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Full text of "Travaux du Laboratoire de zoologie"

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OF THE 


MUSEUM OF COMPARATIVE ZO0LOGY. 


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C dal, 1790. 


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TRAVAUX 


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LABORATOIRE DE ZOOLOGIE 


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D' Pauz GIROD 


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TRAVAUX 


DU 


| LARORATORE DE 2 


GA 


D' Pauz GIROD 


Professeur adjoint à la Faculté des sciences, 
Professeur à l'Ecole de médecine, 
Lauréat de l’Institut. 


TOME I 


1887-1888 


LS » 


CLERMONT-FERRAND 
EXTRAIT DE LA & REVUE D'AUVERGNE » 
"1888 


sat pe \f LE { 1. A 
NÉDICOS CHOEUR. 
CENSURE 


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TABLE DES MATIÈRES 


: PAUL Gen — Les éponges des Eaux ne d'Auvergne, 
avec I planche. 


“ 


we PAUL Girop. — Recherches sur la chlorophylle des ani- 
maux. — La matière colorante de l'Hydre verte. s 


je. Eusesto. — La faune pélagique des lacs d'Auvergne, 
avec 1 planche. 


RicmaD. — Recherches physiologiques sur le cœur des 
 Gastéropodes pulmonés. — 2 parties. 


k 1202 


AVANT-PROPOS 


Ce volume comprend les publications du Laboratoire qui, se 
rapportant d'une façon spéciale à l'Auvergne, ont trouvé place 
dans la partie scientifique de notre Revue. 


Par sa constitution géologique, par la distribution de ses 
rivières, par la composition de ses eaux minérales si variées, 
par la présence de lacs vastes et profonds dont plusieurs sont 
d'origine volcanique, le Plateau central réunit les conditions 
d'altitude et de milieu les plus favorables au développement des 
organismes adaptés à la vie aquatique. D'autre part, le grand 
éloignement de la mer et des laboratoires maritimes, fait de 
Clermont-Ferrand un centre pour les recherches sur la faune 
des eaux douces. 


Nous nous sommes assigné un double but : dresser la liste la 
plus complète des types animaux de notre faune ; consacrer aux 


formes les plus intéressantes des recherches, pouvant mettre en 


lumière les détails de leur organisation, au point de vue anato- 
mique et physiologique. 

Telles sont les idées qui ont présidé à ces travaux. Nous fe- 
rons tous nos efforts pour compléter ce premier essai, persuadé 


qu'en approfondissant la faune d'Auvergne, nous jetterons les 


bases solides d’un travail d'ensemble sur la faune des eaux 
douces de la France. 


Clermont-Ferrand, 1° août 1888. 


D' Pauz Girop. 


LES ÉPONGES 
DES EAUX DOUCES D’AUVERGNE 


Par le Dr Pauz GIROD 


Professeur adjoint à la Faculté des sciences 
Professeur à l'Ecole de médecine 


. Nos excursions de l’automne de 1887 et celles de l’année 
présente m'ont permis de recueillir une cinquantaine d’é- 
chantillons d’éponges, tant dans les lacs et les étangs que 
dans l’Allier et les ruisseaux qui s’y rendent. 

La détermination de ces échantillons m’a donné des 
résultats importants en montrant que l'Auvergne possède 
plusieurs des espèces signalées en Europe. 

Les éponges des eaux douces de la France ont été jus- 
qu'ici fort négligées au point de vue systématique ; c’est 
pour combler cette lacune que j'ai entrepris ces recher- 
ches qui serviront d'introduction aux travaux d’ensemble 
que je prépare sur « les Spongilles de la Faune fran- 
çaise ». 


IT. 


Les premières observations sur les Spongilles sont dues 
à Plukenet (1). Sa « Spongia fluviatilis, anfractuosa 


(1) Plukenet L. _ Almagestum. Londini, 1696. 


EE fs 


Derfragilis ramosissima » fut étudiée en France par Re- 
neaume (1). 

Linné (2), appelé à s’occuper dans son Systema naturæ 
de la Spongia de Plukenet, la réunit dans son genre 
Spongia avec les quelques éponges marines connues et 
plaça ce genre parmi ses Cryptogamia-Lithophyta. Mais 
il distingua deux types spéciaux dans l’éponge d’eau douce: 

Spongia lacustris : « Spongia conformis repens fra- 
gilis, r'amis erectis teretibus obtusis. » 

Spongia fluviatilis : « Spongia conformis erecta, poly- 
morpha. » 

Gmelin (3), dans sa révision des Spongia de Linné 
ajoute deux formes nouvelles aux précédentes : 

Spongia friabilis : «Spongia cinerea, fritabilis, sessilis, 
amorpha subramosa. » 

Spongta canalium : « Spongia ramis dichotomis tere- 
Libus incurvatis. » 

Lamarck (4) plaça les éponges dans l'Ordre III des Po- 
lypes : Polypes à polypier, mais il démembra le genre 
Spongia de Linné, réunissant les types marins à ses Po- 
lypiers empâtés et formant, pour les éponges d’eau douce, 
le genre Spongilla, qui constitue avec Diffugia, Cris- 
tatella et Alcyonella ses Polypters fluviatiles. 

Le genre Spongilla comprend pour lui trois espèces : 
Spongia pulvinata, Sp. friabilis, Sp. ramosa, basées, 
comme les formes de Gmelin, sur la forme extérieure et la 
structure générale. 

Les résultats si différents obtenus par Gmelin et La- 
marck pour la systématique des espèces de Spongilles, 
montre qu’il fallait des caractères plus précis pour établir 
la distinction précise des formes multiples observées. 


(4) Reneaume M. L. — Description de la Spongia saxatilis. Dans Mém. Ac. 
d. Sciences. Paris, 1714. 

(2) Linné C. — Systema naturæ. Edition XII, Holmiæ, 1767. 

(3) Linné C. — Systema natur«æ. Curante Gmelin. Ed. XIII. Lipsiæ, 1789. 

(4) Lamarck J. — Histoire des animaux sans vertèbres. Paris, 1816. 


que 


Meyen (1), par ses observations sur la structure 1in- 
time des Spongilles, mit en lumière la distinction fon- 
damentale d’une espêce fluviatile et d’une espèce la- 

. Custre comme l'avait entrevu Linné. Il démontra que, 
dans Spongilla lacustris, les corps reproducteurs ou 
gemmules ont une paroi épaisse lisse, nue, sans for- 
‘mations squelettiques régulières, et que, dans Spongilla 
fluviatilis ces mêmes gemmules sont au contraire protégées 
par une enveloppe hérissée de petits corps durs, siliceux, 
qui s’engrêènent et se juxtaposent étroitement. Ces petits 
corps sont chacun formés de deux disques reliés par une 
barre transversale et prennent le nom d’amphidisques. 

Ehrenberg (2), reprenant l’étude des amphidisques, 
montra qu'ils se rapportaient à deux types différents. Les 

* disques sont dans les uns circulaires, à bord libre con- 
tinu et régulier ; dans les autres, ces disques ont un bord 
plus ou moins profondément échancré et présentent une 
forme étoilée caractéristique. Sur l'opposition de ces 
caractères, Ehrenberg sépara de Spongilla fluviatilis 
type, à disques étoilés, une nouvelle espèce : Spongilla 
erinaceus, à disques circulaires. 

L'étude des spicules des tissus conduisit Lieberkühn (3) 
à démembrer à son tour Spongilla fluvtatilis. En effet, 
dans ce type, les spicules des tissus sont, sur certains 
échantillons : lisses; sur d’autres : couverts de petits 
prolongements denticulés. La constance de ce caractère, 
qui correspond à des modifications générales fort impor- 
tantes, a conduit Lieberkühn à déterminer une nouvelle 
coupe dans l'espèce et à séparer de Spongilla fluviatilis 
un nouveau type : Spongiila Müllerr. 


(1) Meyen F. — Beitræge zur Kenntniss unseres Süsswassersrchwænme. 
In Müller’s Archiv., 1839. 

(2) Ebrenberg C, — Ueber Kieselt von Pflanzen, besonders über Spongilla 
erinaceus. In Bericht. Akad. Berlin, 1846. 

(3) Lieberkübhn N.— Zur Entwickelungsgeschichte der Spongillen. 3 mémoires. 
In Müller’s Archiv., 1856. 


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LL 4 A 
Ainsi Spongilla fluviatilis de Linné et de Meyen donne 
trois formes distinctes : 


Spongilla fluviatilis. — Meyen. 
Spongilla Müllert.. — Taeberkühn. 
Spongiua erinaceus. — Ehrenberg. 


Le démembrement des formes réunies sous le nom de 
Spongilla lacustris à été plus tardif. Noll (1), se basant 
sur les rapports des spicules avec les tissus et les sem- 
mules, fit trois variétés : 1. Sp. lacustris ramosa ; . Sp. 
lac. Lieberkühnü; 3. Sp. lac. contecta. Retzer (2) y 
ajouta : Sp. lac. rhenana. 

En même temps Vejdovsky G), s’occupant des éponges 
de Bohème, établissait, à côté de Spongilla lacustris, la 
variété makrotheca et précisait les caractères d’une forme 
spéciale : Spongilla Jordanensis et de sa variété druliæ- 
Jormis. 

Dans ses Deutschen Süssiwasserschiwæmme , Retzer 
n’admet qu’un seul genre et considère toutes les formes 
décrites comme dépendant de deux seules espèces : 

Gattung Spongilla : 


I. Art, Sp. lacustris. — II. Art, Sp. fluviatilis. 


Dans ses Süsswasserschiwæmme Bœhmens, Vejdovsky 
au contraire établit des sous-genres : 


1. Subgenus. Euspongilla 
2. — Ephydatia 
3, — Trochospongilla 


et considère comme espèces distinctes £phydatia Mül- 
leri et Trochospongilla erinaceus. 


(1) Noll. — Alussaquarien Zool. Garten, 1870. 

(2) Vejdovsky F. — Die Süsswasserschwæmme Bœhmens. In Abhandl. der Kæ- 
nigl. Bæœhm. Gesellschaft, etc. VI. Folge 12; Band, 1883. 

(3) Retzer W. — Die deutschen Süsswasserschvæmme. Inaug. Dissert. Tübingen, 
1883. 


D pé 


En 1878, Dybowski (1) fixa l'attention sur une forme 
spéciale : Spongilla stbirica, qu'il décrivit et qui se 
trouve correspondre à Spongilla fragilis de Leïidy (2). 
C’est cette espèce que Noll (3) a cru découvrir sous le 
nom de Spongilla glomerata. 

En 1884, le même naturaliste (4) a fait connaître une 
forme nouvelle sous le nom de Dosilia Stepanowi. 

Enfin, en 1886, Fr. Petr (5) a donné la diagnose d’Æ- 
phydatia bohemica. 

En se basant sur ces découvertes récentes, Vejdovsky (6), 
reprenant la classification des Spongilles européennes 
connues, groupe les nombreuses espèces décrites autour 
des types nettement définis ; il considère comme genres 
les sous-genres qu’il avait formés ; il établit de nouveaux 
genres, leur subordonne des sous-genres, enfin les réunit 
en deux sous-familles dépendant de la famille des Spon- 
gillidcæe. 

Si l’on tient compte du point de doute placé par Wier- 
zejski (7) à la suite de Euspongilla rhenana, on voit que 
Euspongilla lacustris, d’abord considérée comme une 
souche d’espèces nombreuses, doit être regardée comme 
un type fort variable, mais qui conserve toujours des ca- 


(1) Dybowski W.— Weber Spongien, Zoologisch. Anzeiger, 1878. — Séudien 
über Spongien des russischen Reiches. In Mém. acad. Saint-Pétersbourg, VIIe 
série, T. XX, 1881. 

(2) Leidy. — Proceed. Acad. nat. sc. Philadelphia, 1851. 

(3) Noll F. — Spongilla glomerata. 1n Zoologischer Anzeiger, n° 239, 1886. 

(4) Dybowski W.— Ein Beitrag zur Kenntniss des Dosilia Stepanowii. In 
Zoologisch. Anzeig., n° 175, 1884. 

(5) Petr Er. Recherches sur la faune des Spongilles de Bohéme. Mémoire pu- 
blié en langue bobémienne avec résumé allemand. In Sitzgsher. K. Bœhm. Gos. d. 
Wiss, 1886. 

(6) Vejdovsky Fr. — Eïniges über Spongilla glomerata N. Dans Zoologisch. An- 
zeiger, n° 239, 1886. — Diagnoses of European Spongillidæ, dans l'ouvrage de 
Potts Edw. Synopsis of the American form of Fresh Waier Sponges. In : Proc, 
Acad. nat. Sc. Philadelphia, 1887. 

(7) Wierzejski A. — Bemerkungen über Süsswasserschwæmme. ln Zoologisch. 
Auzeiger, n° 245, 1887. — Les éponges d'eau douce de Galicie. In Archives slav 
de Biologie, tome II, 1887. 


on Ge 
ractères suffisamment précis pour ne former une es- 


‘pèce distincte. 
Le tableau suivant résume la classification de Vejdovsky. 


Fam. SPONGILLIDÆ: 


(a) Subfam. SponGiLinÆ, Carter. 
JT. Genus Spongilla. 

* Subgenus Euspongillu, Vejd. 
(1) Euspongilla lacustris, aut. 
(2) Euspongi/la rhenana, Retzer. 

** Subgenus Spongilla. 
(3) Spongilla fragilis, Leidy. 

(b) Subfam. MEYENNE, Carter. 

II. Genus Trochospongilla, Vejd. 
(4) Trochospongilla erinaceus, Ehrbg. 


IT. Genus Ephydatia, Gray. 
(5) Ephydatia Mülieri, Lieberkühn. 
(6) Ephydatia fluviatilis, aut. 
(7) Ephydatia bohemica, F. Petr. 


IV. Genus Carterius, Potts. 
(8) Carterius Stepanowi:, Petr. Dyb. 


Je rapporterai à ce tableau, adoptant sa disposition gé- 
nérale, les formes que j'ai recueillies et observées en 
Auvergne. 


TTL. 


Les éponges d’eau douce se présentent comme fixées 
aux morceaux de bois flottants, aux poteaux ou aux pierres 
submergées. Les unes vivent dans les eaux courantes, les 
autres dans les eaux stagnantes des lacs et des étangs. 
Elles sont tantôt en masses cylindriques allongées, coni- 
ques ou digitées, tantôt en lames aplaties sur les pierres 
ou formant manchon autour des petites branches ou des 
tronçons de racines. Leur consistance est gélatineuse; 
leur surface irrégulière est couverte de mamelons percés 
au sommet d’un orifice ou oscule d’où s'échappe un cou- 
rant d’eau continu. 


ER ANET 
_ À la fin de l’été, on voit se former, dans la masse, des 
corpuscules arrondis que Linné comparait à des graines 
de thym. Ces corpuscules sont destinés à la propagation 
de l'espèce et ont reçu le nom de gemmules. 

Pour les recherches systématiques que nous avons en- 
treprises, je dois fixer l’attention sur les points histolo- 
giques qui servent de base à la détermination des es- 
pèces. 

Les caractères distinctifs sont tirés de l’organisation 
des gemmules et d'autre part de la forme des spicules st- 
diceux répandus dans les tissus ou fixés sur les gem- 
mules. : 

Les gemmules Sont nues, limitées par une membrane 
chitineuse lisse, ou bien elles sont protégées à la surface 
par une double cuirasse de plaques siliceuses. Ces pla- 
ques sont réunies deux à deux par une barre transversale 
‘et chaque ensemble ainsi constitué prend le nom d’am- 
phidisque. 

Dans la masse du tissu de l’éponge on distingue la 
substance fondamentale ou parenchyme et des bandes 
enchevètrées en un reticulum plus ou moins dense, bandes 
de kératose qui forment le squelette de l'éponge. 

Des spicules siliceux se montrent partout; les uns sont 
dispersés sans ordre dans le parenchyme : spicules pa- 
renchymateux, les autres se réunissent en faisceaux sur 
les bandes de kératose et s'opposent aux précédents 
comme spicules squelettiques. Souvent une couche de 
- parenchyme enveloppe étroitement la gemmule ; les spi- 
cules qui se trouvent dans cette couche forment des spi- 
cules parenchymateux gemmulaires. 

La conservation des éponges dans l'alcool à 90° est par- 
faite; il est bon de noter cependant une modification pro- 
fonde dans la couleur. Pour la dissociation &e l'éponge 
et l'étude des spicules, on peut employer la potasse à 
chaud ou l’eau de javelle. 


rene 
IV. 
I. GENUS SPONGILLA, auct. 
Subgenus : Euspongilla, Vejd. 


Euspongilla lacustris, auct. 


Diagnose : Gemmules nues sans amphidisques, dissé- 
minées dans le parenchyme. — Spicules squelettiques 
longs, rectilignes, terminés par deux pointes. — Spicules 
parenchymateux de deux ordres : les uns épais, incur- 
vés, épineux; — les autres fins, en aiguilles déliées. 
(Fig. 1.) 

L'absence d’amphidisques sur les gemmules est un ca- 
ractère fondamental du genre Spongilla. La dissémina- 
tion des gemmules oppose le sous-genre Euspongilla ou 
sous-genre Spongilla, où les gemmules sont réunies par 
groupes et enveloppées par une membrane commune. Les 
gemmules ont ici 1 millim. de diamètre (A). 

Les grands spicules du squelette sont en général recti- 
lignes ou très légèrement incurvés. Ils ont en moyenne 
0%"38 de longueur et 0*"015 de largeur (B). Leurs pointes 
sont plus ou moins aiguës, suivant les échantillons con- 
sidérés. Les uns s’effilent en fuseaux allongés (B, a), 
d’autres sont entaillés brusquement à la pointe, comme 
une plume à écrire (B, b). A cet ordre de spicules se rap- 
portent des formes anormales qui prédominent dans cer- 
tains exemplaires, s’arrondissant à une extrémité, se bri- 
sant ailleurs en angle plus ou moins aigu ou émettent une 
branche latérale obtuse (B, c, d, e). 

Les spicules du parenchyme sont moins développés (C). 
Un premier type (C, a) atteint une longueur de 0""10 et 
une largeur de 0®"005. Ils sont recourbés, recouverts de 
fins prolongements qui les rendent épineux. Un second 
type (C, b) atteint 0""06 de longueur, mais est d’une fi- 
nesse telle qu’elle échappe à une mensuration précise. 


SON 

Habitat. — Les exemplaires types proviennent du lac 
Pavin. En 1859, ils avaient fixé l'attention de Lecoq (1), 
qui crut devoir les rapporter à une espèce spéciale. 

« Cette espèce, dit-il, me paraît nouvelle et se rappro- 
che de la Spongille des grands lacs du Nord, dont je nai 
pu voir d’échantillon. » L'examen microscopique des tis- 
sus aurait désabusé Lecoq en lui montrant les spicules 
caractéristiques et les gemmules nues de la Spongilla la- 
custris de Meyen. 

. Par tous ses caractères l’espèce observée au Pavin cor- 
respond à Euspongilla lacustris type, de Vejdovsky, et à 
la Spongilla lacustris, var. Lieberkühntit, de Noll, adoptée 
par Retzer. 

Quelques exemplaires provenant de l’étang du Charbon 
près de Beauregard-l'Evêque, présentent de nombreux 
spicules anormaux de la var. Makrotheca de Vejdovsky. 


IT. — GENUS TROCHOSPONGILLA, Vejd. 
Trochospongilla erinaceus, Ehenb. 


Diagnose : Les Gemmules portent des amphidisques 
(Fig. 2). — Chaque amphidisque est formé de deux dis- 
ques arrondis, à bord continu et entier. — Spicules 
squelettiques rectilignes à épines nombreuses et sail- 
lantes. — Spicules du parenchyme droits ou légère- 
ment courbes, terminés en pointes aiguës, lisses, fré- 
quemment renflés dans leur région moyenne. 

La caractéristique de cette espèce est fournie par les 
amphidisques, qu'Ehrenberg a décrits le premier. Leur 
forme est celle d’un bouton double et chaque bouton 

aplati est limité par une circonférence régulière. 
Habitat. — Je ne connais de cette éponge que les am- 
phidisques. Dans une dissociation de gemmules d'Ephi- 
datia Mülleri, j'ai obtenu les amphidisques de Trocho- 


(1) Lecoq H. — Observations sur une grande espèce de Spongille du lac 
Pavin, In Mémoires Académie de Clermont-Ferrand, 1839. 


ED ES 

spongilla. J'ai pensé à la réunion des deux éponges en une 
masse commune, mais n’ai pu découvrir, en place, de 
nouvelles gemmules de Trochospongilla (1). L'échantillon 
provenait d’une pêche faite à Pont-du-Château. Mes re- 
cherches entreprises pour retrouver cette curieuse éponge 
sont restées jusqu'ici Infructueuses. 


IT. — GENUS EPHYDATIA, Gray. 


Le genre Ephydatia se rapproche du genre Trochos- 
pongilla par la présence d'amphidisques sur les gemmu- 
les. Mais, dans les Ephydatia, chaque amphidisque est 
formé de deux lames parallèles dont le bord, échancré 
plus ou moins profondément, présente une forme éloilée 
caractéristique : 


Ephydatia Mülleri, Lieberkübn. 


Diagnose : Les gemmules portent des amphidisques 
étoilés à tige courte. — Spicules squelettiques légère- 
ment incurvés, épineux (Fig. 3). 

Les amphidisques (A) sont ramassés, à tige médiane 
courte, à lames terminales échancrées en étoiles à 
rayons multiples. La tige médiane est continue et lisse. 
Les gemmules ont 0""70 de diamètre. Quant aux spicules 
qui se détachent sur le fond granuleux du parenchyme, 
ils sont de deux dimensions : les uns atteignent 0"*04 de 
longueur, les autres n’ont que 0""02; ils se montrent 
hérissés d’épines courtes sur toute leur surface (B). 

Habitat. — Je possède de nombreux exemplaires re- 
cueillis sur les bords de l’Allier, à des profondeurs varia- 
bles : Pont-du-Château, Cournon. M. Richard a donné à 
la Faculté un échantillon provenant de Vichy. 

