
forcer de  façon  à  entretenir  sa  composition,  sa  consistance  et 
sa  production  aussi  constantes  que  possible. 

Il  résulte  de  cette  manière  d'opérer  que  les  arbres  de  la 
futaie  ont  d'abord  vécu  avec  le  sous  étage,  dans  le  sein  duquel 
ils  ont  été  confondus  pendant  une  révolution,  et  que,  dans 
l'ensemble,  la  réserve  se  compose  d'arbres  appartenant  à  plu- 
sieurs classes,  dont  les  âges  différent  entre  eux  d'un  temps 
égal  à  la  durée  des  révolutions  de  taillis. 

Dans  ces  conditions,  ces  divers  éléments  peuvent  se  com- 
biner de  mille  façons  différentes;  aussi  la  forme  des  taillis  sous 
futaie  est-elle  essentiellement  variable.  Entre  un  taillis  simple 
régulier,  ombragé  par  quelques  arbres  épars,  et  un  autre  do- 
miné par  une  réserve  très  nombreuse,  il  y  a  place  pour  tous 
les  intermédiaires. 

Solidarité  entre  la  futaie  et  le  taillis.  —  D'ailleurs,  entre 
les  deux  éléments  du  taillis  sous  futaie,  il  existe  une  solidarité 
complète. 

D'une  part,  la  consistance  du  taillis  est  en  raison  inverse 
de  celle  de  la  futaie,  puisque  ce  taillis,  qui  forme  l'étage  do- 
miné, est  d'autant  plus  clair  et  chélif  que  la  réserve,  c'est-à- 
dire  l'étage  dominant,  est  composée  d'arbres  plus  nombreux 
et  plus  gros.  Cette  dernière  considération  engage  donc  à  com- 
poser la  réserve,  autant  que  possible,  avec  des  essences  à 
feuillage  léger,  et  dont  la  valeur  acquise  par  le  grossissement 
soit  suffisante  pour  compenser  la  perte  que  leur  couvert  fait 
éprouver  au  sous  bois. 

D'autre  part,  la  réserve  agit  sur  la  composition  du  peuple- 


LE  tau. lis   socs   i  i  i  \n:. 


23  J 


ment,  lequel  est  loin  de  eonserver  ta  stabilité  relative  que 
présente?!!  les  faillis  simples.  En  effet,  par  son  couvert,  elle 


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Fig.  58.  —  Un  taillis  sous  futaie  avant  la  coupe.  Forêt  de  Ghampenoux. 

fait  perdre  à  un  certain  nombre  de  souches  la  faculté  de  pro- 
duire des  rejets.  D'après  les  recherches  faites  par  M.  d'Arbois 
de  Jubainville  dans  les  taillis  de  la  Meuse  (1),  on  peut  admet- 

(1)  Recherches  sur  les  Taillis  sous  Futaie,  Grimblot.  Nancy.  1860. 


232  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAÎTEMENT. 

tre  que,  dans  les  conditions  moyennes,  sous  le  couvert  direct 
des  chênes,  3  à  6  p.  100  des  souches  ne  rejettent  plus.  Cette 
proportion  augmente  encore  si,  au  lieu  de  chênes,  la  réserve 
est  formée  d'espèces  à  couvert  épais,  ou  peu  élevé,  notam- 
ment de  hêtres  ou  de  charmes.  De  plus,  la  cépée  dans  la- 
quelle on  fait  une  réserve  est,  en  général,  perdue  pour  le  sous 
étage,  celle-ci  ne  devant  être  exploitée  qu'à  un  âge  où  sa 
souche  ne  fournira  plus  de  rejets  durables. 

Mais,  ces  dégradations  sont  compensées  par  l'apparition  de 
brins  de  semence.  Ceux-ci  apparaissent  dans  les  circonstances 
les  plus  diverses  grâce  à  la  disposition  variée  de  la  réserve, 
dont  les  arbres  sont  en  grande  partie  fertiles.  Ainsi  les  semis 
de  bois  blancs  et  des  autres  espèces  à  graines  légères,  telles 
que  :  frênes,  ormes,  érables,  etc...,  se  jettent,  aussitôt  la 
coupe  faite,  sur  le  sol  mis  à  découvert.  Ces  semis  ont  un  sort 
variable  :  ceux  de  charmes,  qui  naissent  nombreux,  ne  résis- 
tent à  l'été  que  dans  les  sols  assez  frais  pour  ne  pas  se  des- 
sécher au  delà  de  la  zone  peu  profonde  pénétrée  par  les  racines 
superficielles  de  cette  essence  ;  ceux  de  chêne  et  de  hêtre  se 
produisent  après  chaque  année  de  semence,  mais  ils  ne  ren- 
contrent pas  toujours  des  conditions  favorables  pour  se 
maintenir  :  tant  que  le  taillis  est  à  l'état  de  fourré,  à  couvert 
très  bas,  leur  réussite  est  impossible  ;  s'ils  se  forment  vers  la 
fin  de  la  révolution,  les  jeunes  hêtres  sont  exposés  à  être  tués 
par  l'insolation  trop  brusque,  consécutive  à  la  coupe  ;  quant  aux 
semis  de  chênes,  ils  peuvent,  sans  doute,  résister  à  la  pleine 
lumière,  mais,  le  plus  souvent,  ils  sont  dominés  par  des  rejets 
de  souches  et  disparaissent  en  presque  totalité  dans  le  cours  de 
la  révolution  suivante,  à  moins  qu'on  ne  vienne  à  leur  aide. 

Toutefois,  profitant  d'une  série  de  circonstances  propices, 
quelques  brins  de  charme,  de  chêne,  de  hêtre,  parviennent 
à  entrer  définitivement  dans  la  composition  du  peuplement. 
On  constate  d'ailleurs  que  les  semis  se  montrent  d'autant  plus 
nombreux  que  les  révolutions  sont  plus  longues,  et  la  réserve 
plus  riche  en  arbres  fertiles.  Aussi  peut-on  dire  que,  dans  les 
taillis  sous  futaie  bien  tenus,  l'action  de  la  réserve  tend  à  enri- 
chir la  composition  du  taillis  en  bonnes  essences,  plutôt  qu'à 
l'appauvrir. 


LE    TAILLIS    BOUS    FUI  Ul 


233 


Avantages  et  inconvénients.  —  Lé  taillis  sous  futaie  em- 
prunte au  taillis  simple  son  mode  de  régénération  facile,  sur 
et  gratuit  ;  mais,  mieux  que  lui,  il  utilise,  en  sol  profond, 
toute  l'épaisseur  de  la  couche  pénétrable  aux  racines.  Le 
changement  perpétuel  dans  la  situation  des  réserves  établit, 
dans  cette  zone,  une  sorte  d'assolement  entre  les  régions 
superficielles  et  les  régions  profondes,  oecupées  alternati- 
vement par  les  racines  des  cépées,  et  par  celles  des  arbres. 
Mieux  que  lui  encore,  il  protège  le  sol  et  fournit  à  la  cou- 
verture morte  des  détritus  abondants;  on  ne  remarque  pas 
d'ailleurs  qu'il  exerce  une  action  fâcheuse  sur  la  fertilité 
des  terrains  de  bonne  qualité  ;  toutefois,  épuisant  par  nature, 
comme  tout  taillis,  il  peut  être  d'une  application  dangereuse 
dans  les  sols  pauvres  et  secs,  surtout  si  la  révolution  adoptée 
est  courte. 

Le  sous  étage,  en  tant  que  taillis  simple,  échappe  à  tous 
les  dangers  extérieurs.  Les  arbres  de  la  futaie,  eux-mêmes, 
grâce  à  l'enracinement  solide  qu'ils  doivent  à  leur  état  isolé, 
offrent  une  grande  résistance  au  vent  ;  c'est  seulement  au 
cours  des  deux  ou  trois  années  qui  suivent  l'exploitation 
qu'ils  risquent  d'être  renversés  ;  les  anciens  protègent,  d'ail- 
leurs, les  modernes  et  surtout  les  baliveaux.  Dans  son  en- 
semble, le  peuplement,  d'âges  multiples  et  de  composition 
variée,  est  peu  exposé  aux  ravages  des  insectes.  En  toutes 
circonstances,  et  mieux  que  la  futaie,  le  taillis  sous  futaie 
répare  ie  lui-même  les  dégâts  dont  il  a  pu  être  victime;  car 
quel  que  soit  le  sort  de  la  réserve,  l'ensouchement  du  taillis 
est  toujours  là,  pour  fournir  une  régénération  par  rejets  et 
sauver  l'état  boisé. 

Au  point  de  vue  économique,  le  taillis  sous  futaie  se  recom- 
mande par  ses  produits  variés,  de  nature  à  satisfaire  les 
besoins  les  plus  multiples  du  commerce.  Il  permet,  en  outre, 
d'obtenir,  dans  un  temps  relativement  court,  des  chênes  d'un 
fort  diamètre,  dont  le  bois  est  très  nerveux,  et,  accessoire- 
ment, d'élever  les  grandes  espèces  disséminées  que  la  futaie 
élimine  presque  toujours.  Enfin,  cemode  de  traitement  se  prête 
aux  combinaisons  les  plus  diverses  ;  il  demeure  applicable  aux 
forêts  de  toute  étendue,  aux    plus  grandes  comme    aux  plus 


234  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

petites  ;  il  est  à  la  portée  de  toutes  les  bourses,  de  toutes  les 
catégories  de  propriétaires. 

Tels  sont  les  avantages  fondamentaux  de  ce  mode  de  traite- 
ment; par  contre,  il  exige,  comme  le  taillis  simple  et  pour  les 
mêmes  raisons,  un  climat  doux,  une  longueur  suffisante  de 
la  saison  de  végétation,  un  sol  assez  frais  pour  ne  pas  craindre 
des  découverts  souvents  répétés,  et,  —  en  plus  —  un  terrain 
dont  la  fertilité  et  la  profondeur  rendent  possible  la  culture 
des  essences  précieuses,  surtout  du  chêne. 

Au  point  de  vue  économique,  on  peut  reprocher  au  taillis 
sous  futaie  l'irrégularité  dans  l'épaisseur  des  anneaux  ligneux 
fabriqués  par  les  arbres,  et  l'excès  de  densité  du  bois  de  chêne  : 
celui-ci,  trop  nerveux,  se  tourmente,  et  le  travail  en  est  diffi- 
cile. D'ailleurs,  les  produits  en  bois  d'œuvre  sont  moins  sains 
que  dans  les  futaies  :  les  alternatives  d'isolement  et  d'enclave 
au  milieu  d'un  sous  étage  grandissant,  disposent  les  arbres  à 
contracter  des  tares,  si  bien  que,  même  dans  les  circonstances 
les  plus  favorables,  il  est  rare  qu'ils  fournissent  de  40  à  50  p.  100 
de  leur  volume  total  en  bois  d'œuvre  ;  le  reste  n'est  que  du 
chauffage  de  médiocre  qualité.  —  D'autre  part,  les  peuple- 
ments s'éloignent  des  formes  naturelles  :  ils  sont  le  résultat 
de  combinaisons  entre  des  éléments  antagonistes  et  trop  va- 
riables pour  qu'on  puisse  les  modeler  dans  un  moule  unique  ; 
chaque  forêt,  chaque  climat,  chaque  sol,  chaque  propriétaire 
peut  exiger,  dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  des  modifications 
du  type  qu'on  se  serait  imposé.  —  Enfin,  si  l'on  n'y  prend 
garde,  la  futaie  partage,  avec  toutes  les  exploitations  d'arbres 
considérés  isolément,  l'inconvénient  d'être  toujours  mobili- 
sable, et,  par  suite,  exposée  aux  abus  de  jouissance. 

Régénération  du  taillis.  —  Dans  l'ensemble,  le  taillis 
assure  l'ensouchement,  c'est-à-dire  l'état  boisé,  et  consti- 
tue, en  outre,  une  véritable  pépinière,  où  se  recrutent  les 
brins  destinés  à  remplacer  les  futaies  qui  tombent  sous  la 
hache.  11  est,  en  un  mot,  l'agent  fondamental  de  la  perpé- 
tuation de  la  forêt. 

La  futaie,  au  contraire,  est  l'élément  principal  du  revenu, 
c'est  elle  qui  fait  la  richesse  des  peuplements. 

La  régénération  du  sous  étage  est  identique  à  celle   d'un 


LE    TAILLIS    ><>i  S    PUTAIB.  235 

taillis  simple  régulier  en  semblable  condition  :  les  mêmes 
précautions  sont  è  prendre  pour  L'assurer  (article  V).  Il  n'\  a 
pas,  d'ailleurs,  à  l'aire  fonds  sur  les  rejets  éventuels,  et  géné- 
ralement sans  avenir,  que  peuvent  donner  les  souches  des 
réserves  exploitées. 

Il  est  inutile,  d'autre  part,  de  trop  s'attacher  à  la  prédomi- 
nance des  bois  durs  dans  le  sous  étage.  Aujourd'hui  bois  durs 
et  bois  tendres,  — les  premiers  moins  recherchés  qu'autrefois 
pour  le  chauffage,  les  seconds  plus  employés  dans  la  fabrica- 
tion des  pâtes  à  papier,  —  se  vendent  aussi  bien,...  ou  aussi 
mal  l'un  que  l'autre.  Le  seul  point  essentiel  est  de  veiller  au 
maintien,  en  nombre  suffisant,  des  essences  qui  doivent  assu- 
rer un  bon  recrutement  de  la  réserve. 

Constitution  de  la  futaie.  —  Toutes  les  règles  culturales 
propres  au  taillis  sous  futaie  concernent  donc  la  réserve,  nous 
rechercherons  à  ce  sujet  :  les  essences  qu'il  convient  de  préfé- 
rer; —  le  choix  à  faire  quant  à  Y  origine  de  ces  réserves  ;  — 
enfin  la  répartition  la  plus  avantageuse  à  leur  donner. 

Les  réserves  à  préférer  sont,  avant  tout,  les  essences  de 
lumière,  puisque  le  besoin  qu'elles  ont  d'espace  pour  étaler 
leur  cime  les  dispose  tout  naturellement  à  croître  à  l'état 
isolé,  plutôt  qu'en  massif  plein.  D'autre  part,  c'est  dans  ce 
groupe  que  se  rencontrent  les  espèces  à  feuillage  léger,  dont 
le  couvert  est  le  moins  préjudiciable  au  développement  du 
taillis. 

Parmi  celles-ci,  les  chênes  rouvre  et  pédoncule  se  rangent 
en  première  ligne  ;  on  peut  même  dire  qu'en  dehors  de  leur 
présence  on  n'a  aucune  raison  sérieuse  de  faire  du  taillis 
sous  futaie.  Aux  chênes,  il  est  intéressant  d'associer  des 
essences  disséminées,  telles  que  :  frênes,  ormes,  érables,  frui- 
tiers, qui,  suivant  les  stations,  fournissent  chacun  d'excellents 
produits.  Les  bois  blancs,  comme  le  tremble  et  le  bouleau, 
dont  le  couvert  est  très  léger,  sont  utilement  conservés  sur  les 
points  où  ne  se  rencontrent  pas  de  meilleures  espèces.  Ils 
poussent  vite,  et  leur  production  se  trouve  pour  ainsi  dire,  en 
supplément,  car  ils  entravent  peu  la  croissance  des  cépées 
qu'ils  dominent.  Au  contraire,  la  conservation  de  l'aune  et  du 


236  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

tilleul,  dont  le  couvert  est  assez  épais,  n'est  à  recommander 
que  dans  des  circonstances  exceptionnelles  :  l'aune  sur  les 
bords  des  ruisseaux,  le  tilleul  dans  les  pierrailles  amoncelées 
et  les  débris  de  carrières,  où  aucune  autre  essence  ne  prospère 
aussi  bien  que  lui. 

Le  hêtre  s'accommode  assez  mal  de  l'état  isolé,  et  le  régime 
du  taillis  composé  ne  lui  convient  pas  en  principe.  Aussi  dis- 
paraît-il bientôt  des  forêts  en  bon  sol,  où  son  absence  n'est 
pas  à  regretter,  puisqu'on  peut  obtenir  mieux  à  sa  place.  Au 
contraire,  dans  les  sols  médiocres,  il  persiste  pendant  assez 
longtemps,  parce  qu'il  ne  s'y  trouve  pas  d'espèce  plus  vivace 
que  lui  pour  l'éliminer. 

Si  le  charme  est  l'arbre  par  excellence  pour  former  les 
sous  étages,  il  a  moins  sa  raison  d'être  dans  la  futaie.  Sa 
croissance  est  trop  lente,  son  feuillage  trop  épais,  son  bois 
trop  peu  estimé  pour  le  travail  ;  en  outre,  à  cause  de  son  cou- 
vert bas,  il  tue  le  plus  grand  nombre  de  cépées  qu'il  couvre  et 
ne  permet  à  aucun  semis  de  s'installer  à  son  ombre.  L'abus 
de  la  réserve  charme  est  une  cause  de  ruine  pour  les  taillis  ; 
tout  au  plus  est-il  permis  d'en  conserver  quelques  sujets,  aux- 
quels on  ne  laissera  pas  dépasser  la  dimension  de  modernes; 
d'ailleurs,  ceux-ci  n'ont  pas  seuls  la  propriété  d'enrichir  en 
semis  de  l'espèce  les  taillis  où  elle  serait  insuffisamment  repré- 
sentée, car  les  perches  fructifient  de  bonne  heure  et  suffisent 
à  tous  les  besoins. 

En  ce  qui  concerne  la  constitution  de  la  réserve,  nous  de- 
vons citer  les  observations  recueillies  par  M.  Mathey  (1)  dans 
le  bassin  de  la  Saône  ;  nous  ne  pouvons  que  résumer  ce  travail, 
où  les  taillis  sous  futaie  de  la  région  sont  répartis  en  six 
groupes,  définis  par  les  qualités  de  leur  sol,  et  caractérisés 
par  leur  flore  ligneuse  et  herbacée.  Les  conclusions,  souvent 
d'ordre  très  général,  intéressent  les  propriétaires  de  taillis 
sous  futaie  de  toute  la  France. 

Les  trois  premiers  groupes  comprennent  les  terres  à 
chênes,  celles  où  le  taillis  sous  futaie  donne  son  plein  rende- 

(1)  Mathey,  Elude  sommaire  des  taillis  sous  futaie  dans  le  bassin 
de  la  Saône.  (Bulletin  Société  forestière  de  Franche-Comté  et  Belfort, 
septembre,  1898.) 


LE    TAILLIS    -"i  S    FUTAIE 


237 


ment.  A  toul  seigneur,  tout  honneur...,  la  futaie  cstconsli- 
tuée  en  chêne.  Pourtant,  sur  les  colmatages,  dont  la  fertilité 
est  exceptionnelle,  on  lui  associe  «les  essences  dissémina 
frêne,  orme  champêtre,  sans  toutefois  donner  une  trop  grande 
prépondérance  à  ces  espèces,  dont  l'accroissement  n'est  supé- 
rieur à  celui  du  chêne  que  pendant  les  deux  premiers  âges, 
dont  la  valeur  marchande  est  variable,  et  qui  sont  très  épui- 
santes. —  Dans  les  sables  argileux  et  siliceux  fins,  une  petite 
place  est  faite  au  hêtre,  auquel  on  ne  laisse  pas  dépasser  la 
dimension  d'ancien  de  lm,50  de  tour.  —  Enfin,  dans  les 
marnes  compactes,  mais  profondes  et  fertiles,  les  baliveaux 
et  modernes  de  bouleau  et  de  tremble,  essences  à  couvert  très 
léger  et  d'un  bon  rapport,  sont  utilement  associés  au  chêne, 
quand  celui-ci  est  insuffisant.  On  cède  trop  souvent  sur  de 
pareils  sols  à  la  fâcheuse  habitude  de  réserver  des  charmes. 

Le  quatrième  groupe  englobe  des  argiles  oxfordiennes  ou 
autres,  des  conglomérats  calcaires  ou  siliceux,  terres  de  com- 
position variée,  mais  toujours  compactes ,  froides  et  acides. 
Le  chêne  seul,  dit  M.  Mathey,  doit  y  constituer  la  futaie, 
mais,  «  au  milieu  des  maigres  taillis  que  décime  la  bruyère, 
«  il  végète  mal.  Aussi  le  forestier  doit-il  se  préoccuper,  avant 
«  tout,  de  resserrer  la  trame  ordinairement  trop  lâche  et  trop 
«  uniforme  du  sous  bois.  » 

Quant  aux  deux  derniers  groupes,  leur  caractéristique  est  la 
profondeurdeplusen  plus  faibledusol,et,  comme  corollaire,  le 
rôle  de  plus  en  plus  prépondérant  du  hêtre.  Sur  les  calcaires 
marneux  des  pays  de  collines  et  de  basse  montagne,  la  terre 
est  mélangée  de  plaquettes  calcaires  ou  de  rognons  marneux; 
le  chêne  décline;  il  devient  logique  d'accepter  largement  le 
hêtre,  qui  est,  en  fait,  l'essence  la  plus  productive:  «  il  ne 
«  faut  pas  craindre  de  le  multiplier  en  modernes,  et  d'en  gar- 
«  der  les  beaux  anciens,  les  plus  longs;  »  quelques  chênes,  là 
où  la  profondeur  sera  suffisante,  quelques  alisiers  torminaux, 
enrichiront  la  réserve  et  achalanderont  les  coupes.  —  Sur  les 
arènes  provenant  de  la  décomposition  des  granits  ou  des  por- 
phyres, sur  la  terre  rouge  qui  recouvre  certains  calcaires 
jurassiques,  sols  éminemment  superficiels  tous  deux,  repo- 
sant tous  deux   sur  des  roches  dures,   «  la  réserve  du  chêne 


238  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

«  ne  compense,  à  aucun  âge,  la  perte  du  recrû  qu'elle  entraîne  ; 
«  le  hêtre,  jusqu'aux  dimensions  d'ancien,  est  l'essence  fonda- 
«  mentale  et  exclusivement  rémunératrice  de  la  futaie.  » 

Certes,  nous  le  reconnaissons,  l'introduction  dans  la  réserve 
d'une  essence  d'ombre  comme  le  hêtre,  n'est  pas  conforme 
au  principe  du  taillis  sous  futaie.  Mais  peu  importe  la  théorie, 
si,  ne  pouvant  faire  mieux,  nous  constituons  une  forêt  solide 
et  d'un  bon  rapport.  Or,  il  suffit  de  constater  l'aspect  chétif 
des  chênes  que  l'on  réserve,  en  semblable  situation,  pour 
se  convaincre  de  leur  faible  production,  c'est-à-dire  de  leur 
inutilité  économique. 

Pour  entretenir  en  bon  état  la  consistance  du  taillis,  il  y  a 
lieu  de  ne  pas  choisir  les  baliveaux  sur  les  grosses  cépées,  qui, 
donnant  d'abondants  rejets,  forment  sa  véritable  richesse.  On 
leur  préfère  les  brins  de  semis;  à  leur  défaut,  les  rejets 
déjeunes  souches,  et  les  drageons  ;  en  dernier  lieu,  les  brins 
isolés,  détachés  des  cépées,  comme  il  s'en  rencontre  presque 
toujours. 

On  admet  que  les  brins  de  semence  et  les  drageons  ont  le 
plus  de  vitalité.  A  ce  point  de  vue,  les  rejets  provenant  du 
premier  recépage  d'un  jeune  sujet  de  franc  pied  ont  à  peu  près 
même  valeur  que  lui  ;  en  fait,  ils  fournissent  même  la 
majeure  partie  des  bons  baliveaux,  car  il  est  rare  qu'un  brin 
soit  assez  fort  pour  être  isolé  à  la  fin  de  la  révolution  au 
début  de  laquelle  il  est  né  :  c'est  seulement  après  avoir  élé 
recépé,  qu'il  s'élance  avec  assez  de  vigueur  pour  marcher 
comme  le  sous  étage.  Les  rejets  de  vieille  souche  se  carient 
d'assez  bonne  heure,  et  c'est  se  tromper  soi-même  que  de 
conserver  des  arbres,  sur  l'avenir  desquels  on  ne  doit  pas 
compter. 

On  choisit  d'ailleurs  les  baliveaux  parmi  les  tiges  de  forme 
régulière,  droite  et  bien  équilibrée,  car  les  sujets  fourchus 
risquent  d'être  déchirés  par  le  vent,  et,  quand  ils  échappent 
à  ce  danger,  leur  bois  est  déprécié  par  la  présence  d'entrer 
écorces. 

Les  arbres  bons  à  être  réservés  ne  se  présentent  pas  tou- 


LE   TAILLIS    sors    i  i  r  \n  . 


239 


jours  clans  la  station  géométrique  voulue  pour  obtenir  un  bon 
espacement.  De  plus,  les  réserves  s<>ni  entremêlées  de  telle 
sorte  que  l'on  peut  voir  avoisinées  les  espèces  les  plus  diffé- 
rentes, appartenant  à  une  catégorie  quelconque  de  baliveaux, 

et  parmi  lesquelles  il  faut  opter.  Sans  entrer  dans  plus  de 
détails,  ni  discuter  les  problèmes  que  soulève  la  question ^  noué 


Fig.  59.  —  Un  taillis  sous  futaie  après  la  coupe.  Forêt  de  Pont-à- 
Mousson  (Meurthe-et-Moselle),  terrain  argileux.  —  Photographie  de 
M.  J.  George. 

engageons  les  opérateurs  à  se  pénétrer  de  cette  vérité  que,  sur 
chaque  point,  l'arbrele  meilleurà conserver,  est  toujours  celui 
qui,  eu  égard  à  l'espèce  à  laquelle  il  appartient,  à  sa  vigueur, 
à  son  état  sain,  à  ses  dimensions,  à  sa  valeur  actuelle,  travaille 
le  plus  utilement  clans  l'intérêt  du  propriétaire  (1)  ;  ici  nous 
marquerons  un  chêne  ancien,  là  un  hêtre  moderne,  ailleurs 
autre  chose. 

(1)  Exemples  : 

Entre  deux  chênes  d'âges  différent?,   s'il  y  a  lieu  de  choisir,  c'est, 


240  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Dans  la  pratique,  il  est  essentiel  de  porter  d'abord  toute 
son  attention  sur  la  grosse  réserve.  C'est  seulement  quand  le 
choix  de  celle-ci  est  bien  arrêté  qu'on  s'occupe  des  baliveaux, 
en  les  répartissant  dans  les  espaces  où  les  arbres  manquent,  en 
évitant  surtout  de  les  marquer  trop  près  des  modernes  et  des 
anciens,  ou  comme  cela  se  fait  trop  souvent,  sous  leur  pro- 
jection. Ce  serait,  d'ailleurs,  se  faire  illusion  que  d'en  exagé- 
rer le  nombre  pour  masquer  l'indigence  d'une  réserve  trop 
pauvre  en  arbres  constitués  ;  il  faut  être  convaincu  que  les 
modernes  et  les  anciens  forment  la  véritable  richesse  de  la 
forêt  :  c'est  le  capital  indispensable  à  la  fabrication  des  gros 
bois,  les  seuls  qui  se  vendent  cher  au  mètre  cube. 

Enfin,  il  est  bon  :  1°  de  renforcer  le  balivage  sur  les  lisières 
des  forêts  :  on  crée  ainsi,  sur  15  à  20  mètres  de  largeur,  des 
rideaux  de  protection  du  plus  utile  effet;  —  2°  de  réserver,  le 
long  des  tranchées  ou  des  chemins  de  vidange,  des  cordons 
d'arbres  de  futaie,  qui  embellissent  la  forêt,  rendent  plus  facile 
l'entretien  des  lignes  et  assurent  une  riche  épargne,  que  l'on 
est  heureux  de  trouver  le  cas  échéant;  cette  excellente  pra- 
tique, en  honneur  autrefois,  s'est  perdue  de  nos  jours  :  à  tous 
égards  il  serait  avantageux  d'y  revenir. 

Le  balivage.  —  Tous  les  arbres  qui  entrent  dans  la  réserve 
se  nomment  des  baliveaux.  Suivant  leur  catégorie,  on  les  dis- 
tingue en  :  baliveaux  de  Vâge,  baliveaux  modernes  et  bali- 
veaux anciens.  Au  moment  de  la  coupe,  les  premiers  sont 
âgés  d'une  révolution,  les  seconds  de  deux,  les  autres  de  trois 
révolutions  et  plus.  C'est  ainsi  que  les  ordonnances  et  le  Code 
forestier  les  distinguent. 

Mais,  en  fait,  le  terme  de  baliveau  est  exclusivement  attri- 
bué aux  brins  de  l'âge,    aussitôt  après   leur   isolement.    On 

en  général,  le  plus  gros  qu'il  faut  conserver,  à  condition  qu'il  soit  sain, 
bien  entendu.  C'est  lui,  en  effet,  qui  fabrique  le  bois  ayant  le  plus  de 
valeur  à  l'unité  de  volume  ;  c'est  lui  qui  sera  le  plus  tôt  et  le  plus 
sûrement  exploitable. 

Entre  plusieurs  réserves  d'essences  autres  que  le  chêne,  c'est  la  plus 
vigoureuse  qu'il  faut  conserver,  quelle  que  soit  sa  grosseur,  car  ici  le 
prix  du  mètre  cube  de  bois  fabriqué  n'augmente  pas  sensiblement  avec 
le  diamètre. 


LE    TAU. LIS    SOUS    M  T  VII  , 


->il 


appelle  modernes  les  arbres  des  deux  âges,  cl  etncittlB  tous 
ceux  de  trois  âges  et  au-dessus.  Ces  dénomination*  ^<>nl 
insuffisantes  :  il  serait  bon  d'adopter  des  termes  plus  précis  et 
permettant  de  distinguer  chaque  classe  d'âge,  par  exemple  : 

Baliveau 1  révolution. 

Moderne 2 

Ancien  de  2me  classe 3       — 

Ancien  de  11C  classe î       — 

Vieille  écorce  de  2mc  classe   5       — 

Vieille  écorce  de  ll'°  classe (>       — 

Il  est  d'ailleurs  assez  rare  que  le  même  arbre  puisse 
supporter  six  fois  la  crise  de  l'isolement,  en  restant  assez  sain 
pour  ne  pas  être  exploitable  (1). 

Leur  désignation  se  fait  par  l'apposition  de  l'empreinte  du 
marteau  du  propriétaire  sur  une  flache,  ou  miroir,  ouverte  à 
la  patte  de  l'arbre  à  réserver,  savoir  :  une  empreinte  sur  un 
miroir,  pour  les  baliveaux  de  l'âge,  —  deux,  chacune  sur  un 
miroir,  pour  les  modernes,  —  trois,  superposées  sur  le  même 
miroir,  pour  les  anciens.  On  ne  saurait  sans  de  graves  incon- 
vénients multiplier  les  miroirs  et  les  coups  de  marteau,  mais 
une  excellente  mesure  consiste  à  tracer  un  numéro  d'ordre 
sur  l'écorce  de  chaque  ancien,  avec  de  la  couleur  ou  avec  une 
roanne  ;  sur  le  calepin  de  balivage  on  inscrit,  en  regard  de 
chaque  numéro,  le  diamètre  ou  la  circonférence  de  l'arbre.  Ce 
procédé  permet  de  reconnaître  et  de  bien  spécifier  les  exploi- 
tations frauduleuses  ;  il  permet  aussi  de  suivre,  dans  l'avenir, 
la  marche  de  l'accroissement  de  tous  ces  sujets  de  valeur. 

Cette  marque,  dite  en  réserve,  est  évidemment  le  procédé 
donnant  le  plus  de  sécurité  au  propriétaire  vis-à-vis  de  bûche- 
rons insouciants  ou  mal  intentionnés  ;  mais  ces  plaies  faites  à 
la  base  des  arbres  sont  une  cause  de  pourritures.  On  peut 
leur  substituer  des  indications  à  la  couleur  rouge  ou  de  simples 
coups  de  griffes  ou  roannes,  d'une  imitation  malheureusement 
bien  facile.  En  tout  cas,  ce  dernier  procédé  peut  être  employé 

(1)  Il  est  souvent  difficile  de  déterminer  l'âge  d'une  réserve,  aussi  se 
base-t-on  sur  la  grosseur  pour  qualifier  un  arbre  comme  moderne  ou  an- 
cien. On  décide,  par  exemple,  d'appeler  anciens,  les  sujets  de  35  cen- 
timètres de  diamètre  et  au-dessus. 

Boppe  et  Jolyet.  16 


242 


LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 


sans  inconvénient  pour  les  baliveaux  de  l'âge,  dont  la  va- 
leur marchande  est  très  faible;  quant  aux  gros  arbres,  le 
garde  marqueur  prendra  soin  de  faire  le  miroir  le  plus  petit 
et  le  moins  profond  possible,  et  de  le  placer  sur  une  grosse 
racine  plutôt  que  sur  le  fût  même  du  sujet.  Pour  éviter  tous 
ces  dangers,  il  serait  préférable  d'exploiter  le  taillis,  après 
désignation  des  baliveaux  de  l'âge,  et,  seulement  ensuite,  de 
choisir  dans  la  futaie  les  arbres  à  conserver  et  ceux  à  aban- 
donner :  ces  derniers  seraient  alors  marqués  en  délivrance 
par  l'apposition  d'une  empreinte  au  corps  et  à  la  racine.  Ce 
système,  appliqué  en  Belgique,  n'est  pas  encore  entré  en 
France  dans  le  domaine  de  la  pratique. 

La  base  du  traitement  en  taillis  sous  futaie  repose  sur  ce 
fait  que  la  régénération  naturelle  du  sous-étage  par  rejet,  et 
sa  consistance  en  massif,  doivent  être  assurés  d'une  manière 
permanente. 

Ces  deux  conditions  ne  seront  satisfaites  que  si  l'on  main- 
tient toujours  les  réserves  à  l'état  isolé.  Par  ce  terme,  il  faut 
entendre  qu'immédiatement  après  la  coupe,  les  cimes  des 
arbres  voisins  jouiront  d'un  espace  tel  qu'elles  puissent  se 
développer  librement  sans  se  rejoindre  avant  la  fin  de  la  révo- 
lution ;  c'est  dire  que  jamais  elles  ne  formeront  massif.  Cet 
espacement  minimum,  est  d'ailleurs  suffisant,  et  il  n'y  a  pas 
d'espacement  maximum  :  les  arbres  peuvent  être  aussi  éloi- 
gnés les  uns  des  autres  que  le  veut  le  bon  plaisir  du  proprié- 
taire. 

Toutefois,  si  ce  dernier  dispose  d'une  marge  considérable, 
encore  ne  doit-il  pas  marcher  à  l'aventure.  En  toutes  cir- 
constances, il  est  prudent  d'établir,  en  même  temps  que  la 
division  en  coupes,  un  plan  de  balivage,  à  l'esprit  et  à  la 
lettre  duquel  l'opérateur  Aevra  se  conformer. 

Le  plan  de  balivage  fixt  par  hectare  —  approximativement 
tout  au  moins  —  le  nombre  de  réserves  de  chaque  essence  et 
de  chaque  catégorie  ;  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  de  faire  ces- 
ser l'état  d'incertitude  dans  lequel  llottent  le  capital  d'exploi- 
tation et  le  revenu  de  la  plupart  des  taillis  sous  futaie.  Divers 
procédés  ont   été   mis  en  avant  pour  l'établir.  Le  point  de 


LE    TAILLIS    sois    FUTAIE.  '2  H 

départ  de  tout  calcul  de  ce  genre  esl  le  choix  d'un  âge  d'ex- 
ploitabilité  pour  les  réserves  dos  différentes  essences,  et  la 
détermination  du  nombre  de  sujets,  parvenus  à  cet  âge,  que 

l'on  entend  réaliser  au  passage  de  la  coupe.  Ce  nombre  est 
subordonné  à  la  longévité  des  espèces,  aux  prix  des  mar- 
chandises sur  les  marchés,  et  au  chiffre  du  capital  que  le 
propriétaire  veut  engager  dans  son  exploitation  ;  il  est  aussi 
fonction  de  la  projection  horizontale  de  la  cime  des  réserves 
dans  chaque  catégorie  :  baliveaux,  modernes,  anciens  et 
vieilles  écorces. 

«  Dans  une  semblable  question,  dit  M.  le  Conservateur 
Burel  (l),  le  couvert  des  arbres  est  le  facteur  prépondérant, 
car  il  importe,  par  la  distribution  des  futaies  et  leur  abatage 
mesuré,  de  ménager  à  chaque  catégorie  la  place  indispen- 
sable pour  se  développer  librement  jusqu'au  terme  de  l'ex- 
ploitabilité.  » 

M.  l'Inspecteur  Galmiche  (2),  admet,  en  moyenne: 

pour  un   arbre  de     25  ans,  un  couvert  insignifiant; 

—  50  —  de    22  mètres  carrés: 

—  75  —  de    58 

—  100  —  de    89 

—  125  —  de  n<; 

—  150  —  de  115  — 

A  chaque  exploitation,  on  est  dans  la  nécessité  de  réaliser, 
outre  les  arbres  murs,  un  certain  nombre  de  sujets  apparte- 
nant à  tous  les  âges  de  la  réserve,  mal  venants  ou  mal  choisis, 
tarés,  brisés  par  le  vent  ou  la  neige;  il  en  résulte  un  déchet, 
qui  oscille  entre  le  tiers  et  les  deux  tiers  de  l'ensemble, 
dit  M.  Galmiche  dans  le  même  travail,  où  nous  lisons  plus 
loin  : 

Si  nous  pouvions  trouver  en  tous  points,  l'arbre  qui  nous  convient: 
si  cet  arbre  devait  arriver  sans  encombre  jusqu'au  terme  de  l'exploita- 
bilité,  nous  n'aurions  qu'à  diviser  la  surface  de  la  coupe  par  la  somme 
des  couverts,  pour  obtenir  le  nombre  des  réserves  de  1,  2,  3,  4  révolu- 
tions à  marquer  ;   nous  enlèverions  exactement  le  nombre  des  arbres 

(1]  Burel,  Élude  sur  les  taillis  composés.  (Revue  des  Eaux  et  Forêts, 
février  1885.) 

(2)  Galmiche.  Élude  sur  les  réserves  des  taillis  sous  fu.la.ie.  (Bull. 
Société  forestière  de  Franche-Comté  et  Belfort,  août  1893.; 


•244 


LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 


exploitables   et  désignerions   un  nombre   égal  de    baliveaux   pour  les 
remplacer.  Ce  serait  admirable  ! 

Malheureusement,  nous  ne  trouverons  pas  à  la  distance  convenable 
l'arbre  à  réserver  et,  quelque  désir  que  nous  ayons  de  voir  la  coupe 
entièrement  couverte  par  les  cimes  à  l'expiration  de  la  révolution  qui 
va  commencer,  nous  ne  réaliserons  jamais  ce  souhait  :  ce  sera  superbe 
si  le  couvert  futur  est  des  3/4  de  la  surface  de  la  coupe  ;  il  y  a  plus  de 
chance  pour  qu'il  ne  soit  que  des  2/3;  peut  être  même  ne  sera-t-il  que 
de  1/2.  Nous  réussirons  moins  encore  à  maintenir  toutes  les  réserves 
sur  pied  jusqu'à  une  dimension  uniforme. 

Il  est  absolument  chimérique,  dès  lors,  de  rêver  la  formule 
du  plan  de  balivage  intégral  applicable  en  toutes  circons- 
tances. 11  appartient  à  chaque  propriétaire  de  calculer  celle 
qui  convient  à  sa  fortune  et  à  la  situation  de  son  bois,  en 
tenant  compte  des  circonstances  de  temps  et  de  lieu. 

A  titre  de  spécimen,  nous  donnons,  en  forme  de  tableau, 
le  résumé  des  opérationsà  faire,  sans  d'ailleurs  insister  aucune- 
ment sur  la  valeur  absolue  ou  relative  des  chiffres  employés. 


RESERVE. 


Catégories. 


Nombre. 


COUVERT   PAU 


Arbre. 


ni.  car.  m.  car. 


Catégorie. 


VALEUR   SUR    l'IED 
PAR 


Arbre. 


Catégorie 


Situation  vraie  de  la  réserve  par  hectare  immédiatement  après 

la  coupe. 


Baliveaux , 

Modernes 

Anciens 

Vielles  écorces, 


Totaux, 


50 

» 

30 

25 

20 

70 

10 

90 

110 

» 

750 
1.400 

900 


3.050 


0,30 

5,00 

20.00 

60,00 


Situation  théorique  a  la  fin  de  la  révolution. 


Modernes 

Anciens 

Vieilles  écorces. . . . 
Bois  mûrs 


Totaux. 


50 
30 
20 
10 


110 


25 

70 

90 

110 


1 .  250 
2.100 
1.800 
1.100 


6.250 


5,00 
20,00 
60,00 
90,00 


15 
150 

400 

6(J0 


1.165 


250 

600 

1.200 

900 


2.950 


Si  l'on  veut  ramener  la  réserve  au  taux  initial  et  l'entretenir 
dans  cette  forme,  il  suffira,  lors  du  passage  de  la  coupe, 
d'exploiter  20  modernes,  10  anciens,  10  vieilles  écorces  et  les 


LE    TAILLIS    soi  9    FUT  ME.  2  15 

10  arbres  mûrs  ;  soil  50  arbres,  et  d'ajouter  50  baliveaux 
choisis  dans  le  sous  bois.  Au  cas  particulier,  la  valeur  des 
réserves  abattues,  aérait  de  2950 — 1 165=  1785  francs,  somme 
qui  représente  la  part  de  bénéfice  résullanl  du  fonctionne- 
ment de  cet  élément  pendant  le  cours  de  la  révolution.  Pour 
compléter  le  bilan  de  ['entreprise,  il  n'y  aura  plus  qu'à  tenir 
compte  de  la  perte  causée  par  le  couvert  des  futaies  à  l'ac- 
croissement du  sous  étage. 

11  est  clair  que  le  bénéfice  produit  par  la  réserve  est  surtout 
fonction  de  la  valeur  et  du  calibre  des  gros  arbres,  et  qu'il 
varie  avec  le  nombre  de  ceux-ci.  La  limite  supérieure  serait 
atteinte  par  cet  état  théorique  d'un  «  sol  couvert  au  moment 
de  V exploitation  d'arbres  isolés  en  croissance.  »  D'aucuns 
ont  pris  l'habitude  d'appeler  «  futaies  sur  taillis  »  les  peu- 
plements dans  lesquels  le  plan  de  balivage  se  rapproche  de 
cet  idéal;  mais  nous  ne  voyons  aucune  nécessité  d'adopter 
ce  vocable,  tant  qu'on  n'aura  pas  établi  par  des  faits  les 
limites  qui  séparent  le  taillis  sous  futaie  vrai,  de  cette  sorte 
de  futaie  sur  taillis,  et  introduit  dans  la  pratique  une  bonne 
définition  de  ces  deux  modalités. 

Les  dégagements  de  semis.  —  Les  peuplements  traités  en 
taillis  sous  futaie  comportent  des  soins  de  même  nature  que 
ceux  que  l'on  applique  aux  futaies  régulières;  mais,  ici,  l'ob- 
jectif constant  doit  être  d'assurer  le  bon  fonctionnement 
de  la  réserve.  G'estdansce  but  que  seront  pratiqués  les  déga- 
gements de  semis  et  les  èclaircies. 

Les  dégagements  de  semis  appellent  les  observations  sui- 
vantes : 

1°  la  végétation  des  rejets  est  trop  rapide  pendant  les  pre- 
mières années  pour  justifier  l'espoir  de  raccorder  avec  eux  les 
brins  de  semence  pendant  la  révolution  en  cours;  on  ne  peut 
faire  plus  que  les  maintenir  vivants / 

2°  la  marche  régulière  du  développement  d'un  taillis  rend 
possible  l'indication  précise  de  l'époque  à  laquelle  ces  dégage- 
ments deviendront  opportuns  :  le  premier  se  fait,  en  général, 
quand  le  recrû  à  trois  ans,  —  les  autres  suivent  à  trois,  quatre 
ou  cinq  ans  d'intervalle,  jusque  vers  la  quinzième  année  ; 

3°  il  est  inutile  de  dégager  tous  les  semis  épars  sur  le  par- 


246  LES    DIFFERENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

terre  d'une  coupe;  on  concentre,  au  contraire,  tous  ses  soins 
sur  les  petites  taches  de  semis  lorsqu'elles  se  présentent  sur  les 
points  où  leur  présence  est  utile,  nous  voulons  dire  où  il  existe 
un  vide  dans  la  réserve  ;  c'est,  en  tout  cas,  peine  perdue  que 
de  faire  le  moindre  travail  sous  la  projection  d'un  gros  arbre  : 
une  cinquantaine  de  placeaux  bien  choisis  par  hectare  suffi- 
sent largement  pour  assurer  l'avenir,  si  on  ne  les  abandonne 
pas  trop  tôt  à  la  concurrence  des  rejets  ;  ce  chiffre  répond 
au  nombre  des  baliveaux  à  conserver  dans  chaque  coupe. 

Les  éclaircies.  —  L'éclaircie  est  conduite  d'après  les  règles 
générales  (Chapitre  V),  en  se  proposant  pour  objectif  : 

1°  de  continuer  l'œuvre  commencée  par  les  dégagements 
de  semis  ; 

2°  d'assurer  un  espace  convenable  à  la  cime  des  perches 
qui  se  présentent  dans  les  conditions  voulues  pour  former  un 
bon  baliveau;  en  donnant  ainsi  de  l'ampleur  à  leur  cime,  et, 
par  suite,  du  diamètre  à  leur  fût,  on  les  prépare  à  subir  la  crise 
de  l'isolement,  on  diminue  donc  le  nombre  de  ceux  qui  ris- 
quent d'être  courbés  ou  brisés  par  le  poids  de  la  neige  ou  de 
leur  feuillage;  cette  opération  concerne  tous  les  futurs  bali- 
veaux: brins  de  franc-pied,  drageons  ou  rejets  de  souches; 

3°  de  favoriser  la  naissance  de  semis  naturels  quelques 
années  avant  l'exploitation  ;  l'opération  doit  être  alors  accom- 
pagnée de  l'enlèvement  des  morts  bois;  mais  ce  n'est  justi- 
fiable que  quand  ceux-ci  sont  assez  dépérissants  et  le  couvert 
du  peuplement  principal  assez  complet  pour  qu'ils  ne  donnent 
plus  de  rejets,  c'est-à-dire  quand  le  taillis  a  atteint  ou  dépassé 
l'âge  de  trente  ans  ; 

4°  de  faire  tomber  les  perches  qui,  pénétrant  dans  la  cime 
des  réserves,  ou  fouettant  contre  l'extrémité  de  leurs  bran- 
ches, menacent  de  les  dégrader. 

Si  l'on  excepte  le  cas  où  l'éclaircie  continue  les  dégagements 
de  semis,  on  conçoit  qu'elle  n'a  aucune  raison  d'être  —  et 
même  ne  présente  que  des  inconvénients,  —  quand  la  révolu- 
tion est  inférieure  à  trente  ans.  Passé  ce  terme,  une  seule 
éclaircie  faite  six  ou  dix  ans  avant  la  coupe,  est  suffisante. 

On  peut  ranger  à  la  suite  des  éclaircies  la  réalisation  des 
bois  tendres  dans  les  sols  très  fertiles,  réalisation  qui  se  fait 


AMÉLIORATION    DBS    PORBT8    TRAITEES    in    TAILLIS.  24" 

vers  dix-huit  à  vingt  ans,  lors  de  la  maturité  de  ces  essences, 
en  général  peu  longé  vives. 

Trop  souvent,  sous  le  même  nom  d'éclaircie  ou  celui  de  nel- 
toiementy  on  procède  au  recépage  de  toute  la  végétation  basse 
d'un  taillis  sous  futaie,  morts  bois  et  brins  traînants,  avec  des- 
serrement intérieur  des  cépées;  une  telle  opération  a  pour  con- 
séquence immédiate  de  découvrir  et  de  fatiguer  le  sol,  c'est-à- 
dire  d'exagérer  les  inconvénients  du  régime.  Nous  n'ignorons 
pas  que  ces  «  détrappages  »  sont  recommandés  par  nombre 
de  praticiens,  parmi  lesquels  on  compte  des  forestiers  distin- 
gués (1);  sans  nier  l'efficacité  relative  de  ces  opérations  sur 
les  points  où  elles  ont  été  étudiées  et  conduites  avec  le  doigté 
et  les  soins  minutieux  qu'elles  comportent,  nous  nous  con- 
tenterons de  faire  à  leur  sujet  les  observations  suivantes: 

Ou  bien  les  produits  sont  vendables,  et  il  est  à  craindre  que 
la  serpe  coupe  plus  que  de  raison  pour  augmenter  le  bénéfice 
du  jour  ; 

Ou  bien  les  produits,  sans  valeur,  pourriront  sur  le  sol  ; 
alors  bien  peu  consentiront  une  avance  de  fonds  dont  la  ren- 
trée et  le  bénéfice,  s'il  y  a  lieu,  n'interviendront  qu'à  longue 
échéance. 

La  raison  et  la  prudence  nous  font  donc  un  devoir  de  dire 
que,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  il  y  a  lieu  de  s'abstenir 
en  laissant  agir  la  nature  (2). 

ARTICLE    VI. 

AMÉLIORATION  DES  FORÊTS  TRAITÉES  EN  TAILLIS 
SIMPLE  ET  EN  TAILLIS    SOUS  FUTAIE 

Transformations  et  conversions.  —  Leur  peu  de  raison  d'être  dans  les 
forêts  particulières.  — But  à  poursuivre.  —  Améliorations  proposées. 
—  Allongement  des  révolutions.  —  Éducation  d'arbres  plus  nom- 
breux. —  Substitutions  d'essences. 

Transformations  et  conversions.  —  Quand  la  dégradation 
d'une  forêt  a  pour  cause  un  mode  de  traitement  appliqué  à 

(1)  Du  nettoiement  des  bois,  par  M.  l'inspecteur  Schœffer.  {Bull. 
Société  forestière  de  Franche-Comté  et  Belfort,  juillet  1897.) 

i    II  importe  de  se  mettre  en  garde  contre  une  illusion  d'optique 


248  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

tort  dans  une  station  ne  le  comportant  pas,  —  ou  quand,  pour 
des  raisons  économiques,  il  faut  produire  des  marchandises 
très  différentes  de  celles  dont  on  se  contentait  dans  le  passé, 
—  il  peut  y  avoir  lieu  de  changer  le  mode  de  traitement,  de 
faire  une  transformation  ou  une  conversion,  c'est-à-dire  d'ap- 
pliquer un  de  ces  modes  de  traitements  temporaires  que 
nous  avons  définis  plus  haut  (page  107). 

En  toutes  circonstances,  le  procédé  reste  le  même  : 

1°  tracer  sur  le  terrain  et  sur  les  registres  le  cadre  du  nou- 
vel aménagement  dans  lequel  les  opérateurs  devront  se  mou- 
voir ; 

2°  exécuter,  sur  les  points  de  la  forêt  qui  paraissent  le 
mieux  se  prêter  à  la  transformation  ou  à  la  conversion  immé- 
diates, les  coupes  spéciales  au  nouveau  mode  de  traitement  : 
ainsi,  pour  transformer  une  futaie  jardinée,  ou  pour  conver- 
tir un  taillis  sous  futaie  en  futaie  régulière,  pratiquer  sur  ces 
points  les  coupes  successives  de  régénération  par  la  semence  ; 

3°  conserver  dans  les  autres  cantons  de  la  forêt,  jusqu'à  ce 
qu'ils  arrivent  à  leur  tour  de  transformation  ou  de  conversion, 
l'ancien  mode  de  traitement,  que  l'on  modifie  toutefois  dans 
un  sens  qui  rende  plus  facile,  dans  la  suite,  les  véritables 
opérations  de  conversion. 

La  durée  du  traitement  temporaire  est,  par  nécessité,  égale, 
en  théorie  du  moins,  à  celle  de  la  révolution  adoptée  pour 
l'avenir;  car,  au  moment  où  les  derniers  peuplements  de  l'an- 
cienne forêt  viennent  d'être  transformés  ou  convertis,  il  faut, 
pour  qu'il  n'y  ait  pas  d'interruption  dans  les  revenus,  que  les 
cantons  attaqués  et  régénérés  en  premier  lieu  portent  des  bois 
exploitables.  Bien  plus,  dans  le  cas  de  la  conversion  d'un  taillis 
sous  futaie  en  futaie  régulière,  l'obligation  de  laisser  vieillir  le 
taillis  jusqu'à  un  âge  tel  que  les  rejets  de  souches  n'évoluent 
pas  en  trop  grand  nombre  dans  les  coupes  affectées  à  la  régé- 
nération conduit,  préalablement  à  toute  opération,  à  mainte- 
nir sur  pied  les  peuplements  pendant  une  «  période  d'attente  » 
qui  ne  peut   être   inférieure  à   une  trentaine  d'années,   mais 

un  peuplement  que  Ton  a  débarrassé  de  toutes  les  menues  tiges, 
parait,  dans  son  ensemble,  constitué  par  des  sujets  plus  gros  qu'un 
peuplement  où  des  tiges  de  tous  calibres  sont  confusément  mélangées. 


AMÉLIORATION    Dis    FORÊTS   TRAITÉES    BN    TAILLIS.  249 

peut  dépasser  soixante  ans.  Inversement,  quand  il  y  a  lieu  de 
convertir  en  taillis  simple  ou  en  taillis  sous  futaie  les  lambeaux 
d'une  futaie  régulière  disloquée,  démembrée  par  un  partage, 

on  est  souvent  conduit  à  régénérer  pa,r  la  semence,  une  fois 
encore,  les  massifs  trop  vieux  pour  que  l'on  puisse  compter 
sur  une  production  suffisante  de  rejets  après  leur  recépage. 

Leur  peu  de  raison  d'être  dans  les  forêts  particulières.  — 
Ces  traitements,  dits  temporaires,  ont  donc,  en  réalité,  une 
durée  très  longue,  si  on  la  compare  à  celle  de  la  vie  humaine. 
Ils  sont,  de  ce  fait,  incompatibles  avec  la  situation  écono- 
mique des  forêts  particulières,  exposées  à  des  changements 
de  main  continuels. 

D'autre  part,  ces  opérations  comportent  des  connaissances 
techniques  que  peuvent  seuls  posséder  des  professionnels 
expérimentés.  Gomme  nous  l'avons  vu,  il  s'agit  plutôt  de 
combinaisons  d'aménagement  que  de  questions  culturales 
proprement  dites  ;  car  ces  dernières  sont,  en  général,  peu 
différentes  de  celles  qui  se  pratiquent  dans  les  traitements 
permanents;  mais  leur  distribution  est  autre. 

D'ailleurs,  pour  passer  d'un  mode  de  traitement  à  capital 
restreint  (taillis  simple  ou  taillis  sous  futaie),  à  un  autre  mode 
à  capital  plus  important  (futaie  pleine  ou  futaie  jardinée),  il 
faut  toujours  prélever  sur  les  revenus  des  économies  consi- 
dérables, qui  se  traduisent  par  des  diminutions,  souvent 
même  par  des  suspensions  complètes  de  produits  pendant  un 
temps  plus  ou  moins  long. 

Enfin,  au  cours  d'une  transformation  ou  d'une  conversion, 
on  est  conduit  tantôt  à  laisser  des  porte-graines  se  dété- 
riorer sur  pied,  tantôt  à  exploiter  avant  l'âge  des  arbres 
en  pleine  croissance,  sacrifices  qui,  bien  que  justifiés  par  des 
nécessités  culturales,  n'en  ont  pas  moins  des  conséquences 
économiques  qu'on  ne  doit  pas  affronter  sans  les  motifs  les 
plus  graves.  En  fait,  l'Etat,  et  parfois  les  Communes,  sont  les 
seuls  propriétaires  qui  puissent  se  permettre  une  pareille  dé- 
termination. 

But  à  poursuivre.  —  Par  ces  derniers  mots,  nous  n'enten- 
dons nullement  conseiller  aux  propriétaires  particuliers  un 
statu  quo  défectueux  ;  mais  nous  leur  proposons  d'améliorer 


250  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

graduellement  leurs  forêts  :  but  qu'ils  peuvent  atteindre,  avec 
quelque  peine,  sans  doute  avec  du  soin,  de  la  patience  et, 
certes,  de  l'économie,  mais  sans  aller  jusqu'à  des  suppressions 
totales  de  revenus  incompatibles  avec  leur  situation  de  fortune. 
Tout  le  monde  a  vu,  dans  l'industrie,  des  exploitations  d'appa- 
rence modeste,  qui,  entre  les  mains  d'un  manufacturier  éclairé, 
sachant  profiter  des  découvertes  de  la  science  dans  la  mesure 
où  ses  capitaux  le  lui  permettent,  s'agrandissent,  se  transfor- 
ment sans  bruit,  et  rapportent  finalement  des  bénéfices  bien 
plus  considérables  que  telle  affaire  lancée  avec  grand  fracas  de 
réclame  et  grand  luxe  de  bâtisse.  C'est  un  exemple  à  imiter. 

Etant  donnée  la  situation  actuelle  du  marché  des  bois,  le 
but  à  poursuivre  est  de  faire  des  arbres  plutôt  que  des  taillis, 
et,  d'une  manière  plus  générale,  d'augmenter  le  calibre,  la 
grosseur  des  produits  ligneux  de  nos  forêts. 

Les  traitements  en  futaies  régulière  ou  jardinée  sont  tout 
naturellement  orientés  vers  ce  but  ;  un  choix  judicieux  de  la 
révolution  et  des  espèces  à  cultiver,  l'opportunité,  la  bonne 
exécution  des  dégagements  de  semis  et  des  éclaircies,  con- 
duisent, par  la  force  des  choses,  au  résultat  souhaité.  Il  n'en 
est  pas  de  même  des  taillis  simples  et  des  taillis  sous  futaie, 
que  visent  les  améliorations  exposées  dans  le  présent  article. 

Améliorations  proposées.  —  Nous  ne  nous  occuperons 
pas  ici  des  travaux  d'entretien  tels  que  :  dégagements  de 
semis,  façons  données  au  sol,  plantations  de  brins  destinés  à 
faire  les  baliveaux  de  l'avenir  ou  à  remplacer  les  souches 
épuisées,  toutes  choses  inhérentes  au  traitement  lui-même; 
ce  que  nous  avons  en  vue,  ce  sont  des  mesures  d'un  ordre 
plus  général,  qui,  sans  changer  le  mode  de  jouissance,  modi- 
fient le  fonctionnement  du  capital-bois  incorporé  dans  l'en- 
treprise et  augmentent  la  valeur  de  la  récolte. 

Les  moyens  sont  : 

1°  l'allongement  des  révolutions; 

2°  l'éducation  d'arbres  plus  nombreux; 

3°  parfois  même  une  transposition  d'essences. 

Allongement  des  révolutions.  —  Nous  savons  qu'au  point 
de  vue  cultural,  le  terme  supérieur  des  exploitations  d'un 
taillis   peut  être  fixé  aux  environs  de  quarante  ans.  D'autre 


AMKl.mn  \TK>\    DES    FORÊTS    TRAITEES    SU     iaii.iis.  251 

part,  la  qualité   des  marchandises   qu'il    fournit  augmente 
avec  la  durée  de  la  révolution. 

Ainsi  M.  Broilliard  (1),  faisant  observer  qu'il  n'est  pas  rare 
de  rencontrer  des  laillis  qui,  à  l'âge  de  dix  ans,  ont  à  l'hectare 
un  volume  de  *20  mètres  cubes,  établit  le  décompte  suivant, 
dès  justifiable  dans  la  pratique,  et  qui  fait  ressortir  l'accrois- 
sement de  plus  en  plus  rapide  du  cube  et  surtout  de  la  valeur, 
suivant  que  l'on  exploite  à  dix,  vingt  ou  trente  ans  : 

Volume 
Ige.       à  l'hectare.  Répartition  en  marchandises. 

10  ans.     "20  m.  c.       i5  stères  bois  à  charbon  à  4  f r 

20    —       60     —  15        —  —  à    I  Ti- 

TO       —     bois  de  moule    à  8  fr 

30  —  100  —  45  —  bois  à  charbon  à  4  fr, 
70  —  bois  de  moule  à  8  fr, 
66  2/3  —     bois  de  perches  à  12  fr  . 

D'après  M.  Cardot  (*2),  en  1897,  les  résultats  de  la  vente 
des  coupes  de  taillis  sous  futaie  dans  les  forêts  soumises  au 
régime  forestier  du  département  de  la  Haute-Saône  ont  mis 
en  évidence  les  résultats  suivants  : 


1S0 

» 

..      180   j 
..      560    s 

7  il) 

» 

..      180  \ 

..      560  V 

1.550 

» 

..      800  S 

Age 

Prix  de  vente 

La  val 

eur 

de 

oit  fr.  an  taux  de 

d'exploitation. 

à  l'hectare. 

4 

p.! 

100 

est  devenue  : 

25   ans. 

541 

.. 

30     — 

756 

658  23 

35     — 

1.025 

801  79 

40     — 

1.117 

1 

013  29 

Dans  la  Haute-Marne,  rapporte  M.  Devarenne  (3),  les 
forêts  de  Bourmont  et  de  Forcey,  comprenant  chacune  deux 
cantons  contigus,  situés  dans  des  conditions  semblables,  mais 
exploités  à  des  révolutions  différentes,  ont  fourni  à  l'hectare 
les  rendements  moyens  suivants,  calculés  sur  toutes  les  coupes 
assises  pendant  une  révolution  entière  : 

(1)  Loc.  cil,  page  90. 

(2  Cardot,  Allongement  de  la  révolution  dans  les  taillis.  (Bull. Société 
forestière  de  Franche-Comté  et  Bel  fort.) 

•v3)  Devarenne,  Mémoire  sur  le  meilleur  traitement  des  laillis  sous  fu- 
taie. [Bull.  Société  forestière  de  Franche-Comté  et  Belfort,  juillet,  1899.) 


252  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

Bourmont  :  24  ans,  10  st.  rondin,  85  st.  charbonnette,  ensemble  :  85  fp. 

27  —    20         —          100             —  130  fr. 

Forcey  :         24  —      8          —           80            —  76  fr. 

29  —    15         —         100             —                         —  124  fr. 

Les  observations  précédentes  intéressent  aussi  bien  les 
taillis  simples  que  les  taillis  sous  futaie.  En  ce  qui  concerne 
spécialement  ces  derniers,  nous  ajouterons  : 

1°  que  les  longues  révolutions  seules,  permettent  de 
pratiquer  les  éclaircies  et  de  réaliser  toutes  les  mieux-values 
qui  en  sont  la  conséquence  ; 

2°  que  les  courtes  révolutions  multiplient  dans  un  temps 
donné  le  passage  des  coupes,  et,  par  suite,  favorisent  l'enlè- 
vement des  gros  arbres  :  le  propriétaire  le  mieux  disposé  sai- 
sira toujours  quelque  bon  prétexte  pour  réaliser  l'ancien 
auprès  duquel  il  passe  et  dont  la  valeur  le  tente  ; 

3°  que  la  hauteur  de  fût  des  réserves  est  subordonnée  à 
celle  du  sous-étage,  puisqu'elle  est  le  résultat  de  l'élagage 
naturel;  par  suite,  plus  les  révolutions  seront  longues,  plus 
la  production  en  bois  d'œuvre  sera  considérable;  à  ce  point 
de  vue,  il  faut  faire  en  sorte  que  le  fût  des  réserves  atteigne 
au  moins  6  à  10  mètres  de  hauteur. 

Il  est  bon,  toutefois,  d'appeler  l'attention  sur  ce  fait  que  l'on 
ne  peut  impunément  allonger  la  révolution  appliquée  jus- 
qu'alors à  un  taillis  sous  futaie  sans  prendre  certaines  pré- 
cautions. En  effet,  quand  le  sous-étage  est  maintenu  sur  pied 
plus  longtemps  que  par  le  passé,  il  continue  à  s'accroître  en 
hauteur,  et  les  cimes  des  réserves,  englobées  parmi  ces 
perches  qui  les  entourent,  se  dégradent.  Aussi,  dans  la  pra- 
tique, quand  la  réserve  d'un  pareil  taillis  est  riche  en  arbres 
constitués,  est-il  prudent  de  répartir  l'allongement  cherché 
sur  deux  révolutions.  Pour  passer  de  vingt-cinq  à  trente- 
cinq  ans,  par  exemple,  on  se  bornera,  pendant  la  première 
révolution,  à  laisser  pousser  le  taillis  jusqu'à  trente  ans;  à 
la  révolution  suivante,  on  fera  le  reste.  Quand,  au  con- 
traire, la  grosse  réserve  est  rare,  ce  sont  les  baliveaux  ou 
modernes -qui,  pour  le  moment,  sont  l'élément  principal  :  on 
peut  alors,  sans  transition,  prolonger  la  révolution  du  nombre 
d'années  voulu,  caries  arbres  jeunes  peuvent  encore  allonger 


AMÉLIORATION    DES    FORETS    TRAITÉES    EN    TAILLIS. 


253 


leur  fût  sans  en  souffrir,  et  les  vieux  arbres,  qui  seront  pro- 
chainement exploités,  n'auront  pas  le  temps  de  se  dégrader 
sérieusement. 

Ajoutons  que,  si  l'on  prolonge  une  révolution,  il  est  toujours 
prudent  d'effectuer  une  éclaircic  vers  l'Age  auquel  l'exploita- 
tion se  faisait  antérieurement:  on  dégage  alors  la  cime  des 
réserves  menacées  d'enveloppement. 

En  résumé,  nous  recommandons,  dans  les  taillis  simples 
comme  dans  les  taillis  sous  futaie,  les  révolutions  de  trente  à 
quarante  ans.  Quand  le  sol  sera  frais,  fertile,  et  les  bois  ten- 
dres abondants,  on  se  rapprochera  du  chiffre  de  trente  ans. 
Quand  le  sol  sera  peu  profond,  exposé  au  dessèchement  ou 
peu  fertile,  il  faudra  sans  hésitation  adopter  une  révolution 
de  quarante  ans. 

Éducation  d'arbres  plus  nombreux.  —  Sans  en  rechercher 
les  causes,  nous  devons  constater  ici  la  pauvreté  relative  de 
notre  littérature  forestière  à  l'égard  d'un  mode  de  traitement 
aussi  essentiellement  Français  que  celui  des  taillis  sous  futaies. 
Quand  les  documents  abondent  pour  les  futaies,  c'est  à  peine 
si  nous  possédons  quelques  données  sur  le  rendement  des 
1  200  000  hectares  de  forêts  domaniales  et  communales  sou- 
mises à  ce  régime;  mais  il  est  surtout  fâcheux  que  nous  ne 
sachions  rien  de  positif  sur  le  traitement  et  sur  la  production 
des  taillis  sous  futaie  appartenant  aux  propriétaires  particu- 
liers et  dont  la  surface  dépasse  certainement  6000000  d'hec- 
tares, sur  les  9  000  000  qui  composent  la  richesse  forestière 
de  la  France. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'expérience  des  faits  nous  permet  de 
donner  les  indications  suivantes  sur  le  champ  d'application 
du  taillis  sous  futaie  et  des  modalités  qu'il  comporte. 

En  principe,  ce  régime  n'a  sa  raison  d'être  que  dans  les  sta- 
tions assez  bien  favorisées  sous  le  rapport  du  sol  et  du  climat, 
pour  qu'on  puisse  y  conduire,  à  l'état  isolé  et  jusqu'à  la  dimen- 
sion de  gros  arbres,  les  grandes  espèces  de  lumière,  telles  que  : 
frênes,  ormes,  érables  et  fruitiers  et  surtout  les  chênes. 

Partout  où  ces  essences  l'emportent  en  valeur  sur  les  espèces 
d'ombre  telles  que  le  hêtre  et  le  charme,  on  peut,  sans  sortir 
du  régime,  multiplier  leur  nombre  jusqu'à  couvrir  le  sol  d'ar- 


254  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

bres  isolés  en  croissance.  Partout,  au  contraire,  où  les  condi- 
tions inverses  se  présentent,  partout  notamment  où  le  manque 
de  profondeur  du  terrain  ne  permet  pas  l'éducation  du  chêne, 
il  y  a  lieu  de  recourir  à  l'un  des  expédients  suivants  : 

1°  ou  bien,  .renonçant  à  se  payer  de  mots,  abandonner  le 
régime  du  taillis  sous  futaie,  et  se  contenter  du  modeste  taillis 
simple  ; 

2°  ou  bien  s'accommoder  de  la  présence  d'essences  peu 
faites  par  leur  nature  pour  entrer  dans  la  réserve  et  modifier 
en  conséquence  l'application  théorique  du  régime. 

Examinons  la  première  de  ces  deux  hypothèses.  Il  est  con- 
venu que  nous  utiliserons  le  mieux  possible  le  taillis  simple 
en  allongeant  sa  révolution;  car,  à  défaut  d'arbres,  nous 
aurons  ainsi  du  gros  rondin  de  chauffage,  c'est-à-dire  du  bois 
de  luxe,  le  seul  qui  soit  coté  à  un  prix  rémunérateur.  Peut- 
être  y  trouverons-nous  même  quelques  autres  marchandises: 
des  perches  pour  étais  de  mines,  du  tremble  pour  la  fabrica- 
tion des  pâtes  à  papier,  etc. 

Si,  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  le  propriétaire  ne 
peut,  ou  ne  veut,  adopter  cette  mesure  d'ensemble,  —  la  seule 
logique  à  notre  avis,  — il  pourra  se  contenter  de  n'en  réaliser 
les  heureux  effets  que  sur  un  petit  nombre  d'individus,  ou 
encore  sur  une  essence  seulement,  en  maintenant  sur  pied, 
pendant  deux  ou  même  trois  de  ces  trop  courtes  révolutions, 
non  pas  des  perches  isolées,  mais  bien  des  cépées  tout  entières, 
choisies  au  nombre  d'une  cinquantaine  par  hectare.  Celles-ci 
peuvent  être  éparses,  et  on  les  appelle  des  volières,  —  ou 
réunies  en  cordons  de  2  à  3  mètres  de  largeur  le  long  des 
sommières,  des  chemins,  etc.  MM.  Broilliard,  Mathey  et 
beaucoup  de  sylviculteurs  en  recommandent  l'usage.  Il  est  à 
remarquer  que  le  hêtre  accepte  cet  état  avec  une  complai- 
sance très  réelle,  et  c'est  là  un  sérieux  avantage  de  sa  pré- 
sence dans  les  taillis  en  sol  superficiel. 

Notre  seconde  hypothèse  vise  le  taillis  sous  futaie  et  sup- 
pose l'admission  du  hêtre  en  quantité  notable  dans  la  réserve. 
11  s'agit,  dès  lors,  d'une  sorte  de  substitution  d'essences,  et 
quelques  détails  sont  nécessaires  à  ce  sujet. 

Substitutions  d'essences.  —  Sur  les  plateaux  oolithiques 


AMELIORATION    DES    FORÊTS    TRAITÉES    EN    TAILLIS.  255 

de  la  Lorraine,  de  la  Bourgogne,  «le  la  Franche-Comté,  le 
foyard  est  souvent  la  seule  essence  qui  lasse  de  beaux  arbres. 
Ceux-ci  fournissent  déjà  du  bois  de  quartier  recherché  pour 
le  chauffage;  ils  produiront  du   bois  d'industrie  en   quantité 

notable  le  jour  où,  en  les  maintenant  à  l'état  plus  serré,  en 
augmentant  les  révolutions,  on  favorisera  l'allongement  des 
fûts.  Pourquoi  donc  ne  pas  substituer  peu  à  peu  le  hêtre  au 
chêne?  N'est-ce  pas  lui,  d'ailleurs,  qui  a  permis  de  remettre 
en  état,  sur  les  grés  des  Basses- Vosges,  les  taillis  ruinés  par 
des  exploitations  à  courte  révolution?  le  principe  appliqué  il 
y  a  quelque  soixante  ans  par  M.  l'Inspecteur  de  Buffévcnt  a 
été  de  marquer  en  réserve  les  hêtres  bien  venants  et  d'im- 
poser le  respect  des  semis  de  cette  essence,  de  tout  âge  et  de 
toute  taille,  que  l'on  rencontre  noyés  dans  le  taillis  lors  de 
l'exploitation  de  ce  dernier;  ses  successeurs  l'ont  imité,  et 
maintenant  la  forêt,  en  parfait  état,  s'achemine  vers  la  futaie 
mélangée  de  chêne  et  hêtre. 

Si  nous  accordons  une  importance  toute  spéciale  à  cette 
extension  du  hêtre,  c'est  qu'elle  entraîne  certaines  modifi- 
cations dans  la  conduite  des  balivages.  Une  réserve  en  chênes 
et  essences  disséminées  suppose,  en  effet,  des  arbres  isolés  et 
maintenus  sur  pied  le  plus  longtemps  possible,  afin  d'en  ob- 
tenir des  produits  de  qualité  supérieure.  11  n'en  est  plus  ainsi 
avec  le  hêtre,  dont  le  prix  au  mètre  cube  n'augmente  pas  avec 
le  diamètre  à  partir  du  moment  où  celui-ci  est  suffisant  pour 
le  débit  en  bois  d'industrie:  point  n'est  besoin,  dès  lors,  de 
pousser  les  arbres  au  delà  du  diamètre  de  50  centimètres  qui  les 
rend  exploitables;  plus^tard,  peut-être  seraient-ils  dépréciés 
par  le  défaut  du  «  bois  rouge  »,  ou  d'autres  tares  plus  graves 
encore.  D'autre  part,  on  sait  que  la  valeur  du  foyard  comme 
bois  d'industrie,  est  liée  à  son  état  sain,  à  la  rectitude  et  à  la 
hauteur  de  son  fût  :  la  réunion  des  réserves  de  cette  essence 
par  petits  groupes  ne  pourra  donc  que  contribuer  à  en  amé- 
liorer la  situation;  de  la  sorte,  sans  prétendre  à  une  produc- 
tion égale  à  celle  des  futaies  régulières,  du  moins  pourra-t-on 
s'en  approcher;  c'est  donc  une  disposition  nouvelle  à  adopter 
dans  la  distribution  des  réserves. 

Après  celui  du  hêtre,  citons  l'emploi  des  conifères. 


256  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

En  montagne,  leur  utilité  saute  aux  yeux.  Dans  maintes  cir- 
constances, la  substitution  se  fait  d'elle-même,  au  profit  du 
sapin  ;  en  général,  le  processus  est  le  suivant  :  au  milieu  du 
taillis,  on  voit,  épars,  quelques  sapins  branchus,  à  fût  très 
court,  arbres  sans  valeur  marchande,  mais  tout  à  l'alentour 
leurs  graines  se  répandent  et  les  jeunes  sapineaux  percent  les 
ronciers  ;  la  tache  s'étend  bien  vite.  On  peut  y  aider  par  des 
plantations  ou  des  répandages  de  graines  sur  les  points  où  les 
semis  naturels  font  défaut. 

Dans  la  pratique  des  opérations,  on  évitera  de  dégrader  les 
sapins  d'avenir  par  les  blessures  du  marteau  :  feuillus  et  rési- 
neux à  abattre  seront  marqués  en  délivrance,  et  les  sous  bois 
seront  recépés,  avec  réserve  de  tous  les  jeunes  sapins  et 
désignation,  par  griffage,  d'un  certain  nombre  de  baliveaux 
feuillus. 

Dans  les  régions  de  plaines  ou  de  coteaux,  les  résineux 
peuvent  encore  fournir  une  aide  des  plus  utiles.  Quand  des 
taillis  sont  clairières  ou  entrecoupés  par  des  vides,  quand  ils 
manifestent  des  signes  d'épuisement,  l'introduction  du  pin 
noir  si  le  sol  est  calcaire,  du  pin  sylvestre  sur  le  sable,  est 
toute  indiquée  (11.  Les  aiguilles  enrichissent  le  sol,  recons- 
tituent la  couche  d'humus  détruite,  et  ces  arbres,  par  leur 
croissance  rapide  ont  vite  compensé  les  frais  de  plantation. 
C'est  ainsi  que,  dans  les  Basses-Vosges,  quand  le  hêtre  n'y 
suffît  pas,  dans  les  forêts  d'Orléans,  de  Fontainebleau,  de 
Montargis,  etc. ,  dans  tous  les  terrains  sablonneux  en  un  mot, 
on  sauve  les  forêts  ruinées  par  le  traitement  en  taillis  (2).  On 
se  demande  quelquefois  ce  que  deviendront,  comment  se  ré- 
généreront des  taillis  peuplés  de  résineux  en  plus  ou  moins 
grande  abondance.  Nous  répondrons  que  tout  d'abord  l'intro- 
duction des  résineux  en  pareille  station  est  toujours  suivie  de 
la  réapparition  spontanée  des  feuillus,  et  notamment  des 
chênes,  dont  les  glands  sont  apportés  par  les  oiseaux  et  les 
petits  rongeurs,  —  et  que,  si  l'avenir  a  de  l'importance,  le  pre- 

(1)  Maire,  loc.  cit.,  Bulletin  de  la  Société  forestière  de  Franche-Comté 
et  de  Belforl. 

(2)  Le  pin  noir  joue  le  même  rôle  dans  les  craies  de  la  Champagne. 


AMÉLIORATION    DSS    îniiîrs   TRAITÉES    i\     rvu.iis.  257 

simiI  cmi  a  tout  autant,  sinon  plus.  D'ailleurs,  nue  foré!  riche 
en  matériel,  avec  un  sol  <>n  bon  état,  est  toujours  une  forêt 
d'avenir.  A  chaque  âge  suffit  sa  peine. 

Nous  irons  plus  loin  :  dans  les  mauvais  faillis,  môme  si  la 
forêt  ne  renferme  pas  de  vides,  nous  serions  tentés  de  recou- 
rir aux  résineu*  pour  faire  une  forêt  plus  riche,  d'un  plus 
grand  rapport. 

Dans  ce  but,  on  peut  procéder  radicalement:  faire  une 
coupe  rase  du  taillis  et  planter  des  pins  noirs  sur  les  cal- 
caires, des  pins  sylvestres  sur  les  sables.  L'opération  est,  en 
général,  fructueuse,  mais  c'est  un  véritable  reboisement,  dont 
les  frais  sont  majorés  du  coût  des  dégagements  rendus  né- 
cessaires par  l'évolution  des  rejets.  Aussi,  est-il  indiqué  de 
chercher  à  réduire  la  dépense  en  mettant  à  profit  tout  ce  qui 
est  utilisable  dans  l'ancien  peuplement,  et  en  n'introduisant 
les  résineux  que  cà  et  là,  sur  des  points  choisis  à  cet  effet. 
Plus  tard,  on  augmentera,  si  on  le  juge  à  propos,  la  surface 
qui  leur  est  attribuée. 

Sans  doute,  ici  encore,  il  faut  lutter  contre  la  poussée  des 
essences  feuillues  qui  ne  se  laissent  pas  exproprier  sans  résis- 
tance ;  mais  les  sujets  à  défendre  sont  peu  nombreux,  et  l'uti- 
lisation du  sapin  et  de  l'épicéa,  qui  souffrent  moins  que  les 
pins,  du  voisinage  des  buissons,  diminue  le  travail  (1).  Entre 
ces  deux  espèces  laquelle  choisir?  Cela  dépend  des  cas  et  des 
convenances;  sous  la  réserve  expresse  que  le  sapin,  tout  en 
acceptant  de  vivre  assez  loin  des  montagnes  où  il  est  spontané, 
exige,  néanmoins,  des  stations  suffisamment  fraîches,  acciden- 
tées ou  maritimes,  rappelons  que  l'épicéa  se  recommande  par 
la  facilité  de  sa  reprise,  le  sapin  par  son  aptitude  à  se  réense- 
mencer naturellement  au  milieu  des  taillis  :  le  plus  sage  sera, 
le  plus  souvent,  de  planter  des  épicéas  en  majorité,  avec  une 
faible  proportion  de  sapins  destinés  à  servir  plus  tard  de 
porte-graines.  M.  l'Inspecteur  des  forêts  Runacher  (2),  paraît 

(1)  Ces  dégagements  de  semis  sont  facilités  par  le  feuillage  vert  des 
résineux,  qui  tranche,  en  hiver,  sur  la  coloration  uniforme  des  taillis. 

(2)  Runacher,  Utilité  de  l'introduction  du  sapin  et  de  l'épicéa  dans  les 
taillis  médiocres  de  la  région  jurassique.  (Bail,  de  la  Société  fores- 
tière  de  Franche-Comté  et  de  Belfort,  octobre  1899.) 

Boppb  et  Jolyet.  1  « 


258  LES    DIFFÉRENTS    MODES    DE    TRAITEMENT. 

vouloir  généraliser  Temploi  du  sapin  et  de  l'épicéa  dans  celte 
œuvre  de  restauration,  et  certes,  sur  bien  des  points,  on  ne 
pourrait  mieux  faire  que  de  suivre  ses  conseils.  Cependant, 
pin  Weymouth  et  mélèze  méritent  aussi  qu'on  leur  réserve 
quelques  belles  places. 

En  somme,  il  est  certain  que  les  résineux  sont  appelés  à 
jouer  dans  les  forêts  de  la  plaine  un  rôle  plus  important  que 
celui  qui  leur  avait  été  réservé  jusqu'alors.  Et,  pendant  qu'on 
en  sera  à  restaurer  les  peuplements  dégradés  à  coup  de 
bêche  et  à  coup  de  pioche,  il  ne  paraîtra  pas  imprudent  de 
risquer  la  plantation  de  quelques  pieds  isolés  d'essences 
exotiques  en  voie  d'introduction,  le  chêne  rouge  d'Amérique, 
par  exemple,  qui  se  multiplie  dans  certains  taillis  sous  futaie 
des  Vosges  et  plusieurs  espèces  dont  nous  parlerons  au  cha- 
pitre VIII.  Nous  croyons  avoir  suffisamment  recommandé 
le  principe  de  chaque  essence  clans  sa  station,  pour  pouvoir 
nous  permettre  ces  exceptions;  mais,  une  fois  de  plus,  nous 
signalons  les  dangers  des  cultures  d'espèces  étrangères  plus 
exposées  que  les  indigènes  à  toutes  les  maladies  cryptoga- 
miques  ou  autres.  Aussi,  avant  d'avoir  recours  aux  formes 
exotiques,  fera-t-on  bien  de  consulter  la  flore  forestière 
locale  ;  souvent,  avec  ses  seules  ressources,  on  pourra  com- 
poser des  mélanges  de  feuillus  et  de  résineux  d'une  résistance 
assurée  ;  témoin  les  excellents  résultats  que  donne,  au  point 
de  vue  économique,  la  multiplication  du  pin  d'Alep  dans  les 
taillis  méridionaux,  tout  comme  celle  du  sapin  dans  les  taillis 
du  Bas-Jura. 


CHAPITRE  VII 
EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORÊTS 

ARTICLE    PREMIER 

GÉNÉRALITÉS 

Tandis  que  la  nature  arme  suffisamment  la  forêt  sauvage 
pour  sa  défense  contre  les  ennemis  qu'elle  lui  suscite,  la  forêt 
domestiquée,  celle  dont  nous  venons  d'étudier  les  conditions 
d'existence,  modifiées  de  mille  façons  en  vue  de  satisfaire  à  nos 
besoins  les  plus  divers,  exige,  en  échange,  de  notre  part,  mo- 
dération et  protection.  Ses  forces  amoindries  par  la  culture 
sont,  en  effet,  devenues  impuissantes  à  conjurer  les  périls  dont 
celle-ci  est  la  cause  ou  l'occasion. 

Exploitation  et  production  se  rattachent  ainsi  directement 
à  la  sylviculture. 

Les  détails  que  comporte  la  pratique  de  la  coupe  et  de 
l'enlèvement  des  produits  appartiennent  à  un  autre  sujet  (1)  ; 
nous  nous  bornons  donc,  ici,  à  prémunir  la  gestion  contre  les 
dommages  éventuels  qui  sont  une  conséquence  inévitable  de 
l'introduction  en  forêt  de  la  hache  du  propriétaire,  et,  comme 
s'il  s'agissait  de  tout  autre  dégât  imputable  à  l'homme,  d'indi- 
quer les  moyens  d'en  atténuer  les  effets. 

Sous  cette  réserve,  toutes  les  misères  qui  sont  de  nature  à 
entraver  les  énergies  productrices  de  la  forêt  et  que  nous 
avons  intérêt  à  écarter  de  son  chemin,  lui  peuvent  venir  de 
l'une  des  causes  suivantes  : 

1°  Dommages  causés  par  l'homme  ; 

2°  Dégâts  des  animaux  ; 

3°  Dégâts  des  végétaux  ; 

4°  Dégâts  des  météores. 

(1)    L.    Boppe,    Cours    de    technologie    forestière,    Nancy,    Bcrger- 
Levrault,  1878. 


260  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

ARTICLE    II 

DOMMAGES  CAUSÉS  PAR  L'HOMME 

Fait  du  propriétaire  :  à  l'occasion  des  exploitations  ;  —  des  élagages  ;  — 
des  émondages;  —  des  assainissements.  —  Fait  des  délinquants  : 
les  causes  ;  —  la  répression.  —  Les  concessions  de  menus  produits  : 
tolérances  nécessaires;  —  menus  produits  végétaux;  —  menus  pro- 
duits minéraux.  —  Le  pâturage  :  la  situation  actuelle;  —  nocuité  du 
pâturage  suivant  les  régions  ;  —  influence  de  la  nature  du  bétail 
introduit;  —  de  l'état  des  peuplements;  —  conclusions.  —  Les  in- 
cendies :  leurs  causes  et  leurs  conséquences;  —  régions  monta- 
gneuses ;  —  zone  parisienne  ;  —  régions  méridionales. 

Fait  du    propriétaire. 

Les  exploitations.  —  Celles-ci  comprennent  Yabatage  des 
bois,  le  façonnage  et  le  transport  des  produits. 

Pour  Yabatage,  la  saison  d'hiver  est  la  plus  avantageuse 
dans  les  coupes  principales  des  forêts  feuillues.  Toutefois, 
ces  travaux  doivent  être  suspendus  par  les  froids  rigoureux  ; 
car,  le  bois  a  perdu  alors  toute  élasticité,  il  brise  les  outils  et 
fatigue  les  bûcherons;  les  arbres  gelés  risquent  aussi  beau- 
coup plus  de  se  rompre  dans  leur  chute.  Le  moment  le 
plus  favorable  est  la  lin  de  l'hiver  et  le  commencement  du 
printemps  avant  l'ouverture  des  bourgeons. 

Les  essences  résineuses  doivent,  de  préférence,  être  exploi- 
tées en  temps  de  sève,  leur  bois  est  alors  plus  léger  et 
conserve  un  plus  bel  aspect  lors  du  débit;  il  est  aussi  plus 
facile  de  les  écorcer  pour  éviter  les  piqûres  des  insectes. 
Dans  le  cours  de  cette  saison,  il  suffit  de  suspendre  les  exploi- 
tations pendant  les  deux  mois  qui  suivent  la  montée  de  la 
sève,  époque  où  les  jeunes  pousses  sont  extrêmement  fragiles 
et  pendant  laquelle  les  tiges  elles-mêmes  guérissent  beaucoup 
plus  difficilement  leurs  blessures  (1). 

Quand  les  arbres  feuillus  ou  résineux  sont  exploités  par 

(1)  On  remarque  néanmoins,  que  souvent,  les  bois  résineux  exploités 
en  été,  surtout  quand  ils  sont  flottés,  sont  tachés  par  le  mycélium 
de  divers  champignons  dont  ils  ont  pris  le  germe  en  forêt.  Le  redou- 
table Merulius  lacrymans,  qui  détruit  le  solivage  et  les  lambris  de 
toute  une  maison,  peut  y  être  importé  de  la  sorte. 


DOMMAGES    C  \l  SES    l'Ait     I.  IMimmi 


26 


extraction  de  souches  suivant  la  forme  dited  culée  noire,  leur 
chute  est  facilitée  et  rendue  moins  dommageable  par  L'emploi 
du  brocqùe  en  usage  dans  certaines  forêts  de  l'Ouest  et  du 


Fig.  60.  —  Abatage  à  culée  noire,  à  laide  de  brocques,  foret  de 
Senonches  (Eure-et-Loir).  (Photographie  de  M.  d'Alverny.) 

Centre,  notamment,  dans  celle  de  Senonches  (fig.  60). 
h'ébranchage  ou  holtacje  des  arbres  à  abattre  sera  prescrit 
partout  où  il  sera  jugé  nécessaire  dans  l'intérêt  des  régéné- 
rations acquises  ou  des  arbres  réservés.  Bien  qu'il  soit 
plus    commode   et   moins   dangereux   pour    le    bûcheron   de 


262 


EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORETS. 


couper  les  branches  de  haut  en  bas,  l'opération  est  meilleure 
lorsqu'on  la  pratique  de  bas  en  haut,  parce  que,  dans  le 
premier  cas,  les  branches  coupées,  en  tombant  sur  les 
branches  inférieures  encore  attachées  à  l'arbre,  les  brisent,  les 
arrachent  et  occasionnent  des  déchirures  qui  déprécient  la 
tige. 

Dans  les  belles  futaies  de  l'Ouest,  pour  éviter  les  dégrada- 
tions  et    les   brisures   qui    pourraient    atteindre   les   longues 


Fig.  61.  —  Bûcheron  appuyé  sur  ses  crampons,  soutenu  par  une  cein- 
ture de  corde,  et  tronçonnant  un  chêne.  (D'après  une  photographie 
de  M.  Takasima,  Elève  Japonais  à  l'Ecole  forestière.) 


pièces  dans  leur  chute  et  en  déprécier  le  débit  comme  bois 
de  fente  et  de  sciage,  on  a  pris  l'habitude  de  les  tronçonner 
sur  pied  en  billes  de  4  à  6  mètres  de  longueur  (fig.  61  et  62). 
Les  coupes  d'éclaircies  peuvent  être  exploitées  indifférem- 
ment en  toute  saison,  et  même,  si  l'on  a  intérêt  à  éviter  la 
production  des  rejets,  il  vaudra  mieux  faire  l'abalage  en  été. 
Dans  les  bois  feuillus,  pourtant,  on  préfère  la  saison  d'hiver, 
parce  qu'alors  les  bûcherons  travaillent  à  meilleur  marché, 
et  aussi  parce  que  les  menus  bois  coupés  avec  leurs  feuilles  se 
façonnent  moins  bien  et  moins  proprement  que  ceux  qui  en 
sont   dépourvus;   c'est   ce   qui    fait    que    les    fagots   feuilles 


DOMM  \r.i  S    C  m  BÉ8    P  \i;    L'HOMMB. 


263 


passent,    avec  raison,   pour   avoir  été  coupés  en   délit,    cl   les 

honnêtes  gêna  ne  les  achètent  pas. 

Aussitôt  après  leur  chute,  les  arbres  sont  découpes  suivant 
le  genre  du  débit  qu'ils  comportent.  Les  divers  produits  ainsi 
obtenus  sont  ensuite  rassemblés  et  disposés  de  façon  à  encom- 
brer le  moins  possible  le  parterre  des  coupes,  en  attende  ni 
qu'on  vienne  les  enlever. 

Dans  l'enceinte  des  ventes,  le  débit  des  bois  ne  doit  pas 


Fig.  62.  —  Tronçonnement  d'un  arbre  sur  pied,  forêt  de  Bellème  (Orne). 
(Photographie  de  M.  J.  George.) 

être  poussé  au  delà  de  la  forme  d'un  premier  façonnage  brut, 
indispensable  pour  qu'on  puisse  en  faire  l'enlèvement  et  pour 
en  réduire  les  poids  par  la  dessication.  Il  ne  faut  jamais  y 
tolérer  l'installation  de  chantiers  destinés  à  transformer  la 
matière  première  en  produits  fabriqués  tels  que  :  sabots, 
merrains,  échalas,  sciage,  etc..  Cette  coutume  ramène 
chaque  année,  en  forêt,  toute  une  population  ouvrière  qui 
s'installe  pendant  plusieurs  mois  sur  les  points  qui  demande- 
raient à  être  le  mieux  garantis  ;  non  seulement  les  places 
d'atelier  sont  tassées  par  la  fréquentation  des  ouvriers  et  de 


2G4 


EXPLOITATION-    ET    PROTECTION    DES    FORE1S. 


leur  famille,  mais  le  piétinement  exerce  partout  son  influence 
fâcheuse  et  les  régénérations  les  mieux  assurées  ne  lui  survi- 
vent pas.  C'est  à  de  pareils  abus  qu'on  doit,  dans  une  certaine 
mesure,  attribuer  la  destruction  de  belles  futaies  de  chêne, 
où  de  maigres  régénérations  artificielles  en  pin  sylvestre  suc- 
cèdent aux  peuplements  les  plus  riches. 

Quoi    qu'il   en  coûte,   il  faut  faire  cesser  un    tel   état  de 
choses.    I»ien   n'est   plus   simple    que   de   déterminer,   dans 


Fig.  63.  —  Atelier  de  fente  dans  la  forêt  de  Senonches. 
(Photographie  de  M.  Juvanon  du  Vachat.) 


chaque  série,  un  certain  nombre  de  places  bien  choisies  qui 
seront  consacrées,  d'une  manière  permanente,  à  l'installation 
des  chantiers  de  débit.  Le  propriétaire  de  la  forêt  pourrait 
ainsi  faire  la  dépense  de  baraquements  loués  aux  adjudica- 
taires ;  cette  première  mise  de  fonds  serait  bientôt  couverte 
au  grand  profit  de  tout  le  monde.  L'emploi,  pour  le  débar- 
dage,  de  petits  chemins  de  fer  ou  porteurs  Decauville,  faci- 
literait considérablement  les  améliorations  à  introduire  dans 
des  habitudes  funestes,  enracinées  depuis  des  siècles. 

Le  transport  des  produits   hors  des  coupes  se  fait  à  dos 


ho.MM  \<.l  S    CAUSES    l'Ait     I    IIh.m  \n.. 


265 


d'homme  ou  à  la  brouette,  pour  les  l><>is  de  chauffage  et  les 
pièces  de  faibles  dimensions  ;  au  moyen  de  chariots,  d'avant?- 

trains  ou  de  traîneaux  pour  les  billes  trop  grosses  pour  être 
maniées  à  bras  d'homme.  Tous  ces  procédés  peuvent  être 
mis  avantageusement  en  pratique  suivant  lés  cas,  el  les  incon- 
vénients cj u 'ils  présentent  sonl  proportionnés  à  l'intelligence, 
au  bon   vouloir  et  à  l'adresse  des  charretiers;  on  doit  aussi 


Fig\  6i.  —  Empilage  de  planches  de  sapin,  scierie  du  Grand-Roue 
(Vosges).  (Photographie  de  M.  J.  George.) 

tenir  compte  des  dommages  causés  au  jeune  recru,  qui  aug- 
mentent avec  la  longueur  sous  laquelle  les  pièces  de  service 
sont  maintenues. 

Le  traînage  ou  glissage  direct  des  tronces  sur  le  sol,  qui 
déplace  la  couverture  et  commence  les  ravinements,  doit 
être  proscrit,  autant  que  possible,  des  coupes  principales. 
Nous  en  dirons  autant  du  langage,  fût-il  amélioré  par  les 
couloirs  creusés  en  cuvette  en  vue  de  diriger  les  billes  dans 
leur  chute.  C'est  seulement  dans  la  grande  montagne  que 
ces  procédés  primitifs  seront  tolérés   et  cela  ne  sera  jamais 


266 


EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORETS. 


sans  dommages;  car  on  sait  combien  de  billes  bondissent 
hors  dulançoir,  et, dans  leur  chute  désordonnée,  mutilent  ou 
brisent  tout  ce  qu'elles  rencontrent  (fig.  68, /?).  On  devra  tou- 
jours leur  préférer  le  transport  par  traîneaux  sur  les  chemins 
de  bois  dits  chemins  de  schlitte  (fig.  65),  ou,  mieux  encore,  les 
câbles  aériens  (1).  La  dépense  sera   grandement   récupérée 


Fig.  65. 


