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TRAITÉS MYSTIQUES
d'Aboù Ait al-IIosniii b. Abdallah b. Sinâ
ou dAviceoDe.
II'-"' FASCICULE.
Les trois dernières sections de l'ouvrage al-lshârât wa-t-Tanbîhât
(INDICATIONS ET ANNOTATIONS)
SUR LA DOCTRINE ÇOÎFIQUE
TEXTE ARABE AVEC L'EXPLICATION EN FRANÇAIS
le traité mystique at-Thair
(L'OISEAU)
TEXTE ARABE AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS
M. A. F. MEHKEN.
Il y a dans la nature des forces qui échappent à nos sens et,
par cela même, à notre connaissance 11 faut donc ad-
mettre à la fois . des modes de forces incon-
nus, dans la conscience, des modes de sentir inconnus.
Alk. Fouillé, Lu pkysiq
LEYDE, E. J. BR1LL.
1891.
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/traitsmystique02avic
LES TROIS DERNIÈRES SECTIONS DE L'OUVRAGE
AL-ISHÂRÂT WA-T-TANBÎHÂT
(INDICATIONS ET ANNOTATIONS)
SUR LA DOCTRINE ÇOUFIQUE
D'AVICENNE.
TRAITÉS MYSTIQUES
d'Aboù Ali al-llosiiiii b. Abdallah h. Sina
oh d'Avicenne.
HAhe fascicule.
Les trois dernières sections de l'ouvrage al-lshârât wa-t-Tanbîhât
(INDICATIONS ET ANNOTATIONS
SUR LA DOCTRI\E Ç0LT1QUE
TEXTE ARABE AVEC L'EXPLICATION EN FRANÇAIS
le traité mystique at-Thair
(L'OISEAU)
TEXTE ARABE AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS
M. A. F. M EUR EN.
Il y a dans la nature des forces qui échappent à nos sens et ,
par cela même, à notre connaissance..... Il faut donc ad-
mettre à la fois, clans la nature, des modes de forces incon-
nus, dans la conscience , des modes de sentir inconnus.
Alf. Touillé, La physique et le mental.
LEYDE, E. J. BRILL.
1891.
9G7342
A LA MÉMOIRE
DU XXVIÈME ANNIVERSAIRE
DU PROFESSORAT
DE
M. J. DE GOEJE.
TÉMOIGNAGE DE HAUTE ESTIME ET D'AMITIÉ.
AVANT-PROPOS.
Les trois sections que nous présentons ici aux amateurs de la philosophie
mystique des Arabes, appartiennent à un des ouvrages les plus célèbres d'Avicenne por-
tant le titre: Indications et Annotations (o'^judl, ot.Li^l). Il a été mentionné dans
la liste de ses ouvrages composée par son disciple Aboû-Obaid al-Djouzdjàni , sous le
N°. 15, en ces termes: «Cet ouvrage, Kitûb oul-lshârât wa-t-Tanbîhdt , est le dernier
«qu'il ait composé sur la métaphysique et en même temps le meilleur. Il l'a réservé
«pour ses disciples les plus intimes», ce qui est conforme au commencement de sa
préface de la llième partie contenant la métaphysique: ol^ii, J^i Jj olLil 8<Às>
AvJUjII ai!!, oîjLû^! »ÀS> ;>1 j tLûJÛ Le \*s LV>y.
«Ce livre contient des indications sur les bases de la métaphysique et des an-
«notations sur ses propositions, mais celui-là seul qui est doué de l'aptitude né-
«cessaire pourrait l'étudier, tandis que celui qui en est privé n'en tirerait aucun
«profit. C'est pourquoi, je réitère ma dernière volonté et ma prière de cacher le
«contenu de cet ouvrage à tout lecteur qui ne possède pas les conditions nécessaires
«dont je ferai mention dans la conclusion de ce livre [v. la fin du dernier namath~\».
L'ouvrage est divisé en deux grandes parties , la Logique (o&ijl), fol. 1 — 86 du
manuscrit appartenant à Ind. Office-Lîbrary , subdivisée en dix sections (f^J), et la
Métaphysique Ç&S&), de même subdivisée en 10 sections (Ja*j), fol. 87 v. — 250 r., où
quelques feuillets manquent à la fin. Quant aux trois dernières sections que nous
avons choisies pour cette publication, le commentateur Naçîr ed-Dîn at-Thoûsî
(f 672 H.) cite la critique de son prédécesseur , Fakhr ed-Dîn ar-Râzî (f606H.), de
même auteur d'un commentaire de cet ouvrage: «Cette partie est la meilleure,
l'auteur y ayant donné l'exposition de la doctrine çoufique avec une clarté que n'a
atteinte aucun de ses prédécesseurs, et où il n'a été dépassé par aucun de ses suc-
1) Cod. L Ijî,.
AVANT-PROPOS.
cesseurs [v. p. 10 du texte ai\, n. a]». Le style de cette composition est ordinairement bien
concis et ne s'élève que rarement à des développements compliqués; quelquefois on
y trouve aussi des répétitions un peu lourdes , c'est pourquoi j'ai préféré d'en donner
une paraphrase en français plutôt qu'une traduction littérale, en me servant de temps en
temps du commentaire de Naçîr ed-Dîn at-Thoûsî. Pour fixer le texte de cet ouvrage, j'ai
eu à ma disposition le manuscrit appartenant à la bibliothèque de l'université de Leyde
(v. Cat. Codd. orient. Biblioth. Acad. Lugd. Batav., t. III, p. 326, N°. 1464, Cod.
N°. 1020a, 4°), et, pour le commentaire de Naçîr ed-Dîn, les deux précieux manuscrits
appartenant à Ind.-Off. Library (v. Cat. de Loth, p 133 suiv.) et à la bibliothèque de
l'université de Leyde (v. t. III, p. 321, N°. 1452 du Cat.) '). Ces deux derniers, véri-
tables trésors de cette littérature, ont été mis à ma disposition avec une extrême
obligeance par les directeurs des dites bibliothèques, MM. le Dr. R. Rost et le Prof.
Dr. M. J. de Goeje, auxquels je m'empresse, à cette occasion, d'adresser de nouveau
mes respectueux remercîments. — Pour la révision des épreuves, comme pour le
premier fascicule, j'ai à témoigner à Mr. le Dr. en phil. P. Hcrzsohn , à l'officine
de Mrs. E. J. Brill à Leyde, ma vive reconnaissance pour l'exactitude infatigable
avec laquelle il s'est acquitté de cette tâche, et je suis également très obligé à MM.
le Rabbin D. Simonsen et le Dr. en phil. J. (I)strup d'avoir bien voulu se charger
d'une seconde révision. —
Dieu me donnant les forces et la santé, j'espère encore publier deux pareils fasci-
cules contenant le reste de ces traités mystiques, à savoir les traités sur l'amour,
sur la prière et la visite des tombeaux , la crainte de la mort , la prophétie ,
l'astrologie judiciaire et la dissertation importante sur le destin.
Copenhague le 1.2 Juillet 1891. A. F. MEHREN.
1) Les sources des variantes ont été inarquées, conformément à ces indications, I. 0. (= Ind.-Office),
et Leyd. Par une inadvertance qui, j'espère, me sera pardonnée, j'ai employé indifféremment, surtout dans la
première feuille, les deux marques, I. 0. et Lond., pour indiquer le manuscrit appartenant à Ind.-Office
library. Le Br. Muséum ne possédant qu'une traduction en Persan (v. Cat., p. 418, VI), cette inexactitude
ne donnera lieu à aucune méprise.
A II s hârât wa-t-Tanbîhât.
(INDICATIONS ET ANNOTATIONS.)
VIIIôme SECTION.
SUR LES DIVERSES ESPÈCES DE JOUISSANCES, LES SENSUELLES
ET LES SPIRITUELLES.
1) Selon l'opinion vulgaire, les plus grandes jouissances seraient celles des sens
extérieurs, bien qu'on voie presque tous les jours le contraire; celui, par exemple,
que possède l'esprit de domination, alors même qu'il ne s'agit que de gagner une
partie d'échecs, méprise toute jouissance sensuelle, et, quand les jouissances sensuelles
sont mises à côté des honneurs extérieurs, les esprits doués de noblesse préfèrent
ordinairement les derniers ; bien plus , ils s'adonnent à la joie de répandre leurs bien-
faits sur ceux qui en sont dignes en tenant peu à leur bien-être personnel. Il en
est de même, quand il y va de la gloire ou de l'honneur personnel; on préfère
alors la faim et même la mort à toute jouissance, et l'on se jette seul contre toute
une force ennemie, bravant une mort certaine dans l'espoir d'acquérir de la gloire.
11 est donc évident qu'il y a des jouissances intérieures de lame qui dépasseraient
en puissance toute jouissance extérieure du corps. Cela se montre même chez l'ani-
mal; le chien de chasse, par exemple, bien qu'il ait faim, apporte le gibier à son
maître sans y toucher lui-même; les femelles qui allaitent préfèrent leurs petits à
elles-mêmes et risquent leur vie pour les défendre. Si donc il y a des jouissances
intérieures qui dépassent, comme nous le voyons, celles qui viennent de l'extérieur,
il faut, avec beaucoup plus de raison, donner une préférence décidée aux jouissan-
ces intellectuelles.
2) En ce cas , la jouissance est plutôt la perception et l'acquisition du bien con-
venable à notre perfectionnement que renferme l'objet; la douleur, au contraire, est
la perception et la souffrance du mal et du dommage qui nous éloignent du même
objet; nous avons ainsi le bien et le mal spirituel correspondant au sensuel: le bien
sensuel , par exemple , est tout ce qui , dans ses diverses relations , satisfait notre goût,
notre toucher, notre irascibilité, etc.; le bien spirituel est, selon ses diverses rela-
tions, tantôt le vrai, tantôt le beau. En général, il n'y a pas de bien qui ne soil
8 AL-ISHÂRAT WA-T-TANBÎHÂT (VIIIe SECTION).
en même temps un perfectionnement de notre nature primitive; aussi toute jouis-
sance se rattache-t-elle à notre perfectionnement et à la perception qui la précède.
Si l'on nous objecte que, quelquefois, l'objet qui pourrait produire la sensation
convenable , ne la produit pas à un degré proportionné à son importance , p. e. la
santé 'et le bien-être continu du corps, ou même doit être refusé, par exemple les
choses délicates, par un malade, nous répondons à la première objection que la jouis-
sance est en même temps perception et acquisition, mais qu'un bien matériel d'une
certaine stabilité, comme la santé, n'éveille pas la même sensation que l'acquisition
subite du même bien, p. e. la guérison soudaine d'une grave maladie; et quant
à la dernière, il nous faut rappeler qu'il n'y a pas de jouissance où l'on ne per-
çoive l'objet de la jouissance comme tel: ainsi pourrons-nous préciser la définition
de la jouissance en y ajoutant: la jouissance est la perception d'un objet convenable
au développement de l'individu, en tant que sa perception n'est gênée par rien
d'anormal; car, dans ce cas, il ne pourra le percevoir librement. Le malade, par
exemple, non plus que l'estomac chargé, ne goûte les mets délicats; de même,
pendant une fièvre violente ou à l'approche de la mort, la sensibilité perd sa force,
la douleur n'est plus sentie. Mais la condition normale une fois rétablie, la percep-
tion de la jouissance ou de la privation lui reviendra. Ainsi, après avoir vu que toute
jouissance se rattache à un perfectionnement qui est un bien relativement au sujet, mais
qu'il y a plusieurs espèces de perfectionnement, tels que le perfectionnement des sens exté-
rieurs, par exemple le goût satisfait et perfectionné par les délicatesses, le toucher et
l'odorat, etc., de même celui des sens intérieurs, par exemple l'irascibilité satisfaite par la
domination sur l'adversaire, nous aurons une tout autre espèce de perfectionnement:
3) Celui de l'intellect ou de la substance intellectuelle , qui s'opère successivement
par la manifestation de la vérité, proportionnée au degré de réceptivité du sujet,
jusqu'à ce que toute la création lui soit dévoilée, et qu'il arrive à la connaissance
des substances éternelles, des esprits et des corps célestes et de tout l'univers. C'est
là le perfectionnement pur de l'intellect, tandis que le premier n'est que le perfec-
tionnement animal, mêlé d'illusions, des perceptions sensuelles; celui-là est infini,
tandis que l'autre est restreint à un certain nombre d'objets et ne varie, pour la
majeure partie , que dans son degré d'intensité. Le rapport de la jouissance intellec-
tuelle à l'animale est presque celui de la manifestation des intelligibles à l'offre
d'une mince friandise qui satisfait le goût, et il en est de même de la relation des
deux espèces de perception. Si nous ne languissons pas après la lumière céleste
comme l'œil après la lumière du soleil, si le désir de la jouissance intellectuelle et
du perfectionnement n'est pas éveillé en nous, nous en sommes nous-mêmes la
cause et ce ne sont pas les substances intelligibles.