Notre espèce correspond à l’Ephydatia Mülleri de 
Vejdovsky et à Sp. fluviatilis, var. Mülleri de Retrez. 


(1) Ganin M. (Materialy ke posnanju stroveniæ à roswitiæ gubok Warschau, 
1879), suppose l'identité de ces deux espèces, : | 


Ephydatia fluviatilis, auct. 


Diagnose : Les gemmules portent des amphidisques 
étoilés à tige élancée. — Spicules squelettiques rectili- 
gnes, lisses, quelques-uns plus petits renflés en leur centre. 
(Fig. 4). 

Les amphidisques (A) sont à tige allongée avec une 
dépression circulaire médiane plus ou moins profonde. 
Cette tige porte ordinairement un ou deux prolongements 
épineux. Les lames ont un bord plus ou moins profon- 
dément échancré. Ces échancrures délimitent une ving- 
taine de dents aiguës simulant une roue denticulée. 

Les spicules ont les dimensions suivantes : longueur, 
0®%04 ; largeur, 02“015 (B, a). On trouve souvent des 
formations spiculaires avec renflement occupant une po- 
sition variable (B, b). 

Habitat. — Elle était très abondante dans les bassins 
de l'Ecole de pisciculture du Jardin Lecoq ; j’en ai trouvé 
plusieurs échantillons dans la Tiretaine et les ruisseaux 
qui sy rendent entre Fontanas et Royat. 

Cette espèce correspond à la var. HE de la Spon- 
se Jluvtatilis de Retzer. 


La comparaison de la faune de nos Spongilles avec 
celle décrite par Retzer et Noll pour l'Allemagne est inté- 
ressante, puisqu'elle met en évidence ce fait que nous 
possédons toutes les espèces allemandes à amphidis- 
ques. 

Quant aux variétés de l’Euspongilla or. signalées 
tant par Vejdovsky que par Retzer, tout nous fait espérer 
que des recherches plus longues, faites dans des régions 
spéciales par les conditions de milieu qu’elles présentent, 
nous les feront découvrir. 


Clermont-Ferrand , imprimerié Mont-Louis. rae Barbançon, 2, 


il 


GDT fl 
‘Planche 


ÉPONGES D'AUVERGNE 


LOL 


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DT P Grrot del. 


2  Trochospongilla erinaceus 


4  Ephydatia flviatilis 


/ Buspongilla lacustris 
3 Ephydatia Mülleri 


RECHERCHES 


SUR LA 


FAUNE DES EAUX DU PLATEAU CENTRAL 


COPÉPODES ET GLADOCÈRES 


Par J. RICHARD 


Licencié ès sciences naturelles. 


Depuis l’année dernière, j'ai pu examiner un grand nom- 
bre d’entomostracés provenant de localités très diverses. 

J'ai pensé qu’il était intéressant de donner, dans nos tra- 
vaux de zoologie locale, une liste complète des types pro- 
venant du Plateau Central et de réunir les matériaux les 
plus intéressants se rapportant aux Cladocères et aux Co- 
pépodes de nos eaux douces. C’est dans ce but que j'ai 
formé la liste présente, avec l'indication des points où 
chaque espèce a été rencontrée et les données nécessaires 
sur la date d'apparition et les caractères spécifiques des 
types douteux. 

Mes travaux antérieurs (1) m'ont permis d'utiliser de 


(4) J. Richard. — I. Liste des Cladocères et des Cupépodes d’eau douce observés 
en France. (Bull. de la Soc. zool. de France, t. XII, p. 156-163, 1887.) 

IL. Sur la faune pélagique de quelques lacs d'Auvergne. (Comptes-rendus de l’Acad. 
des Sciences, 14 novembre et 12 décembre 1887.) 

IIT. Entomostracés nouveaux ou peu connus. (Bull. de la Soc. z00l. de France, 
28 février 1888.) 

IV. Cladocères et Copépodes non marins de la faune française. (Revue scientifique du 
Bourhonnais, mars-avril 1888.) 


La 
+3 


PEUR ERE 
nombreuses observations qui me font considérer la liste 
présentée ici, comme contenant le plus grand nombre des 
espèces de notre faune locale, | 

J'ai reçu de M. le D" P. Girod les animaux provenant 
de ses pêches à Sainte-Marguerite (janvier 1887), parmi 
lesquels j'ai rencontré le Cyclops fimbriatus nouveau 
pour la faune française ; et je dois à M. Eusebio d’intéres- 
santes captures faites dans les environs de Clermont. 

J'ai, de mon côté, recueilli de nombreux matériaux aux 
environs de Vichy, de Clermont, à diverses époques. Les 
environs de Tulle, en juin et juillet, les lacs Pavin, 
Bourdouze, Montcineyre , Chambon et Guéry de la ré- 
gion du Mont-Dore, en août et septembre, m'ont donné 
un grand nombre d'espèces intéressantes. Le bassin du 
château du Vernet, où j'ai été si bien accueilli par MM. du 
Buysson, m’a fourni encore une bonne récolte au mois de 
mai 1887. 


IT. 
COPEPODA. 


Cet ordre d’entomostracés a été encore plus négligé en 
France que celui des Cladocères. Les anciens auteurs ont 
confondu , sous le nom générique de Cyclops, plusieurs 
genres bien distincts. Ils ont de plus donné le même nom, 
Cyclops quadricornis, aux diverses espèces, de sorte 
qu’on ne peut pas établir de synonymie. 

Les Copépodes libres non marins de notre faune appar- 
tiennent aux trois familles suivantes : Cyclopidæ, Har- 
pacticidæ, Calanidæ. 


I. CycLopnz. 
Cyclops tenuicornis Claus. 


J'ai fréquemment rencontré ce Cyclops aux environs de 
Vichy, à diverses époques de l’année, toujours en petit 


ni 
nombre et le plus souvent avec C. signatus Koch, à l’é- 
tang de Brach près de Tulle. 

Var. annulicornis Sars. J'avais signalé l’année der- 
nière (1) une variété très remarquable de cette espèce 
sous le nom de oar. distinctus. Je suis convaincu qu’elle 
n’est pas autre chose que €. annulicornis Sars. Cette 
variété n’est connue jusqu’à présent, en France, qu'aux 
environs de Vichy. 


Cyclops signatus Koch. 


Cette espèce est très répandue; mais elle ne se trouve 
pas en grandes troupes comme plusieurs des suivantes ; 
Vichy; étangs de Brach et de Rufjaud ; lac d'Aydat. 


Cyclops strenuus Fischer. 


Cet animal se trouve très souvent en nombre conside- 
rable du mois d'octobre au mois de mai, et beaucoup plus 
rarement pendant l'été. Il est très souvent coloré en rouge 
plus ou moins intense. Flaque d’eau presque au sommet 
de Gergovta ; diverses localités aux environs de Vichy. 
J'ai trouvé une variété de cette espèce adaptée à la vie 
pélagique dans les lacs Pavin, Chambon, Guéry, Bour- 
douze ; c’est par millions d'individus qu’elle était repré- 
sentée. 

Cyclops viridis Fischer. 

Ce Cyclops est peut-être le plus répandu; on le trouve 
à toutes les époques de l’année. Je connais sa présence 
dans les localités suivantes : Jardin des Plantes de Cler- 
_ mont; Vichy; étang de Brach. 

Cyclops lucidutus Kach. 

Cette espèce est beaucoup plus rare que les précédentes. 

M. Moniez ne la signale pas. Je ne l’ai trouvée jusqu'ici 
que dans deux localités très voisines : à Mariols, à quel- 
ques kilomètres de Vichy, avec C. pulchellus et peu 
après, à Vichy même, mais toujours en petit nombre. 


(1) 3. Richard, I, p. 162. 


EUR 
Cyclops pulchellus Koch. 


Sans être commun, ce Cyclops est cependant moins 
rare que le précédent. Je lai trouvé aux environs de 
Vichy et à Martols. 


Cyclops simplex Poggenpel. 


Cette espèce est rare. Je l’ai recueillie pour la première 
fois à l'étang de Cognet, en septembre 1886 et en juin 
1887 à Vichy, en assez grand nombre dans ces deux 
localités. 


Cyclopsh yalinus Rehberg. 


Rehberg (1) a décrit, sous ce nom, une espèce trouvée 
par lui près de Brême en 1880. Je crois devoir ranger ici 
un Cyclops qui difière fort peu de celui dont il s° ques- 
tion (2). 

J'ai rencontré pour la première nn cette espèce à Cha- 
ville en août 1806, et plus tard à Vichy, en nombreux 
exemplaires pendant les mois de mai, juin et septembre. 


Cyclops languidus Sars. 


J'ai rencontré cette espèce à Vichy en mars 1887. La 
description de Sars s'applique parfaitement à ce Cyclops 
et de point en point. J'ai trouvé de nombreux spécimens 
de cette petite espèce (0*"75) toujours au même endroit 
et seulement au printemps. 


Cyclops serrulatus Fischer. 


Ce Cyclops est aussi répandu que C. wiridis. Il a été 
trouvé dans les localités suivantes : {ous les environs de 
Vichy; Charade, près Clermont ; Jardin des Plantes de 
Clermont; lac d'Aydat; étangs d’'Urlan, de Brach, de 
Rufjaud près de Tulle ; lac Chambon. 


(1) Rehberg. Beitrag zur Kenntniss der freilebenden Süsswasser-Copepoden. Bre- 
men 1880, p. 542. (In Abhandlungen von Naturwiss. Verein Bremen.) 
(2) J. Richard, IV, p. 7-8. Diagnose. 


ko 7" 


eus 


Cyclops prasinus Fischer (1). 


Ce Cyclops qui à environ 1 millim. se trouve assez fré- 
quemment aux environs de Vichy (étang de Barenton, 
Malavaux, Abrest) en octobre. Il est encore à signaler 


à l'étang de Rufjaud. 


Cyclops diaphanus Fischer. 


Cette jolie petite espèce qui atteint à peine 1 millim. 
se trouve assez souvent à Vichy à diverses époques de 
l’année. 


Cyclops fimbriatus Fischer. 


Ce Cyclops, trouvé pour la premiére fois en France 
dans le trop-plein de la source minérale de Sainte-Mar- 
guerite (Puy-de-Dôme) par M. le D’ Paul Girod, est, 
d’après M. Moniez, très commun à Lille; lac de Gérard- 
mer. Les exemplaires que j'ai eus ont vécu très long- 
temps dans l’eau minérale concentrée de plus en plus par 
l’évaporation lente. 

D'autre part, des individus placés dans un bocal d’eau 
ordinaire y ont prospéré d’une façon remarquable. 


II. HARPACTICIDÆ. 


Canthocamptus staphylinus Jurine. 


Cette espèce est très commune aux environs de Vichy ; 
Charade et sommet du plateau de Gergovia près Cler- 
mont; lac d'Aydai ; à l'étang de Saclay. 


Canthocamptus minutus Claus. 


Cette espèce est beaucoup plus rare que la précédente. 
Je n’en ai recueilli que de rares ip à Vichy, au 
printemps et au mois d'août. 


(4) J. Richard, IV, p. 9. Diagnose. 


‘ses 


III. CALANIDÆ. 


Diaptomus castor Jurine. 


J'ai trouvé cette espèce à l'étang de La Tour et à l'étang 
de Coignet près de Vichy; à Vichy; à Broût- Vernet; 
à l'étang de Brach. 


Diaptomus cœruleus Fischer. 


Ce Diaptomus paraît préférer les grandes mares et les 
lacs aux petites flaques d’eau où se complaît l'espèce précé- 
dente. Il est souvent incolore, quelquefois d’un blanc 
laiteux, ou d’un beau bleu clair. Je l’ai trouvé d’abord 
à l’étang de la Beaume, aux environs de Vichy ; à l’é- 
tang de Cognet. Il se rencontre encore en nombre incal- 
culable dans les lacs Pavin, Montcineyre, Bourdouze, 


Aydat. 


CLADOCERA 


I. Sipipzx. 
Sida crystallina O0. F. Muller. 


Cette grande espêce se rencontre à Vichy; dans les 
étangs de Cognet, de Brach, d’Urlan, de Rufjaud; au lac 
de Monicineyre. 


Daphnella brandtiana Fischer. 

Je puis indiquer son existence «dans les localités sui- 
vantes : étangs d'Urlan, de Brach; Vichy; lac d'A ydai, 
lacs Chambon et Bourdouze. C'est par milliers que j'ai 
trouvé cette espèce dans les deux dernières localités. 


II. HorLopEDID. 


Holopedium gibberum Zaddach. 
C’est par millions d'individus que je trouve cette es- 
pèce au lac de Guéry à 1240", et au lac Monicineyre où 
il était beaucoup plus rare. 


. près de Vichy. 


TEL. DAPHNIDE. 


Daphnia Schœfferi Baird. 


Cette intéressante Daphnie se rencontre à Hauterive 


 Daphnia pulex de Geer. 


Cette espèce extrêmement commune et très répandue 


se trouve souvent en grandes troupes. On la rencontre 
dans tous les environs de Vichy, dans les bassins du 


Jardin des Plantes de Clermont, à Broût- Vernet, à 
Tulle, à l'étang de Brach. 


Daphnia longispina Leydig. 


_ On la trouve à l'étang de la Beaume, à Vichy , au lac 


_ d'Aydat, aux lacs Pavin, Guéry, Montcineyre, Bour- 


douze. 


Daphnia cucullata Sars. 


On ne connaît jusqu'ici en France qu’une variété de 
cette espèce, la forme apicata de Kurz, regardée par cet 
auteur comme une espèce distincte. Elle provient du lac 


Chambon où j'ai pu en recueillir des quantités considé- 


rables. 
Simocephalus vetulus O0. F. Muller. 


C’est le plus commun des cladocères. On le trouve dans 


les environs de Vichy, Broût- Vernet, lac d'Aydat, 


étangs de Brach, de Ruffaud. 


Simocephaius serrulatus Koch. 

Straus qui a signalé cette espèce la regarde comme une 
variété de sa Daphnia vetula. Cette forme est commune 
à Vichy, à diverses époques de l’année. On la rencontre 
encore à Abrest (Allier:). 


Ceriodaphnia megops Sars. 


Danone à Vichy; à Abrest; lac Chambon. 


Ceriodaphnia reticulata Jurine. 
Cette espèce est commune aux environs de Vichy ; elle 
se trouve encore à Broût- Vernet. 


Ceriodaphnia purchella “ars. 

Cette forme est assez fréquente à Vichy, à Abrest, à 
l'étang de Rufjaud, aux lacs Bourdouze et Montcineyre. 
Scapholeberis mucronata O. F. Muller. 

On rencontre ce cladocère très fréquemment à Véchy 


et à l'étang de Brach. La forme « /ronte cornuta » est 
beaucoup plus commune que la forme «fonte læut ». 


Môina reclirostris O. F. Muller. 

J’ai trouvé rarement cette espèce, mais toujours en trés 
grand nombre à l'étang de La Tour, à Barantan, à 
Abrest et à Haulerive, toutes localités voisines de Vi- 
chy où j'ai recueilli de nombreux individus de A. rectt 
rostris dans des flaques d’eau le long de l'Allier. 


IV. BosMINIDÆ. 


Bosmina Cornula Jurine. 


C’est à cette espèce qu'il faut rapporter les nombreux 
individus de l'étang de Cognet et non à B. longirostris, 
comme je l’avais indiqué l’année dernière. Cette forme 


est rare à Vichy. 
Bosmina longirostris 0. F. Muller. 


Je l’ai recueilli en assez grand nombre à l'étang de 
Brackh ; assez rare au lac d'Aydat; très abondante dans 
les lacs Guéry, Chambon, Montcineyre, Bourdousze. 


V. LYNCODAPHNIDÆ. 
Macrothrix laticornis Jurine. 


Ce cladocère est rare à Abrest; il n’a pas été retrouvé 
depuis. 


HO UE 


Drepanothrix dentata Euren. 


Cette forme extrêmement remarquable et connue seu- 
lement en Norwège, en Danemark et en Angleterre, se 
rencontre à l'étang de Brach et à l'étang d'Urlan aux 
environs de Tulle. Elle semble y être assez commune. 


Ilyocryptus sordidus Liévin. 


Cette forme est encore très rare; elle est signalée au 
marais de Fretin , et je l'ai trouvée à l’état de débris dans 
l'étang de Brach. 


VI. LYNCEIDÆ. 
Eurycercus lamellatus O. F. Muller. 


Cette espèce qui est la plus grande de toutes celles de 
la famille est extrêmement commune et répandue. Æfang 
de la Beaume, Malavaux, Vichy; lac d'Aydat ; étangs 
d’Urlan, de Brach, de Rufjaud ; lac Montcineyre. 


Camptocercus rectirostris Schœdler. 


C’est cette forme rencontrée à Chaville que j'ai désignée 
dans ma première liste sous le nom de Lynceus ma- 
croris. Elle est rare au lac Chambon et au lac 
d'Aydat. 

Acroperus leuccephilus Koch. 

Très commun dans nombre de localités: Vichy, étangs 

de Brach et de Rufjaud , lacs d’Aydat et Bourdouze. 


Alonopsis elongata Sars. 

Cette forme intéressante est assez commune au lac 
Montcineyre. 

Alona afjiris Leydig. 

J'avais précédemment désigné cette espèce sous le nom 
de Lynceus quadrangularis. Elle parait assez commune 
et très répandue. Vichy, étang d’Urlan, lacs d'A ydat, 
Montcineyre et Bourdouze. 


MODES 
Alona tenuicaudis Sars. 


On la rencontre en été dans les flaques d’eau laissées 
par un ruisseau aux Malavaux près Vichy ; elle est aussi 
assez commune à l'étang de Cognet. 


Alona coslata Sars. 


Aux Malavaux avec l’espèce précédente ; abondante 
au lac d'Aydat, étangs de Brach, de Ruflaud , lac de 
Montcineyre. 


Alona Moniezi Richard. 


Cette espèce qui appartient au groupe difficile de l'A. 
intermedia Sars à été trouvée d’abord près de Vichy. 
Le bassin du parc de M. du Buysson, à Broût-Vernet, 
m'en a donné de nombreux exemplaires males et femelles. 


Alona falcata Sars. 


Cette curieuse À /ona n’a encore été rencontrée qu'aux 
Malavaux près Vichy, où j'en ai recueilli un exemplaire. 
Alona testudinaria Fischer. 


Cette forme se trouve à Abrest en petit nombre. 


Alona rostrata Koch. 
Assez commune au lac Chambon ; rare dans l'étang de 
Cognet. 
Pleuroæus excisus Fischer. 


Lac d’Aydat , assez rare. 


Pleuroæœus nanus Baird. 

Ce Pleuroæus est le plus petit des cladocères, ne dé- 
passant pas 0"® 25. Il parait être très abondant et très re- 
pandu , quoiqu'il échappe facilement à la vue par sa peti- 
tesse. Lac d’Aydat. 


Pleuroxus hastatus Sars. 


Cette espèce est râre. Je l’ai indiquée l’année dernière 
aux Malavaux sous le nom de PI. lœvts. 


ue 
Pleuroxus trigoneltus 0. F. Muller. 
Cette forme est rare à Vichy, au lac d'Aydat. 
Pleuroxus aduncus Jurine. 


_ Ce Pleuroxus qui est très voisin du précédent est assez 
| commun à Vichy. 


Pleuroxus personatus Leydig. 


5e Cette espèce est encore fort rare. On la rencontre quel- 
quefois à Vichy, au lac d'Aydat. 


Pleuroxus truncatus O. F. Muller. 


C’est la forme la plus commune du genre, on la trouve 
É quelquefois en grand nombre : Æ{ang de Cognet; Mala- 
_  vauæ, Vichy; lac d’Aydat, lac Montcineyre. 


Chydorus sphϾricus O, F. Muller. 


Cladocère extrêmement commun et très répandu; on 
le rencontre à Vichy, Clermont, Broût- Vernet, étangs 
de Brach, de Rujjaud, d’Urlan, Tulle, lac d'Aydat, 
lac Bourdouse. 


Chydorus globosus Baird. 


Cette espèce est beaucoup plus rare. Vichy. 


VII. POoLYPHEMIDZ. 


Polyphemus pediculus de Geer. 


Ce remarquable cladocère semble assez rare en France. 
J'en ai recueilli un nombre relativement peu considérable 
de spécimens dans la zone littorale du lac Pavin. 


En résumé , parmi les copépodes , le genre Cyclops est 
fort bien représenté chez nous. Canthocamptus et Diapto- 
mus font encore partie de notre faune. 

Quant aux cladocêres, nous ne comptons jusqu'ici que 


; très due our rt genres tie . rs 
nous manque en effet la plupart des espèces pélagiques 
intéressantes. Cela tient certainement à ce que les lacs 
français n’ont pas été suffisamment explorés et l'on peut À 
eue être assuré que beaucoup de formes viendront s ajouter ae 
à celles que nous connaissons, au fur et à mesure que nos 
eaux douces seront mieux connues. Il est à remarquer 
que D. pennata signalée dans presque toute l'Europe, 
manque à notre faune quoiqu’elle ait les mêmes mœurs 
que D. puleæ qui est si commune. 


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Clermont-Ferrand, typographie Mont-Louis, rue Barbançon, 2. À, 14 F2 


Recherches sur la Chlorophylle 
des Animaux. 


La Matière colorante de l'Hydre verte. 


Par 
D' Paul GIROD, 


Maître de Conférences à la Faculté des sciences de Clermont, 
Professeur à l’Ecole de médecine, 
Lauréat de l’Institut. 


# 


INTRODUCTION. 
11° 


La matière verte, connue sous le nom de chlorophylle, 
donne à l’être qui la contient une propriété d’une impor- 
tance fondamentale. Sous l’action de la lumière, la ma- 
tière vivante, imprégnée de chlorophylle, décompose l’a- 
cide carbonique de l'air et assimile le carbone, pouvant 
former de toutes pièces, en le combinant avec l’oxygène, 
l’hydrogène et l’azote, les composés carbonés ternaires 
et quaternaires destinés à sa nutrition. 