Le  schlittage  dans  les  Vosees. 


par  la  plus-value  des  marchandises  et  la  meilleure  tenue  des 
peuplements. 

Dans  les  futaies  feuillues,  le  passage  des  voitures  ou  des 
avant-trains  ne  fait  pas  de  dommages  aussi  considérables 
qu'on  pourrait  le  supposer  :  les  brins  de  semis  se  courbent 
sous  les  pieds  des  chevaux  ou  sous  les  roues  des  voitures  et 
se  relèvent  bientôt  sans  paraître  trop  souffrir  des  lésions  qui 
leur  sont  faites.  Il  suffit  d'éviter  de  faire  passer  plusieurs  voi- 


(1)  E.  Thicry.  Étude  sur  les  petits  chemins  de  fer  forestiers.  Nancy. 
Berger-Levrault.  1893.  —  E.  Thiéry  et  Demonet.  Les  transports  par 
câbles  aériens)   Nancy,  Nicole,  1896. 


DOMM  USES    <:  \l  SIS    l'A  lt    L  E10MM1  . 


207 


(mes  de  Miile  dans  le  même  sillon,  ce  qui  crée  un  véritable 
chemin  battu  dans  lequel  tout  est  écrasé.  D'ailleurs,  si  cela 
est  nécessaire,  on  peut  avoir  recours  au  recepage.  Quand  des 
soins  convenables  ont  été  pris,  deux  ou  trois  ans  après  une 
coupe,  le  fourré  sera  complètement  rétabli  sans  conser- 
ver de  traces  bien  sensibles  de  la  dernière  exploitation. 
Dans  les  forêts  résineuses,  plus  de  précautions  sont  néces- 
saires, car  les  jeunes  plants  écrasés  se  relèvent  difficilemenl  et 


Fig.  66.  —  Enlèvement  d'une  tronce  de  sapin,  vallée  de  Ravines 
(Vosges.)  (Photographie  de  M.  Fron). 

n'ont    pas,     comme    les   feuillus,    la    faculté    d'émettre    des 
rejets. 

D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  le  dommage 
causé  au  peuplement  par  le  transport  des  arbres  à  travers  bois 
est  proportionnel  à  la  longueur  des  billes  plutôt  qu'à  leur 
poids.  C'est  ainsi  que,  dans  les  régions  où  l'on  fabrique  de  la 
planche  marchande,  les  plus  grands  sapins  ou  épicéas  sont 
débités  sur  place  en  tronces  de  4  mètres,  dont  le  transport  se 
fait  facilement  et  d'une  façon  inoffensive  (fig.  66).  Tandis 
qu'il  faut  avoir  vu,  dans  le  Jura,  les  douze  à  quinze  paires  de 


268  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES     FORETS 

bœufs  attelées  à  une  de  ces  énormes  poutres  dont  la  lon- 
gueur dépasse  30  mètres  et  destinées  aux  chantiers  de  cons- 
tructions navales  de  la  Méditerrannée,  pour  comprendre  les 
ravages  que  de  tels  convois  font  subir  à  la  régénération; 
sur  une  largeur  de  4  à  5  mètres,  le  long  de  leur  parcours, 
toute  la  jeunesse  est  écrasée.  De  plus,  les  ingénieurs  forestiers 
doivent  calculer  les  courbes  de  leurs  routes  avec  un  rayon 
suffisant  pour  que  les  prolonges  puissent  parcourir  les  tour- 
nants sans  venir  butter  contre  les  talus  en  déblai. 

Quelles  que  soient  les  essences,  il  est  d'un  intérêt  majeur 
d'enlever  les  produits  aussi  rapidement  que  possible.  Moins 
longtemps  le  parterre  des  coupes  sera  fréquenté,  mieux  s'en 
trouveront  les  peuplements;  car,  pour  réparer  les  fatigues  de 
toute  sorte  qui  sont  la  conséquence  nécessaire  d'une  exploi- 
tation, la  forêt  demande  à  être  au  plus  vite  rendue  à  elle- 
même  (1). 

Dans  les  coupes  de  taillis,  la  vidange  doit  être  conduite 
plus  rapidement  encore  que  dans  les  futaies.  Leur  fréquentation 
par  les  hommes  et  les  animaux  pendant  la  saison  d'été  qui 
suit  l'abatage,  devient  une  cause  de  dommages  considérables 
pour  la  régénération  ;  car  un  grand  nombre  de  jeunes  rejets 
sont  détruits  alors  qu'ils  sont  cassants  et  mal  attachés.  Certai- 
nement, il  en  repoussera  de  nouveaux  au  printemps  sui- 
vant, mais  les  rejets  de  la  première  année  sont  les  plus 
abondants  et  les  plus  vigoureux  ;  de  plus,  il  y  a  toujours 
un  certain  nombre  de  souches  ainsi  fatiguées  qui  ne  repous- 
sent plus.  C'est  là  une  des  principales  causes  de  l'appauvris- 
sement des  taillis  en  bonnes  essences.  Pour  se  rendre  compte 
de  ce  fait,  il  suffit  de  comparer  deux  coupes  voisines,  en  tout 
semblables  et  exploitées  en  même  temps;  dans  l'une,  la  vi- 
dange aura  été  terminée  avant  le  printemps  qui  suit  l'ex- 
ploitation, tandis  que,  dans   l'autre,  cette  opération   se  sera 

(1)  Avec  les  délais  de  vidange  admis  dans  la  pratique  de  la  vente 
des  coupes  sur  pied,  l'adjudicataire  se  sert  pendant  plus  d'une  année 
du  parterre  de  la  vente  comme  d'un  lieu  de  dépôt  dans  lequel  il  peut, 
au  fur  et  à  mesure  de  ses  livraisons,  prendre  les  produits  pour  Les 
conduire  directement  au  bûcher  de  l'acheteur.  Il  gagne  ainsi  les  frais  de 
chargement  et  de  déchargement  qu'il  subirait  en  les  accumulant  dans 
ses  chantiers. 


Dl  'MM  IGES     <     M    SES     l'Ali     I  "ll'iMMI 


•_><•,<» 


prolongée  pendant  (oui  l'été  suivant  :  la  différence  entre  le 
développement  «les  deux  régénérations  est  saisissante  en 
faveur  de  la  première. 

Les  produits  dos  éclaircies  soûl  porlés  à  dos  d'homme  sur 
leschcmins  existants.  A  ce  point  de  vue,  il  est  avantageux  de 
multiplier,  dans  les  limites  raisonnables,  le  nombre  de  ceux 
qui  traversent  les  massifs,  et  de  rendre  praticables  aux  voitures 


Fig\  G7.  —  Enlèvement  de  pièces  de  pin  laricio,  forêt  d'Aitone  vCorse) 
(Photographie  de  M.  J.  Bregeault.) 


toutes  les  lignes  d'assiette  de  l'aménagement.  Ces  chemins 
intérieurs,  établis  sur  une  largeur  de  2  à  3  mètres  lors  de 
l'exploitation  des  coupes  principales,  peuvent  être  mainte- 
nus pendant  toute  la  vie  du  peuplement  sans  nuire  sensible- 
ment à  la  production  totale. 

Toutes  les  précautions  qui  précèdent  sont  du  ressort  de  la 
gestion.  La  seule  prescription  qui  concerne  les  aménagistes  est 
contenue  dans  le  formulaire  des  Règles  d'assiette.  La  deuxième 
de  ces  règles  dit  : 


270  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

Les  coupes  doivent  être  disposées  de  manière  que  les  bois  d'une 
coupe  en  exploitation  ne  soient  pas  dans  le  cas  d'être  transportés  à 
travers  d'autres  coupes  récemment  exploitées. 

Pour  s'y  conformer,  il  suffit  que  chaque  coupe  soit  indé- 
pendante des  autres  et  qu'elle  aboutisse  directement,  soit  sur 
une  route  ou  un  chemin,  soit  sur  un  ruisseau  où  le  bois 
puisse  se  flotter,  soit  enfin  sur  les  terres  riveraines  (1). 

Ce  qui  vient  d'être  dit,  suffit,  en  général,  pour  concilier 
les  exigences  de  la  perception  des  revenus  avec  celles  de  la 
régénération.  Sans  doute,  dans  la  pratique,  quelques  légères 
modifications  y  seront  apportées  en  vue  de  mieux  les  adapter 
aux  habitudes  ou  circonstances  locales  ;  mais  il  est  superflu 
d'imposer  aux  adjudicataires  des  charges  souvent  onéreuses 
que  la  routine  éternise  dans  les  documents  administratifs  sans 
aucun  profit  pour  la  forêt.  Il  en  est  ainsi,  par  exemple,  de 
l'arrachage  des  épines.  A  quoi  sert,  en  effet,  d'arracher  les 
épines?  Ce  travail,  lorsqu'on  l'exige,  est  toujours  mal  fait  ; 
de  plus,  la  plupart  des  morts-bois  et  arbustes  dits  nuisibles, 
notamment  les  ronces,  les  épines  noires  et  blanches  dra- 
geonnent  facilement,  et  l'enlèvement  de  la  souche,  qui  ne  peut 
nécessairement  s'étendre  jusqu'à  l'extrémité  des  racines,  pro- 
voque leur  expansion  sur  une  grande  surface. 

Les  élagages.  —  A  l'occasion  des  méfaits  commis  par  la 
hache  ou  la  serpe  du  propriétaire,  nous  devons  parler  des 
élagages.  Mais,  pour  ceux-ci  du  moins,  on  a  la  faculté  de 
laisser  les  outils  se  reposer  et,  dans  la  majorité  des  cas,  aussi 
bien  dans  l'intérêt  de  ses  arbres  que  dans  ceux  de  sa  bourse, 
le  mieux  sera  de  s'abstenir. 

L'élagage  est  une  sorte  de  taille  appliquée  aux  arbres,  en 
vue  de  leur  donner,  en  une  seule  fois,  une  forme  plus  avan- 
tageuse au  moyen  d'amputations  totales  ou  partielles  des 
rameaux  réputés  inutiles  ou  nuisibles. 

Séduit  par  l'aspect  extérieur  des  arbres  élagués,  et  faute 
de  s'être  rendu  un  compte  exact  de  la  conséquence  des  opé- 
rations, on  a,  pendant  longtemps,  érigé  en  un  véritable  sys- 
tème d'exploitation  forestière  cette  pratique  d'ailleurs  excel- 

(1)  Lorentz  et  Parade,  Culture  des  bois. 


DOMM  IGES    C  m  SES    l'Ait    L  iiommi-:. 


271 


lente  pour  les  arbres  de  parc  ou  d'alignement (1).  Mais  si  la  taille 
(>sl  réellement  profitable  à  celui  qui  —  chaque  jour—  inter- 
vient pour  diriger  un  bourgeon  bien  placé,  en  vue  de  lui  faire 


Fig.  68.  —  a,  Tares  indélébiles  consécutives  à  une  inscription  faite  sur 
l'écorce.  —  /),  Plaie  contuse  occasionnée  par  le  choc  d'une  tronce 
lancée  sur  un  versant  de  montagne.  —  c,  Élagage  rez-tronc  bien 
fait  :  solution  de  continuité  dans  les  tissus.  —  d,  Élagage  rez-tronc 
suivi  de  pourriture.  —  e,  Elagage  en  chicot  suivi  de  pourriture. 

produire,  à  son  gré,   des  fruits,   des  fleurs  ou  des  ombrages 
en   forêt,   où  l'on  cherche  —  avant  tout  —  à  fabriquer  du 
bois  sain,  elle  ne  saurait  être   qu'une  fallacieuse  mutilation. 
Il  faut  se  souvenir  que  l'enlèvement   de  toute  branche    de 
tout  rameau,  se  traduit  par  une  perte  de   substance  et  une 

(l)  V élagage  des  arbres,  par  le  comte  des  Cars,  Paris,  Rothschild,  1867. 


272  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

plaie  à  recouvrir.  Pour  permettre  à  l'arbre  qui  en  est  victime 
de  réparer  ces  dommages,  il  lui  faut  une  nourriture  supplé- 
mentaire qu'un  arboriculteur  avisé  ne  lui  ménage  pas.  Mais, 
en  forêt,  qui  apportera  à  l'opéré  les  médicaments  et  fortifiants 
nécessaires  à  sa  guérison  ? 

Quoiqu'il  en  soit,  il  est  certain  que  l'élagage  rez-tronc,  à 
section  verticale,  présente  certains  avantages  sur  les  procédés 
en  chicot  ou  à  section  oblique  ;  mais  il  n'en  produit  pas 
moins  des  blessures  incurables,  avec  tout  le  cortège  de  mala- 
dies qu'elles  engendrent,  en  dépit  des  pansements  les  mieux 
appliqués.  Le  recouvrement  (fig.  68,  a)  cache  la  surface  de 
section  sans  la  cicatriser  dans  le  sens  physiologique  du  mot; 
et,  avant  qu'il  soit  complet,  le  bois  mis  à  nu  a  tout  le  temps 
de  mourir,  de  se  gercer  et  l'on  sait  que  toute  crevasse  est  la 
porte  ouverte  aux  germes  des  champignons  destructeurs  (1). 

Aujourd'hui,  l'expérience  a  fait  justice  de  toutes  ces  chi- 
mères et  il  n'est  pas  trop  tôt  d'arrêter  les  mutilations  infligées, 
de  parti  pris,  à  la  plupart  des  chênes  réservés  dans  les  taillis 
composés.  Il  suffit,  en  effet,  d'ouvrir  le  tronc  d'un  de  ces 
arbres  pour  constater  toute  l'étendue  du  mal  (l)(fig.68,c,rf,e). 

«  En  fait,  dit,  M.  Broilliard  (2),  tout  arbre  constitué  ne 
saurait  être  amputé  d'une  ou  plusieurs  grosses  branches  sans 
qu'il  en  résulte  un  ralentissement  dans  la  végétation,  un 
trouble  marqué  dans  les  fonctions  vitales,  et  une  plaie  nui- 
sible par  elle-même  et  souvent  désastreuse  par  les  vices 
qu'elle  occasionne  dans  le  corps  de  l'arbre  ». 

L'élagage  doit  donc  être  proscrit  des  forêts,  en  tant  que 
procédé  méthodique  de  traitement,  mais  on  doit  se  demander 
dans  quelles  limites  il  est  permis  d'en  user,  à  titre  d'opération 
chirurgicale,  suivant  qu'il  s'agit  de  branches  vivantes,  de 
branches  mortes  ou  de  branches  gourmandes. 

L'élagage  des  branches  vivantes  ne  peut  être  toléré  que 
dans  les  cas  suivants  : 

(1)  Martinet,  Garde  général  des  forêts,  Considérations  et  recherches 
sur  Vèlagage  des  essences  forestières,  Paris,  librairie  agricole,  1876. 

D'Arbois  de  Jubain ville,  sous-inspecteur  des  forêts,  Observations 
sur  le  système  d'èlagage  de  Coursai  et  des  Cars,  Paris,  Rothschild, 
1869. 

(2)  Broilliard,  Cours  d'aménagement  des  forets,  Nancy,  Berger-Le- 
vrault  et  O,  1878,  p.  258. 


DOMMAGES    C ai  SES    P  Ut    l    HOMME, 


273 


1°  sur  1rs   |)l;mls    de    haute    tige     élevés    en    pépinière     et 

qu'on  peul  soumettre  à  une  taille  raisonnée  dans  le  bul  d'a- 
méliorer une  l'orme  défectueuse  ; 

2°  sur  les  branches  basses  appartenant  à  la  eime  des  bali- 
veaux de  l'Age  et  des  jeunes  modernes.  La  suppression  de  ces 
branches  basses,  dont  le  calibre  ne  dépasse  pas  5  à  8  centi- 
mètres de  diamètre  à  la  base,  peut  se  faire  sans  graves  incon- 
vénients, car  d'aussi  petites  plaies  se  recouvrent  bientôt  et 
les  solutions  de  continuité  qui  en  résultent  sont  placées  près 
du  centre  de  l'arbre  et  n'en  déprécient  pas  sensiblement  le 
débit;  quand  il  s'agit  de  chênes,  le  bois  mis  ànu  étant  encore 
entièrement  à  l'état  d'aubier,  celui-ci  se  recouvre  d'un  enduit 
gommeux  qui  le  préserve  du  contact  immédiat  de  l'air  et  le 
met  à  l'abri  des  champignons.  D'ailleurs,  ces  branches  basses 
sont  condamnées  à  disparaître  sous  l'influence  de  l'élagage 
naturel  :  en  les  supprimant  on  ne  fait  que  devancer  la 
nature  ; 

3°  il  est  également  permis  de  couper,  si  on  le  juge  néces- 
saire pour  favoriser  un  ensemencement,  les  branches  appar- 
tenant à  des  sujets  destinés  à  être  exploités  à  brève  échéance. 

On  ne  saurait  trop  se  garder  de  toucher  à  une  branche,  quel- 
que petite  qu'elle  soit,  sur  les  conifères  ;  car,  toute  plaie  faite  à 
un  arbre  de  ce  groupe  provoque  des  écoulements  de  résine 
et  des  désordres  plus  graves  encore  que  chez  les  arbres 
feuillus. 

Les  branches  mortes  doivent  être  traitées  comme  les  bran- 
ches vives,  puisque,  pour  obtenir  le  recouvrement,  il  faut  re- 
culer le  point  de  section  jusque  dans  le  bois  vif  (1).  Il  vaut 
donc  mieux  laisser  les  branches  mortes  continuer,  lentement 
et  au  grand  jour,  leur  œuvre  de  destruction,  en  surveillant 
le  mal  pour  couper  l'arbre  avant  qu'il  soit  plus  dégradé. 

Cette  observation  s'applique  surtout  aux  grosses  bran- 
ches mortes  insérées  directement  sur  le  fût  des  arbres.  Certes, 
pour  retarder  les  pourritures,  il  serait  utile  de  remplacer  par 
une  section   nette  la  cassure    esquilleuse  qui  les  termine  le 


(1)  L.  Boppe,    Cours  de   technologie  forestière.  Nancy,  Berger-Le- 
vraultet  O,  1887. 

Boppe  et  Jolyet.  18 


274  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

plus  souvent  ;  mais  l'opération  est  trop  onéreuse  et  l'on 
évite  de  faire  des  sacrifices  pour  des  sujets  qui  sont  affectés 
de  tare  compromettant  leur  avenir.  Du  reste,  on  ne  pourrait 
pratiquer  ces  amputations  qu'en  montant  sur  les  arbres  à 
l'aide  de  crampons,  dont  l'usage  est  peut  être  encore  plus 
nuisible  que  l'élagage  lui-même. 

Quant  aux  branches  mortes  dans  la  cime,  branches  appar- 
tenant aux  ramifications  secondaires,  il  n'y  a  pas  lieu  d'y  tou- 
cher. Les  essences  de  lumière,  notamment  les  chênes  réser- 
vés dans  les  taillis  composés,  présentent  toujours  de  pareilles 
branches  dans  la  couronne,  quand  ils  arrivent  à  un  âge 
avancé  ;  ces  cornes  sont  la  conséquence  de  leur  tempérament 
et  des  crises  qu'ils  ont  à  supporter  après  chaque  exploitation. 
Tant  que  l'arbre  se  maintient  d'ailleurs  vigoureux,  elles  dispa- 
raissent assez  vite  sous  l'effort  du  vent  et,  avant  longtemps 
du  moins,  leur  rupture  n'occasionnera  aucun  désordre  sé- 
rieux. Au  contraire,  chez  les  essences  d'ombre,  chez  les 
hêtres  principalement,  les  branches  mortes  dans  la  cime  sont 
toujours  un  indice  fâcheux,  et  il  n'est  jamais  prudent  de 
conserver  les  individus  qui  portent  ainsi  les  signes  d'un  dé- 
périssement prochain. 

M.  Mer  conseille  d'enlever,  sur  les  arbres  résineux,  les 
branches  mortes  en  dessous  de  la  cime,  de  façon  qu'elles  ne 
soient  pas  englobées,  —  véritables  chevilles,  —  dans  le  fût 
qui  grossit  autour  d'elles.  Leur  amputation  se  fait  à  la  scie, 
à  quelques  millimètres  au-dessus  du  bourrelet  de  base,  pour 
ne  pas  en  entamer  les  tissus  vivants. 

Les  émondages.  —  On  admet  que  l'évolution  des  bran- 
ches  gourmandes  ou  des  gourmands  sur  le  fût  des  réserves 
est  la  conséquence  du  changement  d'état  que  leur  impose 
chaque  exploitation;  les  gourmands,  abandonnés  à  eux- 
mêmes,  disparaissent  pendant  le  cours  de  la  révolution.  On 
accuse  leurs  évolutions  successives  d'engendrer  des  ex- 
croissances, des  nodosités,  des  broussins,  dont  le  tissu  lâche 
et  madré,  est  de  qualité  médiocre. 

L'opération  qui  consiste  à  supprimer  ces  rameaux  gour- 
mands, porte  le  nom  à1  èbourgeonnement  ou  d'émondage. 
Nombre  de  forestiers  attachent  à  la  pratique  des  émondages 


DOMMAGES    CAUSÉS    V  Mt    I.  IKimmi  . 


275 


une  importance  capitale  ;  d'autres,  n'ont  dans  leur  efficacité 
qu'une  confiance  très  limitée;  un  observateur  de  premier 
ordre,  AI.  le  Conservateur  d'Arbois de  Jubainville  les  signale 
même  comme  nuisibles  à  l'égal  dos  élagages.  Nos  recher- 
ches personnelles  nous  font  partager  cette  dernière  opi- 
nion; aussi,  sans  proscrire  systématiquement  les  émonda- 
ges,  recommandons-nous  de  ne  pas  en  généraliser  l'ap- 
plication et  de  les  restreindre  à  un  petit  nombre  de  cas 
particuliers,  que  tout  praticien  saura  discerner  :  il  y  a,  pour 
les  propriétaires  qui  en  abusent  par  tradition,  de  sérieuses 
économies  à  réaliser  de  ce  côté. 

Quoiqu'il  en  soit,  partout  où  l'opération  sera  jugée  indis- 
pensable, on  devra  se  conformer  aux  indications  sui- 
vantes : 

1°  procéder  à  l'opération  au  milieu  de  l'été,  ou  mieux,  en 
automne,  de  façon  à  ne  pas  exposer  les  ouvriers  aux  déman- 
geaisons avec  accès  fébriles  qu'occasionnent  les  poils  de  la 
chenille  processionnaire  très  commune  sur  les  chênes  ; 

2°  limiter  strictement  la  coupe  aux  gourmands  dont  le 
diamètre  à  la  base  ne  dépasse  pas  1  centimètre,  en  employant 
des  instruments  spéciaux,  bien  tranchants  et  maniés  avec  assez 
d'habileté  pour  ne  pas  entamer  les  parties  vivantes  de  l'écorce. 
En  effet,  dès  que  les  branchettes  ont  dépassé  ce  calibre,  elles 
laissent  des  plaies  étendues,  dont  la  marque  indélébile  déprécie, 
lors  du  débit,  les  échantillons  qui  les  portent  :  émondage 
devient  êlagacje. 

Les  assainissements.  —  Mais,  dans  la  trousse  du  chirurgien 
forestier,  la  hache  n'est  pas  seule  à  torturer  les  peuplements. 
Pendant  qu'elle  ampute  les  arbres  soi-disant  pour  les  re- 
dresser, la  bêche  et  la  pioche,  sous  prétexte  d'hygiène,  épui- 
sent le  sol  par  d'inutiles  saignées. 

L'eau  n'est  réellement  nuisible  aux  arbres  que  si  elle  reste 
stagnante  à  la  surface  du  sol  pendant  la  saison  de  végé- 
tation; ces  parties  marécageuses  se  présentent,  dans  la  plu- 
part des  cas,  sous  forme  de  tourbières,  de  mares  ou  de 
fonds  de  cuvettes  sans  écoulement.  En  semblables  condi- 
tions, on  confond,  trop  souvent,  la  cause  avec  l'effet  ;  car, 
si  l'eau  reste  à  la   surface,  c'est  que  le  sol  est  imperméable, 


276         EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORETS. 

aussi  bien   aux  racines  qu'à  l'eau,    et  cet   inconvénient    est 
encore  plus  accentué  après  qu'avant  le  drainage. 

Quant  aux  fossés  d'assainissement  ouverts  dans  les  stations 
humides  ou  aquatiques  dont  l'eau  se  renouvelle,  ils  ont  pour 
effet  de  ralentir  la  végétation  des  arbres  déjà  développés.  Ils 
modifient  en  mal  la  qualité  du  bois  des  chênes ,  des 
ormes,  des  frênes  et  compromettent,  enfin,  leur  mélange 
avec  les  bois  tendres.  On  ne  bouleverse  pas  impunément  les 
conditions  dans  lesquelles  les  arbres  ont  vécu;  car  les  peu- 
plements forestiers  se  constituent  en  fonction  du  sol  et  de 
état  permanent  de  ses  propriétés  physiques.  Quand  celles-ci 
sont  modifiées,  l'ancien  peuplement  dépérit,  pour  faire 
place  à  un  autre  dont  le  tempérament  sera  mieux  en  harmonie 
avec  la  situation  nouvelle. 

Peu  importe  d'ailleurs  l'état  submergé  d'un  terrain  en  hiver, 
quand  l'excès  d'eau  disparaît  au  moment  de  la  végétation. 
On  constate  que  les  cantons  soumis  à  ces  inondations  pério- 
diques fournissent  les  meilleurs  chênes  de  France,  aussi  bien 
dans  le  Nord  que  dans  le  Centre  et  dans  le  Midi. 

L'assainissement  ne  se  justifie  donc  que  dans  les  terrains 
improductifs  par  excès  d'eau  stagnante]  dans  ce  cas,  l'opéra- 
tion présente  un  caractère  purement  local  et  ne  doit  être  exé- 
cutée que  si  les  bénéfices  à  prétendre  sont  de  nature  à 
compenser  la  dépense  ;  partout  ailleurs,  l'assainissement  érigé 
en  système,  outre  qu'il  augmente  les  crues  des  rivières, 
est  inutile,  onéreux  et  nuisible  au  point  de  vue  strictement 
forestier. 

Au  surplus,  par  la  transpiration  des  feuilles,  parla  pénétra- 
tion des  racines  et  surtout  par  les  propriétés  hygrométriques 
de  la  couverture,  la  végétation  forestière  exerce  sur  tous  les 
sols  une  action  asséchante  des  plus  marquées;  aussi,  dans 
l'immense  majorité  des  cas,  l'excès  de  sécheresse  est-il  plus  à 
craindre  que  l'excès  d'humidité. 

A  l'appui  de  ce  fait,  citons  un  exemple  bon  à  noter. 

Partout,  en  montagne,  il  est  facile  de  constater  les  effets  dus 
à  l'ouverture  d'un  chemin  qui  coupe  la  pente  d'un  versant 
quelque  peu  rapide.  Les  eaux  superficielles  d'amont  sont  cap- 
tées par  la  tranchée  des  talus  de  déblai  et  conduites  dans  les 


DOMMAGES    CAUSES    PAB    L'HOMME,  277 

fossés  bordiers  jusqu'au  prochain  caniveau,  par  où  elles  s'é- 
coulent en  flots  inutiles  ef  parfois  nuisibles  par  suite  des  ravi- 
nements qu'elles  produisent;  dès  lors,  les  parcelles  d'aval, 
privées  des  eaux  superficielles  qui  les  alimentaient,  souffrent 
de  la  soif  et  leur  végétation  se  ralentit.  Pour  atténuer  l'inten- 
sité du  dommage,  le  seul  moyen  est  de  multiplier  les  cani- 
veaux pour  rendre  aux  eaux  leur  cours  naturel  d'infiltration 
à  travers  toutes  les  surfaces  :  irriguer,  après  avoir  asséché. 

Lors  donc  qu'il  s'agit  de  remettre  en  valeur  des  terrains  sans 
déclivité  que  la  nature  du  sous-sol  et  leur  état  de  nudité  ren- 
dent marécageux,  il  peut  être  nécessaire  de  faire  des  assainis- 
sements préalables,  en  vue  d'y  rétablir  l'ancien  état  boisé; 
mais,  une  fois  les  peuplements  reconstitués  grâce  à  un  tra- 
vail d'ensemble  qui  englobe  toute  une  région,  la  forêt  fera  le 
reste  ;  c'est  du  moins  ainsi  que  cela  s'est  passé  dans  certaines 
contrées  autrefois  infectées  par  les  fièvres  paludéennes  et  en 
partie  assainies  par  la  forêt,  comme  :  les  Landes  de  Gasco- 
gne (1),  la  Sologne  (2)  et  les  Dombes. 

Enfin  les  intéressantes  recherches  de  M.  Chevandier  au  su- 
jet de  l'influence  des  irrigations  sur  la  végétation  des  forêts 
permettent  de  conclure  que  de  telles  améliorations  ne  peuvent 
être  généralisées  dans  la  pratique,  mais  qu'il  est  utile  de 
mettre  à  profit  toutes  les  circonstances  dans  lesquelles  la 
nature  les  fournit  sans  frais  ;  —  qu'il  n'est  donc  pas 
logique,  —  par  exemple,  d'assainir  d'une  façon  exagérée  les 
tourbières  dans  la  haute  montagne  où  elles  jouent  un  rôle 
analogue  à  celui  des  glaciers  et  fournissent,  en  été,  l'eau 
nécessaire  pour  irriguer  les  versants  et  alimenter  les  sources 
de  la  plaine. 

Fait  des  délinquants. 

Les  causes.  —  De  tous  temps,  les  forêts  ont  eu  à  souffrir 
du  voisinage   des  populations  riveraines.  Cela  tient  à  ce  fai 


(1)  Chambrelent,  Mise  en  valeur  des  landes  de  Gascogne,  Bordeaux, 
1862. 

(2)  A.  Brongniart,   Rapports   sur   les   reboisements   de  la   Sologne 
{Annales  forestières,  t.  XI,  1865.) 


278         EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORÊTS. 

que  la  forêt,  avant  d'être  reconnue,  en  droit,  comme  une 
propriété  privée,  était  regardée  comme  un  bien  banal,  où 
chacun  pouvait  prendre  ce  qui  se  rencontrait  d'utile  à 
l'entretien  du  ménage. 

De  telles  traditions  à  réprimer  justifient  les  rigueurs  du 
Code  forestier.  L'enlèvement  frauduleux  de  tout  produit  du 
sol  y  constitue  un  délit;  le  bois  mort,  les  herbes,  la  litière, 
les  pierres,  etc...,  aussi  bien  que  le  bois  sur  pied,  rien  ne 
peut  être  exporté  sans  autorisation  ;  certains  faits  sont  même 
punissables,  alors  qu'ils  dénotent  la  simple  intention  de 
commettre  un  délit.  De  ce  côté,  tout  est  prévu,  le  pro-v 
priétaire  est  suffisamment  armé;  à  lui  de  veiller  à  l'exécu- 
tion de  la  loi,  en  faisant  bonne  garde. 

On  prévient  aussi  les  délits,  dans  une  certaine  mesure,  en 
donnant  satisfaction  aux  besoins  les  plus  impérieux  des  ha- 
bitants pauvres,  au  moyen  de  concessions  sagement  régle- 
mentées. Ces  délivrances,  limitées  comme  il  sera  dit  plus 
loin,  font  aimer  et  respecter  la  forêt. 

La  répression.  —  En  ce  qui  concerne  la  répression  directe, 
on  remarque  que  les  délits  augmentent  bientôt  lorsque  la 
police  forestière  n'est  pas  assurée  d'une  manière  convenable  ; 
aussi  les  propriétaires  de  forêts  ne  doivent-ils  pas  regretter 
les  dépenses  que  leur  occasionne  un  personnel  de  surveil- 
lance actif  et  suffisant  ;  les  économies  mal  entendues  sur  les 
frais  de  garde  coûtent  souvent  bien  cher.  Au  surplus,  les 
fonctions  du  vrai  garde  forestier  ne  doivent  pas  être  limitées 
à  la  répression  des  délits  ;  il  peut  exécuter  une  foule  de 
menus  travaux,  dont  l'ensemble  représente  une  somme  d'a- 
méliorations notables  pour  la  forêt  :  il  est,  en  un  mot,  l'auxi- 
liaire naturel  du  propriétaire  clans  tous  les  actes  relatifs  à  la 
gestion  de  son  domaine.  Mais,  avant  tout,  il  faut  qu'un  garde 
ait  une  moralité  et  une  tenue  en  rapport  avec  la  dignité  d'of- 
ficier de  police  judiciaire  dont  il  est  investi  ;  on  doit  donc  le 
mettre,  par  un  traitement  convenable,  dans  une  situation  pé- 
cuniaire supérieure  à  celle  des  bûcherons  et  des  manœuvres 
qu'il  dirige. 

Bien  que,  chez  nous,  le  garde  forestier  ne  puisse  pas  don- 
ner à  la  chasse  tout  le  temps  que  comporte  une  source  aussi 


DOMMAGES    CAUSÉS    PAH    l'iIOMME.  279 

importante  de  revenus  pour  les  forêts,  il  ne  devra  jamais  s'en 
désintéresser.  Mieux  que  personne,  il  est  à  môme  <!<■ 
connaître  les  allures  des  braconniers,  et  jamais  il  n*-  manquera 
l'occasion  de  les  prendre  en  flagrant  délit.  Que   si,  dans  ces 

recherches  aussi  minutieuses  que  dangereuses,  il  n'a  pas  tou- 
jours le  temps  d'opérer  lui-même,  du  moins  ses  indications 
seront-elles  des  plus  précieuses  pour  les  gardes  particuliers 
spécialement  chargés  de  ce  service.  L'entente  et  la  bonne 
harmonie  régneront  entre  eux. 

D'ailleurs,  qu'il  s'agisse  de  délits  de  bois  ou  de  chasse,  la 
surveillance  sera  singulièrement  facilitée  par  la  création  de 
chemins  de  ronde,  dissimulés  sous  bois  à  quelques  mètres  des 
bordures;  en  les  suivant,  matin  et  soir,  pour  se  rendre  à  son 
travail,  le  garde  qui  a  quelque  sentiment  du  devoir  saura  bien 
reconnaître  sur  le  sol  la  trace  d'une  piste  douteuse.  De  plus, 
en  pays  de  montagne  tout  au  moins,  l'ouverture  de  sentiers 
de  surveillance  pénétrant  au  milieu  des  massifs  a  donné 
les  meilleurs  résultats  dans  les  forêts  soumises  au  régime 
forestier;  leur  réseau  s'étend  tous  les  jours.  D'un  parcours 
plus  aisé  que  les  lignes  d'aménagement  souvent  dirigées 
suivant  la  plus  grande  pente,  ils  permettent  l'accès  de  tous 
les  cantons  au  garde  et  à  l'agent  ;  ils  font  aussi  le  bonheur 
du  touriste. 

On  recommande,  enfin,  l'emploi  de  cabanes  rustiques 
campées  sous  bois,  çà  et  là;  celui  qu'elles  abritent  peut,  à 
loisir,  dévisager  le  délinquant  qui,  dans  ses  randonnées  et 
ses  feintes,  passera  par  mégarde  à  leur  portée.  «  La  vue 
permanente,  d'ailleurs,  de  ces  sombres  sentinelles,  engen- 
dre, chez  le  braconnier,  une  crainte  salutaire  et  le 
décide,  souvent,  à  aller  en  d'autres  lieux  exercer  ses  ta- 
lents »  (1). 

Les  concessions  de  menus  produits. 

Tolérances  nécessaires.  —  La  forêt  renferme  dans  son  sol 
et  fournit  spontanément  un  grand  nombre  de  substances  uti- 

(1)  De  Brus,  Les  chasses  aux  braconniers,  Paris,  E.  Dentu,  1885. 


280  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

lisables,  d'origine  soit  végétale,  soit  minérale,  auxquelles  on 
donne  le  nom  de  menus  produits.  Ce  sont,  parmi  les 
produits  végétaux  :  les  bois  morts,  les  souches  mortes, 
les  morts-bois,  la  litière,  les  feuilles  mortes,  les  herbes, 
les  fruits,  les  champignons,  les  plantes  herbacées  diverses, 
pharmaceutiques  ou  autres,  etc.;  et,  parmi  les  produits 
minéraux:  les  pierres  roulantes,  les  pierres  en  place,  les 
minerais,  castines,  sables,  la  terre  de  bruyère,  la  tourbe, 
Veau,  etc. 

Le  plus  souvent,  ces  menus  produits  sont  concédés  aux 
populations  riveraines,  moyennant  des  redevances  évaluées, 
soit  en  journées  de  travail,  soit  en  argent.  On  les  considère 
comme  inutiles  à  la  forêt,  et  les  bénéfices  procurés  par  leur 
enlèvement,  quelque  modestes  qu'ils  soient,  semblent  de  l'ar- 
gent trouvé.  H  y  a  lieu  de  réagir  contre  cette  opinion  trop 
répandue,  en  France,  parmi  le  public  et  même  dans  le 
monde  forestier  ;  car  ces  concessions  donnent  lieu  à  bien 
des  abus. 

D'autre  part,  il  faut  reconnaître  que  certains  de  ces  me- 
nus produits  satisfont  à  un  besoin  réel  pour  les  populations 
riveraines  des  forêts.  Il  y  a  lieu,  toutefois,  de  les  considérer, 
non  plus  comme  la  source  d'un  revenu  éventuel,  mais,  à 
la  façon  du  parcours,  comme  un  mal  nécessaire.  Il  est 
clair  que  de  tels  enlèvements,  lorsqu'ils  sont  modérés,  ne 
produisent  jamais  de  préjudices  bien  sérieux  ;  et  ce  serait 
folie  que  de  vouloir  les  supprimer  d'une  façon  radicale;  ce 
qui  est  à  craindre,  ce  sont  les  abus  auxquels  on  se  laisse 
trop  facilement  entraîner,  lorsqu'on  ne  se  rend  pas  un 
compte  bien  exact  des  faits,  et  c'est  mal  comprendre  l'hy- 
giène de  la  forêt  que  de  ne  pas  attacher  à  cette  question  l'im- 
portance qu'elle  comporte.  En  forêt,  comme  ailleurs,  les  plus 
petites  causes  peuvent  avoir  des  effets  désastreux  :  par  exemple, 
le  parcours  ou  l'enlèvement  des  feuilles  mortes,  en  retentis- 
sant la  végétation,  engendrent  les  invasions  d'insectes.  On  sait 
aussi  que  la  forêt  demande  la  tranquillité  ;  or,  la  fréquenta- 
tion des  massifs  et  l'enlèvement  d'une  fraction  de  la  cou- 
verture morte  ou  vivante  ont  pour  conséquences  nécessaires 
de  diminuer  la  production  de  l'humus,  d'amoindrir  la  densité 


DOMM  IGES    CAUSÉS    l'Ait    L  HOMM1  . 


28  i 


d(4s  peuplements,  d'augmenter  enfin  Le  degré  de  tassement  et 
de  dessèchement  du  sol  :  toutes  causes  qui  Boni  de  nature  à 
changer  bientôt  en  perle  sèche  pour  le  propriétaire,  les  pré- 
tendus bénéfices  réalisés  sous  celte  forme. 

Il  convient  donc,  parmi  ces  concessions,  de  pouvoir  discer- 
ner celles  qui  pourraient  devenir  dangereuses,  afin  de  les 
supprimer  en  temps  utile,  ou  tout  au  moins  de  les  régle- 
menter. 

Menus  produits  végétaux.  —  L'enlèvement  des  bois 
morts  sur  pied  donne  lieu  à  de  nombreux  abus  :  aussi  cette 
jouissance  du  bois  mort  doit-elle  être  limitée  au  menu  bois 
gisant,  sans  jamais  permettre  la  coupe  ou  la  rupture  des 
branches  sèches  encore  attachées  aux  arbres. 

Les  souches  mortes,  en  se  décomposant  dans  la  terre,  se 
transforment  en  humus;  elles  augmentent  ainsi  la  fertilité  du 
sol  et  sa  porosité.  L'extraction  n'en  est  utile  que  dans  des 
cas  déterminés,  par  exemple  :  pour  faciliter  la  régénération 
naturelle  dans  les  futaies,  les  plantations  dans  les  taillis  sous 
futaie,  ou  encore  pour  empêcher  le  développement  exagéré 
des  insectes  dans  certaines  forêts  résineuses. 

Les  morts-bois  contribuent,  dans  les  peuplements  jeunes,  à 
couvrir  le  sol  et  à  hâter  la  formation  de  l'état  de  fourré.  Ils 
ne  peuvent  disparaître  sans  danger,  même  quand  les  grandes 
essences  se  sont  constituées  en  massif  au-dessus  d'eux.  Si, 
momentanément  et  sur  certains  points,  ils  deviennent 
gênants,  c'est  sous  forme  d'opération  culturale  et  non  sous 
forme  de  concession  qu'il  faut  s'en  débarrasser.  En  dehors 
des  contrées  où  les  incendies  sont  à  craindre,  le  débroussail- 
lement  radical,  ou  soutrage,  n'est  donc  jamais  justifié. 

La  récolte  des  herbes,  pour  fourrage  ou  pour  litière,  ne 
doit  être  tolérée,  à  la  faux  ou  à  la  faucille,  que  sur  les  che- 
mins et  les  sentiers  où  les  arbres  manquent  absolument; 
partout  ailleurs,  même  dans  les  vides  et  clairières,  elle  ne 
doit  être  permise  que  par  arrachage  à  la  main  ;  autrement 
l'étendue  de  ces  clairières  va  sans  cesse  augmentant  et  jamais 
on  ne  les  verra  se  repeupler.  Dans  ces  conditions,  le  prix  de 
la  cueillette  ne  permet  pas  à  la  grande  et  à  la  moyenne  cul- 
ture d'en  tirer  profit.  Il  y  a  même  lieu  de  l'interdire  d'une 


282 


EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 


façon  absolue  dans  les  parcelles  en  régénération  ;  car  ces 
herbes  protègent  les  jeunes  plants  contre  les  ardeurs  trop 
vives  du  soleil,  et,  quand,  par  leur  présence,  elles  s'opposent 
à  l'installation  du  semis,  ce  n'est  pas  en  les  fauchant  qu'on 
améliorera  la  situation  :  il  faut  les  arracher,  en  donnant  au 
sol  une  légère  culture,  vers  l'époque  de  la  chute  naturelle  des 
graines. 

Dans  le  voisinage  des  grandes  villes,  l'enlèvement  des 
mousses  peut  aussi  prendre  des  proportions  telles  qu'il  en 
résulte  un  véritable  danger.  C'est  alors  par  wagons  que 
la  mousse  est  ramassée  ;  le  sol  sans  cesse  piétiné,  tassé, 
pelé,  s'appauvrit  graduellement,  au  point  de  ne  plus 
pouvoir  nourrir  que  de  maigres  broussailles.  L'état  dé- 
plorable dans  lequel  se  trouvent  certaines  forêts  des  en- 
virons de  Paris  n'a  pas  d'autres  causes,  et  le  temps  n'est 
pas  loin,  où  il  faudra  chercher  un  mode  de  traitement  com- 
patible avec  des  déprédations  qu'on  sera  de  plus  en  plus 
impuissant  à  empêcher. 

Les  graines  forestières  telles  que  :  glands,  faînes,  doivent 
être  ramassées  à  la  main,  sur  le  sol,  dans  les  cantons  où 
l'on  ne  désire  aucune  régénération  par  la  semence.  Le  ra- 
massage au  moyen  de  râteaux,  balais,  est  nuisible,  en  ce  qu'il 
déplace  ou  détruit  la  couverture  ;  en  aucun  cas,  si  ce  n'est 
pour  son  usage  particulier,  le  propriétaire  ne  devra  permet- 
tre la  récolte  des  graines  sur  les  arbres. 

La  cueillette  des  haies  comestibles  tels  que  :  fraises,  fram- 
boises, myrtilles,  etc.,  occasionne  des  piétinements  et  des 
ruptures  de  tiges  parfois  très  préjudiciables  dans  les  jeunes 
peuplements;  il  est  bon  de  soumettre  ces  tolérances  à  des 
restrictions,  dans  les  cantons  où  elles  ne  pourraient  être 
exercées  sans  dommage. 

L'enlèvement  des  champignons  comestibles  ne  présente 
d'autres  dangers  que  ceux  auxquels  sont  exposées  les  per- 
sonnes qui  les  récoltent,  lorsqu'elles  commettent  des  erreurs 
sur  les  espèces.  Nous  avons  vu  que  l'un  d'entre  eux,  la  truffe, 
acquiert  môme,  dans  certaines  régions  méridionales,  une  im- 
portance assez  considérable  pour  engager  les  propriétaires  à 
disposer  les  peuplements  dans  les  conditions  les  plus  favora- 


DOMM  \i,i:s    CAUSÉS    l'Ait    I.  IIommi  . 


283 


bles  à  sa  production,  sans  tenirtrop  grand  compte  dea  pro- 
duits ligneux. 

Quanl  aux  pla nies  herbacées  ramassées  pour  leurs  vertus 
pharmaceutiques  ou  extraites  en  molles  pour  une  transplanta- 
tion, il  est  clair  que  leur  disparition  est  toujours  limitée  à  un 
trop  petit  nombre  de  sujets  pour  que  la  fertilité  du  sol  puisse 
en  subir  un  dommage  appréciable.  Néanmoins,  on  entend  les 
botanistes  se  plaindre,  avec  raison,  de  ce  fait  que,  dans  le  voi- 
sinage des  villes,  les  belles  plantes  sauvages  disparaissent  sans 
autre  profit  que  celui  qui  est  réalisé  par  les  maraudeurs  qui  en 
font  le  commerce;  en  effet,  ces  plantes,  organisées  pour  vivre 
dans  les  conditions  de  sol  et  de  couvert  que  leur  ménage  la 
forêt,  périssent  infailliblement  dès  qu'elles  sont  transplantées, 
en  plein  air,  dans  les  jardins  :  si  l'on  a  intérêt  à  cultiver  cer- 
taines d'entre  elles,  c'est  par  la  semence  qu'il  faut  tenter  de  le 
faire. 

Nous  ne  saurions  trop  répéter  que  l'enlèvement  des  feuilles 
mortes,  qu'elles  soient  destinées  à  faire  de  la  litière  ou  à 
tout  autre  usage,  ne  doit  être  toléré  nulle  part. 

Ajoutons  enfin  que  ces  petites  industries  delà  forêt  ne  sont, 
en  général,  pratiquées  que  par  des  infirmes,  des  paresseux 
ou  des  insoumis,  à  qui,  trop  souvent,  elles  servent  de  prétexte 
pour  se  livrer  au  braconnage. 

Menus  produits  minéraux.  —  Si,  des  matières  végétales, 
on  passe  aux  matières  minérales,  les  inconvénients  des  extrac- 
tions, pour  être  d'une  nature  différente  n'en  sont  pas  moins 
réels.  Sur  les  pentes  rapides,  l'enlèvement  des  pierres  rou- 
lantes occasionne  des  éboulements  de  débris  qui  causent  des 
plaies  dangereuses  au  pied  des  arbres.  On  constate  qu'en 
semblable  situation,  si,  dans  les  éclaircies,  on  ménage  les  petites 
perches  dominées  mais  encore  vivantes,  celles-ci  arrêtent  les 
pierres  et,  en  diminuant  leur  vitesse  de  chute,  préservent  les 
arbres  d'avenir. 

La  délivrance  de  blocs  dans  les  moraines  et  les  murgcrs,  des 
montagnes  granitiques,  détruit  les  conditions  d'équilibre  delà 
masse  et  occasionne  des  éboulements  ;  de  plus  on  sait  que  là, 
plusqu'ailIeurs,toutdéplacementde  la  surface empêchele  reboi- 
sement naturel  de  ces  parties  rocheuses  et  en  éternise  la  stérilité. 


284  EXPLOITATION   ET    PROTECTION    DES    FORÊTS. 

Quand  les  matériaux  sont  extraits  de  carrières,  il  en  résulte 
des  défrichements  qui  diminuent  la  surface  en  production 
tant  que  dure  l'occupation  ;  et,  dans  la  suite,  de  longues 
années  s'écoulent  avant  que  le  terrain  puisse  rentrer  dans  le 
cadre  du  traitement  appliqué  aux  parcelles  environnantes. 
En  outre,  ces  dernières  ont  à  souffrir  du  voisinage  des  ou- 
vriers, et,  sur  tout  le  périmètre  des  parties  occupées,  il  se 
crée  des  lisières,  avec  toutes  les  conséquences  fâcheuses  que 
l'on  connaît. 

Les  exploitations  en  galerie,  sous  le  soldes  forêts,  amènent 
l'ouverture  de  crevasses,  des  effondrements,  des  chutes  d'ar- 
bres, des  troubles  nombreux  dans  la  jouissance  et  des  pertes 
sensibles  pour  le  propriétaire  de  la  surface.  Il  est  nécessaire 
de  tenir  compte  de  tous  ces  faits  lors  du  règlement  des  indem- 
nités qui  lui  sont  dues,  soit  par  l'exploitant  quand  les  mar- 
chés ont  été  consentis  amiablement,  soit  par  les  industriels  à 
qui  certaines  législations  spéciales  confèrent  des  droits  con- 
sidérables. 

Enfin,  s'il  s'agit  de  concessions  d'eaux,  il  sera  bon  de  les 
limiter  aux  eaux  courantes  qui  sortent  de  la  forêt,  en  inter- 
disant les  travaux  de  captage  qui  pourraient  assécher  une 
partie  plus  ou  moins  étendue  de  la  surface. 

Le  pâturage. 

La  situation  actuelle.  —  Le  pâturage,  même  modéré, 
appauvrit  la  forêt  ;  Vabus  est  sa  ruine. 

On  désigne  sous  le  nom  général  de  parcours,  le  fait  d'in- 
troduire des  animaux  domestiques  en  forêt  pour  les  y  faire 
pâturer  ;  le  plus  souvent,  on  distingue  le  pâturage  qui  s'ap- 
plique aux  bêtes  aumailles,  —  du  pacage,  qui  se  rapporte 
particulièrement  au  menu  bétail  :  chèvres  et  moutons,  — 
et  du  panage,  qui  ne  concerne  que  les  porcs. 

Mettre  une  forêt  en  défends,  c'est  en  interdire  l'entrée  aux 
bestiaux,  parce  que  les  jeunes  bois  n'y  sont  pas  assez  élevés 
pour  échapper  à  Vahroutissement.  On  appelle  forêt  défensa- 
hle  celle  qu'on  peut  ouvrir  au  parcours  parce  qu'elle  n'a  plus 
rien  à  craindre  de  la  dent  du  bétail. 


DOMMAGES    CAUSAS    PAH    L'HOMME.  285 

Tout  propriétaire,  en  vertu  desondroil  d'user  de  la  chose 
qui  lui  appartient,  peul  exercer  le  parcours  dans  ses  forêts; 
à  lui  d'apprécier  le  dommage  qu'il  en  Bubira.  Depuis  les  pre- 
miers temps  du  moyen  âge,  «les  droits  de  celle  nature  oui  été 
aussi  concédés,  sous  forme  de  servitude  d'usage,  aux  popula- 
tions riveraines,  par  les  seigneurs  propriétaires;  on  a  tout 
bénéfice  à  s'affranchir  de  ces  lourdes  charges  par  le  rachat  à 
prix  d'argent,  dans  les  conditions  prévues  par  la  loi.  Le  par- 
cours peut  enfin  être  exercé  en  délit,  sans  le  consentement  du 
propriétaire;  il  constitue  alors  un  fait  punissable.  C'est  affaire 
de  surveillance. 

Nocuité  du  pâturage  suivant  les  régions.  —  Actuel- 
lement, dans  les  pays  de  coteaux  et  de  basses  montagnes  des 
zones  parisienne  et  girondine,  où  le  climat  est  assez  humide 
et  la  terre  assez  fertile  pour  permettre  la  culture  et  le  fau- 
chage des  prairies  naturelles  et  artificielles,  le  parcours  n'a 
plus  sa  raison  d'être.  A  vrai  dire,  la  forêt  ne  porte  d'herbes 
nutritives  que  dans  les  très  jeunes  bois  et  dans  les  vides  ; 
on  tourne,  dès  lors,  dans  un  cercle  vicieux  ;  car,  si  la  forêt 
produit  d'autant  plus  d'herbes  qu'elle  est  en  situation  plus 
précaire,  c'est  alors  qu'elle  a  le  plus  besoin  de  repos  et 
qu'il  faut  en  éloigner  le  bétail  ;  aussi,  les  cultivateurs 
avisés  se  rendent-ils  parfaitement  compte  du  bénéfice  illu- 
soire qu'on  tire  de  cette  pratique  lorsque,  comme  de  raison, 
elle  est  limitée  aux  seuls  cantons  défensables;  ils  savent 
que,  dans  toute  forêt  en  état  moyen  de  production  ligneuse, 
l'étendue  de  ceux-ci  va  du  tiers  à  la  moitié  de  la  surface 
totale  et  qu'on  n'y  rencontre  pas  plus  d'un  dixième  de 
vides.  Dans  ces  conditions,  on  a  calculé  que  le  bénéfice 
annuel  oscille  entre  60  centimes  et  1  fr.  50  par  hectare 
pour  l'ensemble  de  la  forêt  et  que  le  nombre  des  bêtes  à 
admettre  ne  doit  pas  être  supérieur  à  une  tète  par  2  à  4 
hectares  de  cantons  défensables;  entre  ces  limites,  les 
chiffres  varient  avec  la  nature  du  sol,  avec  la  fertilité 
du  climat ,  avec  la  composition  des  peuplements  et 
leur  traitement ,  suivant  enfin  les  ressources  qu'ils  pré- 
sentent en  herbe  :  dès  qu'elle  sont  dépassées,  on  peut 
être    assuré     que     le     bétail,    faute    d'herbe,    attaquera    le 


286  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

bois  (1);  un  si  mince  profit  est  loin  de  compenser  la  perle 
totale  des  engrais  et  le  dommage  éventuel  causé  aux  arbres. 
Il  faut  des  années  exceptionnellement  sèches,  comme  l'été 
de  1893,  pour  que,  dans  ces  régions,  on  ait  intérêt  à  lâcher 
le  bétail  dans  les  bois  ;  ceux-ci  rendent  alors  un  service  si- 
gnalé à  l'agriculture,  en  lui  permettant,  non  pas  de  tirer  une 
rente  du  bétail  admis  au  parcours,  mais  simplement  de  le 
maintenir  vivant  jusqu'à  la  prochaine  récolte.  Et  à  quel 
prix!  La  crise  passée,  la  forêt  cache  ses  blessures  sans  les 
guérir,  et  ce  n'est  que  plus  tard,  alors  que  viendront  en 
tour  d'exploitation  les  peuplements  pâturés  à  l'état  de  jeune 
bois,  qu'on  pourra  évaluer  l'énormité  du  dommage;  nos  en- 
fants paieront  nos  méfaits. 

Il  n'en  est  pas  de  même  dans  les  hautes  montagnes,  et  dans 
les  régions  provençales  où,  en  été,  toute  trace  de  verdure 
ayant  disparu  en  sol  découvert,  on  ne  rencontre  plus  de  rares 
brins  d'herbe  que  sous  l'abri  des  buissons  et  des  arbres.  Dans 
l'un  et  l'autre  cas,  pâturage  et  pacage  deviennent  une  néces- 
sité, et  il  faut  s'incliner  devant  la  formule  du  primo  vivendi. 
Toutefois,  si  l'on  va  au  fond  des  choses,  on  constate  que, 
souvent,  ces  besoins  sont  plus  artificiels  que  réels.  Dans 
la  haute  montagne,  la  question  du  pâturage  en  forêt  est 
entièrement  liée  à  celle  du  pâturage  en  général,  question 
vitale  et  pleine  d'actualité,  dont  les  pouvoirs  publics  sont 
en  ce  moment  saisis,  mais  qui  demande  trop  de  développe- 
ments pour  être  traitée  ici  avec  tous  les  détails  qu'elle 
comporte. 

Quant  aux  forêts  méridionales  de  la  plaine  et  de  la  basse 
montagne,  taillis  de  chêne  yeuse  et  de  chêne  blanc,  elles  sont 
toutes  plus  ou  moins  ruinées,  l'antique  capital  bois  ayant  été 
progressivement  dévoré  par  les  moutons;  dans  l'état  de  dé- 
gradation où  elles  se  trouvent,  beaucoup  ont  été  transformées 
depuis  longtemps  en  pâtures  ligneuses  n'ayant  plus  de  forêt 
que  le  nom.  Il  n'est  pas  surprenant,  dès  lors,  que  certaines 
rapportent  en  viande  et  en  laine  beaucoup  plus  qu'en  bois  (2). 

(1)  A.  Mathey,  Le  pâturage  en  forêt,  Besançon,  Paul  Jacquin,  1900. 

(2)  V.  de  Larminat,  Inspecteur-adjoint,  Les  forêts  de  chêne  vert, 
Troyes,  Lacroix,  1893. 


DOMMAGES    CAUSÉS    l'Ail    l'uOMMI.  287 

Voilà  L'argument  fondamental  invoqué  en    faveur  du    par- 
cours. 

Encore  serait- il  juste,  du  moins  en  ce  qui  concerne  les  forêts 
communales,  que  chacun  des  habitants,  qui  réprésente  une 
fraction  du  propriétaire,  fùl  appelé  à  prendre  sa  pari  <l<* 
profit  dans  celle  mobilisation  du  patrimoine  commun.  Or,  il 
n'en  est  pas  ainsi,  et  la  manière  dont  s'exerce  ce  parcours 
ruineux  est  aussi  injuste  qu'anti-démocratique. 

Citons  un  exemple  entre  mille.  D'après  un  document  ré- 
cent (J),  la  situation  des  forêts  sur  le  versant  méridional  du 
mont  Ventoux  a  élé  établie  de  la  façon  suivante,  au  point  de 
vue  du  parcours  :  «  6,1  °/0  seulement  du  total  des  chefs 
de  famille  usent  de  celte  part  de  la  propriété  commune  à 
tous  les  habitants,  et  parmi  ces  6,1  °/0,  2,6  °/0,  les  plus 
riches,  possèdent  des  troupeaux  nombreux  et  accaparent  la 
totalité  des  produits.  » 

Il  faut  avoir  habité  la  montagne,  ajoute  l'auteur,  pour  se 
faire  une  idée  de  l'âpreté  avec  laquelle  les  gros  propriétaires 
luttent  contre  le  reboisement. 

Ce  sont  ces  égoïstes  obstinés  qui  peuplent  les  conseils  mu- 
nicipaux. Pour  mettre  fin  à  leurs  exigences  insatiables,  les 
agents  forestiers  préposés  à  la  défense  du  patrimoine  com- 
mun sont  unanimes  pour  demander,  comme  seul  remède 
pratique,  d\i ffouager  les  pâturages  :  ce  qui  revient  à  donner 
à  chaque  feu  sa  légitime  part  des  produits  des  pâturages, 
comme  cela   se   fait  pour   ceux  des   forêts  (2). 

Quoi  qu'il  en  soit, puisque  le  pâturage  est  un  mal  néces- 
saire, il  importe  de  connaitre  ses  conséquences  afin  de  mieux 
le  réglementer.  On  constate  que  l'intensité  du  dommage  va- 
rie d'une  part,  suivant  l'espèce  de  bétail  admis  au  parcours, 
d'autre  part,  suivant  la  nature  du  sol,  suivant  l'âge  et  l'état 
des  peuplements  qui  le  subissent. 

Influence  de  l'espèce  de  bétail.  —  La  chèvre  est  celui  des 
animaux  domestiques  qui  cause   le  plus  de  mal   à  la  forêt. 

(1)  F.  Tessier,  Inspecteur-adjoint,  Les  forêts  du  versant  méridional  du 
mont  Ventoux.  (Revue  des  eaux  et  forêts,  n°s  de  janvier  et  février,  1900.) 

(2)  Ch.  Guyot,  Le  régime  pastoral  (Revue  des  eaux  et  forêts, 
août  1899.) 


288  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

On  la  laisse  divaguer  en  toute  saison  :  ce  qui  fait  qu'elle  se 
nourrit  presqu'exclusivement  des  jeunes  plantes  ligneuses 
qu'elle  peut  atteindre  jusqu'à  une  assez  grande  hauteur 
en  se  dressant  sur  les  pattes  de  derrière.  Pour  la  chèvre,  il 
n'y  a  pas  de  cantons  défensables;  de  plus  elle  s'aventure, 
par  instinct,  dans  les  endroits  les  moins  accessibles  où  la 
végétation  forestière  ne  s'installe  que  sous  l'influence  d'un 
repos  absolu. 

Bien  qu'à  nombre  égal,  ils  soient  moins  nuisibles  que  les 
chèvres,  les  moutons  sont  aussi  des  hôtes  très  dangereux, 
surtout  si  on  les  laisse  cheminer  à  leur  gré,  ou  séjourner 
longtemps  sur  le  même  point  ;  car,  alors,  ceux  qui  marchent 
en  tête  du  troupeau  n'avancent  qu'après  avoir  brouté  le 
meilleur  de  l'herbe.  Ceux  qui  suivent  tondent  les  touffes  de 
plus  près  et  il  ne  reste  aux  derniers  que  les  racines,  si  bien 
que,  à  défaut  de  celles-ci,  ils  doivent  attaquer  le  bois  pour 
ne  pas  mourir  de  faim.  Quand,  par  force  majeure,  la  forêt 
doit  leur  être  ouverte,  on  peut  user  des  précautions  sui- 
vantes pour  atténuer  le  dommage  et  retarder  la  ruine  : 
donner  la  préférence  aux  petites  races,  —  composer  le  trou- 
peau en  brebis  plutôt  qu'en  moutons.  Dans  ce  cas,  le  berger 
qui  les  dirige  devient  un  véritable  administrateur  :  il  doit 
être  intelligent,  vigilant  et  habile  à  donner  tous  ses  soins  à 
l'élevage  (1)  ;  il  offre  donc,  à  tous  égards,  beaucoup  plus  de 
garantie  que  le  chemineau  quelconque  à  qui  l'on  confie  les 
troupeaux  nomades. 

Les  bêtes  à  cornes  pâturent  les  jeunes  plants  forestiers  en 
même  temps  que  les  herbes  ;  elles  en  arrachent  un  grand 
nombre,  surtout  par  les  temps  pluvieux.  Les  chevaux  et  les 
ânes  feraient  moins  de  mal,  s'ils  se  contentaient  des  jeunes 
pousses  que  leurs  dents  coupent  net  sans  les  arracher  ;  mais, 
trop  souvent,  en  rongeant  les  écorces,  ils  font  de  graves 
blessures  dans  la  partie  du  tronc  qui  a  le  plus  de  valeur. 
Toutes  ces  bêtes  aumailles  tassent  le  sol  et  arrêtent  le  fonc- 
tionnement des  réactions  qui  entretiennent  sa  fertilité. 

De  tous  les  animaux  domestiques,  les  porcs  sont  cerlaine- 

(1)  V.  de  Larminat,  loc.  cit. 


DOMMAGES    CAUSÉS    PAR    l'hOMMJ  .  289 

ment  les  moins  nuisibles  à  la  forêt.  M;u's  il  ne  faudrait  pas 
abuser  de  leur  séjour  permanenl  dans  des  espaces  restreints. 

Témoins,  tous  ces  cantons  qui  nous  sont  parvenus  sous  le 
nom  de  clairs-chênes  et  qui,  tant  qu'ils  ont  été  fréquentés 
par  les  hardes,  n'étaient  peuplés  que  de  vieux  «  glandiers  •> 

disposés  à  la  façon  d'une  Normandie,  où  les  chênes,  comme 
des  pommiers,  laissaient  tomber  leurs  branches  jusqu'à  terre, 
sur  un  sol  nu,  sans  cesse  tourmenté  par  les  souilles,  où  nulle 
végétation  n'avait  le  temps  de  s'installer;  le  repos  en  a  fait 
d'excellents  massifs  où  le  chêne  abonde. 

A  ces  dégradations,  il  faut  encore  ajouter  celles  qui 
sont  le  fait  des  pâtres,  souvent  des  enfants,  dont  les 
jeux,  taxés  d'innocents,  se  traduisent  par  de  véritables  actes 
de  destruction  :  l'un  étêtera  un  jeune  brin  d'avenir  ;  un  autre 
détachera  un  lambeau  d'écorce  sur  le  cerisier,  le  bouleau  ou 
le  sapin  le  plus  lisse  de  la  forêt,  ou  gravera  son  nom  sur  le 
fût  d'un  hêtre  (fig.  68a)  ;  un  troisième,  allumera  du  feu  dans  un 
vieux  tronc,  y  laissera  couver  un  tison  d'où  naîtra  l'incendie  ; 
tous  s'amuseront  à  faire  rouler  sur  les  pentes  des  pierres  qui, 
en  rebondissant,  iront  frapper  les  arbres  et  leur  ouvrir  de 
larges  plaies.  Ces  petits  méfaits,  que  le  jeune  âge  excuse, 
finissent,  lorsqu'ils  sont  répétés  tous  les  jours,  par  coûter  à  la 
forêt  plus  cher  que  le  salaire  d'un  pâtre  sérieux  et  intelligent. 

Influence  de  l'état  des  peuplements.  —  Les  feuillus  ont 
plus  à  souffrir  que  les  résineux,  les  essences  de  lumière  plus 
que  les  essences  d'ombre.  Les  peuplements  jeunes  sont  les 
plus  malmenés  par  le  bétail;  plus  aussi,  on  s'approche  du  mo- 
ment de  la  régénération,  plus  le  pâturage  est  nuisible;  pour 
bien  faire,  tout  bétail  doit  être  exclu  des  cantons  en  voie  de  régé- 
nération dix  ans  au  moins  avant  l'ensemencement  et  douze  ou 
quinze  ans  après  la  naissance  des  semis  ou  des  rejets;  il  en  ré- 
sulte que  les  bois  d'âge  moyen  peuvent  seuls  être  déclarés 
défensables;  or,  ceux-ci,  étant  les  plus  serrés,  renferment  le 
moins  d'herbe.  Quant  aux  forêts  jardinées  ou  furetées,  qui 
toujours  sont  mélangées  de  jeunes  bois,  le  bétail  ne  devrait 
jamais  y  pénétrer  en  principe.  Telle  est  la  source  de  l'éter- 
nelle querelle  entre  usagers  et  propriétaires,  entre  cultiva- 
teurs et  forestiers. 

Boppe  et  Jolyet.  19 


290  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

Quand  le  sol  est  en  pente  rapide,  qu'il  soit  d'une  nature 
terreuse  ou  couvert  de  pierrailles,  le  parcours  y  augmente  les 
chances  de  ravinement  ;  dans  le  dernier  cas,  les  bestiaux 
détachent  des  pierres  roulantes  qui  occasionnent,  au  pied 
des  arbres  atteints,  des  tares,  bientôt  suivies  de  pourritures  ; 
sur  les  plateaux  terreux  ou  mouilleux  le  plus  grand  dommage 
vient  du  tassement. 

Conclusions.  —  Tels  sont  les  faits  contre  lesquels  on  doit 
se  prémunir.  On  n'y  parviendra  qu'à  l'aide  des  précautions 
suivantes  : 

1°  s'assurer  contre  les  délits  par  une  surveillance  constante 
sur  les  points  les  plus  exposés  ; 

2°  établir  une  forte  et  solide  clôture  entre  le  sol  boisé  et  les 
pâturages  voisins,  faire  de  même  le  long  des  pistes  fréquentées 
par  les  troupeaux.  Cette  clôture  sera,  suivant  les  cas,  un  fossé 
difficile  à  franchir,  avec  les  terres  disposées  en  rempart  à 
l'intérieur  du  bois,  — :  un  mur  en  pierres  sèches,  —  des  haies 
vives,  —  un  landrage  en  bois  brut  disposé  à  la  Suédoise,  — 
un  cordon  en  fil  de  fer  nu  ou  façonné  en  ronce  artificielle; 

3°  enfin,  soumettre  le  droit  de  parcours  aux  restrictions 
sévères  dont  on  trouvera  le  détail  aux  articles  66  à  85 
du  Code  forestier. 

Constatons,  en  terminant,  que  dans  toute  l'Europe  centrale, 
le  xixe  siècle  aura  eu  pour  mission  de  réparer,  dans  les  forêts, 
les  désordres  imputables  au  pâturage  pendant  les  temps  pas- 
sés. Veillons  !  1 

Les  incendies. 

Leurs  causes  et  leurs  conséquences.  —  Les  incendies 
dans  les  forêts  sont  occasionnés,  le  plus  souvent,  par  des  im- 
prudences ou  par  la  malveillance  ;  ils  proviennent  très  rare- 
ment des  effets  de  la  foudre.  Presque  toujours,  le  feu,  allumé 
sur  le  sol,  est  alimenté  par  des  matériaux  inflammables  qui  s'y 
accumulent  pendant  la  sécheresse  ;  il  se  propage  parfois  sur 
de  très  grandes  surfaces. 

Du    niveau  du   sol,   il  peut  s'élever  jusqu'au   sommet       des 
arbres  résineux,  dont  les  aiguilles  gorgées  de  résine  sont  in- 


DOMMAGES   CAUSÉS    l'Ail    l'hOMMB,  291 

flanimablcs  à  l'état  vert,  et  alors,  de   proche  en  proche,   des 
massifs  considérables    peuvent    être    entièrement  dévastés* 

Rarement  il  gagne  la  cime  des  arbres  feuillus. 

Par  un  temps  sec,  si  la  saison  est  favorable,  il  suffit  d'un 
fragment  d'allumette  ou  d'amadou  encore  en  combustion, 
d'une  étincelle  échappée  du  fourneau  d'une  pipe  ou  d'un 
cigare,  d'une  bourre  enllammée  par  la  décharge  d'un  fusil, 
d'un  charbon  tombé  du  cendrier  d'une  locomotive  pour 
déterminer  l'embrasement  presque  subit  d'un  espace  trop 
étendu  pour  qu'un  homme  seul  puisse  l'éteindre. 

D'ailleurs,  le  nombre  des  incendies  et  la  gravité  de  leurs 
conséquences  varient  suivant  les  régions  que  l'on   considère. 

Régions  montagneuses. — Sous  le  climat  humide  de  la  haute 
montagne,  la  couverture  morte  est  toujours  mouillée  et  le  feu 
ne  s'y  propage  pas  facilement  ;  aussi,  malgré  la  constitution 
des  forêts  en  massifs  résineux,  les  incendies  sont-ils  peu  à 
craindre.  Toutefois,  il  ne  faut  pas  abuser  de  cette  apparente 
sécurité  pour  commettre  des  imprudences  :  les  feux  qu'on 
allume  volontairement  en  forêt  doivent  être  surveillés,  en 
montagne  comme  partout  ailleurs  ;  il  faut  éviter  de  les  placer 
sous  le  feuillage  des  arbres  résineux,  dont  les  branches  trop 
basses  pourraient  être  atteintes  par  la  flamme,  et  on  ne  doit 
jamais  abandonner  un  brasier  sans  l'avoir  éteint  complètement. 

Zone  parisienne.  —  En  plaine,  dans  la  zone  parisienne,  où 
les  forêts  sont  en  majeure  partie  peuplées  d'espèces  feuillues, 
l'incendie  ne  quitte  guère  le  sol.  C'est  au  printemps,  quand 
les  feuilles  mortes  sont  desséchées  par  le  vent  du  Nord-Est 
(vulgairement  appelé  le  haie  de  mars),  que  le  feu  prend  ;  le 
danger  existe  pendant  quelques  semaines  au  plus,  car  il  suffît 
que  les  herbes  entrent  en  végétation  pour  l'écarter. 

L'incendie  se  propage  en  détruisant  la  couverture,  il  en- 
dommage les  parties  inférieures  des  tiges  et  les  portions  de 
racines  qui  sont  à  découvert.  Poussé  par  le  vent,  il  marche 
dans  la  même  direction  que  lui,  et  s'avance  tant  qu'il  trouve 
des  aliments  et  aussi  loin  que  le  massif  se  prolonge,  à  moins 
qu'une  pluie  abondante  ou  les  secours  l'arrêtent. 

Les  gros  arbres  en  souffrent  généralement  peu  ;  par  contre 
les  jeunes  tiges  sont  presque  toujours  mortellement  atteintes; 


292         EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORETS. 

il  est  d'ailleurs,  facile,  de  se  rendre  compte  de  la  situation  en 
examinant  les  couches  cambiales  mises  à  nu  par  de  légères 
incisions  pratiquées  au  couteau  sur  quelques  tiges  de  moyenne 
grosseur,  choisies  dans  les  cépées  de  toutes  les  essences. 
Dès  que  cette  couche  apparaît,  teintée  en  noir,  même  légère- 
ment, il  faut  prescrire  le  recépage  immédiat  ;  sinon,  la  pousse 
encore  possible  des  feuilles  masque  la  situation  :  il  arrive 
que  les  bourgeons,  grâce  à  l'eau  qui  monte  dans  les  tissus 
ligneux,  parviennent  encore  à  s'ouvrir;  mais  la  sève  élaborée 
ne  pouvant  plus  descendre  et  se  diffuser  par  la  couche 
cambiale  nécrosée,  les  racines  insuffisamment  nourries,  si 
elles  ne  sont  pas  complètement  mortes,  au  printemps  sui- 
vant, ne  donneront  plus,  du  moins,  que  des  rejets  chétifs 
et  sans  avenir.  Dans  le  doute,  le  mieux  est  encore  de  se 
résoudre  au  sacrifice  immédiat;  car,  si  un  grand  nombre  de 
tiges  partiellement  atteintes  continuent  encore  à  vivre 
tant  bien  que  mal,  on  voit  apparaître  à  leur  pied,  sur  les 
zones  brûlées,  des  plaies  chancreuses  qui  ralentissent  leur 
croissance  et  déprécient  la  marchandise. 

Il  faut  veiller  avec  soin  à  la  préservation  des  bois  résineux 
d'origine  artificielle,  pour  qui  le  danger  est  permanent  sur- 
tout pendant  les  années  sèches,  comme  l'été  1893,  où  l'on  a 
vu  les  incendies  prendre  le  caractère  de  désastres,  aussi  bien 
en  France  que  dans  la  Campine  Belge.  Aussi,  dès  qu'une 
de  ces  forêts  est  plus  particulièrement  exposée  par  la  proxi- 
mité d'habitations  ou  d'une  ligne  de  chemin  de  fer,  y  a-t-il 
lieu  de  procéder  au  nettoiement  du  sol  et,  dès  l'état  de 
gaulis,  d'élaguer  les  branches  basses  jusqu'à  50  ou  60  centi- 
mètres au-dessus  de  terre  ;  mais,  sous  cette  réserve  expresse 
que  les  brindilles  provenant  de  ce  travail,  au  lieu  d'être 
abandonnées  sur  le  sol,  comme  cela  se  fait  trop  souvent,  se- 
ront emportées  au  loin,  hors  des  enceintes  parcourues; 
autrement  c'est  enfermer  le  loup  dans  la  bergerie.  En  sem- 
blable situation,  il  sera  prudent,  de  la  part  des  compa- 
gnies de  chemin  de  fer,  dont  la  responsabilité  est  si  sé- 
rieusement engagée,  de  s'entendre  avec  les  propriétaires 
riverains  de  la  voie  et  de  leur  fournir  les  subventions  néces- 
saires pour  procéder  à  ces  travaux  de  préservation,  en  tenant 


DOMMAGES    CAUSAS    l'Ait    [/HOMME,  293 

la  main  à  leur  exécution.    La   division    des    surfaces  par  de 
larges   tranchées    garde-feu,   comme    nous    recommandons 

plus  loin  de  le  faire,  serait  encore  d'un  grand  secours. 

En  général,  le  feu  n'est  pas  allumé  par  la  malveillance; 
personne,  clans  cette  région,  n'ayant  intérêt  à  détruire  l'état 
boisé. 

Dès  qu'un  incendie  est  signalé,  les  populations  riveraines 
doivent,  au  besoin,  être  mises  en  demeure  d'accourir  pour 
l'éteindre;  il  faut  reconnaître  que  leur  bonne  volonté  ne  fait 
jamais  défaut,  et  que,  le  plus  souvent,  leur  concours  est 
spontané.  Les  hommes  arrivent  munis  de  pelles,  de  pioches 
et  de  râteaux  ;  si  l'incendie  ne  présente  qu'un  foyer  peu  actif 
et  peu  étendu,  on  éteint  le  feu  en  le  piétinant,  en  le  couvrant 
de  jets  de  terre,  ou  en  le  frappant  avec  des  branchages  ; 
toutefois  ce  dernier  moyen  n'est  pas  trop  à  recommander, 
car,  en  lançant  des  flammèches  dans  toutes  les  directions,  on 
peut  allumer  de  nouveaux  foyers  en  arrière  des  travailleurs. 
On  attaque  le  feu  de  préférence  par  ses  flancs  et  dans  le  sens 
de  sa  marche,  en  cherchant  à  rétrécir  de  plus  en  plus  la  largeur 
du  front  jusqu'à  fermeture  complète. 

Quand  le  foyer  est  trop  ardent  pour  qu'on  puisse  l'appro- 
cher et,  pour  ne  pas  exposer  ses  hommes  à  des  accidents,  le 
chef  des  travaux  se  transporte  avec  une  bonne  équipe  en 
avant  du  feu  et  dans  sa  direction  ;  là,  les  travailleurs,  avec 
des  râteaux,  débarrassent  une  bande  de  terrain  de  tous  les 
matériaux  combustibles  ;  cette  bande  est  tracée  perpendicu- 
lairement à  la  direction  du  feu  et  à  une  distance  suffisante 
pour  qu'on  ait  le  temps  d'achever  le  travail  avant  son  arrivée  ; 
il  s'éteint,  alors,  faute  d'aliments.  Si,  néanmoins,  la  flamme 
franchit  cet  obstacle,  elle  a,  du  moins,  perdu  sa  violence,  et 
on  l'étouffé.  Ordinairement  il  suffit  de  donner  à  la  tranchée 
une  largeur  de  2  à  3  mètres. 

L'incendie  réprimé,  on  doit  veiller  sur  le  théâtre  du  feu 
jusqu'au  moment  où  il  n'y  a  plus  à  craindre  de  le  voir  se 
ranimer.  11  faut  remarquer  qu'un  tison  peut  couver  long- 
temps encore  dans  les  arbres  creux,  dans  les  troncs  pourris, 
dans  les  racines  et  qu'il  faut  l'éteindre  parfois,  soit  en  l'inon- 
dant, soit  en  l'étouffant  sous  des  jets  de  terre. 


294  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

Régions  méridionales.  —  Dans  les  climats  méridionaux, 
et,  plus  particulièrement  dans  l'Esterel  et  dans  les  landes  de 
Gascogne,  les  incendies  sont  le  fléau  des  forêts  résineuses. 

La  fécondité  du  climat,  la  nature  siliceuse  du  terrain  font 
naître  à  profusion,  sur  le  sol  des  forêts,  des  plantes  socialse 
qui  se  dessèchent  en  été  et  couvrent  la  terre  de  matières 
inflammables.  Les  forêts  en  terrain  calcaire  avec  leur  flore 
plus  variée  et  surtout  plus  riche  en  arbustes  à  feuilles  per- 
sistantes, sont,  à  ce  point  de  vue,  beaucoup  moins  exposées 
que  les  précédentes. 

Dans  les  forêts  des  Maures,  dit  M.  Faré  (1),  sous  le  couvert  des 
pins  maritimes  et  des  chênes-liège  qui,  avec  le  châtaignier,  forment  la 
grande  masse  des  peuplements,  la  végétation  arbustive  se  développe 
sur  le  sol  en  buissons  impénétrables,  les  cystes  et  la  bruyère  arbores- 
cente sont,  de  beaucoup,  les  espèces  les  plus  dangereuses.  Pendant  la 
saison  chaude,  ce  sous-étage,  à  l'état  naturel  dans  tous  les  massifs  de 
la  contrée,  parvient  à  un  tel  degré  de  dessiccation,  qu'il  suffit  d'une 
étincelle  pour  produire  la  combustion.  Lorsque  le  feu  s'est  déclaré,  il 
se  propage  avec  une  rapidité  plus  ou  moins  grande  suivant  la  violence 
du  vent,  et  on  est  disposé  à  admettre  que,  si  le  mistral  souffle  avec 
force,  tous  les  moyens  employés  pour  combattre  l'incendie  sont,  le 
plus  souvent,  inefficaces  et  dangereux  pour  les  travailleurs.  Dans  ces 
circonstances,  les  cônes  de  pins  seraient  un  agent  de  propagation  des 
plus  dangereux;  de  nombreux  témoins  occulaires  affirment,  en  effet, 
que,  sous  l'influence  de  la  chaleur  de  l'incendie,  ces  cônes  encore  verts 
éclatent  et  que  leurs  débris  enflammés  peuvent  allumer  de  nouveaux 
foyers  à  plusieurs  centaines  de  mètres  de  leur  point  de  départ  ;  les 
flammèches  et  les  fragments  des  écorces  de  résineux,  qui  pétillent 
sous  l'action  du  feu,  concourent  au  même  résultat,  de  sorte  qu'il  n'est 
pas  rare  de  voir  de  nouveaux  incendies  se  multiplier  en  dehors  de  la 
ligne  où  les  travailleurs  combattent  la  marche  du  feu.  Ces  conditions 
font  de  l'arrêt  de  l'incendie  une  opération  toujours  délicate.  Le  plus 
souvent,  les  secours,  quelques  dévoués  qu'ils  soient,  restent  impuis- 
sants contre  les  forces  aveugles  du  fléau  et  le  feu  ne  s'arrête  que  lors- 
qu'il n'y  a  plus  rien  à  dévorer. 

Ces  incendies  proviennent,  pourla  plupart,  de  l'imprudence 
des  fumeurs,  des  chasseurs,  des  ouvriers  charbonniers  ou  de 
ceux  qui  pratiquent  les  écobuages.  On  dit  même  que  le  feu 
peut  être  allumé  et  communiqué  à  distance  par  les  déga- 
gements d'huiles  essentielles  odorantes,  produits,  pendant  les 
grandes  chaleurs,  par  certaines  plantes  de  la  famille  des  la- 

(1)  Faré,  Enquête  sur  les  causes  des  incendies  dans  la  région  des 
Maures  et  de  l  Ester el,  Imprimerie  nationale,  1869. 


DOMMAGES    CAUSES   PAH    [/HOMME,  295 

biées  :  lavande,  thym,  Berpolel  etc.»;  celle  assertionaura.il 

besoin  d'être  continuée.  On  ;i  malheureusement  trop  de 
preuves  qu'ils   doivent  aussi  être  attribués  à  la   malveillance. 

Il  est  rare  que  le  lover  conserve  la  forme  du  l'en  courant 
sur  le  sol  ;  presque  toujours,  il  monte  dans  les  cimes  des  pins, 
entraînant  la  mort  de  tous  les  arbres  atteints,  quand  même 
il  ne  s'attaquerait  qu'aux  brindilles  sèches  et  aux  feuilles  ou 
aiguilles;  le  plus  souvent,  d'ailleurs,  les  arbres  ne  sont  con- 
sumés en  entier  que  lorsqu'ils  sont  creux.  Les  cantons  ainsi 
parcourus  doivent  être  exploités,  et,  dans  les  massifs  trop 
jeunes  pour  donner  de  la  semence,  les  espèces  feuillues  repa- 
raissent seules  sous  forme  de  rejets  ou  de  drageons. 

Le  seul  moyen  efficace  de  diminuer  les  chances  de  sinistres 
est  le  déhroussaillement .  L'opération  est  malheureusement 
trop  coûteuse  pour  qu'on  puisse  l'imposer  à  tous  les  proprié- 
taires ;  cette  dépense  est  évaluée  en  moyenne  à  80  ou  100 francs 
par  hectare,  pour  la  première  opération;  les  débroussaille- 
ments  ultérieurs,  qui  doivent  être  répétés  à  des  intervalles  de 
5  à  10  ans,  coûtent,  suivant  les  difficultés  locales,  de  5  à 
10  francs  par  hectare.  Dans  l'impossibilité  de  détruire  la  cause 
des  incendies,  on  a  eu  recours  à  une  loi  spéciale  promulguée 
les 6  juillet-3  août  1870,  pour  en  limiter  les  effets.  Cette  loi 
interdit  l'usage  du  feu,  même  pour  les  exploitations  fores- 
tières ou  agricoles  usitées  sous  la  dénomination  d'écobuage, 
taillards,  issards  et  petit  feu,  en  dehors  des  époques  déter- 
minées par  des  arrêtés  préfectoraux.  Elle  prescrit,  en  outre, 
l'ouverture  et  l'entretien  de  tranchées  garde-feu,  soigneuse- 
ment défrichées  et  d'une  largeur  de  20  à  50  mètres  entre 
deux  propriétés  contigues  et  non  débroussaillées.  Si  cette 
loi  était  sévèrement  appliquée,  on  pourrait  en  attendre  de 
sérieux  résultats. 

Dans  les  landes  de  Gascogne  (1),  les  forêts  sont  de  création 
récente  ;  elles  sont  en  presque  totalité  peuplées  de  pins  mari- 
times que  l'on  résine.  Comme  dans  les  Maures,  les  incendies 
se  propagent  sous  l'influence  de  la  végétation  buissonnante 
extrêmement  touffue  et  formée  d'ajoncs,  de  bruyères,  de  fou- 

(1)  Rapport  de  M.  Faré,  Enquête  sur  les  incendies  dans  la  région  des 
landes  de  Gascogne.  Imprimerie  nationale  1873. 


296  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORÊTS. 

gères  et  de  diverses  plantes  herbacées  parmi  lesquelles  il  faut 
citer  la  Canche  en  gazon  (A ira  cespitosa). 

Les  causes  des  incendies  sont  les  mêmes  que  partout  ail- 
leurs, mais  ici  il  faut  attribuer  une  beaucoup  plus  large  part 
aux  accidents  causés  par  la  circulation  des  locomotives  et, 
aussi,  à  la  malveillance.  On  a  constaté,  en  effet,  que,  trop 
souvent,  surtout  dans  les  forêts  plantées  en  exécution  de  la 
loi  de  1857,  les  bergers  allument  le  feu,  volontairement,  dans 
le  but  de  détruire  un  état  boisé  qui  entrave  la  jouissance 
des  terrains  autrefois  livrés  au  parcours.  Les  meilleures 
précautions  à  prendre  sont  encore  le  débroussaillement  et 
l'ouverture  de  tranchées  garde-feu  peuplées  d'essences  feuil- 
lues et  plus  spécialement  de  chêne  pédoncule  et  de  chênes 
américains  :  Q.  tinctoria,  Q.  phellos,  Q.  palustris... 

Quoiqu'il  en  soit,  dans  ces  deux  régions,  le  feu  a  déjà  causé 
des  pertes  immenses.  Comme  on  est  sans  cesse  exposé  à  de 
nouveaux  ravages,  il  faut  savoir  comment  s'y  prendre  pour 
arrêter  la  marche  de  l'incendie. 


Au  premier  signal,  dit  M.  Faré  (1),  il  faut  réunir  sur  le  lieu  du 
sinistre  des  travailleurs  en  grand  nombre,  placés  sous  une  direction 
éclairée  et  munis  des  instruments  nécessaires.  Mais,  comme  la  popu- 
lation est  peu  dense  et  les  chemins  aussi  peu  nombreux,  il  y  a  d'ordi- 
naire bien  du  temps  perdu  avant  que  les  secours  soient  organisés.  Les 
habitants  d'une  commune  une  fois  réunis  devraient  être  placés  sous 
la  conduite  d'un  homme  compétent  qui  imprimerait  à  tous  les  efforts 
une  direction  unique.  Il  arrive  souvent,  en  effet,  que,  par  suite  du 
défaut  de  commandement,  les  secours  se  divisent  au  grand  détriment 
du  résultat  à  obtenir,  et  la  vie  des  travailleurs  se  trouve  môme 
parfois  menacée.  Le  manque  d'instruments  de  travail  paralyse  parfois 
le  dévouement,  et,  à  ce  propos,  on  a  fait  remarquer  la  convenance  de 
placer  dans  les  cantons  habités  un  dépôt  d'outils  appropriés  à  ce  genre 
de  travail  auquel  peut  participer  toute  la  population.  Les  mesures  à 
prendre  consistent  d'ordinaire  à  disposer  les  travailleurs  sur  une 
route  ou  sur  une  ligne  de  pare-feu  parfaitement  débarrassée  de 
matières  combustibles.  Chacun  d'eux  est  muni  d'une  perche  garnie  de 
ses  feuilles  vertes  et  c'est  en  frappant  les  parties  embrasées  soit  sur  le 
périmètre  de  la  ligne,  soit  en  arrière,  lorsqu'un  nouveau  foyer  produit 
par  des  flammèches  portées  au  loin  vient  à  éclater,  qu'on  arrête  l'in- 
cendie. Cette  opération  suppose  l'existence  d'une  route  ou  d'un  pare- 
feu  ;  mais,  dans  tous  les  autres  cas,  c'est  en  plein  massif  qu'il  faut  agir 
et  alors  il  convient  de  se  donner  une  base  d'opération.  On  commence 

(1)  Rapport  ci-dessus  mentionné. 


dég  \ Ta  ni  -    \mm  w  \.  29*3 

doue  par  abattre  les  huis  sur  une  largeur  déterminée  «le  manière  à 
former  une  ligne  déblayée  d'arbres  el  <lc  morts-boia  ;  on  établi! 
ensuite  un  fossé  dont  on  rejette  les  terres  du  coté  du  foyer  el  c'est 
sur  cette  ligne  qu'on  combat  la  marche  du  feu.  l><ms  certaines  circons- 
tances, quand  l'incendie  est  attisé  par  un  veut,  violent,  il  y  aurait 
témérité  à  attendre  le  feu  sur  une  ligne  (droite,  telle  qu'on  peut 
l'établir  pendant  la  marche  du  l'eu  ;  on  recourt,  alors,  au  contre- feu , 
pratique  dangereuse  dans  ses  applications,  et  qui  exige  de  la  part  de 
ceux  qui  l'emploient  beaucoup  de  tact  et  de  mesure.  Le  contre-feu 
peut-être  considéré  comme  une  arme  à  deux  tranchants  ;  c'est  parfois 
le  seul  remède  efficace  à  employer,  mais  s'il  est  appliqué  mal  à  propos, 
il  peut  provoquer  un  nouvel  incendie. 

Il  faut  aussi  se  préoccuper  de  l'alimentation  à  fournir  sur 
placeaux  travailleurs  qui,  entendant  sonnerie  tocsin,  quittent 
tout  et  s'empressent  de  se  rendre  à  l'appel.  Cette  ques- 
tion, secondaire  en  apparence,  est  signalée  comme  ayant  eu 
une  importance  capitale  sur  des  points  éloignés  de  tout  centre 
habité  où  les  travailleurs,  à  bout  de  force  et  manquant  de 
nourriture,  étaient  contraints  de  suspendre  la  lutte. 


article  lu 
DÉGÂTS  DES   ANIMAUX 

Les  mammifères.  —  Les  oiseaux.  — :  Les  insectes. 

La  forêt  abrite  et  nourrit  nombre  d'animaux  :  mammifères, 
oiseaux  et  insectes,  parmi  lesquels,  pour  quelques  espèces 
utiles,  on  en  compte  une  foule  de  nuisibles.  Une  revue  rapide 
de  tout  ce  grand  et  petit  monde  nous  permettra  de  distinguer 
les  amis  des  ennemis,  et  de  traiter  chacun  comme  il  le  mérite 
pour  le  plus  grand  bien  des  massifs. 

Les  mammifères.  —  Les  carnassiers  ne  font  jamais  de  mal 
aux  arbres  et,  si  l'on  ne  tenait  pas  compte  des  pièces  de 
gibier  ou  des  animaux  domestiques  qu'ils  dérobent,  loups  et 
renards  pourraient  être  considérés  plutôt  comme  utiles  que 
comme  nuisibles,  car  l'un  et  l'autre  détruisent  une  grande 
quantité  de  campagnols.  Les  renards  se  nourrissent  aussi 
d'insectes  et  notamment  de  hannetons  à  l'état  de  larves  ou 
d'insectes  parfaits. 

Les  sang  tiers  rendent  quelques  services  par  les  insectes  et 


298         EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORETS. 

les   souris  qu'ils  détruisent,   et   par  l'ameublissement    qu'ils 
donnent  au  sol  en  le  fouillant  de  leurs    vermillures.  Ils  sont 
néanmoins  nuisibles,  en  ce  sens  qu'ils  mangent    une    grande 
quantité  de  semences,  ravagent  les  pépinières  et  bouleversent 
les  semis  et  les  plantations.  Ils  fouillent  de  préférence  les  po- 
tets  ou  les  rigoles  fraîchement  travaillés;  ce  n'est  pas,  comme 
on  le  suppose   généralement,  pour  mâcher    les  racines    des 
jeunes  plants,  mais  pour  chercher  les  vers  et  les  autres  ani- 
maux qu'ils  trouvent  en    plus  grande  abondance  dans  le   sol 
ameubli.  Mais  c'est,  surtout  par  les  dégâts  qu'ils  causent  dans 
les  cultures    riveraines  des  forêts  que  la  présence   des  san- 
gliers est  redoutable  :  du  mois  de  mars  au  mois  de  novem- 
bre, quand  toutes    les  graines  forestières  ont  germé  ou  sont 
pourries,  ils  ne  trouvent  plus  à  se  nourrir  sous  bois  et  forcé- 
ment ils  vont  dévaster  les  récoltes.  L'action  en  responsabilité 
de  ces  dommages  est,  d'ailleurs,  assez  délicate  à  intenter,  car 
le  sanglier  est  un  animal  essentiellement  nomade. 

Les  bêtes  fauves  :  cerfs,  daims  et  chevreuil,  lorsqu'elles 
fiaient  leur  tête  pendant  le  refait  des  bois,  occasionnent  sur 
les  perches  des  blessures,  auxquelles,  en  langage  de  chasse,  on 
donne  le  nom  de  frayoirs  (fig.  69  b).  Au  printemps,  ces 
mêmes  animaux  broutent  les  jeunes  bourgeons  et  attaquent 
l'écorce  de  certaines  essences,  notamment  du  charme,  qu'ils 
arrachent  en  longues  lanières.  On  dit  que  cette  nourriture  les 
enivre.  En  hiver,  quand  la  neige  les  empêche  de  pâturer,  ils 
attaquent  brindilles,  écorees  et  bourgeons.  A  cet  égard  les 
daims  font  moins  de  mal  que  les  chevreuils  et  les  cerfs,  qui 
absorbent  de  plus  une  grande  quantité  de  glands. 

Quand  une  épaisse  couche  de  neige  recouvre  le  sol,  les  liè- 
vres rongent,  à  la  base,  l'écorce  des  jeunes  arbres,  surtout  des 
fruitiers  ;  dans  les  pépinières,  ils  sont  aussi  très  friands  des 
jeunes  pousses  des  espèces  légumineuses,  telles  que  :  robi- 
nier, cystise,  genêt,  etc. 

