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Full text of "Études sur le passé et l'avenir de l'artillerie"

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ETUDES 



SLU 



L'ARTILLERIE. 



Imprimerie it Cohi et J. Duiiaim, 
rue Christine, s. 



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ÉTUDES 



SUR 



LE PASSE ET L'AVEIVIR 



DE L'ARTILLERIE 



LE PRINCE MPOLÉON-IOIIIS BONAPARTE. 



TOME PREMIER. 



PARIS 

J. DUMAINE, NBYBO ET suce, m G.-LAGUIONIE, 

(■AltOH AMSIUM) 

RUE ET PASSAGE DADPBINE. 36. 
1846 



Wl>- v^ô.^t. 



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AVANT-PROPOS. 



n y a plus de cinq siècles que les armes à feu parurent pour la 
première fois en Europe. Depuis cette époque le perfectionnement de 
ces armes n'a pas cessé d'être l'objet des travaux de la science et de la 
sollicitude des gouveimements. 

Quelle est la série des progrès réalisés jusqu'à nos jours dans l'art de 
lancer des projectiles au moyen de la poudre? 

Quelle influence ces progrès ont-ils exercée sur l'art de la guerre et 
sur la société elle-même? 

Par quels moyens ont-ils été obtenus ? 

Enfin quels sont les progrès réalisables dans un avenir prochain? 

Telles sont les questions que je me suis proposé de traiter. 

On ne peut décrire les différentes phases d'un art, sans foire en quel- 
que sorte l'histoire de la civilisation ; car tout se tient dans le savoir 
humain, et chacune de ses conquêtes a besoin du concours de toutes 
les autres. 

Pour donner au matériel de Tartillerie une construction convenable, 
il fallait pouvoir diriger cette construction d'après les lois de la mé- 
canique, de la physique, de la chimie, de la balistique; il fallait par 
conséquent avoir découvert et formulé ces lois. Pour arriver à intro- 
duire dans ce grand attirail de machines» l'uniformité, lasimplicité, la 
régularité, Tensemble nécessaires , il fallait que les gouvernements eux- 
mêmes eussent conquis et fondé l'unité , cette cause principale et fé- 
conde du progrès. 

Les inventions trop au-dessus de leur époque restent inutiles jusques 
au moment où le niveau des connaissances générales est parvenu à les 
atteindre. Ainsi, quel avantage pouvait présenter une poudre plus vive 



Tï AVANT-PROPOS. 

et plus puissante, quand le métal des canons n'était pas capable de ré-^ 
sister à Faction de cette poudre? De quel usage pouvaient être les bou- 
lets creux, tant qu on n'avait pas rendu leur chargement facile, exempt 
de danger, et leur explosion certaine? Â quoi pouvait servir, dans l'at- 
taque des places, le tir à ricochet proposé par des ingénieurs italiens du 
XVI' siècle, et employé plus tard avec tant de succès par Yauban, lors- 
que la fortification, aicore dani l'enfaûce, ofFrait moins de lignes 
ricochables que la fortification actuelle? Comment les essais d'artillerie 
à cheval, tentés au xvi* siècle, pouvaient-ils réussir, lorsque les con- 
séquences de la rapidité des mouvements sur les champs de bataille 
étaient si peu senties, que la cavalerie ne chargeait qu'au trot? 
Il existe donc une dépendance mutuelle qui oblige nos inventions 
à s'appuyer les unes sur les autres, à s'attendre en quelque sorte. 
Une idée surgit , elle reste à l'état dé problème pendant des an- 
nées, des siècles même, jusqu'à ce qu'enfin des modifications succès-^ 
siveslui permettent d'entrer dans le domaine de la pratique. On ne 
verra pas sans intérêt que depuis plusieurs siècles, selon toute probabi- 
litéy la poudre à canon était employée comme artifice, avant le jour où 
sa force motrice fut découverte, et que cette force, une fois reconnue, 
il fellut bien du temps encore pour rendre son application facile 
et générale. C'est que la civilisation ne procède point par bonds; 
elle suit une marche plus ou moins prompte, mais toujours réguhère 
et graduée. Il y a filiation dans les idées comme dans les hommes, et les 
progrès hqmains ont une généalogie dont on peut suivre les traces à 
travers les siècles, comme on remonte vers la source oubliée des grands 
fleuves. ' ^ 

C'est cette généalogie que je me suis appliqué à suivre et à décrire, et, 
la marche du progrès une fois bien constatée, j'ai cru sans trop de 
présomption pouvoir, en suivant son développement logique, indiquer 
quelle doit être sa direction future. 

Les armes à feu, je ne suis pas le premier à le dire, ont eontribué à 
faire renaître la tactique et la stratégie, à relever Fautorité royale, à 
réduire les grands vassaux et à créer la grande unité française. Ce fut 
l'action de l'arme sur la société ; puis est venue la réaction de la société 
sur Parme, et le pouvoir central fortifié, les vrais principes de l'art de 
la guerre rétablis ont à leur tour exercé une grande influence sur la con- 
struction et remploi des armes à feu. 



Mai» Mnu» c«t modificiitiQW ftwent trà« ImtM à «e praduire. L'«iw 
tillene à feu, comme tout ce qw twit à notw butfwnité, a'a pat gniA 
en un jour. Son enfance a duré un siècle. Pendant ce temps, eUe 
fut employée de concert avec les anciennes arme& do jet, avec les- 
quelles elle lutta quelquefok avec avantage, mM« souvent avecinftrio- 



nté 



L'artillerie, dispendieuse par sa nature, apperti»t d'abord ayx villes 
et aux diâteaux, parce qu'au nV siècle les villes et les ch&teaux étaient 
plus ncbes et plus puissante que les rois. En 1415, on voit encore Qax^ 
les VI prier ses bonnes ville» de vouloir bien lui prêter les engins, ca- 
nons et artilleries qu'elles pourraient avoir, afin de résUter aux Anglais, 
leur promettant de les leur rendre quand le danger serait passé 
(Monstrelei). Sous Charles VH, seulement, l'artillerie devint l'Anne 
de la royauté. 

Il n'est point vrai, comme on s'est plu à le dire, que la cbevalerie ait 
éprouvé de l'averwon pour les armes a feu. Le «avant M. Lacabanea 
etabU récemment par un vieux titre qu'il a découvert, que, dès 1339, 
un noble chevalier, le seigneur de Cardaillac fabriqua lui-même le* dix 
canon» nécessaires à la défense de Cambrai et que la poudre avait été 
faite par l'écuyer Etienne Morel. D'ailleurs, même avant l'adoption 
des armes à feu, les armées féodales tenaient beaucoup à leurs machines; 
car on voit saint Louis, dans le traité qu'il fit avec le soudan pour la 
reddition de Damiette, stipuler par un article à part qu'on hii rendra 
ses dix.huit engins. (Joinyille.) , 

Or, si la chevalerie tenait tant à des machines peu perfectionnées, 
pourquoi eût-elle méprisé desarmea'meilleum et plus efficaces? 

Quelques auteurs ont prétendu que Dogueschn avait témoigné 
son aversion pour l'artillerie i feu, en refusant en 136», au siège d'une 
abbaye en Périgord, des canons qu'on lui offrait; si ce» auteurs 
avaient lu avec attention h Chronique rimée de Cuvélier, le document 
le plus authentique que nous ayons sur le héros breton, ils auraient 
vu, que Dugueschn ne refusa pas des canons, mais des engins; or, sous 
ce nom, le» dironiqueurs du xiv« siècle ne désignaient pas en général les 
armes i feu, mais des machines à contre-poids; ils donnaientaux pre- 
mières, les nom»»pédaux decanon»,bombarde» ou engins àpotubv. D'ail- 
leurs, quelque soit le »en» qu'on donne au mot engin, cet exemple ne 
prouverait encore rien; car l'année précédente, c'e»t-à-dira en 1368, 



vm AVANT-PROPOS. 

Duguesclin avait lui-même dirigé les engins dressés devant Tarascon, 
et Cuvélier nous apprend qu'il alla trouver les ingénieurs. 

Et dit au geteours : « Faites et si getez^ 
Nous avérons la viUe^ si croire me volez. » 

Quant à Bayard et à Montluc qu'on cite comme ayant dédaigné les 
armesàfeuy je prouverai qu'avant eux, aucun capitaine n'en fît un 
aussi judicieux emploi. 

Je tâcherai de démontrer qu'il n'existait plus au moyen âge d'artil- 
lerie névrobalistique; car on entend par ces mots les macliines qui 
avaient pour moteur la force de torsion des câbles de nerfs. A cette épo- 
que, la batiste et la catapulte des Romains n'étaient plus en usage, et 
les machines employées dans les sièges n'étaient pas capables de &ire 
brèche à des murs tant soit peu épais. 

U n'est point vrai non plus que les fusées volantes aient été employées 
dès les premiers siècles de l'introduction de l'artillerie à feu ; on a été 
induit en erreur par les mots d! engins volants ^ de rochette et m^me de 
fusée. Les engins volants, bien loin d'être des fusées volantes, étaient 
des machines à contre-poids qui lançaient des pierres, et on entendait 
par rochette ou fusée, des flèches à feu. J'ai même été assez heureux 
pour trouver la date exacte de l'importation des fusées volantes en 
France, innovation qui eut lieu en 1432, mais qui resta longtemps en- 
core sans application réelle. » 

Dans un grand nombre.d'ouvraees, et entre autres dans les traités de 
Mauvillonet de Carrion de Nisas, on signale l'abandon des armes défen- 
sives comme un des effets les plus remarquables de la poudre à canon. Je 
ne partage nullement cette opinion; je crois que la difficulté de se procu* 
rer des armes en grand nombre, et surtout le besoin de rendre l'infenterie 
plus mobile , ont seuls causé ce changement partiel. Je montrerai, en 
effet y que les hommes de guerre au moyen âge ne pouvaient se procurer 
qu'avec peine des armures entières; la cavalerie allemande, d'après Ma- 
chiavel, n'en avait jamais de complètes. Je rappellerai que si l'homme 
d'armes était suivi de 6 à 7 satellites', lui seul était entièrement couvert 
de fer ; que, sous Louis XII^Guicciardin nous apprend que le roi appe- 
lait une grande armée, celle où il comptait seize cents lances ou hommes 
d'armes, tandis que de nos jours nous avons vu sur un champ de bataille 



AVANT-PROPOS. n 

jusqu a huit mille cuirassiers. D'un autre côté, les masses d'hommes 
de pied que les chevaliers croisés emmenèrent à la conquête de la terre 
sainte n avaient point d'armes défensives, et ilsne pouvaient pas en avoir 
à cause de leur grand nombre; si au xiv* et au xv* siècle en France, 
en Espagne, en Italie, les fantassins ont été couverts de corselets ou 
de plastrons rembourrés d ctoupe, la meilleure infanterie de cette 
époque, c'est-à-dire 1»» archers anglais, les Suisses et les lansquenets, 
n'avaient pour la plupartpoint d'armures défensives. A Azincourt, les 
archers anglais, d'après un témoin oculaire, Lefèvre de Saint-Remy, 
étaient sans armures et nu-pieds; à Marignan, les Suisses, pour être 
plus libres dans leurs mouvements, jetèrent leurs bonnets, leurs cha- 
peaux et même leurs souliers. {Fie du connétable de Bourbon.) L'ar- 
mure de fer plus ou moins complète a donc toujours été, sauf quelques 
exceptions, le propre de la grosse cavalerie, et il en est encore de même. 

Je suis loin d'avoir la prétention de ne |ias m'étre trompé; mais au 
moins mes lecteurs pourront vérifier eus-mémes mes assertions, car 
j'appuie tout ce que j'avance par de nombreuses citations. Quand on 
parle d'une époque obscure du passé, on ne saurait prétendre être cru 
sur paroV; il ne suffit même pas d'indiquer la source où Ton a puisé ses 
renseignements, il faut, pour les choses importantes^ donner le texte 
même ; souvent le lecteur peut interpréter d'une manière différente le 
passage sur lequel on fonde son raisonnement. 

Je n'ai pas voulu faire un roman, mais une histoire consciencieuse; 
et, tout en étudiant avec amour Tartilleriê dans ses origines et ses effets, 
j'ai cherché à ne pas exagérer les résultats généraux qu'elle a produits. 
Le rôle qu'elle a joué dans les batailles où s'est décidé le sort des na- 
tions, le rôle quVIle a joué dans les sièges ou le pouvoir central était 
sans cesse aux prises avec la féodalité, la purt qui lui revient dans les 
progrès de la civilisation , dans l'application des sciences les plus di- 
verses, sont des faits que jai cru suffisant d'indiquer à leur place pour 
les faire apprécier à leur juste valeur. 

Quoique Tartillerie de campagne n*ait été réellement sépai*ée de Tar- 
tillerie de siège que par Gribeauval, je me àuis vu forcé de séparer, dès 
le principe, Thistoire de ces deux branches; parce que Femploi de lar- 
tillerie sur les champs de bataille n'a aucun rapport avec Temploi 
de l'artillerie dans Tattaque ou la défense des places, et que l'influence 
de l'arme a été bien différente dans les deux cas. 

h 



X AVANT-PROPOS. 

L'artillerie fit des progrès très rapides dans la guerre de siège, et son 
influence y fut souveraine ; tandis que sur les champs de bataille, une 
foule d'éléments divers agirent simultanément sur l'armement , Tor- 
donnance et les mouvements des troupes. 

Après avoir constaté les faits relatif à l'artillerie de campagne, j'ai 
voulu remonter aux causes des transformations si diverses et si nom- 
breuses qu'on a trop exclusivement attribuées à l'artillerie. J'ai cher- 
ché à exphquer pourquoi les hommes d'armes qui , montés sur de 
grands chevaux bardés de fer comme eux, régnèrent si longtemps en 
maîtres sur les champs de bataille, furent obligés de se jGaire infanterie 
et de combattre à pied pendant cent cinquante ans; pourquoi ils re- 
montèrent à cheval; pourquoi ils quittèrent la lance et adoptèrent les 
armes à feu avec plus d'empressement que l'infanterie ; pourquoi en- 
fin la cavalerie abandonna Tordre mince pour l'ordre profond et revint 
ensuite à l'ordre mince. J'ai cherché à expliquer pourquoi l'infanterie , 
assez compacte au commencement du xiv' siècle, se disposa bientôt 
en lignes sans profdndeur, pour adopter , dès la fin du xv* siècle, un 
ordre profond qui , à partir du xvi"* siècle , a été en diminuant jusqu'à 
nos jours; pourquoi enfin elle abandonna successivement l'arc, la pique, 
l'arquebuse, le mousquet, jusqu'à Fadoption du fusil à baïonnette, in- 
vention qui lui permit d'agirà la fois commearme de jet et arme de choc. 

Les causes de tous ces changements £ont intéressantes à approfondir, 
parce que cette mvestigation montre toujours quel était, aux différentes 
époques, l'élément prédominant dans les batailles; car, l'organisation 
des armées n'a jamais été le résultat d'une théorie préconçue d'une 
manière plus ou moins scientifique, mais la conséquence forcée des 
nécessités qui , dans le moment , se faisaient le plus impérieusement 
sentir. 

Ainsi, au xiV' siècle, tout cède devant l'homme d'armes à cheval, 
mais aussi tout change pour lui résister. Au xv« siècle, tout se trans*- 
forme pour résister à l'archer; au xvi% tout se modifie pour résister 
aux gros bataillons de piquiers ; enfin, vient te règne du canon, qui 
domine tous les ordres de bataille et force infenterie et cavalerie à 
obéir à ses lois. 

C'est surtout en parlant de l'artilerlie qu'on peut dire avec vérité 
qu'une petite cause produit quelquefois de grands effets. Ainsi, la sub- 
stitution des boulets de fer aux boulets de pierre, l'invention des affûts 



AVAfrr-PROPos. n 

tor roaes» et de» avant-trains, le mode d'attelage» Tadoption des diar- 
ges faites d'ayanoe, la position des boulets creui dans l'âme de la pièce, 
le tir à ricochet dans Tattaquedes places, l'organisation de Tartilleneà 
cheval, enfin, une foule d'autres améliorations, minimes en dles-mémes, 
ont toutes exercé de l'influence, non-seulement sur l'art delà guerre, 
mais encore sur les destinées des peuples. 

En examinant les différentes phases que l'art a dû parcourir avant 
d'arriver au système d'artillerie simple et efficace que nous possédonsau- 
jourd'hui, on restera convaincu que le progrès a deux ennemis redouta- 
bles: les innovations imprudentes et la routine. On verra de tout temps 
se produire des systèmes ou des inventions absurdes. Ainsi, au xv' siècle, 
les Anglais menèrent à la suite de leurs armées une grande charrue traînée 
par 50 chevaux, qui devait, d'un seul coup, ouvrir la tranchée autour 
des places comme on creuse un sillon. Dès le xiv' siècle, il y avait des 
espèces d'oi^ues à trois étages tirant 140 balles à la fois. Sous Louis XII, 
on construisit à grands frais une espèce de parapet en bois muni d'ar- 
quebuses et de lances, afin d'entourer toute l'armée quand elle campait, 
tout juste comme on parque des moutons. On verra des bouches à feu 
de toutes les dimensions ; des projectiles de foutes les sortes, depuis les 
bombardes lançant un boulet de 700 kilogrammes, jusqu'aux serpen- 
tines de 10 mètres de longueur lançant une balle de 15 granunes ; pois 
les canons à parasouffles de l'an xi, et enfin , les canons à vapenr, tdb 
qu'ils ont été proposés de nos jours. 

Tout ce qui est compliqué n'a jamais produit de bons résultats i la 
guerre; et les preneurs de systèmes oublient toujours, que le faut du pro* 
grès doit être d'obtenir le plus grand effet possible avec le moins d'efiRxrt 
et de dépense. 

D'un autre côté, la routine amoureuse des vieilles pratiques a con- 
servé pendant des siècles les usages les plus stupides. Qui croirait, par 
exemple, que les pots de chaux vive, préconisés par Yégèce au iv« siècle 
de notre ère, et par l'empereur Léon au ix^siède, comme moyen d'aveu- 
gler les assaillants,soient restés en usage dans les sièges jusqu'au xn* siè- 
cle? Qui croirait que les propriétés miraculeuses qu'on attribuait, 
dès le xn« siècle, au mercure ou vif-argent dans les compositions des 
projectiles incendiaires, soient restées en honneur chez les artificiers 
jusqu'à la fin du règne de Louis XI?? Jusqu'à cette époque^ on ne eo»- 
struisait pas un pétard sans mettre un peu de mereuredans ladhai^ge. 



xif AVANT-PROPOS. 

Non-seulement la routine conserve scrupuleusement comme un dépôt 
sacré les vieilles erreurs, mais elle s'oppose encore de toutes ses forces 
aux améliorations les plus légitimes et les plus évidentes. 

Rien de plusinstructif que de lire les discussions qui eurent lieu à 
propos du système que Gribeauval finit par faire triompher. On verra 
de combien d'arguments s'emparaient les Vallière fils, les Dupujet, les 
Saint-Âuban, pour entraver les importantes réformes de ce général; 
et , chose singulière, c'est que toutes les objections qu'on faisait au 
système de Gribeauval étaient fondées; mais ce qu'il y avait de mieux 
fondé encore, c'étaient les avantages que ce système procurait. 

Toutes les fois qu'une idée nouvelle surgit, elle amène avec elle de 
nouveaux avantages et de nouveaux inconvénients. L'œuvre du génie est 
d'établir la balance et de voir de quel côté le plateau incline. 

Comme je n'ai eu principalement en vue que les progrès de l'artille- 
rie française, je n'ai parlé des troupes étrangères, qu'autant que leur his- 
toire se liait intimement à la nôtre, ou qu'elle me fournissait des exem- 
ples que je n'aurais pas trouvés ailleurs. J'ai omis tout ce qui concerne 
l'artillerie de marine; c'eût été une histoire toute particulière à faire ; il 
eûtfallu parler delà construction des vaisseaux et des combats de mer, 
questions qui m'eussent entraîné trop loin.' On ne trouvera aucun ren- 
seignement sur l'histoire des ponts militaires, parce que, je l'avoue, mon 
plan m'a paru assez vaste tel qu'il est , et que cette histoire spéciale, 
malgré son importance , n'a pas de relation directe avec l'histoire des 
armes à feu; cependant je ferai remarquer en passant que,depuis le maî- 
tre canonnier Girauld, qui construisit un pont sur la Seine,' après la 
bataille deMontlhéry enl465,rartillerie a presque toujours été chargée 
de la construction des ponts. 

Je terminerai en exprimant le regret que l'idée émise un jour par 
l'Empereur n'ait pas été exécutée; mon ouvrage en eût tiré un im- 
mense bénéfice. Cet homme, qui a pensé à tout, voulait que les savants 
créassent des catalogues raisonnes par ordre de matières où tous les au- 
teurs qui ont écrit sur une branche quelconque du savoir humain , fus- 
sent classés par siècles et jugés d'après le mérite de leurs œuvres. Deceite 
manière, ceux qui désireraient écrire l'histoire d'un art ou d'une science 
ou faire un voyage lointain , trouveraient facilement les sources au- 
thentiques où il faudrait aller puiser leurs renseignements. Aujourd'hui, 
au contraire, l'homme studieux qui veut s'instruire ressemble à un voya- 



AVANT-PROPOS. xni 

geur qui pénètre dans an pays dont il n'a pas la carte topographi- 
qae, et qui est obligé de demander son chemin à tous ceux qu'il 
rencontre sur sa route. C'est, en effet, ce qui m'est arrivé; et si j'ai 
trouvé quelques cœurs secs qui ne m'ont pas réfK>ndu, j'en ai trouvé 
d'autres qui ont bien voulu, par une louable générosité, me donner tous 
les renseignements dont ils pouvaient disposer : ma position exception- 
nelle me force à taire leurs noms, mais je conserverai avec reconnaissance 
le souvenir de leurs bons procédés. Une personne surtout, amie d'en- 
fance, a bien voulu (aire pour moi les recherches nécessaires dans les 
manuscrits de la Bibliothèque royale. Si mon ouvrage a quelque valeur, 
c'est à elle que je le devrai, car c'est par elle que me sont venus les do- 
cuments les plus intéressants et les plus précieux. 

Je dois aussi remercier M. de Salvandy de m'avoir laissé consulter ici, 
à Ham, les manuscrits de la bibliothèquede l'Arsenal dont j'avais besoin. 

Quant aux dessins, un de mes amis, le docteur Conneau, qui partage 
aujourd'hui volontairement ma captivité, les a exécutés sous ma direc- 
tion avec un zèle qu'aucune difficulté n'a pu décourager. Ils sont tous 
copiés sur des manuscrits, sur des livres anciens ou sur de vieilles 
pièces encore existantes; je n ai (ait que rétablir ceux qui, par la négli- 
gence des premiers dessinateurs, étaient peu intelligibles. 

Les planches du premier volume représentent les différentes artille- 
ries vues en perspective, parce qu'elles n'ont pour but que de donner 
une idée des constructions usitées à différentes époques; d'ailleurs, 
les dessins originaux étaient ainsi faits; dans le second volume, au con- 
traire, tous les dessins sont mathématiquement exécutés. 

Pour entreprendre un travail de si longue haleine, il me fallait un 
puissant mobile, ce mobile c'est l'amour de l'étude et de la vérité his- 
torique. J'adresse donc mon ouvrage à tous ceux qui aiment les sciences 
et l'histoire, ces guides dans la prospérité, ces consolateurs dans la mau- 
vaise fortune. 

J'ai écrit cet avant-propos il y a un au; alors je comptsiis terminer mon 
c u vrage dans ma prison ; mais un devoir sacré m'appelle hors de France. 
Libre, je continuerai avec la même persévérance une étude qui a adouci 
Tamertame de ma captivité. 

NAroLSoN- Louis BONAPARIL. 
P«rt dp H«in, l« i4 mai U4«. 



«ÉHÉKAL 



DE L'OUVRAGE. 



fois riEIIEI. 



PRiCIS HISTORIQUE DE l'iNFLUENCE DES ARMES A FEU SUR LE CUAMF 

DE RATAIIXE* 

LIVRE I. 

CHAPITRE PREMIER. 
>i—iln pénod» éft 1SS8 à 1461 oa àt Maippe éit Talaîs à Zmm ZI. 

Compotttioa des armées au xit« siècle. -- Armement des troupes. — L'organisa- 
tion militaire révèle Tétat politique de la société. — Prépondérance de la cavale- 
rie. -- InQuence des archers anglais. — La crainte que les nobles ont du peuple, 
cause de nos revers. — La chevalerie obligée de se faire infanterie. — Charles VII 
fortifie le pouvoir central. — Compagnies d'ordonnance. — Francs-archers. —Re- 
naissance des bons principes.— Les armes à feu contribuent à cet heureux résultat; 
cependant elles ne produisent de bons eflets que dans les opérations secondaires 
de la guerre. — Première artillerie de bataille. — Elle fortifie les positions , rend 
les généraux circonspects. — L'arc est toujours la meilleure arme de Vinfan- 
terie. 

Planche I, représentant Tare, l'arbalète et l'artillerie de bataille, avant remploi 
de la poudre. 

Planche II, représentant le caractère de la première artillerie à feu de bataille. 

CHAPITRE II. 
ém IMl à ISIS, «1 àt iMÎf XX à yi—foii I«. 



Composition des années. — Armement des troupes. — L'inlanterie acquiert uoe 
nouvelle influence. — Louis XI, Charles le Téméraire, les Suisses, représentent 
trois systèmes politiques et militaires diflérents. ^Deux éléments contraires pren- 
nent naissance : une artillerie formidable et l'ordre profond de Tinfanterie. — La 
pique devient la première des armes.— Exagération des auteurs sur le nombre des 
conons qu'emmena Charles VIII en Italie. — Eflet moral de Tartillerie très grand 
dans les batailles. — L'artillerie relarde et paralyse les mouvements des troupes. — 
Le duc de Ferrare, premier canonnier d'Europe. — Armes h feu de l'infanterie. — 
Eflet décisif de l'artiUerie aux batailles d'Aigoadel et de Ravenne. 



xTi AVANT-PROPOS. 

Planche représentant le caractère général de Tartillerie de bataille pendant cette 
période. 

CHAPITRE UI. 

Troinème période, de 1515 à 1591| ou de François I" à Henri IT. 

L'orgueil des Suisses et Torgueil de la noblesse se refusaient ë obéir aux effets 
de Tartillerie. — Marignan châtie les Suisses et Pavie la noblesse. — L'infan- 
terie agit par le choc et la cavalerie commence à agir par le feu, les haquebu- 
tiers et les harquebusiers. — Artillerie de Charles-Quint. — Ordonnance et arme- 
ment des troupes. — L'état général de Tartillerie suit jusqû*à Henri H une marche 
progressive. — Les troubles religieux introduisent la confusion partout; cepen- 
dant la nature de la guerre oblige à rendre rartillerie plus mobile. 

Planches représentant le caractère général de rartillerie de bataille pendant 
cette période. 

CHAPITRE IV. 

Quatrième période, de 1591 à 1643, ou de Henri IT à &on ZIT. 

Henri IV doit la plupart de ses succès au bon emploi qu'il fit de Tartillerie dans 
ses batailles. — Artillerie du prince Maurice de Nassau. — Guerre de Trente-Ans. 
— Gustave- Adolphe perfectionne les divers éléments qui composent les armées. — 
Ordonnance et armement des troupes suédoises, allemandes et françaises h cette 
époque. — Influence exercée par Gustave-Adolphe. — L'ordre profond et TorJre 
mince. — Les gros et les petits calibres de campagne. 

Planches représentant le caractère général de l'artillerie de campagne pendant 
cette période. 

LIVRE II. 

CHAPITRE PREMIER. 

Cinquième période, de 1643 à 1789, ou de &oû JLXV à la révolatMm françaîie. 

Ordonnance ei armement des troupes. — L'emploi des armes à feu n'a été pour 
rien dans Tabandon des armures. — Pesanteur du matériel d'artillerie. -~ Epoque 
de transition. — Multiplicité des différentes armes. — Campagnes de Coudé , 
Turenne et Montécuculli. — Frédéric II. — Création de rartillerie à cheval. — 
Emploi de l'artillerie dans les batailles de Frédéric. — Armement des troupes prus- 
siennes. 

Planche représentant le caractère général de l'artillerie de campagne pendant 
cette période. 

CHAPITRE IL 

aînème période, de 1789 à I8I5. 

Ordonnance et armement des troupes.— Relation des trois armes.— Supériorité 
de rartillerie à chevaL — Emploi de Tartillerie à pied. — Inflamce de l'empereur 



ATANT-PROPOS. xyii 

Napoléon nir Tari de la guerre; emploi qu'il fait de rariillerie ~ Campagnes 
d'Italie en 1796 ^ Campagne d*Égypte. — Harengo. — Austerlitz. — Wagram. — 
Campagne de Runie. —Campagnes de 1813 et 181b. ^ Embarras que l'empereur 
éprouve pour les approvisionnements. —Ses idées sur le rôle de l'artillerie dans les 
batailles. 

Planches représentant le caractère général de rartillerie de l'empire ou du sys- 
tème Gribeauval. 

CHAPITRE III. 



Considérations sur le caractère général des artilleries de campagne modernes.-— 
Planches. 



»co œ— 



TOIE SECOND. 

PEÉCI8 HISTORIQUE DE l'iNFLUENCE DES ARMES A FEU 
DANS LA GUERRE DE SIÈGE* 

LIVRE I. 

CHAPITRE PREMIER. 

VraHèr* pénod», d« ISSS à 1M9, oa d« VhO^pe d« TalQÛ à IM» XI. 

Fortification des villes et des châteaux au xiv* siècle. —Description avec plan- 
ches des anciennes machines usitées dans les sièges. ^ Supériorité des armes à feu 
pour la guerre de siège. — L'artillerie à feu rend d'abord la défense supérieure à 
l'attaque. — Sous Charles VII seulement, l'attaque des places devient bien supé- 
rieure à la défense. — Cette supériorité contribue à asseoir le pouvoir royal et à dé- 
livrer la France du joug étranger. — Approvisionnement des places et composition 
d'un parc de siège à cette époque. 

Planches représentant le caractère général de l'artillerie de siège et de place 
pendant cette période. 

CHAPITRE n. 

■■■■■<■ piiiuJt, àm 14tl à mSt g» àm %a^ XI à Franyâi l*^ 

État de la fortification sous Louis XI. — Les eflets de l'artillerie sont surtout ir- 
résistibles contre les châteaux et les petites places.— Recommandations de Louis XI 
â cet égard au connétable de Salnt-Pol. --Mauvaises dispositions de Charles le 
Téméraire à Beauvais et à Neuss. — Supériorité de l'artillerie française. — Char- 
les Vni possède la première artillerie de siège de l'Europe. * L'Italie tremble de- 
vant 40 canons de siège. —Les mines h feu paraissent rendre toute fortification 
ton I. c 



xYiii AVANT-PROPOS. 

impossible.— On les emploie pourtant presque en même temps à la défense. — La 
fortificalion des grandes places se perfectionne. — Siège de Paàoue, etc. 

Planches représentant le caractère général de Tartillerie de siège et de place 
pendant cette période. 

CHAPITRE II. 

Troisièiiie période, de 1515 à 1591 , ou de François 1^ à Henri XV, 

Système de fortification perfectionné. — San-Micheli, Busca, Marchi, Bona- 
juto Lorini. — Progrès de la défense. — Siège de Mèzières (1520). — Siège de Pé- 
ronne (1536). — Siège de Landrecies (15î3). — Siège de Metz (1552). — Siège de 
Saint-Quentin 1557). — L'artillerie de siège négligée pendant les troubles de la 
ligue. 

Planches représentant le caractère général de Tartillerie de siège pendant cette 
période. 

CHAPITRE IV. 

Quatrième période, de 1591 à 1643, ou de Henri XV à Iiofus ZIV. 

Fortification des villes. — Emploi du pétard. — Errard de Bar-le-Duc et Devillc. 
— L'artillerie se perfectionne sous Henri IV, à mesure que le pouvoir royal se for- 
tifie. — Siège d'Anvers (1593). — Siège d'Ostende (1601). — Force militaire sous 
Richelieu. — Siège de La Rt)chelle (1627). ~ Attaque et défense des places pen- 
dant la guerre de Trente-Ans. — Faiblesse de rartillerie pendant la guerre de la 
Fronde. 

Planches représentant le caractère général de l'artillerie de siège pendant cette 
période. 

LIVRE ir. 

CHAPITRE PREMIER. 

Oinqiiîènie période, de 1643 à 1789, on de Iioms 3LXV à la révolntùm françaûe. 

Fortification de Pagan, Cormontaingne et Vauban. — Système de ce dernier. — 
Sa méthode pour l'attaque des places. — Supériorité de l'attaque. -— La fortifica- 
tion en se perfectionnant a produit un effet désastreux sur le moral des troupes | 
qui défendent les t>laces. — L'importance des petites places fortes diminue de 
plus en plus. 

Planches représentant le caractère général de l'artillerie de siège de Vallière. 

CHAPITRE II. 
abdième période, de 1789 à 1815. 

Siège de Saint-Jean-d'Acre. -^ Sièges en Allemagne. — Sièges en Espagne — 
Idées de l'Empereur sur le rôle des places fortes^ sur la défense des côtes et des froB- 
tièresy sur le nombre des équipages de siège nécessaires à la France. i 



AVANT-PROPOS. m 

Planches représentant le caractère général de rartillerie de siège et de place du 
système Gribeauval. 



TOHE TROISIÈME. 

DESCRIPTION TECHNIQUE DBS PROGRÉS ET DES MODITICATIONS QU'a SURIS 
l'artillerie DEPUIS l'iNTENTION de la poudre jusqu'à NOS JOURS. 

LIVRE I. 
partie première. 

Origine. 

chapitre premier. 

Recherches sur Torigine de la poudre à canon. Comment on doit poser la ques- 
tion. 

CHAPITRE H. 

Les armes à feu sont une inTention européenne que ni les Chinois, ni les Indiens, 
ni les PerseSi ni les Arabes n*ont connue avant nous. 

CHAPITRE lit. 
Ce qu'était le feu grégeois. 

CHAPITRE Vf. 
La poudre était connue au xni* siècle, mais non Tartillerie à feu. 

CHAPITRE V. 

Documents les plus reculés et les plus certains de remploi de la poudre comme 
moteur. 

PARTIE SEœNDE. 

Fabrication de la pomdre. 

CHAPITRE PREMIER. 

Différents procédés d'extraction et de purification du salpêtre dep ui s le it y* siècle. 
— Soufre et charbon. 

CHAPITRE H. 

Différents dosages depuis le xir* siècle. 

CHAPITRE m. ' 

Phases différentes des procédés de fabrication. 



xr AVANT-PROPOS. 

PARTIE TROISIÈME. 
Diverses méthodes employées pour mesurer la force de la poudre. 

PARTIE QUATRIÈME. 
Différentes théories de son inflammation. 

PARTIE CINQUIEME. 

Approvisionnements de la France en poudre, à différentes époques. — Opinions 
de TEmpereur. 

LIVRE IL 

PARTIE PREMIÈRE. 

Bouches à feu elasêées par etpèeee. 

CHAPITRE PREMIER. 

Premières dénominations. — Dénominations génériques et dénominations d'es- 
pèces. — Etymologies curieuses. 

CHAPITRE II. 

11 faut distinguer les noms d'espèces des noms propres; la connaissance des pre- 
miers est très intéressante, la seconde ne Test pas. — Canons et courtauts. — Bom- 
bardes.— Mortiers ou trébucs. — Veuglaires. — Couleuvres. — Coulevrines et basi- 
lics. -— Serpentines.— Crapaudines. — Passevolants. — Ribaudequins. — Faucons 
ou sacres, fauconneaux ou sacrets. — EmeriUons. — Espringales. — Cardinales.— 
Verats. — Bâtardes. — Moyennes. — Dragons volants, etc. 

PARTIE SECONDE. 

Baueheê à feu elasêées diaprée leur matière première. 

CHAPITRE PREMIER. 

BOUGHBS ▲ FBO BR FER PORGÉ, BN BOIS BT EN CUII. 
SECTION PBBMIÈRB. 

Canons de /e»-.— Formes générales.— Canons se chargeant par la culasse.— Leur 
construction. — Planches. — Canons d'une seule pièce en fer forgé. — Leur con- 
struction. — Planches. — Essais sans cesse renouvelés depuis 500 ans. 

SBCTION II. 

Canons en bois. — Leur construction.— Usités jusqu'au xvii* siècle. — Planches. 

sBcnoN m. 

Canons en euir de Victor Pisani en 1385, de Marinus de Marinis et de Gustave- 
Adolphe. 



AVANT-PROPOS. m 

CHAPITRE IL 

•O0CHI8 ▲ riD BR BlOIltB. 
SBCnOll niBMiftBB. 

Formes extérieures. — Canons et bombardes se chargeant par la culasse M^ 

thode de charger par la culasse employée k diverses reprises jusqu'à Louis XIV.— 
Planches. 

SBCnON II. 

Canons d*une seule pièce. — Variation des formes extérieures. — Formes inté- 
rieures. — Dimensions principales. — Position différente de Taxe des tourillons à 
diverses époques. — Embases. — Lumière. — Sa position variable. — Moyens dif- 
férents pour faciliter sa conservation depuis Louis XIL — Clayette , masse et grain 
de lumière. — Longueur des pièces à diiSérentes époques. — Épaisseur du métal.— 
Planches. 

SBCTI02I III. 

Obusiers courts. ~ Obusiers longs. — Leur construction. 

SBCnOBIV. 

Mortiers, Pierriers. — Leur construction. 

SSCTI05 V. 

Fabrication des bouches k feu en bronze. — Différents alliages employés à diffé- 
rentes époques. ^ Moulage. — Fusion. — Coulage. — Porage. — Tournage. ^ Per- 
cement de la lumière. — Épreuve. — Vérification. — Durée des bouches à feu. 

CHAPITRE III. 

BOUCHBS ▲ rao BR rOBTB DB FBK. 

Leur premier emploi, leur abandon. — Tentatives sans cesse renouvelées. — 
Leur construction. 

PARTIE TROISIÈME. 

B<mek$$ à fm cloiêées par épaques. 

CHAPITRE PREMIER. 

Premières bouches k feu. — Leur calibre. — Leur poids. — Leurs dimensions 
principales. — Planches. 

CHAPITRE il. 
Bouches à feu de Charles Vn. — Calibres. 

CHAPITRE m. 
Bouches h feu de Chartes le Téméraire. ^ Calibres. — Planches. 

CHAPITRE IV. 
Bouches k feu de Louis XI. — Calibres. 

CHAPITRE V. 
Bouches h feu de Chartes VIII. -* Calibres. — Planches. 



XXII AVANT-PROPOS. 

CHAPITRE VI. 
Bouches à feu de Louis XII et de François V\ — Calibres. 

CHAPITRE VH. 
Bouches à feu italiennes du xvi' siècle. ~ Calibres.— Planches. 

CHAPITRE VUI. 
Bouches à feu de Charles-Quint. — Calibres.— Planches. 

CHAPITRE IX. 
Bouches à feu de Henri II. — Calibres. — Planches. 

CHAPITRE X. 
Bouches k feu de Maurice de Nassau. — Calibres. 

CHAPITRE XI. 
Bouches à feu de Gustave- Adolphe. — Calibres. 

CHAPITRE XIL 
Bouches à feu usitées en Alleinagne vers le milieu du xvii* siècle. — Calibres. 

CHAPITRE XIII. 
Bouches à feu de Louis XIV. — Calibres. 

CHAPITRE XIV. 
Bouches à feu de Frédéric le Grand. — Calibres. 

CHAPITRE XV. 
Bouches à feu de 1732, ou système Vallière.— Calibres. 

CHAPITRE XVI. 
Bouches à feu de 1765, ou système Gribeauval. — Bouches à feu espagnoles, ou 
. système Gribeauval modifié. — Calibres. 

CHAPITRE XVII. 
Système bâtard de l'an xi (1803). 

CHAPITRE XVIH. 
Bouches à feu modernes. — Calibres français, autrichiens, prussiens, russes, an- 
glais, bavarois, espagnols, hollandais, suédois, saxons, piémontais, napolitains , 
)>elge8, suisses. 

PARTIE QUATRIÈME. 

Bouches d feu extraordinaires, 

LIVRE III. 

PARTIE PREMIÈRE. 

Projectiles pleins. 
CHAPITRE PREMIER. 
Premiers projectiles en fer forgé. — Carreaux. — Incertitudes des auteurs à ce 
sujet. — Descriptions certaines. — Planches. 



AVANT-PROPOS. mu 

CHAPITRE IL 

Projectiles en plomb. --Carreaux ou dés en fer recouverts de plomb. — Leur 
usage. 

CHAPITRE IlL 

Boulets de pierre. — Leur origine. — Leur poids. — Leur veut. — Avantages 
pour les gros calibres, inconvénients. 

CHAPITRE IV. 
Boulets de fonte de fer. — Leur origine. — Leur poids. — Leur vent à différen- 
tes époques. — Leur vérification et réception. 

PARTIE DEUXIÈME. 

ProjeetUeê creux, 
CHAPITRE PREMIER. 
Boulets creux en cuivre ou en fer. — Leur emploi. - Figures. 

CHAPITRE H. 
Grenades en verre, en bronze et en fer coulé. — Leur origine et leur emploi. — 
Leur coulage. — Leur chargement h diû'èrentes époques. 

CHAPITRE m. 
Bombes.-- Causes qui ont retardé leur emploi. —Leur chargement. — Lear 
usage. — Leur fabrication. — Calibres. 

CHAPITRE IV. 
Obus. — Origine et emploi. — Leur chargement. 

PARTIE TROISIEME. 

Mitraille ou tempéteê, perdreaux, dragées, grêUe, boites à balles. 
CHAPITRE PREMIER. 
Pierres. — Leur emploi. — Leurs inconvénients. 

CHAPITRE H. 

Balles de plomb employées au xvi* siècle. — Leurs inconvénients et leurs avan- 
tages. 

CHAPITRE 111. 

Balles en fer fondu et en fer forgé. — Lear usage et leur poids. — Inconvénients 
•t avantages. ~ Différentes constructions des boites à balles, à diverses époques. 

CHAPITRE IV. 
Sbrapnells ^u boites à balles sphériques. — Difficulté de construction. 

CHAPITRE V. 
Projectiles extraordinaires. 



XXIV AVANT-PROPOS. 

PARTIE QUATRIEME. 

Projectiles incendiaires, 
CHAPITRE I«. 
Flèches à feu tirées pendant longtemps dans les canons. — Planches. 

- CHAPITRE H. 

Pierres ardentes. — Planches. 

CHAPITRE m. . 
Balles à feu. — Pots à feu. — Planches. 

CHAPITRE IV. 
Boulets rouges. — Employés bien avant Tadoption des armes à feu. — Leur em- 
ploi. 

CHAPITRE V. 

Fusées volantes. — Erreurs des auteurs qui prétendent qu'on les employa dans 
les sièges au ziv« siècle et au xv* siècle. — Leur emploi aux xvi' et xvir siècles. ~ 
Construction à différentes époques. — Calibres. 

CHAPITRE VI. 
Autres artifices de guerre. — Empirisme des compositions.— Planches. 



TOME OVÂTRIëMë. 

AJPJPWTSf JET VOMTUHMBfif, 

LIVRE I. 

PARTIE PREMIERE. 
CHAPITRE PREMIER. 
Premiers affûts de campagne et de siège. — Planches. 

CHAPITRE II. 
Affûts de campagne des xvi^, xvii», xviir et xix» siècles.— Planches. 

CHAPITRE ni. 
Affûts de siège des xvi*, xvn% xvni« et xix» siècles. — Planches. ■ 

CHAPITRE IV. ^ 

Affûts de place et de côte des xvr, xvir et xviii» siècles. — Planches. 
PARTIE DEUXIEME. 
Chariots porte^eorps et engins pour les manoeuvres de force. 
Chariots porte-corps des xv% xvi% xvii% xviii* et xix* siècles, verrins, treuil, pied- 
de-chèvre, chèvre, etc. 



AVANT-PROPOS. xxy 

PARTIE TROISIEME. 
Voitures de munitions. 

CHAPITRE !•'. 
Voituret da xit* siècle, à poudre et à boulets. ^ Planches. 

CHAPITRE H. 
Voitures du xvi« siècle. _ Planches. 

CHAPITRE III. 
Voitures du xvii* siècle. — Planches. 

CHAPITRE IV. 
Voitures du itiu* siècle. — Planches. 

CHAPITRE V. 
Voitures du ixv siècle. * Planches. 

LIVRE IL 

CHAPITRE W. 
Multiplicité des objets de rechange dans l'artillerie des xti* et xtii* siècles. 

CHAPITRE n. 
Rechanges de l'artillerie Gribeauval, comparées à celles de l'artillerie actuelle. 

LIVRE m. 

CHAPITRE PREMIER. 
Modes employés aux diverses époqpies pour charger les pièces. — Charges diflé- 
rentes. 

CHAPITRE H. 

ApproTisionnements des bouches à feu à diverses époques. 

CHAPITRE ni. 
Vitesse du tir à diverses époques. 

LIVRE IV. 

CHAPITRE 1*. 
Anciens attelages. — Nombre de chevaux nécessaire aux diOèrentes bouches à 

feu à diverses époques. 

CHAPITRE IL 

Quantité de chevaux nécessaire pour un parc de campagne à différentes époques. 



XXVI AVAJfT-PROPOS. 

CHAPITRE m. 
Considérations sur les différents modes d'attelage. 

LIVRE V. 

JRJEHmOJ¥J¥JEJL. 

CHAPITRE !•'. 
Liste des grands maîtres de l'artillerie rectiûée. 

CHAPITRE H. 
Organisation du personnel aux xiy* et xt* siècles. 

CHAPITRE ni. 
Organisation du personnel au xvi* siècle. 

CHAPITRE IV. 
Organisation du personnel aux xvii*^ xtiii' et xix* siècles. 

LIVRE VI. 

AMUima A WXWI JROHTATMTJES. 

PARTIE PREMIERE. 

Armes à feu portatives considérées sous le rapport de leur longueur, de leur poids et 

de leur calibre. 

CHAPITRE PREMIER. — xnr* et xt* siècles. 
Origine. — Coulevrine. — Hacquebutte. — Escopette. — Hacquobutte à croc. — 
Goulevrine à chevalet. — Hacquebutte rayée. — Planches. 

CHAPITRE U. — XTi« stÈGLB. 
Le hacquebutte et la harquebuse ou mousquet. — L'arquebuset. — Le pétrinal. 
— La pistoUe. ~ Le pistolet. — Le bidet. — Description avec planches. 

CHAPITRE HL — xvir sièclb. 
Mousquet-arquebuse. —'Fusil-mousquet. — Fusil modèle 1696. — Baïonnette. 

CHAPITRE IV. — xvra» bt xix» siècles. 
Armes à feu portatives de cette époque. — Modèle 1777, 1822 et 1842. — Plan- 
ches. 

PARTIE SECONDE. 

Armes à feu portatives considérées sous le rapport de la mise du feu. 

Manière de charger les armes à feu à différentes époques. — Mèches. — Ser- 
pentins. — Rouf.— Double détente.— Platine à silex. — Platine à percussion. 
—Vitesse du tir. 



-^ 



AVAMY-PROPOS. XXTU 

TOIE GINQIIIÈME. 

CONSIDÉRATIONS SUK l' AVENIR 0E L ARTaLERIEy OU AMÉLIORATIONS FU- 
tures, démontrées comme conséquence des progrés qu*a faits 
l'artillerie depuis 500 ans. 

LIVRE I. 

CHAPITRE PREMIER. 

BTAT DB LÀ QCISTIOII. 

Pour parler de TaTenir ou pour indiquer les progrès futurs, il faut bien se 
rendre compte de la marche qu*a suivie le progrès, soit dans Tarmement des trou- 
pes, soit dans Tartillerie de campagne, de siège, de place ou de cdte. — But com- 
plexe et complication du matériel. ~ Plus la stratégie s'est agrandie, plus Tarme, 
considérée comme machine homicide, a diminué d'importance.— Il y a toujours eu 
deux partis parmi les hommes de Tart : les uns préoccupés uniquement des effets 
généraux à obtenir à la guerre; les autres préoccupés des effets secondaires. — 11 
faut que les armes satisfassent aux deux conditions ci-dessus. 

CHAPITRE IL 

INTIirriOlVS BT HODIFICATIOIIS. 

Lorsqu'elles ont devancé leur époque, elles sont toutes tombées en oubli 
jusqu'à ce que l'état général des connaissances eût atteint à leur niveau. — Inven- 
tions utiles. — Inventions défectueuses.— Fausse route du progrès. 

CHAPITRE m. 

Causes des bons et des mauvais effets produits par l'artillerie de campagne. -- 
Exemples historiques. — But. — Uniformité. — Simplicité. ~ Mobilité et éco- 
nomie. 

CHAPITRE IV. 

Causes des bons et des mauvais effets produits par l'artillerie de siège , de place 
et de côte. — Exemples historiques. 

LIVRE II. 

CHAPITRE PREMIER. 

ABHBBBJIT WÊA TBOOPBS. 

Infanterie, cavalerie et artillerie. 



XXVIII AVANT-PROPOS. 

CHAPITRE IL 

Simplification du matériel de l'artillerie de campagne. 

CHAPITRE m. 

Simplification de l'artillerie de siège et de place* — Moyen d'accélérer l'attaque 
et de faire brèche avec des pièces de campagne. — Artillerie de côte. 

CHAPITRE IV. 

Fusées à la congrève. — Leur emploi avantageux. 

CHAPITRE V. 
Propositions diverses de l'auteur. 



Liste des auteurs cités dans le courant de l'ouvrage classés par 
siècle. 



V&tiCIS BI8TOBIQVB 



LINFLCENGE DES ARMES A FED 



SOB 



L'ART DE LA GUERRE. 



UVRE PREMIER. 

OUEEEE DE GAMPAOEE. 



CHAPITRE PREMIER. 

DB 1328 À I46I9 ou DE PHQJPPB DE TALOIS À LOmS XI. 



Les armes à fea panirent en Europe au oommencement du 
xiT* siècle; mais leur influence lente et graduelle» comme les pro- 
grès de toutes les inyentions humainesi tarda longtemps» sur le champ 
de bataille surtout , à acquérir une véritable importance W. 



(1) Au seoDod Tolttiney je u«iler«i dans toute leur extensioD les question» rebthres à la 
décoorerte de la poudre à canon» et à la première apparition des armes à feu; et quolipie 
ces questions aient été traitées atec une grande érudition par le colonel Omodd, et récem- 
ment encore par M. Ludovic Lalanne et M. le capitaine Favé, je crois cependant poufoir 
promettra de nouveaux renseignements et une solution dMKrente do proMème. 
I. 1 



2 GUERRE DE CAMPAGNE. 

GomposîUoD des armées A. cctte époquc, les principes sur lesquels repose l'art de la ffuerre 

«répoquede la première r^/ rr^ir d 

apparition des Armes k étaient tombés en oubH. Les batailles n étaient plus que de grands 

feu. 

tournois , et la principale force des armées consistait dans la no- 
blesse qui combattait, en rase campagne ou sur mer, défendait les 
villes, montait à l'assaut, remplissant ainsi à elle seule tous les rôles 
du soldat. 

La composition des armées représente toujours fidèlement Tétat 
politique d'une société. Ainsi, au moyen âge , lorsque la féodalité 
était dans toute sa force, l'armée, c'était le roi suivi de sa noblesse, 
qui elle-même était suivie de ses vassaux. Lorsqu'un grand dan- 
ger menaçait le pays, le roi convoquait le ban et l'arrière-ban. Sous 
la première dénomination étaient compris tous les possesseurs de 
fiefs et d'arrière-fiefs; sous la seconde, tous les individus capables 
de porter les armes (*). 

Les barons devaient servir soixante jours à leurs frais, sous peine 
de perdre leurs privilèges de noblesse (^); passé ce temps, ils étaient 
à la solde du roi. Mais au lieu de ces levées en masse, on se bornait 
souvent à ordonner que les ducs^ comtes^ barons, évéques, abbéa^ 
prélatSj etc., fournissent un certain nombre d'hommes d'armes, et 



(1) On apprend par un ancien iiire qui est au trésor des Chartes, dans le registre de Phi- 
lippe le Bel, colé 36, en haut et en bas 12, nombre 38, qu*à la fln du xin* siècle, les nobles 
seuls éuient sujets au ban, et toutes personnes, sans distinction, sujettes à Tarrière-ban, 
pourvu qu'elles pussent porter les armes. 

Nous voyons par l'ordonnance de Philippe V, rendue à Paris en juillet 1319, article 17, 
CollecUim des ordonnances, tom.i, que les sénéchaux et autres officiers royaux ne pour- 
ront faire les publications d'aller à la guerre que dans les domaines du roi, et non dans les 
terres des nobles, si ce n'est dans le cas d'arrière-ban. 

Sous Charles VI, le ban ei l'arrière-ban sont très distinctement désignés par les paroles 
suivantes , cofitenues dans une ordonnance rendue à P^iris le 14 octobre 1411. CollecL. 
tom. Yiii, p. 640. 

« Mandons et convoquons par devant nous tous noz hommes et vassanlx tenant de nous tant 
en fiefs qu'en arrière-fiefs, et aussi des gens des bonnes villes de notre royaume' qui ont 
aoeoustumé d'eulx armer par forme et manière de arrière-ban, etc. » 

Pour plus de détails, voyet les Traités de Delalande et de Roque sur le ban et l'arrière^ 
ifan. Il est vrai que ces deux auteurs ne sont pas d'&ccord. 

(2) Ordonnances de Charles VI de 1392 



LIVRE K — CHAPITRE l*'. 3 

qu'à leur tour les non-nobles donnassent tant d'hommes de pied par 
cent feux W. 

La principale uniié militaire était la lance fournie, c'est-^^-dire, 
Thomme d'armes accompagné de plusieurs suivants à cheval nom- 
més archera, pages» écuyers, coustillers ^, varlets. Il parait, 
d'après une ordonnance de 1356 et d'après les Chroniques de Du- 
GUEScuif , que lorsqu'on faisait des levées régulières sous les rois Jean 
et Charles Y, l'homme d'armes n'avait que deux ou trois chevaux (^}; 
mais lorsque l'on convoquait les nobles en appelant sous les ban- 
nières uniquement ceux qui avaient f habitude de s'armer ^ alors, 
ils emmenaient autant de suivants que bon leur semblait. Sous 
Charles VI, la lance fournie comprenait ordinairement neuf à dix 
chevaux. 

Les hommes d'armes étaient recouverts de fer autant que leurs 
moyens le leur permettaient. Au xiv* siècle l'habillement le plus 
général pour les gens d'armes était le gamboison, espèce de vê- 
tement de peau ou de cuir rembourré, sur lequel ils endos- 
saient une chemise de mailles de fer nommée haubert ou hauber- 
geon. Par-dessus, ils mettaient une cuirasse appelée plate ou cre~ 
vice y et un bouclier pendu au cou appelé écu ou large (^). L'ar- 



(1) Lettre adressée ^ révéque de Paris, à reflet de lefer aide d'un gentilboomie armé par 
chaque cent livres de terre possédées par les gens d*£glise et les nobles, et de six sergents à 
pied par chaque cent Ceux, qui doivent être fournis par les roturiers. 

Ordonnance de PkUippe le Bel^ rendue à Cbiteau-Tbierry, le 9 octobre 1303. 

(i) Coustiller vient de oousttlle, qui signifiait un grand ooateau. 

(3) Froissart dit que vingt mille hommes d'armes faisaient soixante mille chevaux, iiv. iv ; 
dans la Ckrcmiquê rimie de CuviLBi, vers. 7S5, p. 30, on voit un chevalier n'avoir qu'un 
écuyer, im variet avec un sommier. 

D'un autre cùté, Tordonnanee de Charles, fils aîné et lieutenant de Jean U, rendue à Paris au 
mois de février 1356, porte que : « Les Etats entretiendront pendant un andnq mille hommes 
d'armes avec deux chevanx, mille sergeans à cheval, deux mille arbastriers et deux mille 
pavésiens tous à cheval, » Foyei également Orandes Cknmiquesj tom. vi, p. 4S. 

(4) Voy. JomvaLi, S 70, p. 907; les Oranées Chroniques, p. 317, et FaoïsSAtT en plu- 
sieurs endroits. 

Ces escui a leurs cm, ces hauheru endossez, 
Bonnes plates d'acie^et de glaives assez. 

Ch. riwiée de Dugueselin par CuvfiLna, vers 59S5, p. 919. 

1. 



4 GUERRE DE CAMPAGNE. 

mure complète se composait da casque appelé heaume ou bassinet, 
du hausse-col ou gorgerel, de la cuirasse^ du brassart, qui couvrait 
les bras, des épaulières qui couvraient les épaules, des tassetles qui 
couvraient le bas-ventre,des cuissarls et des pièces de jambes appelées 
grèves; le hallecret était une cuirasse plus légère (<). Ils por- 
taient sur Tarmure une espèce de jupe brodée nommée an xiv<^ siècle, 
sigladoUy puis, plus tard, saye on sayon* Leurs armes étaient la lance 
longue de quatorze pieds (^}, l'épée, la massue et la hache d'armes- 
En route , ils chargeaient leur armure sur un cheval ou sur des 
charrettes (3), et pour soulager leur monture de guerre, ils se ser- 
vaient de petits chevaux nommés cotirtoute; mais lorsqu'il s'agissait 
de combattre, ils montaient sur leurs grands chevaux, qui étaient 
comme eux recouverts de fer W, capables de courir avec un lourd 
fardeau et de produire un choc souvent irrésistible. Les suivants, 
soit archers, arbalétriers à cheval ou écuyers, n'avaient pas d'ar- 
mures complètes, leurs chevaux n'étaient pas bardés de fer. Ils for- 
maient donc une cavalerie moins lourde. 

Le nombre des hommes d'armes contenu dans une compagnie va- 
riait de vingt-cinq à quatre-vingts suivant la dignité du chef (^), 



(1) Voif' pour plas de détails. Metrick's CriHeal inquiry into ancienl armour , London , 
1824. 

(2) « Le roy fist mesurer les lances qui devaient estre, de la poincte jusqu'à l'arrest, de treize 
pi^s de long. 11 faut donc ajouter encore environ un^pïeû.» Petit Jehan de Saintré , 
ch. xxxY, p. 109; édit. de Marie Guichard, 18i3. 

(3) On verra plus tard que cet usage se conserva jusqu'à Louis XL 

(4) « Un gentilhomme bien armé et monté à cheval de cinquante livres tournois, et couvert 
de couvertures de fer ou de couverture pourpointe. n {Ordonnance de Philippe le Bel^ à Châ- 
teau-Thierry , le 9 octobre 1303; Collection^ tom. i, pag. 383.) 

(5) « Et avons ordené que tous. les gens d'armes soient mis par grosses routes, c'est assavoir 
au moins la route de vingt-cinq honunes d'armes, de trente, de quarante, de cinquante, de 
soixante, de soixante-dix, de soixante-quinze, de quatre-vingts, selont ce que les chevetaines 
et ly seigneurs d'icelles routes seront, et avons ordené et ordenons que nos conestables, ma- 
réchaux, maistres des arbalestriers, maistres d'ostel ou autres reçoivent les monstres.... 

Et chacun chevalier, escuyer, etvalet armé sur son cheval d'armes et autel (le 

même) serement feront les bannerez qui seront de#ous les chiefs de bataille, et ce mesme 
serement aussi feront les chevaliers, escuyers et haubergeons qui seront dessous les dits ban- 



LIVRE I".— CHAPITRE I«. 5 

cest-à-dire> suivant que le capitaine était comte, baron, sénéchal, ou 
chevalier-bannerety ou chevalier-bachelier^ ou écuyer W. La solde 
était plus ou moins élevée suivant le prix du cheval et la bonté de 
Tarmure W. On conçoit, en effet, que les bonnes armures venant 
de Milan dussent être rares et chères, et, dans un grand rassemble* 
ment, beaucoup de nobles étaient très mal armés. £n 1340, sur 
huit cents hommes d'armes du comte d'Armagnac, il n'y en avait 
que trois cents qui eussent des armures complètes (^). 

Plus tard, sous Charles YIIi plusieurs des gentilshommes qui 
venaient aider le roi à repousser les Anglais en 1429 n'avaient, dit la 
Chronique de laPucelle « de quoy s'armer et se monter, et y alloient 
« conune archer et coustiller, montés sur pelits chevaux W. » 

En France, la cavalerie chargeait en haie, c'est-à-dire, sur 
on homme de hauteur (9. Cependant les pages et varlets, de- 



nerexy el voulons que les diis bannerez sachent par nom ei par seurnom et aient cogiiois- 
sance des gens d'armes et haubergeons qui seront en leur compagnie. » OrdUmnance du 
roi Jmh, rendue à Paris le dernier avril 1351; Collection des CMUmnances, tom. iv, p. 67. 

(1) Voy. les comptes d'Amoul Boucher» trésorier des guerres de 1390 k 1392, MS de ta 
BibliotkèqMe royaie 9136, coté au bas 3. Les hommes d'armes y soûl divisés en chevaliers- 
bacheliers, chevaliers-bannerets, et écuyers. 

(2) «L'équjer qui aura un cheval de 35 livres aura la solde 6 sols 6 deniers par jour. Le 
chevalier banneret SO sols. 

« L*équyer qui aura un cheval de 40 livres, 7 sols 6 deniers. 

« Le simple gentilhomme armé de tunique, de gambières, de bassinet aura 2 sols; s*il est 
mieux armé, 8 sols 6 deniers. » 

Ordonnance de Philippe de Valois (oucKani la solde des gens de guerre^ rendue à Vin- 
cennes« muis de juin 1S3S. -Collection des Ordonnances^ tom. ii, p. 190. 

(3) Les Grandes Chroniques de Saint-Denis^ tom. v, p. 393, édit. Paulin; Paris, 1837. 

(4) Chroniques de laPueelle, Panthéon Uuéraire, p. 442. 

(5) Leurs destriers les galox menant 
S'en vont joins comme en un tenant. 

Branche des royaux lignages ou Chronique métrique par G. Gliabt,2« partie, 
vers 11,656, édiu Buchon, 1828. 
On lit dans Guillaume le Breton, en parbnt de b bataille deBourines: 

Ne scutum miles facial de milite, 
Sed se quisque suo, fronie opposila, sponte oiïerat hosti. 

« Et prenexque au passé Ils fesoient leurs bauilles de gens de cheval singles (du latin sîtigu- 
lus). Philippi DC CUve«, contemporain de Louis XII. fMS n« 7io2 , fol. 5'^.^ 



e GUERRE DE CAMPAGNE. 

vant toujours venir au secours de leurs chefs, formaient un second 
rang. Les hommes d'armes s'avançaient sur le champ de bataille 
serrés en escadrons si denses que, suivant l'expression des chroni* 
ques du temps, « un gant jeté au milieu d'eux ne serait pas tombé 
« à terre (0 ». 

De cette double condition de se réunir sur plusieurs rangs et de 
ne combattre que sur un seul, résultait évidemment la nécessité, 
pour la cavalerie,de ne faire que des charges successives de cent cin- 
quante à trois cents chevaux; mais la plupart du temps les combats 
dégénéraient en luttes corps à corps. 

En Allemagne, au contraire, la cavalerie se réunissait sur plu- 
sieurs rangs, affectant la forme d'un triangle ou d'un coin, c'est-à- 
dire, qu'au premier rang il n'y avait que sept chevaux; au second , 
huit ; au troisième, neuf; chaque rang augmentant toujours d'une file 
jusqu'à la moitié de la profondeur de l'escadron (^). 

La France possédait la cavalerie la plus redoutable, parce que 
c'était le pays où la féodalité était le plus fortement constituée. Jus- 
qu'aux troubles de la Ligue , la gendarmerie française conserva 
toute sa supériorité, et ne trouva pas son égale, mais aussi c'était 
en France que le peuple était le moins habitué aux exercices mili- 
taires, le moins bien façonné à la guerre. Aux xm* et xiv* siècles. 



(1) Chacun conroi lente aleure 

S'en va joint comme en quarreure 
Si bien que s'un gant preissiez 
El entr'eux haut le gétissiez 
Il paroit qu'à son asseoir 
Ne duste mie tost cheoir. 
Branche de$ royaux lignages ou Chronique métrique , par G. Guiamt , 2* partie r 
vers 11494. 

(2) « Wie wohibey denAlten gebraeucblich ge^vesen das sieihre schlachtordnung (fur die 
Reisigen) gespitzt oder in dreyangcF gemacht haben , also das etwan im ersten glled sieben 
mann,inm andern achtj imdriuen neun , im viertcn zehn;also fort an bis auf den halben thcil 
derOrdnungund Hauffen, damach seien sidurchaus geviert gemacht worden».FR05SPBaGBK'9. 
k'riegêbueh, U Bueh, fol. 66, veno, Franekfurty 1566» 



LIVRE I«. - CHAPITRE l-\ 7 

l'infanterie était composée d'une foale d'éléments divers. Les hom- 
mes soldés par les villes (^)| par les seigneurs ou par le roi (^), se 
nommaient soudoyers ou sei^ents &). Us étaient armés de piques on 
d'arbalètes (^). Ils portaient le bassinet, une cotte de mailles appe- 
lée baubergeon > plaie, brigantine ou bien un plastron rembourré 
d'étoupe (^) « nommé jacque ou hocqueton. Quelques-uns avaient 
le bouclier triangulaire appelé tai^e , que dans les marcbes ils pen- 
daient au cou (^). Les pavésiens portaient un grand pavois ou im- 
mense bouclier. En se réunissant côte à côte, ils formaient un mur 
derrière lequel on était à l'abri des flèches. Leurs armes offensives 
étaient l'épée, I^ couteau ou, comme le dit YOrdonnance du roi Jean, 
« toute chose dont ils se sauroient le mieux aider 00. >» 



(1) « Sergem à jned et coasUUers envoyés par réieciion des bonues villes âi leurs gages, cha- 
cune bonne ville à tant sa raie. » Fioissait, Hv. i, part, l**, ch. xxiv, p. 96» année 13*27. 

(î) « Philippe de Valois, en 1339, retint gens d^armes et ioudoyers à tous cotés. '» Faoïs* 
SAIT, liv. I, pan. t**^ ch. lx», p. 7i. 

(3) « Et seront armés les $ergent de pié, de pourpoint et de bauberjons (cotte de mailles), 
gamboison (plastron d*étoupe), de bacinez et de laneesy et des six, il y en aura deux arbalé- 
irwn. • Ordonnance de Philippe le Bely9 octobre 1303. Voy. la Collection, tom. i, p. 383. 

(4) « Et puis les gens de pié qui furent bons sergem. » Chronique rimée de CuvfiLiRR, lom. f, 
vers 3968 (année 136i;. 

Et petit nombre de piétraille.... 

bonseryanx i a 

A Arbalètes et à lances. 

G. Gi'UiT, i- part«, vers 8567. 

(5) Si comme de cotes faitices 
De coton à points entailliec. 

G. GuutT, 2* part., vers 8089, année 130i. 
fi) Targes aux cols testes armées. 

G. GciART, ^ part., vers 5il9, année 1297. 

(7) «Ordeoons que Tarbalestrierqui aur^ bonne arbalestre, et fort selon sa force, bon bao- 
dré el leri armé de plate, de cervellière (pour cervellière, armure de tête), de gorgerette, 
d*espée, de coustel ot de barnois de bras de fer et de cuir, aura le jour 3 sols tournois de 
gaiges. Un pavesier armé de pbteset de baubergeon, de bacinct à camial, de gorgereiie, do 
barnois de bras, de gantellez, d'espée de coustel, de lance, de pavais ou d'autre armure, de 
quoi il se pourra ou saura mieui aider, aura par jour 2 sols et 1/2 de gaiges. > Ordonnance 
du roi JeaUy année 13)1. 



8 GUERRE DE CAMPAGNE. 

On appelait bideaux les soldats qui étaient annés de deux dards^ 
d'une lame et d'un coutelas, et qui n'avaient point d'armure défen- 
sive (*). 

Les troupes auxiliaires étaient composées d'arbalétriers qu'on 
faisait venir d'Espagne, de Gênes ou de Gascogne (^). Ils étaient à 
peu près armés comme les soudoyers. 

On appelait infanterie des communes les hommes de l' arrière- 
ban rassemblés par communes^ et qui marchaient sous la bannière 
de leur paroisse; enfin ribauds, brigands (?) et plus tard aventu- 
riers tous les hommes sans aveu rassemblés de tous côtés, et qui 
formaient une infanterie irrégulière plus dangereuse peut-être pour 
les amis que pour les ennemis. 

Ces deux dernières troupes, très mal disciplinées W, étaient ar- 
mées delà manière la plus dissemblable. Les uns portaient la pique, 
d'autres l'arbalète» le maillet de plomb , la hache ou une épée sans 
fourreau (5). 

(1) De Navarre et devers Espaingoe 
Reviennent bidaux k granz routes, 
En guerre par accoustumanoe. 
Portent deux darz et une lance, 
^t un coutel à la ceinture, 
D'autres armures n'ont cure. 

G. GuuRT, 2« part., vers 10,518. 
« En 1340, dit Froissart, le duc de Normandie ayant fait grande assemblée de gens d'armes 
pour aller détruire le pays de Hainaut, si trouvèrent qu'ils étaient bien six mille armures de 
fer, et buit mille que brigands, que bidaux, que autres poursuivans l'ost.» Liv. i, part. 1^*, 
cb. ax, p. 96. 

(2) « Nicolas Janne, retenu par le roy, capitaine de vingt-cinq arbalestriers de pié du pays 
de Gennes ou d'Espaigne. » Comptes d'Àmoul-Bouelterf de 1390, fol. 56, verso, if 5 cité p. 5, 
note 1**. Toy. également la note précédente. 

(3) « Ayant grant planté de gent de pié tant brigans comme arbalestriers. » (En 1346.) 
MSdela Bibliothèque royale n« 7136, fol. 272. 

(4) Après reviennent les communes 
Dont l'ost n'est pas trop assorbie. 

G. GuuAT, 1'* partie, vers 6602, année 1314. 

(5) Ribaux 

Li uns une pilote porte. 
L'autre croc ou maçue torte. 

G. GciART, l** part., vers 6635. 



LIVRE K— CHAPITRE ï*». 9 

La plus grande partie de l'infanterie des communes , et les ri- 
bauds n'étaient vêtus que de jupes qui étaient souvent tellement 
déguenillées qu'ellessemblaient avoir été déchirées par les chiens (0; 
Aussi lorsque les ribauds avaient, dans leur maraudage» rassemblé 
quelque butin , les soudoyers> qui étaient mieux armés qu'eux, leur 
dérobaient ce qu'ils avaient* pris (Koy. l'avant-dernière note). A la 
bataille de Mons-en-Puelle , Philippe le Bel , ayant ordonné que 
pour se distinguer des ennemis , chacun se revêtit d'une écharpe 
blanche , les pauvres ribauds furent obligés de déchirer leurs che- 
mises W. 

11 parait même qu'à cette bataille une partie des honmies de pied 
français avait des arbalètes de rebutauxquelles il manquait Tare (^), 
de sorte qu'elles ne pouvaient servir que de massue. 



I/uD lieDt une épée sans feurre, 
L*auire an maillet, Pautre une hacliei 
Mais li soodoiers de Biaugiers 
Qui d*armes ne sont mie nuz, 
De ce qu'ils (les ribauds) porte les desrobeni. 
G. GuiAiT, vers 10896. 

(1 ) Leurs robes ne sont mie neuves, 
Ainz semble tant sont empirées 
Que chiens les aient déciriées. 

G. GuiAiT, vers 6610. 

(3) Pour estre an ferrir reconnus 
Vilains, courtois, larges, et chicbes 
Sont de lai btens et de ceintures 
Escberpés sur leurs armures , 
Neis li ribaut les ont mises 
Faites de leurs propres chemises. 

G. GuuiT, vers 11059. 

Cependant ce lait prouve qu*ik avaient des chemises, luxe asseï remarquable, pour cetie 
époquf, car environ deux siècles plus tard, le marqub de Pescaire, à la bataille de Pavie,1595, 
ayant ordonné que dans une attaque de nuit, chaque soldat, pour se reconnaître, mil sa 
chemise par dessus ses armes, les lansquenets, n'ajant pas de chemises, s'en ûrent en papier 
btenc Paix Jovi, isioriê del $mo tempo, t. m, liv. xxii, p. 82. 