SUR LES DIVERSES ESPÈCES DE JOUISSANCES. ()
4) Les obstacles provenant de l'union de l'âme avec le corps, sont de nature
à pouvoir durer pendant toute notre vie et même à subsister après la mort, en
tant qu'ils n'ont pas dépendu uniquement de cette union, mais en outre d'une
volonté résistant à tout perfectionnement; dans ce cas, nous sentirons les tourments
de la privation de ce bien ou le feu de la condamnation, dépassant en douleur le
feu matériel. La défaillance de l'âme qui provient de son manque de faculté pour
développer son perfectionnement, et qui est causée par l'union avec le corps ou par
des accidents imprévus, cessera après la mort puisqu'elle n'a alors aucune raison
d'être, et la peine de lame qui en dérive ne durera pas; au contraire, seule en souf-
frira lame, qui, après avoir senti le désir du perfectionnement et s'être éveillée pui-
ses études et ses efforts, reste insouciante, obstinée ou réfractaire vis-à-vis de la
vérité qui lui a été communiquée. En tout cas, l'insouciance inconsciente est plus
proche du salut qu'une intelligence mal employée et dépravée. Les âmes pures, au
contraire, remplies du désir de leur perfectionnement, entreront dans la béatitude
et dans la jouissance du monde céleste dont elles ont eu un faible pressentiment
pendant leur vie; éveillées par l'admonition céleste, elles ont éprouvé une émotion
de joie mêlée de douleur qui les conduira à l'accomplissement parfait de leur ardent
désir; tandis que les âmes faibles et pauvres d'esprit jouiront d'un degré de béati-
tude convenable à leur condition intellectuelle, et seront chargées peut-être encore
une fois d'une espèce de corps convenable à leur imagination , dans lequel elles se
développeront jusqu'à atteindre la perfection des âmes élues l) 11 faut pourtant bien
se garder de supposer la possibilité d'une transmigration des âmes dans des corps
d'animaux, ce qui serait absurde; car cela aurait pour conséquence nécessaire de
douer le corps animal de deux âmes, d'une adhérente au corps dès sa naissance,
et par laquelle il est gouverné, l'autre venant d'un homme décédé; en outre, tout
ce qui est périssable ne pourrait être doué d'existence réelle, ni le nombre des
corps être égal au nombre des âmes ayant abandonné leurs corps, ni plusieurs âmes
habiter un seul corps, soit en harmonie, soit en mutuel désaccord; tout cela, nous
l'avons exposé ailleurs.
5) Comme nous venons de prouver qu'il y a plusieurs espèces d'âmes, destinées
aux divers degrés de béatitude, nous ferons encore remarquer que les substances
intellectuelles sont de même bien différentes quant à la jouissance contemplative.
Le plus haut degré de la contemplation appartient à Dieu seul, qui pénètre sn propre
1) Comp. Muséon, 18S2, p. 517. Dans notre article: La philosophie <f < lu traité
d'Avicenne el-Oudhawîa, cette opinion est attribue- à Thâbit b. Qorra, mais, selon le commentaire d'at-Thoûsî,
à al-Fârâbî conformément à la parole du prophète: „Lu plupart des habitants du paradis sont les faibles elles
paurres d'esprit".
IQ AL-ISHÀRAT WA-T-TANBÎHÂT (VIIIe SECTION).
substance par l'intelligence parfaite et essentielle ou par l'amour parfait, dont lui-
même est à la fois le sujet-objet; le second degré est celui de la contemplation des
substances pures et célestes; en possession parfaite de l'objet de leur amour, elles
contemplent simultanément l'être unique et leur propre essence, et ne sont assujéties
à aucun autre de ces désirs ultérieurs qui ne se montrent que dans l'espèce infé-
rieure des âmes appartenant aux corps célestes et aux hommes; celles-ci arrivent
alternativement à la contemplation de la partie divine qui leur est échue, et au
désir ardent d'obtenir par la grâce de Dieu le reste. Les degrés inférieurs , le qua-
trième et le cinquième, sont occupés par les âmes charnelles et mondaines; flottant
entre le ciel et le monde ou abîmées dans les ténèbres, elles occuperont après la
mort des places en rapport avec les tendances spirituelles ou matérielles qui les ont
dominées dans ce monde. Nous arriverons donc à ce résultat final, que l'amour
qui _ comme nous l'avons expliqué amplement dans le traité spécial de l'amour —
pénètre les substances pures et célestes, est de même en rapport avec les désirs ou
la tiédeur des âmes inférieures et mondaines, douées par la grâce divine d'une
aspiration au perfectionnement de leur essence 1), aspiration que leur volonté peut
seconder.
jXifeME SECTION.
SUR LES DIVERSES ÉTAPES DE LA VIE CONTEMPLATIVE.
Dans ce qui précède, nous avons considéré les divers degrés de jouissance.
Nous avons vu que la jouissance purement spirituelle dépasse déjà en cette vie toute
autre satisfaction sensuelle et matérielle, mais n'atteint pourtant son perfectionnement
complet que dans l'autre vie par la béatitude céleste qui provient de la contem-
plation de Dieu et de son être. Nous allons maintenant examiner les diverses étapes
qui conduisent l'homme dans cette vie vers ce but sublime. Ce traité d'Avicenne,
comme le fait remarquer son commentateur Naçîr ed-Dîn at-Thoûd, en alléguant
l'autorité de son prédécesseur Fakhr ed-Dîn ar-Rdzî (f606H.), est la meilleure
partie de cet ouvrage et le premier essai de description de la vie contemplative des
çoûfis orientaux, qui n'a été dépassé par aucun de ses successeurs. Eu égard à l'im-
portance du sujet, Avicenne commence ce chapitre par les paroles mystiques, adres-
sées à ses lecteurs, que nous avons eu l'occasion de citer et d'expliquer dans un
1) Comp. notre art. du Muséon, 1882, p. 513, La philosophie d'Avicenne, et le Traité sur l'amour.
SUR LES DIVERSES ÉTAPES DE LA VIE CONTEMPLATIVE. 1 ]
article du Muséon'): «Et si ton oreille a été frappée par le récit de Salâmân et
«Abscd, tu seras convaincu que Salâmân représente la raison ordinaire de la vie
«humaine, et qu'Absàl indique la spéculation divine, illuminée par Dieu si tou-
tefois tu appartiens aux confesseurs de la vérité. Prépare-toi donc à la solution de
«ce problème, si tu en as la force».
1) Nous distinguons ordinairement dans la vie terrestre trois espèces d'hom-
mes: le zélé (eu ar.: es-zdhid), qui renonce à tout rapport avec le monde; l'obser-
vateur rigoureux du culte extérieur, ou l'adorateur de Dieu (en ar : el-dàid), et enfin
le connaisseur intime de Dieu, ou celui qui applique toute son attention à tâcher .le
pénétrer le royaume de Dieu, et à y puiser la lumière céleste (en ar. : el-ârif).
Tandis que les deux premiers degrés, séparés du dernier, ne nous offrent qu'une
espèce de trafic où l'on cherche à gagner dans la vie future la récompense des
œuvres qu'on a faites dans la vie terrestre; le dernier seul a pour luit de maî-
triser les forces sensibles et imaginatives de l'homme pour l'éloigner de toute vanité
mondaine et le faire arriver à la vérité et à Dieu ; alors son intérieur sera accessible
à l'inspiration divine et à l'illumination d'en haut, de manière qu'il acquerra peu
à peu la faculté de s'élever, quand son âme le commande, vers la lumière divine
sans être troublé par des pensées mondaines; enfin, tout en lui appartiendra au
domaine de la sanctification.
2) Mais, pour justifier cette classification des hommes, il nous faut donner
une explication préalable: l'homme ne peut se développer que dans une société où
l'un se charge de procurer à l'autre les choses nécessaires à la vie, par exemple la
nourriture, les vêtements; et cette société a besoin d'être soutenue par les lois.
Toutefois, les lois particulières ne suffisant jamais à embrasser tous les cas spéciaux
1) V. Le Traité d'Avicenne sur le destin, analysé par A. F. ilehren, clans le Muséon, janvier
18S5, p. 39, où la même légende mystique a été citée. Nous en donnerons ici le contenu principal selon
le commentaire de Naçîr ed-Din at-Thoûsî qui se trouve imprimé à part dans l'édition de „tis'a resâili" de
l'imprimerie d'al-Djewuib, A. H. 129S =1881 Clir., p. 112—124, et dont un petit manuscrit existe dans la
bibliothèque de l'Univ. de Leyde, (voy. Cal. Codd. orient, éd. de Jong et de Goeje III, p. 323, N°. MCCCCLVI):
„Saldm in et Absdl étaient frères germains; Absal, le cadet, était l'objet de la passion de la femme de son frère; pour
satisfaire son amour, elle proposa de donner sa sœur en mariage à Absal, dans le b\ sa place
dans la nuit des noces. Mais Absàl averti par un éclair du ciel au moment suprême évita ainsi, bien qu'avec
peine, de se rendre coupable envers son frère." Absal représente ici la faculté spéculative de l'homme qui à
la fin saura dominer les passions sensuelles, symbolisées par la femme de Salâmân. — Dans la liste des traites
d'Avicenne composée par son disciple Djouzdjâm se trouve le nom de „Saldmdn et Absal", bien que nous
L'ayons cherché en vain dans les manuscrits d'Avicenne à Leyde et à Londres. Cette légende, probablement
d'orisine grecque, a reçu un développement très varié dans la littéral . dont le dernier, bien dif-
férent de celui qui précède, est dû au célèbre poète persan Dj'ml, auteur du poème épique ,,Saldmân et
Absdl", comprenant 1131 vers du mitre Ramai et publié par Forbes Falc ;n u Absal, an alle-
gorical romance", London, 1S50, avec une imitation en anglais: „Rubdktit of Omar Khayyiim and the Salâmân
and Absdl of Jâmî", London, 1879.
10 AL-ISHÂRÂT WA-T-TANBÎHÂT (iX1-' SECTION).
en nombre infini, il faut un principe commun qui imprime une direction géné-
rale à tout l'ensemble; c'est cette source que nous appelons loi divine ou révélation
île Dieu (Shariak). Cette loi suppose de son côté l'existence d'un législateur, muni
de l'autorité divine, nécessaire pour se faire obéir et qui lui sera donnée par des
dons particuliers dépassant les forces ordinaires de l'homme. Ce législateur, doué de
la puissance de la parole et de l'action, est l'homme-prophète. Mais la foule igno-
rante et faible, plaçant ses fins égoïstes au-dessus du bien général et supposant à
cette loi, a besoin d'être avertie continuellement de la rétribution qui l'attend dans
l'autre vie d'après les enseignements de la loi révélée; ces avertissements lui sont
donnés par les pratiques du culte extérieur, par exemple la prière prescrite à cer-
tains intervalles, le jeûne, etc., etc.; c'est donc le prophète qui a la mission de
rappeler au peuple l'unité de Dieu , sa sainteté , la rétribution de l'autre vie , la né-
cessité de pratiquer l'observation du culte extérieur et de l'obéissance aux ordres
de Dieu. Tout cela a été ainsi institué dès la création de l'univers par la provi-
dence éternelle; à ceux qui ont obéi aux commandements de la loi, Dieu a assuré
la récompense dans ce monde et dans l'autre; en outre, à ceux qui ont cherché à
pénétrer son être, il a promis la perfection qui s'obtient par la contemplation de
son essence divine. Admirez donc d'abord la sagesse divine qui a établi l'ordre de
l'univers, puis sa grâce qui distribue des récompenses abondantes à ses adorateurs,
enfin sa bonté infinie qui accorde la béatitude éternelle de la contemplation divine
à ceux qui le connaissent en esprit ! Celui-là seul est le véritable adorateur de Dieu
(el-arif) qui ne connaît d'autre objet de son adoration que l'être divin, et n'est
ému ni par l'espoir des récompenses, ni par la peur des châtiments; autrement,
ces motifs auraient la prépondérance, et Dieu serait le but secondaire. Les observa-
teurs des lois du culte extérieur et les fidèles zélés, alors même qu'ayant un autre
but que Dieu seul, ils renonceraient à toute jouissance mondaine, ils seraient pour-
tant, d'une certaine manière, à plaindre, attendu que la pure contemplation de
l'absolu leur est défendue, et leur aspiration de connaître l'être suprême est tou-
jours mêlée de désirs mondains; leur rapport aux initiés de Dieu est, à peu près,
celui des jeunes gens aux hommes mûrs. Ceux-là repoussant tous les désirs de per-
fectionnement et, contents de la jouissance mondaine, s'étonnent des hommes sérieux
et graves aux principes tout contraires, et, aveugles pour la beauté divine, tendent
leurs mains après toute espèce de jouissances mondaines; même si, quelquefois, ils
renoncent au monde, c'est à peine et, tout au plus, dans l'espoir d'obtenir des
jouissances d'une nature également grossière après la mort. Toute élévation d'esprit
vers Dieu leur est interdite , tandis que l'homme doué de l'aspiration sacrée con-
naît seul la jouissance véritable, et, en dirigeant toujours sa vue en haut,
SUR LES DIVERSES ÉTAPES DE LA VIE CONTEMPLATIVE. lg
regarde avec pitié cette créature pauvre et mal guidée, même eût-elle obtenu I
pleine récompense réservée par la loi à une vie irréprochable et bien réglée.