Les  lapins  sont  certainement  les  hôtes  les  plus  dangereux 
de  la  forêt;  ils  recherchent  les  terrains  sablonneux  meu- 
bles qui  s'égouttent  rapidement,  et  affectionnent  les  can- 
tons traités  en  taillis  sous  futaie,  les  pineraies  claires  où  le  sol 
est  toujours  sec.  Ils  évitent  les  grands  massifs  de  hêtre  sous 


DEGATS    DES     wimai  \ 


299 


le  couvert  continu  desquels  régné  une  humidité  constante. 
Partout  où  ils  s'installent,  les  lapins  fouillent  le  sol,  ron- 
gent les  écorces  jusqu'au  bois,  broutent  les  jeunes  semis, 
déracinent  les  plants  :  rien  de  ce  qui  est  vivant  n'échappe  à 


L 


Fig.  69.  —  Dégâts  des  mammifères  :  a,  brins  de  charme  rongés  à  leur 
base  par  les  campagnols  :  b,  frayoirs  de  bète  fauve  sur  une  perche  de 
hêtre  ;  c,c,  tiges  de  frêne  et  de  hêtre  attaquées  par  les  lapins  ; 
d,  cime  d'épicéa  décortiquée  par  les  écureuils. 

la  voracité  et  à  l'instinct  de  destruction  de  ces  rongeurs  ;  en 
cas  de  famine,  ils  s'attaquent  au  bois  vif  et  même  au  bois  sec 
(fig.  69  c.  c).  De  plus  ils  se  multiplient,  en  peu  de  temps, 
d'une  façon  effroyable,  et  foisonnent  pour  ainsi  dire  à  la  ma- 
nière des  insectes  :  aussi  le  lapin  doit-il  être  exterminé  par 
tous  les  moyens  possibles  et  banni  de  toute  forêt  bien  tenue. 
Le  moyen  le  plus  économique  d'empêcher  leur  propagation 
serait   de    s'opposer  à  la    destruction    des    renards,  fouines, 


300  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

belettes...,  etc.,  ses  ennemis  naturels,  à  qui  la  nature  a  dévolu 
le  rôle  d'en  arrêter  la  multiplication  exagérée.  Il  est  vrai 
que  toute  mesure  de  ce  genre  sera  incompatible  avec  une 
exploitation  luxueuse  de  la  chasse. 

Toute  réserve  étant  faite  à  l'égard  du  lapin,  on  peut  dire 
que  le  gibier  n'occasionne  à  la  forêt  qu'un  mal  insignifiant. 
D'ailleurs,  dans  le  cas  où  l'une  ou  l'autre  espèce  viendrait  à  se 
multiplier  d'une  manière  inquiétante,  on  possède  dans  la 
chasse  un  moyen  efficace  d'en  diminuer  le  nombre.  De  tels 
dangers  sont  trop  rarement  à  craindre  en  France;  il  est  même 
à  désirer  qu'une  législation  mieux  entendue  permette  un  jour 
de  mettre  à  profit  les  facilités  naturelles  que  la  forêt  pré- 
sente à  la  production  du  gibier,  pour  augmenter  son  ren- 
dement et  procurer  à  l'alimentation  publique  des  ressources 
qu'on  emprunte  aujourd'hui  à  l'étranger. 

En  dehors  du  gibier  proprement  dit,  les  espèces  les  plus 
dangereuses  appartiennent  au  groupe  des  rongeurs. 

Les  écureuils  coupent  un  grand  nombre  de  cônes  et  de 
jeunes  bourgeons  ;  faute  de  mieux,  ils  rongent  jusqu'au  bois 
la  jeune  écorce  des  sapins,  des  épicéas  et  des  hêtres;  à  ce 
point  de  vue,  il  est  bon  de  ne  pas  les  laisser  trop  se  multiplier 
(fig.  69  d). 

Les  souris  détruisent  une  énorme  quantité  de  semences, 
non  seulement  pour  leur  nourriture,  mais  encore  pour  obéir 
à  un  instinct  de  prévoyance  outrée,  qui  les  porte  à  faire  des 
provisions  considérables,  —  un  décalitre  et  plus,  —  auxquelles 
souvent  elles  ne  touchent  même  pas.  En  hiver,  quand  les  fruits 
leur  font  défaut,  ces  animaux,  et  particulièrement  les  campa- 
gnols, s'attaquent  à  l'écorce  des  jeunes  brins,  surtout  des 
charmes  et  des  coudriers,  qu'ils  rongent  sur  une  hauteur  de 
plusieurs  centimètres.  Les  tiges  ainsi  attaquées  sont  per- 
dues et  il  est  nécessaire  de  les  recéper  (fig.  69  a).  Ces  petits 
rongeurs  apparaissent  parfois  subitement,  en  très  grand 
nombre,  sous  forme  d'une  véritable  invasion  ;  leurs  dégâts 
sont  alors  considérables;  on  a  des  exemples  de  super- 
ficies de  500  hectares,  et  plus,  dévastées  pendant  un  seul 
hiver;  la  nature  heureusement  pourvoit  elle-même  à  leur  des- 
truction, et  il  est  rare  qu'ils  se  montrent  en  nombre  exagéré 


M  «,  \  TS     l»l   -      \MM  M    \. 


301 


pondant  plusieurs  années  de  suite.  D'ailleurs,  pour  les  com- 
battre, on  ne  possède  aucun  moyen  pratique  applicable  sur  de 

grandes  surfaces  comme  celles  des  forets;  le  mieux  sérail  de 
ne  pas  détruire,  par  préjugés  ou  par  plaisir  mal  entendu,  les 
animaux  qui  leur  font  la  guerre  :  le  hibou,  la  buse,  le  milan, 
le  renard  et  le  chat;  mais  on  se  trouve,  ici  encore,  en  pré- 
sence d'un  intérêt  contraire  à  celui  des  chasseurs. 

Les  oiseaux.  —  Parmi  les  espèces  dites  forestières,  les 
ra.pa.ces  diurnes  et  surtout  les  ra.pa.ces  nocturnes  sont  utiles 
en  détruisant  une  grande  quantité  de  rongeurs. 

Les  passereaux  granivores  sont  parfois  nuisibles  à  cause 
des  fruits  qu'ils  mangent  et  des  dégâts  qu'ils  commettent  dans 
les  pépinières  au  moment  du  semis  et  de  la  germination  des 
graines  résineuses  :  les  jeunes  plantules  ont  alors  un  attrait 
irrésistible  pour  les  pinsons.  A  leur  décharge  rappelons  qu'à 
l'époque  des  nichées  tous  les  oiseaux  détruisent  des  insectes. 

Les  insectivores  passent,  à  juste  titre,  pour  utiles.  Sans 
doute,  il  ne  faut  pas  compter  sur  eux  pour  arrêter  une  inva- 
sion, et,  parmi  les  insectes  mêmes,  les  Ichneumonides  les 
Tachinines  et  bien  d'autres,  qui  vivent  en  parasites,  sont 
d'une  action  plus  efficace  ;  néanmoins  l'oiseau  contribue  à 
maintenir  dans  la  multiplication  de  tous  ces  ennemis  des 
forêts  et  des  vergers  un  équilibre  qu'il  est  imprudent  de 
détruire.  La  raquette,  qui  brise  les  pattes  des  rouges-gorges 
et  des  fauvettes,  est  d'une  cruauté  révoltante;  le  collet,  qui 
étrangle  les  grives  et  les  merles,  la  pipée,  qui  fait  des  héca- 
tombes de  mésanges,  sont  également  néfastes.  Toutes  ces  pe- 
tites chasses  s'exercent  de  préférence  dans  les  boqueteaux  et 
sur  les  lisières  des  massifs;  aussi,  tout  en  dépeuplant  leurs 
ombrages,  privent-elles  les  parcs,  les  vergers,  les  jardins  et 
les  champs  de  leurs  plus  aimables  auxilaires. 

Nous  appelons  du  fond  du  cœur  la  convention,  jusqu'alors 
trop  platonique,  qui  assurera  la  protection  internationale  de 
la  gent  ailée  qui  nous  aide  et  nous  égayé. 

Les  pics  s'attaquent  toujours  au  bois  vermoulu  ou  piqué 
pour    rechercher   les  larves  dont  ils  se  nourrissent  ;  mais    le 

(1)  H.  de  Blanchère,  Les  oiseaux  utiles  et  les  oiseaux  nuisibles, 
5c  édition.  Paris,  1889. 


302  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

Dr  Altum  (1),  les  accuse  de  faire  sur  l'écorce  des  tilleuls  des 
séries  de  piqûres  mathématiquement  alignées  en  forme  de 
couronne  autour  du  tronc  :  cette  fois  ce  n'est  plus  pour  cher- 
cher les  insectes,  mais  pour  percer  les  petites  ampoules  ca- 
chées sous  l'écorce  et  boire  une  goutte  de  la  sève  sucrée 
qu'elles  renferment.  Les  pics  fréquentent  de  préférence  les 
forêts  mal  tenues,  où  l'on  rencontre  une  grande  quan- 
tité de  bois  morts  sur  pied,  car  c'est  là  qu'ils  trouvent  le  plus 
facilement  leur  nourriture.  A  défaut  d'arbres  dépérissants, 
ils  émigrent,  plutôt  que  de  peiner  à  jeun  contre  le  bois 
sain. 

Les  insectes.  —  Les  forêts  ont  à  supporter  de  la  part  des 
insectes  des  dommages  considérables,  et  qui,  dans  certains 
cas,  peuvent  atteindre  la  proportion  de  véritables  calamités 
publiques  (2).  Dans  le  grand  nombre  des  espèces  nuisibles, 
chacune  des  parties  vivantes  de  l'arbre  trouve  son  ennemi 
spécial  :  les  uns  dévorent  les  feuilles  ou  les  aiguilles,  les 
autres  rongent  la  couche  d'accroissement,  ou  creusent  leurs 
galeries  dans  le  bois  ;  un  certain  nombre  mangent  les  racines, 
les  bourgeons,  les  fleurs  ou  les  fruits. 

Quelle  que  soit  la  nature  de  ces  ravages,  les  résineux  ont 
beaucoup  plus  à  souffrir  que  les  feuillus.  Ces  derniers,  pour- 
vus de  bourgeons  proventifs,  réparent  plus  facilement  leurs 
frondaisons  détruites  ;  d'ailleurs,  ils  cicatrisent  mieux  leurs 
plaies,  aussi  succombent-ils  rarement  et  les  dégâts  les  plus 
importants  se  traduisent-ils  par  un  ralentissement  sensible 
dans  la  végétation  et  des  pertes  de  substances  assez  nota- 
bles (3).  Les  résineux,  au  contraire,  périssent  en  grand 
nombre  quand  leurs  aiguilles  sont  dévorées  ;  les  plaies  amè- 
nent des  écoulements  de  résine  qui  épuisent  les  arbres  ; 
enfin,  la  destruction  du  bourgeon  terminal  les  déshonore  et 
diminue  leur  valeur  industrielle. 

(1)  Vnsre  Spechte  und  ihre  forslliche  Bedeuling.  Berlin,  1878. 

(2)  En  1791-93,  une  invasion  du  bombice  du  pin  a  détruit  23,000  hec- 
tares de  forêts  dans  une  seule  province  d'Allemagne. 

(3)  On  peut  facilement  constater  sur  la  section  transversale  d'un  chê- 
ne la  trace  de  ces  dégâts  :  les  couches  ligneuses  correspondant  aux 
années  où  la  frondaison  a  été  détruite  par  les  hannetons,  sont  réduites 
à  une  épaisseur  souvent  insignifiante. 


DOMMAGES    CAUSÉS    PAH    LBS    animai  \.  'M  >ii 

En  général,  chaque  espèce  d'insecte  vit  sur  un  arbre 
déterminé.  Aussi,  quand,  bous  l'influence  «le  circonstances 
favorables,  l'une  ou  l'autre  se  multiplie  en  nombre  exagéré, 
les  cantons  peuplés  de  l'essence  qui  la  nourrit  sont-ils  très 
compromis.  Dans  les  peuplements  purs,  il  n'est  pas  rare  (pic 
des  surfaces  considérables  soient  dévastées  :  on  est  alors 
obligé  d'abattre  le  massif  entier  pour  tirer  parti  des  bois 
dépérissants  ou  morls  et  pour  empêcher  la  propagation  du 
mal;  on  a  môme  été  contraint  parfois  d'avoir  recours  à 
l'incendie. 

La  principale  cause  des  invasions  tient  à  la  grande  fécon- 
dité des  insectes,  qui  permet  à  leur  nombre  de  s'augmenter 
en  progression  géométrique,  quand  l'influence  des  milieux 
est  favorable  à  leur  développement.  Parmi  les  circonstances 
qui  activent  cette  multiplication,  nous  citerons  : 

1°  l'abondance  de  nourriture  convenable; 

2°  l'absence  d'ennemis; 

3°  la  température. 

Les  forestiers  conservent,  dans  certaines  limites,  une  action 
sur  les  deux  premières  circonstances  ;  ils  sont  absolument 
impuissants -en  présence  de  la  troisième. 

Pour  justifier  les  moyens  préservatifs  à  employer  contre  ces 
redoutables  fléaux,  il  est  nécessaire  de  diviser  les  insectes 
nuisibles  en  deux  groupes  :  les  insectes  lignivores  et  les  phyl- 
lophages. 

Les  insectes  lignivores  sont  ceux  qui  perforent  le  bois 
constitué  comme  :  Boslrichus  lineatus,  Sirex  gigas,  dans  les 
résineux  ;  Cossus  lignipercla,  Zeuzera  œsculi,  dans  les  bois 
feuillus;  —  ceux  qui  creusent  leurs  galeries  dans  le  liber  et 
l'écorce  comme  :  Boslrichus  typographus,  si  redoutable  dans 
les  forêts  d'épicéa,  Hylohius  ahietis  dans  les  forêts  de  pin 
sylvestre,  Scolytus  ulmi  chez  les  ormes; — ceux  qui  détruisent 
les  jeunes  pousses  et  les  bourgeons,  comme  :  Hylesinus  pini- 
perda,  Tortrix  buoliana,  T.  turionana;  —  ceux  enfin  qui, 
vivant  dans  le  sol,  rongent  le  chevelu  des  racines,  tels  sont  :  la 
larve  du  hanneton  commun  (Melolontha  rulgaris)  et  la  cour- 
tilière  (Grillolalpa  vulgaris)  dans  toutes  les  phases  de  son  déve- 
loppement. Et  nous  n'avons  prétendu  nommer  ici  que  les  types 


304  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

de  familles  dans  lesquelles  les  espèces  nuisibles  sont  légion. 

Les  plus  redoutables  parmi  les  phyllophages,  c'est-à-dire 
ceux  qui  détruisent  les  feuilles  et  les  autres  parties  vertes 
des  végétaux,  sont  :  dans  les  forêts  résineuses,  les  chenilles 
de  Lasiocampa  pini,  Liparis  monaeha,  Fidonia  piniaria, 
Lophyrus  pini;  et,  dans  les  forêts  feuillues,  celles  de  Orgya 
pudibunda,  Bombyx  neustria,  Bombyx  processionnea,  de 
Pyrales  et  de  Tinéides.  En  de  certaines  régions,  le  hanneton 
commun  à  l'état  parfait  exerce  périodiquement  ses  ravages. 

A  chacun  de  ces  groupes  correspondent  des  moyens  pré- 
ventifs spéciaux. 

1°  Presque  tous  les  insectes  lignivores  ont  besoin,  pour  se 
développer  en  grand  nombre,  de  bois  morts,  dépérissants  ou 
atteints  de  maladies.  L'abondance  de  ces  matériaux  dans  une 
forêt  crée  un  foyer  de  contagion  où  les  insectes  se  mul- 
tiplient en  telle  quantité  que  les  arbres  qui  leur  ont  servi 
de  berceau  deviennent  bientôt  insuffisants;  les  bois  en  bon 
état  de  végétation  sont  attaqués,  à  leur  tour,  et  menacés 
d'une  perte  imminente.  Pour  empêcher  la  formation  de  ces 
foyers,  il  faut  :  entretenir  les  peuplements  à  l'état  sain  par 
des  soins  appropriés,  —  cultiver  les  essences  adaptées  au 
sol  et  au  climat  et  leur  appliquer  un  traitement  ration- 
nel, —  donner  la  préférence  aux  peuplements  mélangés  et 
surtout  au  mélange  de  feuillus  et  résineux,  —  exploiter 
radicalement  et  annuellement  les  bois  morts  ou  dépéris- 
sants, —  écorcer  totalement  les  arbres  résineux  dès  qu'ils 
sont  abattus,  et,  pour  rendre  l'opération  possible,  les  cou- 
per de  préférence  en  temps  de  sève,  —  enlever  les  pro- 
duits aussitôt  après  le  façonnage  et  ne  pas  laisser  de  bois 
gisants  en  forêt. 

2°  Sauf  les  cas  d'invasions,  les  insectes  qui  mangent  les 
feuilles  ou  les  aiguilles  trouvent  toujours  la  nourriture  qui 
leur  convient  ;  il  n'est  pas  possible,  comme  pour  les  lignivo- 
res, d'augmenter  ou  de  diminuer  l'élément  principal  de  leur 
multiplication.  On  reste  donc  à  peu  près  désarmé  contre  eux; 
cela  est  d'autant  plus  regrettable  que  ce  groupe  renferme  les 
espèces  les  plus  à  craindre  pour  les  bois  résineux  comme 
pour  les  bois  feuillus. 


DOMMAGES    CAUSÉS    PAB    LES    VEGETAUX.  305 

De  plu?,  lorsqu'ils  ne  font  pas  périr  complètement  les  mas- 
sifs, ils  les  affaiblissent  au  pointde  préparer  les  invasions  des 
xylophages ;  ceux-ci  achèvent  fatalement  l'œuvre  de  destruc- 
tion. 

Les  seuls  moyens  à  recommander  sont  :  l'éducation  de 
peuplements  mélangés  adaptés  au  climat  et  au  sol  ;  —  la  con- 
servation de  la  couverture  morte  dans  les  forêts  et  la  protec- 
tion des  animaux  insectivores  utiles. 

Mais  ces  moyens  restent  souvent  inefficaces  et,  quel  que  soit 
le  groupe  auquel  il  appartiendra,  la  meilleure  sauvegarde 
contre  un  insecte  sera  la  connaissance  complète  de  ses  mœurs. 
Il  est  rare  qu'une  invasion  se  produise  soudainement,  —  le  cas 
se  présente  néanmoins  —  :  en  général,  elle  marche  progres- 
sivement et  celui-là  seul  qui  possède  une  connaissance  exacte 
des  faits  peut  la  prévenir  et  la  combattre.  Le  plus  sûr  sera 
donc  d'avoir  immédiatement  recours  à  un  homme  compétent 
à  qui  l'on  adressera,  avec  les  exemplaires  de  l'insecte  en  cause, 
un  échantillon  des  dégâts  dont  on  l'accuse  et  des  fragments 
de  toutes  les  parties  dégradées  ou  suspectes  de  l'arbre  ;  car,  bien 
souvent,  les  dégâts  d'un  insecte  ne  sont  que  le  corollaire  de 
l'attaque  préalable  du  sujet  par  une  autre  espèce  ou  par  un 
champignon.  Ce  spécialiste  pourra,  en  même  temps  que  sa 
consultation,  renvoyer  aux  ouvrages  et  articles  d'entomologie 
qui  traitent  la  matière. 


ARTICLE  IV 

DOMMAGES  CAUSÉS   PAR  LES  VÉGÉTAUX. 

Les  plantes  sarmenteuses.  —  Les  plantes  parasites.  —  Le  gui.  — 
Les  champignons.  —  Les  bactéries. 

Pas  plus  que  nous  l'avons  fait  pour  les  animaux,  nous  ne 
pouvons,  au  sujet  des  végétaux  nuisibles,  entrer  dans  tous 
les  détails  que  comporte  une  branche  aussi  importante  de 
l'histoire  naturelle  appliquée  aux  forêts.  Le  simple  aperçu  qui 
va  suivre  n'a  d'autre  but  que  de  signaler  les  principaux  dan- 
gers, et  d'engager  les  intéressés  à  recourir,  en  cas  de  besoin, 
aux  botanistes  autorisés. 

Boppe  et  Jolyet.  20 


306  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

Sans  nous  occuper  du  tapis  végétal,  nous  ne  parlerons  que 
des  espèces  directement  nuisibles  aux  arbres.  Celles-ci  sont 
toujours  ou  sarmenteuses  ou  parasites  ;  et,  parmi  ces  dernières, 
plus  on  étudie  la  forêt,  plus  on  est  frappé  de  l'importance 
énorme  que  prennent  les  champignons. 

Sous  le  climat  de  la  France,  les  plantes  sarmenteuses  nui- 
sibles appartiennent  aux  classes  supérieures  du  monde  végé- 
tal :  le  lierre,  les  clématites  et  le  chèvre- feuille  des  bois  sont 
ligneux  ;  les  crampons  et  les  circonvolutions  de  leurs  tiges 
fatiguent  et  dégradent  les  sujets  qui  leur  servent  de  support  ; 
il  y  a  lieu  de  les  extirper  partout  où  on  les  rencontre  quels  que 
soient  l'âge  et  la  forme  des  peuplements  (fig.  70  c). 

Le  gui  vit  en  parasite  sur  un  grand  nombre  d'essences 
feuillues  ou  résineuses.  Bien  qu'il  soit  très  rare  sur  le  chêne, 
on  l'y  rencontre  néanmoins  ;  c'est,  sans  doute,  en  raison  de 
cette  rareté  extrême  que  les  Druides  l'avaient  choisi  comme 
plante  sacrée.  Mais  Vellèda,  notre  patronne,  avait  dû  révéler 
à  ses  prêtresses  les  procédés  d'en  multiplier  les  buissons 
nécessaires  à  l'entretien  du  culte. 

En  général,  le  gui  fait  peu  de  mal  aux  bois  feuillus,  parce 
que,  installé  sur  leur  cime,  ses  racines  ne  dégradent  que  les 
régions  destinées  à  être  débitées  en  bois  a  brûler.  Sur  les 
résineux,  sur  les  sapins  surtout,  ses  racines  traçantes,  par- 
tent des  branches  sur  lesquelles  la  touffe  a  pris  naissance 
et  peuvent  atteindre  le  tronc,  où  elles  laissent  des  traces 
profondes  et  causent  de  sérieux  dommages  (fig.  70 b).  Amputer 
les  branches  envahies  par  le  gui,  c'est  évidemment  empêcher 
sa  propagation  par  les  oiseaux  qui  se  nourissent  de  ses  baies  ; 
mais  le  moyen  est  peu  pratique;  le  vrai  remède  serait,  au 
passage  des  éclaircies,  d'enlever  de  préférence  les  sapins  qui 
portent  de  ces  buissons. 

Etant  donnés  les  ravages  qu'ils  engendrent,  les  champi- 
gnons peuvent  être  comparés  aux  insectes  les  plus  nuisibles. 
De  même  que  ces  redoutables  ennemis  de  la  culture  fores- 
tière, les  champignons  s'attaquent  aux  arbres,  qu'ils  endom- 
magent ou  font  mourir;  —  aux  massifs,  qu'ils  éclaircissent  ou 
détruisent  en  tuant  les  sujets  qui  les  constituent;  —  au  bois, 
qu'ils  rendent  impropre   à  tous  usages.   Quelques  exemples 


DOMMAGES    CAUSÉS    l'Ail    F.l'.S    VÉGÉTAUX, 


307 


permettent  de  se  rendre  compte  de  ces  laits  ;  citons  :  Olùi- 
dium  elatinum,  qui  fait  le  bàl&i  de  sorcières  et,  sans  tuer  le 
sapin,  provoque  le  grave  défaut  connu  sous  le  nom  de  chuu- 

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Fig.  70.  —  Dégâts  des  végétaux  :  a,  fructification  en  épaulette  d'un 
polypore  qui  ravage  une  tige  de  sapin  ;  b,  plateau  de  sapin  portant 
les  traces  des  racines  du  gui;  c,  tige  de  hêtre  déformée  par  les  cir- 
convolutions du  chèvrefeuille  des  bois  ;  d,  balai  de  sorcière  sur  une 
tige  de  sapin  ;  au  point  d'insertion,  on  peut  voir  le  renflement  qui 
donnera  un  chaudron  ;  e,  tige  de  charme  déformée  par  le  chancre 
(Nectria  ditissima)  ;  /*,  nodosités  causées  par  la  bactérie  du  pin  d'Alep. 

dron  (fig.  70  d)  ;  Cœoma  pinitorquum,  qui  déforme  simple- 
ment les  tiges;  Peridermium  pini  (var.  corticola),  Agaricus 
melleus,   Trametes  radiciperda,  qui  tuent  un  grand  nombre 


308  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

d'arbres  dans  les  pineraies;  Bhizoclonia  quercina,  qui  s'atta- 
que aux  forêts  de  chêne  ;  Peziza  calycina,  qui  atteint  le  mélèze 
et  fait  périr  des  arbres  en  pleine  vigueur.  On  peut  remar- 
quer ce  fait  que  les  conifères  sont  plus  exposés  aux  attaques 
des  champignons  que  les  feuillus  ;  sous  ce  rapport  l'analogie 
se  continue  entre  la  nocuité  de  ceux-ci  et  celle  des  insectes. 
Quant  à  l'action  funeste  exercée  sur  le  bois,  elle  n'est  pas 
moins  redoutable  pour  les  feuillus  que  pour  les  conifères  : 
c'est  ainsi  que  Hydnum  diversidens,  Telephora  perdix,  Poly- 
porus  sulfureus,  Polyporus  igniarius,  détruisent  le  bois  de 
chêne,  —  comme  le  font,  des  bois  de  sapin,  de  pins  et  d'épicéas  : 
Polyporus  fulvus,  Polyporus  vaporarius,  —  tous  produisant 
chez  les  uns  et  les  autres  les  vices  connus  depuis  longtemps 
sous  les  noms  de  :  rouge,  grisette,  etc.,  sans  qu'on  les  eût 
rapportés  à  leur  véritable  cause. 

Si  l'on  commence  à  connaître  assez  bien  bon  nombre  de 
champignons  nuisibles  aux  forêts  à  des  titres  divers,  non 
seulement  dans  leur  structure,  mais  encore  dans  leur  mode  de 
développement  et  dans  l'action  qu'ils  exercent  sur  le  végétal 
ligneux  dont  ils  sont  l'hôte,  on  n'est  pas  toujours  à  même  de 
mettre  les  forêts  à  l'abri  de  leurs  dégâts.  Les  spores  de  cham- 
pignons sont  d'une  extrême  ténuité  qui  facilite  singulière- 
ment leur  transport  par  les  vents  ;  elles  sont  aussi  très  nom- 
breuses ;  enfin,  assez  fréquemment,  elles  germent  sur  un  vé- 
gétal très  différent  de  celui  sur  lequel  s'est  constitué  le  corps 
reproducteur  qui  leur  a  donné  naissance,  et  ce  végétal  est 
parfois  ignoré  :  c'est  le  cas,  par  exemple,  pour  JEcidium 
elatinum. 

Cependant,  même  dans  cet  état  imparfait  de  la  science,  il 
est  certaines  mesures  de  protection  dont  l'efficacité  n'est  pas 
à  dédaigner.  D'une  façon  générale,  il  sera  bon  de  supprimer 
tous  sujets  sur  lesquels  se  sont  développés  les  corps  reproduc- 
teurs ;  quand  il  s'agit  des  espèces  dont  les  spores  ne  germent 
que  sur  le  bois,  —  souvent  même,  que  sur  le  bois  de  cœur,  — 
on  devra  éviter,  avec  le  plus  grand  soin,  de  le  mettre  à  nu, 
proscrire,  par  conséquent,  tous  les  élagages  sur  les  essences 
comme  le  chêne  et  le  sapin,  très  sujettes  à  l'altération  de  leurs 
tissus  ligneux.  Enfin,  pour  quelques  espèces,  il  y  aura  d'autres 


DOMMAGES    CAUSES    l'Ait    fis    VEGETAUX.  309 

mesures  spéciales  à  prendre,  tel,  YAt/aricu.s  maliens,  qui 
produit  dans  les  pineraies  la  maladie  dite  dn  rond,  parce  qu'elle 
s'étend  en  cercle  à  partir  des  premiers  arbres  attaqués  et  qui 
se  propage  sous  terre  au  moyen  d'une  forme  spéciale  de 
mycélium,  connu  sous  le  nom  de  rhizomorphe]  on  le  combat 
avec  efficacité  par  la  suppression,  non  seulement  des  sujets 
atteints,  mais  encore  de  ceux  qui  les  entourent  immédiate- 
ment, et  par  une  culture  du  sol  après  extraction  de  toutes  les 
racines,  —  ou,  tout  au  moins  par  l'ouverture  d'un  fossé 
d'isolement. 

Ce  serait  sortir  de  notre  cadre  que  parler  des  bactéries 
et  autres  infiniment  petits,  dont,  paraît-il,  nous  avons  autant 
à  craindre  pour  nos  forêts  que  pour  nos  personnes.  Témoin, 
ces  nodosités  dues  au  travail  de  formes  spéciales,  parmi 
lesquelles  on  peut  excuser  les  espèces  qui  agrémentent  cer- 
tains rameaux  d'enjolivures  variées,  au  grand  profit  des 
fabricants  de  cannes  ou  de  manches  de  parapluie.  Mais  les 
autres  ?... 

En  résumé,  si  tout  forestier  ne  peut  pas  être  initié  aux  secrets 
les  plus  intimes  de  la  mycologie,  chacun  peut,  du  moins, 
diagnostiquer  la  présence  des  champignons,  soit  par  leurs 
fructifications  en  forme  de  chapeau,  dépaulettes  ou  de  touffes, 
soit  par  les  lames  de  mycélium  dont  les  filaments,  à  la  façon 
de  radicelles,  serpentent  sous  l'écorce  ou  dans  les  tissus  du 
bois.  Dès  que  ces  signes  apparaissent,  il  faut,  sans  hésiter, 
abattre  et  enlever  l'arbre  qui  les  porte  ;  car,  désormais,  on 
ne  peut  rien  attendre  de  lui  que  pourriture  progressive,  et, 
de  plus,  il  devient  un  bouillon  de  culture,  d'où  s'échappent 
des  milliards  de  spores  avides  de  nouvelles  victimes  (fig.  70  a). 
Disons,  en  passant,  que  les  champignons  ne  s'attaquent 
pas  seulement  aux  arbres  sur  pied,  ils  détruisent  aussi  le  bois 
après  son  emploi.  11  appartient  à  la  technologie  forestière  et  à 
l'art  du  constructeur  d'indiquer  les  moyens  à  employer  pour 
mettre  le  bois  en  œuvre  à  l'abri  de  ces  dangereux  parasites. 


310  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

ARTICLE  V 

DÉGÂTS  CAUSÉS  PAR  LES  MÉTÉORES. 

Généralités.  — Le  vent  :  troisième  règle  d'assiette  et  massifs  de  pro- 
tection. —  Le  froid  et  les  tares  qu'il  engendre.  —  Les  coups  de 
soleil.  —  La  foudre.  —  La  neige  et  les  avalanches.  —  La  grêle,  le 
givre  et  le  verglas. 

Généralités.  —  Nous  avons  établi  que,  sur  chaque  point, 
la  forêt  spontanée  est  la  résultante  de  tous  les  phénomènes 
météoriques  d'une  suite  en  quelque  sorte  indéfinie  d'années  ; 
par  leur  longévité,  les  arbres  ou  les  peuplements  ont  traversé 
les  saisons  les  plus  excessives  :  les  hivers  les  plus  rigoureux, 
comme  les  étés  les  plus  secs.  Une  telle  forêt  n'a  donc  rien  à 
craindre  des  effets  normaux  du  climat  dont  elle  est  fonction  ; 
et,  même,  les  accidents  sporadiques,  dont  les  actions  mau- 
vaises dépassent  la  moyenne,  n'y  atteignent  que  les  individus 
sans  compromettre  l'existence  de  l'organisme  en  tant  que 
terrain  boisé  :  ce  ne  sont  qu'épisodes  clans  son  processus 
vers  les  fins  de  la  nature. 

Mais,  ce  qui  est  vrai  pour  la  forêt  en  soi,  ne  s'applique 
plus  à  nos  séries  aménagées.  Celles-ci,  en  effet,  sont  com- 
posées d'arbres  ou  de  peuplements  savamment  distribués 
en  raison  de  leur  âge  et  de  leurs  dimensions  ;  toute  action 
qui,  à  un  moment  donné,  change  l'état  d'un  seul  des 
éléments  dans  un  tout  si  bien  organisé,  en  détruit  l'harmonie 
générale. 

En  cela,  la  culture  forestière  est  encore  bien  différente  de 
la  culture  agricole.  Quand  un  accident  météorique  supprime 
la  récolte  pendante  de  céréales  ou  autres  plantes  annuelles,  là 
se  borne  la  perte  ;  l'instrument  de  production,  la  terre,  reste 
indemne,  et,  dès  l'année  suivante,  les  choses  reprenant  leur 
cours  normal,  le  cultivateur  continue  à  toucher  son  revenu 
moyen.  En  forêt,  au  contraire,  le  météore  brutal  frappe  au 
hasard  jeunes  et  vieux  :  les  bois  en  croissance,  comme  les 
bois  mûrs  ;  derrière  lui,  le  revenu  gâché  est  compromis  pour 
un  temps  dont  la  durée  dépasse  parfois  l'existence  du  pro- 
priétaire. 


DÉG  \ts   CAUSÉS    tau    LES   mi': TÉOIIES. 


31 


Quand    bien  môme   la   tourmenté  épargne    les    plus   vieux 
canlons, toute  avarie  dans  le  capital  générateur  amoindri!  Bon 


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activité  productive  et  marque  un  temps  d'arrêt  dans  la 
marche  de  l'ensemble  vers  le  but  commun.  Car,  sur  ces  champs 
de  bataille,  il  faut  compter,  non  seulement  avec  les  cadavres 


312         EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORETS. 

gisants  ou  en  estant,  mais  encore  avec  les  blessés,  qui,  pour 
muets  qu'ils  soient, n'en  souffrent  pas  moins  d'infirmités  incu- 
rables; la  matière  bois  va  se  dégrader  progressivement  dans 
la  forêt,  qui  en  est  l'entrepôt  en  même  temps  que  la  fabrique. 
Par  suite,  si  l'on  tient  compte  de  la  durée  plus  que  séculaire 
d'un  massif  de  futaie  ou  d'une  réserve  de  taillis,  il  faut  bien 
admettre  que  tout  arbre  ou  peuplement  aura,  au  moins  une 
fois  en  sa  vie,  à  subir,  de  l'un  ou  l'autre  des  agents  météo- 
riques, une  des  atteintes  néfastes  que  les  hommes  d'une 
génération  peuvent  ne  connaître  que  par  ouï-dire. 

Le  devoir  du  sylviculteur  est  donc  de  prévoir  l'impro- 
bable comme  le  possible,  et  de  garer  la  forêt  des  méchants 
coups,  même  les  plus  rares,  et  d'où  qu'ils  viennent  :  froid, 
vent,  foudre,  neige,  grêle,  etc..  Voyons  quelles  sont  à  ce 
sujet  les  limites  de  ses  pouvoirs. 

Le  vent.  —  Maintes  fois  déjà  nous  avons  parlé  du  vent  et 
'noté,  à  leur  place,  les  influences,  bonnes  ou  mauvaises,  du 
sol,  de  l'exposition,  de  la  forme  des  peuplements,  etc.. 

Il  suffit  à  un  profane  de  visiter  un  ahatis  de  chablis 
(fig.  71)  pour  être  saisi  d'une  épouvante  salutaire.  Mais  les 
forestiers,  comme  les  marins,  s'habituent  au  danger  de  tous 
les  jours,  et  quelques  avis  sont  nécessaires  pour  les  ramener 
à  la  réalité  des  faits  (1). 

(1)  On  peut  dire  que,  en  montagne  surtout,  ces  accidents  sont 
devenus  la  règle.  Il  ne  faut  pas  remonter  bien  haut  dans  l'histoire 
forestière  d'une  région  pour  trouver  trace  de  nombreuses  catastrophes 
qui  ont  bouleversé  les  plus  sages  prévisions.  Rien  que  dans  les  forêts 
de  l'Est,  les  dates  suivantes  sont  enregistrées  comme  particulièrement 
néfastes  : 

novembre  1868:  Jura  et   Suisse;    désastre    suivi   d'une   redou- 
table invasion  de  bostriches. 

28  octobre  1870  et  11  novembre  1875   :  plaines  et  collines  de  la 
Lorraine. 

20  février  1879  :   Suisse. 

22  août  1889  :  Basses-Vosges. 

septembre  1890  :  Vosges,  Jura  et  Suisse. 

29  mars  1891  :  Vosges, 
janvier  1895  :  Jura  et  Suisse. 

Trop  souvent,  la  plaine  n'est  pas  épargnée  :  témoin  les  ouragans 
qui,  pendant  l'hiver  1899-1900,  ont  saccagé  les  forêts  de  l'Ouest,  entre 
autres  les  beaux  massifs  de  chênes  de  Bercé. 


DEGATS    CAUSES    l'Ait    LES    METEORES. 


313 


Tout  d'abord,  une  étude  approfondie  de  la  météorologie  du 
lieu  et  de  son  passé  forestier  permettra  de  délimiter  exacte- 
ment loules  les  zones  dangereuses.  Chacune  de  celles-ci  sera 
soumise  au  traitement  que  comportent  les  formes  d'âges  mul- 
tiples, les  plus  résistantes  entre  toutes  :  le  jardinage  notam- 
ment. Partout  ailleurs,  et  quelque  rassurantes  que  puissent  être 
les  allures  du  climat,  les  tempêtes,  toujours  à  craindre,  com- 
mandent d'user  pour  chaque  série  de  certaines  précautions 
intérieures  et  extérieures. 

A  l'intérieur,  le  formulaire  des  règles  d'assiette  trouve 
encore  son  application.  Citons  le  texte  de  la  troisième  règle, 
emprunté  au  manuel  de  sylviculture  de  M.  le  professeur 
Bagnéris. 

Dans  toute  forêt  ou  série  d'exploitation,  les  coupes  devront  être 
assises,  de  manière  à  toujours  marcher  à  l'encontre  des  vents  les  plus 
dangereux  régnant  dans  la  contrée,  généralement,  en  France,  en 
allant  du  Nord-Est  au  Sud-Ouest. 

Le  principal  objet  de  cette  troisième  règle  est  de  protéger, 
contre  les  dégâts  du  vent,  non  seulement  les  arbres  réservés 
dans  les  coupes,  mais  encore  les  peuplements  en  croissance. 

Par  malheur,  —  on  le  constate  tous  les  jours,  —  si  les 
jeunes  peuplements,  quelle  que  soit  d'ailleurs  leur  forme,  ont 
peu  à  craindre  de  ce  côté,  il  n'en  est  pas  de  même  des  vieux 
bois.  Parmi  ces  derniers,  les  plus  exposés  sont,  d'une  part, 
les  plus  âgés  et  ceux  qui  se  rapprochent  le  plus  de  l'état  uni- 
forme à  un  seul  étage  :  d'autre  part,  ceux  qui  sont  plus  ou 
moins  interrompus  par  le  fait  des  exploitations  ;  tel  est  le  cas 
des  arbres  d'abris  conservés  dans  les  coupes  successives  de 
régénération  et  des  réserves  dans  les  taillis  sous  futaie  (1). 

(1)  Les  observations  faites  dans  la  forêt  de  Haye,  cantonnement  de 
Nancy-École,  à  la  suite  des  ouragans  des  28  octobre  1870  et  11  no- 
vembre 1875,  nous  ont  permis  de  constater  les  faits  suivants  : 

1°  dans  les  parcelles  de  futaie  en  régénération,  le  volume  des  cha- 
blis a  été  vingt-trois  fois  plus  grand  que  dans  les  cantons  non 
entrouverts  ou  traités  en  taillis  sous  futaie,  bien  que  la  surface  des 
premières  fût  huit  fois  moindre  que  celle  des  autres; 

2°  dans  l'ensemble  des  parcelles  traitées  en  taillis  sous  futaie,  les 
chablis  étaient  localisés,  pour  les  deux  tiers  de  leur  volume,  dans  les 
coupes  en  exploitation  ou  exploitées  depuis  un  à  trois  ans. 

D'autre  part,   le  relevé  des  produits  mis  en   vente  dans  l'ensemble 


314  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

Si  les  points  d'attaque  sont  du  côté  opposé  à  la  direction 
des  vents  à  redouter,  ceux-ci,  maintenus  à  la  hauteur  des 
cimes  par  les  massifs"  intacts,  passeront  avec  moins  de  dan- 
gers sur  ceux  que  des  exploitations  récentes  rendent  moins 
résistants  ;  dans  les  forêts  de  plaine,  le  mieux  sera  de 
faire  marcher  les  coupes  en  allant  du  centre  vers  la  cir- 
conférence. —  Dans  les  taillis  sous  futaie,  on  constate  égale- 
ment que  les  coupes  riches  en  grosses  réserves  sont  moins 
endommagées  que  celles  où  la  jeunesse  domine  :  les  anciens 
soutiennent  et  protègent  les  modernes  et  les  baliveaux  ;  en 
toute  situation,  on  devra  renforcer  les  martelages  le  long  des 
tranchées  et  sur  les  rives  de  la  forêt. 

A  l'extérieur,  il  sera  prudent  de  conserver,  sur  tous  les 
périmètres  des  grandes  forêts,  des  rideaux  d'abri  maintenus 
à  l'état  de  massif,  par  le  jardinage,  ou  soumis  à  un  traitement 
indépendant  de  celui  des  suites  de  coupes  contiguës. 

Dans  les  futaies  résineuses,  en  montagne,  la  stricte  obser- 
vation de  la  troisième  règle  d'assiette  doi  t  avoir  un  e  portée  plus 
étendue  encore.  Elle  doit  être  appliquée,  non  seulement  de 
coupe  à  coupe,  mais  de  canton  à  canton  et  de  série  à  série.  Il 
serait  même  désirable  de  faire  accepter  entre  propriétaires 
voisins  le  principe  des  zones  de  défense  tel  qu'il  existe  dans 
certaines  provinces  de  l'Allemagne  centrale,  où  de  larges 
bandes  de  forêts  sont,  au  point  de  vue  du  traitement,  grevées 
de  véritables  servitudes  de  voisinage.  En  tout  état  de  choses, 
il  est  indispensable,  dans  les  régions  montagneuses,  d'établir, 
vers  les  limites  supérieures  de  la  végétation,  un  rideau  pro- 
tecteur qui  sépare  la  forêt  régulièrement  traitée  des  parties 
réservées  au  pâturage;  ce  rideau  sera  plus  ou  moins  large, 
suivant  l'altitude,  la  violence  des  vents  et  la  configuration  du 
terrain  ;  il  ne  subira  d'ailleurs  que  des  exploitations  modérées 
et  toujours  faites  en  jardinant,  car  il  est  extrêmement  diffi- 
cile, pour  ne  pas  dire  impossible,   de  régénérer  par  les   mé- 

des  sapinières  des  Vosges,  pendant  la  période  quinquennale  écoulée  de 
1879  à  1884,  fait  ressortir  que,  dans  un  total  de  668.053  mètres  cubes, 
les  chablis  entrent  pour  204.533  mètres  cubes,  soit  clans  l'énorme  pro- 
portion de  43  p.  100,  par  rapport  au  volume  des  coupes  vendues  sur 
pied. 


DEGATS    CAUSES    l'Ail    LES    METEORES. 


3  1  5 


thodcs  perfectionnées  les  massifs  aboutissant  à  la  crête  des 
hautes  cimes  ou  voisins  des  alpages. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  ce  fait  que  ta  troisième  règle 
d'assiette  n'est  efficacement  applicable  que  dans  les  peuple- 
ments d'un  seul  âge  chacun  ;  elle  perd  sa  raison  d'être  dans 
les  cantons  jardines  ou  furètes. 

Le  froid.  —  Le  froid,  qui  trace  les  frontières  septentrio- 
nales des  essences  spontanées,  occasionne  aussi,  dans  les  limi- 
tes de  ces  zones  et  surtout  vers  leurs  confins  Nord,  les  trou- 
bles les  plus  graves:    tantôt  les  gelées  tardives  et  précoces 


Fig.  72.  —  Rondelle  de  chêne  présentant,  dans  sa  région  centrale,  une 
lunure,  dont  la  portion  de  gauche  est  déjà  attaquée  par  la  pourriture. 

détruisent  les  organes  verts  au  printemps  et  à  l'automne  ; 
tantôt  les  gelées  d'hiver  tuent  la  zone  cambiale,  produisant  des 
nécroses  d'abord  superficielles,  mais  qui  deviennent  de  plus 
en  plus  profondes,  et  qu'on  nomme,  suivant  les  cas  :  gelures, 
morsures  de  gelée,  friasses,  etc..  ;  ou  bien  encore,  pénétrant 
dans  le  corps  de  l'arbre,  elles  provoquent  dans  le  bois  toutes 
ces  tares  que,  d'après  leur  aspect,  les  praticiens  ont  appelées  : 
lunure  ou  double  aubier,  quand  les  couches  les  plus  jeunes 
atteintes  dans  leur  vitalité,  ne  peuvent  plus  se  transformer 
en  bois  parfait;  —  gélivure  ou  roulure,  quand  les  dislocations, 
rayonnantes  ou  circulaires,  crevassent  la  masse  toute  entière. 


310 


EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORETS. 


Nous  en  donnons  (fig.  72  et  73)  les  principaux  spécimens. 
Pour  en  préserver  les  arbres,  nos  moyens  se  bornent  à  cette 
précaution  générale  qui  consiste,  connaissant  le  tempérament 
de  nos  essences,  à  maintenir  chacune  à  la  place  où  ces  dan- 
gers seront  le  moins  à  craindre  pour  elle.  On  remarque,  tou- 

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Fig.  73.  —  Dégâts  causés  par  les  météores  :  a,   roulure  ;  b,  gélivures  ; 

c,  nécrose  due  à  un  coup  de  soleil  avec  bourrelets  de  recouvrement; 

d,  nécrose  de  gelée. 


tefois  :  1°  que  les  accidents  morbides  qui  accompagnent  les 
abaissements  de  température  tiennent  bien  moins  au  nombre 
de  degrés  accusé  parle  thermomètre  au  dessous  du  zéro  centi- 
grade, qu'aux  circonstances  qui  accompagnent  ou  qui  suivent 
le  refroidissement;  c'est  ainsi  que  les  passages  brusques  du 
froid  au  chaud  sont  bien  plus  dangereux,  toutes  choses  res- 
tant égales  d'ailleurs,  que  les  transitions  lentes  ;  il  en  résulte 
qu'une  nuit  très  froide,  suivie  d'un  jour  clair,  pourra  occa- 
sionner des  gelures  sur  les  points  directement  frappés  par  les 


DKC.ATS    CAI'Sl's     l'Ait     LIS     MKTKOHKS.  317 

rayons  du  soleil, quand, à  (nus les  autres  aspects, le  sujctrestera 
indemne  ;  —  '2°  que  dans  les  sols  siliceux,  meubles,  qui  se 
laissent  plus  profondément  pénétrer  par  les  froids  vifs,  les 
accidents  de  lunures,  de  gélivures,  de  roulures  sont  plus  fré- 
quents que  dans  les  sols  argileux,  argilo-calcaires  et  surtout 
tourbeux  ;  —  3°  que  les  arbres  à  écorce  lisse,  et  vivante  dans 
toute  son  épaisseur,  sont  plus  souvent  nécrosés  que  ceux 
dont  la  couche  cambiale  est  protégée  par  un  rhytidome 
épais. 

De  ces  faits,  on  peut  tirer  les  conséquences  suivantes  :• 

éviter  de  faire  des  repeuplements  artificiels  à  l'aide  d'es- 
sences introduites  au  nord  de  leur  station  d'origine;  —  placer 
les  plantes  à  feuilles  persistantes  de  préférence  aux  expositions 
froides,  pour  leur  épargner  les  passages  trop  brusques  du  froid 
au  chaud  ;  —  dans  les  dépressions  plus  particulièrement  expo- 
sées aux  gelées  printanières,  planter  les  espèces  à  frondaison 
tardive  ou  peu  sensible  ;  —  craindre  la  transition  rapide,  de 
l'état  du  massif  à  celui  d'isolement  pour  les  essences  à  écorce 
mince  et  privée  de  rhytidome  ;  —  et  tant  d'autres  qu'un  sens 
des  choses  de  la  forêt  suggère  à  tout  forestier,  qui  sait,  par 
expérience,  que,  quoi  qu'il  fasse,  il  a  toujours  des  chances 
à  courir,  bonnes  ou  mauvaises. 

Les  coups  de  soleil.  —  L'excès  de  chaleur,  comme  l'excès 
de  froid,  peut  occasionner  des  nécroses.  Ce  sont  encore  les 
espèces  à  écorce  lisse,  les  jeunes  sujets,  ceux  qui  sont  nou- 
vellement plantés  et  dans  le  corps  ligneux  desquels  la  sève 
circule  mal,  qui  ont  le  plus  à  souffrir.  On  atténue  le  danger 
en  prenant  partout  les  mêmes  précautions  que  contre  le  froid, 
et,  en  ce  qui  concerne  les  hautes  tiges,  en  les  orientant, 
lors  de  la  mise  en  place,  aux  mêmes  aspects  que  lorsqu'ils 
étaient  en  pépinière;  — en  les  arrosant  abondamment  pendant 
la  sécheresse  ;  —  en  habillant  leurs  tiges  d'un  fort  manchon 
de  paille  :  toutes  choses  qui  intéressent  plus  le  verger  que 
la  forêt. 

La  foudre.  —  La  foudre  produit  sur  les  arbres  les  désordres 
les  plus  variés,  depuis  la  décortication  partielle  ou  le  simple 
sillon  qui  marque  la  trace  de  son  passage,  jusqu'à  la  rupture 
la  plus  complète  (tig.  74),  qui  pulvérise  un  arbre  en  mille  éclats  ; 


318 


EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 


souvent  même,  à  coté   de  ces  effets  mécaniques,  les  arbres 
voisins  de  celui  qui  est  foudroyé,  sont  tués,  sans  lésion  appa- 
rente, parce  qu'on  appelait  autrefois  le  choc  en  retour. 
On  a  beaucoup  discuté  sur  les  causes   qui  font  tomber  la 


Fig.  74.  —  Sapin  brisé  par  la  foudre  dans  les  Hautes-Vosges. 

foudre  sur  tel  arbre  plutôt  que  sur  tel  autre.  Les  uns  attri- 
buent cette  disposition  fâcheuse  à  une  forme  plus  ou  moins 
aiguë  de  la  cime,  d'autres  à  l'épaisseur  du  feuillage,  d'autres 
encore  à  la  proximité  des  eaux  stagnantes  ou  courantes  ;  des 
observations  récentes  semblent  en  avoir  trouvé  la  véritable 
cause  dans  la  conductibilité  variable  du  bois  suivant  les 
essences  et  son  état  vert  ou  sec.  Malgré  notre  incompétence 
sur  cette   question  de  physique,  il  nous  semble,  en  tout  cas, 


DÉGÂTS    CAUSAS    l'Ait    LES    Ml.  n';niu  s.  .119 

assez  naturel  qu'un  chêne,  dont  les  racines  pivotantes  attei- 
gnent les  couches  toujours  humides  du  terrain,  soit  frappé 
plus  souvent  qu'un  nôtre  dont  l'enracinement  reste  suj)erjiciel. 

La  seule  conclusion  pratique  à  en  tirer  pour  le  forestier 
est  que,  surpris  par  un  orage,  il  fera  bien  de  ne  jamais  s'a- 
briter sous  un  gros  arbre,  pas  plus  sous  un  hêtre  que  sous  un 
chêne,  et,  surtout,  sous  un  fruitier  isolé  en  rase  campagne. 

La  neige  et  les  avalanches.  —  On  cite  de  nombreux 
exemples  de  peuplements  dégradés  ou  écrasés  par  la  neige, 
lorsqu'elle  tombe  prématurément  ou  tardivement  sur  des 
arbres  couverts  de  leur  feuilles  ;  mais,  il  faut  reconnaître 
qu'on  a  rarement  à  déplorer,  dans  les  forêts  d'essences  feuil- 
lues, des  désastres  aussi  impossibles  à  prévoir  qu'à  conjurer, 
tels  que  celui  qui  a  dévasté  la  forêt  du  Sihhvald,  appartenant 
à  la  ville  de  Zurich,  le  28  septembre  1885  (fig.  75.).  Au  con- 
traire, les  forêts  résineuses  de  la  basse  montagne  ont  à 
souffrir  annuellement  de  dégâts  analogues,  mais  dont  on  peut 
atténuer  les  effets  par  des  éclaircies  faites  à  propos  et  judi- 
cieusement conduites. 

Dans  la  haute  montagne,  il  faut  prévoir  et  combattre  les 
avalanches,  dont  tout  le  monde  connaît  les  effets  désastreux. 
On  sait  qu'une  fois  la  masse  en  mouvement,  rien  ne  l'arrête 
plus  dans  sa  chute  vertigineuse  :  arbres,  chalets,  ponts,  ou- 
vrages d'art,  tout  est  écrasé  sur  son  passage  (fig.  76.).  Mais, 
on  sait  aussi  que  jamais  l'avalanche  ne  prend  naissance  dans 
les  terrains  boisés  ;  c'est  donc  à  la  forêt  qu'il  faut  demander 
aide  et  protection.  Dans  une  étude  magistrale  publiée  en  1881, 
M.  Coaz,  inspecteur  général  des  forêts  à  Berne  (1),  donne  les 
moyens  suivants  de  combattre  le  fléau. 

Après  avoir  repéré  exactement  la  ligne  de  première  cas- 
sure, par  des  recherches  personnelles,  et  sans  trop  s'en  rap- 
porter au  dire  des  gens  du  pays,  on  corrige  le  sol  nu  et  glis- 
sant des  couloirs  d'origine  à  l'aide  d'obstacles  artificiels  : 
fossés,  pieux,  murs    en  pierre   sèche  ou   en   maçonnerie.  En 

(1)  Voir  dans  la  Revue  des  eaux  et  forets  du  1er  avril  1900,  les  frag- 
ments traduits  par  M.  l'Inspecteur- Adjoint  Mathey. 

Voir  également  :  P.  Mougin,  La  correction  des  avalanches  en 
France.  Revue  des  eaux  et  Forêts,  mai  1900. 


320 


EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 


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321 


aval  de  ces  abris  morts,  exposes   aux   injures  du  temps,  on 
plante  de*  arbres  qui  seronl   seuls  d'un  secours  définitifs  ;  la 


rig.  76.  —  Arbres  renversés  par  le  déplacement  de  l'air  au  passage 
d'une  avalanche  sur  les  pentes  de  la  Jungfrau,  le  1er  mai  1879, 
d'après  une  photographie. 


meilleure   essence  à  employer  est  le  pin  cembro,  l'arolle  des 
montagnards. 

Partout  où  la  forêt  n'a  pas  encore   été  détruite,   dans  les 
Bofpe  et  Jolyet.  21 


322  EXPLOITATION    ET    PROTECTION    DES    FORETS. 

zones  dangereuses,  elle  devra  être  ménagée  avec  le  plus  grand 
soin,  afin  de  prévenir  les  accidents  à  naître.  Dans  ces  contrées, 
il  ne  faut  pas  risquer  les  régénérations  trop  systématiques  ; 
et  si,  contraint  par  la  nécessité,  on  est  conduit  à  réaliser  un 
arbre  mort  ou  vivant,  il  est  sage  de  le  couper  à  1  mètre  ou 
lm,50  au-dessus  du  sol,  de  façon  que  le  chicot  attenant  à  la 
souche  continue  à  jouer  longtemps  le  rôle  de  soutien  dévolu 
à  l'arbre  sur  pied. 

La  grêle,  le  givre,  le  verglas.  —  Bien  que  les  forêts 
passent  pour  écarter  les  nuages  à  grêle,  on  pourrait  citer 
nombre  d'exemples  d'arbres  portant  dans  leur  sein  des  traces 
de  blessures  causées  par  les  grêlons,  il  y  a  vingt,  cinquante 
ans  et  plus,  et  recouvertes  par  un  nombre  égal  de  couches 
ligneuses. 

A  cela  nous  ne  pouvons  rien  !  On  prétend,  aujourd'hui, 
que  des  salves  d'artillerie  empêchent,  dans  un  certain  rayon, 
la  formation  de  la  grêle  ;  mais  une  longue  expérience  nous 
fait  craindre  que,  de  tous  les  biens  de  la  terre,  la  forêt  soit 
encore  la  dernière  en  faveur  de  qui  on  fera  parler  la  poudre 
de  protection. 

Enfin,  nous  signalerons  les  graves  accidents  dus  au  givre 
et  au  verglas,  dont  le  poids  couche  les  jeunes  brins  et  brise 
les  plus  grosses  branches  des  vieux  arbres.  Souhaitons  au 
lecteur  de  n'avoir  jamais  à  les  constater  dans  ses  forêts  ;... 
faire  plus,  nous  est  impossible  (1). 

(1)  Dans  la  forêt  de  Fontainebleau,  on  a  évalué  à  150  000  stères  le 
volume  des  débris,  —  arbres  et  branches  —  cassés  par  le  verglas 
pendant  les  journées  des  22  et  23  janvier  1879. 


CHAPITRE    VIII 
LES  PEUPLEMENTS  ARTIFICIELS 

ARTICLE   PREMIER 

OBSERVATIONS  GÉNÉRALES 

But  à  poursuivre.  —  Définitions.  —  Les  différents  procédés  de 

boisement, 

But  à  poursuivre.  —  Si  nous  portons  nos  regards  en  ar- 
rière, nous  constatons  que  la  sylviculture,  telle  que  nous 
avons  cherché  à  la  présenter  dans  son  application,  nous  ensei- 
gne à  exploiter  les  forêts  surtout  à  l'aide  des  moyens  natu- 
rels, sans  avoir  recours  à  des  capitaux  étrangers,  si  ce  n'est 
pour  subvenir  aux  dépenses  de  mise  en  valeur. 

Dans  les  pays  de  vieille  civilisation,  où  l'on  doit  poursui- 
vre, partout  et  toujours,  l'exploitation  rationnelle  du  sol,  la 
forêt  a  sa  principale  raison  d'être  quand  elle  fonctionne  à 
l'aide  du  temps  dans  les  terrains  non  réclamés  par  d'autres 
emplois.  Sa  culture  est  donc  extensive  au  premier  chef. 

Quel  que  soit  le  point  de  vue  auquel  on  se  place,  ce  carac- 
tère s'impose.  En  effet,  s'il  s'agit  de  la  forêt  de  protection, 
on  est  largement  payé  du  service  indirect  qu'elle  rend  par 
sa  seule  présence,  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  d'engager 
des  capitaux  en  vue  d'augmenter  une  production  en  bois  qui 
n'est  ici  que  l'accessoire.  S'il  s'agit  de  forêts  de  rendement, 
le  bois,  premier  objectif  de  leur  culture,  n'est  réellement 
utile  que  s'il  est  abondant  et  à  bon  marché  ;  dès  qu'il  devient 
cher,  la  consommation  l'abandonne  pour  le  remplacer  par  des 
succédanés,  souvent  de  qualité  moindre,  mais  qu'on  obtient 
à  meilleur  compte.  Aussi,  tout  progrès  doit-il  être  recherché 
dans  un  choix  judicieux  des  modes  de  traitement  les  mieux 
adaptés  aux  conditions  locales  :  car  le  surcroît  de  production 


324  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

obtenu  à  l'aide  de  procédés  dispendieux  a  pour  effet  d'aug- 
menter le  prix  de  revient  de  la  matière  ligneuse  dans  des 
limites  qui  dépassent  l'intérêt  normal  des  sommes  engagées  : 
c'est  la  conséquence  nécessaire  du  fonctionnement  des  capi- 
taux forestiers  à  intérêts  composés. 

Si,  de  la  forêt  naturelle  nous  passons  à  la  forêt  artificielle, 
nous  constatons  que  les  mêmes  causes  doivent  amener  les 
mêmes  effets.  Ici  encore,  nous  devons  demander  à  la  sylvi- 
culture les  moyens  de  réduire  les  dépenses  nécessitées  par  le 
boisement  à  leur  strict  minimum,  de  façon  que  le  résultat 
financier  de  l'entreprise  soit  accessible  à  toutes  les  catégories 
de  propriétaires  et  au  plus  grand  nombre  des  bourses. 

Définition.  —  Nous  appelons  boisement  toute  formation 
nouvelle  de  peuplements  forestiers  dans  les  sols  nus. 

Le  plus  souvent,  en  France  du  moins,  l'homme  ne  fait  que 
rendre  à  la  forêt  les  terrains  dont  ses  ancêtres  l'avaient  dé- 
possédée ;  cependant,  le  fait  n'est  pas  assez  général  pour  justi- 
fier, dans  tous  les  cas,  le  terme  de  reboisement.  Quoi  qu'il 
en  soit,  nous  nous  proposons  d'étudier  les  procédés,  dits  arti- 
ficiels, mis  en  pratique  pour  créer,  de  main  d'homme,  la  forêt 
dans  les  espaces  où  elle  n'existe  pas.  A  cette  occasion,  nous 
parlerons  des  travaux  de  même  nature  qui  s'exécutent  dans 
les  peuplements  acquis  dont  on  veut  améliorer  la  situa- 
tion. 

Les  différents  procédés  de  boisement.  —  Les  plus  usi- 
tés sont  le  semis  et  la  plantation.  La  bouture  et  la  mar- 
cotte, très  employées  par  les  arboriculteurs,  ne  trouvent  leur 
application  en  sylviculture  que  dans  certains  cas  particuliers 
dont  nous  indiquerons  les  principaux. 

Mais  faut-il  planter,  faut-il  semer?  Telle  est  la  première 
question  qui  se  pose.  Les  circonstances  si  diverses  de  climat, 
de  sol  et  de  situation  dans  lesquelles  on  est  appelé  à  opérer, 
la  variété  même  des  essences  à  employer,  ne  permettent  pas 
de  répondre  d'une  manière  catégorique.  Toutefois,  d'après 
l'ensemble  des  faits  acquis,  on  peut  résumer  la  situation 
comme  suit  : 

11  vaut  mieux  planter  que  semer  : 

1°  sur  les  terrains  mouilleux,  sur  ceux  que  les  gelées  sou- 


OBSERVATIONS  GENERALES.  325 

lèvent  avec  facilité,  <>u  qui  sont  couverts  d'herbes,  oL  dans  les 
stations  élevées  où  le  climat  es!  rude; 

2°  dans  les  endroits  où  les  graines  sont  exposées  à  être  dé- 
vorées par  les  animaux  ; 

.'{n  clans  les  régions  chaudes,  où  les  racines  doivent  être  de 
suite  assez  profondément  enfoncées  pour  résister  à  une  vive 
insolation  et  à  des  sécheresses  prolongées. 

En  outre,  avec  la  plantation,  on  peut,  mieux  qu'avec  le  se- 
mis, régler  à  son  gré  la  consistance  des  peuplements  et  le 
mélange  des  espèces.  Enfin,  on  s'aperçoit  plus  tôt  des  insuccès 
et  il  est  plus  facile  de  les  réparer. 

La  plantation  sera  donc  la  règle,  le  semis  se  trouvant  loca- 
lisé : 

1°  dans  certains  terrains  pierreux  où  la  plantation  serait 
très  difficile  ; 

2°  dans  les  régions  où  l'on  peut  obtenir  de  la  graine  à 
très  bas  prix,  et  quand  le  terrain,  pour  être  ensemencé,  ne 
demande  pas  une  préparation  particulière  ;  car,  dans  tous  les 
autres  cas,  il  coûte  plus  cher  que  la  plantation. 

Un  des  principaux  inconvénients  du  semis  est,  en  cas  de 
réussite,  de  donner  sur  un  même  point  des  plants  trop  nom- 
breux, qu'il  faut  largement  desserrer  de  bonne  heure,  sur- 
tout lorsqu'il  s'agit  de  résineux.  Ce  travail  occasionne  un 
surcroît  de  dépense  dont  il  faut  tenir  compte. 

Depuis  que  l'art  de  planter,  trop  longtemps  négligé  en 
France,  a  rapidement  progressé  sous  l'impulsion  des  grands 
travaux  de  reboisement,  la  pratique  de  la  plantation  a  établi 
sa  supériorité  sur  le  semis  :  le  fait  est  incontestable.  Mais,  en 
matière  de  boisement,  pas  plus  qu'en  matière  de  traitement, 
il  ne  faut  s'en  tenir  à  la  théorie  immuable  ;  car  rien  ne  peut 
se  résoudre  en  dehors  des  questions  de  temps  et  de  lieu.  Tous 
les  moyens  sont  bons  quand  on  sait  les  employer  à  propos. 


326  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

ARTICLE  II 

LE  BOISEMENT   PAR  SEMIS 

Qualité  des  semences.  —  Leur  récolte.  —  Leur  conservation.  — 
Préparation  du  sal  avant  le  semis.  —  Les  différents  modes  de 
semis  :  en  plein  ou  à  la  volée  ;  —  par  places  ;  —  par  bandes 
continues  ou  brisées  ;  —  par  trous  ou  potets  ;  —  en  terrain  non 
préparé  ;  —  semis  expéditifs.  —  Répandage  de  la  semence.  — 
Quantité  de  semence  à  employer.  —  Saison  favorable  pour  faire 
les  semis.  —  Application  aux  essences  sociales.  —  Soins  à  donner 
aux  semis. 

Qualité  des  semences.  —  La  réussite  du  semis  dépend,  en 
premier  lieu,  de  la  qualité  de  la  semence;  on  doit  toujours 
s'en  rendre  compte  avant  l'emploi. 

A  la  simple  inspection,  on  peut  juger  si  la  graine  est  bien 
pleine,  si  elle  a  une  odeur  et  une  saveur  fraîches,  si  l'amande 
présente  la  couleur  normale  de  l'espèce  à  laquelle  elle  appar- 
tient; on  peut  aussi,  en  plongeant  les  semences  dans  l'eau, 
considérer  comme  bonnes  celles  qui  tombent  au  fond  et  com- 
me vaines,  celles  qui  surnagent;  ou  bien  encore,  en  les  mettant 
sur  une  plaque  de  fer  rougie  au  feu,  on  regarde  celles  qui 
éclatent  en  sautillant  comme  ayant  conservé  leur  faculté  ger- 
minative,  tandis  que  celles  qui  se  consument  lentement  sont 
mauvaises.  Mais  tous  ces  procédés  ne  donnent  que  de 
simples  présomptions;  pour  avoir  des  renseignements  à  peu 
près  certains,  —  et  la  question  en  vaut  la  peine,  —  il  faut 
soumettre  toutes  les  graines  à  l'épreuve  du  germoir  artificiel  : 
c'est  également  le  seul  moyen  de  constater  la  fraude  qui 
consiste  à  livrer  certaines  espèces,  au  lieu  d'autres,  dont  les 
fruits  sont  plus  rares.  A  défaut  d'appareils  spéciaux,  on 
peut  toujours  placer  dans  les  conditions  convenables  à  la 
germination  un  certain  nombre  de  graines  comptées  à 
l'avance,  et  établir  la  proportion  de  celles  qui  germent  et  de 
celles  qui  ne  germent  pas  ;  il  suffit,  par  exemple,  de  les 
semer  dans  des  terrines  que  l'on  place  sous  vitraux  sur 
couche  chaude  ;  ou  bien  de  les  disposer,  dans  une  serre 
ou  dans    une    chambre    à   température    élevée,    entre    deux 


LE    Moisi  MENT    l'Ail     SEMIS. 


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doubles  de  flanelle  dont   les  extrémités  plongent  dans  un 

récipient  plein  d'eau,  etc. 

D'une  manière  générale,  plus  les  semences  sont  légères 
plus  grande  est  la  proportion  des  stériles,  A  l'exception 
des  glands  et  des  faînes,  dont  la  bonne  qualité  est  toujours 
facile  à  constater,  les  semences  des  autres  espèces  feuillues 
sont  peu  employées  sous  forme  de  semis  direct  ;  elles 
s'obtiennent  du  reste  à  des  prix  assez  bas  pour  qu'il  n'y 
ait  pas  grand  intérêt  à  les  ménager.  La  qualité  des  graines 
résineuses  est  très  variable  suivant  les  espèces;  ainsi,  quand 
les  semences  de  sapin  pectine,  d'épicéa,  de  pin  sylvestre, 
pour  être  considérées  comme  bonnes,  ne  doivent  pas  ren- 
fermer plus  de  10  p.  100  de  graines  vaines,  on  en  accepte 
30  p.  100  pour  celles  de  mélèze  (1). 

Il  faut  aussi  tenir  compte  de  ce  fait  qu'à  l'air  libre,  la 
germination  naturelle  donne  toujours  un  résultat  inférieur  à 
celui  des  épreuves  ;  outre  les  accidents  météorologiques  à  re- 
douter, les  mulots,  les  oiseaux  et  les  insectes  occasionnent,  en 
effet,  un  déchet  sérieux.  Dans  tous  les  cas,  si  l'on  achète  des 
graines  dans  le  commerce,  c'est  une  économie  mal  placée  que 
de  s'adresser  à  des  maisons  n'inspirant  pas  toute  confiance, 
ou  d'utiliser  des  «  fonds  de  sac  »  des  années  précédentes. 
Le  mieux,  quand  cela  est  possible,  est  de  ramasser  soi-même 
en  forêt  les  semences  dont  on  a  besoin.  Il  faut  alors  donner 
tous  ses  soins  à  leur  récolte  et  à  leur  conservation  ;  les  indi- 
cations suivantes  serviront  de  guide  dans  cette  double  opé- 
ration. 

Récolte  des  semences.  —  A  moins  de  circonstances  excep- 
tionnelles, on  ne  doit  récolter  que  des  graines  provenant  d'ar- 
bres sains,  exempts  de  tares  héréditaires  (  fig.  77),  vigoureux  et 
croissant  dans  leur  station.  La  récolte  ne  se  fait  que  quand 
les  graines  sont  complètement  mûres.  Les  graines  lourdes  se 
ramassent  sur  le  sol  après  leur  chute  naturelle  ;    les   graines 


(1)  Les  cônes  de  résineux,  dans  leurs  portions  terminale  et  basilaire, 
ne  renferment  souvent  que  des  graines  stériles.  Des  cônes  très  courts, 
comme  ceux  du  mélèze,  fournissent  donc  une  proportion  de  bonne 
graine  bien  inférieure  à  celle  que  l'on  trouve  chez  des  espèces  à  cône 
allongé,  comme  l'épicéa. 


328 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


légères  et  les  cônes   des  résineux  doivent  être  cueillis  direc- 
tement, en  montant  sur  les  arbres. 

Les  glands  des  chênes  mûrissent  et  se  disséminent  vers  la 
fin  de  l'automne.  Parmi  ceux  qui  tombent  les  premiers,  il  s'en 


Fig.  77.   —  Anomalies    de    structure:  libre-torse  (défaut  héréditaire); 
loupe  (défaut  purement  local)  et  sections  faites  dans  les  loupes. 

trouve  beaucoup  de  véreux  ;  pour  les  ramasser,  il  faut  donc 
attendre  le  moment  où  la  chute  se  fait  abondamment  ; 
on  choisit  alors  ceux  qui  sont  fraîchement  tombés  et  les 
plus  gros,  l'expérience  ayant  indiqué  que  ces  derniers 
donnent  les  plants  les  plus  forts.  En  faisant  cette  récolte, 
il    est    extrêmement     important     de     bien     distinguer    les 


il,    BOISEMENT    PÀB    SEMIS.  329 

glands  du  chêne  rouvre  el  ceux  du  chêne  pédoncule  ;  les 
deux  espèces  ont,  <»n  effet,  des  exigences  bien  différentes, 
dont  il  faut  tenir  compte,  sous  peine  de  mésaventures  diffici- 
lement réparables. 

La  faine  mûrit  également  à  la  fin  d'automne;  on  la  recueille 
par  terre,  à  la  main  ou  au  balai  ;  quelquefois,  on  la  fait  tom- 
ber sur  des  draps  étendus  au  pied  des  arbres,  dont  on  frappe 
les  rameaux  avec  de  longues  perches. 

Les  glands  de  charme  se  récoltent  à  la  main  vers  la  im 
d'automne,  après  la  chute  des  feuilles,  ou  bien  on  gaule  les 
arbres,  comme  cela  vient  d'être  dit  pour  les  faînes.  La  samare 
des  érables  et  celle  du  frêne,  mûrissent  aussi  en  automne  ;  on 
les  récolte  à  la  main,  sur  l'arbre,  après  la  chute  des  feuilles; 
chez  l'érable  sycomore  et  le  frêne, ces  semences  restent  suspen- 
dues jusqu'à  la  fin  de  l'hiver,  celles  de  l'érable  plane  se  dissé- 
minent plus  tôt. 

La  samare  des  ormes  mûrit  vers  la  fin  de  mai,  ou  au  com- 
mencement de  juin;  elle  s'envole  bientôt.  On  la  ramasse 
surtout  le  long  des  routes  et  dans  les  allées  des  promenades 
publiques  où  ces  arbres  sont  abondants.  Il  importe  alors 
de  savoir  distinguer  l'orme  champêtre  de  l'orme  de  mon- 
tagne, car  ces  deux  espèces,  dont  les  bois  ont  des  qualités 
bien  différentes,  sont  souvent  mélangées  comme  arbres  d'agré- 
ment. Les  semences  d'orme  germent  de  suite  après  leur  dis- 
sémination ;  beaucoup  sont  vaines. 

"Les  cônes  du  bouleau  mûrissent  en  septembre;  ils  se  désar- 
ticulent bientôt  après,  et  la  graine  tombe  en  même  temps  que 
les  écailles.  Ceux  qui  mûrissent  les  premiers,  de  même  que 
ceux  qui  restent  sur  l'arbre  jusqu'en  novembre,  ne  contien- 
nent généralement  que  des  semences  infertiles. 

Les  cônes  des  aunes  blancs  et  glutineux  ne  se  désar- 
ticulent pas  ;  ils  s'entr'ouvrent  et  laissent  échapper  leurs 
petites  graines,  depuis  le  commencement  de  décembre 
jusqu'au  printemps.  On  ramasse  ces  cônes,  en  automne,  dès 
que  les  écailles  en  deviennent  brunes;  on  les  conserve  dans 
un  lieu  sec,  et  la  semence  se  sépare  tout  naturellement. 

Les  graines  de  sapin  pectine  mûrissent  en  septembre  et 
tombent  des  cônes  avec  les  écailles,  surtout  après  les  gelées, 


330  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

dans  l'espace  d'une  quinzaine  de  jours.  Les  cônes  sont  dressés 
sur  les  branches  du  sommet  de  l'arbre  ;  il  faut  se  hâter  de 
les  y  cueillir  au  moment  précis  de  la  maturité. 

Les  cônes  d'épicéa  mûrissent  au  mois  d'octobre,  ils 
ne  s'entr'ouvrent  pas  de  suite  et  on  les  cueille  pendant 
l'hiver.  Lorsque  la  température  est  douce,  les  graines 
commencent,  dès  cette  saison,  à  s'échapper  des  cônes  et  à 
s'envoler;  le  plus  souvent  la  dissémination  ne  se  fait  qu'au 
printemps. 

La  récolte  des  graines  de  mélèze  s'opère  dans  les  mêmes 
conditions  que  celles  de  l'épicéa,  en  évitant  de  ramasser  les 
cônes  vides,  qui  restent  plus  d'une  année  attachés  à  l'arbre 
après  la  dissémination.  On  peut  aussi  la  récolter  sur  la  neige 
durcie,  dans  les  dépressions  où  le  vent  l'a  balayée. 

Les  cônes  de  pin  sylvestre  mûrissent  dix-huit  mois  après 
la  floraison,  pendant  l'automne  de  l'année  suivante;  les 
semences  se  disséminent  au  printemps.  On  cueille  les  cônes 
pendant  l'hiver.  Il  en  est  de  même  des  pin  maritime,  pin  de 
montagne,  pin  laricio,  pin  cemhro.  Les  graines  de  pin  d'Alep 
se  récoltent  au  printemps  de  la  troisième  année  qui  suit  la 
floraison  ;  les  cônes  vides  restent  indéfiniment  attachés  aux 
rameaux. 

La  désarticulation  des  cônes  du  sapin  se  fait  facilement  et 
par  simple  torsion  dans  les  mains.  Tous  les  autres  cônes 
s'ouvrent  sous  l'influence  de  la  chaleur  et  de  la  séche- 
resse. 

La  récolte  et  la  préparation  des  graines,  —  des  graines 
résineuses  surtout,  —  sont  l'objet  d'une  industrie  très  im- 
portante. Le  plus  souvent,  le  commerce  les  façonne  dans  des 
établissements  spéciaux,  auxquels  on  donne  le  nom  de  sé- 
cheries)  à  défaut  de  séchoir  artificiel,  on  soumet  les  cônes  à 
la  chaleur  solaire,  en  des  endroits  exposés  au  midi  et  bien 
abrités  contre  les  vents.  Les  graines  ainsi  obtenues  sont  mu- 
nies de  leurs  ailes;  si  elles  doivent  être  conservées  un  cer- 
tain temps,  il  estpréférable  de  les  laisser  intactes,  mais,  avant 
l'emploi,  il  convient  de  les  désailer.  Cette  opération  se  fait 
en  humectant  légèrement  la  graine  ;  on  la  met  ensuite  dans 
des  sacs  remplis  au  quart  environ,  et  qui  sont  secoués  par 


LE    ItnlM  Ml  [S  r    l'Ai;    SI  MIS. 


33  i 


des  ouvriers  tenant  chacun  deux   des  quatre  coins.  Le  net- 
toyage s'obtient  au  moyen  de  vans(l). 

Conservation  des  semences.  -  Les  fruits  lourds,  comme 
la  châtaigne,  le  gland  et  la  faîne,  moisissent  facilement;  il  est 
impossible  de  les  conserver  pendant  plus  d'un  hiver,  et  encore 
est-il  nécessaire  de  prendre  certaines  précautions  assez  déli- 
cates, car  il  faut  les  garantir  en  même  temps  contre  la  ger- 
mination (2),  la  moisissure,  le  froid,  le  dessèchement  et  la 
voracité  des  animaux.  C'est  dans  des  silos  qu'on  obtient 
les  meilleurs  résultats  ;  on  peut  aussi  renfermer  les  glands 
dans  des  tonneaux  percés  de  trous  et  qu'on  immerge  dans  de 
l'eau  courante.  Si  Ton  préfère  conserver  ces  semences  dans 
un  grenier,  —  ce  qui  est  également  bon,  —  on  doit,  aussitôt 
après  la  récolte  et  le  nettoyage,  les  étendre  au  soleil,  en 
couches  minces  ;  on  les  brasse  deux  ou  trois  fois  par  jour, 
si  elles  sont  très  humides.  Après  complet  dessèchement,  on 
les  place  par  couches  de  3  à  5  centimètres  d'épaisseur  sur  le 
plancher  d'un  grenier,  où  il  faut  les  remuer  tous  les  jours 
pendant  le  premier  mois,  —  ensuite,  une  fois  par  semaine. 
Une  forte  aération  du  grenier  est  nécessaire. 

La  graine  de  sapin  est  aussi  très  délicate,  à  peine  se  con- 
serve-t-elle  pendant  un  hiver. 

Celles  des  pin  d'Alep,  pin  pinier,  pin  cembro,  qui  ren- 
renferment  une  assez  grosse  amande,  rancissent  très  vite  et 
se  conservent  difficilement  au-delà  de  six  mois.  De  même 
les  semences  légères  et  sèches  de  plusieurs  bois  feuillus,  tels 
que  l'orme,  le  bouleau,  l'aune,  perdent  en  quelques  mois 
leurs  facultés  germinatives. 

Les  glands  de  charme,  les  samares  de  frêne,  quelquefois 
aussi  les  samares  d'érable,  restent  une  année  en  terre  avant 
de  germer;  on  les  stratifié  alors,  durant  un  an,  au  fond  de 
simples  rigoles  ouvertes  dans  un  terrain  sain  et  frais,  en  les 
recouvrant  de  10  à  15  centimètres  déterre.  La  graine  d'orme 
doit  être  semée  au  printemps,  aussitôt  après  dissémination  ; 

(1  Voir  les  articles  de  M.  Thil  sur  la  «.  Récolte  et  préparation  des 
graines  résineuses  »  {Bévue  des  eaux  et  forêts,  t.  XXIII,  1884). 

(2)  Une  température  de  -j-  4°  suffit  à  la  germination  des 
glands. 


332 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


le  même  procédé  permet  de  retarder  sa  germination  jusqu'au 
printemps  suivant. 

Toutes  les  autres  graines  se  conservent  plus  ou  moins 
longtemps  dans  des  greniers  bien  aérés,  où  l'on  a  la 
précaution  de  les  remuer  pour  éviter  réchauffement. 
Mais  la  conservation  d'une  semence  a  toujours  pour  effet 
d'en  altérer  peu  à  peu  la  vitalité,  jusqu'au  moment  où 
toute  faculté  germinative  est  perdue.  En  général,  plus  on 
s'éloigne,  en  semant,  de  l'époque  de  la  récolte,  plus  la  ger- 
mination est  irrégulière,  lente  à  se  produire,  et  moins  aussi 
les  plants  obtenus  ont  de  vigueur.  Le  tableau  suivant  con- 
tient le  résultat  des  essais  de  graines  de  différents  âges, 
poursuivis  par  M.  l'Inspecteur  Pierret  à  l'Ecole  forestière  des 
Barres. 


NOMBRE 

FACULTÉS 

DE    GRAINES. 

GERMINATIVES  (Tain  p.  100) 

ESSENCES. 

6 

il 
ex 

o 

<6 

-ai 
a 
a 
< 

O 

c 

< 

Ci 

<i 

c 
G 
< 

6 

a 
a 
< 

G--' 

a 
c 
< 

OBSERYUIONS. 

< 

< 

- 

M 

ée 

66.300 

136.000 

°/o 

°/o 

a 

71.800 
61.501) 

à 
165.000 
124.000 

74 

49 

28 

» 

5 

(iraiues  désailees. 

Pin  de  montagne. .  .< 

a 
'79.150 

à 
150.300 

72 

57 

50 

42 

25 

id- 

Pin  laricio  (noir). . . . 

28.045 

53.086 

76 

50 

» 

» 

5 

id. 

—        fde  Corse). 

33.684 

67.684 

77 

50 

» 

» 

5 

id. 

—        (des  Céveniies). 

31.649 
'    9.771 

66.600 
17.142 

74 

50 

» 

» 

5 

id. 

a 
f 11.363 

a 

19.176 

74 

68 

70 

74 

66 

<0can.,54O/O,iJ. 

27.055 
24.427 

52.763 
50.365 

74 
66 

68 
33 

65 

10 

» 

Graiiies  désailéw. 
id. 

Pin  Weymouth.   ... 

1.775 

3.412 

25-51 

3 

0 

0 

0 

id. 

Mélèze 

81.761 

65.312 

5. 941 

169.539 

122.386 

22.013 

39-44 
83 
? 

16-18 
53 

9 

5-8 
26 
1 

0 

7 

0 

» 

7 

id. 
id. 

Craints  ailées. 

Epicéa 

On  remarque  que  les  graines  des  essences  qui  vivent  dans 
les  stations  élevées  (mélèze,  pin  cembro)  n'ont  qu'une  très 
faible  faculté  germinative  et  la  conservent  moins  longtemps 


LE    BOISEMENT    PAB    BEMIS.  XVA 

que  celles  des  espèces  poussanl  dans  les  stations  chaudes 
(pin  maritime,  pin  d'Alep).  M.  Pierrel  attribue  ce  Fait  à  une 
maturation  insuffisante.  Néanmoins  le  pin  de  montagne  ferait 
exception. 

Il  semblerait  aussi  résulter  d'expériences  récentes,  entre- 
prises dans  les  pépinières  par  M.  de  Vilmorin,  que  la  macéra- 
tion dans  la  pepsine  donne  un  regain  de  vitalité  aux  vieilles 
graines. 

Pour  préserver  les  graines  de  toutes  essences  contre  la  vora- 
cité des  animaux  rongeurs  et  des  oiseaux,  aussi  bien  dans  les 
réserves  que  lors  de  la  mise  en  terre,  il  est  bon  de  les  enduire 
de  minium  rouge.  A  cet  effet,  on  saupoudre  les  tas  avec  une 
quantité  suffisante  de  minium,  et  le  mélange  intime  s'obtient 
par  les  brassages  successifs  destinés  à  prévenir  la  fermen- 
tation. 

Préparation  du  sol.  —  Quand  le  boisement  par  semis 
direct  est  justifié,  il  est  nécessaire,  le  plus  souvent,  de  faire 
subir  une  certaine  préparation  au  sol;  car  les  jeunes  plants 
naissants  risquent  d'être  étouffés  par  la  végétation  sauvage 
qui  les  environne,  et  dont  certaines  espèces  se  propagent  avec 
une  telle  rapidité,  qu'elles  ont  vite  raison  des  semis  les  mieux 
réussis.  En  terrain  calcaire,  ces  espèces  nuisibles  sont  très 
nombreuses;  en  sol  siliceux,  pour  être  moins  variées,  elles 
n'en  sont  pas  moins  dangereuses,  et  l'une  d'elles,  la  fétuque 
bleue  (Molinia  cœrulea),  constitue,  en  certaines  régions,  un 
des  principaux  obstacles  à  vaincre  pour  les  travaux  de  reboi- 
sement. Il  faut  donc  des  conditions  tout  à  fait  spéciales 
pour  justifier  le  semis  en  terrain  naturel. 

La  manière  de  préparer  le  sol  diffère  avec  son  état  superfi- 
ciel, les  conditions  de  couvert  et  la  composition  minéralogi- 
que;  mais  la  règle  est  partout,  et  toujours,  de  débarrasser  les 
parties  à  semer  de  la  vég'étation  herbacée  gênante,  et  d'ac- 
compagner cette  opération  indispensable  d'une  culture,  d'une 
façon,  qui  revient  à  défoncer  le  terrain  sur  une  profondeur 
variable.  Ce  défoncement  est  surtout  utile  quand  le  climat 
est  sec,  quand  le  sol,  par  sa  nature  et  son  exposition,  est 
sujet  à  se  dessécher.  La  culture,  en  effet,  a  les  résultats 
suivants  : 


334  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

1°  elle  augmente  les  facultés  d'imbibition  du  sol  à  l'égard 
des  eaux  atmosphériques  ; 

2°  la  couche  superficielle  ameublie  joue,  par  rapport  aux 
régions  plus  profondes  du  terrain,  avec  lesquelles  ses  liens 
sont  rompus,  le  rôle  d'une  couverture  morte  :  elle  diminue 
l'évaporation  ; 

3°  elle  permet  aux  jeunes  plants  de  développer  rapidement 
leur  appareil  radicellaire,  qui  pénètre  ainsi  dans  des  régions 
où  la  sécheresse  ne  se  fait  plus  trop  sentir; 

4°  la  destruction  de  la  végétation  herbacée,  dont  elle  est  le 
corollaire,  entraîne  la  disparition  de  tout  un  monde  de  plantes 
qui  feraient  aux  jeunes  semis  une  trop  rude  concurrence 
dans  la  lutte  pour  l'eau. 

Par  contre,  dans  les  stations  où  les  accidents  de  gel  et  de 
dégel  sont  à  craindre,  la  culture  augmente  les  chances  du  dé- 
chaussement. 

En  toutes  circonstances,  il  faudra  veiller  à  ce  que  la  graine 
se  trouve  en  contact  avec  la  partie  de  la  terre  la  plus  riche 
en  terreau,  parce  qu'elle  est,  en  même  temps,  la  plus  hygro- 
métrique et  la  plus  perméable;  on  évitera  donc  le  brassage 
complet  de  la  terre,  en  ayant  soin  de  laisser  en  place  la 
couche  superficielle,  sans  ramener  à  la  surface  la  terre  miné- 
rale pauvre  des  parties  plus  profondes  ;  le  contraire  a  lieu 
quand  il  s'agit  de  plantations.  Pour  profiter  de  l'humidité  si 
nécessaire  à  la  germination,  il  est  bon  de  ne  faire  cette  cul- 
ture qu'au  moment  de  répandre  la  graine. 

Les  différents  modes  de  semis.  —  Dans  l'exécution  des 
semis,  on  distingue  plusieurs  méthodes,  dont  les  principales 
sont  les  suivantes  :  semis  en  plein,  —  par  places,  —  par 
bandes  alternes  continues  ou  brisées,  — par  potets,  —  sur 
terrain  non  préparé,  —  et  semis  expédiiifs. 

Semis  en  plein  ou  à  la  volée.  —  Le  semis  en  plein  consiste 
à  ensemencer  régulièrement  le  terrain  après  en  avoir  nettoyé 
avec  soin  toute  la  superficie.  Il  se  justifie  quand  le  sol 
a  déjà  subi  une  préparation  en  vue  d'une  culture  agricole,  ou 
lorsque  le  travail  ne  coûte  rien  (extraction  de  souches  ou  de 
bruyères  ;  d'ailleurs  l'emploi  de  la  charrue,  mode  qui,  au 
point   de  vue  économique,   est  le  plus  avantageux,  permet, 


LE    uni  M  Ml  \  r    P  \lt    SEMIS, 


335 


en  môme  temps  qu'on  l'ail  le  semis  de  graines  forestières, 
d'obtenir  une  récolte  de  céréales.  Lé  semis  en  plein  n'est 
applicable  que  dans  les  terrains  en  plateau  ou  en  pente  légère  ; 

en  montagne,  la  terre  ne  saurait  être  ameublie  en  plein, 
sans  dangers   de  ravinements.    Il   faut  aussi    que  la   graine 

soit  à  très  bas  prix  ;  car,  sous  cette  forme,  le  semis  en 
absorbe  une  grande  quantité. 

Semis  par  places.  Ce  n'est  autre  ebose  qu'un  semis  en 
plein  localisé  sur  de  petits  espaces  de  forme  et  de  contenance 
variables,  sur  des  places,  en  un  mot,  eboisies  à  cet  effet. 
Cette  méthode  économise  les  soins  et  le  travail;  mais  l'en- 
semble reste  parfois  irrégulier,  surtout  si  quelques  places  voi- 
sines Tune  de  l'autre  viennent  à  manquer  ;  de  plus  l'enva- 
hissement par  les  herbes  est  toujours  à  craindre. 

Elle  trouve  son  application  dans  les  trois  cas  suivants  : 

1°  en  forêt,  pour  compléter  une  régénération  naturelle  in- 
suffisante ; 

2°  en  forêt,  encore,  pour  créer  des  placeaux  d'une  essence 
précieuse  au  milieu  des  espèces  spontanées  ; 

3°  enfin  dans  les  terrains  nus  où  la  roche  formant  sous  sol, 
est  à  une  profondeur  notable  sur  certains  points,  tandis 
qu'elle  affleure  tout  à  côté.  On  ensemence  alors  les  bons  en- 
droits :  les  autres  se  regarniront  dans  la  suite  par  voie  na- 
turelle ou  par  plantation,  quand  les  îlots  de  verdure  obtenus 
leur   auront   assuré  un  peu  d'ombre  et  de  fraîcheur. 

Dans  de  pareilles  conditions,  l'emploi  de  la  charrue  est  im- 
possible, et  c'est  la  pioche  ou  la  bêche  qui  préparent  le  terrain. 

Semis  par  bandes  continues  ou  brisées.  —  On  divise  la 
surface  à  reboiser  en  bandes  parallèles,  plus  ou  moins  larges 
et  plus  ou  moins  éloignées  entre  elles,  dont  les  unes  sont  cul- 
tivées et  ensemencées,  quand  les  autres  restent  en  friche. 
Ces  semis  exigent  moins  de  graines  que  les  précédents,  ils 
donnent  aussi  plus  de  facilité  pour  soigner  les  jeunes  plants  ; 
ils  joignent  à  cela  l'avantage  de  permettre  le  maintien,  dans 
les  intervalles  incultes,  de  la  végétation  naturelle,  dont  l'abri 
sera  d'un  grand  secours  contre  les  effets  du  soleil,  des  vents 
et  des  eaux  pluviales  et  dont  la  présence  active  la  condensa- 
tion des  rosées. 


336  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

La  largeur  des  bandes  cultivées  est  comprise  entre  0m,50 
et  1  mètre;  plus  le  sol  a  de  tendances  à  s'enherber,  plus  les 
bandes  doivent  être  larges;  on  les  diminue,  au  contraire,  à 
mesure  que  la  pente  augmente.  L'espace  inculte  varie  de  1  à 
3  mètres,  suivant  les  essences  employées,  en  tenant  compte 
de  ce  fait  que  plus  les  bandes  cultivées  sont  écartées,  plus 
tard  aussi  se  forme  le  fourré. 

Chaque  fois  que  cela  sera  possible,  les  bandes  seront  ouver- 
tes à  la  charrue  ;  mais,  quand  le  sol  est  pierreux,  peu 
profond,  encombré  de  racines,  ou  si.  les  pentes  sont  accusées, 
cette  préparation  se  fait  à  bras  d'homme.  Si  la  charrue  est 
recommandable  à  tous  égards  dans  les  terres  abandonnées 
par  la  culture,  le  versoir  présente,  dans  les  friches,  l'incon- 
vénient de  ramener  à  la  surface  la  terre  sauvage  ;  alors  nous 
préférons  la  houe. 

Quand  le  terrain  est  plat  ou  peu  incliné,  il  faut  toujours 
ouvrir  les  bandes  dans  la  direction  Est-Ouest;  la  végétation 
des  parties  incultes,  aussi  bien  que  le  bourrelet  formé  par  les 
terres  provenant  des  cultures,  servent  d'écran  du  côté  du 
Midi.  Dès  que  les  pentes  atteignent  7  ou  8  p.  100,  il  faut  né- 
cessairement tracer  des  bandes  horizontales,  c'est-à-dire 
suivant  la  direction  perpendiculaire  à  la  ligne  de  plus  grande 
pente  ;  le  fond  cultivé  en  est  réglé  et  nivelé  avec  un  léger 
dévers  du  côté  d'amont.  Jamais  elles  ne  sont  ouvertes  dans 
le  sens  des  pentes,  car  il  se  produit  alors  des  ravinements  et 
les  eaux  ruisselantes  entraînent  les  graines. 

En  montagne,  il  est  impossible  d'obtenir  une  horizontalité 
parfaite,  à  moins  de  frais  supplémentaires  et  très  superflus; 
d'autre  part,  s'il  existe  la  moindre  pente,  les  eaux  s'amas- 
sent dans  les  parties  basses  et  provoquent  un  commencement 
de  ravinement.  Dans  ces  conditions,  il  est  préférable  de 
briser  les  bandes,  c'est-à-dire  de  ne  les  ouvrir  que  par  tron- 
çons de  5  à  G  mètres  de  longueur,  séparés  entre  eux,  dans  le 
sens  de  leur  direction,  par  des  intervalles  incultes  de  lm,50 
à  3  mètres;  ceux-ci  sont  disposés  de  telle  sorte  que  le  milieu 
de  la  partie  cultivée,  dans  la  ligne  supérieure,  corresponde 
avec  le  milieu  de  l'espace  inculte  dans  la  ligne  inférieure. 

Semis  par  trous  ou  potets.  —  Ce  genre   de  semis  se  fait 


I.K    B0ISEM1  \  r    P  \n    BEMIS.  'Mil 

en  plaçant  les  semonces  une  à  une,  ou  <lii  faible  quantité, 
dans  des  Irous  pins  on  moins  profonds  préparés  à  cel  effet  el 
symétriquement  disposés.  Le  procédé  esl  économique;  mais 

il  expose  à  des  insuccès  nombreux  ;  car,  si  les  jeunes  semis 
courent  peu  de  risques  de  la  part  des  animaux  fouisseurs,  el 
surtout  des  vers  blancs  qui  éprouvent  de  la  difficulté  à  forer 
leurs  galeries  d'un  potetà  l'autre,  ils  ont,  parconlrc,  à  souffrir 
des  herbes  qui  les  envahissent  par  quatre  côtés  à  la  fois. 

Semis  sur  terrain  non  préparé.  —  Pour  que  cette  mé- 
thode offre  des  chances  réelles  de  succès,  il  faut  tout  à  la  fois: 

1°  que  le  sol  soit  naturellement  meuble  ; 

2°  que  la  graine  coûte  très  bon  marché  ; 

3°  que  les  semis  de  l'essence  employée  aient  une  végétation 
rapide  qui  leur  permette  de  lutter  contre  les  plantes  sau- 
vages. 