(3) EV commun de leur ordonnance 
A arbalètes n'a arçons. 

G. GuAiT, i* part., vers 6716. 
Tom I. 2 



10 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Les Flanaands avaient , en outre, dès le commencement du xiv' 
siècle, des hommes qui portaient la hallebarde , appelée goden-dae 
(qui signifiait bon jour en flamand) , et qu'ils maniaient à deux 
mains. Ces hommes, pour être plus libres dans leurs mouvements , 
étaient placés en dehors des rangs W- 

La hallebarde était aussi en usage en France, comme le prouve 
VOrdonnance du roi Jean, du 8 octobre 1355 (^); mais elle était peu 
estimée, tandis qu'en Suisse celte arme était déjà devenue célèbre par 
les combats de Morgarlen (1315), et de Sempach (1386) &)> Les hom- 
mes de pied se rassemblaient au nombre de 25 à 30 en compagnies nom- 
mées connétablies, et chaque connétablie avait un pennon à queue W ; 
les bannières indiquant les plus grandes divisions étaient rangées 
sur le front de bataille par le soin des maréchaux (^) ; chaque sei- 
gneur banneret, comme chaque paroisse, avait sa bannière. 



(1) Cil qui ces grans godend^^nnent 
Qu'ils ont à deux poio^l^poigDiez 
Sont un poi des rens esloingniez. 

G. GuiAET, 2« part., vers 5448. 

K Les Flamands aux lances agues bien ancorées que. Ton appelle bouteshaches cl goden- 
dars. » Les Grande$ Chroniques de Saint-Denys, t. v^ cb. xm» p» 140, année 1302. 

(2) Cl Que toute manière de gens babitans en la ville et suburbes de Poitiers, seront contrains 
à eulx armer chacun selon son estât, c'estassavoir les riches et les puissans de toutes armures, 
les seroient de lances, pavois ou godandac et de cote gambezie (Ducange, gambezo, espèce 
de cuirasse faite de laine préparée), et les menus.de ffodendac. ou dfespée si et tellement 
comme ils pourront. » {Règlement pour la défense de la ville de PoiiierM; Ordonnance du 
roiJean^ 8 octobre 1355; CollecUon, t. iv, p. 169.) 

(3) Â Sempach, en 1386, quelques-uns portaient la hallebarde avec laquelle leurs aïeux 
avaient combattu à Morgarten* J. de Mullbb, Bisloire des Suisses, t. ie, cb. vi, p. 437^ 
Leîpsick, 1786. 

(4) Ordonnance du roi Jean^ rendue k Paris le dernier avril 1351 ; CollecHon^ t. nr, p. 67. 

(5) En 1339, il y avait dans les armées françaises et anglaises le nombre de bannière» eir de 
pennons suivant. 

«Etavoit le roy d'Angleterre en cette première route vingt-deux bannières et soixante 
pennons de bonne estolTe (en 1339.) » Fsoissast, Ht. i, part. 1, cb. xcn, p. 82. 

« Le roy de France il y eut onze vingt et sept bannières cinq cents et soixante pennons... 

Et ordonnèrent les François trois grosses bataUlee et mirent en- chaeune quinze mille 

hommes d'armes et vingt mille hommes h pied. » Froissart, liv.iy pan. 1, cbap« xcin. 

M, de Rocquancourt se trompe en disant/, dans som Xrailé. de tt Aride la Guerre, que 



art. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE !•'. il 

En avant de Tinfiinterie, on plaçakdes espèces d'arbalèl» à tour, „.^„';^{J;2iî- ^"17^^^^^^ 
appelées espringoles on espringales (Foy. pL r* ), qni bnçaieni des 
pierres^ et des dards nommés carreaux (F- u^toK, art. Fn^tilé) (^). 
A la bataille de Mcfns-^en-Pnelle (1304) les Français en avaient mis 
trois en batterie sur leur front, dont le projectile avait assez de force 
pour percer quatre ou cinq rangs ^). ^ \ 

On employait aussi en campagne des espèces de trébucfaets comme 
le représente la figure i, qui lançaient des pierres enflammées. Les 
trois gros boulets, marqués p, formant le contre-poids, s'adaptaient 
aux crochets e. {Vay. pour plus de détails le chap. i du second livre 
de ce volume.) 

L*armée était partagée ordinairement en plusieurs divisions ap- 
pelées batailles. Souvent aussi on réunissait toutes ces batailles en 
une seule. Le front des armées était peu étendu. 

L'infanterie était généralement rangée en première ligne, les gens 
de trait aux ailes, les bonmaes des communes massés au centre. A 
Courtray, Finfanterie française occupait en front une longueur de 



la cavalerie seule avait i» baooiéres. L'ordonnaoce de Louis X, du mois de juillet 1315, 
porte qu'on lèvera quatre cents hommes de dieval et deux mille liommes de pied, qui porte- 
ront deux bannières : «c'est ouavair dl de cheval une, et cil de pied l'autre. » Collection des 
Oréemn^Meêi, i. i, p. &H. 

(I) Près du roi devant b banière, 
Mêlent François trois perdrîaus 
Jeuns pierres tus enniaus 
Entre Flamens grosses et maies 
Joignant d'eus rot deux espringoles 
Que garçons au tirer avancent. 

G. GcutT, 9* part., vers 11573. 

Li enging tout seul desmourerent 
Qui pierres et garrox getoient. 

IMm»vefs116W. 

(i) Li garrot (cirreau) empené d'arain 
Quatre ou cinq en percent tout twtre. 

Année 1304. G. Goiait, 3« partie, vers 9561. 



n GUERRE DE CAMPAGNE. 

deux portées d'arc d) ou environ 400 mètres, et en profondeur le 
jet d'une petile pierre ou environ 30 mètres. Dans ce rectangle » 
30,000 hoDunes environ pouvaient être serrés en masse , et ce chif- 
fre est d'accord avec le nombre d'infanterie dont les historiens font 
mention. 

A la bataille deBouvines (1214) le front des deux armées n'était 
que de 1040 pas, quoi qu'on fasse monter le nombre des Français à 
plus de 100,000 hommes (2). 

Après la défaite de Courtray, on trouva cependant plus pru- 
dent de ne pas engager toutes ses forces à la fois (^). A Mont- 
Cassel, en 1328, l'armée française, forte d'envirpn 40,000 hommes, 
était divisée en dix batailles, et comptait cent soixante et onze ban- 
nières (*). 

Quelquefois aussi l'infanterie se disposait en triangle ou en 
coin (^) ou bien formait des petits corps séparés, disposés en ronds 
au centre desquels les chevaliers se réfugiaient, afin de reprendre 



(f ) Lors s'cstendant grant aleure 
En tel guise que leur ren dure 
D'espès le gîet d'une perrete 

La longueur, droiz et qu'on li mète * 

Tient bien deux archies entières 
Cil d'armes so rangent derrières. 

G. GciART, 2« part., vers 6073, année 1303. 

(2) Voy. l'intéressant mémoire sur cette bataille de M. Lebon. Paris, 1835. Le seul re- 
proche qu'on puisse faire à l'auteur, c'est d'avoir supposé aux armées de ce temps des for- 
mations et des manœuvres trop perfectionnées : aussi s'efforce-t-il de révoquer en doute 
celte fiiible étendue du front ; je la crois, au contraire , parfaitement dans les habitudes de 
l'époque. 

(3) «Post bellum enim curtracense nuoquam Franci ausi sunt, nec eques nec pedes Flamin- 
gos semper pedes pugnanies insimul cum tota acie impugnare. )» Monachus Gand., fol. 397. 
citation de M. Edward Le Glay, dans un intéressant ouvrage sur l'histoire des comtes de Flan- 
dre. Paris, 1843. 

(4) Les Grandes Chroniques de SainhDenys, t. v, p, 314, édition Paulin. 

(5) « Les François (en 1302) virent une très grande bataille (des Flamands ) qui contint 
bien huit mil hommes, et avoient ordonné leur batajUe en guise d'un escu, la pointe devant, 
et s'estoient entrelaciez l'un en l'autre, si que on ne les peut percier ». Ch. abrégées , MS de 
la Bibliothèque royale, n« 7136, fol. 197. 



LIVRE r.— CHAPITRE I«. 13 

haleine. Nous en avons un exemple à la bataille de Bouvines(f), 
et pins tard au Mont-Cassel (*. En général, on cherchait autant que 
possible à ne pas changer de place, et à cette dernière bataille , les 
Flamands, d'après Froissart, ne bougèrent pas d'un pas « et furent 
« tués là ou ils avoient mis leur bataille (3). » 

Pour se mettre à l'abri de la cavalerie, les armées avaient l'ha- 
bitude de se fortifier en s'entourant de leur charroi W, qui, dans ce 
but, marchait en tète de la première division (^). Les charrettes 
servaient à porter les bagages, les tentes de campement (9, les ar- 



(1) Renaut jadis quens de BouloingDe. • 
Qui mort ne mehaing ne resoiogne 

Tant est plain de grant hardemenl 
Ot lait dès le GonuDencement 
De serjanx plains de grant prooece 
Une dosture en réondèce 
Ou en reposant s'aaisoit 
Toutes les fois qu'il li plaîspit 
Et r'issoit de leans souvent 
Quant il avoit pris air ou vent. 

G. GuiAiT, !'• part., vers 0943, année 1214. 

(2) « Les Flamands qui cum vidèrent se ex omni parte oonchisos et undèquc fierl insul- 

tom in eos posuerunt se in quadam rotundidate ad modum corons.» Chronicon. com. Fland 
p.i05. 

(3) m Et oncques des seiie mille Flamands qui morts y demeurèrent n*en lecula un seul , 
que tous ne fussent morts et tués en trois monceaux run sur l'autre, iata iuir de la place 
où chacune bataille commença. Frousart, liv. i«% part, f*, ch. xlix, p. 40. 

(4) De chats et de charettes vuides 
Qu'a gant diligence ont atmîtes 
Ont enf r'eus trois rengies faites 
En tel sens et par oidre commune 
Que le derrière de chacune 

Est mis, si con nous estimons 
A l'autre entre lesdeus limons. 

G. GmART, 2*part., vers 11106, année 1304. 

• Les AngkMS, en 1339, arrootèrent tous leurs charrois par derrière eux et s', n fortifié- 
rent ». Froissart, liv. i, part, r*, eh. xcu, p. 82. 

(5) Les Grandei Chroniques de Saint-Denyi, p. 313. 

(6) Après eulx venoîent les charoys 



14 GL'ËRRE DE CAMPAGNE. 

mnres et les munitions de rechange (^). Quelquefois oa creusait des 
fossés dont le déblai formait naturellement des retranchements de 
campagne qu'on hérissait de pieux (^)- 

Depuis longtemps la chevalerie considérait en France les hommes 
qui n'étaient ni nobles, ni sergents, ni soudoyers, comme un vil 
troupeau y et lorsqu'en 1208, douze cents gens d'armes mirent en 
faite deux cent mille Albigeois (le nombre est sans doute exagéré) t 
le chroniqueur s'écriait : 

Esgardcz quel chevalerie , 
Yez quel flol de bergerie (3). 



Qui portoient leurs harnois. 
Et la yitaille voyremenl, 
De quoy ils vonl vivant 
Et leurs tentes et pavillons 
Dont ils ont à grant foisons. 
Le Chevalier «rratK, Manuscrit composé en 1394 par le marquis de Sàlvcb, fol. 32, vc^rso. 

(1) Arbalétriers vont quarrlaux prendre 
A pointes agues et nètes, 

Qui là furent en trois charretes 
Venues par mesire Oudart. 

G. GuiART, année 1903, p. 291. 

Artillerie est le charroi 
Qui par duc, par comte ou par roi 
Ou par aucun seigneur de terre, 
Est charchié de quarriauz en guerre, 
D'arbalètes, de dars, de kinces 
Et de larges d'une semblance. 

G. GouRT, 2* part., vers 112i5, année ISOi. 

(2) «Et avoient fossés devant eux et avoient par-devant eux mis bretesche qui avoientgrans 
broches de fer et estoient couvertes de toile, afin qu'on ne les peust apercevoir». Bauille près 
Saint-Omer^ en 1310. Grandes Chroniques de Saint-Denys, p. 392. 

(3) Guillaume Guurt, 1'* par^., vers 2557. 

Là où li douze cens Yainqaireut 
Qui deus cens mile en desconfirent. 
Ibidem. 

Quoique j*aie divisé mon récit par périodes, on concevra Tobligation où j'ai été de cher- 
cher souvent des ciutions antérieures et postérieures à l'époque dont je parie, parce que les 
exemples d'un même fait ne se trouvent pas toijgours encadrés dans une seule période. 



LIVRE r. - CHAPITRE I". iS 

On comptait k peine pour qaelqae chose les gens de pied W, et la 
chevalerie se chargeait elle-même quelquefois de mettre en déroute 
sa propre infanterie* Ainsi, à G>urtrayy en 1302, les pauvres fan- 
lassins français se battaient parfaitement bien etavaient déjà repoussé 
les Flamands, lorsque messire de Yalepayelle dit au comte d'Ar- 
tois : 

Sire cil vtbio tant feront. 

Une Tomeur en emporterooi (2). 

et alors les hommes d'armes, se précipitant en avant, entrouvrent les 
rangs de leurs arbalétriers et piquenaires, les renversent et les étouf- 
fent (3). 

A Crécy, Philippe de Valois fait tailler en pièces ses arbalétriers, 
en s'écriant : » Or tôt tuez toute cette ribaudaille qui nous empêche 
« la voie sans raison (^). »> 

11 n'en était pas ainsi partout. Dans les pays où des villes ou des 
provinces s'étaient révoltées pour conquérir leur indépendance et leur 
liberté, le nerf des armées ne consistait plus dans les hommes d'armes 
à cheval, mais au contraire dans une masse d'hommes de pied, et 
l'infanterie flamande à Courtray, l'infanterie suisse à Morgarten , 



(1 ) Les piélons n^i-je pas contes, 
Q«î ToloDiiers fiMit mal en guerre. 

G. GuuiT, 2* part., vers 5412. 

(*2) GttUlaome Guurt, 2* part., yen 6133, et les Grandes Chroniques, toni. v, cli. ilii. 
p. 140. 
« Nos gens de pié savancent si auront la victoire et nous ny aurons point d'oniieur.» 

Les Chroniques abrégées, MS de la Bibliothèque royale, n« 7136, fol. 192. 

(3) Parmi les piétons se flaiissent, 
Qu'à foioe 4e diairicrs eatr'oQvrent, 
Uet lears mciomsa le champ qoeotrent, 
Et mervoUkuK nombre en esiraignent. 

G. GtJuar, 2* part., vers 6142. 

(4) FioiiiàAT» Uv. i«% di. cauxTU, p. 237. 

Méserai met li tort ces paroles d^s la bouche du comte dWleuçou. 



Lps Arcbers anglais. 



16 GUERRE DE CAMPAGNE. 

avaient déjà vaincu la noblesse. Mais ces succès n'avaient rien prouvé 
contre la bonté de la chevalerie. C'était plutôt au hasard et à la 
nature qu'on devait attribuer la défaite des hommes d'armes, car 
en Flandre un marais, et en Suisse les montagnes, pouvaient être 
regardés comme les principales causes de ces deux défaites. 
D'ailleurs, en France, les victoires de Mons-en-Puelle , en 1304, 
et de Mont-Cassel , en 1328 » avaient effacé tout souvenir néfaste. 

En Allemagne, la noblesse moins nombreuse avait toujours fait 
plus de cas de l'infanterie. Celle-ci était aussi mieux organisée. Ce- 
pendant la gendarmerie française lavait battue à Bouvines. Tous 
les faits passés prouvaient donc Texcellence , la toute-puissance de 
la chevalerie. 

Mais vers l'époque où les armes à feu parurent pour la première 
fois sur le champ de bataille W , les Anglais commencèrent à em- 
ployer une infanterie redoutable par son nombre, par sa discipline 
et par l'esprit qui l'animait. 

En Angleterre, les hommes de pied avaient été relevés à leurs 
propres yeux, et les nobles qui, en s appuyant sur le peuple, avaient 
obtenu la déclaration de la grande Charte au lieu de dédaigner la 
piétaille, comme on appelait en France l'infanterie, tenaient à hon- 
neur de combattre à sa tète. Bien plus, les hommes d'armes anglais 
avaient pris l'habitude de combattre à pied depuis leur guerre contre 
les Ecossais qui, eux, étaient toujours à cheval (^). L'infanterie an- 
glaise était composée d'archers qui maniaient avec une rare habi- 
leté (^) un arc dont la longueur devait être égale à la taille de chaque 



(1) A Crécy, en 1346. Je reTÎendrai sur ce sujel. 

(2) En 1327, les Écossais en marchant contre les Anglais araient : «trois mille armures de 
fer, chevaliers et écuyers montés sur hons coursiers, et vingt mille hommes armés à leur 
guise,apperl8 et hardis montés sur petites haquenées.» Froissart, liv.i, part. 1'*, ch. xxxiv, 
p. 25. 

Les Escots sont tous à cheval, excepté la ribaudaille, ibid., p. 2. 

(3) (I (En 1346) là étoient ces archers d'Angleterre habiles et légers, et qui traioient par art 
et par avis et de tel ravine, que grand hideur étoit à regarder. » 

Froissabt, Hv. I, part. 1'% ch. cccvi, p. 254. 



LIVRE I«.— CHAPITRE !•'. 17 

soUat (0. Quoi qu'en aient dit des aateurs recommandables tels que 
Hoyer et Mauvillon , Tare des archers anglais élait la meilleure 
arme de jet de Tépoque. Sa portée moyenne était d'environ 200 
mètres (^). Plus simple que l'arbalète» plus fiicile à porter et à 
mettre à l'abri de la pluie, l'arc avait surtout cet avantage décisif 
qu'il permettait à une main exercée de lancer dix à douze flèches 
en une minute» tandis que l'arbalète , arme lourde et gênante P) , 
longue à bander, soit avec les deux pieds (^), soit au moyen du cra- 
nequin, du pied de biche {Voy- la pi. l'*) ou du cricC^), pouvait 
à peine tirer plus de deux ou trois coups dans le même temps. 
L'arbalète, comparée à l'arc, fournissait une preuve de cette loi * 



(1) Une ordoDDftnoe d'Edouard IV prescrit à chaque homme d'avoir un arc de sa taille, 
il^t d*ir, de noisetier, de frêne et d'autres bois, selon la force de chacun. Les flèches devront 
avoir la longueur du bras de l'homme ou b moitié de la longueur de l'arc. 

WiLUMSOif , Engineê of u>ar, p. 16. 

Le meilleur bois était le bois d'if pour les arcs , et le bois de frêne pour les flèches, d'apris 
Roger Ascham. V. Grou, MiUtary ÂnUq.^ 1. 1, p. 196. 

(9) Un archer anglais qui ne tirait pas douze flèches dans une minute, et qui sur ce nom- 
bre manquait un homme à 910 yards (919 mètres), élait méprisé. A cette distance, fai flèche 
devait traverser une planche de diêne de 1 li 9 pouces. United iermet jùwmalf année 1899, 
septembre. D'après Wilkinson {Bngimei of wor), la portée extrême de l'arc (l<wg bow) 
était de 600 yards (566 mètres). 

« L'habitude de tirer de Parc distingue ceuli d'Angleterre dès b jeunesse, et pour ce passent 
les autres archiers, et de six cents pies de long (195 mètres), meuoient b bonne où ils 
trayoîent. • Chustoib m Pisah, Livrt dê$ FaiU ^ Armes, Manuscrit u* 7076, liv. i, ch. x, 
loi. IS. 

(3) Le bone balestre non ponno essere legiere. TreMmlo éeUa mUHia da Uaaus i« Uismis, 
en 1477. Manuscrit reghisn* 1743, fol. 11. 

(4) On appebit arbalètes à deux pieds, celles qu'on bandait en tenant l'arc verticalement 
sous les deux pieds, undb qu'avec les deux mains on tirait à soi b corde. Ahhb Comtiii, 
dans son ÂUxkide, liv. x, p. 991. Paris, 1651; Mauro Sancto, dans le recueil intitulé QeeU 
Dei per Froficot, p. 81, Hanori», 1611, en font b description, et on peut voir des arbalé- 
triers occupés II bander leur arme de b manière d-deasus, dans b gravure représentant b 
prise de b bastiHe de Dfeppe,ptr le fib de Charles VU en 1449, qui se trouve dans les Momi- 
«#ftls de MamifaMCim, tom. m, p. 998. 

(5) En haste vont les defe serrant des arbalestes. 

G. GuuaT, 9* part., vers 8695. 
Toai I. 3 



M GUERRE DE^ CAMPAGNE. 

mécaoiqueqoi vent que l'on perde en vileftse ce que Ton gagne en 
force. Ainsi le vireton ou le carreau de Tarbalëte, doué d'une plus 
grande quantité de mouvement que la flèchev pouvait percer un ma^ 
drier de six pouces d'épaisseur W; mais sur le champ de bataille» 
cet avantage était rendu nul par la lenteur du tir. 

De plusyles carreaux étant plus lourds que les flèches, l'arbalétrier, 
ne portait que dix-huit carreaux dans son carquois, tandis que l'ar- 
cher anglais portait vingt-quatre flèches (^. 

On voit souvent dans le récit des guerres les arbalétriers, dégoûtés 
. de bander leur arme , la jeter de côté ou bien s'en servir comme 
d'une massue (?) ; enfin l'infériorité de l'arbalète ressort de la de- 
scription suivante que fait J. Juvénal des Ursins, des arbalétriers 
du duc de Bourgogne, en 141 1. « Il avoit quatre mille arbalestriers, 
c( chacun garni de deux arbalestres et deux gros valets dont l'un 
a tenoit un grand pennart (bouclier) , et l'autre t^idoit l'arbalestre 
« tellement que toujours il y en avoit une tendue (^). » Ainsi trois 



Les arbalétrien btDderool è qoalre polies ou à deox s^ soni bons btndeui. Ordmiimnee 
de Charles VIL 

P. Dahibl, Ifiltc* /rofl^otitf , lom* i, p. St43. 

(1) Description des artelétriers de Charies VIII. 

El le garotou la tire fondée 
. Pour fTMpiTMr «m^ dêmf.pied de porte 
Le grtnt baudrier aTecqoe le guiodage, 
Poor a deux eempi l'arbalestre bander. 

Vergiêrd* honneur t p. lOS. 

(2) OrdMMiaiict de Ckmrèeê YUy P. UAiiitt, lom. i, p. 914; el 6e0§b^ JfOilary Anti- 
qmUim^ tom. i^ p. 198, Loodies, 1801t. 

Un aotie aTantage de rare, élalt de permettre aux archen de tirer en étant serrés l'un 
contre l'antre i car, pour tirer l'arc se place dans un plan- Tertâcal.^ tandis que l'are de 
l'arbalèle restant dans un plan faoriioatal, die oUiseaii lesarlnlétriers à laisser un plus -iprand 
espace entre eux. (Observation de M. de Rocfuaneoort, Ati mt/U^iirs*) 

(3) « Qu'ils lancent jus les arbalètes» à Courtrai. G. Guurt, 2* part., Terseili. 

A Mons^n-Puelle, les Gantois frappaient les chevaux avec leurs arbal^es comme avec une 
massue. Jfofwmw Gandaventù^ fol. 414. 

(4) HUtinre de Charleê F/, p. 468. 



Mrril.l.KIllK, DK ( \MI'\(.\KI)I MOUA \(,K 



l'i. I" 




/ 



LIVRE I-. -CHAPITRE I-. |9 

hommes et deux arbalètes produisaient à peine le même effet qo'un 
archer. 

Mais, pour se servir de Tare avec avantage, il fallait des hommes 
vigoureux, habitués de bonne heure à cet exercice. Il fallait, en un 
mot, un peuple de soldats. L'arbalète , au contraire , exigeait un . 
plus court apprentissage , et, pour la manier, la force musculaire 
était inutile. 

Les archers anglais portaient pour armes défensives, un bassi- 
net, une jacque et une rondelle ou bouclier circulaire (^}. Us for- 
maient une troupe légère qui pouvait marcher avec prompUiude, et 
qui, par le nombre de traits qu'elle décochait en un court espace de 
temps, tuait les chevaux des gens d'armes (9 et rendait par là 
tout leur courage inutile ; car, jetés sous les chevaux avec leurs 
armures pesantes, les cavaliers ne pouvaient guère se relever sans 
aide. 

Les Français avaient beau employer des arbalétriers génois, ceux- 
ci avaient à peine eu le temps de lancer un carreau, qu'ils étaient, 
pour ainsi dire , criblés par les flèches barbues des Anglais qui 
tombaient dru comme neige (^. 

Plasteors auteurs modernes ne comprennent pas pourquoi , à 
Crécy, la pluie qui survint détendit les cordes des arcs des troupes 



(1) Vùy. tes yten de CHAtictt, amevr 4« »▼• siècle ; Grmi, ÊHHêÊqf àmi^êks, looi. i, 
p. 140, et Mbtiick , ion. n , p. 118. 

(9) Les dits arcMen Mvrèfeot neak de lean cbetaui à Créey. flwwdii Ckrmiqwi, 
lom. ▼, p. 461. 

« A Asiiic(mrt,leiirs chevaux (detiai keanes restés k cheval) eMiest teUenenl naviti do 
traid qu'Us* ne les pooTOient tenir ni g o n fW B ei.» (IKtistrv dt CAories Vi^ par Lvtrtt m 
SiiHT-Rnnr» eh. lui, p. 9S.) 

(3) « Les arbalétriers gennefois connueiieèrent II traire, mab les archers angloîs firent voter 
ces sagettes de grand bçon, qui entrèrent et descendirent si ouniement sur ces gennerois 
que ce sembloit neige. Les Gennevob, qd n'avotent pas appris I trooTer tels archers q«e 
sont ceux d* Angl eterre, quand ils sentirent ces sagettes qnl leur perçoient hrsa , têtes et ban- 
lèvre (visage), fàrent untètdesconflta. • FiotsiàiT, liv. i, part. 1'*, eh. cainvn, p. VI. 

« U commune d'Amiens ne put rMiler h la grani multitade de ssiettes que les Angloto 
traîoienL» Gmén Ckrcmirm, tom. v, p. 457. 



20 GUERRE DE CAMPAGNE. 

auxiliaires françaises sans nuire aux archers anglais, et M. Michelel, 
dans son intéressante Histoire de France^ demande à cette occa- 
sion : Pourquoi les Génois ne cachèrent-ils pas leurs arcs sous leurs 
chaperons comme le firent les Anglais? D'abord, le chaperon était 
une coiffure sous laquelle il eût été difficile de cacher autre chose 
que sa tète; mais la raison péremptoire , c'est que ces Génois n'é- 
taient pas armés d'arcs dont la corde pût facilement s'ôter, mais 
à' arbalètes dont la corde était invariablement fixée; armes trop vo- 
lumineuses pour pouvoir être garanties de la pluie (^)- 

La funeste bataille de Crécy, en 1346, où les arbalétriers génois se 
trouvèrent dans une grande infériorité vis-à-vis les archers anglais, 
ne dessilla pas tous les yeux; mais le prompt retour des mêmes mal- 
heurs à la bataille de Poitiers prouva que, pour résister à ces masses 
cC hommes de petit état (^) , comme les nommaient les chroniqueurs 
du temps, il fallait une force plus agile, plus disciplinée^ plus nom- 
breuse que la noblesse. Aussi, en 1394, il fut ordonné par toute la 
France que le peuple ne pourrait plus désormais s'adonner à d'au- 



(1) LescilatioDS suivantes prouvent que la troupe génoise était composée d'arbalétriers. 

« La avoitde ces dits Gennevois environ 15,000, ils étoient durement las de leurs arba- 
« lêlrei porter. » Froissaet, liv. i, part. 1'*, ch. ccLXXXvn, p. 237. 

Où lit de même dans le continuateur de Nangis, p. 108 : « Qui quidem balistarii trahere cœ- 
perunt», etc., et dans les Grandei Chroniqueê de Saint-Denis j lei Genevois arbaleslriers^ 
tom. V, p. 460. 

Dans les Archives de France, imprimées sans date par la Record^s commission^ p« 141, ou 
voit en date des 22 et 23 août 1339, un mandat donné au trésorier de Toulouse parle lieu- 
tenant du sénéchal de Toulouse et d'Alby, «de payer 60 sols de petit tournois de gages au ser- 
gent du roi à Toulouse, pour la levée qu'il a faite des arbalestriers qui doivent se rendre à 
Gompiègne, le 8 septembre prochain , aux fins des'opposer au roi d'Angleterre qui projette 
d'envahir la France.» M. le capitaine Favé a eu aussi le tort dans son livre sur VHistoire et la 
Tactique des Trois Armes y d'appeler archers les arbalétriers génois à Grécy, et M. F. G. 
Louandre, dans son Histoire du PonMeUy Paris, 1844, commet la singulière méprise de 
dire que les archers anglais maniaient à Grécy des arbalètes qu'ils mettaient dans des étuis 
pour les préserver de la pluie. 

(2) J. Javenal des Ursins et Monstrelet emploient cette expression, et on lit dans les 
Grandes Chroniques : 

« Gar par pou de gens et gens de nulle value , c'est assavoir archiers, furent tués le roy 
« de Boesme, etc., etc. » Grandes Chroniques^ tom. v, p. 461. 



LIVRE P.- CHAPITRE !•'. . 21 

très jeux qa à ceux de Kare ou de l'arbalèle, et c'était admirable , 
dit le religieux de Saint-Denis, de voir l'aptitude du peuple pour cet 
exercice; tous s'en mêlèrent, jusqu'aux enfants (0, et J. Juvénaldes 
Ursins 9) ajoute : « ^n peu de temps les archers de France furent 
« tellement duits à Tare qu'ils surmontoient à bien tirer les Anglois, 
« et, en effet, si ensemble se fussent mis, ils eussent été plus puis- 
« sants que les princes et les nobles , et pour ce fut enjoint par le 
« roi qu'on cessât », après de vives représentations des seigneurs et 
des nobles» dit le religieux de Saint-Denis. En Angleterre, au 
contraire, les rois faisaient tous leurs efforts pour que le tir de Tare 
continuât à être le jeu favori des Anglais. Edouard III avait, en 
1963, défendu tous les jeux, même les combats de coqs , aGn que 
tous les jours de fête le peuple ne prit d'autres» divertissements que 
le tir de l'arc. Richard II, Henri Y et Edouard lY rendirent des 
ordonnances dans le même sens (^). La crainte du peuple» l'absence 
d'une solide organisation militaire, telles furent sans cesse les cau- 
ses de tous nos revers. 

Cependant ces archers ne formaient qu'une infanterie légère sans 
consistance , ce qui obligeait la chevalerie anglaise à se mettra à 
pied 9) i si elle fût restée à cheval, l'avantage eût été pour les Fran- 
çais, car rien ne pouvait résister au choc de notra gendarmerie (S) . 
Pour arrêter la fougue de celle-ci , les archers étaient placés en 



« Les AngfcNS gafoèrent la bilaille d'AiiDcourt par ccui-lè mêmes qui la dévoient perdre par 
le sentiment des ntees, c'est-k-dire des ardiers. • Le Rtli§ieu» de SahU^DtnU, liv. xiiv , 
eh. Ti, p. 1,010. 

(1) Le ReUgiemx de SanU-Denife^ IW. ut, ch. i, p. 253, édit. Laboureur. 

(S) Hiêi&ire de Ckarke F/, p. 396. 

{ii Rymer, tom. ni, p. 79, ad. 1303; p. TT, ad. 1392; tom. it, p. 76-193, an. 1417-1416. 

(«) Dans les croisades, la cheTalerie s'était mise quelquefois ï piad, mais cela très rarement, 
et Amm ComtNi, dans son Alexiade, dit (liv. t, p. 140, Paris, 1651) que les hommes 
d'armes fran^, si terribles ï chcTal, sont peu dangereui è pied. 

D'après la Chronique de Saiiiàimrg, le roi Albert gagna la bataille de Uasenbuhel, en 1206, 
parce qu'il avait Cdt mettre pied k terre ï sa cavalerie. (Mullbr, Histoire de$ Suieees^ t. ii, 
p. 133, Ldpsicfc, 1786.) 

(5) « Et que comomnément les Anglois ne peuvent tenir route à cheval contre les François, 



-2*2 • €U£RH£ DE CAMPAGNE. 

première ligne , formant la herse (X) , c'est-à-dire fichant en lerre 
devant eux un pieu pointa des deux bouts en guise de cheval de 
frise 9). Ces pieux ou plutôt ces piques avaient onze pieds de lon- 
gueur W. 

Le père Daniel et, d'après lui, phisieurs écrivains^ se méprenant 
sur le véritable sens du mot herse, prétendent qu'à Grécy, les ar- 
chers anglais étaient disposés en bataillons profonds et triangulai- 
res, imitant ainsi la «forme de l'instrument aratoire nommé herse ; 
or, nous croyons au contraire, d'après les témoignages de Christine 
de Pisan et de Philippe de Clèves , que nous rapporterons tout à 
l'heure, que les archers anglais étaient placés devant leur gendar- 
merie en ligne étendue et mince, disposition qui leur permettait de se 
servir avec avantage de leurs arcs.Munis de leurs pieux, ils formaient 
une barrière infranchissable, et Froissart les comparait non à un in- 
strument aratoire» mais à la grille de bois et de fer, nommée éga- 
lement herse, qu'on abaissait devant les portes de toutes les forte- 
resses. 
Vers le milieu du xnr* siècle, et au commencement du xv% les 
La cboTaierie se fait archcrs anglais exercèrent une immense influence sur la chevalerie 
™^'"^"*** française. Ces hommes d'armes, qui naguère ne quittaient pas 

leurs chevaux y et portaient des souliers à la poukiine qui les 
empêchaient même de marcher , furent obligés , après Crécy (0 i 
de suivre l'exemple anglais, et de mettre pied à terre dans toutes 



8'ils ne mettent pié à terre ^.Chronique du duc Philippe de Bourgogne, par Gbohgbs Cbastbl- 
làoi , ch. LXTn, p. 75, Panthéon littéraire. 

(1) « Leurs archers mis en manière d'une herse, et les gens d'armes au fond de la bataille.» 
Crécy, 1346} Froissait, liv. i, part. 1'% ch. ccuxxvn, p. 237. 

« Les gens d'armes ont mis tout devant eux les archers en manière d'une herse. » Poitiers, 
1356; Froissa&t, liv. i, part. 2% ch. xxxi. 

(2) Histoire de Charles Tly par Lbfèvrb ds Saint-Rut, ch. lix, p. 87. 

(^ Ordre de Henry Y d'Angleterre, tiré d'un manuscrit de M. Petyts, in the Inner Temple, 
intitled Collectanea^ vol. i, p. 509. Foy. GaosB^ Military Ântiquities, 1. 1, p. 143. 

(4) A Crécy, en 1346, les hommes d'armes anglais étaient tous à pied, les hommes d'armes 
français k cheval. 

Froissarb, liv. I, part. 1^, ch. cclxxxit, p. 934. 



LIVRE I*'.— CHAPITRE i*'. 23 

les batailles. A Poitiers (^) , à Cocherel (^) , à Aaray (3) , à Ni^ara W , 
à Monteil (&), à Pont- Valain W, à Chiaey (?), à Rosbeque (»), 



(1) A Poilîefs, en 1356, eioeplé trois cents hommes, tous les Français étaient, comme les 
Anglais, à pied, et le roi Jean lui-même. « Leurs cbeTaoi assez près pour pouvoir monter 
« detfos au besoin. Que tous ceux qui lances avoienl les relaillaaseDt au voImum de cinq pieds, 
« pourquoi on se p6t mieux aider, et que tous aussi ftlf e nl leurs éperaos.» 

FnoissAaT, liv. i, part. S*, eh. xxxi, p. 342. 

(2) A la bataille de Cocherel, en 13S4 « les Nayarrois flreni trois batailles bien et faitîce- 
ment tous à pied. » FnoisaànT» Uy. i, part. )•, ch. clxxi, p. 476. 

« Les François ne mirent quetreotehommeaàchspraiet les amimdMWurèrenl lous à pM 
sur les champs en leur ordonnance, ainsi quils dévoient être. «M^ p. 477. 

Chascun Ai de cheval a terre descendus. 
Les lances en lor poins et au dos les escus. 

Chronique rimée de Cuvéliex, vers 4519. 

(3) A b bataille d*Auray, en 1364, tous les hommes d'armes étaient âi pied , et méuic 
Charles de Blois et Duguesdin. Chronique de sir Bertrand Duguesclin, ch. xl, p. iS, Pan- 
Ihéon lUiéraire. 

Leurs kinces reuillées de cinq pieds. FtonsAnT, liv. i, part. 3, ch. cxcm, p. 404. 

Des chevaux descendirent que nute n'i est restes. 

Chronique rmée de CuvtuBi, vers 5929. 

(4) A la hataîHe de Nijara, ou Navarette, en 1367, les hommes d'armes espagnob qui fu- 
rent battus étaient h cheval, Undis que les Anglaia étaient h pied. Chronique de Dugues- 
din, di. Lxxxvii, Panthéon UUéraire^ et FtoiasAmT, liv. i, part. % di»ccxxxvi, p. 534.. 

(5) A hi bataille de Montail, en iSV, les Espagnob et Henri de Tranalanare lui>méme 
desoeadirem h pied. Chronique de Duguesdin, eh. cxix, p. 64, Panthéon littéredre. 

(6) Quant près furent Englob si qu^ demie ardiie 
A pié iont deêcendu en mi la prairie. 

Chronique rimée de Cuvftuaa, vers 18423. 

(7) Au oombaideChizey, en 1372 : 

Et tiennent pié ^ terre en fort boutant tous die (toujours). 

Chronique rimée de Cuviuia, vers 22378. 

(8) A Rosbeque en 1382 « il fut ordonné que tous renvoyassent leurs chevaux , excepté 
le roi qui seul resterait à cheval. » Hietoire de Charlee VF, par le religieux de Saint-Denys. 
liv. u, ch. xvt. J. JuvÊKAL DIS Uasors, p. 355. 

« Quand lessieurs de Bourbon et de Coucy et leurs gens oreot assez ocds de Fbmans et ou- 
trée b bataille, ils Arenl venir leurs chevaux sur lesquels eux et leurs gens montèrent hasti- 
vement. » Bataille de Rosbeque. Vie de Loys de Bourbon^ par J. Cabaixt D*Oaao>iviLU. 
ch. LVi, p. 158. 



24 GUERRE DE CAMPAGNE. 

à ToDgres (*), à Azincourt W, à Crevant W, à Yerneuil (*), à 
Bullignevilie (^), à Saint -Jacques W, à Formigny C), à Rippel- 
monde (^} j la chevalerie anglaise ^ française et bourguignone com- 
battit à pied. 



(1) A ToDgres, en 1408, le duc de Bourg<^ne et le dac Guillaume laissèrent derrière eux 
chevaux, chars et charrettes.» Mohstrblbt, ch. l, p. 130. 

(2) A Axincourt, en 1415, la plus grande partie des Français est également à pied. Voy. 
MoicsTEELBT,pari.l'% ch. CLiii, p. 373.Le récit que M. Michelet (ait de celte bataille dans son 
Histoire de France n'est donc pas exact, puisqu'il prétend que les Français étaient à cheval. 
C'eût été contre tous les usages du temps, et les chroniqueurs disent positivement le con- 
traire. Dans la Chronique du religieux de Sainl-Denys^ il est dit que les Français entraient 
dans la boue jusqu'aux chevilles. Liv. xxxv, ch. vi, p. 1009. Edition de Le Laboureur. 

Saint-Rémy, témoin oculaire, d'accord avec Monstrelet, dit que la troisième division ou 
arrière-garde, n'était pas encore descendue de cheval lorsqu'elle s'enfuit. Ch. lvii, p. 94, 
édition de Le Laboureur. 

« Et viendrent en un champ bien mol, car il avoit bien longuement plu et mirent pied à 
terre.» J. Juvénal dbs Ursins, p. 518. Panthéon littéraire. 

Un auteur de l'époque suivante s'exprime ainsi : 

« Leur bataille à pié éloit dans un grand champ où ils estoient en la bo jusqu'aux genoux. 
Le Jouybncbl, Manuscrit, n** 205, fol. 83. 

« Pour lors, ledit beau-frère et moi ensemble nos gens mimes pied à terre.» Lettre du duc 
Jean, rapportée par M. de BARAKTK,tom. u, p. 178; Paris, 1842. 

(3) A la bataille de Crevant, en 1423 « il fut ordonné que quand ou viendroit au lieu où on 
« dcvoit combattre, qu'incontinent qu'il sera dit et publié que chacun descende à pied, et ceux 
« qui en feroient refus, soient mis à mort. Tantôt les chevaux soient menés aprière l'espaee 
a d'une demi-lieue, et ceux qui seront trouvés plus près soient pris comme confisqués.» Mon- 
strelet, liv. Il, ch. X, p. 547. 

(4) A la bataille de Yerneuil, en 1424, les hommes d'armes français étaient à pied, mais ils 
avaient laissé les Loqnbards à cheval pour rompre les ennemis par derrière. Mais le doc de 
Bedfort et les siens descendirent tous à pied. Les chevaux des hommes d'armes, dit Monstre- 
let,» liés tous ensemble par les hoitereauœ et par les queues en plusieurs lieux les uns aux au- 
« très, afin que leurs ennemis de pied et de cheval ne les puissent surprendre.» Monstrelet, 
liv. n, ch. XX, p. 558. 

(5) A la bataille de Bullignevilie, en 143t « les hommes d'armes bourguignons vouloient 
« rester à cheval, mais les Picards et les Anglois ne le vouloient pas souffrir, et enfin, d'un 
« commun accord, fut ordonné que tout homme dequelqueétat qu'il fût descendroit à pied, et 
« qui autrement le feroit soient mis à mort.» Monstrelet, liv. u, ch. cvm, p. 650. 

(6) En 1444, kla bataille de Saint- Jacques , l'armée française ayant affiiire contre les 
Suisses qui étaient armés de piques, de hallebardes et de peu d'arbalètes, ne fit mettre pied h 
terre qu'à un petit nombre d'hommes. {Voy. Muller, Histoire des Suiues, tom. iv, liv. iv, 
p. 83, d'après Schàmdocher.) 

(7) A la bataille de Formigny, en 1450, «le sénéchal du Poictou fist descendre ses gens à 
pied. » (Alain Chàrtier, p. 198.) 

(8) A Rippelmonde, en 1452 « lors fist le duc tout ses gents descendre à pied archiers et 



LIVRE !•'. — CHAPITRE !•'. 25 

Cependant toutes les fois que les Français et les Bourguignons 
croyaient pouvoir surprendre leurs ennemis avant que les archers 
fassent rangés en bataille, ils restaient à cheval comme ils le firent 
à Baugy en 1421 (^) , à Patay en 1427 (3) , au combat des Ha- 
rengs en 1429 (^. Aussi les chefs étaient souvent obligés de donner 
Tordre qu'on mtt pied à terre sous peine de mort, comme cela eut 
lieu en 1423 et 1431 W. En général leurs chevaux ne leur servaient 
que de rempart pour protéger les derrières de leur position (^), et ils 
ne remontaient dessus que pour suivre Tennemi en cas de victoire 
ou pour s*enfuir en cas de déroute. Us raccourcissaient leurs lances 
à la longueur de cinq pieds (^ , afin de pouvoir les manier plus faci- 
lement et d'augmenter leur résistance; enfin ils ôtaient jusqu'à leurs 
nobles éperons et les fichaient en terre les molettes en dessus» pour 
s'en servir en guise de chausse-trapes.C^ 



bomitiesd'amies, réservés aucuns hommes d'annes. Ckr.de J.dMCUrcq^\vf,n^^. xv,p.49. 
PanlA^oti Hiiirairt,) L'armée passaot près de Lyoo, le comte d'Etampes fil anssUost tirer 
tous ses geos d*armes hors de ladite ville, aux plains champs et luy-mesme rangea-t-il ses 
gens d'armes en très helle ordonnant à pied, et fit que chacun renvoya ses chevaux à ladite 
ville. Manthiiu m Codsst, 'Panthéon littéraire, lom. n, p. 4. 

(1) A la bataille de Baugy, en 14S1, gagnée par les Français, les Anglais n'attendirent pas 
leurs archers « et commencèrent Tesirif à cheval » et ils eurent le dessous! Ckr<miqm$ de 
Gbokgb Cbàstillain, ch. livii, p. 75. 

(2) A la hataille de Patay, en 1427, les Anglais furent attaqués avant d'avoir pu meure tous 
pied à terre. MoifSTAiurr, Kv. u, ch. lxi, p. 605. 

(3) Au combat des Harengs, en 1429, les hommes d'armes français voulurent rester à che- 
val, les Ecossais, au contraire, mirent pied k terre. Monstiblit, liv. rs ch. lvi, p. 596. 

(4) Foy. les notes 3 et 4 de la page 34. 

(5)« Par derrière de l'arrière-garde, sont les chevaux avec les valets et qui empêchent qu'on 
attaque par derrière. »£a mamière êelom f n— ne » ém l#mps jpréêefU dTarangiir o$t en ekaw^p 
pour eombatire. CiimiSTifiB de Pibah, Uwre de$ faits tTÀrmeê^ MS de la Bib. R. n« 7076, 
liv. r*, ch. xxin, fol. 32. 

(6) En 1350, Edouard 111 éunt devant Calais « s'en vint avec ses gens rtquerre ses enne- 
mis qui se tenoientmouh serrés leurs lances retaillées de ctii9pied«.»FA0issAiT,llv. v\ part.2', 
di. OGCXXvm, p. 279. 

A Aùncouft, en 1415 « les François boutèrent leurs lances qu'ils avoient ooupées par le 
milieu, afin qu'elles lussent plus fortes. » MoHtniurr, liv. i, ch. cur, p. 374, et Lirtvti oi 
Saoit-Ruit, ch. Lxn, p. 93. Paris, 1663. 

(7) A Thorigny, en 1359 « messire Philippe de Navarre, son frère Louis, etc., coopèrent 
tous leurs gbives k la mesure de cinq pieds, et au pendant de la montagne où ils élolent, ils 

TOME I. 4 



96 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Les chevaliers allemands mettaient rarement pied à terre. Ce- 
pendant le duc Léopold, au combat de Sempach, en 1386, renvoya 
tous ses chevaux sur les derrières de TarméeC^). Les Italiens aussi 
restaient généralement à cheval (2). Mais en 1422, un des plus ha- 
biles condottieri de Tltalie, le fameux Carmagnola fut obligé de foire 
mettre à pied toute sa cavalerie, pour enfoncer les Suisses à Arbebo, 
près de Bellinzona C^). 

Ainsi donc les hommes de pied suisses, comme les hommes de 
pied anglais, avaient forcé la chevalerie à se faire elle-même in- 
fanterie. Mais les hommes d'armes pesamment armés étaient de 
bien lourds fantassins, ils ne pouvaient marcher contre leurs enne- 
mis qu'en se reposant plusieurs fois en chemin W. On était obligé de 
régler d'avance de combien de poses ou reposements se composerait 
une attaque. 

Il leur eût été impossible de faire de longues marches à pied ; 
aussi s'il arrivait par hasard qu'ils perdissent leurs chevaux , ils 
étaient obligés de se défaire de leurs armures, comme cela arriva aux 
Anglais en 1373 C^). 



lireDt porter par leurs varlets la plus grande partie de leurs éperons et enfouir en terre, les 
molettes par-dessus , par quoi on ne les put approcher que fort en péril et à mal aise.» Faoïs- 
SART, lîv. I, part. 2", eh. lxxxyi, p. 397. 

(1) J. DB IfuLLBR, Histoire des Suisses, tom. n, p. 432, Leipsick, 17S6. 

(2) « Les Italiens eombactent toujours à cheval, ce que aultres nacioiis ne font pas. » Le 
Jouveneel MS, n<»-205, fol. 74, verso. 

(3) MuLLER, Histoire des Suisses (d'après Sabellicus), 3* vol.,ch. ii, Leipsick, 1788, et Ma- 
chiavel, Art de la Guerre, liv. u, p. 356, édit. portative, Florence, 1833. 

(4) (f A Tongres, en 1408, el prestement ils assaillirent lesdits Liégeois tous ensemble en 
bonne ordonnance par poses et reposements pour le faix (poids) de leurs armures. » Mons- 

TRELET^ Ch. L, p. 130. 

« El par trois fois et à trois reposées, marchèrent les Gantois»; (à Gavres, en 1453). Olivier 
DE LA Marche, liv. i, ch. xxvm, p. 4^. 

<r  Montrhery, il avoit été dit que l'on se reposeroit deux fois en chemin pour donner 
haleine aux gens de pied. » Philippe de Gohhinbs, liv. i, ch. m, p. 10. 

(5) « Les Anglois perdirent moult de leurs gens, et estoient en tel estât qu'il y avoit plus de 
trois cents chevaliers à pié qui avotent laissé leurs armures, les uns jetées en rivières, les 
autres les avolent despeciées pour ce que ils ne povoient j^rter.»Les-Grandes Chrimiques de 
Saint'DêniSy lom. vi» p. 340, édil. Paulin. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE K. 5f7 

Quelquefois ils ôUient leurs cuissarts , afin d'être plus agiles W. 

A Azinoonrt, les chevaliers français quoique à pied, étaient, d'a- 
près un témoin oculaire, Lefëvre de Saint-Remy, armés a de cotes 
« d'acier longues, passant le ginou et moult pesantes et pair dessous 
« hamois de jambe et par dessus Manc hamois et de plus bachi- 
'( net de cavail » (%, et cependant les flèches anglaises traversaient 
tout cet attirail (^). 

Au combat qui eut lieu près de Termonde en 1452 contre les 
Gantois» les hommes d'armes boui^ignons étaient si fatigués 
d'aller à pied qu'il bllait que leurs pages les soutinssent sous les 
bras pour les empêcher de tomber C*). 

Aussi avait-on admis comme principe qu'il fallait attendre son 
ennemi et ne pas marcher à sa rencontre <^). <x A Yemeuih dit l'au- 
a teur de la Chronique de la Pucellef les François et les Anglois 
« commencèrent à marcher les uns contre les autres, mais les An- 
H glois marchoient lentement et sagement sans se gueres eschauffer^ 
« mais les François marchoient trop hastivement tellement qu*on 
« disoit qu'ils étoient hors d'haleine avant que de se joindre (^. » 

On peut donc affirmer que depuis 1346 jusqu'à la fin du xv^ siècle, 
la plus grande partie de la gendarmerie combattit presque tou- 



(f j Leurs caissières ostereot ireslous eommuDément, 
Par ooi aler peussent trop plus légieremeot. 

Ckromique rimé§, de Cotêuek, vers 5973, aooée 1364. 
(%) Hiêtoire de CkarUê F/, ch. lui, p. 92, édit. Le Laboureur, Paris, 1663, cavail ou ca* 
mail, pièce du casque qui couvrait la nuque. 

(3) Va^. le récit rimé de la bataille d'Axiocourt en anglais, imprimé dans le Panêkéon 
iill^fturr, d'après un MS de la BibKotbèque du Musée briunnique. Vitbluo8, D. m, toni. ii, 
fol. i14. 

(4) « Et prestement fiirent les pointes des souliers coupées et hommes d*armes et archers 

se mirent à pied h qui mieui mieux , et Guillaume de Sainct-Songne un moult notable 

esGuyer dit au bAtard de Bourgogne Comment, Monsieur, voulez-vous par votre verdeur 

et jeunesse, mettre ceste noblesse en danger qui nous suit à pié k pesantes armes, et par 
telle chaleur qu*il faut les plusieurs porter et soutenir par les bras. » Ouvm ni la Mak- 
en, p. 464. Panikétm liuéraire^ 

(5) U Jamvencei, MS d« 205, ch. viii, fol. 12. 

;6: Chronique de la PurrUe. p. 412. Panthéon UHéraire, année H2t. 



28 GUERRE DE CAMPAGNE. 

jours à pied W* Il devait en être ainsi tant qu'on n'avait pas dans 
les armées une infanterie compacte capable de produire et de sou* 
tenir un choc. 

L'infanterie proprement dite n'étant composée que d'archers ou 
d'arbalétriers , se plaçait sur trois ou quatre rangs (^. Elle était 
en première ligne, devant' ou sur les côtés de la première division 
des gens d'armes (3). 

La chevalerie 9 partagée en trois grandes divisionsi se formait à 
pied en bataillons profonds (^}. Ces divisions appelées avant- 
garde, bataille et arrière-garde, étaient placées l'une derrière l'au- 
tre (5), de sorte que la plus grande partie des troupes était en ré- 
serve* On conservait quelques centaines d'hommes d'armes à 
cheval, pour mettre le désordre dans l'armée ennemie quand elle 

(1) Le MS du Jouvencelj n^ 205, écrit par Jbaii de Bubil au commenœmeot du règne de 
Louis XI, fol. 74, verso, fournil de nouvelles preuves de ce fait. 

(â) «Et prenez que au tempi pasié ils fesoient leurs batailles de pié que de troys ou quatre 
d'épais. » Philippe de ClIïves, MS Bib. Roy, n*» 7452, fol. 50, recto. 

(3) C'était la disposition ordinaire dans toutes les bauilles. Voy. Froissàrt, J.-J. des 
Ursins. 

« A l'avant-garde, dit Christine de Pisan, fait-on esles aux côtes devant esquelles est le 
trait tant canonniers et arcbalestriers et archiers semblablement arrangiez. La manière selon 
Vusanee du temps présent d'arrançier ost en ckamp pour eambattre ». Christine de Pisan, 
Livre des faiu d'Armes, MS Bib. Roy., n» 7076, liv. i, ch. xxm, fol. 32. 

Les auteurs modernes qui ont écrit qu'au moyen &ge l'infanterie était toujours reléguée sur 
les derrières se trompent donc; nous citerons encore le passage suivant : « Mais quand les 
Anglois les virent sansarbalestriers contre la coustume des François de les mettre à leur tête 
dans toutes les attaques, etc.» Le Religieux de Saint-Denis, liv. xxiv, p. 491 , année 1404. 
D'ailleurs, cette ordonnance datait des Croisades. Voy. Guillaume de Ttr, Villbhar- 
DOOiN, etc. 

(4) « Car, comme je l'ouis dire à ceux qui y furent, les François étoient aussi serrés et 
aussi joints que on ne put mie jeter une pomme qu'elle ne cheist sur un bassinet ou sur une 
lance, et portoit chacun homme d'armes son glaive droit devant lui, retaillez h la mesure de 
cinq pieds et une hache forte à petit manche sur son côté ou sur son col, et s'en venoient 
ainsi tout bellement le pas, chacun sire en son arroy et entre ses gens et sa bannière devant 
lui ou son pennon ».Froissart, liv. i, part. 2>, ch. cxcin, p. 494. D'après Livius Forojulien- 
sis et Eknham, les Français à Âzincourt étaient sur 30 hommes de profondeur. Voy. Mey- 
RiCK, tom. Il, p. 119. 

(5) R Au temps passé combattoit première l'avant-garde et reposoit la bataille jusqu'à ce 
que ceux-là fussent longuement combattu, car, alors, ils marchoient pour les rafraîchir et 
secourir et pareillement la bataille des autres, et ainsi l'arrière-garde et par ainsi durait la 
bataille longuement ». Philippe de Clives, MS n« 7452, fol. 50. 



LIVRE !•'.- CHAPITRE I". 29 

S avançait en bataille. Cette disposition était très vicieuse ; elle 
fut cause de la défaite des Français à Poitiers et à Azincourt ; 
car cette cavalerie, qui eût été si efficace contre un ennemi 
déjà ébranlé , venait échouer contre les pieux des archers anglais 
et, repoussée, elle répandait le désordre dans l'avant-garde qui, 
à son tour, ne pouvait guère rétrograder sans mettre la confu- 
sion parmi toutes les autres divisions placées derrière elle. Les 
Anglais , au contraire, ne commençaient jamais l'attaque avec la 
cavalerie , mais avec leurs archers ; ils plaçaient un petit nombre 
d'hommes à cheval sur les ailes, pour donner sur Tennemi lorsque 
celui-ci était déjà ébranlé (0, et ils disposaient quelquefois leurs 
batailles d'hommes d'armes à pied en échelons (^) de sorte qu'elles 
pussent se secourir mutuellement, et que la déroute de l'une d'elles 
n'entratnàt pas celle de toutes les autres. 

Duguesclin avait imité cette ordonnance à la bataille de Monteil, 
mais son exemple ne fut pas suivi (^. En effet, Christine de Pi- 
san, comme on a déjà pu le voir par nos citations, dit qu'ordinaire- 
ment on fait trois batailles à pied, les chevaux avec les valets der- 
rièrerarrière-garde.o[ Une troupe de gens d'armes seule reste à cbe- 
« val, dit-elle, pour déranger la bataille des ennemis quand ils s'assem- 
a bleront C'est la manière, la plus ordinaire ; mais , quand on 
<x a moins de gens des communes, mais plus de bonnes gens d'armes, 
« que toute l'assemblée soit mise en une seule bataille, sans autre 
<x avant-garde ni arrière-garde fors les esles devant, si qui dit est et 



(f) Voy. les dispositiODS d*Edoiianl III ài Crécy, et do prince de Galles k Poitiers. Ftois- 
SAiT, \ïw. I, pan. 1"*, ch.xxxT et saivaDU, p. 345. 

(3) Vaif. aa combat d*Aiiny dans Fkoissait, liv. i, part, i*, cb. cxc et suivaou, les dis- 
positions de lean Cbandos. 

(1) Descendoos tous a pié taotost dessus le pré 
Trois bauilles ferons, ainsi me lient a gré, 
La pins grant an miliea, les antres an costé. 
Sarrasins en clairons ainsi l'ai en pensée. 

Chronique rimét de Curtun, vers 159^6. 



30 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« dient que plus seurement on se combat, et cèste manière fut tenue 
a en la bataille de Rosbeque où le roy de Francoi Charles le sixième 
c< de ce nom qui pour lors regnoit, eut victoire contre quarante mille 
<c Flamens et samblablement fut fait, na mie grandement ne long* 
ce temps en la bataille de Liège, où Jehan, duc de Burgoigne, fils de 
« Philippe, fils du roy de France a tout assez petites quantités de 
c( gens d'armes pieux et vaillans fut victorieux contre trente-cinq 
« mille Liégois W. » 

Avant de poursuivre notre récit, nous croyons utile de produire 
les citations suivantes qui caractérisent la manière de faire la guerre 
de ces temps féodaux. 
Usages féodaux Eu 1347, Edouard III fait le siège de Calais, Philippe de Valois lève 

une armée de detix cent mille hommes (^), pour venir au secours de 
cette ville et faire lever le siège. Il arrive sous les murs et là il trouve 
la petite armée anglaise si bien retranchée qu'il n'ose l'attaquer et 
qu'il envoie messire Eustache de Ribeumont auprès du roi d'Angle- 
terre à qui celui-ci tin( le langage suivant : « Sire, le Roi de 
c< France nous envoie devers vous et vous signifie qu'il est ci-venu 
« et arrêté sur le mont de Sangattes pour vous combattre, muis il 
« ne peut ni voir ni trouver voie comment U puisse venir jusques à 
« vous; si en a-t-il grand désir pour désassiéger sa bonne ville de 
« Calais...* Si verroit volontiers que vous voulussiez mettre de votre 
c< conseil ensemble, et il y mettroit du sien» et par l'avis de ceux, 
a aviser une place là où on se pût combattre. » 

Le roi répondit : « Si dites lui de par moi, .s'il vous plaît, que je 
Ci suis ci endroit et y ai demeuré près d'un an, ce a-t-il bien sçu, 
« et y fût bien venu plus tôt s'il eût voulu... Si je ne suis mié con^ 
« seillé de tout faire à sa devise et à son aise, ni éloigner ce que j'ai 



(1) Livre des FaiU d^ Armes, MS D^TOTe, part. 1'% ch. ixin, fol. 3S. 

(2) Froissart, liv. I, part. 1'% ch. cccxti, p. 264. Il y a sans doute exagération dans le 
cbiflre, mais peu importe. 



LIVRE !•.— CHAPITRE l^. 3i 

« tant désiré et comparé. Si lui dites qae, si il ni ses gens ne peuvent 
c< parla passer t que ils Yoiseni autour pour quérir la voie (0. » Et 
ce que demandait le roi de France était conforme aux usages du 
tempsy car on donnait ordinairement rendez^vous pour une bataille 
comme pour un duel^ s'engageant à choisir un lieu qui ne fût obstrué 
ni par un bois, ni par Teau, ni par un marais (^ 

D'après ce qui précède, on voit que les murailles de Calais avaient 
résisté pendant plus d'un an à Tarmée victorieuse d'Edouard III et 
qu*à leur tour, quelques fossés hérissés de pieux mettaient les Anglais 
ï l'abri des attaques de forces considéraUes. 

Les capitaines qui conduisaient les armées, habiles à rompre une 
lance,n' avaient pas la plus I^ère notion de stratégie ou de tactique* 

En 1356, le roi Jean s'avançant pour combattre le prince de 
Galles près de Poitiers, fut très étonné d'apprendre que ses ennemis 
que tantdésirùit à (rauoer étoieni derrière et non demnt W. 

Eu 1382, dans la campagne qui finit par la bataille de Rose- 
becque, on voit le connétable de France, Clisson, diemander avec 
une naïveté parfaite, quel est ce pays de Flandre où il n'a jamais été 
et quelle est cette Êimeuse rivière, la Lys» que l'armée ne peut tra* 
verser. On lui assure, dit Froissart, qu'elle vient de St^Omer : « Or, 
dit-il, puisqu'elle a un ernnmencement nous la passerons bien W. » 

En 1406, le duc de Bourgogne) qui traînait à sa suite une tour de 
bois pour assiéger Calais, se trompe de chemin et arrive devant Saint* 
Omer, se croyant près de la première ville (^). 



(1) FtoissAkT, iiy. i, p. l'*, cb. cccivin,p. i65. 

(2) « Le meistre d'arblasiriers de Fnoce fesaunu mancion qui! voleit dire k roy d*Angle- 
lerre de part le roy de France , qu*U yoUleit prendre place qu'elle ne fnsl aliorde par boys , 
mareis ne par eawe, et qa'il lui donroit bataille dedeinz le jeoCdy proacbaint snannt. » 

LtUn d'Edouard conserfée par Rchen d'Ayeabary. Vo^. F«oi88AAT, édit. fiucboo, lora. i, 
p . 74.Pari8, 1S3S. 

(3) FaonsART, Iiy. i, part. 9*, ch. xxix, p. 9M. 

(4) FaouaiaT, Iiy. n, cb. CLxiyii. p. 231. 

(5) AiàUf CBAaTm, p. 9. Edit. in4V Paris, 1617. 



^2 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Chaque armée s'efforçait d'avoir à dos le soleil et le vent et cela 
s'explique par cette raison que, les chevaliers ayant la visière baissée, 
et. ne voyant qua travers une petite onveVture, Téclat du soleil 
ou la moindre poussière les rendait complètement aveugles; im- 
mense désavantage lorsque les combats dégénéraient en luttes corps 
à corps. 

Le vainqueur ne poursuivait jamais sa victoire ; car, d'après les 
lois de la guerre, celle-ci n'était légitimement reconnue que lors- 
qu'il avait occupé le champ de bataille pendant trois jours. 

Les combattants comptaient beaucoup sur les cris qu'ils poussaient 
tous ensemble pour intimider leurs ennemis. A Crécy, les arbalé- 
triers génois poussent des cris affreux W ; à Rosbeque, il est or- 
donné que tous crieront d'une voix chacun son cri ou le cri de son 
seigneur (^; à Azincourt, « tous les Anglais, dit Monstrelet» sou- 
c< dainement firent une très forte huée dont grandement s'émerveil- 
« lèrent les Français W. » 

Il fallait que près d'un siècle s'écoulât encore avant que la disci- 
pline commandât le silence et que les armes à feu employées en 
grand nombre vinssent couvrir toutes les voix, les chants de triom- 
phe comme les cris de désespoir. 

D'après les divers exemples que nous avons rapportés , il faut 
reconnaître que les habitants de la Grande-Bretagne avaient une meil- 
leure tactique et une discipline plus sévère que la nôtre. Dès 1347, 
ils avaient adopté pour les combats de nuit un mot de ralliement 
qui leur servit grandement pour se reconnaître au combat de la 
Roche-Deryen W; et au commencement du xv« siècle, ils trat- 



(1) Froissart, liv. I, ch. cclxxxtii, p. 237. 

(2) Froissart, liv. n, ch. clxxxiii, p. 237. 

(3) Chr, Dl MORSTRBLBT, Kv. I, ch.*'cLiT. p. 375. 

(4) « Thomas Dagorn ordonoa que ses soldats diroient l'un à l'autre une parole bien bas , 
laquelle parole je n'ai pu sçavoir Les nôtres s'entretuaîent pour ce qu'ils ne s'entre cog- 



LIVRE l«.--CflAPlTIIE K 3S 

naieni à la suite de leurs armées des bateau pour jeter des ponts 
sur les rivières. En 1441, ils passèrent l'Oise de cette manière (i). 

La noblesse française n'avait que trop senti ce que i)OQva΀nt 
faire les mains plébéiennes des arebers anglais ; mais comme elle 
composait seule la véritable armée, elle méprisait tous eem qui, 
sans être nobles, se mêlaient du métier des armes. En 1415 , elle 
refusa six mille arbalétriers que voulait lui envoyer la ville de 
Paris, disant : Nous n'avons que faire de ces boutiquiers (^). » Au 
combat de Senlis, en 1418, a il y avoit, dit Pierre de Fenrn , un 
« capitaine de brigands (soldats armés de la brigandine , espèce de 
« cotte de mailles), lequel avoit foison de gens de pié qui ftirent 
» tous mors, et foisoii on grant risée pour ce que c' estait tous gens de 
« popre estât (^). » 

Le bien résulte parfois de l'excès du mal; Charles Vil, qui conamme d'ordonnance 

el franc» archers. 

avait vu le moment où la France déchirée par les dissensions, allait 
devenir province anglaise, se bâta, dès qu'il eut repoussé les 
étrangers d'organiser, solidement la force militaire de ki France. 
Ce souverain, auquel les historiens n'ont pas rendu la justice qui lui 
est due, commença en 1439 la réforme de la cavalerie; et, en 1445, 
il créa quinze compagnies d'hommes d'armes de cent lances cha- 
cune, qui furent appelées compagnies d'ordonnance ; il réduisit de 
dix ii sept le nombre de chevaux qui composait la lance fournie W. 



niaioieiii taot ùàtok obecar, dmis les «nseaiit ai tf oient un signe secrei eonme defiot est 
dH si s'eniregavdolent. » 1m OtomIm CknmUnui de Sainê^fkHfê. ton. ▼, p. 474, année 
1847. 

(t) « Etftvolentdespetlu btteani de cuir et de bois, oordes et noires liaMIIenents tout 

propices ^ faire ponu, qi^ils «toieni oinités sif chariots Et adone lesâto Anflols bon- 

tèrentnnbatelen l>«u et passèrent (TOise) bien dooinblenient notre, trois on qottre ponr la 
première fols, lesqnels auncbèrant une fène eorde d*nn bord li faotie, ài unit pelils poinçons 
qu'ils atoient liés par le milieu. » MonsniLiT, ii?. n, ch. ccuu, p. SIS. 

(9) « Jean de Beamnont repartit a?ec mépris : Qo'atons-noos allbire de Tassiftanee de ces 
gens de boutique? » Lt Bêligmus de Sotnl-llM^f , lit. xix?, cb. v, p. 1606, édit. Le Labou- 
reur. 

(3) Page 567, PmUkéim litiérûire. 

^4) « Et quand le roy les eut ouys, il assembb son eonseH, adfisant que tenir tant de 
Toni I. 5 



34 GUERRE DE CAMPAGNE. 

En 1448 j il créa les francs archers, ainsi nommés^ parce que 
chaque commune devait fournir un soldat par cinquante feux , qui 
serait franc de taille. 

Le nombre des francs archers montait à seize mille; les uns étaient 
armés de voulges et de piques, les autres d'arcs et d'arbalètes. Cinq 
cents archers formant une compagnie^ étaient commandés par un ca- 
pitaine et sept compagnies étaient sous les ordres d'un capitaine 
généralqui, lui-même^ était chef immédiat de cinq cents hommes (^). 

L'ordonnance de Charles Vil rendue aux Montils-les-Tours , le 
28 août 1448, donne peu de détails. Elle dit que les archers se mu- 
niront d'arcs ou d'arbalètes garnies, et qu'ils seront habillés de c< sa- 
«lade (casque léger], dague, espée, arc, trousse et jacque avechucgues 
de brigandine (^). » Mais le considérant de l'ordonnance est remar- 
quable, en ce que Charles VII annonce qu'il crée cette troupe ^ 
afin de pouvoir faire la guerre sans qu'i7 soit besoing de s'aider d'au- 
tres gens de ses sujets , c'est-à-dire, sans les nobles , et il enjoint aux 
commissaires chargés de désigner les francs archers , de prendre 
non les plus riches, mais les plus habiles à tirer de l'arc &). 

En 1303, au contraire, Philippe le Bel avait ordonné de pren- 
dre les hommes de pied « parmi les plus riches et les plus su£B- 
santsW. » 

Pour porter leurs armes et leurs habillements, il était accordé 



gens vivaDt sor les champs et en détruisant son peuple,^ n'étoit que destruction, et que, à 
cbascun combattant fallait dix chevaux de bagages, de fretin, de paiges et varlets, et toute 
celle coquinaille qui ne sont bons que a destruire le peuple. Et pour ce, ordonna le roy par 
grant délibération de conseils, de mettre tous ces gens d'armes en frontières, chascun 
homme d'armes à trois cbevaulx et deux archiers ou trois et non plus, et seroient faictes leurs 
montres et payez tous les mois. » âlaih Chartibr, p. 121, année 1439. 

Et plus loin, page 148, le même auteur ajoute : « Et ordonna estre payé à chacun homme 
d*arme garny qui estoit luy^son page et gros varlet, deux archers et un coustillier xxx francs 
par mois. nEdit. 1617. 

(1) Ces détails sont tirés d*un manuscrit de l'époque, voyez le Traité de la Milice du P. 
Daniel, tom. i, p. ii4. 

(2) Yoy. ColleelUm dei Ordonnances, tom.^v, p. 2. 

(3) Ibidem. 

(4) Collection des Ordonnances, tom. i, p. 383. 



LIVRE {•'.— CHAPITRE I«r. 35 

aux francs archers une charrette par quinze soldats (0. Ainsi 
cette troupe, qui montait à seize mille hommes, aurait tratné à 
sa suite, si on Teût rassemblée en totalité, le nombre effrayant de 
mille soixante-sept voitures* 

Cette proportion cependant est encore au-dessous de celle dont 
fait mention Lefevre de Saint-Remy, qui dit que le duc de Bour- 
gogne, en 1411, avait, pour quarante à cinquante mille Flamands 
bien embastonnés, douze mille chariots chargés d'armures et d'ha- 
billements (^. 

Mais, à cette époque, on ne tenait pas à faire des marches rapi- 
des, et les voitures» comme nous Tavons dit, servaient de fortifica- 
tions de campagne. 

A la fin du règne de Charles YIl , Tannée commençait à n'être 
plus féodale, et on voit par les écrits de l'époque que le noble dis- 
paraissait devant le soldat. Ainsi J. de Beuil, l'auteur du Jouvencel, 
manuscrit que nous avons déjà cité, s'écrie : « Et vous die, que le 
« harnois est de telle noblesse que depuis que l'homme d'armes a 
« bassinet sur la teste, il est noble et suffisant à combattre un roi... 
«' Les armes anoblissent l'homme quel qu'il soit (^). » 

Le même auteur, témoin de toutes les guerres de Charles VU , 
émet des principes qui, pour cette époque . ne manqutnt pas d'in- 
térêt. Il recommande suivant la coutume de faire plusieurs batailles 
d'hommes d'armes à pied, les archers sur les flancs; mais il place 
de petits troupeleU d'hommes d'armes à cheval aux ailes, pour sou- 



(1) « Item pour ayder h porter leurs armes et luibiUemeDl, aion que amrM /Mf a esté 
ordonné, lesdicu francs arcliers qnand ib yront dehors en goerre, auront pour les quinae 
une cfaarreue ferrée et auelée de trois chevanlx, qui, pour oetle pretnière fois, seront fournis 
et payez sur les deniers qui ont esté cneUKx pour ceUe casse, et après, tadicte charreUe sera 
entretenue aui dépens des haliiunu qui feront lesdicu quinte francs aicbers, et baiUée en 
garde k telle personne que les babitanU qui l'auront foumye aTÎseronl. « LeUre kmehatu la 
lwrf#, te tolde, roTMMml ei Us obUgaiioiu dê$ f^mi€ê arthm. Ordmmawct d# Lam» lU 
rendue à Paris, 30 mars Ii75. CoUêeiùm dss OrdmmmMê, tom. xtm, p. 110. 
. (îi) Uiêêair9 4ê CkarUê F/, di. tt, p. I*, édto. Le Laboureur. 