3) La première étape du vrai adorateur de Dieu est appelée volonté. Par elle
celui qui est convaincu de la suprême vérité, soit par des preuves évidentes, soit
par la foi à l'autorité des saints imâms, sait maîtriser son âme en la dirigeant vers
Dieu pour obtenir l'union intime avec lui; la personne occupant ce degré s'appelle
«Murîd». — La deuxième étape s'atteint par une préparation de lame destinée à en
éloigner les obstacles extérieurs qui l'empêchent de suivre la route de la sanctifi-
cation et de se purifier de toutes les impressions sensuelles, enfin à la rendre
susceptible du perfectionnement qu'opère la grâce divine. Cette préparation s'opère
de diverses manières: par l'abstinence, par la musique, seule ou accompagnée de
paroles d'avertissement douces et persuasives, émanant d'une conviction pure et
solide; enfin, la troisième a pour but de délivrer la pensée de tout poids du corps,
et de la rendre tout entière à l'amour spirituel qui cherche à pénétrer l'essence de
l'objet aimé, bien différent de i'amour sensuel, source de la perdition. L'initié,
arrivé à ce degré par la volonté et par cette manière d'opérer sur l'âme, devient
de temps en temps capable de recevoir des éclairs de la lumière divine, qui, selon
sa réceptivité, deviennent de plus en plus fréquents. Cet état, le troisième, s'appelle
du terme technique temps, selon le dicton du prophète: // m arrive quelquefois un
temps d'intimité avec Dieu, où personne, ni ange chérubin, ni prophète envoyé d'en
haut ne l'emporte sur moi '). Plus il s'enfonce dans cet état, plus il devient capable
de recevoir les illuminations d'en haut même sans préparation antérieure; abandon-
nant la vue matérielle des objets, il y contemple partout l'image de Dieu; voilà le
quatrième état. Il peut toutefois être égaré par ses propres visions et semble aux
personnes de son voisinage accablé d'inquiétude et de tremblement du corps, ce qui
pourtant cessera à l'entrée dans le cinquième état, peu à peu et par l'habitude.
Alors sa condition se changera en tranquillité parfaite et donnera place au sixième
état, appelé en arabe «Sakîna». L'éclair instantané s'y transformera en flamme illu-
minante, son intimité avec Dieu deviendra stable, le rayonnement divin le réjouira,
et la cessation de l'extase l'affligera. Ensuite arrivé au septième état, à la contem-
plation de la vérité ou de Dieu, il est emporté hors de lui-même et, bien qu'on
le voie devant soi, son être est comme absent, Puis, ayant atteint le huitième état,
sa condition lui devient facile et familière et il dépend de sa volonté de la provo-
quer, de monter de ce monde imaginaire et faux à la demeure de la vérité ou de
1) Ce dicton de Mohammed se trouve cité dans le Gulistan de Saadi; v. Gulutan, fcrad.
Defrémery, Paris, 185S, p. 109.
14 AL-ISHÂRÂT WA-T-TANBÎHÂT (lXc SECTION).
Dieu. Après avoir passé ce degré, son état ne dépend plus de sa volonté, mais en
regardant les objets mondains, il n'y voit que Dieu seul; sa contemplation devient
stable et continue, et il se trouve au neuvième état, d'où il passera au dixième.
Alors, son âme deviendra le miroir de la divinité, le royaume éternel s'y réfléchira,
et les jouissances d'en haut se répandront sur lui. En contemplant sa propre âme,
il y contemple Dieu, et il se trouve comme mû perpétuellement de l'un de ces
points à l'autre. Enfin il arrivera au dernier degré, le onzième état ou la contem-
plation permanente ; c'est là qu'il perdra la connaissance de son propre être et n'aura
plus égard à son âme qu'autant qu'elle contemple Dieu en pleine identité avec lui,
et qu'elle n'est plus pour lui un objet étranger, illuminé de temps en temps seule-
ment par la grâce divine. Le voilà arrivé à l'unification complète avec Dieu ').
4) Aussi avons-nous trois étapes essentielles dans le développement de l'initié
sans valeur réelle en elles-mêmes, mais nécessaires pour le guider au dernier
degré, l'unification complète. La première, effectuée par la volonté d'entrer dans la
voie de la sanctification avec le secours de la science ou de la foi, n'a que le carac-
tère d'une abstraction de l'âme du côté de l'absolu; la deuxième, effectuée par
l'ascétisme et par les autres moyens extérieurs pour soumettre l'âme réfractaire à la
raison , a le caractère de l'impuissance. La troisième , la jouissance que l'âme éprouve
de sa sanctification acquise, bien qu'elle ait une certaine réalité, n'est qu'un erre-
ment de l'âme entre la conscience d'elle même et de Dieu, tandis que l'absorption
entière de l'âme clans l'Un et l'Absolu constitue seule le salut suprême. Aussi faut-il
que le vrai initié, après avoir commencé par la science divine à discerner et à
refuser tout ce qui la contrarie, et poursuivi jusqu'à l'effacement l'abandon de sa
propre conscience, pénètre encore l'ensemble des attributs de Dieu pour les assimi-
ler à sa propre âme et arriver à l'unité absolue et au quiétisme en Dieu. Au con-
traire, aussi longtemps qu'il y a quelque différence entre la connaissance et l'objet
de la connaissance, il n'a pas acquis l'unité et l'absorption en Dieu, mais il se
trouve en état de dualisme. Pourtant, ce dernier degré de l'unification [appelé du
terme technique «Embellissement de famé» et opposé au «dépouillement» seul de
tout désir mondain] dépasse toute description et ne peut être dévoilé que par la
fantaisie; que celui qui en souhaite la connaissance, se joigne lui-même au nombre
des initiés qui ont atteint ce but suprême, mais qu'il ne se confie nullement aux
traditions orales.
1) Cette description de l'arrivée de l'initié à l'unification accomplie se trouve citée dans l'ouvrage
d'Ibn Thofail : Philosophas autodidactes sive Epistola AU Jaafar Ebn Tophail de Hai Elrn Yokdhan, éd. E. Pocock,
Oionii, 1700, p. 6 sq., et dans l'édition du Caire, de l'an H. 1299, p. 4.
SUR LES DIVERSES ÉTAPES DE LA VIE CONTEMPLATIVE. | ,",
5) Après avoir traité du développement graduel du théosophe, nous dirons à
la fin quelques mots des qualités dont il fait preuve dans ses rapports avec le inonde.
Il est toujours attable, et l'homme supérieur et haut placé n'a pas pour lui plus de
considération que le personnage inférieur et de basse condition, car il est convaincu
que le monde tout entier, n'étant que vanité, est égal devant Dieu. Bien qu'avanl
son unification complète il n'ait pu supporter la moindre distraction venant des
choses de ce monde, arrivé dans cet état, il est au contraire à l'abri de tout trou-
ble, et possède même des forces suffisantes pour s'y intéresser; pourtant il évite de
s'immiscer dans ce qui ne le concerne pas, et il ne se laisse pas emporter de colère
contre les actes coupables , mais en considérant le mystère de Dieu qui se rattache
au destin, il prend pitié des pauvres créatures et donne ses avertissements avec
douceur; quelquefois même où il voit le bien-être en abondance, il garde le silence
à l'égard de ceux qui n'en sont pas dignes. Il est courageux et n'a nulle peur de la
mort; généreux, il n'aime plus les vanités du monde; il pardonne volontiers aux
autres et ne garde point de rancune ; son âme, préservée du péché, ne s'occupe que de
Dieu. Les conditions de l'existence lui étant indifférentes, tantôt il préfère l'indi-
gence et la dureté de la vie, son âme lui suggérant le mépris de tout à l'exception
de Dieu; tantôt en rapport avec le monde extérieur, il tient à l'opulence et aux
honneurs, en les regardant comme des dons de la providence et en les assimilant à
la splendeur divine , le but suprême de ses aspirations. Cette variabilité se trouve
chez diverses personnes et chez le même individu, tout dépendant du milieu, du
temps et des circonstances. Attiré seulement vers le royaume céleste, il semblerait
quelquefois se soustraire aux exigences rigoureuses de la loi mondaine; pourtant, il
n'est pas coupable, car il n'est plus responsable de ses actions; la responsabilité in-
combe à celui-là seul qui s'est assujéti à la loi après l'avoir comprise, ou qui s'est
rendu coupable en négligeant de la comprendre, tandis que, lui, il a perdu toute
conscience. En général, il faut pourtant constater que la vérité absolue ou Dieu
n'est pas l'abreuvoir de tout allant et venant, ni se manifeste également à tout le
monde, et que la révélation de la vérité n'est accordée qu'aux seuls élus. Aussi la
doctrine que nous venons d'exposer dans ce chapitre pourrait être la risée des in-
différents en même temps qu'elle servirait d'avertissement aux initiés: si quelqu'un
donc éprouve pour elle de l'aversion, qu'il examine son intérieur, et voie >'il pos-
sède la réceptivité nécessaire! A celui-là seul qui est bien disposé, tout est facile ' .
1) Voy. le même adage employé par Avicenne à la (in du traité sur Le Destin. Le Miuéon, t. I\ .
1885, p. 50.
16 AL-ISHÂRÂT WA-T-TANBÎHÂT (X1-' SECTION).
X-vmi SECTION.
SUR LE SECRET DES MIRACLES.
Dans les articles précédents nous avons exposé les vues d'Avicenne sur la vie
future, où la perfection de l'âme sera la rétribution de l'homme zélé et juste, tandis
qu'au eon traire, la punition du coupable y sera la continuation de son état défec-
tueux , provoqué par ses péchés , ainsi que la conscience d'être privé des moyens de
perfectionnement, au moins pour un certain temps, dont la longueur dépendra de
la grâce divine. En outre , nous avons expliqué la voie que l'homme doit suivre
pour arriver graduellement, par diverses stations, et déjà dans la vie d'ici-bas, au
plus haut degré de l'unification avec Dieu, à ce degré où, perdant totalement la
conscience de lui-même , il ne contemple que Dieu partout dans les objets terrestres ;
dans cette contemplation de Dieu il est devenu lui-même Bien, et il ne semblerait
rien manquer à notre initié, arrivé dans cet état, que la faculté d'opérer des mira-
cles. Ici pourtant, la réflexion judicieuse d'Avicenne l'arrête et, contrairement à ses
successeurs , les philosophes çoûfiques par excellence , comme Ibn-ul-Arabî e. a , il
tâche par la suite de nous expliquer ces faits d'une apparence extraordinaire.
1) Arrivé à cet état, l'illuminé semblerait être doué de la faculté de s'élever
au-dessus des lois de la nature; mais, dans la plupart des cas, il faut reconnaître
que ce qui , au premier abord , nous paraît miraculeux , ne s'opère pas contrairement
aux lois fixes de la nature, que, au contraire, si nous les examinons de plus près,
ces choses sont conformes à ces mêmes lois, bien que celles-ci ne nous soient que
très imparfaitement connues. Si, par exemple, l'initié peut pendant bien long-
temps supporter le jeûne , c'est que l'âme , plongée dans la contemplation ,
exerce son influence sur le corps , qui , dans le repos absolu , ne perd rien
de sa chaleur et n'a pas besoin de restaurer ses forces perdues. Nous avons
des cas analogues dans certaines maladies où le patient peut de même, pen-
dant bien longtemps , soutenir sa vie sans aliments , bien que l'intensité de la
maladie épuise ses forces par son principe destructif et contraire au rétablis-
sement normal, qui n'existe pas dans le jeûne de l'initié. Ainsi ce jeûne continu,
qui serait impossible à l'homme sensuel et sain, n'a rien qui s'oppose à la loi ordi-
naire de la nature.
Quant à la force extraordinaire que déploie quelquefois le çoûfî, elle s'explique
par l'état extatique de son esprit, à peu près comme la force ordinaire de l'homme
augmente par la joie ou l'enivrement, et diminue par la peur et la tristesse.
2) Quant à la faculté de prédire les événements futurs, il nous faut, pour por.
ter à ce sujet un jugement sûr, examiner les conditions dont dépend cette faculté.
SUR LE SECRET DES MIRACLES.
17
D'abord, nous devons faire remarquer que tout le monde connaîl la révélation des
événements futurs qui se fait dans les songes, et qui devient possible lorsqu'une
disposition maladive du corps ne l'empêche pas; mais ici nous devons encore recher-
cher si cette faculté ne peut s'adapter à l'état de veille, pourvu qu'il n'y ait rien
qui s'y oppose1). Nous savons que les événements terrestres sont, dans leur géné-
ralité, décidés dans le monde des hautes intelligences, mais, ils ne le sont dans
leurs particularités que dans les âmes des corps célestes2) qui gouvernent notre
monde: voilà la doctrine des péripatéticiens ; mais nous pourrions peut-être, avec
une certaine vraisemblance, supposer que ces âmes célestes embrassent en même
temps et le général et le particulier. Alors les événements viendraient des influences
de ces âmes, que l'âme humaine pourrait subir si elle y était accessible et qu'aucun
obstacle, ni extérieur ni intérieur, ne s'y opposât; examinons ces conditions. Nous
savons d'abord que les forces de l'âme se contre-balancent entre elles; par exemple,
l'irascibilité contrarie l'appétit sensuel; les sensations extérieures troublent les sens
intérieurs et entraînent la raison, instrument de l'âme; au contraire, l'âme plongée
dans la méditation arrête toute action des sens extérieurs, qui ne portent plus alors
aucune image du dehors à l'âme. C'est à l'aide de l'organe de la sensibilité ou du
sens commun 3) que l'image de l'objet extérieur se reproduit comme présent ; quelque-
fois, l'objet sensible, disparu ou changeant de place, laisse encore pour un certain
temps son image; par exemple, quand on tourne en cercle un objet lumineux, on
obtient l'image de tout un cercle continu. Ainsi, aussi longtemps que l'image
restera, nous ne pouvons la regarder que comme présente; peu importe qu'elle pro-
vienne d'un objet véritable, ou dérive d'un objet dont l'existence réelle a cessé. Le
dernier cas se présente chez les malades qui reçoivent de leur imagination l'impres-
sion d'objets inexistants et dont la faculté imaginative est mise en mouvement par
ces images reproduites à peu près comme dans deux miroirs opposés l'un à l'autre.