Ces  trois  conditions  se  trouvent  réalisées  dans  la  dune 
blanche  des  côtes  de  l'Océan,  où  le  pin  maritime,  semé  à  la 
volée  sur  le  sable  nu,  fait  merveille,  sous  réserve  de  couver- 
tures qui  empêchent  le  décapage  par  le  vent;  mais,  si  le  sable 
est  envahi  par  une  végétation  basse  qui  lui  donne  de  la  cohé- 
sion, la  pioche  doit  intervenir. 

Parfois,  dans  les  landes  montagneuses  du  Plateau  central, 
afin  d'éviter  les  frais  d'arrachage  de  la  bruyère,  les  semeurs 
répandent  les  graines  de  pin  sylvestre  sans  aucun  travail 
préalable,  et  se  font  suivre  par  un  troupeau  de  moutons  ; 
ceux-ci  secouent  la  bruyère  et  font  tomber  les  graines  sur  le 
sol  où  leur  piétinement  les  recouvre  suffisamment.  Mais  il 
faut  constater  que  les  mécomptes  sont  aussi  fréquents  que 
les  résultats  acceptables. 

Ce  genre  de  semis  est  plus  justifié  dans  les  terrains  rocail- 
leux de  la  haute  montagne,  au  pied  des  escarpements,  sur  les 
cônes  déboulis  désignés  dans  les  Alpes  sous  le  nom  de 
clappes,  où  toute  culture  est  impossible;  là,  d'ailleurs,  si  le 
sol  n'esl  pas  précisément  meuble,  du  moins  est-il  toujours 
frais,  et  la  graine  trouve  des  abris  dans  les  interstices  des 
pierres;  d'autre  part,  si  la  végétation  des  jeunes  semis  est 
très  lente,  du  moins  n'a-t-elle  pas  de  concurrents  sérieux 
dans  les  touffes  de  gazon,  les  mousses  et  les  lichens  qui  ont 
Boppe  et  Jolyet.  22 


338  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

assez  à  faire  de  lutter  contre  la  rigueur  du  climat.  On  sème 
alors  soit  sur  la  neige,  soit  sur  terrain  nu,  sans  aucun  tra- 
vail préalable. 

Le  semis  sur  terrain  nu  se  fait  toujours  en  plein.  Dans  les 
pentes  rocheuses,  clappes  ou  autres,  il  faut  avoir  soin  de 
lancer  fortement  la  semence  par  un  mouvement  de  bas  en 
haut,  de  façon  que  les  graines,  pénétrant  sous  les  pierres 
aussi  avant  et  en  aussi  grand  nombre  que  possible,  soient  pré- 
servées contre  la  sécheresse  et  l'entraînement  par  les 
eaux. 

Le  semis  sur  la  neige  se  pratique  en  répandant  la  graine, 
à  la  volée  et  en  notable  quantité,  quand  la  surface  est  encore 
recouverte  de  névés  assez  résistants  pour  que  le  parcours  n'en 
soit  pas  trop  pénible.  On  choisit  un  temps  calme,  par  une 
belle  journée  de  printemps,  afin  que  les  graines  répandues 
dans  la  matinée  puissent  pénétrer  de  quelques  millimètres 
dans  la  neige  fondue  par  les  rayons  du  soleil  ;  cela  suffit  pour 
qu'elles  ne  soient  plus  balayées  par  le  vent.  Pour  qu'on 
puisse  compter  sur  un  succès,  il  est  indispensable  que  le 
terrain  couvert  de  neige  soit  susceptible  d'être  reboisé  par 
semis  direct,  c'est-à-dire  qu'il  ne  soit  pas  exposé  au  soulève- 
ment après  la  fonte  des  neiges.  Il  est  évident  que,  partout 
où  le  déchaussement  est  à  craindre,  le  semis  ne  réussira  pas 
mieux  sur  la  neige  que  sur*  le  même  sol  nu  ;  c'est  certaine- 
ment pour  ne  pas  s'être  rendu  compte  de  ce  fait  que  bien 
des  insuccès  ont  été  reprochés,  à  tort,  à  ce  procédé  qui 
peut  rendre  de  très  utiles  services,  car  il  permet,  en  même 
temps,  d'opérer  à  une  époque  où  tout  autre  travail  est  impos- 
sible, et  d'utiliser  tous  les  instants  d'une  saison  de  végéta- 
tion très  courte:  les  graines  ainsi  répandues  arrivent,  enelTet, 
sur  le  sol  dans  des  conditions  de  macération  éminemment  fa- 
vorables à  leur  prompte  germination. 

Semis  expéditifs.  —  Ces  méthodes  varient  suivant  la  na- 
ture du  terrain,  les  outils  dont  on  dispose,  et  la  grosseur  des 
semences,  lesquelles  ne  sont  pas  répandues  à  la  volée  sur  un 
sol  non  préparé;  mais  le  travail  très  sommaire,  consiste  à  obte- 
nir, en  un  tour  de  main,  tout  à  la  fois  l'enfouissement  dune 
pincée  de  graines  de  distance  en  distance,  à  la  profondeur 


LE    BOISEMENT    l'Ait    BBMIS.  339 

voulue,  —  et  une  légère  façon,  toute  locale,  dont  bénéficiera  le 

jeune  semis. 

Ainsi,  pour  repiquer  des  glands  OU  des  laines,  il  sullit  de 
soulever  une  molle  de  gazon  avec  le  tranchant  d'une  houe  ; 
on  jette  deux  ou  trois  semences  dans  cette  ouverture,  et,  avec 
le  pied,  on  presse  légèrement  la  terre. 

Quand  il  s'agit  de  graines  légères,  on  peut,  d'un  seul  coup 
de  pioche,  rompre  la  couverture  vivante;  puis,  sur  la  terre 
émieltée,  on  répand  une  pincée  de  semences  qu'on  recouvre 
légèrement  à  la  main  de  façon  à  les  cacher  à  la  vue.  Souvent 
encore,  avec  un  sarcloir,  avec  une  petite  herse  spéciale,  ou 
même,  simplement,  avec  le  fer  d'un  piolet  ou  l'extrémité 
d'un  bâton  ferré,  on  gratte  la  surface  du  sol  pour  faire  un 
placeau  où  l'on  jette  la  graine. 

Ces  modes  de  semis,  économiques  avant  tout,  se  recomman- 
dent pour  compléter  les  régénérations  naturelles  dans  les  ter- 
rains boisés.  Ils  trouvent  encore  leur  application  clans  les 
friches,  lorsque  l'état  d'ameublissement  du  sol  et  l'humidité 
constante  du  climat  les  rapprochent  des  conditions  précé- 
dentes ;  ainsi,  clans  les  grandes  altitudes,  ou  dans  une  région 
froide  quelconque,  quand  le  sol  n'est  couvert  que  d'un  gazon 
court  et  qui  reste  vert  toute  l'année.  Ils  s'imposent  même  dans 
les  terres  mobiles,  croulantes,  en  partie  dépourvues  de  végé- 
tation, où  toute  culture  quelque  peu  étendue  serait  dange- 
reuse ;  on  cherche  alors,  pour  les  ensemencer,  les  points  les 
plus  stables,  soutenus  par  une  touffe  d'herbe  ou  abrités  par 
un  bloc,  et  on  mélange  avec  la  graine  forestière  la  semence 
d'une  plante  herbacée  rustique,  à  végétation  rapide,  qui  con- 
solide temporairement  le  terrain. 

Parmi  les  différents  outils  en  usage,  nous  devons  une  men- 
tion spéciale  aux  semoirs  de  M.  l'inspecteur  Prouvé,  qui  con- 
sistent en  un  tube  de  métal  de  la  longueur  d'un  manche  de 
bêche,  du  diamètre  d'une  pièce  de  cinq  francs,  dont  l'extré- 
mité inférieure  est  terminée  par  une  houlette  permettant  de 
creuser  le  sol  ou  d'en  ameublir  la  surface.  Le  tube  du  semoir 
conduit  naturellement  dans  cette  sorte  de  potet  les  deux  ou 
trois  glands  qu'on  y  laisse  glisser  sans  avoir  la  peine  de  se 
baisser  ;    parfois   même,    il   constitue  un    véritable  réservoir 


340  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

contenant  une  provision  de  menues  graines,  dont  un  déclan- 
chement  très  simple  fait  tomber,  à  la  volonté  de  l'ouvrier, 
la  quantité  suffisante. 

Hâtons-nous  d'ajouter  que  l'emploi  d'un  outil,  quelque 
perfectionné  qu'il  soit,  ne  remplace  jamais  une  bonne  prépa- 
ration du  sol. 

Répandage  de  la  semence.  —  On  n'a  aucun  intérêt  à  se 
servir  des  semoirs  mécaniques  :  la  main  suffit.  Dans  le  semis 
en  plein,  on  jette  la  graine  à  la  volée,  après  l'avoir  intime- 
ment mélangée,  s'il  y  a  lieu,  avec  une  demi-semence  de 
céréales  ;  dans  les  semis  par  bandes  ou  par  potets,  on  répand 
la  graine  en  ayant  soin  de  la  laisser  tomber  assez  près  de  la 
terre  pour  qu'elle  ne  soit  pas  emportée  par  le  vent  dans  les 
parties  incultes.  Partout,  on  facilite  la  répartition  des  graines 
légères  en  les  mélangeant  au  préalable  avec  plusieurs  fois  leur 
volume  de  sable  bien  sec.  Pour  bien  régler  le  répandage,  il  est 
prudent,  dès  le  début,  de  répartir  la  semence  et  le  terrain  en 
une  même  quantité  de  fractions  égales. 

Quantité  de  semences  à  employer.  —  La  quantité  de 
semences  à  employer  varie  avec  le  sol,  avec  la  pente  et  le 
climat  local  ;  elle  augmente  avec  les  dangers  qui  menacent  les 
jeunes  plants  pendant  les  premières  années  :  sécheresses, 
gelées,  ravages  des  animaux,  etc..  ;  elle  dépend,  enfin,  de  la 
grosseur  de  la  semence,  du  mode  de  culture  donné  au  sol,  de 
la  qualité  même  de  cette  graine  et  de  la  saison  des  semis. 

Nous  résumons  ci-après  un  tableau  publié  par  Y  Agenda 
du  Forestier  (1),  et  dressé  d'après  les  travaux  de  MM.  Bou- 
quet de  la  Grye,  Caquet,  Mathieu,  Fliche,  Pierret  et  autres  : 

(1)  Agenda,  du  Forestier,  année  1900.  Édite  par  Paul  Jacquin,  à  Be- 
sançon, sous  les  auspices  de  la  Société  forestière  de  Franche-Comté  et 
Belfort. 


LE    BOISEMENT    l'Ait    h:\iis. 


341 


ESSENCES. 


Aune 

Bouleau 

Charme 

Châtaignier 

Chênes  rouvre 
et  pédonc 

Epicéa 

Erable  symoc . . 

Frêne. ...    

Hêtre 

Mélèze 

Orme  (ailé) 

Pin  sylvestre.. . 

Pin  à  crochet.. . 

Pin  laricio  (Corse). 

Pin  noir  d'Au- 
triche  

Pin  maritime. . . 

Pin  Alep 

Pin  Cembro. . .  . 

Robinier,  f.  acac. 

Sapin  (ailé) 

Tilleul 


MARCHE  BT  Dl  RI  I 
DU  LA 

GERMINATION. 


3-6  semaines. 
4-5         — 
Souv.  2e  année. 
3-6  semaines. 

4-6  — 
4-6  — 
4-6  — 
4-6  — 
3-4  — 
3-5  — 
2-3  — 
3-6  — 
Levée  as.  rapide 
id. 

Levée  rap.,  15  j, 

id. 

id. 

Germ.  lente,  irr. 

2-4  semaines. 

3-6         — 

Souv.   2e  année. 


«  j 


!"  es 


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30 
45 

50 

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70 
70 

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60 
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75 
70 
77 

75 
75 
75 
55 
55 
60 
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(il  IITITÉ  DI  6B1III1  IICIU1IRU 

l'iillt  KMEHRCER  l\  DECT11I. 


325 

90 

415 

500 

5  7  5 
530 
130 
170 
415 
480 
45 
500 
480 
500 

520 
590 
510 
520 
150 
250 


Semis  en 
plein. 


0,6 

4 
6 
8 

8-12 
0,17 
3 

2,5-3 
6,8 
0,6 
6 

0,16 
0,17 
0,20 

0.20 
0,20 
0,20 


M   C3 


tf. 


15-20 
30-40 
60-70 
3-500 

4-600 

9 

40-45 
40-50 
250-  300 

30 

20 

8-10 
8 

10 

12 
12 

10 

» 

20-22 

75-80 


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1,5 

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5-12 

» 

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3,5 

4 

4 

5 

4 

» 
12 
50 


Ces  chiffres  peuvent  être  doublés,  triplés  même,  si  les  con- 
ditions sont  particulièrement  mauvaises.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  qu'il  n'est  pas  exagéré  d'employer  jusqu'à  40  kilo- 
grammes de  graine  désailée  de  mélèze,  d'épicéa  ou  de  pin  de 
montagne  pour  les  semis  à  la  volée  sur  la  neige. 

Saison  favorable  pour  faire  les  semis.  —  Le  temps  le 
plus  propice  pour  faire  les  semis  serait  celui  où  la  graine 
mûre  se  dissémine  naturellement.  Mais  l'opération  n'est  pas 
toujours  possible  à  cette  époque  pour  les  motifs  suivants  :  la 
préparation  de  la  graine  récoltée,  surtout  quand  il  s'agit  de 
cônes  résineux,  exige  un  certain  temps;  —  à  cause  des  varia- 
tions dans  les  prix  de  main-d'œuvre,  c'est  une  question  d'éco- 
nomie qui  fera  préférer  le  printemps  ou  l'automne;  —  enfin 


342  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

la  mise  en  état  du  sol  rend  souvent  désirable  l'ajournement 
des  semis. 

En  général,  pour  les  semences  qui  mûrissent  vers  la  fin  de 
l'été,  en  automne  et  en  hiver,  le  mieux  est  de.  les  conserver 
jusqu'au  printemps  et  de  les  semer  alors  seulement.  Em- 
ployées en  automne,  la  plupart  des  graines  sont  exposées  à  la 
voracité  des  animaux  et  les  jeunes  plants,  qui  apparaissent  de 
bonne  heure  au  printemps  sur  une  surface  manquant  d'abri, 
sont  souvent  atteints  par  les  gelées  tardives. 

On  peut  admettre  le  semis  d'automne  pour  les  graines  qui 
se  gardent  difficilement,  celles  du  sapin  pectine  et  des 
pins  à  grosses  amandes,  les  glands  et  les  faînes  ;  cepen- 
dant, si  on  a  de  bons  moyens  de  les  conserver,  le  semis  de 
printemps  sera  préférable  ;  cette  dernière  saison  devra  être 
adoptée  pour  toutes  les  autres  essences.  En  un  mot,  la  saison 
des  semis  doit  être  choisie  de  telle  sorte  que  la  germination 
s'opère  le  plus  vite  possible,  afin  que  la  graine,  puis  les  jeunes 
plants,  traversent  rapidement  la  phase  où  de  nombreux  dan- 
gers les  menacent  ;  c'est-à-dire  assez  tôt  pour  qu'ils  profitent 
de  l'humidité  du  sol  au  sortir  de  l'hiver,  pas  trop  tôt  cepen- 
dant avant  les  premières  chaleurs  du  printemps. 

Application  aux  essences  sociales.  —  Les  résultats  du  boi- 
sement par  semis  direct  se  font  longtemps  attendre,  car  la 
végétation  des  plants  forestiers  est  souvent  très  lente  dans 
les  premières  années.  Il  faut  s'armer  de  patience  et  se  garder 
de  toute  comparaison  avec  les  régénérations  naturelles  en 
forêt;  autrement,  les  semis  faits  de  main  d'homme  paraîtront 
toujours  trop  rares.  Dès  qu'on  est  assuré  de  la  réussite  d'un 
plant  par  mètre  carré,  on  a  lieu  d'être  satisfait;  en  vouloir 
davantage,  serait  exagérer  inutilement  la  dépense.  Ce  résultat 
obtenu,  on  doit  savoir  oublier  les  boisements,  —  en  les  surveil- 
lant, —  et,  quelques  années  plus  tard,  on  sera  fort  surpris  de 
trouver  le  fourré  formé,  là  où  l'on  croyait  ne  rencontrer  que 
des  brins  trop  espacés. 

Les  semis  des  essences  disséminées,  qui  ne  comportent  pas 
l'état  de  massif  pur,  ne  se  font  généralement  qu'en  pépinière. 
On  ne  considérera  donc  ici  que  ceux  des  espèces  sociales. 
Le  chêne,  essence  de  lumière,  peut  être  semé  en  plein  dé- 


LE    BOISEMENT    l'Ail    SEMIS.  343 

couvert;  le  semis  csi  alors  préféré  ;'i  la  plantation  à  cause  de 
la  longueur  de  pivot  qui  rend  celle  dernière  opération  oné- 
reuse et  difficile.    Dans  les   terres  suffisamment   profondes, 

l'emploi  de  la  charrue  esl  (nul  indiqué  ;  après  un  premier 
labour  en  plein,  qui  ameublit  le  sol  et  que  Ton  peut  faire  à 
l'automne,  on  dispose  les  glands  dans  des  sillons  parallèles  (pic 
le  versoir  de  l'instrument  recouvre  à  un  second  passage;  tan- 
tôt, on  laisse  inculte  les  espaces  de  lm,50à  '2  mètres  qui  sépa- 
rent deux  lignes  de  glands;  —  tantôt  on  donne  une  culture 
complète  au  terrain  sur  lequel  on  fait  une  demi-emblavure 
de  céréales  ;  —  tantôt,  ce  qui  vautmieux  encore,  on  occupe  les 
interlignes  avec  des  pommes  de  terre  plantées  aussi  à  la  char- 
rue, et  qui,  plus  que  l'avoine,  le  seigle  ou  le  blé,  et  jusque 
dans  les  premiers  jours  de  septembre,  entretiennent  le  sol 
dans  un  état  de  propreté  et  de  fraîcheur  dont  profitent  les 
chênes;  —  tantôt  on  abrite  les  rigoles  par  des  plantations  de 
bouleaux  ou  des  boutures  de  saule  marceau.  Dans  les  friches, 
on  peut  procéder  par  bandes  ou  par  potets.  Pour  les  glands 
surtout,  le  semis  de  printemps  est  préférable  à  celui  d'au- 
tomne, à  cause  des  dégâts  auxquels  ils  sont  exposés  en  hiver. 
Les  glands  devant  être  recouverts  de  4  à  6  centimètres  de. 
terre  seulement,  le  fer  de  la  charrue  sera  réglé  en  Conséquence. 
Le  semis  expéditif,  en  forme  de  repiquage,  est  le  plus  écono- 
mique et  donne  de  bons  résultats  avec  une  dépense  par  hec- 
tare de  3  à  4  hectolitres  de  glands  et  4  à  5  francs  de  main 
d'œuvre. 

En  pays  de  plaines,  de  collines  ou  de  basses  montagnes,  le 
semis  de  hêtre  ne  doit  être  tenté  qu'en  forêt.  On  repique 
alors  les  faînes  à  la  houe,  comme  les  glands.  Ces  faînes,  qui 
se  conservent  difficilement,  peuvent  être  semées  en  automne. 
Quand  on  a  su  les  garder  jusqu'au  printemps, il  est  extrêmement 
important  de  les  mettre  en  place  toutes  fraîches  et  aussitôt 
après  la  sortie  des  réserves  où  elles  sont  stratifiées;  car,  si  les 
semences  ont  déjà  germé,  il  suffit,  en  cet  état,  qu'elles 
soient  exposées  à  l'air  quelques  instants,  pour  être  perdues  ; 
c'est  seulement  pour  les  semis  à  faire  en  pépinière,  lorsque 
la  distance  entre  les  réserves  et  les  bandes  est  assez  faible 
pour  que  le  transport  se  fasse  à  la  minute,  qu'on  peut  avoir 


344  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

intérêt  à  les  faire  germer  avant  la  mise  en  place.  Sur  les  sols 
granitiques  et  schisteux  des  Cévennes,  aux  altitudes  de  1 ,200  à 
1,500  mètres,  on  est  parvenu  à  installer,  en  terrain  nu  et  par 
voie  de  semis,  de  jeunes  massifs  du  meilleur  aspect  sur  des 
points  où  la  violence  du  vent  s'opposait  à  la  bonne  venue  des 
espèces  résineuses  les  plus  rustiques;  on  procède  de  la  ma- 
nière suivante  :  on  ouvre  une  rigole  orientée,  si  la  pente  le 
permet,  suivant  la  direction  Est-Ouest,  et  à  laquelle  on  donne 
15  centimètres  de  profondeur  et  10  centimètres  de  largeur; 
on  forme  avec  le  déblai  une  sorte  de  butte  sur  le  bord  Sud 
de  cette  rigole  ;  après  avoir  bien  ameubli  la  terre  du  fond, 
on  y  sème  les  faînes,  à  raison  de  un  litre  par  5  mètres  cou- 
rants, et  on  les  recouvre  de  8  centimètres  déterre.  Dès  la  levée, 
on  comble  progressivement  la  rigole  avec  la  terre  de  déblai 
jusqu'à  la  hauteur  des  feuilles  cotylédonaires  d'abord,  des 
feuilles  vraies  ensuite,  et  cela  jusqu'à  épuisement  de  la  terre 
en  réserve.  On  entretient  ainsi  toujours  fraîche  la  zone  où  se 
trouvent  les  racines  des  jeunes  plants,  qui  peuvent,  dès  lors, 
résister  à  la  sécheresse  du  premier  été.  Le  même  procédé  peut 
être  employé  dans  les  pépinières,  en  réduisant  l'espacement 
entre  les  bandes  à  la  place  strictement  nécessaire  pour  ins- 
taller les  buttes,  c'est  d'ailleurs  celui  qui  est  indiqué  par  Gotta 
et  rappelé  par  MM.  Lorentz  et  Parade.  [Cours  de  culture  des 
bois,  §  720).  Mais  la  réussite  ne  tient  pas,  comme  le  croyaient 
les  auteurs,  à  une  sensibilité  extrême  de  la  tigelle  aux  rayons 
lumineux,  mais  à  ce  fait  que  la  terre  rapportée  protège  les 
racines  contre  le  dessèchement  superficiel.  —  Les  semis  artifi- 
ciels de  cette  espèce  semblent  plus  exposés  que  les  régénéra- 
tions naturelles  aux  dégâts  d'un  champignon  :  Peronospora 
in  f es  tans. 

Le  semis  de  charme  peut  se  faire  à  la  volée,  en  forêt,  dans 
les  sols  frais  et  sous  l'abri  interrompu  d'une  coupe  secondaire. 
En  plein  découvert  et  dans  les  sols  exposés  à  se  dessécher, 
cette  essence  aurait  peu  de  chances  de  réussir  à  cause  de  la 
faiblesse  de  son  enracinement;  un  peu  de  fraîcher  ou  l'abri  de 
quelques  broussailles  sont  nécessaires;  il  est  d'ailleurs  indis- 
pensable, dans  ces  sols  nus,  toujours  tassés,  d'enfouir  la  se- 
mence de  charme  à  1  ou  2  centimètres  de  profondeur. 


LE    BOISEMENT    PAB    BEMIS, 


345 


Le  semis  de  sapin  pectine  ne  réussi!  bien  qu'en  forôl,  à 
l'abri  d'un  peuplement  déjà  formé  ;  alors,  il  peut  se  l'aire  par 
bandes  ou  par  places.  Un  moyen  économique  de  L'installer 
consiste  à  racler  la  surface  du  sol,  sur  des  placeaux  de  '25  cen- 
timètres de  côté,  en  donnant  un  léger  ameublissement  super- 
ficiel; dans  chacun  de  ces  placeaux,  on  désarticule  un  cône 
frais  cueilli.  11  faut  à  la  graine  de  sapin  un  sol  riche  en  ter- 
reau et  un  recouvrement  d'un  demi  centimètre  de  terre.  On 
sait  que,  pour  elle,  le  semis  d'automne  est  préférable  à  celui 
du  printemps. 

Les  semis  d'épicéa  se  font  au  printemps,  par  bandes  ou  par 
potets  ;  ils  demandent  un  sol  bien  préparé  et  surtout  débar- 
rassé des  mauvaises  herbes.  On  recouvre  la  graine  légère- 
ment de  manière  que,  par  une  pluie,  même  assez  forle, 
elle  ne  puisse  pas  être  mise  au  jour  ;  on  obtient  ce  résultat 
en  remuant  la  graine  répandue  sur  le  sol  avec  un  râteau  à 
dents  courtes,  ou  en  passant,  en  forme  de  hersage,  un  fagot 
d'épines  sur  les  parties  ensemencées.  Les  jeunes  plants  faible- 
ment enracinés,  dont  la  croissance  est  lente,  sont  exposés  à 
être  soulevés  parla  gelée  d'hiver  ;  par  contre,  les  gelées  prin- 
tanières  ne  leur  font  que  peu  ou  point  de  mal.  Dans  les  sta- 
tions basses,  les  épicéas  demandent  un  ombrage  modéré  ; 
ils  réussissent  néanmoins  en  plein  découvert,  si  le  climat  n'est 
ni  trop  chaud,  ni  trop  sec. 

De  toutes  les  essences  feuillues  ou  résineuses,  le  pin  syl- 
vestre est,  avec  le  chêne  et  les  pins  méridionaux,  celle  qui 
s'installe  le  mieux  par  semis  direct.  En  toutes  stations,  il  ac- 
cepte le  plein  découvert;  il  préfère  les  terrains  siliceux,  mais 
réussit  généralement  dans  tous  les  sols,  pourvu  qu'ils  soient 
graveleux.  Tous  les  modes  de  semis  lui  sont  applicables  :  le 
semis  en  plein  avec  une  demi  semence  de  céréales,  tout  aussi 
bien  que  le  semis  par  bandes  ou  par  potets.  C'est  avec  le 
pin  sylvestre  seul  qu'ont  parfois  réussi  les  semis  sur  bruyères, 
en  terrain  non  préparé.  A  côté  de  ces  avantages,  il  est  regret- 
table que,  clans  leur  première  jeunesse,  les  semis  de  pin  syl- 
vestre soient  sujets  à  la  maladie  cryptogamique  dite  du  rouge, 
connue  en  Allemagne  sous  le  nom  de  schùtte,  et  dont  les 
dégâts  prennent  la  proportion  d'un  véritable   fléau.  Si,  à   la 


346  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

rigueur,  un  traitement  convenable  peut  atténuer  le  mal  dans 
les  pépinières,  il  n'y  a  aucun  remède  pratique  à  recommander 
pour  les  semis  en  place  ;  la  plantation  de  sujets  sains  et  assez 
âgés  pour  avoir  dépassé  l'époque  de  la  crise  sera  la  seule 
bonne  solution.  Les  semis  naturels  échappent  heureusement 
en  grande  partie  à  ce  danger. 

En  sol  calcaire,  le  pin  noir  d'Autriche  se  comporte  mieux 
que  le  pin  sylvestre:  il  est  d'ailleurs  aussi  rustique,  et  peut 
être  employé  de  la  même  manière;  toutefois,  comme  sa  graine 
est  toujours  d'un  prix  assez  élevé,  il  vaut  mieux,  en  général, 
procéder  par  plantation. 

A  cause  de  la  rapidité  de  sa  croissance,  de  la  valeur  des 
produits  divers  qu'on  en  retire  et  surtout  de  son  extrême  fru- 
galité, le  pin  maritime  est  l'essence  la  plus  précieuse  pour 
boiser  les  terrains  siliceux,  pauvres,  des  climats  maritimes  ; 
il  est  tout  indiqué  pour  la  mise  en  valeur  des  landes  et  la 
fixation  des  dunes  du  littoral.  C'est  sous  forme  de  semis 
direct  qu'il  est  le  plus  employé,  et  les  procédés  spéciaux  qui 
servent  à  l'installer  seront  indiqués  plus  loin. 

Dans  les  régions  calcaires  de  la  Provence,  le  pin  d'Alep  se 
présente  avec  les  précieuses  qualités  qu'on  vient  de  constater 
chez  le  pin  maritime.  Mieux  que  ce  dernier  encore,  il  accepte 
les  conditions  de  sol  les  plus  mauvaises  et  les  chaleurs  les 
plus  excessives  ;  on  le  voit  s'installer  naturellement  entre  les 
fissures  des  rochers  stériles  où  la  terre  végétale  fait  presque 
entièrement  défaut.  On  le  sème  par  potets  ;  le  semis  d'au- 
tomne serait  préférable  à  celui  de  printemps,  si  de  nombreux 
ennemis  ne  venaient  pas,  en  hiver,  détruire  soit  les  graines, 
soit  les  jeunes  plants  naissants;  en  général,  on  opère  dans  les 
deux  saisons,  en  complétant,  au  printemps,  les  semis  d'au- 
tomne insuffisants.  Telle  est  la  résistance  du  pin  d'Alep  à 
la  sécheresse,  qu'on  est  parvenu,  grâce  à  son  aide,  à  boiser 
le  rocher  nu  du  mont  Faron,  où,  sur  bien  des  points,  il  a 
fallu  ouvrir  à  la  barre  à  mine  des  trous  qu'on  remplissait  en- 
suite de  terre  rapportée. 

Le  semis  direct  du  mélèze  ne  se  pratique  guère  hors  de  sa 
station,  sur  les  hautes  montagnes.  On  l'y  sème  comme 
l'épicéa,  en  prenant  toutefois  la  précaution  de  faire  macérer  la 


LE    BOISBMBNT    l'Ait    BEMI8,  347 

graine  dans  l'eau,  pendant  15  <»u  -20  jours,  avant  de  l'em- 
ployer; elle  doit  être  mise  en  terre,  humide  et  Bans  qu'on  lui 
laisse  le  temps  de  se  ressuyer.  On  peut  semer  le  mélèze  sur 
la  neige,  c'est  même  à  l'aide  de  ce  procédé  qu'on  a  obtenu 

les  meilleurs  résultats,  sur  les  gazons  continus  comme 
sur  les  éboulis  rocheux. 

Les  renseignements  qui  précèdent  s'appliquent  également 
aux  semis  d'essences  mélangées]  quand  les  graines  ont 
mêmes  exigences  et  même  grosseur,  il  suffit  de  préparer  le 
mélange  en  proportions  voulues  avant  le  répandage  ;  si  elles 
sont  de  grosseurs  différentes,  il  faudra  d'abord  semer  les 
graines  lourdes,  qui  demandent  à  être  plus  profondément 
enfoncées,  et,  seulement  ensuite,  les  graines  légères. 

Soins  à  donner  aux  semis.  —  Les  semences  forestières 
de  bonne  qualité,  semées  avec  soin  et  en  bonne  saison,  ger- 
ment presque  toujours  ;  il  est  assez  rare,  en  effet,  qu'elles 
restent  inertes  dans  le  sol,  et  qu'elles  y  fondent,  suivant  le 
terme  employé  en  horticulture.  Mais  il  faut  tenir  compte  des 
dégâts  trop  fréquents  des  animaux  ;  nous  renvoyons  à  l'ar- 
ticle m  (pépinières)  pour  tout  ce  qui  concerne  les  moyens 
de  lutter  contre  ces  déprédateurs  petits  et  grands. 

C'est  donc  surtout  après  la  levée  que  surviennent  les  vérita- 
bles dangers  auxquels  les  semis  directs  sont  exposés.  La  sé- 
cheresse du  premier  été  et  le  déchaussement  à  la  fin  du  pre- 
mier hiver  sont  à  craindre  tout  d'abord  et,  quelles  que 
soient  les  précautions  prises,  il  y  a  toujours  de  ce  côté  cer- 
taines chances  défavorables  à  courir.  Malgré  tout,  quand  les 
circonstances  de  sol  et  de  climat  autorisent  le  boisement  par 
par  semis  direct,  un  premier  échec  ne  doit  pas  décourager  et, 
en  cas  d'insuccès  marqué,  il  faut  recommencer  le  travail,  en 
comptant  sur  des  temps  meilleurs. 

Quand  la  réussite,  suffisante  en  général,  est  incomplète  sur 
des  taches  disséminées,  on  regarnit  les  vides  par  de  nouveaux 
semis  en  potets,  ou,  mieux  encore,  par  des  plantations  de 
jeunes  sujets  extraits  dans  le  semis  même,  sur  les  points  où 
ils  se  rencontrent  trop  serrés. 

Pour  les  semis  en  plein,  avec  ou  sans  préparation  du  sol,  il 
est  à  peu  près  impossible  de  décider,  dès  la  fin  de  la  première 


348  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

année,  si  la  réussite  est  bonne  :  il  faut  attendre  deux  et 
même  trois  ans  avant  de  pouvoir  se  prononcer.  Au  con- 
traire, quand  les  semis  sont  faits  par  bandes  ou  par  potets, 
l'inventaire  des  plants  d'avenir  est  relativement  facile  ;  c'est  une 
raison  de  plus  pour  donner  la  préférence  à  ces  derniers  modes. 

Lorsque  le  jeune  semis  a  résisté  aux  épreuves  de  la  pre- 
mière année,  il  n'a  plus  que  rarement  à  souffrir  des  accidents 
météoriques,  mais  il  risque  d'être  étouffé  par  les  plantes  sau- 
vages qui  l'envahissent.  11  est  toujours  utile,  et  parfois  même 
indispensable,  de  procéder  à  leur  enlèvement,  soit  à  la  main, 
soit  à  la  faucille  ;  ces  travaux  s'exécutent  vers  la  fin  du  prin- 
temps, en  tout  cas,  avant  la  floraison  des  végétaux  nuisibles  ;  ils 
doivent  être  répétés  annuellement  jusqu'à  ce  que  les  jeunes 
plants  soient  assez  forts  pour  n'avoir  plus  rien  à  redouter  de 
ce  côté. 

Enfin,  quand  les  semis  d'essences  de  lumière,  notamment 
ceux  de  pin  sylvestre  et  de  mélèze,  naissent  trop  serrés,  il 
faut  procéder  à  leur  dèpressstge.  En  effet,  les  jeunes  brins 
s'affament  mutuellement,  s'entravent  dans  la  poussée  de 
leurs  branches  latérales  et  forment  des  paquets  où  la  lumière 
ne  peut  pénétrer  :  les  plus  chétifs  sont  exposés  les  premiers  à 
l'invasion  des  insectes  et  des  champignons;  les  autres  seront 
ensuite  attaqués,  car,  on  le  sait,  les  champignons  recherchent 
les  endroits  abrités  contre  le  vent,  et  un  jeune  peuplement 
très  serré  leur  crée  ce  milieu  favorable  ;  il  semblerait,  dès 
lors,  que  la  nature  ait  chargé  ces  organismes  de  maintenir  à 
l'état  clair  les  espèces  qui,  par  tempérament,  demandent 
semblable  situation;  mais,  si  on  les  laisse  seuls  faire  la 
besogne,  le  plus  souvent  ils  dépasseront  le  but.  Aussi  faut-il, 
dès  que  les  semis  ont  atteint  l'âge  de  quatre  à  cinq  ans,  procé- 
der soi-même  à  l'opération,  qui  sera  d'autant  plus  facile 
qu'on  la  commencera  plus  tôt.  On  opère  par  section,  au  ci- 
seau ou  au  sécateur,  plutôt  que  par  l'arrachage  qui  ébranle, 
en  même  temps,  les  racines  des  sujets  d'avenir.  Plus  tard, 
quand  les  semis  non  dépressés  sont  devenus  des  gaules  trop 
longues  pour  leur  faible  diamètre,  ce  sont  les  dégâts  de  la 
neige  qui  les  menacent,  comme  dans  les  plantations,  et  nous 
savons  qu'il  faut  les  éclaircir. 


LE    BOISEMENT    l'Ait    PLANTATIONS.  349 

ARTICLE   III 

LE   BOISEMENT  PAR  PLANTATIONS 

Les  plants. 

Qualité  des  plants.  —  Leur  origine.  —  Leur  âge  et  leur  dimension. 

Qualité  des  plants. —  De  même  que  la  réussite  des  semis 
demande  l'emploi  de  bonnes  graines,  de  même,  pour  assurer 
l'avenir  d'une  plantation,  il  faut  avoir  à  sa  disposition 
de  bons  plants. 

Au  moment  de  leur  mise  en  terre,  les  plants,  quelle  que 
soit  leur  force,  doivent  présenter,  dans  la  mesure  du  pos- 
sible : 

1°  des  racines  complètes,  touffues,  régulières  et  surtout  un 
chevelu  développé  ; 

2°  une  tige  droite,  régulière,  une  cime  bien  ramifiée  et 
annonçant  la  vigueur  ;  des  branches  latérales  proportionnées 
à  l'âge  du  plant; 

3°  le  feuillage  ou  les  bourgeons  complets  et  bien  constitués; 

4°  un  aspect  sain  ;  la  tige  et  les  racines  sans  blessure  au- 
cune, ni  cicatrices  suspectes. 

Mais  toutes  ces  qualités,  fussent-elles  développées  autant 
qu'on  pourrait  le  désirer,  deviennent  inefficaces  si  le  plant 
n'est  pas  frais,  c'est-à-dire  s'il  n'est  pas  bien  vivant  dans  son 
ensemble,  et  si  les  parties  les  plus  grêles,  les  plus  délicates 
du  chevelu  sont  restées  trop  longtemps  exposées  à  l'action 
desséchante  du  cent  et  du  soleil. 

Origine  des  plants.  —  11  y  a  deux  moyens  de  se  procurer 
les  plants  forestiers.  On  peut  les  prendre  directement  en 
forêt  parmi  des  semis  naturels,  ou  les  élever  en  pépinière. 

Les  plants  extraits  des  peuplements  naturels,  ayant  vécu  au 
milieu  d'un  massif,  sur  un  sol  non  ameubli,  ont  le  défaut  de 
manquer  de  chevelu,  d'offrir  des  tiges  grêles,  sans  ramifications 
suffisantes.  On  ne  saurait  trop  réagir  contre  cette  opinion 
erronnée  qu'ils  sont  préférables  aux  sujets  élevés  en  pépi- 
nière, trop  bien  soignés,  dit-on,  dans  leur  jeunesse  pour  accep- 


350  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

ter  des  conditions  d'existence  médiocres  ou  mauvaises.  C'est 
tout  le  contraire  :  nés  sous  l'ombrage,  ils  souffrent,  lorsqu'ils 
sont  exposés  subitement  à  toutes  les  influences  atmosphé- 
riques ;  d'ailleurs  la  transplantation  est  une  crise,  et  chez  les 
arbres,  comme  chez  les  hommes,  un  individu  chétif  et  mal 
nourri  ne  résiste  pas  aussi  bien  que  si  les  conditions 
inverses  étaient  remplies.  Enfin,  les  sujets  arrachés  en 
forêt  sont  extraits  sans  soin,  et  la  nécessité  de  les  ramasser  un 
à  un  empêche  de  les  traiter  convenablement  ;  exceptons  ce- 
pendant :  les  bouleaux  que  l'on  trouve  parfois  en  véritable 
gazon,  sur  des  terrains  meubles,  —  les  hêtres  et  les  sapins, 
quand  on  a  l'occasion  de  les  enlever  en  mottes. 

En  résumé,  il  faut  des  circonstances  exceptionnelles  pour 
justifier  l'utilisation  des  plants  sauvages. 

Les  sujets  élevés  en  pépinière  sont  de  beaucoup  les  meil- 
leurs ;  la  culture  et  les  soins  constants  dont  ils  sont  l'objet 
permettent  de  leur  donner  toutes  les  qualités  requises  ;  l'ex- 
traction en  est  facile,  et  peut  se  faire  sans  qu'il  soit  besoin  de 
briser  ou  de  déchirer  leurs  racines. 

Age  et  dimension  des  plants.  —  On  distingue  les  plants 
en  :  basses  tiges,  demi-tiges  et  hautes  tiges.hes  premiers  sont 
des  sujets  toujours  très  jeunes,  ayant  en  hauteur  depuis  quel- 
ques centimètres  jusqu'à  1  mètre  ;  les  demi-tiges  ont  de 
1  à  2  mètres,  et  les  hautes  tiges  dépassent  2  mètres. 

Les  plantations  réussissent  d'autant  mieux  qu'elles  sont 
faites  avec  des  plants  plus  jeunes,  le  fait  est  bien  reconnu 
aujourd'hui.  Aussi,  les  demi-tiges,  et  à  plus  forte  raison  les 
hautes  tiges,  ne  sont-elles  utilisées  que  dans  des  cas  spé- 
ciaux, pour  boiser,  par  exemple,  des  terrains  couverts  de 
grandes  herbes  ou  livrés  au  parcours  du  bétail.  L'emploi  de 
ces  sujets  sur  de  grandes  étendues  coûterait  d'ailleurs  trop 
cher:  ce  sont  de  véritables  plantations  de  luxe,  qui  deman- 
dent des  précautions  dont  les  détails  ne  peuvent  trouver  leur 
place  que  dans  un  traité  d'arboriculture.. 

11  est  donc,  en  général,  convenable  de  planter  des  basses 
tiges  et  même  de  très  jeunes  sujets  sans  descendre,  toutefois, 
au-dessous  d'une  limite  raisonnable,  car  les  plants  trop 
exigus  sont  d'une  manutention  délicate  ;  leur  enracinement  ne 


il-    BOISEMENT    PAB    PLANTATIONS.  351 

dépasse  pas  les  couches  les  plus  superficielles  <Iu  sol  qui  se 
dessèchent  Infailliblement  en  été;  enfin,  pour  eux,  le  phéno- 
mène du  déchaussement   est  plus  à  redouter.   Une  hauteur 

de  15  à  '20  centimètres  à  partir  du  eollel  de  la  racine  est 
une    bonne    moyenne. 

Quanta  l'âge,  il  varie  suivant  les  conditions  dans  lesquelles 
on  opère,  suivant  aussi  la  rapidité  avec  laquelle  les  semis  des 
différentes  espèces  forestières  développent  leur  appareil 
aérien  et  surtout  radicellaire.  Les  pins  des  climats  chauds 
(pin  maritime,  pin  d'Alep,  pin  pinier)  se  plantent  à  un  an, 
deux  ans  au  plus;  le  pin  sylvestre,  le  pin  d'Autriche,  le  mé- 
lèze à  deux  ou  trois  ans,l'épicéaà  trois  ou  quatre  ans, le  sapin  à 
quatre  ou  cinq  ans.  Les  feuillus  (chêne,  hêtre,  érable,  bou- 
leau, frêne,  charme),  peuvent  se  planter  à  deux  ou  trois 
ans  ;  les  robiniers  et  les  aunes  à  un  ou  deux  ans. 

Si,  comme  nous  le  dirons  plus  loin,  on  peut  souvent  éviter 
l'opération  coûteuse  du  repiquage  pour  les  sujets  de  deux  et 
même  trois  ans  que  l'on  élève  soi-même  en  pépinière,  du 
moins  ne  faut-il  pas,  si  l'on  achète  les  plants  dont  on  a  besoin, 
reculer  devant  un  supplément  de  prix  de  quelques  francs  par 
mille  pour  se  les  procurer  repiqués  :  leur  reprise  est  toujours 
beaucoup  plus  certaine. 

Les  pépinières. 

I.     INSTALLATION     DUNE      PÉPINIÈRE     CENTRALE 

Capital  d'exploitation.  —  Choix  de  l'emplacement.  —  Division  du  ter- 
rain. —  Préparation  du  sol.  —  Les  engrais.  —  Le  terreau.  —  Aména- 
gement de  la  pépinière.  —  Son  étendue.  —  Les  outils.  —  Les 
clôtures.  —  Les  dangers  à  combattre. 

Capital  d'exploitation.  —  Une  pépinière  centrale  est 
une  véritable  exploitation  horticole.  Son  installation  demande 
une  forte  dépense  de  premier  établissement  ;  il  faut,  en  outre, 
un  fonds  de  roulement  assez  important.  Aussi,  en  dehors  du 
commerce,  un  propriétaire  ne  doit-il  se  résoudre  à  une  pa- 
reille entreprise  que  s'il  veut  boiser  des  terrains  d'une  éten- 
due considérable. 

Choix   de  remplacement.  —  L'emplacement  d'une  pépi- 


352  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

nière  permanente  doit  répondre  aux  conditions  suivantes  (1)  : 

1°  se  trouver  dans  une  position  aussi  centrale  que  possible 
par  rapport  aux  différents  cantons  à  reboiser  et  qu'elle  devra 
approvisionner,  en  toutou  en  partie; 

2°  offrir  un  accès  facile  pour  le  transport  des  plants  ainsi 
que  des  engrais  et  des  amendements  à  y  employer  ; 

3°  être  à  la  portée  de  la  résidence  de  la  personne  chargée 
d'en  diriger  l'exploitation,  ou  mieux,  être  attenante  à  une 
maison  où  le  chef  de  culture  sera  logé  ; 

4°  présenter  une  surface  aussi  homogène  et  un  périmètre 
aussi  régulier  que  possible,  permettant  une  bonne  division  et 
facilitant  les  clôtures  ; 

5°  ne  pas  occuper  des  fonds  bas  et  humides  où  les  gelées 
et  le  déchaussement  sont  le  plus  à  redouter,  mais,  au  con- 
traire, des  versants  en  pentes  très  douces,  exposés,  de  préfé- 
rence, à  l'Est  et  au  Nord-Est,  afin  d'éviter  une  trop  grande 
précocité,  au  printemps,  et  un  trop  grand  prolongement  de  la 
végétation,  en  automne  ; 

6°  être  susceptible  d'irrigation  à  l'eau  courante,  surtout 
dans  les  régions  à  climat  sec  ; 

7°  posséder  un  sol  d'une  fertilité  moyenne  ou  meilleure 
encore,  car  elle  doit  produire  des  plants  vigoureux  et  bien 
équilibrés,  très  aptes  à  une  reprise  certaine    et  prompte. 

Quand  on  connaîtra  d'une  façon  bien  précise  la  destina- 
tion à  donner  aux  plants,  on  choisira  un  terrain  qui, 
par  sa  constitution  et  sa  base  minéralogique,  présente  une 
certaine  analogie  avec  les  cantons  à  boiser;  car  les  plants 
dune  même  espèce  se  constituent  un  enracinement  variable 
suivant  la  nature  du  sol  dans  lequel  ils  végètent  ;  les  racines 
produites  en  sol  humide  ne  conviennent  pas  pour  une  plan- 
tation à  faire  en  sol  sec,  toutes  n'y  fonctionneraient  pas  ;  de 
même,  des  plants  nés  en  terrain  siliceux,  léger,  seraient 
mauvais  pour  boiser  des  sols  argileux  ou  compacts.  Sous  ces 
réserves,  on  constate  que  les  terrains  siliceux,  meubles,  sont 
les  plus  avantageux  pour  l'installation  d'une  pépinière  per- 
manente :  les  travaux  de  culture  y  sont  moins  coûteux  qu'en 

(1)    Landolt,  La    forêt;   manière   de   la   rajeunir  et  de  la  soigner, 
3e  édition.  Traduction  par  X.  Amuat,  Porrentruy,  1880. 


F.E    BOISEMENT    l'Ail    PLANTATIONS»  353 

terrain  argileux  ;  ceux  de  sarclage  plus  faciles  qu'en  terrain 
calcaire;  les  jeunes  plants  s'y  forment,  d'ailleurs,  un  chevelu 
très  abondant;  le  déchaussement  y  est  aussi  moins  à  crain- 
dre; enfin,  un  terrain  neutre  est  toujours  préférable,  en  ce 
sens  qu'aucune  espèce  n'en  est  exclue  :  il  suffit,  pour  les 
unes  ou  pour  les  autres,  d'ajouter,  sous  forme  d'engrais  ou 
d'amendement,  les  éléments  nutritifs  qui,  à  un  moment  don- 
né, pourraient  faire  défaut;  on  crée  de  la  sorte  des  stations 
artificielles  pour  l'éducation  d'espèces  étrangères  à  la  flore 
locale.  D'ailleurs,  si  les  terres  légères  conviennent  mieux 
pour  la  réussite  des  semis,  une  terre  un  peu  forte  sera 
préférable  pour  l'éducation  des  plants  repiqués  à  élever  en 
moyennes  ou  hautes  tiges. 

Contrairement  à  ce  préjugé  que,  pour  établir  une  pépi- 
nière, il  faut  éviter  les  terres  trop  fertiles,  on  doit  être 
assuré  qu'un  terrain  de  très  bonne  qualité  formera  des 
plants  plus  vigoureux,  mieux  pourvus  de  racines  et  d'une 
reprise  plus  certaine  que  celle  des  sujets  chétifs  et  mal 
nourris,  élevés  en  un  sol  trop  maigre  ;  il  en  est  de  ceux-ci 
comme  des  plants  sauvages. 

Si,  dans  les  espaces  dont  on  dispose,  il  ne  se  rencontre 
aucune  parcelle  présentant  les  conditions  convenables,  il 
vaudra  donc  mieux  s'abstenir,  ou  se  résoudre  à  chercher  ail- 
leurs un  terrain  favorable,  qui  sera  loué,  ou  mieux,  acheté. 

Division  du  terrain.  —  L'emplacement  déterminé,  on 
calcule  l'étendue  à  donner  à  la  pépinière,  en  s'appuyant 
sur  les  données  qui  seront  indiquées  plus  loin. 

Le  premier  travail  consiste  à  délimiter  un  certain  nombre 
de  grandes  divisions  par  des  chemins  de  2m,50  à  3  mètres  de 
largeur,  permettant  aux  charrettes  de  circuler  en  tous  sens. 
On  partage  chacune  de  ces  sections  en  carrés  ou  en  rectan- 
gles, d'une  surface  de  10  à  15  ares,  séparés  entre  eux  par  des 
petits  chemins  de  1  mètre  de  largeur  et  accessibles  à  la  cir- 
culation des  brouettes. 

On  procède,  ensuite,  au  nivellement  des  chemins  grands  et 
petits  et  on  les  combine  de  façon  à  rendre,  d'une  part,  inof- 
fensif l'écoulement  des  eaux  pluviales  et  à  permettre,  d'autre 
part,  l'irrigation  des  carrés.  A  ce  point  de  vue,  il  est  avan- 
Boppe  et  Jolyet.  23 


354  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

tageux,  chaque  fois  que  la  chose  est  possible  sans  trop  grands 
frais,  de  donner  une  horizontalité  parfaite  à  chacune  de  ces 
surfaces  :  les  eaux  de  pluie  ou  d'arrosage  pénètrent  plus  ré- 
gulièrement dans  le  sol  et  tout  danger  de  ravinement  est 
écarté.  Un  usage  général  consiste  à  disposer  la  superficie  des 
carrés  en  saillie  de  15  à  20  centimètres  au-dessus  du  niveau 
des  chemins;  clans  les  terrains  meubles  et  filtrants,  dans  les 
climats  chauds  et  secs,  une  disposition  inverse  serait  certaine- 
ment préférable  :  les  chemins  tracés  en  relief  au  lieu  de 
drainer  le  sol  serviraient  de  barrage  pour  empêcher  la 
perte  des  eaux  quelle  qu'en  soit  la  provenance;  mais,  pour 
que  celte  disposition  puisse  être  utilement  adoptée,  il  est 
nécessaire  que  la  surface  du  carreau  soit  parfaitement  hori- 
zontale. 

On  fera  bien,  en  quelque  endroit  retiré  de  la  pépinière, 
tout  en  préparant  les  fosses  à  fumier  et  les  pourrissoirs,  de 
réserver,  sur  les  points  les  plus  humides,  remplacement 
nécessaire  pour  l'installation  d'une  oseraie.  Les  meilleures 
espèces  de  saules  à  choisir  pour  cet  usage  sont  les  suivantes  : 
Salix  fragilis,  S.  viminalis,  S.  pentandra,  S.  Lambertiana. 
De  même,  il  est  utile  de  planter  autour  des  bassins  d'irri- 
gation quelques  touffes  de  jonc  [Juncus  glaucus)  destinées  à 
fournir  des  liens  ;  dans  les  endroits  secs  des  climats  méridio- 
naux, cette  espèce  peut  être  remplacée  par  le  sparte  [Ligeum 
spartum). 

Préparation  du  sol.  —  En  tout  état  de  choses,  les  carrés 
seront  défoncés  à  une  profondeur  d'environ  40  centimètres 
(2  fers  de  bêche).  Cette  opération  est  indispensable,  et 
de  sa  bonne  exécution,  dépend  l'avenir  de  la  pépinière. 
Le  défoncement  a  pour  but  d'ameublir  la  terre,  de  la 
rendre;  plus  perméable  aux  racines,  à  l'air,  aux  pluies,  —  plus 
productive  enfin.  On  ne  saurait  trop  insister  sur  ce  fait  que 
la  culture  des  plants  forestiers  en  pépinière,  comme  l'aboricul- 
ture  fruitière,  ont  beaucoup  de  points  communs  avec  la 
culture  maraîchère  :  partout  et  toujours,  le  sol  doit  être  pré- 
paré de  la  même  façon  ,  c'est-à-dire,  êlre  profondément  dé- 
foncé et  largement  fumé. 

Le  défoncement  se  fait,  soit  à  la  bêche,  soit  à  la  houe  ou 


LE    BOISEMENT    PÀB    PLANTATIONS.  'A')') 

à  la  pioche;  quand  cela  est  possible,  l'emploi  (le  la  charrue 
sous-sol  est  plus  économique.  L'ouvrier  qui  travaille  à  la 
houe  ou  à  la  bêche  ouvre  d'abord  une  jauge  de  I  mètre 
de  largeur  sur  la  profondeur  voulue,  et,  pour  «  se  donner 
du  champ  »,  il  conserve  toujours  cet  espace  libre  cuire  la 
ligne  de  défrichement  et  le  jet  des  terres  ;  celles-ci  sont 
disposées,  par  couches,  en  talus  à  45  degrés  :  les  mottes 
sont  ainsi  mieux  divisées,  et  celles  qui  échappent  tombent 
au  fond  de  la  jauge,  où  il  est  facile  de  les  briser.  On 
répand  ensuite  les  engrais  bien  également  sur  tout  le  Udus 
des  surfaces  remaniées,  en  ayant  soin  de  ne  pas  en  laisser 
tomber  dans  le  fond  de  la  jauge,  où  ils  seraient  enterrés  à 
une  trop  grande  profondeur,  et  l'on  continue,  de  proche  en 
proche,  par  tranches  de  *20  à  25  centimètres  de  largeur, 
jusqu'à  l'extrémité  du  carré  que  l'on  nivelle  avec  la  terre 
provenant  de  la  première  jauge  (1).  Les  couches  superficielles 
étant  ainsi  mélangées  avec  les  plus  profondes,  la  masse  pré- 
sente une  compacité  et  une  fertilité  moyennes,  en  même 
temps  qu'une  égale  richesse  en  engrais. 

Tout  en  procédant  au  défoncement,  on  débarrasse  le  sol 
des  plus  grosses  pierres  ou  pierrailles  (tous  les  fragments  qui 
dépassent  la  grosseur  d'une  noix  devront  être  enlevés).  Ces 
matériaux  serviront  pour  assainir  et  empierrer  les  chemins 
et  sentiers. 

Il  est  nécessaire  de  laisser  à  la  terre  le  temps  de  se  tasser 
avant  de  lui  confier  les  graines  ;  pour  cela,  on  termine  le 
travail  à  la  fin  de  l'automne  dans  les  terrains  à  ensemencer  au 
printemps  suivant,  et  à  la  fin  du  printemps  pour  ceux  qui 
recevront  les  semis  d'automne.  Il  suffira  de  donner  un  léger 
labour  quand  le  moment  sera  venu  de  semer  ou  de  repiquer. 

Les  engrais.  —  La  question  des  engrais  est  tout  à  fait 
capitale  quand  il  s'agit  de  pépinières  permanentes.  Car,  si 
une  pépinière  qu'on  installe  dans  un  sol  forestier  nouvelle- 
ment défriché  peut,  à  la  rigueur,  fournir  deux  ou  trois  ré- 
coltes, sans  engrais,  elle  se  refusera  le  plus  souvent,  à  en 
produire  une  quatrième;  le   sol  des  pépinières  est,  en  effet, 

(1)  Gressent,  Le  potager  moderne,   4e   édition,  p.  209,   Paris,  Goin, 

1875. 


356  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

exposé  sans  protection  aux  influences  atmosphériques  ;  de 
plus,  aucune  matière  fertilisante  ne  vient  l'entretenir  comme 
celui  des  massifs  forestiers.  «  Quelles  que  soient  leur  nature 
minéralogique  et  leur  fertilité  première,  dit  M.  Grandeau  (1), 
les  terrains  consacrés  pendant  de  longues  années  à  des  semis 
feuillus  ou  résineux,  qu'on  exploite  tous  les  deux  ou  trois 
ans  (tiges  et  racines),  s'épuisent  comme  les  sols  livrés  à 
la  culture  agricole:  les  jeunes  plants  d'arbres  nécessiteront 
des  quantités  de  matières  minérales  bien  supérieures  an- 
nuellement à  celle  que  les  arbres  eux-mêmes  réclament  plus 
tard.  »  Ainsi,  de  toute  nécessité,  il  faut  fumer  les  pépinières 
à  la  façon  des  terres  arables. 

D'autre  part,  les  analyses  de  terreaux  de  feuilles  ont  per- 
mis de  constater  que  ces  engrais,  d'ailleurs  suffisamment 
riches  en  potasse,  sont  très  pauvres  en  azote  (ils  en  ren- 
ferment à  peine  0,40  p.  1000)  et  en  acide  phosphorique. 
Terreau  ou  humus  forestier,  employés  purs  et  tels  qu'il  est 
possible  de  se  les  procurer  gratuitement  dans  la  forêt,  sont 
donc  insuffisants. 

Le  fumier  de  ferme,  par  sa  porosité,  entretient  l'état  meu- 
ble et  l'aération  dans  une  terre  qui,  couverte  de  la  même 
récolte  pendant  2  ou  3  années  consécutives,  ne  reçoit  pendant 
cet  intervalle  que  des  façons  superficielles  et  insignifiantes. 
Toutefois,  il  présente  l'inconvénient  d'être  de  composition 
mal  titrée  ;  aussi,  tout  en  lui  donnant  la  préférence  chaque 
fois  qu'il  sera  possible  de  se  procurer  à  bon  compte  du  fumier 
de  qualité  moyenne,  tel  qu'il  est  mis  en  œuvre  par  des  culti- 
vateurs sérieux,  on  devra  s'assurer  de  sa  teneur  en  matières 
fertilisantes  et  l'additionner  d'engrais  chimiques,  de  façon  à  le 
transformer  en  engrais  complet,  eu  égard  à  l'état  du  sol  et  à 
la  nature  des  récoltes  qu'on  veut  obtenir.  En  général,  le  fu- 
mier de  cheval  convient  mieux  dans  les  terres  froides  et  com- 
pactes, celui  de  vache  dans  les  terres  meubles  et  sèches, 
qu'elles  soient  siliceuses  ou  calcaires^ — sous  cette  réserve  que 
le  fumier  de  vache  expose  plus  que  celui  de  cheval  à  la  pro- 
pagation des  larves  dangereuses. 

(1)  Grandeau,  Annales  de  la  station  agronomique  de  l'Est,  tome  I, 
p.  400. 


LE    BOISEMENT    l'Ali    PLANTATIONS.  .'J.r>7 

A  défaut  de  fumier  de  ferme,  pour  rendre  au  sol  la  matière 
organique  dont  il  ne  peut  se  passer,  on  a  recours  ;<  des 
composts  faits  de   déchets  de  jardin,  de  feuilles  ramassées 

en  forêl,  d'herbes,  de  pourrissoirs,  d'ajoncs,  de  genêts,  etc.. 
préparés  dans  les  conditions  qui  seront  indiquées  plus 
loin.  Nous  venons  de  constater  la  pauvreté  de  ces  composts 
en  sels  nutritifs;  aussi,  pour  rétablir  l'équilibre  rationnel 
entre  l'importation  et  l'exportation,  est-il  toujours  indis- 
pensable de  leur  mélanger  des  engrais  organiques  ou 
minéraux;  ceux-ci  sont  incorporés  dans  la  masse  des  com- 
posts au  moment  de  leur  préparation,  et  dans  des  propor- 
tions variables  suivant  la  qualité  du  sol  naturel  et  son  degré 
d'épuisement  en  telle  ou  telle  substance. 

Il  existe  dans  le  commerce  toutes  sortes  de  poudres  ou  mé- 
langes dont  les  vendeurs  disent  merveille  pour  leur  emploi  en 
pépinière.  H  y  a  toujours  lieu  de  se  méfier  des  falsifications, 
et  le  plus  sage  sera  de  se  procurer  des  engrais  titrés  en 
s'adressant  aux  syndicats  et  aux  stations  agronomiques.  En 
toutes  circonstances,  et  pour  éviter  des  analyses  longues 
et  coûteuses,  on  peut,  sans  crainte,  choisir  entre  l'une  des 
formules  ci-après,  qui  se  recommandent  par  la  notoriété  de 
leurs  auteurs  : 

«  Pour  les  vergers,  dit  M.  Grandeau,  on  se  trouve  bien, 
à  l'hectare,  des  fumures  suivantes  : 

2000  kilog.  de  scories  de  déphosphoration  ; 
ou  600     —      de  kaïnite; 
ou  200     —       de  chlorure  de  potassium, 

«  On  peut  aussi  employer  le  mélange  indiqué  par  P.Wagner, 
savoir  : 

200  kilos  superphosphate  double  ; 
ou  500     —      de  superphosphate  à  16  p.  100 
et   160     —      de  chlorure  de  potassium; 
ou  230     —       de  phosphate  de  potasse 
et      40     —       de  chlorure  de  potassium. 

«  Ces  fumures  de  tête  doivent  être  incorporées  dans  les 
«  fumiers  composts  avec  lesquels  ils  sont  répandus  avant  la 
«  façon;  après  le  labour  et  l'épandage  des   graines  au  prin- 


358  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

«   temps,  on  sème,  à  la  volée,  200  kilos  de  nitrate  de  soude  à 
«  l'hectare  (1).  » 

Les  pépinières  de  l'Ecole  forestière  d'Eberswalde  (Prusse) 
en  sol  siliceux  très  pauvre,  ont  été  entretenues  dans  un 
parfait  état  de  rendement  par  l'emploi,  à  l'hectare,  sous 
forme  de  mélange  dans  les  composts,  de  : 

50  kilos  de  poudre  d'os  azotée 

50     —      de  scories  de  déphosphoration 
100     —      de  sang  desséché 

50;    —      de  sulfate  d'ammoniaque 
150     —      de  carnallite  (2). 

Ces  quantités  suffiront  pour  une  et,  au  plus,  pour  deux 
récoltes  ;  il  est  facile,  d'ailleurs,  d'apprécier  l'époque  du  re- 
nouvellement par  l'aspect  des  cultures. 

Fumiers  et  composts  nourris  sont,  en  général,  employés 
dans  la  proportion  de  8  à  10  mètres  cubes  à  l'hectare. 

Enfin,  comme  source  gratuite  d'azote,  on  peut  semer 
dans  les  jachères  du  lupin  ou  toute  autre  plante  légumi- 
neuse.  Nous  nous  sommes  très  bien  trouvés  de  ces  cultures 
dérobées,  qui,  en  même  temps  qu'elles  sont  utilisées  comme 
engrais  verts,  étouffent  les  mauvaises  herbes  et  dispensent 
des  sarclages. 

En  ce  qui  concerne  l'emploi  du  fumier,  on  remarque  que 
les  racines  des  jeunes  plants,  mises  en  contact  immédiat  avec 
des  matières  fraîches,  sont  exposées  à  la  moisissure.  Pour 
éviter  cet  inconvénient,  il  est  bon  de  faire  précéder  le  semis 
d'une  culture  de  plantes  sarclées,  ou  mieux,  de  stratifier  les 
fumiers  pendant  une  année  dans  des  fosses  abritées  contre  les 
pluies  et  le  soleil  et  où  ils  seront  nourris. 

Le  terreau.  —  Quant  au  terreau  utilisé  en  couverture,  lors 
de  l'exécution  des  semis,  on  peut  le  préparer  économique- 
ment de  la  manière  suivante  : 

En  dehors  de  la  pépinière,  mais  aussi  près  que  possible  et 
en  donnant  la  préférence  aux  endroits  bien  abrités,  on  creuse 

(1)  L.  Grandeau,  La  fumure  des  champs  et  des  jardins,  6e  édition, 
p.  126,  Paris,  Librairie  agricole,  1897. 

(2)  Schwappach,  Ueber  Mineraldûngung  in  Forstg'Arten  (Zeitschrifl 
fur  Forst-und-Jagdwesen,  t.  VII,  juillet  1891). 


i.i:    BOISEMENT    PAH    PLANTATIONS.  359 

une  tranchée  de  60  à  so  centimètres  de  profondeur  el  (Tune 
largeur  de  ,'J  à  i  mètres;  on  en  règle  le  fond  avec  une  inclinai- 
son convenable  vers  des  fossés  d'écoulement,  de  telle  sorte  que 
l'eau  n'y  séjourne  jamais.  Dans  ce  pourrissoir,  on  accumule 
des  feuilles  sèches  ramassées  à  L'automne,  au  moment  de  leur 
chute  naturelle  et,  de  préférence,  par  un  temps  humide;  on  les 
tasse  d'ailleurs  convenablement  ;  on  y  ajoute  tous  les  débris 
de  la  pépinière  :  ce  sont,  des  herbes,  des  brindilles  non  ligni- 
fiées, des  mousses,  des  pailles,  des  gazons,  des  cendres  (1); 
mais  il  faut  avoir  le  plus  grand  soin,  et  cela  est  d'une  im- 
portance capitale,  de  ne  jamais  jeter  au  pourrissoir  que  des 
piaules  qui  n'ont  pas  fleuri.  Dès  qu'une  mauvaise  herbe  est 
montée  en  graine,  elle  doit  être  brûlée,  autrement  on  la  re- 
sème avec  les  composts. 

Pour  activer  sa  décomposition,  la  masse  doit  être  remaniée 
deux  fois  par  an,  le  plus  sonvent  en  mai  et  en  septembre,  épo- 
ques où  l'ouvrage  ne  presse  pas  dans  les  pépinières;  on  profite 
de  ces  moments  pour  faire  les  additions  convenables  d'en- 
grais chimiques.  Il  faut,  en  moyenne,  trois  ans  pour  obtenir 
l'état  de  terreau. 

La  longueur  à  donner  à  la  fosse  sera  proportionnée  à  la 
quantité  de  terreau  qu'on  veut  produire  annuellement,  en  te- 
nanteompte  de  ces  faits,  que  cette  fosse  doit  toujours  présenter  : 
1°  une  place  vide  pour  recevoir  la  provision  de  feuilles  à 
ramasser  à  l'entrée  de  l'hiver;  2°  un  premier  tas  de  feuilles 
stratifiées  depuis  un  an;  3°  un  second  de  celles  de  deux  ans; 
4°  le  terreau  de  trois  ans  prêt  à  être  employé.  Il  faut,  de 
plus,  avoir  soin  que  ces  dépôts  soient  séparés  entre  eux 
d'un  espace  suffisant  pour  qu'on  puisse  les  remuer  en  les 
déplaçant  par  un  simple  jet  de  pelle. 

Par  les  temps  secs,  il  sera  bon  d'arroser  le  pourrissoir  de 
temps  à  autre.  Ces  arrosages  seront  rendus  plus  efficaces 
quand  ils  seront  additionnés  de  purin,  des  eaux  de  vi- 
dange, de  lessive,  de  savon  ou  de  cuisine,  ou  enfin  de  guano 
dissous.  Tous  les  terreaux,  quelle  que  soit  leur  provenance, 
doivent  être  passés  à  la  claie  avant  leur  emploi. 

(1)  En  forêt,  on  peut  s'en  procurer  de  grandes  quantités,  et  à  très  bon 
compte,  en  les  ramassant  dans  les  baraques  des  bûcherons. 


360  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

Aménagement  de  la  pépinière.  —  Une  pépinière  destinée 
à  fournir  des  plants  d'espèces  et  de  dimensions  variées,  doit 
être  divisée  en  grandes  sections  dans  lesquelles  on  cantonne  : 

1°  les  semis  feuillus  ou  résineux  à  planter  à  demeure,  dès 
l'âge  de  deux  ans,  sans  repiquage  ; 

2°  les  semis  destinés  à  être  repiqués  à  un  an  ; 

3°  les  planches  à  repiquer,  ou  batardières,  qui  se  divisent 
en  compartiments  séparés  pour  les  bases  tiges,  demi-tiges 
et  hautes  tiges.  >,    ■- 

Afin  de  simplifier  les  travaux  de  toute  nature*  il  est  bon 
qu'un  compartiment  ne  soit  occupé  que  par  des  plants  à  ex- 
traire au  même  âge;  sous  cette  réserve,  on  peut  admettre 
plusieurs  essences  dans  le  même  carré. 

Quand  les  plants  sont  extraits  au  printemps  pour  être  mis 
en  place,  la  saison  est,  le  plus  souvent,  trop  avancée  pour 
qu'on  puisse  immédiatement  les  remplacer  par  de  nouveaux 
semis.  Le  carreau  d'où  ils  sortent  reste  donc  improductif 
pendant  une  saison;  on  devra  néanmoins  le  sarcler  avec 
autant  de  soins  que  s'il  était  occupé  ;  aussitôt  après  l'ex- 
traction des  plants,  on  répandra  sur  leur  emplacement  la 
quantité  d'engrais  nécessaire,  puis  on  donnera  un  bon  la- 
bour; dans  cette  terre,  ainsi  fumée  et  bien  préparée,  on 
cultivera  une  récolte  de  plantes  agricoles  sarclées  :  bette- 
raves, carottes,  pommes  de  terre,  choux,  légumineuses, 
fourrages,  etc.,  dont  la  valeur  paiera,  en  grande  partie,  les 
frais  de  fumure  et  le  travail  ;  au  printemps  suivant,  il  suf- 
fira d'une  légère  façon  pour  que  le  carreau  se  trouve  en 
parfait  état  pour  recevoir  les  semis.  Il  faut  donc,  de  toute 
manière,  consacrer  trois  carreaux  à  la  production  de  plants 
de  deux  ans  et  deux  à  celle  de  plant  de  un  an. 

Une  disposition  semblable  sera  adoptée  pour  les  semis 
extraits  à  un  an  pour  repiquages  ;  on  ne  donnera,  toutefois, 
à  la  terre  livrée  à  la  culture  agricole  qu'une  fumure  propor- 
tionnée à  la  durée  de  la  rotation. 

Cette  alternance  de  cultures  agricoles  et  forestières  établit, 
dans  l'ensemble  de  la  pépinière,  une  sorte  d'assolement  régu- 
lier dont  l'effet  ne  peut  qu'être  utile  à  la  bonne  venue  des 
plants,  et  les  mettre  à  l'abri  des   germes   infectieux,  dont  la 


L1-:    HOISEMKNT     l'Ail     PLANTATIONS. 


361 


vitalité  persiste  plusieurs  années  sous  terre.  Dana  la  rotation 
ainsi  établie,  il  sera  bon  de  faire  alterner  les  semis  de  feuillus 
avec  les  semis  de  résineux,  de  façon  à  ne  pas  demander  au 
même  terrain  deux  récoltes  consécutives  de  la  même  essence. 

Étendue  de  la  pépinière.  —  Comme  les  plants  de  deux 
ans  ne  s'obtiennent  qu'à  raison  d'une  récolte  sur  trois  car- 
reaux, il  faut  multiplier  par  trois  la  surface  occupée  par  les 
plants  bons  à  être  mis  en  place. 

En  général,  on  peut  compter  sur  une  production  moyenne 
de  400  plants'par  mètre  carré  :  soit  10  000  plants  par  are  de 
semis  de  deux  ans,  et  un  tiers,  ou  13  333,  par  are  de  pépi- 
nière. En  tenant  compte  des  déchets,  des  accidents  et  des 
non  valeurs,  ce  chiffre  doit  être  abaissé  à  10000;  il  justifie 
donc  la  donnée  empirique  généralement  adoptée  pour  les 
pépinières  qui  approvisionnent  les  chantiers  des  boisements 
obligatoires,  laquelle  consiste  à  fixer  pour  l'ensemble  des 
pépinières  une  étendue  représentée,  en  ares,  par  le  chif- 
fre des  surfaces  à  reboiser  annuellement,  exprimé  en  hectares. 
Si  l'on  veut  employer  des  plants  repiqués,  il  faudra  tripler, 
quintupler  même  les  surfaces  cultivées,  et  la  dépense  sera 
augmentée  dans  la  même  proportion. 

Les  outils.  —  Les  outils  à  employer  dans  les  pépinières 
n'ont  rien  de  spécial  ;  ce  sont  ceux  dont  se  sert  généralement 
la  culture  maraîchère  dans  la  région  où  l'on  se  trouve. 
D'ailleurs,  en  ce  qui  concerne  l'exécution  des  semis,  l'im- 
portant n'est  pas  d'aller  vite,  mais  de  bien  faire.  Il  faut  donc 
se  méfier  des  outils  soi-disant  perfectionnés  dans  le  seul  but 
d'activer  le  travail.  Le  semis  est  toujours  une  opération  mi- 
nutieuse, et  le  temps  que  l'on  croit  gagner  dans  une  exécu- 
tion plus  rapide  se  paie  souvent  fort  cher  par  une  réussite 
incomplète. 

Les  clôtures.  —  Toutes  les  pépinières  permanentes  ou 
volantes  doivent  être  défendues  par  une  clôture  contre  les 
dégâts  des  animaux  domestiques  ou  sauvages  et  contre  les 
maraudeurs.  Suivant  les  cas,  cette  clôture  sera  formée  de 
murs,  de  haies  vives,  de  palissades  ou  de  treillages. 

Pour  les  pépinières  volantes,  on  choisit  de  préférence  un 
mode    économique   de    clôture   mobile   :   treillage   à   larges 


362  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

mailles,  fils  de  fer,  cordon  simple  ou  double  de  ronce  arti- 
ficielle, piquets  et  longrines  provenant  d'exploitations  quel- 
conques, etc 

Les  dangers  à  combattre.  —  Outre  les  accidents  pro- 
venant des  causes  atmosphériques  et  dont  on  trouvera  plus 
loin  des  moyens  de  prévenir  les  fâcheux  effets,  les  pépinières 
sont  exposées  à  de  nombreux  dangers  de  la  part  des  ani- 
maux :  sangliers,  lapins,  taupes,  mulots,  oiseaux,  larves  de 
hannetons,  courtilières,  etc.  Elles  sont  aussi  attaquées  par 
des  organismes  inférieurs  de  la  classe  des  champignons. 

On  se  préserve  contre  les  sangliers  qui  viennent  dévaster 
les  semis  de  glands  ou  de  faînes,  soit  avec  de  solides  clô- 
tures, soit  en  piquant  dans  les  carreaux  ensemencés  des 
baguettes  à  l'extrémité  supérieure  desquelles  sont  suspendus 
des  chiffons  imbibés  de  pétrole  qu'on  renouvelle  quand  il 
est  évaporé.  —  Contre  lièvres  et  lapins  les  entreillagements 
sont  nécessaires,  bien  qu'on  ne  doive  pas  toujours  compter 
sur  leur  efficacité.  —  Les  taupes  se  prennent  aux  pièges.  — 
Quand  les  mulots  sont  très  abondants,  il  est  fort  difficile 
pour  ne  pas  dire  impossible  de  s'en  débarrasser,  même 
avec  le  poison,  dont  l'emploi,  toujours  dangereux,  n'est  pas 
à  recommander. 

Malgré  la  protection  que  nous  réclamons  en  faveur  des 
petits  oiseaux,  nous  ne  pouvons  qu'engager  ici  à  se  défendre 
énergiquement  contre  ceux  d'entre  eux  qui  se  montrent 
très  friands  de  certaines  graines  et  surtout  des  semences 
résineuses  ;  le  danger  existe  de  leur  côté  depuis  le  mo- 
ment où  la  graine  est  mise  en  terre  jusqu'au  moment  où  la 
jeune  tigelle  est  débarrassée  de  l'enveloppe  ou  chapeau 
qu'elle  pousse  hors  de  terre.  Pour  les  éloigner,  on  fait  cir- 
culer autour  des  carrés  un  enfant  muni  d'un  fouet,  ou 
un  garde  armé  d'un  pistolet  qu'il  tire  à  blanc  de  temps 
en  temps.  Quand  on  peut  se  procurer  à  bon  marché  de 
vieux  filets  de  chasse  ou  de  pêche,  on  les  utilise  en  les 
étendant  à  30  ou  40  centimètres  au-dessus  des  planches, 
mais  en  ayant  soin  de  les  tenir  bien  fixés  contre  terre  sur 
tout  leur  pourtour  et  de  fermer  soigneusement  tous  les 
trous.  Ces   différentes  précautions  sont  les    seules  efficaces, 


LE    BOISEMENT    PAB    PLANTATIONS. 


363 


car,  en  général,  les  épouvantaila  produisent  peu  d'effet. 
On  dit  cependant  qu'il  y  en  à  de  bons  (1)  et  il  n'en  coûte 
guère  de  les  essayer;  on  fera  bien,  dans  ce  cas,  d'en  chan- 
ger souvent  la  forme  et  remplacement. 

Parmi  les  insectes,  la  larve  du  hanneton,  connue  sous  le 
nom  de  mans  ou  ver  blanc,  est  un  des  plus  redoutables, 
surtout  dans  les  terrains  meubles.  Un  moyen  pratique,  sinon 
pour  la  détruire,  du  moins  pour  atténuer  ses  dégâts,  est 
de  la  chercher  en  terre,  soit  à  la  main,  soit  avec  un  outil, 
partout  où  le  dépérissement  rapide  des  plants  signale  sa 
présence.  On  facilite  d'ailleurs  ces  destructions  en  plantant, 
comme  le  font  les  jardiniers,  des  bordures-pièges  formées  de 
plantes  dont  ces  larves  sont  très  friandes,  tels  que  des 
fraisiers  et  des  laitues  ;  les  recherches  sont  alors  localisées 
sur  ces  bordures  où  les  dégâts  sont  aisés  à  constater  ou  à 
suivre.  Dans  une  étude,  publiée  dans  la  Revue  des  eaux  et 
forêts  (2),  M.  l'Inspecteur  Croizette-Desnoyers  recommande, 
comme  très  efficace,  l'emploi  de  benzine  répandue  dans  le 
sol,  à  raison  de  30  kilogrammes  par  hectare,  au  moyen  du 
pal-injecteur  Gonin. 

La  chenille  d'un  lépidoptère,  Ag rôtis  segetum,  connue 
sous  le  nom  de  ver  gris,  commet  des  dégâts  en  tout  sem- 
blables à  ceux  de  la  larve  du  hanneton,  notamment  sur  les 
jeunes  semis  de  chêne,  dont  le  chevelu  et  le  pivot  sont 
complètement  rongés  ;  on  la  détruit  par  des  procédés  ana- 
logues. 

Les  courtilières,  à  tous  les  âges,  rongent  les  racines  des 
jeunes  semis;  quand  elles  sont  nombreuses,  elles  ravagent 
en  peu  de  temps  des  carreaux  entiers,  dont  elles  parcourent 
toutes  les  rigoles.  Les  procédés  les  plus  usuels  pour  les  com- 
battre sont  les  suivants  : 

1°  on  fait  la  perquisition  des  nids  renfermant  les  œufs  et 
on  les  détruit.  Les  courtilières  fréquentent  de  préférence  les 

(t)  Citons  les  petits  miroirs  de  la  grosseur  d'une  pièce  de  5  francs 
que  l'on  suspend  par  de  longues  ficelles  à  côté  des  planches  de  semis  : 
les  rayons  lumineux  qu'ils  lancent  de  côtés  et  d'autres  inquiètent 
les  oiseaux. 

(2)  Août  1888. 


364  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

lieux  humides,  les  abords  des  fossés  d'irrigation  ;  c'est  là 
qu'on  trouve  leur  trace  sur  les  points  où  gisent  les  débris 
des  plantes  dévorées  ;  ces  nids,  parfois  assez  profondément 
enfoncés  dans  le  sol,  se  présentent  sous  la  forme  d'une  boule 
de  terre  de  la  grosseur  du  poing,  dans  laquelle  les  œufs 
sont  renfermés.  La  recherche  des  nids  doit  se  faire  en  mai 
et  en  juin  ; 

2°  on  prend  des  pots  à  fleurs  de  20  centimètres  de  dia- 
mètre environ,  on  bouche  avec  un  liège  l'ouverture  infé- 
rieure et  on  les  enfonce  aux  endroits  des  plates-bandes  où 
de  petits  sillons  annoncent  le  travail  de  l'insecte;  le  rebord 
supérieur  du  vase  doit  être  à  quelques  centimètres  au-des- 
sous du  niveau  du  sol  :  la  courtilière,  en  suivant  son  sentier 
habituel,  tombe  dans  le  vase  d'où  elle  ne  peut  sortir.  Le 
mieux  est  d'entourer  les  planches  attaquées,  ou  celles  qu'on 
veut  préserver,  avec  des  voliges  fixées  verticalement  et  fai- 
sant saillie  de  10  à  15  centimètres  sur  le  sol  ;  les  pots  sont 
disposés,  comme  il  vient  d'être  dit,  à  l'intérieur  et  à  l'exté- 
rieur et  tout  contre  ces  planches,  qui  guident  l'insecte  vers 
les  pièges  lorsqu'il  veut  entrer  dans  l'enceinte  ou  en  sortir  ; 

3°  on  recommande  de  préparer,  en  septembre,  dans  les 
pépinières  contaminées,  des  tas  de  fumier  de  cheval  mesurant 
de  1  à  2  mètres  cubes.  En  décembre  ou  en  janvier,  si  on  rompt 
ces  tas,  on  y  trouvera  en  quantité  les  courtilières  en- 
gourdies (1).  Le  fumier  doit  être  frais; 

4°  au  printemps,  on  étend  sur  le  sol  nouvellement  arrosé, 
des  paillassons, sous  lesquels  les  courtilières  viennent  s'abriter 
contre  la  chaleur  du  jour  ; 

5°  on  peut  aussi  leur  faire  la  chasse  en  introduisant,  par 
l'ouverture  des  galeries,  des  huiles  grasses  ou  minérales, 
qui  font  immédiatement  sortir  les  insectes  ou  les  tuent 
dans  leurs  réduits. 

Mais  tous  ces  procédés  ne  sont  que  des  palliatifs  ;  ils 
atténuent  le  mal,  sans  le  supprimer,  surtout  quand  on  a  eu 
la  mauvaise  fortune  d'installer  une  pépinière  dans  un  milieu 
favorable  à  la  multiplication  de  ces  hôtes  dangereux. 

(1)  Séance  de  la  Société  pomologique,  avril  1880. 


LE    B0I88MBXT    l'Ait    PLANTATIONS.  365 

Un  remède  enfin  contre  les  limaces,  qui  détruisent  les 
feuilles  cotylédonaires  des  semis  de  hèlre  aussi  bien  en  pépi- 
nière qu'en  forêt:  on  enduit  de  graisse  ou  de  beurre, —  qui  peut 
être  rance,  —  des  petites  planchettes  qu'on  dispose  dans  les 
semis, la  face  grasse  tournée  vers  le  sol;  en  visitant  ces  pièges 
de  bonne  heure  le  matin,  on  détruit  quantité  de  cette  gluante 
vermine. 

Les  champignons  engendrent  sur  les  plantes  tout  un  cortège 
de  maladies.  Tous  les  jours  on  en  découvre  de  nouveaux, 
et  il  n'est  pas  surprenant  que  les  cultures  artificielles,  qui 
leur  fournissent  en  grande  masse  la  nourriture  préférée, 
soient  plus  exposées  encore  à  leur  ravage  que  les  peuplements 
spontanés.  Ne  pouvant  entrer  ici  dans  tous  les  détails  que 
comporte  la  question,  nous  ne  citerons  que  les  maladies  les 
plus  connues  et  les  plus  graves. 

Il  est  rare,  par  exemple,  que  dans  une  pépinière  déjà  an- 
cienne, les  semis  de  pins  sylvestre,  comme  ceux  de  toutes 
les  races  de  laricios  ne  soient  pas  atteints  par  le  Rouge, 
maladie  provoquée  par  le  mycélium  de  Leptostroma  pinastri. 
Pour  le  combattre,  M.  l'Inspecteur  Bartet  (1)  a  eu  l'idée 
d'user  de  bassinages  à  la  bouillie  bordelaise  dans  les  con- 
ditions employées  contre  le  mildew  de  la  vigne  (2)  ;  à  la 
pépinière  de  Bellefontaine,  dans  les  bandes  ainsi  traitées,  le 
plus  grand  nombre  des  plants  ont  été  sauvés,  tandis  que,  dans 
les  bandes  témoins,  intercalées  au  milieu  des  autres  et  laissées 
sans  traitement,  tout  était  perdu.  Le  procédé  peut  donc  être 
recommandé  ;  il  est  même  probable  qu'il  trouverait  son  appli- 
cation dans  d'autres  circonstances. 

Phytophtora  fagi,  est  commun  à  toutes  les  essences  et 
plus  particulièrement  au  hêtre,  chez  lequel  il  provoque  la 
maladie  de  l'embryon.  Dès  la  germination,  les  plants  sont 
atteints  et,  si  le  temps  est  humide,  la  pourriture  s'étend 
bientôt  de  proche  en  proche  :  les  taches  contaminées  sem- 
blent roussies  par  le  feu.  La  sécheresse  arrête  le  mal. 

Rosellinia  quercinia  attaque  les  jeunes  semis  de  chêne  en 

(1)  Bartet  et  Vuillemin,  Note  présentée  à  l'Académie  des  sciences, 
séance  du  27  février  1888. 

(2)  Société  pomologique,  loc.  cit. 


366  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

pépinière  lorsqu'ils  sont  âgés  de  un  à  trois  ans.  Le  mycélium 
se  propage  sur  les  racines  et  tue  les  plants. 

Les  moyens  pratiques  pour  combattre  ces  germes  infec- 
tieux sont  à  peu  près  les  mêmes  pour  toutes  les  espèces  ;  et 
nous  résumons  ceux  que  recommande  le  savant  Professeur 
Robert  Hartig  dans  son  traité  sur  les  maladies  des  arbres 
forestiers  (l)  : 

ne  pas  installer  les  pépinières  de  résineux  au  milieu  des 
forêts  de  pins  ;  les  placer,  autant  que  possible,  sur  le  péri- 
mètre Ouest,  de  façon  que  les  vents  dominants  qui  vien- 
nent de  cette  direction  aient  passé  sur  des  champs  plutôt 
que  sur  des  peuplements  forestiers,  d'où  ils  arrivent  chargés 
de  germes  morbides  ; 

orienter  les  bandes  de  semis  dans  la  direction  Nord-Sud 
en  élevant  à  l'Ouest  un  petit  bourrelet  de  terre  qui  arrêtera 
ces  mêmes  germes  ; 

ne  semer  ni  pin,  ni  hêtre  dans  les  planches  où  des  ma- 
ladies se  seraient  manifestées  sur  des  espèces  similaires 
depuis  moins  de  quatre  ans;  on  peut  cependant,  en  ce  qui 
concerne  le  hêtre,  y  repiquer  des  jeunes  plants  de  deux  ou 
trois  ans,  les  champignons  à  craindre  ne  s'attaquant  qu'aux 
sujets  naissants  ; 

éviter  tout  ce  qui  peut  entretenir  l'humidité,  c'est-à-dire 
les  abris,  les  couvertures,  les  paillis  ;  en  un  mot  aérer,  et 
activer  l'évaporation  dès  que  le  mal  apparaît  ; 

extraire  avec  soin  tous  les  plants  malades,  et  les  placer 
de  suite  dans  un  récipient  fermé  d'où  ils  ne  sortiront  que 
pour  être  brûlés  ; 

éviter  de  passer  dans  les  planches  saines  en  sortant  des 
planches  malades,  car  les  spores  s'attachent  aux  vêtements, 
aux  chaussures,  et  on  les  transporte  avec  soi.  C'est  d'ail- 
leurs à  cause  de  la  propagation  par  les  hommes  et  par  les 
animaux  qu'on  voit  surtout  le  mal  se  développer  le  long  des 
chemins  et  sentiers  ; 

quand  il  s'agit    de  maladies   souterraines   qui    s'attaquent 

(1)  R.  Hartig,  Wichtige  Krankheiten  der  Waldbaûme,  Berlin  1874. 
Traduction  de  MM.  Gerschel  et  Henry,  Nancy,  Berger-Levrault 
1891. 


LE    BOISEMENT    l'A  il    PLANTATIONS.  367 

aux  racines,  creuser  des  fossés  profonds  autour  des  parties 
contaminées,  de  façon  à  arrêter  la  marche  du  mycélium  dans 
le  sol. 

Ajoutons  qu'une  excellente  mesure  consiste,  des  qu'un 
compartiment  de  pépinière  est  attaqué  par  un  champignon, 
à  isoler  les  parties  indemnes  des  points  contaminés  par  un 
rideau  de  branches  hautes  de  2  mètres  environ  et  feuille  es 
jusqu'au  bas:  ce  n'est  là  sans  doute  qu'un  palliatif,  mais  il 
suftit  à  rendre  les  progrès  de  la  maladie  assez  lents  pour  qu'on 
ait  le  temps  de  prendre  des  mesures  plus  énergiques.  Eniin, 
quand  au  cours  d'une  saison  de  végétation,  on  a  constaté  sur 
les  semis  d'espèces  à  feuilles  caduques  les  signes  d'une  inva- 
sion cryptogamique,  la  prudence  commande  de  ramasser  et 
de  brûler,  dès  les  premiers  jours  de  l'automne,  les  feuilles  qui 
se  détachent,  car,  bien  souvent,  c'est  dans  les  feuilles  mortes 
traînant  sur  le  sol,  que  les  spores  du  champignon  arrivent  à 
maturité:  cette  dernière  remarque  concerne  spécialement  le 
mélèze. 


2.      EXPLOITATION      DE      LA      PEPINIERE. 

Exécution  des  semis  :  en  plein  ;  —  en  rigoles;  —  en  coffres  ;  —  pro- 
cédés spéciaux  ;  —  quantité  de  graine  à  employer  ;  —  saison  des 
semis.  —  Soins  à  donner  aux  semis  :  pralinage  des  graines;  —  abris 
contre  la  sécheresse;  —  abiis  d'hiver;  — abris  contre  les  gelées 
printanières  ;  —  abris  permanents  ;  —  arrosages  et  irrigations  ;  — 
sarclages;  —  binages.  —  Travaux  divers  :  repiquage  des  plants;  — 
leur  extraction  ;  —  leur  taille  et  leur  rhabillage  ;  —  transport  et  em- 
ballage. 


Exécution  des  semis.  —  Pour  les  semis  de  toutes  essences, 
on  prépare  le  sol  en  planches  parallèles,  ayant  une  largeur 
de  lm,20  et  séparées  entre  elles  par  de  petits  sentiers.  S'il  a  été 
possible  d'orienter  les  côtés  des  grands  carreaux  dans  les 
directions,  les  uns  Nord- Sud,  les  autres  Est- Ouest,  on  tracera 
les  planches  parallèlement  à  ces  derniers  ;  on  verra  plus  loin 
que  cette  disposition  est  avantageuse  lorsqu'il  s'agit  de  placer 
les  abris. 

Semis  en  plein.  —  Dans  chaque  planche,  on  peut  semer 
en  plein,  comme  cela  se  fait  pour  les  carottes  dans  un  jardin  ; 


368  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

mais  ce  mode,  qui  distribue  inégalement  la  graine  sur  toute 
la  surface,  en  exagère  la  quantité  ;  de  plus,  les  sarclages  et 
les  binages  à  l'aide  d'outils  sont  impossibles,  tout  doit  se  faire 
à  la  main,  ce  qui  est  bien  plus  coûteux;  les  maladies  crypto- 
gamiques  s'y  propagent  aussi  plus  rapidement;  enfin  l'extrac- 
tion des  plants  y  est  rendue  difficile  par  l'enchevêtrement 
général  des  racines  :  un  grand  nombre  de  brins,  plus  ou 
moins  meurtris,  doivent  être  rebutés.  Aussi  ce  mode  n'est-il 
à  recommander  que  lorsqu'on  destine  les  plants  à  être 
extraits  en  gazons  pour  les  plantations  à  faire  en  mottes. 

Semis  en  rigoles.  —  Il  est  préférable  de  généraliser  le 
système  des  rigoles  ou  sillons,  dirigés,  soit  longitudinale- 
ment,  soit  transversalement  et  espacés  entre  eux  de  10  à 
30  centimètres,  suivant  l'âge  auquel  on  se  propose  de  con- 
duire les  plants.  Pour  les  résineux  non  repiqués,  qu'on  plante 
à  demeure  à  deux  ans,  l'espacement  de  15  à  18  centimètres 
est  le  plus  convenable,  en  ce  sens  qu'il  permet  le  passage  du 
fer  des  outils  à  sarcler,  à  biner  et  à  rechausser. 

On  peut  tracer  les  rigoles  à  la  binette,  à  la  laite,  ou  à  la 
planche  bavaroise.  Dans  les  deux  premiers  cas,  ces  rigoles 
sont  ouvertes  suivant  le  sens  delà  longueur,  dans  le  dernier, 
suivant  le  sens  de  la  largeur  des  planches. 

Quand  on  opère  à  la  binette,  on  tend  un  cordeau  dans  toute 
la  longueur  de  la  planche  et  à  10  centimètres  de  l'un  des 
bords;  avec  la  pointe  de  l'outil,  on  trace,  le  long  du  cor- 
deau, un  sillon  de  2  ou  3  centimètres  de  profondeur;  on 
sème  à  la  main  et  on  recouvre  la  graine  en  nivelant  le  sol 
au  râteau,  puis  on  replace  le  cordeau  à  la  distance  conve- 
nable, et  on  ouvre  un  nouveau  sillon  ;  ainsi  de  suite  pour 
toute  la  planche. 

A  la  latte,  on  fait  de  même,  en  employant  des  lattes  de  3  à 
4  mètres  de  longueur,  qu'on  dispose  le  long  du  cordeau  et 
qu'on  frappe  à  la  masse,  de  façon  à  tracer  dans  le  sol  un 
sillon  de  profondeur  égale  à  leur  épaisseur,  c'est-à-dire 
2  centimètres  environ.  Les  lattes  pourvues  d'une  double 
gorge  semblable  à  celle  de  la  planche  bavaroise  présentent 
un  sérieux  avantage  sur  la  latte  simple. 

La  planche  bavaroise  se  compose  d'un  madrier  en  bois  dur 


LE    BOISEMENT    PAR    PLANTATIONS.  369 

(chêne,  orme  ou  frêne)  de  3  centimètres  d'épaisseur,  d'une  lon- 
gueur ég  a  le  à  la  largeur  «les  bandes  (fîg.  7*  el  81,  h.  j,  soit  1"J20 
et  large  de  deux  fois  l'espacemënl  adopté  entre  les  rigoles.  Sur 
la  face  inférieure  de  cette  planche  sont  disposées  deux  paires 
de  baguettes  triangulaires  espa- 
cées entre  elles  de  la  largeur  entre     p °>^€ »1 

les  sillons,  soit  18  centimètres,  et     VWMMMmMMjB 


distantes  des  bords  de  la  planche      I        g^i«  ,    «nv¥ 

de  moitié  de  cette   largeur  ;  cha-        °°9 

,  j        ,  •  ,          rig.  78.  —  Coupe  delà  planche 

cune'  des    baguettes    juxtaposées  bavaroise. 

a  3  centimètres  de  base  sur  '2  cen- 
timètres 1/2  de  hauteur.  En  appuyant  la  planche  ainsi  dispo- 
sée sur  un  sol  meuble  et  en  la  damant,  on  imprime  deux 
doubles  sillons  bien  espacés  et  d'une  profondeur  uniforme  ; 
la  graine,  qui  tombe  sur  la  crête  de  la  double  gorge, 
glisse  à  droite  et  à  gauche  et  se  répartit  en  deux  rangs 
espacés  de  3  centimètres. 