(3) \ISn«!i05.fol. 8S, verso. 

5. 



36 GUERR£ D£ CAlfPAGNE. 

tenir les kmnmes de (Irait t^). Les batailles de gei^ d'armes doi- 
veiitsermr les rangs; car « les boos capitaines» dît41, quant ce 
M Tient au joindre et TassennUee dient toujours serrets y serrez y et 
» allegueray un bon docteur en cette science, c'est Labyre dontU 
« est bien nouvdle -eB toutes les guerares qui ent esté en France ^)- » 

Quand on est à pied, il faut attendre son ennemi de pied feritae, 
et ne pas marcher à sa rencontre ; car sans cela le moindre buisson 
vous met en désordre (^. Si on y est forcé, il faut attaquer par les 
ailes (^). Si on est à cheval , au contraire, l'avantage est pour l'as* 
saillant y et il faut s'efforcer d'enfoncer le centre (^) , et jamais ne 
mettre la cavalerie derrière des retranchements qui l'empêchent 
d'agir et de charger (^). On ne doit jamais poursuivre l'ennemi avec 
toutes ses troupes CO. Quand on marche, il faut s'entourer de tous 
les côtés d'éclaireurs « qu'on nomme gardigeurs ; car ils sont comme 
« pour garder l'ost (W. » 

Enfin l'auteur y se lançant dans un ordre d'idées plus élevé, émet 
sur les causes de la défaite des Anglais en 1450 une opinion qui 
prouve toute la maturité de son jugement. Si les Anglais, dit-il, au 
lieu de s'enfermer dans les places de la Normandie et de la Guienne, 
eussent réu|^ toutes leurs garnisons, ils auraient pu tenir tète avec 
avantage aux troupes françaises; tandis qu'au contraire dissémi- 
nées dans une foule de places, ils les perdirent successivement, la 



(1) MS foods Notre-Dame, n« 205, fol. 41, yerso. 

(2) « Et ay Teu quant gens venoient pour assembler avecqoes leurs ennemis, que on di* 
8(^t U les ialsoit beau voeir, on les eust eouvers touz dHin drap si oestoit une petite brigade. S 
eesteientgrosseageis, on disoitdes aelles telle aeUe vous leussiez coayerte toute dun drap, 
parettlemenl de ravaiit«f;aide« De la bataille, il ne fust pas cbeu une pomme sur les lances; 
et de toutes les bauiUes petites et^randes pareillement » liem fol. 162, verso. 

(S) /dem, fol. 42 et 83, reolo. 



(4} Idm, fol. 43, recto. 

(5) fdm, fol. 44, recto. 

(6) Idem, fol. 153, teoto. 
C7) /dem, fol. 83, recto. 
(8) ld9m, fol. 40, verso. 



LIVRE I*.— CHAPITRE I*. 37 

perle des plus copsidérables entraînant celle de toiiies le$ autres. 
Cette réQeuon vraie au vT aiàc)e Tétait encore en 18131 

le récit des guerres de cette époque montre également quelques 
perlectionnamenta dans l'art de disposer les troupes sur le champ de 
bataille. En 14^, Charles VII partagea ses troupes en qqatre di- 
visions dont la seconde , d'après re^i^ession des chroniques , en 
manière if une aile; et la quatnènie, sous les ordres de Jeanne d* Arc 
et de Dunois, formait un corps de réserve, e( le s^paroi< souvent pour 
e$carmQwher (<). 

Ce qui veut dire, que des quatre divisions, deux étaient sur une 
même ligne, séparées par des intervalles à travers lesquels passaient 
et repassaient les soldais postés en troisième ligne. 

Ainsi donc les institutions militaires , comme les principes élé- 
mentaires de stratégie et de tactique, sortaient du chaos du moyen 
âge; l'emploi judicieux de bataillons d'hommes d'armes à pied et 
d'un grand nombre d*archers avait produit ce résultat. Nous allons 
voir que les armes à feu n'ont pas été complètement étrangères à 
cette heureuse renaissance. 

Les premiers canons dont l'histoire fiisse mention , étaient de si Preajù^rearuiiene a ret 

* dp baUille. 

petit calibre, qu'on pourrait a la rigueur les considérer comme 
armes à feu portatives si la grossièreté de leur construction ne les 
eftt rendus difficiles à manitf {Voy. le 3" vol., art. Bouches à feu). Il 
était alors plus commode de les porter sur charrette, sur roues ou 
sur chevalets que de les tirer à la main. 

La première artillerie à feu de bataille consistait en petits tubes de 
fer qui lançaient des balles de plomb d'un faible diamètre ou des 
traits appelés carreaux, parce qu'ils étaient armés d'un fer pyrami- 
dal à base carrée {Vi^. le 2* vol., art. Projeclileê). 

Ces tubes ou canons, ces mots sont synonymes (^), étaient placés 



^1, Ckraniqnê 4# la ^meeêU, p. ilS, Panthéon UUéfoirt. 

(-2) Canon fient de Canna, root latin qai veut dire roMM ou tube. 



38 GUERRE DE CAMPAGNE. 

au nombre de deux, de trois ou de quatre sur un Iraia à deux roues 
garni d'un mantelet en bois, qui protégeait les canonniers contre 
les projectiles ennemis, et la partie antérieure était armée de fers 
de lance imitant ce qu'on nomme aujourd'hui cheyal de frise (F- 
pi. 11^ fig. 1). Cette espèce de voiture traînée par des hommes ou 
par un cheval s'appelait ribaudequin, du nom donné autrefois à des 
arbalètes à tour qui jouaient le même rôle. Auxiv* siècle Froissartet 
Christine de Pisan (*)> de même que les auteurs du siècle suivant (^, 
en font une description qui se rapporte complètement à notre âgure 
première. Ce dessin est pris d'Hanzelet, auteur du xvn* siècle, il 
est vrai ^) , mais qui reproduit dans son livre de Pyrotechnie des 
données beaucoup plus anciennes puisées dans des manuscrits rares; 
nous n'hésitons donc pas à considérer cette figure comme repré- 
sentant une des plus anciennes armes à feu. On remarquera, en 
outre, comme preuve de son antiquité : l"" que ces petits canons de- 
vaient se charger par la culasse ; car il eût été presque impossible, 
à cause des lances, de les charger par la bouche. Or, cette construc- 
tion fut employée dès le principe; car on voit par un compte de la 
ville de Saint-Ouier, qui date de 1342, que les canons employés 



(1) Froissart fait la description suivante des ribaudeqains dont se servirent les Gantois en 
1382. ce Ils chargèrent deux cents chars de canons... et se mirent en ordonnance de bataille et 
se quatirent tous entre leurs ribaudeaux. Ces ribaudeaux sont brouettes hautes bandées de 
ferf à longs picots de fer devant en la pointe que ils seulent par usage mener et brouetter 
avecque eux, et puis les arroutèrent devant leur bataille et là dedans s*encloirent. »Tom. ii, 
ch. CLV, p. 203 et 205. 

Christine de Pisan en fait une description à peu prés semblable dans son livré de$FaiU d'ar- 
mes, ch. XXVI, fol. 36. 

(2) « Le duc de Bourgogne avoit, en 1410, moult de petits charrois où il y avoit sur chascun 
deux petits canons qu'on nommoit ribaudequins dont il fist clore son ost d'un lez » (d'un c6té;, 
PiBRRB DE Fenin, p. 550, Panthéon littéraire. 

Monstrelet dit qu'il y avait dans l'armée du duc Jean de Bourgogne, en 1411, un très grand 
nombre de ribaudequins « auxquels falloit pour les mener à chacun un cheval, et étoient iceux 
ribaudequins habillements qui se portoient sur deux roues et y avoient manteaux de ais, et 
sur le derrière longues broches de fer pour dote une bataille , si besoin étoit, et à chacun 
d'iceux étoit assis un gros veuglaire ou deux.» Chraniquei, ch. LXixiv, p. 205. 

(3) Haiizblbt, Pyrotechnie, Pont-à -Mousson, 1630. 



h r 



AHïILl.KlîlE l)F. (AMIWCNK Dl .\IV^ SIKdK. 



PI. Il 




LIVRE \^. — CHAPITRE !•'. 39 

alors se chargeaient par la culasse W\ 2" que les lances qui sont 
fixées au train sont munies d'artifices et semblables à celles que 
Citadella décrit en 1387, en leur assignant un usage analogue, et 
dont nous allons faire mention tout à Theure. Il est donc probable 
que les canons dont se servirent les Anglais à Crécy» étaient de ce 
genre ; car d'après F Annuaire administratif de Gand, ces ribaude* 
quins étaient déjà très communs dans la Flandre en 1347 (^). 

La figure 2 est copiée textuellement des Chroniques de Saint- 
Denis ^ MS du XIV siècle du Musée Britannique (tom. n, fol. 115, 
Sloane 2m). 

Les figures 3 et 4 sont tirées du fameux MS du sérail intitulé 
Tractalus Pauli Sanctini Ducensis (3). Ce manuscrit est une co- 
pie faite au xv siècle d'un ouvrage plus ancien. Nous dirons dans 
la notice sur les auteurs que nous avons consultés , quelles sont les 
raisons qui ne nous laissent {>as douter un moment que les ma* 
chines qui y sont représentées ne datent du xnr* siècle. La figure 3 
est intitulée dans le MS, AsseUus partans in sella très scopitos. On 
remarquera que sur le bât il y a une espèce de mantelet qui se met 
à terre pour tirer, et qui sert à la fois d'appui à l'escopette et d'a- 
bri au canonnier. La figure 4 qui représente le soldat mettant le 
feu à la pièce au moyen d'une baguette en fer rougie au feu, est in- 
titulée dans ce même MS Cerbotana ambulatoria. La figure 5 est 
prise du MS le Champion des Dames de la bibliothèque de Bour- 
gogne. On voit le réchaud où rougit la baguette destinée à mettre le 
feu à la pièce. La figure 6 est tirée également d'un MSdu xnr* siècle, 
mais dont nous n'avons pas pu savoir le titre- 



Ci) « A CoUrd do Loquio pour ud laichei mis pour fremer les bolstes sous Fengein donioo 
tnit les dix csooos 11 sois. • comptes deb tille de Saini-Omer 134i. Mémoires de la to- 
ciété dei anîiq, de la Marinie, loro. T, p. VJ. Paris, 1841. 

(S) Foy. rioiéretiante milice de M. le colooel RiNAtD. Recueil miliiaire belge, lom. 1 1, 
IS- livraison, 1843. 

(3) Ancieo foods lalio» T239. 



40 GUERRE DE CAMPAGNE. 

L'usage de porter plusieuris petite canons» soit sur dei chevaux, 
soit sur des charrettes» se consenra pendant longtemp^^ et dès la 
fin du xiY^ siède, on avait cherché à perfectionner ou plutôt à com- 
pliquer cette première invention. 

On lit dans V Histoire de lu domination des seigneurs dt Cnrrarêy 
par Giovanni Gtadella, que Scaliger avait tkti faire en 1387 tt^is 
grands chariots qui portaient chacun cent quaitinte^^quatre petites 
bombardes disposées sur trois rangs. Chaque rang était divisé en 
quatre compartiments, et les douze bombardelles contenues dans 
chacun de ces compartiments faisaient feu à la fois. Un homme af- 
fecté à chaque rang les tirait par salves de douze en douze, de sorte 
que, lorsque les trois charrettes faisaient feu ensemble, trente- six 
balles partaient à la fois. Les charrettes étaient conduites par des 
hommes portant des hallebardes chargées d'artifices qui brûlaient 
ceux qu'elles touchaient (^). Nous verrons ces armes compliquées 
renaître à divers intervalles et se reproduire sans cesse comme nou- 
velles inventions. 



(i). Fù prima sua cura (dello Scalîgero) l'avvalorarsi alla impresa scrivendo quauti de' suoi 
erano allf aile arme, e poi yolgendo il ][>ensièro ^ qudP arte allora indpieAté <tello s^erpe- 
rare e del fracassare gli umani, coiciossiaobè air Italia non ^veva mancare Terun magistero, 
e si ebbe anche il funestissimo del saper meglfo distniggere il quale per esserle reramente 
gloriosonoA abbiftognava cbedi mutàtobersagno.Pertatttô toScalig^kt) coDgegnA iAsieteèalcnbi 
stromenli di artîglierîa per modo cbe più bocche adun tempo fe^rgessêro lo sterminio sul campo 
awersario. Costrui tre grandi carrette armate a tre ordini per ciascheduna. Ogni ordine divi- 
deyasi in quaUro spartimenti, càdaMo die' quali porfava dùiid bombaràene oon aflrettante 
palle, in ogni carretta adunque ne capivano cenquaranta-qualtro cou un uorao per ordine 
cbe dovera appiccar fuoco aile bombarde di dodici in dodici , ond' ogni scoppio di tutte e tre 
le carrette rompesse in trenusei côlp(. GlàBcuïia carilettà erii iratfa da quattro gtossi cavalli 
coperti d'arme ed a ogni cavallo facevasi guida un uomo armato di ronca. In oltre commise 
dodici cavalli tutti parimente coperti d'arme condotU da un uomo per cadauno con un coltello 
da buccia (espèce de hallebarde) in mano> e con ferri artificiati e pieni di sostanze combusti- 
bili, i quali ferri come toccavano il nemico, gittavano fuoco e ^rgevano incendio tutto allô 
intomo. Et poi voile si caricassero dodici carra di mazze ferrate con oui i rustioani avevano 
obbligo di far macello dell' oste carrarese, senza rispetto a persona salvo che ai capitani ; final- 
mento con munizioni ed allre providenze da guerra si mise in punto per inveslire e dis^pare 
il nemico. 

<;attari Galeas eJl André père et fils, Murâtori R. I. Se. vol, iVii, place ces deux dïrôniques 
parmi les plus importantes de sa collection. Zacco Memorie Storiche, Padovatie, manuscrit. 
{Storia délia dominaxione carrarese in Padova scritta daGioVAifni ciYamlla. Vol. ii,p.59. 



LITRE I".- CHAPITRE I*". « 

La plupart des auteurs qui ont écrit sur le premier emploi des 
armes h feu, prétendent qu'au xiv* siècle Tartillerie fut^employéeex-- 
clusivement dans les siéges^mais qu'il n'est point fait mention de son 
usage dans les batailles; et comme, lorsqu'on a adopté un système, 
on repousse tous les exemples qui tendraient à renverser ce système» 
les mêmes auteurs révoquent en doute les passages de J.. Yillani et 
des Grandes Chroniques de Saint^Denis^ qui signalent l'emploi que 
firent les Anglais de canons à la bataille de Crécy, en 1346, et ils 
appuient leur opinion du silence de Froissart. Or, le silence de 
Froissart ne prouverait rien, selon nous, si ce n'est que l'usage 
des armes à feu n'était pas nouveau du temps de cet historien, puis- 
que nulle part il ne parle avec étonnement de leur apparition ; 
ou bien, son silence prouverait tout au plus qu'à ses yeux ces ma- 
chines étaient si peu importantes en rase campagne, qu'il crut 
inutile d'en parler à propos de la bataille de Crécy. Mais M. F.- 
C Louandre vient de publier dans son intéressante Histoire du 
PonthieUy un passage d'un manuscrit de Froissart conservé à la 
bibliothèque d* Amiens, qui détruit toutes ces suppositions: car on 
y lit : « Et li Angles descliquerent aucuns canons qu'il avoient en 
« la bataille pour esbahir les Genevois (^)* » Froissart confirme 
donc le dire des autres chroniqueurs. D'ailleurs, un manuscrit an- 
glais de l'époque signale l'existence de canonniers dans l'armée 
d'Edouard III ; il est donc naturel de penser que ce grand guerrier 
avait des canons à Crécy W. 

De plus, il n'est point vrai qu'il ne soit pas fait mention de ca- 
nons dans les batailles du xiv* siècle. Car, lorsque le prince de 



(1) HUIùwt 4'ÀbbeMU H dm comté éê FonfMm, pir F.-C. Louahbu, ton. i, p. S36. 
Paris, ISU. 

(i) Trois ;cent quaiorse maçons, cfasrpentien, forgeors, ingénieiirs, teotiers, mioeors, 
annoriers, canonnieft (paners) eiaitUlennk 13,10, S et 8 denfiers par jour. Solde de 
rarmée d'Edouard lU, en Normandie et devant Calais, la M* année de son règne.ExRotalo 
((oodam pênes arth. AfardfTbes. in noro Palatlo; Weslm. reposito. Coliect., tom. i, p. ISO. 
Gtosi, Ift/tfcry Ànliquitiei, lom. t, p. S78. 

Ton I. C 



42 GUERRE D£ CAMPAGNE. 

Galles marcha sur Najara en 1364, pour remettre sur le trône 
Pierre le Cmel» il traînait à sa suite des bon^Murdes et des arcs à 
lowr («)• 

Frotssart dit qu'en 1369 les Anglais firent amener des canons 
i* H espringolles qu'ils avoient de pourveance en leur ost, et pour* 
V TUS de longtemps et usagés de mener (%• » Les citations précé- 
dentes tendent à prouver qu'on faisait usage de petits canons en rase 
campagne; car les hbtoriens les désignent évidemment en les com- 
parant avec les espringolles ou arbalètes à tour que nous avons re* 
présentées planche i'% et qui, avant l'emploi de la poudre, formaient 
la seule artillerie de bataille. Il est donc à présumer que ces canons 
étaient également sur roues. Dans V Inventaire de t artillerie de 
Bûlogney fait en 1381 ^)» il est égaleoient fait mention de canons de 
canq)agne, sous la dénomination suivante :« item novem bombardas 
tt ad sçaramosando » (pour escarmoucher). Enfin, nous avons vu 
qu'on se servit de petilj» canons en 1382 dans les guerres de Flandre. 

Ces armes, on le conçoit^ étaient très peu efficaces; et s'il n'est 
pas justQ d'en nier l'existence à Crécyi il est encore plus injuste 
de vouloir attribuer à l'apparition de ces armes, comme plusieurs 
auteurs l'ont fait, une influence qu'elle ne pouvait point avoir. 
Les trois canons employés par les Anglais à Oécy ne peuvent être 
comparses qu'à troi» de nos fusils actuels faisant une seule décharge. 
Comment donc croire que trois coups de fusil aient pu mettre en fuite 
50,000 hommes? 

A la fin du xiv siècle^ conuone au commencen^nt du xv*, les 
armes à feu jouissant de toute leur première vogue, l'usage s'en était 



(1) fil chars a charrettes amaiaent h esphiia, 
Tentes, pavillons et riches ars turquois, 
Bombardes, ars ^ tour, espées et espois. 

Ckr9miqme rimét de DuçtieêcUn, par CofÈLon, fers 110S7. 

(2} Froissârt, tom. i, liv. u, ch. ccuuxir, p. 5S5. 

(3) Voyez aux pièces à l'appui, VInventaire de Vartillerie ^ eu 1381-1397. 



LIVRE I*'. — CHAPITRE W. 43 

répando partout et elles avaient reçu toutes les formes quMI avait plu 
aux ouvriers de leur donner. On avait épuisé toute Téchelle des 
calibres depuis les tubes portant des bail"» de plomb de trente-deux 
à la livre (*), jusqu'aux bombardes et mortiers lançant des boulets 
de pierre de mille livres W. 

Il y avait la même diversité dans la nature des projectiles > et les 
canons lançaient des carreaux (9, des flèches enflammées, des bou- 
lets de pierre, de fer (*), de bronze, de plomb, des balles k feu, des 
pierres incendiaires, des grenades (^, des boites à mitraille remplies 
de balles de plomb W ou des sacs remplis de pierres O. Au milieu 
de tout ce dédale , nous distinguerons : 1 * les armes à feu portatives 
ou à main ; 2« les armes h feu de petits calibres ou de calibres 
moyens, employées généralement comme artillerie de campagne; 
3* les bouches à feu de gros calibres qui servaient dans Tattaque et 
la défense des places- Nous parlerons surtout de ces dernières dans 
le second livre, qui traite de Tartillerie dans la guerre de siège. 
Cependant nous devons, dès à présent, sauf à y revenir plus tard, 
donner un extrait de la description que Christine de Pisan fait de 
Tartillerie française, description qui s'applique presque au xiv* siè- 



(!) FoyMdans les pièces 2i rappui, Vlwoeniain dt rarîilUriê de rkôlêl de fritte de Paris, 
m IfliS. Les traes qui y sonl déerltes sont cMainemeiil betocoiip plus andenneft que It 
date de rioTenUire. 

(3) « Certificat donné le iS od. 1431 par Goillaiime , Ticomle de Gisors..... k Pierre Fau- 
con, udlleur de pierres ei carrier, de &lre traire des carrières de Vemon cent pierres pour 
fiûre pierres k canon, et que IceOes il fèia arrondir en tenant baullear de c Ji as cune un 
poukes selon le kalibre que sur ce lui liailla. » Tré$<fr det CkarUs H arehives^ sans date, im- 
primé par la Recortf* eommlsBlon, exemplaire rare appartenant à M. Teulet. 

(3) Foy. dans les pièces à l'appui, VliwnUttirt de la BoëtUU, en 1480, où on fiU « Item 
deux canons de eajfrt à longs manches de boys pour gésier carros. » 

(4) Foy>dansles pièoes à l'appui, r i wi wH iri de ^ arê H itriê de t a l s f ii», et IWt à 1387 
où 11 est lait mention de bouleu de fer d'enriron 1 , 9, 3 et 6 livres. 

(5) Vç^. dans les pièoes à rappui, VlnoênUâwe de la BoêUUe, de 14«l,où on Ht : «Deui 
pommes de cnine ù geeier feu. » 

(6) Foy. dans le même luofulotr^ de 1430, où on IM : « Une boete delèo en feçon de ca* 
non enchasillée en boys gettani sept plommées à une fois. » 

(7) « Lacus bpidibus plenus. » Tracutus Pauu SARcnm Docniau. MSTM. Voff. le 
:^Tol•• chapitre FrofecUUs. 

6. 



44 GUERRE DE GÂXPÂGME. 

cle, puisque dans son Livre des Faits d'armes et de chevalerie^ elle 
parle de la bataille de Tongresqui eut lieu en 1408 comme d'un évé- 
nement récent. (Y. la page 30.) «Quatre grands canons, l'un appelé 
« Garitte^rautreRose, l'autre Sénèque et l'autre Marye. Le premier, 
» gettant de quatre à cinq cents livres pesant ; le second, gettant envi- 
« ron trois cents livres,et autres deux gettant deux cents livres au plus. 
<« Item ung autre canon appelé Montfort, gettant trois cents li- 
vres pesant, et selon les maistres est cestui le meilleur de tous. 

« Item ung canon de cuivre appelé Artigue, gettant cents livres 
pesant. 

« Item vingt autres communs canons gettant plommez et pierres 
communes (0. » 

Les armes à feu portatives étaient employées dans les villes plutôt 
qu'en rase campagne. Ainsi, dès 1364, la ville de Pérouse avait iait 
fabriquer cinq cents petits canons d'une palme de longueur qu'on 
tirait à la main (^}. 

En 1369, les Anglais, conduits par Jean Chandos, levèrent, dit 
Froissart, devant Montsac, aucuns canons qu'ils portaient &). 

En 1381, la ville d'Augsbourg avait trente hommes armés de ca- 
nons à main W. Les Français se servirent dans la guerre contre les 
Liégeois, en 1382, de bombardes portatives (^). Mais ce dernier fait 
ne prouve pas que lusage des armes à feu portatives fût répandu 
dans les armées françaises à cette époque; car, si nous avons eu de 
bonne heure dans les villes des compagnies de coulevriniers (tel 
était le nom qu'on donnait aux tireurs d'armes à feu), nous n'avons 
eu véritablement de troupes nationales munies d'armes à feu por- 
tatives qu'au commencement du xvi* siècle (^). 



(1) lAvn des FaiU d'Armes. MS de la Bib. roy.» n« 7076, part, u, ch. zxi, fol. 58. 

(2) PoMPEO PBLLna^ Hiitoria di Peruggia^p. 1007 et Hotbr, tom. i, p. SS. 

(3) Froissart, 1. 1, Ut. a, ch. cglxxyh, p. 679. 

(4) BuscH, Handifwh der Erfindungen, 1 th., p. 174. 
^) Froissart, liv. u. ch. clxxxi, p. 235. 

(6) Foy. le 3* chapitre. 



LIVRE !•'. •- CHAPITRE I•^ 45 

L'artillerie employée en campagne ne différait guèrei nous le ré- 
pétons, des armes à feu portatives^ car c'était toujours à peu près 
les mêmes instruments, soit qu'ils fussent portés sur des chevaux 
ou sur des charrettes et puis tirés à main, soit qu'ils fussent placés 
à poste 6xe sur des chevalets ou sur des roues 0). Cependant, dès 
la fln du XIV* siècle, on avait adopté un calibre moyen qui lançait 
des boulets de fer ou de plomb de plusieurs livres (^). 

La première artillerie de campagne , considérée uniquement 
comme un obstacle, était disposée tout autour d'un corps d'armée, 
mêlée aux charrettes sur tous les abords; puis, ensuite, on la sé- 
para des bagages et on la plaça sur le front ou sur les ailes, « les 
canonniers, dit Christine de Pisan, arrangés comme les arbalétriers 
et les archers O. » 

Cette expression prouve encore que, vers 1400, les canonniers 
sur le champ de bataille servaient des canons si petits, qu'on les 
assimilait aux soldats qui étaient munb d'armes de jet portatives. 
Une vignette, tirée d'un manuscrit intitulé Vigiles de Charles F// (Y. 
planche m, fig. 3), est la représentation fidèle de la phrase de Chris- 
tine de Pisan» quoique cette vignette soit d'une époque plus récente. 

Quoi qu'il en soit, les canons de campagne portaient en général 
plus loin que les arcs et les arbalètes; ils avaient une plus grande 
force de percussion, agissaient sur l'esprit des troupes par le bruit 
de leur décharge, et augmentaient Timportance des positions défen- 
sives ; cependant ils n'offraient d'avantages réels que pour les opé- 
rations secondaires de la guerre. 

Fallait-il, par exemple, défendre ou attaquer un défilé, protéger 



(1) Eo effet, on trouve dans V Inventaire de rarîUUrie de Bologne, en 1397. « Unum selo- 
pum pAnrom a eavtleto (à chevalet), unom sclopom cuni telerio (avec affût) , vdi sdopoft de 
feiTode quibus sunt très a roanibua.» (Vo$. les pièces h Tappui.) 

(2} Foy. la note 4 de b page 13. 

(3) Litre des FéiU d^Ârmei, IIS n* 7076, foi. 32. Le colonel Renard se trompe donc eu 
dinnt dans la Revue tnUitaire betge^ Liège, tSi3, que Christine de Pisan ne fait nulle men- 
tion de l'usage des canons dans les batailles. 



46 GUERRE DE CAMPAGNE. 

le passage d*une rivière, renverser quelque obstacle? les canons four- 
nissaient un moyen facile d'obtenir ce résultat avec peu de monde; 
mais, en rase campagne, les armes à feu, embarrassantes et se char* 
géant lentement, ne pouvaient qu'imparfaitement remplacer les ar- 
balètes à tour, et, une fois tirées, on n'avait plus le temps de les re* 
charger. C'est ce qui obligea de multiplier les canons outre mesure; 
car, il est clair que, pour produire le même effet dans un temps 
donné, le nombre des bouches à feu doit augmenter en raison in- 
verse de la rapidité du tir. 

Ainsi en 1382, lorsque les Gantois sortirent de leur ville pour 
combattre le comte de Flandre, ils étaient au nombre de cinq mille 
hommes 0)« Ils avaient deux cents chars de canons appelés ribau- 
dequins. Ayant pris position, ils entourèrent tout leur camp de ces 
chars et firent une décharge générale qui força ceux de Bruges à 
ouvrir leurs rangs, ce qui contribua à la défaite de ces derniers. 

Mais à la bataille de Rosbeque, qui eut lieu la même année, 
cette artillerie ne produisit pas grand effet. Elle fit, il est vrai, re- 
culer les Français, mais de combien? d'un pas et demi (^). 

A la bataille de Tongres ou Hasbain, en 1408, les deux partis 
avaient une grande quantité de ribaudequins et de coulevrines qui 
furent sans influence sur l'issue de la journée (^), si on en juge d'à*- 



(1) « Et cbargèreDt environ deux cents chars de canons etd'artilteriey et sept cbars seule- 
ment de pourvéances.» Froissart> liv. n, ch. glit. p. 203. 

(2) FiU)issÂ&T, liv. II, ch. CLXXXi, p. 233, et J. Juvénal des Ursims, p. 341. Panthéon 
littéraire. 

Nous ne pouvons être de Tavis de M. le capitaine Brunet, qui, partout où il voit des ca- 
nons, attribue à ces canons la victoire ou la défaite, suivant qu'ils ont été hien ou mal em- 
ployés; nous pouvons encore moins adopter ses suppositions. Ainsi, k Rosb^ue, les histo- 
riens ne font aucune mention de rartillerie des Français; mais M. le capitaine Brunet dit : 
« Clisson montra trop de sagesse et de force dans ses dispositions, pour nepai employer Par- 
tillerie dont il dispo9ait; Taction de cette artillerie dut contribuera la déroule des Famands.i> 
Histoire de F Artillerie, 1. 1, p. 145. 

(3) « En laquelle compagnie (celle du duc Jean de Bourgogne et du duc Guillaume), étoieni 
seize cents que chars que charrettes d'armures et artillerie, vivres et plusieurs choses néces- 
saires à la guerre comme dessus est dit. » Motcstrblet, liv, i, ch. i, p. 129. 



LIVRE l«. - CHAPITRE l•^ 47 

près le récit de le bataille écrit par le doc de Bourgogne loi-mème, 
et inaërë dans rhisioirede AI- deBarante (tom. n, p. 179). 

En 1411, Tarmée du doc de Boorgogne, forte de qoaraote mille 
homnoies avait, solvant J. Jovénal des Ursinsi deux mille ribaude- 
quins et quatre mille canons ou coulevrines (0. Il faut remarquer 
que les deux tiers au moins de ces chars étaient , si Ton en juge par 
des récits analogues, affectés a porter les munitions et les vivres, de 
sorte que le nombre en paraîtra moins exagéré. Toiftefois, il nous 
semble difficile de croire qu'à cette époque, il y eût déjà quatre 
mille coulevrines ou armes à feu portatives. 

A la bataille d*Azincourt, les canons ne firent probablement 
qu'embarrasser Tarrogante noblesse française (^), qui s'était placée 
entre deux bois dans un espace si resserré, que les arbalétriers 
n'avaient même pas de place (3)* 

Mais si dans les grandes rencontres les armes à feu ne produi- 
saient pas encore d'effets bien sensibles, dans les rencontres partiel- 
les , au contraire, elles avaient la supériorité sur les arbalètes à tour; 
car elles étaient bien plus faciles à manier, et pouvaient renverser 
les obstacles. Ainsi, en 1382, les bombardes portatives des Français 
semblent avoir servi avantageusement à la défense du pont de Co- 
mines i^K 



«El let UégMit STOkol u^ grande nakiMide de eban ei «terrettei, liheadeqaiae et co«- 
levrioes chargéee. » idem^ p. 130. 

(t) i. JmrtNAL DIS UisiHS, p. 462. 

Le RaHgieux de 8abil4)eok dk, ^11 n'y avait que mille charretles cl ekaHoU, diml une 
partie était destinée à porter les malades ou ceui qui seraient fatigués de marcher. Histoire 
de CharUs VI^ Ut. ixu, ch. xn, p. Tti. 

Lefevre de Saint-Remy , an contraire , prête ^ cette même armée doute mille voitures , 
ch. u, p. t4. Êdit. tM7. 

(2) Quelques auteurs ont écrit qn'il n'était fiût nulle mention de rartiHerie à Âsinoourt. 
Monstrelel, cependant, s'eiprime ainsi : • Les François éioient bien cent cinquante mille cbe- 
vancbeurs et grand nombre de cbarsel charrettes, eaiion«, ribaud^^m et autres babiilemenis 
de goerre.» lloinTUUT»liv. i^cb. cun» p. 873. Et Lefevre de Saiot-Remy, témoin oculaire, 
dit : • Les Françob furent bien 50,000 hommes et grand nombre de charioU et charrettes, 
canons et serpentines.» HiêUrire de CKorUs VI, ch. lu. p. 90, édil. Le Laboureur. 

(3) LariviB ni Sauvt-Rimt, ch. lu, p. 90. 

(4) FioissAiT, liv. n, ch. clxxu, p. i35. 



tô GUERRE DE CAMPAGNE. 

J. Juvénal des Ursins prétend qu'au siège d'Airâs, en H\i, les 
Français se servirent avec avantage de canons à main pour re- 
pousser les sorties des assiégés (^}. Mais il est plus probable, d'après 
le récit d'autres auteurs , que ces canons à main ont été au con- 
traire employés par les assiégés (^). 

L'exemple le plus remarquable de l'influence des armes à feu dans 
les combats d'avant-postes» nous est fourni en 1418. « Le seigneur 
» de Cornouaillesy dit Monstrelet (3), lieutenant du roi d'Angleterre, 
« voulant passer la Seine près de Pont-de-l' Arche, vint à tout huit 
« petites nacelles dedans lesquelles il se mit en l'eau, accompagné 
« de son fils» âgé de quinze ans» de soixante combattants et un seul 
« cheval, chargé de petits canons et autres habillements de guerre. 
'< Si fit nager en une petite ile qui étoit au milieu de l'eau, de la- 
« quelle ils pouvoient pleinement traire sur les François dessus dits 
» qui gardoient le rivage. Lesquels François, étant bien huit cents 
« combattants et douze mille hommes du commun du pays, se dé- 
« partirent en grand desroy, et adonc ledit Cornouailleset ses gens 
« passèrent outre par les bateaux dessus dits et descendirent à terre* » 

Ici, on voit les petits canons protéger le débarquement et répan- 
dre la terreur dans la multitude. 

L'artillerie devait agir efficacement contre le convoi des Anglais, 
qui s'avançaient en 1428 , pour ravitailler l'armée de Talbot , as- 
siégeant Orléans. Cependant , quoique cet engagement ait été 
nommé combat des Harengs, parce que les boulets défonçaient les 
tonneaux remplis de cet approvisionnement de carême W , cette cir- 



(1) «Les François avoient des canons il main pour recevoir les assiégés, et à toutes les sor- 
ties qu'ils firent, ils furent reboutés à leur grand dommage. » J. Juvénal des Ursins, p. 500. 

(2) Histoire de Charles VI par un religieux de SaintrDenis, liv. xxxiv, ch.xii,p. 960. 

(3) Liv. I, ch. ce, p. 438. 

(4) « Puis approchèrent le charroy, car ceux d'Orléans qui estoient lii en grand nombre, les 
chargèrent à merveilles de belles coulevrines contre lesquelles rien ne résistoit qui ne fût mis 
en pièces. « Histoire anonyme de Charles VU, dite de la Pucelle^édM, Godefroy, p. 503>et 
Monstrelet, liv. u, ch. lxi, p. 598. 



LIVRE K— CHAPITRE I*'. 49 

constance ne suffit pas pour donner la victoire aux Orléanais. 

On voit donc qu'en France dans les batailles Tartillerie ne joue 
pas encore un grand rôle. Il en est de même dans les pays étrangers. 
Au commencement du xv* siècle, TAllemagne fut profondânent re- 
muée par la guerre des Hussites. Les deux armées étaient par- 
tout encombrées de chariots dont elles se servaient comme d'un rem- 
part mobile, et les canons qu'elles possédaient paraissent avoir été 
sans influence sur le champ de bataille. A Brux en 1421, à Maie- 
schow eu U24, à Aussig en U260), à Tachau en 1431 «, l'artil- 
lerie des Hussites, comme celle des Autrichiens, est tour à tour la 
proie du vainqueur sans être la cause de la victoire. 

Cependant vers le milieu du règne de Charies VU, l'artillerie pa- 
rait avoir subi d'importantes améliorations, puisque l'effet en de- 
vint plus décisif sur les champs de bataille. Nous avons employé l'ex- 
pression dubitative, parce que, malgré nos recherches, nous n'avons 
rien trouvé qui nous autorisât à affirmer, coomie le font plusieurs au- 
teurs modernes, que les firères Bureau aient fondé un système régu- 
lier d'artillerie. Il est vrai que le général Manon, homme plein d'é- 
rudition, croit avoir lu quelque part que Jean Bureau fit fabriquer 
pour le siège de Bordeaux, en 1452, des bombardes lançant des bou- 
lete de pierre de 70 livres, des canons lançant des boulete de fer 
de 64, de 48 et 32 livres, des coulevrines de 32, 16 et 8, des 
moy^^f^ <le 8, 4 et 2, et enfin des petites pièces lançant des boulets 
de 2, 1/2 et 1/4. Mais le savant général auquel nous nous sommes 
adressé, nous a fait dire qu'il lui était impossible de retrouver la 
source de ces renseignements; nous avouerons donc, que, mal- 
gré une autorité si compétente, nous mettrons en doute cette asser- 



(1) « Démit Brax, les Bobèmet perdîrenl deux gro« canons, deux mortien et Tinst-qualre 
peliteft pièces.» Cktûm^ue bohème de WmcitLAS Hagics, traduite en aUemand per Sahml, 
pHt. S*, p. 100 teno, 190 leno et Itf . Pnf^oe, 1506. 

(i) A TadMQ, les impériaux penUient cent doqnante canons, d'après UaPAirr, HUUrire 
dit HuêiiUs, lom. i,liT. XTI, p. 31S. 

Tom I. ^ 



SO GUERRE DE CAMPAGNE. 

tion tant que le document original n'aura pas été produit. Et yoîci 
sur quelles raisons s'appuient nos doutes : premièrement Tartillerie 
française ne semble pas» à cette époque, avoir innové, mais 
avoir cherché à s'approprier les inventions des peuples voisins- 
Car, en 1440 « Charles YII, dit Monstrelet, envoya à Tournay et 
a dans les marches de Flandres, acheter certain nombre d'artillerie 
c( et d'habillements de guerre, pour mener en sa ville de Paris (^).»En 
1456, ce roi remboursa à Gaspard Bureau une certaine somme pour 
un juif qu'il avait fait venir d'Allemagne «c pour apprendre certaines 
« choses subtiles touchant le fait de l'artillerie (^). » Secondement, 
ni avant ni après Charles YII, nous ne voyons employer aucun des 
calibres précités; car, d'après Amelgard, au si^e de Caen en Nor- 
mandie en 1450, il y avait vingt*quatre grandes bombardes dont 
l'embouchure était si large, qu'un homme aurait pu s'asseoir 
dedans, sans baisser la tète (?)* L'inventaire de l'artillerie fait 
en août 1463, n'indique rien de semblable (voy. les pièces à l'ap- 
pui); les canons fondus sous Louis XI ne se rapportent point aux 
données ci-dessus. Troisièmement, enfin, si d'un côté les frères 
Bureau firent un emploi plus judicieux de l'artillerie, ils firent en- 
core un fréquent usage des anciennes machines, et justement de- 
vant Bordeaux ils proposent, d'après Mathieu de Coussy, de ré- 
duire la place en pen de temps avec des engins volants (^), nom qu'on 
donnait aux machines à contre-poids (Voyez liv. n, ch. i). 



(1) MONSTRBLBT, Ut. II, Cb. GCLV, p. SU. 

(2) Histoire du P. ârsblhb, p. 140. 

(3) nMinim vero erat et horrendain inspioere bomburdas sea petrarias ÎDgentfs magniiadi- 
ois cum aliis minoribas bombardellis pêne înnumeris qaibus ad oppidi expugnaiionem ex 
omni fere parte ipsom oppidnm cinctom erat; nam de majoribus vigenti quatuor fuisse refe- 
ruotur, inquarum non nullarum foraminibus homo sedens facile, cervice erectâ, stare potuis- 
set. » Ob^îo Cadomi. Âmelgardus. Liv. rr, cb. xxt , p. 69, verso. MS de la bibliothèque 
royale n^" 5963. 

(4) « Sire> dit Jeao Bureau, je vous promets sur ma vie qu'en peu de temps je vous reodrai 
la ville (de Bordeaux) toute détruite et exilée par vos engins vouante. » Mathuo db Cousst, 
ch. Lxxvn, p. 132. 



LIVRE !«•-* CHAPITRE I*". 51 

Enfin, le seigneur de Beoil, auteur du Jamencel (i)j qui écrivait 
au commencement du règne de Louis XI, bien loin de faire mention 
de nouveaux calibres» ne fait que copier mot pour mot la descrip- 
tion de Tartillerie donnée par Christine de Pisan dans son Hvre des 
Faits d'armes^ et que nous avons reproduite page 44. 

Quoi qu'il en soit, il résulte évidemment du récit des guerras de 
cette époque, que les frères Bureau étaient très versés dans leur art 
et qu'ils dirigèrent Tartillerie avec habileté. Nous devons mâme, à 
ce sujet, relever une erreur qui se trouve dans VHiUoirê de 
France de M. Michelet (tom. v, p. 223) qui, non-seulement ne parle 
pas de Gaspard Bureau quoiqu'il fttt mattre général de TartiUerie, 
mais qui tire du titre de trésorier que portait son firère Jean,la consé- 
quence suivante. « Ce Bureau était un lu»nme de robe, un mat- 
« tre des comptes. D laissa là b plume, montrant par cette remar- 
« quaUe transformation, qu'un bon esprit peut s'appliquer à tout. » 
Or, si le célèbre historien avait lu avec attention la vie de Jean 
Bureau,*il aurait vu que cet homme t élevé sous le harnais, avait été 
dès son jeune âge employé a l'artillerie pendant la domination an- 
glaise W, qu'il fut nommé maître de l'artillerie au siège de Meaux, 
le 21 juillet 1439, et qu'il ne fut nommé trésorier de France et mat- 
tre des comptes, que le 2 mai 1443 (9, emploi qui ne l'empêcha point 
de conserver sa charge dans l'artillerie. 

Ainsi donCf si cet exemple prouve quelque chose, ce n'est pas 
qu'im financier puisse bire un bon artilleur, mais, au contraire, 
qu'un artilleur peut faire quelquefois un bon financier. 



(1) IIS de to bibKolhèqiie royale o« 906, fol. 77, veno. 

(%) « Ent tiioc In miDisterio régis Fraoconim genenliier super omnes michlnas el t>eOkos 
appinlMpnepMitM SMsiMer JouioesB«reas,dtîs Parwienils, Ht qnidiin plebelus elsuturl 
corporis psnros, ^enim tndix el snimo magnos, qui io nso et exerdtlo bajus modi machina- 
nuu alque In els eonvenienter ordlnaodl Talde indnstniis et peritus erat, atpoie jam per an- 
DOS phirimos fiimm $mb Angionm ênviUo me dUUmÊ tmii o/JScîo mcmbwrai. » Anelganlus. 
Bt. TtCh. n, fol. 77,veno, US. n* SMS. 

(3) Koyff seeond voloflM, anide PencmneL 

7. 



52 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Les Kules miniatures représentant TartUlerie de cette époque, qUe 
nons ayons pu nous procurer, sont reproduites à la planôhe m- Les 
figures 1 et 2 sont tirées du MS de Froissart, du xv* siècle ^ les 
figures 3 et 4, des Vigiles de Charles F//, écrites en 1484; la figure 
5 est d'un MS de la bibliothèque royale n"" 6762, intitulé Chro- 
niques des guerres advenues en Angleterre et Bourgogne^ depuis 
l'an 1444 jusqu'à l'an 1471; la figure 6 a été prise de la Chroni-- 
que du Haynaut, MS de la bibliothèque de Bourgogne, écrit 
en 1431 ; la figure 7 est un canon allemand de la même époque, 
remarquable parce qu'il est à quatre roues et à timon. La figure 8 
est prise d'un MS de la bibliothèque de Bourgogne, du commen- 
cement du vn siècle; la figure 9 appartient à une édition des Vi- 
giles de Charles VII; les figures 10 et U sont tirées d'un MS de la 
biUiothèque royale n"* 6993; les figures 12 et 13 représentent, à ce 
que nous croyons, des pièces italiennes de la fin dû siècle et sont 
copiées du MS n' 2655. 

On menait de gros canons en campagne; car, au combat dTe Saint- 
Jacques, en 1444, il y avait une bombarde de trente-six centimè- 
tres de diamètre, lançant un boulet de pierre de cent yingt livres, et 
qui est encore conservée à Bàle. La figure 4 fait voir qu'il y avait 
à cette époque de bien gros et de bien petits calibres portés sur 
roues. 

L'usage des ribaudequins, appelés désormais orgues, s'était tou- 
jours conservé, et, en 1444, les Suisses avaient une pièce nommée 
canon à grêle {hagel''buchse)y qui consistait en un train surmonté de 
neuf petits canons W. En Italie, le général Coglione avait au com- 
bat de la Riccardina, en 1446, des petits canons portés sur des char- 
rettes, longs de trois brasses» et lançant une balle grosse comme une 
prune (9. Paul Jove signale bien à tort ce fait comme une invention 



(1) WUMTKKN, Chroniques, p. 420. 

(2) Gli elogi vite breTemeot escritle dMiuomini illustri di guerra di Paulo Giofs, iradoili 
per mess. DoMSincHi, lib.iii, p. 139. Veneiia, 1B37. 



1. I- 



AKTllif.UU: \)l ( IMiniAt 1)1 {'\\\\\\}:> \l KI iII\I!I.K> \ii 



i'i. m 



ho- .1. 



r.u. i 



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Kl y: 2. 







l.m..t., 



LIVRE I". - CHAPITRE ï*». 53 

propre au général italien. Les peUts calibres ëlaient déjà assez mo- 
biles pour être désignés soos le titre d'artillerie volante on d'artil- 
lerie légère. 

Aussi, vers le milieu du xV siècle, l'artillerie produisit plus d'ef- 
fet dans les combats. A la bataille de Bulligneville, en 1431, TartiJ- 
lerie au lieu d'être éparpillée sur tout le front, est mise an centre et 
sur les ailes; on la masque habilement derrière un rideau d'archers, 
et elle répand à propos la terreur et la mort (<). 

En 1444, l'artillerie française tira avec succès contre les Suisses 
au combat de Saint-Jacques- Une petite rivière, la Birs, séparait les 
combattants. Les Suisses voulurent la traverser sur un pont. Le feu 
de l'artillerie les en empêcha et tua deux cimls hommes (^. Ils fu- 
rent obligés de passer la rivière à gué ; parvenus sur l'autre rive, ils 
furent bientôt repoussés par le nombre, alors ils se réfugièrent dans 
un hôpital et derrière les murs d'enceinte du jardin; mais l'artillerie 
rasa en peu de temps ces murs, et renversa ainsi le dernier espoir 
de ces héroïques soldats, qui moururent tous plutôt que de se ren- 
dre (3). 

BuUinger dit même que les Français jetèrent de la poudre dans le 
b&timent pour le faire sauter W. Si ce fait est vrai, ce combat serait 
aussi curieux sous le point de vue militaire que sous le point de 
vue politique; car les écrivains de l'époque disent que la Suisse n'é- 



(I) « fireoi aiteoir aocam cuiom ei eouievrines sur les deai booU et an milieu de 
leon iMtailles..... et quand ce tliii que les Bamts ftirent bien près d'eux, comme à douie ou 
seiie Hetlrtt, Us boulèrent le feu tout k une Ibis dedans leurs canons et coulcTrines dessus 
dites et avec ce élevèrent un très grand cri ; pour la doute desquels canons grand partie d'i- 
ceux Barrou se plongèrent contre lerre et ftirent fort eflrayés.» Chnmiqwt de Mohstiilit, 
Kv.n, p.6S0etS5i. 

(9) TtaiinN et Moixii, ffisUrire des Sm$$e$, lom. ir, ch. 1» p. S2. Leipeîck, 1805. 

(3) Do worend im urras-buchsen die xuo allen ortcn in scbuezenddu sii den garten gew- 
unnent, etc. On. dx EuAtn von. Appenweiler Sacular8cbristderl7û(.i7#s#l<«cA,elc. Basel, 
18U, p. II. 

(I) Ciution de Nomia, Histoire des Suisses, tom. iv, cb. 1, p. 86. Leipsick, 1805. 



5i GUERRE DE CAMPAGNE. 

tait que le prétexte de rexpédition, et que Louis XI, alors dau- 
phin, disait hautement que le Rhin était la frontière naturelle de la 
France (!)• 

Six ans plus tard, l'artillerie produisit encore des effets décisifs : en 
Normandie, près du village de Formigny, les Anglais s'étaient mis 
en bataille derrière un pont sur lequel les Français devaient passer; 
ceux-ci braquèrent contre ce pont des coulevrines de gros calibres 
(car sans cela on eût pu les emporter), qui firent beaucoup de mai 
aux Anglais* Elles furent prises et reprises et semblent n'avoir point 
été sans influence sur le gain de la bataille (^. Cette circonstance, 
d'un point disputé pendant le combat, prouve déjà un progrès réel 
dans le maniement des troupes; car il faut déjà une certaine disci- 
pline pour que des soldats reculent, se rallient, reviennent à la charge 
et triomphent. 

A la bataille de Gavre, en 1453, l'artillerie des Gantois avait à 
tel point fortifié leur position, que le maréchal de Bourgogne crut 
prudent de se servir d'un stratagème pour les attirer hors delà ligne 
de leurs canons (^)- 

« Puis ensuite^ dit Olivier de la Marche, si fut avisé d'envoyer de 
« la légère artillerie devant les premières compagnies, et si tost que 



(1) ScHAMDOCHBR, MuTius et MuLLBB, tom. iT, p. 74^ et iEneas Sylvius s'exprime ainsi : 
« Nonnullis aotem sevelle vindicare jura domus Fraociae a88everabat,qus usque ad Rhenum 
protendi dicebat. Lettre à J. Gers, regio prothonotario , datée de Nuremberg, 1444. 

(2) « Leurs coulevrines qui tiroient fort sur la bataille d'îceux Angkûs qui en recevioent 

grand dommage et empêchement Et ordonna six cents archers pour aller gaigner ces 

coulevrines, ce qu'ils firent. » Chronique de Mâthisu de Gousst, ch. xu, p. 78. Panlhéon 
HUérairt, et de même Alain GHAnTiBB, p. 188. 

(9) tt Le duc doncque neust pas plustôt mis ses gens en ordonnance qne ceulx de l'avant- 
garde ne veissent les Gantois aussi rengiez devant eulx en bataille, leurs coulevrines el au- 
tres engins à pouklre mis devant eulx par très bonne manière. Cette manière veuepar le 
maréchal de Bourgogne, chef de l'avant-garde, doubtant que desdiz engins à pouidre ils ne 
tuaissent ses gens il les fist ung petit reculier dont cuiderent les Gantois qu'ils s'en volussent 
fuir. Et en laissant leurs engins derrière eulx se prindrent à haste et à approuchiez les Bour* 
guignons. » Chroniques des guerres advenues entre France et Angleterre. MS de ls| biblio^ 
thèque royale n» 6762, fol. 86 recto. 



LIVRE I-, — CHAPITRE !•'. $5 

«( ladicte artillerie Ait aseise et qu'elle commença à tirer, les Gan- 
« tois s'ouvrirent et se déréglèrent de leur ordre U). » 

Dans la même année, les Français retranchés devant la ville de 
Castillon qu'ils assiégeaient, furent attaqués par Talbot, maisTartil** 
lerie française foudroya les assaillants, tua le fameux chef anglais et 
fut cause de la victoire (9. 

Ainsi donc, vers le milieu do xv* siècle, TartiUerie avait, sur le 
champ de bataille, fortiBé la défense contre les brusques attaques 
de la cavalerie, et rendu aux positions toute leur importance. U ne 
s'agissait plus de rechercher comme autrefois pour rendez -vous 
du combat, un lieu dégarni de marais ou de bois (voyez page 31) ; 
on occupait, au contraire, tons les lieux où l'artillerie pouvait être 
le mieux placée et produire le plus d'effet. Cependant, comme elle 
était peu mobile, il était difficile de la mener promptement contre 
lennemi; l'habileté consistait alors à faire le contraire, c'est-à-dire, 
à attirer l'ennemi sous le feu des canons, par quelque ruse ou par 
quelque manœuvre. La préoccupation des assaillants d'éviter les 
effets de l'artillerie, la longue portée des coups qui éloignait les 
combattants, rendaient les chefs plus circonspects, compliquaient 
les mouvements des troupes ; il fallait donc plus de talent pour les di* 
riger, et la tactique qui est la science de ces mouvements devait 
nécessairement donc renaître, puisque le besoin s'en faisait sentir. 

Mais si Tartillerie de bataille avait déjà acquis une certaine im- 
portance, les armes à feu portatives, dont se servaient surtout les 
Bourguignons, les Allemands et les Suisses, étaient encore, en rase 
campagne, bien inférieures aux anciennes armes de jet^ et l'arc 
conservait toute sa supériorité; car, contre des objets animés, le 
principal avantage consiste bien moins dans la quantité de mouve- 
ment d'un projectile que dans la légèreté» la simplicité de l'arme qui 



(I) OUTIBR 01 LA UaBCHI, llV. I, cb. XXTIII, p. 483. 

(i) Cknmique de Matbibl* de Coussi. ch. lxxi, p. 12i. 



56 GUERRE DE CAMPAGNE. 

permet de tirer promptement un grand nombre de coups, et on 
peut dire qu'à cette époque, on tirait dans le même temps un coup 
de coulevrine» trois coups d'arbalète, six coups d'arc W. Philippe 
de Commines avait donc raison de dire/au commencement de la pé- 
riode suivante qne, « la souveraine chose du monde pour les ba- 
« tailles sont les archers », et il ajoutait cette maxime vraie pour 
toutes les armes de jet portatives : « Mais qu'ils soient à milliers, car 
« en petit nombre ne valent rien (^}.>^ 

Nous verrons dans les chapitres suivants cette supériorité de 
l'arc ou de l'arbalète se conserver en France jusqu'à François V\ 
et en Angleterre jusqu'à Elisabeth (^)- 

La longue période que nous venons de parcourir peut donc se 
résumer de la manière suivante : 

Jusqu'en 1346, l'homme d'armes à cheval règne en maître sur le 
champ de bataille. C'est à peine si des retranchements peuvent op- 
poser un obstacle à l'impulsion de ces hommes de fer qui s'avan- 
cent au galop \ mais les masses d'archers arrêtent court cette fou- 
gueuse cavalerie ; elle met pied à terre, se réunit en bataillons pro- 
fonds, afin de compenser, par l'accroissement de la masse, ce que 
son choc a perdu de vitesse. Enfin l'artillerie à fou fait adopter la 
guerre de position, qui oppose à une valeur téméraire la prudence 
et la réflexion.Cependant la guerre n'est pas encore une science et les 
éléments qui composent les armées ne se sont pas encore développés. 

L'infanterie compacte et solide n'existe nulle part, ou plutôt, si 
elle existe en Allemagne et en Suisse, les avantages qu'elle procure 
ne se sont point encore révélés à tous les yeux. La cavalerie se 
chargeant de tous les rôles du soldat, n'en remplit aucun parfaite- 
ment bien, et l'artillerie n'est encore qu'un accessoire. 



(1) Gbosb, Military AfUiquilie$y tom. i, p. 139, d'après Nbadb. 
(S) Philippb db GoiuiiiiBS, Chroniques, liv. i, ch. ni, p. 9. Panthéon littéraire. 
(3) Même eu 1643 , pendant les guerres civiles de TÂngleterre, les compagnies d'archers 
se firent encore remarquer. Grosb, Milit. Àntiquitiei, tom. i, p. US. 



LITRE K-* CHAPITRE IL 57 

CHAPITRE DEUXIÈME. 

DE LOUIS XI A FRANÇOIS V% OU DE 1461 A 1515. 



Vers le milieu du xy« siècle, paraissent sur la scène du monde 'otcm muiuires de 
trois grandes figures hbtoriques qui, chacune, sous le point de vue Ténérain. 
politiquet comme sous le point de vue militaire, ont leur caractère 
particulier. Ce sont Louis XI,Charles le Tëmëraire et le peuple suisse. 

Louis XI représente le pouvoir royal domptant les grands vas- 
saux* organisant de puissantes forces militaires, et cherchant à in* 
iroduire dans le gouvernement et dans Tadministration, Tunité qu'il 
fallut encore plus de 900 ans pour établir W> 

Le duc Charles de Bourgogne représente la féodalité arrogante et 
ftère qui croit pouvoir fonder un empire sans peuple et sans point 
central. Riche de toutes les ressources qu'a inventées ki science, il 
ne sait point en profiter parce qu'il met le» moyens nouveaux au ser- 
vice de vieilles idées» et tombe expirant aux pieds d'un peuple de 
pasteurs. 

Les Suisses, devenus soldats par des luttes sans cesse heureuses 
depuis 160 ans, révèlent tout à coup au monde une nouvelle force, 



(1) Ott toii, dmkt jrtfM0<m4e Paium m Courat, qM Lodt Xi qfû, «mt^-^ 

I» aoUene, eonirilMM li paiMauMat à créer VfuM poUtk|ae 4e le Freoee, entMiat on 
pead oonbrt et twwpee pgf«Mieoi<e,i*eliBrtedediiMiiwer leeptocèi en rliwrlwatà léfcr- 
mer te légMelkm, et vo«iMéuMir Iteîié dee pote 



58 GUERRE DE CAMPAGNE. 

la force d'une infanterie compacte et disciplinée. Ils repoussent par 
leur courage une agression injuste. Pour la première fois depuis 
Courtray, l'infanterie plébéienne dompte à elle seule les cuirasses 
dorées, dans une bataille rangée^ et l'Europe voit avec étonnement 
le spectacle nouveau d'un peuple libre terrassant le souverain féo- 
dal le plus puissant de son époque, sous les yeux d'un roi despote 
qui applaudit. 

A peine sur le trône, Louis XI pense à fortifier son pouvoir. 
Comme son père, il donne tous ses soins à l'organisation des francs- 
archers (*), à la régularisation de la gendarmerie. Charles VII avait 
réduit la lance fournie à sept chevaux, Louis XI la réduit à six, il 
oblige ses gendarmes à des revues fréquentes^ à une discipline sé- 
vère, il les force à diminuer leur bagage (^). 

L'artillerie appartenait toujours aux villes, aux châteaux, aux 
métiers, aux corporations ; le collège des notaires même avait des 
canons (^). Louis XI augmenta de beaucoup l'artillerie royale. Il fit 



(1) « Ordonnances sur les monstres des troupes qui devront être Datites de trois mois en 
trois mois », donnée en avril 1467 aux Montils-les-Tours. Colleclion, tom. xvn. Voyez éga- 
lement les ordonnances du 30 mars 1475 sur les Francs-Archers. 

(2) « C'est à savoir la lance trois chevaux pour lui, son page et le coustillier et les deux 
« archers deux chevaux et un cheval pour le variet, et qu'il n'auroit plus de panier à porter 
« leurs harnois, et avec ce ne séjourneroient qu'un jour en un village (année 1473).» Les 
Chromqueê de Leurs db Valois, attribuées à Jean db Tbotbs, p. 107. Paris, 1747. 

(3) Archives du royaume. — Section judiciaire. — Boîte des privilèges des secrétaires 
du roi. 

« Pour ce qu'il a esté reinonstré à messieurs les maistres des requestes de l'ostel du roi 
nostre Sire, et à nous notaires et secrétaires dudit seigneur lors estans en la chancellerie, que 
ledit seigneur pour la conduite de sa guerre espère brief estre mené à inlencion de soy aidier 
de dewB serpenlines appartenant au colliege de$dits notairei a esté ce jour faicte assemblée 
par mesdits seigneurs les maistres des requestes et nous notaires et secrétaires dudit sei- 
gneur cy soubz escrips en la chambre desdictes requestes ou palais à Paris et illec par mesdis 
seigneurs des requestes et nous a esté délibéré que pour obéir et accomplir la bonne enten- 
cion et vouloir dudit seigneur ainsi que de raison est et que tenuz y sommes, lesdiz deux ser- 
pentines seront baillées et délivrées audit seigneur ou à celluî ou à ceulz qu'il voudra âi ce 
commettre ou envoier en l'armée dudit sieur tout à son bon plaisir et ordonnance et avec ce 
que pour le paiement et la despense des gens et chevaulx qu'il conviendra pour ce faire et 
avoir plomb à faire, pommes a gecter et mouffles de cuivre pour les fondre et coflretz pour 
les mectre et porter sera payé la somme de cinquante IWres tournois pour une foîz dont mes- 



LIVRE K. — CHAPITRE U. » 

fondre douze gros canons de bronze à chambre, surnommée les 
doaze pairs, dont un fut perdu à la bataille de Montlhéry, en 1465 W. 
En 1470, il fit venir, de Tours à Paris, toute la belle artillerie qu'il y 
avait créée dans cette première ville (^). Plus tard (U77), il fit 
fondre douze immenses bombardes en bronze lançant un boulet de 
fer de 500 livres (*). Le prévôt des marchands fit construire à Paris 
par son ordre de belles serpentines (^), et Philippe de Commines 
nous dit que : c< Louis XI fesoit ses armées si grosses qu'il se trou- 
er voit peu de gens pour les combattre, et étoit bien garni d'artille- 
« rie mieux que jamais roy de France (^). » Quand, en 1465, il ren- 
tra dans Paris à la tète de 12,000 hommes qu'il amenait de Nor^ 
mandie et du Maine, il avait soixante chariots de poudre et d'artil- 
lerie (^). Le premier, il établit en 1480, an Pontrde-rArche, pour y 
exercer ses troupes, un camp retranché ayant deux milles de lôn- 
gneur. Cestroupessecomposaientde «dix mille hommes de pied, deux 
« mille huit cents pionniers, quinze cents hommes d'armes de son 
(c ordonnance pour descendre à pied quand il seroit besoin, dit Phi- 
« lippe de Commines C^, et une artillerie qui pouvoit être facile- 



dix sieurs des reqaesles ont offert de paieret paieront 10 livres tournois, et le surplus mon- 
unt 40 1. i. sera paie par maislre Jehan de Bailly, noture et secrétaire dudit seigneur, procu- 
reur et receveur dudit colliege, etc., etc. Fait k Parts en la chambre desdictes requestes soobs 
nos seings manuels le xni* jour d*avril Tan mil cccc soixante-quinze après Pasques. » 

signé Budé, Froment, Picart, VUlechastre, Anthonis, MustrecoUe, Lamy« Depuisgiraut^ 
de llV'ignacourt, Régnant, Dasnières, Jau|Htre, Hodon , Chambon, Pouffe, Triboulet, Rolant 
Chevalier. 

Je dois ce document à Tobligeance de M. J. Guicherat. 

(1) i. OB TaoTBS, p. W. Edit. Godefroy. Paris, 1747. 

(2) IMm^p. M. 

(3) J. M Tions, p. 146. L'accident arrivé à une de ces bombardes et rapporté par cet 
auteur, s'explique en supposant que ces pièces bites pour tirer des boulets de pierre ne pu* 
reni résister à relbrt nécesMire pour lancer un boulet de fer de même calU»«« 

(4) J. M TmoTn, p. 89 et 96, année 147S. 

(5) Chnmiqueê de Ph. db Coimihbs, Ut. vi, ch. vi, p. 109. 

(6) M8. LBGBAim, Uv. vm, p. 9t. 

(7) Ph. nB Coamna, liv. vi, cb. vn, p. 171. * 

8. 



60 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« ment voiturée où Ton vooloit Wj et un grand nombre de chariots 
c( et de chaînes (^. » 

La puissance da duc de Bourgogne n'était pas moins considéra- 
ble : Noblesse nombreuse, archers anglais, soudoyers allemands, 
troupes auxiliaires italiennes, artillerie imposante composée de 
trois cents bouches à feu et d'une grande quantité de conlevrines et 
de haquebuttes i^)y la force matérielle ne lui faisait pas défaut : mais 
les ressources les plus nombreuses ne sont rien si le génie ne pré- 
side pas à leur emploi , et Charles de Bourgogne n'avait hérité que 
de l'esprit de la vieille noblesse qui savait mourir mais était inca- 
pable de rien diriger. Tandis que Louis XI, d'après le dire d*un au- 
teur contemporain, d'autant plus croyable qu'il détestait le roi de 
France, « avoit une telle prédilection pour son infanterie, qu'il au- 
c< roit préféré perdre 10,000 écus plutôt que le moindre archer de 
« la compagnie W. » Charles le Téméraire au contraire méprise les 
gens de pied^ et, à Montihéry, il renouvelle les suicides de Cour- 
tray et de Crécy, en passant lui-même par-dessus ses propres ar- 
chers (^). Au lieu de mettre pied à terre, comme c'était alors l'habi- 



(1) Louis XI c des tablettes et chariots avoit fait ûdre munition, lesquelles par leur circuit 
Gontenoient une grosse armée où ces gens d'armes seroient contenus endos comme dans 
une ville , n'esloient moins fermes que les épaisses murailles d'une cité, pour repousser les 
bombardes des corps d'artillerie ou pour les jetter avecque ce qu'elle part que le roy l'eust 
commandé pouvoient estre par pièces transportées et voiturées. » La mer de$ chroniques, 
Robert GàguiNi fol. 190 verso. Paris, 1528. 

(2) « Unde et tune apod dictum locum montis Ârgi et io plurisque aliis locis rex magnas 
machinas etbèUi apparatus (abricari fadebat. Fecit enim tune pro munimine castrorum ca- 
thenas fobricari ferreas in tanta numerositate quod ex eis invicem connexis et de ligneis palis 
per spatia certa ailfixis et pendenlibus cmgi poterant castra habentia in ambitu ^tium duo- 
rum ferme mitiarum Italorum. Serpentinas etiam et similes machinas belli eum fiui ex ferro 
laifidilmt cudi et fieri pêne innumeras faciebat. » Ahiloàrdi, PassBTTBRi, LBOOiBiias, liv. i, 
cb! xvn, p. 149. MS de la bibliothèque royale n^" 5963. 

(3) ÊUU de la moûon dudmàe Bourgogne^ par Outibr db là BfABCBB. Notice, p. xxxiv . 
PanMon HUéraire. 

(4) Chronique de Moldibt, liv. n, ch. lvi, p. 147. 

9) « A Montihéry, il avoit été dit que l'on se reposeroit deux fois en chemin pour donner 
haleine aux gens de pied; toutefois, tout le contraire se fit. Les hommes d'armes bourgui- 



LIVRE I«.— CHAPITRE H. 61 

tode, OQ plutôt une nécessité, il reste à cheval (^), et &it donner la 
cavalerie dans des lienx on elle ne saurait combattre avec avantage. 
U la lance, sans donner le temps à son infanterie de la suivre W. 
Quant à son artillerie» nous verrons qu'il remploya toujours mal à 
propos dans les sièges comme en rase campagne. Cependant, il faut 
le reconnaître, Charles le Téméraire était doué de cet esprit de dé- 
tail qui perfectionne le mécanisme des armées, esprit utile sans 
doute, mais bien différent du génie qui fait les grands capitaines et 
qui seul produit de grands résultats. 

Il organisa le premier cette espèce de comptabilité qui, se déve- 
loppant toujours de plus en plus, a fait dire à l'empereur Napoléon, 
qu'on n'aurait pas de véritable armée, tant qu'on ne mettrait pas en 
fuite toute cette effroyable administration paperassière qui l'encom- 
bre (3). Charles le Téméraire obligeait tous les chefs de ses hommes 
d'armes à savoir compter et écrire, ce qui aloi*s était un anachro- 
nisme (^). Toutefois ses soldats furent-^ils trois fois mis en déroute 
par des hommes qui certainement ne savaient pas lire. 

La cavalerie surtout fut Tobjet de ses soins, et il en perfectionna 
l'organisation et les manœuvres. 



gnons romptrail leun proprts arehien et poêièrenî par Heaus nns leur donner loisir de ti- 
rer ui coup de flèche, qoi étoit la fleur et respértnoe de Tannée.* Ph. m GounNBS, Chro- 
«•çite, liv. I, ch. m, p 10. 

(I) A la bataille de Montlbéry (1465), dit Philippe de Commines, « de prime fiice fat advise 
que tons se nettroient à pied» sans nnl exoepler; a depois muèrent propos» car presque tous 
les hommes d'armes montèrent h cheval. Plusieurs bons chevaliers et moyens furent ordon- 
nés à demeurer à pied dont Mons de Cordes (Ph. deCrevecoeor) et son frère étoîent du nom- 
brt, car entre les Bourguignons lors étolent les plus honorés, ceui qui descendoient avec les 
archiers et toujours s'y meUolt grande quantité de gens de Men, afin que le peuple eu fût 
plus assuré et combattit mieui , et tenoient cela des Ânglois. » Ckromquê de Ph. i^m Coh- 
■nus, Uv. I, ch. m, p. It. 

(9) Devant Nuys (Neoss) « les hommes d'armes marchèrent plu8t6t;que leurs archiers, les- 
quels à cause qnlls étolent h pied ne purent les suivre. » Chronique de Mounkt, ch. xx , 
P.1SI. 

(3) Mémmiaî He Sainie-Hélêne. Cdit. I8S9, tom. n, p. 58. 

(I) « Le capitaine doit toujours porter un rolet sur lui, en son chapeau ou ailleun* » Ord. 
de 1473. SehiffeixniêChi àtêehiekU Ponchir, t. u, 1817. 



62 GUERRE DE CAMPAGNE. 

La lance fournie du duc de Bourgogne comprenait neuf hom- 
mes : des piétons étaient adjoints aux hommes d'armes. D'après 
une ordonnance de 1471, chaque homme d'armes doit avoir trois 
archers à cheval, et comme hommes de pied un coulevrinier, un 
arbalétrier et un piquenaire (^). Une compagnie comprenait cent 
lances fournies sous le commandement d'un chevalier condutier. 
Pour neuf hommes d'armes le chef s'appelait dizenier, et chaque 
dizaine était divisée en deux chambres, dont l'une était commandée 
par le dizenier, et l'autre par le lieutenant du dizenier. Les hom- 
mes de trait marchaient, séparés des lances, sous la conduite d'un 
homme d'armes qui portait sur la salade, en une banderole, l'ensei- 
gne que son dizenier portait en la cornette de sa lance. De là est 
venue l'habitude de désigner sous le nom de cornette» un certain nom- 
bre de cavaliers (^). Chaque compagnie était donc composée de qua- 
tre cents hommes de cavalerie, dont cent lances et trois cents ar- 
chers, et trois cents hommes de pied, dont cent arbalétriers, cent 
coulevriniers et cent piquenaires* Ces trois cents hommes de pied 
marchaient ensemble commandés par un chevalier particulier (3). 

D'après Molinet, on formait des escadrons de vingt-cinq lances, 
et cet usage, dit-il, venait de l'Italie (^). 

GoUut donne d'autres détails intéressants sur l'exercice des trou- 
pes de Charles le Téméraire. « Et pareillement les archiers à tous 
« leui's chevaux pour les accoutumer à descendre à pied et à tirer 
« de l'arc, en leur faisant apprendre la manière d'attacher et de 
« brider leurs chevaux ensemble» et les faire marcher après eux le 



(1) Ordonnance du dernier jour de juillet iMX.Joumal de Paris sous les règnes de Char- 
les VI et Charles VU, p. 287. 

(2) Ordonnance du duc Charles, Journal de Paris, p. 294. 

(3) État de la maison du duc Charles de Bourgogne. Notice, p. xxxm. 

(4) « Et maintenant depuis que les Italiens se sont boutés en la maison de Bourgogne, ils 
sont nombres par escuade et escuadrons, et contient une escuade vingt-cinq lances. De cette 
nouvelle mode ordonna le duc ses batailles ce jour à Nuys. v Chronique de Molinet, cb. xix, 
p. m. 