Aïnsi les êtres à chlorophylle s'opposent à ceux dé- 
pourvus de cette matière; les premiers pouvant seuls 
tirer de l’a ambiant le carbone, point de départ des 
composés organiques multiples, les seconds se trouvant 
dans la nécessité d'emprunter aux précédents les maté- 
riaux nécessaires à leur nutrition. Les êtres à chloro- 
phylle forment ainsi un intermédiaire obligé entre les 
êtres sans chlorophylle et l’acide carbonique de Pair qui 
est la base essentielle de l’aliment. 


pee 
29 


Les végétaux contiennent en général la chlorophylle 
sous forme de grains ou de rubans déliés, cependant les 
champignons et quelques espèces de phanérogames font 
exception et ne présentent jamais dans leurs tissus de 
formations analogues. Les animaux au contraire se rap- 
prochent des champignons par l'absence de chlorophylle. 
On observe cependant quelques types animaux chez les- 
quels la coloration verte semble due à la chlorophylle. 
Le stentor de Muller, l’euglène verte, la spongille d’eau 
douce, l’'hydre verte, une planaire (convoluta Schultzi) 
et quelques autres sont dans ce cas. 

La chlorophylle entrainant avec elle l'apparition d’une 
fonction ayant pour but l'assimilation du carbone, il est 
intéressant de savoir si les animaux qui possèdent cette 
substance se comportent comme la généralité des végé- 
taux et fixent le carbone dans leurs tissus. 


Il est un autre point qui ne présente pas un moindre 
intérêt. Les travaux de MM. de Bary, Schwendener, 
Bornet, Ress et Stahl ont mis en relief la curieuse orga- 
nisation des lichens. Ces végétaux sont formés de deux 
parties distinctes : un champignon, être dépourvu de 
chlorophylle, amas de filaments déliés, et des corpus- 
cules verts, chargés de chlorophylle, englobés dans la 
masse filamenteuse. Ces corpuscules sont des algues pou- 
vant mener une vie indépendante et qui s'associent au 
champignon pour mener une vie en commun, recevant 
du champignon l’acide carbonique et les matières azo- 
tées et lui donnant en échange les composés organiques 
formés par l’action chlorophyllienne. Ce phénomène à 
reçu le nom de symbiose. Les animaux colorés par la 
chlorophylle présentent-ils un cas analogue de symbiose, 
les corpuscules verts observés dans ces organismes ne 
sont-ils pas des formes indépendantes associées un mo- 
ment aux tissus animaux ? 


Dose 

Ainsi, la matière verte observée chez les animaux 
peut-elle être en tous points comparée anatomiquement 
et physiologiquement à la chlorophylle des végétaux ? 
Si la comparaison est possible, se trouve-t-on en pré- 
sence de corpuscules appartenant aux tissus mêmes de 
l'animal, ou bien a-t-on sous les yeux des formes végé- 
tales définies, associées à l’animal et présentant un cas 
analogue à celui des lichens ? C’est sous cette forme que 
se pose le problème de la chlorophylle animale. 

Les réponses données par les naturalistes qui se sont 
occupés de cette question sont tellement contradictoires 
que de nouvelles expériences devenaient nécessaires. 
Ainsi les conclusions du travail de M. Patrik Geddes (1) 
sur les planaires vertes sont combattues par M. A. Bar- 
thélemy (2). Quant à l’hydre verte, les opinions émises se 
résument dans deux mémoires de date récente. M. K. 
Brandt (3) conclut que l’hydre verte, privée de nourriture 
animale, laisse « ses tentacules se ratatiner et se réduire 
en de courts tronçons incapables de capturer la proie » et 
se nourrit dès lors par ses corpuscules chlorophylliens, 
qui sont des algues associées. M. L. Von Graff (4) pré- 
tend, au contraire, que « les algues ou pseudo-corps chlo- 
rophylliens de l’hydre ne jouent aucun rôle dans la nutri- 


tion de l'animal ». Il y avait donc à reprendre ces con- 


e 


clusions, à vérifier les expériences, à chercher par des 
voies nouvelles à trouver la solution du problème. 


(1) P. Geddes. — Sur la chlorophylie animale. Archives zool. Exp. T. II, 
p. 52-28. 

(2) 4. Barthélemy. — Sur la Physiologie d’une planaire verte. Comptes-Rendus. 
Ac. Sc. T, XCIX, n° 4. 

(3) K. Brandt, — Uber die morphologische und physiologische Bedeutung des 
Chlorophylls bei Thieren. 

I. Archiv. f. Physiologie de Du Bois-Reymond. 1882. 

IT. Mittheil. d, Zool. Stat. zu Neapel. T. IV. 

Ueber Chlorophyll im Thierreich. Kosmos, neue Serie. T. I. 1884. 

(4) L. VoniGraff. — Zur Kenntniss der hp. Function des Chlorophylls im Thier- 
reich, Zoo/ogischer Anzeiger. 1884, no 177. 


H. 


Nos recherches ont porté sur un petit polype qui abonde 
aux environs de Clermont. L’hydre verte se rencontre 
dans les ruisseaux à écoulement lent qui se couvrent de 
lemnas et de véroniques. Les bassins à rouir le chanvre 
qui sont creusés dans les prairies qui bordent la route de 
Beaumont sont précieux pour cette pêche. On attire hors 
de l’eau les tiges de véroniques et de salicaires et on exa- 
mine avec soin les feuilles : on découvre de cette façon 
cles petits points d’un beau vert émeraude, d'aspect géla- 
tineux, qui sont les hydres revenues sur elles-mêmes. Le 
lambeau de feuille qui porte l’animal est placé dans un 
flacon rempli d’eau, et bientôt l’animal s'étale, il s’allonge 
en une tige grêle terminée par un bouquet de fils d’une 
ténuité extrême. Souvent on voit sur le corps de l’hydre 
une ou plusieurs masses arrondies avec leurs bras étalés ; 
ce sont les bourgeons plus ou moins développés qui don- 
neront des hydres nouvelles en se séparant de la mére. 
La recherche sous les feuilles de lentille d’eau qui se 
trouve mentionnée dans les livres classiques est impossi- 
ble; elle est aisée au contraire sur les plantes indiquées, 
et l’on peut ainsi se procurer en une heure cinquante 
soixante individus. La couleur verte de l’hydre est due 
une matière considérée comme chlorophylle. 

Sur d’autres points, les masses que l’on observe sur les 
feuilles sont d’un brun orangé vif et, lorsqu'elles s’étalent, 
elles donnent des hydres semblables aux précédentes, 
mais différant par la couleur. Cette seconde forme cons- 
titue l’hydre brune, qui ne contient pas de chlorophylle. 
La présence de ces deux types nous a semblé très-favo- 
rable pour les recherches à entreprendre. Possédant deux 
formes animales identiques, l’une avec chlorophylle, lPau- 
tre sans chlorophylle, nous pouvions espérer obtenir, par 
la comparaison, des résultats que les méthodes suivies n’a- 


2 


— D — 
vaient pu indiquer. Nous avons groupé nos recherches en 
chapitres successifs : recherches anatomiques, physico- 
chimiques, physiologiques et embryogéniques. Les con- 
clusions seront données dans un résumé final. 


RECHERCHES ANATOMIQUES. 


Les travaux de Kleinenberg (1) et de Jickeli (2) ont 
donné sur l’organisation histologique de l’hydre des dé- 
tails très-précis. C’est sur les cellules endodermiques, 
qui contiennent la matière colorante verte, qu'ont porté 
nos recherches. 

Ces cellules endodermiques se rapprochent beau- 
coup, comme organisation, des cellules végétales. Une 
fine membrane limite la cellule et le protoplasma est dis- 
tendu par une grande vacuole souvent découpée par des 
trabécules intermédiaires. Le protoplasma forme contre 
la paroi une utricule primordiale où se trouvent enchässés 
le noyau et les diverses productions cellulaires. 

Le noyau arrondi, volumineux, est toujours appliqué 
contre une des faces latérales de la cellule. Il est accom- 
pagné par les globules verts qui correspondent aux grains 
de chlorophylle des végétaux. Enfin, on remarque sur 
la face libre de la cellule ou sur sa face profonde des 
oranulations qui semblent en rapport avec les matières 
assimilées par l’animal ; ce sont de petits corps anguleux, 
carrés, triangulaires, à l'aspect vert-olivatre foncé, brun, 
souvent tirant sur le noir. | 

Les globules verts sont arrondis, ils mesurent en 
moyenne 7" et sont formés, comme les grains de chloro- 
phylle, d’un stroma protoplasmique épais, albumineux, à 
la surface duquel se dépose le pigment vert. 

Ces grains se multiplient par scission transversale, 


(1) D. N. Kleinenberg. — Hydra. Leipzig. 1872. 
(2) Jècheli. — Morphol. Jahrb. Gegenbaur. T. VIH. 1582. 


de 
ainsi qu'il est facile de le reconnaitre sur les cellules des 
bourgeons en voie de développement. Ce phénomène, dif- 
ficile à observer chez l'adulte, peut être mis en évidence 
par ce procédé spécial. Le grain s’allonge, s’étrangle sui- 
vant son milieu, prend la forme d’un bissac et se divise 
enfin en deux grains nouveaux. 

Ces grains se meuvent dans l’intérieur des cellules. Des 
hydres fixées à la cocaïne, après exposition aux rayons 
du soleil, nous ont toujours présenté les grains appliqués 
sur les faces latérales. Après l’action d’une lumière peu 
intense, les grains se groupent aux deux extrémités de la 
cellule. Nous avons cherché à déterminer le nombre des 
grains en nous servant d’un micromètre quadrillé. Les 
grains se rencontrent en nombre variable de 5-6 à 22. 
Cependant, sur une préparation donnée, les cellules con- 
tiennent en général une moyenne de grains qui varie peu. 
Cette dernière observation demandait une explication. 

L’examen des hydres à l’œil nu montre que la colora- 
tion varie d'intensité. Des individus placés dans l’eau fil- 
trée sont d’un vert plus foncé, presque noir, tandis que 
les exemplaires grassement nourris sont de teinte plus 
pale. Cette observation, faite dans les conditions les plus 
diverses, en nous servant d’une gamme de colorations 
vertes auxquelles nous comparions les individus en expé- 
rience, nous amène à conclure que : 

L’mtensité de la coloration est en rapport inverse de la 
facilité qu'a l'animal à capturer sa proie. 

La numération des grains dans les cellules appartenant 
à des individus soumis à ces conditions diverses, a con- 
firmé l’examen précédent et nous permet de dire que : 

Le nombre des grains dans chaque cellule de l’endo- 
derme correspond à l’intensité de coloration. 

D’après ces considérations, les cellules endodermiques 
contiennent des granules verts qui se comportent comme 
des grains de chlorophylle et dont le nombre augmente 
lorsque l’animal est privé de nourriture. Si les granules 


cg ES 
observés sont physiolosgiquement identiques à la chloro- 
phylle, nous voyons dans ce dernier fait un des plus in- . 
téressants phénomènes. La fonction chlorophyllienne, d’a- 
bord secondaire, augmente sa surface d'élaboration pour 
donner à l’animal les matériaux alimentaires qui ne lui 
sont plus fournis par la voie normale. 


RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES. 


La chlorophylle de l’hydre répond par ses propriétés 
- physiques et chimiques à la chlorophylle des végétaux. 

Les globules verts traités par l’éther, le chloroforme, 
lPhuile grasse se décolorent. 

Pour observer facilement cette action il faut agir sur 
des tissus dilacérés sur la lamelle du microscope, car l’ac- 
tion des réactifs sur l’hydre intacte semble entravée par 
limperméabilité de la cuticule périphérique. La chloro- 
phylle se présente donc comme une teinture verte qui 
imprègne des granules de protoplasma. 

Le spectre d'absorption de la chlorophylle de l’hydre 
correspond à celui observé chez les végétaux. Ne pouvant 
songer à obtenir une dissolution, nous avons eu recours à 
l'examen du spectre obtenu en faisant tomber le faisceau 
de rayons solaires sur l’animal écrasé de façon à présenter 
une lame de tissus de la plus grande ténuité. 

L'emploi de la cocaïne comme l'indique M. Richard 
nous a permis de fixer les hydres dans l’extension et d’ob- 
tenir par compression une lame verte allongée correspon- 
dant à la fente du spectroscope. 

Le spectre obtenu nous a toujours présenté : 

La bande d'absorption, d’un noir intense, nettement 
limitée, située dans le rouge, au niveau de la ligne B. 

Un assombrissement de la moitié la plus réfrangible du 
spectre à partir de la raie F jusqu’à l’extrémité violette. 


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES. 


La chlorophylle que l'anatomie et la chimie nous révè- 
lent dans les cellules endodermiques de l’hydre remplit- 
elle la même fonction que la chlorophylle étudiée chez les 
végétaux ? 

D’après Brandt, l'assimilation du carbone s’opère avec 
une telle énergie que l’hydre verte peut se passer de toute 
nourriture animale. Il se base sur cette observation que 
l'hydre placée dans l’eau filtrée laisse s’atrophier les ten- 
tacules quine sont plus nécessaires à la capture de la proie. 
Si, en temps ordinaire, l’hydre verte saisit comme les 
espèces non vertes les petits crustacés qu’elle introduit 
dans sa cavité digestive, c’est par voracité innée, plutôt 
que pour prendre un ‘aliment que ses algues associées 
peuvent lui fabriquer de toutes pièces. Du reste l'habitude 
fait disparaître ce besoin de capture avec les tentacules 
qui en sont les instruments actifs. 


L. Von Graff qui reprend les expériences de Brandt les 
complète par des observations tirées de la vie d’hydres 
placées dans des conditions diverses. Il dispose une série 
de huit flacons : quatre sont mis en pleine lumière, quatre 
sont entourés d’un papier noir et placés ainsi dans l’obs- 
curité la plus parfaite, on les réunit par deux et l’on 
forme ainsi quatre groupes distincts : 

Le premier groupe reçoit chaque jour l’eau de l’aqua- 
rium ; le second groupe reçoit la même eau, mais on ne 
la renouvelle que chaque semaine ; le troisième groupe 
reçoit de l’eau filtrèe que l’on renouvelle ; le quatrième 
groupe de l’eau filtrée persistante. Chaque flacon reçoit 
trois exemplaires vivaces d’hydres vertes. Au 35° jour tous 
les exemplaires sont morts. On a noté avec soin les décès 
successifs des animaux en expérience, on peut dés lors 


Me, op 

chercher à tirer l'importance des conditions extérieures 
sur la vie de ces animaux. Le tableau donné par Von 
Graff le conduit à admettre qu’une seule condition est 
nécessaire à la vie de l’hydre, la présence de l’eau de 
l'aquarium chargée d’infusoires et de principes nutritifs ; 
la lumiére ou l’obscurité ont une influence négligeable. 
D'où cette conclusion absolument opposée à celle de 
Brandt : que la chlorophylle ne joue aucun rôle dans la 
vie de l’hydre. 


Une question aussi importante que celle qui nous occupe 
demande de la part du physiologiste des bases plus solides 
pour lui donner une solution. 

Voici l’ensemble des expériences que nous avons ima- 
ginées. 


1. Les hydres vertes placées dans des conditions nor- 
males émettent-elles de l'oxygène? 

L'automne de 1885 nous ayant permis de recueillir 
en quelques excursions plusieurs centaines d’hydres, je 
pris les dispositions suivantes : 

On découpa et on souffla des tubes de moyen calibre de 
facon à obtenir de petites éprouvettes, étirées en pointe, 
à l'extrémité fermée, et portant dans leur région moyenne 
une ampoule. Les hydres qui s'étaient fixées en grand 
nombre sur des rubans de soie blanche déposés dans les 
vases qui les contenaient, furent placées dans chaque 
ampoule, et l’éprouvette préalablement remplie d’eau fut 
retournée sur le mercure. On fit passer dans l’éprouvette 
un demi-centimètre cube d’acide carbonique. 

Trois éprouvettes ainsi préparées contenant en moyenne 
cent cinquante hydres furent exposées à la lumière solaire. 
On constata après une durée d'expérience de 6 heures du 
matin à 6 heures du soir, qu’une bulle de gaz s’était for- 
mée dans chaque tube. Ce gaz recueilli à l’aide d’une 
pipette de Doyère ne change pas de volume au contact de 


Se OI LE 
la potasse et est absorbé par le pyrogallate de potasse; 
c'est donc de l’oxygène. 

Cette triple expérience reprise trois jours de suite nous 
a donné des résultats identiques. 

Que conclure? Que la chlorophylle se comporte dans 
l’'hydre comme dans les feuilles vertes soumises à la même 
expérience. L’acide carbonique de l’air est décomposé, le 
carbone fixé, et il y a émission d’oxygëne. 

Désireux de confirmer ces premières données que j'a- 
dressais à l’Académie des Sciences dans un manuscrit sur 
les matières pigmentaires, j'ai consacré les animaux pro- 
venant de nos premières pêches de 1886 à de nouvelles 
expériences. Je n’hésite donc pas à considérer l’émission 
d'oxygène comme une démonstration certaine de l'identité 
physiologique de la chlorophylle dans hrs vtridis et 
dans les végétaux. 

Les mêmes expériences faites sur l’hydre brune m'ont 
servi de témoins. Dans ce cas, je n’ai pas observé de déga- 
gement gazeux, je crois donc avoir éloigné les causes d’er- 
reur pouvant en imposer en provoquant un dégagement 
d'autre origine. 


2. Ce premier résultat acquis, j'ai cherché à déterminer 
le rôle joué par l’assimilation du carbone dans la vie de 
l’hydre. 

J’ai employé la méthode des flacons de Von Graff, mais 
je l’ai modifiée de façon à rendre les résultats probants. 

On prépara huit bocaux. 

A reçut des hydres vertes, B des hydres brunes, et 
ces deux premiers bocaux furent placés en pleine lu- 
miére. 

Les bocaux C et D enveloppés d’un papier noir opaque 
reçurent le premier, des hydres vertes, le second, des 
hydres brunes. | 

Ces quatre premiers bocaux reçurent chacun vingt 
exemplaires d'hydres, on y versa l’eau de l'aquarium et 


TE 
l’on eut soin d’y introduire chaque matin deux tubes de 
daphnies et de cyclops. 

L’hydre est excessivement vorace et dans les conditions 
normales elle se charge en quelques jours de dépeupler un 
bocal rempli des petits crustacés cités. Grâce au dévelop- 
pement énorme de ces animalcules dans les bassins du 
Jardin botanique, nous avons pu répondre à cette condition 
nécessaire de l’expérience. 

Les bocaux EFGH au contraire reçurent de l’eau filtrée ; 
les deux premiers placés à la lumière, les deux autres 
enveloppés d’un papier opaque reçurent comme les précé- 
dents des lots d’hydres vertes et des lots d’hydres brunes. 
Cette expérience renouvelée six fois à quelques mois 
d'intervalle nous a toujours donné les mêmes résultats. 

Dans les bocaux A et B les hydres présentent tous les 
caractères d’une vie opulente. Le corps se couvre de bour- 
seons qui restent longtemps attachés à la mère et forment 
des colonies de 3 à 5 individus. Au bout de deux mois, 
on constatait la multiplication extrême des individus, les 
bourgeons détachés avaient formé des souches nouvelles à 
tel point que les parois et le fond du bocal sont couverts 
d'hydres de toute grandeur. Ici, hydres vertes et hydres 
brunes présentent les mêmes caractères de développement 
et de santé ; les hydres vertes péchent avec ardeur les 
daphnies qui passent à leur portée. 

Lorsque l’animal peut capturer des proies abondantes 
l’action de la chlorophylle semble tout à fait secondaire. 
L'examen des bocaux B et C confirme cette conclusion, 
car dans l’obscurité les hydres vertes abondamment pour- 
vues bourgeonnent, s’accroissent, se multiplient, semblent 
dans de bonnes conditions d'existence. 

L'examen des bocaux contenant l’eau filtrée est plus 
instructif. Hydres vertes et hydres brunes meurent très- 
rapidement d’inanition, à l’obscurité, dans les bocaux GH. 
Dans la lumière, les hydres brunes du local F meurent à 
peu près dans un temps égal, tandis que les hydres vertes 


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du bocal E luttent longtemps encore contre l’inanition. 
Du 6° au 10° jour les hydres brunes avaient disparu tandis 
qu’au 25° jour on observait encore les hydres vertes fixées 
aux parois. Dans ce cas, la fonction chlorophyllienne 
semble dominer la vie de l'être et lui fournit un moyen 
d'attendre les conditions meilleures et des proies plus 
faciles. Mais il y a simple moyen d'attente, car l’hydre 
perd bientôt toute sa vigueur ; elle vit, mais elle ne donne 
pas de bourgeons latéraux et puis ses bras se rétractent 
et l'animal réduit à son corps quitte le bocal, flotte, se 
désagrège et disparait. Il suffit de suivre une hydre brune 
passant par les mêmes phases pour s'assurer que le phé- 
nomèêne de la rétraction des bras signalée par Brandt est 
le signe prochain de la mort de l'être et non pas une pré- 
paration à un nouveau genre de vie. 


3. Les expériences du laboratoire se trouvent confir- 
mées par les résultats de nos pêches qui nous ont donné 
sur l'habitat des deux types d’hydres d’intéressantes dé- 
couvertes. 

Les bassins à rouir le chanvre de Beaumont sont ali- 
mentés par une source d’eau vive. Ils s’étagent de façon à 
former six gradins communiquant par de petites cascades. 
Les bassins supérieurs sont profonds de 3 mèêtres, puis les 
suivants vont en décroissant de profondeur jusqu’au der- 
nier où coule une nappe d’eau de quelques centimètres. 
L'’hydre brune abonde dans ce bassin peu profond, les 
véroniques en sont littéralement couvertes ; plus haut, les 
exemplaires sont plus rares et, à partir de la cascade 
moyenne, ils disparaissent à tel point qu’on ne peut par- 
venir à en découvrir. Les recherches les plus minutieuses 
ne nous ont pas permis de découvrir dans toute cette zone 
un seul exemplaire d’hydre verte. En revanche, ce type 
apparait à la cascade moyenne et occupe les bassins supé- 
rieurs, pullulant dans le premier bassin à grande profon- 
deur. Cette localisation des deux espèces nous a semblé 


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ce Mere 

caractéristique. Nous avons maintes fois essayé de trans- 
porter des hydres vertes dans les bassins inférieurs, nous 
n'avons jamais trouvé de traces d’une acclimatation pro- 
bable. Au mois de septembre, la source grossie par les 
pluies d'automne envahit les bassins, emportant les véro- 
niques et leurs verts habitants. Nous pûmes pendant quinze 
jours recueillir l’hydre verte dans les eaux basses, sur les 
débris de végétaux arrachés, mais bientôt les derniers 
exemplaires disparurent et dès le milieu d’octobre les deux 
espèces se localisaient de nouveau dans leurs bassins res- 
pectifs. 