Chaque  chantier  est  muni  de  trois  ou  quatre  planches  sem- 
blables que  Ton  juxtapose  successivement,  et  une  à  une,  sui- 
vant toute  la  longueur  de  la  bande.  Ces  petits  appareils,  qui 
nécessitent  une  terre  meuble  et  saine,  facilitent  la  besogne, 
économisent  beaucoup  de  temps  et  donnent  d'excellents 
résultats. 

Quel  que  soit  le  mode  employé,  au  fur  et  à  mesure  que  l'on 
trace  les  sillons,  on  y  répand  la  semence,  aussi  uniformément 
que  possible,  en  faisant  varier  la  quantité  suivant  la  grosseur 
et  les  espèces.  Pour  les  résineux  à  petites  graines,  comme  : 
le  pin  sylvestre,  le  pin  de  montagne,  l'épicéa,  le  sapin,  le 
mélèze,  il  suffit  qu'il  y  ait,  au  fond  de  chaque  rigole  double 
du  système  bavarois,  une  seule  série  de  semences  se  touchant 
dans  leur  travers. 

Pour  assurer  une  bonne*  répartition  de  la  graine  et  se 
mettre  à  l'abri  des  nervosités  toujours  possibles  dans  les 
doigts  du  semeur,  on  a  imaginé  des  instruments  réglés 
à  l'avance  pour  répandre  automatiquement  les  quantités 
voulues.  Certaines  de  ces  machines  sont  bien  compli- 
quées et  ne  fonctionnent  bien  qu'à  la  condition  d'être 
parfaitement  entretenues  ;  mais  nous  recommandons  tout 
BorpE  et  Jolyet.  -4 


370 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


Fig.  79.  —  Coupe  de  la  règle 
semoir  Gardot. 


particulièrement  la  règle  semoir  imaginée  par  l'Inspecteur  Car- 
dot  et  qui  a  fait  ses  preuves  dans  les  pépinières  communales 
de  l'arrondissement  de  Pontarlier.  Cet  outil  très  simple,  et  que 
tout  le  monde  peut  fabriquer,  consiste  en  une  règle  de  la  lon- 
gueur de   la   planche  bavaroise 
dontelle  esten  quelque  sorte  l'an- 
nexe. La  section  transversale  a 
en  est  disposée  comme  l'indique 
la   figure  79,  c'est-à-dire  que  sa 
face  supérieure  est  creusée  d'une 
gorge  dont  laprofondeur  est  cal- 
culée de  telle  sorte  qu'elle  ren- 
ferme, pour  chaque  unité  de  lon- 
gueur, la    quantité    de  graine  à 
semer.  Il  suffit  de  remplir  la  gorge 
de  semence  et  de  faire  circuler  la  réglette  mobile/)  le  long-  de 
l'arrête  c  pour  faire  tomber  le  trop  plein  ;  puis,  posant  la  règle 
chargée  le  long  de  la  rigole,  d'y  verser  son  contenu.  11  va  sans 
dire    qu'on    assortit   tout   un  jeu   de    règles   aux   différentes 
semences   et  aux  différents  états  de  densités  que  l'on  cherche 
à    obtenir  pour  le  semis  d'une  même  essence. 

Quand  on  veut  produire  des  plants  résineux  et  bons  à  être  mis 
en  place,  non  repiqués,  à  l'âge  de  deux  ans,  il  suffit  de  3  à 5  kilos 
de  pin  sylvestre,  pin  d'Autriche,  épicéa  et  mélèze  par  are,  —  si 
d'ailleurs  les  semences  sont  de  bonne  qualité.  Il  faudrait  semer 

plus  dru,  si  les  graines 
étaient  de  qualité  moindre 
ou  si  l'on  ne  voulait  faire 
que  des  plants  d'un  an. 
Derrière  le  semeur, 
marche  immédiatement 
un  autre  ouvrier,  qui, 
muni  d'une  sorte  de  coffre 
en  bois  ou  en  tôle  (fig.  80), 
remplit  les  sillons  d'un 
compost  formé  de  moitié 


Fig.  80.  —  CofTre    à  terreau    utilisé  à 
la  pépinière  de  Bellelontaine. 


terreau  et  de  moitié  sable  ou  encore  de  sciure  de  bois.  Les  expé- 
riences poursuivies  depuis  quelques  années  à  la  pépinière  de 


LE    B0I8BMENT    l'Ail    PLANTATIONS,  371 

Bellefontaine  ont  permis  de  constater  que  l'emploi  de  la  Bçiure 
pure,  provenant  de  bois  de  touLcs  essences,  sans  excepter  le 
chêne,  donne  d'excellents  résultats  ;  la  levée  s'esi  môme  mon- 
trée  plus  complète  et   plus    hàlive   que  dans   le  compost   de 

terreau  ;  la  seule  condition  essentielle  à  remplir,  c'est  epic 
la  sciure  soit  bien  saturée  d'eau  lors  de  l'emploi. 

11  suffit  de  rabattre  la  substance  employée  en  couverture 
jusqu'au  niveau  du  sol,  au  moyen  du  revers  d'une  pelle, 
pour  que  l'opération  soit  terminée.  D'ailleurs,  la  profondeur 
des  sillons  indique  la  quantité  de  terre  qui  doit  recouvrir  les 
semences  ;  cette  quantité  reste  fixée  à  2  ou  3  centimètres 
pour  toutes  les  graines  de  résineux  les  plus  usuelles  de  petite 
et  moyenne  grosseur. 

Semis  en  coffres.  —  Gomme  le  terrain  d'une  pépinière 
coûte  toujours  cher  d'achat  ou  de  mise  en  valeur  et  d'entre- 
tien, il  faut  que  chaque  unité  de  surface  produise  son  maxi- 
mum de  rendement  en  plants  forestiers.  Aussi  ne  saurait-on 
donner  trop  de  soin  à  chaque  opération.  En  ce  qui  concerne 
le  semis,  nous  recommandons  d'entourer  les  plates-bandes 
d'un  cadre  de  planches  brutes  dressées  en  la  forme  du  coffre 
employé  par  tous  les  horticulteurs  ou  maraîchers.  Cette 
disposition  présente  une  foule  d'avantages  :  elle  permet 
de  renouveler  sans  grands  frais  la  terre  épuisée  par  la  cul- 
ture, ou  d'y  doser  plus  facilement  les  amendements  et  en- 
grais, sans  risque  de  déchets  dans  les  zones  d'entourage;  — 
de  créer  les  milieux  artificiels  pour  cultures  spéciales;  — 
enfin  elle  facilite  singulièrement  la  mise  en  place  des  diffé- 
rents appareils  destinés  à  protéger  les  semis  contre  tous  les 
dangers  auxquels  ils  sont  exposés. 

Le  semis  dans  les  coffres  se  fait  d'ailleurs  par  les  procédés 
ci-dessus  détaillés  ;  il  convient,  surtout,  pour  les  plants  des- 
tinés à  être  repiqués  à  un  an,  qu'on  peut  semer  très  dru 
sans  crainte  de  déchets,  et  pour  économiser  les  graines  dont 
le  prix  est  élevé. 

Procédés  spéciaux.  — Pour  les  semis  de  grosses  graines, 
qui  demandent  à  être  plus  profondément  enterrées  que  les 
précédentes,  on  trace,  à  la  binette,  des  raies  de  4  à  6  centi- 
mètres de  profondeur  et  de   largeur  assez  grande  pour  que 


372  LÉS    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

deux  ou  trois  graines  puissent  y  entrer,  placées  de  front. 
Souvent,  lorsqu'on  sème  les  glands  en  automne,  et  pour 
éviter  les  accidents  causés  par  la  gelée,  on  les  enterre  jusqu'à 
10  ou  15  centimètres  de  profondeur,  sauf  à  décaper  la  surface 
au  printemps. Ce  procédé  n'est  pas  à  recommander,  parce  que, 
malgré  les  précautions  prises,  les  graines  se  trouvent  enfouies 
à  des  profondeurs  inégales  et  la  germination  ne  se  produit 
plus  uniformément  :  on  voit  des  chênes  lever  jusqu'en  juillet 
et  même  seulement  au  printemps  suivant,  ce  qui  nuit  à  la 
régularité  des  bandes.  Aussi,  vaut-il  toujours  mieux  semer  à 
la  profondeur  normale,  et,  dans  les  régions  où  la  gelée  est  à 
craindre,  couvrir  les  semis  de  paillassons  ou  de  feuilles  mortes 
qu'on  enlève  au  premier  printemps. 

Quelle  que  soit  la  saison,  une  sage  précaution  à  prendre 
immédiatement  avant  la  mise  des  glands  en  terre,  sera  de  les 
mouiller  légèrement  et  de  les  agiter  dans  des  sacs  renfermant 
quelques  poignées  de  minium  rouge.  Cette  poussière  minérale 
forme  autour  des  graines  un  enduit  qui  les  préserve  de  la  vo- 
racité des  animaux. 

L'enracinement  du  jeune  chêne  est  constitué  par  un  pivot 
simple,  dont  la  longueur,  dans  un  terrain  bien  défoncé,  peut 
atteindre  50  centimètres,  dès  la  première  année.  Semblable 
conformation  rend  délicates  et  onéreuses  les  manipulations, 
extractions  et  mise  en  place  de  ces  plants  ;  depuis  long- 
temps, les  forestiers  ont  cherché  à  supprimer  le  pivot  ou  du 
moins  à  limiter  son  développement.  Duhamel  du  Monceau 
signale  la  pratique,  dite  de  Bretagne,  qui  consiste  à  établir  au 
fond  des  rigoles  un  dallage  qui  arrête  le  pivot  à  la  profondeur 
voulue.  Dans  le  même  ordre  d'idées,  M.  le  conservateur  Le- 
vret  a  proposé  de  semer  les  glands  sur  un  lit  de  pierres 
cassées,  comme  celles  qui  servent  à  l'empierrement  des 
routes,  et  de  les  recouvrir  d'une  couche  de  bon  terreau  de 
0m  10  d'épaisseur.  Nous  avons  expérimenté  ces  deux  procédés 
qui  ne  nous  ont  rien  donné  de  satisfaisant,  et  il  ne  pouvait 
guère  en  être  autrement;  car,  d'une  part,  le  dallage  étanche 
entretient  une  humidité  exagérée  qui  pourrit  les  racines; 
d'autre  part,  le  macadam  produit  un  drainage  qui  assèche  les 
plants. 


LE    BOISEMENT    l'Ait    PLANTATIONS. 


373 


Quelques  praticiens  fonl  germer  les  glands  et  <in  cassent  le 

pivot  avant  de  faire  le  semis.  Une  telle  mutilation  a  pour  effet 
principal  de  ralentir  la  végétation;  il  n'es!  pas  surprenant,  dès 


Fig.  81.  —  Quelques  outils. 

a,  bêche  coupe-pivot;  b,  planche  bavaroise;  c,c,  règle  à  repiquer; 
d,d,  règle  à  semer;  e,  bêche  Prouvé  à  étrier  pour  extraction  d'un 
semis  de  chêne. 


lors,  que  des  sujets  chétifs  aient  un  pivot  moins  développé  que 
celui  des  brins  provenant  des  semences  intactes. 

On  a  beaucoup  parlé  aussi  de  la  bêche  coupe-pivot  (fig.  81  a) 
importée  d'Allemagne,  dont  le  fer,  en  biseau,  bien  tranchant, 


374  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

est  introduit  obliquement  entre  les  rigoles  et  va  couper  les  pi- 
vots à  la  profondeur  voulue.  Nous  pouvons  dire  par  expérience 
que  ce  vieil  instrument,  dont  l'emploi  est  limité  aux  sols  meu- 
bles et  absolument  dépouvus  de  pierrailles,  ne  fait  partout 
que  d'assez  mauvaise  besogne. 

Tout  compte  fait,  il  est  préférable  de  laisser  les  semis  de 
chêne  se  développer  librement,  de  les  arracher  à  un  an,  et  de 
les  mettre  en  place  en  se  servant  des  outils  de  M.  Prouvé 
partout  où  les  circonstances  locales  permettent  de  les  uti- 
liser; —  ou,  mieux  encore,  surtout  quand  on  veut  des  tiges 
moyennes  ou  hautes,  de  repiquer  les  plants  d'un  an  en  pépi- 
nière après  résection  du  pivot,  comme  il  sera  dit  plus  loin, 
pages  384  et  suivantes. 

Le  semis  de  faînes  demande  des  soins  tout  particuliers  et  le 
procédé  employé  par  M.  l'Inspecteur  Groizette  Desnoyers  dans 
les  pépinières  de  Fontainebleau  se  recommande  à  tous  égards. 
Au  commencement  de  mars,  on  stratifié  dans  du  sable,  sur 
une  aire  bien  saine,  les  faînes  conservées  jusqu'alors  dans  un 
grenier,  c'est-à-dire  qu'on  les  dispose  par  lits  alternes  de  2  cen- 
timètres d'épaisseur  de  faînes  et  de  5  centimètres  de  sable. 
On  prend,  autant  que  possible,  du  sable  grenu,  bien  lavé; 
en  général,  le  sable  ordinaire  de  rivière  suffit.  Les  tas,  pour 
ne  pas  être  trop  volumineux,  ne  dépassent  pas  la  capacité 
d'un  demi  mètre  cube  ;  on  leur  donne  soit  la  forme  d'un  cône, 
soit  celle  qui  est  en  usage  pour  les  matériaux  d'empierre- 
ment sur  les  routes. 

Le  but  étant  de  faire  germer  les  faînes  au  premier  prin- 
temps, on  entretient  dans  ces  tas  une  humidité  constante,  — 
par  des  arrosages,  si  la  sécheresse  l'exige.  Généralement,  sui- 
vant la  température  de  l'air,  trois  semaines  ou  un  mois  après 
la  stratification,  les  germes  apparaissent. 

Quand  ils  sont  généralement  sortis,  sans  attendre  toute- 
fois que  leur  longueur  dépasse  2  à  3  centimètres,  on  sème 
dans  des  rigoles  peu  profondes,  espacées  entre  elles  de  20  à 
30  centimètres  pour  faciliter  les  binages.  Le  semis  se  fait  assez 
clair  et  ne  demande  pas  plus  de  GO  litres  par  are  de  terrain 
disposé  en  rigoles  de  0m,18d'écartement;  on  comble  les  rigoles 
avec  le  compost  de  couverture.  L'important,  dans  cette  mani- 


LE    BOISEMENT    PAB    PLANTATIONS.  .'J75 

pulation,  est  de  ne  pas  donner  ;m\  germes  le  (  *  *  1 1 1  j  >^-  de  se 
flétrir:  les  faînes  mélangées  de  sable  passent,  directement 
et  immédiatement,  du  germoirà  la  planche  de  semis. 

Contrairement  à  la  pratique  consacrée  par  L'usage,  l'ihvien- 
teur  du  procédé  recommande  tout  particulièrement  de  ne  pas 
rechausser  les  Libelles  des  plants;  car  cette  opération  conduit 
à  trop  recouvrir  les  graines  qui  ne  sont  pas   levées,   ce   qui 
relarde  encore  leur  développement.  On  constate,  en  elïet,  que 
la  germination  des  faînes,   comme   celle   des  glands,   n'ayant 
jamais  lieu  en  même  temps  sur   un   même  point,    il  s'écoule 
souvent  15  jours  ou  trois  semaines  entre  l'apparition  des  pre- 
miers plants  et  la  levée  complète  ;  ces  retards  font  que  les  der- 
niers levés  n'ont  pas  un  enracinement  assez   profond  lorsque 
surviennent  les  sécheresses  de  l'été  et  qu'ils  périssent  en  grand 
nombre  dans  les  terrains  qu'on  n'irrigue  pas.  A    partir  de  la 
levée,  des  sarclages  et  des  binages   répétés  entretiendront  les 
surfaces  toujours  meubles  et  bien  propres. 

Cet  excellent  procédé  est  applicable  aux  chênes  dans  les 
mêmes  conditions. 

Il  existe,  pour  le  semis  de  hêtre, bon  nombre  d'autres  recettes, 
accompagnées  de  tour  de  main,  dans  le  détail  desquels  nous 
ne  pouvons  entrer. 

On  recouvre  toutes  ces  graines  lourdes  de  3  à  6  cen- 
timètres de  terreau,  la  couche  étant  d'autant  plus  épaisse  que 
la  terre  est  plus  légère. 

Les  semis  de  semences  légères,  aune  et  bouleau,  se  font  en 
plein,  et  la  graine  n'a  pour  ainsi  dire  pas  besoin  d'être  enterrée; 
il  suffit  de  répandre  à  la  surface  une  mince  couche  de  ter- 
reau et  de  tasser  légèrement  avec  un  revers  de  pelle.  L'aune 
doit  être  placé  dans  des  conditions  telles  qu'il  puisse  être 
constamment  irrigué  ;  les  bords  humides  d'un  fossé  con- 
viennent très  bien  à  ce  genre  de  semis. 

La  graine  de  bouleau  germe  difficilement  dans  les  terres 
dont  la  surface  n'est  pas  parfaitement  ameublie.  A  défaut  de 
terrain  graveleux,  on  peut  semer  cette  essence  sur  les 
anciennes  places  à  charbon.  Le  procédé  suivant  est  égale- 
ment à  recommander  pour  le  répandage  de  la  semence,  quand 
il    est  possible  de  disposer  de  porte -graines  dans  les  forêts 


376  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

voisines  de  la  pépinière  :  avant  la  maturité  complète  des 
cônes,  on  coupe  sur  les  arbres  des  branches  de  faible  grosseur 
et  bien  pourvues  de  semences  ;  ces  branches  sont  plantées 
sur  le  terrain  à  ensemencer;  dans  cette  situation^  les  cônes 
achèvent  de  mûrir  et  la  dissémination  des  graines  se  fait  natu- 
rellement: il  suffit  d'une  pluie,  même  peu  abondante,  pour 
les  coller  sur  la  terre  nue  et,  sans  autre  préparation,  elles 
germent  au  printemps  suivant.  Ce  même  procédé  peut  être 
avantageusement  employé  pour  le  semis  direct  de  cette 
essence.  On  réussit  encore  le  semis  de  bouleau  en  répandant 
sa  graine  mélangée  avec  la  proportion  de  sciure  suffisante 
pour  former  sur  le  sol  une  mince  couverture  continue.  Dans 
aucun  cas,  il  ne  faut  craindre  d'exagérer  la  quantité  de  cette 
semence,  qui  présente  toujours  une  forte  proportion  de 
graines  vaines. 

Comme  toutes  les  graines  légères,  celle  du  bouleau  germe 
et  se  maintient  infiniment  mieux  quand  la  semence  est 
abritée  par  un  léger  paillis  de  suite  après  l'épandage.  Les 
aiguilles  de  pin  font,  à  ce  point  de  vue,  une  excellente  couver- 
ture; une  couche  très  mince  suffit  ;  mais  il  faut  craindre  les 
dégâts  des  limaces,  qui  se  réfugient  en  grand  nombre  dans  ces 
milieux  frais  et  humides.  Nous  préférons  le  procédé  cité  plus 
haut  et  employé  par  M.  l'Inspecteur  Bartet,  qui  consiste  à 
semer  la  graine  en  mélange  avec  une  quantité  égale  ou  supé- 
rieure de  sciure  de  bois. 

Les  autres  espèces  feuillues  se  sèment  rarement  en  pépinière, 
pu,  du  moins,  en  petite  quantité.  Les  semences  sont  à  bon 
marché  et  on  ne  les  ménage  pas,  d'autant  plus  que  les  plants 
sont  presque  toujours  extraits  à  un  an  pour  être  repiqués  en  vue 
de  la  production  des  moyennes  ou  hautes  tiges.  Rappelons 
seulement,  au  sujet  des  charmes,  frênes  et  érables,  que  la 
semence  ne  germe  régulièrement  qu'après  une  année  de  strati- 
fication en  rigoles,  comme  cela  a  été  dit  à  propos  de  la  conser- 
vation des  graines.  La  semence  mise  en  place  ne  doit  pas  être 
couverte  de  plus  de  2  à  4  centimètres  de  terreau. 

Les  essences  résineuses  de  lumière  sont  celles  qui  sont 
le  plus  souvent  cultivées  dans  le  terrain  découvert  des  pépi- 
nières. Les  procédés  indiqués  plus  haut  leur  sont  applicables 


LÏB    BOISEMENT    l'Ail    PLANTATIONS.  377 

en  tous  points  cl  sans  autres  précautions  spéciales.  II   n'en 

est  pas  tout  à  fait  de  même  du  sapin,  essence  d'ombre,  beau- 
coup plus  délicate  à  manier  ;  à  ce  point  que,  même  parmi 
les  forestiers,  certains  prétendent   qu'il   n'es!  pas  possible  de 

l'obtenir  de  semis  en  pépinière.  Rien  n'es!  pins  simple 
cependant  :  il  suffit  d'avoir  un  terrain  tel  qu'il  y  trouvera 
l'abri  nécessaire  à  son  tempérament.  Dans  ce  but,  on  choisit 
sous  bois,  dans  une  parcelle  mise  à  l'état  d'ensemencement, 
une  ou  plusieurs  surfaces,  suivant  la  quantité  de  plants  à 
produire,  dont  la  forme  sera  quelconque  entre  les  tiges 
des  porte-graines  ;  on  nettoie  le  terrain,  on  le  défonce  en  le 
débarrassant  de  toutes  les  racines  vivantes  et,  dans  la  terre 
à  bois  ainsi  préparée,  on  sème,  comme  s'il  s'agissait  du  pin 
sylvestre  ou  de  l'épicéa.  —  11  va  sans  dire  que  cette  petite 
pépinière  annexe  sera  traitée,  au  point  de  vue  des  clôtures 
et  des  soins  divers,  comme  l'établissement  principal.  Les 
abris  d'hiver  et  d'été  lui  étant  seuls  fournis  par  le  peuple- 
ment qui  les  protège,  il  faudra  recourir  aux  engrais  si  l'on 
demande  plusieurs  récoltes  consécutives  à  la  même  sur- 
face. 

Quantité  de  graines  à  employer.  —  Cette  quantité 
varie,  non  seulement  avec  l'espèce,  mais,  pour  une  même 
espèce,  avec  la  nature  des  plants  à  obtenir.  Il  faut  semer 
plus  dru  pour  utiliser  les  plants  à  un  an  que  pour  les  em- 
ployer à  deux  ans,  et,  d'une  manière  générale,  d'autant  plus 
clair  que  les  plants  resteront  plus  longtemps  en  place.  Cette 
considération  est  très  importante,  car  un  semis  fait  pour 
être  extrait  à  un  âge  déterminé  ne  peut  demeurer  en  rigoles, 
au  delà  de  cet  âge,  sans  subir  une  perte  considérable. 
Chez  les  résineux,  par  exemple,  qui  végètent  rapidement 
entre  la  deuxième  et  la  troisième  année,  le  déchet,  par  suite 
de  manque  d'espace,  réduit  d'environ  moitié  le  nombre  de 
plants  récoltés  à  trois  ans,  alors  qu'ils  étaient  semés  pour 
l'être  à  deux  ans.  Aussi,  malgré  la  dépense  qu'entraîne  le 
repiquage,  il  faut,  si  des  circonstances  indépendantes  de  la 
volonté  empêchent  d'utiliser  les  plants  à  l'âge  voulu,  les 
extraire  et  les  rigoler  en  pépinière.  Si  l'on  n'a  ni  le  temps, 
ni  le  terrain  préparé  nécessaire  pour  cette  opération,  ne  pas 


378  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

hésiter  à  faire  le  dêpressage,  mais,  en  se  gardant  bien  de 
procéder  par  arrachage  à  la  main  ou  avec  un  outil  quelconque. 
La  coupe  au  ciseau,  par  petites  bandes  alternes  dans  le  travers 
de  la  rigole,  est  beaucoup  plus  expéditive,  en  ce  sens  qu'elle 
limite  à  la  proportion  voulue  l'enlèvement  des  sujets  sura- 
bondants, sans  nuire  à  ceux  qui  restent  en  place. 

Pour  les  semis  faits  en  rigoles  et  destinés  à  être  extraits 
après  leur  deuxième  année,  dans  les  conditions  moyennes  de 
sol  et  de  climat,  il  suffit  d'employer,  par  1,000  mètres  cou- 
rants de  rigoles,  les  quantités  suivantes  : 


6  à  7  kil. d'épicéa  désailé. 

5  à  6    —  de  pin  sylvestre   (id.) 

7  à  8    —  de  mélèze  (id.) 

8  à  9    — de  pin  noir  d'Autriche  (id. 


30  à  35  kil.    de   sapin  désailé. 
30  —     de  frêne. 
30  —    d'érable. 
12  —    d'orme. 


Si  les  semis  doivent  être  extraits  après  la  première  année, 
ces  quantités  pourront  être  augmentées  d'un  tiers. 

On  compte,  par  are,  de  600  à  700  mètres  courants  de 
rigoles  espacées  entre  elles  de  15  à  18  centimètres,  déduction 
faite  des  sentiers  de  33  centimètres  réservés  entre  chaque 
planche  de  lm,20  de  largeur. 

Saison  des  semis.  —  Quelles  que  soient  les  essences  et 
les  régions,  le  printemps  paraît  la  saison  la  plus  convenable. 
Suivant  que  le  climat  sera  plus  ou  moins  sec,  on  commencera 
plus  ou  moins  tôt,  pour  profiter  de  l'humidité  accumulée  dans 
le  sol  pendant  l'hiver.  A  partir  du  15  mars,  dès  que  la 
terre  est  assez  ressuyée  à  la  surface,  on  peut  profiter  de  tous 
les  beaux  jours  pour  semer,  et  il  n'y  a  pas  de  temps  à 
perdre,  car,  à  ce  moment,  les  travaux  à  faire  pressent  de 
tous  côtés  dans  une  pépinière  comme  ailleurs. 

Soins  à  donner  aux  semis  :  pralinage  des  graines.  — 
Dès  qu'elles  sont  mises  en  rigoles,  avant  même  la  germina- 
tion, les  graines  sont  exposées  à  la  voracité  d'animaux  de 
toute  sorte.  On  atténue  les  dégâts  par  des  procédés  analogues 
à  ceux  qui  sont  employés  pour  les  plantes  agricoles  (1). 

(1)M.  Neuville,  professeur  à  l'Kcole  pratique  de  Neubourg  recommande 
le  pralinage  au  pétrole  par  le  procédé  qu'il  décrit  en  ces  termes: 

On  prend  200  grammes  de  pétrole  et  6  litres  d'eau  bouillante;  on 
verse  d'abord   l'eau  bouillante  sur   100  grammes  de   goudron  de  gaz 


LE    BOISEMENT    l'Ail    PLANTATIONS.  .'{79 

Dès  leur  levée,  les  semis  réclament  d'autres  BoinBJusqu'au 
moment  de  la  récolte. 

Abris  contre  la  sécheresse.  -  Ce  sont,  d'abord,  les  abris 
qui  les  maintiendront  ombragés  contre  la  chaleur. 

De  ces  abris,  les  uns  sonl  formés  par  des  tiges  vivantes  et 
cultivées,  à  cet  effet,  le  long  des  bandes  ;on  plantera,  par  exem- 
ple, sur  la  ligne  du  côté  sud,  soit  des  boutures  de  saule  ou  de 
peuplier,  soit  des  feuillus  de  demi- tiges  de  manière  à  former 
une  série  d'écrans;  on  peut  également  semer  sur  cette  même 
ligne  du  seigle,  des  fèves  de  marais,  ou  toute  autre  plante 
annuelle  à  tige  droite  et  rigide,  pouvant  s'élever  jusqu'à  60 
ou  70  centimètres  et  dont  on  obtiendra  une  récolte  utilisable. 

Mais,  au  lieu  de  ces  cultures  dont  la  réussite  est  incertaine, 
qui  fatiguent  le  sol  et  qui  sont  à  demeure  jusqu'à  la  récolte, 
il  vaut  mieux  employer  des  abris  morts  qu'on  peut  placer 
ou  enlever  à  volonté. 

En  foret,  les  plus  économiques  sont  des  branchages  de 
bois  résineux  ou  de  bois  de  feuillus  coupés  au  moment  où 
les  feuilles  sont  déjà  développées,  que  l'on  fixe  en  terre  le 
long  des  bandes  et  de  façon  à  les  abriter  du  côté  du  midi; 
l'orientation  des  bandes  dans  la  direction  Est-Ouest  facilite 
beaucoup  cette  opération.  Les  branchages  peuvent  être  sim- 
plement plantés  sur  une  ligne  ou,  mieux  encore,  sur  les 
deux  bords  de  la  bande  et  entrelacés  au-dessus  d'elle  en 
forme  de  berceau  ;  cette  disposition  fournit  des  abris  d'une 
solidité  à  toute  épreuve,  mais  elle  augmente  sérieusement  la 
difficulté  des  sarclages.  On  peut  aussi  installer  le  long  des 
bandes  deux  lignes  de  lattes  parallèles  supportées  par  des  cro- 
chets de  61)  à  70  centimètres  de  hauteur  et  sur  lesquelles 
on  étend  les  branchages.  A  défaut  de  rames  feuillées,  on  se 

épuré,  en  agitant,  puis  on  ajoute  100  grammes  de  pétrole  en  remuant 
le  mélange  ;  on  remet  de  nouveau  du  goudron  puis  du  pétrole,  en 
même  quantité,  jusqu'à  épuisement  des  provisions,  qui  sont  dosées 
dans  la  proportion  de  : 

100  gr.  de  goudron  de  gaz 
100  gr.  de  pétrole  épuré 
1  litre  1/2  d'eau  bomllante, 

proportion  qui  suffit  pour  50  litres  de  semence.  Celle-ci  est  trempée 
dans  le  mélange  refroidi  et  employée  ressuyée. 


380  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

sert,  suivant  les  cas,  de  toiles,  de  claies,  de  paillassons,  en 
donnant  la  préférence  au  meilleur  marché. 

Quelquefois,  on  garnit  les  intervalles  des  rigoles  avec 
de  la  mousse.  On  attribue  à  cette  couverture  l'avantage  : 
1°  de  garantir  le  sol  contre  le  durcissement  superficiel 
et  de  diminuer  le  nombre  de  binages  que  les  semis  néces- 
sitent pendant  l'été;  2°  d'empêcher,  dans  une  large  mesure, 
la  levée  des  mauvaises  plantes  et  d'économiser  ainsi  une 
partie  des  sarclages  ;  3°  de  garantir  les  plants  contre  les  fortes 
pluies  et  surtout  contre  la  sécheresse,  en  conservant  au 
terrain  une  partie  de  sa  fraîcheur  et  diminuant  ainsi,  ou 
même  supprimant,  les  arrosages.  Par  contre,  la  mousse  pré- 
sente l'inconvénient  de  faire  obstacle  à  l'influence  bien- 
faisante des  rosées  et  de  servir  de  repaire  à  une  foule  d'ani- 
maux nuisibles. 

Abris  d'hiver.  —  Les  plants  forestiers  indigènes  n'ont  pas 
beaucoup  à  craindre  du  froid  ;  mais,  dans  certains  sols, 
comme  les  marnes,  on  perd  beaucoup  de  plants  par  l'effet 
du  déchaussement.  Bien  que  ces  accidents  soient  surtout  à 
craindre  pour  les  semis  de  l'année,  ils  produisent  parfois 
des  effets  tels  que  des  semis  de  tous  âges  et  même  des  plants 
de  haute  tige  sont  complètement  arrachés  (1). 

On  prévient  ces  accidents,  en  grande  partie  du  moins, 
en  recouvrant  les  semis,  dès  l'automne,  d'un  paillis  grossier 
ou  de  feuilles  sèches  fixées  par  des  branchages.  Pour  être 
efficace,  la  couverture  doit  être  maintenue  jusqu'au  moment 
où  les  plants  entrent  en  végétation  ;  car  c'est  au  mois  de 
mars  que  le  déchaussement  est  le  plus  à  craindre  ;  quand  il  se 
produit,  malgré  les  précautions  prises,  on  relève  avec  soin 
les  plants  renversés  et  on  en  rhabille  les  racines  et  les  jeunes 
tigelles  au  moyen  de  terreau  qu'on  répand  sur  le  sol  à  travers 
un  tamis;  jamais  on  ne  doit  les  brutaliser,  en  les  renfonçant 

(1)  On  peut  citer  des  exemples,  notamment  dans  les  environs  de 
Barcelonnette,  de  poteaux  télégraphiques  soulevés  par  l'effet  du  dé- 
chaussement. En  semblante  circonstance,  il  ne  faut  songer,  ni  a  créer 
des  pépinières  permanentes  ou  volantes,  ni  à  faire  des  semis  en  place; 
on  ne  peut  que  planter,  et  encore  faut-il  avoir  recours  à  la  plantation 
ohlujue,  de  telle  sorte  que  le  soulèvement  par  la  gelée  déplace  en 
même  temps  tout  l'appareil  souterrain  sans  le  tirer  en  dehors. 


il.    BOISEMENT    PAS    PLANTATIONS.  381 

avec  les  doigts,  comme  cela  se  l'ail  trop  BOUVent.  (  m  peut  aussi 
butter  la  terre  autour  des  lignes  «le   -émis,   soit  à    la    houe, 
soit  avec  des  outils  spéciaux. 
Ajoutons  que  les  paillis,  qui  empêchent  le  réchauffement 

rapide  de  la  surface  dès  le  premier  printemps,  retardent 
l'évolution  des  bourgeons  assez  pour  les  garantir  contre  les 
gelées  printanières. 

Abris  contre  les  gelées  printanières.  —  Ces  accidents 
sont  tellement  fréquents  en  toute  région,  aussi  bien  au  Midi 
qu'au  Nord,  qu'il  est  prudent,  en  règle  générale,  d'abriter 
tous  les  plants  et  plus  particulièrement  les  espèces  délicates 
et  à  végétation  hâtive,  comme  le  sapin,  le  hêtre,  le  frêne,  etc.. 

A  cet  effet,  on  se  sert  de  paillassons  qu'on  enlève  pen- 
dant le  jour,  ou,  plus  simplement,  de  grandes  toiles  mainte- 
nues par  des  piquets  à  1  mètre  au-dessus  du  sol  et  qu'on 
peut  installer  ainsi  d'une  façon  permanente,  tant  que  cela  est 
jugé  utile. 

Le  gardien  de  la  pépinière  doit  aussi  être  pourvu  du  ma- 
tériel nécessaire  pour  la  création  de  nuages  artificiels. 

Abris  permanents.  —  Pour  éviter  toutes  ces  dépenses 
d'appareils  et  de  main  d'œuvre,  on  a  été  conduit  à  créer 
des  abris  permanents  contre  tous  les  effets  météoriques  : 
vents,  chaleur,  sécheresse,  froid,  etc..  Le  plus  souvent  ce 
sont  des  haies  vives  d'essences  feuillues  ou  résineuses  :  charme, 
épicéa,  thuia,  qu'on  taille  suivant  une  épaisseur  réduite  au- 
tant que  possible,  en  les  maintenant  à  une  hauteur  de  2  mè- 
tres environ.  Si  leur  disposition  varie  dans  le  détail,  du 
moins  sont-elles  toujours  orientées  suivant  la  direction  Est- 
Ouest.  Certainement  ces  abris  en-tous-cas  ont  une  efficacité 
réelle,  mais  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  leurs  incon- 
vénients :  ils  occupent  une  place  beaucoup  plus  grande  que 
leur  faible  projection  semble  l'indiquer  ;  car  les  racines  s'éta- 
lent à  droite  et  à  gauche  et  interdisent  toute  culture  profitable 
à  une  distance  de  1  mètre  à  lra,50  de  chaque  coté  de  leur 
pied  ;  —  les  haies  doivent  être  entretenues  par  une  taille 
sévère  et  soigneuse  qui  absorbe  du  temps  ;  —  leur  présence 
diminue  considérablement  les  dépôts  de  rosée. 

Quoiqu'il  en   soit,  nous  pouvons  citer    comme    exemple  la 


382  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

disposition  adoptée  dans  les  pépinières  de  la  forêt  domaniale 
de  Lyons-la-Forêt  et  dont  les  forestiers  locaux  disent  le  plus 
grand  bien.  Les  haies  sont  en  charme,  dont  les  feuilles  marces- 
santes  continuent,  en  toute  saison,  les  effets  qu'on  demande 
à  l'abri.   La  figure  82  donne  le  plan  de  leur  installation. 


Sentier 
T* S 


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9 

V 


1  Sentier 

) —   r     i    ~ï       s       ? 

Fig.  82.  —  Haies  en  charmille  servant  d'abri  permanent 
contre  les  gelées  prin tanières. 

Nous  ne  terminerons  pas  cette  question  si  importante  des 
abris  sans  rappeler  combien  l'emploi  des  coffres  simplifie 
tous  les  travaux,  surtout  en  ce  qui  concerne  les  semis  d'un  an 
qui  occupent  la  plus  grande  place  dans  les  pépinières  de  rési- 
neux. Rien  de  plus  facile,  notamment,  que  de  construire  des 
cadres  tendus  de  grillage  galvanisé  ou  de  claies  en  menues 
lattes  ayant  la  largeur  du  coffre  et  protégeant  les  plants  contre 
les  oiseaux  ou  le  soleil. 

Arrosages,  irrigations.  —  Les  arrosages,  tel  qu'on  les 
pratique  le  plus  souvent,  ne  sont  pas  à  recommander.  L'eau 
qu'on  jette  sur  la  terre,  en  grande  masse  à  la  fois,  n'y  pénètre 
que  difficilement  et  s'écoule  inutilement  à  la  surface  pour  peu 
que  le  terrain  présente  une  pente,  môme  légère.  Un  arrosage, 
pour  être  efficace,  ne  doit  laisser  arriver  l'eau  sur  la  terre 
qu'en  quantité  égale  à  celle  qui  peut  être  immédiatement 
absorbée,  et  l'opération  doit  se  prolonger  tant  que  la  terre 
n'est  pas  saturée  jusqu'à  la  profondeur  pénétrée  par  les  racines. 


Il;     B0ISEMEN1      l'Ail     PLANTATIONS.  .'{S.'{ 

Avec  les  ustensiles  ordinaires,  une  telle  opération  sérail  trop 
onéreuse  pour  être  appliquée  à  de  grandes  étendues  ;  au  lieu 
de  produire  un  cll'et  utile,  les  arrosages  incomplets  encroûtent 
la  surfaoe  du  sol  et,  pour  ne  pas  devenir  nuisibles,  ils  doivent 
être  suivis  d'un  binage.  Les  seuls  arrosages  convenables 
seraient  faits  à  la  lance  fixe  qui  projette  l'eau  en  goûte- 
lettes  fines  et  qu'on  déplace  à  volonté  ;  mais  ces  appareils 
coûtent  cher,  et  on  ne  dispose  pas  toujours  de  la  pression 
.convenable. 

Aussi,  au  lieu  d'arroser,  vaut-il  mieux  irriguer.  La  dépense 
de  première  installation  nécessitée  par  l'établissement  d'un 
système  complet  d'irrigation  sera  largement  compensée  par 
les  économies  qui  en  résulteront  plus  tard  et  par  la  meilleure 
qualité  des  plants  obtenus.  Quand  l'eau  courante  peut  être 
amenée  jusqu'au  bord  des  planches,  un  ouvrier  creuse, 
le  long-  de  chacune  d'elles,  un  sillon  où  il  dirige  une  petite 
quantité  d'eau  qu'il  y  laisse  assez  longtemps  pour  que 
la  bande  entière  soit  imbibée  entre  deux  terres,  par  voie  de 
filtration,  sans  que  l'eau  puisse  couler  à  la  surface  :  ce  qui 
serait  nuisible  et  parfois  dangereux.  Pendant  les  années  ordi- 
naires, deux  irrigations,  pratiquées  à  des  époques  bien  choisies, 
sont  suffisantes  pour  entretenir  en  bon  état  de  fraîcheur  un 
carré  de  semis.  Dans  les  régions  plus  sèches,  le  mode  d'irriga- 
tion par  submersion,  dans  des  compartiments  bien  nivelés  et 
entourés  d'un  bourrelet  de  terre,  donne  d'excellents  résultats. 

Sarclage.  —  Le  sarclage  consiste  dans  l'enlèvement  de  la 
végétation  herbacée  qui  se  présente  plus  ou  moins  abondante 
dans  toutes  les  cultures.  On  doit  sarcler  la  pépinière  aussitôt 
que  les  mauvaises  herbes  commencent  à  poindre  et  avant 
qu'elles  aient  développé  de  fortes  racines;  quand  ces  herbes 
sont  encore  jeunes,  on  les  arrache  facilement  à  la  main,  surtout 
après  une  petite  pluie  ;  si  on  les  a  laissées  grandir,  il  vaut 
mieux  les  couper  :  l'arrachis  ne  pourrait  plus  se  faire  sans 
danger  pour  les  jeunes  plants.  Le  point  essentiel  est  de 
ne  jamais  laisser  les  mauvaises  herbes  monter  en  semence;  de 
telles  négligences  sont  impardonnables,  caries  graines  mûres 
se  répandent  à  profusion  sur  le  sol  et  le  terrain  en  est  littéra- 
lement empoisonné  pour  plusieurs  années.  A  ce  point  de  vue, 


384  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

il  est  important  que  les  carrés  vides,  les  chemins  et  les  abords 
des  pépinières  soient  sarclés  comme  les  bandes  de  semis  elles- 
mêmes.  Quand  l'espacement  entre  les  lignes  de  semis  est  suffi- 
sant pour. qu'on  puisse  y  passer  le  fer  d'un  racloir,  on  fera 
facilement  et  économiquement  le  sarclage  en  même  temps 
qu'un  binage. 

Binage.  —  Les  jardiniers  prétendent  que  binage  vaut 
arrosage.  L'opération  consiste  à  donner  au  sol  une  légère 
culture  pour  en  ameublir  la  surface.  Elle  a  pour  effet,  en 
augmentant  la  perméabilité  du  sol,  de  faciliter  l'absorption 
de  l'air  et  des  eaux  de  pluie,  de  fixer  les  vapeurs  et  les  rosées, 
de  ralentir  l'évaporation,  en  un  mot,  de  rompre  la  liaison 
entre  la  couche  supérieure  et  celle  sous-jacente  :  ce  qui  fait 
remplir  à  la  première  le  rôle  de  couverture. 

Travaux  divers  :  repiquage.  —  Le  repiquage  ou  le  rigo- 
lage  est  toujours  une  pratique  très  coûteuse,  non  seulement  à 
cause  de  la  dépense  qu'entraîne  l'opération  elle-même,  mais 
encore,  et  surtout,  à  cause  de  la  grande  étendue  du  terrain 
qu'elle  nécessite  et  dont  l'entretien  en  bon  état  de  production 
est  très  onéreux.  C'est  en  faisant  les  semis  d'une  manière 
convenable  et  dans  des  carreaux  bien  fumés  qu'on  se  dis- 
pensera de  ces  repiquages  ;  car  le  plus  souvent,  si  les  plants 
résineux  de  2  ans  ne  sont  pas  assez  forts  pour  être  plantés  à 
demeure,  c'est  parce  que  l'engrais  ou  les  soins  nécessaires  leur 
auront  manqué.  Aussi,  malgé  la  supériorité  incontestable  des 
plants  qu'il  procure,  le  repiquage  doit-il  être  l'exception  pour 
les  plantations  de  résineux  en  basses  tige;  il  est,  au  contraire, 
la  règle  pour  les  essences  feuillues;  ajoutons  enfin  que  nombre 
de  pépiniéristes  sont  partisans  du  repiquage  quand  même  ;  il 
importe  dès  lors  d'en  connaître  les  effets  et  la  pratique. 

Prenons,  par  exemple,  deux  plants  de  pin  sylvestre  de 
2  ans  provenant  du  même  semis.  L'un  (fig.  83  a)  a  été  extrait 
directement  dans  le  sillon  où  il  a  été  semé;  l'autre  (fig.  83  /;.), 
enlevé  de  la  bande  de  semis  et  repiqué  à  sa  première  année, 
ayant  par  conséquent  une  année  de  repiquage.  Le  premier 
est  élancé,  grêle;  ses  aiguilles  pâles  et  rares, son  enracinement 
représenté  par  de  longs  filets  à  peine  ramifiés  forment  un 
ensemble  de  médiocre  aspect.  Le  second  est  trapu  ;  ses  aiguilles 


LE    BOISEMENT    PAU     PLANTATIONS. 


385 


longues  <■(  de  couleur  foncée,  ses  racines  nombreuses  et  bien 
pourvues  de  chevelu  témoignent  de  sa  vigueur. 

A  cause  de  la  faiblesse   de    leur  enracinement ,     les   épieras 


Fig.  83.  —  Effets  du  repiquage.  —  a,  Pin  sylvestre  de  2  ans,  non  repi- 
que ;  b,  pin  sylvestre  repique;  c,  Chêne  pédoncule  de  2  ans,  non 
repiqué  ;L  chêne  pédoncule  de  2  ans  repiqué  après  résection  du 
pivot. 


doivent  presque  toujours  être  repiqués  avant  emploi.  Toutes 
les  essences  exigent  cette  pratique  quand  on  veut  les  con- 
duire jusqu'aux  dimensions  de  moyennes  et  de  hautes  tiges; 
alors  plusieurs  opérations  successives  sont  nécessaires,  en 
Boppe  et  Jolyet.  25 


386  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

augmentant  les  espacements  en  proportion  de  la  taille  qu'elles 
atteindront. 

Plus  particulièrement  en  ce  qui  concerne  les  chênes,  les 
types  c  et  d  de  la  figure  83,  nous  montrent  les  effets  du  repi- 
quage. Le  premier  représente  un  plant  de  2  ans,  tel  qu'il  a 
été  extrait  de  la  rigole  avec  toutes  les  précautions  voulues 
pour  qu'il  soit  complet  :  cime  chétive,  tige  grêle,  pivot 
simple  d'une  longueur  exagérée.  Le  second,  repiqué  à  un  an, 
après  résection  du  pivot,  s'est  formé  un  appareil  radiculaire 
multiple,  bien  pourvu  de  radicelles  en  même  temps  qu'il 
étoffait  sa  région  aérienne.  Inutile  d'insister  pour  faire  res- 
sortir lequel  des  deux  sera  d'une  reprise  plus  certaine. 

Mais  venons  à  la  pratique  du  repiquage.  Il  se  fait  en 
pépinière  dans  des  compartiments  spéciaux,  qu'on  nommait 
autrefois  des  hatardières. 

Qu'il  s'agisse  d'espèces  résineuses  ou  feuillues,  on  emploie, 
pour  être  repiqués  en  pépinière,  des  jeunes  plants  âgés  d'un 
ou  deux  ans  au  plus.  On  les  arrache  avec  les  précautions  né- 
cessaires pour  ne  pas  endommager  les  racines;  on  en  fait  le 
triage  et  l'on  écarte  les  sujets  trop  grêles  ou  trop  chétifs.  Les 
bons  sont  abrités  avec  soin  contre  le  soleil  et  le  vent,  pour  les 
préserver  du  dessèchement. 

La  mise  en  terre  de  ces  plants  se  fait  d'après  l'une  des  trois 
méthodes  suivantes  : 

1°  au  moyen  d'un  plantoir  à  main,  dont  la  grosseur  et  la 
longueur  sont  proportionnées  à  la  dimension  des  jeunes  plants, 
on  fait  une  série  de  trous  alignés  au  cordeau,  et  régulièrement 
espacés;  dans  chacun  de  ces  trous,  on  enferme  un  plant  de 
manière  que  le  collet  de  la  racine  se  trouve  au  niveau  du  sol; 
puis  on  les  rebouche  au  moyen  d'une  simple  pression  qu'on 
exerce  avec  le  plantoir  enfoncé  à  une  faible  distance  de  la 
première  ouverture.  Ce  procédé  s'applique  surtout  aux  rési- 
neux d'un  an  ; 

2°  avec  une  bêche,  on  ouvre,  le  long  d'un  cordeau,  une 
simple  fente  qu'on  élargit  à  sa  partie  supérieure  en  ap- 
puyant successivement  à  gauche  et  à  droite  sur  le  manche 
de  l'outil  ;  dans  cette  fente,  on  glisse  les  plans  un  à  un,  à  la 
distance  voulue,  et  l'on  remplit  avec  du  terreau;  on  les  fixe 


LE    BOISEMENT    l'Ali     l'LANTATIONS. 


:;h7 


ensuite,  en  pressant  la  terre,  suit  avec  Le  pied,  soit  avec    la 
bêche  ; 

3°  un  ouvrier  creuse  à  la  houe  une  rigole  alignée  au  cor- 
deau ;  un  autre,  le  plus  généralement  une  femme,  pose  les 
plants,  un  à  un,  en  les  appuyant 
contre  l'une  des  parois  de  la  rigole 
que  Ton  a  eu  soin  de  maintenir  à 
peu  près  verticale  :  pendant  qu'il 
les  soutient  en  bonne  position  avec  ^v 
la  main  gauche,  il  lixe  les  racines  en 
refoulant,  de  la  main  droite,  la  terre 
meuble  qu'on  vient  de  retirer  de  la 
rigole.  11  suffit,  quand  une  planche 
est  entièrement  remplie,  de  donner 
un  coup  de  râteau  entre  les  lignes 
pour  terminer  la  besogne.  Cette 
troisième  méthode,  de  beaucoup 
préférable  aux  deux  autres,  s'appli- 
que aux  plants  de  toutes  dimensions. 

D'ailleurs,  la  rapidité  du  travail  et 
la  régularité  parfaite  dans  l'emplace- 
ment des  plants  peuvent  être  assurés 
par  l'emploi  de  la  règle  à  repiquer 
(fig.  81  c.  c.)  dont  M.  l'Inspecteur 
Cardot  a  fait  le  pendant  de  sa  règle 
à  semer  (1).  Sensiblement  de  même 
forme  et  de  même  dimension  que 
celle-ci,  elle  porte  sur  une  de  ses 
faces  une  suite  d'encoches  équidis- 
tantes,  dont  chacune  est  destinée  à 
recevoir  un  plant,  qui  y  est  posé  de 
telle  façon  que  le  collet  de  la  racine 

soit  au  niveau  de  la  face  inférieure  de  la  règle.  Quand  toutes 
les  encoches  sont  garnies,  on  maintient  la  série  en  appuyant 
la  réglette  mobile  dans  l'angle  supérieur  de  magasin  et  l'on 
place  le  tout  sur  le  bord  de  la  rigole  ;  il  suffit  de  rechausser 

(1)  Le  principe  est  celui  de  l'antique  règle  à  repiquer,  outil  en  fer, 
mal  commode,  et  dont  personne  n'avait  jamais  songé  à  se  servir. 


Fig.  84.  —  Coupe  de  la 
règle  à  repiquer. 


388  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

les  racines  en  procédant  comme  ci-dessus,  après  quoi  on 
enlève  l'appareil. 

La  règle  peut  servir  à  des  espacements  différents  en  gar- 
nissant à  volonté  une  encoche  sur  2,  —  3,  —  etc. 

L'espacement  à  donner  aux  plants  varie  avec  l'emploi  au- 
quel on  les  destine.  Si  l'on  ne  veut  que  des  basses  tiges,  l'écar- 
tement  entre  chaque  ligne  pourra  varier,  suivant  les  essences, 
de  15  à  25  centimètres  et  la  distance  dans  les  lignes  de  4  à 
5  centimètres  ;  pour  les  moyennes  tiges,  on  devra  augmenter 
ces  dimensions  et  donner  10  à  15  centimètres  à  l'espacement 
des  plants  dans  les  lignes  ;  enfin,  pour  les  hautes  tiges,  il  con- 
viendra de  donner  aux  lignes  au  moins  50  centimètres  d'écar- 
tement  et  aux  plants  un  espacement  minimum  de  10  centi- 
mètres. 

Il  est  entendu  qu'au  point  de  vue  de  la  fumure,  des  sarclages, 
des  binages  et  même  des  irrigations,  les  planches  repiquées 
seront  entretenues  comme  les  planches  semées. 

Extraction  des  plants.  —  Lors  de  l'extraction  des  plants, 
on  évitera  de  blesser  les  racines  et  les  petites  tiges;  aussi  l'arra- 
chage à  la  main  doit-il  être  absolument  proscrit.  Le  meilleur 
procédé,  celui  qui  est  surtout  facilité  par  le  semis  ou  le  repi- 
quage en  lignes, consiste  à  ouvrir, sur  le  bord  des  sentiers  et  tout 
contre  la  première  rangée,  une  jauge  assez  profonde  pour  attein- 
dre l'extrémité  inférieure  des  racines  ;  puis,  au  moyen  d'une 
bêche,  ou  mieux  encore  d'une  fourche  à  dents  plates,  on  exerce 
une  pression  du  côté  opposé  de  façon  à  renverser  les  plants 
dans  la  jauge,  sans  que  la  terre  se  détache  des  racines  ;  celles-ci 
restent  absolument  intactes  quand  il  s'agit  de  jeunes  plants 
résineux  d'un  ou  de  deux  ans;  dès  lors,  il  n'y  a  jamais  besoin 
de  les  tailler  ou  d'en  retrancher  une  portion  quelconque.  L'ex- 
traction est  toujours  suivie  d'un  triage,  qui  permet,  tout  en 
comptant  les  plants,  de  rebuter  tous  ceux  qui  ne  paraîtraient 
pas  de  bonne  qualité.  Cette  opération  doit  être  faite  sous  un 
hangar  fermé  ou,  tout  au  moins,  à  l'abri  de  paillassons,  pour 
éviter  le  contact  d'un  air  trop  agité  ou  trop  chaud  et,  par  suite, 
le  dessèchement. 

Les  feuillus  d'espèces  pivotantes,  les  demi  ou  moyennes 
tiges  s'arrachent  beaucoup  plus  difficilement;  il  faut  faire  des 


I  i      BOISE  Ml  N  r    P  \lt     PL  vn  I  AI  IONS. 


380 


trous  profonds  et,  malgré  celle  précaution,  il  es1  rare  qu  on 
puisse  extraire  les  racines  entières.  Alors,  la  taille  de  ces  ra- 
cines est  justifiée;  mais  l'opération  se  limite  a  pratiquer  une 

section  bien  nelle,  l'aile  obliquemenl  avec  une  sei-pelle  tran- 
chante, immédiatement  au-dessus  des  cassures  ou  des  por- 
tions Irop  fortement  lésées:  en  aucun  cas,  il  ne  faut  rien  re- 
trancher aux  parties  saines,  car  les  (ilamenls  les  plus  tenus 
sont  les  plus  utiles. 

Quand  il  s'agit  de  plants  précieux  ou  délicats,  le  mieux esl 
de  les  extraire  et  de  les  transplanter  en  molle;  le  surcroît 
de  dépense  que  l'opération  entraîne  est  largement  compensé 
par  une  reprise  plus  certaine  et  une  végétation  meilleure. 
D'ailleurs,  quand  on  veut  assurer  la  transplantation  en  motte 
d'un  sujet,  quelles  que  soient  ses  dimensions,  on  procède  de  la 
manière  suivante  :  dès  le  printemps  qui  précède  la  saison  où 
se  fera  le  déplacement,  on  creuse,  tout  autour  de  la  tige  et  à 
une  distance  variable  entre  40  centimètres  et  1  mètre,  sui- 
vant la  force  du  sujet  et  la  nature  de  son  enracinement,  une 
jauge  circulaire  de  la  largeur  d'un  fer  de  bêche  et  de  50  ou  (30 
centimètres  de  profondeur.  Cette  jauge,  taillée  à  parois  ver- 
ticales, au  moyen  d'une  bêche  avivée,  est  ensuite  remplie 
avec  de  la  bonne  terre  mélangée  de  terreau.  Si  l'on  a  soin  de 
l'arroser  plusieurs  fois  dans  la  saison  de  végétation,  il  se 
formera,  dans  cette  terre  neuve,  un  chevelu  abondant,  et, 
quand  le  moment  sera  venu,  on  extraira  la  motte  sans  occa- 
sionner de  nouvelles  lésions  aux  racines  (1). 

Taille  ou  rhabillage  des  plants.  —  Quand  les  plants  de 
basses  tiges  ont  été  convenablement  arrachées,  les  racines  sont 
suffisamment  intactes  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  de  les 
pare?',  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  rabattre  le  pivot  sur  des 
sujets  destinés  à  être  rigoles  en  pépinière. 

Quant  aux  branches  des  feuillus  ou  des  résineux,  il  ne  faut 
jamais  y  toucher.  En  effet,  la  règle  est  de  ne  mettre  en  place 
que  des  plants  bien  conformés  ;  ceux-ci  n'ont  pas  besoin 
qu'on  enlève  quoi  que  ce  soit  à  leurs  tiges  ou  à  leurs  rameaux. 
La  taille   ne  devient   nécessaire    que    quand    les    sujets   sont 

l)  A.  Chargerand.  Traité  des  plantations  d'alignement  et  d'orne- 
ment. Paris.  Rothschild,  iN'.Mi. 


390 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


mal  équilibrés  :  tige  trop  grêle  ou  fourchue,  rameaux  insuf- 
fisants ou  trop  développés.  Dans  ce  cas,  il  vaudra  mieux 
l'opérer  dans  la  pépinière,  rigoler  à  nouveau  les  plants  et 
n'en  disposer  qu'une  année  ou  deux  plus  tard  lorsqu'ils  seront 
suffisamment  refaits  ;  c'est  ainsi  qu'on  est  souvent  conduit  à 
recéper  les  individus  mal  conformés,  soit  au  moment  de  la 
mise  en  terre,  soit  en  pépinière,  ce  qui  vaut  mieux. 

Transports  et  emballage  des  plants.  —  11  faut  se  per- 
suader que  de  la  bonne  conservation  des  plants  dépend,  en 
grande  partie,  la  réussite  des  plantations  et  ne  jamais  perdre 
de  vue  cet  axiome  important  :  moins  longtemps  les  racines 
restent  à  découvert,  mieux  elles  se  conservent. 

A  partir  de  l'extraction  jusqu'au  moment  de  la  plantation  à 
demeure,  les  sujets,  surtout  les  résineux,  dont  les  racines  sont 
très  délicates,  doivent  être  garantis  des  accidents  de  nature 
à  dessécher  le  chevelu  ou  à  leur  occasionner  des  lésions.  S'ils 
ne  doivent  pas  être  transportés  au  loin,  et  si  l'on  juge  inutile 
de  les  emballer  avec  soin,  on  les  dispose,  par  bottes, 
dans  un  panier  ou  dans  une  brouette  en  les  entourant  de 
mousse  humide,  de  ramilles  ou  de  terre  meuble.  On  recom- 
mande souvent  de  plonger  les  racines  dans  une  bouillie  li- 
quide de  terre  grasse  et,  après  les  avoir  entourées  de  mousse, 
de  les  emballer  dans  des  paniers  ou  dans  des  caisses,  mais  ce 
pralinage  a  le  grave  inconvénient  d'agglutiner  les  racines  en 
pinceau  et  d'en  provoquer  la  mise  en  terre  dans  des  condi- 
tions tout  à  fait  anormales. 

Pour  les  espèces  à  feuilles  persistantes,  il  est  prudent 
d'entre-croiser  les  bottes  de  telle  façon  que  les  feuilles  de 
l'une  soient  en  contact  avec  les  racines  de  l'autre,  parce  que 
les  parties  vertes  pressées  et  accumulées  en  grande  masse 
fermentent  facilement.  11  faut  éviter  aussi  de  faire  voyager 
les  plants  par  un  froid  trop  rigoureux  ou  une  chaleur  exces- 
sive, sous  peine  de  s'exposer  aux  accidents  très  fréquents 
de  gelée  ou  d'échauffement. 

Si  les  sujets  ne  peuvent  être  expédiés  ou  plantés  à  demeure 
aussitôt  après  l'extraction,  on  creuse  une  fosse  dans  laquelle 
on  les  dresse  et  on  couvre  leurs  racines  avec  de  la  terre 
fraîche  ;  cela  s'appelle  mettre  les  plants  en  jauge.  De  même, 


LE    BOISEMENT    l'Ait    PLANTATIONS. 


391 


dès  leur  arrivée  à  destination,  les  plants  doivent  être  immé- 
diatement déballés  et  mis  en  jauge.  En  hiver,  pendant  les 
grandes  gelées,  les  espèces  à  feuilles  persistantes  seron!  uti- 
lement recouvertes  d'un  paillasson  ou  de  branchages. 

3.    —    LES    PÉPINIÈRES   Vol. AMES  OU    LOCALES. 

Avantages.  —  Installation. 

Avantages.  —  Les  pépinières  volantes  suffisent  largement 
à  tous  les  besoins  des  repeuplements  à  faire,  sous  forme 
d'amélioration,  dans  les  terrains  déjà  boisés  ;  souvent  même, 
bien  qu'il  s'agisse  de  terrains  nus,  les  pépinières  ne  peuvent 
être  établies  que  dans  cette  forme.  C'est  le  cas,  par  exemple, 
pour  les  reboisements  à  exécuter  sur  le  sommet  des  monta- 
gnes, en  des  climats  rudes,  dont  les  saisons  de  végétation  ne 
correspondent  pas  avec  celles  des  stations  plus  tempérées  où 
les  pépinières  permanentes  sont  en  général  établies. 

Installation.  —  Les  pépinières  volantes  se  font  en 
pleine  forêt,  soit  dans  une  petite  clairière,  soit  à  l'abri  de 
grands  arbres.  Après  avoir  choisi  l'emplacement  convenable, 
on  défriche  le  terrain  et  l'on  défonce,  comme  s'il  s'agissait 
d'une  pépinière  permanente,  sans  toutefois  apporter  d'en- 
grais. On  y  fait  des  semis  ou  des  repiquages,  en  vue  d'obtenir 
les  plants  dont  on  peut  avoir  besoin  dans  les  environs  im- 
médiats, et,  quand  la  terre  est  fatiguée,  on  abandonne  la  place, 
après  y  avoir  laissé  autant  de  plants  qu'il  est  nécessaire  pour 
en  assurer  le  boisement. 

Ces  petites  pépinières  intelligemment  disposées,  présentent 
les  avantages  suivants  :  1°  elles  ne  doivent  fournir  qu'un 
nombre  de  récoltes  assez  faible  pour  qu'on  puisse  se  passer 
d'engrais  ;  2°  elles  offrent  La  possibilité  d'élever,  pour  ainsi 
dire  sur  place,  et  dans  les  conditions  climatériques  où  ils 
doivent  végéter,  les  sujets  destinés  à  être  plantés  ;  3°  elles 
suppriment  les  nombreux  inconvénients  des  emballages  et 
des  transports  à  grandes  distances. 

En  montagne,    les  espaces    de   petite  étendue,  ayant  la  di- 
mension de  pépinières  volantes,  peuvent,  par  exception,  être 


392  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

traités  à  la  façon  des  pépinières  permanentes  à  cause  de  la 
rareté  des  emplacements  qui  conviendraient  à  ces  dernières. 
On  est  souvent  obligé  de  les  maintenir  clans  cette  forme  ;  car, 
de  toute  nécessité,  les  plants  doivent  être  produits  sous  un 
climat  identique  à  celui  des  espaces  où  ils  seront  plantés  à 
demeure.  Dans  ces  conditions,  il  faut  créer  autant  de  centres 
de  production  qu'il  y  a  de  zones  d'altitude,  c'est-à-dire  de 
climats  différents. 

Exécution  des  plantations. 

Préparation  du  sol.  —  Disposition  des  plants.  —  Confection  et 
dimension  des  trous.  —  Manipulation  des  plants.  —  Plantation  à 
racines  nues;  —  par  touffes;  —  en  butte;  —  en  corbeilles.  —  Plan- 
tation en  terrain  non  préparé.  —  Saison  favorable  à  la  plantation. 
—  Application  aux  principales  essences.  —  Soins  à  donner  aux 
plantations. 

Préparation  du  sol.  —  Ce  que  nous  avons  dit,  à  l'article 
précédent,  de  l'heureuse  influence  d'une  culture  du  sol  sur  la 
réussite  des  semis,  nous  dispense  d'entrer  dans  de  nouveaux 
détails,  et  notre  conclusion  est  tout  aussi  absolue  dans  un  cas 
que  dans  l'autre  :  à  la  rigueur,  on  peut  se  dispenser  de  culti- 
ver le  sol  dans  les  terres  naturellement  très  meubles,  tels  que 
les  sables  sans  consistance;  —  dans  les  forêts  constituées  où 
la  terre  à  bois  est  déjà  préparée  de  longue  date  ;  —  enfin, 
dans  les  terrains  enherbés  où  la  présence  d'un  tapis  continu 
de  plantes  basses,  se  maintenant  en  végétation  pendant  toute 
la  saison  d'été,  témoigne  d'une  constante  fraîcheur.  En  toutes 
les  autres  circonstances,  la  culture  doit  être  considérée,  le 
plus  souvent,  comme  indispensable,  —  toujours,  comme 
avantageuse . 

On  procède  aux  façons  de  la  terre  par  les  moyens  les  plus 
économiques  dans  chaque  région,,  en  cherchant  par  le  bras- 
sage des  couches,  à  donner  à  l'ensemble  une  composition 
moyenne  ;  contrairement  à  ce  qui  a  été  recommandé  pour  les 
semis,  il  sera  préférable  de  localiser  la  meilleure  terre  dans 
les  zones  profondes,  où  les  racines  vont  être  appelées  à  fonc- 
tionner immédiatement. 

La  culture  en  plein  n'est  jamais  nécessaire,  elle  présente 


LE    BOISEMENT    l'Ait    PLANTATIONS.  393 

même  certains  inconvénients;  en  eiïet,  dans  les  pentes 
rapides,  un  soi  trop  ameubli  peul  être  entraîne  par  lea 
eaux;  de  plus,  L'expérience  indique  que  les  dégâte  «lu  ver 
blanc  son!  bien  plus  à  redouter  dans  un  terrain  cultivé  que 
dans  ceux  qui  ne  l'ont  pas  été.  L'ouverture  de  bandes  conti- 
nues n'es!  avantageuse  que  pour  des  plantations  de  hautes 
tiges  dont  la  mise  en  terre  demande  de  larges  défoncements ; 
elle  est  inutile  lorsqu'il  s'agit  de  basses  liges;  les  dégâts  de 
ver  blanc  y  sont  d'ailleurs  à  craindre, comme  dans  les  cultures 
en  plein.  Reste  la  préparation  du  sol  par  trous  ou  potets 
à  laquelle  nous  donnerons  la  préférence,  comme  permettant 
de  défoncer  profondément  le  sol  sans  entraîner  une  grande 
dépense  :  elle  réunit  donc  tous  les  avantages  culturaux  et 
économiques. 

Disposition  des  plants.  —  Ces  trous  seront  disposés  sui- 
vant le  tracé  de  figures  géométriques  :  triangles,  carrés  ou 
quinconces,  de  manière  que  les  plants  puissent  être  re- 
trouvés facilement,  soit  pour  les  soigner,  soit  pour  remplacer 
les  manquants  ;  un  bon  ouvrier  prend  toujours  la  précau- 
tion de  jalonner  sur  le  terrain  les  lignes  équidistantes  suivant 
lesquelles  seront  disposés  les  plants  :  une  baguette  coupée  à  la 
longueur  voulue,  ou  bien  un  cordeau  portant  des  nœuds  en 
ficelle  de  couleur,  donnent  leur  espacement  dans  les  lignes. 

Quel  écartement  convient-il  de  donner  aux  plants?  Cela 
dépend  des  circonstances.  Tout  d'abord,  voyons  quelle  est 
l'influence  de  cet  écartement  sur  la  végétation. 

Des  expériences  récentes  entreprises  par  M.  l'Inspecteur 
Bartet  à  la  station  de  recherches  de  l'Ecole  Nationale  des 
Eaux  et  Forêts  semblent  établir  les  faits  suivants,  sous 
réserve  de  vérification  dans  d'autres  milieux  : 

1°  à  tous  égards,  l'espacement  de  "2  mètres,  plus  que  les 
espacement  moindres,  convient  à  l'épicéa;  on  peut  en  trou- 
ver l'explication  dans  le  besoin  d'espace  latéral  réclamé  par 
l'enracinement  superficiel  de  cette  essence  ; 

2°  pour  tous  les  résineux,  le  même  espacement,  plus  que 
les  espacements  moindres,  donne  aux  plants  un  riche  appa- 
reil foliacé,  et  favorise  leur  croissance  en  diamètre  ; 

3°  pour  tous   les  résineux   autres  que  l'épicéa,  on  ne  peut 


394  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

encore  rien  avancer  de  certain  quant  à  la  croissance  en  hau- 
teur ;    il    semble   toutefois,  contrairement   à  l'opinion  qu'on 
pourrait  se  faire  à  priori,  que  les  grandes  distances  sont  peu 
favorables  à  l'allongement  des  espèces  de  lumière  :  celles-ci, 
en  effet,  ont  souvent  une  tendance  à  buissonner  qu'il  est  bon 
de  combattre   en  hâtant  la  formation  du  fourré  ;    M.  le  Pro- 
fesseur Fliche  nous  a  souvent  entretenus  de  la  forme  trapue 
et  par  suite  défectueuse  que  prennent  les  jeunes  pins  noirs 
d'Autriche  quand  ils  constituent  des  peuplements  trop  clairs. 
Un  article  que  nous  avons  publié  sur  ce  sujet  dans  le  Bul- 
letin du  Ministère  de  l'Agriculture  (1),  est  résumé    par   les 
lignes  suivantes  :  «  à  notre  avis,  la  croissance  en  hauteur  n'a 
pas  une  importance  capitale    pendant  les  premières  années 
consécutives  à  la  plantation.  La  vigueur  et  la  bonne  santé  de 
l'arbre,  accusées  par  l'abondance  du  feuillage  et   l'accroisse- 
ment en  diamètre,  en  ont  au  contraire  beaucoup.  Si    donc, 
laissant    de  côté  les    massifs  résineux  destinés  à  produire  à 
brève  échéance  telle  ou  telle  marchandise  spéciale  (perches  à 
houblon  ou  étais  de  mine),  nous  songeons  à  créer  une  forêt 
solide  et  définitive,   nous  constatons  une  fois  de  plus  avec 
combien  de  raison  M.  Broilliard,  dans  le  Traitement  des  bois, 
recommande  de  ne  pas  surcharger  les  plantations  d'un  nombre 
inconsidéré  de  sujets,  trop  souvent  plantés  à  V économie.  » 

Nous  rejetons  les  plantations  faites  avec  des  écartements 
inférieurs  à  1  mètre  (2)  :  ou  bien  elles  sont  exécutées  sans 
soin,  avec  des  plants  à  bon  marché  et  conduisent  à  un  insuc- 
cès total,  —  ou  bien  les  sujets  viennent  trop  serrés  et  l'on  se 
trouve  dans  la  nécessité  d'en  sacrifier  la  moitié  par  dépres- 
sage. Nous  considérons  aussi  comme  imprudentes,  au  moins 
jusqu'à  preuve  du  contraire,  les  distances  égales  ou  supé- 
rieures à  3  mètres.  Pour  qui  veut  un  chiffre,  nous  recom- 

(1)  Année  1899. 

(2)  Dans  certaines  forêts  de  la  Bavière,  on  fait  les  plantations  exces- 
sivement serrées  ;  nous  avons  vu  dans  le  Spessart  des  plants  disposés 
à  0m,30  les  uns  des  autres,  dans  des  lignes  espacées  entre  elles  de 
1  mètre;  cela  représente  30  000  plants  à  l'hectare.  La  mise  en  place 
coûte  55  francs,  quand  Je  prix  de  la  journée  ne  dépasse  pas  2  fr.  50  pour 
les  hommes,  1  fr.  75  pour  les  femmes.  Même  à  ce  prix,  il  y  a  exagé- 
ration et  les  forestiers  enseignants  réagissent  contre  le  gaspillage  des 
pratiquants. 


LE    BOISEMENT    rut    PLANTATIONS,  M~) 

mandons  pour  toutes  les  essences  feuillues  el  résineuses,  les 
écartements  de  I  m,50,  dans  les  Lignes  espacées  de  -  mètres, 

—  ou  tou(  au  moins  de  lta,50  dans  Ions  les  sens. 

Le  tableau  suivant  donne  le  nombre  de  plants  à  l'hectare, 
dans  les  limites  les  plus  ordinaires  des  écartements  entre  les 
lignes  et  entre  les  plants  d'une  même  ligne. 


BCABTJ  UBN1 

i  CAB  i  i:\n-.Nr 

NOMIIIIK 

DES     L  ION  F  9. 

ii  B  s     l' i.  a  N  T9 

dans  chaqae  ligne. 

DKS      PLANTS 

1^,20 

0»,80 

Ill,il7 

lm,20 

()"»,90 

9,260 

]m,<iO 

lm,00 

7^143 

lm,50 

1^00 

6,666 

lm,80 

]m,00 

5,555 

2m,00 

]m,00 

5,000 

lm,50 

lm,20 

5,555 

1"\80 

l°\20 

4,630 

2m,00 

lm,20 

4,166 

l»n,80 

ln»,50 

3,636 

2m,00 

1^,50 

3.333 

Confection  et  dimension  des  trous.  —  La  dimension  des 
trous  est  subordonnée  à  celle  des  plants  :  il  suffit  que  les  ra- 
cines puissent  y  être  étalées  dans  leur  position  naturelle. 

Pour  les  basses  tiges  de  résineux, des  potets  de  Om,'25xOm,25 
d'ouverture,  et  de  0m,25  de  profondeur  sont,  en  général,  très 
satisfaisants.  On  fera,  d'ailleurs,  en  sorte  de  leur  donner  la 
même  largeur  au  fond  qu'à  l'ouverture,  en  évitant  la  forme 
en  entonnoir;  le  fond  en  sera  toujours  ameubli. 

L'outil  le  plus  commode  pour  les  ouvrir  est  la  pioche,  si  le 
sol  est  d'un  travail  moyennement  facile.  Quand  il  est  caillou- 
teux ou  très  dur  et  compact,  on  peut  recourir  au  pic  de  ter- 
rassier pour  le  rompre,  tandis  que  la  pioche  sert  à  extraire 
les  déblais.  Enfin,  quand  nous  avons  eu  à  ouvrir  des  potets 
de  dimensions  excédant  la  normale,  pour  des  plantations  de 
demi-tiges,  par  exemple,  nous  nous  sommes  bien  trouvés  de 
l'outil  dont  se  servent  les  vignerons,  pour  la  confection  des 
fosses. 

En  extrayant  la  terre  au  fur  et  à  mesure  du  défoncement, 
on  la  disposera  en  lots  séparés,  suivant  ses  différentes  quali- 
tés. Les  gazons  seront  mis  à  droite,  par  exemple;  la  terre 
fine  qu'ils  recouvrent  immédiatement, à  gauche;  la  plus  mau- 


396 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


vaise  terre  du  fond,  en  avant;  on  aura  ainsi  sous  la  main,  au 
moment  de  la  plantation,  les  matériaux  tout  prêts  pour  en 
disposer  au  mieux  de  l'opération.  Les  grosses  pierres  seront 
également  conservées  près  des  trous  pour  être  utilisées  comme 
il  sera  dit  plus  loin  ;  dans  les  terrains  en  pente  rapide,  elles 
pourront  être  amoncelées,  à  la  main,  en  forme  de  talus  ou  de 
mur  de  soutènement  du  côté  d'aval.  En  plaine,  ces  petits 
amas  se  feront  de  préférence  du  côté  du  Midi. 

Quand  le  terrain  comporte  l'emploi  de  la  charrue,  on  peut 
ouvrir  à  l'aide  de  cet  instrument  des  sillons  distants  de  lm,50 
et  se  coupant  à  angle  droit  ;  à  chaque  point  d'intersection, 
on  ouvre  un  potet.  Mais  ce  procédé  n'est  qu'une  manière  de 
tracer  Vouvrage  et  de  rendre  plus  facile  le  travail  de  la  pio- 
che, qui  seule  peut  creuser  des  trous  convenables.  Le  sys- 
tème expéditif  qui  consiste  à  disposer  des  plants  dans  une 
raie  ouverte  à  la  charrue  et  à  les  recouvrir  par  un  second 
passage  du  versoir  expose  à  des  échecs  fréquents. 

Dans  les  terrains  meubles,  secs,  filtrants,  les  trous  peu- 
vent être  ouverts  au  moment  de  la  plantation  ;  dans  les  sols 
plus  ou  moins  compacts,  ils  seront  faits  quelques  mois  à 
l'avance  pour  profiter  de  l'ameublissement  naturel  que 
donnent  la  gelée  ou  la  sécheresse. 

Mani-pulation  des  plants.  —  Tous  les  ouvriers  planteurs 
se    munissent    de    paniers    dans    lesquels    les    racines    sont 
soigneusement   abritées;    jamais   celles-ci    ne    doivent  rester 
exposées  à  l'air  et   il  ne  suflit  pas,   comme  cela  se   fait  trop 
souvent,  de  placer  les  plants  dans  la  poche  d'un  tablier.  Le 
maintien    du  chevelu   à   l'état  frais   est  la   condition  la  plus 
importante  pour  la  réussite;   on  ne  saurait  trop  insister  sur 
ce  point.  Tous  les  plants  seront  donc  mis  en  jauge,  en  atten- 
dant leur  emploi;  et,  dans  l'organisation  des  chantiers,  pour 
éviter  les  pertes  de   temps,  il   sera  avantageux   d'adjoindre 
aux  planteurs   un   certain  nombre  d'enfants,  chargés   d'aller 
prendre,  dans  des  paniers  de  rechange,  les  provisions  néces- 
saires pour  remplacer  les  paniers  vides. 

Les  racines  sont  préservées  du  contact  de  l'air  par  du  ter- 
reau frais,  ou  de  la  mousse  humide  ;  quand  les  ouvriers  sont 
inhabiles  ou  peu  soigneux,  il  peut  y  avoir  avantage  à  rem- 


il     BOISEMBM     PAH     PLANTATIONS.  .'{'.T/ 

placer  ces  matériaux  trop  faciles  à  disperser  par  un  morceau 
d'une  vieille  couverture  de  laine  lâchement  cousue  au  panier 
par  deux  ou  trois  de  ses  côtés  el  assez  long  pour  abriter  les 

plants. 

Plantation  à  racines  nues.  —  C'est  le  mode  le  plus  com- 
munément employé.  Les  autres  procèdes  ne  trouvent  leur 
application  que  dans  des  cas  spéciaux, 

(Iliaque  trou  est  garni  delà  manière  suivante:  l'ouvrier 
s'assure  que  le  fond  du  potel  est  bien  ameubli,  sinon. 
il  y  jette  quelques  poignées  de  terre  fine,  puis  il  prend 
un  plant  dans  le  panier,  —  en  ayant  soin  de  ne  pas  découvrir 
les  autres,  —  et,  de  la  m-ain  gauche,  il  le  soutient  contre  la 
paroi  du  trou  qui  lui  fait  face,  à  une  hauteur  telle  que  le 
collet  de  la  racine  se  trouve,  soit  au  niveau  du  sol  en  place, 
soit  à  2  ou  3  centimètres  en  dessous  ;  de  la  main  droite,  il 
étale  les  racines  en  position  normale  dans  toute  la  largeur 
du  trou,  puis  les  fixe  au  moyen  de  la  terre  meuble  qu'il 
trouve  à  sa  gauche  et  qu'il  emploie  ainsi  jusqu'à  épuisement. 
Enfin,  il  achève  de  combler  avec  la  terre  la  plus  grossière 
amoncelée  en  avant  et  qu'il  tasse  légèrement  avec  le  pied. 
Pour  tenir  compte  du  foisonnement,  on  donne  à  la  surface 
la  forme  d'une  butte  élevée  de  quelques  centimètres  au-dessus 
du  sol  en  place  ;  sans  cette  précaution,  le  sol  s'affaisse  et  met 
à  nu  quelques  racines. 

11  existe  un  inconvénient  réel  à  enfouir  les  racines  des 
plants  à  une  profondeur  exagérée,  comme  à  damer  avec 
plus  ou  moins  de  brutalité  la  terre  qui  sert  à  les  recouvrir. 
Privées  d'air,  elles  fonctionnent  mal,  ne  peuvent  s'allonger 
ni  se  ramifier  :  le  plant  languit,  tant  qu'un  nouvel  enraci- 
nement n'a  pu  se  substituer  à  l'ancien,  comme  on  peut  s'en 
rendre  compte  par  la  figure  85.  Sans  doute,  nous  restons  con- 
vaincus que  l'ennemi  du  planteur  est  toujours  la  sécheresse, 
et  nous  préférons  exposer  nos  pins  ou  nos  épicéas  à  souffrir 
pendant  deux  ans,  faute  d'oxygène,  plutôt  qu'à  mourir  en 
six  mois,  faute  d'humidité  ;  quoi  qu'il  en  soit,  la  question 
peut  se  résumer  ainsi  :  —  dans  les  terrains  sablonneux  très 
meubles,  qui  sont  tout  à  la  fois  très  perméables  à  l'air,  et  très 
exposés  à  se  dessécher,  planter  profond  ;  —  dans  les  argiles 


398  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

très  compactes,  où  l'asphyxie  menace  toujours  les  plants,  ne 
pas  enfouir  ceux-ci  plus  profondément  que  le  collet  de  la 
racine,  au  risque  d'avoir  un  insuccès  si  le  hasard  veut  que 
Tannée  soit  très  sèche;  —  enfin,  dans  les  sols  calcaires,  dans 
les  terrains  granitiques,  ne  pas  exagérer  la  profondeur,  mais 
utiliser,  pour  préserver  les  plants  des  chaleurs  estivales,  les 
pierres  qui  ne   font  jamais  défaut  sur  de  pareils  terrains. 

Il  est  avéré,  en  effet,  que  toutes  les  fois  que  l'on  couvre 
le  sol,  au  pied  du  sujet  mis  en  terre,  de  grosses  pierres  plates, 
on  entretient  d'une  façon  remarquable  la  fraîcheur  du  ter- 
rain, et  l'on  assure  la  réussite.  Les  dalles  calcaires,  si  fré- 
quentes sur  certains  sols  de  l'oolithe,  ont  sauvé  bien  des 
plantations  et  se  prêtent  à  merveille  à  cet  emploi  ;  mais  tous 
autres  quartiers  de  roche  peuvent  être  utilisés  de  même. 

Comme  moyens  préservatifs  contre  la  sécheresse, on  a  recours 
encore  à  des  talus  de  J  à  3  décimètres  de  hauteur  élevés  au 
midi  de  chaque  potet  et  qui  assurent  un  peu  d'ombre  au 
plant  :  tantôt  l'abri  est  une  butte  de  terre  ;  tantôt  un  petit 
mur  de  pierres  sèches  ;  souvent  on  se  contente  d'amonceler 
les  gazons  découpés  pour  l'ouverture  du  potet,  et  que  l'on 
dispose,  les  racines  en  l'air. 

Sur  les  pentes  très  déclives,  on  modifie  la  disposition  du 
plant  dans  son  potet:  le  sujet  doit  être  maintenu,  pendant 
que  l'on  comble  le  trou,  sur  la  paroi  aval.  Sinon  les  eaux 
courantes,  en  entraînant  la  terre  fraîchement  remuée,  déchaus- 
seraient la  tigelle. 

Plantation  en  mottes  ou  en  gazons.  —  La  plantation  en 
mottes  ou  en  gazons  consiste  à  découper,  dans  une  planche 
de  semis,  des  mottes  de  8  à  JO  centimètres  de  côté  qui  sont 
enlevées  avec  la  terre  et  disposées  en  cette  forme  dans 
des  trous  préparés  à  l'avance.  Ce  mode,  qui  a  l'avantage  de 
conserver  le  chevelu  dans  un  état  de  fraîcheur  parfait,  a 
l'inconvénient  d'employer  inutilement  un  grand  nombre 
de  sujets,  d'augmenter  beaucoup  les  frais  de  transport,  et 
d'appauvrir  le  sol  des  pépinières  ;  aussi  n'est-il  employé  que 
pour  les  plants  extraits  directement  en  forêt  parmi  les 
régénérations  naturelles  ou  parmi  ceux  qui  surabondent  dans 
des  régénérations  artificielles. 


LE    BOISEMENT    l'Ut     PLANTATIONS, 


:«#ll 


Fig.  85.  —  Épicéas  plantés  à  une  profondeur  telle  qu'un  nouvel- 
enracinement  a  dû  se  substituera  l'ancien    1  . 


(1)  La  plantation   d'où  ces   types  ont  été   extraits,  faite   au  début 
d'une  année  sècbc,  a  donné  d'ailleurs  des  résultats  satisfaisants. 


400 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


Ainsi,  dans  les  sapinières  et  les  hêtraies,  on  rencontre 
souvent  des  semis  assez  nombreux  pour  former  par  place  de 
véritables  brosses  aussi  fournies  qu'un  carreau  de  pépinière  ; 
—  ainsi  encore  quand  un  semis  par  bandes  de  pin  ou  d'épicéa 
a  bien  réussi,  rien  n'est  plus  facile  que  de  prélever  dans  ces 
lignes  des  mottes  d'une  reprise  certaine. 

Malgré  le  surcroît  de  dépense  considérable  qu'entraîne  ce 
procédé,  on  est  obligé  d'y  avoir  recours  dans  les  situations 
difficiles:  notamment  dans  les  très  mauvais  sols,  dans  les 
rocailles  où  les  plants  à  racines  nues  périraient  nécessaire- 
ment. S'il  existe  des  jeunes  semis  ou  des  plantations  récentes 
clans  les  environs,  il  est  naturel  d'y  puiser  :  on  a  réussi  par 
ce  procédé  le  boisement  de  stations  très  ingrates  comme  des 
éboulis  rocheux  ou  des  marnes  exposées  au  déchausse- 
ment (1). Il  est  indispensable,  toutefois,  que  le  terrain  où  sont 
découpées  les  mottes  présente  une  certaine  cohésion,  sans 
quoi  la  terre  est  trop  meuble  pour  supporter  le  transport 
et  tout  se  désagrège. 

Plantation,  par  touffes  ou  par  bouquets.  —  M.  De- 
montzey  recommande,  au  lieu  de  planter  par  pieds  isolés,  de 
réunir  dans  un  même  trou  une  touffe  de  trois  à  quatre 
plants.  Suivant  cet  habile  praticien,  ce  mode  présente  le 
double  avantage  d'être  le  plus  économique  et  le  plus  sûr  de 
tous  les  moyens  employés. 

«  D'une  part,  en  effet,  il  augmente  considérablement  les 
chances  de  succès  d'une  plantation  et  épargne  ainsi  de  nom- 
breux regarnissages,  non  seulement  coûteux  et  souvent 
difficiles,  mais  encore  dangereux  pour  les  plants  qui  ont  bien 
végété,  à  cause  du  passage  des  ouvriers  sur  des  pentes  sou- 
vent très  fortes. 

«  D'autre  part,  il  permet  d'espacer  davantage  les  plants, 
et  par  suite  de  diminuer  la  dépense  à  l'hectare.  Car  ces 
touffes  forment  au  début  une  sorte  de  petit  massif  dans  lequel 
les  plants  se  soutiennent  mutuellement,  ce  qui  leur  permet 
d'attendre  plus  longtemps  et  sans  danger  le  moment  où  le 
massif  général  se  constituera. 

(1)  A  l'aide  de  ce  procédé,  M.  le  conservateur  Carrière  a  obtenu  les 
plus  beaux  succès  dans  le  périmètre  de  Seyne  (Basses-Alpes). 


i  i:    BOISEMENT    l'Ait    PLANTATIONS.  401 

«  On  a  fait  à  ce  mode  l'objection  que  si  les  plants  réunis 

ainsi  en    touffes   venaient  à    pousser    tous    également,  ils    ne 
tarderaient  pas  à  s'affamer  mutuellement  et  à  produire  des 

arbres  grêles,  incapables  d'une  longue  durée.  , 

«  A  cette  objection,  on  peut  répondre  d'abord  que  la 
touffe  n'implique  pas  nécessairement  un  grand  nombre  de 
plants,  et  que  dans  les  limites  que  nous  posons,  c'est-à-dire 
de  deux  à  quatre  plants  par  toulï'e,  ce  danger  devient 
illusoire. 

«  Mais,  bien  plus,  une  longue  expérience  a  démontré  l'ina- 
nité de  ces  craintes.  Il  est  rare,  en  effet,  que  deux,  trois  ou 
quatre  plants  poussent,  dès  le  début,  avec  une  vigueur  iden- 
tique ;  le  plus  souvent,  l'un  d'eux  prend  le  dessus  et  quand 
le  massif  général  se  produit,  il  demeure  seul.  D'autre  part, 
bien  souvent,  un  seul  plant,  deux  au  plus,  reprennent  avec 
vigueur,  les  autres  viennent  à  mourir,  soit  immédiatement 
après  la  plantation,  soit  un  an  après,  de  sorte  qu'en  dernière 
analyse,  on  se  trouve  dans  les  conditions  de  la  plantation  par 
brins  isolés,  mais  avec  des  chances  de  réussite  bien  plus  com- 
plètes. Enfin,  il  serait  toujours  facile  d'obvier  à  peu  de  frais  à 
l'inconvénient  d'une  égale  pousse,  s'il  venait  à  se  mani- 
fester (1).  » 

Il  semble,  à  première  vue,  que  cinq  ou  six  plants  identi- 
ques, placés  dans  les  mêmes  conditions,  doivent  tous  reprendre 
ou  tous  mourir,  le  plus  souvent  du  moins.  En  fait,  les 
choses  ne  se  passent  pas  ainsi,  et  les  sujets  d'une  même 
touffe  se  prêtent,  sans  doute,  un  mutuel  appui,  car  leur 
résistance  à  la  sécheresse  est  supérieure  à  celles  des  plants 
isolés. 

Ce  procédé  ne  nous  semble  pourtant  pas  devoir  être  géné- 
ralisé. Son  application  reste  confinée  dans  la  montagne, 
quand  on  opère  dans  des  conditions  d'une  difficulté  toute 
spéciale,  —  ou  bien  en  plaine,  quand  on  veut  créer  le  plus  vite 
possible  une  barrière  de  verdure  délimitant  une  plantation 
et  l'isolant  des  champs  ou  des  pâturages  voisins. 

En  effet,  il  occasionne  une  consommation  de  plants  exagé- 

(1)  Demontzey,  Eudes  sur  les   travaux  de  reboisement  des   monta- 
(fnes,  p.  227. 

BOPPE  cl    JoM'ET.  '-') 


402  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

rée,  et,  de  plus,  les  touffes  constituent  bientôt  des  milieux 
qui  sont  très  propres  au  développement  des  maladies  conta- 
gieuses si  l'on  ne  se  hâte  de  procéder  à  un  dépressage.  Les 
faits  ne  manquent  pas  à  l'appui  de  cette  observation  :  ainsi, 
au  printemps  1886,  les  dégâts  de  Peridermium  pini,  ont  été 
constatés  dans  le  périmètre  de  Barèges  (Hautes-Pyrénées) 
sur  des  pins  de  montagne  qu'on  avait  omis  de  desserrer  en 
temps  utile;  des  plantations  voisines,  faites  par  pieds  isolés, 
étaient  à  peu  près  indemnes.  Semblables  accidents  ont  été  si- 
gnalés depuis  sur  bien  d'autres  points,  notamment  dans  les 
Basses- Alpes. 

Pour  le  même  motif,  la  plantation  par  touffes  est  à  décon- 
seiller d'une  manière  absolue  avec  le  mélèze;  dans  la  pratique, 
elle  n'est  guère  utilisée  qu'avec  les  pins. 

Plantation  en  butte.  —  Ce  procédé,  imaginé  par  M.  le 
baron  de  Manteuffel  (1),  consiste  à  créer  de  toutes  pièces  des 
buttes  ou  monticules  de  terreau  sur  lesquels  on  plante.  Il  a 
l'inconvénient  de  coûter  très  cher  de  main  d'œuvre  ;  c'est 
une  véritable  plantation  de  luxe.  D'ailleurs  il  n'est  applica- 
ble qu'en  forêt,  ou,  du  moins,  à  proximité  de  terrains  déjà 
boisés  et  pouvant  fournir,  à  un  prix  abordable,  la  quantité 
énorme  de  terreau  nécessaire,  quantité  qui  peut  être 
évaluée  à  4  mètres  cubes  par  mille  plants,  soit  au  minimum 
12  à  15  mètres  cubes  par  hectare.  Le  procédé  Manteuffel 
n'a  du  reste  été  imaginé  que  pour  boiser  les  terrains  tour- 
beux dans  lesquels  on  ne  pouvait  planter  directement  ;  la 
butte  forme  ainsi  un  sol  d'apport  tout  artificiel  dans  lequel 
s'enracine  le  jeune  plant. 

Dans  des  conditions  analogues,  on  peut  employer  la 
méthode  de  Biermann,  qui  conduit  à  peu  près  au  même 
résultat  d'une  manière  infiniment  plus  économique.  On 
trace  à  la  charrue,  à  70  ou  80  centimètres  de  distance,  deux 
sillons  ouverts  en  sens  opposé,  de  telle  sorte  que  la  terre 
en  soit  versée  sur  l'intervalle  inculte  entre  les  deux  sil- 
lons ;  on  forme  ainsi  une  série  d'à-dos  régulièrement  alignés, 
espacés  [entre  eux  de  deux   mètres, [par  exemple,  et  sur  les- 

(1)  L'art  de  planler,  par  M.  le  baron  de  MauleulTel,  traduit  par 
S.  P.  Stumper.  Paris,  Rothschild,  1868. 


LB    noisiuivi    PAU    PLANTATIONS.  î<».'< 

quels  on  planté,  à  distancé  convenable,  dans  nue  terre  assai 
nie,  ameublie  par  l'insolation  el  enrichie  par  les  débris  «le  [a 
végétation  herbacée. Cette  préparation  doil  rire  faite  quelques 

mois  avant  la  plantation,  de  façon  à  laisser  au  gazon  renfermé 
dans  les  buttes  le  temps  de  se  décomposer. 

Plantation  en  corbeilles.  —  Le  procédé  eonsiste  à  creuser 
un  trou  en  forme  de  tronc  de  cône  renversé,  ayant  de  60  cen- 
timètres à  1  mètre  d'ouverture  et  de  "25  à  35  centimètres  de 
profondeur;  tout  autour  des  parois  de  ce  trou,  on  place  une 
série  de  basses  ou  moyennes  liges  (généralement  des  feuillus  , 
espacées  entre  elles  de  10  à  15  centimètres  et  disposées  à  la 
façon  des  baguettes  qui  forment  la  carcasse  d'un  gabion  ;  on 
remplit  ensuite  le  trou  avec  de  la  terre  meuble,  mélangée  de 
terreau  si  cela  est  possible.  Dans  les  sols  exposés  au  soulè- 
vement par  la  gelée,  on  couvre  la  terre  rapportée  avec  de 
grosses  pierres  ;  celles-ci  conservent  l'humidité  en  même 
temps  qu'elles  fixent  la  surface. 