LIVRE I•^ - CHAPITRE 11. 61 

« front derrière leur doz, en attachant les chevaux de trois archiers 
CK à brider aux cornes de Farçon de la selle, au derrière du cheval 
<c des paiges de Thomme d'armes à qui ils sont. En outrct de mar- 
« cher vivement de front» de tirer sans eux rompre et de faire 
« marcher leurs piquenaires en fronts serrés devant lesdits archiers, 
« et à un signe d'eulx mettre en un genoul en tenant leur pique 
a baissée de la aulleur des hars des chevaux, afin que les archiers 
« puissent tirer par dessus lesdits piquenaires comme par dessus 
(c un mur, et que lesdits piquenaires voyant leurs ennemis mettre 
<« eu dessarois, ils fussent tous prêts à leur courir sus et aussi d eux 
<« mettre doz à doz à double défense ou en ordonnance quarrée ou 
« ronde, et toujours les piquenaires hors des archiers serrés pour 
« soutenir la charge des chevaux des ennemis, en enclouant au mi- 
di lieu d eux les paiges et les chevaux des archiers (^). 

La grande préoccupation, on le voit, était de défendre leâ hom- 
mes de trait par un rideau de piques. Près de Neuss» Charles les en- 
tremêla aux archers de manière qu*un archer fût toujours entre deux 
piques (^). 

De tout temps on avait cherché que Thomme de pied eût à la 
fois une arme de jet et une arme de main. Ainsi on a vti que Tar* 
cher anglais, pour résister à la cavalerie, avait outre sa dague un 
pieu ferré aux deux bouts qu'il plantait devant lui, même en mar- 
chant; mais cette méthode avait rinconvénient de ralentir les mou- 
vements de Tinfanterie. Pour y remédier, on employa vers le milieu 
du XV* siècle, un plus grand nombre d'hommes armés de piques ou 



(1; Mémoires de Bourgogne, par Lois Di GoiLur, IW. x, p.S6l. 

{%) « A savoir pour la première bataille tous les gens de pied piquenaires de nos ordon- 
nances et les archers anglois... tons lesquels piquenaires furent entrelassés par quatre lesdis 
archiers, tellement que contre les deux il y avoit un piquenaire.... et sur l'aisle senestre des- 
diu gens de pied, nous ordonnâmes lesdiu seigneurs fiefs et leurs hommes d'armes et le 
eomte de Celara et sa compagnie tous en on escadron. » l>Ur« du duc Charles de Bourgogne 
h messire CUude de Neufchâtel, sieur de Fay, dcfant Neuss, le 21 mai 1475. Journal de 
Paria, p. 360. 



64 GUERRE DE CAMPAGNE. 

de demi-piques appelées voulges; on obtenait par là une plus grande 
mobilité, mais aussi il fallait un plus grand nombre d'hommes pour 
produire le même effet» Car les piquenaires ne firent, pour ainsi 
dire, que remplacer le pieu des archers anglais. Ces piquenaires 
n'étaient donc qu'un accessoire, et, disposés sur une ligne devant les 
hommes de trait ou entremêlés avec eux, ils n'avaient aucune con- 
sistance W ; on ne croyait pas pouvoir avec Tinfanterie produire 
ou soutenir un choc, et c'est en grande partie pour ce motif, comme 
l'on a vu dans le livre précédent, que la chevalerie combattait à 
pied. L'infanterie du duc de Bourgogne était en grande partie des- 
tinée à défendre le charroi et l'artillerie (^. C'était une réunion con- 
fuse de nations et d'armes diverses. 

Nous avons déjà dit plus haut, qu'en Bourgogne, il y avait beau- 
coup'd'hommes armés de coulevrines ou d'armes à feu portatives. 
Il en était de même en Suisse ou en Allemagne; mais en France, à 
tort ou à raison (et nous pencherions pour la dernière opinion), Tin- 
fanterie n'en avait point et les compagnies de coulevriniers étaient 
réservées à la défense des villes; car les ordonnances relatives aux 
francs archers ne mentionnent point l'emploi d'armes à feu, tandis 
qu'au contraire il en est question dans l'armement des villes (^). 
Mais si en France on ne faisait guère usage à l'armée de ces armes 
à feu qui se tiraient sur l'épaule, sans qu'on eût besoin d'en appuyer 
le bout, il existait une arme à fen plus pesante et d'un plus fort ca- 
libre appelée hacquebutte à croc, ou bien coulevrine à chevalet W, 



(f ) « Le duc fit avancer aon artillerie ai conpeigiiie de llnfroterie îtaReoDe qoi etioil pîé- 
1008 bors de Dombre sans eatre ordonnés en nvUe bataille. » MoLmiT, cb, u, p. ISS. 

{%) itfaf de la «Mlfontftt dite dfBoiiin^eyiMi par Oixnn M ijiIUegb^ 
Pamkéan KUétmin. 

(3) L'ordonnance datée de SenUa, % mars 1493» aooorde à cinqnanlecoflBpagnona de con- 
levrines à main de la ville d'Amiens, les mêmes prérofathreadont Jooissaîent les compagnies 
d*arcbers et d'arbalétriers. ColUeikm é$ê orimuMiiets, tem. xvii. 

(4) Foyff,parmnëspiècesàrap|MM,l7iiMiilMrvdfr«rflll#rie,del4C|. 



LIVRE !•'. —CHAPITRE II. 65 

qu'on portait à la suite des armées en les plaçant sur des chevaux (^) 
ou sur des charrettes, et qu'on appuyait pour les tirer sur un che* 
valet ou contre un obstacle quelconque. On peut les comparer, sons 
tous les rapports, à nos fusils de rempart actuels. 

L'artillerie du duc de Bourgogne, qui devait peu différer de celle Artuieric. 
de Louis XI, avait fait de grands progrès. * 

L'artillerie de campagne surtout avait des affûts très perfec- 
tionnés. 

Les dessins de la planche nr représentent des pièces de Charles le 
Téméraire prises par les Suisses à la bataille de Granson, et qui soot 
encore aujourd'hui conservées à l'arsenal de La Neuville, canton de 
Berne. 

On remarque, de prime abord, en comparant la figure première 
avec la figure deuxième, l'immense différence qu'il y a entre ces 
deux genres de pièces- La première est une longue serpentine con- 
struite avec des douves et anneaux de fer dans le genre des pre- 
mières bouches à feu; l'affût lui-même est d'une construction bien 
informe. Le canon de la figure 2, au contraire, est en fonte de fer. 
L'affût est dans le genre des affûts modernes, entre les flasques il y 
a un coffret d'affût. 

On ne saurait expliquer la différence entre ces deux bouches à 
feu, qu'en supposant que les premières étaient d'une construction ' 
plus ancienne, les autres, au contraire, d'une construction ré- 
cente. Peut-être le premier canon est-il de ceux qui furent pris à 
Granson, tandis que le second faisait partie de l'artillerie perdue à 
Morat. 

Quoi qu'il en soit, cette artillerie avait encore ungrand défaut.Le tir 
devait être très irrégulier, car l'âme était loin d'être exactement cy- 
lindrique ; les procédés de pointage étaient très vicieux. Souvent, à 



(I) « Ed IM9, mesire de Ferry fit meciie sur sepi à huict cfaevaiili grotiei aroquelnises 
que eeoi des booues villes demis nommées sToient. » Nolihbt, cIl colxit, p. 87. 
Toa. t. 9 



66 GUERRE DE CAMPAGNE. 

cette époque, lorsqu'on voulait changer les degrés d'élévation, on 
était obligé soit d'enterrer la crosse de l'affût pour relever le tir, 
soit d'enterrer les roués pour produire l'effet contraire. 

Les six pièces qui existent encore en Suisse sont de très faible ca- 
libre; elles lançaient des boulets de fer d'une à trois livres , car 
leur âme a pour diamètre les dimensions suivantes : 2 pouces; — 
2,pouces 1 lig,; — 2 pouces 3 lig.; — 2 pouces 6 lig- 7 points; — 2 pou- 
ces 7 lig.; — 2 pouces 8 lig. 

Cependant, Charles le Téméraire avait aussi des pièces qui lan- 
çaient des boulets de fer de sept (^), de dix, vingt et trente li- 
vres. 

Au siège de Beauvais, il est fait mention des calibres suivants. 
c< En plusieurs lieux cheoient très souv<'!nt leurs pierres : les unes 
« grosses comme le tour d'un fond de caque , autres de la rondeur 
« d une grande escuelle, autres de fer fondu, pesant vingt ou trente 
<€ livres, et les autres de plomb et de fer de la grosseur d'un poing, 
« et d'un esteuf (balle du jeu de paume) (2). » 

Devant Neuss, l'artillerie se composait de : 

Neuf grosses bombardes de fer ; 

Huit de cui\re; ces dernières, de huit à onze pieds de longueur, 
avaient des têtes de lion figurées sur leurs volées ; 

Dix courtaux sur roues ayant quatre pieds et demi de longueur ; 

Cent quinze serpentines, dont une de fer ayant treize pieds de 
longueur; 

Six serpentines de cuivre avec des têtes de dragon, ayant de huit 
à onze pieds de longueur; 



(1) « Payé à Bauduin d'Alvain, bombardier de Monseigneur, pour mille trois cent treize 
boulets de fer fondu pour livrer à Bruxelles et être conduits à Lille, et servir ung grosse 
ser{>entine, poids total, 9,099 liv. : » Compte d^artUlerie de 1473, copié aux archives de Bel- 
gique, par M. le colonel Renard. 

(2) DUcoun du siège de Beauvais en 1472, p. 27. À Beauvais, 1622. 



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LIVRE !•'. —CHAPITRE II. 67 

Soixante-sit serpentines rondes (sic), ayant de six à neuf pieds 
de longueur. 

On comptait encore quinze serpentines d'un même calibre, pe- 
sant chacune 4,000 livres (^)* 

A Granson, les Suisses s emparèrent aussi d une petite pièce à 
orgue (^)y et de petites bombardes portatives représentées plan- 
che IV, figure 3, qui pour être tirées devaient être placées sur che- 
valety ou même sur roues; car Fronsberger en décrit de semblables 
dans son livre sur VArt militaire. Elles tiraient des boulets de 
pierre ou des balles à feu. On en voit encore de semblables parmi 
les pièces que Charles-Quint conquit en Aliemagnei en 1547, et 
que nous' avons repr^ntées dans la planche vi, figure 6. Ces pièces , 
rudiment de Tobusier, en avaient tous les défauts sans en procurer 
les avantages. 

Pour conduire les munitions et tout Tattirail nécessaire à l'ar- 
tillerie, le duc Charles avait deux mille chariots (9. En marchant 
contre Dinan,en 1466, le charroi occupait en longueur un espace de 
trois lieues, et les hommes d'armes l'escortaient sur les deux cô- 
tés (^). Cependant l'artillerie du duc de Bourgogne manquait sou- 
vent de munitions; on en voit des exemples dans sa campagne con- 
tre les Liégeois, comme au siège de Beauvais. 

Le personnel de l'artillerie était nombreux et bien organisé ; de- 
vant NeusSy le duc de Bourgogne avait deux cents canonniers, ce qui 
prouve que l'artillerie se montait à environ deux cents canons grands 
ou petits ; car, à cette époque, on comptait sans les pionniers, un ca- 



(i) HniOG's Biêmutr ITronie*, I6L t», Gilatk» de M. de Rodi. Die Kriege Ktfis des 
Kùbnen, p. 953. SchaUbooie, 1813. 

(S) Elle éttii oomiKMée de Iroii petits canons sur m affftt, et fut sdyugée I ta ville de Riel. 
ne Rodt, ton. n, p. M. 9 

(3) &MdttoflMiMiidiid«ed#Beiirye9M,pÉr0ufinDBiJkli^ 
PamA^oii Httéram, 

(4) Mém^u de Iacqcis do Cukcq, liv. ▼, ch. Lnn, p. VI. Pm^kénm HUéroir9. 

9. 



68 GUERRE DE CAMPAGNE. 

nonnier par bouche à fea. Olivier de la Marche donne les rensei- 
gnements suivants sur le personnel : < L'artillerie se conduit soubs 
« un chevalier qui se nomme maistre de l'artillerie, lequel a telle 
ff auctorite qu'il doit estreobey en son estât comme le prince;.*.. 
« il a soubs luy le receveur qui paye les officiers et les pouldres, 
« les canons» les forges et les pionniers, les charetons et tous les 
" ouvraiges qui] se font à cause de l'artillerie ; et certes la despense 
c( qui passe par ses mains monte par an à plus de soixante mille 

c( livres En l'artillerie est le contrôleur qui tient par [ordre 

c( et par escript le conlroUe de toute la despense faicte et payée 
« de toute la provision de l'artillerie comme d'arcs, flesches,. ar- 
c< balestres, de trait, de baston à main, de cordes et de toute au- 
c< tre chose nécessaire appartenant à iceluy estât... Là est le maistre 
« des œuvres, carpen tiers, marischaulx, forgeurs, et toutes ma- 
c( nières de gens, et quand le duc est devant une ville, il faut aS- 
« soir les bombardes; il convient pour chascune bombarde un gentil- 
ce homme de son hostel pour la conduite d'icelle bombarde, et la 
c< suyte qui est es mains du bombardier. Et est l'artillerie estoflée et 
c( garnie de toutes choses; tellement que le duc ne se soussie point 
ce à passer rivières de mille pieds en peu de temps, si besoin est, 
c< et est puissant et fort pour passer la plus grande bombarde du 
C( monde. 

<x Le maistre de l'artillerie a prevost en son artillerie, lequel a 
c( jurisdiction et auctorite de justice sur ceux de l'artillerie, et en 
c( peut faire justice criminelle ou civile, telle qu'il luy plaist, et n'est 
c( pas à oublier le faict des tentes et pavillons, qui est une somp- 
« tueuse chose et se conduit par un gentilhomme qui a la charge 
et d'iceluy estât, et meine aux despens du prince, plus de quatre 
a cents chariots puissamment attelés; et se comptent iceux chariots 
<x soubs la despens%de l'artillerie. Et, certainement, le duc délivre 
c( pour sa compaignie bien mille tentes et mille pavillons à prendre 
<x pour ambassadeurs estrangiers pour la maison du duc pour ses 



LIVRE !•'. —CHAPITRE II. 69 

« serviteurs et gens-d'armes et à chacun voyage le maistre des 
« tentes a nouvelles tentes et nouveaux pavillons aux despens du 

<c prince (*). » 

Nous avons représenté sur la planche v, figures I et 2» des espèces 
de chariots munis de canons, et servant à créer des obstacles con- 
tre la cavalerie. Ces espèces de retranchements appelés en Allema- 
gne Wagenburg^ étaient fort en usage- Ces figures sont prises d'un 
MS de Diebold Schilling , de la bibliothèque de Berne, et sont 
rapportées par M. de Rodt dans son intéressant ouvrage de V His- 
toire mililaire de la Suisse. La figure 1 représente un retranche- 
ment suisse, et la figure 2 un retranchement bourguignon. 

Cependant , les Suisses ne se servirent presque jamais de ces 
Wagenburg^ si ce n'est dans leur expédition d'Héricourt, en 1474. 
La figure 3, puisée aux mêmes sources, représente un canon suisse 
de la même époque. 

En général, les troupes divisées en trois corps étaient placées ordred<*bataiiieetdf 
sur trois lignes comme dans l'époque précédente ; mais, en 1476, le 
duc de Bourgogne, obligé d'agir dans un pays accidenté, résolut 
d'établir ses troupes sur huit lignes. Il rendit à ce sujet des ordon- 
nances très curieuses dont nous allons donner un extrait, et qui 
nous ont été conservées par la correspondance de Panicharola, am- 
bassadeur du duc de Milan , auprès du duc de Boui^ogne, qui le 
suivit dans sa campagne de Suisse, et rendait fidèlement compte à 
son maître, jour par jour, des événements qui se passaient sous ses 
yeux. Ces documents importants ont été tirés de l'oubli par M. Em- 
manuel de Rodt, qui s'en est servi pour représenter sous leur vrai 
jour les guerres de Charles le Téméraire, qu'il décrit avec le plus 
grand talent dans Touvrage publié par lui en 1844 (9. 



(!) E$M d0 la maison du dw de Aouryo^M, par OLimi di L4 Mabchi. Notice, p. mit . 
Panthéon lUîérairg. 

(i) DIc Krîege Karis des Kûhnen, von Eman. von Rodt, Scbaflhaïuen, 18U/ 



70 



GUERRE DE CAMPAGNE. 



Ordre de bataille de r armée du duc Charles de Bourgogne^ d'après 
le règlement du mois de mai 1476. 



PREMIÈRE LIGNE. 

GUILLAIWE DE LA BaUME D'IrLàNS. 



InfanlerJe. 
Beurnonville. 



Archers. Lances. 
Mariano. 



Lances. Archers. 
* Tagliant. 

SECONDE LIGNE (troupes de la maison du duc et gardes) 
Clssst (J. db Dalmas, seigneur de). 



LaoctB. Arebcra. Arebarf anglais. Infaoterie. Mailly. Gaotilsboininea de la eb. A.rcbei« de la garde. lofaDteric. Arcbcn. Lance*. 



Garde noble 

Ol. de la Marche. 



Maître d'hôiel. 



Lances. Archers. 
Troyio. 



Lances. Archers. 
Goillaume de Legnano. 



Lances. Archers. 
Guil&ume de Bergy. 



Lances. Archers. 
Olivier de Soma. 



Lances. Archers. 
Salanova. 



TROISIÈME LIGNE. 
Troylo. 

Infanterie. 
Troylo. 

QUATRIÈME LIGNE. 
Antoiiœ de Legnano. 

Infanterie. 
Troylo. 

CINQUIÈME LIGNE. 
Jacob Galeotto. 

Infiinterie. 
Rondchamp. 

SIXIÈME LIGNE. 
De Rondchamp. 

Infonterie. 
Rondchamp. 

SEPTIÈME LIGNE. 
De Yillbneutb. 

Infanterie. 
Garin de Bartusch. 



Archers. Lances. 
Troylo. 



Archers. Lances. 
Antoine de Legnano. 



Archers. Lances. 
Jacob Galeotto. 



Archers. Lances. 
Angelo. 



Archers. Lances. 
De Denys. 



HUITIÈME LIGNE. 
Comte de Romont. Seigneur de Neofchfttel. 

Savoyards. Bourguignons. 



(1) Copia de li Ordini noviter facti per lo illustr. duce de Bourgogna in campo. Lettre de 
Panicharola, citation de M. de Rodt, tom. u, pièces à l'appui. 



LIVRE l-'.- CHAPITRE II. 7! 

Celte formation était renouvelée des croisades, car alors les ar* 
mées se plaçaient sur six ou huit lignes qu'on appelait échelles ou 
batailles (1). 

Comme la cavalerie de Boui^ogne était très nombreuse et qu'elle 
combattait en haie occupant un grand espace (^), le duc Charles s e- 
tait cru obligé d'adopter cet ordre qui ne devait lui procurer aucun 
avantage; ces divisions étant toujours très près Tune de l'autre ('^), 
la défaite des premières devait entraîner celle de toutes les autres* 
A la même époque, le duc de Bourgogne régla de la manière sui- 
vante la marche de ses troupes : 

« L'armée ou ses divisions marchera suivant la nature du pays 
» sur une, deux ou trois colonnes et toujours les lances en avant, 
<« après eux les archers et puis l'infanterie. Si le terrain le permet, 
« ils doivent marcher par compagnie déployée, les cent chevaux u(' 
« front, ou bien par escadre de cinquante lances, ou par escuades 
<« de vingt-cinq, ou par chambrées de six lances pdr rang- Les ar- 
« chers suivent les lances quand elles sont développées en compa- 
« guie, par centurie sur une ligne ou bien se fractionnant comme 
« elles* 

« Si les troupes marchent sur une colonne, on en fait une autre 
« pour le train, à la tête de laquelle marche l'artillerie légère {mi^ 
« nuta arliglieria)* Après cette artillerie, viennent les sommiers qui 
« portent les tentes et les bagages de la cavalerie, puis les voitures 
« de bouche et de munitions. 

< La colonne de troupe marche toujours à côté de celle du train 
« du côté de Tenneroi. Si les troupes marchent sur deux colonnes 



(1) A CoDSUniioople, en 1)03, le comte Baudouin, dit ViUebardouin, fll issir les six ba- 
tailles qui furent ordonnées, $ 92, p, 43. Edition Michaud et Poujoulat Paris, 1836. 

(3) « Lan le comte de Charolloîs se meist en bnuille sans aller guieres loing (près de Liège, 
en 1466), et duroieni les esles de la bataille phis d'une grosse lieue. •Mémoirei de Jacq. no 
CuncQ, lit. ▼, di. uu, p. 309. 

(3) m Et entre les trois bauilles (^ GsTre, 1453), n'y avoit pas plus de disUncc que d*un jet 
de pierre ou ung petit miel d'aic.» Mémwrtê de Jacq. du Cliicq, liv, n. ch. un, p. 69. 



72 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« parallèles, la file de voitures marche au milieu, et si les colonnes 
« de troupes sont au nombre de trois, on partage le train en deux, 
« afin qu'il marche dans les deux intervalles de ces trois colonnes. 
< L'artillerie légère divisée en deux toujours à la tète du train. La 
« grosse artillerie et le gros bagage réunis en une colonne suivent la 
« septième division. La huitième division marche sur le côté, et sert 
« d'escorte à la grosse artillerie (*). 

Ce règlement, il faut bien le reconnaître, indique, de la part du duc 
de Bourgogne, des connaissances tactiques très perfectionnées ; il 
prouve, en outre, combien est dénuée de fondement cette assertion 
de M. Philippe de Ségur qui prétcmd que, sous Charles YIU, c'est- 
à-dire, vingt ans après l'époque dont nous parlons, on ne connais- 
sait que les marches processionnelles ou sur une colonne- 
Louis XI et Charles le Téméraire avaient de puissantes armées; 
cependant il manquait à ces armées ce qui en constitue le nerf prin- 
cipal : une bonne et solide infanterie. 

L'artillerie, arme qui exige, dans son emploi comme pour ses per- 
fectionnements, une direction unique, des ressources considérables, 
ne pouvait grandir que là où le pouvoir, royal se fortifiait. Ainsi, il 
était naturel que la meilleure artillerie de l'Europe fût l'artillerie de 
France et de Bourgogne, car le duc de Bourgogne était presque l'é- 
gal du roi de France. 

La cavalerie pouvait, à son tour, se perfectionner partout où le 
souverain avait assez de puissance pour dominer sa noblesse et la 
soumettre à la discipline; mais, quanta l'infanterie, elle ne pouvait 
reprendre son légitime rang que là où il y avait un peuple. 

Les Flamands, au commencement comme à la fin du xiv' siècle, 
avaient bien cherché à résister à la noblesse, en se réunissant en 
bataillons profonds munis de piques, de hallebardes, d'arbalètes et 



(1) Die Kriege Karis des Kûhnen von E. von Rodt. lom. u , p. iG9 et $uiv. 



tenf. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE II, 78 

d^épées (^)y mais ces masses confuses réuoies par le désespoir n'a- 
vaient ni tactique, ni discipline, et elles avaient été vaincues à Ros- 
beque(1382), à Tongres (1406), à Gavre (1453). 

En Bohème les Hussites avaient fait de grandes choses sous leurs Renais^nnce de viotn- 
chefs Ziska et Procope ; cependant pn voit que leur infanterie n'a* 
vait pas acquis cette confiance en elle-même qui résulte de la con- 
naissance de sa force: elle se tenait ordinairement sur la défen- 
sive, s'entourant de chariots, ou de longs pavois plantés en terre 
pour opposer une résistance à la caTalerie 00. D'ailleurs ils avaient 
été vaincus à Boehmischbrot en 1434. En Hongrie cependant Ma- 
thias Cor vin, digne fils du grand Huniade, avait à sa solde dès 1464 
une infanterie allemande qui devint bientôt fameuse dans toute 
l'Europe sous le nom de Lansquenets (^). 

Il existait à la même époque, au milieu des Alpes, un peuple re- 
nommé par son courage et son esprit guerrier. Depuis Morgarten 
(1315),c'est-à-dire depuis plus d'un siècle et demi, les Suisses avaient 
presque toujours été victorieux. Leur orgueil était monté au niveau 
de leur courage et de leur heureuse fortune, et quoiqu'ils n'eussent fait 
qu'opposer conune les Flamands et les Hussites, l'élément populaire, 
l'association, à l'élément féodal, l'homme d'arme, plus heureux que 
ces peuples, ils avaient eu le temps de réduire en principes les causes 
de leurs nombreux succès. Ainsi ce n'est pas, comme plusieurs auteurs 
le laissent supposer, la réminiscence de la tactique des Grecs ou des 

(I) < Que cbacon porte son b&lon tout droit devant lui, et vous entrelacei de vos bns, par* 
quoi on ne puist entrer dedans vous. Faroles de Philippe d'Artevelle ^ ses compagnons. 
FaotaSAMT, toro. ii, liv. ii, ch. cxcv, p. 945, année 13SS. 

A la bataille de Gavre, les Gantois se trouvèrent en si grand nombre, dit Olivier de Ja 
Marche, • et si serrés qu'à grand peine voyoit-on le jour par entre les glaives et les piques », 
1453. Mémiâm de measlre Ourm os la MÂicn, liv. i, cb. iivm^p. 483. 

(i) 1 Ent4âS, les Bohèmes s'étaient retranchés avec cinq cents chariots. Derrière était le 
gros de Tannée couvert de grands et larges boucliers qu'ils avaient fichés en terre avec des 
crocs.» BALnH rr Lihpant, tom. i, liv. in, p. 938. 

(3) Schwaodtner's Script. Rer. Ungar. et Hoyer Kriegs-Kunst, vol. 1, p. 95. Gcettingen, 
1797. Ce mot vient de Landsknecht ou Lansknechl. 

il n'est pas faïutile de remarquer que Jean de Hallwyl, qui se disUngua à Granson et a Mo- 
ral, et régla l'ordonnance des Suisses, avait servi sous Podiebrad et Mathias Corvin. J. ni 
MuLLin, tom. iv. ch. i, p. 6tt ci 98. 

TOMR I. 10 



74 GUEBRE DE CAMPAGNE. 

Romains qui amena lesSuisses à ressusciter la Phalange ou la Légion, 
mais bien des maîtres plus absolus : la nécessité et rexpértenoe. 

Dès le xiV' siècle, na chevalier du parti autrichien comparait un 
bataillon suisse à une forêt d'épines W. En effet les enfimts des 
Alpes s'étaient dès 4eur& premières guerres rassemUés en.\ masses 
compactes , armées .de hallebardes ou de massues ^^ et ^ comme des 
avalanches, ils étaient tombés du haut de leurs montagnes soir leurs 
ennemis imprudemment engagés avec une cavalerie nombreuse 
dans d'étroits défilés. Peu à peu ils perfectionnèrent leur armement 
et leur, ordonnance , corrigeant ce que Texpérience leoriivaitf dési- 
gné comme défectueux^ érigeant em coutume ce qui leur /avait réussi- 

Au combat d'Arbebo, près de Bellinzona, en 14'22, ils s étaient 
aperçus que la hallebarde avec ses crochets s'embarrassait dans 
leurS'propres vêtements (^), et que pour arrêter, de loin la cavalerie 
il fallait.une arme plus longue; aussi, supprimèrent41a leacrochets, 
ne conservant qu'un petit nombre de hallebardes, et prirbnfr-ils 
des piques de dix-huit pieds de. longueur (3). Ne dédaignant aucun 
avantage, ils s'étaient adonnés de bonne heure au tir de l'arme 
à feu(^); mais après Granson, voyant que les Bourguignons- crai- 
gnaient bien plus la pique que la coulevrineC^), ils dimîmièrent le nom- 
bre <les armes à feu dans leurs contingents. Leur.pauvreté avait tou- 
jours rendu leurs armes défensives très défectueuses; à Sempach, 
en 1386, ils s'étaient fait des boucliers avec des planches (^). En 
1466, ils n'avaient point d' a r mu re s défensives, comme le prouve 
la citation suivante ; puis ,. plus tard , ils ne conservèrent qu'aux 
hommes du premier rang la salade et la cuirasse. 

(1) Paroles da comte Rodolphe de Nidaa. J. de Mcllsa, MUtoirê des Smutit toI. n, ch. 3, 
p. i«i. Leipsick, 1786. 
(9) GoLiE, dUlion dft MuUer, voLiii» part. i,p. 313. Loipsîok» 17S8. 

(3) Zuriauben, ciution de Malier, tom* nr, ch. ¥i, p. 513. Leipsîck, 1S05. 

(4) Dès 18S6« les Suisses ayaîeot des caooiis ^ auda dont ils se senrireal à la pdse4e Neu- 
Regensberg. ixm* cahier de la Société de Pyrotechnie de Zurich, p. 9. 

(5) Ckr. de Wurstuhi» dlation de l. n MuLun, tom. v» p. 49. Leipsick, ISOSw 

(€) Das baba ich etwa ton Alton gebœrt. Oiîgo Ducubb^ eitatiea de J. m MiiLuai> Ut. n, 
ch.6,p.437. 



LIVRE I«. ^ CHAPITRE I. 75 

Parmi les troupes que le duc de Caiabre:ameiiR le lendemain' ^e 
la bataille de Montihëry au conte de Gharoiais, « il y avoit/dit 01i<^ 
« Yier de la Marche (^) «ne petite compagnie de Suisses qui ne se dou- 
a toient pœnt(qai ne craignaient point) des gens de cheval; car Hs 
« estoyent communément trois Suisses ensembles un piquenaire, un 
« coulerrinier etunarfaalestrier, et estoyent si duilsàcemestier qu'ils 
< seconroyent l'un l'autre, an. beaoing. t^ D'après Jacques dn<!lerq> 
on les appehiit tt8i|»/69 parce qu'ils ne portaient aucune arme défen-^ 
siye f mab c'étaient, dit-il, .de wundt hardis gens 9). La les Suisses 
combattaient pour le parti du duc de Bourgogne; mais ce Ait contre 
lui f dans trois mémoraUes batailles, que llavanlagede 4eur ordon- 
nance se montra dans tout son jour. 

En 1476, les Suisses iosmaient de gros bataillons «anrës pleins (^) 
ayant autant de front que de profondeur, composés de coulevriniersi 
de hallebardiers et.de {ûquiecs dans des proportions très variables (^) . 
Les coulevrimers étaient mis en avant ou sur les flancs 9^) du batail-' 
Ion W« Les piques deMinées à tenir a distance ' b cawlerie «t k smh 
tenir acm choc, étaient appuyées contre lierre C^). Les hallebardes 
beaucoup plus courtes étaient d'une grande utilité lorsque la mêlée 
avait ooounencé. 

D'après l'usage général, ils partageaient leur armée en trois corps; 
nnisau lieu de les mettre Tnn derrière 1 autre, ils les plaçaient en 



(I) LW. I, ch. XXT, p. 517. 

(i) iiLedacdeCaialiK, qui amena ime manière de geosiKminite 
letqoelft estoienl noolt htvdit «eM. • Liv. t, cii. «XTin,p. f79. 

(3) A Moral, les 'vîagt^aepi enaeigMs de Renie en «ne seule -troape.' De Rovr,'0e«eAMle 
des Mr%e§ÊW0$9n iêr ##ni«r, f ZcitiSMiii, p. tIS. 

(4) Pnum m Coanm, Uw. ▼, ch. m, p. itt, dit q«e les eûses cvaioBt tut tien de 
obaqve amie, et d'après Caisit, le due ReDéa?ailàliDiat^pBamiBHIeooalefftaes,ims 
œnis piqaiefs, trais ariHe MMaidlen. Mnuaa, ton. t> p« «S. Leipaiek, M». 

(5) Au eanbaipfèa deHénceuit, «s 1414, leteoalenWeffs 'étaient partsgés en deax 
corps sur les iancs. Dmou» SoDixoio» p. 140. Berne, 174S. 

(S) < Ds sendfent m OPAsMusne à saireîr tes gens demi» devant -les grandes'plques et 
hailehnwles ImiMmwis et^ntree fliives entonr let fca nn ièrsa .ii' Cfci' si tl yns de Pat» Bailla, 
cah. ivde la Socidiédaanntifnaifnade Eniicit, pi 49. 

(7) EnuaAca, citation de Muixn, t. ▼, p. tt. Leipaick, ISOS. 



76 GUERRE DE CAMPAGNE. 

échelons; celui du centre marchant droit contre Tennemi, tandis 
que les deux autres tâchaient de frapper sur les flancs. Leur artillerie 
consistait en pièces de petit calibre (*) et était placée dans l'inter- 
valle de leurs bataillons. Ils formaient, en outre, de petits corps char- 
gés de protéger Tartillerie ou d'éclairer la marche de l'armée» en ti- 
raillant ; ces éclaireurs composés ordinairement d'arquebusiers étaient 
appelés enfants perd us (^. Confiants dans leur force, ils dédaignaient 
de s'entourer de voitures qui paralysent les mouvements &)> 

Ils ne craignaient guère la cavalerie, car celle-ci ne pouvait pas 
les enfoncer ; et l'artillerie, qui seule pouvait faire des trouées dans 
ces masses compactes, n'était guère' à craindre à cause de la len- 
teur de son tir. Résolus d'essuyer la première décharge, ils couraient 
droit aux canons pour s'en emparer, et les retourner contre l'en- 
nemi. 

Ils prononcent la peine de mort contre ceux qui quitteraient leur 
rang. Plus de cris confus; le silence le plus absolu est ordonné W. Le 
courage a changé de nature comme la tactique. Le sang-froid et l'or- 
dre ont remplacé la fougue téméraire et les exploits d^homme à 
homme. 

Contre de semblables troupes, l'infanterie du duc de Bourgogne, 
composée de tant de nations et de tant d'armes diverses, était im- 
puissante. La seule force à lui opposer eût été la gendarmerie. Char- 
les le Téméraire aurait dû suivre l'exemple d'Edouard IV (5), mettre 



(1) KartenbûchseD, Chron. de Dibbold Schilling, p. 228. Berne, 1743. 

(2) a A GrandsoD, devant tous les autres alloient deux troupes de garçons armés légère- 
«( ment, la plupart arquebusiers. » Traduction du Stammbuch der MuLiifBif , citation de M. de 
RODT, die Kriege Karl's der Kûhnen, tom. n, p. 83. 

(3) Atant la bataille de Morat, G; Hertel proposa d'entourer l'armée suisse d'un rang de 
charrettes pour la protéger contre la. nombreuse caralerie de l'ennemi, Félix Relier répon- 
dit : Marchons en avant, les choses compliquées ne nous vont pas. Mullbr, Histoire des 
Suisses, tom. v, p. 70. Leipsick, 1808. 

(4) Ordre donné avant la bataille de Morat. J. os Mollir, tom. v, p. 50. Leipsick, 1808. 

(5) c Edouard I?, ditPHOjppB db GoioniTBS, étoit un prince très vaillant, qui avoit gagné en 
Angleterre huit à neuf batailles esqueUes toujours il avoit esté à pied, qui estoit chose de 
grande louange pour lui. » Liv. vi, ch. ii, p. 158. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE II. 77 

pied à terre avec la plus grande partie de sa cavalerie, en former 
des bataillons profonds, les flanquer de ses archers, de ses coulevri- 
niers, de ses troupes légères» de sa nombreuse artillerie, et conserver 
Tautre partie pour la faire donner lorsque l'ennemi aurait déjà été 
ébranlé. Il aurait pu alors vaincre les Suisses, en employant ces 
moyens qui avaient réussi dans les mêmes circonstances au célèbre 
condottiere Carmagnola, en 1422. 

Mais l'esprit chevaleresque du duc de Bourgogne répugne à une 
semblable tactique. D met bien, il est vrai, quelques hommes d'ar- 
mes à pied à la tète de ses colonnes (^), mais la grande majorité de la 
gendarmerie est employée à cheval, et cela, dans des lieux désavan- 
tageux, sur un terrain accidenté et montagneux, détrempé, à Gran- 
son par la neige, à Morat par la pluie. Quoique la cavalerie de- 
mande pour ses mouvements deVespace et de la liberté, il l'entoure 
généralement de retranchements (^). Quant à son artillerie, nous al- 
lons voir qu'il n'en sut point faire bon usage, la plaçant sur des 
points culminants oii elle tire avec désavantage, et sur le front ex- 
trême de l'armée où elle paralyse les mouvements, et tombe dès le 
premier moment entre les mains de ses ennemis. 

Le 2 mars 1476 le duc Charles ayant appris, dans le camp retran* Effeudii'drtiuerirdans 

._.,.. . -I ^ . o . . . . mx -. les batailles; bat3ilk-dt 

che qu il occupait devant Granson, que les buisses reunis a Neuf- GransoD. 
châtel marchaient à sa rencontre, se décide à se rapprocher du défilé 
de Yaumarcus qui se trouvait à un peu plus de deux lieues en 
avant de sa position, sur la route de Neufchâtel, et que déjà il avait 
fait occuper par de petits postes W. Son armée, qui montait a 20,000 
hommes, se met en marche dans une vallée qui allait toujours en se 



(1) Car c'est aîosî que bous comprenons celle phrase d'un chroniqueur de Tcpoque (Wurs- 
tisen), qui dit que les Bourguignons firent une poinle loute de cuirassiers. 

(i) A Morat, tout le front était couvert par une baie vive garnie de fossés qui ne bissait 
qu'une entrée par laquelle quatre cbevaui pouvaient passer de front. J. ot Mixlib, liv. t, 
p. S7. 

(3) Chronique de Hogobs ùm Pmni du chapitre de Neurcbàtel, cilation de M. Fntotaïc 
DtiBOtS, V cahier des Ànlig. 49 Zurich, et CAr. île David Baillot, ibid. 



78 GUERRE DE CAMPAGNE. 

rétrecifisant , ayant le lac à sa droite , et à sa gauche des montagne!» 
couvertes de bois et deyignes. Ses troupes étaient divisées en trois 
corps ; mais il n'est point prouvé, comme le prétend M. de Rodt, 
qu'elles aient marché en bataille sur plusieurs colonnes (^). Le duc 
se dispose à camper sur une petite colline située entre: les villages 
de La Lance ^et de Coucise (2). Il y avait deux chemins pour arriver 
aux Bourguignons : l'un débouchait sur leur gauche et traver- 
sait la montagne, l'autre longeait le lac. Ge fut par le premier pas- 
sage qu'arriva une partie des troupes suisses. Quelques tentes 
venaient à peine d'être dressées (^) et l'artillerie n'était pas encore 
en batterie sur la colline qu on voulait occuper W, lorsque qndques 
coulevriniors suisses se montrèrent sur lahauteun 6tse mirent à 
tirer. Dès que le duc les aperçut, il envoya contre aix quelques 
compagnies d'archers et d'arquebusiers, afin de les attirer dans la 
plaine (^). C'est oe qui arriva. Les Suisses chassent facilement de- 



(1) Ed effet» les> chroniques disent que Tarinée boorgnigaonne était divisée en avâni^rde, 
bataille et arrière-garde» mais elles ne précisent rien de plus, et, au contraire, Pani- 
charota dit que la déroute vint en grande partie de ce que les Bourguignons n'avaient 
gardé aucun ordre, ne s*attendant pas à être attaqués;* De la rolta quanto li si e ben riceoU 
tato non si po scrivere altramente di quello ho Tatto, e loro siessiqui non sanno dire corne fosse, 
per non credersi di combatere quello di et non servani ordine. » Lettre de PAmcHAROLA, 
datée de Lausanne, 18 mars 1476. M. de Rodt, tom. Ui p. 609. 

(2) Partito per logiarsi ad uno monticello vicino ad un passo ove si aveva a passare per an- 
dare dove erano essi Suiceri. Lettre de J. Pbtbcs PANicHÀltoLA au duc de Milan, datée de 
Noseroi, le 4 mars 1476. De Rodt, déjà cité, tom. n, p. 606, et Chronique de Hogobs pk 
Pierre. 

(3) E già piantato parte de li paviglioni H Suiceri si mostromo sopra un monte di sopra esso 
monticello offendendo con K sohioppeti ; non in lozasse, li , lece esso S. montar alcune squa- 
dre. Ibid, 

(4) Sin bûehsen vollt er fUren 
Wol uf den berg an die strass; 
Darnach begond sich riiren 

Vil menger eidgenoss^ 

Damit man in Qberylet hat ; 

Des hatt er sich versumet 

Und kam doevii le spat. 
Chanson sur laa)aiaille deGranson. Usteris sammhmg. Zeitschrift fur. antiq. Gessels. Zurich, 
1843. 

(5) £i a poco a poco lî avèva tirati fori del monte, et conduceTaliiiasso al piano, dove ba- 
tiva l'artjglieria con le squadre. LeUre de J. P. Panicharola. Ibid. 



LIVRE 1".— CHAPITRE II. 79 

vani eux ces troupes légères » arrivent au bas de la montagne où , 
protégés par leurs tirailleurs» ils se forment en un seul bataiUon de 
8,000 hommes (^), plaçant leur artillerie sur les flancs et se prépa- 
rant à faire face aux Bourgoigncms; cenx-d s'étaient mis en bataille, 
et Tartilierie placée sur le front commença à tirer contre les confé- 
dérés W. Le premier boulet bourguignon tue dix hommes i^)y et d'au- 
tres décharges enlèvent encore, d'après l'expression de Diehdd Schil- 
ling, une foulé de braver gens W. Cependant les Suisses en avançant se 
trouvent bientôt au-dessous de la trajectoire des boulets, qui pas- 
sent au-dessus de leur tète sans leur fairede mal (9. Leur artillerie au 
contraire tire vigoureusement et avec succès (^)« Les enfants perdus 
qui les précèdent sont facilement repoussés parla cavalerie ^ qui, 
au nombre de 6,000* chevai»» fond sur eux et s'eflTorce d'enfoncer 
la forêt de piques ; mais le terrain ne permet pas aux escadrons de se 
développer 00 ^ et l'attaque des Bourguignons échoue sans qu'il en 
résulte cependant pour eux une perte sensible. Le reste de l'armée 
suisse qui s'acheminait par la roule du lac ne se montrait pas en- 
core , etp malgré leur résistance, les 8 à 9,000 hommes suisses enga- 
gés se trouvaient dans une position critique. Si le duc de Bour- 
gogne eût pu faire jouer encore son artillerie et renouveler son 
attaque, la victoire se décidait en sa faveur; mais, croyant être 
sûr de dompter ce petit nombre d'hommes, le duc Charles veut 
entourer ses ennemis (^), aûn qu'il n'en échappe aucun et commande 



(1) Vkli ben il iqoadrone loro cbe pote? a essere di tiiu pereone o circa slroctusîmo in- 
sîeme* Lêtlre de J. P. PAïaaumoLA, 4a IS mars. LausaDoe, Md^ p. 609. 

(S) «Par taiiit George (diilediic), gens decaDoo,fea sarces Tilains.» Hoaota di Pibrrb, 
dtaiîoo de M. Ffttaluc IhiBois. 

(3) Ckt. de Dathi Baoxot» 4" cahier de la Sodélé des antiquaires de Zurich, p. 42. 

(4) DmoLa Scnixiii«, p. iSS Berne, 1743. 

(5) Ckr. dé NêufckâUl, dulioQ de J. M Muuu, um. v, p. 96. Leipsick, ISOS. 

(6) « Uaduten ihasu aucfa groasen schadeo. » Diibold Scbilumg, p. )8S. Berne, 
1743. 

CI) Sy woUend uns binlerryten : 
Itas feld t^ard inen tu ichnial. 

Chûtuon de ia b€taUk de Gfuntom. làid, 
(8) In d quai loco lacendo relirar quelle squadre di l'artiglieria et alargarsi per dar più 



80 GUERRE DE CAMPAGNE. 

à son artillerie et aux troupes qui étaient au centre de se retirer sur 
les côtés. Ce mouvement de retraite fait à la tête de colonnes, qui 
devaient être assez serrées les unes contre les autres, fait croire à tous 
ceux qui sont en seconde ligne que les premiers fuyaient, et alors, 
une terreur panique s'emparant de toute l'infanterie, ce n'est plus 
qu'un sauve qui peut général W. Le duc de Bourgogne, cependant, 
rassemble ses hommes d'armes et fait encore plusieurs charges (^) ; 
mais, à ce moment, il voit les autres divisions des Suisses qui, au 
nombre de douze mille hommes, accouraient au bruit du canon par 
le chemin qui longe le lac ; il lui est alors impossible de rallier ses 
troupes» soit derrière la petite rivière de l'Arnon, soit à l'abri des 
retranchements de son camp de Granson qu'il avait quitté le matin. 
Sa déroute est complète « et ces pauvres Bourguignons semblent 
« fumée espandue par vent de brise W. » 

Toute l'artillerie fut perdue; elle se composait de cent treize bou- 
ches à feu, et non de cinq cents, comme le prétend M. Frédéric 
Dubois, ni même de quatre cents, comme Taifirment M* de Barante, 
M. de Rodt et L. de Muller (^). Il parait qu'il y avait deux grosses 



campo a li Suiceri quali aveva circondato Id modo venWano ad essere serrati in mejo. Lettre 
de J.-B. Pànichàrolà, du 4 mars. De Noxeroij Ibid^ p. 606. 

(1) Le gente d'arme de drieto et li cariagi si missero in fuga credendo li primi fossero 
spontati e roui et si levo una voce di salvarsi chi poteva, che mai fo in possanza di pto S. di 
far TOltare bomo. Lettre de J. B. Panicharolà, du 4 mars. Ibid, p. 606. 

[% Freyburger Kronik, citation de M. de Rodt, tom. ii, p. S3. , 

(3j Chronique de Hdgubs db Pierre, citation de M. Frédéric Dubois. ZeitschriA der 
Aniiq.Gesells. Zurich. 

(4) Les clironiques suisses ne sont pas d'accord sur le nombre de l'artillenc du duc, par 
cette raison que, le camp ayant été pillé, la distribution en fut très irrégulière. Diebold Schil- 
ling nomme quatre cent vingt pièces ; Guillimann trois cent cinquante serpentines, soixante 
bombardes, neuf canons. La Chronique de Neufehdtel ne parle que de cent quinze pièces, et ce 
nombre doit plus approcher de la vérité, car nous avons vu plus haut que le duc de Bourgo- 
gne n'avait en tout, dans ses arsenaux, d'après Olivier de la Marche, que trois cents bouches à 
feu. 11 ne les avait probablement pas toutes sur le champde bataillede Granson. De plus, toutes 
tes chroniques suisses sont d'accord pour reconnaître qu'il n'y avait que trois cents tonnes de 
poudre, nombre sans aucun doute insuffisant ponr quatre ou cinq cents canons; car, h l'épo- 
que suivante, nous voyons par Philippe de Clèves (MS n^ 7435,foL108 etsuiv.)^ qu'il compte 
1496 tonneaux pour l'approvisionnement de vingt-deux grosses pièces. Molinet, au contraire, 
est le plus croyable des chroniqueurs, puisqu'il donne même te nom des pièces qui ont été 



LIVRE !•'.-- CHAPITRE IL 8t 

l)orobdrdes qui devaient èlre bien belles, puisqu'elles causaient Tad- 
roiration de Tanibassadeur milanais W. 

Nullement découragé par cette première défaite, Charles le Témé- Bauiito de Mont. 
raire présente encore, trois mois après, la bataille aux Suisses près 
de Morat. Occupé à faire le siège de cette petite ville» il avait divisé 
son armée, forte de dix-huit mille hommes (^), en trois corps (^), oc- 
cupant trois camps distincts- Le camp principal établi sur la hau- 
teur (^) de Grissach, à Test de Morat, avait une demi*lieue d'éten- 
due (^); il se joignait au camp des Lombards qui formait la gauche 
de la ligne bourguignonne et s'étendait jusqu'au lac Le comte de Ro- 
mont, commandant le troisième camp» était placé du c6té opposé, 
c'est-à-dire, au nord de la ville de Morat, qui se trouvait ainsi en- 
tourée de tous les c6tés (Q. 

Le camp principal était défendu, sur tout le front, par un retran- 
chement derrière lequel on avait braqué l'artillerie qui dominait un 



H qui se monte k ceol treite en tout, dont vingt-quatre sur le champ de bataille, et le reste 
dans le camp. Celles du champ de bataille étalent U Berger et la Bergire, six courtaui, six 
longues seipentines, et six autres petites avec le$ Qna$re'Sawr$. » Chron. de Molinit, 
ch.ixix, p. Idi. 

(1 ) « La perdita è in r artiglieria quale tuta 11 e rimasu con doe bombarde cbe certo era bella 
et degna cosa. » Lêiire de PAKiCBAnoLA datée de Noseroi^ 4 mars 1476. Di Ro»t, t. h, 
p. 607. 

(S) « El crois h ce que j'en aye pu entendre, qu'il y avoit bien dix-buit mille personnes en 
tout. » Mémoire de P. ni CowuHis, cb.ni» p. m. PanMan liitéraire. 

(3) Sy schogend meng hoch geielie 
Fur Munen und fur das Schloss; 
Darfor bai er im Felde 

Dry httfen, die warend gross. 

Ckamim de Morai, de U&tims Sahhlum. CdUer de te social/ de$ 
Ànliq. de Z«ric4. 

(4) « Der Herxog Ton Burgunn in sinem Léger uff eioem Rein.» UniOLP Schilling, 
p.34S. 

(5) Man scfabg sich in sin léger. 

Das var wol elner halben mile breit. 

Chanum de ScHauHG, p. 350. Berne, 1743. 

(6) AUeni halben turingumb belegen. 

DumoLD ScTOXiRG, p. 396. 

TOHB I. il 



82 GUERRK DE CAMPAGNE. 

vallon par où i'ennemî pouvait arriver. Celle position était assez 
forte ; mais elle n'offirait aucun avantage à une armée dont la force 
principale consistait en cavalerie. 

Les Suisses, au nombre de vingt-quatre à trente mille hommes, 
dont on» cents chevaux (^), divisèrent lenr infanterie eo trois gros 
bataillons hérissés de piques et de hallebardes (^). Celui du centre, le 
plus considérable, comptait environ dix mille hommes- La cavalerie, 
partagée en deux escadrons, avait été mise sur les flancs de l'avant- 
garde, où s'était réuni le plus grand nombre d'arquebusiws. L'artil- 
lerie était dans les intervalles C3J. 

Le duc de Bourgogne, informé que les Suisses s'avançaient pour 
attaquer sa droite, fit mettre, dès le matin du 22 juin 1476, toutes ses 
troupes sous les armes devant son camp|; mais la colonne qui s'é- 
tait montrée m'était qu'une division envoyée en reconnaissance; 
elle s'était retirée (^) ; le duc ayant attendu l'ennemi pendant plu- 
sieurs heures par une pluie battante, et voyant qu'il n'arrivait pas, 
avait renvoyé la plus grande partie des troupes dans le camp, lais- 
sant seulement une avant -garde en position. Mais à pein«^ lui- 
même et ses soldats commençaient-ils à $e livrer au repos, qu'on 
vint l'avertir que les Suisses marchaient en bon ordre. Pendant que 
le duc rassemble de nouveau son monde à la hâte, la garde du camp, 
protégée par les retranchements, fait jouer l'artillerie contre Ten- 



(1) Db Rodt, tom. II, p. 267. 

(2) Kein hûbscher Volk gesach icb nie, 
ZufiamAn komiiieft uff Erdea ïàe , 
fn kuner Zeit als balde; 

Sy brachtea Buchsen obne Zabi 
Vil HeUiaiten breii und auch schmal 
VoD Spiessen sadi man ein Walde. 

Chanson de Schilling, p. 348. 

(3) LeUres de Pànicbarola après la bataUle, ciUtion de M. db Rodt, 1. 1, p. 271. 

(4) Hbtbe, Annal. Fland. D'après un MS du temps de Tb. BâSim, évéque de Lisieux, el 
Hbutbr, Re$ Burg,, p. 183, 1583. Lettre de Aplano, datée de Gex. Citation de ff. db 
Rodt, t. II, p. 270. 



LIVRE I*'. — GHAMTRE II. 83 

nenii. Trente serpentines surtout qui foudroient W ib prairie 
par où les Suisses débouchent exerceM un grand ravag». Beaa- 
coup de cavaliers sont tués. Plus de deux cent cinquante iiooi- 
mes du bataill<m central sont renversés (^). Mais , comme à 
Granson, les Suisses s'avancent imperturbablement (^), et les bou- 
lets Tont auMlessus de leur tête briser les branches d'arbre qui 
tombent avec fracas (^). I^ retranchement» disposé en ligne con- 
tinue sans flanquement, arrête un moment les assaillants (9 ; mais 
forcée sur un point, toute la ligne est tournée; rartillerie devient 
inutile; les Suisses s'en emparant et la retournent contra les Bour* 
guignons (Q. 

La cavalerie et F infanterie du duc se précipitent en avant pour 
arrêter les progrès des Suisses; mais dans les batailles de cette épo- 
que, dès que l'assaillant avait pu gagner le flanc de l'ennemi, la 
partie était presque perdue» car les troupes ne manœuvraient pas 
assez bien pour pouvoir bcilement changer leur ordonnance ; et si 
les premières lignes recnbôent» hi confusion se mettait partout. D'ail- 
leurs, les troupes bouifuignonnes étaient trop écartées les unes des 
antres C?). Les archers anglais du duc firant une héroïque rési- 



(1 ) Fur âch bai er genommeD 

Drynig ScUanseobùdMeo anch : 
Die brachieo im kein frommen, 
Sy scfaosfieiid ynH tu boch. 

Ckmmom citée ph» baM d'Ust uua Sammumc. 

^i) EiTiAUH, el Cknnique de Neufckàuly dt. de J. db Mollbr, lom. t. 

(3) Deo mao xog inuDennebr gar streog vor sicb obn sUUsiand oocb hiotenebu. 

Emiuii, dutioD de Muujui, uhd. v, p. 71. 

(4) BvLLiliaBi^iM. 

(5) DuMLD Scauxoio, p. 318. 

(6) Edubach, dtatioD de J. db Mijllbb , tooi. v. 

(7) SÎD Volk ward sdiier sertreont 
tiid kam in groise nd. 

CAotifon d*UsTBBn Sahhlvng, cilée plut haut. 

11 



U GUERRE DE CAMPAGNE. 

stance W. Les Lombards aussi se défendirent bien t^)» mais les pha- 
langes de piques les chassèrent des hauteurs. Leduc tâche de rallier 
ses troupes dans la plaine; effort inutile I rien ne résiste à ces masses 
qui renversent les lignes minces de chevaux et de fantassins ; une par- 
lie des Bourguignons se noie dans lelac, une autre cherche son salut 
dans la foite. Seul, lé comte de Romont qui, par la position que nous 
avons indiquée, se trouvait entièrement séparé de l'armée, appre- 
nant que tous les Suisses se sont lancés à la poursuite des Bourgui- 
gnons, se retire avec ses soldats en passant derrière la ligne de ba- 
taille des ennemis C^), et emmenant son artillerie légère W. Dans 
cette bataille, soixante^trois pièces de canons tombèrent au pouvoir 
des vainqueurs W. 
Bataille de Ninci. lustruit par le malhcur, mais persévérant dans une lutte désas- 

treuse, le duc de Bourgogne voulut imiter Tordonnance de ses heu- 
reux rivaux. De retour dans ses états, il leva une nouvelle armée et 
résolut de former son infanterie en gros bataillons. Mille hommes 
d'armes devaient servir à pied, chacun suivi de trois archers, trois 
piquiers, trois coule vriniers, et ces dix mille hommes combattre 
réunis en un seul bataillon (^). Mais le moment était arrivé où des pro- 
diges mêmes de tactique ne pouvaient sauver de l'abîme des troupes 
démoralisées par plusieurs défaites. S'acharnant pendant l'hi- 
ver de 1477 au siège de Nanci, le duc Charles y épuise inutilement 
ses forces; et lorsque les Suisses et le duc de Lorraine s'avancent 
pour faire lever le siège, son armée affaiblie n'est plus capable de 
présenter une sérieuse résistance. D'ailleurs, comme à Morat^ c'est 



(1) Haivs ton Kà6E5bcc Bbricht, Heutefy p. 182, cit. de M. db Rodt, p. 974. 
^2) LeUres de Pàkicharolà, du 9 juillet. Db Rodt, p. 275. 

(3) UDd bescbach den GrafTen von Reymonde lelder nût, wiewol er auch kumentrao. 

D. Schilling, p. 340. 

(4) Db Rodt, tom. ii, p. 278. 

(5) Rbmt, citation de Mdllbr, tom. y, p. 79. 

(6) De Rodt, tom. ii, p. 315. 



LIVRE I•^- CHAPITRE H. 85 

toujours son front qu'il fortifie avec soin, en y plaçant tous ses ca- 
nons, et, comme à Morat, c'est sur les ailes qu'il est débordé- Son 
infanterie, quoique massée ensemble (^), ne puise pas dans cette 
agglomération un plus grand courage; les Suisses, au contraire, s'a- 
vancent comme un torrent impétueux, dit un auteur de l'époque (^); 
leurs arquebusiers font pleuvoir sur les Boui^uignons une grêle de 
balles (3>; et, tandis que le duc de Bourgogne s'épuise en efforts su- 
perflus pour rallier ses troupes, son artillerie mal placée tire tou- 
jours trop haut et ses boulets ne tuent qu un seul homme, le nommé 
Bolat, dont l'histoire semble avoir conservé le nom comme preuve 
de Tinsuffisance de la force matérielle dépourvue d'une sage direc- 
tion W. En effet, jamais on n'avait réuni sur le champ de bataille 
une artillerie si formidable, jamais l'artillerie ne fut si peu elBcace (^). 

Les victoires des Suisses étonuèrent l'Europe, et mirent le com* 
ble à leur réputation militaire. Toutes les puissances vont briguer 
leur alliance et acheter leurs services. Tous ceux qui auront besoin 
de soldats iront désormais les chercher au milieu des Alpes, et le 
grand Mathias Corvin lui-même y recruterases armées pour résis- 
ter aux envahissements de Mahomet II W. 

Dans le siècle précédent, la sagacité de la noblesse anglaise 
avait réhabilité l'infanterie légère ; Tamour de l'indépendance ré- 
habilite à la fin du xv* siècle une infanterie compacte qui va pro- 
duire sur la chevalerie, sur l'armement et l'ordonnance des troupes, 
sur la tactique, une influence égale à celle qu'ont exercée les archers 
anglais. 



(1} « L'infanterie du duc eu un seul bataillon assex long, le front couvert par un fossé. » 
GoLLOT, Hiêtoire de Baurgapiê, 

(i) « Comme impétueux torrent. « Parapin, titation de J. ds Mullir, tom. ▼, p. 71. 

3, « Cette grêle d'escoupeterie. » Paradin et Calhbt, HUloire de Lorraine, ibidem, page 
132. 

(4) RecmeU de Ckraniquei de Lorraine, par Chahfiir, MS de la BibliothcHjue rovalf , 
L.430. 



C5) Réflexion de Pahichaiola, vcy. M. m Rodt, t. ii, p. 315. 
(6; J. M lluLLU, tom. t, p. !9i. Uipaick, 1S08. 



S6 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Philippe de Gommines, résumant l'expérience du passé, appelait 
Tare la reine des armes; la pique va recevoir maintenant de tous les 
généraux ce glorieux surnom. 

L'infanterie va agir par le choc, car longtemps encore les armes 
de jet resteront dans une proportion faible relativement au reste 
des troupes. 

La chevalerie pouvant compter désormais sur une infanterie 
solide, restera à cheval et ne mettra pied à terre que dans des occa- 
sions très rares. Elle va, comme les Allemands, imiter l'ordonnance 
de l'infanterie, prendre l'ordre profond et se munir d'une arme à 
feu telle que la hacquebute, la pistole ou le pistolet; et, renonçant à 
enfoncer de prime-abord ces bataillons de piques, elle pourra par 
son feu ouvrir une brèche par laquelle elle entrera dans ces cita- 
delles de soldats. 

Ainsi, deux éléments opposés vont se trouver en présence dans 
les batailles : une artillerie puissante, et un ordre profond qui rend 
l'effet de cette artillerie efiQcace et irrésistible. Ces deux éléments 
vont se développer en même temps dans les armées, jusqu'à ce que 
les progrès de l'artillerie forcent les troupes à abandonner une pro- 
fondeur superflue pour étendre leur front* C'est donc à la diminution 
de Tordre profond que nous jugerons par la suite des effets réels 
de lartillerie sur le champ de bataille. 

Avant de continuer notre récit, nous devons faire mention d'un 
petit combat qui eut lieu en 1477, et qui serait sans importance s'il 
ne caractérisait la nature des différentes armes de jet. Trois cents 
hacquebutiers sortent un jour de Saint-Omer, et courent jusqu'au 
château de Tiembronne; poursuivis par les archers français, ils 
s'adossent à un bois pour résister; mais le nombre de flèches que 
lancent les Français les force de se rompre et de se disperser W. Ici, 
comme on le voit, l'arc a encore la supériorité sur l'arme à feu. 



(t} Mou^ET, liv. 11. ch. xli, p. 36. 



LIVRE I''. — CHAPITRE II. 87 

A la bataille de Guiaegatte» en 1479, nous n'avions pas encore de »*»»>"« 4«G«i««6«*«* 
bataillons de piquiers» tandis que Tarméedu duc Maximilien d'Au- 
triche avait un carré de dix mille piques (^^ flanqué d'arquebusiers. 
L'armée française comptait, « vingt-deux étendards, dix-huit cents 
« lances, quatorze cents francs-archers, grand nombre d'artillerie 
« volante, trente-sept pièces d'artillerie, serpentines et gros bas- 
M tons ^^)*» Cependant, notre incomparable gendarmerie rompit len* 
nemi, et notre infanterie suivant l'exemple que J. de HallwiU de 
Berne avait donné à Morat, retourna contre les Bourguignons 
leur propre artillerie. Molinet, auteur bourguignon, s'écrie à cette 
occasion. <« Chose admirable el retournée j les François servaient les 
Bourguignons du traiet de leurs propres basions (^). Cependant cet 
incident, comme on le sait, ne suffit pas pour nous conserver la vie- 
toire: les francs-archers se mirent à piller le bagage des Allemands qui 
revinrent à la charge pendant que la cavalerie française était occu- 
pée à la poursuite, et ils défirent la plus grande partie des francs- 
archers. 

Après cet exemple, Louis XI se hâta en ItôO, pour avoir une in- 
fanterie plus solide et mieux disciplinée, d'exécuter le traité conclu 
dès 1474, et de prendre six mille Suisses à sa solde v^). U fit égale- 
ment armer des Français de piques» mais il ne licencia point, comme 
le prétend la chronique attribuée à Jean de Troyes, les francs-ar- 
chers (^>, car cette milice existait encore à sa mort, et elle se per- 
pétua même jusqu'à François I**. 

Charles le Téméraire était mort sous les murs de Nanci, en 1477, 



1) Rapport du S. de Dadublb, lémoia ocubire, tians le suppléiiieot de la Cknmi^ue des 
¥mU ei Gtêitê^ p. 209, et i. M Tiiotbs. 

()) liOU!<IIT, Cb. LXVl, p. ^1. 

'3l Chronique^ di. Lif i, p. il4. 

(i J. M MuLLia, loin, nr, cb. vu, p. 603. Leipëick, 1S05. 

{5y • En œ tenpft,le roy fist casier et abMtre tous les fraocs-arcbers du royaume de France, 
ri en leur place y Toolust estre et demeurer pour servir en ses guerres les Suisies et piquiers. 
Et flst faire par tous couslelliers grand quantité de pîoques, liallebardes el grands dagues k lar- 
ges rouelles.» Chronique attribuée à Jban dc Troyis, p. 160, édil. de 1747. 



88 GUERRE DE CAMPAGNE. 

ne laissant que des ruines; Louis XI meurt en 1483, et laisse à son 
successeur le pays le plus compact, le plus puissant de TEurope, le 
plus riche en ressources militaires (^). 

Un auteur contemporain dit que « Louis XI laissa trois trésors : 
« une grosse, puissante et bonne armée de quatre mille cinq cents 
<( hommes d'armes, d'un bon nombre de Suisses, de grand nombre 
« de francs-archers, et d'autres gens de guerre qu'on estimait à 
c soixante mille combattants à sa solde, qui étoient payés tous prêts 
« à le servir contre tous ses ennemis. Le second trésor, estoit qu'il 
<( estoit garni d'un gros et merveilleux nombre d'artillerie, et de 
« l'équipage qu'il y falloit, plus que jamais n'avoit été roy qui fust 
« paravant luy. I^e troisième, estoit qu'il laissât toutes les villes du 
« royaume, tant celles qui estoient en pays, comme celles qui es- 
f toient sur les frontières si bien fortifiéesi qu'il ne seroit possible 
<* d'y mieux pourvoir C^). » 
CHARLES via. L'infanterie venait de renaître en Allemagne et en Suisse, et déjà 

/■m2fe°'de** b ^niei^ ^^* Charlcs VIII , Ics troupcs auxiliaires de ces deux pays se 
•n France pi en ïuiie. battaient l'uue coutrc l'autre sur nos champs de bataille. A Saint- 
Aubin-le-Cormier, en 1488, il y avait dans les troupes de Fran- 
çois II, duc de Bretagne, quinze cents lansquenets (^) que lui avait 
envoyés Maximilien, duc d'Autriche, et on comptait huit mille Suis- 
ses dans les rangs de l'armée royale qui vainquit à cette journée 
sous les ordres de La Trémoille W. 
Ainsi, à onze ans d'intervalle, les enfants des Alpes avaient con- 



(1) Peu ayant sa mort, Louis XI, dit Philippe de Commines, avait quatre b cinq mille hom- 
mes d'annes et gens de pied, tant pour le camp que des mortes-payes plus de vingt -cinq mille.» 
Liv. vx, ch.yn, p.l73. 

On appelait morte-paye les soldats qu'on entretenait toujours sous les armes en paix comme 
en guerre dans la garnison. 

(2) Chronique manuscrite citée dans le MS de LsoRANn, liv. xxti, p. 59. 

(3) JiAïf DE MuLLBR prétend, d'après STU]iPH,liv. xm, p. 22, qu'onze mille lansqueneu 
périrent à Saint-Aubin; mais c'est une exagération évidente; car, d'après les Ckromquei 
françaisêê^ et entre autres VHUUnre de Charlee Vlll, par Jàligny, p. 53 , édit. Godefroy, i| 
est dit qu'il n'y avait que mille cinq cents Allemands auxiliaires. 

(^) JiÂii DE MijLLBR, tom. V, ch. m, p. 78. 



LITRE I".— CHAPITRE II. 89 

triboé à débarrasser la France des deux plus grands ennemis de son 
unité politique, le duc de Bourgogne et le duc de Bretagne. 

Les débris des lansquenets entrèrent au service de Charles YIII» 
et de concert avec les Suisses firent partie de la brillante expédition 
de Naples. 

Le temps était passé où la chevalerie croyait à elle seule pouvoir 
remplir tons les r61es, et dès 1485, on lit dans une ordonnance de 
Charles VIII, touchant Toi^nisation de ses gens de guerre, cette 
phrase remarquable : < Attendu qu'il seroit nécessaire avec les gens 

< de guerre de nos dictes ordonnances, qui sont tous à cheval, avoir 

< mettre sus et entretenir quelques nombres de gens de guerre à 
<« pied tel que seroit advisé, attendu que gens de cheval ne peuvent 
« aiiément faire grand exploit sans gens de pied, sur ce, ordonnons 
«< de prendre un honmie sur cinquante-cinq feux (0. i* Cette ordon- 
nance était conforme à l'organisation des francs-archers, milice 
qui existait donc encore, et, en effet, les chroniqueurs de l'épo- 
que font mention de quatre cents firancs-archers tués au siège de 
Nantes en 1487 (S). 

On lit, d'ailleurs, dans les Mémoires de Philippe de Çomroines, 
qu'en 1495, les francs-archers du Dauphiné vinrent rejoindre à Asti 
le duc d'Orléans (?\ 

L'arc et l'arbalète étaient toujours les seules armes de jet de Tin- 



(1) « Et pour l'accomplissement des choses dessus dictes de? oit faire preodre on homme 
de pied en ehascon nomhre de cinqnante-dnq feux, sur les habitants de tos élections au 
choix regard et éleoiion desdicu habitanu oo de la plupart dlcenx de la moyenne eschelle 
des contriboaMes qui, ï ce soit propres et sufflsanu, lesquelles gens de pied seront pour la 
première fois fournis dliabillemenu de guerre ï la charge desdicts babilanu, et dès lors en 
a^ant seront tenu iceux gens de pied de entretenir et fournir leurs dids habillements à leurs 
dépends, sans ph» en ce regard emporter quelque charge par lesdicis habitants, lesquels se- 
ront tenus fournir il cfaascun desdicts gens de pied ainsy choisi eteslu la somme de 60 sous 
loumots par chacun mois. » Àvi$ dm Bailly de Caen. Lettre paUnU du S décembre liSS. 
HiUoire de CharUe VIU, Edit. Godcfroj, p. 503. 

(% Chronique de MoUMlT, liv. m, cfa. CLTi, p. 14S. 

;3) Méwunreê. Liv. fin, cb. m, p. %U. 

TOHB I. IS 



90 GUERRE DE CAMPAGNE. 

fiinterie et de la cavalerie nationales, et, d'après une ordonnance de 
1498, il y avait dans neuf villes du royaume neufartillers établis pour 
fournir d'arcs les compagnies d'ordonnance 0). 

Les i^nseignements les plus intéressants, sur l'armement 
des troupes nous sont donnés par Paul Jove, dont nous extrai- 
rons le passage suivant où il décrit Ventrée de Charles VIII à 
Rome. 

< En entrant par la porte du Peuple, de longs bataillons de Suisses 
« et d'Allemands marchaient sous leurs enseignes en avant au son 
« du tambour, à pas mesurés, avec une certaine fierté militaire 
« el avec un ordre incroyable. Ils avaient tous des vêtements courts, 
w de diverses couleurs, qui montraient la forme des membres, 
" et les plus valeureux faisaient un bel effet avec leurs plumets 
« sur les chapeaux. Ils avaient pour armes Tépée courte et des pi- 
» ques de frêne de dix pieds ('^) avec un petit fer auj bout. Le quart 
<( d'entre eux était armé de grandes haches ayant à leur extrémité un 
« fer quadrangulaire. Ils maniaient cette arme à deux mains, frap- 
« pant d'estoc et de taille (et dans leur langue ils rappellent halle- 
« barde). Pour chaque millier de fantassins, ils avaient cent arque- 
« busiei*s portant des arquebuses qui tirent des balles de plomb con- 
« tre les ennemis. Les soldats entrent ordinairement en bataille 
" en ordre épais {densatis ordinibus). Ils dédaignent tellement la 
« cuirasse^ la salade et Técu, que les capitaines seuls qui se pla- 



(1) ^ Item ôùltre ce que dit est le Roy veult et ordonne que en neuf villes de son royaulme, 
c'est assavoir Paris, Tours, Orléans, Bourges, Lyon, Poîctiers, Bourdeaux, Angers et Abbe- 
ville , M y ayt nng artiller que le Roy exemptera de tailles emprunis et subsides pour fournir 
d'arcs cbascun de ses archlers d'ordonnance, et à chascun artiller sera ordonné quel nombre 
d'arcs il devra fournir pour les départir par les compagnies, en les payant par les archiers 
d'icellçs. » 

Ordonnance du 27* jour de juillet l'an 1498, ainsi Du Plessis. — Ordonnance du Roy 
touchant la gendarmerie. MS de la Bibliothèque royale , n"» 2174. — n<> 9833 , folio 32, 
verso. 

(2) Certes, Paul Jove se trompe ici, car ies piques des Suisses, comme je l'ai déjà dit, 
avaient dix-huit pieds de longueur. 



LIVRE I".— CHAPITRE U. M 

» cent au premier rang ont une salade et un plastron de fer. 