Ce qui en fait cesser la reproduction continue, c'est le sens extérieur qui distrait
le sens général et le maîtrise presque totalement, ou la raison et la réflexion inté-
rieure qui préservent l'homme des images de la fantaisie , mais cet effet étant sou-
vent affaibli, l'imagination en revient à s'occuper de ces images, comme si elles
avaient une existence réelle. C'est ce qui arrive dans le sommeil, qui arrête entière-
ment toute impression du dehors; alors, quelquefois, l'âme est entraînée par la
1) Comp. Les prolégomènes d'Ibn Khalioun, trad. par tic Slane, t. I, p. 216 sq., el l'article La philo-
sophie d'Avicenne, dans le Muséon, 1882, p. 513 — 514.
2) Comp. le traité sur l'astrologie dans le Muséon, 1884, p
3) C'est l'<tf»Si»«< xo<vij d'Aristote, le sens général qui réunit les sensatioi u les sens
extérieurs.
J g AL-ISHÂRÀT WA-T-TANBÎHÂT (Xe SECTION).
nature de la force digestive à un abandon complet de ses fonctions intellectuelles,
de même que, dans certaines maladies, toute son attention est attachée au rétablis-
sement de la santé du corps; les deux facultés qui empêcheraient la prédominance
de l'imagination intérieure, les sens extérieurs et la raison, étant réduites à peu
près à rien pendant le sommeil, l'imagination reste seule maîtresse, et le sens gé-
néral en reçoit les images comme provenant de la réalité. C'est pourquoi le som-
meil est ordinairement uni aux visions. Pourtant, les degrés de force de lame va-
rient comme ceux des sensations extérieures et de la raison, qui, comme nous
l'avons dit, ont pour fonction de réprimer l'imagination : si l'âme est forte, elle
résiste facilement à ces aggressions du dehors, et si elle est faible, le contraire se
produit, tandis que lame exercée par le traitement spirituel refuse tout ce qui s'op-
pose à cette action, et se meut avec liberté dans la région qui lui convient par sa
nature; ainsi délivrée de toute sensation du dehors et des liens qui l'attachent au
corps affaibli , p. e. par une grave maladie , elle peut vraisemblablement s'élever au
monde saint et spirituel et en tirer des images qui, de nouveau, se réfléchissent dans
l'imaoination vide et affaiblie du dormant ou du malade, d'où elles sont transportées
dans le rayon du sens général. L'âme très forte par sa nature pourrait bien proba-
blement, même en état de veille et de santé parfaite du corps, recevoir des inspi-
rations de ce genre, des vues extraordinaires et des exhortations intérieures, comme
ce fut le cas du prophète, quand il jouit de l'apparition des anges ou entendit des
voix célestes. Ces impressions d'un autre monde varient beaucoup en intensité et
vont jusqu'à l'apparition, par exemple, d'une représentation de la beauté divine, la
récitation d'un morceau de poésie et même jusqu'à la révélation de l'être éternel et la
communication de sa parole ; c'est parce que notre imagination, en transformant toute
forme intellectuelle, ou de nature mixte, en image sensible, ne peut nous représenter, par
exemple, le bon et le beau que par une figure agréable à voir et le mal par une image
contraire, etc.; mais il n'arrive que bien rarement qu'elle soit à même de fixer dans la
mémoire, avec une parfaite clarté, la forme révélée sans aucune transformation. Au con-
traire, l'âme de nature faible ne retient qu'une image presque effacée qui n'exerce que
peu d'influence sur l'imagination et sur la mémoire; l'image, chez elle, est toujours sur
le point d'être bannie et dissoute par une autre, et on ne réussit à la rappeler que par
une réitération ou quelquefois par une interprétation , tandis que celle de l'âme forte,
conçue en état de sommeil, de veille ou de maladie du corps, soit sous la forme de
songe, d'inspiration ou de révélation, n'en a pas besoin. Mais il n'en est pas de
même, si les transformations se succèdent et varient, car dans ce cas il faut recou-
rir aux mêmes moyens, selon les circonstances, les rapports du temps et l'habitude
des individus; et, alors, le songe demande une interprétation, tandis que l'inspira-
SUR LE SECRET DES MIRACLES. J9
tion, pour être communiquée à tout le monde, ne requiert qu'une explication.
3) Quelquefois, on se sert de moyens extérieurs pour calmer l'imagination,
soustraire les sens et la réflexion à toute impression extérieure, et de cette manière
rendre l'âme plus accessible aux influences célestes et divines *). C'est dans ce sens
qu'on raconte, par exemple des Turcs, qu'en se rendant chez leur devin pour ap-
prendre les événements cachés de l'avenir, ils ne reçoivent ses révélations qu'après
qu'il s'est mis en mouvement avec une rapidité à perdre haleine, et que dans cet
état il communique ses révélations. D'autres Axent leurs yeux sur un objet trans-
parent et étincelant, ou sur un point noir resplendissant et miroitant jusqu'à hébé-
ter la vue par son éclat et, dans cette condition de torpeur, ils saisissent les com-
munications d'en haut 2). Tous ces moyens sont plus efficaces chez les individus de
constitution bien faible, par exemple, des jeunes gens inexpérimentés, et ils se
combinent avec des discours diffus et incohérents, avec des actes de folie, en un
mot, avec tout ce qui provient d'un sentiment de stupéfaction et d:étourdissement.
Quand , après cette opération , la réflexion est hébétée et assoupie , le moment de
l'unification de l'âme avec le monde des mystères s'approche; tantôt le mystère se
manifeste sous la forme d'un tintement très fort, tantôt sous celle d'une allocution
angélique ou d'un chuchotement secret , tantôt tout le monde des mystères se révèle
à lui. En attendant , tout ce que nous venons d'exposer ici ne peut être envisagé
comme doctrine prouvée, mais ne dépend que de l'expérience seule quoique affirmée
autant possible par des hommes de réflexion mûre ayant eux-mêmes éprouvé ces
cas ou les ayant constatés chez d'autres. Alors il s'agit de démontrer l'existence
réelle et la cause d'un tel phénomène dépassant la raison ordinaire, et, si l'on y
réussit de manière que tout soit clairement expliqué par voie naturelle , l'âme se
réjouira des douceurs de l'intelligence et n'hésitera pas à escalader ces hauteurs
mystérieuses. Mais arrêtons-nous; prolonger la discussion sur ces matières, en appor-
tant nos propres témoignages ou ceux d'autres, ce serait une vaine entreprise, attendu
que celui qui n'est pas convaincu de la justesse générale de nos observations, ne
se laissera pas non plus convaincre par une exposition détaillée.
4) Jusqu'à présent, nous avons vu Avicenne expliquer les effets en apparence
miraculeux de l'extase religieuse, autant qu'ils proviennent d'un pouvoir extraordi-
naire donné à l'âme sur les sens inférieurs, par exemple, la possibilité de supporter
1) Le développement ultérieur et très ample de cette matière se trouve dans Les Prolégomènes d'Ibn
Khaldoun, trad. tr. par Mae Guekin de Slane, t. I, p. 207—209; p. 221—221
2) Comp. la mystification de l'illustre E. W. Lane, opérée au Caire par un farceur égyptien et racon-
tée par lui même dans: An account of the manners and customs of the modem Egrjptiuns h;/ F.. W. Lane,
London, 1846, t. II, p. OS sq. L'explication naturelle, ibd., t. III, p. 210 sq.
20 AL-1SHÂRÂT WA-T-TANBÎHÂT (Xe SECTION).
un jeûne continu, d'acquérir une force merveilleuse des membres, de prédire l'ave-
nir, etc. ; nous continuerons maintenant à suivre ses traces jusqu'à la fin dans l'ex-
plication des phénomènes semblables qui concernent les objets extérieurs, p. e.,
le pouvoir de guérir certaines maladies, de provoquer la pluie, de causer, par les
malédictions, la perte et la ruine, ou bien, par les bénédictions, d'éloigner toute
espèce de maux, de dompter les animaux sauvages, etc., en un mot, des phéno-
mènes qui ont tout l'air de contrarier les lois de la nature , mais qui , jugés avec
discernement, présentent souvent des causes conformes à ces mêmes lois, bien qu'ac-
tuellement elles ne se soient pas suffisamment révélées à notre connaissance. Bien
que l'âme, continue Avicenne, n'ait point avec le corps les rapports de l'empreinte
au sceau, mais, au contraire, que leur union soit libre et leur nature toute dif-
férente , nous voyons pourtant les diverses affections de l'âme agir sur le corps l),
par exemple, la réflexion chez celui qui marche sur une planche étendue au-dessus
d'un abîme lui fait souvent perdre l'équilibre et tomber, tandis que celui qui se
trouve sur la même planche, mais étendue sur la terre plane, reste debout. De la
même manière, on change de visage graduellement ou subitement sous l'influence
de pensées et d'impressions intérieures, et cela jusqu'au point de provoquer ou
d'écarter des indispositions et des maladies ; aussi pourrions-nous supposer que la
force de l'âme s'étend sur les objets environnants-, de même qu'elle influence l'état
de son propre corps, elle pourrait peut-être influencer les corps étrangers et leurs
âmes, et, en maîtrisant sa propre cupidité, son irascibilité ou sa frayeur, éloigner
les mêmes passions des autres. Quelquefois nous trouvons cette force donnée à l'âme
dès le moment de son union avec le corps , mais quelquefois elle est développée par
l'exercice et par le changement du tempérament; enfin quelquefois par l'aspiration
de l'homme d'acquérir la connaissance intime de Dieu, ce qui est le cas des saints
dévoués à Dieu. Celui qui a reçu de la nature cette force de l'âme et qui la fait
servir à développer la bonté et la pureté, appartient au nombre des prophètes et
des saints; doués des dons de la grâce divine, ils atteindront le plus haut degré
de perfectionnement , tandis que l'âme douée de la même force , mais inclinée au
mal , se livre à la magie et n'atteindra jamais le rang suprême des âmes pures 2).
A la catégorie des effets produits par l'âme sur les objets environnants on
pourrait rapporter celui du mauvais œil 3), par lequel on entend une impression nui-
sible émanant de la personne qui en admirant regarde une autre. Bien que cet
1) Coinp. Les Prolégomènes, t. III, p. 182 — 183, et le Muséon, 1S82, p. 51i, dans l'art. La philosophie
à" Avicenne.
2) Comp. Les Prolégomènes , t. III, p. 183.
3) V. ibid., p. 187.
SUR LE SECRET DES MIRACLES. 2 l
effet soit rejeté par ceux qui ne concèdent aucune influence d'un corps sur un autre
si ce n'est, soit par contact immédiat, p. e. le chauffage de la chaudière produit par
le feu, soit par la dispersion des atomes, p. e. le refroidissement de L'air produit par
la terre ou l'eau, soit par la pénétration intermédiaire de la qualité, p. e. le chauffage
de l'eau dans la chaudière produit par le feu, il faut pourtant réfléchir à ce que
nous avons fait remarquer précédemment, que l'effet n'est pas toujours contenu dans
la cause [p. e. les rayons du soleil n'étant pas en eux-mêmes chauds, produisent la
chaleur], et cette objection perdra beaucoup de sa force. En général, nous voyons
des effets extraordinaires dériver en ce monde de trois causes: 1° des âmes, connue
nous venons de l'expliquer, par exemple, la magie ou plutôt les faits miraculeux
des saints; 2° des corps terrestres, p. e. la force de l'aimant qui attire le fer, et
tout ce qui appartient à la magie naturelle (al-Mrendjât); 3° des corps célestes, quand
ils rencontrent la réceptivité nécessaire dans les corps terrestres et les âmes particu-
lières , p. e. les exorcismes de l'art talismanique '). Dans tous les cas où les véri-
tables causes naturelles de pareils phénomènes nous sont cachées, la stupidité de les
rejeter arrogamment avec nos soi-disant philosophes comme un ensemble de men-
songes, est tout aussi déraisonnable que d'admettre légèrement le tout comme vérité;
ici le juste milieu est la seule voie à recommander, c'est-à-dire que l'on doit aban-
donner tout cela à la catégorie du possible, aussi longtemps qu'il n'y a pas de dé-
monstration solide à présenter, ni pour ni contre. Dans la nature, nous trouvons
aussi beaucoup de merveilles opérées par la correspondance des forces actives célestes
et de la condition passive des choses terrestres.
«Nous t'avons régalé , mon frère , conclut Avicenne , de la crème de la vérité et
des mets exquis de la sagesse; garde cette dissertation à l'abri de toute profanation
des ignorants, privés de l'illumination d'en haut et de la pratique, dont les pen-
chants sont du côté du vulgaire, et qui rejettent ces vérités tout comme nos soi-
disant philosophes renommés, eux et leurs adhérents, par leur incrédulité; mais si
tu rencontres un homme sûr et à l'abri de toute mauvaise influence, qui, cherchant
Dieu, est favorisé de la lumière, de la grâce et de la vérité, satisfais ses demandes
peu à peu et partiellement , et fais-lui espérer la continuation de ton intimité future ,
si tu observes chez lui de bonnes suites de ta confiance passée; mais oblige-le pour-
tant par des serments solennels d'observer la même méthode que toi-même et de
se conformer à ton exemple; au contraire, si tu répands cette doctrine indiscrète-
ment et en abuses, sache que le Dieu très haut sera juge entre toi et moi!»
1) V. Les Prolégomènes, t. III, 192—193.