J'avais conclu que l’hydre verte est un animal de haute 
mer tandis que l’hydre brune habite les grèves basses et 
boueuses. Restait à découvrir la cause de cette différence 
d'habitat. 

Ayantagité le flacon que je venais de remplir à la source, 
je m’aperçus d’un dégagement de bulles gazeuses d'acide 
carbonique. L'analyse chimique confirma cette pensée et 
je-me trouvai ainsi en possession d’un fait important pour 
la question qui nous occupe. Les bassins supérieurs sont 
chargés d’acide carbonique ; mais les cascades successives 
permettent le dégagement du gaz à tel point qu’à partir 
du 3° bassin la quantité n’est plus appréciable. Je n'hésite 
pas à voir dans cette différence de composition de l’eau la 
cause du groupement des deux espèces à deux hauteurs 
différentes. La présence de l’acide carbonique en excès 
dans les eaux habitées par l’hydre verte me paraît en rap- 
port avec la fonction chlorophyllienne qui, étant donnée 
la pauvreté de la proie dans les bassins supérieurs, peut 
jouer dans des circonstances diverses un rôle important 
pour la vie de ces animaux. | 

Ces considérations nous permettent de conclure que 
les grains de chlorophylle de l’hydre se comportent comme 
les corpuscules correspondants des végétaux. Mais cette 
fonction chlorophyllienne est secondaire et subordonnée 
aux manifestations générales de la vie de l’hydre qui cap- 


ie 
ture et se nourrit de proies vivantes qu’elle digère, ab- 
sorbe et assimile comme sa congénère l’hydre brune. 

Si la chlorophylle de l’hydre préside à l'assimilation du 
carbone, il faut se demander sous quelle forme se fait 
cette assimilation! 

Geddes et Barthélemy ont signalé dans leur planaire 
verte des grains de matière amylacée formés par les élé- 
ments verts. Toutes mes tentatives sur les tissus de kydra 
pour mettre en évidence par le microscope et les réactifs 
la fécule ont échoué. Et cependant j'ai examiné des hydres 
sur le point de disparaître après un jeûne d’un long mois, 
c'est-à-dire dans les conditions qui me semblaient exagé- 
rer au maximum la fonction chlorophyllienne. Les re- 
cherches entreprises sur les végétaux sont loin d’avoir 
démontré partout la présence de la matière amylacée dans 
les grains de chlorophylle et d’autre part l'interprétation 
à donner à l'apparition de ces grains est loin d’être définie, 
puisque les uns y voient un premier acte assimilateur, les 
autres le résultat de la désassimilation. On comprend que 
les composés ternaires quise forment puissent appartenir à 
un groupe soluble et directement assimilable. Les expérien- 
ces sur les végétaux pourront seules élucider cette question. 


4. De plus, le pigment vert, comme les pigments ani- 
maux épidermiques, sert à rendre moins apparent l’animal 
qui le porte. Les faits de mimétisme sont assez nombreux 
dans la science pour nous permettre d’émettre cette idée. 
Or, nos pêches confirment cette conclusion. Les véroni- 
ques et les salicaires des hauts bassins où vit l’hydre verte 
sont fixées et portent des feuilles fraichement épanouies 
et vivement colorées. Dans les bassins inférieurs s’accu- 
mulent les débris de plantes, les feuilles jaunies et brunä- 
tres et c’est sur ces pétioles que s’accrochent par groupes 
de 3, 5, 7 les hydres brunes qui s’étalent dans la vase où 
grouillent les petits crustacés. Ce fait de mimétisme est 
des plus frappants. 


RECHERCHES EMBRYOGÉNIQUES. 


L’hydre se reproduit par des bourgeons et d’autre part 

par des éléments sexués, œuf et spermatozoïde. 
- Nos expériences sur le bourgeonnement ont eu pour but 
de savoir si, à l’obscurité, les tissus qui se forment par 
accroissement des tissus préexistants forment dans leurs 
cellules des grains de chlorophylle. Les hydres mises en 
expérience dans le bocal C ont répondu affirmativement. 
A l’obscurité, les bourgeons qui se développent contien- 
nent des corpuscules verts, donc l’étiolement ne se pro- 
duit pas. Mais il suffit de rappeler les expériences de 
M. Schmidt (1) qui ont démontré que les feuilles des fou- 
gères et les embryons de pinus forment de la chlorophylle 
dans la plus parfaite obscurité, pour considérer ces résul- 
tats comme n'étant pas opposés à l’interprétation des faits 
précédents. 

L'étude de l’œuf nous a fourni des renseignements pré- 
cieux. Le développement de l'ovaire et de l'œuf a été 
suivi et décrit avec une précision et une clarté parfaites 
par le docteur Kleinenberg qui nous a servi de guide; nous 
renvoyons à cet auteur pour les descriptions des phéno- 
mèênes, nous insistons seulement sur les points qui touchent 
à notre travail. 

L'œuf amiboïde de l’hydre verte est d’abord incolore. 

A mesure qu'il s’accroit, on voit apparaître et se multi- 
plier dans le vitellus des granulations protoplasmiques 
incolores. 

Ces granulations sont envahies par le pigment vert. 

Au moment où l’œuf abandonne les tissus maternels, 
les grains de chlorophylle sont formés. 

_ De ces faits nous concluons : 

Que les grains de chlorophylle doivent jouer un rôle 
dans la vie de l’hydre puisque l'œuf, incolore tant qu'il 
dépend de la paroi maternelle où il trouve une nourriture 


(1) Schmidt. Ueher einige Wirkungen. — Breslau, 1870. 


ont MG 
abondante, se charge de granulations vertes au moment 
où il va mener une vie indépendante. 

Que les grains de chlorophylle apparaissent dans l’œuf 
comme dans la cellule végétale sous forme de leucites inco- 
lores où se dépose plus tard le pigment vert. Cette der- 
nière considération détruit l’idée de la symbiose de l’hydre 
avec des algues unicellulaires. 

Si la symbiose existait, les algues faisant partie de l’as- 
sociation donneraient les individus premiers destinés à 
l'œuf. On pourrait donc suivre la pénétration des algues 
colorées dans le vitellus de l’œuf. Le procédé que nous 
observons est tout différent : le protoplasma vitellin dif- 
férencie dans sa masse des leucites incolores qui se pig- 
mentent ensuite. Une telle formation correspond au 
développement de corpuscules chlorophylliens dans une 
cellule végétale dont ils dépendent et n’a aucun rapport 
avec l’origine et la multiplication des gonidies des lichens. 


Des faits présentés dans les chapitres précédents, nous 
concluons : 

. Que la chlorophylle de Hydra présente l’organisation, 
les propriétés physiques et chimiques de la chlorophylle 
végétale ; 

Qu'elle apparaît dans l'œuf comme le font les leucites 
colorés des végétaux ; 

Que les grains observés dans les cellules endodermiques 
dépendent, comme formation, du protoplasma cellulaire 
et ne correspondent point à des éléments étrangers (algues 
monocellulaires) venant du dehors ; 

Que, partant, l’association de l’animal hydre et d’algues 
vertes n’existe pas (symbiose) ; 

Que la chlorophylle de l’hydre préside à l’assimilation 
du carbone et qu’en même temps elle sert, comme pig- 
ment vert, aux rapports de coloration de l’animal avec le 
milieu extérieur (mimétisme). 


Clermont-Ferrand , typographie Moxt-Louis, runs Barbançor, 2. 


ST 

Cette note a pour but de faire connaître des détails d'expériences 
que j'ai résumées dans le précédent mémoire. 

Ces détails se rapportent à mes recherches physiologiques. 

Dès 1883 de nombreuses hydres vertes furent recueillies à Beaumont 
par les élèves du laboratoire. Depuis ce moment les excursions ont 
été nombreuses de ce côté et je suis heureux de remercier tous ceux 
qui ont contribué à approvisionner mes aquariums. 

Mes premiers essais ne furent pas heureux. Les hydres vertes re- 
cueillies étaient placées dans des tubes à essai reposant sur l'extrémité 
fermée. Lorsqu'elles semblaient fixées à la paroi, on retournait le 
tube sur la cuve à eau. Mais, la nécessité d'exposition à la lumière 
pendant de longues heures me fit abandonner cette disposition ; les 
hydres se détachaient et tombaient au fond de la cuve. 

La nécessité de réunir les hydres en expérience sur un point donné 
me fit modifier la forme de l’éprouvette. Des tubes de moyen calibre 
(8 à 10 mili. de diamètre) furent soufflés en boule à leur partie moyenne 
et étirés en pointe à l’extrémité fermée. Les animaux portés dans la 
boule résistaient mieux aux mouvements imprimés au tube. 

En obtenant la fixation des animaux dans les bocaux sur des rubans 
de soie blanche, je pus assurer la persistance du groupe d’hydres 
dans l’ampoule. 

D'abord, les éprouvettes reçurent l’eau de la source contenant 
normalement de l’acide carbonique et furent retournées sur la cuve à 
eau. Je constatai dès lors l'émission de l'oxygène. 

Désireux de donner plus de précision à mon expérience, j'ai cher- 
ché à réaliser un système plus parfait. A cet effet, je cherchai à 
obtenir une série d’éprouvettes de capacité sensiblement égale. L'eau 
de la source fut remplacée par de l’eau contenant une quantité d'acide 
carbonique déterminée et pour assurer la persistance de la disso- 
lution, je me servis de la cuve à mercure. 

L'expérience est ainsi conduite : 

L'éprouvette porte deux traits de repère, l’un à 20 cc. l’autre à 20 ce.5. 

Alors, l’'éprouvette est remplie d’eau; les hydres sont introduites et 
l’on retourne sur le mercure. On retire la quantité d’eau nécessaire 
pour faire monter le mercure au repère de 20 cc. et on ajoute la 
quantité d’eau saturée d’acide carbonique pour faire descendre le 
mercure au deuxième repère. 

Chaque éprouvette est ainsi préparée, recevant des hydres vertes 
ou des hydres brunes suivant la constatation à faire ; elle est fixée à 
l’aide d’une pince sur une petite cuve à mercure mobile. 

L'exposition à la lumière solaire est dès lors des plus faciles et l’on 
peut varier à l'infini les conditions de l'expérience. 


me 19 -—— 

La bulle plus ou moins volumineuse qui se forme dans chaque 

éprouvette est de l'oxygène. IL suffit, avec les précautions usitées, 

de la recueillir avec la pipette à gaz et de la soumettre sur le 

mercure aux actions successives de la polasse et de l’acide pyro- 

gallique pour constater l'absorption de la bulle et caractériser 
ainsi sa nature. 


RECHERCHES 


SUR NES 


LA FAUNE PÉLAGIQUE DES LACS D'AUVERGNE 


Par J.-B. EUSÉBIO 


Licencié ès sciences naturelles. 


INTRODUCTION. 


Dans ses remarquables travaux sur la faune des lacs 


4 suisses, le D’ Forel (1) a établi d’une façon définitive la 
D _ division des animaux en faunes distinctes, suivant les 
“5 points particuliers des lacs où ils se cantonnent. 

e « À côté des faunes profonde et littorale, l’on trouve 
_ au milieu et à la surface de nos lacs un groupe d’animaux 


présentant des caractères communs, vivant dans des con- 
ditions spéciales, qui mérite d’être décrit sous le nom de 
faune pélagique. » | 

Comme les lacs suisses, les lacs d'Auvergne permettent 
une semblable division de leur faune. 


Sur les bords, parmi les forêts de Ranunculus aqua- 
 tilis, de Myriophyllum, de Ceratophyllum, de Potamo- 
getons, sur les gazons de Chara et de Nitella, parmi les 
 Ulothrix et les Conferves, vivent une série de formes 
appartenant aux algues inférieures et aux animaux aqua- 


(1) Forel, Mater. faune prof. du lac Léman, 1876. — La Faune profonde des lacs 
suisses, 1885. 


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tiques. Les Diatomées revêtent de leur poussière brunâtre 
les fonds vaseux et les tiges des plantes, tandis que les larves 
d'insectes, les hydrachnides, des crustacés multiples, des 
vers annélides, rotateurs et planaires nagent ou rampent 
sur la boue du fond. L’hydre brune et l’hydre verte s’atta- 
chent aux véroniques et les gastéropodes pulmonés et 
lamellibranches s’enfoncent sous les pierres et dans le 
sable. 

Tous ces êtres sont intimement attachés au rivage, les 
plantes ont besoin d’une lumière vive, non tamisée par 
une grande épaisseur d’eau, pour la complète action de 
leur chlorophylle sur l’acide carbonique qui les nourrit et 
les animaux qui s’y attachent sont des nageurs médiocres 
qui ne peuvent songer à s'éloigner du rivage, ayant besoin 
de fréquents repos dans leurs pérégrinations pour la re- 
cherche de la proie. Cet ensemble constitue la faune lit- 
torale. 


La faune pélagique commence au-delà de ces forêts, de 
ces gazons; au point même où par l’abaissement du fond 
il se forme une ligne de démarcation entre les êtres qui 
vont s'attacher aux grandes profondeurs et ceux qui vont 
rester à la surface, habitants exclusifs des eaux superf- 
cielles. Ces derniers forment la faune pélagique, les se- 
conds, la faune profonde. 


Les données précises sur la faune littorale sont nom- 
breuses. Il existe en effet des relations étroites entre les 
rives des lacs et les bords des rivières ou ruisseaux qui 
s’y rendent. Les naturalistes se sont adonnés à la capture 
des espèces vivant dans les petits cours d’eau d’un abord 
facile, et des catalogues et de bonnes descriptions per- 
mettent de considérer comme fort avancé le classement 
systématique des espèces formant ce groupe. 

La présence des lacs sur des points fort restreints des 
régions européennes et de la France en particulier à au 


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contraire rendu difficiles les captures et les recherches 


dans ce sens, et c’est de ces dernières années que datent 
des faits consciencieux et précis. 


Le D" Forel a donné une vive impulsion à cette 
étude par la publication de ses remarquables travaux. 


Placé dans la région helvétique la plus favorisée par ses 


lacs nombreux, profonds, d’une étendue considérable, il a 
su faire dans ce champ presque inexploré les découvertes 
les plus imprévues. Le naturaliste suisse trouva aussiôt de 
nombreux collaborateurs. 

Dès 1877, le professeur Pietro Pavesi (1) exécutait sur 
les grands lacs du nord de l'Italie des pêches multipliées 
et confirmait les résultats de Forel. 

Tandis qu'Asper (2) et Imhof (3) poursuivaient sur les 
lacs de Suisse de nouvelles recherches, Loven, G.-0. Sars, 
Luljeborg, en Suède et en Norwège, Uljanin et Fischer 
en Russie, Baird et Lankester en Angleterre, Maitland 
en Hollande, Hellich, Fric et Kurz en Bohême, P.-E. 
Müller en Danemark, Wierzepki en Autriche, Schœædler, 
Liévin, Zaddach, Lütz, Leydig, Claus, Weissmann, Za- 
charias et d’autres encore, en Allemagne, entassaient des 
matériaux sur les faunes des lacs de l’Europe. 


Les lacs d'Annecy et du Bourget, compris par leur po- 
sition parmi les lacs subalpins, ont été étudiés par Forel 
et par Imhot; ce sont les premiers lacs français scrutés 
au point de vue qui nous occupe. En 1887, MM. Dolfus 
et Moniez entreprirent un voyage zoologique sur les lacs 
des Vosges (4). Là se bornent les indications des recher- 


(1) Prof. Pietro Pavesi. — Fauna pelagica del Lagi Italiani. — In Societa Venelo, 
Trentina d. Sc. nat. — Padova, 1883. 

(2) Beitræge zur Kenntniss der Tiefseefauna der Schweizer Seen. — In Zoolog. An- 
zeiger. II, 1880. 

(3) Studien zur Kenntniss der pelagischen Fauna der Schweizer Seen. — In Zoolog, 
Anzeiger. VI. 1883, 
(4) Dolfus et Moniez : Le lac de Gerardmer. — Feuilie des jeunes naturalistes, 
1887, | 


LS 

ches entreprises sur la faune pélagique des lacs de France, 
recherches bien incomplètes si on les compare à celles 
accomplies dans le reste de l’Europe. 


Parmi les régions françaises négligées par les zoolo- 
gistes, l'Auvergne se présente avec des lacs nombreux, 
creusés sur un sol dont la constitution géologique est des 
plus intéressantes. M. le professeur Girod formait depuis 
plusieurs années le projet de visiter nos lacs de montagne 
pour y recueillir les espèces de la faune pélagique et de 
la faune profonde. Sur ses indications, j'ai entrepris avec 
M. Richard, pendant les mois d’août-septembre 1887, 
l’exploration de ces lacs, profitant du matériel si complet 
du laboratoire de zoologie de la Faculté des sciences. 
Nos captures ont été nombreuses et ces premières pêches 
nous ont donné un complet résultat. M. Richard (1) a 
communiqué à l’Académie des sciences le résumé des faits 
principaux mis en lumière par notre exploration. Il a dé- 
terminé toutes les espèces se rapportant aux Entomos- 
tracés, Rotifères et Hydrachnides et m’a communiqué un 
tableau indiquant la répartition des espèces, que je join- 
drai à ce travail. 


INSTRUMENTS. — ITINÉRAIRE. 


Le filet de mousseline destiné à la chasse des insectes 
peut être utilisé pour la pêche pélagique. Un cercle de fil 
de fer galvanisé forme le support qui doit être résistant 
et solide. On peut l’emmancher au bout d’un fort bäton 
ou le maintenir par trois cordonnets également espacés 
se réunissant en une corde unique. La mousseline est 
taillée en cône allongé et doit être choisie parmi les plus 
fines ; la soie la remplace avantageusement. 


(1) J. Richard : Sur la faune pélagique de quelques lacs d'Auvergne. In Comptes: 
rendus Acad. sciences, 1887. 


DRE 


Le filet emmanché est trainé à la surface; le filet, sup- 
porté par la corde, plonge dans l’eau à la profondeur 
voulue et peut être trainé ainsi à la suite du bateau. 

Lorsque le filet à parcouru 30 à 40 mètres, on le retire 
et on le retourne dans un large bocal, de façon à placer 
les animaux au contact de l’eau extérieure. 

Après examen rapide de la pêche ainsi effectuée, l’eau 
est versée sur une petite passoire de soie qui est plongée 
dans l’alcool à 75°. Les animaux tombent au fond du 
vase et sont conservés ainsi. 


Dans ses pêches sur les lacs d'Italie, Pavesi s’est servi 
d'un filet pouvant s'ouvrir et se fermer à la volonté de 
lopérateur. Le filet, muni d’une charnière, replie ses deux 
battants latéraux sous l’action d’un poids que l’on fait 
glisser le long de la corde de support. Un semblable filet 
offre de grands avantages, permettant les captures à une 
profondeur absolument déterminée ; le seul inconvénient 
“est qu'il descend ouvert, pouvant entrainer sur son pas- 
sage les animaux qu’il rencontre. 

Pour remédier à cette cause d'erreur, nous avons fait 
construire un filet spécial que nous renonçons à décrire 
parce que l’emploi de ce filet nous a présenté quelques 
difficultés pratiques ; aussi avons-nous adopté pour les 
excursions que nous nous proposons de faire cette année 
le filet que le prince de Monaco a fait construire pour ses 
pêches à bord de l’Ætrondelle. 

Ce filet a été ainsi décrit dans les Mémoires de la So- 
ciété de Biologie : 

. « Cet appareil (1), qui a pu inspirer MM. Pouchet et 
Chabry et avec lequel j'ai commencé des expériences sur 
l’Jirondelle au mois d'août 1886, a été imaginé par 
M. J. de Guerne et exécuté par lui dans un atelier bien 


(1) Prince de Monaco. Sur les filets fins de profondeur employés à bord de l'#:- 
rondelle. Comptes-rendus de la Société de Biologie, 8e série, t. IV, 1887. 


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connu, celui de M. Ch. Verdi. il dérive du même plan 
que celui du professeur Pavesi de l’Université de Pavie et 
fonctionne également par la chute d’un poids. 

» Mais tandis que le filet du professeur Pavesi descend 
ouvert et se ferme seulement pour remonter, celui de 
M. de Guerne descend fermé, s'ouvre par la chute d’un 
poids à la profondeur voulue et se referme, la pêche finie, 
par la chute d’un second poids. 

» J’ajouterai que, durant l'hiver 1886-1887, j'avais fait 
améliorer par un habile constructeur, M. Dumaige, l’ap- 
pareil de M. de Guerne et je l’ai essayé moi-même le 27 
mars 1887, à cinq milles au large de Monaco, par des pro- 
fondeurs de 10 et 45 mèêtres, une pêche comparative était 
faite à la surface. Les récoltes obtenues ont été excel- 
lentes et, comme pour l'Atlantique, plus fournies dans 
la profondeur. » 


En possession de nos instruments et des bocaux néces- 
saires pour contenir les récoltes, nous avons adopté l’iti- 
néraire suivant : 

Le 14 août, nous partons pour lé Mont-Dore. L’après- 
midi est consacrée à la pêche du lac de Guéry. L’altitude 
de ce lac est de 1,242 mêtres ; c’est le plus élevé de la ré- 
gion. Nous profitons de l’unique barque qui s’y trouve, 
pêchant à diverses profondeurs et faisant de bonnes ré- 
coltes. Nous couchons au Mont-Dore. 