< Après euxyvenaient cinq cents Gascons, presque tous arbalétriers 
^ portant Tarbalète à arc d'acier» et avec une grande adresse, en un 
« clin d*œil, ik bandent et tirent leur arme. Cette espèce d'hommes 
«< semblait bien laide et mal équipée en comparaison des Suisses» qui 
« les surpassaient par leurs ornements de tête, leurs armes relui* 
« santés, et la hauteur de leur taille. Après l'infanterie, venait la 
«« cavalerie levée sur toute la noblesse de France* Les homipes d'ar- 
« mes s'avançaient couverts de sayons de soie, ornés de plumets et 
a de colliers d'or; ordonnés en longues troupes,* ils étaient deux 
« mille cinq cents, et cinq mille chevaux légers (^). Ils se servaient 
<* comme les nôtres d'une lance grosse et canpelée avec une pointe 
« solide, et de la masse d'drmes-Iieurs chevaux grands et forts avaient 

< les crins et les oreilles coupés; les Français croient que les che- 
u vaux sont mieux ainsi et paraissent plus terribles, mais ils étaient 
<« moins beaux à voir, parce qu'ils n'avaient point comme les nôtres 
«< des caparaçons en cuir bouilli. Chaque homme d'armes avait trois 
i chevaux, un page qui portait ses armes, et deux suivants qui s'ap- 
« pellent coustiller et varlet. Le chevau-léger» suivant l'habitude 
i des Bretons» porte un grand arc de bois et de grosse^ flèches, et il 
« n'a que la cuirasse et la* salade. Quelques-uns portept la demi- 
« pique avec laquelle ils ont l'habitude de clouer à terre les ^ine- 

< mis que les hommes d'armes ont abattus dans la bataille. Tous 
i ceux-ci portent des sayons travaillés à l'aiguille avec broderies 
« d'argent représentant en un travail délicat les armes des capitai- 
<« nés, afin qu'on puisse distinguer dans la bataille le courage et la 
« lâcheté des soldats. Le roi était au milieu de quatre cepts arbalc- 
« triers à cheval, parmi lesquels on comptait cent fidèles Ecossais. 



(1} Ptol JoTe appelle kà cbevan-légen, les archen qui comptaient dans la lance fournie, 
mais en éuienidélâehés pour être réunis en troupe. La lance fournie comptait alors huit cfae- 
▼aux. Onfomiaiief du roi. Vinf- M^ ^ lai BiMiothèque royale n* 9174 et «33, fol. 40, 
▼erso. 

12. 



93 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« Mais en avant -de ceux-ci, deux cents hommes d'armes français, 
« élus pour leur noblesse et leur valeur, portaient sur Tépaule des 
« masses d'armes grandes comme des haches; ils entouraient le roi 
« dans un ordre parfait; soit qu'il allât à pied^soit qu'il chevauchât, ils 
« le précédaient montés sur de grands chevaux et revêtus de riches 
« habillements d'or et de soie W. » 

Guicciardini donne égalemont des renseignements que nous ne 
croyons pas devoir omettre : < Les hommes d'armes français, dit 
« cet historien (^), étaient presque tous sujets du roi et gentilshom- 
« mes; ils ne servaient pas, comme les condottieri, pour le gain, 
< selon le bon plaisir des capitaines, et n étaient pas payés par eux, 
« mais par des employés royaux. Toutes les compagnies étaient au 
« complet et formées de gens choisis ayant de bons chevaux et de 
« belles armes, car la pauvreté ne les empêchait pas de s'en pour- 
« voir, et chacun s'efforçait de mieux servir,non-seulementpar Tins- 
« tinct naturel d'honneur que nourrissent ceux qui sont bien nés, 
« mais parce qu'ils pouvaient espérer par leurs actions d'éclat ob- 
« tenir des récompenses hors de la milice, comme dans la milice 
« elle-même, où ils pouvaient s élever de grade en grade jusqu'au 
« rang de capitaine. Parmi les capitaines, qui étaient presque tous 
« barons ou seigneurs, ou au moins de sang très noble, régnait la 
« même émulation. Dans la milice italienne, au contraire, il y avait 
« beaucoup d'hommes d'armes bourgeois, plébéiens ou sujets de 
« princes étrangers qui, dépendant en tout de leurs capitaines avec 
« lesquels ils convenaient de la solde, n'obéissaient qu'à eux et n'é- 
« talent ni par nature ni par organisation stimulés à bien servir. 
« Les capitaines ne s'entendaient pas entre eux, et maîtres entière- 



(!) DelU hiorie del $uo tempo di Mons. Paolo Giotio, tradotle da Domenichi, liv. y, p. 53, 
Venezia, 1608. 
Voye» rorigiiial en latin, liv. n, p. 91. Basile», 1567. 
(2) Deila Istoria d'IkUia, liv. i, p. 58.VeDezia, 17.8. 



LIVRE I^.— CHAPITRE II. 93 

» ment de leurs compagnies, ils ne maintenaient pas sous les dra- 
« peaux le nombre de soldats pour lesquels ils recevaient la solde, 
« et Tambilion et Tavarice les faisaient passer alternativement d*nn 
« service k un autre. » 

« Quant à Tinlanterie, continue le même auteur, les Italiens ne 
« combattaient pas par bataillons solides et régulierSi mais épars 
» par la campagne, cherchant toujours un obstacle naturel pour se 
<c mettre à l'abrii tandis que les Suisses, nation belliqueuse, se pré- 
« sentaient au combat en bataillons ordonnés à tant d*hommes par 
« Gle. Ils ne sortaient jamais de leur rang et s'opposaient à leurs 
i ennemis comme un mur solide et invincible. Et avec la même 
« discipline et la même ordonnance, mais non avec le même cou- 
« rage, combattait l'infanterie française et gasconne (^) 

« Cest que le royaume de France, si puissant à cette époque par 
tt sa cavalerie et par son grand nombre d'artillerie et par l'habileté 
« des Français à la servir, était très faible en infanterie nationale; 
M car les exercices militaires n'étaient restés en usage que dans ta 
« noblesse, et le peuple n'avait plus l'ancien courage de ses pères , 
« parce qu'il s'était adonné exclusivement aux arts et aux gains de 
« la paix. Les rois prédécesseurs de Charles YIII (^, craignant l'im- 
« pétuosité du peuple et l'exemple des rébellions passées, s'étaient 
« appliqués à le désarmer et à l'éloigner des exercices militaires; 
< et c'est parce que les Français n'avaient plus de confiance dans 
« leur propre infanterie qu'ils se conduisaient timidement à la guerre 
« toutes les fois qu'ils n'avaient pas avec eux quelques bandes suis- 
c< ses (^. ^ Et cela était si vrai.à cette époque que Philippe de Commi- 
nés, en parlant de la bataille de Fornoue, s'écrie : « Nous avions à 



(1 1 Liv. I, p. 59. 

(S) Il eût été pins jufte de dire : les prédécesseurs de Cliarles VII. 

(S) GoicciAiMin, Ut. u, p. IIS. 



94 GUERRE DE CAMPAGNE. 

l'avant-garde trois mille Suisses qui estoient Tespërance de Tost (0. » 
Le Traité de la Milice, écrit en UTI par le duc d'Ascoli, Napoli- 
tain^ noQS fournit également des détails curieux sur l'organisation des 
troupes italiennes vers la fin du xv" siècle. 

« Supposons, dit Orso degli Orsini (^) , une armée d'environ vingt 
c( mille hommes; elle sera composée de douze mille chevaux, six mille 
c( hommes de pied , cinq cents pionniers, cinquante grosses charrettes 
« d'artillerie conduites par cent paires de bœufs avec cent hommes 
c< pour les servir, cent autres charrettes qni*portent deux cents cerba- 
cf tanes (petits canons) conduites par quatre cents chevaux. Plus mille 
c< hommes, comme écrivains, secrétaires, officiers suivant la cour (3). 
(f Les douze mille chevaux sont composés de deux mille hommes 
« d'armes et de mille arbalétriers. Mille hommes d'armes sont à six 
c< chevaux et les autres mille à cinq chevaux (^). Des arbalétriers, un 
c< tiers est composé de valets et l'autre tiers de pages. Le valet porte 
c< aussi Farbalëte et la cuirasse , et le page conduit le bagage avec une 
c< arbalète de rechange (^). Parmi les six mille fantassins , il y a mille 
« arbalétriers dont quelques-uns ont sur la voiture de bagage une 
« grosse arbalète ainsi que la cuirasse; cinq cents arquebusiers (sco- 
ce pettieri), dont un certain nombre porte une petite cerbatane qui 
ce tient le milieu entre l'escopette et la cerbatane , et qu'on |dace 
ce sur une fourchette pour tirer. Quand on est loin de l'ennemi on 
ce peut la placer sur la voiture.! Le reste de l'infanterie est armé 
ce de toute sorte d'autres armes de main (^). Les cinquante gros- 
ce ses voitures avec cent canonniers et les cent paires de bœufs 



(1; Lîv. Tin, ch. Ti, p. 233. 

(2) TralUUo délia MiliUa da Ursus de Ursinis, dux Ascoli, Nolaequecoines. Neapoli, die 
ij jaouary, UT7. Codex, MS recens emptos 66 Regîus, '^*-»-.— S. F. 695. 

(3) Folio 3. 

(4) Folio 19 et veno. 
•(5) Folio 11. 

(<) Folio 11 verso. 



LIVRE l**. — CHAPITRE II. 95 

tt sont ainsi distribuées sous la direction du capiiaine de i'artiUe- 

« rie (0 : 

«Deux bombârdeSiTune lançant un boulet de pierre de trois cents 
« livres; l'autre, de deux cents. La première tirée par huit paires de 
« bœufs, et l'autre par cinq paires. Les qnarante-huit autres voitu- 
« res, attelées de deux ou d'une seule paire de bœufs, servent à por- 
« ter, les supports, les rondelles de la bombarde W , la poudre, les 
« pierres , les ferrures, les traits et toute autre chose nécessaire, 
« parmi lesquelles quatre soufflets de forge. 

« Les deux cents petites charrettes portent deux cents cerbatanes 
« dont cent grosses et cent moyennes. Elles ont devant elles cer- 
« taines planches couvertes de cuir en guise de pavois qui couvrent 
« non-seulement les pièces, mais les arbalétriers *et les arquebu- 
« siers. Il faudrait que les cent grosses, comme les cent petites cer- 
i< batauQs, fussent toutes d'un même calibre et d'un même poids (^). 
« Pour chaque charrette, il faut deux hommes et deux chevaux at- 
« télés l'un devant l'autre ; celui de devant ne sert que de rechange > 
« un seul étant suffisant pour conduire la voiture (^).» 

Quoique tous ces détails n'appartiennent qu'à un projet, ils fournis- 
sent le sujet de plusieurs remarques importantes; d'abord, on voit que 
la proportion de la cavalerie est immense, le double de l'infanterie ; 
secondement, Tartillerie est composée de grosses bombardes beau- 
coup trop pesantes ou de petits canons beaucoup trop faibles pour pro- 
duire un effet sensible sur le champ de bataille; cependant, le duc 
d'Ascoli veut que les armes à feu soient toutes d'un même calibre et 
qu'on puisse tirer les plus faibles sur une fourchette. Cette modifica- 
tion ne devait se réaliser que plus tard. 



(1) Folio 1i. 

(*2} Voy. le second voluiuts article Bouches à ffu. 

(3 Folio 17. 

(4) Fq|io 3. 



86 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Artnieriô iiittenûe ei L'artillerie était encore dans Tenfance en Italie. Machiavel 

française avant la un du 

XT« siècle. avooe lui-même que Fart de la guerre y était complètement oublié. 

Le fameux architecte italien , Giorgio Martini, qui vivait à cette 
époque y ne mentionne dans son traité que des pièces énormes et 
informes, les plus grandes ne lançant que de gros boulets de 
pierre. 

DÉ8IGNÀTI0II DBS PIÈCES. FOIDS DU BOULR. 

(1) Bombarde 300 liv. (1(^2 kil.), pierre. 

MorUer '^200 à 300 Uv. (68 à 102 kU.), pierre. 

, Commune ou moyenoe 50 (17 kiL), pierre. 

Corlana (courtaul) 60 à 100 Itv. (20 k Si kil.), pierre. 

Passe- volant 16 liv. (5^4), plomb avec dé de fer. 

Basilique 20 iiv. (6^7), bronze ou fer. 

Gerbatane 2 à 3 Uv. (0,67 à 1 kil.), plomb. 

Espingarde (spingarda) 10 à 15 liv. (3> à 5 kil.), pierre. 

Arquebuse 6 onces ^ 69), plomb. 

Escopeue ioctavi, 0,0141 ou de 30 audemî-kil., 

plomb. 

Le personnel comme le matériel de l'artillerie française , étaient 
bien supérieurs à ce que nous venons de Toir; car déjà la centrali- 
sation avait introduit dans ce grand attirail de machines une heureuse 
simplification. 

Tandis que toutes les puissances étrangères avaient des bouches à 
feu de toutes les dimensions et de tons les calibres , présentant les in- 
convénients de lourdeur et de confusion , et lançant plus de boulets 
de pierre que de fer» on avait adopté en France un petit nombre de 
calibres moyens. Les bombardes n'étaient plus en usage , et les bou- 
lets de pierre étaient exclusivement réservés aux mortiers. Toute l'ar- 
tillerie de terre n'avait que des pièces en bronze lançant des boulets 
de fonte de fer , ou peut-être même de bronze. 

n y avaii le double courtaut, ou canon de 50 , lé canon serpentin 



(t^ Foy«s le remarquable o«ivrage de À, Cailo Piomis, tom. n. Mimovre n, p. 196. Tu - 
rin, IBM. 



LIVRE I*'. — CHAPITRE 11. 97 

ile24(^)y la grosse coulevrine de 16, la coalevrine moyenne de 12, 
les faucons de deux livres et d'une livre. 

Le double canon était atlelé de trente-cinq chevaux, le canon ser* 
pentin de vingt-trois, la grosse coulevrine de dix-sept, la coule- 
vrine moyenne de sept, les gros faucons avaient deux chevaux et les 
petits un seul cheval W. 

Les faucons lançaient des boulets de plomb munis de dés de fer 
appelés bloquereaux &). La poudre renfermée dans des barils, était 
mise dans des sacs de peau de mouton pendant l'action, afin d'é- 
viter le danger du feu (^). 
On tenait, dit Jaligny, « Tartillerie du roy Tune des bonnes que 



(1) » A Robin Buisson.... pour seixe cenu boiiUeu serpentins de fer. » Comptée de Vartii- 
ierie de CharUi VIU, année 14S9. MS, eufpUmeiU françaù, n» 3S58. 

(2) Pour le double canon, j'ai adopté les données du MS d'Abra de Raconis) pour les trois 
calibres suivants, j'ai vu qu'en supposant l'attelage composé comme il l'était du temps de 
Henri 11^ ces données concordent entièrement avec le nombre de chevaux dont il est &it 
mention dans le compte suivant de l'artillerie de Charles VIII, en liS9. « A quarante autres 
« charretier^ ayant la charge et conduite de deux cent vingt-neuf chevaulx qui ont servi h 
n mener de Dignan ^ Avrancbes par terre, à deux vayage$ , quinze canons et trois grandes 
« coulcuvrines, deux couleuvrines moyennes et quatre laulcons. » MS, Supplément français 
Q^ SS58, fol. 78. Quant aux làucons^ le renseignement suivant est suffisamment dair. 

« A Jehan Moyne, charretier^ suivant l'ost et armée dudit seigneur, etc., que seixe de ses 
» chevaulx ont servy à mener du chasieau de Saint- Aubin- du-Cormier avec ladite armée 
m douze laulcons, les quatre grands et les huit petits qui estoient dedans ledit chasteau, avec 
« leur suyte de pouldre et plombz ». Ibidem^ p. 1S7. 

(3) f A Jehan Gaultier, maréchal, demeurant ï Ams, la sonmie de 4 livres 10 solz tour- 
•« nois k lui deue pour avoir batu et arrondy environ huit cent bloqueraulx de fer qui estoient 
H trop gros ^ mectre aux plommées et rebit deux grans crochets à cables. Ibidem^ p. 93. 

«< A Jean Pinet, tonnelier dudit Amiens, la somme de 90 solz 6 deniers tournois ^ lui 
« deue, c'est assavoir 10 solz tournois pour deux cacques ^ mectre bloqueraulx de fer pour 
o meare dedans les plombées », p. 143, verso. iMem^ année 1489. • 

t A Robin Buisson et Jehan Le Moine, diarretiers d'Angier, la somme de 59 livres à eux 
' deue pour avoir mener dudh Angier à Clisson, à seize de leurs chevaulx lesdils quatre faul- 
« cons deux mille pouldre et deux mille plombs. » Ibidem, p. 188. 

(i) « A Anthoine Fadin, gantier, demeurant à Hedin, k somme de 10 livres 5 solz 
« tournois k lui deue, c'est assavoir, 75 solz pour quinse grans sacs de cuir, de deux peaux qu'il 
a a (ayz pour les canons et grosses couleuvrines au leur de 5 solz toomois pièce, et 50 solz 
m pour viogtautressacsde cuir qu'il a fayz pour les moyennes couleuvrines et faukons », p.l51. 
Ibidem, année 1489. 

TOlt I. 13 



98 GUERRE DE CAMPAGNE. 

a jamais aucun de ses prédécesseurs eût eue» et il y avoit entre autres, 
« en 1488, desbastons de nouvelle Êtbrique, en façon de serpentine, 
a qiii &isoient des passées incroyables (^). » Voici donc l'origine du 
canon-serpentin bien constatée. 

Les aSftts avaient fait également de grands progrès , car ils ser- 
vaient à porter les pièces de tous les calibres, soit pour le tir, soit 
pour la route* Auparavant on conduisait les grosses pièces sur des 
chariots, et pour les tirer on les mettait à terre au moyen de la 
chèvre ('). Quoique plus tard, lorsqu'on eut fait une distinction entre 
l'artillerie de siège et l'artillerie de campagne , l'adoption des chariots 
porte-corps ait été une utile amélioration, à cette époque, où les gros 
calibres entraient en ligne comme les petits, c'était un avantage d'a- 
voir, pour les grosses comme pour les petites pièces, un affût qui ser- 
vit également pour le tir comme pour le transport. En effet, Jaligny 
dit qu'en 1488, devant la ville de Châteaubriant, « l'artillerie du roy, 
qui marchoit toute chargée^ commença à tirer 9) », ce qui signiûe, 
selon nous, qu'elle marchait chargée sur ses affûts, caria plupart 
des auteurs de ce siècle emploient le mot charger dans cette accep-* 
tion W. Les chariots porte-corps furent adoptés de bonne heure 
en Allemagne, mais, en France, on ne s'en servit pas avant 
Henri IV. 

Les affûts étaient faits en bois d'orme (^), et la nomenclature de 
leurs parties en fer et en bois, se rapporte complètement à celle des 
affûts de l'artillerie de Henri U et de Henri IV (^J. 



(1) nUtoiredeCharle$ r///,édU. Godcrroy, p. i9. 

(2) Voy. Valturius, de re militari. MS de la Bibliothèque royale n"^ 77S et 5015. 

(3) Jàugitt, édh. Godefroy, p. 4S. 

(4) « Le roy, en partant du Pont-^e-l'Ârche, fait cliarger sod artillerie pour foire assaillir 
SainteCatherine, en 1449. » Mémoires de Jacques du Clbrq, iiv. i, ch. xtoi, p. 12. 

(5) « 72 solz pour six piez d'orme pour faûre six afllusts, 2 pour deux moyennes couleuvri- 
nes, et 4 pour fauleons. » C(mpte$ de VartiUerie de CharUe VIII, fol. 152, verso. 

(S) « A plusieurs ouvriers, tant charrons, charpentiers, que forgeurs, la somme de 25 li- 
rres tournois à eulx deue pour avoir faict et livré durant le long des chemins^ etc., grande 
quantité d*essieux, lymons, harmons, génies, rez, et reforgé, renoué bendes, lyens, chevilles, 



UVRE I*'. -CHAPITRE 11. !» 

Les faucons, considérés plus particuliëranent comme pièces de 
campagne, a?aieût des coffrets sur leurs affftts, afin de pouvoir tirer 
avec plus de prompUtude (^); chaque affût était muni de ses leviers 
et de coins pour donner les degr^ d'élévation. On emportait pour 
graisser les roues de petites chèvres semblables à celles dont on se 
sert encore aujourd'hui dans plusieurs pays pour le même usage (^. 

Nous savons par Machiavel, que les roues étaient écuées, c'est'^à-^ 
dire, que les rais étaient inclinés sur le moyen, condition essentielle 
de solidité, lorsque les voitures ne sont pas destinées à rouler sur des 
surfaces planes. Les moyeux des grosses pièces étaient garnis de 
boites en bronze (^). 

Sous Charles YIU, comme plus tanl sous François I**, il n'y avait 
que le double canon qui eAt un avant^train dont les roues étaient 
extrêmement basses , car elles n'aTaient pour bitt que de soulager le 
limonier W. Les autres pièces n'en avaient point ; il en fut ainsi jus- 
qu'à Louis XIY. Cette disposition, assez avasiagane pour les petites 
pièces, l'était moins pour les grosses. En plaine comme en montant 
les cèles , le limonier avait peu k porter ; dans les descentes , au con- 



frtlic8,bap|ieft, viroHes, gMfrilkft eiàyttes naras effsis, cfte. » Fol. M, ei Mio 19a, 
heurtoirs et autres ferrures. IHdem. 

(1) « Audit Litsire Le Maistre, la somme de 48 sois tournois à lui deue pour soo saJlaire 
d*aToir feré seise oollires» inpL sur les affûts de huit fauloons pour mectre et enfermer un nom- 
bre de plombées et de pooldre pour bire tirer lesdiu flMiloons sur les ehamps si besoîng es- 
toit >. P. 151, irerso, CimpUê #1 dépenm po«r VmrUUUrit de CkmrUê VUI. 

(9t) « AManioelRoMBia, chamia,demaoraBti Arras>hisommede55s«l£t«irBoisiim 
ofdoDBti, pour avoir iiiethuîigraoseoings pour les canons et rivé dom leryeis ei doose 
autres coings pour les couleuvrines» une eacbellsle loule neufre et le levier garnis de ferru- 
res et dievilles, et deux trestanli pour angresser ; le tout par marché Ihit. » /M^ui, 161. M, 
▼erso. 

(3) « A Jehan HauUerive, fcodeur, la soipaiw de 40 sote tournois à lui otdoM ie i, pour ses 
peines et salaire d*afOtr fiMidu el naffyet écux ambouedures senraniè eason et «ouleum- 
nes. » IMmUy fol. 82. 

(4) Paul Joti dît que les pus cumm élaleni sur quatre loues ei les petits sur deux. 
PmM Jmrii Biitorimnmêm Umf$riê, Ut. b, p «M, Basilieg, 15i7, Ec Ai^ M RâOOids, qu 
avait servi sons Fran^ !•% dooiie une deseriplion ana l ogue pour ledouble canon de 43. US 
0* -2499. eln* 1801, fol. €6 verso. 

13. 



100 GUERRE DE CAMPAGNE. 

traire, on était oblige de détacher les clavettes de la limonière , afin 
que le bout des flasques traînât sur le sol , ce qui , d'ailleurs y dis- 
pensait d'enrayer (0. 

C'est ici le lieu de placer la description que fait Paul Jove de l'ar- 
tilleriede Charles YIII à son passage par Rome. » Mais ce qui inspirait 
<c surtout l'épouvante, c'étaient plus de trente-six canons sur des cher- 
« rettes, lesquels ; avec une célérité incroyable , étaient tirés par 
« des chevaux en lieux plats ou inégaux. Les plus grands avaient huit 
« pieds de longueur, pesaient six mille livres de bronze, et s'appe- 
« laient canons ; ils lançaient une boule de fer grande comme la tête 
c< d'un homme &)i après (es canons venaient les coulevrines. plus lon- 
« gués de moitié que les canons, mais de plus petit calibre ; ensuite 
c< venaient les faucons de différentes proportions , mais dont le plus 
c( petit lançait un boulet gros comme une orange. Toutes ces pièces 
« étaient encastrées entre deux flasques retenus par des chevilles^, et 
« elles étaient suspendues au milieu de leur axe par des tourillons afin 
« qu'on pût diriger les coups (^). Les petits canons avaient deux roues, 
« les plus gros quatre, et celles de derrière pouvaient s'ôter pour ac- 
« célérer on retarder la marche , et les maîtres et les charretiers les 
« faisaient courir avec une telle vitesse que les chevaux de trait,excités 
« parla voix elles coups^allaient en plaine aussi vite que la cavalerie. » 



(1] « Clavettes et chatoettes avecque leurs chevilles pour soustenir Taffust avec le limon 
qu'il faut déclaveter eu une vallée pour le soulagement du limonier, comme aussy pour cet 
effaict doibt être attaché au bois de la culasse dudict afTust, un haston pendu k une petite 
corde qui sert à soutenir Taffust quand chevaulx s*arrestent pour le soulagement dudit limo- 
nier. » ÂBRA DE Ràcorib. MS précité, fol. 66 verso. 

(2) Et plus loin, liv. u, p. 84, le même auteur dit que ces boulets pesaient cinquante livres 
Trad. de Doxbnichi. Venetia, 1608. 

Ces deux renseignements coïncident entre eux, car le diamètre ou le tiers de la circonfé- 
rence d'une télé moyenne d'homme est de 0^, 186 ; nombre qui exprime également le dia- 
mètre d'un boulet de cinquante. 

(3) Cette phrase n'a pas été bien traduite en italien par DonBiacm, parce qu'il a pris le 
mot fibula pour boucle, Unôls qu'il signifie aussi en latin cheville. \oid le texte original.» Ea 
omnia binis crassis asseribus superinduclis fibulis erant inserta, suisque suspensa ansis ad 
dirigendos ictus medio in axe librabantur. » Lib. n, p. 91. Basilieœ. 



LIVRE !•'.-. CHAPITRE il. 101 

On a quelquefois révoqué eu doute rexacUtude de ce passage de 
Paul Jove ; les détails que nous avons donnés confirment complè- 
tement le dire de rhistorien italien; et» d'ailleurs, qu'y a-t-il 
d'extraordinaire à ce qu'en 1494 l'artillerie française ait reçu les 
perfectionnements que possédait déjà rartillerie de Bourgogne en 
1476? 

Les dessins de la pi. V, fig. 4 et 5 , représentent deux canons ti- 
rés d'un MS de la bibliothèque du couvent de Wettingen en 
Suisse, intitulé : Silber Eisetij chron. Helvety tom. nu A la fig. 4, 
on lit : calibre cinq pouces j Strasbourg, 1499.< A la fig. 5 : cali- 
bre un pouce, neuf lignes , Frastenz, 1499. Ces affûts sont encore 
construits sur un vieux modèle. La fig. 6 est tirée d'un MS du 
Siège de Gênes , sous Louis XII^ et la fig. 7, des Chroniques de 
Monstrelet, écrites par Ànthoine Bardin au palais de Gènes en 
1510. Carré, dans sa Panoplie^ donne le dessin d'un canon qu'il 
prétend dater de 1500; mais comme cet auteur ne cite pas la source 
où il a pris ce dessin , nous n'avons pas voulu le copier ; d'autant 
plus qu'à cause des anses et du bouton de culasse dont est ornée cette 
pièce j nous la croyons beaucoup plus récente. 

Quant au personnel, l'artillerie de Charles YIII avait à sa tète un 
grand-mattre, un lieutenant du grand-mattre et un contrôleur géné- 
ral. Ce dernier était chargé de vérifier et de contrôler tous les paie- 
ments et toutes les dépenses (^}. 

Tout en centralisant l'administration supérieure, il fallait la sim- 
plifier en créant des subdivisions, c'est-à-dire en réunissant sous la 
direction d'un seul chef un nombre limité de voitures, d'hommes et de 
chevaux.C'est ce qu'on obtinten divisant alors l'artillerie en bandes (^ . 



(1) RoBtRT Gaguih, p. 194. Parts, 15iS. Vo^t également le second Tolume à rarticle 
Per«ofifie{. 

<S) « A maistre Florimond Portier, nouire et secrétaire du roy et commiSy la somme de 
t^SOO livres tournois par lettres patentes du 3* jour de septembre l'an 1190.... pour ses pei- 
nes et sallaîres... durant cette présente année, en laquelle ledit seigneur fit passer et marcher 



102 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Chaque bande commandée par un commissaire Wj comprenait ordi- 
nairement de quatre cents à mille chevaux i^). Lés emplois inrérieurs 
étaient divisés en un grand nombre de spécialités, parmi lesquelles 
on distinguait les canonniers ordinaires et extraordinaires, et leurs 
aides, les bombardiers, les boute-feux, les chargeurs et déchargeurs, 
et enfin les ouvriers des différents métiers (^). Les canonniers ordi* 
naires, entretenus toute l'année dans certaines villes conmie hommes 
spéciaux, étaient souvent chargés de fondre les pièces et de monter 
les affûts W; les canonniers extraordinaires étaient ceux qu'on ad- 
joignait aux premiers quand on avait besoin d'un plus grand nom- 
bre d'hommes. Les canosmiers ordinaires avaient quatre livres par 
mois de gages v^), et on peut juger de l'estime que l'on faisait d'eux, 



soB armée es pays de Brabant et de Blasl eu Flandre, et y eniroya deux bande$ de $on artille- 
rie ^ etc. » Comptes de l'artillerie de Charles VIII^ p. 246. 

« A Bertrand de Marndl, 200 livres pour ses peines et saUaires d'avoir esté au pays de Bre- 
taigne, parce que ledit seigneur envoya une autre armée et bande d'artillerie en Bretaigne , 
alors de la descente des Anglois en icelle, lui convient aller de lieu en autre pour être pré- 
sent à tous lesdits payements qui se faisoient foi» iépaarimemi fNwr icelUs deus bandes , en 
grant péril et dangier de sa personne. » ibid, p. 2IS. 

(1) « A Hypolyte Constant, commissaire à ladite artillerie, la somme de 00 livres, laquelle 
le roy N. S. lui a tauié et ordonné pour ses peines, travaux, mises et dépenses qu'il a eues 
pour la conduicte de certaines pièces d'artillerie que ledit seigneur a envoyé en cette présente 
année au pays de Brabant, avec leur fourniture pour le renfort de certaine armée que ioelui 
seigneur fit marcher audit pays, dont avett la charge monseigneur Philippe de Ravestain.... 
auquel Constant ledit seigneur donna faculté et puissance d'avoir le principal regard sur tous 
les payemeiUs et distribueion qui seront faix pour le eharroy exploit et conduicte de ladite 
artillerie^ tant que pour les pionniers, maçons, pierriers, ehevaulx et autres gens et choses 
servant et nécessaires à icelle, et pour le récompenser, le roy lui a lauxé et ordonné la somme 
de 60 livres, outre et par-dessus les gaiges, 3 octobre H90. » /6ul, p. 251. 

(2) « Trois cent soixante-douze charretic'rs ayant la charge et conduicte de neuf cent qua- 
tre-vingt-onze chevaux que le roy nostre seigneur a faict prendre et lever, tant k l'élection 
de Paris que ailleurs, pour mener et conduire en pays de Flandre, dix gros canons, quatre ' 
grosses couleuvrines,'onze moyennes couleuvrines, et dix faulcons avec soixante milliers de 
poudre et un grani nombre de boullets de fer, pierre de gretz et plusieurs choses nécessaires 
servant au fiiict de l'artillerie, le 16* jour du mois de juin ItôO. » Ibid, p. 68, verso. 
(8) Voif. les comptes ci-dessus, leVergier d'honneur^ et ANOftt db la Vieni.. 

(4) «A Jehan Moreau et Guillaume Legier, fondeurs et canonniers ordinaires en ladite aMil- 
titterie, la somme de 125 livres pour avoir refondu à Paris une grosse couleuvrine, deux 
faulcons, et ioeux tMikons avoir monté d'albsl. » Ibid, p. 186, verso. 

(5) Comptes de lartiUerie de Charles VIII, p. 208. 



\i;nu.v.uïï.o\.v\\\V.M.\K m: i,\ |-|\ di w u di commfatkmkxt di xvr sifxi.K 



l'i, \ 




is^ 



LITRE l«.— CHAPITRE IL f03 

par le prix que coulait leur habillement. En 1489, Charles VIII donna 
à cent ^ngt-sept de ses canonniers ordinaires des hocquetons brodés» 
dépense qui s'éleva à 2y2S4 livres tournois W. 

Quand on voulait faire marcher rartillerie avec promptitude, on 
envoyait dans les chefs-lieux par où elle devait passer, un courrier 
porteur de lettres closes du grand-mattre, qui ordonnait de tenir 
prêts les chevaux nécessaires pour conduire, d'une ville à une autre, 
les pièces et leurs munitions (^). 

D'après ce qui précède, on pourra se convaincre que l'artillerie 
deCharlesVIII méritait la haute réputation qu'elle acquit dans toute 
l'Europe, et que c'est à cette époque qu'il faut fixer la fondation dé- 
finitive de notre artillerie. On trouvera dans le second volume plus 
de détails techniques et en même temps plus de preuves historiques 
à l'appui de ce que nous avançons. Mais disons dès à présent qu'il ne 
faut adopter qu'avec défiance la description de l'artillerie de Char- 
les VJII, qui se trouve à la fin du Voyage littéraire de deux religieux 
bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, publié à Paris en 1724-, 
et qu'a cité M. Carlo Promis, dans son ouvrage sur les œuvres de 
l'architecte Francesco di Giorgio ; car le nombre des troupes, le nom 
et le nombre despièces, la longueur extraordinaire de quelquesrunes 



cl) « A Jeluin QuairepM, brodeur ordinaire du roy N. S., la somme de i954 litres 5 solz 
tournois, auquel lodict seigoeur par ses leures palentes signées de sa main, données à Am- 
boise le 11* jour d*aoust audici lems 14S9, expédiée par Nos Seigneurs les généraulx de nos fi- 
nances, le SSH jour d*aou8i, en suifant audiet temps el ordonné ladite somme pour son paye- 
ment de la façon, fourniture et estolTe de 197 becquetons d'orfèvrerie, de cliacun un marc et 
demye once d'argent, qu'il a pris naguères ùàt, et desquels ledict seigneur a lût don à 127 
ses canonniers ordinaires,à ce qu'Us le puissent plus bonesteroent senrir, au faict de son artil- 
lerie* » ibidem, p. 353. 

(3) « A Nicolas Ambrular, la somme de 100 livres à lui ordonnes pour son sallaire d'avoir 
esté parlant dudit Paris au mois d'aTril es riHe de Corapiégne, Roye, Mondidier, Amiens, 
Péronne, Laon, Soissons et Noyon, devers les élus desdils lieui, porter lettres, clauses et 
commissions dudH seigneur, pour prendre et eslir en leurdite élection, le nombre de cbe- 
▼aulx rouliers, déclares en icelles et iceux foire tenir tout prêts pour partir quand leur se- 
roit mandé, pour mener ladide artillerie et matières audiet voyage de Flandre, en quoi faisant 
il a vacqué dis jours et plus au feur de 10 sols tournois par jour.» P. 138. Ibidem. 



104 GUERRE DE CAMPAGNE. 

les soixante chevaux ou paires de bœufs dont elles sont attelées, sont 
complètement en contradiction avec ce que disent Paul Jove et tous 
les autres écrivains de l'époque, soit italiens soit français. Mais cette 
description est curieuse parce qu'elle estécrite, en Italie, au moment 
où l'armée française se mettait en marche, et qu'elle signale fexis- 
tence de ces bruits exagérés qui précèdent toujours l'arrivée des ar- 
mées d*invasion.£n effet, l'écrivain bolonais avoue que tousies détails 
qu'il donne lui ont été rapportés par quelqu'un qui venait de 
France, avait passé par Lyon, et affirmait avoir vu tout ce qu'il 
écrit (*). 
1(8 babiiirs L'artillerie de Charles VIII produisit un grand effet dès 1488, à 

la bataille de Saint- Aubin-du-Cormier contre le duc de Bretagne. Il 
parait que les canons, parmi lesquels on comptait douze faucons (^), 
avaient été placés de manière à prendre d'écharpe les troupes auxi- 
liaires anglaises et allemandes qui se trouvaient dans l'armée du 
duc de Bretagne, et qu'ils firent un horrible carnage (^}. Mais 
ce fut surtout dans l'expédition de Naples que l'artillerie française 
acquit une grande réputation. Avant de parler de Teffet qu'elle pro- 
duisit, nous devons nous arrêter un moment pour vérifier le nom- 
bre exact de canons que.l' armée de terre amena avec elle. Voyons 
d abord à quel nombre montait cette armée. 

£n 1494, Charles VIII rassemble à Lyon une puisante armée com- 
posée de seize cents hommes d'armes (*); de dix mille Suisses et lans- 
quenetSy dont six mille piques, deux mille coulevriniers et deux 
mille hallebardiers (^); de six mille hommes d'infanterie française, 



( 1 ) a Qui mihi scribenti praefata dicUvit, rectè venit ex Franci& per LugduDum, et illic om- 
nia se vidisse aflirmabat », p. 381 . 

(2) Voy. le$ Comptée de Varlillerie de Charles VUly à la note 2 de la page 97. 

C3) « Ântequam coDgressse acies, à tergo fulmiuales illae machinae ÎDgeDiem ultro cilroque 
hominum dadem dabant fortîssimis ac ignavissimis juxta iniquae. » HUtoire de Lo^$ duc 
d'Orléans. Edit, Godefroy, p. 273. 

(4) La lance fournie comprenait huit chevaux, cela faisait douze inille huit cents chevaux, 

(5) « Sex millia lanceis longis ut Swidensium mos es|, quorum est capitaneus Studer 



LnfRE f.- CHAPITRE IL 105 

archers et arbalétriers, dont la moitié étaient Gascons. Avec les 
archers écossais et les archers de la garde, les cent gentilshom- 
mes à la manche large^ les cinq cents hommes d'armes de Ludovic 
Sforce : cette armée se montait à environ trente mille hoomies W; 
sans compter la division réunie à Gènes, et qui devait s'embar- 
quer sur la flotte. Quant à Tartillerie qu'elle traînait avec elle, le 
nombre en a été tellement eiagéré par tous les auteurs modernes 
qui ont écrit sur l'expédition de Naples, que nous devons nous y ar- 
rêter un moment, afin de réfuter une erreur qui dure depuis long- 
temps. 

On lit dans Y Histoire de Charles VIII, édition Godefroy, p. 177, 
que Charles YIII amena avec lui deux cent quarante pièces de ca^ 
non et deux mille quarante pièces de campagne I M. Philippe de 
Ségur, M. de Rocquancourt, dans son cours d'Histoire sur fart 
de la Guerrey M. le capitaine Favé, dans son intéressant ou- 
vrage sur la Tactique des Trois Armes, M. le capitaine Bach, dans 
le n^ VI du Mémorial de fArtillerie, 1845, le capitaine Brunet, dans 
son Histoire de f Artillerie, le général Bardin, dans son Diction- 
naire de F Armée de terrCj font tous mention d'un nombre aussi 
considérable de pièces légères, sauf à faire varier le nombre de 
six mille à douze centsi Nous allons indiquer d'où provient cette er- 
reur. 

Robert Gaguin, auteur contemporain, puisqu'il fut employé au 
traité de paix entre Charles VIII et Henri VU, en 14fô (?), s'ex- 
prime ainsi : 



i nomini Scfaotaer, reUqua fero doo miltia 
bombtfiiis manutliiNit ac capitaoeo de W3fieD ex dvcatn GeIreDaî ». Detcriplio apparatus bei 
lici régis Francûe. Vci^iûgê HuértUrê de deux religieiix béoedîctios de la congrésaticD de 
Saial-llaiir» p. 379. Paris, 179^. 

(!) Ce nombre rapporté par Goiedardini» IW. i, p. 80, parati le plus exact. J^'an Boachet 
et GafoiQ parlent de tiola nriHe six oenu iMmmies d'armes, mais il y a sans donte exagéra- 
tion. 

(9) HUMm i» CkmUê fin, édit. Gode*oy, p. 630. 

TOME i. 14 



106 GUERRE DE CAMPAGNE. 

a Ea CM voyage et coavoys cent quaroMie grosses pierres 
» pcMor artiUetie, el bastofis à feu mille, et deux cents grosses bamr^ 
<» bmrdeSf vaslacdeurs sk. mille deux cente^ et à la coaduicte de ce 
n estoJentidkBx.ceAls maistre» experts pour aeoustrer artillerie, et 
ce SIX ceats maistres charpentiers» maîstees et gens mouk bien sça- 
<» vans pour abattre: murailles. Trois cents maistres pour pierres, de 
ce fontes grosses, moyennes et petites, onze cents maistresichRrbon- 
^ niera poor £ûre: charbon, deux eents maistres pour faire cordes^ 
« ckibles, six vingt, et quaitre mille charretiers pour conduire hait 
ce mille chevaux, lesquels menoient Tartillerie (^). 

D'unauèceGôité,on lit dans le Panégyri^aede Loys^de 1& TrémoiHe, 

par Jean Boncbet^ la description suivante : « Vartitterie estait de 

^ mille fuaratde grosses>pièceSj cent quarante bombardes j douze cents 

«( Tastardeurs(^- » Enfin, Y Histoire de laConquesle de V^p/es, publiée 

par M. Gonoa(^), fait mention de : « Pierres grosses cent quaranlCy 

« bombardes, douae cents, vastardeurs» six mille deux cents. » Sans 

nousioccuper maintenant de la signification du mot Vtosiatdeur, dont 

nous parlerons plus tard, nous voyons clairement que dans chacune 

des citations^ précédentes, il y a une erreur de copiste- Ainsi, dans 

l'écrit de Robert Gaguin^ on a mis pierres au lieu de pièces, et dans 

celui de Jean Bouchet, on a mis le chiffre de mille quarante au lieu 

de cent quarante. L'artillerie était donc composée de cent quarante 

grosses pièces, de deux cents bombardes (terme générique pour 

les gjros calibres), et de mille hacquebuttes ou espèces d'armes à 

feu portatives qui pesaient alors environ cinquante livres W. De 

plus, comme Robert Gaguin nous apprend (^) qu'une partie de 



(î) Ea mer der chroniques, p. 193^ édft. 1529. 
(9) CXaip. lYii, p. 755. PanîHém Hnérmre. 
(3} LyoD, 1842, p. 6. 

(4) <t A Pierre AHain, la somme de 25 livres tournois à lui donnés , poar cinq centliitres 
de- roétaille qu'il a MMé et livré pour fiiire dix grosses haequelnies>. pout serai i la ddbaise 
de la Yille de Dignan. » Comptes de rartillerie de Charles VHI, fol. 115. 

(5) <c Icelle artillerie fut mise et chargée ealnteanbc par tene audit lieu de Lyonv C'est 



LIVRE l-*. — CHAnTRfi H. iffi 

cette artillerie arait été dirigée sur le Rh6ne pour être «mbtrqnée 
sur la flotte^ et qve Taotre sofrait l'aniiée par terre on 'voit q«e 
le nombre de canons que Charles VIII avait avec hiî ne se mon- 
tait qu'à cent quarante an pins, ce iqui est déjà un nombre aaaeE 
considérable pour une armée de trente nMe hommes^ car ceb fait 
près de cinq pièces par miHe bommes. Ce cUire est d'aaianà fins 
exact que Panl Jove, en faisant la description de rentrée de Char- 
les ¥111 à Rome, ne parle que de trente -six charrettes, et nous 
croyons quMl ne vent parier qne des grosses pièces, puisque 
le duc d'Ascoli se sert, comme nous Tavons vu « de la même ex- 
pression de charrettes pour désigner les gros ^alibnes. Philippe de 
Commines dit qu'au retour du voyage de Naples, au passage des 
Apennins, il n'y avait que quatorze grosses pièces (0 pour Tarmée 
qui ne comptait pins que neuf mille hommes, et ce petit nombre de 
gros calibres n'excite nullement son étonnemenU Or, en établissant 
la proportion, on voit que sî neuf mille hommes avaient quaiocze piè- 
ces, trente miUe hommes devaient en avoir ^uamnte-sept,4Aiffire qui 
seraf^roobe de celui de Panl Jove. £t si« d'après la proporlion em- 
ployée ews Xouis XU, les gros calibres formaient dans le parc le 
tiers des petites pièces <?), nous aurons pour l'armée de neuf mille 
honunes, quanntedeux pièces, ^ pour Tannée de trente mille 
hommes, cent quarante et nne pièces. 

Quant an mot nnsfordeur, nous croyons avec M. Carlo Promis 
qu'il vient de l'italien gmaetatare (^, mais nous sommes bien loin de 
cixHre «irec hn qu'on désignât âons ce nom une bouche à leu- Nous 



isnvoir ptrUe pour aller sur mer, et l'aulre menée par Tojages pour estre toulement rea- 
does Ueux et ptoces où le roy et son conseil aToîenl ordonnei. » Robiit Gagcin , p. ISt, 
édiL 15». 
(1) Pmum M Coaaons, IW. vm, cb. v, p. 327. 

(S) < En 1^1» le S. d'OiNgij, allant 4e nouveau fiûre la confuéle de Jiaplei» a!iaU neuf 
MMsesd'amea, s^ mille hommea de pied, vingt^uatM iauoons et donse gros ca* 
. » Ckrùmqnê âê Lom$ XU, par Jcah n'AuTOV, itv. i, cb. luw, p. 159, Paris, 1620. 
(3) Ouvrage de FtAiicaaco ni Gionoio, ton. ii, p. 197. 



108 GUERRE DE CAMPAGNE. 

partageons encore bien moins l'opinion du général Bardin, qui pré- 
tend que Tastardeur veut dire pièce bâtarde , car cette dénomina- 
tion ne. fut usitée que plus tard. Vastardeur voulait dire pionnier; 
guastatore avait cette signification en italien et encore aujourd'hui 
il veut dire sapeur. On lit en effet dans Ducange : Italiee vastatores 
nuncupantur militum genus fossores munitores castrenses^ gallice 
pianiers; et cette définition est confirmée par différentes chroniques. 
François de Rabutin, en parlant des pionniers employés par Charles- 
Quint au siège de Metz en 1552, les nomme vastadours (^) ; de même, 
on trouve dans les Commentaires de Montluc que, les soldats ayant 
travaillé en 1545 à des fortifications, leurs camarades les appelaient 
par dérision pionniers gastadours (^). Enfin, dans les Chroniques de 
Nicole Gilles , on retrouve le même paragraphe relatif à l'artillerie 
de Charles YIII copié de R. Gaguin, si ce n'est que, le mot vastodeur 
est écrit gastadour (?). 

L'erreur de ceux qui ont écrit sur cette expédition vient donc de 
ce que jusqu'à présent ils ont pris pour l'énumération des bouches à 
feu , les pionniers qui étaient destinés aux xv* et xvi« siècles à 
précéder l'artillerie pour réparer les chemins. En effet, Robert Ga- 
guin,qui énumère tous les hommes employés dans le parc d'artillerie 
de Charles YIII, ne fait nulle mention de pionniers, quoique nous sa- 
chions par André de la Vigne. Jaligny et les Comptes de l'artillerie de 
Charles YIII qu'il y en avait un grand nombre dans l'armée française. 
On nous objectera peut-^ètre que le nombre de chevaux dont les chro- 
niques font mention, est en disproportion avec le nombre de pièces 
que nous avons fixé. 11 est vrai qu'en basant nos calculs sur les don- 
nées de Philippe de Clèves (^) qui vécut sous Louis XII, cinq mille 



(1) CoflMRtffilatre de Fiànçou db RABirrm, liv. ly, p. 441. Édit. Mîdiaad et Poujoalat. 
(S) Liv. n, p. 82. 

(3) Chrûniqwê et Âmuiteidê France^ p. 485. Paris, 1573. 

(4) Pliilippe de Clèves compte pour dnqaante-deux pièces, deai mille cloq cents dievaux 
et mille pionniers. TraUéde la ffumv, par PmtiPPi db Clèvbs, Loais XII, MS de la Biblio- 
thèque royale, d« 7453, fol. 104. 



LIVRE K — CHAPITRE II. 109 

cinq cents chevaux et deux mille six cents pionniers eussent snffi 
pour conduire cent quarante bouches à feu et leurs munitions; mais 
comme les bagages étalent très considérables et qu'on tratnait à la 
suite des armées des ponts de bateaux, des tentes, des échelles d'as- 
saut, etc., nous ne croyons pas le chiffre de huit mille chevaux exa- 
géré. Il nous reste encore à prouver que les plus grosses pièces 
d'artillerie ne firent pas partie, dès le commencement de la cam- 
pagne, du parcqui cheminait par terre, mais que, mises sur la flotte, 
elles ne furent débarquées qu'à la Spezzia , évitant ainsi le passage 
des Alpes et des Apennins. En effet, puisqu'en allant à Napies, 
comme au retour, l'armée française traversa les Apennins au 
même endroit, si les gros calibres eussent fait, en allant, partie du 
parc de campagne, les historiens feraient mention des difficultés 
qu'on aurait eues à leur faire travei*ser les Apennins, tandis qu'au 
contraire ils gardent le silence le plus absolu à ce sujet, et ne 
parlent que des difficultés qu'on éprouva au retour de Napies. D'un 
autre côté, nous savons, par Paul Jove, que l'armée avait son ar- 
tillerie de gros calibres en entrant dans Rome ; où la prit-elle? 
probablement à Sarzanne près de la Spezzia ; car un chroniqueur 
nous apprend que Charles YIII resta sept jours à Sarzanne et qu'il 
montra à Ludovic Sforce une partie de son artillerie, que celui-ci 
prisa moult W. Or, le duc de Milan était resté avec l'armée de- 
puis Asti jusqu'à Plaisance; puisqu'on lui montrait seulement à 
Sarzanne une partie de l'artillerie comme une chose nouvelle , il 
fallait nécessairement que cette partie de l'artillerie fût récenmient 
débarquée. 

Ainsi donc Charles Mil partit de France avec environ cent 
pièces de canon de calibres moyens ; à Sarzanne, son parc s'aug- 
menta d'environ quarante grosses pièces; mais ayant laissé une 
grande partie de son artillerie à Napies , il ne repassa les Apennins 

(1) HiêMn âê te Ccm^JU de N^luy pobUée par P. M. Gohon, p. 38. Lyon, 1842. 



110 GUERRE DE CAMPAGNE. 

qa'avec environ quarante-deax bouches à feu , dont quatorze grosses 
pièces qui seules offrirent de grandes difficultés pour le trans- 
port. 

Nous nous sommes étendus sur ces détails, parce qu'il est bon 
de prouTer, qu'en général» ce qui dans l'histoire parait improbable 
n'est point vrai. 

Celte artillerie était bien faite pour exciter Tadmiration des 
étrangers, et tous les auteurs italiens de l'époque ne manquent 
pas d'en faire l'ëloge (^). Quand l'avant-garde des Français passa le 
Mont-€enis 9 dit Paul Jove, elle traînait après elle un appareil d'ar- 
tillerie de bronze excitant l'épouvante, parce qu'il n'y en avait ja- 
mais eu de semblable (^ ; et Philippe de Gommines, si réserve dans 
ses éloges, écrit que les Italiens « n'entendoient pas [le fait de 
« l'artillerie et en France n'avoit jamais esté si bien entendu (^). 

Cependant Teflficacité de l'artillerie se montra surtout contre les for- 
teresses, et elle ne fut pas appelée à jouer un grand rôle sur les 
champs de bataille. On sait qu'il n'y eut, dans cette expédition, quune 
seule rencontre en rase campagne, au retour de Naples , et dans cette 
occasion l'artillerie agit plutôt par la crainte qu'elle inspirait que par 
son effet réel. L'avant-garde ayant déjà traversé les Apennins sous le 
commandement du maréchal de Gié, avec les pièces légères, se 
trouvait dans une position critique , car elle était beaucoup trop 
éloignée du reste de farmée. Elle fut attaquée par la cavalerie irré- 
gulière albanaise qui était à la solde des Vénitiens et qu'on nommait 
estradiots; mais « lesdicts estradiots, dit Philippe deCommines, se 



(1) GuicciARDiNi, Ut. I, p. 57, dit que Charles VIII avait une artillerie pour battre les mu- 
railles et pour faire usage en campagne, comme jamais ritalie «'en avait va de semblable, et 
les aotears suivants Gonfinnent l'opinioa de Gnîcciardini, savoir : Ploin a, dans la Vie du 
pape Urbain VI; VoLTEaRANO^ dans le livre xxx de ses Cammentaireê urbaine; Polidors 
Vm4».is, Uv. u, cIl. XI, BiOKDO da Foau et Putro Spjso. 
{% Iitor\a del suo tempo, traduct. de DomnCHi, liv. i,p 30, 
(3) ttéfMiireê de PwuPPR DB CoMMUOSs, liv. yn, ttb« vi, p..îAo. Fanthém HHéraire, 



LIVRE 1«.^.CBAP1TRE II. il! 

u troaYèrent bi^ épouvantés de l'artUlerie, car im faucon tira un 
« coup qui tua un de leurs chevaux ^ qui incontinent les fit retirer, 
« car ils ne l'avoient point accoustumé C^). » Ceci prouve que les 
petits calibres étaient mis à Tayant-garde , tandis que les grosses 
pièces marchaient avec le corps de bataille dont elles ralentissaient 
les mouvements : et^ dans cette circonstance y elles faillirent corn* 
promettre le salut de Tarmée par la difficulté qu'on éprouva à leur 
faire traverser TApennin. Pour faire avancer les quatorze grosses 
pièces, on ne conserva que le limonier (^} et les Suisses s'attelè- 
rent deux à deux an nombre de cent à deux cents hommes qui se 
relevaient souvent (^). Quant aux boulets , ils étaient portés dans les 
chapeaux ou dans les mains W. La descente offrit autant de dif- 
ficalleque la montée : on fut obligé d'atteler les chevaux derrière 
les affAts pour les retenir. On fit sauter des rochers , on combb 
des fossés, etc. Enfin, on proposa au roi, dit Philippe de Commines, 
de briser les grosses pièces d'artillerie, mais il ne voulut jamais y 
consentir. 

Arrivé s«r le versant septentrional de l'Apennin, Charles VIII 
occupa Fornone, H rencontra toute l'armée vénitienne campée sur 
la rive droHe du Taro pour lui disputer le passage* L'armée fran- 
çaise ne comptait que neuf mille hommes (^) ; elle fut divisée en 
trois corps placés chacun à la distance d'un jet de boule Fun de 
Vautre (^ (à un quart de mille, dit Paul Jove; trois mille Suis- 
ses étaient à l'avant- garde, ayant devant eux les grosses pièces 



(!) Pnum M GoHnnn^ IW. tiu, cà. ¥, p. S3S. 

(i) Houm, tam. t> ch. ccLXun, p. 40. 

(S) PaiLvn M CaHDHtt, Kv. tm, «h. y» p. Si7. 

(») cM.dekTréoiOQîlleliB-iiiéiiiefliettdllaMn àportcr l6igntM»tooleft4e(Mte, 
de ploBk elde fer^qni éloil qd tffèt.8rMd foii à porlir, parce fBllcoBf«Mit tenir ealrelet 
miint et dans des chepetm. > kmmÈ n la Vigni, p. 156, édit. Godefroy. 

(5) « Le comte de PetiUen, qui les svoit mieux comptés qoe noy, disoit qu'en tout y en 
avoit neuf mille (dans l'armée française). » Mémoire$ de Philippe db ConHUiM, Dv. viii, 
ck n, p. 9». 

(6) Pi. db GoaanBt^ liv. Tn, cb. t» p. %a». 



Bataille «le Foriiuiie. 



112 GUERRE DE CAMPAGNE. 

d'artillerie. Leur bataillon carré était flanqué par les arbalétriers 
gascons et les archers de la garde qui avaient mis pied; à terre 
trois cents hommes d'armes étaient sur le côté. Tous les bagages, 
portés par six mille sommiers , défilaient sur la gauche de l'ar- 
mée («. 

Les Vénitiens avaient divisé leur armée forte de vingt à trente 
mille hommes (^) en huit corps, dont deux en réserve pour entourer 
les Français (^; le premier rang de l'infanterie italienne était com- 
posé de piquiers, le second d'hommes armés de pertuisanes^ et 
le troisième d'arbalétriers; mais les Suisses se mirent à rire, dit 
Paul Jove, en voyant une telle ordonnance, et, en un clin d'œil, 
ils renversèrent l'infanterie ennemie.La cavalerie italienne combat- 
tit mieux W et même le grand nombre des ennemis eût pu compro- 
mettre le succès de la journée , si les estradiots ne se fussent pas oc- 
cupés à piller les bagages des Français, au lieu de combattre. L'artil- 
lerie française, bien placée, puisqu'elle tira presque tout le temps de 
la bataille, même au risque d'atteindre amis comme ennemis (^), 
ne produisit pas de grands effets, parce que les canonniers adoptè- 
rent dès lors la funeste habitude de diriger leur feu contre l'artillerie, 
au lieu de le diriger contre les troupes de cavalerie et d'infanterie. 
Cette habitude^ que tous les généraux distingués ont blâmée, et 



(1) Paul Jotb, Iîy. ii, p. 90, et Ph. db Cominxs, liv. Tm, ch. vi, p. 233. 

(3) L'année italienne comptait, d'après Guicciardini, deui mille cinq cents hommes d'ar- 
mes fiaiisant dix mille chevaux, huit iniUe piétons, deux mille chevau-légers. lêlaria d'/la- 
lia, liv. n, p. 124. 

La lance fournie en Italie comprenait quatre chevaux, comme on peut s'en convaincre par 
la citation suivante. « Lo illustre don Âlphonso, prunogenito del duca Hercole, hauea havulo 
danari per fare cent cînquanta homini d'arme a quairo eavalli per huamo eoPM $i eothma a 
la îaUana (année 1495). » Dtantcm /Srrrarwiue, p. 303. limuTOEi, tom.xxiv.— D'après Ph. 
de Commines, l'armée italienne était de près de quarante mille hommes, liv. vm, cbap. v, 
p. 299. 

(3) Paul Jovb, liv. n, p. 91. 

(4) IMdm^ p. 94. 

(5) Paul Jovb dit que l'artillerie tira sans cesse, mais avec un effet douteux, parce que les 
deux armées se trouvaient mêlées, trad. lêUnriadel «no.lemjw, liv. u, p. 95. 



LIVRE I« - CHAPITRE H. 113 

que Tempereur Napoléon disait tenir à nn sentiment naturel, mais 
mal compris, de propre conservation, s'est maintenue jusqu'à nos 
jours.Dn auteur contemporain prétend queTeffetde l'artillerie fol di- 
minué par la pluie qui survint (^). Philippe de Commines dit que l'ar- 
tillerie des deux armées ne tua pas dix hommes (^).Guichardin avance 
le même fait (?). Cependant elle tira avec une extrême précision : 
car, du second coup, un canon français démonta l'artillerie en- 
nemie ei tua les canonniers W. 

Après Fiorenzole, la pluie ayant détrempé les chemins, il fallut 
pour tirer une seule pièce , quarante à cinquante chevaux et autant 
de pionniers W; aussi Ph. de Commines dit-il à cette occasion :«<Nous 
^ n'aUlions pas plus fort que les grosses pièces d'artillerie où sou- 
« vent y avoit à hesongner à leurs afTaires et grande faute de che- 
« vaux ; mais à toute heure qu'il en estoit besoin , s'en recouvroit 
« en l'ost par les gens-de-bien qui volontiers les bailloient. Et ne 
« se perdit une seule pierre (alors synonyme de boulet ) ni une livre 
« de poudre. Et croy que jamais homme ne vit passer artillerie de 
« telle grosseur ni de telle diligence par le lieu où passa cette-cy (^). ^ 
Paul Jove dit au contraire que les Français enfouirent en terre deux 
gros canons qu'ils ne purent emmener parce que les roues se brisè- 
rent 00. Si ce fait n'est point vrai, au moins est-il très probable ; 
car, encore aujourd'hui, il serait très difficile de mener par le 
même chemin quatorze pièces de cinquante sur leurs affûts. 

Les armes à feu à chevalet furent extrêmement utiles pour pro- 
téger la retraite de l'armée française qui était sans cesse attaquée 



(f) MaamoSaiiiito, p. ii. MuiATOU, Uhd. iinr. 

(2) ir^oif«f»KT.Tni,p.SB6. 

(3) Lhr. n» p. 135. 

(4} le Vetfieré^kommwrt AmU M la Vi«iri, et Hiêtoire de ia Cimquêête Hê /lof l««,pu- 
bliée ptr P. M. GoRoa, cb. uzit, p. 119. 

(5) André âê la FépiM, p. 1«8. 

(6) LW. Tin« cil. Tn, p. 310. 

(7) Biêtoin éê iom fmpf , liv. t, p. 100. 

Toai i. t5 



114 GUERRE DE CAMPAGNE. 

par les esfradiots, vériud[)le9 Cosaques do xv« siècle. Aussi les 
Suisses faisaientrilsun frëqueut usage de leurs coulevrines , et m^ 
me, pour éloigner dayantage les assaiHaDts, ils se seiTaient de 
hacquebuttes qui étaient transportées sur des chevaux (*). L'armée 
parvint en France sans autres accidents. 

Montpensier, resté comme vice-roi à Naples, etd'Aubigny, resté en 
Calabre , eurent bientôt à lutter contre les insurrections et contre 
Ferdinand de Naples qui avait appelé les Espagnols à son aide. Dans 
une rencontre q ui eut lieu dans les Abruzzes , Camille Y iteUi, qui était 
entré. au service de France, employa, pour la première fois, des 
arquebusiers à cheval (^). Les Espagnols qui prirent alors part à la 
lutteavaient une assez bonne infanterie; cependant ils n'avaient point 
encore de piques, mais des pertuisanes courtes; ils portaient des 
rondelles oii boucliers ronds. Leur cavalerie ne pouvait pas non 
plus se comparer à la gendarmerie française, et, à ce propos, 
Paul Jove dit : « On vit à Seminara en 1495 (^), que les cavaliers 
« espagnols ne pouvaient être comparés aux hommes d'armes fran- 
ge çais, car ils ne portaient pas de casques alors , mais des bonnets 
« de lin {sic) et des boucliere de cuir bouilli en forme de cône, et 
« une lance de frêne très longue qui donnait des coups mortels à 
« ceux qui étaient désarmés , mais qui était à mépriser pour des 
« hommes munis d'armes défensives W. » 

L'expédition de Charles VIII donna une nouvelle impukion à 
l'art militaire; toutes les puissances cherchèrent à améliorer leur 
artillerie, à avoir une infanterie organisée à l'instar des Suisses et 



(1) «Notre queue étoit dérendue de trois cents Alemands qui aboient moult laifemeni de 
couleTrines, et leur portoit-on beaucoup de haquebuies à cheval. > Ph. db Gomuubs, llv. toi, 
di. TD, p. S99. 

(S) Paul Jotb, liv. iy, p. 165 

(8) Bataille gagnée par d'Aubigny, qu'il ne fout pas confondre avee celle qu'il perdit dans 
le même lieu en 150S. 
(4) Paul Joti, liv. m, p. 113. 



LIVRE I*'. — CHAPITRE II. 115 

des lanimiieiiets; et^ comme en France on avait été tt^ppé des 
embarras que les escannooches sans tesse renaissantes de la cava- 
lerie irrégnlière albanaise avtaiient occasionnés à l'akinëe dans la re- 
traite, par la suite Louis XII prit des esti*adiots à son seWice W. 

n n'entre pas dans le cadre que nous nous sommes tracé de dé- 
crire siratégiqoement les campagnes pendant lesquelles eurent lieu Réflexions sur lapé- 
les batailles qui nous occupent dans ce livre. Cependant , comme 
toutes les connaissances humaines marchent de concert » il ne sera 
pas inutile de prouver que la création de notre artillerie coïncide 
avec la renaissance de meilleurs pridcipes stratégiques. Nous ré- 
futerons ainsi le dire des auteurs qui représentent la conquête du 
royaume de Naples, comme une de ces expéditions conçues im- 
prudemment et conduites sans calcul et sans réflexion 9). 

Charles VIII , avant de pénétrer en Italie^étudie le terrain qu'il va 
parcourir; il sait pouvoir compter sur le concours de la duchesse 
de Savoie , de Gènes, de Ludovic Sforce, déjà presque duc de Mi- 
lan, et du duc de Ferrare; il s*assure de la neqlralité de Venise, de 
Florence, et de Rome, où il envoie Perron de Basche comme ambas- 
sadeur. 

Il conclut un traité de paix avec TAngleterre, l'Espagne 9) et 
r Allemagne , et Maximilien jure sur l'hostie de ne point Finquiéter 
pendant son expédition W. 

Assuré des bonnes dispositions des princes, Charles sait aussi que 



(1) n Le capilaioe Mercure, avecque deux mille Albanois.» Méwiaire» de FLiiiiAHOi,Gb.Yi» 
p. ttS. (Année de Louis XII, en 1507.) 

(i) Le P. DAmn hii-mème, en partout de cette entrepriaei dît qu'elle fui conduite avee 
bcMieoup d'imprudence, continuée aTcc un merveilleux bonheur qui suppléa à toutes les pré- 
cantiims qu'on a?ail manqué de prendre. HiêUnr$ de France^ UNn« t, p» 9S. 

(3) « Misai intérim le^ati ad Ferdinandum, Aragonium regem, et iiem ad Henrieura, Angio- 
rum regem sepcimum ad ceterosque flnitimos principes, euro quibus vd antiqua fioedera fir- 
marent vel nova percutèrent, ne aliqui, dura ad remoum expeditionem cura nugore parte 
copiarumproSciscilur ejus Anes delènsore aeprssidiis suis spoltalos Ingredi tentarent^» Gnon- 
nu Fumi MiMOuaiiiiaia, Jh BtUo IkiikOf p. 6 verso Luteti», 1613. 

(4) Diarifm FirmriinM, MimATOEi, tom. zsnr, p. SS9, Année 14S3* 

15. 



116 GUERRE DE CAMPAGNE. 

tous les peuples d'Italie l'appellent à grands cris et que partout les 
sympathies populaires salueront son passage et appuieront ses pré- 
tentions. Il était impossible de lui résister, dit un auteur contempo- 
rain , tant les peuples l'appelaient de leurs vœux W. 

Sans compter les troupes rassemblées à Lyon et dont nous avons 
parlé, il réunit à.Gênesun autre corps d'armée fort de dix mille hom- 
mes, (^) sous les ordres du duc d'Orléans; ces troupes deyaient agir 
sur la côte ou s'embarquer sur la flolte, réunion de galères et de 
barques très considérable pour l'époque (3). 

Le roi Alphonse de Naples, pour éloigner la guerre de ses États, 
avait envoyé deux corps d'armée à la rencontre des Français. 
L'un s'était rendu en Romagne; l'autre, monté sur des vaisseaux» 
devait débarquer dans la rivière de Gènes* Ces deux divisions mena- 
çaient, pour ainsi dire, les deux ailes de I armée française marchant 
vers les Apennins. Mais Charles YIII qui avait réuni son armée à Asti^ 
ne voulut pas s'aventurer plus avant dans l'intérieur de l'Italie sans 
avoir couvert ses deux flancs. Il n'avança sur le Pô qu'après que le 
duc d'Orléans eut défait à Rapalio la flotte et les troupes napolitaines 



(1) « Per questo passar dei moDti lutta l'Italia e i sîgnori spaventatî comminciarono a ten- 
tar di ht che il detto ré non venisse più avaoti, dubitando cadauno del loro stato, e massime 
die i popoli tutti dioevano, benedietmê q¥i venit in nomine Domini. Ne v'era alcuno che li 
potesse contrastare, ne résistera Umlo era da tuiU i papoH italiani ehiamaio. > Mâuno 
Sahuto, p. 6. MuRATOU, tom. xxir. CeUe déclaration est d'autant plus remarquable^ qu'elle 
émane d'un Vénitien qui portait une telle haine aux Français, qu'il prétend que ceux-ci 
perdirent la bataille de Fomoue. 

(3) La Mer de$ Chroniq, par Robert Ga6URI,p. 1593. Paris, 128.— Quinze cents hommes 
d'armes et dix mille fantassins, dit G. Floius, p. 7. 

(3) «Tanta enim et tam valida classis fuit qujmtam majorum nostrorum nuUa setas vidit nnquam. 
Conuuci» erant onerari» naves duodecim, et pergrandes quidemconstitntisin eis equitiisac 
praesepibus, qui equos mdxcti acdperent; minores naves, qus barchae vulgo appellantor 
xxm, in quibus equi dlxx imponi commode poterant. Galeonl (ita vulgus appeibt) xm qui- 
bus vehi poterant equi ncxx. Minora navigia dlxxx equorum capacia. Triremis oneraria 
eqoos centum captura; agiles trirèmes xxx, inter quas regia nna major aliquantum, miro pro- 
fecio ingenio aedificata, et regio omatu componta. I^Mam dassem, quam item conscensata 
erant ad deoem peditum millia, pneter eos équités, quas recensuîmns, ciXYi navibos con- 
staase comperimus; ut si juncta fuisset cuique vei magn» classi formîdolosa esse &ciiè potoe- 
rit. » G. Flou. De EsepXaroU VIII, in Neap, regn., lib. i, p. 10. Paris, 1617. 



LIYRE !•'.*- CHAFITRfi II. 117 

qui avaient dëbarqaé, et il ne traversa les Apennins à Pontremoli 
que lorsque d'Aubigny et le comte de Cajasse eurent chassé le duc de 
Calabrede la Romagne W. Enfin^il laissa le duc d'Orléans à Asti (9 
à la tête d'un corps d'armée qui devait surveiller le duc de Milan et 
assurer une retraite facile à l'armée française. Pour s'assurer en- 
core mieux de la neutralité desVénitiens, il envoya Philippe de Com- 
mines à Venise. D'un autre c6té, la flotte devait longer la côte occi- 
dentale de l'Italie, et être à portée d'approvisionner son armée 
d'hommes et de munitions. 

Partout où Charles YIII passe, il prend par force ou se fait céder 
les forteresses qui commandent les passages importants; et il y laisse 
des garnisons françaises (^. Les Florentins lui rendent tontes leurs 
places fortes* En occupant tous les points de la côte, tels que Sar- 
zana» PietrarSanta et Pise, il se trouve en communication avec sa 
flotte; et à Florence, d'Aubigny vient le rejoindre après avoir tra- 
versé les Apennins à Castrocaro W. 

En marchant sur Rome, il s'empare des positions importantes, 
telles que Monteflascone, Yiterbe, Rracciano; il y laisse garnison; 
et l'enthousiasme que lui montrent à son passage les habitants de 
Lucques, de Pise, de Poggibonsi (9, de Sienne, lui prouve qu'il laisse 
derrière lui, non-seulement des forteresses, mais encore des amis. 

Dans la ville sainte même, un parti puissant, à la tète duquel se 
trouve la famille Colonne, lui offre un appui certain. Il envoie de Brac* 



(1) «Et n'estoit poiot nus pearqueste bande (de d'Aubigny) , fusl rompae car nous fus- 
lions retoarnés. » Phuif» db Cquihis, Ut. th. ch. t» p. 197. 

(S) « UdoTicos AorelianensioDi dm magni animi somniasqoe prudente vir, Asias in 
presîdiis non parra manu relietos essel qui majores copias in dies oontraberet, eo oonsilio 
ut,re adNeapolim à Carolo bene gesu, ipse corn expedilis mllitibosMediolanensQffl fines in* 
faderel. G. Flom, p. 13. 

(3) « E per lulli i looghi dove passava yI melteva on govematore francese et si gev^mo 
iafienUêêimaimenU. > Maiiho Sahoto, p. 10. Muiatobi, tom. xur. 

(4) Paul Jovb, /«forte rfel ftio fmpo» trad. di DonBincii, Hv. i, p. 51. 

(5) «Cryant tite le roy de France et cryanl liberté. » La €<mqueitê de Naples, publiée par 
M. GOHOK, p. 47. Lyon, 18IÎ. 



118 GUERRE DE CAMPAGNE. 

ciano plusieurs centaines de Snisses à Ostie, et facilite ainsi Tenlre-* 
prise des Colonne, qni se sont emparés de cette ville (^)* Sa flotte, qui a 
touche à Porto-Ercole, y débarque des soldats qui vont le rejoindre 
à Rome (^. Le Capitole tremble devant un nouveau Brennus; les 
canons français sont braqués devant le fort Saint-Ange, et le pape 
abandonne à Charles YIII ses principales forteresses, entre autres 
Terracine et Civita-Vecchia (3). Tous les points de la côte depuis 
Gènes jusqu'à Gaête, sont au pouvoir des Français. 

Charles YIII, pour marcher sur Naples, prend la route des mon- 
tagnes; il traverse Velletrî, Yal-Montone^ Ceprano, et veut enlever 
la position importante de San-Germano, où le roi de Naples avait 
rassemblé toute son armée. Afin de tourner cette position formida-^ 
ble, il envoie sur sa gauche, à Aquila, une colonne de troupes 
qui protège sa gauche et doit arriver sur les derrières de l'armée 
ennemie* 

Toutes ces dispositions, on ne peut le nier, indiquent un plan bien 
conçu et bien exécuté. Cependant il est certain que , si l'armée 
française n'eût pas compté sur les sympathies populaires, elle n'eût 
pas été asses nombreuse pour soumettre toute l'Italie; mais partout 
le peuple accourait en foule au-devant de nos soldats. En Roma- 
gne» les soldats isolés du duc de Calabre étaient assassinés par les 
paysans. Les habitants criaient les larmes aux yaix : Liberté! li- 
berté I W A Sai^Germano comme à Capoue» la population s'oppose à 
toute résistance, et, suivant l'expression d'un auteur vénitien de l'é- 
poque, les Napolitains se portent avec empressement en dehors de 
leurs villes pour recevoir leur roi français W. Dans tout le royaume 
de Naples jusqu'à Tarente, le peuple, dit Philippe de Commines, 



(1) Philvpb de CoanifBS, liv. yii, ch. x, p. 205. . 