L'OISEAU
TRAITÉ MYSTIQUE D'AVICENNE
RENDU EN FRANÇAIS ET EXPLIQUÉ SELON LE COMMENTAIRE PERSAN
DE SÂWEDJÎ.
AYANT-PROPOS.
Le petit traité «F Oiseau» appartenant au même genre d'écrits que Haï; b.
Yaqzdn , dont nous avons établi l'existence réelle, prouve certainement moins de
génie original chez son auteur, mais, malgré le style fortement ampoulé et obscur
du commencement, sa conclusion bien naïve jette une vive lumière sur la vie inté-
rieure de l'auteur et ses rapports avec ses contemporains. Dans la liste de ses œuvres ,
faite par son disciple Djoûzdjânî, ce traité est mentionné sous le N°. 24 en ces
mots : Traité de l 'oiseau , composition énigmatique , où il décrit comment il arriva à
la connaissance de la vérité l), mais sans indication de la date de sa composition ;
en tout cas, comme il suit, dans cette nomenclature, le traité de Haï/ b. Taqzân,
composé pendant que l'auteur se trouvait dans la forteresse de Ferdedjân, près d'Ha-
madân , il nous semble qu'il a dû être écrit quelque temps après, peut-être à la
cour d'Alâ ed-Daula, où il acheva également son grand ouvrage as-8/ie/d. Le
style, surtout celui du commencement, plein d'expressions énigmatiques , offre beau-
coup de difficultés ; heureusement elles sont amoindries par le commentaire avec
version persane, composé par un certain Omar b. Sahlàn as-Sâwedjî qui se trouve
au Brit. Muséum 2); c'est de cet opuscule, du reste tout à fait insignifiant, que nous
avons extrait les notes explicatives placées en dessous de la traduction. Pour en faci-
liter la lecture, nous présentons ici le tissu de la composition. Après une dédicace
à ses amis, où il parle des qualités de l'amitié réelle, l'auteur commence son récit
allégorique: Une compagnie de chasseurs s'en alla prendre des oiseaux; après
qu'ils eurent tendu leurs filets, bon nombre d'oiseaux vinrent y tomber, et parmi
eux se trouva l'auteur du récit. Renfermés dans leurs cages, ils souffrirent d'abord
de leur captivité, mais ils s'y accoutumèrent peu à peu jusqu'à ce qu'un petit
1) La même citation se trouve dans L'art. A'Jvicentie chez Ibn Abî Oçeibi'a, éd. \. Miill
t. II, p. 11; selon H. Chalîfa, qui fait mention de cette pièce mystique d'Avicenne, t. III, p '
(f 505 H.), en aurait composé une pareille du même nom.
2) Voy. Cal, il. Codd. manuserptt. ar. Mu». Uni., t. II, p. 150, V' 26; le même commentateur a été
mentionné par 11. Kkalîfa, Lex. eneyd., deux t'ois, t. II, p. 108, et t. III, p. 112, mais sans indication de
l'année de sa mort.
26
AVANT-PROPOS.
nombre d'entre eux réussirent à s'en échapper, tandis que les autres , encore captifs , les
voyant s'élever en l'air, leur demandèrent de leur faire connaître les moyens de parve-
nir à la délivrance et de les aider à y réussir. Ceux-ci, après quelques hésitations,
offrirent leur fride à leurs malheureux compagnons et leur montrèrent la voie à
suivre pour échapper sûrement à la captivité. Arrivés, dans leur vol, en vue de huit
hautes montagnes, ils se mirent avec grands efforts à en gravir les sommets, et,
parvenus au dernier, ils trouvèrent accès au palais du Grand Roi. Admis à l'audience,
ils commencèrent à Lui décrire leur état bien misérable, empiré par les bouts de
chaînes restés encore attachés à leurs pieds. Alors, Lui leur promit de leur donner
un messager qui porterait à leurs oppresseurs l'ordre de détacher leurs chaînes; ce
messager de la délivrance est fange de la mort.
Comme on le voit, ce petit traité confirme la doctrine principale des rapports
de l'âme et du corps que nous avons expliquée longuement dans une de nos pre-
mières analyses des traités d'Avicenne '), à savoir que l'âme, substance à part, tirant
son origine de la plénitude divine, s'unit au corps, composé d'éléments matériels, pour
opérer son développement dans ses divers rapports avec le monde et par là atteindre
la béatitude éternelle. Mais pendant son séjour ici-bas, elle se sent toujours captive
dans la prison du corps , languissant du désir du retour à sa patrie céleste (al-ma'ad),
lequel ne peut s'accomplir que par la mort. La comparaison des âmes qui ne savent
résister aux séductions de la vie, à ces colombes qui se laissent prendre aux filets
de l'oiseleur, est bien ancienne; déjà nous la trouvons parmi les poésies didactiques
de Prudence, poète chrétien du IVe siècle2).
Pour fixer le texte arabe, j'en ai eu à ma disposition quatre copies, deux apparte-
nant au Prit. Muséum (voy. Cat. Codd. manuscrptt. ar. Mus. Brit., t. Il, p. 450, N°. XXVI,
avec le commentaire persan de Sâwedjî, et, ièid., N° XXVIII, portant le texte seul)
et deux appartenant à la bibliothèque de l'université de Leyde (v. Cat. Codd. oriental.
Biblioth. Acad. Lugd. Bat., t. III, p. 329, N°. 1464 = Cod. 10:20- (10) Warn., et t. IV,
p. 313, N°. 2144 = Cod. 177 (5) Gol.). La collation de cette dernière, dont je n'avais
pas observé l'existence, je la dois à l'extrême obligeance de mon célèbre et cher col-
lègue Mr. M. J. de Goeje. Pour indiquer les leçons variantes de ces quatre copies ,
j'ai désigné les deux premières par B et B2, et, où elles sont d'accord, par la
lettre L seule, les deux dernières par A et A2.
Copenhague, Octobre 1891. A. F. MEHREN.
1) Voy. l'art, du Muséon de l'année 18S2, p. 512, et de l'année 1SS3, p. 561 suiv.
2) Voy. Garmina qua supersunt Prudentii , éd. Dressel, Lipsiae, 1S00, p. 162.
TRADUCTION DE L'OISEAU.
Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux! A Lui seul je nie confie, Lui
seul est toute mon espérance.
1) N'y a-t-il personne parmi mes frères qui veuille bien m'accorder un moment
pour entendre mes plaintes intimes? et pourtant, peut-être pourrait-il alléger mon
fardeau en en portant une part. Car l'ami fidèle n'est pas à même de tirer son frère
d'embarras, s'il ne conserve en son âme, soit dans la prospérité, soit dans l'infor-
tune , une amitié parfaitement intacte. Comment t'arroger le nom d'ami fidèle , si
tu envisages l'amitié comme l'asile où tu cherches un abri, quand un accident
quelconque te rappelle le souvenir de ton ami , mais qu'au contraire tu refuses
d'observer tes devoirs envers lui quand tu n'as pas besoin de lui? Ne feras-tu donc
visite à ton ami que quand un accident t'est arrivé , et ne garderas-tu son sou-
venir que si le besoin te le rappelle? Dieu vous en garde, mes frères, vous que
réunit la communion en Dieu, et qu'une parenté divine rassemble, vous qui
contemplez par la vue intuitive la vérité, vous qui avez purifié vos cœurs des
scories du doute, vous que la voix seule de Dieu a mis en communauté!
Eh bien! mes compagnons en la vérité, examinez-vous vous-mêmes et vous trou-
verez la bonne direction; que chacun de vous révèle le secret de son cœur à son
frère, afin que, chacun de vous en se communiquant à l'autre, l'un se perfectionne
par l'autre! Allons! mes frères, couvrez-vous de vos carapaces comme les porcs-
épics, manifestez votre intérieur et cachez vos dehors! En vérité, votre intérieur sera
manifeste et votre extérieur caché 1).
Eh bien, frères de la vérité, muez comme les serpents et rampez comme les
vers ; soyez comme les scorpions dont les armes sont placées à la queue , et souve-
nez-vous que Satan n'attaque l'homme que par derrière! Abreuvez-vous du poison,
vous vivrez; aimez la mort, vous serez conservés2); prenez votre vol en haut et ne
1) L'auteur veut dire: il faut rendre la faculté active et raisonnable manifeste; et, au contr;n
disparaître l'influence des désirs sensuels.
2) La peau du serpent est le corps humain qu'on doit quitter dans L'espoir de trouver un
heureux au-delà. Satan est la personnification des mauvais désirs provenant de l'imagination sensible; et le
poison indique la résistance à ces influences du corps.
2 9 TRADUCTION DE l/oiSEAU.
cherchez pas d'abri dans les nids , car les nids sont les places où le plus" souvent
on prend les oiseaux. Si vous manquez d'ailes, prenez celles des autres, et vous
arriverez au but; le meilleur des éclaireurs est celui dont le vol est le plus fort1).
Soyez comme' les autruches avalant le sable brûlant, comme les serpents engloutis-
sant les os les plus durs, comme les salamandres se ruant dans le feu, ou comme
les chauves-souris ne sortant jamais pendant le jour; en vérité, le meilleur des oiseaux
est la chauve-souris s). — Eh bien , mes frères , l'homme le plus riche est celui qui
ose regarder le lendemain, et le plus misérable est celui qui sera frustré de son
terme. — Oui ! mes frères , il ne faut pas s'étonner que l'ange évite le mal et qu'au
contraire l'animal s'en rende coupable; ce qui est merveilleux, c'est que l'homme
soit capable de devenir rebelle par la concupiscence, bien que par elle il ait perdu
sa forme primitive, et qu'il lui obéisse, bien que son intérieur soit illuminé par la
raison. En vérité, l'homme qui continue sa route en luttant contre la concupiscence
et dont le pied n'a pas dévié , est semblable à l'ange ; mais, au contraire, celui-là est
inférieur à la bête dont les forces n'ont pas suffi pour résister aux passions qui l'ont
entraîné.
Abordons maintenant l'exposé de notre propre état !
2) Une compagnie de chasseurs se rendit à la chasse; ayant tendu leurs filets,
dressé les pièges et préparé les amorces, ils se cachèrent clans un arbuste, tandis
que je me trouvais au nombre des oiseaux. En nous voyant les chasseurs commen-
cèrent à siffler, nous invitant à nous approcher. En sentant la fraîcheur de l'appât
avec la familiarité de la compagnie, et ne soupçonnant rien qui pût nous faire ar-
1) Voler signifie métaphoriquement: chercher la faculté de recevoir la grâce divine, tandis qu'être
captif, veut dire : rester privé du perfectionnement de l'âme. Manquant d'ailes veut dire : n'ayant pas l'élan
ni l'initiative nécessaire pour s'élever, il faut chercher la direction des maîtres.
2) L'autruche dévorant le fer et les pierres chaudes, et le serpent se nourrissant des os durs sym-
bolisent l'homme domptant ses désirs charnels et sa férocité se servant de l'un contre l'antre; le fer et les
pierres chaudes signifient l'impétuosité, les os durs la volupté; l'homme doit les dompter toutes deux pour
éviter leur domination et son propre anéantissement. La salamandre se ruant dans le feu symbolise de
même l'homme se servant de la force Imaginative et représentative, qui tantôt mène à la vérité, tantôt à
l'erreur; pourtant, il faut employer ces facultés avec précaution comme le feu qui, bien qu'il soit indispensable
à l'homme, peut lui causer de grands dommages. C'est pourquoi il compare le vrai savant à la chauve-
souris; convaincu que des idées se cachent sous l'enveloppe des objets apparents, le savant cherche la vérité
dans les intelligibles; il se sert du crépuscule comme la chauve-souris, c'est-à-dire tantôt de la lumière ou
du visible, tantôt de la nuit ou de l'intelligible caché. Tout en professant l'unité de Dieu, il tient Le milieu
entre l'abstraction complète {ta Ml en arabe) et l'assimilation de Dieu à la créature (ieshbîA); il ne rend pas
Dieu corporel en qualité de créateur, mais il ne le rejette pas non plus et conserve le juste-milieu par la
foi. Il se sert du monde visible pour s'élever à la connaissance de cet être sublime et des idées cachées,
et il eroit à son Dieu comme l'auteur de la création, mais dépourvu de toutes qualités humaines; c'est à ce
vol au crépuscule, entre la lumière et les ténèbres, qu'il compare l'aspiration du savant à s'élever par la foi
à la conception de Dieu.
TRADUCTION DE L'OISEAU.
29
rêter, nous nous précipitâmes vers eux et tombâmes au milieu des pièges; au même
moment, un anneau se ferma autour de nos cous, les lacets s'enfilèrent dans nos
ailes, et les cordes s'attachèrent à nos pieds, de manière que tout mouvement ne
fit plus qu'augmenter nos douleurs. Tout près de notre perte, chacun ne s'occupa
que de son propre malheur, sans penser à son compagnon, et se mit à délibérer
sur les moyens d'échapper à ses fers. Pourtant, après quelque temps, nous oubli-
âmes notre condition nous accoutumant aux lacets et aux cages 1).
Un jour pourtant , je regardai à travers le treillis de ma cage une volée d'oiseaux
qui déployaient leurs têtes et leurs ailes et commençaient à s'élever en l'air. Un
bout de corde était encore visible à leurs pieds; bien qu'insuffisant pour leur
nuire jusqu'à entraver leur fuite, il ne leur accordait pas la pleine jouissance de la
vie 2). Leur mise en liberté me rappela le souvenir de ma condition, que j'avais
oubliée, et je m'indignai contre moi-même de m'y être accoutumé, de manière que
je me sentis oppressé, et mon âme se répandit en plaintes. Je leur criai à travers
le treillis de s'approcher de moi pour me faire connaître la ruse qui leur avait servi
à gagner la liberté, tandis que je restais encore captif, et de se rappeler les pièges
des chasseurs, mais en vain; ils continuèrent leur vol. Après les avoir conjurés par
notre ancienne amitié et notre société continue de garder la foi et d'éloigner tout
soupçon de leurs cœurs, ils se confièrent en ma parole et se dirigèrent vers moi.