Le 15, dès cinq heures du matin, nous partons pour le 
lac Chambon, que nous atteignons à midi. Le lac Chambon 
a 880 mèêtres d'altitude. Nous pêchons entre 2" 50 et 3 mé- 
tres, traversant d'innombrables essaims d’'Entomostracés. 
Le thermomètre, plongé dans l’eau, marque 21°. Le temps 
était splendide et chaque coup de filet faisait merveille. 
C’est là que nous rencontrons l’Asplanchna Girodi. 

Dés deux heures, nous nous mettons en route vers le 
lac Pavin, guidés par un homme du pays. Nous atteignons 
Pavin à cinq heures du soir. Deux barques étaient cade- 


nassées au rivage: nous n'avons pu découvrir le proprié- 
taire et nous avons dû remettre à un autre jour la pêche 
projetée. Retour au Mont-Dore à trois heures du matin, 
par un violent orage. Nous rentrons le lendemain à Cler- 
mont. 

Le 4 septembre commence une deuxième expédition 
vers le lac Pavin, que nous abordons par Besse. Malgré 
la pluie, nous avons pu atteindre le lac. M. Boyer, no- 
taire à Besse, propriétaire du lac, mit gracieusement à 
notre disposition sa voiture et ses barques. Qu'il veuille 
bien recevoir ici nos plus sincères remerciements. 

Le Pavin est à une altitude de 1,197 mètres. C’est un 
cratère-lac du plus bel aspect, ayant environ 1,500 mêtres 
de long sur la même largeur. Pêche excellente. Le filet 
de profondeur est employé jusqu'à 11 mêtres. De beaux 
exemplaires de Spongilles abondent sur les pierres du 
bord. Ils se rapportent à la Æuspongilla lacustris, LE 
née, var. Macrotheca, Vejdovsky. 

De Besse, nous partons le lendemain pour le lac Bour- 
douze. Ce lac est à 1,170 mèêtres d'altitude, ses rivages 
sont marécageux. Sa longueur et sa largeur sont d’envi- 
ron 800 mètres. Il a un maximum de 8 mètres de profon- 
deur. Récolte assez abondante. Le filet ramène des dé- 
tritus de nymphæa et de roseaux. 

Sur le même plateau, nous gagnons le lac Montcineyre, 
entouré de Sphaignes et de Drosera, dominé par les cra- 
tères du Montcineyre. Altitude, 1,174 mèêtres. Ce lac est 
plus profond, nous péchons à cinq heures et demie du 
soir, dans une eau dont la température est de 10°. Récolte 
très bonne. Nous couchons à Besse et rentrons le lende- 
main à Clermont. 

Je me borne à ces pages de notre journal, M. le doc- 
teur Morin, de Besse, devant donner, dans la Revue, 
une étude détaillée des lacs d'Auvergne. 


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#4 


DISTRIBUTION DES ESPÈCES PÉLAGIQUES. 


I. — Animaux invertébrés. 


La faune pélagique des lacs explorés se compose de 
divers groupes d'animaux invertébrés : les Entomostracés 
pélagiques, les Rotateurs pélagiques, les Hydrachnides et 
les Protozoaires. 


Les Entomostracés pélagiques sont de petits crustacés 
dont les plus grands ont quelques millimètres, d’une 
transparence extrême, à tel point qu’il faut la plus grande 
attention pour les entrevoir dans l’eau où ils s’agitent. Ils 
sont tous doués de longs membres disposés en rames qui 
leur permettent de mener leur vie errante dans un con- 
tinuel mouvement. Le jour, ils émigrent dans les cou- 
ches moyennes pour remonter à la surface par les nuits 
calmes et sereines. 

La grande transparence de ces animaux semble un fait 
d'adaptation; car une espêce qui vit à la fois dans la 
région littorale et vers le milieu du lac varie à cet efet. 
Ainsi le Diaptomus cæruleus Fischer, qui est d’un 
rouge vermillon éclatant à 7 ou 8 mêtres de la rive, est 
absolument incolore jusqu’à 11 mètres de profondeur vers 
le milieu du lac. 

De même pour le Cyclops strenuus, qui est fort abon- 
dant dans les petites mares de Gergovie. Là, il est d’un 
beau rouge, tandis que sa variété pélagique, plus élancée 
de forme, est absolument transparente. 

Quant à la profondeur où vivent ces animaux, nos coups 
de filet ont porté dans une zone optimum entre 2 et 4 mé- 
tres de profondeur. Les observations de A. Weismann 
indiquent que, dans la règle, on les trouve réunis à 10 
mètres. Cependant Pavesi les a pêchés à 30 mètres, 50 


but ne LË 


LHPOPE 
mètres et même 100 mètres dans les lacs de Côme et de 
Lugano. Forel en a ramené de 100 mêtres et 150 mètres 
dans le Léman. Asper, qui s’est spécialement occupé de 
cette question, a imaginé de promener dans le lac de Zu- 
rich des filets superposés ; il a trouvé que la profondeur 
de 20 mètres est celle qui semble préférable pendant le 
jour, les animaux remontant la nuit à la surface (1). 

Les Entomostracés pélagiques ne sont pas trop nom- 
breux en espèces distinctes ; mais en revanche ils sont 
innombrables en individus. Le filet rencontre de véri- 
tables bancs de ces petits êtres pressés par millions au- 
dessous de la surface de l’eau. Là les plus forts dévorent 
les plus faibles, car ce sont des carnassiers redoutables ; 
d’autres se nourrissent des algues qui flottent comme eux 
dans les eaux du lac. 


Les espèces recueillies déterminées par M. Richard sont 
au nombre de quatorze. Je les réunis suivant les genres, 
indiquant les lacs où nous les avons rencontrées, et no- 


tant, pour chacune d’elles , les localités où elles avaient 


été précédemment recueillies dans le Plateau Central (2). 


PHYLLOPODES CLADOCÈRES. 


are Fam. Sininz. 
| Gen. Sida. —S. Crystallina, O.-F. Muller. 

Très rare au lac de Bourdouze et au lac Montcineyre. 
Elle à été rencontrée aussi en petit nombre aux environs 
de Vichy. 

Gen. Daphnella. — D. Branditiana. 
Commune aux lacs Chambon et Bourdouze. 
Gen. Holopedium. — H. Gibberum, Zaddach. 
Abondante au Guéry et très abondante au Montcineyre. 
(1) La faible profondeur de nos lacs comparée à celle des lacs de Suisse et d'Italie 


semble être une explication de nos résultats personnels. 
(2) J. Richard, Hist. des Clad. et Cop., Ext. Bull. Soc. Zool, de France, 1887. 


2e Fam. DAPHNIDE. ‘ 


Gen. Daphnia. — D. Longispina, Leydig. 


Lu Très abondante au lac Pavin; manque au Chambon; 

; rare au lac de Guéry; très rare au Montcineyre; assez fré- 
quente au lac de Bourdouze. Signalée aussi aux environs A, 
de Vichy. | Le 


Gen. Hyalodaphnia. — H. Cucullala, Sars. — Var. Apicata, Kurz. 


Elle à été rencontrée seulement au lac Chambon, mais 
elle y est excessivement abondante. 


Gen. Ceriodaphnia. — C. Pulchella, Sars. 


Commune au lac Bourdouze; excessivement abondante 
au Montcineyre. 


Gen. Bosminia. — B. Longirostris, O.-F. Muller. 
Très rare au Chambon; très commune au Guéry; assez 
commune au M de et au lac Bourdouze. 


3e Fam. LyNceInx. 


Gen. Alona. — À. Affinis, Leydig. 


Espèce très rare au Pavin; assez rare au lac Bourdouze 
et commune au lac Montcineyre. 


Gen. Acroperus.— À. Leucocephalus, Koch. 


Espèce commune ; nous ne l’avons rencontrée qu’au lag" 510 > 
Bourdouze. e | 


Gen. Chydorus. — C. Sphæricus, Jurine. 


De même que À. Leucocephalus, elle ne se rencontre 


#40 0 | qu'au lac Bourdouze où elle est fort rare. 

D | 
"Fes 4e Fam, POLYPHEMIDÆ. À) UE 
“tu *7Y % » À # € 
Fe Ge Gen. Polyphemus. — P. Pediculus, De Geer. . 
SE Très rare au lac Pavin, et n’a été trouvée que là. 

sa + , b: À 

AP Les d . 


COPEPODES. 


4e Fam. CycLorinx. 


Gen. Cyclops. — C. Strenuus, Fischer. 


Elle est fort abondante dans les lacs explorés, sauf au 
Montcineyre où nous ne l’avons pas rencontrée; c’est une 
des espèces les plus répandues. Trouvée aussi précédem- 
ment au sommet du plateau de Gergovia et aux environs 


de Vichy. 
: GC. Coronatus, Claus. 
Ée Commune au lac Montcineyre; abondante au lac Bour- 
douze. 


2e Fam. CALANIDE. 
Gen. Diaptomus. — D. Cœæruleus, Fischer. 


Très abondante au Pavin, Montcineyre, Bourdouze ; 
Fe manque dans les autres lacs; se rencontre dans nombre 
; d’autres localités, étangs de Cognet, de la Beaume (envi- 
à rons de Vichy). 


La liste précédente, au sujet de la distribution des es- 
pêces dans nos lacs, montre que si quelques-unes sont 
communes aux diverses stations, d’autres au contraire 
ne se rencontrent que sur tel ou tel point. Il y a une loca- 
lisation fort évidente (1). 

La Daphnia longispina, par exemple, s’est montrée 
partout, sauf au lac Chambon où, malgré nos recherches, 
nous n'avons pu la découvrir. Signalée par O. Sars dans 
les lacs des montagnes de Norvège, en Belgique, par Pla- 
teau, et sur beaucoup de points de l'Allemagne; elle 
abonde dans les lacs du nord de l'Italie. C’est une espèce 
fort répandue, et dont la présence dans nos eaux d’Au- 
vergne montre une dispersion encore plus étendue. 


_(4) Richard, Comptes-rendus, Ac. Sc., loc. cit. 


NE MEET TN EU US 


DR, Le 


Le Cyclops strenuus présente une aire d'habitat pres- 
que aussi étendue, il ne manque qu’au lac Montcineyre. 
Bosmina longtrostris ne manque qu’au lac Pavin; très 
fréquente au contraire dans les autres lacs. 

Le Diaptomus cæruleus manque aux lacs de Chambon 


et de Guéry; il forme ainsi une transition des trois pre- 


miéres espèces vers les types plus localisés. Toutes ces 
espèces vivent en essaims nombreux et denses, elles tom- 
bent forcément sous le filet du pêcheur. Celles que nous 
allons mentionner, plus rares, plus disséminées, sont plus 
difficiles à rencontrer et à capturer : 

Holopedium gibberum, espèce fort abondante dans les 
lacs de montagne de l’Europe, était fort abondante au lac 
de Guéry, à 1,240 m. d'altitude, et au lac Montcineyre. 

Ceriodaphnia pulchella est spéciale aux lacs de Bour- 
douze et de Montcineyre. 

Daphnella brandtiana vit en grandes troupes dans les 
lacs Chambon et Bourdouze. 

Je dois signaler la présence de Sida crystallina, Alona 
affinis, Acroperus leucocephalus, Chydorus sphæricus, 
espèces appartenant en même temps à la faune littorale 
aux lacs Montcineyre et Bourdouze. 


ROTATEURS. 


qre Fam. ANUREA. 


Gen. Anurea. — 4. Longispina, Kellicott. 
Abondante au lac Pavin; assez rare au Chambon. 
A. cochlearis, Gosse. 


Trouvée seulement aux lacs Bourdouze et Montcineyre, 
encore y est-elle fort rare. 


A. curvicornis, Ehrg. 


Commune au lac Chambon. 


À j CNT de 
: Li Ce 45,4 ù 
+ Pere à Ve 


9e Fam. ASPLANCHNA. 


L Gen. Asplanchna. — Fa helvetica, Tmhof.… 

| Très commune au lac de Guéry; excessivement abon- 
| dante au lac de Bourdouze. 
_ À. Girodi, De Guerne, 


_ Commune au Chambon. Trouvée aussi aux environs de 
0e via 


HYDRACHNIDES. 


Gen. Atax. = 4. Crassipes, O.-F. Muller. 

Très rare au lac Montcineyre. 
Gen. Axona. — À. versicolor, O.-F. Muller. 
Très rare au lac Montcineyre. : 

Gen. Nesœa. — N. reticulata, Kramer. 

_ Très rare au lac Chambon. 
N\. rotunda, Kramer. 

Très rare au lac Bourdouze. 


CILIOFLAGELLÉS. 


1 10 Gen. Conochilus. — GC. volvox, Ehrenbers. 


Comme au lac HG elle est abondante au lac 
Pavin. 


Gen. Ceratium. — C. longicorne, Perty. 
D Lacs Montcineyre et Bourdouze. 


/ 


On pourrait faire pour ces groupes les mêmes remarques 
so que pour les Entomostracés, mais les espèces recueillies 
. sont trop peu nombreuses pour établir des faits généraux. à 

_ Nos pêches ayant porté surtout sur la région pélagique, ni 
nombre d’espèces de la faune profonde n’ont pu être 
> | recueillies. 


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FR PAL po ES Tue me s CARS ANT ï FRS ere gs 


. # 


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mg + 

Les Protistes, par exemple, méritent une étude spéciale 
qui sera complétée plus tard (1). 

Un coup d’œil en arrière sur les listes que nous venons 
de publier nous permet de fixer l’attention sur les deux 
points suivants : 

Une espèce, Æyalodaphnia cucullata, var. apicata, 
décrite par Kurz comme espèce distincte, spéciale jus- 
qu'ici aux lacs de Bohême, est nouvelle pour la faune 
française. 

Une autre espèce est nouvelle pour la science et a fait 
l’objet d’un travail spécial de M. de Guerne (2). Je 
place ici la caractéristique de cette espèce, telle que la 
publie ce naturaliste dans une note monographique sur 
le genre Asplanchna, note qu’il a bien voulu me commu- 
niquer avant l'apparition de son travail : 


(1) Les résultats signalés par Forel nous font présumer de ce côté d’intéressantes 
découvertes, et j’'emprunte à son travail (Faune profonde, Zoc. cit.) la liste suivante, 
qui pourra guider les chercheurs : 


PROTISTES DES EAUX SUPERFICIELLES DU LAC DE CÔME. 


PROTOMONERA.— Bacterium termo, Duj.; Bacillus ulna, Cohn; Vibrio rugula, 
Muller. 

Logosa. — Amœæba radiosa, Ehr et Auerb.; À, diffluens, Ebr ; 4. branchiata, 
Duij.; À. crassa, Duj.; Arcella vulgaris, Ebr; Pseudochlamis patella, CI. et L. 

FLAGELLATA. — Monas viridis, Duj.; M. flavicans, Ebr ; M. lens, Perty; Monos 
guttula, Ehr ; M. ovalis, Ehr; Cercomonas acuminata, Duj.; Microglena Mona- 
dina, Ebr; Euglena viridis, Ebr; Paranema virescens, Duj.; Uvella glaucoma, 
Ehr; U. virescens, Bory. 

CicraATA. — Vorticella microstoma, Ehr; V. nebulifera, Ehr; V. campanula, 


… Ehr; V. convallaria, Ebr; V. nutans, CI. et L.; V. citrina, Ehr; Scyphidia piri- 


formis, Perty; Epistilis plicatylis, Ehr ; E. parasitica, Ebr; Gerda glans, CI. 
et L. ; Oxytricha pellionella, Ebr; O0. radians, Duji.; O. gibba, Ehr!; Stylonichia 
pustulata, Ehr; S. Mytilus, Ehr; Aspidisca linceus, Ehr; Paramacium aure- 
lia, Ehr ; Colpoda cucullus, Ehr; Cyclidium glaucoma, Ebr ; Trachelophyllum 
pusillum, CI. et L.; Amphileptus anaticula, CI. et L.; À. Meleagris, CI. et L. ; 
A. anser, Ebr; Loxophyllum fasciola, CI. et L. ; Chilodon cucullulus, Ebr ; Co- 
leps hirsutus, Ehbr ; C. elongatus, Ehr. 


(2) J. de Guerne.— Excursions zoologiques dans les îles de Fayal et de San Miguel 
(Agçores), Paris, 1887. 


ere 


« Asplanchna Girodi, nov. sp. 


DIAGNOSE. 
Appareil masticateur. Grossissement : 500. 


» Femina.— Corpus globosum; maxillæ duobus tantum 
ramis compositæ elongatæ, validæ; rami apice bidentati, 
dente una curvata, subobtusa ; altera compressa, lamel- 
losa. 

» Mas ignotus. 

» Eonpit. 0285. Latit. 0255. 

» Cet Asplanchna, qui atteint certainement 1m» de lon- 
gueur (les mesures ci-dessus sont prises sur des spécimens 
contractés dans l’alcool), se distingue entre tous ses congé- 
nères par la dent lamelleuse de son appareil masticateur 
(fig. 8). 

» Localité. — Trouvé d’abord en petit nombre par M. J. 
Richard aux environs de Vichy (Allier), dans l'étang de 
Cognet, le 16 septembre 1886, ce Rotifère a été recueilli 
depuis par le même zoologiste dans le lac Chambon (Puy- 
de-Dôme), à 800" d'altitude, le 15 août 1887. Il y est 
fort abondant. ; 

» Je comptais dédier cette espèce au jeune et zélé natu- 
raliste qui l’a découverte, mais M. Richard, par un sen- 
timent qui l’honore, m'a prié d’y attacher le nom du 
D' Girod, professeur à la Faculté des sciences de Cler- 
mont, sous la direction duquel se sont accomplis ses 
premiers travaux, et à l’initiative duquel sont dues les 
recherches actuellement poursuivies sur la faune de l’Au- 
vergne. » 


Je termine ce chapitre par le tableau dont j'ai parlé 
dans l’introduction, qui rend plus frappant le mode de 
distribution des espèces de notre faune pélagique. 


L F Ress ru ÿ4 ee à «x 4 x 
mn OS 
NOMS DES ESPÈCES LAC 


LAC LAC 


LAG 
Montci- 


(Les espèces pélagiques sont marquées d’une astérisque) | Pavin |Ghambon|de Guéry| nevyre 


* Daphnia longispina, Leydig.......,..,...,...[##k6#RR 

* Hyalodaphnia cucullata, Sars, var.-apicata Kurz.. 
Polyphemus nediculus, de Geer..............,.1[* 

* Daphnella brandtiana, Fischer......... DORA 

* Holopedium gibberum, Zaddach. ..... rentre 
Sida crystallina , O.-F. Muller................ 

* Ceriodaphnia pulchella, Sars......... MORE ES 

* Bosmina longirostris , O.-F. Muller............ 
Alona affinis, Leydig.......,,,..,........... * 
Acroperus leucocephalus, Koch................ 
Chydorus sphæricus, Jurine.................. 

* Diaptomus cæruleus , Fischer................. HRK 

* Cyclops strenuus, Fischer.........,...,......|+##R%X 
Cyclops coronatus, Claus.................... 

* Ceratium longicorne, Perty................... 

* Conochilus volvox, Ehrenberg................{##Kk 

* Anuræa longispina, Kellicott.... ............|4#k% 
Anuræa cochlearis [1), Gosse. ...,.......... à 
Anuræa curvicornis (1), Ehrenberg............ 

* Asplanchna helvetica, Imhof............... te 

* Asplanchna Girodi, de Guerne................ 
Atax crassipes, O. Muller,..........,.....,4. 
Axona versicolor, O.-F. Muller................ 
Nesæa reticulata, Kramer........,........... 


Nesæa rotunda, Kramer........ BEST TE AC 3 


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Bour- 
douze 


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Les signes * placés dans les colonnes indiquent par leur nombre le degré de rareté on de fréquence des 


espèces. 


(1) Ces Anuræa se trouvaient dans l'estomac des Asplanchna, je n’en ai vu que très-peu de libres. Cela 


tient peut-être à ce que les mailles du filet n'étaient pas assez fines. 


E 
3 


CAUSES DE LA DISSÉMINATION DES ESPÈCES. 


La comparaison des espèces signalées dans les divers 
lacs d'Auvergne montre que beaucoup d’entre elles sont 
communes à plusieurs lacs. Si l’on franchit les limites du 
Plateau Central pour comparer les observations faites en 
France, en Europe, en Amérique, sur tous les points du 
globe où un naturaliste a pu recueillir les animaux inver- 
tébrés des eaux douces, on est frappé de la similitude des 
espèces formant la faune pélagique. Si l’on excepte quel- 
ques espèces spéciales à chaque région, dont le nombre 
diminue à mesure que des recherches plus minutieuses 
sont effectuées, on peut conclure que de nombreux types 
sont communs aux eaux douces des deux continents. 

Or, il est un fait incontestable, c’est l’origine relative- 
ment récente de certaines masses d’eau douce. 

Ainsi, en Auverone, les cratères-lacs, comme le Pavin, 
et les masses d’eau retenues par un barrage de laves, 
comme les lacs d’'Aydat et de Chambon, se sont formés 
dans la période quaternaire. Dans les Açores, les bassins 
lacustres du grand cratère de Sete-Citades, dans l’île 
de San-Miguel, ont une date historique : Lagoa-Grande, 
en 1444; Lagoa-Azui, la même année ; Lagoa do Fogo, 
1563. 

Il est de toute évidence qu’au moment où ces lacs se 
sont formés, les sources qui leur ont fourni la masse d’eau 
nécessaire n’ont pu en même temps leur apporter les 


eg ne VA To 
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EL. ANSE 
animaux de la faune pélagique. Or, ainsi que nous l’avons 
vu, nos cratères-lacs d'Auvergne ont une faune pélagique, 
et les remarquables travaux de M. de Guerne (1) mettant 
en évidence une faune pélagique fort développée dans les 
lacs des Açores, de formation si récente, soulèvent de 
leur côté la question du peuplement des lacs et des 
causes de la dissémination des espèces de la faune péla- 


gique. 