La  reprise  des  plants  est  assurée  et,  en  espaçant  ces  trous 
de  plusieurs  mètres  entre  eux,  on  crée  une  série  de  petits 
îlots  de  verdure  ;  si  l'on  a  pris  soin  de  planter  des  espèces  sus- 
ceptibles de  se  propager  par  le  marcottage,  la  végétation  s'é- 
tale rapidement  en  zones  concentriques  et  s'avance  en  raison 
du  carré  des  diamètres  de  chacun  de  ces  cercles  mobiles  : 
bientôt  tous  les  intervalles  se  trouvent  boisés.  Ce  mode,  ima- 
giné par  M.  le  conservateur  Carrière,  alors  qu'il  était  chef 
du  service  du  reboisement  dans  les  Basses-Alpes,  a  été  em- 
ployé par  lui  dans  les  atterrissements  du  fond  du  lit  des  tor- 
rents et  des  ravins,  où,  complété  par  le  marcottage,  il  a  produit 
des  résultats  parfaits  dans  des  sols  qui,  au  delà  de  la  couche 
la  plus  superficielle,  étaient  encore  réfractaires  à  la  végéta- 
tion ligneuse.  11  serait  applicable  dans  maintes  circonstances. 
Plantation  en  terrain  non  préparé.  —  La  plantation  en 
terrain  non  préparé  consiste  à  ouvrir  dans  le  sol  un  simple 
trou  ou  une  fente  de  dimension  proportionnée  à  celle  des 
racines  des  sujets  à  planter;  dans  ce  trou,  dirigé  soit  vertica- 
lement, soit  obliquement  (1),  suivant  la  profondeur  du  terrain, 

(1)  M.  l'inspecteur  Prouvé  recommande  «  d'incliner  les  plants  vers 


404  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

on  glisse  les  racines  du  plant,  en  ayant  soin  de  les  étaler 
aussi  régulièrement  que  possible  sans  qu'elles  restent  jamais 
en  pinceau  ;  puis,  on  ferme  la  fente  en  pressant  la  terre  avec 
le  pied,  ou  bien  avec  l'outil. 

Si  ce  mode  primitif  a  l'avantage  d'être  très  économique,  ses 
inconvénients  sont  nombreux  ;  car  les  racines  des  sujets  se 
trouvent  disposées  dans  un  même  plan  et  en  situation  toute  dif- 
férente de  celle  qu'elles  devraient  occuper  normalement; 
enfouies  dans  un  sol  vierge  et  pauvre,  trop  loin  de  la  cou- 
che d'humus  superficielle  où  les  jeunes  plants  naturels  éta- 
lent de  préférence  leur  chevelu,  ces  racines  sont  en  outre 
bien  souvent  pressées  avec  exagération  par  des  mouvements 
dont  il  n'est  pas  facile  de  mesurer  le  degré  d'intensité,  et,  par 
suite,  dans  les  sols  argileux  compacts,  privées  de  l'air  né- 
cessaire à  leur  respiration.  Sans  doute,  on  a  peu  à  craindre 
les  dégâts  du  ver  blanc  ;  sans  doute,  on  évite  le  dessèche- 
ment ;  mais  la  végétation  reste  extrêmement  lente;  si  les 
plants  ne  meurent  pas,  ils  boudent,  comme  disent  les  pépi- 
niéristes, et,  dans  cet  état  languissant,  ils  risquent  d'être 
étouffés  dans  les  herbes.  D'une  manière  générale,  avec  ce  sys- 
tème, les  résultats  sont  d'autant  meilleurs  que  l'on  emploie 
des  plants  plus  jeunes  et,  partout  où  l'envahissement  des  herbes 
n'est  pas  à  craindre,  on  se  servira  avec  avantage  de  sujets 
feuillus  âgés  d'un  an  et  de  résineux  âgés  de  1  à  2  ans,  suivant 
leur  force. 

Pour  activer  le  travail,  quand  on  plante  en  terrain  non  pré- 
paré, on  a  imaginé,  aussi  bien  en  France  qu'en  Allemagne, 
une  foule  d'instruments  spéciaux  :  bêches,  plantoirs,  haches, 
fourreaux  destinés  à  protéger  les  racines  du  plant  quand  on 
les  glisse  dans  la  fente  qui  doit  les  recevoir.  Les  outils  construits 
sur  les  indications  de  M.  l'Inspecteur  Prouvé  (1),  se  recom- 
mandent parmi  tous  les  similaires.  Avec  ceux-ci,  un  des 
meilleurs  est  certainement  le  plantoir  triangulaire  à  nervure, 


le  Midi,  afin  de  diminuer  l'effet  funeste  des  rayons  solaires  sur  la  tige 
au  moment  de  la  transplantation  ». 

(1)  lievne  des  eaux  et  forêts,  t.  XVI,  p.  305  ;  XVII,  p.  433  ;  XIX, 
p.  273  et  Prouvé,  Régénération  /Kir  plantation  des  coupes  de  futaies, 
Paris,  P.  Mouillot,  1899  {Bull.  Société  des  Agriculteurs  tic  France.) 


LE    BOISEMENT    PAB    PLANT ATlON 8 .  U)5 

en  usage  dans  le  Palatinai  qui,  tout  en  donnant  le  moyen  d'ameu- 
blir le  sol  par  un  mouvement  circulaire,  permet  d'ouvrir  des 
fentes  assez  larges  dans  les  boIs  forestiers  encombrés  de  racines. 

Sans  rejeter  de  parti  pris  ces  instruments  qui,  dans  des  cir- 
constances données,  peuvent  présenter  des  avantagea  réels, 
il  est  nécessaire,  à  leur  sujet,  de  l'aire  certaines  restrictions  : 
c'est  que,  d'abord,  un  outil,  quelque  perfectionné  qu'il  soit, 
ne  compensent  jamais  V absence  île  préparation  du  lorrain  ;  — 
et  qu'ensuite  les  plantations  se  font  seulement  dans  un 
laps  de  temps  très  court,  deux  mois  au  plus  dans  l'année 
(3  ou  4  semaines  au  printemps  et  autant  en  automne)  ;  or, 
l'ouvrier,  aussi  bien  le  laboureur  que  le  bûcheron,  ne 
travaille  adroitement  qu'avec  l'outil  qu'il  a  l'habitude  de  ma- 
nier, l'outil  du  pays,  celui  avec  lequel  son  père  et  ses  ancê- 
tres ont  nourri  leur  famille  ;  chaque  fois  qu'on  lui  change 
cet  outil,  il  y  a  pour  lui  un  apprentissage  à  faire,  et  l'on  ris- 
que ainsi  de  perdre  tout  le  bénéfice  qu'on  attendait  de  l'ins- 
trument perfectionné. 

Saison  favorable  à  la  plantation.  —  En  principe,  il  est  im- 
prudent de  transplanter  un  végétal  quelconque  pendant  le 
plein  de  la  saison  de  végétation  si  l'on  ne  peut  l'arroser  et 
lui  donner  tous  les  soins  que  comporte  cette  période  de  crise. 
De  plus,  on  ne  peut  pas  planter  quand  la  terre  est  durcie  par 
la  gelée  :  ce  n'est  qu'exceptionnellement,  sous  les  climats  très 
doux,  que  les  travaux  se  prolongent  sans  interruption 
pendant  tout  l'hiver.  Restent  donc,  dans  la  majorité  des  cas, 
V  automne  et  le  printemps.  La  question  est  desavoir  à  laquelle 
de  ces  deux  saisons  donner  la  préférence;  nous  recommandons 
l'automne  pour  les  motifs  suivants  : 

l°les  grandes  pluies  du  solstice  et  les  neiges  de  l'hiver,  sur- 
venant après  la  mise  en  place  des  plants,  font  couler  les  parti- 
cules de  terre  entre  les  racines  ;  elles  tassent  d'une  façon 
progressive  et  des  plus  heureuses  le  sol  fraîchement  remué  ; 

2°  chez  les  sujets  mis  en  terre  dès  l'automne,  il  se  produit 
pendant  l'hiver  un  travail  végétatif  dont  les  effets  semblent 
localisés  dans  les  racines  :  le  chevelu  se  reconstitue,  s'allonge 
et  facilite  l'évolution  normale  au  premier  printemps  ; 

3°  on  évite  le  danger  des  hàles  de  mars,  trop  souvent  mor- 


406  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

tels  aux  jeunes  plants  que  l'on  manipule  et  dont  on  expose 
plus  ou  moins  les  racines  au  grand  air,  —  nuisibles  à  la 
reprise  quand,  immédiatement  après  la  plantation,  ils  souf- 
flent pendant  de  longues  semaines,  avec  une  constance  déses- 
pérante. 

M.  Duparchy  (1)  pense  qu'on  peut  planter  les  résineux  dès 
la  seconde  quinzaine  de  septembre  ;  dans  les  environs  de 
Saint-Claude  (Jura),  il  s'est  bien  trouvé  des  travaux  faits 
dans  une  saison  que  d'autres  trouveront  prématurée.  Quant  à 
nous,  nous  conseillons  d'attendre  cette  époque  de  l'année 
difficile  à  définir,  mais  que  savent  reconnaître  tous  ceux  qui 
ont  habité  la  campagne,  où  l'on  sent  que  l'on  n'est  plus  en  été  : 
c'est  le  moment  des  premiers  brouillards,  celui  où  mûrissent 
les  raisins  et  les  alises,  où  les  grives  commencent  à  passer; 
en  un  mot,  vers  les  premiers  jours  d'octobre.  On  plante 
d'abord  les  résineux;  quant  aux  feuillus,  qui  peuvent  être 
encore  en  pleine  frondaison,  on  a  la  ressource  d'enlever  les 
feuilles,  ou  mieux  encore  d'attendre  leur  chute  naturelle. 

Dans  quelques  cas,  néanmoins,  la  plantation  de  printemps 
doit  être  préférée  ;  ainsi  : 

1°  dans  les  climats  montagneux,  où  la  brusque  transition 
des  saisons  réduit  à  quelques  jours  le  temps  propre  aux  plan- 
tations; là,  l'automne  n'existe  pour  ainsi  dire  pas,  et  c'est 
au  printemps,    dès   la  fonte    des    neiges,  qu'il  faut  planter  ; 

2°  dans  les  terrains  exposés  au  déchaussement  par  la 
gelée. 

Signalons  ce  fait,  bien  connu  en  arboriculture,  que  les 
espèces  délicates  à  feuilles  persistantes  supportent  la  trans- 
plantation en  temps  de  sève,  même  à  une  époque  tardive, 
tandis  que  leurs  racines  mutilées,  placées  au  début  de  l'hiver 
dans  un  sol  bientôt  durci  par  la  gelée,  ne  peuvent  assurer 
l'approvisionnement  en  eau  nécessaire  pour  contrebalancer 
les  pertes  consécutives  à  la  transpiration.  Mais,  en  général, 
les  essences  utilisées  dans  les  grands  travaux  de  boisement 
sont  assez  rustiques  pour  ne  rien  craindre  de  ce  chef,  à  moins 

(1)  Duparchy,  Mémoire  sur  le  déboisement  et  le  reboisement  dans 
la  région  de  Saint-Claude.  (Bull.  Société  forestière  de  Franche-Comté 
et  Belforl,  septembre  1898). 


LE     BOISEMENT    l'Ali     PLANTATIONS.  ÎU7 

que  l'on  ait  la  malchance  de  subir  un  hiver  exceptionnel  par 
l'intensité  du  froid  et  l'absence  de  neige. 

Quelle  que  soit  la  saison  adoptée,  il  ne  faut  jamais  planter 
dans  une  terre  trop  détrempée,  qui  se  prenne  en  boue  col- 
lante, sans  qu'on  puisse  la  disposer  convenablement  autour 
des  racines. 

Application  aux  principales  essences.  —  Dans  les  sols 
nus,  assez  profonds  pour  que  l'on  puisse  y  cultiver  le  chêne, 
cette  essence  est  généralement  introduite  par  voie  de  semis. 
C'est  elle,  au  contraire,  qu'on  a  le  plus  souvent  l'occasion  de 
planter  en  forêt.  Les  plants  d'un  ou  deux  ans  non  repi- 
qués sont  utilisés  dans  les  régénérations  de  futaies  ;  acci- 
dentellement, on  les  plante  dans  les  taillis  simples  exploités 
pour  leurs  écorces  ;  ces  plants  n'ont,  en  général,  pour  toute 
racine,  qu'un  long  pivot  presque  nu  et  l'absence  de  chevelu 
rend  leur  reprise  assez  chanceuse  ;  néanmoins,  dans  les  sols 
où  l'on  peut  creuser  des  trous  proportionnés  à  la  longueur 
du  pivot,  divers  outils  spéciaux  permettent  de  les  utiliser  ; 
partout  ailleurs  il  vaudra  mieux  n'employer  que  des 
plants  repiqués  après  amputation  du  pivot  et  mis  en 
place  dans  des  potets  défoncés.  Dans  les  taillis  sous  futaie, 
on  plantera  des  demi  tiges  ou,  tout  au  moins,  des  basses 
tiges  vigoureuses,  repiquées  une  ou  deux  fois  ;  le  sol  sera 
cultivé  avec  soin  pour  activer,  autant  que  possible,  la  crois- 
sance. Si  les  pépinières  sont  mal  approvisionnées,  il  vaudra 
mieux  s'abstenir,  plutôt  que  de  mettre  en  terre  des  plants 
trop  vieux  et  mal  constitués,  comme  cela  se  fait  trop 
souvent. 

Le  jeune  hêtre  s'utilise  surtout  en  forêt,  soit  sous  forme  de 
peuplement  principal,  soit,  comme  sous  étage,  sous  des  es- 
sences de  lumière.  Dans  ces  conditions,  les  plants  de  deux 
ans  repiqués  réussissent  très  bien.  A  défaut  de  ceux-ci,  on  a 
recours  au  mode  de  plantation  en  mottes  ou  en  gazons  :  ce 
procédé  permet  de  prolonger  le  travail  assez  avant  dans  le 
printemps,  alors  même  que  les  semis  ont  déjà  poussé  leurs 
premières  feuilles. 

La  plantation  du  charme  est  facile  ;  pourtant  cette  essence 
boude  pendant  plusieurs  années,  quand  le  sol  n'est  pas  frais 


408  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

et  fertile.  Vu  le  faible  enracinement,  de  l'espèce,  employer  de 
préférence  des  plants  ayant  au  minimum  trois  au  quatre  ans 
de  pépinière. 

Les  frênes,  les  érables,  les  ormes,  disséminés  au  milieu 
d'essences  sociales  dans  les  travaux  de  boisement  des  terrains 
nus,  sont,  en  pareil  cas,  plantés  à  l'âge  de  deux  ans,  après 
repiquage  :  les  semis  sauvages  sont  d'une  reprise  très  incer- 
taine. Sous  forme  d'amélioration,  ces  espèces  sont  introduites 
dans  les  coupes  de  taillis  sous  futaie,  concurremment  avec  les 
chênes  :  alors  comme  ces  derniers,  on  les  emploie  à  l'état  de 
demi  et  de  hautes  tiges. 

L'aune  est  d'une  plantation  facile.  On  utilise  soit  des  plants  de 
pépinière  de  un  ou  deux  ans,  soit  des  semis  naturels  de  deux  ans. 

Le  bouleau  est  également  facile  à  transplanter  dans  sa  pre- 
mière jeunesse  ;  il  l'est  moins  dans  un  âge  plus  avancé  et 
quand  son  écorce  commence  à  blanchir.  L'âge  le  plus  conve- 
nable pour  la  plantation  est  de  deux  à  quatre  ans  ;  bien  que 
les  plants  de  pépinière  soient  préférables,  on  peut,  nous  l'a- 
vons vu,  se  procurer  de  bons  plants  sauvages  en  forêt. 

Les  saules  et  les  peupliers  sont  plus  souvent  introduits 
sous  forme  de  boutures  que  sous  forme  de  plantations. 

La  plantation  du  sapin  se  fait  dans  les  mêmes  conditions 
que  celle  du  hêtre.  La  seule  différence  est  que,  si  l'on  plante 
à  racines  nues  des  sujets  isolés,  il  est  préférable  de  n'utiliser 
que  des  sujets  de  quatre  ans  repiqués  ;  plus  jeune,  le  sapi- 
neau,  à  peine  ramifié,  est  trop  délicat.  La  plantation  en 
mottes  donne  aussi  d'excellents  résultats. 

L'épicéa  à  trois  ou  quatre  ans,  le  mélèze,  le  pin  sylvestre 
et  le  pin  noir  à  deux  ou  trois  ans  sont  les  espèces  résineuses 
les  plus  couramment  employées  dans  les  plantations  en  ter- 
rain nu.  Ce  choix  est  justifié  par  la  facilité  de  leur  reprise  et 
de  leur  frugalité. 

Nous  devons  une  mention  toute  spéciale  à  l'épicéa.  Si  le 
pin  noir  réussit  dans  des  sols  plus  superficiels,  si  le  pin  syl- 
vestre accepte  des  sables  plus  grossiers,  c'est  l'épicéa,  par  la 
facilité  avec  laquelle  on  se  le  procure  dans  le  commerce,  par 
la  complaisance  avec  laquelle  il  reprend  presque  en  toute 
station  et  en  tout  terrain,  qui    a  décidé  les  habitants  de  nos 


LE    BOISEMENT    PAU    PLANTATIONS,  109 

campagnes  à  wvcv  dans  les  mauvais  sols  ce  qu'ils  appellent 
des  <(  bois  de  sapins  ».  Il  ne  faul  point  abuser  pourtant  «le 
sa  souplesse  pour  l'employer  en  tous  lieux  ou  le  planter 
sans  soins,  ear,  s'il  ne  meurt  pas,  il  restera  chétif  et  mal  venant. 

Ajoutons  qu'en  tout  état  de  choses,  sa  végétation  est  très 
lente  pendant  les  toutes  premières  années  cpji  suivent  la 
plantation  :  ce  n'est  que  quand  ses  branches  couvrent  bien  le 
sol,  quand  il  a  tué  V herbe  à  son  pied,  qu'il  commence  à 
s'élancer.   Mais,   alors,  il  a  bientôt  rattrapé  le  temps  perdu  1 

Pendant  toute  cette  période  d'installation,  le  feuillage  jau- 
nit, l'arbre  prend  une  forme  buissonnante  et  son  aspect  reste 
languissant  ;  dans  les  terrains  susceptibles  de  s'enherber  for- 
tement, des  sarclages  feront  le  meilleur  effet.  Cette  première 
crise  passée,  on  remarque  que,  sur  un  même  terrain, 
planté  dans  des  conditions  identiques,  avec  des  sujets 
de  même  origine,  un  certain  nombre  d'individus  conser- 
vent leur  feuillage  jaunâtre,  quand  leurs  voisins  ont  revêtu 
définitivement  la  couleur  d'un  vert  bleu  qui  caractérise  l'es- 
pèce :  les  plants  jaunes  entrent  en  végétation  longtemps  avant 
les  autres,  ils  sont  dès  lors  beaucoup  plus  exposés  aux  gelées 
printanières  ;  leur  croissance  est  plus  lente,  et  dans  certaines 
terres,  ils  meurent  après  avoir  langui  plus  ou  moins  long- 
temps. Ne  serait-on  pas  en  présence  de  ces  deux  variétés 
signalées  par  M.  Brenot  aussi  bien  dans  le  Jura  que  dans  les 
Alpes  et  qu'il  a  décrites  sous  les  noms  d'épicéa  à  cônes  verts 
et  d'épicéa  à  cônes  rouges  {1)  ?  Le  tempérament  de  ce  dernier 
n'est  pas  sans  une  certaine  analogie  avec  celui  des  sujets  à 
feuillage  jaune.  Il  n'y  aurait  d'ailleurs  rien  que  de  naturel, 
puisque  les  graines  du  commerce  sont  récoltées  dans  les 
stations  où  les  deux  variétés  se  rencontrent  en  mélange. 

LepincTAlep  réussit,  par  voie  de  plantation  comme  par 
voie  de  semis,  dans  les  conditions  de  sécheresse  qui  seraient 
fatales  à  toutes  les  autres  essences  ;  il  lui  suffit  de  quelques 
pouces  carrés  de  terre  pour  qu'il  puisse  s'installer.  Sa  végé- 
tation est  assez  rapide  pour  qu'on  mette  en  place  des  plants 
d'un  an. 

(1)  Brenot,  Remarques  sur  les  deux  variétés  de  Vépicéa  commun. 
Paris,  Imprimerie  nationale,  1878.  (Revuedes  eaux  etforéls,  juillet  1870.) 


410 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


On  ne  plante  guère  le  pin  maritime  que  pour  regarnir  les 
semis  directs  dont  la  réussite  est  incomplète.  On  prend  alors 
les  jeunes  sujets  à  replanter  sur  les  points  voisins  les  mieux 
fournis  :  l'opération  n'offre  d'ailleurs  aucune  difficulté  si  l'on 
n'emploie  que  des  plants  âgés  d'un  an  ou  de  deux  ans  au 
plus. 

Soins  à  donner  aux  plantations.  —  La  réussite  des  plants 
mis  en  terre  n'est  pas  toujours  assurée,  même  après  une 
saison  de  bonne  végétation  ;  plus  les  sujets  sont  forts,  plus  il 
faut  de  temps  pour  qu'on  puisse  répondre  de  leur  avenir,  et 
la  période  de  crise  qui  accompagne  tout  déplacement  d'un 
sujet,  dure,  en  moyenne,  deux  ans  pour  les  basses  tiges  et 
trois  ans,  au  moins,  pour  les  hautes.  Quelles  que  soient  donc 
les  précautions  prises,  on  est  exposé  à  voir  disparaître  un 
certain  nombre  de  plants  pendant  les  premières  années  et 
l'on  doit  considérer  la  réussite  comme  bonne,  si  ce  déchet 
n'atteint  pas  10  p.  100;  pour  éviter  les  clairières,  il  faut 
remplacer  les  manquants  dès  l'automne  qui  suit  l'époque  de  la 
plantation.  On  facilite  le  travail,  si,  avant  de  mettre  les  ou- 
vriers en  chantier,  on  parcourt  avec  soin  toutes  les  surfaces, 
pour  y  compter  les  pieds  manquants  et  en  marquer  la  place 
par  des  fiches  apparentes.  En  général,  il  est  bon  d'employer 
des  sujets  de  même  essence  et  de  même  taille  que  ceux  qu'il 
s'agit  de  remplacer  ;  cependant,  si  l'on  a  tardé  plusieurs  années 
avant  de  procéder  à  cette  opération,  le  mieux  sera  de  profiter 
de  l'abri  existant  pour  introduire  dans  les  places  les  plus 
claires  quelques  pieds  d'essences  d'ombre. 

Dans  les  stations  fraîches  et  humides,  les  basses  tiges  des 
espèces  à  croissance  lente,  celles  d'épicéa  notamment,  sont 
exposées  à  être  étouffées  dans  les  herbes  ;  il  est  indispensable 
de  nettoyer  ces  plantations  et  l'on  procède  alors  d'une  manière 
analogue  à  celle  qui  a  été  indiquée  plus  haut  pour  les  semis. 
Si,  néanmoins,  au  lieu  d'arracher  les  herbes  à  la  main  ou  de 
les  couper  à  la  faucille,  on  les  enlève  à  la  houe,  en  donnant 
une  légère  culture  au  sol,  on  assure  la  reprise  des  sujets 
ainsi  protégés,  en  activant  leur  végétation  d'une  façon  tout  à 
fait  exceptionnelle. 

La  pioche  sert  encore   à  butter,   au  printemps,  les   tiges 


LE    BOlSEMBNf    PA1    PLANTATIONS.  iM 

déchaussées  par  les  gelées  de  l'hiver.  Ce  travail  es(   précisé 

ment  facile  dans  les  terres  abandonnées  par  l'agriculture, 
où  l'insuffisance  du  tapis  herbacé  rend  plus  fréquent  OQ 
genre  de  dommage.  D'ailleurs,  l'emploi  des  pierres  en  cou- 
verture prévient  le  déchaussement  et  l'envahissement  des 
herbes. 

Le  recèpage  des  plants,  au  moment  de  la  plantation, est  une 
mutilation  que  rien  ne  justifie,  lorsqu'on  opère  sur  des  sujets 
bien  conformés  et  bien  équilibrés  ;  les  brins  de  deux  à  trois 
ans  sortant  de  pépinière  ne  doivent  jamais  avoir  besoin 
d'être  recépés.  En  effet,  le  plant  déplacé  subit  une  forte  crise  ; 
il  n'a  pas  trop  de  toutes  les  ressources  qu'il  renferme  pour 
l'aider  à  la  supporter  ;  à  quoi  bon,  dès  lors,  le  priver  de  la 
réserve  alimentaire  contenue  dans  sa  tige  ?  Pourtant,  quand 
il  faut  utiliser  des  plants  sauvages,  mal  équilibrés,  pourvus 
d'un  mauvais  enracinement,  il  est  souvent  utile  de  les  ra- 
battre plus  ou  moins  ;  de  même  encore,  dans  des  stations 
très  sèches  où  l'essentiel  est  de  diminuer  l'évaporation,  on 
peut  être  conduit  à  restreindre  la  surface  de  l'appareil 
foliacé  en  sectionnant  la  tige  ou  les  rameaux;  mais  ce  ne 
sont  là  que  des  cas  particuliers,  et  cette  pratique  ne  doit 
pas  être  érigée  en  principe. 

Au  contraire,  le  recépage  d'essences  feuillues  plantées 
depuis  quelques  années,  dont  la  reprise  est  bien  certaine, 
mais  qui  restent  languissantes,  qui  ne  poussent  pas  de  tête, 
donne  les  meilleurs  résultats.  L'opération  est  trop  souvent 
négligée  et  c'est  ainsi  que  l'on  voit  des  chênes  ou  des  charmes 
bouder  indéfiniment,  se  recoqueviller  sur  eux-mêmes,  à  la 
façon  des  végétaux  gelés  ou  abroutis  par  le  bétail  :  un  coup 
de  serpe  ou  de  sécateur  remplace  ce  mauvais  buisson  par 
des  rejets  vigoureux.  Toutefois,  il  ne  faut  jamais  recéper  les 
sujets  plantés  sous  un  couvert,  quelque  léger  soit-il. 

Enfin,  on  évite  tout  recépage  si,  aux  chênes  et  aux 
charmes,  on  a  eu  soin  de  mélanger  des  pins,  des  mélèzes,  des 
épicéas  ou  des  bouleaux,  qui  forcent  leurs  compagnons  à 
s'élancer  s'ils  ne  veulent  être  dominés. 

La  taille  des  essences  feuillues  pendant  les  années  qui  sui- 
vent la  plantation  n'est  pas  à  recommander  en  principe  ;  elle 


412  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

ne  doit  être  pratiquée  que  très  sobrement  et  avoir,  pour 
chaque  individu,  un  objectif  précis  :  supprimer,  par  exemple, 
une  fourche  naissante,  couper  une  branche  horizontale  qui 
s'allonge  démesurément  ou  une  autre  qui  se  redresse  pour 
former  une  double  cime.  Il  ne  faut  pas  poursuivre  autre 
chose  ;  c'est  en  vain  qu'on  demanderait  à  la  taille  de 
faire  filer  les  sujets  qui  lui  sont  soumis  ;  l'opération 
ralentit  plutôt  la  croissance.  A  plus  forte  raison  ne 
faut-il  jamais  élaguer  les  conifères,  en  dehors  des  cas  sui- 
vants :  quand,  au  moment  où  un  jeune  plant  résineux  prend 
son  essor,  il  lui  pousse  deux  ou  trois  flèches,  on  fait  choix 
de  la  plus  belle  de  ces  pousses  et  on  rabat  les  autres  ;  — 
de  même,  quand  les  pins  noirs  d'Autriche  se  bifurquent  à  2 
ou  3  mètres  au-dessus  du  sol,  il  est  bon  d'enlever,  de  suite, 
une  des  deux  flèches  avec  un  échenilloir]  plus  tard,  la  section 
ferait  une  plaie  de  mauvaise  nature  ;  dans  ces  deux  cas, 
au  lieu  de  couper  le  rameau  rez-tronc,  il  vaut  mieux  étêter 
la  pousse  de  l'année,  ou  simplement  casser  le  bourgeon  ter- 
minal ;  —  on  voit  quelquefois  la  tige  des  jeunes  sapins  trans- 
plantés se  couvrir,  au  niveau  d'un  ou  de  plusieurs  entre- 
nœuds, de  véritables  branches  gourmandes,  qui  montent  pa- 
rallèlement à  l'axe  principal  en  s'insinuant  entre  les  branches 
plus  âgées:  les  brisera  la  main  ou  les  couper;  —  M.  Mer  (1) 
indique  la  possibilité  d'activer  l'allongement  des  jeunes  sa- 
pins par  l'amputation  ou  le  raccourcissement  des  branches 
basses,  qui  s'étalent  parfois  d'une  façon  exagérée;  nous 
n'avons  jamais  procédé  à  ces  amputations  complètes,  mais 
très  souvent  nous  avons  coupé  l'extrémité  de  ces  longs 
rameaux  s'étalant  à  quelques  centimètres  au-dessus  du  sol  et 
qui  semblent  concentrer  toute  l'énergie  vitale  d'un  sapineau  : 
toujours  nous  avons  obtenu  d'excellents  résultats;  —  enfin, 
quand  un  accident  a  rompu  ou  froissé  la  flèche  d'un  jeune 
résineux,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  faire  une  section  en  dessous 
la  blessure,  avec  l'espoir  de  voir  une  nouvelle  pousse  se 
substituer  à  l'ancienne. 

Certes,  tous  ces  soins  sont  bien  minutieux  et  leur  applica- 

(1)  Mer,  Moyen  d'activer  V 'allongement  des  jeunes  sapins.  (Revue  des 
eavx  et  forêts,  1890. 


PROCÉDÉS    SPECIAUX    DE    BOISEMENT,  \  I  3 

lion  dans  des  reboisements  de  grande  étendue  serait  d'au- 
tant plus  onéreuse  qu'on  ne  peut  en  confier  l'exécution  qu'à 

des  ouvriers  très  soigneux.  Si  donc  nous  en  avons  parlé,  c'est 
qu'ils  peuvent  intéresser  le  garde  qui,  au  cours  de  ses  tournées, 
trouve  du  plaisir  à  rendre  meilleure  la  situation  de  quelques 
plants,  ou  le  propriétaire  qui  ne  craint  pas  d'utiliser  ses  loisirs 
en  veillant  sur  ses  épicéas  comme  un  amateur  taille  ses 
espaliers.  Mais,  nous  le  répétons,  dans  des  boisements  impor- 
tants, le  plus  simple  sera  de  laisser  agir  la  nature,  et  de  faire 
tomber,  dans  les  dégagements  de  semis  et  les  éclaircies,  les 
sujets  défectueux. 

Les  dépressages  sont  moins  urgents,  sans  doute,  dans  une 
plantation  que  dans  un  semis  bien  réussi,  —  du  moins,  si 
l'on  a  adopté  entre  les  plants  un  espacement  au  moins  égal 
à  un  mètre.  Mais,  quand  le  cas  se  présente,  il  ne  faut  pas 
hésiter  à  procéder  à  l'opération. 

ARTICLE    IV 

PROCÉDÉS    SPÉCIAUX    DE   BOISEMENT 

Les  boutures.  —  Les  plançons.  —  Les  marcottes. 

Les  boutures.  —  La  multiplication  par  bouture  ne 
concerne  qu'un  petit  nombre  d'essences  indigènes  appar- 
tenant toutes  à  la  catégorie  des  bois  tendres,  notamment  : 
les  saules  et  les  peupliers. 

Gomme  boutures,  on  choisit  des  branches  lisses,  longues 
de  75  centimètres  à  1  mètre,  âgées  de  un  à  trois  ans,  dont  on 
retranche  les  rameaux  latéraux  en  ayant  soin  de  ne  pas  en- 
dommager l'écorce  ;  la  section  inférieure  de  la  bouture 
est  taillée  en  biseau,  à  quelques  centimètres  au-dessous  d'un 
bourgeon.  Les  rameaux  ainsi  préparés  sont  enfoncés 
en  terre  jusqu'aux  deux  tiers  de  leur  longueur,  de  telle  façon 
qu'il  reste  en  dehors  trois  ou  quatre  yeux  bien  formés. 
Plus  le  sol  est  sec,  plus  les  boutures  doivent  être  placées 
profondément,  et  c'est  en  leur  donnant  une  direction  obli- 
que qu'on  a  le  plus  de  chance  de  réussite.  Les  boutures 
reprennent  d'autant  mieux  qu'elles  sont  mises  en  terre  plus 


414  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

vite  après  avoir  été  coupées;  cependant,  comme,  le  plus  sou- 
vent, elles  doivent  être  préparées  à  l'avance  pour  être  trans- 
portées au  lieu  d'emploi,  il  faut  les  préserver  contre  la 
sécheresse  en  les  conservant  dans  l'eau,  ou,  mieux  encore,  en 
les  couvrant  de  terre  dans  un  lieu  frais  et  exposé  au  nord,  de 
façon  à  retarder  autant  que  possible  leur  végétation  ;  car, 
dès  que  les  bourgeons  évoluent,  il  est  trop  tard  pour  les 
mettre  en  place. 

Quel  que  soit  l'état  d'ameublissement  de  la  terre,  on  ne 
doit  jamais  enfoncer  directement  les  boutures  dans  le  sol  ; 
afin  de  ne  pas  détacher  leur  écorce,  il  faut  les  introduire  dans 
un  trou  ouvert  à  l'avance  soit  avec  un  pic,  soit  avec  une  barre  à 
mine;  elles  sont  ensuite  consolidées  par  un  tassement  con- 
venable. Dans  les  terrains  très  exposés  au  déchausse- 
ment par  la  gelée,  il  est  prudent  de  disposer  les  boutures 
très  obliquement,  presque  horizontalement,  pour  qu'elles  ne 
soient  pas  rejetées  hors  de  terre. 

Les  plançons.  —  Les  plançons  ne  sont  autre  chose  que  de 
fortes  boutures  de  lm,50  à  2  mètres  de  longueur  et  pouvant 
avoir  jusqu'à  5  à  6  centimètres  de  diamètre.  Ils  sont  pré- 
parés et  mis  en  terre  de  la  même  façon  que  celles-ci  et, 
quelle  que  soit  leur  grosseur,  il  ne  faut  jamais  les  frapper 
pour  les  faire  entrer  de  force  à  la  profondeur  voulue.  Les 
trous  auront  un  calibre  suffisant  pour  que  le  plançon  puisse 
y  glisser  librement  et,  pour  assurer  la  reprise,  il  est  utile, 
après  la  pose  du  plançon,  de  remplir  le  vide  avec  de  la  terre 
meuble  et  de  bonne  qualité. 

Le  mode  de  repeuplement  par  bouture  est  de  beaucoup  le 
plus  économique;  il  ne  peut  malheureusement  être  utilisé 
que  dans  les  terrains  frais  et  humides  et  convient  surtout 
pour  fixer  les  berges  des  torrents  ;  dans  ces  conditions,  les 
plançons,  employés  comme  piquets  de  clayonnages,  prennent 
racine  et  constituentdes  barrières  vivantes  des  plus  utiles  pour 
la  solidité  et  la  durée  des  ouvrages. 

Les  marcottes.  —  Le  marcottage  des  branches  basses  d'un 
arbre  ou  des  brins  les  plus  extérieurs  d'une  cépée  permet  de 
faire  rapidement  gagner  du  terrain  à  un  centre  de  végétation 
existant.    On   peut  encore,   de  la  manière  suivante,    obtenir 


LES    ESSENCES    DE    BOISEMENT.  115 

des  sujets  susceptibles  de  transplantation  :  il  suffit  de  recou- 
vrir le  pied  (Tune  jeune  cépée  d'une  bulle  de  terre  de  15  à 
25  centimètres  de  hauteur  et  dans  laquelle  les  jeunes  rejets 

en  croissance  prennent  racine  au-dessus  de  la  soin  lie;  deux 
ou  trois  années  après,  en  rompant  la  hutte,  on  trouvera  au- 
tant de  ti^es  enracinées  qu'il  y  avait  de  rejets;  détachés  au 
niveau  de  la  souche,  ils  pourront  être  mis  en  terre  à  la  façon 
des  brins  de  semence.  Si  l'on  prend  la  précaution  de  taire 
une  légère  entaille  au  pied  des  rejets  dans  la  région  enterrée, 
on  facilitera  l'évolution  des  racines. 

On  sait  d'ailleurs  que  la  marcotte  fournit  un  très  petit 
nombre  de  sujets  relativement  à  celui  des  pieds  étalons. 
En  forêt,  elle  n'est  employée  que  pour  remplacer  les  souches 
usées  dans  les  taillis  furetés  ;  elle  est  au  contraire  très  en 
faveur  dans  les  travaux  de  boisement  pour  diminuer,  dans 
la  mesure  du  possible,  les  frais  de  plantation,  dont  le  prix 
est  d'autant  plus  élevé  que  les  conditions  de  reprise  sont  plus 
difficiles. 


article  v 
LES  ESSENCES  DE  BOISEMENT 

1.    GÉNÉRALITÉS. 

Choix  des  essences.  —  Caractères  de  la  forêt  artificielle. 

Choix  des  essences.  —  Quelles  essences  employer  dans 
les  boisements?  La  question  est  des  plus  complexes,  tant  est 
grande  la  variété  des  circonstances  de  temps  et  de  lieux,  la 
diversité  des  services  demandés  à  l'entreprise. 

Aussi,  quel  que  soit  le  but  poursuivi  :  forêt  de  rendement 
ou  de  protection,  boisement  temporaire  ou  définitif,  avant  de 
rien  décider,  faut-il  se  rendre  compte  des  faits. 

Caractères  de  la  forêt  artificielle.  —  Quiconque  veut 
boiser  doit  tout  d'abord  se  mettre  moralement  au  point;  c'est- 
à-dire  dépouiller  le  «  vieil  homme  »,  dont  l'esprit  est  hanté  par 
l'évolution  rapide  des  cultures  usuelles  :  semer  aujourd'hui, 
récolter  demain.   Car  la  forêt  est   un  au-delà,   dont  l'avenir 


416  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

lointain  correspond  à  une  période  d'enfantement  d'autant 
plus  longue  que  les  surfaces  à  mettre  en  valeur  sont  elles- 
mêmes  plus  pauvres  ou  dans  un  état  de  dégradation  plus 
avancé.  En  toute  situation,  il  faut  compter  sur  le  temps,  qui 
travaille  gratuitement,  afin  d'épargner  l'argent,  qui  fonctionne 
à  intérêts  composés. 

D'autre  part,  quels  que  soient  les  régions  et  les  procédés 
employés,  on  constate  que  tout  peuplement  créé  de  main 
d'homme  ne  conserve  pas  la  composition  simple  et  l'aspect 
uniforme  qu'il  doit  à  son  origine  artificielle.  Bientôt,  la  nature 
intervient  pour  reprendre  ses  droits  :  un  véritable  travail  de 
reconstitution  s'opère  (1),  la  flore  et  la  faune  se  modifient 
en  même  temps  que  le  sol  prend  la  consistance  de  terre  à  Lois. 

On  voit  ainsi  les  massifs  se  modifier  lentement  pour  se  rap- 
procher sans  cesse  des  types  spontanés;  alors  seulement  que 
cette  forme  dernière  sera  bien  acquise,  on  pourra  considérer 
le  sol  comme  rendu  à  la  production  forestière;  car,  on  ne 
saurait  trop  le  répéter,  la  forêt  naturelle  est  seule  durable  : 
adaptée  au  sol  et  au  climat,  elle  porte  en  elle  les  remèdes 
contre  les  maux  qui  peuvent  l'atteindre;  elle  s'est  installée 
en  dépit  de  ses  ennemis  et  sait  au  besoin  les  combattre  et 
les  vaincre.  Qu'il  s'agisse  de  boisements,  de  brousaillements, 
d'enherbements,  la  loi  reste  la  même:  elle  domine  toutes  les 
situations  :  méconnaître  ses  effets  serait  tenter  une  aventure. 

Si  cette  métamorphose  contrarie  parfois  le  but  économique 
poursuivi,  du  moins  a-t-elle,  au  point  de  vue  forestier,  un  effet 
doublement  heureux  : 

1°  elle  remplace  le  peuplement  pur  et  uniforme,  constitué 
le  plus  souvent  à  l'aide  d'espèces  plus  ou  moins  dépaysées,  par 
des  individus  dès  longtemps  accoutumés  à  la  station,  c'est-à- 
dire  plus  résistants  à  tous  égards  ; 

2°  elle  transforme  lentement  un  sol  quelconque  en  cette 
chose  toute  spéciale  et  complexe  qui  constitue  la  terre  à  bois. 

Ajoutons  enfin  que,  si  l'on  fait  une  culture  ligneuse  tempo- 
raire  et  sans  s'inquiéter  de  l'avenir,  on  peut,  à  la  rigueur,  sacrifier 
quelques  principes,  tandis  que  la  création  d'une  forêt  permn- 

(1)  P.  Fliche,  Un  reboisement  Annales  de  la  science  agronomique 
française  et  étrangère    1888). 


MBS    ESSENCES    DE    BOISEMENT.  117 

ncnlc  est  toujours  subordonnée  à  la  stricte  observation  des 
règles  culturales  :  faire  une  forôt  solide,  se  régénérant  par  La 

voie  naturelle,  et  cela  avec  le  moins  de  frais  possible,  tel  est  le 
bul  à  atteindre. 

Ceci  étant  admis,  nous  allons  passer  en  revue  les  principales 
essences  indigènes,  en  indiquant  sommairement  le  parti  qu'on 
peut  tirer  de  chacune  d'elles,  tant  à  l'état  pur  qu'à  l'état  mé- 
langé; nous  renvoyons  d'ailleurs  au  Chapitre  II  pour  tout  ce 
qui  concerne  leur  tempérament  et  leurs  allures  forestières. 
Puis,  nous  donnerons  quelques  détails  sur  les  espèces  exoti- 
ques introduites  jusqu'à  ce  jour,  en  appréciant  les  services 
qu'elles  sont  appelées  à  rendre. 


2.     LES    ESSENCES    lîs'DIGÈNES. 

Essences  résineuses.  —  Essences  feuillues.  —  Les  mélanges. 

Essences  résineuses.  —  Les  essences  résineuses  se  recom- 
mandent tout  d'abord  par  leur  frugalité.  Elles  prennent  vite 
possession  du  terrain  et  fournissent  à  courte  échéance  des 
produits  marchands  :  échalas,  perches  à  houblon,  étais  de 
mine,  poteaux  télégraphiques,  bois  de  raperie  ou  de  boulan- 
gerie. Les  espèces  de  lumière  :  pin  sylvestre,  pin  maritime,  pin 
d'Alep,  mélèze,  épicéa,  —  ajoutons  même  le  pin  laricio  noir, 
originaire  d'Autriche,  et  qui  se  comporte  chez  nous  à  la  façon 
des  espèces  spontanées,  —  sont  toutes  à  notre  disposition. 
Nous  pouvons  choisir.  Souvent  même,  alors  que  les  ressources 
locales  seront  insuffisantes,  nous  nous  adresserons  à  des  formes 
étrangères  à  la  contrée  ;  mais  l'expérience  de  tous  les  jours 
tend  à  restreindre  le  nombre  de  ces  auxiliaires.  Sachant  que 
le  dernier  mot  reste  à  la  nature  pour  arrêter  la  situation  défini- 
tive, on  ne  fait  usage  que  des  espèces  les  plus  communes,  les 
plus  rustiques,  de  celles  enfin,  qui,  douées  d'une  faculté  d'ac- 
commodation suffisante,  permettent  de  réaliser  au  plus. tôt,  et 
au  meilleur  marché,  le  premier  état  boisé  que  Ion  cherche.. 
C'est  ainsi,  que,  sur  tout  le  territoire  de  la  France,  le  pin 
sylvestre  s'installe  facilement  dans  les  sols  arénacés  de  la. 
Boppe  et  Jouykt.  -' 


418  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

plaine  et  delà  basse  montagne,  —  le  pin  noir  dans  les  sols  cal- 
caires, secs,  peu  profonds  de  ces  mêmes  stations, —  le  mélèze 
dans  les  lieux  bien  éclairés  et  bien  aérés,  —  l'épicéa  en  toutes 
contrées  froides  et  fraîches,  —  le  pin  maritime  sur  les  sables 
siliceux  du  littoral,  —  le  pin  d'Alep  sur  les  rochers  calcaires 
de  la  Provence,  —  le  pin  de  montagne  dans  les  tourbières 
alpestres,  etc. .. 

Ajoutons  à  ces  grandes  lignes  quelques  remarques  d'ordre 
plus  spécial  : 

Sous  le  climat  parisien,  le  pin  sylvestre  pousse  encore  assez 
vigoureusement  dans  les  argiles,  pourvu  qu'elles  ne  soient  pas 
trop  compactes;  et,  dans  les  terrains  calcaires  eux-mêmes,  sa 
croissance,  pendant  la  jeunesse,  est  plus  rapide  que  celle  du 
pin  noir  ;  cependant,  nous  lui  préférons  ce  dernier,  dont  le 
couvert  plus  épais  et  les  détritus  plus  abondants  améliorent 
rapidement  la  fertilité  du  sol. 

Epicéa  et  mélèze  acceptent  toutes  les  terres,  bien  qu'ils 
préfèrent  naturellement  les  meilleures.  On  doit,  néanmoins, 
donner  la  plus  grande  place  à  l'épicéa  qui  est  beaucoup  plus 
facile  à  manier  :  sans  doute,  le  bois  du  mélèze  se  recommande 
entre  tous,  même  dans  les  stations  basses;  mais,  employée  en 
masse,  sous  un  climat  trop  chaud  pour  elle,  cette  essence  est 
sujette  à  des  maladies  qui  rendent  sa  vie  précaire. 

Dans  les  régions  méridionales,  concurremment  avec  le  pin 
sylvestre  et  le  pin  noir,  se  présentent  le  pin  maritime  et  le  pin 
d'Alep.  Si  ces  deux  essences  acceptent  des  sols  ingrats,  elles 
sont  sensibles  au  froid  ;  il  est  donc  toujours  dangereux  d'en 
tenter  l'introduction  au  nord  de  leur  aire  d'habitation.  Les 
dégâts  de  l'hiver  1879-80  ont  été  une  dure  leçon  pour  les  pro- 
priétaires des  pignadars  de  la  Sologne  et  de  la  Normandie. 

Sous  les  climats  franchement  montagneux,  dont  on  connaît 
le  caractère,  on  utilisera,  suivant  les  cas  :  le  mélèze,  l'épicéa, 
le  pin  de  montagne  et  le  pin  cembro. 

Essences  feuillues.  — En  général,  la  mauvaise  qualité  des 
terres  incultes  et  sauvages  que  l'on  rend  à  la  forêt,  aussi  bien 
que  le  plein  découvert  où  l'on  opère,  limitent  à  un  petit 
nombre  d'espèces  le  choix  à  faire  parmi  les  feuillus.  Le  bou- 
leau, l'aune  et  le  saule  marceau  crnviendraient  à  peu   près 


l  i  v    i  ssi  NCBS    DE    B0181  MENT.  {  1(.» 

soûls  pour  constituer  la  masse  d'un  boisement;  encore,  ce 
dernier  ne  pourrait-il  être  utilisé,  Concurremment  avec  de 
nombreux  arbustes  et  arbrisseaux,  que  pour  servir  de  premier 
abri  dans  les  eas  difficiles  ;  —  l'aune  s'emploie  dans  les  sta- 
tions fraîches  et  même  mouilleuses  ;  —  le  bouleau  un  peu 
partout,  à  cause  delà  facilité  de  sa  reprise  et  du  bon  marché 
des  plants;  mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  en  trop  généra- 
liser l'emploi,  car  les  résineux  en  même  situation  prennent 
plus  de  valeur  que  lui. 

Kn  sol  frais  et  profond,  le  choix  est  moins  limité;  car  toutes 
les  essences  de  lumière  qui  prospèrent  dans  les  forêts  voi- 
sines peuvent  être  employées.  Parmi  celles-ci,  le  chêne  se 
recommande  entre  toutes,  non  seulement  par  les  qualités  de 
son  bois,  mais  encore  par  le  bon  marché  avec  lequel  il  est 
facile  de  l'introduire  par  voie  de  semis  dans  les  terres  qui  le 
comportent  et  plus  particulièrement  dans  les  champs  aban- 
donnés par  l'agriculture.  Les  autres  ne  peuvent  guère  être 
employées  sur  de  grandes  surfaces  qu'en  forme  de  mélange  et 
nous  allons  voir  dans  quelles  conditions. 

Les  mélanges.  —  Le  mélange  des  essences  dont  nous  avons 
constaté  les  bons  offices  dans  les  vielles  forêts  en  état  de  ren- 
dement (page  113),  retr'ouve  son  utilité,  pour  des  motifs  sem- 
blables, dans  la  forêt  naissante  (1). 

Bien  que,  —  nous  venons  de  le  voir,  —  la  composition 
initiale  de  la  forêt  artificielle  se  modifie  sans  cesse,  il  est  cer- 
tain qu'en  jetant,  dès  les  premiers  jours,  sur  un  sol  nu,  des 
éléments  variés,  nous  donnons  à  la  nature  un  plus  grand 
choix  de  matériaux,  qu'elle  façonnera  à  son  gré  et,  le  plus 
souvent,  au  mieux  de  nos  intérêts  (fig.  86). 

A  un  fond  d'une  espèce  donnée,  choisie  comme  la  plus 
avantageuse  économiquement,  nous  en  associerons  d'autres; 
nous  adjoindrons,  par  exemple,  des  pins  et  des  mélèzes  à  une 
majorité  d'épicéas  ou  inversement.  Mais  il  sera  surtout  excel- 
lent de  mélanger  feuillus  et  résineux.  Les  essences  de  lumière, 
les  seules  dont  il  ait  été  question  jusqu'à  présent,  nous  offrent 

(1)  Mélanges  naturels  et  artificiels,  par  R.  B.  —  Traduit  du  Journal 
suisse  d1  Économie  forestière,  par  P.  Poirot,  élève  de  l'Ecole  forestière. 
Revue  des  Eaux  et  Forêts,  mars  1900Ï. 


420  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

déjà  les  éléments  d'un  grand  nombre  de  formules:  rien  n'em- 
pêche, si  le  sol  est  profond,  de  jeter  quelques  glands  dans  une 
plantation  résineuse,  de  disséminer  des  charmes  dans  les  par- 
ties fraîches,  des  bouleaux  dans  les  interlignes  des  sols  les  plus 
pauvres,  etc.  ;  toutefois,  en  ce  qui  concerne  le  bouleau,  on  doit 
se  méfier  des  dommages  qu'il  cause  aux  résineux,  quand,  par 
les  grands  vents,  ses  rameaux  grêles  viennent  fouetter  les 
cimes  de  leurs  voisins  et  en  briser  les  bourgeons. 

Puis,  dans  la  solution  du  problème  des  mélanges,  les  essences 
disséminées  et  les  essences  d'ombre  sont  appelées,  à  leur  tour, 
à  nous  venir  en  aide.  Dans  l'immensité  des  surfaces  à  reboi- 
ser, il  y  a  place  pour  tout  le  monde  :  c'est  précisément  le  talent 
du  metteur  en  œuvre  d'y  loger  chacun  chez  soi. 

Se  rencontre-t-il,  par  exemple,  quelques  poches  de  terre, 
plus  profondes  et  plus  fertiles  que  l'ensemble,  les  frênes,  les 
ormes  sont  tout  désignés  pour  les  occuper.  Dans  quelles  pro- 
portions? c'est  affaire  de  fantaisie  et  de  convenance  de  la  part 
du  propriétaire;  mais  il  conviendra  rarement  de  dépasser  le 
chiffre  du  dixième.  Partout,  —  et  dans  la  même  mesure,  — 
des  places  seront  réservées,  çà  et  là,  aux  grands  érables,  prin- 
cipalement au  sycomore. 

Un  rôle  différent  est  dévolu  aux  essences  d'ombre.  On  sait 
qu'elles  ont,  en  général,  le  couvert  épais  ;  on  connaît  enfin 
leur  tendance  envahissante  et  leur  faculté  de  résister  sous  le 
couvert  :  toutes  qualités  dont  on  doit  tirer  parti  au  profit  de  la 
forêt  à  venir.  Leur  introduction  est  chose  peu  malaisée  quand 
on  y  met  de  la  patience,  vertu  dont  il  faut  toujours  être 
armé  dans  une  entreprise  d'aussi  longue  haleine  que  la  créa- 
tion d'une  forêt.  Ainsi,  dès  le  début,  et  partout  où  le  climat  le 
comporte,  on  profite  de  tous  les  abris  qui  se  rencontrent 
sur  les  surfaces  à  travailler  :  touffes  de  genévriers,  buissons 
d'épines,  haies,  rochers,  murs,  versants  rapides  sont  une 
occasion  de  planter,  à  leur  ombre,  au  Nord,  quelques  pieds 
de  hêtre  ou  de  sapin  ;  les  grosses  pierres,  les  quartiers  rocheux 
sont  surtout  précieux,  car  ils  entretiennent  un  ameublissement 
et  une  humidité  dont  profitent  les  racines  des  plantes  les  plus 
voisines;  si,  comme  cela  se  présente  dans  certaines  régions, 
notamment  en  Franche-Comté,  les  friches  sont  entrecoupées 


I  i  -    ESSENCES    DE    BOISI  M  I  N  I 


iJl 


par  ces  longues  bandes  de  buissons  appelées  des  lisières ^  on 
profitera  de  leur  abri  du  côté  \nn\   pour  faire   une  ou  deux 


lignes  d'espèces  d'ombre,  la  plus  voisine  de  l'abri,  en  sapin,  la 
seconde,  en  hêtre;  ailleurs,  ce   sera  autre  chose,  le  principe 


422 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


restant  le  même.  Plus  tard,  quand  le  moment  est  venu  de  com- 
bler les  vides,  on  remplace  les  manquants  de  la  première  heure 
par  des  sujets  d'ombre.  Plus  tard  encore,  une  fois  le  massif 
constitué  à  l'état  de  perchis,  on  peut,  sous  son  couvert,  créer 
un  sous-bois  en  essences  d'ombre.  Tout  cela  est  facile,  il  suffit 
d'y  penser  et  de  vouloir;  car,  les  jeunes  plants  de  hêtre  et  de 
sapin  élevés  en  pépinière  et  bien  constitués  sont  plus  accom- 
modants qu'on  le  suppose  généralement  ;  et,  pour  peu  que  l'at- 
titude et  le  climat  s'y  prêtent,  ils  ne  sont  pas  réfractaires  aux 
terrains  nus;  il  en  est  ainsi  dans  toute  la  zone  parisienne  à 
partir  de  300  mètres  d'altitude,  dès  que  la  moindre  broussaille 
donne  un  peu  d'abri;  à  plus  forte  raison  en  montagne,  dans 
les  genêts  et  les  fougères.  Sous  les  climats  plus  méridionaux, 
il  faut  renoncer  à  ces  deux  espèces  et  le  châtaignier  peut 
avantageusement  les  remplacer;  en  sol  sableux,  il  croît  à  mer- 
veille sous  l'ombrage  des  pins,  dont  il  abrite  le  pied,  en  les 
préservant  des  invasions  d'insectes. 

A  chaque  pays  sa  forêt.  Cherchez  vos  auxiliaires  et  vous 
les  trouverez  ;  et  si,  ce  dont  nous  doutons  fort,  la  flore  indi- 
gène ne  vous  donne  pas  pleine  satisfaction,  la  flore  exotique 
sera  pour  vous  une  suprême  ressource. 

3.     LES    ESSENCES    EXOTIQUES. 

Généralités.  —  Le  choix  à  faire.  —  Les  essences  les  plus  connues.  — 

Conclusions. 

Généralités.  —  La  flore  forestière  de  France  peut  certes 
suffire  à  tous  les  besoins,  sans  qu'il  soit  indispensable  d'avoir 
recours  aux  espèces  exotiques.  Telle  était,  du  moins,  l'opinion 
de  notre  savant  maître  M.  Mathieu  (1). 

Avec  de  semblables  richesses  en  mains,  dit-il,  il  n  est  d'autre  diffi- 
culté que  celle  de  choisir,  et  le  choix  peut-être  fait  sûrement,  sans 
rien  laisser  au  hasard,  puisqu'il  s'agit  de  végétaux  spontanés,  bien 
connus,  dont  les  exigences  se  traduisent  par  les  faits  de  l'association 
la  plus  simple  :  sol,  exposition,  altitude. 

Négliger  d'aussi  vieux  amis,  dont  les  services  sont  certains,  pour  des 
nconnus,  des  végétaux  exotiques,  serait  peu  sage  assurément,  et  per- 

(1)  A.  Mathieu,  Le  reboisement  et  le  regazonnement  des  Alpes,  p.  25. 
Paris,  Imprimerie  Nationale,  1875. 


LES    ESSENCES    OK    BOISEMENT.  133 

sonne  n'y  songe,  sans  doute.  Il  peut  n'être  pas  hors  de  propos,  néan- 
moins, d'examiner  en  quelques  mots  ce  que  l'on  peut  attendre  des 
essais  de  naturalisation  et  d'acclimatation  en  matière  forestière.  Ce 
sera  la  justification  de  la  réserve  avec  laquelle  cette  voie  doit  être 
suivie  dans  les  travaux  de  reboisement. 

Pour  qu'un  végétal  mérite  d'être  placé  au  rang  des  essences  fores- 
tières, il  faut  qu'il  soit  complètement  naturalisé,  c'est-à-dire  qu'il  pré- 
sente «  les  caractères  des  plantes  spontanées  indigènes,  croissant  et  se 
multipliant  sans  le  secours  de  l'homme,  ayant  traversé  des  séries 
d'années  pendant  lesquelles  le  climat  a  offert  des  circonstances 
exceptionnelles.  »  (De  Candolle,  Gèog.  bot.,  p.  608).  Mais,  ce  n'est  pas 
tout,  il  doit  encore  pouvoir  atteindre  les  dimensions,  les  qualités  qui 
ont  engagé  à  en  tenter  l'introduction,  en  un  mot,  conserver  dans  sa 
nouvelle  patrie  la  marche  de  végétation,  la  longévité  qui  lui  étaient 
propres  dans  la  contrée  dont  il  est  originaire  ;  enfin,  il  est  indispen- 
sable qu'il  soit  social,  propre  à  croître  en  massif,  aptitude  refusée  à 
beaucoup  d'arbres,  qui  recherchent  l'isolement  et  l'état  de  dissémina- 
tion. C'est  seulement  alors  que  le  végétal  aura  subi  ces  longues 
épreuves,  réalisé  toutes  ces  conditions,  que  le  problème  sera  résolu, 
qu'on  sera  fondé  à  en  proclamer  la  conquête. 

Alors  que  M.  Mathieu  écrivait  ces  lignes  remarquables, 
il  était  appelé  à  donner  son  avis,  avec  toute  l'autorité  attachée 
à  son  nom,  sur  une  œuvre  gigantesque  d'un  caractère  social, 
où  il  n'y  avait  aucune  faute  à  commettre.  La  sagesse,  comme 
la  raison,  imposaient  à  celui  aux  lumières  de  qui  l'Etat  avait 
recours,  de  signaler  tous  les  dangers,  de  prévenir  toutes  les 
aventures. 

Nous  partageons  les  idées  de  notre  Maître  vénéré,  dans  ce 
qu'elles  ont  de  local  et  de  particulier;  mais  l'étude  des  essences 
exotiques  a  fait  des  progrès  depuis  vingt-cinq  ans,  et  l'emploi 
judicieux  de  certaines  d'entre  elles,  dans  les  situations  moins 
graves  qu'un  reboisement  obligatoire,  peut  rendre  des  ser- 
vices, ne  fût-ce  que  pour  multiplier  dans  tous  les  milieux  la 
série  des  expériences  en  dehors  desquelles  on  n'atteindrait 
jamais  la  certitude. 

La  question  d'ailleurs  a  déjà  donné  lieu  à  bien  des  contro- 
verses. 

«  Les  opinions  moyennes,  fait  remarquer  M.  Hickel  (1),  sont 
«  rares  :  les  uns  repoussent,  presque  avec  horreur,  toute  ad- 
«  dition  à  notre  flore  ligneuse  indigène  ;   les  autres,    moins 

(1)  Hickel,  Un  essai  d'acclimatation  d'essences  exotiques  h  Veinheim. 
Orléans,  G.  Michau  et  Cie. 


i'2i  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

«  nombreux  ne  rêvent  qu'exotiques,  et  peupleraient  volon- 
«  tiers  nos  forêts  d'essences  aussi  bizarrement  choisies  que 
«  variées  ».  Il  y  a  donc  une  mesure  à  garder. 

La  principale  objection  que  l'on  puisse  faire  à  leur  emploi 
est  celle-ci  :  moins  bien  adaptées  à  notre  climat  que  les  espèces 
indigènes,  elles  seront  éliminées  par  ces  dernières.  Mais  la 
chose  n'est  pas  certaine,  et  l'on  manque  d'observations  pour 
décider  de  ce  qui  se  passera. 

En  effet,  comme  l'a  établi  M.  le  Professeur  Fliche  (1),  les 
données  paléontologiques,  de  plus  en  pins  abondantes,  attestent 
d'une  façon  indubitable  que  beaucoup  des  espèces  que  l'on 
cherche  à  réinstaller  dans  notre  pays  y  étaient  spontanées 
à  une  époque  parfois  peu  lointaine  de  l'histoire  géologique 
de  notre  globe. 

Citons,  au  hasard,  les  genres  Salisburya  et  Taxodium  ; 
s'ils  ont  disparu,  c'est  que  les  milieux  se  sont  modifiés  dans  un 
sens  qui  leur  fut  défavorable.  Mais,  à  côtédeces  formes  qu'on 
pourrait  appeler  archaïques,  dont  certaines  n'existent  même 
plus  nulle  part  à  l'état  sauvage,  il  y  a  des  espèces  apparte- 
nant à  des  genres  modernes]  elles  ont  même,  le  plus  souvent, 
des  similaires  dans  notre  pays,  similaires  qui,  vivant  sous  un 
autre  climat,  n'ont  pas  évolué  d'une  façon  absolument  iden- 
tique. Qui  sait,  si,  parmi  elles,  quelques  unes  ne  se  trouve- 
raient pas,  par  hasard,  appropriées  à  notre  région?  qui  sait 
même  si,  ayant  vécu  sous  un  ciel  plus  rude,  elles  ne  seraient 
pas  plus  résistantes  aux  intempéries?  Il  est  certain,  par 
exemple,  que  le  Chêne  rouge  d'Amérique  s'est  mieux  com- 
porté en  France  que  notre  rouvre  pendant  l'hiver  néfaste 
de  1879-80.  D'ailleurs,  même  en  admettant  qu'abandonnées  à 
leurs  seuls  moyens  de  défense  elles  risquent  d'être  éliminées  de 
nos  peuplements,  n'arriverait-on  pas  à  les  y  maintenir  à  l'aide 
de  sacrifices  moindres  que  ceux  qu'entraîne  la  protection  du 
rouvre  ou  du  pédoncule  contre  l'envahissement  du  hêtre? 

Plus  grave  est  la  crainte  de  voir  une  espèce  dépaysée  dispa- 
raître chez  nous,  victime  d'une  maladie  jusqu'alors  inconnue 
ou  peu  dangereuse  dans  son  pays  d'origine. 

1  Fliche,  Communication  faite  à  la  réunion  biologique  de  Nancy, 
décembre,  1S97. 


mi  5SENCE8    DE    B0I8BM1  m  ,  125 

Toutes  ces  questions,  di1  M.  l'Inspecteur-adjoini  Pardé  (1), 
appellent  L'expérience.  Ni  nos  lois  successoriales,  ni  nos 
mœurs  Françaises  ne  favorisent  la  transmission  héréditaire  de 
grands  domaines  pendant  plusieurs  générations,  el  l'œuvre 
d'expérimentation  forestière  chez  les  particuliers  Beta  forcé- 
ment rare;  les  personnes  mêmes  qui  pensent,  en  principe, 
que  l'initiative  privée  doit  s'exercer  partout  où  la  logique  ne 
lui  impose  pas  des  limites,  reconnaîtront  que,  dans  cet  ordre 
d'idées,  l'État,  en  France,  peut  et  doit  faire  beaucoup  plus 
que  les  particuliers.  M.  Pardé  conclut  en  émettant  le  vœu 
que  les  résultats  obtenus,  aussi  bien  les  mauvais  que  les  bons, 
soient  portés  à  la  connaissance  du  public  et  que  les  Sociétés 
forestières  de  tous  les  pays  veuillent  bien  leur  réserver  une 
place  de  choix  dans  leurs  bulletins. 

Nous  nous  rallions  pleinement  au  vœu  de  M.  Pardé;  mais, 
en  attendant,  nous  pensons  qu'il  sera  prudent,  d'ici  long- 
temps encore,  de  confiner  les  essences  exotiques  dans  un 
rôle  accessoire,  accidentel,  en  les  employant  toujours  sous 
forme  de  mélanges.  Dans  ces  limites,  voyons  les  ressources 
qu'elles  nous  offrent  actuellement,  et  quelle  peut  être  leur 
utilité. 

Le  choix  à  faire.  —  Dès  que  l'on  compare  la  flore  ligneuse 
étrangère  à  celle  de  la  France,  on  constate  combien  cette  der- 
nière, malgré  sa  richesse  apparente,  est  relativement  pauvre, 
On  sait,  en  effet,  que  les  végétaux,  comme  les  animaux  et 
les  hommes,  ont  leurs  mouvements  de  migration,  leurs  mar- 
ches d'invasion.  Dans  notre  vieux  monde  la  loi  des  transports 
a  toujours  tracé  les  routes  d'exode  de  l'Est  à  l'Ouest,  — 
d'Asie  en  Hurope.  Mais,  au  fur  et  à  mesure  qu'une  famille, 
qu'un  genre  s'étendait  dans  ce  sens,  il  laissait  en  route  des 
retardataires  :  les  membres  de  cette  famille,  de  ce  genre,  sont 
donc  moins  nombreux  à  la  dernière  étape  qu'à  la  première  ; 
la  France  est  précisément  cette  dernière  étape,  dont  le  point 
d'arrêt  est  fixé  par  le  littoral  de  l'Atlantique.  Pour  reconsti- 
tuer la  liste  des  retardataires,  il  nous  faudrait  remonter 
le  courant  vers  ses  sources,  —  vers  l'Asie  centrale,  —  où  nous 

(1)  Pardé,  Communication  au  Congrès  international  de  sylviculture, 
juin  1900.  —  Rapport  de  M.  Maurice  de  Vilmorin. 


426  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

trouverions  cette  flore  curieuse  que  les  découvertes  récentes 
des  explorateurs  et  les  remarquables  travaux  de  M.  Franchet 
commençaient  à  nous  faire  connaître.  Ce  serait,  sans  doute, 
la  mine  à  exploiter  pour  en  faire  bénéficier  nos  forêts. 

Dans  la  pratique  et  jusqu'à  ces  temps  derniers,  on  s'est 
adressé  surtout  au  Continent  américain  plus  accessible  dans 
toutes  ses  parties.  Sa  flore  forestière,  mieux  étudiée,  nous 
présente,  rien  que  pour  l'Amérique  du  Nord,  dit  M.  Hickel, 
plus  de  30  espèces  de  pins,  tandis  que  l'Europe  n'en  compte 
que  8;  — 50  espèces  de  chênes  habitant  les  régions  tempérées, 
tandis  que  nous  n'en  avons  pas  plus  de  8...  Quels  mobiles 
déterminants  nous  feront-ils  adopter  telle  de  ces  espèces 
plutôt  que  telle  autre  ? 

Après  la  question  de  rusticité  qui  domine  toutes  les  situa- 
tions, se  présente  celle  de  l'originalité.  L'espèce  adoptée  doit, 
en  effet,  posséder  des  qualités  spéciales  qui  ne  se  retrouvent 
dans  aucune  des  espèces  indigènes.  A  quoi  bon  cultiver  le 
hêtre  ferrugineux  d'Amérique,  s'il  faut  la  loupe  du  bota- 
niste pour  distinguer  les  caractères  scientifiques  qui  le 
séparent  du  hêtre  commun?  A  quoi  bon,  si  ce  n'est  pour  le 
snobisme  du  catalogue,  cultiver  le  Sapin  de  Fraser,  le  Sapin 
haumier  ou  la  Sapinette  blanche,  qui  ne  sont  que  des  moules 
réduits  du  sapin  pectine  ou  de  l'épicéa,  dont  ils  n'ont  ni  les 
dimensions,  ni  les  qualités,  même  dans  leur  pays  d'origine  ? 

Au  contraire,  on  aurait  tout  profit  à  multiplier  :  le  Hinoki 
des  Japonais,  dont  le  bois  satiné  fait  de  si  belle  menuiserie,  — 
Ahies  grandis,  Abies  nobilis,  Abies  cilicica,  Pseudotsuga 
Douglasii,  qui  atteignent  des  dimensions  inconnues  chez  nos 
sapins,  —  Abies  Nordmanniana,  Fraxinus  alba,  que  leur 
végétation  tardive  mettent  à  l'abri  des  gelées  printanières,  — 
et  d'autres  encore...  Car  nous  ne  pouvons  passer  en  revue 
toutes  les  formes  actuellement  à  l'étude.  Nous  recommandons 
aux  sylviculteurs  que  la  question  intéresse,  la  lecture  des 
ouvrages  et  articles  publiés  à  ce  sujet  (1). 

(1)  Michaux,  Histoire  des  arbres  forestiers  de  V Amérique  septen- 
trionale. Paris,  1810-1812;  —  Sargent,  The  silva  of  North  America. 
Boston  et  New-York,  1893  et  suiv.  ;  —  J.  Houba,  Les  chênes  de  l'Amé- 
riqne  septentrionale  en  Belcfi(iue.  Hasselt,  1887;  —  De  Kirwan,  Les 


LES    ESSENCES    DE     B0ISEM1  M.  127 

Les  espèces  les  plus  connues.  —  Toutefois,  à  ceux  qui 
seraient  effrayés  par  le  nombre  et  l'importance  de  ces  docu- 
ments, nous  pouvons,  à  titre  de  simple  indication,  citer  les 
espèces  les  mieux  connues,  celles  qui  sont  d'une  utilisation 

assez  ancienne  et  assez,  courante  pour  qu'on  puisse,  Banfl 
grand  danger,  les  admettre  dans  nos  cultures. 

Les  plus  rustiques  sont,  parmi  les  feuillus: 

Le  Chêne  rouge  d'Amérique  (Quercus  rubia),  très  em- 
ployé en  Belgique  et  dans  bon  nombre  de  forêts  françaises, 
où  il  se  régénère  naturellement  et  montre  même  des  ten- 
dances envahissantes.  Il  se  recommande  par  sa  croissance 
plus  rapide  que  celle  du  rouvre,  sa  forme  plus  régulière,  sa 
plus  grande  résistance  au  froid,  sa  fructification  plus  fré- 
quente et  plus  abondante,  son  couvert  plus  épais  ;  on  dit  que, 
dans  son  pays  d'origine,  son  bois  grossier  est  beaucoup 
moins  estimé  que  celui  de  nos  chênes.  Chez  nous,  dans  la 
plaine  des  Vosges  du  moins,  il  ne  semble  pas  inférieur  à 
ces  derniers  ;  cela  tient,  sans  doute,  à  ce  que,  jouissant,  en 
France,  d'un  temps  de  végétation  plus  long  que  dans  son 
pays  d'origine,  il  fabrique  plus  de  bois  d'été  et,  par  suite, 
acquiert  plus  de  dureté  et  de  densité.  Il  a  contribué,  dans  une 
large  mesure,  au  boisement  du  sol  ingrat  des  Campines  belges. 
Il  a  toutefois  les  allures  d'une  plante  calcifuge  et  nous  ne  le 
conseillons  pas  en  dehors  des  terrains  siliceux. 

Dans  la  Campine  encore,  on  utilise  avec  succès  le  Ceri- 
sier tardif  (Prunus  serotina),  espèce  américaine  très  voisine 
de   notre  Cerisier  à  grappes,    très    peu   exigeante  au    point 

forêts  du  Japon.  Bruxelles,  1887  ;  —  L.  Ussèle,  A  travers  le  Japon, 
Paris,  1891  ;  E.  Dupont,  Les  essences  forestières  du  Japon.  Paris,  Berger- 
Levrault.  1880.  —  Meyr,  Monographie  der  Abietineen  des  japanischen 
Reiches.  Munich,  1890;  —  Hickel,  Les  jardins  botaniques  des  bords  du 
Rhin.  Feuille  des  jeunes  naturalistes,  janvier  1900;  —  Dr.  Schwappach, 
Denkschrift  betreffend  die  Ergebnisse  der  in  den  Jahren  188  1-1 890  in  den 
Preussischen  Staatsforslen  ausgefûhrten  Anbauversuche  mit  fremdlan- 
dischen  Holzarten,  Zeitschrift  fur  Forst  und  Sagdivesen,  1891  ;  —  Cata- 
logue des  végétaux  ligneux  indigènes  et  exotiques ,  existant  sur  le  domaine 
des  Rarres.  Paris,  imprimerie  Nationale,  1878;  —  De  Kirwan.  Les  coni- 
fères indigènes  et  exotiques.  Paris,  1867-1868;  —  Cannon,  Le  propriétaire 
planteur.  Orléans,  1887.  —  De  nombreux  articles  dans  le  Rulletindela 
Société  centrale  forestière  de  Relgique  et  dans  la  Revue  des  Eaux  et 
Forêts,  etc.. 


428  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

de  vue  de  la  fertilité  du  sol,  et  dont  les  dimensions  sont 
suffisantes  pour  fournir  du  bois  d'ébénisterie.  Ce  cerisier 
ne  paraît  pas  craindre  le  calcaire  et,  comme  sa  transplantation 
est  des  plus  faciles,  il  semblerait  tout  désigné  pour  accom- 
pagner le  pin  Noir  dans  toutes  les  terres  pauvres  des  forma- 
tions oolithiques.  Malheureusement,  les  plants  en  sont  assez 
rares  en  France,  où  les  pépiniéristes  le  confondent  avec 
le  Cerisier  de  Virginie,  de  forme  bien  différente  et  de 
qualité  beaucoup  moindre  ;  il  est  cependant  facile  de  les  dis- 
tinguer :  le  cerisier  tardif  a  les  feuilles  aussi  vertes  sur  la 
face  inférieure  que  sur  la  face  supérieure,  le  calice  de  la 
fleur  persiste  même  après  la  chute  des  fruits  (1). 

Le  robinier  faux  acacia  que  tout  le  monde  connaît  et 
que  nous  aurions  pu  comprendre  dans  la  monographie  de 
nos  essences,  tant  est  grande  son  expansion  sur  tous  les 
points  de  notre  territoire.  Rappelons  seulement  que  c'est 
une  espèce  assez  exigeante  et  qui  n'atteint  toutes  ses  qualités 
que  dans  les  bons  sols. 

On  en  pourrait  dire  autant  des  platanes,  dont  le  bois  ana- 
logue à  celui  du  hêtre,  a  sur  celui-ci  l'avantage  de  présenter, 
quelqu'en  soit  le  débit,  de  très  belles  maillures  qui  justifient 
son  emploi  en  menuiserie  apparente. 

Parmi  les  Conifères,  on  peut  admettre,  aux  mêmes  titres 
que  les  précédents  : 

Le  pin  du  Lord  ou  pin  Weymouth  (Pinus  strohus),  d'un 
usage  courant  dans  les  reboisements  en  Allemagne.  Il  y  est 
aussi  apprécié  qu'on  l'estime  peu  en  France,  où  sa  mauvaise 
réputation  tient,  sans  doute,  à  ce  fait  que,  grâce  à  sa  crois- 
sance très  rapide,  on  le  coupe  très  jeune,  alors  que  son  bois 
est  encore  à  l'état  d'aubier  dans  toute  son  épaisseur.  Mais,  si 
on  le  laisse  vieillir,  il  fabrique  un  bois  de  cœur  de  teinte  rosée 
et  dont  les  qualités  sont  au  moins  égales  sinon  supérieures, 
à  celles  des  bois  d'épicéa  ou  de  sapin  dont  les  anneaux 
ligneux  auraient  même  largeur  que  les  siens  ;  les  voliges, 
même  débitées  dans  l'aubier  pur,  peuvent  être  utilement  em- 
ployées, à  l'égal  de  celles  de  peuplier,  pour  les  emballages, 

fl     Le  cerisier  sauvage  d'Amérique,  à  fruits  noirs  (Cerasus  serotina). 
Notice  de  M.  Berger,  Annales  des  travaux  publics  de  Belgique,  t.  Ier. 


LES    BSSBNGE9    l>l     BOISEMENT.  429 

et,  à  L'usage,   elles   ne  s'arrachent  pas    en   esquilles  comme 

celles  du  sapin.  Le  pin  Weymouth  accepte  tous  les  Bols,  même 
ceux  qui  sont  mouilleux  ;  il  est  donc  tout  indiqué,  pour 
mettre  en  valeur  les  terrains  de  cette  nature. 

Le  Sapin  de  Douglas  (Pseudotsuga  DouglsLsii),  couvre 
déjà  de  grandes  surfaces  en  Allemagne  et  en  Ecosse.  Il 
forme  des  massifs  d'une  densité  extrême  et  dont  l'obscurité 
dépasse  celle  de  nos  sous  bois  les  plus  noirs  ;  il  atteint  des 
dimensions  superbes  et  son  bois  de  cœur,  rouge  et  d'excel- 
lente qualité,  se  prête  aux  meilleurs  emplois.  Il  est  de  re- 
prise facile,  ne  boude  pas  comme  l'épicéa,  mais  s'élance  ra- 
pidement à  la  façon  du  mélèze.  Sans  être  exclusif,  il  préfère 
les  sols  siliceux.  Par  contre,  son  aubier  est  toujours  très 
épais,  comme  chez  les  laricios,  et  un  ennemi  déjà  très  connu, 
du  genre  Botrytis,  engage  à  ne  pas  l'utiliser  à  l'état  pur. 

Bien  que  moins  étudiés,  en  forêt  surtout,  semblent  recom- 
mandâmes encore  : 

le  noyer  noir  [Juglans  nigra),  qui  résiste  mieux  au  froid 
que  notre  noyer  commun  («/.  regia)  et  dont  le  bois  est  très 
recherché;  de  même  les  Cary  a  alba,  C.  porcina,  C.  amara; 

le  tulipier  [Liriodendron  tulipifera),  dont  le  bois  très 
léger,  serré  et  tendre  répond  à  des  besoins  spéciaux;  il 
est  recherché  par  l'industrie  du  tranchage  ; 

le  cédrèle,  Cedrela  sinensis,  rustique,  croissance  assez 
rapide,  bois  dense,  élastique,  résistant; 

les  planères,  Zelkowa  crenata,  rustique,  à  croissance  rapide, 
dont  le  bois  vaut  au  moins  celui  de  l'orme,  et  Zelkowa  acu- 
minata,  également  rustique,  à  bois  très  souple  se  rapprochant 
de  celui  du  frêne 

Dans  les  carrefours,  sur  les  points  que  l'on  voudrait  garnir 
de  plantes  ornementales  et  un  peu  partout,  à  titre  d'expé- 
rience, on  peut  placer  avec  des  chances  sérieuses  de  réussite 
les  belles  espèces  suivantes  : 

Un  sapin  :  Abies  concolor  ;  —  deux  cupressinées  améri- 
caines :  le  cyprès  de  Lawson  (Cupressus  Lawsoniana)  et  le 
Thuia  géant  (TTiii l'a  Lohbii)  et  deux  japonaises  :  le  Hinoki 
(Chamœcy paris  ohtusa),  très  rustique  sous  nos  climats,  dont 
nous  avons  déjà  parlé,  et  le  beau  Thuiopsis  dolahrata. 


430  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

Nous  serions  moins  affirmatifs  pour  le  libocèdre  (Libocedrus 
decurrens)  à  végétation  très  vigoureuse,  mais  qui  souffre  des 
hivers  rigoureux  sous  le  climat  de  Paris. 

Dans  des  circonstances  particulières,  on  peut  aussi  utiliser  : 

—  si  le  terrain  est  mouilleux,  submergé  même,  à  côté  du  Pin 
Weymouth  :  Thuiopsis  borealis  et  Chamœcyparis  Nutkaensis 

—  sur  les  landes  maritimes,  les  chênes  américains  :  Q.palustris, 
Q.  Phellos  ou  encore  Cupressus  Lamhertiana,  et,  si  le  climat 
est  trop  rude  pour  le  pin  maritime,  le  pin  raide,  Pinus  rigida, 
qui  n'est  bon  qu'à  fixer  les  surfaces  les  plus  rebelles  à  la  vé- 
gétation. —  Dans  la  basse  montagne  méridionale,  au-dessous 
de  la  station  du  sapin  pectine,  on  peut  essayer  le  cèdre  de 
V Atlas  (Cedrus  atlanlica)  comme  l'Administration  forestière 
l'a  tenté  sur  les  versants  du  Mont  Ventoux  et  le  sapin  algérien, 
Ahies  baborensis  vel  numidica,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  Abies  pinsapo  originaire  d'Espagne.  —  Enfin  si,  dans 
les  terrains  siliceux,  on  veut  installer  quelque  refuge  pour  le 
gibier,  on  pourra  créer  des  remises  avec  le  petit  chêne  de 
Banister,  véritable  buisson,  dont  la  fructification  est  des  plus 
abondantes  et  qui  fournit  des  glands  recherchés  par  les 
animaux  de  cirasse. 

A  titre  d'expérience  ou  d'essai,  on  peut  encore  jeter,  çà  et 
là,  quelques  pieds  des  érables  américains  ou  japonais, —  de 
bouleau  merisier,  bonne  espèce  sur  laquelle  nous  appelons 
spécialement  l'attention  et  que  recommandent  les  qualités 
spéciales  de  son  bois,  —  de  mélèze  du  Japon  [Larix  leptolepis), 

—  de  divers  pins  et  épicéas  :  Picea  Alcockiana,  Picea  orien- 
talis,  Picea  alba,  Picea  Menziesii,  Pinus  ponderosa,  Pinus 
Jeffreyi.  Ces  quatre  dernières  espèces  sont  d'origine  améri- 
caine; habituées  au  climat  excessif  du  versant  de  l'Atlan- 
tique, elles  ont  plus  de  chance  de  réussir  chez  nous  que  les 
espèces  californiennes  qui,  à  l'instar  des  formes  japo- 
naises, jouissent  d'un  climat  marin  d'une  douceur  exception- 
nelle, dont  on  ne  trouve  l'analogue  en  France  que  sur  les 
confins  du  littoral  réchauffé  par  le  Gulf-Stream. 

Mais  n'oublions  jamais  qu'au-delà  de  cette  zone,  le  climat 
de  nos  plaines,  d'allures  trop  continentales,  est  souvent  meur- 
trier pour  les  plantes  à  feuilles  persistantes. 


LA    MISE    EN    VALEUB    l'Ait    II:    BOISEMENT.  131 

Conclusions.  —  Ce  court  résumé  n'a  d'autre  but  que  de 
bien  faire  comprendre  au  lecteur  l'importance  cjue  nous  atta- 
chons à  l'étude  des  essences  exotiques,  en  l'engageant  à  recou- 
rir aux  ouvrages  spéciaux  ;  de  bien  lui  l'aire  voir  que  nous 
admettons  toutes  les  tentatives,  toutes  les  expériences  — 
d'abord  en  petit  —  en  matière  de  boisement  ;  que,  loin 
d'adopter  la  formule  des  feuillus  quand  même,  nous  sommes 
partisans  de  l'introduction  raisonnée  des  résineux  dans  cer- 
taines forêts  où  tant  de  vides,  tant  de  clairières  s'éternisent 
dans  leur  stérilité  première,  quand  depuis  longtemps  le  frugal 
conifère  les  aurait  comblés  et  utilisés. 

En  un  mot,  mettre  en  œuvre  les  facultés  du  sol  pour  obtenir 
sur  chaque  unité  de  surface  le  maximum  de  rendement  en 
bois,  telle  est  la  limite  dans  laquelle  nous  comprenons  la  cul- 
ture forestière  intensive. 


ARTICLE     VI. 

LÀ  MISE  EN  VALEUR  PAR  LE  BOISEMENT 

L.    GÉNÉRALITÉS. 

Les  boisements  facultatifs.  —  Les  boisements  obligatoires.  — 
Régie  commune  à  tous  deux. 

Les  boisements  facultatifs.  —  Le  boisement  est  facultatif 
quand  il  a  pour  but  de  satisfaire  d'une  façon  directe  et  immé- 
diate à  un  intérêt  privé  ;  l'intérêt  public,  lorsqu'il  existe,  ne 
passe  qu'en  seconde  ligne. 

Au  propriétaire  du  fonds  :  Département,  Commune,  Eta- 
blissement public  ou  Particulier,  appartient  exclusivement 
l'initiative  de  l'opération.  L'Etat  peut  encourager  ce  proprié- 
taire, l'aider,  le  subventionner  même  (1);  mais  nul  ne  peut 
exercer  contre  lui  aucun  moyen  de  coercition. 

Pareille  opération  doit  être  fructueuse  et  le  problème  finan- 
cier se  pose  dans  toute  sa  rigueur  (2).  Les  données  pour  le 

(1)  Lois  du  21  juillet  1860  et  du  8  juin  1864. 

(2)  Arthur  Noël,  Essai  sur  les  repeuplements  artificiels,  chap.  \n 
et  xiii.  Paris,  Berger- Levrault  et  O,  1882. 


432  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

résoudre  présentent  un  certain  degré  d'incertitude,  en  ce  sens 
que,  si  Ton  peut  se  rendre  un  compte  assez  exact  de  la  valeur 
du  fonds,  des  frais  occasionnés  par  le  boisement  et  de  la  durée 
probable  de  rengagement  du  capital  avant  d'en  tirer  profit, 
du  moins  ignore-t-on  quelle  sera  la  valeur  de  la  marchandise 
au  terme  de  cette  échéance.  Néanmoins,  on  est  à  peu  près 
certain  de  faire  une  entreprise  avantageuse  chaque  fois  que, 
s'adressant  à  des  terres  d'une  faible  valeur  vénale,  on  pro- 
cède avec  une  connaissance  suffisante  des  faits  pour  réussir 
sans  engager  dans  l'opération  matérielle  du  boisement  un 
capital  supérieur  à  100  francs  par  hectare,  y  compris  l'achat 
des  graines  ou  des  plants. 

Les  boisements  facultatifs  se  rattachent  à  l'une  des  caté- 
gories suivantes  : 

a.  les  améliorations  en  forêt', 

b.  la  mise  en  valeur  des  terres  arables  abandonnées  par 
V agriculture  ; 

c.  celle  des  terres  vaques  et  incultes  en  pays  de  plaines  et 
de  coteaux  ; 

d.  celle  des  terres  stables  en  montagne. 

Les  boisements  obligatoires.  —  Chaque  fois  que  Yintérêt 
public  commande  la  constitution  de  l'état  boisé  comme  unique 
moyen  de  défense  contre  l'action  destructive  des  éléments,  le 
boisement  est  obligatoire. 

Il  en  est  ainsi  principalement  lorsqu'il  s'agit  : 

a.  de  la  restauration  des  montagnes  ; 

b.  de  la  fixation  des  dunes. 

En  semblables  conditions  l'État,  investi  par  la  loi  des  pou- 
voirs nécessaires  (1),  a  la  mission  de  poursuivre  l'entreprise 
pour  la  terminer  avec  succès. 

Règle  commune  à  tous  deux.  —  Dès  qu'un  terrain  est 
destiné  à  être  boisé,  il  importe,  avant  toutes  choses,  d'inter- 
dire l'introduction  du  gros  et  du  menu  bétail  de  la  façon  la 

(0  Loi  du  28  juillet  1860  sur  le  reboisement  des  montagnes;  —Loi 
du  8  juin  186'»  sur  le  gazonnement  des  montagnes  ;  —  Décret  du 
10  novembre  1864  pour  l'exécution  de  ces  deux  lois;  —  Loi  du  4  avril 
1882,  relative  à  la  restauration  et  à  la  conservation  des  terrains  en 
montagne  ;  —  Décret  du  11  juillet  1882  pour  l'exécution  de  cette  loi- 


LA    MISE    EN    VALEUR    l'Ai;    LE    BOl    i-.Mi.vr.  l33 

j)lus  scrupuleuse.  //  y  a   incompatibilité  absolue  entre  !•> 
jouissance  pastorale  et  la  forêt  naissante, 


Z.    LES    BOISEMENTS    FACULTATIFS. 

a.  Les  améliorations  en  forêt  :  considérations  générales.     -  Applica- 
tions dans   K-s  futaies  :  —  dans  les  taillis. 

Considérations  générales.  —  Bien  que  la  régénération 
naturelle  soit  la  base  de  tout  traitement  rationnel  des  forêts, 
il  faut  lui  venir  en  aide  dans  bien  des  eas.  En  effet,  quelle 
que  soit  la  méthode  appliquée,  des  accidents  de  force  majeure, 
des  situations  particulièrement  difficiles,  des  abus  de  jouis- 
sance, des  opérations  mal  raisonnées  peuvent  dégrader  les 
peuplements  et  en  faire  disparaître  les  bonnes  essences  :  ce 
qui  conduit  à  les  reconstituer  par  des  procédés  artificiels. 

Mais,  avant  d'avoir  recours  à  ces  moyens  extrêmes,  tou- 
jours très  coûteux  et  dont  les  résultats  sont  souvent  incertains, 
on  doit,  sous  peine  de  travailler  en  pure  perte,  se  rendre 
un  compte  exact  des  faits  qui  ont  amené  la  dégradation, 
pour  en  faire  cesser  immédiatement  les  causes.  C'est  ainsi  que, 
suivant  les  cas,  il  faut  :  changer  le  régime  appliqué;  régle- 
menter le  pâturage  ou  même  le  supprimer  complètement  ; 
rajeunir  les  parties  sans  avenir  ;  ou  encore,  augmenter  la  durée 
des  révolutions  trop  courtes  et  réformer  les  balivages  défec- 
tueux. Quand,  ces  remèdes  étant  inefficaces,  des  repeuple- 
ments artificiels  s'imposent,  il  y  a  toujours  lieu  de  les  exécu- 
ter avec  la  plus  stricte  économie. 

Lorsqu'il  s'agit  de  réintroduire  une  espèce  précieuse  dans 
un  peuplement  d'ailleurs  complet,  on  doit  utiliser  toutes  les 
ressources  que  présente  le  massif  à  améliorer;  en  général,  il 
suffira  de  disposer  convenablement  une  faible  minorité  de 
sujets  dans  la  masse  des  tiges  naturelles.  L'important  est 
alors  de  mettre  les  nouveaux  venus  dans  des  conditions  telles 
qu'ils  se  raccordent  le  plus  tôt  possible  avec  leur  entourage. 
Il  est  clair  que,  pour  qu'il  en  soit  ainsi,  le  moment  le  plus 
favorable  coïncide  toujours  avec  la  naissance  du  peuplement 
à  soigner  :  c'est-à-dire  avec  l'époque  où  l'on  y  provoque  une 
régénération,  soit  parla  semence,  soit  par  rejets. 

Bori'E  Ct   JOLYET.  2o 


434  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

Exceptionnellement,  lorsqu'on  veut  créer  par  voie  artifi- 
ficielle  des  sous  étages  dans  des  massifs  réguliers  d'essences 
de  lumière,  il  faut  procéder  quand,  ce  peuplement  étant  à 
l'état  de  perchis,  on  vient  d'y  pratiquer  une  éclaircie  avec 
extraction  de  toutes  les  tiges  surcimées,  —  qu'on  peut  faire 
disparaître  sans  arrière  pensée,  puisque  leur  tempérament  les 
condamne  à  une  mort  prochaine  et  qu'on  va  les  remplacer  par 
des  essences  d'ombre.  Le  sol  est  alors  en  bon  état  de  conserva- 
tion et,  quel  que  soit  le  moyen  employé,  —  semis  ou  planta- 
tion, —  les  sujets  introduits  réussiront  à  merveille  sous  le  cou- 
vert du  peuplement  principal. 

Enfin,  quand  il  s'agit  de  vides  ou  de  clairières,  il  est  d'une 
bonne  administration  de  les  repeupler  immédiatement,  afin  de 
remettre  aussitôt  que  possible  le  sol  en  état  de  production. 

Applications  dans  les  futaies.  —  Si,  la  semence  étant 
fournie  en  quantité  suffisante  par  des  porte- graines  convena- 
blement répartis,  le  sol  dégradé  n'est  pas  en  état  d'assurer 
l'installation  du  semis  naturel,  toute  la  dépense  se  borne  à  la 
préparation  du  sol  par  des  crochetages;  nous  avons  insisté 
dans  le  chapitre  VI,  pages  185  et  suivantes,  sur  l'urgence  et 
les  bons  résultats  de  cette  pratique. 

Si,  au  contraire,  les  porte-graines  font  défaut  ou  que,  pour 
tout  autre  motif,  la  régénération  naturelle  soit  incertaine  ou 
impossible,  il  faut  semer  ou  planter.  Dans  un  peuplement  mis 
à  l'état  d'ensemencement,  le  procédé  par  voie  de  semis  est  tout 
indiqué,  puisque  toutes  les  conditions  favorables  sont  réunies 
pour  assurer  la  germination  des  graines,  —  qu'elles  soient 
apportées  du  dehors  ou  disséminées  naturellement.il  suffit  de 
déterminer  les  espaces  affectés  à  l'espèce  à  introduire  et  de 
disposer  les  semences  de  façon  à  obtenir,  soit  le  mélange 
intime,  soit  le  mélange  par  places  ou  par  compartiments  plus 
ou  moins  étendus.  La  plantation  par  mottes  peut  d'ailleurs 
être  assimilée  au  semis  quant  à  l'âge,  ou,  pour  mieux  dire,  à  la 
situation  du  peuplement  dans  lequel  on  opère. 

Certaines  circonstances  locales  s'opposent  à  l'emploi  du 
semis.  Il  en  est  ainsi  quand  la  semence  de  l'espèce  à  intro- 
duire fait  défaut,  ou  bien  quand  ces  semences  sont  exposées 
à  la  voracité  des  animaux:  sangliers,  mulots,  pigeons  ramiers, 


LA    MISE    in    VALEUR    PAR    LE    BOISEMENT.  i.'C) 

pour  les  glands  et  1rs  faines,  —  oiseaux  granivores,  pour  les 
espèces  résineuses  :  il  est  toujours  imprudent,  par  exemple, 
de  semer  en  forêt  des  glands  ou  des  faines  apportés  du  dehors 

pendant  le  cours  des  années  où  les  chênes  et  les  hêtres  n'ont 
pas  fructifié  dans  la  région.  Il  faut  alors  piauler  des  sujets 
aussi  jeunes  que  possible,  afin  de  réduire  les  dépenses  à  leur 
minimum. 

De  même,  on  est  obligé  d'avoir  recours  à  la  plantation  pour 
terminer  des  régénérations  acquises  dans  l'ensemble,  mais  que 
la  nature  a  laissées  incomplètes;  en  effet,  le  plus  souvent,  on 
ne  constate  ces  insuffisances  que  quand  le  sol  est  déjà  plus  ou 
moins  dégradé  sur  les  espaces  à  regarnir.  Il  est  alors  trop 
tard  pour  semer,  et  l'on  plantera  des  sujets  dont  la  force 
sera  proportionnée  à  celle  des  semis  naturels  qui  les  entou- 
rent. Il  faut  tenir  compte  de  ce  fait  que  le  semis  réussit 
mieux  dans  les  sols  médiocres  que  dans  les  terrains  fertiles, 
où  les  jeunes  sujets  naissants  sont  exposés  à  être  envahis  et 
étouffés  par  une  abondante  végétation  herbacée. 

Les  espaces  à  repeupler  artificiellement  dans  les  futaies 
jardinées  se  présentent,  le  plus  souvent,  sous  forme  de  vides 
ou  de  clairières  ;  comme  tels,  ils  seront  remis  en  état  le  plus 
promptement  possible,  par  les  procédés  généraux  les  plus 
économiques  adaptés  aux  exigences  de  la  station. 