(2) Paul Jotb, Istorie. Liv. i, p. 61. 

(3) PfliL. DE GoHaniBS, p. 211. 

(4) Pmuppi DE Conma», liv. rn, ch. vi, p. 200. 

(5) « E uscirono fuori tutti i primi per ricivere H U>ro re francese. » Maiiro Sanoto, 
p. 13. MuRATORi, tom. ZXIY. 



LIVRE I«.— CHAPITRE n. 119 

venait au-devant de nos gens à trois journées des cités pour se rm^ 
dreW. Ainsi donc» il n'est pas juste de taxer d'imprudence une ex- 
pédition, où l'année d'invasion a sa retraite assurée par une armée 
d'observation; où elle a des alliés et des postes nombreux; où ses 
flancs sont appuyés» d'un côté, à une chaîne de motttagnes,de l'autre^ 
à la mer où ses vaisseaux dominent, et qui enfin voit les populations 
favoriser sa marcbe et applaudir à ses progrès. 

Mattres de Naples, les Français ne songèrent plus qu'à jouir de 
leur conquête. La conduite politique de Charles YIII fut déplo- 
rable; elle ne répondit en rien aux espérances que les peuples d'Ita-* 
lie avaient conçues; et ceux-ci voyant qu ils u'avaienl fait que changer 
de jougi pensèrent qu'un maître du pays valait encore mieux qu'un 
niattre étranger. 

Quoique la défection du duc de Milan et des Vénitiens l'eût forcé 
à retourner en France, Charles YIII ttouva jusqu'aux Apennins la 
route ouverte, grâce aux garnisons qu'il avait laissées en arrière 
et aux sentiments bienveillants des populations. Jusqu'aux Apen- 
nins, le retour de l'armée française ne fut pas une de ces retraites 
malheureuses qui se font au milieu de la malédiction des peuples, 
mais un mouvement réglé, s'exécutant au milieu d'amis contris- 
tés. A Sienne, les habitants implwent avec instance le mahitien 
d'une garnison française. A Pise» les supplicationsvcmt jusqu'au dé- 
sespoir ; et, tant a toujours été grande la sympathie des Français 
pour les opprimés, toute l'armée s'émeut en faveur des Pisans. 
Honunes d'armes, fantassins, viennent prier le roi de ne point 
livrer Pise à la domination de Florence» Tout le monde s'en mê- 
lait, dit Philippe de Commines, même les archers et les Suis- 
ses» et cinquante gentilshommes de la garde vinrent jusque dans 
la chambre du roi, la hache sur l'épaule, lui faire des représentations. 
Cette noble compassion pour les souffi*ances d'autrui, faillit gra- 

(1) PuL. DB Conmiis, Kv. tu, ob. xm, p. ttl. 



120 GUERRE DE CAMPAGNE. 

vement compromettre le salut de l'armée : car le roi, qui ne voulut 
pas abandoDtaer entièrement ceux qui Fimploraient, affaiblit con- 
sidérablement ses forces en laissant des garnisons à Sienne et à Pise; 
il eut ensuite le tort plus grave d'envoyer^ étant à Sarzanne,cinq mille 
hommes à Gènes. La flotte, quoique grandement aflaiblie, suivait 
toujours la côte, elle toucha à la Spezzia ; mais elle fut baltue près 
de Gènes, ville qui avait suivi la défection du duc de Milan. 

C'était au moment où Charles YIII allait repasser les Apennins, 
que l'armée laissée sous le commandement du duc d'Orléans pou- 
vait être d'un grand secours; mais ce prince avait agi avec une irrér- 
solution qu'on rencontre souvent dans les moments difficiles même 
chez les hommes énergiques. Il avait fait trop ou trop peu. Avant 
le retour de l'armée de Naples, il pouvait, ainsi que l'assure Phi- 
lippe de Commines, s'emparer de Milan et de Pavie, détrôner 
Ludovic Sforce qui était détesté, et tenir ainsi en échec Venise qui 
n'eût pas osé bouger. Mais craignant qu'un échec ne compromit 
le retour de Tarmée, il resta tranquillement à Asti. Cependant, il ne 
put résister au désir de s'emparer d'une ville qui s'offrait à lui; il se 
porta donc sur Kovare où, bloqué par des forces supérieures, il ne 
fut plus d'aucune utilité à Charles YIII qui, malgré ce contre-temps, 
' revint en France, en se faisant jour à travers ses ennemis. 

On nous pardonnera cette digression ; elle nous a paru utile 
pour prouver que, si, pendant Texpédition de Naples , de grandes 
fautes furent conmiises, néanmoins on était loin des temps d'igno- 
rance où le roi Jean trouvait sur ses derrières l'ennemi qu'il cher- 
chait devant lui, et où le duc de Bourgogne, voulant assiéger Cà-* 
lais, arrivait devant Saint-Omer. {Voyez la page 31.) 

LOUIS ui. Sous Louis XII, l'oi^anisation de l'armée suivait l'impulsion que 

organisatioD de lin- lui avaient douuéc Charlcs Vil et ses successeurs. L'infanterie 

française continuait à acquérir de la consistance, et des hommes 

tels que Bayard, tenaient à honneur de combattre à sa tète. Elle 

était divisée en compagnies de cinq cents ou de mille hommes, 



LIVRE l**. — CHAPITRE 1!. m 

Lorsque Louis XII proposa au chevalier sans peur et sans repro- 
che de lui confier un commandemeat d'infanterie, celui-ci de* 
manda au roi combien il voulait lui donner d'hommes à conduire. 
« Mille hommes, dit le roi, et il n'y a homme qui en ayt plus. » — 
< Sire, répondit le bon chevalier» c'est beaucoup pour mon sçavoir, 
« vous suppliant que j'en aye cinq cents; et si me semble que pour 
*< ung homme seul, c'est bien grosse charge quand il veult faire son 
« debvoir (t). » 

Quoique nous sachions par Machiavel que l'organisation des 
francs-archers existait encore (^), l'infanterie française était gé- 
néralement composée de Gascons et de Picards. Les premiers, beau- 
coup plus nombreux, étaient munis d'arbalètes. Ils portaient la sa- 
lade» une espèce de corselet de fer appelé halecret, et l'arbalète pen- 
due au cou 9)* Les seconds étaient armés de piques (^). L'armement 
de l'infanterie française différait donc essentiellement de l'arme- 
ment des Suisses et des lansquenets ; car ceux-ci avaient le quart, et 
même seulement le sixième de leurs soldats .armés d'arquebuses (^). 

L'emploi des bataillons carrés était dans toute sa vigueur. Cepen- 
dant, suivant le terrain qu'on devait occuper, la profondeur de l'in- 
fanterie variait de dix-sept à quatre-vingts files (^. Les bataillons 



(1) Hiêloirt de Bayardf par le loyal simYiniii, cb. iiix, p. 40. PmUhéim lUtéraire, 

(2) « 1q ciascuna parocchta di Francia è un bomo pagato di Iniooa pensione délia deila 
parochia e si chîama il firanoo arclere. » RitraiH delU co$e délia Pra$icia, p. 339, édit. por- 
utive. Florence, 1833. 

(3) N Quinxe cents arbalélriers unis acouslrez de ballecrels el salades ayans cbascun ses 
artaièles sur le col. • Entrée deLùuiê II! à Gènes. Archives curieuses, V* série, lom. ii, 
p. 16. 

(4) « Dix mille Gascons, tous gens de traiet. » Mimoiree de Fliueahgb, cb. ti, p. 922. 
année 1507. 

« Si fat ordonné ^ la bataille de Ra?ennes que les deux mille Gascons yroient sur la queue 
délascber leur traici, qui seroit cause les Dure lever... Mais ils demandoient que on leur bail- 
lit quelques gens de pieque... Et alla avecques eux le seigneur de liontcaure qui avoit mille 
Picards » Loyal sbivitiui, cb. li¥. p. 94, année 151*2. 

(5) « A Novare (1513), sur dnq mille lansquenets, il y avoit buit cents bacquebultiers. » 
Mémoires du seigneur di Fleuiahobs, cb. xxxTit, p. i49. 

(6) A Novare, snr cinq mille lansquenets, dont il faut relrancber huit cents arquebusiers, 

TOU I. 16 



m GUERRE DE CAMPAGNE. 

carrés pleins avaienti sur toutes les faces, leurs quatre premiers 
rangs armés de piques; les deux suivants étaient armés de hallebar- 
des; Tenaient ensuite plusieurs rangs de piques; enfin^ le centre 
était composé de hallebardiers. Les arquebusiers étaient placés aux 
flancs du bataillon sur quatre de front» afin que les piques pus- 
sent les protéger en les dépassant (^). On conçoit que^ pour faire 
usage de leurs armes à feu, les rangs des arquebusiers deyaient suc- 
cessivement se remplacer, c'est-à-dire que, lorsque le premier rang 
avait tiré, il se retirait à la queue, découvrant le second rang qui 
avançait, et ainsi de suite. Les Suisses mettaient quelquefois les ar- 
quebusiers derrière le bataillon; ceux-ci sortaient des rangs pour 
tirer et y rentraient ensuite. Du moins telle était leur ordonnance, 
lorsqu'en 1510, ils marchèrent de Belhnzona sur Yarèse (^). On 
plaçait devant chaque bataillon, cent à cent vingt hommes comme 
tirailleurs (^). 

Les Anglais, à ce que nous apprend Philippe de Clèves, avaient 
conservé leur ancienne coutume : ils disposaient leurs archers en herse 
comme a Crécy, les plaçant en première ligne sur un ou deux hom- 
mes de profondeur, protégés par les pieux et par des chariots d'or- 
gues (*). 

Les retranchements de charrettes étaient souvent employés, et 
toujours conseillés par les écrivains militaires. Philippe de Clèves 



l'auteur des Mémoires de Fleuraoge dit, qu'il y avait de trois à quatre cents hooimes au pre- 
mier rang. En 15i0, les Suisses, se dirigent versBellinzona^ leurs files composées de quatre- 
vingts à cent hommes. » GracaÀKDtin, Ifv. ix, p. 593. 

(1) Instruction de toute manière de guerroyer^ par Philippe duc db Glèvbs, imprimée ^ 
Paris, en 1558, p. 77. 

(2) GuiccuRDna,liv. n, p. 593. 

(3) « Cinquante à soixante couples qu'on appelle compagnons perdus qui sont devant sans 
ordre.» Ph. db ClBvbs, p. 77. 

(4) « Si vous avez desAnglois qui soient tous archiers, selon leur façon de faire font une baye 
simple ou double, ainsi qu'ils entendoient moyennant qu'ils eussent devant eux les pels 
qu'ils ont acoouscnmé de porter avec quelques petites artilleries, trois ou quatre sur deux 
roues que l'on appelle orgue, et cela entrelacé afec lesdito pels.» Manièrede guerroyer^ p. 81, 
édit. de Paris, 1558. 



LIVRE P'. — CflAPITBE n. ft3 

propose de séparer le charroi en deux bandes suivant l'artillerie. Ces 
deux bandes, dont l'une doit marcher sur le flanc droit, et l'autre 
sur le flanc gauche, laissent entre elles l'espace que Ton juge con- 
venable de donner au front de l'année* L'artillerie est en avant, et 
foudroie l'ennemi pendant qu'on se place en bataille, et que les 
capitaines des charrois font doubler les files de voitures. Philippe de 
Clèves, qui fit ses premières armes à Guinegatte, en 1479, et qui 
servit sous Louis XII, dit qu'il combattit souvent de cette sorte, avec 
avantage, des ennemis supérieurs en nombre (0. Cela prouve com- 
bien le front des armées avait peu d'étendue. 

Ces sortes de retranchements dont nous avons déjà signalé rem- 
ploi au xiv« siècle, et qui étaient appelés en allemand wagenburçy 
sont décrits en détail par Fronsberger et surtout par Senfiienberg 
dans son Traité d Artillerie; quoique ce dernier auteur constate 
qu'à l'époque où il écrivait (1560), ils étaient déjà tombés en désué- 
tude «. 

En 1512, à la bataille de Ravenne, Pierre de Navarre avait en- 
touré son retranchement de trente charrettes munies d'arquebu- 
ses à croc et armées de longues lances. Ces charrettes étaient en 
tout semblables aux ribaudequins dont nous avons parlé dans le cha- 
pitre précédent (3). Un témoin oculaire en fait la description suivante : 
« Ces charrettes étaient à deux roues, fiiitesde bois très léger avec un 
« timon long de six pieds. Il y avait sur le front de ces voitures des 
tf piques longues environ comme une lance ordinaire, très aignés, et 
^ dessQsétaientclouéesquelqaesgrossesarquebnses^Gescharsétaient 
« mis devant l'infanterie et étaient si légers que les soldats pou- 
» vaient, en les tenant par les poignées, les tirer partout, et en 
« mettant le timon à terre , les piques se trouvant pointées en l'air, 



(3) Fof . le MS do dép6l gèoéral de It guerre u, Umd. tn, p. SdS et tvifantes. 
(3) Foy. cIl I, p. 3S. 

1«. 



iU GUERRE DE CAMPAGNE. 

« formaient un rempart sûr contre la fougue furieuse des gens d'ar- 
« mes français que seuls ils craignaient W. » 

En 1513, le seigneur de Sedan avait inventé, dit Martin du Bel- 
lay (^), H un camp en charpenterie qui se trainoit par chariot pour 
« clore armée si la nécessité d'aventure leur survenoit de soutenir 
« une bataille en endroit peu avantageux. » D'après Paul Jove, qui 
dit avoir vu ce retranchement portatif, il était composé de poutrelles 
perpendiculaires et horizontales, formant des rectangles dont la 
hauteur allait jusqu'à la ceinture. Ces rectangles s'unissaient les uns 
aux autres par des gonds, afin de pouvoir se replier sur eux-mêmes; 
cent arquebuses à croc étaient placées de distance en distance pour 
fortifier toute cette enceinte C^). 

Toutefois, comme il était facile de le prévoir, cette invention 
occasionna beaucoup de dépenses, sans offrir aucun avantage. Du 
Bellay prétend que ce retranchement aurait pu être utile, à Novare, 
mais on n'eût pas le temps de le dresser W. Cest ce qui a toujours 
lieu pour les inventions compliquées; elles sont en théorie d'un mer- 
veilleux effet, mais il arrive toujours qu'en pratique on n a pas le 
temps de s'en servir. Cependant], cette recherche de moyens de 
défense indique que rien n'était si redoutable alors que le choc de 
la cavalerie. 
Gafaierie. La gendarmerie d'ordonnance était toujours divisée en compagnies 

decenthommes.Leconnétableseulavaitunecompagniedequatre cents 
hommesd'armes (^); lalance fournie comprenait toujours huitchevaux. 
Cependant les grands seigneurs qui conduisaient leurs propres trou- 



Ci) Lettre de Maego Âinromo Mighblk. Voy. le supplément à VHûtoire de Paul Jotb, 
irad. par Dombnicbi, tom. m, p. 54. 

(2) Mémoirei de Messire Martin du Bbllat, Uv. i, p. 316. 

(3) Paul JoTB, 1. 1, Ht. it, p. 226. 

(4) « Et si ne fust faict diligence de fermer le camp qui avoit tant cousté à charier, chose 
qui eust bien servy pour arrester la foreur des Suisses. » Mémoires de Martin du Bellay, 
p. 317 (1513). 

(5) Mémoirei de Flburangk, ch. xxxix, p. 251. 



LIVRE K --CHAPITRE II. 1S5 

pes avaient un plus grand nombre de suivants ; car, lorsqu'en 1510 , 
le seigneur de Sedan alla rejoindre Louis XII à son passage à Lyon ^ 
il amena cent hommes d*armes qui comprenaient douze cents 
cheTaux (0. La cavalerie allemande, au contraire , composée en 
grande partie d'hommes du peuple, n'avait point de suivants, et 
chaque cavalier soignai! son cheval ; organisation que Machiavel 
vanlcavec raison (^; elle combattait par escadrons profonds C^), tandis 
que la cavalerie française chargeait toujours en haie , mais sur plu- 
sieurs lignes qui donnaient les unes après les autres (^). De sorte que 
la gendarmerie en s'avançant sur le champ de bataille , formait des 
escadrons profonds; ce qui explique pourquoi Paul Jove, parlant de 
l'ordonnance de la cavalerie française , la représente sans cesse ser- 
rée en escadrons (^). Cette grosse cavalerie bardée de fer et que la 
discipline avait rendue plus dangereuse, en réglant sa fougue i^, pro* 
duisait des chocs souvent irrésistibles. 

En 1501 , vingt-cinq hommes d'armes français renversèrent cent 
Suisses (^. En 1502 , près de Cérignole, dans le royaume de Naples, 



(1) Méwunrei de Fuuiahgi, ch. xnas p. i30. 

(i) BitraiU d$Ue cou d$Ua Magna, p. 335, édition portative. FloreDce, 1833. 

(3) « Quand on chargeoit leurs gens de cheval, ils s'ouvroient par le devant et entre eux 
les recueiiloient, et en recalant, ceux de derrière seretoumoient contre les François et nulle 
fois iiiiUoient d'atteindre quelqu'un. » Cknmique de JiAii d'âuton, liv. i, ch. xxnr, p. 77, 
année 1499. 

« Et k la ùiçon qu'on combat k ceste heure voudroys avoir Uois bons ost de gens de che 
val mis en point k la façon d'Allemaigne. » Phdjppi di CLftvBS, p. 89, édit. 1558. 

(4) « En 1500, le sire de la TrémouUle avoit cent hommes d*armes des plus adroits pour 
donner le premier choc et pour fiûre ouverture, et âi leur queue mitquatre cents autres pour 
supporter les premiers et entrer dedans les ennemis. > Chronique de Jian d*âoton, liv. i, 
ch. XXXI, p. 100. 

(5) « En 1495, la cavalerie françoise qui s'étoît serrée en escadron élroit. » Paul Jovi, 
tom. I, liv. m, p. 141 et p. 146. « Les hommes d'armes et chevau-légers serrés en un esca- 
dron h cùté de l'infanterie. » 

(€) « Au lieu de se mettre au galop de trop loin, ils attendaient l'ennemi ^ une petite di- 
stance, et alors Ils se précipitaient sur lui. » BetnarquÊ de GmLLAinii nu Billat sur la ba- 
taille de Ravenne, Diêciplinê mtlîlaîr», liv. i, ch. xxn, p. 82, édit. de Lyon, 1599. 

(7) Chronique ni Jiah n'AuTOH, liv. l, ch. lxiu, p. ill. 



126 GUERRE DE CAMPAGNE. 

douze hommes d*armes français culbutèrent deux cents hommes de 
pied et soixante cayaliers (^). Enfin » nous les verrons enfoncer, à 
Ravenne et à Cérisoles, Finfanterie espagnole , et à Marignan. l'in- 
fanterie suisse. 

La cavalerie légère albanaise , armée d'un javelot appelé zagaie, 
n'avait point d'armure, mais une espèce de jacque 9)] et, ainsi que 
les archers à cheval , elle rendait de grands services, soit dans les 
escarmouches, soit dans les opérations secondaires du champ de ba- 
taille. A cette époque, l'exemple que Camille ViteUi avait donné com- 
mençait à être suivi et l'usage des armes à feu se répandait de plus en 
plus dans la cavalerie (^). 

La gendarmerie mettait encore parfois pied à terre, lorsqu'il s'a- 
gissait de monter à l'assaut ou d'emporter une position difficile. C^ 
qui eut lieu au siège de Canosa, dans la Fouille, en 1502 W. Au siège 
de Padoue , en 1509 , la gendarmerie française qui servait comme 
auxiliaire dans l'armée de Maximilien, allait monter à l'assaut avec 
les lansquenets, lorsque Bayard fit observer qu'elle ne devait y 
monter qu'autant que la gendarmerie allemande consentirait elle- 
même à en faire autant, ce qu'elle refusa (^). Au siège de Brescia, 
Bayard conseilla à Gaston de Foix de mettre cent à cent cinquante 
hommes d'armes à la tête de ses colonnes pour résister aux hacquebu- 
tes des Yénitiens : « parce que, dit-il, ils sauront beaucoup mieux 
« soutenir le faix que les gens de pied qui ne sont pas ainsi armés (^)- » 

Au siège de Ravenne, la même chose eut lieu, et le jeune et hé- 



(1) Chronique de Jiuif d'âcton , liv. n, ch. x, p. 39. 

(9) « Le capitaine Bernardin et les estradiots royant leurs Jacques embourrez en dangier 
d'estre percei n'attendirent le choc, mais tout à temps se retirèrent. » Cknm. de Jban n'Au- 
TON, liv. I, eh. XTm, p. 55. 

(3) « En 1510, les Suisses marchant eu Italie, avaient cinq cents cavaliers, dont la moitié 
avaient des armes k feu. » GmccumNin, liv. n, p. 598. 

(4) CkTùniguê de hàM d^Aotou , liv. n, ch. n, p. 43. 

(5) Le Lotàl siEvmuâ, ch. zxxvn, p. 53. 
(5) Ibidem^ ch. l, p. 81. 



LIVRE !«.— CHAPITRE n. 197 

roiqoe dac de Nemours mit, à la tète de chaque colonne qui devait 
monter à Fassaut, dix hommes d'armes armés de toutes pièces (0. 
Ces hommes étaient ainsi presque invulnérables; car, à ce siège, le 
vicomte d'Estoge et le seigneur Frédéric de Bozzolô furent plusieurs 
fois jetés du haut des fossés en bas, sans qu'ils parussent avoir été 
blessés (9. An siège de Novare » en 1513, « l'assaut fut présenté aux 
« lansquenets , lequel ils prindrent bien volontiers, jaçoit qu'il fust 
« bien mal aisé, mais ils voulurent avoir aultres gens d'armes avec 
« eulx comme un homme d'armes ou un archer avec chaque lansque- 
^ net pour ce qu'ils estoient mieux armés pour soutenir un gros 
« faict qu'un piéton qui est tout nud W. » Nous reviendrons plus 
4ard sur ces exemples qui prouvent combien on attachait d'impor- 
tance aux armes défensives pour résister aux coups de feu. 

« 

L'artillerie de Louis XII devait peu différer de celle de son prédé- 
cesseur ; cependant ce n'était plus la même, puisque Charles YIII, à 
son retour d'Italie , fit cadeau à la ville de Lyon de ses canons de 
bronze pour en faire des cloches W. 

Nous avons dit plus haut que l'artillerie de Charles YIII faisait usage, 
non*seulement de boulelsde fer, mais peut-être même aussi de boulets 
de bronze; plusieurs raisons nous ont porté à avancer ce fait : d'abord, 
dans le journal d'André de la Vigne, on dit qu'au passage des Apen- 
nins, M. de la Trémoille a mettoitla main à porter grosses boulles 
de fonte (bronze), de plomb et de fer (^). » Nous avons vu qu'en Italie 
aussi k basilique lançait un boulet de bronze de vingt livres, et, en 
H99, Louis XII envoya aux Suisses engagés dans la guerre de Souabe 



(1) GoiocuAiHin» Uv. X, p. 706. 

(i) Le Loyal shtitiur, cb. ui, p. 89. 

(8) Mémoires de Flioiahoi, cb. uxti, p. 247. 

(4) « Et quaid il ewl eue b Lyoo ong peiil de temps pour se reposer, il dOBna aux ésbses 
de tadîcte tille pour bire des cloches, l*sitiUerie qull atoii amenée de Napies qui esloii une 
diose menreUleuse k veoir. » BUUrirt ie la cotiçuefM de NapUi, publiée par P.-M. Gonon, 
p. 181. Lyon. ISta. 

(5) Edition Godefroy, p. 156. Paris, 1684. 



Artillerie. 



11)8 GUERRE DE CAMPAGNE. 

rartillerie suivante : « huit grosses pièces, deux cents quintaux de 
ic poudre, trois cents boulets d'airain, deux mille carreaux remplis de 
(c plomb, deux fondeurs de pièces et de boulets, douze canonniers, 
ce cinquante voitures portant des pioches, boyaux, pelles, traî- 
ne nées par deux cent soixante-dix chevaux (*).» Les carreaux dont il 
est ici question étaient sans doute des dés de fer recouvert de plomb, 
appelés bloguereauXj semblables à ceux dont nous avons déjà parlé. 
Quant aux boulets de bronze, on pouvait s'en servir avec avantage, 
puisque le bronze est plus dense que la fonte de fer, mais ils étaient 
beaucoup plus chers. Du temps de Henri IV, il est encore fait men- 
tion de boulets de bronze (^. 

A celte époque Philippe de Clèves compose un parc des pièces* 
suivantes, fondues à Malines par Hans.Poperiter (3) : 

Poidg du boulet. Poids de la pièce. Nombre des ebevaux. 
Qaatre doubles courtauh. ... 80 j 7300 livres. ... 23 

Douze courtaulx ^(fer ^^^ ^^ 

Quatre doubles serpentines. . . . 33& 5000. ..... 17 

Huit moyennes serpentines. . . 12 ] 2500 8 

Vingt-quatre faucons 6 plomb. 1000 3 

Les parcs d'artillerie français étaient toujours aussi nombreux que 
sous le règne précédent W. Le nombre des bouches à feu s'élevait à trois 



(1) Voy. Valebius ânshblm , Chronique Bernoise ^ liv. ii, p. 17, et Stettlee^ Uv. vii, 
p. 354. Bern, 1626. 

*(2) « Boulets de fer de fonte et aussi de fonte de métal. » Àrtifiee$ de feu, par J. Boulot, 
LANGRna, fol. 110. Strasbourg, 1603. 

(3) « Quoique Philippe de Clèves ait dédié son livre à Gharles-Quint, 11 est probable qu'il 
décrivait ce qu'il avait vu dans sa jeunesse, ou du moins du temps de Bfaiimilîen et de 
Louis XII. MB de la Bibliothèque royale n^ 7452, fol. 95 et suivants. D'ailleurs, toute la par- 
tie du livre de Philippe de Gleves, qui traite de rartillerie, se retrouve complètement repro- 
duite dans un manuscrit portant la date du SO janvier 1543, et intitulé Opération de la guerre 
eseripi de la main de Jehah Btthàenb, eanonnier ordinaire du roy notre sire en son chas- 
teaude Doulens, MS, Cod. Colb. n» 7450. 

(4) En parlant de l'armée de Louis XII, en 1501, Paul Jove dit « qu'elle comptait mille lan* 
ces, quatre mille Suisses, six mille piétons français, et suivant leur coutume leur grand atti^ 
rail d'artillerie. » tstorie del $uo tempo, liv. vm, p. 83. 



LIVRE I^*. — CHAPITRE II. 129 

OU quatre pièces par mille hommes. Ainsi, en liOO, pour quatre cents 
hommes d'armes, trois mille cinq cents Allemands et douze cents 
Gascons» il y avait vingt-une pièces d'artillerie (^). En 15Q2, à Naples, 
pour six mille chevaux et trois mille cinq cents piétons on comptait 
vingt^six pièces, savoir : «quatre canons, deux grosses coulevrines, 
« six moyennes, nommées les Sacres j et quatorze faucons (^). » 

Lorsque Louis XII marcha, en 1507, contre Gènes qui s'était ré- 
voltée, son armée, forte d'environ vingt mille hommes, comptait, 
d'après Robert de La Mark, seigneur de Fleurange : soixante gros- 
« ses pièces d'aftillerie dont il y avoit vingt canons renforcés et douze 
« doubles et cinq cens acquebuttes à crochets bien attelés de cbe- 
« vaulx , de poudre et boulets pour un demi-an, et sept vingt ca- 
a nonnîers tant ordinaires qu'extraordinaires; et pour accompagner 
a tout cela deux mille cinq cens pionniers françois les meilleurs qui 
a fussent en toute la Bretagne (3). » 

Le même auteur ajoute encore les détails suivants sur l'oi^anisa- 
tion de l'artillerie de Louis XII : «Premièrement, le maystred'artil- 
« lerie a six mille francs d'estat; en chaque partie du pays, il acom- 
a missaires, conmie lieutenans qui sont bien au nombre de cinquante, 
a et chascun desdicts commissaires, dans ses pratiques, a huit cens 
a francs d'estat; et quand l'armée marche, lesdicts commissaires ont 
« aultres commis sous eux où ils ont regard; et veulx bien donner 
c( ceste louange au roy, qu'il n'y a prince au monde qui cela manie 
<c comme luy, car il n'y a prince qui tienne la despense ordinaire 
a comme luy (^)- » 

A la même époque l'artillerie allemande était pesante et encombrée 
d'immenses calibres qui, par leur multiplicité, créaient la confusion. 
En 1507, l'historiographe de Bayard s'exprime ainsi sur l'artillerie de 



(1) Bi$U>ire de Ixmit XIU ^lAH d'Auton» liv. i, ch. i, p. 1, édit. Godefroy. Paris, tS90. 

(3) IMeMy IW. n, cb. i, p. 37. 

l3) Mimoir$9 de FuuiARGB, ch. fi, p.itt. ParnUkiim Uuéraire. 

(4) IMem, ch. ? , p. m. 

Ton 1. 17 



130 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Slaximilien qui se trouve représentée à la pi. VI: « Uog grand défaut 
« estoit quant à Tartillerie car n'y avoit équipage que pour la moytié, 
« et quand on marchoit, estoit forcé qu'une (partie de l'armée de- 
ce mourât pour la garder jusques à ce que la première bande fustdé- 
« chaînée au camp où Ton vouloit séjourner, et puis le charroy re- 
« toumoit quérir Fautre, qui estoit grosse fascherie W. » Au siège du 
château d'Osopo, dans le Frioul» en 1513, Tarmée de Maximilien 
avait vingt-neuf grosses pièces de cinquante et de cent cinquante li- 
vres de fer (2). 

La figure 1 de la planche YI représente un canon turc dessiné par 
Albert Dui^r, 

Les figures 2 et 3 sont tirées de Proefspiegel in Gluéï and Onglué'ty 
par Francis! Petrarcha, en 1520. 

Les figures i et 5 sont tirées du livre de Theurdanck, écrit à Nu- 
rembei^, par Melchior Pfintzing^ en 1517. On dit que ces deux ou- 
vrages ont été composés par ordre de l'empereur Maximilien. 

La figure 6 représente de petites bombardes portatives prises 
par Charles-Quint sur le landgrave dé Hesse; elles ressemblent à 
celles que Charles le Téméraire perdit à Granson. 
Ordre de bataille. Quoique l'aucien ordre de bataille fût toujours en usage, cependant 

on commençait à imiter les Suisses et à mettre les trois divisions ap- 
pelées avant-garde^ bataille, et arrière-garde en échelons ou même 
sur une ligne. Au combat de C6rignole,eal503, les trois divisions de 
l'armée française étaient rangées tant soit peu en échelons, affectant, 
dit Paul Jove,la forme des trois derniers doigts delà main. L'armée ita- 
lienne était rangée sur une ligne (^). Philippe de Clèves décrit ainsi les 

< ordres de bataille : <( Prenez que je veuille combattre avant-garde,ha- 

< taille et arrière-garde^ conune j'ai dit dessus si voudroys avoir trois 



(1) Le LOTiX SBâYITBUR, ch. XXXII, p. 44. 

(i) SoppUfnento di Girolàho Ruscblli à la traduction de VHUtoire de Paul Jotb , par 
DoHBiacHi, tom. m, p. 20. 
(3) Paul Jovb, liv. yin, p. 123. 



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LViKE h'. — CHAPITRE II. iSl 

« bons Mtsde gens de pied, ainsi que j'iii dit dessus en Tordonnancedes 
« antres batailles et en la façon que Ton combat à cette heure* et tou- 
« droys avoir trois bons osts de gens de cheval mis en point à là façon 
« d'Allemagne, et voudroys avoir mon artillerie devant mon avant^ 
« garde, et assise en tel lieu où eUe pourroit le plus grever à monen- 
« nemi, et si lesdis ennemis marchoient pareillement en trois batailles 
« voudroys aborder chaque bataille à la bataille, assavoir Tavant- 
• garde à Tavant^garde, la bataille à la bataille, et Tarrière-garde à 
« Tarrière-garde, et, au surplus, on laisse à Dieu donner la victoire 
« là où il lui plauroit, et si vos ennemis ne viennent qu'à deux batail- 
« les, je serai d'opinion que vos deux batailles abordassent et que la 
« tierce demourast quoy jusqu'à ce qu'ils vissent que vous eussiez 
« quelque peu du pire; car, alors, pourroit marcher et donner de* 
« dans et me semble qu'ils en auroient bon marché W. 

Ainsi, Philippe de Clèves signale l'avantage de ne pas engager 
toutes ses forces à la fois, et conseille, tout en plaçant les divisions 
sur une même ligne, d'en garder une en réserve. 

La terreur que Fartillerie de Charles VIII avait inspirée en Italie le^nJ^dî'kSîiïte '"' 
était sous Louis XII dans toute sa force, et contribua grandement, 
en 1499, à la rapide conquête du duché de Milan; et, quoique cette 
conquête ait été perdue bientôt après, l'artillerie arrêta les sou- 
lèvements et les attaques de Ludovic Sforce- Milan s'étant révolté, 
les Français se retirèrent dans la citadelle. Le comte de Ligny ar- 
riva de Côme avec un petit nombre de troupes, traversa Milan et 
réprima un moment la révolte, grâce à deux faucons que Ton fit jouer 
dans les rues (9. 

Dans les circonstances ordinaires, Tariillerie commençait à ne 
plus entraver autant la marche de l'armée. Ainsi, en se retirant 
de la Lombardie, le comte de Ligny disait, en 1499 : « Au re* 
a gard de l'artillerie tant à main lui est le duirroy qoe de léger 

(1) Inê^rueîiam de Umtê moMièn de gHêrtoftr^ pir Pmirn, DUC n ClJtiS, p. Si. Pirô 
155S. 
ri) HiiMfê de J. s^AoTOii, Kv. i, oh. xn, p. 80. 

17. 



132 GUERRE DE CAMPAGNE. 

sauver se pourra.» (*) En 1501, l'armée française marchant vers 
Naples^ ne mit que cinq jours de Pise à Rome, sans que le charroy 
de tafiiUerie feisl détour ou empeschemerU (2). En 1510, la neige 
ayant rendu les chemins de Vérone à Parme impraticables , Pierre 
d'Ognot, maître de Tartillerie, fit placer et conduire les canons sur 
traîneaux P). Mais, dans les circonstances critiques, le peu de mobi- 
lité des grosses pièces se faisait grandement sentir. Dans la lutte qui 
survint entre les Espagnols et les Français dans le royaume!] de 
Naples, en 1503, on vit l'artillerie française, si efficace pour défen- 
dre ou pour attaquer un retranchement, ne pas pouvoir suivre tous 
les mouvements d'une armée qui devait, par la rapidité de sa mar- 
che, faire face à un ennemi supérieur et résister à un général ex- 
périmenté. Aussi, lorsque s'étant retiré à Seminara, derrière le 
fleuve qui coule à Gioja, d'Aubigny voulut se porter avec rapidité à 
la rencontre des Espagnols qui avaient passé le fleuve en amont, il 
ne put emmener son artillerie avec lui W. 

Au combat de Cérignole, entre le duc de Nemours et Gonzalve 
(1503), l'artillerie française ne fit pas grand effet parce que le pays 
était couvert et sillonné de fossés. Le canon des Espagnols , d'abord 
assez meurtrier, se tut bientôt, le feu s'étant mis aux poudres. Les 
Français perdirent la bataille; cependant, les ennemis reconnurent 
qu'ils ne devaient la victoire, ni au courage de leurs soldats, ni à 
l'habileté des généraux, mais aux fossés dont la berge avait été dis- 
posée en parapet, ce qui paralysa l'attaque de la gendarmerie fran- 
çaise et l'effet du canon du duc de Nemours i^l 

La même année, l'artillerie, postée avantageusement sur la rive 
droite du Garigliano, repoussa toutes les attaques qui furent faites de 
front contre les retranchements et contre le pont. En parlant de ce 



(1) Hiêtoire de J. d'Auton, Ut. i» ch. iLYm, p. 63. 

(2) Ibidem, liv. i, ch. xx, p. 165. 

(3) Mémoireê de Flburàngb, ch. xx, p. 232. 

(4) GuicciARDun, Ut. y, p. 365. 

(5) Paroles de Fabrice Colonne à Paul Jove, Voy. iflorie, liv. tiii, p. 123. 



LIVRE !•'. - CHAPITRE II. 133 

combat, don Hugo de Moncade dit lui-même à Paul Jove qu'il n'avait 
jamais vu de lutte aussi terrible; qu'en avançant contre Tartillerie^qui 
renversait hommes et chevaux, il croyait marcher à une mort cer- 
taine W* Mais les Espagnols ayant tourné la position, les Français 
forent obligés de battre en retraite, et d'abandonner neuf grosses 
pièces. Dans cette marche rétrograde, l'artillerie fut cause de la dé- 
route. Elle marchait en tète; après elle venait l'infanterie, puis la 
cavalerie qui s'efforçait de protéger la marche de l'armée* Arrivé 
près du pont qui est devant Mola di Graeta, le marquis de Saluces 
fit arrêter sa troupe afin de donner aux canons le tempsMe passer. 
Alors le désordre se mit dans la colonne, et tout fut perdu (^) mal- 
gré les héroïques efforts de Bayard. 

Ainsi, plus la stratégie et la tactique se perfectionnaient, plus on 
voyait ressortir les inconvénients d'une artillerie que les troupes de- 
vaient sans cesse protéger dans ses mouvements lents et incommodes. 

Cependant les petits calibres de l'artillerie française étaient assez 
mobiles pour pouvoir prendre promptement, pendant le combat, des 
positions avantageuses; aussi étaient-ils toujours placés à l'avant- 
garde, les grosses pièces marchant avec le corps de bataille sous la 
protection des Suisses (3). Les généraux sentaient toute l'importance 
qu'il y avait à les mettre en position sur les ailes, ce qui permet de 
battre en écharpe la ligne ennemie. Lorsque Louis XII s'avança en 
1507, contre Gènes, les Italiens élevèrent sur une colline appelée il 
Promontorio une grande redoute ou bastille; et pour en défendre les 
approches, ils mirent leur infanterie en avant, à mi-côte de la col- 
line. Protégés par le canon de la redoute et par le terrain, les Génois 
occupaient une position formidable dont l'attaque de front offrait de 
grandes difficultés; déjà les Français avaient éprouvé des pertes sen- 
sibles, lorsque Chaumont fit amener à l'aile droite deux canons qui, 

(1) Paul Jotb, lit. TiD,p. 68. (Sei libri agraoU alb, 1 parte.) 

(2) GciccuiMm, Ut. ? n, p. 401 et 40t. 

(3) Foy. la marche de rarmée près de Novare, eo 1500, Chronique de J. d*Autoii, liv. i, 
eh. ui, p. 03. 



134 GUERRE DE CAMPAGNE. 

enfilant la ligne ennemie W, Tobligèrent à reculer, ce qui fut le si- 
gnal de la déroute générale* 
Bataille d ÂgDadci. L'artillerie joua un assez grand rôle dans la rencontre qiii eut lieu^ 
en 1509, dans la vallée de la Ghiara d'Âdda. L'armée vénitienne ne 
voulait pas livrer bataille et se retirait devant Tarmée française dont 
Tavant-garde, l'atteignant près du village d'Agnadel, la força au com- 
bat Le pays était entrecoupé, comme il l'est encore aujourd'hui, 
d'arbres et de festons de vigne (^^ Alviano, chef de Tarriëre^arde 
italienne, fit placer sur une hauteur six canons qui arrêtèrent les 
Français; là, la lutte fut un moment douteuse; mais Tartillerie fran- 
çaise survint, prit une position avantageuse» foudroya l'ennemi et, 
fit reculer les Italiens dans un lieu découvert v^), alors la cavalerie 
put donner, et tailler en pièces la partie de l'armée italienne qui avait 
été engagée. Les Vénitiens avaient à cette bataille soixante grosses 
pièces de canon; mais, dit Fleurange, ^ l'artillerie des Vénitiens ne fit 
< guères de mal aux François » mais trop bien celle des François à 
« eux (♦). » 

Les Italiens cependant avaient bien profité de l'exemple de Char- 
les VIII, et le duc Alphonse de Ferrare, entre autres^ avait construit 
une artillerie excessivement mobile et efficace C^). Dès 1509, il avait 
détruit toute la flotte vénitienne qui avait remonté ie P6 pour l'atta- 
quer. En 1510, il avait mis son artillerie au service de Chaumont. En 
1512, il la prêta encore à l'armé française commandée par Gaston 
de Foix. Ce jeune général», qui tint tête à des ennemis beau - 
coup plus nombreux, ne se laissa jamais entraver dans ses mou- 
vements par les voitures, et trouva moyen,probablement en doublant 
les attelages, de donner à son artillerie une telle mobilité qu'elle sui- 



(i) Pacl Joyb, liv. n, p. I02. SeilibriagiuDti. 

(2) Ibidem, liv. n, p. 113. 

(3) /tfideiiiytiv. u,p. 113. 

(4) Mémoires de Flburangk, ch. tu, p. 225. 

(5) « Le duc de Ferrare estoH aa gentil prince, bomme de guerre el de bon emefideneot 
ec bardy ; et prenoit tout son passe temps et exercice à fondre de rartillerie, remparer el édî- 



LIVRE 1^. - CHAPITRE II. 135 

vait avec facilité non-seulement rinfanterie , mais même la cava* 
lerie(^). En 1512 9 il avait rassemblé ses troupes à Finale, sur les 
frontières du Modénais; et, ayant appris que le pape et les Espagnols 
faisaient le siège de Bologne, il vint ravitailler la place« et obligea Ten* 
nemi à la retraite. Puis, voulant délivrer la garnison française du 
château de Brescia qui était attaqué par Tarmée vénitienne, il vola 
à son secours, et défit en route Jean-Paul Baglione. Arrivé à Brescia, 
à la tête de six mille hommes d'infanterie et de quatre cents hommes 
d'armes, il reprit la ville* 

Cet assaut est ainsi décrit par un témoin oculaire : « Cinq cents 
« hommes d armes, que Gaston de Foix avait hit mettre à pied , 
« s'avancèrent contre la ville, ayant chacun une hache en main. 
« Derrière eux venait une grande compagnie d'arquebusiers qui, 
« tour à tour, tiraient contre ceux de la ville avec un ordre merveil- 
« leux, car chaque fois qu'ils voulaient faire une décharge, à un corn- 
« mandement de l'un d'eux, les honunes d'armes se couchaient tous 
« à terre, et dès que les arquebusiers avaient tiré, ils se relevaient, 
« et ainsi de suite (%• 

Tous ces événements s'étaient passés en quinae jours- Pour mar- 
cher avec tant de promptitude, Gaston devait avoir laissé en arrière 
sa grosse artillerie* Dans sa marche sur Ravenne, il resta quatre 
jours entre Cotignola et Granarola pour attendre douse canons et 
douze pièces plus petites que le duc de Ferrare lui envoyait W. 

L'armée espagnole-italienne s'étant approchée pour définidre Ha- 
vennet Gaston de Foix lui livra bataille. L'armée française était forte 



fier, ei n*y avoii fondeur des siens qui le flsl mieux que Iny. £t en ay veu appartenaat au- 
dici duc dedans deux granges bien trois cens grosses pièces, et croy que tous les princes 
d'Italie ensemble n*en avoient poial tant et de si beHe artillerie que luy seul. D sToit trois 
granges : Tune estolt là où on lalsoit la fonderie, l'autre, là où on liûsoit les moules, et Tau- 
tre où on Isisoit les affnsts et les roues. • Mémoim de Fuoiangi, cfa. xxit, p. 235. 

(1) Paul Jon, Ut. x, p. ISS. 

(9) Ltilrêi écrites par Marco Antonio Michèle à la seigneurie de Venise. Supplément de 
GiiOLAMO RcsGBLU à VBiiUnf de Paul Joti, traduite par DonKicm, tom. iiv p* M. 

(3) Guiccuiomi, Kt. x, p. 70S. 



Bataille lie Ra)<>nnp 



136 GUERRE DE CAMPAGNE. 

de dix-huit mille hommes d'infanterie et de dix mille chevaux. 
L*infanterie était composée de lansquenets, d'aventuriers et de Pi-- 
cards ; ces derniers jouissaient, selon Guicciardini, d'une grande 
réputation parmi les Français (^). L'armée espagnole était à peu près 
aussi considérable, et avait vingt pièces d'artillerie, sans compter 
les trente chariots à orgue de Pierre de Navarre, décrits précédem- 
ment. 

ce II avoit esté entendu, dit l'historiographe de Bayard, par tout 
(c plein de prisonniers que les Espagnols ne feroient qu'une troppe 
a de tous leurs gens de pied et deux de leurs gens de cheval, et que 
« sur cela se falloit ranger ; ce qui fut faict de cette sorte : c'est que 
« les lansquenets, les gens de pied des capitaines Molart, etc.. jus- 
ce qu'au nombre de dix mille hommes marcheroient tous en une 
« flotte, et les deux mille Gascons du capitaine Odet et du capdet de 
a Duras à leur costé ; lesquels tous ensemble iroient eulx parquer à 
c< la portée d'ung canon des ennemys, et devant eux seroit mise 
c< l'artillerie, et puis à coups de canon, les ungs contre les autres, à 
« qui presmier sortiroit de son fort &). » 

Ces paroles expriment mieux que nous ne pourrions le faire, la 
manière de combattre de cette époque et le rôle que l'artillerie était 
appelée à jouer/ 

Deux armées s'approchent, se retranchent, en profitant habile- 
ment de la disposition du terrain ; puis c'est à qui forcera, à coups de 
canon, son adversaire de quitter en désordre la position avantageuse 
qu'il a choisie. 

L'armée espagnole se tenait immobile dans ses retranchements; 
son infanterie était couchée à terre afin de donner moins de prise 
aux boulets; l'armée française s'avance jusqu'à deux cents pas du 
fossé qui couvre une partie du front ennemi ; mais voyant que les 
Espagnols ne bougent pas , elle s'arrête, et ne veut pas donner 



(1) GuicoÀRDini, lîY. 1, p. 703. 

ii) Li LoTÀL SBKTinuRyCb. un p. 91. 



LIVRE K — CHAPITRE II. 137 

un avantage qu'elle est venue chercher W. Les deux années sont en 
présence; pendant deux heures» une effroyable canonnade &it, de 
part et d'autre, d'immenses ravages* Bayard et d'Allègre ont bra- 
qué un canon et une longue coulevrine qui, prenant en flanc la cava- 
lerie de Fabrice Colonne» lui tuent trois cents hommes d'armes : 
un seul coup emporte trent^trois hommes (9; d'un autre côté, l'ar- 
tillerie espagnole tue deux mille honunes de pied français avant qu'ils 
en soient venus aux mains (3). 

Les auteurs italiens prétendent que ce fut le duc de Ferrare qui, 
plaçant toute son artillerie à l'extrême gauche de l'armée française, 
commença à battre d'écharpe et de revers la cavalerie ennemie avec 
un tel succès, que presque toute l'avant-garde fut détruite. Quoi 
qu'il en soit, la cavalerie ennemie, ne pouvant plus résister aux 
coups de l'artillerie, s'élance en avant, et Pierre de Navarre est éga- 
lement obligé de sortir de ses retranchements à la tète de son infan- 
terie W; les Gascons s'avancent et lancent tous leurs traitSt mais ils 
sont repoussés ainsi que lesPicards- Les lansquenets arrivent et 
font face à l'infanterie espagnole ; celle-ci est un moment arrêtée par 
les piques des Allemands qui sont plus longues que les siennes; 
mais bientôt les Espagnols approchent à la longueur des épées, et, 
couverts par leurs boucliers,ils se jettent dans les jambes des lansque- 
nets qui n'ont point d'armures défensives, et les tuent avec leurs poi- 
gnards 09. Leurs hommes de trait cherchent à tuer les chevaux, 
parce que, dit le Loyal serviteur, selon le proverbe : « Muerto el ca- 
vallo,perdido es l'hombred'armas (^». Cependant la lutte est toujours 



(1) GciccuiMia, Ut. x. 

(%) Le Loyal snTinim, cb. iiv, p. 9S. 

(3) IM. et Mémoiru de Fuuianoi» eh. un, p. ^99. « ils ettoîeni à deux geu de pierre 
près.» 

(4) L'artillerie do doc de Ferrare flanquât de si près les troupes françaises, que Paul 
Jore prétend qu'on Tint PaTerttr que ses coups atteignaient amis et ennemis. Paul Joti, 
Histoire de «on ffmfi, Iit. x, p. ISS. 

(5) GncciAmm, Ht.x, p. 7U. 

(6) Le Loyal iiktitiub, cb. ut, p. H. 

Toai I. iS 



138 GUERRE DE CAMPAGNE. 

très acharnée et la victoire encore incertaine, lorsque la gendarme- 
rie française, après avoir renverse. la cavalerie italieime, se retourne 
contre Tinfonterie espagnole et la met en fuite W. Deux mille hom- 
mes de ces vieilles bandes se retirent en bon ordre. Gaston de Fois 
croit qu'il n'a rien fait tant qu'il lui reste quelque chose a Êiire, il veut 
achever sa victoire; il perd la vie dans ce glorieux, mais inutile ex- 
ploit. 

A cette bataille, un lansquenet au service de France renouvela 
le dévouement de Winkelried à la bataille de Sempach. Cepen- 
dant,, le nom de ce dernier est resté dans Thistoire c^mme celui 
d'un héros populaire, tandis que le nom du lansquenet est tout à 
Élit inconnu. Nous plaçons ici ce fait, non*senIement parce qu'il se 
rattache à notre sujet, mais aussi parce qu'il est bon de ne pas ou<- 
blier les traits de bravoure d'hommes qui moururent pour la 
France. « Il y avoit, dit le Loyal serviteur (^), soubz lécappitaine Ja- 
« cob des Allemands, un nommé Fabien^ un des grands et banix 
« hommes qu'on vit jamais, lequel, lorsqu'il aperçut son bon mais^ 
<< tre morty ne voulut plus vivre, et bien fist une des plus grandes 
« hardiesses qu'oncques homme sceut faire, car ainsi que les Espai* 
« gnols avoient un gros hoc de picques croysées au bout de leur 
fl fossé qui gardoitque les François ne pou voient entrer» ce capitaine 
« prins sa picque en travers et la tenant ainsi la mist dessus celles 
» des Espaignols qui estoient couchées (croisées), et de sa grande 
« puissance leur fist mettre le fer en terre. » Il fut tué, mats il ou- 
vrit ainsi la brèche à ses compagnons* 

C'est la nécessité de iaire une trouée dans les bataillons carrés 
qui amena la cavalerie à employer les armes à feu ; car, malgré la 
valeur de la gendarmerie, il était bien difficile d'enfoncer une infan- 
terie aussi compacte, si elle n'avait pas été préalablement mise en 



(1) SuppUmenl de Girolàho Ruscblu à VHUl. de Paul Jovb , loin, ui, p. 60. 

(2) Mémoireiée Batakd, ch. tiy, p. 95. 



LIVRE l«. --CHAPITRE II. 139 

désordre par la mort des capitaines, ou des meilleurs soldats qui 
étaient toujours au premier rang. 

Dès 1501, on voit que la gendarmerie sentait le besoin d'avoir 
des armes de jet pour enfoncer les Suisses. <« Car ceux*ci étant des- 
« cendus en Lombardie» quelques hommes d'armes (rançois allèrent 
« au devant d'eux pour leur adresser une escarmouche, et pour ce, 
n montèrent à cheval, et la plupart prit grosses arbalètes bandées et 
« le trait dessus, et eux dehors lurent voir lesdits Suisses de si 
« près, que de la longueur des piques les approchèrent le trait en 
<< visée. Lesdits Suisses délàchèrent plusieurs hacquebutles sur les 
'( François qui de rien ne les endommagèrent, car leurs coups passe- 
nt renl par-dessus ; mais eux à coups de traits furent chargés de tant, 
« que six d*iceux fturent mortellement empennés W- » 

L'artillerie, il est vrai, était Tarme par excellence pour produire 
le résultat dont nous venons de parler, et pour ouvrir de larges brè- 
ches dans ces bataillons de piques; mais son peu de mobilité, ei sur- 
tout la di£Qcu1té de la disposer sur le champ de bataille d une ma- 
nière toujours avantageuse, paralysait ses efTets. JPlacée sur les ailes, 
elle risquait d'être facilement enlevée; placée dans les intervalles des 
gros bataillons,elle nuisait aux charges de cavalerie. On se contentait 
donc généralement de ladisposer sur le frontde l'infanterie» maisalorst 
dès que celle-ci marchait, les canons devenaient inuliles ; aussi les 
auteurs de l'époque, tels que Machiavel (% et Guillaume du Bellay (3), 
prétendent-ils que 1 artillerie doit se borner à faire une seule dé~ 
charge avant d'en venir aux mains. 

Néanmoins, lorsque les troupes étaient exposées quelque temps 
à ses coups, elles éprouvaient des pertes épouvantables; c'est pour- 
quoi les Suisses cherchaient toujours à s'emparer avant tout de l'ar- 
tillerie ennemie; et ce n'était plus en troupe, mais en tirailleurs qu'ils 



(1] Chr. de J. d*Adtoh, Kt. i, cb. lx, p. SS7. 

(2) Art de la guerre^ Ihr. n, p. 375. 

(3) IHêeipUnê milHairt, ch. xxi, p. 7i. 

18. 



140 GUERRE DE CAMPAGNE. 

s'avançaient contre les batteries» présentant ainsi bien moins de prise 
an canon. 

C'était généralement une troupe d'élite combattant sans ordre et 
appelée enfants-perdus,qui conmiençait le combat et se jetait sur Tar- 
tillerie. A Novare (1513), les Suisses lancèrent leurs en&nts-perdus 
contre l'aile gaucbe des Français, défendue par six cents lansquenets 
et vingt-deux pièces d'artillerie. La gendarmerie les repoussa; alors la 
grosse troupe s'attaquant aux lansquenets, les culbuta et s'empara 
de l'artillerie française. Les lansquenets se rallièrent deux ou trois 
fois; mais le canon français, dont les Suisses s'étaient emparés, com- 
mença « si fort à battre dedans eulx, que cela les découragea 
tous (^). » 

Ainsi les Suisses, avec leurs carrés de piques flanqués de leurs 
arquebusiers, se rient de la cavalerie, et quoiqu'ils répètent que dans 
les batailles ils n'ont d'autre ennemi que le canon (^), ils croient, 
ces fiers soldats, pouvoir toujours affronter avec succès une artillerie 
destinée à deveniivia proie de celui qui ose arriver jusqu'à elle. 

(!) Mémùirêê deFuDEARGE, liv. xxxTn, p. 219. 

(S) « Et dicoDo che non hanno altro nemico aile guerre che Tartiglieria.» Délia ielva di 
varia antiea e modema Utoria di Caelo Passi. » Supplétnenl au 3* vol., p. Bl de rJ7tilot>« 
de Paul Joyb» traduite par Dohxnichi. Venise, 1606. 



LIVRE I".— CHAPITRE Ul. 141 

CHAPITRE TROISIÈME. 

DE FRANÇOIS I*' A HENRI lY, OU DE 1515 A 1589. 



Si Tétat politique d'une société domine les institutions militaires, orgaDîMtionmitiuire. 
celles-ci à leur tour réagissent sur ia société elle-même. L'histoire 
de France fournit plusieurs preuves de cette vérité. Ainsi» avant l'é- 
tablissement des troupes organisées d'une manière permanente, 
l'esprit militaire était répandu au plus haut degré dans la noblesse. 
Celle-ci ne possédait ses fiefs qu'à la condition de. servir le roi 
par les armes (^)* La guerre était son métier, son devoir, son élé- 
ment. Elle fournissait une cavalerie très nombreuse qui s'éleva sou- 
vent de huit à dix miUe hommes d'armes ; mais la création de^la gen- 
darmerie d'ordonnance, par Charles VU, produisit cet effet inhé- 
rent à l'organisation de tout corps spécial, de circonscrire dans 
jn petit nombre l'esprit militaire, qui était précédemment l'apanage 
de tous. Ainsi déjà sous François I* , la portion de la noblesse 
qui pouvait trouver place dans les compagnies r^lièrement or^ 
ganisées d'infanterie et de cavalerie, se livrait seule au métier dès 
armes. Le fait est clairement expliqué dans le livrede/a/Ksctpfine 



(!) Noos eo avons déjà dooné une preuve qui date do xr dède. « En ISOT, Henri IV, dit 
« G. de Saolx, kt contraint (lea noMel de rarriàre-l»an) d'aller au siège d'Amiens, disant 
« que s*Us estoieni francs des tailles, c'atM fomr nin eomUmêêlUwMM à laguerre. • Mé- 
« moirvt de Gastaid m SàULX, p. 190. 



U«2 GUERRE DE CAMPAGNE. 

militaire y attribué au seigneur de Langey, et écrit vers 1540. « La 
c< raison , dit cet auteur, de la décadence de l'arrière-ban provient de 
<< ce que chacun veut estre des ordonnances pour s'exempter de l'ar* 
« rière-ban, de sorte que Içs gouverneurs qui souloient faire cinq et six 
c< cents hommes d'armes^n* en pourroiént à grand' peine mettre main- 
c< tenant cent ensemble, et ceux encore qu'ils y mettent se trouveront 
c( si mal en points qu'il seroit chose impossible d'en voir de plus pie* 
a teument équippez. Autrefois les plus grands seigneurs tenoîent 
c< à honneur d'en faire partie , et aujourd'hui tout le contraire (^).» 

Or, cette décadence del'arrière-ban , c'est-à-dire , de la chevalerie 
territoriale, devait entraîner, à son tour, la décadence de la noblesse. 
En s' exemptant du service militaire, la noblesse perdait son prestige; 
car le prestige ne dérive pas du privilège, mais des devoirs que le 
privilège impose. 

D'un autre côté, le peuple en France n'acquérait que difficilement 
Tesprit militaire;et quoique Charles VII et ses 8uccesséurs,en exemp- 
tant les archers des tailles» les eussent traités comme les no* 
blés, l'organisation des francs-archers avait été comprimée par l'a- 
doption d'infanteries étrangères. 

Au commencement du règne de François I*% l'infanterie française 
ne consistait qu'en compagnies d'aventuriers et on compagnies le- 
vées par commissions, en Languedoc, en Gascogne et en Picardie. 
On les appelait tes vieilles bandes W, et les guerres continuelles les 
avaient rendues permanentes 9). 



(1) DiêôipUne milUaite de Messire Guillàu» bc Bellay, seigneor de Lai«gst , Hv. i, 
ch. Tiii p. 46» LyoD, 1592. 

(2) Le P. Daniel se trompe en disant qu'on appelait les légionnaires premièrement levés 
les vieilles bandes; le passage suivant le prouvera.~«Durant l'absence du maréchal de Vieil* 
leville, dit Cahloix , liv. yq, cb. n, p. 6T7, on avoit tiré de Metz douze compagnies de 
m vieilles bandes françoises et envoyé à leur place autant de légionnaires de Champaigne et 
ic de Picardie) les plus mal disciplinés du monde. » Yoy. aussi la note suivante. 

(S) « Visgt enseignes de vieilles bandes et vieux soldats nourris et soldoyez par paûiù et 
« ptr yuénv, tant par le feu roy (François I*») que par luy.» Année 1551. Cùmmentaires de 
« J. Di Ràbutin, liv. II; p. 405, édit. Michaud et Poujoulat. 



LIVRE I«'.-CIWPITRE Ili. lis 

Chantereau (^), vieil ofBcierd'infanterie^qiH fitses premières armes 
à Ravenne, en 1512^ et dont on a un mannscrii écrii en 1540 (^, 
nous donne de précieux détails sur l'organisation » et les manœu- 
vres de rinianterie de ce temps. En France, en Espagne et en Ita- 
lie, Tunité élémentaire était toujours lenseigne ou compagnie com- 
posée de deux à trois cents hommes. En Allemagne , les enseignes 
étaient ordinairement de quatre cents soldatSi et vingt-^q enseignes 
formaient une unité de commandement à laquelle oa avait donné le 
nom de régiment (S). En France, chaque compagnie était commandée 
par un capitaine, un lieutenant, deux sergents de bande, comme aides 
du capitaine, et que, par honneur, dit Chanlerau » on appelait aussi 
sergents majors, et un cap d'escouade par vingt«cinq hommes (^)- Il y 
avait dans chaque compagnie des appointés qu'on nommait Lan$pes^ 
êodes ou Ampessodes^ qui étaient gentilshonmies et auxquels il était 
permis d'avoir pages et chevaux (^). 



(1) Le Miroir du Àrmety par J. CHÀimUAU, officier de M. le Dauphin; MS codex, Colb., 
96S7, regîm 711943. 

(S) « El parce que depuis Tingt^haii ana, c*esi assavoir dès la joamée de Ravepoe qu'ay 
caromencé à hanler el practiqoer les armes. » Jlndem^ fol. 3. 

(3) Frfmtperger Krieçsbueh^ Ut. n, p. OS. Francfcftirt, I56S. 

El dmmêntaireê de Don Lots d'Atoa it Cchiga, Ouerres d^ÀUewMgnê, liv. i, p. 14. 
Anrers, 1550. 

(4) Miroir dêi Àrmeê^ fol. 19, verso. 

(5) « Quand Us auronl fait i pié ong mille ou deux pour aerrir aux autres d'exemple pour 
les soulager, montent sur leurs chevaulx et lors baillent leurs piques et cabasset à leurs p»- 
ges, lesqueb feront marcher devant le bataillon.» Miroir des arme$, US cité, fol. 5. 

L*historiogrtphe m Vifnxxvuxi s'exprime ainsi ï leur sujet : 

« Car il y avoit en ce tempa-l^ aux bandes françoises, des places pour honorer b noblesse 
quand elle vouloit ranger avec les gens de pied pour fidre leur apprentissage d'armes, sa- 
voir : douse lancespessades en chaque compaignie à 30 livres par moys chacune, et quatre 
payes royales ^ 40 livres par moys aussi chacune^ qui estoit ung assez honneste appointe- 
ment pour entretenir et dresser beaucoup de braves gentilshommes; et estoient réservées 
lesdlctes places à soldats de cesie quafité, que les capitaines ne donnoient pas, mais les lieu- 
tenants de roy aux villes et provinces frontières (sur lesquels ils se reposaient), et estoit leur 
secrette charge d'esdairer les actions des capitaines, n'estant subjets ny obligés à autres fonc- 
tions que de laine les rondes à leur tour, après lesquelles ils se reiiroient en leur logis; car, 
de passer lea vingt et quatre heures en garde, ils en estoient et par laveur et par mérite 
eseropU; et pour armes ordinaires portoient le ooraelet, el jamais la harquebuse; mesme 
que le gentilhomme françois qui suit les bandes desdaigne la hallebarde, c'est-à-dire, faire 



m GUERRE DE CAMPAGNE. 

Noas voyons , d'après Montluc W et Rabatin C^), que les com- 
pagnies étaient quelquefois presque entièrement composées de gen- 
tilshommes. Néanmoins, on donnait toujours le pas aux troupes 
étrangères, distinction qui blessait profondément l'amour-propre 
national. Et Chantereau ^\ comme le seigneur de Langey W expri- 
ment la peine qu'ils éprouvent du refus qu'on faisait à l'infanterie 
française de garder le canon, ce qui était toujours considéré comme 
un grand honneur. 

C'est qu'il faut avouer que les lansquenets et les Suisses s'acquit- 
taient admirablement bien de cette chaîne et les habitants de cet 
étroit espace de terre renfermé dans les Alpes, faisaient toujours 
trembler l'Europe, parce que, malgré leur petit nombre, les Suisses 
seuls formaient un peuple de soldats. 

En 1513, ils descendirent en France et firent le siège de Dijon. La 
terreur qu'ils répandirent fut si grande, qu'on croyait que la France, 
ce grand pays, allait devenir la proie des petits cantons ! et l'auteur 
de la Discipline militaire dit à cetteo ccasion : « Une seule partie a 
« mis la France n'a pas trop longtems en grant eifroy, assavoir les 
« Suisses lorsqu'ils descendirent en Bourgogne, et tant manqua que 
« nous eussions la hardiesse de nous présenter ou point pour les re- 



Testât de sergeni, encore moins d'estre appelé caporal, allegoaui que sont charges mécani- 
ques. » Uimoireê sur Yuillstillb, par V. Gàmloix, liv. ir, cfa. xm, p. 543. 

(1) « Je regrettai encore plus mon Keutenani et mes soldats (d'iniànterie), la plupart des- 
quels estoient gentilshommes. » Commentairei de MoirrLUC, Ht. i, p. 50. Panthéon HtU- 
rairt, 

(3) « Selon les ordonnances ei commissions du roy furent ûùtesleTées de trente-cinq en- 
seignes, dont une partie esioit gentilshommes puisaisnex et cadets de grosses maisons. » 
CoiiiMMtifaîref de BÎabdtiii, liv. n, p. 405. 

(8) m Et j'ai cognu, qu'aii^ounThuy ne nous est haillé le gouvernement de l'artiUerie. et 
que les estranges nations sont préférées à la nosire quant à ce poinL » Iftratr des Arwus, 
M. 9 Tcrso. 

(4) « Les Suisses ont la garde de Partillerie, ne sont tenus ni aux conrées ni aux assauu 
conmie sont les François, lesquels sont députés âi l'avant-garde ou à rarrière-gaide ainsi que 
les moins taillants, et les estraogers ont toujours le milieu de la bataille, et ne Tont pas aux 
escarmouches. » Dtsctp/iiit du S', ne Làk«bt, p. 7, Terso. 



LIVRE !•'.— CHAPITRE m. 145 

• 

« cevoirt qae la grand part s'attendoit à leur faire place et vuyder le 
« P<iys, et cela pour vingt ou trente mil Suysses tous à pié et mal 
<x fournis d'artillerie <^). » On détourna cet orage avec de Targent; mais 
néanmoins, ce fait prouve toute la faiblesse de Torganisation mili- 
taire du temps. Aussi l'homme qui donna son nom à son siècle, eu 
encourageant les sciences et les arts; le souverain qui voulut acqué- 
rir Raphaël à la France, et dans les bras duquel mourut Léonard 
de Yinci, devait nécessairement chercher à faire revivre en France 
les grandes institutions militaires des Romains» que l'époque de la 
renaissance remettait en honneur- 

En 1534, François I** créa sept légions provinciales, chacune 
forte de six mille hommes* Il y avait six capitaines dans chaque légion; 
l'un d'eux avait le titre de colonel et commandait, outre ses mille hom- 
mes, toute la légion. Chaque capitaine avait sous lui deux lieutenants 
dont chacun commandait cinq cents hommes. D y avait une ensei- 
gne par chaque cinq cents hommes, un centenier par chaque cen- 
taine d'hommes : pour chaque bande de mille hommes, il y avait 
quarante caps d'escouade, quatre fourriers» six sergents, quatj^e tam- 
bours et deux fifres W. 

Malgré les efforts de François I** et ceux de Henri 11, qui en 1558 
rendit une ordonnance pour perfectionner l'oi^anisation des légions, 
cette institution ne rendit pas les services qu on en attendait. Le 
peuple en Brance avait été trop opprimé pour acquérir tout à 
coup ce sentiment de sa dignité et de son honneur, qui» à lui seul» fait 
les bons soldats- Les vieilles bandes aguerries par de nombreuses 
campagnes» s'étaient souvent battues avec courage; mais, en général, 
l'infanterie française ne sentait pas en elle cette confiance qui engen- 
dre la valeur. Chose qui aujourd'hui paraît presque incroyable, l'in- 
fanterie française ne voulait pas se battre, si elle n'avait avec elle 



J) Di$€iplinêàe Lamgiy, liv. i, p. 7. 

,i) Mémairêê de Do Bbllay , iW. i?, p. 501, et MUUe françaiiê du V. Dathil, tom. ii, 
p. 33S. 

TOSB I. 19 



146 GUERRE DE CAMPAGNE. 

• 

des lansquenets (0 ou des Suisses C^). En 1536, François P' fut obligé 
de casser la légion du Daupbiné à cause de son indiscipline (3). En 
1543, dix mille légionnaires assemblés près de Luxembourg, se mu- 
tinèrent et retournèrent en France. 11 ne resta sous les drapeaux 
que les capitaines et trois cents hommes v^). Enfin, à Metz, en 1557, 
le maréchal de Vieilleville fît tailler en pièces par sa gendarmerie 
et ses arquebusiers, plusieurs centaines de soldats des légions qui 
s'étaient révoltées; et à cette occasion on lit dans ses Mémoires : 
« Aussi les légionnaires ne sont pas tenus ny repputés pour gens de 
c< guerre, ains sortent du labouraige pour s'affranchir des tailles en 
c< servant quatre ou cinq mois ou quelque aultre espace de temps; et 
c< apportent certificat de leur service, que Ton appelle cUtestation 
« du serviny {sic) 9 qui est enregistrée aux greffes des jurisdictions 
c< ausquelles ils sont subjects. Le roy François le Grand leur donna 
« ce nom de légionnaires à l'ancienne façon des Romains, car ils s ap- 
te peloientau temps passé francs-archiers^ et en Bretaigne francs-tau- 
c< pin5. Mais, voyant que le service de telles gens mal aguerris estoit 
« du tout inutile, on commua cela en aident ; et appelle-tr-on ceste 
ce taille la solde de cinquante mille hommes de pied , à laquelle tous 
ce les roturiers universellement du royaume sont contribuables et 
ce subjects ; et de cest argent on en façonne de braves hommes et 
ce vaillants capitaines (^). » 

Ainsi, après avoir affranchi le peuple d'impôts pour l'engager à 
servir, on en était venu à lui imposer une lourde charge pour payer 
des hommes de guerre. 



(1) A NoTare, en 1513, lorsque les lansquenets furent défaits, il n'y eut plus moyen de 
faire^ avancer l'infanterie française. 

(2) « Ils ne youloiept pas combattre sans les Suisses. » Mémoires de Du Bellay, liv. iit, 
p. 414 (15%). 

(3) Lettre de François I'' à M. d'Estourville, citée par le P. Daniel, Milice française^ 
tom. I, p. 261 . 

(4) Mémoires de Du Bellay» liv. x, p. 748. 

(5) Mémoires sur Vieillbyillb, par V. Carloix, liv. vu, ch. ni, p. 678. 



LIVRE !•'. - CHAPITRE III. ii7 

L'infanterie élaît toujours armée de piques, de hallebardes, ^ Arm«m«ni d« liortii-- 
d'arbalètes et d arquebuses. Les piques des Allemands et des Suis- 
ses étaient plus longues que celles des autres nations.* Les Suisses 
tenaient la pique à deux mains par le milieu, comme on tient aujour- 
d'hui le fusil en croisant la baïonnette. Les lansquenets, au contraire, 
la tenaient par l'extrémité de la bampe et la manœuvraient avec un 
grand art W. 

Au commencement du règne de François 1", quoique les lansque- 
nets et les Suisses eussent environ le quart de leurs soldats munis 
d'armes à feu portatives, en France on avait toujours conservé l'ar- 
balète (2). 

Montluc contribua beaucoup en 1523 (^) à substituer Tarme à feu à 
Tarbalète. Les succès des arquebusiers espagnols, à la bataille de 
Pavie, accélérèrent également l'emploi des arquebuses (^); et en 1534, 
lors de l'institution des légions, sur quarante-deux mille hom- 
mes il y avait douze mille arquebusiers (^). On sera peutr*étre étonné 
de voir que nous ayons conservés! longtemps les anciennes armes de 
jet : cependant, si on ne considère que la régularité du tir,il faut bien 
le reconnaître, avec tous les généraux de Tépoque, l'arbalète était 



(1) « Si nous prenons la picque au bout du derrière etoousoombaiiODS du long de la picque 
nous sommes défaits , car rAUemand est plus dextre que nous en cette manière, mais il faut 
prendre les picques à deroy comme fait le Suisse, et baisser la teste pour enferrer et pous- 
ser en avant, et vous le verrez bien estonné.» Paroles de Montluc à ses soldats à Cerisoles. 
Comflienlatref, Ut. ii, p. 70. Panthéon littéraire. 