A ma demande relative à leur condition , ils répondirent en m'assurant qu'ils avaient
été atteints du même malheur que moi, et poussés de même au désespoir et à une
perte imminente. Après m'avoir consolé, ils enlevèrent le lacet de mon cou et le
1) Le désir de l'àrne de s'emparer des substances séparées ou des intelligibles est comparé au vol d'un
oiseau, les cieux signifiant les sphères les plus hautes et la demeure des intelligibles, à laquelle L'âme tache
de s'élever, mais qu'elle n'atteint pas, empêchée le plus souvent par les liens du corps, et arrêtée dans les
sphères inférieures, c'est-à-dire plongée, dans les études de la science de la nature et des mathématiques, ap-
pelées science inférieure et science moyenne (voy. le Muséon de l'année 1S83, p. 563), sans atteindre les régions
sublimes de la métaphysique. Ordinairement L'âme est captive dans les liens du corps, et il n'arrive que bien
rarement que quelques âmes d'élite s'en délivrent partiellement et acquièrent un certain degré de repos: ce
sont les maîtres des sciences seuls qui en sont capables.
2) En les voyant voleter hors de leurs cages notre auteur se rappelle sa captivité et le désir le saisit
d'imiter leur exemple; il implore leur aide, mais en vain; ils s'éloignent, c'est-à-dire les docteurs de la
science n'assistent que ceux qui sont doués de la réceptivité nécessaire. En attendant , ils lui montrèrent la
voie en lui faisant remarquer que c'est seulement par des efforts réitérés qu'ils se son! urs pas-
sions charnelles, et qu'ils ont gagné la grâce divine. Le premier chemin qui s'ouvre est celui de la
inférieure et de. la moyenne, symbolisées par les sept sommets qu'ils atteignirent par des efforts réitérés;
puis ils s'arrêtèrent au pied du huitième, demeure des intelligibles et des âmes des sphères célestes. Cela
veut dire que l'homme est à même, par des efforts extrêmes, d'acquérir les sciences inférieures, tandis que
l'acquisition de la science centrale et suprême ne dépend que de la grâce divine, dont on se rend susceptible
peu à peu. Arrivés aux hautes régions des intelligibles, à la huitième station, ils attendent d'êtri
dans le palais du Grand Roi.
30
TRADUCTION DE L OISEAU.
filet de mes ailes et, la cage ouverte, me dirent : «cherche ton salut». Je leur demandai
de délivrer de même mes pieds de l'anneau; mais ils me répondirent: «S'il nous
«était possible, nous aurions débarrassé nos propres pieds. Le médecin étant lui-même
«malade, comment pourrait-il te guérir?» Sorti de la cage, je m'envolai. On me dit
alors: '«Tu trouveras devant toi une plaine où il n'y a pas de sûreté contre toute
«espèce de danger qu'en volée séparée ; suis nos traces ; tu seras sauvé et conduit par
«le droit chemin». Nous continuâmes notre vol ensemble entre les flancs d'une haute
montagne traversant une vallée tantôt verdoyante et cultivée, tantôt stérile et aban-
donnée; après l'avoir traversée, nous montâmes la montagne dont les huit hauteurs
se présentant à notre vue semblaient se confondre avec les nuages. Après nous être
encouragés l'un l'autre et nous être refusé tout repos, nous réussîmes, par des efforts
extrêmes, à gagner les six hauteurs en nous arrêtant au pied de la septième. Après
en avoir exploré les accès , nous nous proposâmes l'un à l'autre de restaurer nos forces
épuisées par un moment de repos , auquel nous invitait la sûreté de la place et
l'éloignement de tout ennemi. Ainsi la confiance à nos forces rétablies nous ayant
conduit plus sûrement à notre salut que l'épuisement continuel, nous arrivâmes
au septième sommet de la montagne. Voilà des jardins florissants, bien cultivés,
avec des arbres fruitiers et des ruisseaux abondants en eau, dont le charme rafraîchit
la vue et dont la beauté est capable de confondre la raison et de troubler le
cœur : nos oreilles y étaient ravies par les mélodies suaves et plaintives de nombreux
oiseaux; partout se répandaient des odeurs surpassant le musc et l'ambre le plus
exquis. Après avoir joui de leurs fruits et de leurs eaux nous y restâmes le temps
nécessaire pour soulager notre fatigue, après quoi nous résolûmes unanimement de
continuer l'ascension en nous excitant l'un l'autre : «Vite , allons-nous-en ! Aucun piège
«n'est pire que le repos, ni aucun moyen de salut plus efficace que la circonspec-
«tion, ni aucune défense meilleure que d'être toujours sur ses gardes; en vérité,
«notre séjour en cet endroit délicieux s'est prolongé trop, malgré nos efforts d'éloigner
«toute insouciance ; derrière nous se trouvent nos ennemis suivant nos pistes et
«épiant le lieu de notre séjour. Partons d'ici laissant toutes ces délices et n'ayant en
«vue que notre salut».
Ainsi nous nous mîmes en route et arrivâmes au pied de la huitième hauteur,
dont le sommet se perdait dans les nuages et dont les alentours étaient peuplés
d'oiseaux surpassant par leurs couleurs resplendissantes, leurs chants ravissants et
leurs formes charmantes tout ce qui nous était connu jusqu'alors. Nous jouîmes de
leur gentillesse et de leur complaisance, qui dépasse toute description, et nous pro-
fitâmes de leurs bienfaits, dont il nous serait impossible, pendant le reste de notre
vie, de rendre la moindre partie, Ainsi la familiarité étant bien établie entre nous,
TRADUCTION DE L'olSEAU.
3]
nous leur confiâmes nos secrets et, après quelque hésitation de leur part, ils répon-
dirent qu'au delà de cette montagne se trouvait la résidence du Grand Roi; là
tout misérable qui s'y réfugie et se confie à ce Roi, est par son assistance à l'abri
de tout dommage. Confiant en leurs paroles, nous dirigeâmes notre route vers
cette résidence; arrivés tout près, nous attendîmes l'autorisation d'y entrer. L'audience
obtenue 1), nous fûmes introduits dans le palais. Nous voilà dans une salle de ré-
ception dépassant en ampleur toute description, et après que nous l'eûmes franchie,
un rideau enlevé nous donna l'accès dans un autre salon spacieux et resplendissant,
qui nous fit regarder le premier comme bien étroit et bien petit. Enfin nous arri-
vâmes en présence du Grand Roi, qui, le dernier rideau enlevé, se présenta à nos
regards dans toute sa splendeur. Le cœur confus et le regard ébloui, il nous fut
impossible de proférer nos plaintes, tandis que Lui voyant notre confusion nous
rassura par son aménité; ainsi nous eûmes le courage de Lui présenter l'exposé de
notre situation actuelle. Alors il nous répondit que personne n'était à même de
défaire nos liens, si ce n'est ceux-mêmes qui les avaient fixés, qu'en attendant, il
leur enverrait un messager avec l'ordre de nous soulager et de détacher nos chaînes.
Ainsi congédiés, nous nous mîmes en route avec le messager, tandis que quelques
frères m'abordant s'attachèrent à moi pour me faire rendre l'impression que m'avait
faite la majesté du Roi; alors je leur donnai cette description raccourcie: «Lui, il
«est l'être représentant l'union de tout ce que vous pouvez imaginer de beauté la
«plus parfaite, où rien ne se trouve de laid , et de perfection la plus consommée ,
«où rien ne manque. Toute perfection réelle appartient à son être et tout manque,
«même pour l'imagination , en est éloigné ; sa figure représente la beauté et sa main
«la bonté. Celui qui le sert fidèlement, obtiendra la plus grande félicité, mais celui
«qui l'abandonne, sera perdu dans ce monde et dans l'éternité».
3) Maintenant, mes frères! combien d'entre vous ne me diront pas, après avoir
entendu par ma bouche ce petit récit : «Nous te voyons l'esprit bien douloureuse-
1) L'audience obtenue, ils furent introduits dans les salles du palais divin, symbolisant la base com-
mune de toutes les sciences mondaines: les sciences de la nature, les mathématiques et la logique. Enlin
admis à l'audience, ils furent éblouis par la splendeur du Roi et perdirent la force d'exposer leurs plaintes;
en attendant, encouragés par son affabilité, ils lui communiquèrent leur condition bien misérable, à quoi il
leur répondit que ceux-mêmes qui les avaient faits captifs, étaient seuls capables de les délier, mais qu'il
leur donnerait un messager avec l'ordre enjoint à leurs séducteurs de les laisser en repos. Ce messager est
l'ange de la mort, qui, en brisant tout lien qui unit l'âme au corps, rend à l'âme le repos qu'elle désire.
L'homme étant composé de l'âme animale et de l'âme raisonnable, c'est de la première force que dépend la
juste mixtion des éléments formant le physique corporel; où il a été troublé sérieusement, le rétablissement
ne peut avoir lieu que par l'entremise de l'âme animale elle-même. Pourtant, le Seigneur de la vie et de la
mort envoie son messager, l'ange de la mort, avec l'ordre de délivrer l'homme des liens du corps, et ainsi
la vraie délivrance de l'homme a lieu par la mort.( Comp. le Muséon de l'année 1882,' p. 512 et suiv.)
8:2 TRADUCTION DE L'OISEAU.
«ment affecté et l'âme saisie de clémence; par Dieu, tu ne t'es pas élevé en l'air,
«mais ton esprit suit une pure imagination ; tu n'as pas non plus été captif et en
«cage, mais ton âme a été prise; comment l'homme pourrait-il s'envoler ou l'oiseau
«parler? Evidemment, la bile noire s'est emparée de ton corps et la sécheresse, de
«ton cerveau; par suite, il te faut adopter un autre régime, prendre une tisane
«de cuscute1), avec des bains tempérés, te frotter d'huile de nénuphar2), choisir des
«mets convenables, éviter l'insomnie et toute espèce d'excès, être ménager de spé-
«culation; car nous t'avons connu auparavant comme un compagnon raisonnable,
«doué d'une intelligence solide et de pénétration d'esprit. Dieu sait combien nos
«cœurs sont affligés de ta misère, et quelle est notre douleur à cause de ton aliéna-
«tion mentale» ! — Ah ! combien de paroles inutiles et de peu de valeur ! En vérité,
la pire parole est celle qui est perdue. Dieu est mon seul refuge, et mon salut
bien éloigné de tout rapport avec ce monde; celui qui s'est formé d'autres con-
victions, sera frustré de son espoir dans cette vie et dans l'autre, «et les méchants
«apprendront quel sort leur est réservé» 3).
1) Sur cette plante médicinale (en ar. : afthîmiïn = hvi'Srvtiov) voy. le Canon d'Avicenne, éd. Ronue,
1593, t. I, p. 130.
2) Le nénuphar, remède calmant et très commun, est mentionné dans le Canon d'Avic. parmi les
remèdes simples, voy. ibid., t. I, p. 215.
3) Voy. Cor., S. 26, v. 228.
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6) B2 J-y^; alors peut-être faut-il lire: o^iJ! xJic vi>J^
c) B et B2 XJjli*.
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6) Le morceau renfermé entre parenthèses ne se trouve que dans le manuscrit de I. 0. et
dans celui de Leyde , contenant le commentaire de Naçîr ed-Dîn Thousî.
^Ljî ,1/^g: 5>^*=^ à\Jl.\ li^O.^VJ' ^.C .^>Jl**.£f liM Uyj (jdf jUS^uU! ^_e>àîf
JJ *JbLJI oL^iî J ,£! ^L iXÏ y^Ji JU4J0 "s_yJi JbjÀS? £S6 £A j»j
j^aJt oiLl c^jÀ^'î ^.JuJf i^5_j.î àU£»kU j^àÀJf ^^km]j liiî »,1&I "ciuj'fyo
AvJSijIj iiU?LsJI jJj.*" <-?' f^~^ .»JUi IJI JLSj3 p4^s m^jGw pJ^i
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a) il j^Juoy JAt iCLï j/o o5j*JIj .kfiÂil (j'n>8'i (jBaËj ^_c' «.àc ;U-Si! Sj.Li.JI ii,ya iùUjwJI
(J.LJI ^ ^j jîUlj» ^-5> J3*J! l*À_S> j ^Jdl ^jàli ;^*ii- jL3Cjl ««, ^1 ^J gjU&lj ^
« _U«p UÎ) Jj 0«a^ l_.L*JCi'^lj J^jlst. Û-c u^jj Jljjl ^ cyJI !<ÀS ^ i.^ y^> Le «IlXc!