Applications  dans  les  taillis.  —  Dans  les  taillis  composés, 
les  repeuplements  artificiels  doivent  être  exécutés  dans  le 
même  esprit  que  les  dégagements  de  semis,  c'est-à-dire  loca- 
lisés sur  les  points  où  l'état  de  la  réserve  demande  une  amé- 
lioration. Aussi,  dans  la  majorité  des  cas,  faut-il  planter  avec 
grand  soin,  dans  un  sol  bien  préparé,  des  sujets  assez  forts 
pour  résister  à  l'étreinte  des  rejets.  Faire  peu,  mais  ne  rien 
négliger  pour  bien  faire,  tel  est  le  principe  dont  on  ne  doit 
jamais  se  départir.  Pour  tenir  compte  du  déchet,  il  est 
toujours  prudent  de  ne  pas  planter  des  brins  isolés,  mais  de 
les  réunir  par  groupes  de  4  à  8  individus,  convenablement 
espacés.  Puisque  l'objectif  est  ici  de  créer  des  ressources  pour 
les  balivages  futurs  sur  les  points  où  la  réserve  présente  des 
lacunes,  ce  sont  toujours  des  espèces  de  lumière  et  notamment 
des  chênes  qu'il   s'agit  d'introduire  ;  suivant  les  cas,  ormes. 


436  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

frênes,  érables,  peuvent  être  associés  ou  substitués  aux 
chênes.  Les  plantations  seront  donc  faites  en  plein  découvert, 
immédiatement  après  l'expiration  des  délais  fixés  pour  l'enlè- 
vement des  produits.  C'est  d'ailleurs  à  cette  époque  qu'on 
peut  le  mieux  juger,  en  constatant  l'état  de  la  réserve,  de  la 
nature  et  de  l'importance  des  travaux  à  exécuter.  Un  procédé 
simple  et  économique  consiste  à  faire  ces  plantations  sur  les 
emplacements  des  souches  concédées  sous  forme  de  menus 
produits  ;  les  places  de  loges  ou  d'ateliers,  les  places  à 
charbon,  les  chemins  temporaires  peuvent  également  être 
repeuplés  à  peu  de  frais.  Ces  menus  travaux  suffisent,  dans 
la  plupart  des  forêts  situées  en  bon  sol,  pour  entretenir  la 
richesse  du  taillis  en  essences  précieuses  et  pour  assurer  le 
recrutement  de  la  réserve. 

Mais  les  plantations  ne  sont  profitables  que  si  l' on  vient  pé- 
riodiquement les  dégager  dans  la  même  forme  que  les  semis 
naturels  ;  les  deux  opérations  sont  solidaires  l'une  de  l'autre. 
Et  si,  en  faisant  ces  dégagements,  on  prend  la  précaution  de 
donner  une  légère  culture  au  sol  autour  des  brins  plantés, 
on  leur  assure  une  vigueur  telle  que  l'on  pourra  souvent  les 
réserver  comme  baliveaux  à  la  fin  de  la  révolution  au  début 
de  laquelle  ils  auront  été  introduits. 

Nécessairement  ces  dégagements  sont  onéreux;  aussi,  tout 
compté,  est-il  préférable  de  planter  des  moyennes  ou  des 
hautes  tiges.  Quelques  sujets  bien  soignés  coûteront,  en  défi- 
nitive, moins  cher  que  les  milliers  de  basses  tiges  jetées  sans 
soin  et  au  hasard,  et  dont  l'entretien  sous  forme  de  dégage- 
ments nécessite,  en  même  temps  que  des  frais  énormes,  une 
perte  de  production  considérable.  Il  ne  manque  pas  d'exemple 
de  ces  plantations  négligées  dont  le  profita  été  nul  pour  la  forêt. 

On  suit  des  procédés  analogues  dans  les  taillis  simples 
réguliers,  soit  pour  y  combler  les  vides,  soit  pour  y  ramener 
les  bonnes  essences,  —  notamment  le  chêne  dans  les  haies 
à  écorces. 

Dans  les  taillis  simples  furetés,  indépendamment  des 
semis  et  plantations,  on  a  recours  à  la  marcotte  pour  rem- 
placer les  cépées  mortes  de  vétusté. 


LA    MISE    i\    VALEUR    TAU    LE    BOISEMENT.  \'^' 


b.  La  mise  en  valeur  des  terres  arables  abandonnées  par  l'agricul- 
ture :  conditions  du  déclassement.  —  Les  procédés  de  boisement. — 
Boisements  spéciaux,  —  Arboriculture  fruitière.  —  Les  têtards;  les 
arbres  d'émonde  el  les  ramilles-fourrage. 

Conditions  du  déclassement.  —  Les  motifs  qui  engagent 

à  restituer  à  la  forêt  les  I erres  autrefois  livrées  ;i  l'agriculture 
se  rattachent  à  des  questions  économiques;  telles  sont  :  l'abon- 
dance de  la  terre  arable,  le  prix  élevé  de  la  main  d'oeuvre, 
la  rareté  des  fermiers,  etc.  Ces  causes  sont  d'ailleurs  pure- 
ment locales,  souvent  même  passagères.  Ainsi,  dans  une 
province  riche  en  terres  fertiles,  franchement  agricole,  où  la 
main  d'oeuvre  est  chère,  où  les  bois  sont  rares,  on  sera  con- 
duit économiquement  à  abandonner  comme  trop  mauvaise, 
telle  terre,  qui,  dans  une  autre  région  moins  bien  partagée, 
serait  encore  considérée  comme  d'une  culture  avantageuse 

Quoi  qu'il  en  soit,  avec  la  culture  intensive  que  Ton  pour- 
suit à  l'aide  des  engrais  minéraux,  l'étendue  des  surfaces  em- 
blavées diminue  tous  les  jours  et  la  contenance  des  terres 
disponibles  augmente  d'autant.  D'ailleurs,  on  a  pu  dire  avec 
raison  que  «  même  sur  un  sol  fertile,  la  forêt  peut  lutter,  par- 
fois avec  avantage,  contre  le  champ  cultivé  »  (1).  M.  HùlTel 
cite  l'exemple  de  la  ferme  de  Dombasle,  connue  par  sa  bonne 
exploitation,  qui  donne  à  son  propriétaire  un  revenu  net  de 
40  francs  par  hectare,  tandis  que  la  forêt  communale  de  Pont- 
à-Mousson  (Meurthe-et-Moselle),  qui  lui  est  contiguë  et  trai- 
tée en  taillis  sous  futaie,  rapporte  60  francs  par  hectare  et 
par  an. 

Les  procédés  de  boisement.  —  L'ancienne  culture  agri- 
cole est  toujours  une  excellente  préparation  pour  le  reboise- 
ment. Elle  a  d'ailleurs  des  conséquences  pratiques  qui  in- 
fluent sur  le  choix  des  méthodes  à  employer  : 

1°  le  sol  est  débarrassé  de  la  végétation  sauvage  et  meuble, 
ce  qui  rend  possible  le  boisement  par  semis  direct  ; 

2°  il  est  facile  à  travailler  et  suffisamment  profond  pour 
permettre  l'emploi  de  la  charrue  avec  cultures  en  plein  ; 

(1)  (t.  Hïiffel,  Sols   forestiers  et  sols  agricoles.   Nancy,  imprimerie 
centrale,  1894. 


438  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

3°  souvent  il  conserve  encore  assez  de  la  fertilité  due  aux 
anciennes  avances  pour  qu'on  puisse  associer  une  plante  agri- 
cole aux  essences  forestières  :  une  plante  sarclée  avec  le  chêne, 
—  une  céréale  de  printemps  avec  les  résineux.  La  récolte  en 
grains  ou  en  pomme  de  terre  paie  une  bonne  part  des  frais 
de  semis. 

M.  Henry  (1)  cite,  à  titre  d'exemple,  le  décompte  suivant 
des  dépenses  et  recettes  d'une  pareille  exploitation  dans  une 
région  calcaire  de  la  Meuse  : 

A.  Dépenses. 

par  hectare. 
Labour  d'automne  à  quatre  chevaux,  suivi  d'une 

légère  façon  au  printemps 70  fr. 

Avoine  de  semaille,  125  kilogr 20 

Graine  de  pin,  10  kilogr 50 

Répandage  à  la  volée  de  l'avoine  et  de  la  graine  de 

pin 4 

Hersage  et  roulage 16 

Frais  de  récolte  de  l'avoine 30 

190  fr. 

B.  Recettes. 

14  hectolitres  d'avoine 112  fr. 

1  000  kilogr.  de  paille 30 

142  fr, 

Excédent  des  dépenses  :  190  — 142=48  francs  par  hectare  (2). 

Dans  les  terres  profondes,  froides,  argileuses  sans  trop  de 
compacité,  on  donne  la  préférence  au  chêne.  On  le  sème  en 
rigoles  et,  entre  les  lignes,  si  l'on  ne  plante  pas  des  pommes 
de  terre,  on  lui  associe  des  espèces  à  croissance  rapide  telles 
que  saules  bouturés,  ou  aunes  plantés.  Les  grandes  espèces 
disséminées  formeront  aussi  un  utile  mélange. 

Dès  que,  la  profondeur  faisant  défaut,  la  sécheresse  est  à 
redouter,  on  choisira  parmi  les  résineux  l'espèce  la  plus  con- 
venable à  la  station.  Ces  derniers  sont,  tantôt  plantés  par 
potets,  tantôt  semés   en   plein  ou  en   bandes.   Les  essences 

(1)  Henry,  Un  reboisement  à  bon  marché  {Revue  des  Eaux  et  Forêts, 
1er  juin  1900). 

(2)  Voir  aussi,  pour  le  reboisement  «  à  bon  marché  »  :  l'article  de 
M.  Dufay,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  forestière  de  Franche-Comté 
et  Belfort,  de  juillet  1899. 


I,A    MISE    IN    v.\i.i:i  il    l'.ui    LE    BOISEMENT.  139 

feuillues  disséminées,  et  les  résineux  autres  que  1<^  espèces 
courantes  :  épicéa,  pin  sylvestre,  etc.,  sont  toujours  plan- 
tées. 

Ajoutons  deux  observations: 

1.  dans  les  régions  infestées  de  lapins,  les  plants  sont  infail- 
liblement détruits.  Les  semis,  au  contraire,  ont  beaucoup  plus 
de  chances  de  passer  inaperçus  ;  encore  faut-il  que  le  semis 
soit  fait  en  plein,  les  bandes  indiquant  à  ce  désagréable  ron- 
geur qu'il  y  a  des  dégâts  à  commettre  ; 

'2.  le  déchaussement  est  plus  à  craindre  dans  les  anciennes 
terres  agricoles  que  partout  ailleurs.  Ainsi,  au  mois  de  mars 
dernier,  une  de  nos  plantations  a  été  très  endommagée  de  ce 
fait,  et  cela  dans  une  région  où  nous  n'avions  jamais  souffert 
de  pareil  accident:  mais  il  s'agissait  d'un  champ  cultivé  en 
pommes  de  terre  l'année  précédente,  et  dont  la  terre  friable 
était  dépourvue  de  toute  végétation.  Il  sera  donc  prudent, 
dans  les  conditions  analogues,  non  seulement  de  renoncer  au 
semis,  mais  encore  de  planter  des  sujets  assez  forts,  âgés  de 
trois  ou  quatre  ans  par  exemple  ;  d'ailleurs,  la  facilité  avec 
laquelle  se  creusent  les  potets  permet  de  leur  donner,  sans 
augmentation  de  dépense,  des  dimensions  un  peu  supérieures 
à  la  normale. 

Boisements  spéciaux.  —  L'état  morcelé  des  terres  arables 
est  le  principal  motif  qui  détourne  le  propriétaire  d'y  créer 
une  forêt.  Aussi,  quand  une  parcelle  a  moins  de  5  hectares 
d'un  seul  tenant,  peut-on,  tout  en  la  reboisant,  orienter  sa 
mise  en  valeur  vers  un  but  spécial. 

Quelle  qu'en  soit  la  variété,  ces  cultures  ligneuses  ont  un 
caractère  commun  :  les  bois  y  sont  réalisés  à  court  terme  et 
en  bloc. 

C'est  ainsi  que  cela  se  pratique  dans  certaines  contrées 
du  nord  de  l'Europe,  où  l'on  fait  entrer  une  récolte  forestière 
dans  la  rotation  d'un  assolement  agricole.  A  cet  effet,  on  boise 
le  terrain  appauvri  par  une  culture  vampire  en  mélangeant 
la  graine  forestière  à  une  demi  semence  de  céréales.  On 
donne  les  soins  convenables  au  peuplement  que  l'on  coupera 
à  blanc  étoc,  entre  vingt  et  cinquante  ans.  Après  le  défriche- 
ment du  terrain,  on  profite  de  son  humus  pour  en  obtenir 


440  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

deux  ou  trois  récoltes  agricoles.  Puis  on  reboise  à   nouveau 
et  ainsi  de  suite. 

En  France,  on  peut  utiliser  de  la  sorte  le  pin  sylvestre, 
le  pin  noir  et  le  pin  maritime.  Nous  déconseillons  le  mélèze, 
qui,  même  dans  sa  jeunesse,  ne  comporte  pas  l'état  serré,  et 
le  pin  Weymouth,  bien  que  ce  dernier  soit  souvent  employé 
à  cet  usage  dans  d'autres  pays. 

Ailleurs,  on  supprime  l'alternance  des  céréales,  et  l'on  fait 
une  culture  ligneuse  permanente.  C'est  le  cas  des  taillis  de 
coudriers,  de  robiniers  et  de  châtaigniers,  qui  donnent  des 
cercles  de  futaille  ou  des  échalas  dans  les  vignobles,  — 
des  taillis  de  tilleul  dans  l'Aube  et  dans  toutes  les  régions  où 
les  fibres  libériennes  de  cette  essence  servent  comme  ma- 
tière textile,  —  des  oseraies,  —  des  taillis  de  micocoulier,  etc. 
Nous  avons  dit  un  mot  déjà  de  ces  différentes  exploitations 
(page  225),  renvoyant  au  Traitement  des  bois  en  France,  par 
M.  Broilliard,  pour  les  détails  qui  concernent  leur  création 
et  leur  exploitation. 

Nous  mentionnerons  toutefois  d'une  façon  plus  spéciale  les 
taillis  de  charme  créés  dans  certains  pays  où  la  propriété  est 
morcelée,  —  sur  les  coteaux  calcaires  de  Franche-Comté 
notamment,  —  par  des  cultivateurs  qui  utilisent  ainsi  des 
pièces  de  terre  de  qualité  médiocre.  La  mévente  des  bois 
taillis  ne  les  inquiète  pas,  car  ils  consomment  des  quantités 
considérables  de  bois  pour  la  cuisson  des  aliments  destinés 
aux  bêtes  de  boucherie.  Au  besoin,  on  brûle  le  bois  de  ses 
«  buissons  »  et  l'on  vend  sa  part  d'affouage.  C'est  une  cul- 
ture très  rationnelle. 

De  même  se  recommandent  :  le  bouleau  dans  les  champs 
sablonneux  ;  sa  présence  est  peu  gênante  pour  les  cultures 
agricoles  voisines,  —  l'aune  sur  les  parcelles  de  prairies  trop 
mouilleuses  ou  trop  exposées  aux  inondations,  —  et  bien 
d'autres  encore. 

C'est  là,  direz-vous,  de  l'arboriculture  industrielle,  plutôt 
que  de  la  sylviculture.  Peu  importe,  pourvu  que  le  sol  rende. 
Nous  irons  même  plus  loin  dans  ce  sens. 

Arboriculture  fruitière.  —  Alors  que  les  céréales  ont 
baissé   de    prix,   deux  productions  restent   rémunératrices  : 


LA    MISE    EN    VALEUR    PAH    LE    BOISEMENT.  441 

la  viande  et  les  fruits.  Toutes  doux  peuvent  s'obtenir  de 
pair  :  il  suffit  de  créer  des  pâtures-vergers,  en  utilisant 
trois  choses  qui  ne  manquent  pas  en  France  :  la  terre,  l'eau 

et  le  soleil. 

«  L'arboriculture  fruitière,  dit  M.  Ballet,  est  entrée  dans 
une  voie  nouvelle  de  grande  culture  et  de  grande  production. 
De  simple  délassement  d'amateur,  elle  est  devenue  une 
branche  importante  de  la  richesse  nationale  en  approvision- 
nant nos  marchés  de  fruits  frais,  ou  transformés  par  l'indus- 
trie, et  en  ajoutant  une  source  de  revenus  à  l'exploitation 
agricole  (1)  ». 

D'ailleurs  entre  les  cerisiers  ou  les  pommiers  l'herbe  pousse 
abondante,  et  le  kirsch,  le  cidre,  le  lait,  le  beurre  se  vendent 
toujours  bien.  On  a  dit,  avec  raison,  que  la  France  était 
le  «  verger  de  l'Europe  »  ;  c'est  ici  l'occasion  de  le  rappeler. 
Les  têtards;  les  arbres  d'émonde  et  les  ramilles-four- 
rage. —  Dans  les  prairies  humides,  sur  le  bord  des  rivières 
ou  des  ruisseaux,  partout  où  les  gelées  printanières  rendent 
impossible  la  culture  des  arbres  fruitiers,  partout  encore  où, 
bien  que  donnant  la  plus  large  part  à  la  production  des  her- 
bages, on  veut  néanmoins  récolter  les  produits  ligneux  néces- 
saires au  chauffage  domestique,  les  essences  forestières  réap- 
paraissent, mais  cultivées  sous  la  forme  de  têtards  ou  d'arbres 
d'émonde. 

Quand  on  tronçonne  la  tige  d'un  arbre  feuillu,  naturelle- 
ment disposé  à  fournir  des  rejets,  on  voit  évoluer  des  rameaux 
nombreux  dans  la  zone  qui  avoisine  la  section  ;  ces  rameaux 
se  développent  à  la  façon  des  rejets  de  souche.  Exploités  eux- 
mêmes  systématiquement  à  de  courtes  révolutions,  ils  for- 
ment bientôt,  au  sommet  de  la  tige  mutilée,  un  renflement 
caractéristique,  qui  a  fait  donner  le  nom  de  têtards  aux  arbres 
ainsi  traités. 

Le  têtard  n'est  donc  autre  chose  qu'une  cépée  aérienne,  se 
reproduisant  à  l'abri  des  atteintes  du  bétail,  et  dont  l'éléva- 
tion au-dessus  du  sol  est  généralement  suffisante  pour  per- 
mettre la  circulation  des  hommes  et  des  animaux  sous  des 

(1)  Ch.  Baltet,  Traité  de  V arboriculture  fruitière,  commerciale  et 
bourgeoise.  Paris,  Masson,  1884. 


442  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

rameaux  qui  ombragent  les  pâtures  sans  les  étouffer.  Les 
saules  sont  les  plus  cultivés  sous  cette  forme  ;  indépendamment 
du  menu  bois  qu'ils  fournissent,  ils  contribuent  par  leur 
enracinement  à  protéger  les  berges  des  cours  d'eau  contre  les 
érosions  et  les  éboulements.  Cependant  toutes  les  espèces 
feuillues  peuvent  accepter  ce  traitement  ;  dans  certaines 
plaines,  notamment  dans  celle  des  Laumes,  on  voit  des  frênes, 
des  ormes,  des  charmes  traités  en  têtards. 

Les  têtards  ont  un  fût  trop  court  et  qui  se  carie  de  trop 
bonne  heure  pour  qu'on  puisse  en  tirer  aucun  parti.  Si  donc 
on  veut  combiner  une  exploitation  de  rejets  sur  tige  avec  la 
production  du  bois  d'œuvre,  il  faut  traiter  les  sujets  en  arbres 
d'émonde.  Pour  cela,  laissant  la  tige  entière,  on  élague 
périodiquement  tous  les  rameaux  latéraux,  à  l'exception  d'un 
faible  bouquet  qui  reste  intact  au  sommet.  Sur  cette  tige, 
chaque  branche  amputée  forme  un  centre  de  production, 
une  façon  de  cépée,  d'où  sortent  de  nouveaux  rameaux  après 
chaque  exploitation  et  dont  l'ensemble  constitue  un  véri- 
table taillis  sur  futaie.  L'arbre  se  couvre  de  broussins,  mais 
ne  se  dégrade  pas  aussi  vite  que  le  têtard  :  son  bois  madré, 
à  fibre  tourmentée,  souvent  interrompue  par  des  traces  de 
cicatrices,  reste  longtemps  sain  ;  si,  à  cause  de  sa  structure 
irrégulière,  il  ne  peut  donner  ni  sciage,  ni  bois  de  fente,  du 
moins  fournit-il  à  la  construction  des  pièces  d'une  grande 
résistance. 

Les  peupliers  d'Italie,  communs  autrefois  le  long  de  toutes 
nos  grandes  routes,  sont  le  meilleur  type  d'arbres  d'émonde. 
Les  chênes  pédoncules  existent  encore  sous  cette  forme 
au  milieu  des  haies  de  la  Normandie  et  du  centre  de  la 
France.  M.  Marcel  Vacher,  —  dans  un  éloquent  plaidoyer  en 
faveur  des  haies  vives,  qui  fournissent  d'excellentes  clôtures, 
et  un  abri  pour  les  oiseaux  insectivores,  —  expose  les  revenus 
vraiment  merveilleux  que  l'on  peut  se  créer  de  la  sorte  avec 
quelque  peu  de  soin  et  de  patience  (1).  Dans  certaines  régions 
même,  clans  le  Quercy  par  exemple,  rémonde  semble  métho- 
diquement adoptée  à  un  traitement  régulier  de  la  forêt  :  car, 

(1)  Marcel  Vacher,  Les  haies:  utilité,  plantation,  taille.  (Revue  des 
Eaux  et  Forêts,  le*  décembre  1899). 


I\    MISE    l\    VALEUR    PA1    II     BOISEMENT.  H.'i 

dans  bon  nombre  de  taillis  sons  futaie,  toutes  les  réserves 
sont  émondées,  et  l'on  voit  les  sous  étages  en  chêne  pur,  se 
développer,  à  la  façon  d'un  taillis  gimple,  sous  (•<•<  futaies, 
dont  la  projection  est  pour  ainsi  dire  nulle. 

Nous  n'avons  envisagé  jusqu'ici  l'arbre  d'émonde  que 
comme  producteur  de  bois  d'œuvre  et  de  chauffage.  Il  peut 
encore  fournir  du  fourrage  et  un  fourrage  apprécie,  ainsi 
qu'en  témoignent  les  expériences  faites  à  ce  sujet  de  défé- 
rents côtés  (1). 

M.  Grandeau  (2)  à  la  suite  de  nombreuses  analyses  a  cons- 
taté que  les  feuilles  et  les  ramilles  d'arbres  sont  beaucoup  plus 
riches  en  matières  protéiques  au  printemps  qu'en  été  ;  mais, 
comme  de  tous  les  organes  d'un  végétal,  ce  sont  toujours 
les  feuilles  qui  ont  le  plus  de  valeur  alimentaire,  et  comme, 
d'autre  part,  c'est  en  été  que  ces  feuilles  entrent  en  majeure 
proportion  dans  la  masse  d'un  rameau,  il  en  résulte  que  l'on 
récolte  presque  autant  de  substance  azotée  en  cueillant  les 
branches  en  août  et  même  en  septembre  qu'en  le  faisant  aux 
débuts  de  la  végétation.  D'ailleurs,  ces  branches  feuillées 
sont  un  fourrage  d'une  réelle  valeur  :  «  les  foins  les  plus 
riches  en  matière  azotée,  tel  que  le  foin  des  Alpes,  dit 
M.  Grandeau,  atteignent  seuls  la  teneur  en  cette  précieuse 
substance  des  ramilles  de  printemps  bien  préparées,  et  sont 
très  peu  supérieurs  aux  ramilles  d'été.  Quant  aux  pailles,  elles 
se  montrent  infiniment  plus  pauvres  que  les  ramilles  de  bonne 
composition  ». 

Toutefois,  cette  ramille  alimentaire  est  d'autant  plus 
nutritive  que  les  parties  de  l'arbre  qui  la  composent  sont  plus 
jeunes.  Elle  devra  donc  être  exclusivement  constituée  «  avec 
des  pousses  de  l'année  (axes  et  feuilles)  et  des  jeunes  bran- 
chettes  dont  le  diamètre  n'excédera  pas  5  à  6  millimètres  ». 

(1)  Cormouls  Houles,  Utilisation  des  ramilles  d'arbres  ensilées  pour 
V alimentation  du  bétail.  Mazamet,  Carazol,  1893. 

Circulaire  ministérielle  de  juillet  1893. 

Pœssler,  Uber  Futterworth  und  Gerbstoffgehalt  des  Laubes,  der 
Triebe  und  der  schwachsten  Zweige  der  Eiche,  1891. 

Dr  Ramann  et  Iena,  Holtzfûtterung  und  Reisigfiïtlerung.  Berlin, 
1890. 

(2)  L.  Grandeau,  La  Forêt  et  la  disette  de  fourrage.  Paris,  C.  Pariset, 
1893. 


i44  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

Il  y  a  longtemps  d'ailleurs  que  les  Romains  avaient  inventé 
l'arbre  d'émonde  pour  suppléer  aux  prairies  fauchées  rares 
dans  leur  pays,  et  pour  se  procurer  le  fourrage  d'hiver  néces- 
saire au  bétail  pendant  les  courts  moments  qu'il  passait  à 
Tétable.  Cette  pratique  s'est  conservée  jusqu'à  nos  jours  telle 
qu'elle  était  au  temps  de  Virgile,  dans  la  plupart  des  vallées 
de  nos  basses  montagnes,  surtout  dans  la  France  méridionale. 
Nous  ne  pouvons  qu'en  souhaiter  le  maintien  et  l'expansion, 
comme  un  des  meilleurs  moyens  de  détourner  des  forêts  le 
fléau  du  pâturage  de  printemps. 

c.  La  mise  en  valeur  des  terres  incultes  en  pays  de  plaines  et  de 
coteaux  :  les  landes.  —  Les  friches.  —  Les  garrigues. 

Les  landes.  —  La  lande  est  caractérisée  par  la  nature  sili- 
ceuse du  terrain.  Nous  savons  que  sur  de  pareils  sols  le  boi- 
sement par  semis  direct  donne  les  meilleurs  résultats,  pour 
certaines  espèces,  du  moins. 

On  emploiera  suivant  les  cas  :  pin  sylvestre,  pin  maritime, 
chêne,  bouleau,  en  y  ajoutant  par  plantation,  si  on  le  juge  à 
proposées  essences  exotiques  appropriées  à  la  station,  notam- 
ment le  cerisier  tardif. 

Les  landes  les  plus  étendues  sont  celles  de  Sologne  et  de 
Gascogne.  En  Sologne,  on  fera  bien  de  s'en  tenir  au  pin 
sylvestre  et  au  chêne  comme  essences  principales  de  reboi- 
sement. Malgré  les  désastres  que  l'hiver  de  1879-1880  a  fait 
éprouver  aux  nouvelles  forêts  de  pin  maritime,  bon  nombre  de 
propriétaires  reviennent  encore  à  cette  espèce  à  cause  de  la 
rapidité  de  sa  croissance  pendant  la  première  jeunesse;  avant 
de  s'engager  dans  cette  voie,  on  fera  bien  de  considérer  que 
le  pin  maritime  est  loin  de  présenter  tous  les  avantages  qu'on 
lui  suppose  trop  généralement  (1). 

On  sème  le  chêne  et  le  pin  sylvestre  après  trois  cultures 
agricoles,  dont  la  dernière,  faite  par  petit  billons,  avec  embla- 
vure  de  sarrasin,  rend  le  sol  meuble  et  propre.  La  récolte 
faite,  on  répand  à  la  volée,  sur  chaque  hectare,  cinq  hecto- 

(1)  E.  Girard,  Traité  de  sylviculture  pratique  en  Sologne.  Romo- 
rantin,  Joubert  éditeur,  1881. 


LA    MISE    EN    VALBUR    l'Ail    LE    BOISEMENT.  145 

litres  de  glands,  en  automne,  ou  huil  kilogrammes  de  graine 
de  pin  sylvestre,  au  printemps  suivant.  La  dépense  est  en 
partie  payée  par  la  récolte  du  sarrasin. 

Si  le  terrain  n'est  pus  susceptible  d'être  ensemencé  en 
céréales,  on  procède  par  bandes;  la  dépense  ne  dépasse  pas 
100  à  120  lr.  par  hectare.  Le  semis  par  potels  est  surtout 
employé  pour  regarnir  les  vides  dans  les  parties  traitées  par 
les  procédés  précédents  ;  de  même  encore,  dans  les  forêts  ré- 
cemment exploitées,  où  la  présence  des  souches  empêche 
l'emploi  de  la  charrue.  La  dimension  des  bandes  et  potels 
est  variable,  suivant  l'état  superficiel  du  sol  :  on  donne 
jusqu'à  1  mètre  et  lm,33  de  largeur  aux  unes  et  de  côté  aux 
autres  dans  les  terrains  fortement  envahis  par  l'ajonc  et  la 
fétuque  bleue  ;  dans  ceux  où  l'on  ne  rencontre  que  de  la 
bruyère  courte,  cette  dimension  est  réduite  à  40  centimètres 
et  même  *25  centimètres  ;  la  dépense,  dans  ces  dernières 
conditions,  ne  dépasse  pas  70  à  90  francs  par  hectare.  Malgré 
les  bons  résultats  obtenus  par  le  semis,  bon  nombre  de  prati- 
ciens préfèrent  la  plantation  bien  faite,  surtout  pour  le  pin 
sylvestre  (1). 

La  région  autrefois  désolée  et  malsaine  de  la  lande  de 
Gascogne  s'est  transformée  rapidement  en  riches  domaines 
forestiers,  grâce  au  système  d'assainissement  appliqué 
vers  1850  par  M.  l'ingénieur  en  chef  Chambrelent.  Sur 
ce  grand  triangle  dont  la  surface  dépasse  8,000  kilo- 
mètres carrés,  le  sol  est  formé  d'un  sable  siliceux  à  peu 
près  pur.  A  une  profondeur  moyenne  de  30  à  40  centimètres 
règne  une  couche  continue  imperméable  à  laquelle  on  a 
donné  le  nom  d'alios,  laquelle  est  formée  du  même  sable 
agglutiné  par  un  ciment  de  sels  de  fer  et  de  matières  organi- 
ques. La  présence  de  ce  sous-sol  étanche  et  le  peu  de  relief 
du  terrain  entretenaient  dans  la  région  une  humidité  insa- 
lubre, et  s'opposaient  en  même  temps  à  la  végétation 
ligneuse.  Une  étude  approfondie  a  permis  à  M.  Cham- 
brelent d'y  découvrir  un  système  de  pentes  naturelles  et, 
par  suite,  un  moyen  de  l'assainir.  De  grands  canaux  ont  été 

(1)  David  Cannon,  le  Propriétaire  planteur.  Orléans,  1887. 


4(6  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

creusés  qui  déversent  les  eaux  au  Sud,  vers  l'Adour,  et  au 
Nord,  vers  la  Garonne  ou  les  grands  étangs  qui  longent  le 
littoral  :  Arcachon,  Gazau,  Biscarosse,  Aureilhan,  etc.  A  ce 
système  général  se  rattache  tout  un  lacis  de  fossés,  for- 
mant une  sorte  de  drainage  à  ciel  ouvert,  et  qui  vont  par- 
tout chercher  l'eau  en  excès.  Chaque  hectare  assaini  présente 
environ  400  mètres  courants  de  ces  fossés,  dont  le  prix  actuel 
ne  dépasse  pas  15  centimes  par  mètre  (1). 

La  lande  devient  ainsi  un  bon  sol  forestier,  dans  lequel 
le  chêne  pédoncule  et  surtout  le  pin  maritine  s'instal- 
lent sans  aucune  difficulté.  On  connaît  d'ailleurs  la  facilité 
avec  laquelle  le  pin  maritime  se  multiplie  dans  cette  région. 
Il  suffit  pour  obtenir  un  semis  complet  de  peler  la  terre  soit 
par  bandes,  soit  par  trous  et  d'y  répandre  10  à  1 2  kilogrammes 
de  graines  par  hectare  ;  le  prix  de  revient  de  l'hectare  semé 
est  d'environ  50  à  60  francs.  Le  chêne  pédoncule,  encore  beau- 
coup trop  rare  jusqu'à  présent,  y  prend  aussi  de  superbes 
accroissements.  Il  serait  intéressant,  à  titre  d'essai,  d'y  tenter 
l'acclimatation  de  quelques  chênes  d'Amérique  à  végétation 
très  rapide,  tels  que  :  Quercus  ruhra,  Q.  tincloria,  Q.  palus- 
iris  et  Q.  Phellos. 

Les  pouvoirs  publics  devaient  donner  leur  appui  à  l'œuvre 
de  M.  Ghambrelent  :  la  loi  du  19  juin  1857  règle  la  question 
de  la  mise  en  valeur  par  l'assainissement  et  le  boisement, 
d'environ  400.000  hectares  de  terrains  communaux,  en  même 
temps  qu'elle  renferme  des  dispositions  relatives  à  l'ouver- 
ture de  routes  agricoles. 

Les  friches.  — *  La  friche  est  dans  les  terrains  calcaires  ce 
qu'est  la  lande  dans  les  sols  siliceux.  Son  caractère  est  l'irré- 
gularité :  irrégularité  dans  la  profondeur  du  sol,  le  plus  sou- 
vent assez  faible,  mais  qui  peut  être  nulle  quand  la  roche 
affleure,  ou  au  contraire  assez  considérable  dans  les  poches 
ou  les  crevasses,  —  irrégularité  dans  l'aspect  de  la  superficie, 
tantôt  gazonnée,  tantôt  recouverte  de  blocs  ou  de  pierrailles 
éparses,  de  murgers,  de  débris  de  carrière  ou  de  vestiges 
de  clôtures  abandonnées  ;  —  irrégularité  entin  dans  la  végé- 

(1)  Croisette-Desnoyer,  Notice  forestière  sur  les  landes  de  Gascogne 
Glermont  (Oise),  Daix,  1874* 


LA    MISE    UN    VALEUR    PAR    LE    BOISEMENT.  H7 

talion  spontanée:  ici,  c'est    un  gazon  court  et  tondu  par  les 
moutons,  là,  un   mélange  de  piaules   aussi   variées  dans   leur 
taille  que  clans  leurs  espèces,  mais  souvent  Ligneuses  et  buîfl 
sonnantes  :  coudriers,    troènes,   trembles,    charmes,    épines, 
genévriers,  etc.  (fig.  35,  p.  137). 

Le  sylviculteur  avisé  saura,  comme  nous  l'avons  dit,  se 
plier  à  cette  diversité,  et,  utilisant  chaque  chose  à  sa  place, 
attendre  patiemment,  après  avoir  mis  en  valeur  les  meilleures 
parties,  que  la  nature  se  charge  de  repeupler  les  mauvaises. 

Il  convient  donc  de  respecter  soigneusement  toutes  les 
broussailles  existantes,  —  il  est  même  bon  de  receper  celles  qui 
sont  trop  fatiguées  par  la  dent  du  bétail,  —  puis  on  ouvre  des 
potets  partout  où  il  y  a  de  la  terre.  Avec  un  peu  d'habi- 
tude, on  reconnaît  vite  les  bonnes  places,  que  l'on  marque  par 
des  jalons;  mais  le  propriétaire  devra  se  charger  lui-même 
de  cette  besogne  ou  la  faire  exécuter  par  des  hommes  de 
confiance.  En  général,  où  poussent  des  sureaux  hyèbles  ou 
des  épines  noires,  le  sol  est  profond  ;  de  même,  quand  on 
remarque  sur  la  surface  du  terrain  des  sortes  de  ressauts, 
d'escaliers,  il  y  a  des  chances  pour  qu'au  bas  de  chaque 
contremarche  existe  une  crevasse,  une  fracture  du  sous- 
sol  ;  au  contraire,  la  petite  terrasse  qui  forme  la  marche  est 
le  plus  souvent  constituée  par  une  roche  à  fleur  de  terre.  On 
vérifie  d'ailleurs  très  vite  ce  qu'il  en  est  en  sondant  le  terrain 
avec  une  barre  à  mine. 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  à  propos  des  essences  indique 
suffisamment  à  chacun  ce  qu'il  peut  planter  et  comment  il 
doit  s'y  prendre,  en  utilisant  tous  les  abris  naturels  et  toutes 
les  ressources  locales.  Dans  les  friches,  plus  que  partout 
ailleurs,  il  faut  faire  preuve  d'opportunisme  et  songer  aux 
petites  recettes. 

C'est  ainsi  qu'il  peut  être  permis  d'avoir  recours  au  semis 
direct,  en  terrain  non  préparé  dont  M.  l'Inspecteur  des 
forêts  Pierre  Leddet  signale  les  excellents  résultats  (1)  : 
dans  les  friches  de  Reuilly  et  Saint-Georges  (Indre),  on 
a  jeté  à  la  volée  10  kilog.  de  semence  (8  kilog.   de  pin  noir 

(1)  Bulletin  de  la  Société  des  Amis  des  arbres^  n°  25,  1899i 


448  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

et  2  kilog.  de  pin  sylvestre)  par  hectare  ;  avec  un  double  her- 
sage à  tour  croisé  suffisant  pour  recouvrir  la  semence,  les 
frais  n'ont  pas  dépassé  58  francs  par  hectare,  y  compris  l'achat 
de  la  graine.  Le  résultat  a  été  parfait  et  les  massifs  de  plus  de 
30  ans  sont  très  beaux.  Il  s'agit  d'un  terrrain  appartenant 
au  groupe  corallien  de  l'oolithe  moyenne,  aride  au  point 
d'être  appelé  Champagne',  la  nature  filtrante  du  sous-sol, 
fissuré  en  tous  sens,  draine  les  surfaces  sans  permettre  à  la 
capillarité  d'y  faire  rencontrer  les  eaux  profondes  ;  la  mince 
couche  de  terre  ne  conserve  quelque  fraîcheur  qu'en  raison 
de  son  état  de  tassement  :  tout  ameublissement,  toute  culture 
ne  feraient  qu'en  augmenter  l'extrême  sécheresse.  En  sem- 
blable situation,  on  peut  procéder  de  même;  mais  pour  être 
certain  de  réussir,  il  faut  comparer  la  flore  sauvage  des 
deux  stations  î  car  rien  ne  fait  mieux  ressortir  l'analogie 
des  milieux  que  la  présence  simultanée  des  mêmes  plantes  : 
arbustes,  herbes,  mousses  ou  lichens. 

A  titre  d'exemple,  nous  citerons  encore  l'intéressante 
étude  de  M.  Duparchy  (1),  où  l'auteur  décrit  le  procédé 
qu'il  a  mis  en  usage  pour  boiser  des  versants  chauds  pauvres 
en  humus  des  environs  de  Saint-Claude,  dans  le  Jura  : 

.. .  On  doit  tout  d'abord  renoncer  à  la  satisfaction  de  faire  des  plan- 
tations bien  alignées,  contenant  le  nombre  réglementaire  de  plants  à 
l'hectare...  il  faut  se  borner  à  mettre  ceux-ci  au  hasard  des  places  qui 
semblent  propices,  de  préférence  tout  contre  un  buisson,  si  petit 
soit-il,  et  le  plus  possible  du  côté  nord.  J'ai  acquis  la  conviction  que 
là  où  végète  un  buis  de  médiocre  vigueur,  là  aussi  peut  vivre  et  pros- 
pérer un  épicéa,  à  toute  exposition,  sauf  peut-être  le  plein  midi; 
mais  à  la  condition  que  le  plant  sera  placé  de  manière  que  ses  racines 
soient  en  contact  immédiat  avec  les  racines  du  buis  et,  par  consé- 
quent avec  l'humus  qui  entoure  celles-ci...  Comme  il  s'agit  ici  d'un 
sol  pierreux  et  pauvre  en  terre  végétale,  on  devra  s'abstenir  de  faire 
des  trous  à  l'avance  et  à  la  pioche,  ce  serait  s'exposer  à  perdre  le  peu 
d'humus  qu'on  aurait  déplacé...  Il  est  préférable  de  se  servir  d'une 
forte  barre  de  fer  ou  sorte  d'épieu  terminé,  à  une  de  ses  extrémités, 
par  une  pointe  aciérée,  et  à  l'autre,  par  une  tête  arrondie.  Avec  la 
pointe  on  sonde  le  sol,  et,  quand  on  a  trouvé  un  fond  suffisant,  en 
agitant  la  barre,  on  élargit  le  trou  assez  pour  pouvoir  y  introduire  le 
plant.  Quelques  coups  donnés  avec  le  pommeau  serrent  la  terre  contre 
les  racines. 

(1)  Loc.  cit.  page  406. 


LA    MISE    IN    VALEUR    PAS    LE    BOISEMENT.  14(.) 

A  chacun  de  s'ingénier! 

Les  garrigues.  —  La  garrigue,  c'est  la  friche  sous  le  soleil 
du  midi.  On  peut  la  boiser,  grâce  au  pin  d'Alep  et  au  chêne 
vert,  qui  réussissent  partout  où  le  vent  n'est  p;is  trop  violent. 

(  >n  peut  encore  y  introduire  des  plantes  ligneuses  diverses, 
arbrisseaux  ou  sous-arbrisseaux,  tels  que  le  sumac  fustet, 
l'épine-viiiette,  qui  ont  des  emplois  industriels,  et  surtout  le 
buis,  si  recherché  des  tourneurs,  mais  qui  se  l'ait  rare  dans  le 
midi  comme  dans  le  Jura.  La  bruyère  en  arbre,  l'arbousier 
sont  dans  le  même  cas. 

Enfin,  les  garrigues  pourraient  être  transformées  en  pâ- 
tures ligneuses  ;  diverses  espèces  de  genêts,  de  saules,  de 
peupliers,  le  noisetier,  les  variétés  de  robinier  sans  épi- 
nes, etc.,  présenteraient  des  ressources  sous  ce  rapport. 
«  Je  suis  convaincu,  dit  M.  Lecoq  (1),  que  la  plupart  des  ter- 
rains secs,  des  pacages,  par  exemple,  donneraient  d'aboli 
dantes  feuillées,  bien  supérieures  en  quantité  aux  maigres 
plantes  herbacées  qui  les  couvrent  ou  que  l'on  peut  y  semer, 
si  on  y  plantait  des  arbres  à  feuillage,  dont  les  souches,  tail- 
lées chaque  année,  donneraient  en  abondance  des  jeunes 
pousses  qu'une  sécheresse  prolongée  ne  saurait  détruire, 
comme  elle  arrête  la  végétation  des  prairies.  » 

M.  Grandeau  (2)  cite  dans  une  brochure  signée  M.  A.  P.  et 
imprimée  à  Bourg,  les  lignes  suivantes,  qui  peuvent  trouver 
place  ici,  bien  qu'intéressant  une  autre  région  de  la  France  : 

Dans  quelques  parties  du  haut  Maçonnais,  on  coupe,  au  mois  de 
septembre,  les  taillis  de  l'âge  de  six  ans  pour  fourrage,  et  on  les  vend, 
à  cet  âge^  aussi  cher  que  si  on  les  vendait  à  dix  pour  le  bois  seule- 
ment... On  coupe  les  branches  pour  feuillées,  avant  les  brouillards^ 
autant  que  possible,  par  un  beau  jour  d'automne,  et  on  fagote  le  len- 
demain, alors  que  la  feuille  s'est  un  peu  fanée  au  soleil... 

L'utilité  de  ces  fourrages  ligneux  étant  ainsi  bien  démon^ 
trée,  nous  ferons  seulement  à  leur  emploi  deux  objections  : 

1.  11  ne  faut  employer  qu'avec  prudence,  dans  l'alimentation 
du  bétail,  les  ramilles  ou  les  jeunes  pousses  dont  l'usage  n'est 

(1)  Traité  des  plantes  fourragères.  Paris,  Librairie  agricole  de  la 
maison  rustique,  1862. 

(2)  Loc.  cit. 

BoprE  et  Joi.tet.  29 


450  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

pas  courant  :  des  indispositions,  ou,  tout  au  moins,  des  sym- 
ptômes suspects  se  sont  produits  déjà  à  différentes  reprises; 
ainsi,  les  hématuries  qui  sont  attribuées  à  l'abus  des  papilio- 
nacées.  De  plus,  quelles  que  soient  les  essences,  les  feuilles 
vertes  récoltées  au  premier  printemps  amènent  des  désordres 
analogues  à  ceux  qu'on  appelle  le  mal  du  brou  ou  la  folie  des 
chevreuils,  chez  les  bêtes  fauves. 

2.  Un  terrain  quelconque,  —  mais  surtout  un  terrain 
pauvre  et  superficiel,  sous  un  climat  chaud,  —  consentira-t-il 
à  produire  des  récoltes  indéfinies  et  quasi  annuelles  de  four- 
rage ligneux?  Il  s'épuisera  sans  aucun  doute,  car  on  n'a  pas 
la  prétention  de  fumer  de  pareilles  cultures  comme  on  le  fait 
pour  les  oseraies,  —  mode  d'exploitation  analogue  et  dont 
on  connaît  les  exigences.  —  Nous  avons  aussi  souvenance  de 
certaines  landes  des  environs  du  Mans  où,  à  force  de  couper 
la  bruyère,  on  est  arrivé  à  un  état  d'appauvrissement  tel 
qu'elle-même  s'est  refusé  d'y  croître.  Pourtant,  s'il  est  un 
végétal  frugal,  c'est  bien  la  bruyère! 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  concluons  qu'au  lieu  de  mener  le 
bétail  pâturer  en  forêt,  ce  qui  entraîne  le  gaspillage,  le  tasse- 
ment du  sol,  la  perte  des  engrais,  le  mieux  serait,  au  point 
de  vue  agricole  comme  au  point  de  vue  forestier,  de  récolter 
les  feuilles  vertes,  en  cas  de  pénurie  de  fourrage,  ou  de  cou- 
per au  sécateur  les  jeunes  ramilles  feuillues,  de  préférence 
en  juin,  juillet  et  août,  dans  les  coupes  destinées  à  être  exploi- 
tées l'hiver  suivant. 

d.  La  mise  en  valeur  des  terrains  stables  en  montagne  :  les  procédés 
de  boisement.  —  Les  prés-bois. 

Les  procédés  de  boisement.  —  Dans  les  massifs  monta- 
gneux qui,  par  suite  de  leur  âge  géologique,  de  leur  nature 
rocheuse,  de  la  végétation  herbacée  ou  ligneuse  protégeant 
les  surfaces,  semblent  avoir  acquis  des  conditions  définitives 
d'équilibre,  la  dénudation  se  présente  sous  forme  d'accidents 
purement  locaux  :  les  torrents  dangereux  n'existent  pas.  Les 
reboisements  conservent  alors  leur  caractère  de  mise  en 
valeur  et  d'utilité  privée  :  ils  restent  facultatifs.  A  cette  caté- 


LA    MISB    i:n    VALEUB    l'Ali    LB    BOISEMENT.  451 

gorie  appartiennent  les  Ar donnes,  les  Vosges,  Le  Jura,  le 
Morvan,  le  Plateau  central,  les  collines  de  Bretagne  el  les 
montagnes  basses  des  Maures  el  de  l'Esterel. 

En  toutes  ces  régions,  on  peut  procéder  à  l'aide  des  seuls 
moyens  déjà  cités  :  rien  de  spécial  ne  doit  précéder 
ou  accompagner  l'opération.  11  sullit  de  choisir  les  essences 
les  mieux  appropriées  au  sol  et  au  climat,  en  tenant  compte 
de  l'altitude,  et  de  suivre  les  procédés  les  plus  économiques 
suivant  les  ressources  locales.  S'il  se  présentait  quelque  diffi- 
culté, elle  serait  facilement  résolue  grâce  aux  indications 
données  plus  loin,  à  propos  des  boisements  obligatoires  en 
montagne. 

Les  prés-bois.  —  Mais  ici  encore,  plus  qu'ailleurs  peut- 
être,  il  y  a  lieu  pour  un  propriétaire  de  bien  peser  si  son 
intérêt  est  de  boiser  partout  et  à  tout  propos,  s'il  ne  convien- 
drait pas,  au  contraire,  de  réserver  une  place  à  la  production 
des  herbages  ou,  mieux  encore,  d'associer  sur  certains  espaces 
l'exploitation  forestière  et  l'exploitation  pastorale. 

Cette  association  existe  dans  la  forme  excellente  du  pré-bois. 
Dans  le  Jura,  ces  sont  de  bouquets  d'arbres  disséminés  en 
îlots  parmi  les  pâtures  et  constitués  par  des  essences  diverses, 
dont  les  plus  importantes  sont  :  le  hêtre,  le  coudrier,  l'épicéa 
et  le  sapin.  Ces  deux  dernières  se  trouvent  quelquefois  à  l'état 
de  sujets  isolés  et  prennent  alors  une  forme  spéciale  et  pitto- 
resque, comme  on  se  plaît  à  se  représenter  les  anciens  cèdres 
des  montagnes  du  Liban.  Dans  les  Alpes,  l'espèce  habituelle 
est  le  mélèze  qui,  par  tempérament,  accepte  mieux  la  forme 
de  «  clairs-bois  »,  dont  le  sol  couvert  d'herbe  est  pâturé  ou 
iauché  (fig.  87).  Dans  les  Pyrénées,  le  pin  de  montagne, 
le  sapin  et  le  hêtre  se  prêtent  à  cette  double  culture. 

Nous  prendrons  pour  type  les  prés-bois  du  Jura, qui  passent, 
à  juste  titre,  pour  les  modèles  du  genre  (fîg.  88).  Les  vallées  de 
la  Suisse,  celles  de  la  Savoie  en  possèdent  aussi  de  très  beaux 
exemples,  et  l'administration  des  Eaux  et  Forêts  emploie  tous 
ses  efforts  à  en  généraliser  l'usage  aussi  bien  dans  les  Alpes 
que  dans  les  Pyrénées  et  dans  le  Plateau  central  (1). 

(1)  Gebhart,  Pâturages  et  forêts.  Paris,  Berger-Levrault,  1889. 


152 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


Un  pré-bois,  dit  M.  Broilliard,  est  un  terrain,  mi-partie  en  prairies 
ou  en  pâturages  à  peu  près  dépourvus  d'arbres,  et  mi-partie  en  bois 
à  l'état  de  bouquets  ayant  une  certaine  consistance  ;  les  arbres  isolés 
n'y  sont  qu'exceptionnels.  Les  parties  déprimées,  doucement  ondulées, 
fraîches,  riches  en  terre  végétale,  sont  laissées  à  l'herbe,  qui  s'y  déve- 
loppe abondante,  grâce  aux  rosées  et  à  l'abri  des  arbres  voisins. 
Ceux-ci,  occupant  les  hauteurs,  les  pentes  raides,  les  parties  pauvres 
ou  rocheuses,  forment  des  massifs,  des  bosquets,  des  lisières,  défendus 
sur  les  bords  par  des  buissons  et  des  arbres  de  tailles  diverses  qui  en 
font  comme  une  masse  de  feuillage  (1). 


Fig.  87.  —  Clairs  bois  de  mélèzes  au  Lautaret.  (Photographie 
de  M.  S.  George.) 

Rien  de  frais  et  d'agréable  à  l'œil  comme  ces  véritables 
parcs,  sortes  de  jardins  anglais  qu'animent  les  magnifiques 
troupeaux  jurassiens.  Rien  aussi  de  mieux  compris  au  point 
de  vue  utilitaire. 

Au  bénéfice  cultural  que  le  voisinage  des  arbres  entretient  la 
fraîcheur  dans  ces  prairies  sur  sol  naturellement  sec  et  super- 
ficiel, s'ajoute  le  profit  que  l'on  tire  du  bois.  Les  boqueteaux 
fournissent  les  perches  nécessaires  à  l'édification  des  clôtures, 
le  chauffage  indispensable  pour  la  fabrication  du  fromage  et  des 
épicéas,  des  sapins,  qui,  s'ils  n'ont  pas  comme  bois  de  sciage 
et  comme  bois  de  fente  toutes  les  qualités  de  leurs  congé- 
nères des  futaies  voisines,  trouvent  pourtant  acquéreur  dans 
des  conditions  très  acceptables  ;   enfin  ils   abritent  le    bétail 

(1)  Broilliard,  loc.  cit.,  édition  de  180  J,  p.  359. 


LA    MISK    EN    VALEUR    TAU     LE    BOISEMENT. 


453 


contre  les  ardeurs  du   soleil,  contre    la    pluie    <>(    la  (empote. 

Mais,  si  l'on  n'y  prend  garde,  un  des  associés  absorbe 
l'autre  et  la  faillite  générale  esl  fatale.  En  fait,  c'eal  toujours 
l'arbre  qui  succombe  victime  de  l'herbage  ;  cherchons  le 
motif  et  le  remède  : 

D'abord,  là  comme  en  forêt,  l'arbre  est  un  capital,  dont 
la  réalisation  (ente  toujours  le  propriétaire.  De  plus,  sur  les 


Fig.  £8.  —  Un  pré-bois  près   de  Leviers   (Doubs).  (Photographie    de 
M.  Juvanon  du  Vachat). 

surfaces  en  prés-bois,  on  ne  peut  pas  indiquer  par  des  chiffres 
les  étendues  relatives  des  pâtures  et  des  boisés  :  le  rapport 
varie  à  l'infini  suivant  l'état  des  lieux;  l'essentiel  est  de  mettre 
chacune  des  deux  exploitations  aux  points  que  lui  assigne 
la  nature,  en  affectant  aux  arbres  les  endroits  rocheux  et 
les  pentes  rapides,  car,  quelles  que  soient  les  précautions 
prises,  tout  versant  un  peu  incliné  se  dégrade  quand  il  est 
livré  au  parcours. 

Une  fois  reconnue  la  place  faite  au  bois,  pour  y  maintenir 
ou  pour  y  installer  les  essences  ligneuses,  il  suffit   de  mettre 


454  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

à  profit  un  fait  d'observation  :  l'union  intime  qui  existe  entre 
l'arbre  et  le  buisson.  Partout,  en  effet,  nous  voyons  les 
bouquets  de  hêtres  ou  d'épicéas  maintenus  à  l'abri  de  la  dent 
du  bétail  par  une  ceinture  d'épines,  de  genévriers,  véritable 
rempart  plus  ou  moins  abrouti,  mais  qui  supporte  tous  les 
mauvais  coups.  La  chose  est  plus  frappante  encore,  quand  on 
assiste  à  la  formation  naturelle  d'un  pré-bois  :  comme  dans 
toute  forêt  naissante,  les  arbrisseaux  s'installent  les  premiers, 
—  arbrisseaux  épineux  pour  la  plupart  —  et,  quand  ils  ont 
pris  possession  du  sol,  les  semis  des  grands  arbres  se  jettent 
dans  le  fourré. 

Utilisons  donc  tous  ces  auxiliaires  dévoués  et,  quand  ils 
font  défaut,  remplaçons-les  par  des  obstacles  inertes. 
Ainsi,  dans  le  Jura,  on  entoure  de  fagots  d'épines  les  jeunes 
plants  d'épicéa.  Aux  environs  d'Ischl,  dans  le  Salzram- 
mergut,  on  nous  a  montré  des  plantations  faites  au  milieu 
de  pâtures  et  que  protégeaient  efficacement  des  planchettes  de 
4  à  5  centimètres  de  largeur  dépassant  le  sol  de  20  à  30  cen- 
timètres, et  fichées  près  de  chaque  sujet  ;  ce  modeste  obstacle 
suffisait  à  empêcher  les  vaches  de  poser  le  pied  sur  le  jeune 
épicéa  ou  de  brouter  dans  son  voisinage  immédiat.  A  notre 
avis,  le  meilleur  est  encore  la  clôture  continue  en  ronce  arti- 
ficielle, en  fil  de  fer  galvanisé  ou  en  palissade  «  à  la  suédoise  ». 
Ces  défenses,  utiles  partout,  sont  indispensables  autour 
des  parties  nouvellement  boisées  ;  elles  n'empêchent  pas 
d'ailleurs  le  bétail  de  venir  chercher  près  des  arbres  l'ombre 
et  la  fraîcheur. 

Les  herbages  réclament  aussi  nos  soins.  Le  plus  efficace 
est  un  bon  aménagement,  laissant  à  chaque  pâture,  à  tour  de 
rôle,  un  repos  de  deux  ou  trois  années,  pendant  lequel 
l'herbe  fatiguée  «  se  refait  »  ;  les  vides  disparaissent,  les  bon- 
nes espèces  fructifient.  Cette  jachère,  revenant  tous  les  huit 
à  dix  ans,  remplace  l'engrais  que  l'on  donne  aux  prairies  de 
la  plaine.  D'ailleurs,  le  propriétaire  qui  comprend  son  intérêt 
profite  de  ce  moment  pour  épierrer  le  pâturage,  pour  arra- 
cher la  gentiane,  le  véraire,  le  genêt  sagitté,  les  aconits,  les 
linaigrettes,  les  euphorbes  et  autres  mauvaises  plantes,  — 
pour  défricher  aussi  les  genévriers  et  les  épines,  là  où  l'on  ne 


LA    MISE    in    \  Al.KUlt    r\i:    LE    BOISEMENT.  155 

veùl  pas  que  le  l)nis  s'installe,  —  pour  étendre  les  fourmi- 
lières et  les  taupinières  —  pour  semer  un  peu  de  bonnes 
graines  dans  les  vides,  etc.,  etc.,  —  toutes  précautions  que 
nous  avons  entendu  recommander  sijustemenl  aux  éleveurs 

jurassiens  par  M.  L'Inspecteur  Cardot.  Il  en  est  de  ceci 
comme  des  dégagements  de  semis:  un  bon  pâtre,  aussi  bien 
qu'un  bon  garde,  peut,  le  plus  souvent,  suffire  lui-même  à  la 
besogne.  L'un  et  L'autre  méritent  d'en  être  bien  récom- 
pensés. 

Mais,  qu'il  s'agisse  du  Jura,  des  Alpes,  des  Pyrénées  ou 
du  Plateau  Central,  tous  ces  soins  sont  perdus  si  chèvres  et 
moutons  sont  admis  au  pré-bois.  Seules  les  bêtes  bovines  en 
méritent  les  honneurs. 

3.    LES   BOISEMENTS  OBLIGATOIRES. 

a.  La  restauration  des  montagnes:  les  causes  de  la  dénudation.  —  Lu 
méthode  de  travail  suivie.  —  Les  travaux  de  soutien.  —  Les  boise- 
ments proprement  dits;  — traitement  des  parties  stables;  —  des 
parties  mouvantes;  —  des  terres  noires.  —  Les  enherbements.  — 
Le  gazonnement.  —  Conclusion. 

Les  causes  de  la  dénudation. 

Deux  forces  antagonistes  se  trouvent  en  présence  dans  les  Alpes, 
dit  M.  Mathieu  (1),  et  de  la  prééminence  de  Tune  ou  de  l'autre,  dépend 
la  ruine  ou  la  prospérité  du  pays.  La  première  est  la  force  de  dénuda- 
tion qui  démolit  les  crêtes,  ravine  les  versants,  comble  les  vallées, 
porte  partout  la  dévastation.  La  seconde  est  celle  de  la  végétation, 
victorieuse  autrefois ,  vaincue  aujourd'hui  par  l'aveuglement  de 
l'homme,  qui  a  tout  fait  pour  l'amoindrir  et  a  causé  la  disparition  du 
tapis  de  verdure,  auquel  il  devait  aisance  et  sécurité  ;  toujours  prête 
cependant  à  cicatriser  les  plaies,  à  réparer  les  désastres. 

Les  phénomènes  de  dénudation  sont  de  deux  ordres  et,  suivant  la 
cause  qui  les  détermine,  doivent  être  subis  ou  peuvent  être  prévenus. 

Parmi  les  premiers,  se  rangent  les  éboulements  qui  se  produisent  au 
pied  des  hauts  escarpements  calcaires,  les  chutes  de  rochers,  les  glis- 
sements lents  ou  subits  de  terrains  parfois  étendus,  qui  descendent  à 
des  niveaux  inférieurs,  avec  maisons,  forêts  et  pâturages.  Les  exemples 
de  ce  genre  ne  sont  pas  rares...  Ce  sont  là  des  conséquences  inévi- 
tables de  la  constitution  géologique  des  Alpes  ;  soulevées  à  des 
époques  relativement  récentes  et  formées  le  plus  souvent  de  terrains 
sédimentaires  ou  métamorphiques,  alternativement  délayables  et  résis- 

(1)  Mathieu,  Reboisement  des  Alpes,  page  8. 


456  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

tants,  elles  n'ont  point  encore  pris  leur  assiette  et  la  doivent  prendre  ; 
nulle  force  humaine  ne  saurait  s'y  opposer. 

Mais  à  côté  des  faits  de  ce  genre,  locaux  et  accidentels  en  défini- 
tive, il  en  est  d'autres  d'un  caractère  plus  général,  auxquels  revient  la 
plus  large  part  des  ruines  dont  les  Alpes  sont  couvertes.  Ceux-là  peu- 
vent être  prévenus  :  reboisement  et  regazonnement  en  fournissent  les 
moyens  certains. 

Ces  moyens  d'action  sont  exposés  avec  détail  par  M.  l'Ins- 
pecteur général  Demontzey  (1).  Les  procédés  mis  en  œuvre 
sous  son  habile  direction  dans  les  Alpes  françaises  sont 
applicables  à  toutes  les  autres  régions  montagneuses,  car 
cette  contrée,  la  terre  classique  des  torrents,  présente  les 
plus  grands  exemples  de  la  dévastation  et  les  difficultés  les 
plus  sérieuses.  C'est  à  l'ouvrage  de  M.  Demontzey  et  au 
rapport  de  M.  Mathieu  que  sont  empruntés  la  plupart  des 
renseignements  qui  vont  suivre. 

D'ailleurs,  en  dehors  des  grands  cataclysmes  qui  ont  pétri 
la  surface  du  globe  pendant  la  suite  des  âges  géologiques, 
nous  voyons  autour  de  nous  la  nature  tout  former  et  tout 
détruire  à  l'aide  des  infiniments  petits  :  la  goutte  d'eau  et 
la  cellule  végétale  jouent  le  rôle  fondamental  dans  tous  ces 
phénomènes. 

Spécialement  en  ce  qui  concerne  l'érosion  des  montagnes, 
l'observation  des  faits  a  démontré  que  les  torrents  ont  pour 
cause  première  le  déboisement  et  l'abus  du  pâturage.  C'est 
par  la  reconstitution  des  forêts  et  des  pâtures  que  nous  par- 
viendrons à  les  éteindre. 

La  méthode  de  travail  suivie.  —  Dans  l'ensemble  de  la 
région  dévastée,  on  a  procédé  à  la  reconnaissance  des  torrents 
en  activité,  et  délimité  sommairement,  pour  chacun  d'eux, 
le  bassin  de  réception  des  eaux  dangereuses.  En  présence 
de  l'immensité  du  travail  à  accomplir,  la  méthode  comman- 
dait de  concentrer  tous  les  efforts,  toutes  les  ressources  dis- 
ponibles, sur  un  petit  nombre  de  points  choisis  parmi  ceux 
où  le  danger  était  le  plus  imminent.  Au  début  surtout,  il 
fallait  aboutir,  et  c'est  en  fractionnant  la  tâche  qu'on  a 
réussi. 

(1)  Demontzey,  Etude  sur  les  travaux  de  reboisement  et  de  regazon- 
nement des  montagnes.  Paris,  imprimerie  Nationale,  1878. 


LA    MISi:    EN    VALEUR    l'AK    II'    BOISEMENT. 


A*\ 


i  57 


On  peul  envisager  le  versant  d'une  montagne  déboisée  comme 
constitué  par  une  série  dr à-dos,  donl  la  ligne  médiane  serait 
dirigée  suivant  la  pente  et  séparés  les  uns  des  autres  par  des 
ravins  plus  ou  moins  profonds,  parcourus  ou  non,  en  temps 
ordinaire,  par  un  ruisseau,  mais  où  se  précipitent,  lors  des 
grandes  pluies  ou  des  grandes  fontes  de  neige,  des  masses 
énormes  d'eau  chargées  de  boue  et  roulant  des  blocs  de 
rochers. 

11  faut  donc  : 

1°  enrayer  la  vitesse  des  eaux  au  fond  des  ravins;  c'est  la 


Fig.  80.  —  Un  grand  barrage.  (Photographie  de  M.  P.  Hirsch.) 


première  chose  à  l'aire,  car  le  torrent,  affouillant  la  base  des 
berges,  provoque  le  glissement  de  pans  énormes  de  terrain; 

!2°  fixer  les  surfaces  des  à-dos  par  une  végétation  herbacée 
ou  ligneuse  qui,  arrêtant  les  eaux  de  ruissellement  dans  leur 
parcours,  empêche  qu'elles  se  précipitent  en  masse  dans  les 
ravins  où  leur  afflux  presque  instantané  produit  le  phénomène 
torrentiel. 

Ainsi  :  consolider  les  masses,  et  fixer  les  surfaces,  tel  est 
le  but  à  atteindre.  Ajoutons  que  les  torrents  accumulent  au 
bas  des  pentes,    en   arrivant  dans  le  thalweg  principal,  des 


458  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

masses  énormes  de  détritus,  qui  constituent  le  cône  de  déjec- 
tion et  qu'il  importe  aussi  de  boiser. 

Les  travaux  de  soutien.  —  On  obtient  la  consolidation 
des  masses  par  une  série  de  travaux  établis  dans  le  lit  même 
du  torrent  et  qui,  depuis  le  barrage  monumental  en  maçon- 
nerie jusqu'au  simple  clayonnage,  soutiennent  la  montagne 
de  la  base  au  sommet  (fig.  89  et  90). 

Le  principe  est,  en  général,  de  couper  le  lit  du  torrent  par 
des  barrages  qui  diminuent  la  vitesse  d'écoulement  des  eaux 
et  provoquent  par  suite  le  dépôt  d'une  partie  des  matériaux 
qu'elles  charrient:  terres  délayées,  blocs  de  pierre,  etc.. 
Ainsi  se  forme  en  amont  de  chaque  barrage  un  atterris- 
sement,  et  le  profil  en  long  du  ravin  perd  son  irrégularité 
primitive  pour  se  transformer  en  une  série  de  parties  en  pente 
douce  séparées  par  des  cascades.  Dès  lors,  les  eaux  ri  a /fouil- 
lent plus  le  bas  des  berges,  qui  sont  même  rechaussées  par 
l'atterrissement.  Ce  sont  là  des  travaux  d'art  ;  mais  le  forestier 
qui  les  conduit  a  souveni  besoin  de  faire  œuvre  de  sylvicul- 
teur, pour  consolider  et  défendre  immédiatement  ses  travaux. 

Il  en  est  ainsi  quand  il  installe  des  barrages  vivants,  dans 
lesquels  entrent  de  fortes  boutures  ou  plançons,  qui,  tout  en 
remplissant  le  rôle  de  pieux  dans  la  carcasse  des  ouvrages, 
sont  destinés  à  s'enraciner  et  augmentent,  par  leur  grossisse- 
ment, la  résistance  à  la  poussée. 

S'agit-il  de  fixer  des  berges  fraîchement  décapées  ou  des 
talus  en  voie  de  règlement,  on  a  recours  à  des  planta- 
tions qui  prennent  alors  le  caractère  de  fascinages  vivants, 
dont  la  disposition  varie  suivant  les  circonstances.  Le 
plus  souvent,  on  trace  dans  les  berges  une  suite  de  rigoles 
horizontales  d'une  largeur  proportionnée  à  la  nature  plus  ou 
moins  meuble  du  terrain  et  éloignées  en  raison  des  pentes, 
qui  atteignent  parfois  100  à  l'20  p.  100.  Pour  établir  ces 
haies  de  soutien,  le  regretté  M.  Couturier,  alors  qu'il  était  chef 
de  service  dans  les  Basses-Alpes,  imagina  le  procédé  suivant  : 
dans  la  partie  la  plus  basse  de  la  berge,  on  creuse  une  pre- 
mière jauge  en  rejetant  les  déblais  dans  le  fond  du  ravin; 
sur  le  plafond  réglé  en  revers,  on  place  horizontalement  une 
série  de  plants  assez  rapprochés  pour  qu'ils  puissent  remplir 


LA    MISE    EN    \  Ail  rit    PAR    II     BOIS]  MENT. 


159 


le  rôle  de   haie   vive.   Aussitôt   ers  dispositions    prises   dans 
la    rigole   inférieure,   on   ouvre  immédiatement   au-dessus 


Fig.  90.  —  Grands  et  petits  barrages  :  clayonnages  vivants  en  essences 
feuillues  qui  consolideron  les  ouvrages  d'art;  du  torrent  Bourget  en 
1885.  (Réduction  d'une  photographie  extraite  de  la  collection  due 
à  M.  le  Conservateur  de  Gayffier.) 

une  seconde  jauge  semblable,  dont  les  déblais  sont  utilisés 
pour  combler  la  première  et  régler  le  talus  dans  sa  pente 
d'équilibre.  Ainsi  de  suite  jusqu'au  sommet  de  la  berge.  Les 
jeunes  plants,  disposés  dans  une  terre  meuble,  poussent 
avec  vigueur,  et,  de  suite,  ils  retiennent  le  sol  dont  on  faci- 


460  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

lite  encore  la  consolidation  par  des  enherbemenls  en  touffes. 
On  peut  utiliser,  à  cet  effet,  diverses  essences  feuillues  comme 
le  prunier  de  Briançon  (1),  le  cytise  des  Alpes,  l'aune  gluti- 
neux,  etc.,  cette  dernière  espèce,  employée  en  boutures  de 
0m,20  de  longueur  et  enfoncées  de  0m,15  dans  le  sol,  donne 
malgré  l'opinion  courante,  d'excellents  résultats,  comme  a  pu 
le  constater  M.  l'Inspecteur  adjoint  Mougin  dans  le  périmètre 
d'Ugines  (Savoie). 

Enfin,  autour  de  chaque  ouvrage  et  sur  les  atterrissements, 
on  plante  ou  l'on  bouture  des  peupliers,  des  aunes  blancs 
(A.  incana),  des  saules  pourpres  ou  bleuâtres  (S.  purpura, 
cœsia),  des  hippophaés  (//.  rhamnoides),  etc.,  toutes  es- 
sences, soit  drageonnantes,  soit  susceptibles  d'être  propagées 
par  marcotte.  Le  saule  marsault  lui-même  est  bouturé  dans 
certaines  vallées  des  Alpes,  à  l'égal  de  ses  congénères. 

Ces  plantations,  souvent  traitées  en  menus  taillis,  préser- 
vent parfaitement  le  thalweg  contre  les  érosions  et  fournis- 
sent, à  chaque  recépage,  des  matériaux  qui  seront  utilisés  avec 
profit  dans  tous  les  chantiers,  sous  forme  de  pieux,  fas- 
cines, etc. 

Les  boisements  proprement  dits.  —  En  même  temps  que 
l'exécution  des  ouvrages  d'art  est  poussée  vigoureusement, 
on  s'occupe  de  fixer  toutes  les  surfaces  relativement  stables 
dans  l'ensemble  du  périmètre  délimité. 

Or,  on  sait  que  dans  les  pentes  la  terre  nue  n'offre  aucune 
résistance  à  l'érosion  des  eaux  pluviales  ou  sauvages,  et  que 
la  végétation,  sous  forme  de  forêts,  de  broussailles  ou  d'her- 
bages, est  seule  capable  de  rendre  au  sol  son  armure  pro- 
tectrice. Ce  champ  d'action  appartient  donc  exclusivement  au 
forestier  reboiseur. 

Dans  le  choix  des  essences,  il  importe  de  s'en  tenir  à  des 
espèces  bien  appropriées  à  l'exposition,  à  l'altitude,  et  au  ter- 
rain. Ainsi,  les  Alpes  méridionales,  peuvent  se  diviser  en 
quatre  zones  : 

(1)  Peut-être  le  cerisier  tardif  d'Amérique  donnerait-il  de  bons  résul- 
tats. Ce  serait  à  expérimenter. 


LA    MISE    BIS    VALEUR    PAB    LE    BOISEMENT.  f<>l 

altitude 

1°  zone  méditerranéenne  ou  ch&ude  <lc  0  A     600  mètri 

2°  zone  moyenne  OU  tempérée  <le '>(l"   à    1,000        — 

3°  zone  alpestre  ou  froide  de i, 000  à  i  ,800      — 

4°  zone  alpine   OU  très  froide  de 1,800  à  3,000       — 

Chacune  de  ces  quatre  zones  peut  être  caractérisée  par 
l'aspect  de  sa  végétation   sauvage. 

Dans  la  première,  les  prairies  proprement  dites  n'existent 
que  dans  les  terrains  irrigués.  Les  pâtures  nombreuses  ne  sont 
autres  que  des  garrigues,  où  les  plantes,  en  touffes  isolées,  ne 
forment  jamais  gazon  continu  ;  les  graminées  sont  représen 
tées  par  des  herbes  à  feuilles  rares,  dures,  ordinairement 
enroulées. 

Dans  la  seconde,  la  végétation  est  encore  éparse  sur  les 
terrains  vagues.  Les  plantes  qui  les  peuplent  sont  de  familles 
très  diverses;  les  espèces  ligneuses  dominent,  comme  :  le  buis, 
la  lavande,  le  thym,  le  sumac,  les  genêts,  les  bruyères,  les 
cistes,  les  bugranes  ;  le  sainfoin  s'y  rencontre  fréquemment. 

Dès  qu'on  pénètre  dans  la  région  alpestre,  les  pâturages 
peuvent  être  en  gazons  continus.  Les  plantes  herbacées  y 
réussissent  mieux;  différentes  familles  ont  de  nombreux 
représentants,  mais  les  graminées,  pour  l'importance,  sont 
reléguées  au  second  rang.  Les  espèces  annuelles  ont  disparu. 

Enfin,  la  zone  alpine  est  la  région  pastorale  par  excellence. 
Les  pâturages  qui  recouvrent  de  leurs  gazons  touffus  tous 
les  lieux  en  pente  douce,  les  plateaux,  les  cols  et  même 
les  pentes  rapides  sont  peuplés  d'espèces  vivaces  ;  les  gra- 
minées prennent  plus  d'importance  que  dans  la  région  pré- 
cédente. Ces  pâturages  sont  parfois  fauchés  et  deviennent 
alors  des  prairies. 

Les  principales  essences  déboisement  appropriées  à  chacune 
de  ces  zones  sont  indiquées  dans  le  tableau  ci-après,  en  tenant 
compte  des  facultés  qu'elles  présentent  pour  être  employées 
par  semis  ou  par  plantation  : 


46:2 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


DESIGNATION 
DES    ZONES. 


ESSENCES  A    EMPLOYER 
Par  plantation.  Par  semis. 


Pin  cPAlep (Pin  maritime. 

Zone   chaude JPin  pinier ^Chêne   yeuse   et   liège, 

(  »  (Caroubier. 

(Pin  sylvestre ^Chêne  rouvre. 

Zone  tempérée <Pin  noir  d1  Autriche. <Châtaignier. 

(Hêtre.  Sapin (Pin    laricio    de    Corse. 

Epicéa. 
Pin  de  montagne. 


Zone  froide ,  alpes- 
tre   ou    subalpine. 

Zone  très  froide,  al- 
pine   


Mélèze. 
Pin  cembro. 
lèze. 
cembro. 


iMélè 
/Pin  c 


D'ailleurs,  à  moins  qu'on  ait  des  motifs  spéciaux  d'agir 
autrement,  les  résineux  s'emploient  surtout  pour  former  les 
massifs  dans  les  surfaces  solides  en  pente  régulière,  —  sur  les 
à-dos  en  un  mot.  Les  feuillus  restent  localisés  dans  le  fond 
des  ravins,  sur  les  cônes  de  déjection  et  partout  où  il  y  a 
chance  de  rencontrer  un  peu  de  fraîcheur. 

Ce  n'est  pas  le  moindre  talent  du  directeur  des  travaux  que 
de  savoir  faire  varier  les  essences  pour  mettre  chacune  à  sa 
place.  Le  périmètre  de  Luz-la-Croix-Haute  (Drôme),  reboisé 
sous  la  direction  de  M.  le  conservateur  Darcy,  est  particuliè- 
rement remarquable  à  ce  point  de  vue  (fig.  91). 

Avant  de  passer  à  l'exécution,  il  est  de  la  plus  grande 
importance  de  déterminer,  dès  l'origine,  le  but  qu'on  se  pro- 
pose d'atteindre  :  gazonnement,  broussaillement  ou  boisement, 
sans  jamais  le  perdre  de  vue  dans  la  suite.  Il  demeure  d'ail- 
leurs entendu  que  toute  surface  appartenant  au  périmètre 
sera  scrupuleusement  mise  en  défend.  Dans  les  terrains  stables, 
cette  précaution  suffitbien  souvent  pour  ramener  une  végétation 
spontanée,  dont  l'effet  est  de  donner  une  première  protection 
au  sol;  mais  dans  les  terrains  instables,  ce  serait  une  chimère 
d'attendre  aucun  résultat  utile  de  ce  côté  :  sans  cesse  ravi- 
nés par  les  eaux,  ils  ne  s'enherbent  pas  naturellement,  et  l'ab- 
sence de  végétation  expulse  même  en  tout  temps  le  bétail  de 
ces  régions  désolées. 

Traitement  des    parties    stables.    —    Pour   procéder 


i  \    MISE    l.N    VALEUR    l'Ali    LE    BOISEMENT. 


163 


au  boisement  des  parties  fixes  et  conservanl  encore  quelques 
vestiges  de  végétation,  on  commence  par  rcceper  toutes  les 
broussailles  ligneuses  fatiguées  par  la  dent  «lu  bétail.  Puis,  on 
distribue  avec  soin  les  ouvriers  planteurs  ou  semeurs;  car, 
ilaus  ces  travaux,  la  bonne  organisation  des  chantiers  et  leur 
surveillance  constante  sont  indispensables  pour  assurer  la 
réussite  et  éviter  le  gaspillage.  Qu'on  opère  par  semis  ou  par 


Fig.   91.    —    Ravins    et  à-dos    reboisés,    périmètre    de    Luz-la-Croix- 
Ilaute  en  1885.  (Photographie  de  M.  de  Gayffier.) 


plantations,  le  sol  doit  être  préparé  par  une  forte  culture  avec 
défoncement  dans  les  formes  connues  —  bandes  alternes  con- 
tinues ou  brisées,  trous,  potets,  corbeilles,  etc..  La  seule 
précaution  à  prendre  est  de  donner  au  plafond  des  cultures 
un  léger  devers  du  côté  d'amont  pour  retenir  les  eaux  et 
éviter  les  ravinements  ;  quelquefois  même,  au-dessus  des 
rigoles  ou  potets,  on  trace  deux  sillons  de  captage  destinés  à 
ramener  les  eaux  dans  les  parties  défoncées.  La  préparation 
du  sol  a  pour  but  de  prévenir  la  sécheresse,  qui  est  l'ennemi 
redoutable    dans   la  plus    grande    étendue   de  ces    régions. 


464  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

L'opération  est  d'autant  plus  nécessaire  que  les  stations 
sont  plus  chaudes  et  plus  basses  ;  son  importance  décroît,  en 
raison  de  l'altitude,  et  même  il  y  a  lieu  de  s'abstenir  dans  les 
stations  froides  et  très  froides,  où  le  déchaussement  sous  l'in- 
fluence du  gel  et  du  dégel  est  à  craindre  ;  la  limite  de  l'urgence 
du  défoncement  est  marquée  par  la  zone  où  l'herbe  reste 
verte  pendant  toute  l'année. 

Les  plantations  s'exécutent,  le  plus  souvent,  au  printemps 
avec  des  jeunes  sujets  élevés  en  pépinières. 

En  terrain  préparé,  les  semis  se  font  à  l'araire  pour  les 
grosses  graines  (glands,  châtaignes),  en  rigoles  tracées  à  la 
pioche  pour  les  autres  semences.  En  terrain  non  préparé, 
quand  les  circonstances  le  permettent,  on  sème  parfois  sur  la 
neige  ;  mais,  généralement,  on  opère  par  placeaux  dont  la 
surface  seule  est  pelée  et  ameublie,  et  que  l'on  a  soin  de 
disposer  dans  le  petit  bourrelet  de  terre  végétale  accu- 
mulé en  amont  des  buissons  ligneux  ou  des  touffes  de  gazon. 
On  peut  se  contenter,  quand  le  sol  est  enherbé,  de 
percer  des  trous  au  pic  en  plein  gazon  ;  ces  trous  sont  remplis 
de  terre  meuble  et  on  y  sème  quelques  graines.  Enfin,  dans 
les  pelouses,  on  creuse  aussi  des  sortes  de  godets  en  enlevant 
au  hache-pré  un  petit  gazon  en  forme  de  coin;  on  émiette  la 
terre  mise  à  nu  et  on  y  jette  quelques  graines. 

Traitement  des  parties  mouvantes.  —  Parallèlement  au 
boisement  des  terres  solides,  on  s'occupe  des  parties  nues  ou 
mouvantes.  C'est  là  que  se  rencontrent  les  principales  diffi- 
cultés. En  semblable  circonstance,  il  s'agit  bien  moins  de 
créer  des  forêts  et  des  pâtures  que  de  fixer  rapidement  le  sol; 
les  végétaux  robustes,  de  croissance  rapide,  traçants  ou  dra- 
geonnants,  ligneux  ou  herbacés,  peu  importe,  mais,  en  tous 
cas,  vivaces,  sont  seuls  convenables  pour  atteindre  ce  but  : 
saule,  cytise,  sumac,  hippophaé,  corroyère,  brugrane,  sain- 
foin des  Alpes,  valériane,  rumex,  tout  est  bon  pour  créer  un 
premier  revêtement  dont  on  active  l'expansion  par  le  mar- 
cottage des  brins  traînants.  C'est  seulement  quand  un  tel 
broussaillement  aura  accompli  son  œuvre  de  fixation  qu'il 
sera  possible  de  tenter  l'installation  définitive  de  la  forêt. 

Si,  à  la  rigueur,  la  réussite  de  quelques  espèces  forestières 


LA    MISE    EN    VALEUR    PAR    LE    ROISEMENT. 


165 


semble  possible,  on  a  recours   à   l'enherbement  ])oup  fixer  la 
terre  entre  les  polels.  On  procède  par  sillons  horizontaux, 


Fig.  92.  —  Plantations  en  cordons  horizontaux  sur  un  versant  rapide. 
Périmètre  de  Poyols  près  de  Luc-en-Diois.  (Photographie  de 
M.  Juvanon  du  Vachat.) 

espacés  de  lm,50  à  2  mètres,  suivant  les  cas.  Chacun  de  ces 
sillons  ne  tarde  pas  à  former  une  petite  haie  de  verdure  qui 
soutient  la  terre  et  tue  la  vitesse  d'écoulement  des  eaux  super- 
ficielles. 

BOPPE   et   JOLYET.  30 


466  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

Ajoutons  que  dans  les  chantiers  établis  sur  de  pareils  ter- 
rains, l'ordre  et  une  prudente  disposition  des  ouvriers  ne 
sauraient  être  trop  recommandés  :  les  pierres  roulantes  — 
parfois  de  très  petites  dimensions  —  que  mettent  en  mouve- 
ment les  travailleurs  placés  en  amont,  peuvent  causer  des 
accidents  mortels  parmi  ceux  qui,  au-dessous  d'eux,  vaquent 
à  leur  besogne.  D'ailleurs,  à  différents  points  de  vue,  avant  de 
commencer  semis  ou  plantation,  il  est  bon  de  parcourir  le  ter- 
rain en  faisant  écrouler  tout  ce  qui  menace  ruine,  sapant 
les  proéminences  ou  les  replis  du  sol  dont  l'équilibre  paraît 
instable,  détachant  les  pierres  dont  la  solidité  est  douleuse, 
nivelant,  en  somme,  grossièrement  le  champ  de  travail  et 
faisant  en  un  jour,  alors  qu'aucun  dégât  n'est  à  craindre, 
l'œuvre  de  plusieurs  orages. 

Traitement  des  terres  noires.  — Les  marnes  généralement 
confondues  sous  le  nom  de  terres  noires,  quelles  que  soient 
leur  coloration  et  la  formation  géologique  à  laquelle  elles 
appartiennent,  sont  particulièrement  réfractaires  à  la  végé- 
tation, et  leur  présence  en  assises  puissantes  sur  un  très  grand 
nombre  de  points  constitue  un  des  principaux  obstacles  à 
vaincre  dans  l'œuvre  si  difficile  du  reboisement  des  Alpes. 
Ces  terres  noires,  mises  à  nu  par  l'érosion  des  eaux,  appa- 
raissent avec  leur  composition  primitive,  telles  qu'elles  ont 
été  déposées  en  des  âges  où  les  conditions  de  la  vie,  à  la  sur- 
face du  globe,  étaient  bien  différentes  de  ce  qu'elles  sont  de 
nos  jours  ;  c'est  dans  leur  masse  schisteuse  affouillable  que 
les  torrents  les  plus  dangereux,  creusant  les  gouffres  qui  leur 
servent  de  lit,  récoltent  les  matériaux  qui  portent  avec  eux 
la  dévastation. 

Outre  leur  instabilité,  ces  marnes  présentent  un  grave 
inconvénient.  A  cause  de  la  grande  quantité  de  pyrite  qu'elles 
renferment,  elles  absorbent  tout  l'oxygène  disponible  dans  le 
sol  pour  transformer  les  sulfures  de  fer  en  sulfates  ;  ceux-ci, 
sans  grande  fixité,  se  décomposent;  le  fer  devenu  libre 
s'hydrate,  et  l'acide  sulfurique  se  combine  avec  les  bases  pour 
former  les  efflorescences  blanches,  calcaires  ou  magnésiennes 
qui  caractérisent  la  contrée.  Aussi,  pour  acquérir  la  force 
productive  qui  les  rende  capables  de  nourrir  la  flore  actuelle, 


LA    MISl     i\    VALEUR    l'Ait    il     BOISEMENT.  kV7 

est-il  nécessaire  qu'elles  subissent  une  certaine  préparation 
par  l'exposition  aux  agents  atmosphériques  :  elles  ont  besoin 
de  s'aérer,  de  respirer,  pour  ainsi  dire,  lue  telle  transfor- 
mation ne  se  fait  pas  en  un  jour;  d'ailleurs,  ori  la  voit  s'accom- 
plir lentement,  de  proche  en  proche,  sur  les  emplacement  - 
que  leur  peu  de  déclivité  met  à  l'abri  des  érosions  et  des 
éboulements  :  leur  coloration  noire  va  sans  cesse  en  s'atté- 
nuant  pour  se  rapprocher  des  tons  ôcreux  du  fer  hydroxydé. 

Quoi  qu'on  fasse,  on  ne  réussira  jamais  à  planter  les  grandes 
espèces  ligneuses  dans  une  terre  noire  fraîchement  décapée. 
En  cela,  il  faut  encore  suivre  les  indications  de  la  nature, 
c'est-à-dire  commencer  par  les  espèces  inférieures  les  plus 
rustiques;  à  mesure  que  la  terre  perd  son  poison,  elle  accepte 
des  végétaux  d'un  ordre  d'autant  plus  élevé  que  la  couche 
désinfectée  est  elle-même  plus  profonde.  On  peut  ainsi 
mesurer  l'instant  où  l'on  pourra  lui  confier  des  arbres  à 
nourrir. 

Dès  que  les  pentes  s'accentuent,  notamment  sur  toutes  les 
berges,  la  surface  est  entraînée  d'autant  plus  facilement 
qu'elle  est  plus  ameublie  par  l'aération  ;  c'est  donc  toujours 
la  même  marne  vierge  et  réfractaire  qui  affleure.  Alors,  il  faut 
à  tout  prix  empêcher  la  bonne  terre  de  s'écrouler  au  fur  et 
à  mesure  desa  formation.  Dans  ce  but,  on  installe  la  végé- 
tation dans  le  fond  même  de  chaque  ravin,  afin  d'arrêter  les 
affouillements  ;  on  y  parvient  à  l'aide  de  fascinages,  de  barrages 
rustiques,  qui  transforment  les  pentes  régulières  en  une  suite 
de  petits  ressauts,  entre  chacun  desquels,  sur  les  plates-formes 
d'atterrissement,  on  bouture,  on  plante,  on  sème,  on  gazonne 
suivant  les  cas.  La  proximité  d'un  peuplement  forestier  rend 
la  chose  facile,  car  on  utilise  les  produits  des  éclaircies  pour 
recouvrir  tout  le  fond  des  ravins  ;  les  menus  brins  encore 
munis  de  leur  feuillage  sont  disposés  bout  à  bout  dans  le  sens 
de  leur  longueur  et  la  cime  vers  l'amont  ;  la  terre  végétale 
fine  et  meuble,  provenant  du  lavage  des  berges,  s'arrête  dans 
les  interstices  des  feuilles  et  des  ramilles  ;  celles-ci,  en  pourris- 
sant, se  transforment  elles-mêmes  en  terreau,  et  l'ensemble 
constitue  un  compost  éminemment  favorable  au  développe- 
ment des  plantes  herbacées  ou  ligneuses  qui  s'y  jettent  natu- 


468  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

Tellement  ou  qu'on  y  introduit  avec  succès.  De  ces  coulées  de 
verdure,  suivant  l'heureuse  expression  de  M.  le  Conservateur 
Carrière,  qui  a  traité  de  cette  façon  la  combe  désolée  d'Alavar 
(périmètre  de  Seyne,  Basses-Alpes),  on  voit  la  végétation 
«  monter  à  l'assaut  des  berges  »,  qui  sont  bientôt  fixées  à  leur 
tour.  Là,  comme  dans  la  dune,  le  problème  est  résolu  par 
l'installation  artificielle  d'une  couverture  morte,  qui  prépare 
et  protège  les  éléments  de  la  forêt  future. 

Les  enherbements.  —  L'enherbement  n'est  qu'un  auxiliaire 
du  boisement  qu'il  précède  ou  qu'il  accompagne  toujours. 
A  ce  point  de  vue,  il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  le  gazon- 
nement,  qui  s'entend  de  la  création  des  herbages  d'embouche 
ou  fauchables. 

L'enherbement  fournit  aux  jeunes  plants  naissants  un  abri 
tutélaire  contre  la  sécheresse  dans  les  surfaces  stables  et 
constitue  le  meilleur  moyen  d'éviter  le  déchaussement.  Pour 
tous  ces  usages,  le  sainfoin  rend  les  plus  utiles  services;  en 
terrains  préparés,  il  s'emploie,  soit  en  mélange  intime  avec  la 
graine  forestière,  soit  pour  former  des  rigoles  entre  les  lignes  de 
plantations  ou  de  semis.  Dans  les  terres  noires,  on  a  recours  à 
des  mélanges  de  sainfoin  avec  de  la  fenasse  :  semence  d'herbes 
comprenant  généralement  les  espèces  suivantes  :  le  calama- 
grostis  argenté  (Calamagrostis  argentea),  la  fétuque  bleue 
(Festuca  cœrulea),  le  chiendent  (l^riticum  repens),  la  houque 
molle  (Holcus  mollis),  le  fromental  (Avena  elatior)  et  la  pim- 
prenelle  (Eupatorium  sanguisorba)  ;  on  y  ajoute  souvent  du 
brome  des  prés  (Bromus  erectus). 

M.  Mougin  s'est  bien  trouvé  de  la  formule  suivante  : 

Fenasse 40 

Sainfoin 30 

Brome 30 

100 

Si  la  région  est  chaude  ou  tempérée,  les  travaux  de  semis 
et  d'enherbement  peuvent  se  faire  soit  à  l'automne,  soit  au 
commencement  du  printemps  ;  est-elle  froide  ou  très  froide, 
on  n'opère  qu'au  printemps,  aussitôt  après  la  fonte  des  neiges, 
quand  la  terre  est  imbibée  d'eau,  de  telle  sorte  que  les  graines 
restent  le  moins  longtemps  possible  sur  le  sol  sans  y  germer. 


LA    MISE    IN    VALEUR     PAR    LE    BOISEMENT. 


169 


Le  gazonnement.  —  Legazonnementapourbut,au  contraire, 
de  créer  des  alpages  <>u  pelouses  permanentes  et  n'est  pas  appli  - 
cable  à  toutes  les  altitudes  des  régions  montagneuses.  C'est 
dans  les  grandes  hauleurs  avoisinant  la  Limite  de  la  végétation 
ligneuse,  régions  purement  pastorales,  que  ces  travaux 
peuvent  fournir  le  degré  d'utilité  qu'on  leur  demande;  mais  le 
boisement,  qui  n'est  plus  ici  l'objectif,  lui  vient  souvent  en 
aide.  En  elfet,  bien  que  le  gazonnement  intéresse  la  produc- 
tion pastorale  plutôt  que  la  production  forestière,  il  existe 
une  relation  nécessaire  entre  ces  deux  modes  d'exploitation 
du  sol;  et,  sans  sortir  de  notre  cadre,  il  est  permis  d'appeler 
l'attention  sur  les  faits  suivants  : 

Si  Ton  cherche  à  se  rendre  compte  de  l'origine  de  ces  gazons  naturels, 
de  ces  pelouses  unies  qui  tapissent  les  flancs  des  montagnes  au-dessus 
des  forêts  actuelles,  tout  indique  qu'elles  n'ont  pu  s'installer  que  grâce 
à  la  protection  de  la  végétation  ligneuse.  Celle-ci  a  disparu  par  le  fait 
de  l  homme,  qui  a  méconnu  les  lois  de  la  nature  en  exploitant  les 
forêts  d'une  manière  désordonnée  et  en  abusant  d'elle  avec  une  impré- 
voyance coupable.  C'est  ainsi  que  la  limite  actuelle  des  forêts  ne  doit 
pas  être  considérée  comme  réelle,  mais  comme  artificielle  :  les  arbres 
épars  et  les  souches  recouvertes  qu'on  retrouve  dans  toutes  les  pâtures 
en  font  foi  (1). 

Ces  pelouses  ne  se  reforment  plus  sur  les  terrains  nus,  et  celles  qui 
existent  encore  sont  destinées,  si  l'homme  n'y  prend  garde,  à  dispa- 
raître à  leur  tour  et  à  suivre  la  loi  d'abaissement  que  son  égoïsme  a 
déjà  imposée  aux  forêts. 

Dans  les  Alpes  de  la  Provence,  par  suite  du  climat  sec  qui  caracté- 
rise cette  région,  la  création  de  nouvelles  pelouses  sur  les  terrains 
supérieurs  absolument  dénudés  ne  peut  être  assurée  que  par  l'intermé- 
diaire de  la  forêt. 

On  constate,  en  effet,  que  les  plantes  herbacées  qui  végètent  au-dessus 
de  la  limite  réelle  imposée  à  la  végétation  ligneuse  par  la  température 
du  lieu,  ne  forment  pas  des  gazons  sérieusement  exploitables  et  sus- 
ceptibles de  protéger  le  sol  contre  les  influences  météoriques.  C'est  en 
poussant  le  reboisement  jusqu'à  cette  limite  qu'on  peut  espérer  rame- 
ner la  pelouse  partout  où  le  sol  est  dénudé  et  assurer  la  consolidation 
des  terres  dans  les  régions  les  plus  élevées  du  bassin  de  réception. 

(1)  Rapprochons  de  ces  lignes  empruntées  à  M.  Demontzey  une 
phrase  de  M.  Mathey  :  «  Partout  où  l'homme  n'a  pas  abaissé  par  des 
défrichements  les  limites  supérieures  de  la  forêt  naturelle,  celle-ci  se 
termine  par  des  arbres  épars,  le  plus  souvent  stériles,  car  ils  ont  dé- 
passé les  frontières  normales  de  leur  aire  d'habitation.  Ils  proviennent 
de  semences  fournies  par  les  massifs  inférieurs  et  apportées  par  le  vent 
sur  des  points  où  ils  peuvent  encore  vivre,  sans  toutefois  pouvoir  mûrir 
leurs  graines  »  {Le  pâturage  en  foret). 


470  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

Telles  sont  du  moins  les  conclusions  auxquelles  s'est  arrêté 
M.  Demontzey  dans  son  xie  chapitre,  intitulé  Travaux  de 
(jazonnement.  Il  suffît  d'ailleurs  de  constater  la  présence  du 
beau  gazon  qui  tapisse  le  sol  de  toutes  les  forêts  de  mélèzes, 
même  celles  de  récente  création  pour  être  convaincu  de  ce 
fait. 