(i) « 11 faut noter que la trouppe que j'aVois n'étoit qu'arbalétriers , car , en ce temps-lii 
(15^), il n'y avoit point d'arquebusiers parmy oostre nation. » Commentairei de Montlic, 
liv. I, p. 8. 

(3) « Je menai à M. de Lautrec sept à buict cents boromes dont il y en avoit quatre h cinq 
cents arquebuziers, combien qu'en ce temps^là (1533) n'y en avoit encore guère en France.» 
Commentaires de Mortlcc, liv. i, p. II. 

(i) « Du temps du roi Louis XII, ou 0'avait pas l'habitude en France d'emmener eu cam- 
pagne beaucoup d'arquebusiers, jusqu'à ce que le puissant empereur Charles V, ayant défait 
et pris le roi de France François à Pavie, les arquebusiers espagnols furent très recherchés 
pour obtenir de tels succès. » (Traduction). VonAllerlei kriegsvcehr Sbnfftenbirg. MS du 
di'pôt général de la guerre, tom. v, p. 2 

(5) Je propose, comme ledict rov François 1*% uue légion de six mille hommes par pro* 

19, 



148 GUERRE DE CAMPAGNE. 

encore préférable à Farine à feu , Langey (0, Vigenère i% tous deux 
hommes d'expérience, proclament hautement cette vérilé. L'arque- 
buse à mèche avait le grave inconvénient de devenir inutile dès qu'il 
pleuvait; aussi, « lorsqu'on 1541, dit Senfftenberg, feu l'empereur 
t Charles-Quint, d'heureuse mémoire, flt son expédition d'Alger, 
« les archers maures et turcs étaient biens supérieurs à nos arque- 
« busiers, et quoique l'Empereur eût fondé de grandes espérances 
M sur ces derniers, les temps pluvieux les avaient rendus inutiles , 
« et ils furent repoussés honteusement par l'ennemi- Aussi l'Empe- 
<i reur se plaignit hautement et regretta souvent de n'avoir pas em- 
« mené avec lui d'Espagne quelques milliers d'archers qui lui eussent 
« été bien plus utiles que les arquebusiers (3). » Il est également cu- 
rieux de voir le panégyriste du maréchal de Vieilleville , avouer 
qu'en 1549, l'armée victorieuse de Henri II, ayant été assaillie dans 
la plaine de Boulogne par une tempête affreuse qui dura deux 
jours, fut obligée de se retirer parce que, dit-il, « l'arquebuserie ne 
« pouvoit plus tirer, et que l'armée eût élé ruinée, voir même ex- 
« terminée de flechades de mille à douze cents archei^s anglois ren- 



vince..... qui estoîenl en tout quarante-deux mille hommes de pied, auquel nombre il y en 
avoit douze mil d*arquebuziers, et tout le reste estoit piquiers ou ballebardiers. Observatiom 
militaires de SAiirr-Luc. MS n» 7112, fol. 4. 

(1) « L'on trouvera plus de gens blessez et tuez par le traict que par le double d'arquebu- 
ziers. Et cecy voudroys-je prouver par l'arbalestrier qui estoit dedans Turin au temps que 
Monseigneur le maréchal d'Ànnebaut en estoit gouverneur, lequel à ce que j'ay entendu, tua 
ou blessa plus de noz ennemis en cinq ou six escarmouches où il se trouva, que les meilleurs 
harquebuziers qui fussent en la ville ne flrent tout le temps du siège. D'un autre côté, j'ay 
ouy parler d'un arbalestrier lequel se trouva seul arbalestrier en toute l'armée que le roy avoit 
soulrâ la charge de monseigneur de Lautrec, et tua, le jour de la bataille de la Bicoque, un ca- 
pitaine espagnol nommé Juan de Gordoune qui avoit seulement haussé la veue de son ar- 
met. » Diêcipline militaire de GuiL. du Bbllàt, seigneur de Làngbt, liv. i, ch. iv, p. 20, 
verso. Lyon, 1592. Nous donnons à cet auteur le seul nom de Langey, pour ne pas le confon- 
dre avec Martin du Bellay. 

(2) a Et est une chose dont ont convenu les meilleurs capitaines de notre siècle, que les ar- 
chers et arbaleslriers faisoient plus de meurtres que n'en font les arquebusiers.» De V Artille- 
rie du XVI* siècle f p. 15. 

(3) Senfftenberg, MS du dépôt général de la guerre, lom. i, p. 36. (Traduction.) 



LIVRE I". — CHAPITRE II(. 149 

« fermes dans Boulogne W 1 9 Quelles étaient donc les raisons qui fai- 
saient que le sentiment général était pour Tadoption de l'arme à feu 
portati?e (^)? C'est ^ue Tarquebuse était plus commode à manier et 
plus légère que Tarbalète; c'est qu'elle permettait au soldat de porter 
avec lui bien plus de munitions (^); c'est que chacun pensait pouvoir 
intimider son ennemi par le bruit de la décharge (^). Et puis enfin 
c'est que le sentiment public qui a aussi son génie, car il devine de 
quel côté est le progrès, sentait que les armes à feu allaient sans 
cesse en se perfectionnant, tandis que les anciennes armes de jet 
déclinaient de jour en jour. Ainsi 1 Uolinshed écrivait sous Elisa- 
beth, «que les archers de son temps ne pouvaient plus bander d'arcs 
« longs et forts, mais tiraient de près, ce qui était honteux en compa- 
« raison de ce que faisaient leurs ancêtres. » (^) 

Cependant la simple arquebuse était une arme encore défectueuse; 
quoique ne pesant que douze à quinze livres ^^), on ne l'avait rendue 
facile à porter qu'en lui donnant un calibre extrêmement faible ; ce 
qui faisait que ses balles étaient très peu meurtrières. Mais sous 
François P', les Espagnols adoptèrent de nouvelles armes à feu» ou 
plutôt modifièrent une arme déjà connue , qui ne manqua pas de 
produire de grands effets. 

Nous avons déjà dit qu'il existait au siècle précédent, deux espèces 
d'armes à feu portatives. L'une appelée d'abord coulevrine puis 
hacquebutte, puis arquebuse, qui se tirait à main libre; l'autre ap- 



(1) Mémoires sur Viullsvilli, par V. Garloix, liv. lu, di. xxii, p. 515. 

(2) « GbacoD veut esire arquebusier. Je ne sçai si c*est pour lever plus de gages ou pour 
estre moins chargé, ou pour combaure plus loin m.DUeipHne de Largit, liv. i, eh. iv, p. 20, 
verso. 

(3) « Les archers et les arbalestriers ne peuvent porter sur eux munitions pour leur arc et 
aihalèce, auunt que font les harqoebuzîers pour leurs arquebuses .» Diêcipline de Linget. 
liv. t, ch. IV, p. 90, verso. 

(4) « Le plus des harquebuziers se contentent de faire bruit et de IH^cher leur liarquebuse à 
Tadventure. » Ibidem. 

(5) The lûiî volume of ihe Ckronicla ofEngland. p. 933, $ 40. London, 1S79. 

(6) « Der Fussknecht bat mit einem hacken von 12 bis 15 pfund schwer mit aller Rûslung 
xu tragen genug. » Senfftenberg^ liv.v, p. 2. 



150 GU£RR£ DE CAMPAGNE, 

pelée hacquebutte à croc ou à crocbetet qu'on tirait posée sur un che- 
valet. 

Or, vers 1520, les Espagnols ayant rendu ces hacquebuttes à croc 
tant soit peu plus légères, imaginèrent de les tirer sur une four- 
chette (^), ce qui les rendit beaucoup plus maniables. Dès lors les 
soldats chargés de tirer ces nouvelles armes furent nommés bac- 
quebuttiers/et ceux qui tiraient Tarme à feu de petit calibre arquebu- 
siers (2). On voit, en effet, par une ordonnance de François T', datée 
de Yincennes, le 26 mai 1527, que « les harquebousiers auront oultre 
« leurs places ordinaires ung sol par chascun moys, et les hacquebu- 
« tiers àixso\s (3)- » Plustard,on donna en France à cette arme le nom 
espagnol de mousquet,et les bacquebuttiers furent nommés mousque- 
taires. Le biographe du maréchal de Yieilleville fait honneur à son 
héros d'avoir inventé cette nouvelle armé , ce qui n est pas tout à fait 
exact. M. de Vieilleville, dit-il, fit « démonter environ soixante-dix 
« harquebuses à croq (*) de dessus leurs chevalets, et les fit porter 
« par ses gardes qui estoient grands et puissants hommes, etd'aultres 
« qu'il fist choisir parmy les bandes, invention qui a toujours esté 
« depuis prati<(uée aux gens de pied de ce royaume que Ton appelle 
« mousquetaires (^).» Cette nouvelle arme devait nous être funeste: 
car leur premier effet fut de tuer deux de nos meilleurs capitaines : 
le seigneur de Vendenesse et le fameux Bayard, à la retraite de Re- 
beck , en 1524 (6), et on verra bientôt les mousquetaires espagnols 
contribuer puissamment au désastre de Pavie. 



(1) « De ceste heure là furent inventées les arquebouses qu*on tiroitsur une fourchette. » 
(1521). Du Belllay, liv. i, p. 358. 

(2) (c Les Espagnols gectèrent force hacquebutiers et harquebousiers qui portent pierres aussi 
grosses que une hacquebute à croc.w Loyal serviteur, cb. Lxiv,p. 118 (année 1524) 

(3) Ordonnance louchani la gendarmerie. MS de la Bibliothèque royale n«'2174 et 9833, 
fol. 80. 

(4) VersxeUe époque, Tarquebuse à croc lançait uns balle de plomb de dix lignes de dia- 
mètre nu de sept à la livre. Voy. DUcour» sur VÀrtillerie, par Latreillb , commissaire de 
Tartillerie en 1557. MS fonds Saint-Germain n<> 374, vol. n, cote 512, fol. 54. 

(5) Mémoires sur Vieilleville, ^ar V. Carloix (1554), liv. vi, chap. xx, p. 627. 

(6) Le Loyal serviteur, cb. lxiv, p. 1-9. Ce n'est donc pas comme le prétend M. le 



LIVRE K- CHAPITRE III. 151 

Cinfanlerie Mr le champ de bataille était toujours rangée en gros ordonnance d. 1 .nf.n 
bataillons carrés ou rectangulaires de trois mille à dix mille hommes, ^"^ 
et composée de piquiers, hallebardiers et arquebusiers, dans des pro- 
portions assez variables. 

On distinguait deux espèces de carrés, les carrés d'hommes et les 
carrés de terrain. Les premiers avaient sur chaque côté un nombre 
égal d'hommes; les seconds, au contraire, avaient moins d'hommes 
en profondeur que sur le front; mais comme on laissait plus d'es- 
pace entre les rangs qu'entre les files, les soldats, ainsi rangés, occu- 
paient, en surface, un carré parfait. Pour former les premiers ba- 
taillons, il suifisait, le nombre d'hommes étant donné, d'en prendre 
la racine carrée, et comme il se trouvait souvent que le nombre n'é- 
tait pas un carré parfait, on plaçait dans les rangs des enseignes tous les 
surnuméraires (les figures suivantes rendront ceci plus clair). Pour 
former les seconds bataillons, on se servait de ce calcul inutilement 
complique : soient par exemple trois mille six cents soldats qu'il faut 
ranger en carré, en laissant à chaque soldat une distance de trois 
pieds, et un intervalle de sept W. On multipliait 3600 par 49, qui 
est le carré de 7, le produit 176400 étant alors divisé par 21 ou 3x7, 
on a 8400 dont la racine carrée est 91. Il y avait donc 91 hommes 
au premier rang; en faisant un calcul analogue on trouvait 39 pour 
le nombre de rangs formant la profondeur, il restait 51 homniiQ^ ^ 

à mettre dans les rangs des enseignes (^}. 

Souvent aussi les bataillons étaient rectangulaires; ils s'appe- 
laient alors pr(>por(ûmfuf5, parce qu'il s'agissait de disposer les hom- 
mes de manière à ce que le front du bataillon fût à la profon- 



capitaine Brunet, ud coup de caDon qui mil ûd aux jours du chevalier sans peur et sans re- 
proche. 

;1) Rappelons, pour la clarté des définitions, qu'en bngage militaire la distance est Tes- 
p;)ce mesuré perpendiculairement au front, et l'intenralle l'espace mesuré parallèlement au 
front. , 

:2) ÀrchUeetur, etc. durdi Gualthibus H. Ritiuh, th. iv, p. 39. Nûrnberg, 1547, ciTab- 
TAtiLu, NovaScientia, libro iv, quaestio in,p.l6>Vinegia, 156â. 



152 GUERRE DE CAMPAGNE. 

deurdans un rapport constant, comme par exemple de 4 à 3. Dans 
ce cas voici» d'après un manuscrit de Tépoque 0), le calcul que fai- 
saient les sergents-majors. 

Soient 3600 hommes à former en bataillon plein, de manière à 
ce que le front soit à la profondeur comme 4 : 3. Quel sera le nom- 
bre des rangs et des files? 

On multiplie 4 x 3 = 12, puis 3,600 par 12 = 43200, de ce der- 
nier nombre, on prend la racine carrée qui est 207, et alors, cTivisant 
207* par 3, on aura 69 qui sera le nombre de files ou d'hommes mis 
sur le front; et en divisant 207 par 4, on aura 51, qui sera le nom* 
brç de rangs, ou la profondeur. Il reste dans ce cas, 81 hommes qui 
se placent sur les flancs des enseignes. 

On conçoit maintenant pourquoi Chantereau nous dit que quel- 
quefois les sergents de bande demeurent longtemps à dresser les ba-^ 
tailles dont se sourdent grands cris et murmures (^). 

On citait ""comme soldats parfaitement disciplinés ceux qui pou- 
vaient se former en bataille sans les soins du sergent major C^). 

Pour montrer combien Tordre profond était en vigueur à cette 
époque, nous allons rapporter textuellement deux figures de deux 
bataillons copiées dans le manuscrit de Chantereau. On remarquera 
que les o, désignent les piquiers recouverts de corselets, les p les 
piquiers privés d'armes défensives, les a les hallebardiers, et les A 
les enseignes. 



(1) MS de la Bibliolbèque royale d» 7744-3, fol. 12. 

(2) Miroir des Armes, MS cité, fol. 7, verso. 

(3) « Aux soldats du seigneur de Strozzi (en 15^), il ne leor falloil nul serjent pour les 
mettre en bataille, parce que d'eux-mêmes chacun sayoit ce qu'il avoit h faire. » Mémoires 
de DU Bellay, liv. x. p. 744. 



LIVRE K -CHAPITRE III. 153 

Bataillon de 3602 hommes. 

OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 00000000000000000000000000000000000000000000000000000000000 
0000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000 

ppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppp 

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opaaa *A aaapo 

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opppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppo 

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OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 00000000 OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 0000000000000000000000000 
00000000000000 00000000000000000000000000000000000 oooooooooooooooooooooooooooooooooooo 

Ce bataillon modèle avait 85 hommes de front sur 42 de profon- 
dear, formant an total de 3602 soldats, dont 376 corselets, 512 hal- 
lebardiers et 2714 piquiers ordinaires sans armes défensives. Mais 
il parait que dans la pratique,la profondeur était encore plus grande, 
car Fronsberger compte ponr an bataillon de trois mille hommes, 
51 rangs sur 58 files (0, et Chantereau représente le bataillon fran- 
çais suivant où la profondeur surpasse l'étendue du front. 



(I) FtoNSFitcn, lfri$gtkuch, IW. u , p, 6i, Yeno. Fraockfuit, 1566. 

Toai I. 20 



ISi GUERRE OE CAMPAGNE. 

« En celte présente figure, dit cet auteur» est démontrée la forme 
« du bataillon des gens de pied françois que conduysoit M. le 
« marescbal de Montéjan, coronnal d'iceulx lorsque M, le Dauphin 
« arriva an lieu de Saînct-Ambroyse, et accompaignédeM- le Cones- 
« table, lequel bataillon fut entrelardé de rengs de allebardiers qui fu- 

< rent armez sur les flancs de troys picquiers, et ce fustpar Toccasion 
« du nombre superflu d' allebardiers. Lequel bataillon fut dressé en 
« telle figure et mesure devant Montcallier lorsque pensions avoir la 
« bataille. Et pour oster ceste confusion des allebardiers , furent 
«< amenez deux chariots de picques d'admonition^etlà le dict coronnal 
« fist laisser les hallebardes à ceulx qui en avoyent et n'en demoura 
« des rengs des allebardiers que neuf comprenant le reng des ensei- 

< gnes. Lequel bataillon marchoit de front, deux rengs de picquiers 
» armez soixante-cinq, et faisoient rengs soixante-huit. Les harque- 
« busiers estoient my partiz, dont Tune partie faisoit front et armoit 
« l'esle gauche du dict bataillon et marchoyent vingt et sept de front 
« et rengs soixante-cinq. A la queue dudict bataillon, esloit Tautre 
« part des harquebusiers en pareil nombre qui armoyent la queue 
c du bataillon et faisoient teste, lesquels picquiers, allebardiers et 
« harquebusiers faisoient nombre de sept mille neuf cent trente et 
« ung, néant moings qu'ils ne fussent tous soulz la charge du dict 
« coronnal , mais plusieurs estoient sortis des garnisons comme de 
« Turin et aultres lieux, lesquels se mirent en ordonnance dans le- 
« dict bataillon (^).» 

Ce bataillon avait, en effet, 65 hommes de front et 68 en profon- 
deur, sans compter les rangs des enseigues* Les 4462 soldats qui le 
composaient étaient divisés en 1572 hallebardiers, 2552 piqnes ordi- 
naires et 338 corselets* Quant aux arquebusiers, la bande qui mar- 
chait sur le flanc gauche avait 27 hommes de frt>nt sur 65 rangs; 
l'autre qui était placée derrière le bataillon, avait au contraire 65 
hommes de front sur 27 rangs. 

(1) U Miroir dei Armes, MScité, fol. 39. 



LIVRE r.— CHAPITRE IIl. 155 

Bataillon de 4462 hommes. 

6000000000 00 oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo«« 

OOOOOfOOOOOOOOOfOOOOfOOOOOOOOOOOOfOOOOOOOOOOOO 00 00000000 00 0000000 

ooopppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppooo 
opppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppppo 
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0000000000000000 00 0000 00 OOOOOOOOOtOOOO 00 00000 00 OOOOOOO 00 00000000 

90. 



156 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Ces figures fournissent matière à deux remarques : non-seule- 
ment elles font voir que les soldats recouverts d'armures, étaient 
dans une proportion très faible qui variait environ du neuvième au 
treizième du nombre total des piques, mais elles réfutent de la ma- 
nière la plus complète cette assertion d'écrivains modernes , que 
l'infanterie française n'adopta jamais l'ordonnance des Suisses et 
des Espagnols, el qu'au contraire elle ne se rangeait que sur dix 
rangs (*). 

Les bataillons carrés d'hommes n'étaient pas non plus serrés en 
masse, mais devant l'ennemi on laissait un intervalle d'un pas entre 
les Glesj et à peu près la même distance entre les rangs (^.Cet espace 
servait à donner passage aux hallebardiers, qui, ayant une arme plus 
courte, venaient dans la mêlée secourir les piquiers (^). Cependant 
Montluc, bomme de guerre expérimenté, préférait, à ce qu'il parait, 
opposer à ses ennemis une masse compacte sans distances, car à Cé- 
risolles, il commanda à ses sergents de crier sans cesse aux derniers 
rangs de pousser les premiers;ce qu'ils exécutère^t avec tant de force, 
que lui-même placé au premier rang fut jeté par terre (*). 

Dans les marcbes, ces carrés étaient rompus en plusieurs sections, 
de manière à ce que ces sections n'eussent plus qu'à faire un avant en 
6atoi7/e pour former le carré. « Ainsi, soient, dit Wal ter RiviuSj qua- 
« tre-vingt-un piquiers à disposer en ordre de marche, comme la ra- 
« cme carrée de 81 est 9, on divisera les soldats en trois sections qui 
« marcheront sur trois de front et nei^f de profondeur, et ces trois sec- 



Ci) Voy. l'ouTTage si remarquable d'ailleurs de M. J. RocquàNCOURt, sur VÂrt el HUtoire 
milUaire, tom. i, p. 340. Paris, ISM. 

(2) Lângbt, Discipline mlHaire^ liy. i,ch. XTi^ p. 61. 

(3) « Les piques serrent pour arrêter les chevaux, mais elles sont inutiles quand les rangs 
se joignent. Donc les Suisses, pour éviter cet inconvénient, mellent de trois en trois rangs 
de piques un rang de hallebardes, ce qu'ils font pour donner espace et Ueu pour combattre en 
une presse, k leurs piquiers, mais encore n'est-ce pas assez.» Langkt, D%$c» militaire , 11?, i , 
ch. xTi, p. 60. 

(4) Cimmenlaires de Montluc, Iîy. n, p. 70. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE III. 1S7 

^ lions mises les unes à côté des autres formeront le carré parfait (0. » 
Les arquebusiers étaient ordinairement divisés en deux troupes, 
comme dans Texemple ci-dessus» ou bien on en formait le premier 
et le dernier rang du bataillon 9). Quelquefois aussi ils étaient lan- 
cés en tirailleurs, et, dans ce cas, dit Chantereau « cent harquebu- 
« siers sont divisés en cinq escouades dont Tune se met au milieu 
« sans tirer pour remplacer les autres (^. » 

On commençait aussi à entremêler les arquebusiers avec la ca- 
Valérie (*), et nous en trouvons des exemples à la bataille de Pavie 
(1525); en Italie en 1543 (^), à CérisoUes; (1544), en Allemagne, 
dans la guerre Smalcalde (1546).(Q. Ce ne furent donc pas Gustave- 
Adolphe, comme le prétendent les auteurs allemands» ni Henri IV 
et Coligny, comme le prétendent les auteurs français» qui inven- 
tèrent cette ordonnance, mais ce furent les Espagnols. 

Les arquebusiers français, après avoir tiré, mettaient Fépée à la 
main et chargeaient tète baissée C^). Ils étaient moins pesamment 
armés que les piquiers, ce qui les rendait plus lestes (^). En Allema- 



(f ) ÀrehUeeim. dorch Guàlth, H. Ritium th. nr, S. 37. Naniberg,1547, et FiOHSBBtGU. 

(3) • Merk dass der Braucb ist bey deD erfainen kriegsIeatheD diss man gemetogklicbeD 
anf einen haufleD koecht ein gUed hinden und eîD glied ? ornen mit backenscbûzen ordoet. » 
G. H. RiTius, th. rr, p. 37, yereo. 

(3) Miroir dêt Àrmet^ M S, fol. 6. 

(4) « Ud géoéral devroii dresser quelque nombre d'arquebusiers armés légèrement, lesquels 
fussent combattre parmy les gens de chenal, car cecy peut foire grant ayde, et plusieurs bons 
chefs s'en sont quelquefois aydé, et même aujourd'huy les barquebusiers y serrent beaucoup.» 
Langit, Discipliné wiUiUUr9^ Ut. n, ch. m, p. 99, Terso. 

v5) « Les Espagnols mirent toute leur cavalerie devant, et vingt àvingt-cinq arquebusiers 
seulement à la tête d'ycelle (1543;.» Comm. deHoiTLUC, ilv* i, p. SS. 

(6) « Sortirent en grand nombre comme ilx font de coustume tant de gens k cheval comme 
barquebousiers k pied et repartis k leur accoustumé, assavoir les unp allant espaiicbes et 
sans ordre, et les autres en escadron.» Comm. de Lots n'AviLà, liv. i, p. 60, verso. Anvers, 
I5S0. 

(7) MoKTLUC, liv. i, p. 43. 

(8) « Si les corselets eussent pu cheminer comme nos arquebusiers , je les eusse défaits 
1^ (les Espagnols), mais il n*étoit possible par la pesanteur de leurs armes. » C<mm$nlair€$ 
de Mo!«TLUC, liv. i, p. 51 



158 GUERRE DE CAMPAGNE. 

gne, au contraire, Senfftenbef^ se plaignait de la trop grande lour- 
deur de leurs armures (^). 
Cavalerie Daus les Compagnies d'ordonnance, la lance fournie comprenait 

six chevaux, quatre pour l'homme d'armes, son page et varlet et deux 
pour ses archers (2). Jusqu'alors la cavalerie légère n'avait été com- 
posée que des archers des compagnies de gendarmes on d'estra- 
diots, mais pendant la guerre d'Italie, François I*' établit un corps 
de cavalerie légère sous la conduite desprincipaux seigneursdltaUe(^). 

D'après le livre de la discipline militaire, on comptait, à cette épo- 
que, quatre espèces de cavalerie, qui se distinguaient par leur ar- 
mure plus ou moins complète et par la taille de leurs chevaux. 
Lliomme d'armes avait le plus grand et le plus fort cheval; après ve- 
nait celui du chevau-léger, puis celui de l'estradiot, et enfin celui de 
l'arquebusier W. La taille ordinaire des chevaux des gens d'armes, 
excédait cinq palmes et quatre doigts (^). 

L'armement de la cavalerie est décrit de la manière suivante par 
l'auteur que nous venons de citer. 

« Premièrement, l'honmie d'armes sera arméde soullerets(armure 
« de pied) grèves entières, cuyssots, cuyrasse avec les tassettes,gorge- 
« rin,armetavec les bavièresi gantelets,avant-bras, gousset etgrandes 
« pièces. Les chevau-légers seront bien à cheval armez de haussecol, 
« de hallecret, avec les tassettes jusques au-dessous du genou, de gan- 
« telets, d'avantr-bras et grandes e^paulettes et d'une salade forte et 
« bien couverte à veue (visière) couppée, leurs cazaques seront de la 



(1) MS da dépôt géDéral de la guerre, lom. iv , p. 29. 

(S) Ordonnanee de 1530. HS n» 217«, et n» 9833, fol. 81. 

(3) Mtiê néceMêoirei aux gens de guerre. HSde la Bibliothèque royale n« 1078, fol. IS, 
▼erso. 

(I) DiicipUne mUiUUre du selgneor de Lakgbt, eh. ti, p. 48. 

(5) « Et toos les grands chevaux qui excédoieut la haulteur de six palmes et quatre doigts 
demourèreut dans la ville. » Capitulation de Fossan en 1536. Dubillat, Ht. ti, p. 576.— En 
prenant le palme romain ordinaire qui est de 0,"23l cela faisait une hauteur de 1"54, taille 
des cheraux d'artillerie d'aujourdliui. 



LIVRE I**.— CHAPITRE III. 159 

« couleur de ren8eigne;il8 doivent porter! epée^la masseà l'arçon et la 
« lance bien longue au poing. Les estradiots comme les chevau-lëgers, 
« sauf des bras au lieu d'avant*bras etdegantelez. Ils auront des man* 
« ches et des gants de maille, Tépee large au costë, la masse à Tarçon 
« et une zagaye au poing, longue de dix ou de douze pieds, ferrée par 
a cbascun bout d'un fer bien aigu et trancbant, ou bien ils porteront 
« aussi la lance comme les autres; leur accoustrement sur le harnais 
« doit estre assez court et sans manche et de la couleur que dessus. 
« Les estradiots peuvent servir pour les escarmouches, et font grand 
« eschec de gens desarmez et de chevaux avec leur dite zagaye, et 
(( aucune fois s'il faut mettre pié à terre, peuvent faire le mesme 
« effet que les piquiers; s'il advient qu'ils portent lances, ils s'en pour- 

< raient ayder comme les autres. Les harquebuziers aussi seront 
« bien montez et leur harnois sera pareil à celuy des estradiots, ré- 
« serve la salade, car ceux-cy auront seulement un cahasset, afin de 
« viser mieux, et avoir la teste plus délivre» l'espée au costé, la masse 

< à l'arçon d'une part, et l'harquebouze de l'autre dedans un fourreau 
a de cuir bouilli, lequel tienne ferme sans bransler. Ladite barque- 
« buze pourra estre de deux pieds et demi de long ou de trois au plus 
« et qu'elle soit légère. Les gages des harquebuziers pourroient estre 
«< de trois escus en| temps de paix pour chacun mois, et de l'estradiot 
M quatre, du chevau-léger cinq, et de l'homme d'armes sept (^). 

A cette époque, les chevau-légers hongrois étaient très estimés 
dans l'armée de Charles-Quint. Voici la description qu'en fait Louis 
d'Avila. «Le roy admena neufz censchevaulx hougrois» que à mon 
I jugement sont des meilleurs chevanlx-légiers du monde , comme 
« bien le monstrërent en la guerre de Saxen l'an passé quinze cens 
« quarante six, et maintenant en ceste de l'an mil cincq cens qua- 
a rante sept : les armes qu'ilz portent sont longues lances creuses 
« et assez grosses avec lesquelles ilz donnent grand rencontre, ilz 



(1) Discipliné de Largit, p. 51. 



160 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« portent des escuz ou targes estant par bas larges jusques à len* 
c< droit du milieu d'icelles et dois la elles vont estroissisant par de- 
c< vant en poincte laquelle leur passe pardessus la teste et sont si 
» crombes et tornées comme pavois; en ces targes ou escuz, ils por- 
« tent painctes divises à leur mode, ce qu'il faict beau voir; aucuns 
« d'iceulx Hongrois portent jaques de maille, et plusieurs portent 
» cymitarres et joinctement estocz et certains marteaulx à longues 
« manches dont ils s'aydent très bien (^). 

Nous avons vu dans le dernier chapitre qu'en 1495,on avait intro- 
duit dans l'armée française des arquebusiers à cheval; or, vers 1544, 
la cavalerie avait adopté (^) une petite arquebuse de gros calibre (3), 
qu'on appelait pistole, non parce qu'elle avait été inventée à Pistoja, 
mais parce qu'elle avait le calibre de la pièce de monnaie, alors très 
usitée, qui portait ce nom. Cette arme était très dangereuse parce 
qu'on la tirait à bout portant. Les cavaliers allemands appelés d'abord 
noirs harnais et plus tard reitreson pistoliers, étaient déjà en grande 
réputation en 1545 (^). Aussi les auteurs, qui signalent la. supériorité 
de l'arbalète sur l'arquebuse, se gardent bien d'établir cette même 
supériorité sur les pistoles ou pistolets, etYigenère s'exprime ainsi : 
« Quant aux pistoIiers,c'est un cas à part, car de se mêler parmi eux 



(1} CommeiUairei de Lots d'âtilâ, traduction de Matb.TÂUCHiBB, iîv.ii, p. 98, verso. An- 
vers, 1550. 

(2) « Le seigneur des Bordes et le jeune Senlis, tous deux de la maison de monseigneur 
d*Orléans,y furent tués de coups de pistoles qui sont petites harquebouzes, qui n'ont qu'en- 
viron un pied de canon, et tire-l'on avecque une main, donnant le feu avec le rouet. » Mé- 
moiret de Du Bellay, liv. x, p. 779. Année 1544. 

(3) « Les balles des arquebouses fort minces, plus assez que d'une pistoUe. » Vioinèrc. 
ArtilleHe au XVP sièeU, p. 7. 

(4) « Commencent avec leurs chevaulx -légers que sont les noirs bamaiz, ainsi appelez 
pour ce que les bamatz 'qu'ils portent sont noirs avec manches de maille et certains morions 
converts^ls ont des pistolets d'environ deux palmes de long et des espieux dont ilz se sçavent 
ayder en plusieurs sortes, et quand leurs gens de pied se trouvent en quelque dângier à l'es- 
carmouche ilz les sçavent bien secourir, et avec les choses susdictes ilz se aydent très bien 
deleur artillerie. > CtmmefU. de Lots d'Avux, liv. i, p. 50. « Unsere teustsche Reisigen die 
man die schwarzen Reulher nennt, welche stch Jeziger Zeit schier als unûberwintlich acbten. » 
SpcFTTiNBBRG, MSdu dépôt général de la guerre, tom. m, p. 90, verso. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE III. 161 

« je ne cuide pas qu'il y fasse guère bon W ». Néanmoins, Paul Jove 
fait dès lors à la cavalerie allemande, le reproche qu'on lui adresse 
encore de nos jours» déménager trop ses chevaux (^). 

En 1558, chaque compagnie de gendarmerie avait cinquante ar- 
quebusiers à cheval (3) qu'on appelait argoulets en France, et cara- 
bins en Espagne (^). Il y avait également des arquebusiers qui étaient 
considérés comme infanterie à cheval; car Paul Jove parle de 
cinq cents excellents arquebusiers que près de JLandrecies, en 1543, 
Pierre Strozzi avait mis à cheval afin qu'ils ne se fatigassentpas (^}. 
Voilà donc l'origine des dragons- 

En Allemagne, les escadrons de deux mille chevaux comptaient 
quatre cents arquebusiers et mille six cenis lances; parmi ces der- 
niers, il y en avait au moins cent appelés cuirassiers armés de pied en 
cap et dont les chevaux étaient bardés (^). Les compagnies étaient de 
trois cents chevaux, commandés par un capitaine appelé Rittmeis- 
ter, un lieutenant, un porte-enseigne et un fourrier. El pour chaque 
cinquante chevaux, il y avait un chef de fil (Boltmeister) C^. 

La cavalerie se plaçait sur le champ de bataille eu carrés comme 
Tinfanterie W.Cependant,la cavalerie espagnolede Charles-Quint n'a- 
vait pas adopté un ordre aussi profond que l'infanterie, car Louis d'A- 
vila dans son récit de la guerre de Smalcalde, en 1546, s'exprime 
ainsi : <• Nos esquadrons estoient ordonnez autrement que ceulx 
« des Allemands, car ilz font fort estroict le front des esquadrons 
« de leurs gendarmes et les costez fort larges , mais TEmpereur 



(I) ViGlictii, Artillirie ttuxvr$iéeie, p. 16. 
(î) Tom. II, lit. XLV, p. 786. 

(3) Mémoirei sur VieilUvUU, par Carloix, li?. m, p. 696. 

(4) « Et pour la cayallcrye, je la distiogneray en deux parties, Tune de b gendarmerye ei 
rautre de$ chcvao-légere et barquebusiers à chefai oommex argoleu, ei par les Espagnols ca- 
rabins. » MS n* 711 ^ coté 1 10, fol. 63. 

(5) Paul Joti, tom. n, IW. xtnr, p. 718. Tradncl* de DoanncHi. 

(6) FoNsrBion, Mriegi^wh, Ihr. n, p. 46, verao. Frankfart. 1666. 

(7) IMem, IW. n, p. 60. 

* (8) « >Verden jeu fost geriert wie der làaaknechl-ordnung gemaclii. > Fnoifsmoia, 
MHegtbuck.My. n, p. 66, verso. 

TOME I. 



2! 



163 GUERRE DE CAMPAGNE. 

c( ordonna les siens de dix-sept chevaulx de front, parquoy ledict 
(X front estoit bien large, démonstrant qu'il fusse de plus grand 
c( nombre de gens, et se représentant très belle vene^ et, à mon 
c< jugement, c'est le meilleur et plus seure ordre, quant la disposi- 
a tion du lieu le permet, car ung esquadron de gens de cheval es- 
ce tant large de front, ne se peult bien environner par les costez, ce 
c( que facilement on peult faire estant Tesquadron estroict de front, 
a Et pour le choc souffisent dix-sept rengées, car, ainsi Ton peult 
Ci chocquer et donner en autre esquadron, de ce que s'est veu l'exem- 
a pie manifeste en la bataille que les gendarmes de Flandres gai- 
ce gnèrent à ceulx de Clèves auprès de la ville de Zittart (Sittard;, 
ce Fan mil cinq cens quarante*trois 0). » Nous avons encore, comme 
preuve du même fait, un autre témoignage important, c'est celui de 
Saint-Luc. Cet auteur dit dans ses Observations militaires ^ que le duc 
d'Albe ayant trouvé les escadrons des reitres trop profonds, voulnt 
que les siens eussent le front deux fois plus large que la profondeur. 
Aussi comptait-il, en supposant que chaque cheval occupât un espace 
de six pas sur deux, qu'un escadron de mille sept cents chevaux sur 
dix*sept rangs occuperait un rectangle de cent deux pas sur deux 
cent quatre (^). 

Ainsi, les auteurs modernes qui avancent que Gh'arles-Quint 
introduisit l'usage des gros escadrons se trompent complètement ; 
non-seulement Charles-Quint trouva dans ses troupes allemandes l'u- 
sage depuis longtemps établi des escadrons carrés, mais ce fut lui qui 
diminua la profondeur de ces escadrons. 

Notons ici en terminant cette digression, qu'une grande partie de 
la cavalerie était, à cette époque, en Allemagne surtout, employée 
à la guerre de tirailleurs, combattant éparpillée, comme les en- 
fants-perdus de l'infanterie (^). 

(t) Commentaire de Lovs d'Ayua» trailiicliOD par Hâtthibu Vaslceibi, liv. ii« p. liO, 
verso. Anvers, 1550. 

. (2) Ob$ervaL milii. de Sàhit-Luc, MS de U BîUiolhèque royale n« 7112, fol. 138. 
(3) « Firent sortir au secours de leurs barquebousiers mille chevaikx venans en trois es- 



UTRB I**.- CHAPITRE m. 163 

L*artillerie française reçut soas François I*' de puissants accrois- Artillerie. 
sements et une organisation pins centrale. Nous n'avons pas con- 
naissance de tout ce qui iîit fait alors dans ce but» mais nous savons, 
par le manuscrit d'Abra de Raconis, que François I*' fit fondre à 
Paris cent grosses pièces d'artillerie de bronze; ce qui était alors 
une assez forte dépense (^). 

A cette époque, les pièces démesurément longues étaient en grande 
faveur et on lés employait à la défense des places (^). Cependant les 
équipages de siège et de campagne étaient composés de pièces assez 
courtes et réduites à un petit nombre de calibres, ainsi qu'il suit : 

DtsiMATioit OIS riftcu. Poids do boolet. Poids de la pièee. Cbefiox. 

Grand Ittsiliqoe (3) SOUms. 8 k 9000 tirra . . . 

Dooble eanon 42 7000 35 

CaDon serpentin U 4000. .... 21 

Grande coulevrine 15 3500. »... 17 

CooleTrine bAtarde 7 iOOO 11 

CooleTrine moyenne. ... S 1900 4 

Faucon 1 800 3 

Faoconneau 14 onces. 300 2 



quadrons, le premier pouroil estre de cent cberanli, lesquels Tcnoient empara» les autres 
deux Tcnoient en leur ordre et suyroit Tung Faultre. » C<mmentaire de Lots d'Ayila, Iîy. i, 
p. 36. 

(1) « En mea plua jeunes ans» estant lors employé k tenir le compte des feits de la fonte 
et montage de cent grosses pièces d*artinerie que le grand roi François I*' faisoit fondre en 
son arsenal k Paris. » Traité d'Abia db Racohis, MS n«« 2499 et 1801 , fui. 62. 

(2) « i'ay Teu en larcenal de Paris, du temps du grand roy François 1*% cinq grandes cou* 
lenines ayant pour marque le por eapic (ces pièces deyaient dater de Louis III, puisque ce 
prince avait adopté rembléme du porc-^ sur ses drapeaux), lesquefles avolent vingt et deux 
pieds en long sllmen souvient bien et portoyent boulet de canon. U en fut aimené audict ar- 
cenal deux adtresaux armoiries de Bretalgne qui estoient encore plus longues, et on en vit 
une aussy fort longue en la ville de Tbérouane, nonunée mida me de Hère, pour ce qu'elle 
portoit de volée dudkt Thérouane, Jusques en la ville de .Here^ ce que je remarque contre 
Topinion de ceulx qui tiennent la longueur desAtes pièces ne servir de rien, jaçoit que Fex- 
périence prouve le contraire. » IMim^ fol. 64.—- Rabutiii, dans ses Commentaireif Ifv. v, 
p. 453, parle également de deux fort belles et longues coule vrines perdues k Thérouanne 
• runeappdée madame de Hère, pour ce qu'elle ponçât jusques dedans le marcbéet la place 
de ceste petite ville, k deux lieues de Ik ; l'autre dite madame de Fralin qui n'estoit guères 
moindre. • 

(3) Ces données sont prises du traité d'AniA ni Racohis et des manuscriu suivants. MS 

91. 



16i GUERRE DE CAMPAGNE. 

Pour rendre les moyennes plus mobiles, on en doublait souvent 
Tatlelage. Nous en verrons un exemple à CerisoUes. 

Ce petit nombre de calibres avait procuré de grands avantages 
contre les artilleries ennemies, qui étaient toujours encombrées 
d'une infinité de bouches à feu de différents calibres. Aussi Lalreille, 
commissaire d'artillerie sous Henri IL en vantant la simplicité de 
« Tartillerie française, dit, que Charles-Quint expérimenta bien la 
« conftision d'un trop grand nombre de pièces (0. » En effet, l'arlillerie 
de Charles-Quint était à la fois allemande, espagnole et italienne. 
Fronsperger, qui décrit l'artillerie allemande de cette époque, parle 
de pièces tirant des boulets de fer de 100, 75, 50, 25 liv, traînées sur 
chariots porte-corps; d'autres lançant des boulets de 18, 8, 5 et de 
2 livres, soit en fer soit en plomb, trainéessur affût; il fait mention de 
canons à feu (feuerbuchsen), espèce d'obusiers qui n'avaient que qua- 
tre pieds de longueur, mais dont l'âme avait quelquefois jusqu'à un 
pied de diamètre; on les menait en campagne pour lancer, soit contre 
une ville, soit sur un gros de troupes, des balles à feu, des grenades C^, 
des boulets creux ou de la mitraille composée de petites pierres ; 
enfin, il parle de mortiers, et d'orgues faits de plusieurs arquebuses, 
mis ensemble sur un train C^). 

L'artillerie italienne employait, d'après Tartaglia, les calibres sui- 
vants que nous avons réduits en mesures décimales (^). 



D«* 2174 et 9633, fol. 118, écrit environ en 1534. Mémoire pour ParMUrie de 1518, MS 
n««7113etll0,fol. €6. 

La grande basilique pesait andennemeni de 8 à 9000 livres. Trailé de Lateiillb, écrit 
en 1560. MS fonds Saint-Germain, n« 374, tom. n. 

(1) MS delà Bîbtiothèque royale, fonds Saint-Germain, n« 374, tom. n, fol. 46, verso. 

(3) « Gegossene feuerkogeln. » Fbokspbigii, liv. vi^ p. 97, et llv. vn, p. t57. 
(S) FnoRSPERGBR, Kriegibuchy liv. iv. foL 89, édiL de 1566. 

(4) Taitalbaj Nova Scieniia^ liv. i, p, 19.Vinegia,1562. 



LIVRE I«.-CHAPITRE III. 

AETILLBEIB ITAUBNNB. 



165 



• 

DÉSIGNATION DES CALIBRES. 


LONGUEUR 

delà 

PIÈCB. 


roiM 

de 

LA riicE. 




kiL 

.Fauconneau de 3 livres de Venise, plomb ( 0,906). 

Faucon de 6 fer(l,81;2). 

Aspic de 12. ( 3,624). 

Sacre de 12 (3,624). 

Sacre de 12 ( 3,624). 

Sacre de 10 (3,020). 

Coulevrinede 16 (4,832). 

Passe- volant de 16 (4,832). 

Coulevrinede 14. ....... . (4,228). 

Coulevrinede 20 (6,040). 

Canon de 20 (6,010). 

Canon de 20 ( 6,010). 

[coulevrinede 30. (9,060). 

Canon de 30 ( 9,060). 

Coulevrinede 50 (15,100). 

Coulevrinede 50 (15,100). 

Canon de 50 (15,100;. 

Canon de 100 (30,200). 

'Canonde 120 (36,24<>). 

[Coulevrinede 120 (36,240). 

Bombarde de 250 pierre (75,500). 

Bombarde de 150 (45,300). 

Bombarde de 100 (30,200). 

Bombarde de 100 (30,200). 

jCourlaude 45 (13,590). 

|Courtaude 30 (9,060). 


7,908 
2,422 
1,908 
2,T76 
3,122 
2,776 
2,593 
4,164 
2,î.49 
3,473 
2,422 
2,776 

w 

a 

3,473 
4,164 
2,949 
3,122 
3,473 
5,205 
3,473 
3,473 
3,473 
2,949 
2,422 
2,595 


121* 
369 
394 
423 
650 
423 
530 
828 
67» 
1300 
664 
755 

m 
» 

1627 
1993 
1208 
76i8 
3772 
S926 
2687 
1856 
;661 
1359 
827 
483 


2cbevaux. 

! 

8 
10 

6 
10 
10 

10 iMBufs. 
U 
10 
12 
16 
12 
24 
28 
18 
36 
50 
56 
38 
24 
22 
18 

6 

6 



On voit par la comparaison de ce tableau avec celui qui précède, 
combien rartillerie française était simplifiée. 

Sous Cbarles-Quinty il est vrai, on perfectionna en Espagne la 

fonte et les proportions des pièces de bronze. Lies douze bouebes à 

feu que l'Empereur fit fondre à Malaga pour son expédition de Tunis, 

étaient des canons ayant 45» de 18 calibres de longueur, et pesant 

7000 livres (^); ils furent nommées les douze Apôtres, et restèrent 

longtemps comme les meilleurs modèles des grosses pièces. On avait 

adopté en Espagne les calibres de 40, 21, 12, 6 1/2, 3 C^. 

(1) Vay. DiMGO Ufano, p. 26. Frauclbit, 1615. 

(9 Voff. la DescripUim de ^ttrlillerie de CharUi-Quinê^ qui comprend non-seuleaient les 



166 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Diego Ufano dit que Charles-Quiot avait voulu que ses calibres 
fussent plus grands que ceux de ses ennemis, afin de pouvoiir se ser- 
vir de leurs boulets. Nous ne voyons guère que cela pût s'appli- 
quer aux boulets de calibres français. D'ailleurs, malgré les perfec- 
tionnements que reçut rartillerie espagnole, elle fut toujours au xvi' 
siècle bien inférieure à Tartillerie française. 

Les figures représentées sur la planche VU font connaître, quoique 
imparfaitement, les diverses artilleries de Tépoque. La figure 1 est co- 
piée d*une gravure représentant le siège de Boulogne par Henri YIIl, 
enl544 (*). Les fig. 3 et 4-, dessinées d'après le mausolée de Françoîsl*', 
sont empruntées au Traité de la tactique des trois armes^ de M. le 
capitaine Favé; la figure 3 représente Tartillerie française à Céri- 
solles; et la fig. 4, l'artillerie suisse à Marignan. La figure 5 est prise 
de Tartaglia. On y voit une espèce de manivelle formant vis de poin- 
tage. La figure 6, empruntée à Fronsperger, Kriegsbwh^ nous fait 
voir que les pièces de campagne n'avaient ni avant-train ni limo- 
nière. Cependant » le même auteur fait mention d'avant-train pour 
les grosses pièces, et en représente même dans ses planches. La fi* 
gure 7 est tirée de CoUado ; les figures 2 et 8 sont prises du manuscrit 
de Senfftenberg (dépôt général de la guerre $ir)* Ce Senfftenberg écri- 
vait vers 1570; il était mallre de l'artillerie (Zeugmeister) de Dant- 
zick, et avait servi sous Charles-Quint. 

Les dessins de la planche YIII sont à peu près de la même épo- 
que : la figure 1 est un canon anglais copié de la gravure du siège 
de Boulogne, en 1544, déjà citée; les autres figures sont extraites du 
manuscrit de Senfiîtenberg. Les figures 2 et 3 font voir que l'on por- 
tait en Allemagne, non-seulement les grosses pièces sur des cha- 



pièces qu'il a fail fondre par Loefler, mais aussi les, bouches à feu conquises dans la guerre de 
Smalcaldes. MS de la Bibliothèque royale, fonds Saint-Germain, n<" 104 et 164. 

(1) « Th€ siège of Boulogne by Mng Henry YIII, 1544, engraved from an oïl paintingal 
Cowdray in Sussex the seat of lord yiscount Montague. 



VUïll.l.KiîiK !)K ( Wll'lCNKDI Wl' SIKCI.F. 



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lu»' (') !•.... .1. ij 







LIVRE !•'.— CHAPITRE 111. 167 

riots porle-corps, mais même leui*8 affûts ; ce fait d ailleurs est expli- 
qué dans le texte. La figure 3 est un obusier de Tëpoque, appelé 
par Senfftenberg, feuerkatzen ; nous lui donnons le nom d'obu- 
sier long, parce qu'en effet ces bouches à feu étaient à chambres, 
et lançaient,soit des boulets creux, soit de la mitraille sous des angles 
peu élevés. Ceux que représente Senfftenberg avaient six, huit et dix 
pouces de diamètre intérieur» et six pieds de longueur (^).La figure 4 
repirésente des mortiers tels qu'on les conduisait en campagne à 
cette époque. 

En 1540, François I*' créa onze magasins et arsenaux distribués 
par provinces. En 1543, ces magasins furent portés au nombre de 
quatorze (^). Ces arsenaux devaient contenir les pièces, les poudres, 
salpêtres et approvisionnements nécessaires à l'artillerie, et à la fabri- 
cation de tout ce qui a rapport à l'arme; ils étaient sous la surveillance 
du grand-mattre et du contrôleur de l'artillerie on des hommes délé- 
gués par eux* Tons les hommes employés à l'artillerie tels que les 
lieutenants, commissaires, canonniers, fondeurs, prévôts, chirur- 
giens, apothicaires, fourriers, charpentiers, charrons, forgeurs, dé- 
chargeurs, capitaines et conducteurs du charroi, devaient être bre- 
vetés du grand-mattre (^« L'unité s'établissait donc de plus en plus 
dans l'administration de l'artillerie. 

Paul Jove fait de la manière suivante l'âoge de Tartillerie de 
François I**, réunie à Grenoble avant la campagne de 1515- << Les 
a Français n'attèlent pas à leurs voitures de faibles chevaux ni 
« les premiers venus; mais ils achètent à grand prix les plus 
<x forts et les plus fougueux , et les nourrissent bien afin qu'ils 
c< puissent vaincre les obstacles de terrain. Ds ont une grande con- 
o sidération pour les maîtres de l'artillerie et pour les canonniers 



(1) Foy. SmrmMBnu, t. m, p. 1 et suivintes. 

(2) Ordonnance an 16 mars 1540, MS n- il99et ISOl, fol. i. 

[Z) «NouTelleroeni Tenaot ao serfke seroniteniu prendre du maistre leiiresde reieaue.» 
Ibidem, 



168 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« à cause de l'adresse que l'expérience leur a donnée et des dangers 
« auxquels ces hommes sont exposés. Ils leur donnent de grosses 
« paies f et ils ont organisé dans toute la France un grand nom- 
« bre de jeunes gens qui s'adonnent avec zèle à cet art, l'appren- 
ti nent des plus âgés, et peu à peu acquièrent le grade et la solde 
•< de leurs anciens. (L'historien italien veut parler ici des canonniers 
« ordinaires et extraordinaires.) Comme, par la libéralité des rois, 
« le courage fut toujours récompensé, et que ces hommes reçurent 
« toujours en temps de paix, comme en temps de guerre, de très 
« gros salaires^cetle habitude de ne jamais épargner l'argent pour l'ar- 
« tillerie a rendu les Français très redoutables, et a été la cause d'un 
'< grand nombre de leurs victoires; car, quoique. les Espagnols, les 
« Italiens et les autres nations aient appris à fondre des canons avec 
« un grand art, et qu'ils en aient fait un grand approvisionnement, 
» cependant, quand le moment vient de s'en servir ils le font avec 
« peu de succès, surtout à cause de la lenteur des bœufs et de la 
H crainte de l'énorme dépense que cela nécessite, et enfin à cause 
« de l'ignorance de ceux qui gouvernent Tartillerie et qu'on trouve 
< même en petit nombre, parce qu'il est difficile de se procurer 
« des hommes qui veuillent s'exposer à un danger manifeste, si on ne 
«< leu r donne de grosses paies W . » 

Les dépenses que nécessitait l'artillerie étaient déjà très gran- 
des, car Fronsperger dit que, si un souverain calcule les frais d'une 
campagne à 300,000 florins» il faut qu'il compte un tiers pour l'in- 
fanterie, un tiers pour la cavalerie et un tiers pour l'artillerie (^}. 

Quoique, en France, comme dans les pays étrangers, on traînât 
en campagne à la suite des armées des pièces de siège, souvent on 
séparait les bouches à feu de campagne du grand parc. Nous en ver- 
rons un exemple en 1515. 



(1) Paul Jove, iraduction de Dooenighi, liv. xt. p. 396. 

(2) FmonspiaGBR, Knegsbueh, Ut. ui, p. 72. Franckfurt, 1566. 



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LIVRE I«'.--CI1AP1TBË III. 160 

De plus, l'artillerie française était toujours divisée par bandesy 
fractions qui facilitaient l'administration et la mobilisation des parcs. 

Le nombre de voitures était aussi considérable que par le passé. 
En 1515, le connétable de Bourbon avait pour un corps d'armée 
de seize mille hommes, six mille individus employés aux bagages (^); 
et, en 152i, Tarmée italienne et espagnole, commandée par le mar- 
quis du Guast, avait douze mille voitures (^. 

L'usage^ adopté pendant le moyen âge,de ranger Tarmée sur trois ordres de bauiue. 
lignes, était un reste de la tradition romaine. Cet ordre de bataille 
devait durer jusqu'à nos jours; mais au xvi* siècle comme les 
troupes étaient encore massées en carrés, cette disposition avait 
le désavantage de mettre trop peu de monde à la fois en action. Aussi 
a-t-on vu que, déjà sous Louis XII, on dérogea à cet usage en 
adoptant Tordre sur une seule ligne; cependant, jusque vers le mi- 
lieu du XVI* siècle, on employa alternativement les deux ordres de 
bataille- Machiavel signale comme une disposition avantageuse 
la position des bataillons suisses qui se plaçaient en échelons, et 
non les uns derrière les autres (^. A Marignan, l'armée française fut 
rangée le premier jour sur troislignes, et le second joursur une seule. 
Au combat de la Bicoque, en 1522, on voit, d'après l'ancien plan 
reproduit par M. le capitaine Favé dans son Traité de la Tactique 
des trois Armes, que les troupes étaient encore disposées sur trois 
lignes. Mais en 1528, Lautrec, en marchant près de Troja dans le 
royaume de Nâples contre l'ennemi, s'avançait sur une ligne formée 
de gros bataillons espacés de deux cents pas, ayant la cavalerie sur les 
flancs de chaque bataillon, et l'artillerie dans les intervalles (^). Et 
Carloix qui relate le même fait, a bien soin de iaire remarquer comme 
une chose peu ordinaire, que M.de Lautrec fit marcher l'avant-garde, 



(1) Vie du eownéMU de Bmtrbom, par Maullac, p. 156. 

(2) Paul Ioti, uadua. de Dobimichi, und. m, p. 66. 

(3) Arte délia Goerra, Ihr. n» p. 370, édit. portative. Florence. 1833. 

(4) Méwurirfê dit Dti BiiXAT, IW. m, p. 496. 

Ton I. n 



170 GUERRE DE CAMPAGNE. 

bataille et arrière-garde tout d'un front W. En 1543, lorsque Fran- 
çois P' alla faire lever le siège de Landrecies, on revint à Thabi- 
tude des trois batailles qu'un auteur contemporain définit ainsi : « Le 
« roi étant à moins de deux lieues des ennemis, et voyant que s'il ad- 
« venait que la bataille fut longue, et cette armée rompue, il ordonna 
(* une tierce partie d'icelle se tenir à l'escart preste et fraîche pour 
» secourir les autres, et servir de triairesà la manière des Romains» 
« et par ce moyen était ordonnée cette armée en trois batailles contre 
» la coustume C2)«£nfin, dans la discipline de Langey,on lit ce qui suit: 
« En somme nos dits soldats d'aujourd'huy se rangent de telle sorte si 
« malàleuradvantage,qu'ilsrangentleursbatailleseni'unedecesdeux 
« formes ; car, ou bien ils les ordonnent de trop grande largeur, et 
« les mettent l'un au flanc de l'autre pour faire leur front de tant 
« plus grande estendue^ et en ce cas les batailles se font trop gran- 
it des, par quoy elles sont en péril d'estre enfoncées à peu de diffi- 
« culte, ou en mettant une bataille après Vautre comme on a accous- 
'< tumé^ si elles n'ont l'art de savoir retirer Tune dedans l'autre, et 
« se recevoir sans désordre^ vous pouvez estre certain que l'exercice 
« se confondra C^). »>Néanmoins,depuis François I*' jusqu'à Louis XIII, 
les troupes furent généralement^ en France, rangées sur une seule 
ligne. Mais on conserva toujours les anciennes expressions pour dé- 
signer les trois divisions de l'armée, et alors l'avant-garde devint l'aile 
droite, la bataille le centre, et l'arrière- garde l'aile gauche. Cette dé- 
nomination vicieuse qui dura jusqu'au xvn« siècle W, a induit en er- 
reur plusieurs écrivains militaires. 
Il parait que les troupes de Charles-Quint avaient conservé l'an- 



(1) Mémoùreê de YmLLBViLLB, par Vrac. Carloix, Ht. i, eb. r, p. 418. 

(2) Chronique abrégée^ par Jbbàn du Tillbt, p. 102, verso. Paris, 1587. 

(3) Discipline militaire ^ p. 81. 

(4) « Quand tous les bataillons ou escadrons d'une année soni en un ordre seol sans ad- 
vani-garde ny arrière-garde. Ton appelle alors advani-garde ce qui fait la main droîde de 
Parmée, bataille ce qui fiut le miHeo, et arrière-farde ce qui h\x la main gauche. » /iMfme- 
Hom miliîaireê, par JÉRton db Billon, Uy. i, p. 98. L^on, f 6t7. 



LIVRE I*'. - CHAPITIΠ10. 171 

cien ordre de bataille, et que par exceptioii seulement, la bataille 
et Tavant-garde s'avançaient quelquefois sur une seule ligne (^). 
Aussi Louis d'Avila dit-il, en parlant de la bataille de Muhlberg, 
en 1547, que souvent l'avant-^garde entraîne dans sa défaite les 
divisions qui sont derrière elle (V. 

L'artillerie était toujours mise en avant pour commencer la ba- 
taille; « les petits calibres placés derrière les pelotons d'infanterie 
« et de cavalerie qui escarmouchent doivent être prêts, dit Frons* 
« peiner, à tirer et à recharger promptemeat, aGn de pouvoir tou- 
« jours précéder les bataillons (3). » 

Dans les marches rapprochées de l'ennemi, on plaçait la colonne 
d'artillerie avec les voitures au centre, l'infanterie à la droite et la 
cavalerie à la gauche W. 



Le succès engendre l'orgueil et Torgueil donne toujours une opi- Erreude lartiiiem sor 
nion exagérée de ses forces. Dans le siècle précédent, la chevale- 
rie croyait pouvoir se passer d'infanterie ; au commencement du 
XVI" siècle, les Suisses sans artillerie et sans cavalerie croyaient 
aussi pouvoir tout renverser avec leurs phalanges de piques. D'un 
autre cAté, la noblesse française, malgré le grand cas qu'elle faisait 
de l'artillerie, paralysait souvent l'effet du canon par trop de témé- 
rité. Deux grandes batailles vont donner à chacun une sévère leçon. 
Marignan va châtier les premiers et Pavie les seconds. 



(1) « La bttaiOe et arrière-garde marcboient quasi de front et a« droia Tsue de l'autre 
car poor donner ong contentement aux capitaines le désîrans ainsi sa nugesté leur Toolnst 
bire cesl honneur, afin qu'il ne leur semblast que sadicte mi^té les delaiaioit derrière à tel 
jour de combattre les ennemis en lieu qu'estoit de front si large a spadens. » Cowmenu de 
Lots d'Atila» trad. de Math. Vaulchibi, liv. i, p. 53. Anvers, 1550. 

(%) n Nous savons, par expérience, que estant rompue l'avant-garde, la laiallle est aussi 
souventes flris rompue, poor n'estre colloquée au lieu qu'elle éevroit. » Sèidêmj liv. n, p. 109, 
verso. 

(3) FaoRSPiaon, liv. n, p. S5. 

(4) I6id#m, ttv. n, p. 60, verso. 

22. 



166 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Diego Ufano dit que Charles-Quiot avait voulu que ses calibres 
fussent plus grands que ceux de ses ennemis, afin de pouvoir se ser- 
vir de leurs boulets. Nous ne voyons guère que cela pât s'appli* 
quer aux boulets de calibres français. D'ailleurs, malgré les perfec- 
tionnements que reçut Tartillerie espagnole, elle fut toujours au xvi' 
siècle bien inférieure à Tartillerie française. 

Les figures représentées sur la planche VU font connaître, quoique 
imparfaitement, les diverses artilleries de Tépoque. La figure 1 est co- 
piée d'une gravure représentant le siège de Boulogne par Henri YIIl, 
en 1544 (^). Les fig. 3 et 4-, dessinées d'après le mausolée de FrançoisI*', 
sont empruntées au Trailé de la tactique des trois armes, de M. le 
capitaine Favé; la figure 3 représente l'artillerie française à Céri- 
solles; et la fig. i, l'artillerie suisse à Marignan. La figure 5 est prise 
de Tartaglia. On y voit une espèce de manivelle formant vis de poin- 
tage. La figure 6, empruntée à Fronsperger, Friegsbuch, nous fait 
voir que les pièces de campagne n'avaient ni avant-train ni limo- 
nière. Cependant, le même auteur fait mention d'avant-train pour 
les grosses pièces, et en représente même dans ses planches. La fi. 
gure 7 est tirée de CoUado ; les figures 2 et 8 sont prises du manuscrit 
de Senfftenberg (dépôt général de la guerre ^). Ce Senfftenberg écri- 
vait vers 1570 ; il était malire de l'artillerie (Zeugmeister) de Dant- 
zick, et avait servi sous Charies-Quint. 

Les dessins de la planche YIII sont à peu près de la même épo- 
que : la figure 1 est un canon anglais copié de la gravure du siège 
de Boulogne, en 1544, déjà citée; les autres figures sont extraites du 
manuscrit de Senfftenberg. Les figures 2 et 3 font voir que l'on por- 
tait en Allemagne, non-seulement les grosses pièces sur des cha- 



pièces qu'il t (ail fondre par Lcefler, mais aussi les, bouches à feu conquises dans la guerre de 
Smalcaldes. MS de la Bibliothèque royale, fonds Saint-Germain, n«* 104 et 164. 

(1) « Th$ siège of Boulogne by Mng Henry YIJI, 1544, engraved from an oil paintiog at 
Covdray in Sussex tbe seat of lord viscount Montague. 



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LIVRE !•'. — CHAPITRE 111. 167 

riots porte-corpsy mais même \enn affûts ; ce fait d'ailleurs est expli- 
qué dans le texte. La figure 3 est un obusier de l'époque, appelé 
par Senfftenberg, fenerkatzen; nous lui donnons le nom d'obu- 
sier long, parce qu'en effet ces boucbes à feu étaient à chambres, 
et lançaientysoit des boulets creux, soit de la mitraille sous des angles 
peu élevés. Ceux que représente Senfftenberg avaient six, huit et dix 
pouces de diamètre intérieur^ et six pieds de longueur (^).La figure 4 
replréscnte des mortiers tels qu'on les conduisait en campagne à 
cette époque. 

En 1540, François 1*' créa onze magasins et arsenaux distribués 
par provinces. En 1543, ces magasins furent portés au nombre de 
quatorze (^). Ces arsenaux devaient contenir les pièces, les poudres, 
salpêtres et approvisionnements nécessaires à l'artillerie, et à la fabri- 
cation de tout ce qui a rapport à l'arme; ils étaient sous la surveillance 
du grand-mattre et du contrôleur de Tartillerie ou des hommes délé- 
gués par eux. Tons les hommes employés à l'artillerie tels que les 
lieutenants, conmiissaires» canonniers, fondeurs, prévôts, chirur- 
giens, apothicaires, fourriers, charpentiers, charrons, forgeurs^ dé- 
chargeurs, capitaines et conducteurs du charroi, devaient être bre- 
vetés do grand-mattre 00. L'unité s'établissait donc de plus en plus 
dans l'administration de l'artillerie. 

Paul Jove fait de la manière suivante l'âoge de Tartillerie de 
François I*', réunie à Grenoble avant la campagne de 1515- « Les 
a Français n'attèlent pas à leurs voitures de bibles chevaux ni 
« les premiers venus; mais ils achètent à grand prix les plus 
a forts et les plus fougueux , et les nourrissent bien afin qu'ils 
a puissent vaincre les obstacles de terrain. Ds ont une grande con- 
a sidération pour les maîtres de 1 artillerie et pour les canonniers 



(1) Foy. SnirmiiEn<», l tu, p. I et ioivtoics. 

(2) Ordonmameeàu 16 mm 1540, MS d- il99et 1801, fol. I. 

'3) «NoaTeUemeDi tenant ao %enkt leroDileDox prendre do nmirtre lettres de retenue.* 
ibidem. 



il% GUERRE DE CAMPAGNE. 

Bataille de Mangnan En 1515, François P se dirige vers l'Italie à la tête d'une armce 
nombreuse composée de : dix-huit mille lansquenets, parmi lesquels 
il y avait une légion de six mille hommes de vieux soldats fameuse 
par sa bravoure» appelée la bande noire (^); de six mille aventuriers 
français; de quatre mille Gascons; de deux mille cinq cents hommes 
d'armes; de mille cinq cents chevau-légers, et, de plus, des gentils- 
hommes de la maison du roi et des archers de la garde C^). 

L'artillerie était composée de soixante -douze à soixante-quatorze 
grosses pièces (^), de deux mille cinq cents pionniers (^), et de cinq mille 
chevaux (^). Il y avait, en outre, quelques petites pièces à orgues; car, 
on lit dans les Mémoires de Fleurange, « que Pedro Navarre avoit fait 
« faire une manière de parc auquel avoit une façon d'artillerie que le 
c< jeune adventureux avoit appris et n'étoit pas plus longue de deux 
« pieds et tiroit cinquante boulets à un coup et servit fort bien, et 
a en fit faire ledict adventureux trois cents pièces à Lyon qui se por- 
« toient sur mulets, quinze jours avant que le roy partist, par l'or- 
« donnance dudict seigneur roy, et est une façon d'artillerie de quoy 
« on n'a pas encore usé (^). » C'est en s'appuyant sur ce passage, que 
les capitaines Brunet et Moritz Meyer prétendent que le tir à mitraille 
fat employé sur le champ de bataille de Marignan; que, d'un autre 
côté, M. le capiiaine Bach 00 établit comme un fait, que trois cents 



(I) EtDon les bandes noires, comme on les a quelquefois à tort désignées ; ces dernières 
éuient des troupes italiennes au service de Jean de Médias, qui prirent ce nom après sa 
mort, arrivée en 1526. Voy. Paul Jovb, liv. xv, p. 396, et Mémoiret de Flburahgb, 
ch. XLvni, p. 260, et do Tillbt, p. 87. Paris, 1587. 

(^) La composition de cette armée est le résumé des données qui se trouvent dans les 
Mémoires de Fledrangb, dans la Lettre de Franfoii /•' dont nous parlerons tout à l'heure, et 
VHUtoire de Paul Jovb. 

(3) Dans \es Mémoires de Fleorangb, ch. XLvin, p. 260, le nombre des grosses pièces est 
porté à soixante-douze, et p. 265, il est fait mention de soixante-quatorze pièces. Voy. aussi 
Voyage et eonqueste du duché de Milan, par Pasquibr le Moykb , dit le Moyne sans froc 
Paris, 1520. 

(4) Flbubangb, ibidem, p. 260. 
(5; Paul Jovb, liv. xv, p. 396. 

(6) Mémoiret de Robbrt db la Marck , seigneur de Flburahgb et de Sbdan ,ch. xlviii, 
p. 260. 

(7) Voy. le Mémorial d'arlilleriey n*" vi. Paris, 18*5, p. 23. 



LIVRE I*'. — CHAPITRE III. 173 

canons 9 tirant cinquante balles h la fois, faisaient partie de l'ar- 
ttlierie de François I^.Noas ne saurions être de leur opinion ; suivant 
nous, le passage ci-dessus ne prouve qu'une chose : c'est que Ro- 
bert de la Marck , seigneur de Fleurange et de Sedan , avait fait fa- 
briquer à l'instar des chars employés par Pierre de Navarre à Ra- 
venne, de ces petites pièces qui* placées en grand nombre sur un 
train ou sur un chevalet, étaient déchargées toutes à la fois; ce qui 
nous confirme dans notre opinion , c'est que nous avons retrouvé la 
trace de cette même machine dans l'inventaire de l'artillerie du 
château de Sedan , fait le tO octobre t642 (^) ; on y signale l'exis- 
tence de » deux cent cinquante petits canons de fer de la longueur 
» des pistoles avec vis à la culasse pour orgue. »>0r, il est probable que 
cet instrument, dont l'invention fut attribuée au seigneur de Sedan, 
avait été conservé dans son château jusqu'à cette époque. 

Les Suisses occupaient du côté du Piémont tous les passages con- 
nus des Alpes^et il était difficile de franchir les montagnes avec toute 
l'armée et toutes les voitures en présence de soldats aguerris. Sur le 
conseil de Trivulce ,. on se décida à tourner leur position (^). 

Les seules routes pratiquées jusqu'alors par les armées françaises 
pour descendre en Italie, étaient le Mont-Cenis et le Mont-Genèvre. 

François 1" résolut de traverser le col d'Argentière et de débou- 
cher en Italie par la vallée de la Stura l^). Dans ce but, il divisa son 
artillerie en deux parcs, n'emmena avec lui que les pièces de campa- 
gne, et envoya les grosses pièces, sous bonne escorte, par la route que 
Charles VIII avait prise autrefois, et qui, traversant le mont Genè- 
vre, débouche à Suse i^-. 

(1) MS de la BîblioUièque royale, d'* 9888, fol. VZ. 

(3) « Puis passa le roy avec soo armée et artillerie par ung cbemiD qu'on disolt Inaccessi 
Me pour cbetaux et chariots doot les ennemys oe se doutoient. » Panégirie de Loys de la 
TréwufiUe, par i. Bodcbit, cb. xx, p. 19&.Pantkèon littéraire. Voy. aussi dclP Istaria ifi- 
torw alla vila di Gian Jaeopo Trivultio del cav. Cau.0 db Rosxim. Milano, 1815. 

(3) Paul Jovi , traduct. de DoaxNicu, lom. i, Kt. xt, p. 399 et suivantes, et If: Motnb- 
SANS PROC. p. 7t. 

(4) • La grosse artillerie du roy et quelques gens de pied priodrent leur chemin par le 



174 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Quoique le principal corps d'année n'eût avec lui que des pièces 
légères, le passage des montagnes offrit de grandes difficultés. D fal- 
lut faire sauter des rochers, démonter les pièces» les porter à bras, 
leur faire franchir des ravins en attachant aux arbres des câbles 
sur lesquels roulaient des poulies qui , liées aux pièces, étaient tirées 
au moyen de treuils (^}. 

Les Suisses doutaient de la venue des Français, parce qu'ils ne 
croyaient pas, dit Paul Jove, que les Français qui mettent ordinai- 
rement l'espoir de la victoire dans leur artillerie, pussent lui faire 
traverser le col desAlpes C^). Mais, apprenant que les Français étaient 
heureusement descendus dans les plaines d'Italie, ils se retirèrent 
vers Turin, traînant eux-mêmes leurs canons avec une peineextrème 
faute de chevaux (3). Arrivés près de la petite ville de Chivasso, ils ne 
trouvèrent pas de bateaux pour traverser la petite rivière d'Orca,et, 
si l'on en croit les chroniques de l'époque» ils ârent un pont de cor- 
des sur lequel ils passèrent leur artillerie W. L'armée française les 
suivit de près, campant tous les soirs dans l'ordre de bataille; mais 
elle était souvent arrêtée par le bagage qui aUoit tousiours deuant^^). 

Arrivé dans les plaines de la Lombardie, François I*' pour empê- 
cher les Suisses qui s*étaient retirés à Milan de se réunir aux trou- 
pes papales et espagnoles rassemblées à Crémone, et faciliter en 
même temps sa jonction avec l'armée vénitienne qui était à Lodi, 



m«Dt Genèvre, poor descendre k Snse ; car, il n'y a mont par où elle peut passer que par lâi. 
Et le roy et rartillerie légère print son chemin à Guilestre. » Flburangb , cli. xlix , p. 26t . 
Panthéon littéraire, 

^1) Paul Jotb, tom. i, liv. xy, p. 40t. 