Dans ces lacs d’origine récente, l’introduction des ani- 
maux vertébrés est due en général à l’homme. On sait, 
pour les Açores, que la grenouille (Rana esculenta) fut 
introduite, vers 1820, par le comte de Praia, qui la fit 
venir de Portugal; de même, le Cyprin doré (Cyprinopsis 
auratus) aurait été apporté par les Portugais. En Au- 
vergne, le Pavin, qui ne possédait qu’une seule espèce 
de poissons (?), reçut de Lecoq les embryons de truites 
qui ont pris possession du lac. 


Mais le transport des petites espèces pélagiques doit 
être rapporté à d’autres causes. 

Deux forces sont en présence : le vent et l’action des 
êtres vivants. Dans cette dernière catégorie se rangent les 
oiseaux aquatiques, qui seuls sont capables de se trans- 
porter à de grandes distances, et qui, par leur rapport 
constant avec les eaux, peuvent se charger de germes 
reproducteurs ou de minuscules animaux (2). 


(1) Jules de Guerne, Excursions zoologiques dans les êles de Fayal et de San- 


Miguel (Acores). 
Consulter pour tout ce qui concerne ces faits généraux : J. de Guerne, loc. cit., 
auquel nous empruntons ces détails, 


(2) J. de Guerne, Sur la dissémination des organismes d’eau douce par Les 
Palmipèdes. (Extrait des Comptes-rendus de la Société de bivlngie, tome v, 24 mars 
1888.) 


MONS 


Le vent agit sur les poussières qu’il peut transporter à 
de grandes distances ; mais si, par ce procédé, des germes 
de microbes peuvent se disséminer au loin, il faut consta- 
ter, en tenant compte des observations de P. Miquel (1), 
que l’on ne découvre que rarement dans l'atmosphère des 
germes ou des carapaces d'animaux d'ordre supérieur : 
« Pour ma part, dit cet observateur, j'ai rarement aperçu, 
dans des millions d'échantillons de poussières aériennes 
qui ont passé sous mes yeux, des œufs et des cadavres 
d’infusoires nettement reconnaissables. Cependant, à plu- 
sieurs reprises, ces sédiments m'ont montré des rotateurs 
enkystés, des carapaces de cyclops, mais cela à des inter- 
valles fort éloignés, de six mois en six mois, d’année en 
année. » 


Le transport par les oiseaux est, au contraire, démontré 
de la façon la plus précise. 

Les oiseaux aquatiques sont pour la plupart soumis à 
des migrations régulières. Ils accomplissent ainsi de longs 
voyages, fréquentant les lacs, les étangs, suivant les ri- 
vières pour y trouver leur nourriture ; ils vont chercher 
des lieux favorables, fuyant devant le froid et les glaces 
vers des pays plus cléments. Au printemps, ils vont vers 
le nord; à l’automne, ils descendent vers les régions mé- 
ridionales. 

Le vol de ces oiseaux est puissant et rapide. D’après Du 
Puy de Pedio (2), la bécassine fait 84 à 90 kilomètres à 
l'heure, le canard sauvage 66 à 72, la grue 72, le héron 60, 
la mouette 54, l’oie sauvage 48, etc. Sitôt l'endroit choisi 
atteint, le Palmipède se pose sur l’eau, nage à la surface, 
bat la vase, y plonge le bec et les pattes, pour reprendre 
son vol après avoir secoué l’eau de ses plumes, 


(4) P. Miquel, Les organismes eivants de l’atmosphère, 1883. 
(2) Du Puy de Pedio, Essai sur Le vol des oiseaux en général, 1879. 


op 

Les pattes, le bec et les plumes sont éminemment pro- 
pres à fixer les animaux et les germes qui flottent à la 
surface ou sont enfouis dans la vase. Darwin (1) signale, 
le premier, des faits importants sur ce sujet; bien qu’ils 
ne se rapportent qu'à la dissémination des plantes, ils 
méritent d’être cités : une patte de bécasse portait un 
fragment de terre sèche contenant une graine de jonc qui 
germa et fleurit; une perdrix donna une boule de terre 
durcie qui, après trois ans de dessiccation, fut arrosée et 
mise en culture, et donna 82 plantes. 

De Guerne, reprenant ces observations au point de vue 
zoologique, a recueilli la terre sur les pattes du Palmipède : 
« L'examen sommaire de produits ainsi obtenus m’a fourni 
récemment un œuf de cladocère (Lynceide?), une antenne 
de cyclops, des soies d’oligochête, une valve d’ostracode, 
la moitié d’un statoblaste de plumatelle, une dépouille 
d’acarien et divers autres corps dont l’étude se poursuit 
actuellement. » 

Quant aux plumes, malgré leur revêtement gras, elles 
peuvent aussi fixer des corps flottants. Aloïs Humbert (2) 
signale des œufs d'hiver de cladocères sur les plumes, et 
De Guerne démontre que la fixation des statoblastes de 
Plumatella repens se fait très solidement sur le corps de 
l'oiseau et assure la dispersion des germes. 

Ce premier point étant admis, et nous montrerons que 
nos résultats personnels confirment en tous points ces 
observations, il reste à nous demander sous quelle forme 
les espèces de la faune pélagique peuvent être trans- 
portées. 

Malgré les observations contradictoires faites sur la 
reviviscense, on doit admettre que les rotifères, les tardi- 
grades et les anguillules résistent d’une façon exception- 
nelle à la dessiccation. D’autre part, les infusoires et les 


(4) Darwin, L'origine des espèces. Trad. Barbier-Reinwald, 1882. 
(2) Forel, Matériaux pour servir à l’histoire de la faune du Léman, 1876. 


ET: 
rotifères s’enkystent lorsque les conditions du milieu sont 
défavorables. Si nous ajoutons à ces données les faits de 
l’extrême résistance des œufs de ces divers animaux, puis- 
que Baker (1) obtint de nouvelles anguillules en humec- 
tant la poussière d’anguillules eonservées depuis vingt- 
sept ans, nous aurons pour ces êtres les conditions les 
plus favorables pour leur dissémination. 

Mais, à côté de ces animaux se placent les entomostra- 
cés, qui n’ont jamais été considérés comme reviviscents et 
qui ont fixé spécialement notre attention dans les recher- 
ches personnelles qui suivent. 


EXPÉRIENCES SUR LES ENTOMOSTRACÉS,. 


I. — Desstecation des adultes. 


Les expériences ont porté sur les types les plus com- 
muns appartenant aux copépodes, cladocères et ostra- 
codes. 

1. La dessiccation directe et rapide de ces animaux 
occasionne rapidement leur mort. Les petits crustacés 


sont placés sur du papier buvard en six groupes différents. 


De cinq en cinq minutes, un groupe est placé dans un 
petit cristallisoir plein d’eau de source. Les résultats 
sont consignés dans le tableau suivant : 


Daphnia pulex. — Température : 20°. 
5 minutes 12 animaux 9 survivants 


140  — 6  — 3 — 
15 — 5 — è — 
20  — 6  — 2 — 
25 — 6  — d — 
30: — 9 — néant. 


(4) Baker, Employment for the microscope, p. 250 et suiv. 


— 22 — à 


D'autre part, 30 daphnies, en deux groupes, sont aban- 
données à l’air libre dans des lames de verre. 

Au bout de 30 minutes, une seule, sur les 15 du premier 
groupe, a donné quelques signes de vie. 

Au bout d’une heure, tous les animaux du second 
groupe avaient cessé de vivre. 

Les entomostracés sont donc très sensibles à la dessic- 
cation, et lorsqu'elle atteint une limite précise, la vie cesse 
pour ne plus se manifester avec le retour de l’humidité. 


J'ai cherché à saisir les effets de la dessiccation sur l’or- 
ganisme en suivant au microscope les modifications pré- 
sentées par la carapace et le cœur pendant l’expérience. 

Le manque d'humidité sur les branchies se fait rapide- 
ment sentir par une atténuation correspondante des phé- 
nomènes circulatoires. Le cœur, qui bat dans la région 
dorsale, ralentit peu à peu son mouvement et l’amplitude 
de ses contractions. On obtient ainsi les rapports sui- 
vants : 


Temps exprimé en minutes. 2 7 12 18 20 22 23 25 
Nombre des pulsations.... 149 128 128 115 113 92 60 45 


Au-delà de 45, l'amplitude des pulsations cardiaques 
est si faible qu’il est impossible de compter leur nombre 
jusqu’à l’arrêt complet du cœur. 

Jusqu'à ce moment, on ne constate aucune déformation 
dans la carapace, et c’est seulement quelques instants 
aprés que des bossellements se produisent de plus en plus 
apparents. En tous cas, et même au bout de plusieurs 
jours, une hydratation nouvelle rend à la carapace sa 
forme et son allure primitives. 

Ces expériences démontrent d’une façon indiscutable 
que les entomostracés ne peuvent persister que s'ils sont 
placés dans des conditions d'humidité qui nous restent à 
déterminer. 


AR." 25640 


_* 


Rd UE Ve TS EE de ANS, = à 


ne — 


2. Pour résoudre le problème des conditions d’humi- 
dité réalisées, nous avons soumis divers entomostracés 
aux expériences suivantes : 

S1 dans un bocal de daphnies, cypris, cyclops, on plonge 
une plume de canard et qu’on la retire ensuite, l'examen 
à la loupe montre très nettement qu’un certain nombre 
de ces petits animaux ont été entraînés. Des secousses 
violentes imprimées à la touffe ne parviennent pas à les 
détacher tous. Il suffit de l’immerger de nouveau dans 
un bocal d’eau pure pour les voir de nouveau s’agiter. 

Cette résistance de la daphnie sous la plume est-elle 
due à un moyen spécial de fixation sur la barbule? L’exa- 
men microscopique auquel j'ai soumis une série de daph- 
nies ou de cyclops, se trouvant dans de telles conditions, 
me les a montrés sur la barbule dans les positions les plus 
diverses, et je n'ai jamais constaté qu'un seul fait : celui 
de l’adhérence de l’animal à la plume par l’eau interposée 
par capillarité. 

La possibilité d'entrainement étant constatée, il s’agit 
de savoir combien de temps l’adulte peut résister aux 
agents extérieurs dans de semblables conditions. 


Une série de plumes sont garnies de crustacés, comme 
je l’ai indiqué précédemment; un rapide examen à la loupe 
nous assure de leur présence. 

Ces plumes sont isolées les unes des autres et suspen- 
dues de façon à être entourées d’air de tous côtés et 
sans points de contact avec des corps étrangers. Au bout 
d’un temps variable, je replace ces plumes successivement 
dans des bocaux ne contenant que de l’eau filtrée, c’est- 
àa-dire exempte de toute trace d’animaux. 

Voici les résultats auxquels je suis arrivé : 

1 heure de dessiccation. Tous les crustacés reviennent 
à la vie. 
DOUTER: pe ee ....- Même résultat, 


ep 

4 heures............. Quelquescadavres;le plus grand 
nombre s’agitent aussitôt. 

DAREUFES .» : à à « debrres s Un seul animal vivant. 


20 heures.....,..,...,. Tous les animaux tombent au 
fond du bocal sans mouve- 
ment et sans vie. 


Ainsi, l’animal qui, placé sur une lame de verre, ne 
peut supporter une dessiccation de plus de 20 à 25 minutes, 
trouve dans la plume qui lui sert de support la quantité 
d'humidité qui lui permet d'attendre cinq heures le retour 
de l'oiseau à la masse d’eau prochaine. 


. 


L'action d’une seule plume m'a poussé à entrependre 
des essais avec les ailes du canard et avec des plumasseaux 
formés d’un lambeau de peau de la poitrine portant le du- 
vet serré qui la protège. 

Des cultures abondantes en entomostracés furent pla- 
cées dans des bocaux où l’on plongea ces plumes de pro- 
venances diverses. Les ailes et les faisceaux de plumes 
furent secoués fortement au moment où on les retira de 
l’eau, de façon à simuler le mieux possible l’action de 
l'oiseau quittant l'étang, puis furent suspendus à l’air. 
Au bout de temps déterminés, on les plongea de nouveau 
dans les bocaux préparés pour l’expérience. 

Le tableau dressé montre la persistance de la vie chez 
les crustacés au bout de 40 heures. 

Au bout de 20 heures, tous sont vivants. 

Au bout de 40 heures, le plus grand nombre reprennent 
leurs mouvements. 

Au bout de 60 heures, une aile donne encore deux 
daphnies vivantes. 

De cette double série d'expériences nous concluons : 

Qu'un entomostracé resté à la surface d’une plume 
peut conserver pendant cinq heures sa vitalité, et que, 
placé parmi le duvet de la poitrine ou les plumes des 


_ AT 25 Eye < 
| aules, 1l peut attendre pendant cinquante heures que D 
À l'oiseau qui la porte trouve un nouveau marécage. | 


ÿ De leur côté, les pattes jouent un rôle important dans 
le transport. Nous avons signalé les observations de 
Darwin et de De Guerne que nous confirmons de la façon 1 
suivante : 
Les pattes du canard furent, comme les plumes, plon- 
gées dans les bocaux; on eut soin de les étaler au moment 
où on les enfonçait et de les fermer, tout en les secouant 
fortement en les retirant. Ces pattes suspendues conser- 
vent, appliquées contre ou sous les écailles, enchàssées 
dans les plis de la membrane interdigitale, de nombreux 
crustacés qui, au bout de quarante heures, reprennent 
toute leur activité dans les bocaux où l’on plonge les 
pattes. 
Nos expériences directes sur les détritus provenant du 
grattage des pattes ne sont pas concluantes ; ces débris 
de boue et de poussière, mis en culture, ne nous ont donné 
aucun résultat ; le développement de quelques diatomées 
forme jusqu'ici les seules traces d'êtres organisés se mon- 
trant dans le bocal. Il est vrai d'ajouter que les canards 
qui nous ont servi viennent du marché, où ils arrivent de 20 
marécages fort éloignés, après avoir subi des manipula- 
tions pouvant anéantir la grande masse des matériaux 
emportés. 
Le contenu du tube digestif de canards sauvages lavé et 
mis en culture ne m'a pas donné de meilleurs résul- 
tats. 


IT. — Rôle des œufs d’élé. 


Si l’on place dans de petits cristallisoirs les carapaces 
des crustacés morts pendant les expériences précédentes, 
on constate, dans beaucoup de cas, le développement des 


= = 
œufs qu'ils portaient et l’éclosion des nauplius de diverses 
espèces. Ayant constaté d’une façon imprévue le fait 
que j'avance, je tentai quelques expériences dans ce 
sens. 

Je choisis au microscope des daphnies dont la poche 
incubatrice contenait de nombreux embryons très déve- 
loppés et les plaçai sur des plumes pour les soumettre à la 
dessiccation. Je formai ainsi une série de vingt plumes 
préparées. 

En plongeant successivement les plumes de trois heures 
en trois heures dans de l’eau bouillie et bien aérée, à par- 
tir de la quatrième heure, je notai qu’à la dixième heure, 
les daphnies étaient mortes. 

L'expérience continua de la même façon, en espaçant 
de plus en plus les immersions de plume. Les carapaces 
furent recueillies avec un tube aspirateur et disposées dans 
des cristallisoirs séparés. Le lendemain et les jours sui- 
vants, je constatai la naissance de nombreux nauplius dans 
les vases contenant les cadavres des mères. Seuls, les der- 
niers cristallisoirs de la sériene présentérent pas de traces 
d’éclosions post mortem. 

. En consultant le tableau du temps de dessiccation mis 
entre les immersions, on constate que ces derniers cristal- 
Hisoirs ont reçu les carapaces vingt-quatre heures après la 
mort des mères, et l’on peut conclure que les embyrons 
prêts à éclore conservent, vingt-quatre heures (maximum) 
après la mort de la mère, les qualités qui leur permettent 
de reprendre au contact de l’eau leur vitalité et leurs 
mouvements. 


IT. -- Rôle des œufs d'hiver. 


Les cladocères ont, outre les œufs d'été, des œufs plus 
résistants qui sont produits à la suite d’un acte sexuel et 
présentent des conditions de résistance supérieures à-celles 


Lee 
des œufs d'été. Nos observations précédentes démontrent 
que les adultes et les œufs d’été peuvent servir, par l’in- 
termédiaire des oiseaux, à la dissémination de la faune 
pélagique; on peut admettre à priori, que les œufs d'hiver 
ne sont pas moins utiles à cette propagation lointaine de 
l'espèce. | | 

Mais nous avons voulu nous assurer si, dans des condi- 
tions essentiellement défavorables, ces œufs ne pouvaient 
_ pas persister là où les adultes et les œufs d’été ne pouvaient 
conserver une vitalité certaine. 

J'ai utilisé dans ce but les petits baquets à plantes aqua- 
tiques du Jardin Botanique de Clermont, lesquels sont 
abondamment pourvus de crustacés. Etant donné la quan- 
tité considérable de crustacés qu’ils contenaient l’année 
dernière pendant la belle saison, j'étais en droit de penser 
que la vase du fond devait contenir de nombreux œufs 
d'hiver, lesquels devaient se développer au printemps. 

J'ai donc recueilli par les derniers froids de mars, la 
boue de ces baquets. Cette boue avait été soumise pen- 
dant l’hiver, dans des conditions normales, aux alterna- 
tives suivantes : 


Moyenne 

du mois 
Octobre... Pluie 5 et 6, du 9 au 11, du 13 au 17, du 28 au 31 6° 41 
Novembre. — 1au5, du 6 au 8, du 17 au 20, du 22 au25 5° 70 
Décembre. — du7auil,dul4aul16, dul7au20,du24au29 2 15 
Janvier...  — les 3,5, 9, 19, 22, 28 et 30..... UE de 1° 40 
Février... — le 2 et du5 au 26 ............ RES 0° 25 
Mars...... DRAC 0) HR 1 MEL AXE PERTE FA ee AS A 7 6 0° 00 


Minimum absolu pendant ces 6 mois —15° 4. Maximum 
absolu 20° 2 (1). 


Les œufs d’hiver ont eu à résister contre ces périodes 
de sécheresse et de froid. 
Mais cette boue avait pu conserver, même pendant les 


(4) Je dois ces renseignements à l’amabilité de MM. Plumandon, 


de s 97 2 fs LA re" ” A nb ÉTU UE LP A Me NON A OO à El es LE 
PAR ne NC NN 0 EE NE TN MAR en 

2 s L DUR UNE ET LEE en A AE AE La AO VARIE DE SEE NP ea 

1 ® » [PERL | L CAE ve 4 "ON W j ‘ CHA 


| = ARCS 
: périodes de sécheresse, des traces d’eau, grâce à l’épais- 
“3, seur même de sa couche; or, la couche de boue entrainée 


par le canard est excessivement mince, il fallait donc se 
placer dans les mêmes conditions. Je pris donc de cette 
| vase que je mis en couche mince dans une série de bocaux 
| où je la laissai se dessécher à partir du 7 mars. Je les 
* mouillais ensuite successivement les 9, 11, 15 du même 
‘à mois, et les mois suivants (avril et mai), le 1°’ et le 45 de 
À chaque mois. 

| Dans tous ces bocaux, j'obtins des éclosions. D'abord, 
pendant le courant de mars et avril, de petit cypris blan- 
châtres se montrérent sur la boue et avec les premiers 
jours de mai, les daphnies firent leur apparition. Or, la 
boue du dernier bocal mouillé est restée pendant près de 
deux mois dans un état complet de dessiccation. 

On se servit d’eau bouillie, bien aérée. 

Pour éviter toute cause d'erreur, on établit deux flacons 
témoins : 

L’un reçut la boue du baquet portée au rouge dans une 
capsule de platine, de façon à détruire tous les germes et 
fut :empli avec l’eau bouillie servant aux expériences. 
L’absence de développement d'animaux met en évidence 
l’absence de germes dans l’eau employée pour les expé- 
riences. 

Un second fiacon reçut la même eau et la même boue 
calcinée. On y déposa des cypris et des daphnies qui s’y 
développérent avec rapidité, montrant les qualités de l’eau 
malgré l’ébulition prolengée. 

Weismann (1), qui a consacré un chapitre entier au dé- 
veloppement des œufs d’hiver des cladocères, semble pen- 
ser que la durée de leur vie latente ne s’abaisse jamais au 
dessous de dix jours. Nos expériences augmentent de beau- 
coup cette période; mais il faut sans doute tenir compte 
des conditions extérieures au moment de l’expérience ; 


(4) Weismann, Entstehung der cyclischen Fortflanzuug bei den Daphnoïden, 1879. 


CON En 
nous rappelons que nous avons agi en plein hiver, par les 
froids fort vifs du printemps de l’année présente. 


CONCLUSIONS. 


Les rapports de la faune pélagique de nos lacs d’Au- 
vergne avec la faune pélagique des lacs des deux conti- 
nents, est due à la dissémination des êtres qui constituent 
cette faune. 

Les oiseaux aquatiques sont la cause active de cette dis- 
sémination, jouissant d’un grand pouvoir de vol et visi- 
tant les régions les plus lointaines. Signalons à cet effet le 
passage en France d'oiseaux des régions tropicales ou gla- 
ciales : Martin-rosselin, Syrrhapte paradoxal, Phalarope 
dentelé, Lobipède hyperboré, etc., etc. 

Les plumes et les pattes fixent sur leurs barbules ou 
leurs écailles les germes ou les petits animaux transpor- 
tables. 

Les Infusoires, Rotifères, Tardigrades et Anguillules 
sont transportés sous forme de germes ou d'adultes très 
résistants. 

Les Entomostracés sont emportés adultes ou à l’état 
d'œufs d'hiver. Dans le premier cas, 1ls peuvent conserver 
leur vitalité pendant 40 ou 50 heures, laissant à leurs œufs 
d'été une survie supérieure de 24 heures. Les œufs d’hiver 
peuvent attendre plusieurs mois. 

Aïnsi, la faune pélagique de nos lacs est en perpétuel 
échange avec les faunes les plus lointaines et il est permis 
de supposer que les études entreprises nous réserveront 
chaque année des découvertes nouvelles qui compléteront 
ce premier essai. 


"Planche I 


-1. B. Mongol, se. 


SON ÆEusebie del. 