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&$lu ^^.LgJf ^j-^J L» u\J.c ié$J6^ Jsàxiî _3f U^ Jo JntàS} _SàJî sj^ff
0li.J_j.U5 5-PIjJÎ Jî$._^î »JJ.2& _y» 2ltf.Mc.jyuU ^0 ^^ ^J^ JaS-vJt», _Î^X=>-
OïLc v5 ^àL:^\j Jjjj Catj^ J> ^w^ oî1a5=u w\ij sLuj *a1s. v__à£c U Juui
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^gl J>ij,' cwXll (^ç-J. jaiùJlj ^LaajJS _l_VsU' ««SjiXÎI _~s=uJi ^^5 a-o.-S'' s^ Jj" XUfi£j j-c
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*av^>. îiifj -ajw VwàÀ*j "^ ^jtoli oi.îr? ,-/»! Ojytlb .-,*î îiSlà .lXsJÎ 3 &JJf
j-^3 "^ ^-àa^_5 pl~>ui Ojl*iî **aàj "6*Ji#î .a£ (j.i &a!c .Lé Ljj vjfjjùî
&ajL»j> q;^ j.c Xa^J^— wj JwoLbi «JbLfijj .^i\£! AaaàJIj *a*aajI j*ii (__«' (.LwOj w^£> *o»^JI oUi->
A ^La (J^E vi^wwwJj 1 ;g;»»,! tçj aasI«s w\)j |y>« a^ûj q* ^Iraàv^I LjJ) jâj «Là»! ^
a) &xXs- »^S\is>s _jLM J-a> ^-**s=* ikLLx/j aj_-=» ^_gj>> u«à!' v-*a*>j c?*^ oyai' (j«-*$il
_Ç aj!j. jj ,iAï ^sî —li'j sJtAJls «jlXo ^p *.«iïi ^gi j^c;_jls a^-,1} "Kax.& LojI xjS\L>5 xjsjajIj
Il
^Lsuà.^1 IgAi UpjfT *Ls L« oU^si fy% Jjjf c^-^J ota^a uS'li^ Jj-c^Jî &*fJ
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j* i^ÀJI aljj«il 0_£ xlL^ "^ wJtc _^i iulj ac vlcj JLiL ^._£ ^ Û! «oLsJL 0tf ^
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i_jLsVc! vJJiL -*-y~J qI^ ,^'5 (j—iiJIj ^.LjXj"^i5 (j«àJIj g^*** _*£î *i< Ui c^JuaJ> Iuj^j v^j^U
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S*fc*bXI ^cyi^ S«-t>htl u*s2*L SjUl^ ^^àÀJI ^Ja^u (_c* jS-' S^UxJIj _^ac ^i i J^cLi. L«aji «..il
0S «S'jj Jj«»jJI i-1 ^^r*^' ^y^1 oL=>;J> 3-Ij &+iiE ^ ;;s^# usajj »Jî Sos 'iSs\^- :.JL»jl J>c
Hj*».j >uj J— .ai oij. ^ Jwo'Jl t>U5 0I/ 0!j «J'IÀJ _^ e^o> q, ^^^>.il ottX! J-^s? U -L^J^i
0lj o'lXj! ^î» *i^;> q^ oti\_JI aàj;j g^^U^jl, Jlas w^iL.> ^Ji _»iL> q, bj>jj ^^Xijj ^iJ
••'*r>^c ;^=> Jj: 0j*aljffù^ ^Jyj ,JOw Lbj! ^li? lilLiS^ (jobLi> oLs\JI ^Ic iUbCilj JUiS^lj
iXfi ]<\J> J,! &UJ3 8,1-wf "UxJU rrff'-^ -î-^5 îp^L^ s-^-jLc _j..Pj ^IXî ^ic
-Jlc ,.»£ &*?.:** ^ ^sÀAwi .LyCcMJ 20cia^.^o ..-Xj *J ...I_j v>£ Jâ^.2 Lx^i
OÎvXJJ! *jJlfc 0.^3 / û-si -lui Lgj ^àl^o Sj..i^U sL-a y* .La JyJJÎ ^f
w*jLé ifijJJ^ôL _^j?j xjw L*£su «JUi IjtoLs- j^l»- i_jLcs\j (j.*3J"bSI i3L> «w*sJo* «'j^i &JLe ki^Jô
Lond. ^o-wJo'.
6) tfsJjùJlî LJJJ»-^} ju — jJti'j «-JI jj-j-Cj Jsi (_«' Lj5j*3 «-^ r-j^î (^*^j' <_f' ^î;c r-j^ 3^
C) l_£ÀC LO.JtJL*»'j «-A-Àolî) CiMJ '31 V SjLïtJt ^1 «UjMj (JiîlS} w<_A=JÏ i^\ sj*=5 Q-^f i^ J'Ai
5^Ls* bL*/ oiil ^gy» L*£ (J1-^ »j« ^i-*3 L*jb oi^JL «JLaj'l ^ ^iÀJ' «j^JLia/î ^1 *Jyo5 i1
^svJajIj iUs*a=l o'iÀJi~il xJlc o'-^Lss v_S.Ji jl >.aï jï***i H^WLi oi^- Ja-ii Lg.j i^S\^ ïjoIjjHj
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«ja^oIaII l5l>^5 ***wLfi 0/^*^. ^ iu^oLi— Jl soJLL fôlî s.f,i ~C ^ijL&y^)
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s,_>ê^ J^î *-3.l*JI siXJ> J, A" joélij' lois Aj U 2uie -gÊu Os.il \6s& JJ aIxJj
J) ^Jtjlj *J Jj'l (_gl ik_J _(cj aàc ,_£\£jjj 5"~ *) (^' **C Je} ^_ÀAâ=> Jiij »j-*aji |_cl A_^.+J
1iAx>« qI^ ^lXJI (jrLiï^l &!L>- _ki j. JjoST. A_î _^ji iLJCJU .Lo loi ,j«vXaJI v_jLls\j JLaj"^! .J
iJ>>Js q* aL^S-
e) «,A**J ,J.*iv-lj ^Le
d) « ,.,*»fo< ^i. Ua^XÂ^ ljyë> lAjti (__sl ajiA*ï ^ ;î**-*-'j i^' A-i*X~J'
e) "w^otJI qU^ _^_j j«wJi\aJI£ u^aJU^'s «LSU*»! (_cl A£*-io U} ^ siii^.1
f ) ^c ,..^li Jcîj Jlfij ïJ-^-. sAij a! wJiJiÀJ jJ.*£* xïïj *J ^_<JjLu aIj.î JAj A^>*iJI ij^*j J-
^"l ^1 i^yi, Aij j^j Jcs!3 _*i *JI ^ ^, loi jJà\
g) <V^U~^I v_aJi^JI
t) Lond. lî'j^vs».
^vJî OÏaDij kijJbJfj '^làwJî ;>J^J *.**.LU oU^yJî ^f. àL^oi* iUv^ftiî
pL-£Î '5lX~£ *x)lC ^*J ^JUit^ '^JLJbsJî iX^Jl »a1£ £fc*3 J/^ a4''xyjdJ
Ui isjeîj^if ,w*.&Jf ^j-si *a^UaJ.Î ^bsU^f çà SjXàlLi 6*..cJuJ.Î 8\iL*îl
^OÏaS i^a_JIâJ! (jtojtîf L/OÎj "''^-^J v^>.*/«5 c ^4-f^-j ^~*JtJ5 *■•**" »jU*J CjT^j
"^ ^3^-à.jtJI rfJ<.jL^ *xi -»Ij ^wVÎÎ vwà^àjtîf ^JL^*JL oubUl yCàlî xJ^
«x*^j' *j( *JI jà/vi .-ï^j Lili' StXjixl ^aIc ^js.J. jj.ï £$Ls\ q+ s'oLUà.
a) I. 0. &***sU.
(Z) ^Ji Ju-JI -U^-1 ji>3 J^aàJ1 LV£ cr o^ëjij «^Uà i«*>^ (jJL^UI ._~»<j|j JUxiJi
« xtol»Jî (jc'jêl ijLoj **oLJI
e) Lond. 0-^J.
f) Le comment, remarque à la fin de son explication : v_a-cj *_jL^.c q^ Js u* >^' *-^'s
a iiA^^i 0L0 oUj ft^j
JLaihSjj 0'-A=^i oL>;o i3JI il J-^l 'À* j ^Liî g^^i'j "j*^1 L^>1>J iS lF/^ ?*■ L***^
O'jLVjeZw"!)' J*.j'r*J ^';*Ji **Wj Sj'j^lj i*A*^*-' o'oLXxA^/jl q, ï^ ij}*^^ lA«J J*"^? l+jl _J^J
If
^s ^jJiîl a-jf<x$ ^^c^JI^ &"A_fw\.jo3 &*a*s ofJLî if ^"f aiyJj bÏjÎ
I SJ> ^S- U^» Ls^-w *-gJ^ (^-îy (J-i^ «JsJJf Oj-ft iX_9 ^Uj^f c _^^LÛ
'*'sl\£j v_rA-w^>o 2SJ JjJs..x^ sOvXj aUwyJ Le ...là .fj s^aû if s;Xw, ^y% làjiwlll
^a-yuJJ d ^1x2 Le _^$j s^J^I |? *j^**j U ^^Lstîf oli'.a. oLa^o Jjl s\Lvi! •"
Jy^î jtof_cl *iij J,f ^>_j./« iuflljJt_5 iùûL-JI if —bc^uJ ^.jf ^ s.U;f
JLLof ^jAvfi>jf *_jy3J ^-ilxJfj 'i/.U-J^f ,av.aawO ^ / oL^Jf ...yà Le X^çS^JJ'
c) t'i^A^XJI l-JIsj v)«**Ji j. %XâJ1 i\£lj l5jV ^Jyj^ _>^} cr^""* t*^ CO"?1**''
/•) Lond. 3UaSl -jJI.
A) I. 0. _jx05ll
tr
v-jj^-^Jf ._»_£aî LciK ...tj *-a-^ 3Î *JS^j-J ^ **^ &Mr& *"*»«^J LgJ*^5 s^UjeJJ
J^ *jl*Jf iry-i oà^Jî /.i>^?3 4JJJ24JI *aî», ^îwOf _•.£ *àc lj^-JI ^f x«i
L,Lo w*.*JJî OIaaL (J-.ff 8-&L4JÎ pt^j O.-ciasÎ^ ,**JbJf LJlC (J^r=^ ùLJs
a) ^3-1 «^ J^*=^' j *^'j (jf-^- i)*S o' jfr^ a** .A**' "^ftf*3 J-*3*^ '^ cr U»^1
b) ^3? lX-^-'j «JiJLJi (jaSlî I&AJ^j o-=L> 'i> L^AÂj XïjJI o>.:>iX;>l JUù ,jû5li3! _jv<^^j'
\r
UÇKA 0Owf3 ji pjJLj U^J ^j&Ï &.*Ojlx+}} ^Aûjl**.^ ***j^ ,Ju ^ :J
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8j>U*Jf ^lc e>.^as is.-îytJJ iisL^ u^« *yt*Jî «»_5 CjLiJfj ^çjL^Jf
Oj*X*J iJCa. j_J|XaJIj j..a5\xJ( Jàà^U-w-J *§Jlc C^r^j >3>**JJ ^s-i'J^^Jl
j^iwJî jÀiJI l^xj I.^aU«*^J lX_jj ^' ^jjjf '«W^J |**ftJf JooeJl jj s\cjjî
&*àiif UaU*a*w> ^ o'r^^ ^^i p* oj-^"^ (^5 J^-^p- «-> jM LajlxJ! ^
,1*1 f ^Li! c'''(^;^fil *_sf J+.J- ^joLs^C ^-g*J UUa*. iii^L' X^Jfj
IX-J^-J 0,1.
a) ^^5 iûi' y^JS IçJ ^_jK tjl "bit ijjya^wJ1 j-aAJI oLJl 0^ULa_i "3 JjUfcJjj xJULxJI
A) I. 0. s./ÂJt.
•jr
c) Jo^L ^=^1 *LàjJ {j»i xyyjt il Zi jus^JI IJl* ^.c JJaiJI Sufiu ^5 JU&sUi AI ^-kîli
aiA-* (jiî*à/o i—iLLs* Ja^vJb L«£aJI _îLb*JI csuà=l _LgAj3l -P, jUxàJI ^J'5 **ImJI jàJJI lX-*j
■ -«.LXsit i-iLil «3Uj lC-î
^_P5 L«j^r- «Ji-Vs «-"»**•! *^J^'î i3^**J' iiVJJ\J sJU*? (jr*j ïaôLs» x«*»Âi 1_»^.jA_».I xjjl _-L.ibLi
Il
3-SCsj vJyjùJ.^ lN..jI*JÎ ,+avL (jaX^Vj U%^5 j»LçxaJî^ »LàJî j* 0 1.5 lotît ^Oi'
U id/«ot<4 Ojlstît _xC iXÀC OsJ^iJf *a*Ju "jû*: «_*o fiX_> U^*J wO-aj ^.î^
y JosaÏo l*£ 1° »rÂJ v-Jjl*JÎ O^ÀC», sj-^JJ cloo LijJî cLa+j ^_aàvJ iùii'
lo iJuoijw Oji*Jf .a£ l\aC s^lotî!^ "s_ ar> -a£ c^gù JS Jjï r^3 ._£->■ f ,..£
O,otîî l\aCj ljLaJÎ^ ..a/^t j| SLi/iJI ^ l&X£.b ZfSJ^ Liu\Jf (^S ^♦«j 20^
L_>Liik. .C vXjjJtAJll 1£-5^aJ i1i.L0S.x4J [5 ÏS^yl^J) *Av.Si (^CjAJ^ **♦£* 1° **=l?»