Conclusion.  —  Nous  devons  nous  borner  aux  simples  indi- 
cations qui  précèdent,  renvoyant  le  lecteur  désireux  de  plus 
amples  détails  aux  nombreux  ouvrages  publiés  sur  un  aussi 
vaste  sujet,  aussi  bien  en  France  qu'à  l'Étranger.  Constatons 
seulement  que  l'initiative  de  l'entreprise  et  le  mérite  de  la 
réussite  reviennent  tout  entiers  à  l'Administration  Française 
des  Eaux  et  Forêts.  Les  résultats  ont  dépassé  toute  espérance 
et  les  quelques  écoles  des  premiers  jours  ne  sont  rien  en 
comparaison  des  succès  obtenus. 

Peut-être,  cependant,  ne  faut-il  pas  s'endormir  dans  une 
quiétude  trop  confiante.  Tout  en  reconnaissant  l'efficacité  des 
moyens  d'action  et  la  parfaite  exécution  des  travaux,  il  est 
permis  d'appeler,  une  fois  encore,  l'attention  sur  une  série  de 
faits  dont  la  gravité  s'accroît  de  jour  en  jour. 

En  même  temps  que  l'œuvre  du  reboisement  se  pour- 
suit, des  ennemis  jusqu'alors  inconnus  ou,  du  moins,  mépri- 
sés comme  inoffensifs,  se  montrent  partout  ;  leurs  attaques 
prennent  un  caractère  inquiétant  :  du  nord  au  midi,  on 
n'entend  plus  parler  que  d'insectes,  de  champignons,  qui 
détruisent,  en  totalité  ou  en  partie,  les  jeunes  forêts  créées  à 
grands  frais  et  sur  lesquelles  on  fondait  les  plus  belles  espé- 
rances. Sous  une  forme  animale  ou  sous  une  forme  végétale, 
chaque  essence  artificiellement  installée  semble  porter  en  elle 
son  parasite.  Les  espèces  exotiques  ou  étrangères  à  la  région, 
sont  plus  particulièrement  atteintes  ;  on  dirait  que  le  climat, 
à  la  rigueur  suffisant  pour  qu'elles  puissent  s'en  accommoder, 
est  particulièrement  favorable  au  développement  de  leurs 
ennemis. 

Le  moment  semble  venu  de  couper  court  au  mal  par  la 
reconstitution  de  la  forêt  spontanée.  Sans  attendre  qu'on  y 
soit  contraint  par  la  force  majeure,  il  faut  profiter  du  premier 
abri,  de  la  première  couche  de  terreau  fournis  par  le  boise- 


LA    MISE    EN    \  \I.I  I  H    PAR    LE    BOISEMENT. 


171 


menl  pour  installer  en  mélange  les  espèces  de  I"  région.  Le 

mieux,  partout  où  eela  sera  possible,  sera  de  créer  des  sous- 
bois  de  feuillus,  hêtre  ou  châtaignier;  à  défaut  de  hêtre,  le 
sapin  formera  d'excellenls  SOUS-étageS  dans  les  stations 
moyennes.  Enfin,  dans  les  plus  grandes  altitudes,  le  mélèze, 
dont  les  parasites  lui  appartiennent  en  propre,  sera  toujours 
indiqué  pour  remettre  en  état  de  production  les  espaces  de 
quelque  étendue. 

b.  La  fixation  des  dunes  :  les  dunes  mari  Limes.  —  Les  moyens  d'action. 
—  La  dune  littorale.  —  Boisement  de  la  dune  blanche.  —  Les  dunes 
continentales. 

Les  dunes  maritimes.  —  Le  long  du  littoral  de  l'Atlan- 
tique, de  Bayonne  à  Dunkerque,  partout  où  la  mer  n'est  pas 
brisée  par  des  falaises,  elle  dépose  sans  cesse,  sur  les  plages, 
des  sables  siliceux,  blancs,  fins,  provenant  de  matériaux  tri- 
turés par  les  mouvements  du  flux  et  du  reflux.  La  tempête 
soulève  ces  sables  mobiles,  les  chasse  vers  l'intérieur  où  ils 
s'accumulent  en  chaînes  de  collines  voyageuses,  tantôt  paral- 
lèles au  littoral,  tantôt  confusément  orientées,  en  tous  cas, 
donnant  à  la  contrée  ce  relief  particulier  auquel  on  a  donné 
le  nom  de  dunes.  Entre  chacune  de  ces  chaînes  s'étendent 
les  leltes,  sorte  de  vallées  marécageuses,  errantes  comme  les 
dunes,  et  dont  les  eaux  malsaines,  refoulées  dans  le  mouve- 
ment général  de  transport,  inondent  les  terres  fermes,  en 
même  temps  qu'elles  charrient  la  fièvre. 

L'accumulation  des  eaux  dans  les  lettes  tient  à  la  constitu- 
tion toute  particulière  du  sable  cru  qui  constitue  la  dune 
blanche.  Dans  leur  mouvement  de  translation,  ces  grains 
lavés,  presque  chimiquement  purs,  se  dessèchent  à  la  façon 
des  poussières  atmosphériques  et  se  déposent  absolument 
privés  de  leur  eau  globulaire.  On  sait  que  de  tels  milieux 
restent  longtemps  imperméables  ;  aussi  toutes  les  eaux  plu- 
viales qui  tombent  sur  les  pentes  roulent-elles  rapidement 
vers  le  fond  des  cuvettes  où  elles  sont  retenues  par  des 
causes  semblables.  Parfois  le  dessèchement  rend  les  maté- 
riaux de  transport  tellement  réfractaires  à  la  capillarité,  qu'ils 
peuvent  se  déposer  en  couches   assez  épaisses   à   la   surface 


47.2  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

des  eaux  tranquilles  pour  former  les  blouses,  dont  l'aspect 
trompeur  a  été  fatal  à  plus  d'un  voyageur  imprudent. 

Aussitôt  que  le  boisement  a  revêtu  la  surface  de  cette  cou- 
verture forestière  dont  on  connaît  les  propriétés  hygromé- 
triques, en  même  temps  que  diffusé  la  matière  organique 
dans  les  couches  plus  profondes,  le  régime  des  eaux  reprend 
son  cours  d'infiltration  normal.  L'assainissement  des  lettes 
devient  ainsi  la  conséquence  nécessaire  du  boisement  des 
dunes. 

Les  moyens  d'action.  —  Dès  la  fin  du  xvmc  siècle,  on 
avait  compris  que  le  boisement  était  le  seul  procédé  efficace 
pour  fixer  les  dunes. 

En  1787,  l'Ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées,  Bré- 
montier,  donnait  une  réelle  impulsion  aux  travaux  de  dé- 
fense qu'il  dirigea  durant  plusieurs  années  et  qui  lui  valu- 
rent, avec  le  nom  de  Bienfaiteur  des  Landes,  le  monument 
élevé  à  sa  mémoire  à  la  station  de  La  Bouheyre.  Il  est  juste 
toutefois  de  citer  les  Ruât,  les  Desbiey,  le  comte  de  Montausier 
et  surtout  le  baron  de  Villers,  ses  précurseurs,  qui,  moins 
favorisés  par  les  circonstances,  ne  purent  mettre  en  œuvre 
les  projets  qu'ils  avaient  conçus  (1). 

Mais,  comme  pour  la  restauration  des  montagnes,  la  loi 
devait  intervenir  en  vue  de  donner  à  l'opération  son  carac- 
tère obligatoire  (2). 

Aujourd'hui  —  et  c'est  un  nouveau  point  de  similitude 
avec  les  travaux  de  restauration  des  montagnes  —  on  a  reconnu 
la  nécessité  de  se  créer  une  base  d'opération,  de  donner  au 
point  d'appui  aux  premiers  boisements  exposés  à  l'assaut  des 
vents  et  du  sable  :  on  a  donc  encore  recours  aux  mêmes 
moyens  : 

1°  consolider  les   masses  par  des  travaux  d'ordre   plutôt 
technique  ; 
2°  fixer  les  surfaces  par  la  culture  forestière. 

(1)  Pierre  Buffault,  Étude  sur  la  côte  et  les  dunes  du  Médoc.  Irnp. 
Jehl.  Souvigny,  1897. 

(2)  Décret-loi  du  li  décembre  1810,  relatif  à  la  plantation  des  dunes; 
—  ordonnance  des  15  juillet  1818-8  mai  1819,  contenant  règlement  des 
digues  et  dunes  du  Pas-dé-Gelais. 


LA    MISE    IN    VALEUR    PAU    LE    BOISEMENT.  173 

La   dune    littorale.   —   Sans    cesse    renouvelée   par    les 
apports  inépuisables  de  l'Océan,  la  masse  des  sables  poussés 

par  le  vent  de  mer  remonte  les  pentes  assez  faibles  que  pré- 
sentent les  collines  du  côté  cl  11  rivage.  Elle  s'accumule  sur 
les  sommets  d'oii  elle  s'éboule,  en  vertu  de  son  poids,  suivant 
des  profils  atteignant 45  degrés  et  plus,  à  cause  du  manque  de 
cohésion  des  matériaux.  La  base  de  ce  talus  s'avance  ainsi 
continuellement  vers  les  terres  avec  des  vitesses  variables 
suivant  les  années  et  les  saisons,  mais  pouvant  atteindre 
12  et  même  20  mètres  en  une  année.  Aucun  obstacle  ne  peut 
arrêter  la  marche  de  ces  collines  envahissantes  dont  la  hauteur 
dépasse  parfois  70  à  80  mètres  :  forêts,  villages  et  clochers  qui 
se  rencontrent  sur  leur  passage,  disparaissent  ensablés. 

Pour  combattre  le  fléau,  il  faut  l'étoulTer  à  sa  naissance;  on 
y  arrive  par  l'édification  de  la  dune  littorale  (1). 

Le  baron  de  Villers,  puis  Brémontier,  semblent  avoir  conçu 
l'idée  de  ce  véritable  ouvrage  de  défense  dont  la  construction 
n'a  été  commencée  que  bien  après  eux,  en  1851.  Depuis  cette 
époque  à  nos  jours,  plusieurs  théories  se  sont  succédées 
quant  au  profil  à  lui  donner. 

L'ancienne  méthode,  que  nous  allons  décrire,  est  peut  être 
celle  qui  donne  l'idée  la  plus  nette  du  but  poursuivi  et  des 
moyens  à  employer.  Elle  a  du  reste  fait  bonne  besogne  pen- 
dant de  longues  années. 

A  50  ou  80  mètres  de  la  hisse  des  hautes  eaux,  parallè- 
lement au  rivage,  c'est-à-dire  perpendiculairement  à  la  direc- 
tion du  vent,  on  dispose  une  palissade  formée  de  madriers 
d'une  largeur  de  0m,12  et  d'une  épaisseur  de  0m,03  ;  ces  ma- 
driers sont  profondément  enfoncés  dans  le  sable  avec  une 
saillie  de  1  mètre  au-dessus  du  sol  ;  ils  sont  espacés  les  uns 
des  autres  de  0m,0'2  à  0m,03.  A  la  suite  de  chaque  tempête, 
le  sable,  poussé  par  le  vent,  s'accumule  devant  la  palissade  et 
coule  de  l'autre  côté  par  les  vides  laissés  entre  les  planches; 

(1)  Pour  plus  de  détails,  voir  les  articles  et  notices  publiés  par 
MM.Goursaud,  Revue  des  Eaux  et  Forêts,  1880;  —  Grandjean,  La  dune 
littorale,  Revue  des  Eaux  et  Forêts,  1887;  —  Violette,  Entretien  de 
la  dune  littorale,  lmp.  A.  Dupeyron,  Mont-de-Marsan,  1899  ;  — 
A.  Lafond,  Fixation  r/ev  dunes,  lmp.  nationale,  Paris,  J900. 


474  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


suivant  la  dimension  des  grains,  l'équilibre  s'établit  plus  ou 
moins  facilement  entre  les  dépôts  des  deux  aspects.  Mais, 
contrairement  à  ce  qui  se  passe  dans  les  dunes  naturelles, 
l'inclinaison  est  assez  forte  sur  le  talus  du  côté  de  la  mer, 
tandis  qu'à  l'opposé  la  pente  s'allonge  bien  davantage,  une 
partie  du  sable  étant  entraînée,  par  la  force  du  vent,  en 
arrière  de  la  palissade  et  plus  ou  moins  loin  suivant  la 
grosseur  des  grains.  Lorsque  les  madriers  sont  enfouis  presque 
jusqu'au  sommet,  on  les  relève  et  l'opération  suit  son  cours 
jusqu'à  ce  que  la  dune  ait  atteint  la  hauteur  voulue;  en  géné- 
ral,   10  à   12  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  haute  mer. 

C'est  ainsi  que  le  vent,  dompté  par  l'homme,  travaille  lui- 
même  à  élever  l'obstacle  qui  détruira  les  effets  nuisibles  de 
sa  force  d'entraînement;  comme  la  vapeur,  il  actionne  en 
même  temps  les  freins  et  les  moteurs. 

Tout  en  exhaussant  les  madriers,  on  se  préoccupe  de  la 
forme  la  plus  favorable  à  donner  au  profil  de  la  dune.  On 
surveille  la  marche  des  dépôts  pour  rectifier  le  travail,  par- 
fois peu  précis,  du  vent,  par  des  fascinages,  des  épis  et 
autres  moyens  complémentaires.  Enfin,  le  relief  normal  étant 
acquis,  on  fixe  la  surface  en  la  plantant  de  touffes  de  gourhet 
(Calamagrostis  arenacea).  Cette  précieuse  graminée  est  l'auxi- 
liaire indispensable  ;  elle  se  propage  par  voie  de  boutures 
comme  par  voie  de  semis,  lance  ses  drageons  à  de  grandes 
distances,  et  pousse  de  nouvelles  racines  au  niveau  du  sol, 
à  mesure  que  sa  tige  est  ensablée. 

La  dune  littorale  étant  ainsi  achevée  et  garnie,  il  ne  reste 
plus  qu'à  l'entretenir.  Une  surveillance  constante  doit  assurer 
la  bonne  conservation  d'un  ouvrage  qui  sera  la  sauvegarde 
contre  tous  les  dangers  à  venir;  il  faut,  sans  aucun  retard, 
réparer  les  brèches  ouvertes  sur  ses  flancs  par  les  rafales  de 
vent  ou  les  paquets  de  mer  de  la  dernière  tempête.  Dans  les 
départements  des  Landes  et  de  la  Gironde,  un  personnel  de 
cantonniers  est  spécialement  préposé  à  la  garde  de  cette 
dune,  dont  la  plate-forme  a  été  kilométrée  pour  faciliter  la 
direction  du  service  et  la  transmission  des  ordres. 

Aujourd'hui  une  tendance  assez  générale  se  manifeste  à 
donner  à  la  dune  littorale  un  profil  quasiment  inverse  du  pré- 


LA    MISE    EN    VAI.KUll    l'Ai»    LE    BOISEMENT. 


175 


cédcnl.  Suivant  la  pittoresque  image  employée  par  M.  le 
Conservateur  de  Vasselot  de  Régné  (I),  la  dune  naturelle  rap- 
pelle par  son  profil  un  chien  assis  regardant  vers  L'Est,  vers 
la  lerre  ferme.  On  avait  pu  s'imaginer  qu'en  retournant  le 
chien,  le  nez  vers  L'Océan,  il  perdrait  son  humeur  vagabonde 
et  ferait  bonne  garde  contre  les  sables  envahissants:  d'où  la 
forme  des  premières  dunes  littorales.  Mais  c'était  compter 
sans  le  courroux  de  l'Océan  qui,  les  jours  de  tempête,  se  rue 
sur  l'obstacle,  y  faisant  de  larges  brèches  ;  aussi,  a-t-on 
replacé  le  chien  dans  sa  position  première  :  comme  le  roseau  de 
la  fable,  la  dune  littorale  à  pente  très  douce  vers  l'Océan,  se 
laisse  submerger  par  les  vagues,  puis,  la  tempête  finie,  quand 
les  eaux  se  sont  retirées,  elle  reparaît  intacte. 

Ce  nouveau  profil  s'obtient  en  disposant,  parallèlement  au 
rivage,  des  lignes  successives  de  petites  haies  faites  de  branches 
de  pin,  hautes  d'environ  0m60  et  au  pied  desquelles  le  sable 
s'accumule.  Le  talent  consiste,  suivant  la  forme  de  la  côte  et 
la  marche  des  sables,  à  disposer  ces  obstacles  au  point  voulu 
pour  amener  la  dune  à  constituer  sa  ligne  de  crête  à  une 
distance  du  littoral  telle  que  la  pente  puisse  s'étendre  sous 
l'inclinaison  la  plus  efficace. 

Ces  mêmes  cordons,  avec  les  semis  degourbet  sans  couver- 
ture de  branchages,  permettent  de  barrer  et  d'enrayer  les 
.sifflets  ou  siffle-vent,  couloirs  que  le  vent  creuse  dans  la  dune 
et  d'aveugler  les  ventouses. 

C'est,  d'ailleurs,  merveille  devoir  comme  les  forestiers  com- 
pétents savent  utiliser  les  forces  de  la  végétation  pour  modeler 
suivant  leur  gré  cette  chose  d'allures  si  mobiles  et  si  capricieu- 
ses qu'est  le  sable  de  la  dune  :  ils  s'empressent  de  fixer  par  le 
gourbet  les  points  où  le  profil  est  acquis,  arrachant  ou  éclaircis- 
santeette  plante,  au  contraire,  quand  ils  veulent  faire  déplacer 
parle  vent  les  amas  de  sable  ou  trucs  devenus  inutiles  ou  gênants. 

Souvent  les  haies  parallèles  au  littoral  sont  flanquées  d'épis, 
dont  la  direction  est  perpendiculaire  à  la  leur  ;  ceux-ci  peuvent 
eux-mêmes  se  subdiviser  en  patte  d'oie,  ou  se  ramifier  en 
contre-épis. 

(J)  De  Vasselot  de  Régné,  Xotice  sur  les  dunes  de  la  Coubre.  Paris, 
Imprimerie  nationale,  1878. 


476 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


Quand  des  côtes  sinueuses,  en  pointe,  sont  exposées  à  tous 
les  vents  violents,  une  étude  approfondie  de  la  situation  peut 
seule  déterminer  les  points  où  il  faut  établir  les  ouvrages  de 


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défense,  et  la  direction  à  leur  donner.    11    en   est   ainsi   à    la 
dune  de  la  Coubre  (Charente-Inférieure)  (1);  il  en  sera  de 


(1)  de  Vasselot  de  Régné,  loc.  cit. 


LA    MISE    EN    VALEUR    l'A»    LE    BOISEMENT, 


177 


môme,  à  plus  forte  raison,  quand  il  s'agira  d'établir  des  dunes 
C  riline  lia  les  de  défen  se. 


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Enfin,  sur  les  points  où  la  mer  déferle  en  rongeant  les 
rives,  sans  déposer  de  sable,  les  matériaux  font  défaut.  On  sub- 
stitue donc  à  la  dune  des  enrochements  et  l'on  combat  la  vio- 


478  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

lence  du  flot  par  la  création  d'une  forêt  de  solides  pieux  enfoncés 
dans  le  sable  et  appelés  brise-lame.  Letamarix,  avec  ses  longs 
rameaux  flexibles,  rend  les  plus  grands  services  pour  con- 
solider toutes  ces  œuvres  mortes  par  un  feutrage  vivant. 
On  cherche,  en  même  temps,  à  remplacer  l'ancien  profil  tracé 
par  le  caprice  des  flots  par  une  véritable  plage  artificielle 
dont  la  pente  descende  jusqu'à  5  à  6  p.  100  de  façon  que  la 
lame  puisse  s'y  étaler  en  perdant  sa  force  d'érosion. 

Ainsi  chaque  point  appelle  une  solution  spéciale;  à  toutes 
celles  qui  sont  déjà  expérimentées  ou  entrevues,  l'observation 
de  chaque  jour  en  apporte  d'autres. 

En  fait,  le  profil  définitif  de  la  dune  n'est  pas  encore 
trouvé,  peut  être  même  ne  le  trouvera-t-on  jamais.  Mais  ce 
que  l'on  peut  dire,  c'est  que  la  dune  artificielle  créée  par  nos 
prédécesseurs  a  accumulé  à  pied  d'œuvre  des  masses  colos- 
sales de  matériaux  plastiques  pour  les  tenir  à  la  disposition 
du  forestier.  Celui-ci  peut  pétrir  à  son  gré  les  kilomètres 
cubes  de  sable  suivant  le  mode  ou  la  formule  du  jour;  il 
peut  en  déplacer  ou  en  fixer  les  masses  à  l'aide  de  la  force 
gratuite  du  vent,  sans  autre  dépense  que  les  petits  travaux 
peu  coûteux  qui  consistent  en  piochages  superficiels  quand 
il  veut  abaisser  les  profils  ou  en  plantations  des  gourbets 
quand  il  veut  les  relever. 

Ce  qu'on  peut  dire  encore,  c'est  que  le  fait  dominant 
de  cette  œuvre  magistrale,  a  été  de  permettre  le  boisement 
complet  de  la  dune  blanche,  de  la  fixer  définitivement,  de  la 
lande  à  la  mer,  et  de  créer,  dans  cette  large  zone  qui  n'était 
qu'un  désert  aussi  menaçant  qu'improductif,  une  forêt  immense 
dont  la  valeur  et  le  rendement  sont  déjà  considérables. 

Voici  d'ailleurs  le  procédé  de  boisement  de  cette  dune 
blanche. 

Boisement  de  la  dune  blanche.  —  Tout  le  système  de 
fixation  repose  sur  le  principe  suivant: 

Dans  la  masse  de  sable  nu,  susceptible  d'être  corrodée  par 
le  vent,  le  transport  s'opère  grain  par  grain,  roulé  à  mesure 
que  chacun,  débarrassé  de  ceux  qui  le  recouvraient,  arrive  à 
la  surface  pour  être  transporté  à  son  tour.  Dès  lors,  si  l'on 
parvient  à  arrêter  le  déplacement  des  grains  à  la  superficie, 


I.A    MISE    l'N    VALEUR    PAR    LE    BOISEMENT.  479 

il  n'y  a  rien  à  craindre  pour  ceux  <jni  soni  en  dessous,  et  la 

masse  entière  es!  fixée, 

Le  moyen  consistée  Berner  le  pin  maritime *onj  couverture i 
C'est  à  un  propriétaire  de  la  Teste,  Pierre  Peychan,  —  on  le 
connaît  plutôt  sous  le  nom  dé  Maître-Pierre  — ,  que  nous 
devons  ce  procédé  aussi  simple  que  pratique  qu'il  ;i  conseillé 
à  Brémontier,  et  que  nous  employons  maintenant  encore, 
presque  sans  modification. 

Pour  empêcher  les  graines  d'être  entraînées  avec  le  sable, 
on  dispose  donc  sur  toutes  les  surfaces  ensemencées  un  revê- 
tement de  broussailles.  Cette  précaution  est  aussi  nécessaire 
pour  fixer  les  semences  que  pour  préserver  les  jeunes  plants 
contre  l'action  des  sables  en  mouvement  ;  car  les  arêtes  vives 
des  grains,  sans  cesse  projetés  contre  les  tiges  naissantes,  les 
usent  au  point  que  celles-ci,  ne  pouvantplus  soutenir  leur  tête, 
se  renversent  ;  c'est  la  mort  pour  le  plus  grand  nombre. 

Dans  la  pratique,  on  répartit  sur  les  espaces  à  boiser,  des 
provisions  de  fagots,  à  raison  de  *2.500  par  hectare.  Ces  fagots 
ont  1  mètre  de  circonférence  mesurée  sur  le  hart,  et  lm,30  de 
longueur.  Pour  leur  confection,  l'espèce  préférée  est  l'ajonc; 
puis  vient  le  genêt,  ensuite  les  brandes,  les  brnyères,  les  rou- 
ches,  les  roseaux  de  marais  doux,  et  les  branches  de  pin;  mais 
ces  dernières  présentent  l'inconvénient  que,  sous  leur  couvert, 
les  maladies  cryptogamiques  évoluent  avec  trop  de  fréquence. 
Les  épines,  ronces,  fougères  et  bois  blancs  ne  donnent  qu'une 
protection  insuffisante  au  sol,  et  sont  exclus  des  fourni- 
tures. 

Immédiatement  après  le  répandage  de  la  graine,  on  recouvre 
les  parties  ensemencées,  ou  mieux,  les  deux  opérations  se  font 
simultanément.  On  dispose  les  broussailles  en  marchant  vers 
la  mer,  les  gros  bouts  en  avant  et  les  ramilles  de  chaque  rangée 
recouvrant  la  base  de  celle  qui  précède.  Puis,  à  l'effet  de  mainte- 
nir cette  couverture,  les  ouvriers  prennent  des  fortes  pelletées 
de  sable  dans  les  parties  non  ensemencées,  et  les  appliquent 
sur  les  ramilles  étendues,  à  environ  0m,60  les  unes  des  autres, 
mesure  prise  de  milieu  en  milieu.  C'est  là  le  seul  perfection- 
nement apporté  au  système  de  Pierre  Peychan  et  de  Brémon- 
tier, qui  fixaient  la  couverture  au  moyen  de  perches  placées  en 


480  LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 

travers  et  retenues  par  des  crochets  enfoncés  dans  le  sable. 
Chaque  atelier  travaille  ainsi  à  reculons,  derrière  le  semeur, 
sans  que  personne  ait  le  loisir  de  chômer;  à  la  fin  de  la  jour- 
née, on  rechausse  solidement  la  dernière  rangée  pour  que  le 
vent  possible  de  la  nuit  ne  vienne  pas  ouvrir  des  ventouses 
qui  détruiraient  tout  le  travail.  On  répare  les  avaries,  soit  en 
comblant  les  ventouses,  soit  en  recommençant  le  semis  dans 
la  même  forme,  sur  les  parties  ensablées. 

Les  premiers  chantiers  ont  été  installés  immédiatement  en 
arrière  delà  dune  littorale,  en  avançant  vers  la  terre,  de  telle 
sorte  que  les  travaux  en  cours  d'exécution  sont  garantis  par 
les  massifs  déjà  constitués.  Sur  les  points  où  les  semis  sont 
exposés  à  être  envahis  par  des  sables  de  retour  chassés  par 
le  vent  de  terre,  la  section  destinée  à  être  ensemencée  pendant 
l'année  est  entourée  de  palissades  mobiles  qu'on  déplace  au 
commencement  de  chaque  campagne. 

En  somme,  c'est  une  véritable  couverture  morte  que  l'on  a 
disposée  sur  le  sol.  Comme  elle  ne  doit  pas  durer  indéfiniment, 
on  pourvoit  dès  le  début  à  lui  faire  succéder  une  couverture 
vivante  qui  continuera  son  rôle.  A  cet  effet,  au  lieu  d'em- 
ployer de  la  graine  de  pin  maritime  pure,  on  répand,  par 
hectare,  le  mélange  suivant  : 

Pin  maritime 30  kilogr. 

Ajonc 3       — 

Genêt 3       — 

Gourbet 3       — 

Graines  diverses  pour  attirer  les  oiseaux.  3       — 

Cette  formule  est  adoptée  dans  la  dune  de  la  Coubre.  Dans 
les  chantiers  des  Landes  les  quantités  sont  réduites  à  : 

Pin  maritime 10  kilogr. 

Genêt 9       — 

Gourbet 4       — 

Les  pins,  les  genêts  et  les  ajoncs  lèvent  en  même  temps,  et 
Ton  remarque  que  les  pins  sont  d'autant  plus  beaux  que  les 
semis  accessoires  sont  plus  nombreux.  D'ailleurs  les  couver- 
tures pourrissent  sur  place  et  donnent  au  sol  une  première 
avance  de  matière  organique. 

Puisque  l'on  commence  le  boisement  au  pied  même  de  la 


LA    MISE    in    VALEUB    P  \u    LB    imiH  \i  l  N  l  . 


is 


dune,  les  premiers  peuplements  créés,  sur  une  profondeur 
de  200  à  300  mètres,  fatigués  par  le  vent  de  mer,  restent  le 
plus  souvent  chétifs  et  rabougris;  mais,  à  L'abri  de  celte  zone 
de  protection,  les  massifs  qui  les  suivent  se  développent 
normalement  ;  on  constate  même  que  les  pins  de  la  dune 
fournissent,  à  dimension  égale,  plus  de  résine  que  ceux  de  ta 
lande. 

Ces  travaux  coûtent  nécessairement  assez  cher.  Dans  les 
Landes,  le  prix  de  revient  moyen  a  pu  être  établi  à  500  fr. 
par  hectare;  dans  les  dunes  de  la  Coubre,  il  n'a  pas  dépassé 
355  fr.  Mais  qu'est-ce,  en  somme,  que  cette  dépense  com- 
parée à  la  grandeur  des  résultats  obtenus  ? 

De  Bayonne  à  la  pointe  de  Grave,  la  dune  littorale  est 
entretenue  sur  un  développement  de  300  kilomètres.  Plus  de 
60.000  hectares  de  sables  ont  été  ainsi  reconquis  sur  les 
dépendances  de  la  mer,  au  grand  profit  de  la  richesse  pu- 
blique. Malheureusement,  les  funestes  aliénations  faites  de 
1861  à  1865  ont  enlevé  au  domaine  de  l'Etat  17.500  hectares, 
dont  la  soumission  au  régime  forestier  était  la  meilleure  sau- 
vegarde contre  les  abus  du  pâturage. 

Les  dunes  continentales.  — D'ailleurs,  les  effets  du  phéno- 
mène éolien  qui  préside  à  la  formation  et  au  déplacement  des 
dunes  ne  sont  pas  limités  aux  plages  maritimes.  Sur  les  diffé- 
rents points  de  l'immense  désert  qui  s'étend  des  confins  de 
la  Sibérie  au  cap  Vert,  le  sable  s'accumule  en  dunes.  Les  oasis 
du  sud  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie  sont  particulièrement 
exposées  à  des  invasions  de  cette  origine. 

Bien  que  les  mouvements  de  ces  dunes  continentales  n'affec- 
tent pas  les  allures  régulières  des  dunes  marines,  les  moyens 
pour  les  combattre  sont  à  peu  près  partout  les  mêmes,  et  les 
remarquables  travaux  exécutés  sur  les  côtes  de  France  peu- 
vent servir  de  modèles  en  toutes  situations.  On  se  contentera 
d'utiliser  des  feuilles  de  palmier  au  lieu  de  madriers,  ou 
d'employer,  au  lieu  de  nos  espèces  européennes,  celles  qu'on 
a  sous  la  main  (l).  Nous  ne  citerons  ici  aucun  nom  d'arbuste 
ou  de  plante  indigène;   mais,  dans  la  flore  saharienne,  nous 

(1)  Baraban,  A  travers  la  Tunisie.  Revue  des  Eaux  et  Forêts,  1886. 
Boppe  et  Jolyet.  31 


482 


LES    PEUPLEMENTS    ARTIFICIELS. 


retrouvons  encore  le  tamarix,  tout  indiqué  pour  protéger  de 
l'ensablement  les  sources  ou  les  puits  qui  sont  la  fortune 
pour  ces  régions  désolées.  Il  nous  rappelle  qu'en  toute  occa- 
sion et  sous  tous  les  climats,  si  la  nature  paraît  quelquefois 
peu  hospitalière,  du  moins,  donne-t-elle  à  l'homme  un  appui 
dans  les  végétaux  qui  font  la  forêt,  depuis  le  plus  grand  arbre 
jusqu'au  plus  humble  arbrisseau. 


ERRATA 

Page       2,  légende  de  la  figure  1  ;  au  lieu  de  :  en  bas,  collet  de  la  racine,  lire  :  au- 
dessous  du  bois  parfait,  niveau  du  collet  de  la  racine. 

—  SI,  ligne  25,  au  lieu  de  :  a  dit   quelque  part  Toussenel,  lire  :  a  dit  quelque 

part  M.  de  la  Blanchère. 

—  61,  légende  de  la  figure  26,  au  lieu  de  :  à  gauche  chênes  de  juin,  glands  de  la 

forêt  de  Petit-Noir  (Jura).  —  A  droite  :  chênes  pédoncules  ordinaires,  elc... 
lire  :  au  milieu  :  chênes  de  juin,  glands  de  la  forêt  de  Petit-Noir  (Jura). 
A  gauche  et  à  droite  :  chênes  pédoncules  ordinaires,  etc.. 

—  13c),  légende  de  la  figure  36,  lire  :  Un  chablis.  —  Sapinière  de  l'Annuelle  (Jura). 

(Photographie  de  M.  Albert  Kegad). 

—  279,  ligne  14,  au   lieu  de  :  devoir,  lire  :  revoir;   devoir  et  revoir  doivent  être 

en  italiques. 

—  206,  ligne  15,  au  lieu  de  :  quoiqu'il  en  soit,  lire  :  quoi  qu'il  en  soit. 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


Avant-propos.  v-vi 

Plan  de  l'ouvrage.  vu-xi 

CHAPITRE  PREMIER.  -  L'ARBRE. 
Article  premier.  —  Parties  constitutives  d'un  arbre. 

Partie  aérienne.  —  Enracinement.  —  Structure  du  bois.  —  Écorce.     1-0 

Article  II.  —  Forme  des  arbres. 

Élagage  naturel.  —  Forme  spécifique.  —  Influence  du  sol  et  du 
climat.  —  Forme  forestière.  —  Généralités  sur  l'accroissement.  — 
Accroissement  en  hauteur.  —  Accroissement  en  diamètre;  —  ses 
variations  suivant  les  espèces  et  les  individus;  —  ses  variations  dans 
un  même  arbre  ;  —  anomalies  diverses 6-22 

Article  III.  —  Reproduction  des  arbres. 

Brins  et  rejets.  —  Fertilité  des  arbres.  —  Germination  des  graines 
et  installation  des  semis.  —  Rejets  proventifs  et  rejets  adventifs.  — 
Influence  de  l'époque  de  l'exploitation  sur  l'évolution  des  rejets.  — 
Influence  du  mode  d'abatage.  —  Drageons.  —  Rejets  de  racine.  — 
Modes  spéciaux  d'exploitation 23-34 

CHAPITRE  II.  -  LES  ESSENCES. 

Article  premier.  —  Généralités. 

Définitions.  —  Tempérament.  —  Influence  de  la  lumière  ;  —  ....  de 
l'humidité  atmosphérique;  —  ....  de  la  température  et  autres.  — 
Aire  forestière.  —  Influence  des  qualités  chimiques  et  physiques  du 
sol;  —  ....  de  la  fertilité.  —  Essences  sociales  et  disséminées.  — 
Dissémination.  Longévité 35-55 

Article  II.  —  Monographie  des  principales  essences. 

Les  chênes  :  C.  rouvre  et  pédoncule,  C.  tauzin,  C.  liège,  C.  yeuse.  —  Le 
châtaignier.  —  Le  hêtre.  —  Le  charme.  —  Le  frêne.  —  Les  érables. 
—  Les  ormes.  —  Le  micocoulier.  —  Les  fruitiers.  —  Le  bouleau.  — 
Les   aunes.  —  Les    bois  tendres  :  tilleuls,   peupliers,  saules.  —  Le 


484  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIERES. 

sapin.  —  L'épicéa.  —  Le  mélèze.  —  Les  pins  :  P.  sylvestre,  P.  de 
montagne,  P.  maritime, P.  d'Alep,  P.  laricio  (de  Corse,  des  Cévennes, 
des  Pyrénées,  de  Calabre,  noir  d'Autriche),  P.  cembro 56-102 

CHAPITRE  III.  -  LES  PEUPLEMENTS 
Article  premier.  —  Généralités. 

Définition.  —  Genèse  d'un  peuplement.  —  Situation  particulière  du 
peuplement  forestier 103-104 

Article  IL  —  Action  réciproque  des  arbres  les  uns 
sur  les  autres. 

Les  peuplements  dans  la  forêt  sauvage.  —  Perturbations  apportées 
par  l'intervention  de  l'homme.  —  Origine  des  peuplements.  —  Leur 
forme.  —  Leur  consistance.  —  Leur  constitution  en  étages  de  végé- 
tation. —  Leur  composition  :  purs  ou  mélangés.  —  Mélanges  ration- 
nels. —  Le  hêtre.  —  Conduite  des  peuplements  mélangés.  —  État 
de  végétation  des  peuplements 104-116 

Article  III.  —  Action  des  arbres  sur  le  sol. 

Fertilité  permanente  des  sols  forestiers.  —  La  couverture.  —  La  cou- 
verture morte  ;  son  rôle  physique.  —  Le  terreau;  l'ameublissement 
du  sol  et  la  terre  à  bois.  —  Rôle  chimique  de  la  couverture  morte; 
l'acide  phosphorique  et  la  potasse  ;  l'azote.  —  Les  terreaux  acides 
et  tourbeux.  —  Rôle  du  sylviculteur  dans  la  constitution  de  la  cou- 
verture ;  dans  celle  du  terreau.  —  La  couverture  vivante.. .     116-125 

Article  IV.  —  Évolution  des  peuplements. 

Évolution  du  peuplement  uniforme.  —  États  de  développement  suc- 
cessifs des  futaies  régulières;  —  des  taillis  simples  réguliers.  —  Évo- 
lution des  peuplements  jardines  ou  furetés.  —  Résumé..  . .      125-128 

CHAPITRE  IV.  —  LES  FORÊTS. 
Généralités 129 

Article  premier.  —  Action  du  sol. 

Rôle  du  sol:  généralités;  classement.—  Sols  siliceux  :  propriétés  phy- 
siques; tapis  végétal;  allure  des  forêts;  sables  à  grains  fins;  alios, 
tourbières.  —  Sols  argileux  :  propriétés  physiques  ;  tapis  végétal  ; 
allure  des  forêts  ;  lœhm.  —  Sols  à  base  calcaire  :  propriétés  phy- 
siques; tapis  végétal  ;  allure  des  forêts  ;  marne 129-138 

Article  IL  —  Action  du  climat. 

I.  Aptitude  forestière.  —  II.  Les  climats  de  plaine;  caractères  géné- 
raux. —  Division  en  zones.  —  Zone  parisienne.  —  Zone  girondine. 
—  Zone  provençale.  —  III.  Le  climat  de  montagne  ;  caractères 
généraux.  —  Vosges.  —  Jura.  —  Alpes.  —  Plateau  central.  —  Py- 
rénées       138-162 


TABLli    ANALYTIQUE    DBS    MATIÈRES.  185 

CHAPITRE  V.  -  LE  TRAITEMENT. 

Article  premier.  —  Les  opérations  culturales. 

La  régénération.  —  Les  améliorations  :  les  dégagements  «le  semis;  — 
les  éclaircies;  leur  but  culturel;  —  leur  but  économique;  —  la  ma- 
nière de  les  conduire;  —  leur  importance 163-1  "7  { 

Article  II.  —  Notions  d'aménagement. 

Capital  forestier.  —  Définitions.  — Réalisation  de  la  possibilité  :  par 
contenance,  par  volume,  par  pied  d'arbre.  —  Observations  géné- 
rales       174-181 

CHAPITRE  VI.  —  LES  DIFFÉRENTS  MODES  DE  TRAITEMENT. 
Article  premier.   —  La  futaie  régulière. 

Principe  de  la  méthode.  —  Avantages  et  inconvénients.  —  La  régé- 
nération. —  Procédé  par  coupe  unique.  —  Procédé  par  coupes 
successives.  —  Soins  culturaux.  —  Application  aux  principales 
essences 182-207 

Article  II.  —  La  futaie  jardinée. 

Principe  de  la  méthode.  —  Avantages  et  inconvénients.  —  Cas  où  le 
jardinage  doit  être  maintenu,  —  Pratique  du  jardinage.  —  Les  rota- 
tions. —  Les  soins  culturaux.  —  Application  aux  différentes 
essences 207-217 

Article  III.  —  Le  taillis  simple  régulier. 

Principe  de  la  méthode.  —  Avantages  et  inconvénients.  —  Régénéra- 
tion. —  Soins  culturaux.  —  Application  dans  les  régions  tempérées  ; 

—  ....  dans   les    régions   méridionales;   —    ....   dans   des  cas   spé- 
ciaux      217-226 

Article  IV.  —  Le  taillis  simple  fureté. 

Forme  des  peuplements.  —  Circonstances  dans  lesquelles  il  se  justifie. 

—  Régénération.  —  Réglementation 226-229 

Article  V.  —  Le  taillis  sous  futaie. 

Constitution.  —  Solidarité  entre  la  futaie  et  le  taillis. —  Avantages  et 
inconvénients.  —  Régénération  du  taillis.  —  Constitution  de  la  futaie. 

—  Les  dégagements  de  semis.  —  Les  éclaircies 229-247 

Article  VI.  —  Amélioration  des  forêts  traitées  en  taillis 
simple  et  en  taillis  sous  futaie. 

Transformations  et  conversions.  —  Leur  peu  de  raison  d'être  dans 
les  bois  de  particuliers.  —  But  à  poursuivre.  —  Améliorations  pro- 
posées :  —  allongement  des  révolutions  ;  —  éducation  d'arbres  plus 
nombreux  ;  —  substitutions  d'essences 247-258 


486  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIÈRES. 

CHAPITRE  VII.  -  EXPLOITATION  ET  PROTECTION  DES  FORÊTS 

Article  premier.  —  Généralités. 

Article  II.  —  Dommages  causés  par  l'homme. 

Fait  du  propriétaire  :  à  l'occasion  des  exploitations;  —  des  élagages; 

—  des  émondages  ;  —  des  assainissements.  —  Fait  des  délinquants  : 
les  causes;  —  la  répression.  —  Les  concessions  de  menus  produits: 
tolérances  nécessaires;  —  menus  produits  végétaux;  —  menus  pro- 
duits minéraux.  —  Le  pâturage  :  la  situation  actuelle;  —  nocuité 
du  pâturage  suivant  les  régions;  —  influence  de  la  nature  du  bétail 
introduit;  —  de  l'état  des  peuplements;  —  conclusions.  —  Les 
incendies:  leurs  causes  et  leurs  conséquences;  —  régions  monta- 
gneuses; —  zone  parisienne;  —  régions  méridionales 260-297 

Article  III.  —  Dégâts  des  animaux. 

Les  mammifères.  —  Les  oiseaux.  —  Les  insectes 297-305 

Article  IV.  —  Dommages  causés  par  les  végétaux. 

Les  plantes  sarmenteuses.  —  Les  plantes  parasites.  —  Le  gui.  —  Les 
champignons.  —  Les  bactéries 305-309 

Article  V.  —  Dégâts  causés  par  les  météores. 

Généralités. —  Le  vent:  troisième  règle  d'assiette  et  massifs  de  protec- 
tion. —  Le  froid  et  les  tares  qu'il  engendre.  —  Les  coups  de  soleil. 

—  La  foudre.  —  La  neige  et  les  avalanches.  —  La  grêle,  le  givre  et  le 
verglas 31 0-322 

CHAPITRE  VIII.  —  LES  PEUPLEMENTS  ARTIFICIELS. 
Article  premier.  —  Observations  générales. 

But  à  poursuivre.  —  Définitions.  —  Les  différents  procédés  de  boise- 
ment      323-325 

Article  II.  —  Le  boisement  par  semis. 

Qualité  des  semences.  —  Leur  récolte.  —  Leur  conservation.  —  Pré- 
paration du  sol  avant  le  semis.  —  Les  différents  modes  de  semis  : 
en  plein  ou  à  la  volée  ;  —  par  places;  —  par  bandes  continues  ou  bri- 
sées; —  par  trous  ou  potets;  —  en  terrain  non  préparé  ;  —  expédi- 
tifs.  —  Répandage  de  la  semence.  —  Quantité  de  semence  à  employer. 

—  Saison  favorable  pour  faire  les  semis.  —  Application  aux  essences 
sociales.  —  Soins  à  donner  aux  semis 326-3  iS 

Article  III.  —  Le  boisement  par  plantations. 

Les  plants.  —  Qualité  des  plants..  —  Leur  origine.  —  Leur  âge  et 
leur  dimension 3 19-351 

Les  pépinières.  —  §  1er  Installation  d'une  pépinière  centrale.  — 
Capital  d'installation.  —  Choix  de  l'emplacement.  —  Division  du  ter- 


1  Mil  .1       \\  \M  I  [QI   I      DES     M\  in  ni  s. 


ÎS7 


pain,  -     Préparation  du  s<>l.  -    Lei  engrais.        Le  terreau.  —  Amé 
nagemenl   de  la  pépinière.  —  Sun    étendue.  —  Lei  outils.   —   Lef 
clôtures.  —  Les  dangers  à  combatl re •• . .     351  :;i>~ 

g  2.  Exploitation  de  la  pépinière.  Exécution  des  semis  :  en  plein;  — 
en  rigoles;  —  en  coffres; —  procédés  spéciaux  ;  quantité  de  grai- 
nes à  employer;  —  saison  des  semis.  —  Soin»  à  donner  aux  semis  -. 
pralinage  des  graines;  —  abris  contre  la  sécheresse  ;      abris  d'hiver; 

—  abris  contre  les  gelées  printannières  ;  —  abris   permanents  :  — 
arrosages el  irrigations;  —  sarclages;  —  binages.  —  Travaux  divers: 

repiquage  des  plants:  —  leur  extraction;  —    leur  taille  et  leur  rha- 
billage ;  —  transport  et  emballage 367-390 

§  3.  Pépinières  volantes  ou  locales.  —  Avantages.  —  Installa- 
tion       391 -392 

Exécution  des  plantations.  —  Préparation  du  sol.  —  Disposition 
des  plants.  —  Confection  et  dimension  des  trous.  —  Manipulation 
des  plants.  —  Plantation  à  racines  nues;  —  par  touffes;  —  en  butte; 

—  en  corbeilles.    —    Plantation    en   terrain   non   préparé.  —   Saison 
favorable  à  la  plantation.   —  Application  aux  principales  essences. 

—  Soins  à  donner  aux  plantations 392-513 

Article  IV.  —  Procédés  spéciaux  de  boisement. 

Les  boutures.  —  Les  plançons.  —  Les  marcottes 413-415 

Article  V.  —  Les  essences  de  boisement. 

1.  Généralités.  —  Choix  des  essences.  —  Caractères  de  la  forêt  arti- 
ficielle       415-117 

2.  Les  essences  indigènes.  —  Essences  résineuses.  —  Essences  feuil- 
lues. —  Mélanges 417-422 

3.  Les  essences  exotiques.  —  Généralités.  —  Le  choix  à  faire.  —  Les 
essences  les  mieux  connues.  —  Conclusions 422-431 

Article  VI.  —  La  mise  en  valeur  par  le  boisement. 

1.  Généralités.  —  Les  boisements  facultatifs.  —  Les  boisements  obli- 
gatoires. —  Règle  commune  à  tous  deux 431-433 

2.  Les  boisements  facultatifs.  —  a.  Les  améliorations  en  forêt:  Con- 
sidérations générales.  —  Applications  dans  les  futaies,  dans  les 
taillis 433-436 

b.  Les  terres  arables  abandonnées  par  l'agriculture:  Conditions  de 
déclassement.  —  Les  procédés  de  boisement.  —  Boisements  spéciaux. 

—  Arboriculture  fruitière.  —  Les  têtards;  les  arbres  d'émonde  et  les 
ramilles-fourrage 437-444 

c.  Les  terres  incultes  en  pays  de  plaines  et  de  coteaux  :  Les  landes. 

—  Les  friches.  —  Les  garrigues 444-450 

d.  Les  terrains  stables  en  montagne  :  Les  procédés  de  boisement.  — 
Les  prés-bois 450-455 


188  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIÈRES. 

3.  Les  boisements  obligatoires.  —  a.  La  restauration  des  montagnes 
dégradées:  Les  causes  de  la  dénudation.  —  La  méthode  de  travail 
suivie.  — .  Les  travaux  de  soutien.  —  Les  boisements  proprement 
dits  ;  —  traitement  des  parties  stables  ;  —  des  parties  mouvantes  ; 

—  des  terres  noires.  —  Les  enherbements.   —  Le  gazonnement.  — 
Conclusion 455- 17 1 

b.  La  fixation  des  dunes  :  Les  dunes  maritimes.  —  Les  moyens  d'action. 

—  La  dune  littorale.  —  Boisement  de  la  dune  blanche.  —  Les  dunes 
continentales 471-182 

Table  analytique  des  matières 483-488 


FIN    DE    LA    TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIERES. 


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1  vol.,  3  fr.  —  Physiologie.  1  vol.,  3  fr. 

Troisième  Examen  :  Pathologie  générale.  1  vol.,  3  fr.  —  Pathologie  interne.  3  vol.,  9  fr.  —  Patho- 
logie externe.  1  vol.  3  fr.  —  Chirurgie  des  régions.  2  vol.,  6  fr.  —  Anatomie  topographique,  4  vol., 
3  fr.  —  Bactériologie.  1  vol.,  3  fr.  —  Médecine  opératoire.  1  vol.,  3  fr.  —  Anatomie  pathologique. 
1  vol  ,  3  fr.   —  Accouchements.  1  vol.,  3  fr. 

Quatrième  Examen  :  Thérapeutique,  i  vol.,  3  fr.  —  Histoire  naturelle  médicale.  1  vol.,  3  fr.  —  Phar- 
macologie et  Matière  médicale.  1  vol.,  3  fr. —  Hygiène.  1  vol.,  3  fr.  — Médecine  légale.  1  vol.,  3  fr. 

Cinquième  Examen  :  Clinique  médicale  et  Diagnosiic.  1  vol.,  3  fr.  —  Clinique  chirurgicale.  1  vol.,  3  fr. 

—  Petite  Chirurgie  et  Thérapeutique  chirurgicale.  1  vol.,  3  fr. 

Examen  de  Médecin  auxiliaire  :  Airte-mémoire  de  l'Examen  de  Médecin  auxiliaire.  \  vol.,  3  fr. 

Le  Premier  Llore  de  Médecine 

Manuel  de  Propédeutique  pour  le  stage  hospitalier 

Par  J.  BOUGLÈ  I  et  A.    CAVASSE 

Chirurgien  des  Hôpitaux  de  Paris.  Ancien  interne  des  Hôpitaux  de  Paris. 

I    Partie  médicale,  1  vol.  in-18  jésus  de  447  pages,  avec  figures 5  fr. 

II.  Partie  chirurgicale,  4  vol.  in-18  jésus  de  531  pages,  avec  figures 5  fr. 

Les  2  parties  en  1  vol.,  reliure  d'amateur,  peau  souple,  tête  dorée 12  fr. 

Conférences  pour  l'Externat  des  Hôpitaux 

Par    les  Drs  SAULIEU   et    DUBOIS,  Internes  des  hôpitaux. 

Anatomie 

4901,  1  vol.  gr.  in-8  de  370  pages,  avec  277  figures 8  fr. 

Pathologie  et   Petite   Chirurgie 

1901,  1  vol.  gr.  in-8  de  334  pages,  avec  45  figures 8  fr. 

Conférences  pour  l'Internat  des  Hôpitaux 

Par  les  Drs  SAULIEU  et  DUBOIS,  Anciens  internes  des  hôpitaux. 

1902,  30  fascicules  gr.  in-8  de  48  pages  chacun,  avec  307  figures 30  fr. 

Chaque  fascicule  se  vend  séparément 1  fr. 

Fascicule  I.  Larynx  et  Trachée.  —  II.  Poumons  et  Plèvres.  —  III.  Cœur.  —  IV  et  V.  Thorax.  —  VI.  Crâne 
et  Face.  —  VII.  Œil  et  Oreille.  —  VIII.  Encéphale.  —  IX.  Moelle.  —  X.  Moelle  et  Rachis.  —  XI.  Cou 
et  Corps  thyroïde.  —  XII.  Langue,  Voile  du  Palais,  Amvgdales.  —  XIII.  Œsophage  et  Estomac.  — 
XIV.  Intestin.  —  XV.  Rectum  et  Périnée.  —  XVI.  Foie  et  Voies  biliaires.  —  XVII  et  XVIII.  Abdomen. 

—  XIX  et  XX.  Reins,  Uretères,  Vessie.  —  XXI.  Organes  génitaux  de  la  femme.  —  XXII.  Accouche- 
ments. —  XXIII.  Organes  génitaux  de  l'homme.  —  XXIV  et  XXV.  Membre  supérieur.  —  XXVI, 
XXV11  et  XXVIII.  Membre  inférieur.  —  XXIX  et  XXX.  Maladies  générales. 

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Aide-mémoire  de  Médecine  hospitalière,  $£$£$, 

{>etile  chirurgie,  pour  la  préparation  du  concours  de  l'externat,  par  le  professeur 
*aul  Lefert.  4  vol.  in-18  de  288  pages,  cart ....     3  fr. 

Dictionnaire  de  Médecine,  de  Chirurgie  et  de  Pharmacie 

Par  Emile  LITTRÉ  ET  DES  SCIENCES  QUI  S'Y  RAPPORTENT 

de  r  Académie  française  .*_/•.». 

et   de    l'Académie    de   médecine.  (Vingtième  édition) 

4903.  I  vol.  ?r.  in-8  de  1910  p.,  à  2  col.,  avec  fig.  *        25  fr. 


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DISSECTION  RéGNÂULT 

HISTOLOGIE   —  Sobotta 

90  fr.  —  Beauius  et  Boi  chabd. 

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Précis  de  Dissection  des  Régions 

Par  J.   RÉONAULT 

Prosecteur  à  l'Ecole  de  médecine  de  Toulon. 
1904,  1  vol  in-8  de  176  pages  avec  50  planches  coloriées 5  fr. 

Nouveaux  Éléments  d'Anatomie  descriptive 

Par  H.  BEAUNIS  I  et  A.   BOUCHARD 

Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Nancy.      I    Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux. 

Avec  557  figures  tirées  en  8  couleurs 

5e  édition.  1894,  1  vol.  in-8  de  1072  pages,  cartonné 25  fr. 

THBLEHOX  SYNOPTIQUES  DlfiïOJUIE  %oLL^™NY 

1899,  2  vol.  gr.  in-8  de  200  pages  chacun,  cartonnés 10  fr. 

ATLAS  MANUEL  D'ANATOMIE  -SS^- 

1895,  1  atlas  gr.  in-8,  de  27  planches  coloriées,  découpées  et  superposées,  cart.     40  fr. 

Aide-mémoire  d'Anatomie  lostéologie,  splanchnologie  et  organes  des  sens)  et 
d'enihryologie,  par  le  professeur  Paul  Lefert.  4e  édition.  1  vol.  in-18  de  276  pages, 
cartonné 3  fr. 

Aide-mémoire  d'Anatomie  à  l'Amphithéâtre,  dissection  et  technique  microsco- 
pique, arthrologie,  myologie,  angéiologie,  névrologie  et  découvertes  anatomiques, 
par  le  professeur  Paul  Lefert.  4e  édition.  1  vol.  in-18  de  306  pages,  cart. .     3  fr. 

Atlas-Manuel  d'Histologie  et  d'Anatomie  microscopique 

Par  le  Professeur  SOBOTTA  Édition  française  par  le  Dr  MULON 

far  le  *TOieî>!»eur  3UDU  i  i  j\    Préparateur  d"Histologie  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Préface  du  Dr  LAUNOIS,  Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
1903,  1  vol.  in-16  avec  89  pi.  coloriées,  relié  maroquin  souple,  tête  dorée..     20  fr. 

Guide  Pratique  d'Histologie 

Normale   et   Pathologique 

TECHNIQUE  ET  DIAGNOSTIC 

Par   L.  ALQUIER   et   E.    LEFAS 

Anciens   internes    des   hôpitaux   de   Paris. 

Préface  du    Professeur   CORNIL 

1902, 1  vol.  in-8  de  423  pages,  avec  151  figures  noires  et  coloriées 12  fr. 

Aide-mémoire  d'Histologie,  par  le  professeur  Paul  Lefert.  1897,  1  vol.  in-18  de 
317  pages,  avec  64  fig.,  cart 3  fr. 

Précis  de  Microscopie,  par  le  Dr  Couvreur.  1888,  1  vol.  in-16  de  350  pages,  avec 
112  fig.,  cart 4  fr. 

La  Technique  microscopique  et  histologique,  par  le  professeur  Mathias  Duval. 
1878,  1  vol.  in-16  de  313  pages,  avec  43  fig 3  fr.  50 


MICROBIOLOGIE  Macé.  25  fr.— Besson.     14  fr. 

PARASITOLOGIE  Momez 10  fr. 

ANATOMIE  PATHOLOGIQUE Co'y.ne 15  tr. 


Traité  pratique  de  Bactériologie 

Par  E.  MACE,  Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Nancy. 
5e  édition.  1904,  1  vol.  gr.  in-8  de  1295  pages,  avec  361  fig.,  cart 25  fr. 

ATLAS  DE  MICROBIOLOGIE     parE.MAcé 

1  vol.  gr.  in-8  de  60  planches  en  8  couleurs,  cart 32  fr. 

Technique  microbiologique  et  sérothérapique 

Par  le  Dr  BESSON,   Directeur  du  Laboratoire  de  Bactériologie  de  l'hôpital  Péan. 
3e  édition.  1904,  1  vol.  in-8  de  847  pages,  avec  340  fig.  noires  et  coloriées...     14  fr. 

Aide-mémoire  de  Bactériologie,  par  le  professeur  P.  Lefert.  1901,  1  vol.  in-18 

de  275  pages,  cart 3  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Bactériologie  médicale,  par  Dupont.  1901,  1  vol,  in-18 

de  80  pages,  cart I  fr.  50 

Guide  pour  les  Analyses  de  Bactériologie  clinique,  par  L.  Feltz.  1898,  1  vol. 

in-18  de  282  pages,  avec  111  fig.,  cart 3  fr. 

Les  Microbes  pathogènes,  par  Ch.  Bouchard,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine 

de  Paris.  1892,  1  vol.  in-16  de  304  pages 3  fr.  5Q 

Traité  élémentaire    de    ^arasitologie 

Par  R.  MONIEZ,  Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 
i896,  1  vol.  in-8  de  680  pages,  avec  111  figures 10  fr. 

Atlas-Manuel    d'Histologie    pathologique 

Par  le  Dr  DURCK 

Édition  française,  par  le  Dr  GOUGET,  Professeur  agtégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
£901,  1  vol.  in-16,  avec  120  planches  chromolithographiées,  relié  en  peau  souple,, 
tête  dorée 20  fr. 

Atlas-Manuel  d'Anatomie  pathologique,  ^^e£T 

tion  française,  par  le  Dr  Gouget.  1902,  1   vol.  in-16,  avec  137  planches  coloriées^ 
relié  maroquin  souple,  tête  dorée , 20  fr. 

Traité  élémentaire  d'Anatomie  pathologique 

Par  R.  COYNE,   Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux. 
V>  édition.  1903,  1  vol.  in-8  de  1056  p.,  avec  355  fig.  noires  et  coloriées 15  fr. 

Aide-mémoire  d'Anatomie  pathologique,  d'histologie  pathologique  et  de  tech- 
nique des  autopsies,  par  le  professeur  P.  Lefeut.  3e  édition.  1898,  1  vol.  in-18  de 
296  pages,  cart 3  ]'r. 

Traite  d'Histologie  pathologique,  par  le  professeur  Rindfleisch.  28  édition,  par 
F.  Gkoss  et  J.  Schmidt,  professeurs  à  la  Faculté  de  Nancy.  1888,  1  vol.  gr.  in-8  de 
869  pages,  avec  359  fig 15  fr. 

Tableaux  synoptiques  pour  la  Pratique  des  Autopsies,  parle  Dr  Valéry.  1902, 
1  vol.  in-18  de  72  pages,  avec  fig.,  cart I  fr.  50 

Hématologie  et  Cytologie  cliniques,  par  le  Dr  Lefas.  préface  par  P.-E.  Launois, 
professeur  agrégea  la  Faculté  de  médecine  de  Paris.  1904, 1  vol.  in-18  de  198  pages, 
avec  5  planches  coloriées,  cart 3  fr. 


PATHOLOGIE  GÉNÉRALE 

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Traité  Elémentaire  de  Pathologie  Générale 


PAR     MM. 

E.   APERT 

Médecin  des  hôpitaux  de  Paris. 


H.  HALLOPEAU 

Professeur  agrégé 
à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

6e  édition.  1904,  1  vol.  in-8  de  952  pages,  avec  192  figures 12  fr. 


Tableaux  Synoptiques  de  pathologie  générale,  par  le  Docteur  Coutance.  1890» 
1  vol.  gr.  in-8  de  200  pages,  cartonné  (Collection   Villeroy) 5  fr. 

Aide-mémoire  de  Pathologie  générale,  par  le  professeur  P.  Lefkht,  3e  édition. 
1900,  1  vol.  in-18  de  300  pages,  cartonne 3  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Pathologie  interne 

Par  le  D'  VILLEROY 

2e  édition.  1899, 1  vol.  gr.  in-8  de  208  pages,  cartonné 5  fr. 

&Lide-£Mémoire    de     Pathologie    interne 

Par  le  Professeur  Paul  LEFERT 

1899,  3  vol.  in-18,  ensemble  858  pages,  reliés  en  1  volume  maroquin  souple.     10  fr. 

ÉLÉMENTS  de  PATHOLOGIE  MÉDICALE 


PAR     MM. 


A.    LAVERAN 

Membre  de  l'Institut  et  de  l'Académie 
de  médecine. 


J.  TEISSIER 

Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lyon, 
Médecin  des  hôpitaux. 


Sédition.  1894,  2  volumes  in-8,  1866  pages,  125  figures 22  fr. 

La  Pratique  journalière  de  la  Médecine  dans  les  Hôpitaux  de  Paris,  parle  pro- 
fesseur P.  Lefert.  1895,  1  vol.  in-18  de  288  pages,  cartonné 3  fr. 

Traité  des  Maladies  de  l'Estomac,  par  I..  Bouveret,  professeur  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Lyon.  1893,  1  vol.  gr.  in-8  de  743  pages 14  fr. 

Séméiologie  et  Thérapeutique  des  Maladies  de  l'Estomac,  par  le  Dr  Frenkel, 
professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Toulouse.  1900,  1  vol.  in-16  de  550  pages, 
cartonné 7  fr.  50 

Aide-mémoire  des  Maladies  de  l'Estomac,  par  le  professeur  P.  Lefert.  1900, 
1  vol.  in-18  de  304  pages,  cartonné 3  fr. 

Aide-mémoire  des  Maladies  de  l'Intestin,  par  le  professeur  P.  Lefert.  1901, 
1  vol.  in-18  de  285  pages,  cartonné 3  fr. 

Aide-mémoire  des  Maladies  des  Poumons,  par  P.  Lefert.  1902,  1  vol.  in-18 
de  273  pages,  cartonné 3  fr. 

Aide-mémoire  des  Maladies  du  Cœur,  par  le  professeur  P.  Lefert.  1901,  1  vol. 

in-18  de  285  pages,  cartonné 3  fr. 

Diagnostic  et  Traitement  des  Maladies  infectieuses,  par  le  professeur  Schmitt 

(de  Nancy).  1902,  1  vol.  in-18  de  504  pages,  cartonné.    6  fr. 

GUIDE  du  MÉDECIN  PRATICIEN 

Aide-Mémoire  de  Médecine,  de  Chirurgie  et  d'Accouchement 
Par  P.  GUIBAL,   Interne  des  hôpitaux  de  Paris. 
(903,  1  vol.  in-18  jésus  de  676  pages  avec  349  figures,  cartonné 7  fr.  50 


PATHOLOGIE  EXTERNE  Llfert.  . .     10  fr.  —  Gross...     60  fr. 

OPHTALMOLOGIE    Haab 15  fr. 

LARYNGOLOGIE Castex 14  fr. 


Nouveaux  Éléments  de  Pathologie  chirurgicale 

Par  F.  GROSS,  J.  ROHMER,  A.  VAUTRIN  et  P.  ANDRÉ 

Professeurs  à  la  Faculté  de  médecine  de  Nancy. 

Nouvelle  édition  augmentée  de  27 2 pages. 

Î900,  4  vol.  in-8,  ens.  4474  pages,  reliés  en  maroquin  souple,  tête  dorée  ...     60  fr. 


Tableaux  synoptiques  de  Pathologie  externe 

Par  le  Dr  VILLE  ROY 

DeuriAme  édition.  4899,  1  vol.  gr.  in-8  de  208  pages,  cartonné 5  fr. 

Aide-mémoire  de  Pathologie  externe,  par  le  professeur  Paul  Lefert.  1899,  3  vol. 

in  18  de  300  pages,  reliés  en  un  volume  maroquin  souple 10  fr. 

La  Pratique  journalière   de  la  Chirurgie   dans   les  hôpitaux   de  Paris,   par  le 

professeur  I»aul  Lekekt.  1894, 1  vol.  in-18  de  324  pag«s,  cartonné 3  fr. 

Atlas-Manuel   des   Fractures  et  des   Luxations,   par  le  professeur  Helferich. 

2e  édition,  parle  Dr  Paul  Delbet.  1901,  1  vol.  in-16  de  448  pages,  avec  68  planches 

coloriées  et  137  figures,  relié •     20  fr. 

Atlas-Manuel  de  Chirurgie    orthopédique,   par  les   D™  Luning,    Schulthess   et 

Villemin,  chirurgien  des  hôpitaux  de  Paris.  1902,  1  vol.  in-18  de  348  pages,  avec 

250  figures  et  16  planches  coloriées,  relié 16  fr. 

Chirurgie  des  Centres  nerveux,  par  le  Dr  Glantenay.  1897,  1  vol.  in-16  de  300  p., 

avec  30  figures,  cartonné 5  fr. 

Chirurgie   du    Médiastin  antérieur,   par  le  Dr  Auvray,  professeur  agrégé  à  la 

Faculté  de  médecine  de  Paris.  1904,  1  vol.  in-8  de  224  p.,  avec  23  pi 6  fr. 

Atlas-Manuel  d'Ophtalmoscopie,  par  le  professeur  Haab.  Edition  française,  par  le 

D'  Tehsôn.  chef  de  clinique  ophtalmologique  à  l'Hôtel-Dieu.  3e  édition.  liJOi,  1  vol. 

in-16  de  276  pages,  avec  88  planches  coloriées,  relié 15  fr. 

Atlas-Manuel  des  Maladies  externes  de  l'Œil,  par  Haab  et  le  Dr  Terson.  1^00. 

2e  édition,  1905,  1  vol.  in-16  de  284  pages,  avec  40  pi.  coloriées,  relié 15  fr. 

Traité  des  Maladies  des  Yeux,  par  le  Dr  Galezowski.  3e  édition.  1888,  1  vol.  in-8 

de   1030  pages,  avec  483  figures 20  fr. 

Technique  ophtalmologique,  par  A. Terson.  1898,1  vol.  in-18,  avec -ç3  fig.,  cart.  4  fr. 
Chirurgieoculaire.par  A. Terson.  1900,1  vol. in-18de540p.,avecfig., cart.  7  fr.  50 
Précis  d'Ophtalmologie  journalière,  par  les  D1'8  H.  Puech  et  Ch.  Fromaget.  1900, 

1  vol.  in-16  de  368  pages,  avec  figures,  cartonné 5   fr. 

Maladies  du  Larynx,  du  Nez  et  des  Oreilles,  par  le  D'  A.  Castex,  chargé  du 
cours  de  laryngologie  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris.  2«  édition.  1903,  1  vol. 
in-18  de  922  pages,  avec  264  figures,  cartonné 14  fr. 

Atlas-Manuel  des  Maladies  du  Larynx,  par  le  Dr  Grunwald.  Edition  française, 
par  les  Drs  Castex  et  Collinet.  2e  édition.  1903,  1  vol.  in-16  de  244  pages,  avec 
44  planches  coloriées,  relié  en  maroquin  souple,  tête  dorée 14  fr. 

Atlas  Manuel  des  Maladies  de  la  Bouche,  du  Pharynx  et  des  Fosses  nasales, , 
parles  Dr*  Grunwald  etL\URENS.  1903,  1  vol.  in-16  de  197  pages,  avec  42  planches 
coloriées,  relié  en  maroquin,  tète  dorée 14  fr. 

Atlas-Manuel  des  Maladies  de  l'Oreille,  par  les  Drs  Bruhl,  Politzer  et  Lauhens. 

1902,  1  vol.  in-18  de  395  p.,  avec  88  fig.  et  33  planches  coloriées,  relié 18  fr. 

Manuel  du  Chirurgien-Dentiste,  par  le  Dr  Godon.  1904,  9  vol.  in-18,  cart..  27  fr. 
Atlas-Manuel    des   Maladies  des  Dents,  par  les   Drs   Preiswerck  et  Chompret,  , 

dentiste  des  hôpitaux  de  Paris.  1904,  1  vol.  in-16  de  366  pages,  avec  44  planches] 
coloriées  et  163  figures,  relié  maroquin  souple,  tête  dorée 18  fr. 

Chirurgie  des  Voies  urinaires,  par  le  Dr  Chevalier,  chirurgien  des  hôpitaux. 
Préface  du  professeur  Guyon.  1898,  1  vol.  in-16  de  360  p.,  avec  85  fig.,  cart.     5  fr. 

Consultations  sur'les  Maladies  des  Voies  urinaires,  par  G.  de  Rouville,  pro- 
fesseur agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Montpellier.  Préface  parle  DrTuFFiER. 

1903,  1  vol.  in-8  de  272  pages,  avec  110  figures 5  fr. 


ANATOMIE  TOPOGRAPHIQUE   Sciillïze  et  Lie»  nf: 24  fr. 

MÉDECINE  OPÉRATOIRE ZuCKEMUtcpi,  et  MoUCUtT.      16  fr. 

Tableaux   synoptiques   d'Ànatomie   topographique 

ET      CHIRURGICALE 
Par  le  Dr  BOUTIGNY 

1901,  1  vol.  gr.  in-8  do  176  pages,  avec  117  figures,  cart 6  fr. 

PRÉCIS   D'ANATOMIE   TOPOGRAPHIQUE 

Par  le   Professeur  RUD1NGER 

Édition  française  par  Paul  Dblbet,  chef  de  clinique  à.  la  Faculté  de  médecine. 

Préface  par  A.  Lk  Dkntc,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

1893,  1  vol.  gr.  in-8  de  252  pages,  avec  G8  figures  en  couleurs,  cartonné 8  fr. 

Tableaux  synoptiques  d'Exploration  chirurgicale  des  Organes,  par  le  D1  Cham- 

PSAUX,  ancien  interne  de»  hôpitaux  de   Pari».  1901,   1  vol.  gr.  in-8  de  170  pages, 

cartonné.  (Collée/ ion  Yilleroy) 5  fy. 

Aide-mémoire  d'Anatomie  topographique,  par  le  professeur  P.  Lefert.  1894, 
1  vol.  in-18  de  298  pages,  cartonné 3  jj-. 

Tableaux  synoptiques  de  Médecine  opératoire 

Par  le  Dr  LAVA RÈ DE 

1900,  1  vol.  gr.  in-8  de  208  pages,  avec  150  fig.  dessinées  par  G.  Devy,  cart.     6  fr. 

Atlas=Manuel   de  Chirurgie  opératoire 

Par   le    Professeur   ZUCKtRKANDL 

Deuxième  édi/ion,  par  A.  Mouchet,  chef  de  clinique  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
Préface  par  le  Dr  Quénu,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Paris. 

1900,  1   vol.  in-16  de  436  pages,  avec  266  figures  et  24  planches  coloriées,  relié 
maroquin  souple 13  fr> 


Guide  pratique  de  Technique  opératoire,  par  le  Dr  J.  Brault,  professeur  à 
l'Ecole  de.  médecine  d'Alger.  19U3,  1  vol.  in-18  de  332  pages,  cartonné 3  i'r. 

Aide-mémoire  de  Médecine  opératoire,  par  le  professeur  P.  Lefert.  1  vol.  in-18 
de  31a  pages,  cartonné 3  fr. 

Précis  d'Opérations  de  Chirurgie,  par  le  Dr  J.  Chauvel,  professeur  au  Val-de- 
Gràce.  3e  édition.  1891,  1  vol.  in-16  de  894  p.,  avec  350  lig.,  cart 9  fr. 

Précis  de  Médecine  opératoire,  par  le  Dr  Eu.  Le  Bec  1885,  1  vol.  in-18  jésus  de 
460  pages,  avec  4  : 0  fig 6  fr. 

La  Pratique  des  Opérations  nouvelles  en  Chirurgie,  par  le  Dr  Guillemain,  chi- 
rurgien des  hôpitaux  de  Paris.  1895, 1  vol.  in-18  de  334  pages,  avec  lig.,  cart.     5  f-. 

La  Pratique  de  l'Asepsie  et  de  I  Antisepsie  en  chirurgie,  par  Ed.  Schwartz, 
agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris.  1894,  1  vol.  in-18  de  388  pages,  avec 
56  figures,  cartonné 6  fr. 

Atlas-itfianuel  des  Bandages,  Pansements  et  Appareils 

Par  A    HOFFA 

Édition  française  par  P.  Hallopeau,  interne  des  hôpitaux  de  Paris. 

Préface  de  M.  le  prefesseur  Paul  Beruer. 

1900,  1  vol.  in-16  de  160  pages,  avec  128  planches,  relié  en  maroquin  souple.     14  fr. 

Aide-mémoire  de    etite  Chirurgie,  par  P.  Lefeht.  lvol.  in-18  de  340  p.,  cart.     3  Ir. 

Traité  de  l'Anesthésie  générale  et  locale,  par  les  Drs  Dumont  et  Cathelin.  l(Jn±, 

1  vol.  in-8  de  376  pages,  avec  160  figures 8  fr. 


THÉRAPEUTIQUE^0™ 24  *•      î 

(  Herzen 7  fr.   50 

FORMULAIRES  —   Breuil 4  fr.      » 


Traité  élémentaire  de  Thérapeutique 

de  Matière  médicale  et  de  Pharmacologie 
Par  A.  MANQUAT 

Professeur  agrégé  à  l'École  du  Val-de-Grâce. 
5e  édition.  1903,  2  vol.  in-8,  ensemble  2104  pages 24  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Thérapeutique 

Par  le   Dr   H.    DURAND,    Ancien  interne  des  hôpitaux. 
1899,  1  vol.  gr.  in-8  de  208  pages,  cartonné  (Collection  Villeroy) 5  fr. 

Aide-mémoire  de  Thérapeutique,  par  le  professeur  P.  Lefert.  1896,  1  vol.  in-18 
de  318  pages,  cartonné 3  fr. 

éléments  de  IVUUère  médicale  et  de  Thérapeutique,  par  Nothnagel  et  Rossbach. 
Introduction  par  le  professeur  Ch.  Bouchard.  2e  édition.  1889,  1  vol.  gr.  in-8  de 
913  pages 16  fr. 

Principes  de  Diététique,  par  H.  Labre.  1904,  1  vol.  in-18  de  334  pages.     3  fr.  50 

Précis  d'Électrothérapie,  par  le  Dr  Bormer.  Préface  par  le  professeur  d'Arsonval. 
2e  édition.  1902,  1  vol.  in-18  de  516  pages,  avec  162  figures,  cartonné 8  fr. 


Guide  et  Formulaire  de  Thérapeutique 

Par  le  Dr  HERZEN 

3«  édition.  1905,  1  vol.  in-16  de  700  pages,  cartonné 9  fr. 

Édition   de    poche,  imprimée  sur  papier  de   riz  indien   (extra-mince),   relié  peau 
souple 10  fr. 

Poids  :  sur  papier  ordinaire,  700  grammes  ;  —  sur  papier  indien,  200  grammes. 

L'ART    DE    FORMULER 

Indications.  —  Mode  d'emploi.  —  Posologie  des  médicaments  usuels. 

Par  le  Dr  BREUIL 

1903,   1   vol.  in-18  de  344  pages,  papier  indien  extra-mince,  format  portefeuille, 

cart 4  fr. 

Le  même,  papier  ordinaire,  cart 4  fr. 

Formulaire  électrothérapique,  par  le  Dr  Régnier.  1899,  1  vol.  in-18,  cart.  3  fr. 
Formulaire  d'Hydrothérapie,  par  le  Dr  O.  Martin.  1900,  1  vol.  in-18  de  252  pages, 

avec  figures,  cartonné 3  fr. 

Formulaire  du   Massage,   par  le    Dr  Norstrôm.  1900,  1  vol.  in-18  de  268  pages, 

avec  figures,  cartonné 3  fr. 

Mémorial    Thérapeutique 

Par   C    DANIEL,   interne  des  hôpitaux  de  Paris. 

1903,1  voi.  in-32  de  240  p.,  sur  papier  de  riz  indien  (format  portefeuille).  2  fr.  50 
Relié  œarotiuin  souple,  tôte  dorée 3  fr.  50 


UROLOGIE F.  Guyon 37  IV.  50 

DERMATOLOGIE  RalLOPEAU.     30  fr.  —  MilACEK..     20  lr.      » 

NEUROLOGIE  Jâkob 20  fr.  —  Weygaïidt    24  fr.      »> 


Iieçons  cliniques  sur  les  Maladies  des  Voies  urinaires 

Par  Félix  GUYON,  Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
48  édition.    1903,  3   vol.   in-8,    de    1891  pages,   avec  146  flg.  et  15  pi.     37  fr.  50 

TRAITÉ    DE    DERMATOLOGIE 


PAR     LES     DOCTEURS 

HALLOPEAU 

Prof.  agr.  à  la  Faculté  de  médecine,  médecin  de 
Sainl-Luui>,  membre  de  l'Académie  de  médecine. 


LEREDDE 

Chef  de  Laboratoire  à  Saint-Louis. 


1900,  1  vol.  gr.  in-8  de  996  pages,  avec  24  planches  coloriées,  cart 30  fr. 

Atlas-Manuel  des  Maladies  de  la  Peau,  riï^^ZXiï*^ 

hôpitaux  de  Paris,  :2e  édition.  1905,  1  vol.  in-18  de  350  p.,  avec  03  pi.  coloriées, 
relié   maroquin  souple 20  fv. 

Diagnostic  et  Traitement  des  Maladies  de  la  Peau,  par  le  Dr  Barre.  Préface  du 

professeur  Gaucheh.  1901,  1  vol.  in-18  de  332  pages,  cartonné 5  IV. 

Aide-mémoire  de  Dermatologie,  par  P.  Lefert.  1900,  1  vol.  in-18,  cartonné..     3  IV. 

Atlas-Manuel  des  Maladies  Vénériennes,  ^StSS^JSat 

clinique  de  la  Faculté  de  médecine  de   Paris.  2e  édition.  1904,  1    vol.   in-18  de 
428  pages  avec  71  pi.  color.,  relié  maroquin,  tête  dorée 20  fr. 

Précis  des  Maladies  vénériennes,  par  le  Dr  Audry,  professeur  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Toulouse.  1901,  1  vol.  in-16  de  342  pages,  cartonné 5  fr. 

Traité  pratique  des  Maladies  vénériennes,  par  Louis  Jullien,  chirurgien  de 
Saint-Lazare.  3e  édition.  1808,  1  vol.  in-8  de  1270  pages  avec  246  figures.     20  fr. 

Leçons  sur  les  Maladies  vénériennes,  professées  à  l'hôpital  du  Midi,  par  Ch.  Mau- 
riac 1890.  2  vol.  gr.  in-8.  2250  pages ...    38  fr. 

Atlas-Manuel  des  Maladies  du  Système  nerveux 

Par  les  Dr  ShIFFER  et  QASNE,  Médecin  des  hôpitaux  de  Paris.     DIAGNOSTIC etTRAITEMENT 
1905,  1  vol.  in-16  de  450  pages  avec  26  planches  coloriées  et  264  fig.  Relié..     20  fr. 


Atlas-Manuel  du  Système  nerveux 


Anatomie 
et  Pathologie 

Par  C.  JAKOB  et  A.   REMOND,  Professeur  à  la  Faculté  de  Toulouse. 
1900, 1  vol.  in-16  de  364  p.,  avec  84  planches  coloriées,  relié  maroquin  souple.     20  fr. 

Les  Centres  nerveux,  physio-pathologie  clinique,  par  le  professeur  J.  Grasset,  de 

Montpellier.  1005,  1  vol.  in-8  de  400  pages,  avec  60  lig.  et  26  tableaux 12  IV. 

Diagnostic  et  Traitement  des  Maladies  nerveuses,  parie  ûr  J.  Roux,  médecin 

des  hôpitaux  de  Saml-litienne.  1901,  1  vol.  in-10  de  500  puges,  cartonné.  7  fr.  50 
Aide-mémoire  de  Neurologie,  par  P  Lefeut.  1899,  1  vol.  in-18  de3u0p.,  cart.  3  fr. 
Traité  des  Maladies  de  la  Moelle  épinière.  parles  Drt  Deieiune,  professeur  à  la 

Faculté  «le  médecine  de  Paris, et  Thomas.  1902, 1  vol.  in-8  île  458  p.,  avec  162  fig.  9  fr. 
Traité  des  Maladies  mentales,  par  Dagojnet.  18U4,  1  vol.  gr.  in-8  de  850  p.  20  IV. 
Traité  des  Maladies  mentales,  par  A.  Cullerrë.  1SS9.  1  vol.  in-18  de  608  p.  6  lr. 
Traité   de    Thérapeutique    des    Maladies    mentales   et    nerveuses,    par    les 

D1'*  Garnieu  et  Cololian.  1901,  1  vol.  in-8  de  490  pages 7  fr. 

êAtlas-manuel  de  ^Psychiatrie  ^weTuandt 

et  le  Dr  ROUBINOVl  TCH,  Médecin  de  la  Salpètrière. 
1903,  1  vol.  in-10  de  043  pages  avec  24  planches  coloriées  et  264  fig.  Relié..     24  ft 


OBSTÉTRIQUE.  Schiffer  et  Potocki.     20  fr.  —   Penard..       6  fr. 

GYNÉCOLOGIE.  Schiffer,  Bouglé,  Second 20  fr.  et     15  fr. 

PÉDIA  TRIE   —  d'Espine  et  Picot 16  fr. 

ATLAS-MANUEL  D'OBSTÉTRIQUE  Par^SrER 

et  le  Dr  POTOCKI, 

Professeur  agrégé  de  la  Faculté  de  médecine,  accoucheur  des  hôpitaux  de  Paris. 

Préface  par  le   Professeur  PINARD 

1S01,  1  vol.  in-16  de  472  p.,  avec  155  pi.  col.,  relié 20  fr. 

Tableaux  synoptiques  d'Obstétrique 

Par  les  D"  SAULIEU  et  LEBIEF 

1900,  1  vol.  gr.  in-8  de  200  pages,  avec  100  planches  photographiques,  cart..     6  fr. 

L ■ — ■ — — — — — — — ^ — — ^— 

Guide  pratique  de  l'Accoucheur,  par  L.  Pénard  et  G.  Abelin.  8e  édition.  1896, 

1  vol.  in- 18  de  708  pages    avec  243  ligures,  cartonné. 6  fr. 

Traité  pratique  des  Accouchements,  par  A.  Charpentier,  professeur  agrégé  à  la 

Faculté  de  médecine  de  Paris.  2°  édition.  1890,  2  vol.  in-8  de  chacun  1000  pages, 
avec  930  figures 30  fr. 

Aide-mémoire  de  l'Art  des  Accouchements,  par  le  professeur  P.  Lefert. 
2e  édition.  1898,  1  vol.  in-18  de  286  pages,  cartonné 3  fr. 

Anatomie  topographique  obstétricale,  par  le  Dp  Carbonelli.  Préface  du  pro- 
fesseur P.  Bah.  1905,  1  vol.  in-4  avec  planches  coloriées 20  fr. 

Précis  de  Médecine  opératoire  obstétricale,  par  J.  Remy,  agrégé  à  la  Faculté  de 
Nancy.  1893,  1  vol.  in-18   de  460  pages,  avec  185  figures,  cartonné 6  fr. 

Atlas-Manuel  de  Gynécologie  Par  ,e  S&«K* 

et  le  Dr  J.  BOUGLE,  Chirurgien  des  hôpitaux  de  Paris. 

1903,  1  vol.  in-16  de  333  pages,  avec  90  planches  en  couleur,  relié 20  fr. 

Atlas-Manuel  de  Technique  gynécologique 

Par  les  Professeurs  SCHAEFFER,  P.  SEGOND  et  le  Dr  LENOIR 

1904,  1  volume  in-16  de  200  pages,  avec  42  planches  coloriées,  relié 15  fr. 

Précis  de  Gynécologie  pratique,  par  le  Dr  Fournier,  professeur  à  l'École  de 
médecine  d'Amiens.  2e  édition.  1903,  1  vol.  in-16,  392  pages,  149  fîg.,  cart.     5  fr. 

Traité  pratique  de  Gynécologie,  par  S.  Bonnet  et  P.  Petit.  Introduction  par  le 
D'A.  Chaiu'Entieu.  1894,1  vol.  in-8  de  804  p.,  avec  297  fîg.,  dont  90  en  couleurs.     15  fr. 

Aide-mémoire  de  Gynécologie,  par  P.  Lefert.  1900,  1  vol.  in-18,  cart.    ..     3  fr. 

Consultations  gynécologiques,  par  le  Dr  De  Rouville,  professeur  agrégé  à  la 
Faculté  de  Montpellier.    Préface  du  Dr  Lucas-Chamfionnière.  1901,  1  vol.  in-8  de 

2  'kl  pages,  avec  72  lig.  noires  et  coloriées 5  fr. 

Traité  pratique  des  Maladies  de   l'Enfance 

Par  A.   D'ESPllNE  et  C.  PICOT,  Médecins  des  hôpitaux  de  Genève, 
ô*  édition.  1900,  1  vol.  gr.  in-8  de  996  pages 16  fr. 

Précis  de' Médecine  infantile,  par  le  Dr  H.  Legrand.  1903.1  vol.  in-16  de  432  p.     4  fr. 

Aide-mémoire  de  Médecine  et  de  Chirurgie  infantile,  par  le  professeur 
1».  Lefeht.  1901,  t  vol.  in-18  de  300  pages,  cartonnés,  chaque 3  fr. 

Formulaire  de  Thérapeutique  infantile,  par  le  Dr  Fouineau.  Préface  du  profes- 
seur HiTiNEi..  1901,  1  vol.  in-18  de  326  pages,  cartonné 3  fr. 

Formulaire  d'Hyg.ène  infantile,  par  le  Dr  Gillet.  1898,  2  vol.  in-18,  cart.     6  fr. 


HYGIÈNE  Aiiv.ru> 20  fr 

MÉDECINE  LÉGALE  Vibert 10  fr 

TOXICOLOGIE VilEM 10  fr 


NOUVEAUX    ÉLÉMENTS    D'HYGIÈNE 

Par  le  Dr  ARNOULD,  Professeur  à  la  Farulié  de  médecine  de  Lille. 
5e  édition.  1905,  1  vol.  gr.  in-8  do  1024  pages,  avec  233  fig.,  cart 20  fr. 

Tableaux  synoptiques  d'Hygiène,  parleDr  Reille.  1900,  1  vol.  gr.  in-8  de  200  p., 
cartonné  ( Collection  Villeroy) 5  f r. 

Aide-mémoire  d'Hygiène,  par  le  professeur  P.  Lefert.  be  édition.  1903,  1  vol.  in-18 
de  288  pages,  cart 3  fr. 

Traité  d'Hygiène  militaire,  par  G.  Morache.  188G,  1  vol.  in-8  de  930  pages,  avec 
173  ûgures  15  fr. 

Manuel  du  Médecin  militaire,  parle  Dr  Coustan.  1897,  3  vol.  in-18,  cart...     9  fr. 

Hygiène  Coloniale,  par  G.  Reynaud,  médecin,  en  chef  des  Colonies  en  retraite,  pro- 
fesseur d'hygiène  à  l'Institut  colonial  de  Marseille.  1903,  2  vol.  in-18  de  818  pages, 
avec  17  planches  et  96  fîg.,  cart 10  fr. 

Traité  des  Maladies  des  Pays  chauds,  par  le  Dr  J.  Brault,  professeur  à  l'Ecole 
de  médecine  d'Alger.  1900,  1  vol.  gr.  in-8  de  530  p.,  avec  fîg 10  fr. 

PRÉCIS  DE  MÉDECINE  LÉGALE 

Par  le  Dr  V1BERT,  Médecin  expert  près  les  Tribunaux  de  la  Seine. 
1903,  6e  édition.  1  vol.  in-8  de  912  pages,  avec  87  fig.  et  5  pi.  coloriées 10  fr. 

COURS  DE  MÉDECINE  LÉGALE 

DE  LA  FACULTÉ  DE  MÉDECINE  DE  PARIS 

par  le  professeur  P.  Brouardel.  1893-1904.  11  vol.  in-8 103  fr.  50 

La  Mort  et  ta  Mort  subite.  1895,  i   vol.  in-3  de  500  pages 9  fr. 

Les  Asphyxies  par  les  Gaz,  les  Vapeurs  et  les  Anesthésiques.  1896,  1  vol.  in-8  de  416  pages, 
avec  figures  et  8  Dlanches 9  fr. 

La  Pendaison,  ta  Strangulation,  la  Suffocation  et  la  Submersion.  1896, 1  vol.  in-8  de  584  pa?es, 

avrc  43  figures  et  planches 12  fr. 

V Infanticide.  1S97,  1  vol.  in-8  de  402  pages,  avec  figures  et  planches 9  fr. 

Les  Explosifs  et  les  Explosions.  1897,  1  vol.  in-3  de  272  pages,  avec  39  figures 6  fr. 

La  Responsabilité  médicale.  1898,  1  vol.  in-8  de  456  pages 9  fr. 

L'Exercice  de  ta  Médecine.  1*99,  1  vol.  in-8  de  564  pages 12  fr. 

Le  Mariage.  1900,  1  vol.  in-8  de  452  pages 9  fr. 

L'A  aorte  ment.  1901,  1  vol.  in-8  de  376  pages  avec  figures 7  fr.  50 

Les  Empoisonnements,  lî'02,  1  vol.  in-8  de  538  pages,  avec  figures 9  fr. 

Les  Intoxications,  Arsenic,  Phosphore,  Cuiore,  Mercure  et  Plomb.  1904, 1  vol.  in-8  de  516  p.  12  fr. 

Atlas-Manuel  de  Médecine  légale,  par  le  professeur  Hofmann.  Edition  française, 
oar  le  Dr  Gh.  Vibert.  Introduction  par  le  professeur  P.  Brouardel.  1900,  1  vol. 
în-16  de  1G8  pages,  avec  56  planches  coloriées  et  193  fîg.  noires,  relié  maroquin 
souple •  •     18  fr. 

Aide-mémoire  de  Médecine  légale,  parle  professeur  P.  Lefert.  5°  édition.  1903, 
1  vol.  in-18  de  300  pages,  cart 3  fr. 

Le  Secret  médical,  par  P.  Brouardel.  2e  édition.  1893,  1vol.  in-16  de  300  p.     3  fr.  50 

La  Profession  médicale,  par  P.  Brouardel.  1903,  1  vol.  in-18 *  3  fr.  50 

PRÉCIS  DE  TOXICOLOGIE  clini%7P?rimentale 

Par  le  D'  VIBERT 

1900,  1  vol.  in-8  de  912  pages  avec  ligures 10  fr. 

Précis  de  Toxicologie  chimique  et  physiologique,  par  A.  Chapuis.  3e  édition. 
18'j7,  1  vol.  in-3  de  T'J2  pages,  avec  li-fc  ligures 9  fr. 


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CLINIQUE  MÉDICALE  —  Huchard 20  fr. 

—  CHIRURGICALE.  Le  Dentu 15  fr. 

DIAGNOSTIC    — — — —  Mayet 24  fr. 


Par  le  D'  HUCHARD 

Médecin  de  l'hôpital  Necker, 
Membre  de  l'Académie  de  médecine. 

3«  édition.  1903,  1  vol.  in-8  de  650  pages 10  fr. 


Consultations  médicales 


Nouvelles  Consultations  médicales  Par  ie  Dr  huchard 

4904,  1  vol.  in-8  de  620  pages 10  fr. 

Clinique  médicale  de  l'Hôtel-Dieu  de  Paris,  par  A.  Trousseau,  professeur  à  la 
Faculté  de  médecine  de  Paris.  10e  édition.  1901,  3  vol.  in-8 32  fr. 

Aide-mémoire  de  Clinique  médicale  et  de  Diagnostic,  par  le  professeur 
P.  Lefert.  1894, 1  vol.  in-18  de  314  pages,  cart 3  fr. 


Glinique  ebirargieale 


Par  A.  LE  DENTU 

Professeur  de  clinique  chirurgicale  à  la  Faculté  do 

médecine  de  Paris,  Chirurgien  de  l'Hôtel-Dieu, 

Membre  de  l'Académie  de  médecine. 

1904, 1  vol.  gr.  in-8  de  xxvu-634  pages,  avec  45  figures 15  fr. 

Consultations  chirurgicales,  par  les  Drs  Braquehaye  et  De  Rouville,  professeurs 
agrégés  des  Facultés  de  médecine.  Préface  du  professeur  S.  Duplay.  1901,  1  vol. 
in-8  de  350  pages 6  fr. 

Clinique  chirurgicale,  par  U.  Trélat,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de 
Paris.  Leçons  publiées  par  Pierre  Delret,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  méde- 
cine de  Paris.  1891,  2  vol.  gr.  in-8  de  800  pages,  avec  fig 30  fr. 

Aide-mémoire  de  Clinique  chirurgicale,  par  P.  Lefert.  1900, 1  vol.  in-18,  cart.  3  fr. 

Traité  de  Diagnostic  médical  et  de  Séméiologie 

Par  le  Dr  MAYET,  Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lyon. 
1898-1899,  2  vol.  gr.  in-8  de  1632  pages,  avec  191  fig 24  fr. 

ATLAS-MANUEL    DE   DIAGNOSTIC   CLINIQUE 

Technique  médicale,  indications  thérapeutiques 
Par  le  D'  C.  JAKOB 

et  le  Dr  A.  Létienne,  ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris. 
3«  édition.  1901, 1  vol.  in-16  de  396  p.,  avec  68  pi.  col.,  relié  maroquin  souple.     15  fr. 

Précis  d'Auscultation,  par  le  Dr  Goiffier.  5e  édition.  1903,  1  vol.  in-18  de  189  pages, 

avec  93  fig.  coloriées,  cart 5  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Diagnostic  et  de   Symptomatologie,  par  le  Dr  Cou- 

tance.  1898,  1  vol.  gr.  in-8  de  208  pages,  cart.  {Collection   Villeroy) 5  fr. 

Tableaux  synoptiques  d'Exploration  médicale,  par  le  Dr  Champeaux.  1902,  1  vol. 

in-8  de  184  pages,  cart.  {Collection  Villeroy) 5  f r 

Précis  d'Exploration  clinique  du  Cœur  et  des  vaisseaux,  parleDr  G.  Brouardel, 

médecin  des  hôpitaux  de  Paris.  1903,1  vol.  in-16  de  176  pages,  avec  35  fig.,  cart.  3  fr. 
Sémiologie  pratique  des  Poumons  et  de   la   Plèvre,  auscultation,  percussion, 

mensuration,  par  le  Dr  H.  Barbier,  médecin  des  hôpitaux  de  Paris.  Préface  du 

professeur  Grancher.  1902,  1  vol.  in-18  de  252  pages,  avec  20  fig 4  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Symptomatologie,  par  le  Dr  M.  Gautier.  1900,  1  vol. 

gr.  in-8  de  180  pages,  cart.  {Collection  Villeroy) 5  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Médecine  d'urgence,  par  le  Dr  Debussière.  1902,  1  vol. 

in-8  de  180  pages,  cart.  {Collection  Villeroy) 5  fr. 

Atlas  Manuel  de  Médecine  et  de  Chirurgie  des  accidents,  par  les  D™  Golebiewski 

et  P.  Riche,  chirurgien  des  hôpitaux  de  Paris.    1902,  1  vol.  in-16  de  4U6  pages 

avec  143  fig.  noires  et  40  pi.  chromolithogr.  Relié 20  fr. 


2547-Ui  —  CuiiuuL.  Imprimerie   ÉD-   Cu4té. 


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