1 Asplanchna GCurodi, de Cuerne imarhoires) 


2 Sida cristallina .…. DEMaller | 3 Æodopetium gtéberum. Zañdach | 4 Daphrua longispina Leytig 
FR DES ; ; ke | + : AC TS ENNEE | $ Le) 
5 Æyalodaphua apicala.…. Kw: | 6 Bosmuua longurosiris. OF Muller | 7 Adona leucocephalus.. Koch. 

“ | 


8 Chydorus spheærteus June | 9 Polyphemus pediculuo De Creer | 10 Draplomus aæruleus|Cvr)#ischer 


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES 


SUR LE 


COEUR DES GASTÉROPODES PULMONES 


Par M. J. RICHARD 


Licencié ês sciences naturelles 


Les pages qui suivent contiennent le résumé d’un grand 
nombre d'observations et d'expériences qui sont le point 
de départ d’autres recherches physiologiques qui seront 
publiées dans la suite. J’ai choisi comme sujet d’étude, 
les pulmonés les plus communs aux environs de Cler- 
mont, et notamment l’Helix pomatia. Mon intention était 
d'étudier la physiologie du système nerveux, une des 
parties sur lesquelles nos connaissances sont le moins 
avancées. 

C’est dans ce but que j'ai entrepris, dans les labora- 
toires de zoologie de la Faculté, que M. le D" Girod m'a 
si gracieusement ouverts, une série de recherches dont la 
première partie porte sur l’influence de l’asphyxie, sur les 
phénomènes qui suivent l’ablation du cœur et sur l’action 
des poisons chez l’escargot vulgaire. Cette étude des poi- 
sons donne un puissant moyen d'analyse physiologique, 
et de plus elle m’a procuré certains procédés d’expéri- 
mentation pour l'étude directe du système nerveux; pro- 
cédés sans lesquels il m’eût été très-difficile d'arriver au 
but que je me suis proposé. Je les décrirai dans la se- 
conde partie de ce travail. 


— À) 
L 4 


L'action des poisons sur les centres nerveux se mani- 
feste par des réactions qui se transmettent des centres 
impressionnés aux divers appareils, et j'ai surtout porté 
mon attention sur les phénomènes présentés par le cœur 
dans les divers cas d'intoxication, ce qui n’avait pas en- 
core été fait, à mon avis, d’une façon satisfaisante. J’au- 
rais voulu à ce sujet employer la méthode graphique, 
mais cela est excessivement difficile, sinon impossible, 
avec l’escargot, chez qui le cœur peut occuper, sous l’in- 
fluence des mouvements du corps, des positions très-dif- 
férentes en un temps très-court. J’ai donc été obligé 
d'abandonner ce moyen d'étude, qui, dans plusieurs 
cas, a donné de si bons résultats. 

Pour ne pas donner à ce travail une trop grande exten- 
sion, je n'ai pas cru devoir rapporter et comparer dès à 
présent les résultats obtenus chez les autres invertébrés ; 
je le ferai dans un résumé spécial. On trouvera du reste 
dans les quelques ouvrages signalés dans la suite toute la 
bibliographie nécessaire sur le sujet dont je m'occupe; on 
pourra ainsi consulter l’Exposé des recherches de CI. Ber- 
nard, Vulpian, E. Yung, L. Fredericq, Plateau, Kru- 
kenberg, etc., etc. 

Je dois dire maintenant quelques mots sur la façon dont 
j'ai fait mes expériences. En donnant un coup sec dans la 
région du cœur, sur la coquille de l’escargot, on met à 
nu le péricarde. Cette opération fait sortir l'animal, mais 
ne provoque qu'un trouble passager dans les mouvements 
du cœur. On attend que ce trouble ait disparu, on note 
le nombre des pulsations, et, lorsque le cœur est bien 
régulier , l'animal est dans toute son activité normale. 
C’est alors qu’on injecte la substance à essayer, en enfon- 
çant l'aiguille de la seringue à travers le pied, vers le 
milieu de cet organe. Les escargots injectés doivent sou- 
vent être mis en observation pendant plusieurs jours; on 
les! met sous une cloche avec une éponge imbibée d’eau, 
de façon à empêcher la dessiccation des tissus. 


CO 


INFLUENCE DE L'ASPHYXIE SUR LES MOUVEMENTS 
DU. CŒUR. 


Pour étudier cette question , je plonge les gastéropodes 
dans un vase exactement rempli d’eau et bien bouché. Je 
fais en sorte que la température ne varie pas, car elle in- 
flue, comme je le montrerai plus tard, d’une façon consi- 
dérable sur la fréquence des pulsations. J’ai expérimenté 
ainsi sur un grand nombre de gastéropodes d'espèces va- 
riées : Helix pomatia, H. aspersa, H. hortensis, H. ne- 
moralis, H. pisana, Zonites lucidus, Z. nitidus, Bulimus 
detritus, Succinea elegans, Limnea stagnalis, L. auricu- 
laria, Planorbis corneus, P. carinatus. 

Je mets le cœur à nu chez ceux de ces mollusques dont 
la coquille est opaque, les autres restant intacts. 

Les faits observés chez les vertébrés montrent que les 
mouvements du cœur se ralentissent rapidement par l’as- 
phyxie. C’est ce qui arrive aussi chez les gastéropodes , 
mais il y a des particularités à signaler. Voici, en effet, 
les résultats de mes expériences : 

Les mollusques d’eau douce, Limnea stagnalis, etc., 
conservent longtemps leurs mouvements normaux ; après 
quelque temps, ils cherchent à renouveler l'air de leur 
appareil respiratoire, ce qui leur est impossible dans les 
conditions où ils sont placés. Aprés plusieurs tentatives 
infructueuses , tout l’air de la cavité respiratoire s’échappe 
peu à peu et est remplacé par de l’eau. Mais ce n’est que 
longtemps après l'immersion (au bout de vingt-quatre 
heures pour L. stagnalis) que le nombre des pulsations, 
qui a été constant pendant tout ce temps, commence à 
diminuer. La marche des mollusques devient très-lente 
trente-six heures après l’immersion, L. stagnalis ne donne 
plus que 9 pulsations au lieu de 36. Le pied se creuse d’un 
sillon profond, l’animal perd bientôt ses mouvements vo- 


ae ms 
lontaires , les réflexes disparaissent à leur tour ; dix heures 
après, l’animal meurt, les tissus sont gonflés et imbibés 
d’eau et à la dissection le cœur est arrêté en diastole. 

Chez les gastéropodes terrestres, l’action est beaucoup 
plus rapide. Aïnsi chez H. hortensis, l’action de l’as- 
phyxie commence deux heures après l’immersion; le cœur 
ne donne plus, en effet, que 12 pulsations au lieu de 35, 
et, deux heures plus tard, il n’en donne plus que 4. 
Les pulsations deviennent irrègulières, et la mort arrive 
avec les phénomènes indiqués plus haut, après dix-huit ou 
vingt-quatre heures d'immersion, suivant les espèces. 

S1 l’asphyxie n’agit pas sur les gastéropodes avec au- 
tant d'énergie et aussi rapidement que chez les verté- 
brés, cela tient à ce que, chez ces animaux, le sang a 
une capacité respiratoire très-faible, et que chez eux la 
respiration qui est très-lente peut être longtemps sus- 
pendue. Les gastéropodes aquatiques, par cela même 
qu'ils vivent dans l’eau, résistent, dans les conditions in- 
diquées, bien plus que les gastéropodes terrestres, comme 
le montrent les expériences que je viens de rapporter. 


IMPORTANCE PHYSIOLOGIQUE DU CŒUR 
CHEZ LES GASTÉROPODES 


L'importance physiologique du cœur chez les gastéro- 
podes est bien mise en évidence par les deux ordres de 
faits suivants : 

1° Ablation du cœur. — Si on enlève le cœur aux 
gastéropodes terrestres, on constate qu’ils peuvent vivre 
assez longtemps sans cet organe. C’est ainsi qu’en opé- 
rant dans des conditions favorables, j'ai vu nombre d’'Helix 
pomatia ne mourir que trois jours après l’extirpation du 
cœur. 

Les phénomènes qui suivent cette opération sont 
ceux-ci : S1 le mollusque est en marche pendant qu’on 


ae 
lui enlève le cœur, il continue à marcher après l’ablation 
du cœur, mais le corps est mou, flasque, les tentacules 
ne peuvent se redresser; ils sont appliqués contre le corps 
et dirigés vers le sol. Le corps est aplati, élargi. La co- 
quille pèse sur le cou de l'animal, qui peut encore rentrer 
dans sa coquille, ou qui meurt étalé après deux ou trois 
jours. — De nombreux Helix aspersa, hortensis m'ont 
donné les mêmes résultats. 

Si l’animal n’est pas sorti de sa coquille avant que le 
cœur soit enlevé, il a beaucoup de peine à se déployer et 
le plus souvent il n’y arrive pas, du moins entière- 
ment. 

2 Mouvements du cœur pendant le repos et pendant 
la marche. — Pendant les grandes chaleurs, on trouve 
de nombreux Helix hortensis collés par une plaque de 
mucus durci sur les feuilles des buissons. En comptant le 
nombre de pulsations du cœur dans cet état, j’ai trouvé 
pour l’un d'eux 72 pulsations à la minute. Détachant 
alors brusquement l’animal de la feuille, je trouve 88 pul- 
sations ; le mollusque était sorti et s’était mis en marche. 
Pour un autre, j'ai trouvé, correspondant aux nombres 
précédents, 72 et 103, c’est-à-dire une différence consi- 
dérable entre le nombre des pulsations du cœur lorsque 
l’animal est au repos et le nombre de pulsations lorsqu'il 
se met à marcher. Les autres mollusques terrestres se 
comportent de la même façon. 

Ces deux ordres d'observations montrent bien que, 
comme on l'avait pensé, outre la fonction de nutrition 
dont est chargé le cœur chez les autres animaux, chez 
les mollusques le cœur a une importance considérable et 
directe au point de vue de la locomotion. Il chasse le 
sang dans les cavités du corps, et fait entrer en turges- 
cence , en les projetant au dehors, les organes qui doïvent 
jouer un rôle dans la vie active, comme les tentacules. 


mn 0 += 


ACTION DES POISONS. 
Curare. 


Steiner (1) prétend que l’escargot ne résiste pas à une 
injection de 5 milligrammes de curare. J’ai constaté qu'il 
faut des doses supérieures pour amener la mort. J'ai vu, 
en effet, revenir à la vie un escargot qui avait reçu en in- 
jection 0:01 de curare. 

Ces divergences apparentes s’expliquent facilement, car 
on sait que les échantillons de curare varient beaucoup 
en teneur de principes actifs. 

Le point important est l'observation de la suite des 
phénomènes d'intoxication, et à ce sujet, voici ce que l’on 
peut constater : 

J’injecte 050025 à un escargot, qui se retire d’abord et 
ressort de sa coquille. Au bout de quinze minutes, les 
mouvements volontaires sont abolis ; mais les réflexes 
sont très-intenses, et il suffit de souffler sur le pied pour 
les provoquer. Le corps est mou, flasque et retombe du 
côté où on le penche. Quinze heures après, je trouve l’ani- 
mal en train de se faire un épiphragme. Je n’ai pas observé 
dans ce cas d'action bien sensible sur le cœur. 

Un autre escargot, après avoir reçu en injection 050075 
de curare , présente les phénomènes précédents plus ac- 
centués. Le cœur se ralentit, mais l’animal résiste après 
une paralysie d'environ vingt-quatre heures. 

En injectant 0:01, la solution est si concentrée que le 
sang qui passe dans le cœur a la couleur de la solution. 
Mêmes phénomènes, plus accentués encore; les pulsations 
deviennent presque immédiatement lentes, avec de longs 


(1) 3. Steiner (Archiv. f, Anat, und Physiol., 1875, p, 145). Ueber die Wirkung des 
Amerik. Pfeilgiftes curare. 


PR PE ppm 


Pl Aa 
arrèts, le ventricule étant en diastole. Cet escargot, gardé 
en observation pendant six jours, se remet complètement 
le troisième jour. Il est vrai que d’autres escargots n’ont 
pas résisté à la même dose de poison. 

Les effets sont donc les mêmes chez l’escargot que chez 
la généralité des autres invertébrés (1). Comme chez les 
vertébrés, il y a paralysie des nerfs moteurs, mais l’action 
est bien plus lente et exige de plus fortes doses de poison. 


Esérine. 


L'étude de l’ésérine suit naturellement celle du curare. 

J'ai fait usage d’une dissolution de sulfate neutre. 

J'injecte 05005, les pulsations descendent de 30 à 17 
après trois minutes, et dix minutes après l’injection on 
n’en compte plus que quatre. Il y a de longs arrêts, le 
ventricule étant en diastole. Les mouvements volontaires 
sont rapidement abolis ; l'animal est mou et flasque comme 
après l'injection de curare; mais les réflexes sont bien 
plus faibles, et disparaissent beaucoup plus vite quand on 
emploie des doses plus fortes, par exemple en injectant 
05025. Le cœur alors s'arrête en diastole; l’action est 
encore plus rapide en injectant 0:04. M. Koœhler (2) a 
fait cette expérience, mais il n’a pas porté une attention 
rigoureuse sur Ce qui se passe du côté du cœur. L'action 
sur cet organe est bien plus évidente qu'avec le curare, 
et on voit de plus que les mouvements, soit volontaires, 
soit réflexes, surtout ces derniers, sont bien plus rapide- 
ment affaiblis, ou même complètement abolis dans le cas 
de l’ésérine. 

(1) Le curare a été essayé par un grand nombre de physiologistes sur une foule d’a- 
nimaux de divers groupes, Je renvoie ceux qui voudraient avoir la bibliographie de ce 
sujet au mémoire de M. F. Plateau : Recherches physiologiques sur le cœur des 
crustacés décapodes (Archives de Biologie publiées par Van Beneden et Van Bambeke. 
1880 ; vol. r, p. 662). 


(2) R. Kæhler. Recherches physiologiques sur l’action des poisons chez les 
invertébrés. Nancy, 1883. 


LD 


MNicotine. 


Lorsque la dose injectée est très-faible, par exemple 
si elle ne dépasse pas 050005, le nombre des pulsations 
du cœur est d’abord ralenti, puis une accélération passa- 
gère survient, suivie d’un nouveau ralentissement, après 
lequel le nombre des pulsations revient à l’état normal. 
Pendant l'injection, l'animal se retire vivement dans sa 
coquille, rejette un mucus filant en abondance, devient 
immobile, le pied se contracte et est peu sensible ; mais 
l’anifnal recouvre peu à peu son activité au bout d’un 
temps plus ou moins long. 

C’est ainsi qu’un escargot auquel j'injecte 0500025, et 
qui donnait normalement vingt pulsations à la minute, 
n’en donne plus que quinze deux minutes après l'injection, 
et vingt-six minutes après, puis on observe un ralentis- 
sement graduel. 

Si on emploie des doses plus fortes, comme l’a fait 
M. Kœhler, le ralentissement initial s’exagère subitement, 
on ne constate pas d'accélération. Après huit ou dix pul- 
sations et quelquefois immédiatement, le cœur s'arrête, 
ventricule en systole, tandis que l'oreillette est très-gon- 
flée. Tout mouvement, volontaire ou réflexe, n’a plus lieu 
par excitation; un mucus épais est rejeté en abondance, 
le pied devient dur et insensible; sa face inférieure appa- 
rait comme couverte d’une multitude de petites éminences 
opalines qui ressemblent tout d’abord à des pustules. Les 
pulsations du cœur reprennent souvent, faibles et très- 
lentes il est vrai, mais persistant quelquefois longtemps 
après la mort apparente. 

Chez un escargot à qui je coupais les tentacules et à 
qui j'incisais le pied (il n'avait pas eu le temps de rétrac- 
ter ces organes, tant l’action avait été rapide), je ne cons- 
tatais pas le moindre mouvement. Cependant le cœur 
donnait quelques pulsations. L'animal était bien mort, 


tn ait 


PEN PES 

du reste le pied commençait déjà à brunir en se dessé- 
chant. Le cœur finit néanmoins par s’arrêter définitive- 
ment, ventricule en systole, oreillette en diastole, sept 
heures après l'injection. 

J'ai toujours pu réveiller quelques pulsations par exci- 
tation directe, peu après la mort apparente. 

En déposant quelques gouttes d’une solution de nico- 
tine sur le cœur après avoir ouvert le péricarde, on ob- 
serve les mêmes phénomènes généraux que ceux qu’on 
obtient par injection. 

L'action de la nicotine sur un escargot préalablement 
curarisé est la même que si elle agissait seule. Ceci avait 
déjà été constaté chez d’autres invertébrés, par exemple 
chez l’écrevisse. (M. Plateau.) 


Vératrine. 


L’escargot ne résiste pas à 0#001 de sulfate de vératrine. 

Pendant l’injection, il se contracte fortement, sécrète 
une quantité considérable de mucus blanchâtre. Le cœur, 
dont les mouvements sont d’abord accélérés, ne tarde pas 
à perdre une grande partie de son activité; mais Je ne lai 
jamais vu s'arrêter « définitivement, après une quinzaine 
de pulsations », comme le dit M. Kœæhler. Si la dose est 
forte, il s'arrête pendant assez longtemps, mais les pulsa- 
tions reprennent lentes et irrégulières, pour ne s'arrêter 
que plus tard, et dans ce cas il semble que l’accélération 
initiale fasse défaut. 

Après l’injection, le corps est contracté, présente quel- 
quefois des convulsions, puis devient immobile et peu 
sensible aux excitations. Les réflexes disparaissent quel- 
ques heures plus tard, et la mort survient, le cœur arrêté 
en diastole. 


+ 10 = 


Antipyrine. 


L'action de l’antipyrine a été étudiée, dans ces derniers 
temps, sur les vertébrés. Personne, à ma connaissance, ne 
l’a étudiée chez les autres animaux. Voici les résultats que 
J'ai obtenus à ce sujet : 

L’escargot rèsiste à des doses très-fortes (0505) d’anti- 
pyrine. En injectant 05025, l’animal rentre vivement dans 
sa coquille, sort de nouveau. Les mouvements volontaires 
s’affaiblissent mais ne cessent pas. Du côté du cœur on 
constate une diminution sensible dans le nombre des 
battements. Le lendemain, l’escargot à repris son allure 
normale. 

A la dose de 0505, l’antipyrine ralentit un instant les 
mouvements du cœur et finit par les arrêter presque im- 
médiatement, ventricule en systole. Les mouvements 
volontaires disparaissent presque complètement une heure 
trente minutes après l’injection. Les réflexes persistent. 
Le lendemain, les mouvements volontaires étaient devenus 
normaux, Car pendant la nuit l’escargot s’était sécrété une 
cloison, et le cœur avait repris ses battements. 

La dose de 0,1 d’antipyrine est funeste à l’escargot : 
le cœur est rapidement arrêté en systole ; les mouvements 
volontaires disparaissent, et longtemps après il en est de 
même des réflexes ; le pied est couvert d’une couche de 
mucus ; l'ouverture du péricarde provoque une dizaine de 
pulsations du cœur, puis s'arrête en systole; mais par 
l’excitation directe on peut obtenir quelques pulsations 
longtemps après la mort apparente (1). 


(1) L'action de l’antipyrine a été étudiée chez l’homme par MM. Filehne, Germain 
Sée et plusieurs autres physiologistes. 

M. Hénocque a reconnu que cette substance donnait lieu à des convulsions tétani- 
formes présentant une avalogie remarquable avec le strychnisme, et enfin la mort par 
asphyxie (lapin, cobaye, grenouille). 

D'après les auteurs que je viens de citer, l’antipyrine amène un abaissement de tem- 


Strychnine-Brucine. 


M. Heckel (1) n’a pu amener la mort chez l’escargot 
avec 05045 de strychnine. Je n’ai jamais obtenu pareil 
résultat. La plupart des sujets mis en expérience n’ont 
pas résisté à 05 02 de sulfate de strychnine, et je confirme 
l’expérience de M. Kœæhler. 

Quant à l’accéléralion des battements du cœur, je ne 
lai observée qu’en employant des doses inférieures à 0502. 
Ainsi, un escargot à qui j'injecte 0:006 présente une aug- 
mentation de onze pulsations sur le nombre observé avant 
l'injection ; puis il y a ralentissement. Le lendemain, l’a- 
nimal était complètement remis. 

En employant des doses plus fortes, le cœur s’arrète 
après une dizaine de pulsations. L’animal devient mou, 
immobile, après avoir présenté des convulsions au début. 
Les réflexes sont d’abord très-énergiques, puis s’affaiblis- 
sent, et si la dose est suffisante (0,025 à 0,04), la mort 
arrive après un temps plus ou moins long. Le cœur est 
alors arrêté en systole souvent peu marquée. Dans plu- 
sieurs Cas, j'ai vu le cœur battre après la mort apparente, 
comme s’il était devenu indépendant du système nerveux 
général. (Le même fait se produit avec la nicotine.) 

La brucine agit de la même façon que la strychnine. 


Cocaine. 


Vulpian (1) a essayé l’action de la cocaïne sur l’escargot; 
il ne parle pas de l'effet de cette substance sur le cœur. 
1 a observé l’immobilité presque complète de l’animal 


pérature et un raleniissement des mouvements du.cœur. J'ai constaté, comme on vient 
de le voir, le même fait chez l’escargot. 

On trouvera sur l’antipyrine de nombreux renseignements dans le Journal de phar- 
macie et de chimie, numéro de janvier 1885. 

(4) Heckel : Comptes-rendus de l'Acad. des Se., 1879; t, LxxxvVilt, p. 918, 

(4) Vulpian : Comptes-rendus de l'Acad. des Sc., 24 novembre 1884. 


ee | 

sans que la sensibilité soit abolie, après avoir injecte 
1/2 ce. d’une solution au 1/100 de chlorhydrate de co- 
caine. 

En étudiant attentivement l’action de cette substance, 
j'ai obtenu les résultats suivants : 

J'injecte 0003 de chlorhydrate de cocaïne à un escargot. 
On voit le cœur s’arrêter en diastole. L'animal rentre dans 
sa coquille; puis les pulsations recommencent, d’abord 
lentes, passent ensuite par un maximum dix minutes après 
l’injection, pour redevenir normales. Après environ deux 
heures, l’escargot est complètement remis. 