v_ii>J! J..rf.AAvj U £fca. ..-loLJ! .Av.il àdLv«* -xaoaî / i^iît lj^^ (J»^ »5r*M
IaaS' 8 -ftAAw3 ^\L« J$Oci -AAOJj «—OIavJÎ (Jj^-ÀvJI J,' -avJÎ (J*a.l>^AÎ &C;IaJ J
.j.îyi ^ IgÀ/fl «^y^' «^ ^ i**^ CT* l^*- r^ ( 4^ J_H J^ *-^3' .*vJî fr^
a.5.Lifc*,j "^)I is.Av.si J./0U s1.X-ik._5 J»Ra*vo v_1a,a;sij ...Lv.i'jt ,.Aj -j I4J rti.Li! p
t_j^ '"JyJtj JJj«JI JjJaa-j ^1 J^sia-o L* iiL!o J'Jvclj ^— »^' i>»*J ô-v-fcJ! U$**>j QbJiài 1-? J._j
o) ^->"^l v^^^ l-9jl*Jl r-*i ^ q^lX«=j UjI HoLxjIj lV^jJI q! j^Xaitl J.A3ÀSI jt Jô wj
" iA£^î Ji ^ eUj oLSij U^aXc £jÀa^ >Si tL*JL^. Xibjls Jj: L*jj v_S.i*Aj
Lè^i £Ac 0J.-V-» ^Cj.sj Uaî dW~< £j-s fais ^b Uvâsi ^-s^ij I4J.XJ ^
^L*j| ^fj ^J L_yb Jù/0 ^Lo^L. ^f jJlcLî JL0I3 LoiLJ &_*a_î ****v.ï
p1^ S (Mr3 *****" 0*«î uH1-^^' £vd' cr* JU&! J — s>t $yJ ^Jt Ja*JI IÀj? j j*Aj
« »l\«j q^ &sLSL 3j xLâ q» &aJI oL<j* U 1-^aJjJ X^:_j.v3JI |.JLc aus ^.j' xils w>U&! liÀ*
i) I. 0. après Ljj ajoute j?3.
i50yf"a -uj^I dU3 0^=» ooï J^i $ Lflxi 0Uj^! u-hW^ ^^Aa, Jlil ^lÎ> j ^adtf
«) Sur l'allégorie portant le nom de Salâmân el Absâl v. notre explication en français et l'édition
de «tis'a resâil» neuf traités philos. d'Àvicenne, impr. à Constantinople dans l'officine d'al Djewâib
1298 H., p. 112 — 124, où le commentaire de Naçîr ed-Dîn Thousî se trouve reproduit p. 119 — 124;
nous en donnons ici le commencement: t&uAil o«-o ry^i «J^s .«Jle xj ,-ïl '3! k£*-i>xiJ- o.*»
j»jj#ucJ! JL^o^lj JLs-j5l «U*' t^. Laji ^j o^j.i ^_«,i3 tij^ui ^u^i.*., «J ^Lw*JI l\-ç> ^ îjt
Ia_p j. L-5XJ1 J^toUJl J6 »^iita _^J- J.^.:i5 jou*j ^i iodjji £\ uuL~' til li^li ^>JL-oîj
1
Sli o>.ili .vli a i£~2» L\v° iJjj-k-H î^5 J^j '*^*J *^° L-*& '^^ Jy^-
lof A^-&4JI |jwj.ftJf$ *=?^Jf oJia^ s-^lklf JJjj ^aJLÎI ^f XaJd^ xi^Ji
r =
«'« LgJ'LaÉ..»> (J»C idlftAwJî^ Xfjjjjj.il i^Cga». £jo s'OO-A/0 XJj-io j^_jÀJ (jywj.àiJI sjs^
^î IpU Iîj-wj JUïCÎI ^JôJ Loe-ois ^f Lj^M LjLw.Cj **3<^j ^U^ XwiLfw^lJl
"dàyUe x j> ^j-^xJl j.^uJI Jx ^y^I ioU*Jf ^ x>^, x^li liil &Jf tÂstyJo
i'c e%j*aSù l^J xUafiJI |»jI«Jf j, Jv^J' Xl*^* sOk^S
a) Leyd. après £**> ajoute le.
i) o~»'^ l* jÇjLw-J^J! q^ iJUlXilj jCJCUJI XJibLJl (j — âjjl SCajwo uCS>a XiJliJI JyJjJ' ^ »lLs>
c) j. (jsy""^!s iUaïljJlj xk^cj1 KjiLLJI (j^à*J' l^j'y-^8 i-*-3>j ^'j^ïLJI L*.S> Qlioyjt ^IjLp
d) Le comm.: idïl»J! jîJj^siJJ oLiotil ^^j-^" «£i3 »L»3I £ »-£> Aï5 «iAaoUw ^'.aj ^ è i L»J
' 5LoUvj4>- cJV^'s (_,"!>**'' i**'"^ L*^1!^ iJ^* *"*-*•.■! ri' ^V l^«ax*i ï^wjlj
e) & oLolCI tA*> *5 '"Ijt*" '*■$*? rj>*r! oi-iotJ' j. Xg»hi £JLw. iN*iiJLi
U/ Xû>j ^ &li*jyi ^^aJI OJ^ fàl J^J^Î ÎJc* |*a*aj JJ Xi'^vJt j_£
^j.^.x.o àJ'ÎÀJ / o.-Cii£ Jj^î^ jÂ-î (^a*4.5 / ii.wjtJl w!» " ei_5«& »j'L»5 Le c-^ù J'i»
&3)y\j2 *j ...j^lgiail a^*iJ_5 < < 5-*^ *f*« ëLt&I (j-»j xilô ^ juljj 'ij^jLO
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a) ^yUil 0K 131 il eU3 j^oXj ^ ^1^1 IÀ* ^xj- C£JI stf^l *îl ^o, ^yiJl ^J! ^U!
b) I. 0. 5lV^l.
c) I. 0. ajoute ajliÀJ.
«) I- o. r«îl
^r) Leyd. om. 0I^.
&icL _.li' ^Oj C^c[jjJÎ Jw^ail ^ ^63 îiXjOww Lu-^C» tiX-ÔÎ 4^-^ 1XJJ5
h&jXi tèî j§uLs ^LJf Lof$ *>**j c£*j^ '8^ ^^- BLM* <J°r^ **^ ^ **^î
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c) ^ jJb u, j£»i v^-y t> k^1 Ô^ g1^51 k^ J-**^'s »^! ^ «^-J UÎi
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\jJi> c^sl,.^ lof e iu-wLj »+*op)\ jj~»^î Sp^Lyï d L^Mîfij- pjj SjJaâîî ^
a) I. 0. &*&£.
b) _JLc ^gJJI _>P XiU' j xJb^îj tdLJL ^viJI (*-&*rj rj#J^' (H* *=»^L«J! u^J' i-J-5^^' ^'
c) Lond. ,t«JI au lieu de iXi\.
d) : jikkay — I gkUv J ; Leyd. Lj.«aù3sj' *J au lieu de i ghtigj.
f) I. 0. ajoute après x***« le mot ^Las1.
At &iS ày^.ji\ */i J^U^J (V* ^ao^U ^=-lN.JÎ &-jI§aj *~° JLu ,.J **£*J Lo
'o!l\JÎ jjUj H "5h.+S ii$J6 Axj La |^î AJjlewJf *f -^j!j iOjLçvdî ^iU^J! j*i
JLïCJI _>£ ^alw Loj JotàJL ^libtJf j-5^ xj ^^aj ^ôJI JUîCJt j£ ÎOvgs
Ojtf ...îj 2slî ^S s\jjvo3=U iU**^0 fj .^Lttj ^LJo ^ ^làxiî J^aoLsj ^tX-C^
v^Ji^A^ jûla. ^jy**J *.oL-£.wJî JJ &JlS*Jî s\>JJ! ts+~+i£ &\jôï>\ J,l ifjf^îj
J ^! w*-w«UJ.I ^JU^ JJ /^Làj' jJls *sjÎ_j^, adcf^ J3 ^Jî 3 s^Ui' tel
(J<a*J tjSsJii ljLmJ ,.~A JS.+?) »JJ) ù S^J> &Jà ...I Jifib slXas Jj^ïAj *JLj
Igiî ^ ojLC Ui* ^ ijvjjf J^î^^it »J^> t j*!cl_5 &ajlo X^lt <0*g.».i Lo
1e ^>sj^ a.Sjlâil .\«j c>Ji£*j .J ^<-^Jî '^^Wj (j^ft^î ^>0.j oL^5 o^L«aif
IgJI «-^i Jssui U^t _li iJL^wo ^b ^j-Jo' LgïCI L^Lo o^ Ui' L?o^*j
%*=jlî sJLiîî ^Lj Jod JoLsJ! jj^l ^5J^ **sU,o ^ c**a> ^ ^^ob £Î;i
a) Leyd. om. ii)JÀJ'.
f
jJLn j*è «Lof "c^^JL ^«^j ^ wl ^f L^Ls UL» ^j jj tel *ils
^ôljj AJ>^ AjjJ OoLt **ilo Jfj fol U^Jwa vXj^Îj j^_j ÀjjJJl Jjtkff
tX9 Xif *A.yJ j*J^I |*^IC v a_5Latîf jîj ^f syjJl e>-&Je*jf îô>Ls Lj JIàj ^5
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J fôf ^£J^ UaSj lo ^M Ojjkâ pjtoj ooj dSJjo^ iîy& L^Jf os^fU' b .!
JLi» jf^r^^f «Jb LgÀc «.2j "^ ^jf jfy> 3 \S JiL.LaJLj ^♦-wJ.f ^jtjf «Jb
«ij _JL, folx .£ s'6y^.l* sj^Ji ^aÀaXj v_jijfv>jf _j.Aa«if ou&j .f %X* s^gâil
»j^L«Jfj (j^»^ijf AJJv^ &«ils »w\JJf v^viii -^Ià. wa»mw ^ } \&lè> J^U
.jjti, &*sifS ^ iule iy^1^ jj^ftÀjf v^àjsjo .f jUduasjf syLÎf JUi^ U^^>^
a) I. 0. Ulj.
6) Après fciiLi ^ I. 0. lit j.
c) Lond. xJic v_jjxaxl' v5-
f/,) Leyd. ^Ji JUT3 au lieu de jfjii,.
_iXiî jji^, XwJî JyJ oLlftaJl ^ Jyj^lILî jU^Lji «jljj v_A^lJli jLyS-L^
,'tS.Î<x£ j$ ^y^- cr* ^ i^ÎjûIjj [S/tF* $+& crV5^ (j^**"5' ^^ *&
0 0 ■-«
ijà-J-éJf ...I J.-S Lg-J JtwJ |*-J OJ&wl 1^1 oLw^-w^S^Jf Jotî^ l,W,*»'S
&J"^ **_àL* U^s LcLk l>SL)o u*^5 ^^ gLgX-£Î ,^^^0 J .( ,j£ ")Lhi
i) [v. S. 16, v.54] Lyalj ^jAj! *Jj «j *Jys s^sj Jj> ^5! ^^y^-!' v^i JL«j J^^' u^' yua>ii
i^SjC J^ iÀj>^5I jwoàbbj^ >-i* vjL5>JJI Aju ^j^SJI i' pV?^' Vj^'1
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j, ^sJô y^Jj ÏU**.*! OÎJjJf J^c XaU&wwO JuLLJl oIjJJî "î L Jjjj
^ S^iyi ^ jjacï KàLLÎ! oîijJî Oôli' Î3b l^Ài lgV;Jt^ «i_>l> 3
q* JJ *fw.i ^f LU ^«aàj Uà yAAJOo' ,'< &>As*JÎ j ^.Jjj U Àxisc- ..Su' jj
y^io «siLxw iuls pXo ^ V;-^J ^3 Lgxs J^Li ^ *U^. Jx UJuaa* _j.i Lit J5.2J
Jwo» ilLoî <§, svXLlf ,.,î ^^>-o " Lgj i^a«J àu«vJ j^.2l i,î /"UPuXa.^ ... jXj
J-03 i)|^l J^fj, ^SJj^ _j£> ^U*^ lT* /A^3 $+£ 4>A*^ lXJ^C -^ ^ ày*cj$
(J*1-
a) Lond. et I. 0. LJ3£*v« ; Comment, de Nâsir ed-Dîn : ^*i£J> ^«A«JI *&\JI.
6) Lond. et Leyd. J»*aj tiUi qIS\
c) Lond. aJU=>.
cZ) Lond. et I. 0. jCjt^Lilj.
e) Leyd. o'J.
f) I. 0. ^s-^l J>\ Lf*X>*
• is.Jj.si! olJs.-1-JI ...I Xa^LxJI j.L.^^5! ^Jî /i**vO ^\.-î *-if ****Jj |*->3
.*£ O^Là. L-gJ^ *àxst*3 otJs-J L>Î^X_£ Lo .t_j iOyw>Jî c_5^ XaIx^vJ^
^uJa.àJli' ja^a-wv^ yiî ^ ^ La iule ^/« ^k+ijî ^1 (jj.*J-*j i**»!} l£f^u
^Pwiî ^j» if)L$ jdbs^o "*> ijl^ yT K+Aii s'Ltlys ^jj^ **.£^JJ sLcf^
Bj^if ***>*/> j.ju^aj j»LxjLj liîJaJ^f (j*LJî ^y> pJ^JJ J^c tais 'y^akif^
|4.^*sjî J»£ (♦•^r^£ *A* lîr^.3 *^ ^j^'-*^0 c^î^A^" c^g***** iMtXjJjM ^c
a) Lond. et Leyd. «.«ns-ki.
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751
À35M4
1389
fasc.2
Avicenna
Traités mystique d'Aboû
Ali al-Hosain b. AbdalJeh
b. Sma, ou d'Avicenne
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