En injectant 05006, on observe les mêmes phénomènes 
un peu plus accentués ; l’animal devient immobile, mais 
reste sensible, et n’est bien remis qu'après dix heures. 

Il résiste également à une injection de 0502. 

S1 on injecte 05025, on observe encore l’arrêt du cœur 
en diastole ; l’animal reste étalé, mou et flasque ; les ten- 
tacules, gonflés, sont affaissés sur la tête. Les mouvements 
volontaires cessent bientôt. Les réflexes deviennent fai- 
bles, le ventricule est relâché en diastole, mais vide et 
aplati. 

Je me suis servi de cette propriété qu’a le chlorhydrate 
de cocaïne d’insensibiliser à fortes doses l’escargot pour 
étudier quelques points de la physiologie des centres ner- 
veux. J’exposerai les résultats obtenus dans une autre 
partie de ce travail (1). 

S1 l’on dépose directement sur le cœur une solution 
plus ou moins concentrée, on observe les mêmes phéno- 
mènes que précédemment, relativement au cœur. 


Atropine. 


En injectant 0:012 d’atropine à un escargot, les pulsa- 
tions, qui étaient au nombre de vingt-trois, descendent 


(4) J'ai étudié aussi l’action de da cocaïne sur d’autres invertébrés. Comptes-rendus 
de l’Acad. des Sc., 2 juin 1885. 


7 7 AT 


Aconittine. 


L’escargnt résiste fort bien à 05006 de sulfate d’aconi- 
tine. Pendant l’injection, l’animal rentre dans sa coquille; 
le pied offre des mouvements convulsifs ; le cœur, qui 
présente d’abord une accélération très-passagère, ralentit 
bientôt ses mouvements; trois minutes après l’injection, 
il ne donne plus que dix pulsations, alors qu’il en donnait 
vingt avant. L'animal est très-sensible, les mouvements 
volontaires ne s’affaiblissent que deux heures après l’in- 
jection, sans disparaître complêtement, car quelque temps 
après il rentre dans sa coquille ; il en sort le lendemain 
et se met en marche. Son état est alors tout à fait 
normal. 

L’escargot ne résiste pas à 05025. Après une quinzaine 
de pulsations, le cœur s’arrête en systole ; on observe des 
mouvements convulsifs du pied. Moins de deux heures 
après l’injection, les mouvements volontaires ont disparu. 
Le pied est un peu contracté; les réflexes sont faibles. Le 
lendemain, la mort arrive, le cœur étant en systole. 

En injectant 0:05, on observe les mêmes phénomènes, 
plus rapides et plus intenses. 

L'action de l’aconitine diffère donc de celle du curare, 
dont on l’a souvent rapprochée, pour l’escargot du moins. 
L'action sur le cœur est surtout plus nette qu'avec le 
curare. 

Mes expériences conduisent donc à un résultat bien 
différent de celui indiqué par M. Kœæhler, qui a trouvé 
que cette substance, même à la dose de 0502, n’amène 
aucun symptôme d'intoxication chez l’escargot. 


Sulfocyanure de potassium. 


J'ai constaté que l'injection de 0*005 ralentissait déjà 
les mouvements du cœur. A la dose de 0501, les pulsations 
descendent peu après de dix-neuf à sept, puis reprennent 


ns ff de 


successivement à douze, cinq, puis remontent à vingt- 
cinq, et l’animal se remet complètement deux heures 
après. 

_ Si on injecte 0“025, on a la même action sur le cœur, 
l’animal devient immobile, et les pulsations ne repren- 
nent leur caractère normal que quinze à vingt heures 
après l’injection. 

L’escargot résiste encore à 0505 après avoir présenté 
les mêmes phénomènes, plus accentués que dans les cas 
précédents. 

Mais un escargot à qui j'avais injecté 052 ne résista 
pas; aussitôt après l’injection, un mucus abondant est 
rejeté, le cœur parait immobile à travers le péricarde que 
j'ouvre. Je trouve l'oreillette trés-distendue, le ventricule 
en systole ; les excitations mécaniques ne donnent que 
des mouvements très-faibles et exclusifs à la partie exci- 
tée; le corps est flasque, le mucus devient verdatre, l’ani- 
mal meurt. 

On voit donc que si l’action est passagère avec des 
doses relativement fortes, elle est très-intense et amène 
la mort avec des doses suffisantes. 

La limace, qui est plus sensible que l’escargot à l’action 
de l’atropine, mange impunément les feuilles de bella- 
done; cela tient évidemment à ce que, à poids égal, les 
feuilles sont environ six cents fois moins actives que 
latropine. 

En appliquant directement sur le cœur une solution 
concentrée de sulfate d’atropine, on observe, comme après 
l'injection, un ralentissement marqué du cœur, puis les 
pulsations reprennent leur caractère normal ; le cœur 
peut même être arrêté ventricule en systole pendant un 
temps assez long. 

Nous ne pouvons donc comprendre l’assertion de 
M. Kœhler, qui affirme que « les mouvements du cœur 
ne se sont ni arrêtés, ni même ralentis » par l'injection 
de 002 de sulfate d’atropine. 


OF ue 

leur rythme normal. Quelquefois cette même dose de 0:01 
suffit pour arrêter presque de suite le cœur en systole, 
mais l’état normal réapparaît six ou huit heures après 
l'injection. 

L’escargot ne résiste pas à la dose de 0:04; les mouve- 
ments volontaires ou réflexes s'arrêtent rapidement ; les 
réflexes sont localisées à la partie excitée. 

En déposant directement sur le cœur une solution con- 
centrée du sel, le cœur s’arrête bientôt en systole, puis 
l'oreillette offre des mouvements auxquels le ventricule 
ne prend part que longtemps après. J’ai toujours observé 
l’arrêt du ventricule en systole. 

D’après M. Kœhler, « après l'injection de 0501, l’animal 
se rétracte vivement dans sa coquille, mais les battements 
du cœur ne sont pas sensiblement modifiés dans leur 
rythme; l'absorption de doses plus élevées (2-3 centigr.) 
provoque un ralentissement très-notable des battements 
du cœur, qui ne tarde pas à s'arrêter en systole. » 


Sulfate de cuivre et Bichlorure de mercure. 


En injectant 0501 et même des doses bien plus faibles, 
05005 par exemple, on observe un arrêt presque immédiat 
du cœur, ventricule en systole; l’oreillette est très-dis- 
tendue. Le sang est troublé par la présence de grumeaux 
d’un blanc verdâtre; le corps est contracté; l’escargot 
rejette en quantité considérable un mucus épais. La mort 
arrive rapidement après l’injection. 

Le bichlorure agit d’une façon identique, mais encore 
bien plus rapide. 

Si on dépose directement sur le cœur quelques gouttes 
d’une solution concentrée de sulfate de cuivre, le cœur 
devient rapidement immobile, le ventricule se contracte 
énergiquement et ne donne rien par excitation ni par 
addition d’une goutte de sulfate d’atropine en solution 
aux 2/5. Néanmoins, l'animal est sensible et fait des mou- 


= 06 
vements assez étendus. [Il se trouve dans le cas d’un es- 
cargot dont le cœur a été extirpé; dans ce cas en effet la 
mort ne survient que longtemps après cette’ extirpation, 
qui est cause de divers phénomènes que j'ai décrits au 
commencement de ce travail. 


Chloroforme, Ether, Benzine. 


Ces trois substances, en vapeur et mélangées à l'air, 
agissent de la même façon sur l’escargot. Aussitôt que 
l’animal est plongé dans l’atmosphère toxique, il se ré- 
tracte vivement; le pied offre des mouvements convulsifs ; 
le cœur, dont les mouvements sont d’abord accélérés 
(cette accélération persiste longtemps avec les vapeurs de 
benzine), se ralentit bientôt considérablement et finit par 
s'arrêter en systole. Les mouvements volontaires sont 
abolis ; il en est de même des réflexes, et la mort arrive 
si les Sujets en expérience ne sont pas assez tôt reportés 
à l’air libre. 

Dans le cas d'intoxication par les trois substances en 
question, l’escargot émet constamment un mucus blanchà- 
tre, épais, comme cela arrive du reste avec beaucoup 
d’autres poisons. 


(Extrait de la Revue d’Auvergne.) 


Clermont-Ferrand, typographie Mont-Louis , rue Barbançon, 1 et 2, 


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES 


SUR LE 


COEUR DES GASTÉROPODES PULMONÉS 


(Suite.) ’ 


: ACTION -DE LA TEMPÉRATURE. 


La température a sur le cœur des mollusques la même 
influence générale que sur le cœur des autres animaux. 
C'est-à-dire que la fréquence des pulsations augmente 
avec la température. Mais cette influence est beaucoup 
plus marquée chez les animaux à sang froid que chez les 
vertébrés supérieurs ; les mollusques en particulier offrent 
des variations considérables. 

J'ai fait à ce sujet, sur diverses espèces de pulmonés, 
de nombreuses expériences que je crois devoir diviser en 
deux séries. Dans la première j'ai étudié l’action de tem- 
pératures élevées, provoquées artificiellement. Dans la 
seconde, j'ai cherché quelle est l’action des variations 
normales, naturelles de la température dans les conditions 
ordinaires de la vie des animaux mis en observation. 


1° Action des températures élevées. — Lorsqu'il est 
soumis à des températures de plus en plus élevées, le 
cœur des vertébrés présente une accélération croissante 
et, à un degré de chaleur déterminé, entre en tétanos 


pr 
presque complet. En est-il de même pour le cœur des 
pulmonés ? 

Pour étudier cette question, je plonge dans un vase de 
verre plein d’eau un Helix pomatia dont le cœur est mis 
à nu. Je chauffe graduellement en notant la température 
et le nombre de pulsations. Dans ces conditions l’animal, 
surtout le cœur, se met rapidement en équilibre de tem- 
pérature avec le liquide. L'eau ne peut amener de per- 
turbations dans les résultats, car la durée de l’expérience 
est très-courte et l’on sait que l’escargot reste plusieurs 
heures immergé avant qu'on puisse trouver une diminu- 
tion dans la fréquence des pulsations. Cette disposition 
permet aussi d’avoir pendant un temps suffisant une tem- 
pérature sensiblement constante. Or, voici ce qu’on ob- 
serve : 

À 14° on note 35 pulsations à la minute, à 17° 48, à 20° 
50, à 245 55, à 30° 70, à 35° 90, à 38° 100 pulsations. 
Dès 30°-35° l’animal fait de violents mouvements et ses 
convulsions durent presque jusqu’à la mort. A 35° les 
battements du cœur deviennent irréguliers. A 45° on ne 
compte plus que 78 pulsations au lieu de 100 ; elles sont 
peu amples et accompagnées de mouvements ondulatoires 
de la surface du cœur. À 48° le travail du cœur devient 
excessivement faible; on n’aperçoit que des ondulations 
insensibles du cœur qui est en systole. L'animal est mort, 
le cœur continue à présenter les mouvements d’oscilla- 
tion ; si on élève encore la température, il meurt à son 
tour en systole et ne réagit plus aux excitations. Ces ex- 
périences répétées ont donné les mêmes résultats. 

En résumé, sous l'influence de températures élevées 
(vers 48° pour Helix pomatia) le cœur entre en tétanos 
presque complet, en systole permanente, comme un cœur 
de vertébré. 


2° Action des variations naturelles de température. — 
Cette série d'observations se rattache particulièrement 


00. 

aux phénomènes qu’on observe pendant le sommeil hiver- 
nal des gastéropodes, dont les fonctions vitales présentent 
alors un ralentissement considérable. 

- Gaspard, Spallanzani, Barkow (1) ont fait de nom- 
breuses observations sur ce sujet. 

Barkow croit, contrairement à l'opinion des deux 
auteurs précédents, que l'arrêt de la circulation n’est 
pas complet. C’est en effet ce qui arrive lorsque la 
température ne descend pas au-dessous de 0°. Mais, si 
l’abaissement de la température dépasse cette limite, 
le cœur cesse complètement de battre. 

Du reste des escargots assez refroidis pour être 
congelés peuvent résister longtemps et revenir à la vie 
lorsque la température se relève graduellement. Barkow 
prétend n'avoir jamais vu revenir à la vie des escargots 
qu’il avait fait geler. Ceci tient sans doute à ce qu’il les 
réchauffait trop brusquement, ou à ce qu'il les laissait 
trop longtemps à des températures trop basses. Spallan- 
zani, observateur extrêmement consciencieux et sagace, a 
constaté les faits contraires, et mes expériences m'’obli- 
gent à me ranger à l’avis de cet ancien observateur. 

Au mois de janvier 1885, je fis sur de nombreux escar- 
gots l'expérience suivante. 

Je prends un exemple : à 7° un escargot présentait 
12 pulsations à la minute. Je l’exposai sur la fenêtre à 
— 3°. Le nombre des pulsations diminua graduellement 
jusqu'à zéro. Le cœur devint immobile, ventricule en 
demi-diastole, et resta ainsi pendant plus d’une heure. 
Je retirai alors l'animal non gelé et il revint à l’état 
normal. 

Dans tous les cas je constatai une diminution graduelle 
plus ou moins rapide suivant la taille et l’état initial 
des animaux observés ; mais la diminution des mouve- 
ments du cœur aboutit toujours à un arrêt de cet organe. 


(1) Barkow, Der Wanterschlaf, Berlin, 1846. — L'auteur résume et discute les 
observations de Gaspard et Spallanzani ; p. 135-146, p. 279-283, 


AD 

Gaspard et Spallanzani ont observé que: le cœur ne: 
bat plus lorsque les escargots sont en équilibre de tempé- 
rature avec un milieu à — 1°. Barkow ne partage pas cet 
avis. Il prétend que ces auteurs ont été trompés, par ce 
fait que les animaux présentaient des contractions très- 
lentes du cœur et que n’observant pas assez longtemps 
pour voir les pulsations, Gaspard et Spallanzani ont con- 
clu que le cœur restait immobile. 

Je ne crois pas que la sagacité du célèbre observateur 
ait été mise aussi facilement en défaut. C’est Barkow qui 
s’est trompé. Voici en effet ce qu’il dit : 

« Je ne pus apercevoir des pulsations tant que le péri- 
carde ne fut pas coupé; mais après cette opération, le 
cœur donna jusqu'à 10 pulsations à la minute. » Mais 
alors l’annimal n’était pas dans des conditions normales, 
car des excitations directes du cœur, même très-faibles, 
provoquent des pulsations. Le brusque contact de lair 
suffit même pour amener des contractions. Prévenu par 
l’'objection de Barkow, j'ai examiné longtemps des escar- 
gots à — 1° où — 2° sans pouvoir constater le moindre 
mouvement du côté du cœur, en me gardant bien, évi- 
demment, de pratiquer l'opération que Barkow fit à ses 
escargots. | 

En ce qui concerne la congélation, j'ai répété les expé- 
riences de Spallanzani. Des escargots exposés toute une 
nuit à — 6° (température minima) furent trouvés tous 
gelés. Sur 45, 25 réagirent aux excitations après trois 
heures d'exposition à 7°, 18 survécurent. 

Pendant tout le mois de janvier 1885, j'exposai 50 es- 
cargots à des températures assez basses. Ils furent proba- 
blement congelés plusieurs fois. Après ce temps je les 
mis dans un milieu à 8° ; 6 seulement résistérent. Ce qui 
s'explique par la réitération des congélations et l’exposi- 
tion à des températurés trop basses. 

Ces expériences, renouvelées en janvier 1886, me don- 
nérent des résultats analogues. Sur 50 escargots exposés à 


mr 
des congélations réitérées, 2 seulement survécurent. Il 
est vrai que sur 50-individus il y en, avait 15 qui avaient 
déjà étéexpérimentés en janvier 1885 et qui étaient très- 
affaiblis. 

Or pendant tout le temps que dure la congélation il 
ne peut y avoir ni circulation, ni respiration. 

La durée de la suspension de. ces fonctions est plus 
grande qu’on ne le croirait tout d’abord, puisqu'il n’est 
pas nécessaire que les animaux soient gelés pour que le 
cœur éesse de battre ; il suffit en effet comme on l’a vu. que 
la température s’abaisse à — 1° ou à — 2°, ce qui arrive 
constamment pendant les grands froids. — Les autres 
pulmonés se comportent d’une façon semblable, avec 
quelques différences individuelles qu'il serait trop long 
de rapporter ici. 

Au printemps, lorsque la température s’élève et que la 
fin du sommeil hivernal est proche, on voit la fréquence 
des pulsations s’accroître peu à peu. Il n’y a cependant 
pas proportionnalité exacte entre cet accroissement et 
celui de la température. Pour le même accroissement 
de température, le nombre différentiel des pulsations 
entre deux degrés consécutifs est d'autant plus grand 
que la température est plus élevée. Ainsi une limnée qui 
donnait 13 pulsations à 13°5 n’en donne que 16 à 16°, 
c'est-à-dire un accroissement de 3 pulsations pour une 
différence de 2°5 ; à 20°5 la même limnée donne 30 pulsa- 
tions et à 24°44, c’est-à-dire une différence de 14, pour 
un accroissement de 3°5 soit une différence de 10 pulsa- 
tions pour un accroissement de 2°5. 

On trouve dans divers ouvrages, en particulier dans le 
traité de physiologie de Burdach (1) des observations nom- 
breuses sur la fréquence des battements du cœur chez un 
grand nombre d'animaux. Mais comme le dit Milne- 
Edwards, « ces indications n’ont quelque valeur qu’en 


(1) Burdach, Traité de physiologie. T. VI, p. 289. 


ms 6. 

ce qui concerne les mammifères et les oiseaux, car chez 
les animaux à sang froid, les variations déterminées par 
la température extérieure sont si grandes, qu’on ne peut 
rien conclure d'observations dans lesquelles on n’a pas 
tenu compte de cette circonstance. » 

Il est cependant indispensable, dans certaines recher- 
ches physiologiques, d’avoir à ce sujet des indications 
précises et de tenir compte des conditions dans lesquelles 
se présentent les phénomènes; les observations n’ont 
quelque valeur qu’à cette condition. Quand un pulmoné 
est au repos depuis longtemps, il suffit d'indiquer la 
température pour que le nombre des pulsations soit 
précis. Il n’en est pas de même dans des conditions diffé- 
rentes où il faut tenir compte non-seulement de la tempé- 
rature mais encore de l’état physiologique de l’animal. 
Je pourrais donner plusieurs tableaux se rapportant à cette 
question. Je me contenterai d’indiquer les résultats qu’on 
peut en tirer : comme on l’a vu, le nombre des pulsations 
croit avec la température et d'autant plus vite que la 
température est plus élevée. Pour un même animal à la 
même température et les autres conditions étant sembla- 
bles, la fréquence des pulsations varie peu. Pour une 
même température dans des conditions extérieures sembla- 
bles les pulmonés présentent des différences individuelles 
dans le nombre des pulsations, difiérences qui peuvent 
être assez grandes. 

La plupart des mollusques terrestres restent cachés et 
immobiles pendant les chaudes journées de l'été. Ils se 
sécrêtent à l’ouverture de leur coquille une mince cloison 
qui les protége contre une trop grande sécheresse. Pen- 
dant cette sorte de sommeil estival les fonctions vitales 
sont amoindries, le cœur bat moins vite que lorsqu'ils 
sont en pleine activité, mais la moindre excitation les 
réveille, et l’activité devient très-rapidement . normale. 


+ 


ACTION DE L'ÉLECTRICITÉ. 


Si on met à nu le cœur de l’escargot en incisant le 
péricarde et si on fait agir directement les courants 
induits on observe l’arrêt de l'organe en systole énergique. 
L'arrêt du cœur en systole persiste tant que l'excitation 
dure. Le cœur entre donc sous l’influence de courants 
induits, en état de tétanos ou contraction permanente 
comme un cœur de vertébré. Autant que j'ai pu le 
constater, directement, le tétanos était complet, ce qui 
s’accorde parfaitement avec ce fait que les secousses 
musculaires du cœur de l’escargot sont très-allongées, et 
l’on sait que plus un muscle a les secousses lentes plus 
il entre facilement en tétanos complet. 

L'expérience renouvelée plusieurs fois m'a. donné 
identiquement les mêmes résultats. 

Foster a constaté qu’une action électrique d’une « cer- 
taine intensité » arrête le cœur en diastole. Je n'ai 
jamais rien observé de semblable. Cet auteur avance 
le mème fait pour le crabe, or, ni Lemoine, ni M. Pla- 
teau n’ont obtenu ce résultat. Ces deux savants ont au 
contraire vu l’arrêt du cœur du crabe se produire cons- 
tamment en systole, et ne peuvent comprendre comment 
Foster à pu arriver à un résultat si différent. 


INFLUENCE DE L’AGE. 


De même que chez la généralité des autres animaux on 
trouve que chez les pulmonés l’activité cardiaque est 
d'autant plus grande que les individus observés sont 
plus jeunes. Aïnsi deux Limnea auricularia, l’une adulte, 
l’autre beaucoup plus jeune dans les mêmes conditions 
et en même temps donnaient les nombres suivants : 


nn. ‘Td 
à 24 44 pulsations (adulte) 66 pulsations (jeune). 


à 20°5 30 — 39 - 
à 16° 16 — 23 — 
à 13°5 13 — 16 _ 


Ïlen est de même pour les pulmonés terrestres. 


INFLUENCE D'UN JEUNE PROLONGÉ. 


Lorsque les pulmonés sortent de leur torpeur après 
quatre mois environ d’abstinence, on constate que l’acti- 
vité du cœur est bien moins grande que dans la période 
estivale, la température étant la même. Ils se comportent 
donc à cet égard comme les vertébrés supérieurs chez 
lesquels une abstinence prolongée amène une diminution 
notable dans le nombre des pulsations. Mais l’action 
‘st beaucoup plus marquée chez les mollusques, chez les 
pulmonés en particulier. 


J. RICHARD. 
(Extrait de la Revue d'Auvergne.) 


“ Clermont-Ferrand. - “Imprimerie Mont-Lonis, rue Barbançen, n° 2. 


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