(S) Paul Joyb, p. 401. 

(^ Méwioiru de Fusubàhob, ch. xlix, p. 261. 

(4) « Et passèrent la rivière du Pau sans bateaux avec ponts laits de cordes sur lesquels ib 
passèrent rartillerie. » Chran. de maître Jehan du TaLST, p. 97. Paris, 1687, et Panégyrie 
de Loyt de la Trémoille, par i. Bouchit, ch. xx, p 795. Il est beaucoup plus probable que 
ce fût la rivière d^rca qu'ils traversèrent ainsi. Nous avons adopté la version des Archives 
Suisses, 1" cahier. Zurich, 1827. 

(5) Le MOTIVB SAHS FBOC, p. 80. 



LIVRE !•'.- CHAPITRE III. 173 

établit son camp à cheyal sur la route qui va de Marignan à Milan (0. 

L*annëe française, dont la droite s'étendait jusqu'à la petite ri- 
vière du Lambro, se forma sur trois lignes. L'avant-^rde fut éta- 
blie près du village de San-Giuliano, en un lieu appelé Genille par 
Pasquier^dit le Moine sans froc; la bataille commandée par le roi s'ap- 
puyait à la Cassine de Sainte-Brigite (V ; Tarrière^arde était à une 
portée d'arc plus en arrière. Chaque division formée de quatre à neuf 
mille hommes d*in&nterie (3), avait la cavalerie sur les ailes; et Far- 
tillerie divisée en batteries battait les avenues (^)« Pierre de Na* 
varre. avec les arbalétriers gascons, était sur la droite de la grande 
route retranché derrière les fossés qu'il avait hérissés de pieux (^). 
Le terrain, sillonné par des ruisseaux servant aux irrigations (Q, 
offrait des retranchements naturels derrière lesquels se tenait l'ar- 
tillerie de l'avant-garde. Depuis la défaite de Novare, comme on 
craignait l'impétuosité des Suisses, on croyait plus prudent de tou- 
jours placer l'artillerie derrière quelque obstacle (7). 

Les Suisses, au nombre d'environ trente mille hommes, suivis de 
quelques Milanais et de quelques hommes de cavalerie, sortirent de 
Milan pour attaquer l'armée française, n'ayant avec eux que dix 



(1) Pour le récit de ceUe bataille et des autres do cette époque, nous soiTroos de préfé- 
rence ^ tout autre Paul Jove, auteur qu'on a pu accuser de partialité, mais qui, sous le 
point de ? ue miliuîre, est le plus téridique et le mieux instruit ; d'ailleurs, il dit, liv. xt, 
p. 41S, qu'il tient plusieurs deuils de la bouche de Franco» I*' lui-même, et, en effet, son 
rédt est conforme ^ la lettre de Frauçoia l*' à sa mère, et explique les p a ssages qui semblent 
confus dans cette lettre remarquable d'un héros de 22 ans. 

(2) Paul Joti, p. 416. « Et s'en alla le roy mettre en ordre k bi queue de son avant-garde 
de ses gens de pied et artillerie, et l'arrière-garde h bi queue de la bataille à ung grant traict 
d'arc près. » Le MoTHi SAiia raoc, p. SS. 

(3) « Les deux de neuf mille hommes, et la tierce d'entiron quatre mille hommes que Ton 
appelle les eofans-perdns de Pierre de Navarre, mr le cèté des arenues avec les gens de 
pied de France et adveotariers. » Lettre ie Françoie i^ à ea mère^ rapportée par Ahtoiri 
DB Latal. Voy. fie émeoMnéiûbU de Baurbom^ par MAinLAC Panthéon littéraire, p. fSI. 

(4) « Et notre artillerie aux avenues. » Lettre de François /•'. 

(5) Paul Jovi, liv. xv, p. 416. 
(6} IMdm, p. 417. 

(7) llAcnAvn., M JNfcersi; liv. n, p. 23S» édlL portative. Florence, 1S33. 



176 GUERRE DE CAMPAGNE. 

petites pièces d'arlillerie ('^ On comptait dans lears rangs plusieurs 
vieux soldats qui avaieul combattu a Morat et à Nancy (^). 

Pour être plus libres dans leurs mouvements, ils avaient ôté leurs 
bonnets et leurs souliers (^). Ils étaient divisés en trois gros batail- 
lons de buit à dix mille bommes W; une petite troupe servait à cou- 
vrir les canons (^). Le bataillon du centre avait devant lui deux 
mille enfants perdus; nom glorieux, dit Paul Jove, parce que ces sol- 
dats d'élite, s'avançant témérairement les premiers, étaient censés 
marcher à une mort certaine (^). 

Cette troupe, soutenue par quatre pièces d'artillerie postées sur la 
grande route près d'une cassine C^, commence l'attaque et court droit 
à l'artillerie croyant pouvoir s'en emparer comme à Novare W. 
Déjà elle a mis le désordre dans la cavalerie de l'avant-garde, et se 
serrant en masse, elle a repoussé les lansquenets et les Gascons ; déjà 
elle a pris sept pièces de canon, lorsque les aventuriers français 
et la gendarmerie surviennent : la gendarmerie renverse facile- 
ment les rangs peu épais des enfants-perdus; mais arrivée devant 
la pbalange de piques du centre, elle s'arrête. Les Suisses élargissent 
leur front pour l'envelopper W. Alors, le terrain entrecoupé ne se prê- 
tant pas à son action, elle se retire en désordre. Cependant les intré- 
pides enfants des Alpes s'avancent sans cesse malgré les pertes que 
leur cause le canon (^^). Les lansquenets retournent à la cbarge et 

(1) Paul Jove, lîv. xv, p. 415. 

(2) a Kaetzi Âmmann était, dît Paul Joyb, ud des plus aDciens chefs des Suisses qui avaient 
combattu k Nancy. » Liv. xv, p. 422. 

(3) Vie du connétable de Bourbon, parMARiLLAC, p. 159. 

(4) Lettre de François I*', 

(5) Archiv. fur sehweizerische Gesckichte, 2«' Hell, p. 157. Zurich, 1S28. 

(6) PaulJoy£, p. 4)7. 

(7) Mémoires de Flbuuamge, ch. l, p. 265. 

(8} « Mais, en premier lieu, ils envoyèrent la bande de leurs enfants-perdus qui étoient 
environ deux mille, frapper droit sur rartlUeric. » Vie du connétable de Bourbon, par Ma* 
RULAC, p. 159. 

(9) Paul Joyb, liv. xv, p. 418. 

(10) CI L'artillerie du roi, qui étoitde soixante et quatorze grosses pièces, leur fit un mer- 
veilleux déplaisir.!» ilfem.deFMSURAN6E,ch. t,p.^là^,Archiv.fUrSçhu)ei9»Gesehichte,pA^9. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE III. 177 

traversent le fossé, les Suisses laissent passer sept ou huit rangs, puis 
les renversent (^}.Tandis que la confusion la plus grande règne au cen- 
tre, un autre bataillon suisse se trouve aux prises sur la droite avec 
Pierre de Navarre, et un troisième, intimidé par le canon, cher- 
che à se mettre à l'abri derrière un pli de terrain pour tourner la 
gauche de Tarrnée française. 

L'avant-garde des Français, qui a été repoussée, se voit obligée de 
se replier derrière la seconde division (^). Alors, le Roi s'avance à la 
tète du corps de bataille composé d'un grand nombre de gendarme- 
rie et de la bande noire des lansquenets, recommandant au duc d'A- 
lençon de le suivre à peu de distance avec l'arrière-garde. Il fait 
établir une forte batterie sur son flanc pour prendre d'écharpe le 
bataillon ennemi 9). La mêlée devient générale; quatre mille Suis- 
ses se sont détachés de la grosse bande; François I*' à la tète de deux 
cents gendarmes les renverse ; enivré par ce succès, il se retourne 
contre un autre bataillon de huit mille hommes qui voulait tourner 
sa position, mais il ne peut Fentamer; car, suivant son expression, 
les premiers rangs lui présentent six cents piques au nez W. Ces 
alternatives de succès et d'échecs mettent le désordre dans les deux 
armées; heureusement pour les Français» le sénéchal d'Arma- 
gnac, grand maître de l'artillerie, fait retirer tous les canons qui 
étaient exposés en première ligne ®, et les braque plus en arrière; 
ces canons deviennent alors un point de ralliement; François T' se 
réfugie sous leur feu à la tète de vingt-cinq gendarmes et s'efforce de 
réunir sur ce point ses troupes éparses. 

Le soleil a disparu et le combat dure encore sur plusieurs points à 

(1) Le LoTAL snTiTiuA, cb. lx, p. 111. 
(i) Pacl ioTB, p. 418. 

(3) Paul Jovb, Ut. xt, p. 418. 

(4) LtUrt de Fnmçaiê 1*' citée ph» hauL^-Celie drooostaooe d'un batailkm de buit mille 
hommes préseotaoi an frool de six cenu piques, tendrait k prouTer que les Suisses étaient 
sur doquante-trob hommes de profondeur, en supposant que François 1*' ne parle ici que des 
piquîers des quatre premiers rangs qui seuls pouTatent baisser les piques. 

(5) Àrekw. /«r Hk^Hx. 6uekiehU und Lctndethmde, S«* Heft, p. 158. 

Ton I. ^ 



LIVRE l*'. —CHAPITRE III. 160 

De plus, rartillerie française était toujours divisée par bandes, 
fractions qui facilitaient Tadministratiou et la mobilisation des parcs. 

Le nombre de voilures était aussi considérable que par le passé. 
En \5\5y le connétable de Bourbon avait pour un corps d'armée 
de seize mille hommes, six mille individus employés aux bagages (<); 
et, en 1521, Tarmée italienne et espagnole, commandée par le mar- 
quis du Guast, avait douze mille voitures (^. 

L'usage, adopté pendant le moyen âge,de ranger Tarmée sur trois ordres de bataille. 
lignes, était un reste de la tradition romaine. Cet ordre de bataille 
devait durer jusqu'à nos jours; mais au xvi* siècle comme les 
troupes étaient encore massées en carrés, cette disposition avait 
le désavantage de mettre trop peu de monde à la fois en action. Aussi 
a-l-on vu que, déjà sous Louis XII, on dérogea à cet usage en 
adoptant Tordre sur une seule ligne; cependant, jusque vers le mi- 
lieu du XVI* siècle, on employa alternativement les deux ordres de 
bataille. Machiavel signale comme une disposition avantageuse 
la position des bataillons suisses qui se plaçaient en échelons, et 
non les uns derrière les autres (^. A Marignan, l'armée française fut 
rangée le premier jour sur troislignes, et le second joursurune seule. 
Au combat de la Bicoque, en 1522, on voit, d'après l'ancien plan 
reproduit par M. le capitaine Favé dans son Traité de la Tactique 
des trois Armes^ que les troupes étaient encore disposées sur trois 
lignes. Mais en 1528, Lautrec, en marchant près de Troja dans le 
royaume de Nâples contre l'ennemi, s'avançait sur une ligne formée 
degros bataillons espacés de deux cents pas, ayant la cavalerie sur les 
flancs de chaque bataillon, et l'artillerie dans les intervalles (^). Et 
Carloix qui relate le même faitt a bien soin de Êiire remarquer comme 
une chose peu ordinaire, que M.de Lautrec fit marcher l'avant-garde, 



(1) Vi4 dm onméMIe de Bomrbam, pir Maiolac, p. 156. 

(i) Paul Jotb, Mduct. de Doanacn, ton. m, p. 66. 

(3) Ane délia Goerra, Itv. n, p. 370, édii. portalive. Florenee. 1833. 

(i) Mémwru de Du Biuat, IW. ni, p. 426. 

TOSB I. tt 



17) GUERRE DE CAMPAGNE. 

B«uui« d« M«rigo«n En 1515, François I** se dirige vers Tltalie à la lête d'une armce 
nombreuse composée de : dix-huit mille lansquenets, parmi lesquels 
il y ayait une légion de six mille hommes de vieux soldats famieuse 
par sa bravoure, appelée la bande noire (*); de six mille aventuriers 
français; de quatre mille Gascons; de deux mille cinq cents hommes 
d'armes; de mille cinq cents chevau-légers,et, de plus, des gentils- 
hommes de la maison du roi et des archers de la garde (^}. 

L'artillerie était composée de soixante -douze à soixante-quatorze 
grosses pièces (?), de deux mille cinq cents pionniers (^), et de cinq mille 
chevaux (^). Il y avait, en outre, quelques petites pièces à orgues; car, 
on lit dans les Mémoires de Fleurange, (x que Pedro Navarre avoit fait 
« faire une manière de parc auquel avoit une façon d'artillerie que le 
c< jeune adventureux avoit appris et n'étoit pas plus longue de deux 
« pieds et tiroit cinquante boulets à un coup et servit fort bien, et 
« en fit faire ledict adventureux trois cents pièces à Lyon qui se por- 
c( toient sur mulets, quinze jours avant que le roy partist, par l'or- 
« donnance dudict seigneur roy, et est une façon d'artillerie de quoy 
« on n'a pas encore usé (^). » C'est en s'appuyant sur ce passage, que 
les capitaines Brunet et Moritz Meyer prétendent que le tir à mitraille 
fîit employé sur le champ de bataille de Marignan ; que, d'un autre 
côté) M. le capitaine Bach 00 établit comme un fait, que trois cents 

(1) Et non les baDdes noires, comme od les a quelquefois à tort désignées ; ces dernières 
étaient des troupes italiennes au service de Jean de Médias, qui prirent ce nom après sa 
mort, arrivée en 1526. Voy. Paul Jovb, liv. xv, p. 396, et Mémoires de Flburingb, 
ch. XLvni, p. 260, et du Tillbt, p. 87. Paris, 1587. 

(2) La composition de cette armée est le résumé des données qui se trouvent dans Içs 
Mémoires de FLBUBAiiOB,dans la Lettre de François /•' dont nous parlerons tout à l'heure, et 
VHistoire de Paul Jotb. 

(3) Dans \es Mémoires de Fleurangb, ch. xLvin, p. 260, le nombre des grosses pièces est 
porté k soixante-douze, et p. 265, il est fait mention de soixante-quatorze pièces. Voy, aussi 
Voyage et eonqueste du duché de MiUm, par Pasquibr lb Notnb , dit le Moyne sans Troc. 
Paris, 1520. 

(4) Flbubanob, t6i(itfm, p. 260. 
(5j Paul Jovb, liv. xv, p. 396. 

(6) Mémoires de Robbrt db la Marck , seigneur de Flburangb et de Sbdan , cli. xlyiii , 
p. 260. 

(7) Voy. le Mémorial d'artHleriey n'' vi. Paris, 18i5, p. 23. 



LIVRE I«. — CHAPITRE III. 173 

canoûSy tirant cinquante balles à la fois, faisaient partie de Tar- 
tilierie de François P.Nous ne saurions être de leur opinion ; suivant 
nous, le passage ci-dessus ne prouve qu'une chose : c'est que Ro- 
bert de la Marck , seigneur de Fleurange et de Sedan , avait fait fa- 
briquer à l'instar des chars employés par Pierre de Navarre à Ra- 
venue, de ces petites pièces qui» placées en grand nombre sur un 
train ou sur un chevalet, étaient déchargées toutes à la fois ; ce qui 
nous confirme dans notre opinion , c'est que nous avons retrouvé la 
trace de cette même machine dans l'inventaire de l'artillerie du 
château de Sedan, fait le tO octobre t642(^) ; on y signale l'exis- 
tence de « deux cent cinquante petits canons de fer de la longueur 
« des pistoles avec vis à la culasse pour orgue. »0r, il est probable que 
cet instrument, dont l'invention fut attribuée au seigneur de Sedan, 
avait été conservé dans son château jusqu'à cette époque. 

Les Suisses occupaient du côté du Piémont tous les passages con- 
nus des Alpes, et il était difficile de franchir les montagnes avec toute 
l'armée et toutes les voitures en présence de soldats aguerris. Sur le 
conseil de Trivulce ,. on se décida à tourner leur position (^). 

Les seules routes pratiquées jusqu'alors par les armées françaises 
pour descendre en Italie, étaient le Mont-Cenis et le Mont-Grenèvre. 

François 1" résolut de traverser le col d'Argentière et de débou- 
cher en Italie par la vallée de la Stura C^). Dans ce but, il divisa son 
artillerie en deux parcs, n'emmena avec lui que les pièces de campa* 
gne, et envoya les grosses pièces, sous bonne escorte, par la route que 
Charles VIH avait prise autrefois, et qui, traversant le mont Genè- 
vre, débouche à Suse (^\ 

(I) MS de la Bibliotbèqae royale, d* 9888, fol. VZ. 

(S) « Puis passa le roy avec son année et artillerie par ung chemin qu'on disoit ioaccessi 
Me pour cbevaux et chariots dont les ennemys ne se doatoient. » Panégirie ée Loys de la 
TrémoUle, par i. Bolcbit, cb. ix, p. T%&.Pantkfon lUtéraire. Voy. aussi dcll* tstaria in- 
tornoaiia viiadi Gian Jaeopo Trivuîzio del cav. Cau.0 d« Rosxim. Milano, 1815. 

(3) Paul Joti , traducl. de Dosbhichi, lom. i, Kv. xt, p. 399 et sultantes, et h: Motnb- 

SAilSPROC. p.7i. 

(4) m La grosse artillerie du roy et quek|ues gens de pied prindrent leur chemin par le 



Combat de la Bico- 
que. 



fg2 GUERRE DE CAMPAGNE. 

prendre les places. Pour être juste, il faut dire aussi que leur arme- 
ment les rendait très peu propres à ce service. Privés d'armure 
défensive, munis d'une pique de dix-huit à vingt pieds de longueur, 
ils ne pouvaient rien dans un combat corps à corps, et leur supério- 
rité, qui dépendait de leur ordonnance compacte, disparaissait dans 
un assaut. 

A la Bicoque, en 1522, le maréchal de Lautrec se trouvait en pré- 
sence de l'armée espagnole et italienne; celle-ci était, pour ainsi dire, 
enfermée dans un retranchement naturel, ayant sur son front un 
chemin creux, sur sa droite, un fossé, sur sa gauche et sur ses 
derrières une petite rivière creusée à main d'hommes W. Ce camp 
ne communiquait avec le dehors qu'au moyen d'un pont placé sur le 
côté opposé au front. Cette position était rendue plus redoutable en- 
core par les dispositions suivantes : l'artillerie était placée en bat- 
terie sur une ligne, les pièces chargées de boulets enchaînés (^ ; der- 
rière était rinfanterie également rangée sur une ligne, les arquebu- 
siers se tenaientaux premiers rangs, et le marquis de Peschière avait 
ordonné au premier rang de se jeter à genoux dès qu'il aurait tiré, 
afin de recharger les armes pendant que le second rang tirerait ainsi 
par-dessus le premier (^}. 

Enlever de front une telle position était un coup hardi,le tenter sans 
l'artillerie était une grande témérité. Le maréchal de Lautrec ne 
voulait point risquer l'entreprise; les Suisses l'y obligèrent. Le géné- 
ral français, se voyant commandé, suivant l'expression de du Bellay, 
par ceux-là qui devaient lui obéir W, marcha à l'attaque des retran- 
chements. Les 8000 Suisses commandés par le seigneur de Mont- 
morency n'attendirent pas que l'artillerie française, qui arri- 
vait, eût fait taire les canons ennemis ; ils s'opiniàtrèrent à se précî- 



(1) Paul Joyb, liv. xxj p. 31, yerao. 

(2) « Ad der schtocht su Pickoka in lulîaseind kHglen mit keiteD gescfaosteD worden. 
SENFPTBifraRG, NS du dépôt général de la guerre, tom. m, p. 44. 

(3) Paul Jotb^ IW. ix> p. 32, verso. 

(4) Mém, de vu Bbllat, Ut. u, p. 36S. 



LIVRE I-*. — CHAPITRE III. |83 

pi ter en avant. Ils étaieot disposes en trois corps placés les uus 
derrière les autres W, et offraient par conséquent un but immanqua- 
ble àrartillerie ennemie; aussi^avant qu'ils eussent atteint le bord du 
ravin, Tartillerie des Espagnols leur avait déjà enlevé plus de mille 
hommes, et lorsqu*enfin ils arrivèrent au retranchementi ils le trou- 
vèrent si haut que l'extrémité de leurs piques n'atteignait pas même 
la crête du parapet 9). Cependant Lescu était entré avec sa cavalerie 
dans le retranchement par le pont dont nous avons parlé; et les en- 
nemis, se voyant attaqués par derrière comme en face^ perdirent 
contenance; mais à ce moment décisif, les Suisses, qui ont vu tomber 
leurs principaux officiers et un grand nombre de soldats, se décou- 
ragèrent et l'entreprise échoua. Lautrec eut beau leur proposer le 
lendemain de placer sa gendarmerie à pied à leur tète, il ne put par* 
venir à les reconduire à l'assaut. 

Cette orgueilleuse infanterie venait d<mc de recevoir à Marignan 
et à la Bicoque, deux graves échecs qui lai prouvaient qu'elle ne 
pouvait rien sans artillerie; la chevalerie va âi son tour recevoir, à 
ses dépens,la preuve que son coorage ne doit pas l'entratner trop tôt 
dans la mèlée,et qu'elle ne peut enfoncer une bonne et solide infante- 
rie,que lorsque celle-ci a été désorganisée et démoralisée parle boulet. 

Pendant l'hiver rigoureux de 1524 à t525, François T' s'achar- B«uijie <i« Pauc. 
nait au siège de Pavie qu'il entourait de tous les côtés, au moyen 
de lignes de circonvallation et de contrevalbtion 9). La garnison, 
commandée par Antoine de Lève, était réduite aux dernières extré- 
mités. Le marquis dePeschière et le duc de Bourbon,'alors chefs de 
l'armée espagnole et italienne, résolurent de tenter un effort décisif 
pour débloquer la place. 

A b nouvelle de l'approche de l'armée de secours, qui arrivait par 



(f ) Voif. Ftodeo plan àt et oombit qoe M. le capiuioe FaTé a reproduit dans son ou* 
yn%e sur la Tmcîifm$ éê$ tnriâ Afwkêê. 
(9j Du BuxAT, liv. Il, p. 9S9. 
(1; Paul Jotb, lêtoriê del mo ttmpoy Uv. zui» p. 75, verso. 



18i GUERRE DE CAMPAGNE. 

la rive gauche du Pô, François b^ porte toutes ses forces vers la par- 
lie orientale delà ville; il place son camp au milieu d'un parc de plai- 
sance ayant seize milles d'étendue (0, et entouré d'un épais mur 
d'enceinte. Ce mur, qui s'approchait de Pavîe dans une direction de 
l'est à l'ouest, offrait un obstacle à l'ennemi venant de Lodi (^). 

A l'est de Pavie et au milieu du parc, se trouvait le château de 
Mirabelle, rendez-vous de chasse, servant alors de magasin de dé- 
pôt (^). Ce fut ce point que l'armée espagnole résolut d'occuper pour 
opérer sa jonction avec les assiégés. 

Après être resté près de vingt joui*s en présence de l'armée fran - 
çaise, le marquis de Peschière se décida à tenter une surprise, afin 
de ravitailler la place. Pour ne point donner l'alarme, il fit pendant la 
nuit enfoncer, en trois endroits W^e mur d'enceinte du parc avec des 
poutres servant de béliers; mais,quoiqu'on employât à chaque poutre 
une compagnie entière, les brèches de cent brasses ne purent être 
achevées qu'au jour (^. Alors l'armée espagnole déboucha dans l'ordre 
suivant : mille arquebusiers marchaient en tête avec quelques chevau- 
légers, puis venaient quatre bataillons d'infanterie, chacun de quatre 
à cinq mille hommes, ayant la gendarmerie sur les flancs (^>. L'ar- 



(1) Paul Joyb, tom. lu, lîv. xxn, p. 67, verso. Tradaaion de Doisnichi, Venise , 1608. 
r>)ous suivrons encore pour le récit de cette bataille, Thistoire de Paul Jove qui, malgré ses 
détracteurs, est la chronique la plus intéressante du xvi* siècle sous le point de vue militaire. 
Que nous importe, en effet, pour le sujet que nous traitons, qu'on reproche k Tévéque de 
Nocera d'avoir été une plume vénale, lorsque la concordance de ses récits avec les chroni- 
ques contemporaines, les détails circonstanciés qu'il fournit, prouvent évidemment qu'aucun 
auteur du xvi' siècle n'a décrit les batailles et les sièges avec plus de fidélité, d'érudition et 
d'intelligence. Nous nous aiderons également d'une relation écrite par un témoin oculaire 
ayant pour titre : Im vera narratiane del assedio di Pavia da F. Tbgio. Pavia, 1655. 

(2) Voy. la relation du siège que mit le duc de Savoie devant Pavie, en 1655, et impri- 
mée à Pavie la même année \ on voit encore sur le plan le mur du parc tel qu'il devait exister 
en 1535. 

• (3) Paul Jovb, p. SO, verso. 

(4)c Fece gittar a terra con gran prestezza le mura dei barco in trè luoghi tra le due porte 
e il luogoche s'addimanda la casa dei livrieri, distante da Pavia quasi un roigllo. » La vera 
narr€Uione de Va$sedxo di Pavia, p. 50 Pavie, 1655. 

(5) Paul Jovi, p. 81, verso. 

(6) Du Bbllat, liv. II, p. 402, et la vera narraiione, p. 40. 



LIVRE K— CHAPITRE lil. 185 

tilierie suivait, mais le mauvais état du chemin ne permit le passage 
qu'à trois pièces W- Averti de cette attaque» François P' retira toutes 
ses troupes en deçà du mur du parc, laissant à la garde de ses re- 
tranchements un corps de réserve composé de huit mille Gascons 
et Bretons. Dans cette position il avait la ville à sa droite, et sa 
gauche s'étendait vers la route de Milan 9). 

L'artillerie fut attelée avec une promptitude extraordinaire et 
conduite en avant (9. Toute Tarmée française fut disposée sur une 
ligne. L'infanterie était formée en trois bataillons; l'un, composé de 
quatre mille Suisse8,était placé à l'extrême gauche; quatre mille lans- 
quenets de la bande noire formant le second bataillon étaient placés 
au centre, et le troisième, composé de trois mille Italiens et Pro- 
vençaux, occupait la droite et s'appuyait aux tranchées faites devant 
Pavie (^). La cavalerie divisée en trois escadrons se tenait sur les flancs 
des bataillons; enfin, l'artillerie partagée en trois batteries était dans 
les intervalles (^}. 

Le but principal des Espagnols n'étant pas de livrer bataille» mais 
de secourir la garnison , dès qu'ils eurent pénétré dans le parc, 
ils tirèrent droit vers Mirabelle (^, et défilèrent devant l'armée firan- 
çaise rangée en bataille, exécutant ainsi la marche de flanc la plus 
téméraire CH. 



(1) EpiUmêdela Vie de Ckorhi-Quint, par doo Juak Ahtohio m Vbra. Edition espa- 
gnole, p. 109. Valence, 1625. 
(i) GmcciÂftDiia, tom, n, Ut. xt, p. 1093* Venise, 1738. 

(3) Paul ion, p. 83, veno, ei ARTomo m Vm, p. iW. 

(4) La Yerm NarruiUme éelTuQio, p. 50. 

(5) Paul Joyb, p. 82, Teno. « L*arlîgUeria in meno caminando f erso i nemici sempre al 
paro de Suineri. » Narmtùmê iel Tigio, p. 52. 

(6) « Or, esl-il que ce n*eitoi( la délibéraiîon dn Tice-roy de Naplea, ny du doc de Bour- 
bon, de donner la bataille an roy, ti Toccasion ne 8*y présentoit k leur advantage ; mais seu- 
lement essayer de gaigner le logb de Mirabel, pour retirer leurs hommes qui esloieut dedans 
bi fille et le refrescbir de noutelles gens. » Du Bbllat, liv. ni, p. 106. 

(7) « Tootefois, cela ne se pomroit laire sans passer à bi teste de nostre camp.... Tons les- 
quels prindreni le chemin de Mirabel, bteans l'armée dn roy à bi main paoche. » IMem. 

TOU I. M 



196 guerre; de campagne, 

La position des d^n\ armées explique pourquoi Varriëro-^garde 
espaguole fut attaquée la première* Elle était occupée à dégager 
ciaq pièces qui s'étaient embourbées, lorsque le duc d'Aleoçon, 
placé à la droite de l'armée française, tomba sur elle et la tailla 
en pièces (^)* £a môme temps l'artillerie française ouvrit son feu; 
une batterie tirant sur la cavalerie, une autre tirant sur rinfimte- 
rie espagnole, y produisirent des ravages terribles (^. « Jacques 
GalKot, seigneur d'Acié, « sénescbal d'Armignac, grand-maitre de 
i Tartillerie de France, avoit, dit du Bellay, logé son artillerie en lieu 
f< si avantageux pour nous, qu'au passage de leur armée ils estoîent 
« contraints de courir à la file pour gaigner un vallon, afin de s'y 
« mettre à couvert de ladite artillerie , car coup à coup elle fai- 
» soit des brèches dedans leurs bataillons, de sorte que n'eus* 
« sies veu que bras et testes voler &). » En eifet les Espagnols, pour 
éviter les coups de l'artillerie, avaient gagné à plat^ventre un lieu 
où les plis du terrain pouvaient les mettre à couvert (^). Alors le roi 
voyant le succès obtenu par sa droite, et le désordre produit par le ca- 
non au centre de l'ennemi crut pouvoir surprendre l'armëe espa^ 
gnole en flagrant délit; il s'élança en avant, à la tête de sa gendarme- 



Ci) Paul Joti, p. 83> et Du Bbllat. 

(*2) « Mais atant de choquer l'artillerie du roy fist û très grant abondance de conpu 
qu'elle tiroit que l'on teoit Toler en l'air les bamoys des ennemys^ testes et bras des gens de 
cbeval et de pyé que on eust dist que c'estoit la foudre quicusî passé,— Après y en avoit une 
bande d'ung autre oousté qui regardoit sur la yenue des gens de pyé, laquelle exploicta pa- 
reillement de sorte qu'elle faisoit des ruées parmy les gens de pyé, les foire roulant en l'air 
par testes, bras, gembes et corps, qui estoit bien merveilleuse chose et pitié à veoir. 

« Il ne fault pas oublier de dire que l'artillerie dudit Bourbon ne fist son devoir à 
tirer contre l'armée du roy, parce qu'elle estoit en ung plus haut lieu assise que le camp 
du roy^ et ceste cause passèrent les boullets par-dessus ledit camp sans &Jre mal que 
bien peu* » 

La prinse et délivramee de François /•*, extrait du MS 9902 de la Bibliothèque royale. Ar- 
chives curieuses de France^ par L. M. Cikbbr et F. Uanjou, l'* série, tom. n. Paris, 1S35, 
p. 281. 

Il perche parea che la fortnna in questo pnncipio fosse molto k Francesi favorevol 
Rotta eî prigtonia de Franc, i, p. 58, cité plus haut. 

(3) Do Bbllàt, liv. n, p. 406. 

(4) Paul Jovi, p. 83, verse. 



LIVRE K. - CHAPITRE III. |«7 

rie» masquant ainsi le tir de ses pièces W et ne donnant pas te temps 
à soi^infanterie de le suivre W Jl pensait sans doute que déjà toute Tar- 
mée espagnole avait été engagée ; mais les troupes qui s'étaient empa- 
rées de Mirabelle avaient fait un changement de ftont (^; elles retour- 
nent sur leurs pas , et s'avancent en bon ordre contre les Français. 
Cependant, rien ne résiste au premier choc de notre gendarmerie^qui 
bientôt a fait reculer les premiers escadrons espagnois.Mais le marquis 
de Peschière avait entremêlé parmi sa cavalerie deux mille arquebu^ 
^rs divisés en pelotons de quinze à trente hommes W parmi lesquels 
se trouvaient huit cents mousquetaires (9. Ces troupes, protégées par 
quelques piquiers , portent le désordre et la mort dans les rangs 
des escadrons (^; leurs balles de deux onces traversent noiKseu- 
lement les armures , mais quelquefois deux hommes et deux che- 
vaux CO. Ponr se soustraire à l'effet des armes à feu, la cavalerie se 
débande et perd ainsi sa force de cohésion. La Palico veut charger les 



(1) « Qui fut cause que le roy, les voyant à la file, se persuada que rennemy esioU en ef- 
fh>y, avecques uo rapport qui luy fat fiiicl que la compagnie du duc d'Alcnçon et du seigneur 
de Brion, avoîent deflaict quelque nombre d*Espagnob qui voololent passer à D0Stt« maid 
droicte, et qu'ils avoient gaigné quatre ou cinq pièces de menue artillerie. Lesquelles choses 
mises ensemble furent cause que le roy abandonna son avanCage pour aller chercher ses en- 
oemys, lelleaient qu'U oouTrit son artiHerie et luy osia le moyen de jouer soo jeu. • Du Bair 
LAT, lîfZ n, p. 406. 

(^ Paul Ioti, p. SS, veno. 

(3) « Les impériaux se voyant hors du dasgisrde nostre artMlerie» et le roy qui Isa iFeooît 
ehercher, la UêU qu'île avaUnî drtêiêe vên Mirobel la ttiommirnU verê le n>iy^ ayant es- 
bandé deux ou trois miNe arquebooxiers parmy leur gendarmerie. » Du Bblut« Ut. fr, 
p.M6. 

(4) • Partiti in rinticinque o trenia per squadra. » La Vira Narralionê del Tuio, p. 48. 

(5) • Cominciarono dnquecento archeboaieri ch* erano Isiati in meno a gli hoomini d*arme 
Imperiaii molto avedulamenie posti gli loro archeboai scoccare. » Boita • frigUmia di Fra»- 
effco J, tom. I, p. 50. 

(6) « Les ennemys (k Parie), voyant la retraite des François boutèrent leurs harquebu- 
Uers, bien quatre nulle devant et avoient beaucoup de hacquebutes à crochets avec lesquels 
déirent beaucoup de François. • LnGeêUê ênêemàU, la ti€ dm noHe tkê^éiitt Bajforé, 
escript b Lyon, et 15 Jour de sept. 1595, ch. vn, p. 174.— Paul Jove ^rle éabuil oesu bar- 
qoebutiers b croq U$ Chroniques de du Tillr écrites sous Henri ll,p. 92. PariSy tl87, ci- 
tent le même nombre. , F■A^CI8C0 da Caipi, Comentaria iuorum îem p o r w m t Uv. x , cap. 
xun, s'exprime ainsi: « SOO. Sdopetariis ac pari numéro arcubusariis. » 

(7) Paul iovi, p. SS, verso. 

34. 



188 GUERRE DE CAMPAGNE. 

mousquetaires ; ceux-ci se serrent en bataillons ronds, et, protégés 
par les piques» ils repoussent toute attaque (^). « 

C'était le moment où Tinfanterie pouvaitencore rétablir le combat; 
mais chose incroyable, dit Paul Jove, les Suisses qui jusqu'alors 
avaient montré tant de courage et de dévouement, sont saisis de ter- 
reun Ni l'exemple de leurs officiers qui se font tuer, ni le désespoir 
de Diesbach leur chef, qui seul se précipite au milieu des ennemis, ne 
peuvent les faire avancer d'un pas. Ils jettent leurs piques et s'en- 
fuient (^). Depuis Marignan, dit Guicciardin C^) ils n'avaient plus le 
même dévouement pour la France; depuis rafiaire de la Bicoque, ils 
n'avaient plus en eux la même confiance. Dans ce moment suprême^ 
Fleurange voulant combler le vide qu'ont fait les Suisses, fait mettre 
pied à terre à sa compagnie de gendarmes W. De son côté la bande 
noire deslansquenets suivie des Italiens et des Provençaux, voyant la 
victoire qui échappe aux Français, se résout à faire la plus héroïque 
défense et àsoutenirla lutte la plus inégale.Quoiqu'elle ait devant elle 
l'infanterie espagnole et allemande triple en nombre, elle marche 
imperturbablement à une mort certaine; bientôt, entourés de tous 
les côtés , ces cinq mille hommes se font tuer jusqu'au dernier (^). Le 
désordre est partout; et il est encore augmenté par la nouvelle qui se 
répand que le roi court des dangers. Alors tous ceux qui ont 
l'honneur à cœur, ne pensent plus qu'à mourir pour secourir leur 
chef et leur souverain ; ils abandonnent leur rang^ leur commande- 
ment et volent à la défense de François I'' (^) qui, à pied, au milieu de 
la mêlée, combattait avec acharnement. Les premiers capitaines 



(1) Paul Iotb, p. 81. 

(2) Ibidem. 

(3) GuiccuKDmi, lit. xv, p. I0S5. Venise, 1738. RoUa et Frigionia éi Franc, l, p. 59. 

(4) PàulJotb^p. 84. 

(5) Paul Jove, p. 85, et PrUe ei déUvraneede Françm /•% Archives curieutes , p. Î82 , 
ei RoUa ei PrigUmiaj p. 61. 

(6) Paul Joti, p. 85. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE III. tW 

de Farinée sont tombes morts aux pieds du roi qu'ils défendent de 
leur corps. Le duc d'Alençon seul s'enfuit avec quatre cents lan- 
ces (^). Les Français attaqués de front et du côté gauche par Tai^ 
mée victorieuse, et pris à dos par Antoine de Lève qui fait une sortie 
à la tète de la garnison, sont anéantis ou dispersés (^). Le courage doit 
céder au nombre. Tout est perdu fars l'honneur. 

Les Espagnols attribuent le succès de celte journée à Teflet que 
produisirent leurs mousquetaires (^. Les auteurs français signalent 
comme cause de la défaite, l'attaque trop précipitée que conduisit le 
roi à la tète de sa gendarmerie; mais François P% lorsqu'il parla de 
cette bataille à Paul Jove (^, prétendit que toutes ses dispositions 
avaient été bien prises , et que la perte de la bataille était due à la 
défection des Suisses, aux rapports des capitaines de son infan- 
terie italiennci qui, dans un but de gain, grossissaient faussement 
l'effectif des hommes présents sous les armes, et enfin à la retraite pré- 
cipitée du troisième escadron de gendarmerie. Quant à nous, tout en 
blâmant le mouvement en avant exécuté trop tôt , nous dirons avec 
François I*', que ses mesures étaient bien prises, et que même, 
malgré sa précipitation, il eût pu remporter la victoire, si, dans ce 
grand jour, tout le monde avait fait son devoir W. 

Heureusement la fortune est inconstante, et vingt ans ne se pas- 
seront pas avant que nous n'ayons pris notre revanche sur le champ 
de bataille de CérisoUes. 

Le duc d 'Enghien, la veille de la bataille, éuit allé s'emparer d'une Bauiu<' de ceriM^u». 
hauteur qui dominait la plaine de CérisoUes, afin de reconnaître 



(t) Paul Jofi, p. S6, verso. 

{%) Anromo di Yiia, p. 111; Paul Iotb, p. 86, verso. £« Vira NorraiUme de Ticio, 
p. S7. 

(3) « Personne ne nie que la gloire de celte joarnée ne soit due aux arquebusiers espagnols 
(a los arcabuseros espanoles). » Airrono m Vbia, p. lit. 

(4) Paul Joti, p. ffl, verso, et plus loin il ajoute : « Le roi m*a raconté deix fois les dé- 
laits de celte bataille, une fois k Marseille et une fob à Nice, et son récit m'a rendu dairs 
les fiiitt qui d'après It dire des capitaines opposés m'avaient paru confus. • làidim^ p. 8S. 



190 GUERRE DE CAMPAGNE. 

l'ennemi. Dans ce but, il avait emmené avec lui les cheveau-légers, 
mille à douze cents arquebusiers et « trois moyennes à double es- 
M quippage pour diligenter aussitôt que la cavalerie (*).» Malgré 
cette expression, il ne faudrait pas considérer celte artillerie plus 
mobile comme un commencement d'organisation d'artillerie a che- 
val; pour prouver combien la construction en était imparfaite, il nous 
suffira de dire que les pièces appelées moyennes ne lançaient qu'un 
boulet de deux livres et que, cependant, leur attelage ordinaire était 
de quatre chevaux (^). Et si dans ce cas particulier, on avait doublé 
l'attelage, le nombredes chevaux était donc porté à huit. Avec un pa* 
reil nombre on traînerait aujourd'hui facilement une pièce de douM. 
Néanmoins c'était alors un progrès; et Montluc signale le fait, que 
M. de Mailly, commissaire de l'artillerie, arriva en place aussitôt 
que la cavalerie W. 

L'armée ennemie commandée par le marquis du Guast, s'était 
avancée ; mais les trois pièces françaises la firent retirer ; et, ce qui 
est digne de remarque, c'est qu'au moment où rartillerie française 
donnait une preuve de sa mobilité en marchant à Tavant-garde avec 
la cavalerie, l'armée dû marquis du Guast se trouvait compromise 
et disséminée parce que toute l'infanterie espagnole était allée à la 
recherche de deux canons qui s'étaient embourbés W. 

Ce jour-là, le duc d'Enghien ne profita pas de l'avantage que lui 
présentait la fortune, mais le lendemain il répara glorieusement sa 
faute* Le 11 avril 1544** les deux armées se trouvèrent en présence ; 
l'armée française comptait onze mille hommes d'infanterie, deux mille 
chevaux, et vingt pièces d artillerie; l'armée espagnole avait dix-huit 
mille hommes de pied , treize à quatorze cents chevaux, et seize 



(1) Mémoires de Du Bbll4T, liv. x> p. 762. 

(2) Vay- le Traité d^ Artillerie de Abra db Ràconis, qoi fut employé à fanenal de Paris 
François I«, MS de la Bibliothèque royale, n» 1801 et 2*99, fol. 68, verso, el 70. 

(S) Cfmmentairee de HoifTLUC, Ut. n, p. 66. 
(4)/W«U,liv.u}ip.67. 



UYRE K-* CHAPITRE IIL 191 

pièces de canon W* De chaque côté, rinranterie était divisée en trois 
gros bataillons disposés sur une ligne. La cavalerie se tenait sur les 
flancs des bataillons et Tartillerie divisée en trois batteries se trouvait 
dans les intervalles (^). 

Du côté des Français, la droite commandée par le seigneur de 
Thays qui, en récompense de sa belle conduite dans ce jour, fut 
nommé plus tard grand-mattre de Tartillerie (?), se composait de 
quatre mille hommes de vieilles bandes françaises en un bataillon, 
ayant sur ses flancs deux compagnies de gendarmes et six cents 
chevau-légers, et huit pièces de canon. 

Le centre commandé par le duc d'Enghien, était formé de trois 
mille Suisses, d'une compagnie de gendarmes, de deux cents che* 
vau-légers et de huit pièces. 

Lagaucheétait composée d'Italiens, de Provençaux et de Gruiens, 
formant un total de quatre mille hommes d'infanterie, d'une compa* 
gnie de gendarmes avec quatre pièces (^). Les Gruiens, quoique fai- 
sant partie de la Suisse, étaient loin de jouir de la réputation qui ho- 
norait leurs compatriotes (^). 

Le bataillon du centre espagnol était composé de neuf à dix mille 
lansquenets qui, par extraordinaire, étaient tous couverts d'armes 
défensives que leur chef Alisprand de Mabruce avait prises à Mi- 
lan m. 



(f ) DUamn de la baiaUU de CérixoUes, imprimé k Lyon peo de temps après la bauille. 
yoj.Àrtkivei ewriemeê de Cnnit et Dahjou, I<* série, tom. ni, p. 66 et 70. Paris, 1836. 
(3) Mémrinê de Do Bill4T> IW. x, p. 763 et sui^J 

(3) Ordann. de FrançoU l*', du 31 janv. 1546. Foy. MS de la Bibliothèque royale , fonds 
Saint-Germain, n* 374-511. 

(4) DUcwtrê de la bataille de CériMollee, p. 70. 

(5) Les Gmieos. « Je ne Tis jamais de plos grandes grues que ces gens-tt, indignes de 
porter arme. Ils sont foisins des Suisses; mais il n'y a non plus de comparaison que d*un 
toe k un ebeval d*Espagne. • Commentairee de Mohtluc, Fit. n, p. 73. 

(6) Aussi lorsqu'ils fltarent défûu, du Bellay nous apprend qu'un harnais qui coûtait 
à Mibin 10 écus ne se vendait que 10 Si 90 sols des plus beaux^ du Billet, liv. x, 

.777. 



192 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Toute rarquebuserie française avait été retirée des bataillons et 
mise sous le commandement de Montluc, qui l'accepta comme un 
grand honneur (^). Ce simple fait prouve combien est dénué de fon- 
dement cette opinion si répandue, que la chevalerie de cette époque 
dédaignait les armes à feu; et c'est avec peine que nous avons vu dans 
le Cours d'histoire militaire de M. Rocquancourt, quelques phrases 
de Montluc citées comme preuve de son aversion pour les armes à 
feu, tandis qu'au contraire, aucun capitaine avant lui ne s'en était 
aussi bien servi; et que, à en juger par ses propres paroles, il faisait 
grand cas de l'arquebuserie. 

A cette bataille de Cérisolles, l'escarmouche des tirailleurs dura 
de trois à quatre heures (^). Ensuite, des deux côtés les arquebusiers 
se retirèrent avec les cavaliers pour combattre entremêlés parmi 
eux (3). Au bataillon de centre, Montluc composa tout le second rang 
d'arquebusiers , «< afin qu'à l'abordée tous les chefs qui se trou- 
ât vaient au premier rang fussent tués, et le bataillon par là dés- 
« organisé (^). » Mais il se trouva que les Espagnols avaient agi de 
même. 

Les armées restaient toujours longtemps avant d'en venir aux 
mains; l'artillerie était chargée de les y forcer en les frappant de 
loin pour les chasser de leur position (^). 

I^es bataillons suisses s'écriaient » que le naturel de leur nation 



(1) <c M. d'Aoguyen et M. de Thais me baillèreDt à conduire toute l'arquebuserie. Je le 
reinerciay très humblement de Fbonneur qu'ils me faisoient. » Comm, de Moictluc , Iît. n , 
p. 68. 

(2) Dans le discours de la bataille^ on dit près de trois beures; Montluc dit quatre heures. 
Comm.j liv. ii« p. 69. 

(3) « Allez dire k M. d'Anguyen qui m'envoie cette cavalerie qui est a costé de leur arque- 
busier. » Camm, de Montluc^ liv. ii, p. 69. 

(4) Comm, de Montluc, liv. ii, p. 72; Du Bbllàt, liv. x, p. 765. 

(5) Mémoires de Gaspard de Sàulx, p. 108. 

•r Le marquis avoit mis au droit des deux casiues dix pièces d'artillerie d'une part et dix de 
l'autre, lesquelles étoient en lieu si avantageux que nos gens ne pouvoient marcher k eux que 
lesdites pièces ne douassent dedant nos batailles de hault en bas. » Mémoires de Du Bbllat, 
liv. X, p. 764. 



Y 



LIVRE K.-.CHAPITRB IL 1» 

c< n'était pasd*endurer la batterie de rartillerie,mais d'aller droit pour 
<f la gagner (0.» Et les soldats de Montluc lui disaient : « Menez-nous 
«au combat, Monsieur, il nous vaut mienx mourir main à main, 
« que d'être tués à coups d'artillerie 9). » Aussi Tinfenterie s'était-elle 
couchée par terre pour offrir moins de prise aux boulets (9). Mais 
Tartillerje française de son côté, ne restait pas oisive (^)y « car elle 
ce commença de Êiire tel dommaige en troys volées qu'elle fut laschée, 
« que les ennemis en furent, du conmiencement, très fort estonnez : 
c< Puis voyant qu elle faisoit à leur désavantaige grand exécution et 
« estoit pour continuer, prènent couraige, et sur ce marche leur 
« avant garde, qui estoit le bataillon de neuf mil lansquenets, lesquelz, 
a venant furieusement la teste baissée contre icelle, la font aban- 
<• donner à noz gentz, et tuent les chevaulx et partie des canonniers. 
a et bruslent entièrement toutes les pouldres de cette bande d'ar- 
« tillerie (^. » 

Puis ce gros bataillon se dirige contre le bataillon des six mille 
Suisses V)» Pendant ce temps la cavalerie impériale, en cherchant à 
attirer les cheveau-l^ers de la droite française hors de la protection 
des gens d'armes, commence à exécuter une manœuvre, qui plus tard 
fut souvent répétée par les reitres, et qui consistait à s'avancer sur 
une longue colonne , et à décharger les pistolets presque à bout 
portant en faisant une conversion. Les Français , étonnés d'abord 
de cette manœuvre, restent immobiles; mais bientôt les gens 
d'armes se serrent , tombent sur le flanc de cette cavalerie, la re- 



(1) Du BnxAT, Uv. X, p. 764. 

(S) Cammenêairtê de MoHTLOC, liv. u, p. 70. 

(S) • El les priay ions meure le genouil eo terre ei leurs picqnes bas, car Je Yoiois les 
Saines derrière coochés toat de leur long qui ne ps^oissoienl rien. • C<mm* de MoirrLiic, 
IW. n, p. 70. 

(4) Méwunrêôt GisPAnn ni Sàulx, p. IW. 

(5) D»<coiir9 de la bataille de CérisolUê. Archivée euriemes de rHiêtain de France, 
f » série, UMtt. m, p. 71. Paris, 1835. 

(6) Do BnxAT, Ut. x, p. 761. 

Toai I. ^ 



19i GUERRE DE CAMPAGNE. 

poussent sans effort (^); et elle va porter Je désordre dans ses: pro* 
près troupes. 

Le centre français, où se trouvaient les Suisses, courait le plus 
grand danger; maiis de Thais, s'apercevant que la gauche de Ton* 
némiy qui lui est opposée, eèt paralysée par la charge heniteuse 
dé la cavalerie, oblique à gauche pour appuyer le bataillon du cen* 
tre. Alors la grosse troupe des lansquenets ennemis, qui voit ce» deux 
bataillons venir contre elle, se divise en deux et présente à Tinfan- 
terie française un front plus étendu que le sien ; de Thais par une 
manœuvre habile, qu'il est bon de signaler, augmentera l'instant 
même son front des deux derniers rangs de ^on bataillon (^)« La bat- 
terie du centre , masquée un moment par les troupes , prend sur la 
gauche une position , d^où elle peut tirer (?). Les lansquenets sont 
mis en déroute par la cavalerie qui les poursuit avec avantage. 

Mais, pendant que le centre et Taile droite de l'armée française 
étaient victorieux , la gauche avait été complètement enfoncée; car 
les Gruiens, les Provençaux et les Italiens, voyant venir le batail- 
lon espagnol composé des plus vieux soldats et des hommes d'élite, 
avaient lâchement pris la fuite, sauf tous les capitaines et les lieu- 
tenants, qui, postés au premier rang, s'étaient fait tuer en restant 
à leur poste W. Leduc d'Enghien avait eu beau charger avec sa ca- 
valerie ce bataillon invincible; trois fois il avait passé à travers, trois 
fois ces vieux soldats s'étaient reformés et avaient renversé tout ce 
qui s'était présenté devant eux(^). 

Il croyait la bataille perdue, car un mamelon le séparait du reste 



(1) Paul Jotb, tom. n, liv. xliv, p. 762. 

(2) Du Bbllàt, liy. x, p. 765. 

(3) « Or, les eDoemis avoient mis leurs pièces d'artillerie au costé de la maisonoeite^ qui 
liroit eu butte dedans oostre bataille. M. de Mailly s'avança avecques la nostre, et se mit au 
près de nous et commença à tirer à eux vers la maisonnette ; car il pe pouvoil là où nous 
tenions l'escarmouche, sans tuer des nostres. » Montluc, liv. ii, p. 70. 

(4) Montluc, liv. n, p. 71, et Du Bellay, liv. x, p. 766. 

(5) Du BsLLAT, liv. X, p. 765. et Moutluc, liv. n, p. 71. 



LIVRE I*r. -^ CHAPITRE lli. 195 

de 868 troapes yiclorieoses. Sur ces entrefaites arrivent au galop, 
trois compagnies d'ar^ebiisiers italiens auxiliaires <}u'il avait laissées 
a Raconigi (^)y et quit entendant le canon» s'étaient portées en tonte 
hâte snr Je champ de bataille* Ellesmettent pied à terre et forment un 
noyau autour duquel les fuyards se rallient» En mâme temps le ba- 
taillon espagnol, apprenant que tout le reste de Tannée est endéroute, 
se retire, en toute hâte, et la victoire la plus complète reste à l'armée 
française. 

A cette bataille, on le voit, les armes à feu furent très habilement 
employées; et Tartillerie joua un rôle important dignp de ses exploits 
liasses de Marignan et de Pavie. 

Dans les guerres de CbarIes*Quint Tartillerie semble n'avoir 
jamais produit de grajud&effets, et avoir toujours été mal employée. 
Cependant, sous les. murs de Vi^ne en 1529, elle sauva la capitale 
de l'empire, et cette artillerie que l'empereur avait achetée à Nurem- 
berg W, fut beaucoup plus efficace que celle d^ Turcs, quoique celle- 
ci fût ti*ès considérable; Paul Jove prétend que Soliman avait trois 
cents bouches à feu ; mais d'un calibre extrêmement faible; les plus 
grandes ne lançaient qq'un boulet gros à peine compie un œuf d*oie (^) 
et chaque pièce était portée sur un chameau. 

Ace même siège de Vienne^ l'armée impériale, pour résister aux 
Turcs, était disposée de la manière suivante : 

« Les troupes rangées sous les murs de la ville dans une vaste 
« plaine, formaient trois bataillons carrés de piquiers disposés sur 
M une ligne, et la cavalerie, divisée en deux corps, était placée dans les 
« intervalles très considérables laissés entre les bataillons. On avait 
« adopté cet ordre, afin de protéger l'infanterie contre l'innom- 
« brable cavalerie turque. Les chevau-légers arquebusiers , au 



(f ) MoiiTLuc, liv. n, p. 7S. 

(2) Paul Joyb, tom* u, liv. xxx, p. 249. Traduction de Domiicu. 

(3) Ibidemy tom. n, liv. xxx , p. 843 et i44. 

35. 



196 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« nombre de vingt miile, entouraient à trente pas de dislance, les ba- 
i taillons de piquiers; ils étaient sur cinq rangs de hauteur , les files 
« espacées, afin que les rangs étant libres et non pressés, le premier 
« rang pût tirer son coup de feu avec promptitude pendant que le 
« second chargerait; de telle sorte, qu'en alternant ainsi, la grêle de 
« balles fut continuelle. Peu importait que Tordonnance ne fût guère 
a profonde, parce que les arquebusiers, quand ils y étaient forcés, 
« pouvaient se retirer entre les piquiers, qui n'étaient pas éloignés. 
« La cavalerie légère environnait donc le front, les flancs et les der* 
<i rièresdes piquiers, en suivant Tordonnance générale, et laissaient 
< deux grands intervalles, afin que les chevaux serrés en masses, pus- 
• sent sortir librement sans déranger l'infanterie. » 

i On avait mis l'artillerie devant les chevau-légers ; et, lorsque 
i les canons échauffés par le tir cessaient leur feu, ils servaient de 
M rempart ou de retranchement contre les attaques ennemies. Les 
i Hongrois conduits par leurs capitaines Yalentin et Paul, s'é- 
« talent seuls offerts pour combattre en dehors de ces retranche- 
« ments W. » 

Dans son expédition de Tunis en 1535 , Charles-Quint, pour at- 
taquer les Turcs, n'attendit pas son artillerie qui, traînée à bras, 
s'enfonçait dans les sables ^ et ne pouvait arriver assez prompte- 
ment i^\ Les historiens militaires le louent avec raison d'avoir 
profité de l'occasion favorable qui se présentait d'attaquer l'ennemi, 
tandis qu'il l'eût laissé échapper en attendant son artillerie qui ne lui 
était pas indispensable pour agir contre des troupes disséminées 
et n'offrant que peu de prise au canon (?)» 

En effet, Fronsperger et Senfftenberg, qui se battirent à cette 
époque contre les Turcs, disent que ceux-ci fractionnent bien plus 



(I) Paul Joyb, tradoc. de Domncm, tom. n, liv. xxx, p. 258. 
{i) Ibidemj tom. n» Ut. xxxit, p. 376. 
(3) BcsGA, Traité de Fartificatian. 



i 



LIVRE I''. - CHAPITRE llî. I97 

leurs troupes que les Chrétiens (^)i qu'ils les disposent sur un front 
plus large C^)) que leur discipline est plus sévère C^); et le premier 
ajoute : < Quoique les Turcs n'aient ni notre artillerie, ni nos armes 
«défensives, ni nos approvisionnements* cependant ils valent mieux 
a comme soldats et tombent sur nous comme la grêle sur la pluie W.» 

En 1546, la ligue protestante connue sous le nom de ligue de 
Smalcalde, comptait quatre-vingt*quatre mille hommes, seize mille 
chevaux, six mille pionniers, huit mille arquebusiers, cent quarante 
grosses pièces d'artillerie, trois cents barques pour faire des ponts et 
huit cents chariots de munitions (^). 

n y avait parmi cette artillerie, une pièce à orgue qu'on repro- 
duisait encore comme une nouvelle invention, et qu'on cachait même 
à tous les regards comme un secret merveilleux (^). 

Si cette armée se fût avancée promptement contre Charles-Quint 
qui étaità Ratisbonne, elle l'eût écrasé avant que l'Empereur eût pu 
rassembler les contingents qu'il levait en Allemagne, ou qu'il faisait 
venir de Lombardie, de Hongrie et des Pays-Bas. Charles-Quint 
pouvait être attaqué, avant même que son «artillerie, qu'il attendait 
de Vienne fût arrivée (7). Mais, à cette époque, les mouvements des 
armées étaient extrêmement lents, et la guerre consistait bien plus 



(i) Fioifsmon, Uy. ix, p. 914, veno. FrancLfuri, 1566. 

(i) • Derlialben die Tarken nicht unireisslich aalTdie lis! gedacht daassie sich îd die ^eîtbe 
ausstlieileo mit breithen Ordmiogen. • SniFFriiiBito, lom. m, p. Si. MS du dép6i géoéral 
de la gnerre. 

(3) Les Turcs sont toujours unis entre eui, ils sont solires, n*ont point de bagage, ni filles, 

ni enlknts, aussi font-ils en marche dans un jour ce que nous faisons en trois Au- 

jourd^ui il n'y a pas de lansquenet qui ne veuille avoir sa garce, son goiyat, et par-dessus le 
marché un chetal» un coq el un chien. > Fnonspnun.llT.ix, p. 911, Terso,eip. 914 , 
verso. 

(4) Faonspnon, liv. a, p. 911. 

(5) Hi$UÀT9 de CkMrUê-Qmêni^ par âhtomio m Ynu^ p. 9S3. Valenda, 1695. 
(€^ S iuffiniiMi Q, t. T, p. f . 

CI) « Nous n'avions aucune artillerie, mais bien en attendions que venoit de Vienne, et ainsi 
estions tant despourvenx de tout que si les ennemys hissent venus ils achevoient leur entre- 
prinse sans aucune contradiction. Et cesie fut la première fMte qu'ils feirent. » C^mw^n- 
iflérvs de Lots n'ÀTiLà» liv. i, p. 17. Traduction de MATmo VAUtcmi. Anvers, 1550. 



198 GUERRE DE CAMPAGNE. 

dans des marches et contre-marches, dans Toccupation de posi- 
tions avantageuses , où l'on attendait son ennemi, qu'en opérations 
décisives. 

Près d'ingolstadt, l'armée de TEmpereur, quoique déjà afiaiblie, 
se montait de huit à neuf mille chevaux , et à vingt-neuf mille pié- 
tons 0). Les deux armées restèrent quelque temps en présence se re- 
tranchant toutes les deux avec le plus grand soin, soit au moyen de 
chariots, soit au moyen de parapets en terre, et se boi*nant à des es- 
carmouches ou à quelques efforts pour déloger J'ennémi à coups dé 
canon. Les historiens remarquent qu'un jour les protestants tirèrent 
en neuf heures sept cent cinquante boulets (^). Une autre fois, on en 
ramassa dans le camp impérial dix-sept cents P». Et Antoine de Vera 
dit qu'on n'avait jamais vu l'exemple d'une canonnade aussi ter- 
rible* Ces faits prouvent combien le tir de Tartillerie était encore 
lent, si Ton pense qu'aujourd'hui on tire en quelques heures dans 
une bataille quatre-vingt mille coups de canon. 

Cependant il faut remarquer que l'armée allemande de cette 
époque, avait une artillerie très perfectionnée (^) et que les petits 
calibres manœuvraient toujours avec la cavalerie* En marchant en 
avant contre l'ennemi en 1546, Tartillerie protestante s'avançait en 
bataille, les pièces sur une ligne dans les intervalles des escadrons (^). 



(1) Commentaires de Lots d'Avilà, lita, p. 45. 

(2) Antohio de Vera, p. 256, et Lots d'Ayila, liv. i, p. 34, verso. Ce dernier dit oeuf 
cents coups. 

(3) Lots d'Avoa, liv. i, p. 38, verso. 

(4) « Le Lantgrave faict profession de bien se sçâvoir ayder de son artillerie, et soit que 
luy la gouvemast en ceste guerre ou ses capitaines (car je ne sçaj a cuy Ion en doibt sçavoir 
gré ou donner la louange), ilz l'ont a mon advis sçeu fort bien mener et très diligemment. • 
Liv. I. p. 58. 

(5) « Hz se representoient (en venant) oomme ung croissant de iuiie) car la Campaigne 
estant très ample et spacieuse permettoit tout, et à leur main droicte avoieni les maretz, les* 
quelz estoient a nosire main gauche» vere le Dunoue (Danube), et par ce costé, marcboit 
un tresgrand esquadron de gens a dieval^ aocompaignez de huiot ou dix pièces d'artillerie et 
main gauche d'eulx^ venoit ung peu plus loing, ung autre bien gros esquadron de gens à cbe* 
val, acoompaigné d'autres vingt pièces d'artillerie, et ainsi marchoit toute leur chevalerie. 



LIVRE !•'. - CHAPITRE III. 199 

Dans les mouvemelits de retraite, toute rinranterie (H*enait les 
devants avec les grosses pièces, et la cavalerie formant Tarrière-garde 
ëtail appuyée par la totalité de rartilierie de campagne (^)- 

En 1547, le passage de TElbe, à Mûhiberg par Charles-Quint, en 
présence derarmée protestante, est une opération de guerre remar- 
quable, qui prouve qu'une attaque bien dirigée, peut triompher d'un 
ennemi supérieur en nombre,mème lorsqu'il est établi dans une posi- 
tion défensive avantageuse. Les protestants occupaient Mûhiberg sur 
la rive droite de TEibe, et de leur côté la rive plus élevée, était for- 
tifiée par de nombreuses batteries. Mais Cbarles*Quint, à la faveur 
d'un bois qui arrivait jusqu'au bord de l'eau, envoya un grand nom- 
bre d'arquebusiers espagnols, qui, soutenus par quelques pièces de 
canon, éloignèrent l'ennemi et protégèrent la construction d'un 
pont. En même temps, ayant découvert à quelque distance un gué 
par où la cavalerie pouvait passer, ce prince s'élança à la tète de sa 
gendarmerie dans laquelle il y avait douze cents arquebusiers à che- 
val et deux mille lances; il renversa l'ennemii fit le duc de Saxe pri- 
sonnier et s'empara de toute l'artillerie (^. 

repartie en esquadrons, et aceomptigoée de leor artillerie, laquelle venoit estendue par la 
canpaigne, oomme lears cfaeiraiilx, dob qa*elle fust menée pièce après antre, mais arrangée 
de front, pour tout a ung coup pootoir tyrer les pièces, que bon leur eust semblé. Apres suy- 
voient leurs gens de pied, les esquadrons desquelz se voient fort bien pour la grande espace 
qu'il y avoit entr'euli, et les esquadrons de leurs gens d'annes. » dmm. de Lots d*AviLA, 
Uv. 1, p. 30. 

(i) n Et desia estoient tous leurs gens de pied passes Çie ruisseau), car c'estoient ceulx qu'ils 
metlolent loosioars les premiers, et demeuroient en leur arrière-garde, tous leurs gens de 

ebeval en trese ou quatone esquadrons avec aucunes pièces d*artiUerie de campaigne Et 

sa nujesté avec le duc d'Alve et aucuns gentilzbommes furent venir l'ordre qu'ilz tenoient, 
lequel eslolt tel que j'ay dit, c'est asstvdr d'envoyer devant leur gr omc artillerie, lenrs gens 
de pied, et puis leurs gens de chevaulx. C'est<ritdios6 très belle a venir toute la campaigne 
coweite d'esquadrons de gens de pied, et les lieux plus banhs d'icelle campaigne couverts 
d'esqpadrons de gens b dieval. » iiOTS d^Avila, liv. i» p. 39^ veiso. 

ns avoient envoyé leur chariaigt et grosse artilerie, et des devant la miauyct leurs piétons 
avoientcooiBKncéamareber, et pour leur arrière-givde estaient demoures tous leurs cbe- 
vaulcbenrs avec aussi toutes leurs pièces d'artillerie de camp qu^souloiflat mener en l'a- 
WM-garde, &ea advis venn, l'empereur fowmanda a auruns cbevaulx leglers, qu'ilz allas- 
sent bien et derement recongaoistre leur paitcment. » JAMmi, liv. i, p. 60, verso. 

OQ ComuMnfolf» de Lots d'Avila, liv. n, p. 103 et suiv. 



aoo GUERRE DE CAMPAGNE. 

Les pièces qui furent prises par l'Empereur dans cette guerre, se 
trouvent représentées dans un manuscrit de la Bibliothèque royale, 
fonds Saint-Germain, n" 104 et 164. 
Henri II. Ariiiierif. ^q Commencement de ce chapitre, nous avons déjà empiété par 
quelques détails sur le règne de Henri II ; nous ne dirons donc rien 
ici de l'organisation de Tinfanterie et de la cavalerie par ce prince, si 
ce n'est que déjà le nom de régiment avait en partie remplacé celui 
de légion, pour désigner, sous un seul commandement, la réunion de 
plusieurs enseignes ( voyez à la note des pages suivantes la compo- 
sition de l'armée de Henri lien 1552), et qu'on réunissait en un 
escadron, sous un étendard nommé la cornette blanche (^), tous les 
volontaires gentilshommes, qui accouraient toujours en foule dès 
qu'il s'agissait d'acquérir de l'honneur. 

Maissi, sous ce règne, la transformation que subirent l'infanterie et 
la cavalerie, n'est pas assez importante pour mériter d'être traitée 
séparément, l'artillerie, au contraire, entra à cette époque dans une 
nouvelle phase de perfectionnement. 

Le nombre des calibres fut réduit à 6, et au lieu du double canon 
qui était trop lourd, et du canon serpentin qui était trop court, 
on adopta le canon renforcé de 33 qui tenait le milieu entre les 
deux (^). C'est donc bien à tort que les auteurs modernes , se bor- 
nant à copier les Mémoires de Saint-Remy , font honneur à 
Charles IX d'avoir fait régulariser les calibres. L'ordonnance 



(1) <c Sept à huici cens seigneurs et gentilshommes pour la cornette blanche. Mémoireê de 
Bonmi nu Villàrs, liv. iy, p. 639. Année 1S53. 

(î) a Ce ne fut que du temps du roy Henry H, que reflet de l'arquebuserie et artillerie 
commence à être en grande vogue, car on se mit à reformer le catibre des pièces dont le ca- 
non n'arritait qu'à trois milliers, et atait la chasse trop courte, et le double canon qui en 
pesoit quelque huit mille étant trop difficile à mener par pays et se manier quand il étolt 
question de le mettre en œuvre; si que de ces deux extrémités on se vint réduire à une 
moyenne disposition de canon renforcé pesant cinq milliers.» Vigehèrb, Artillerie au xvi* 
9iècle,p. 9. «Du temps du roy Henri II, auquel je mesurerai toutes choses, car elles sont de- 
puis allées en confusion. » Idem, p. 38. 



LIVRE {«.—CHAPITRE III. 901 

de 1572 D était que le rappel de rancienne loi tombée en dësiiëtnde 
pendant la guerre civile, comme le prouve non-seulement Tordonr 
nance elle-même, mais encore une lettre patente postérieure W. 

Et en effet, il eût été étonnant que la simplification et la régula- 
risation de Tartillerie datassent d'une époque de trouble, où il ne 
s'agissait pas d'innover, mais de se servir de tout ce qu'on avait sons 
la main. 

Les calibres réguliers avaient donc été fixés sous Henri II de la 
manière suivante : 



DÉSIGNATION DES CALIBRES. 


LIYllâ. 


oaciâ. 


' LA nia. 


VOIM 

LA nia 
tm MD aVAt 


CHSTAQI. 


Canon de 

Grande ooolefrine de 

Coulefrinebâuidede 

Conle^ne moyenne de. . . . 
Faoeoo de. 


33 
15 

7 
S 

1 

» 


4 
2 
9 

• 

i 

14 


' 590r 
4900 

: 9500 
ISOO 

' 800 

, 500 


8000 
«600 

4400 

9900 

1340 

800 


91 
17 
11 

4 
S 

9 


Fanoonneande 



Ces données, qui s'accordent avec celles que fournit Yigenère, 
sont extraites d'.unmànoire sur l'artillerie, faisant suite au discours 
militaire du maréchal de Lesdiguières. MS de la Bibliothèque royale 
(n«7113-110)quidatedel550(voyez p. 206). 

Cependant les dimensions données ci-dessus variaient quelque 
peu suivant les lieux où se fondaient les canons; ainsi l'architecte 
italien De Marchi fournit les détails suivants sur l'artillerie que 
Henri II fit faire à Parme, et qu'il dit avoir rigoureusement mesurée. 



(I) m S'ciianiplQaleon particnUcn lieentieuiemenl diapensés de oontrerenir au anden- 
nea ordonnanoea cy-defant faiuea par no$ prédéteuêmn n^ys^ atons cy-defani adreaié noa 
leorea pmenlea donnéea è Bloia an moia de mara 1573. » Ordmmmueë de CharUê il, MS 
fMida Saini-Genndn, n* 374, lom. n, eolé au baa 516, f6l.lO. 



3Qt GUEERE M! CAMPAGNE. 

Les poîda étant doaoés en livres de Parme, nous les ayons réduits 

m kilogrammes (^). 



DÉSIGNATION DES CALIBRES. 



Canon. . . . 

Id. . . . 

«. . . • 

Jd. . . . 

Demi-canoD. . 

Coulevrino. . 

Demi-coulevrine. 

Saere. . . . 

FaoGon. . . . 

Fauconneau. . 



POIDS 

des 

PROIECTII.ES 

enkil. 



19,68 
16,40 
16,40 
19,68 
9,24 
9,24 
4,92 
2,624 
1,974 
1,304 
0,656 



EPAISSEDR 

du méUl ea cali- 
bres (i). 



2 4/5 
2 4/5 
26/7 
2 3/4 
2 1/2 
2 8/9 

3 1/r 

3 
3 

2 6/7 
2 6/7 



2/3 
2/3 

5/7 
5/7 



1 2/3 

1 6/7 

1 6/7 

1 6/7 



LOHGUEI^R 

en 

CALIBRES» 



21 

18 1/8 
18 1/8 

18 1/4 

19 2/5 
30 2/3 
39 1/5 
33 

35 1/S 

36 4/7 
3^1/2 



POIDS 

de 

LA PlèCS 

en kil. 



Kk 



2476 
2625 
2912 
164T 
2542 

795 
517 
394 
205 



La planche IX refMrésente Fartillerie de cette époque. Les 
dessins sont tires d'un MS de la Bibliothèque royale n? 6994 inti* 
tulé : Discours et dessins ptxr lesquels s'acquiert la congnmssance 
de ce qui £ observe en France en la conduite et employ de l'artillerie, 
dédié à très puissant prince monseigneur Gaston de France, duc 
d^Anjouy frère unique du roy, parle capitaine Vasselien, ditNicolay 
Liûnnais. Or, ce duc d'Anjou étant le frère de Louis XIIL on se» 
étonné que nous citions comme représentant l'artillerie de Henri II, 
un livre qui, d'après son titre, parait écrit vers 1620» Mais c'est 
qu'en lisant attentiveiBent ce maauscric, nous nous sommes» con- 
iffaincus que le titre sail est du temps de Louis XIII, tandis que plu- 
sieurs Êiits prouvent que l'ouTrage même a été écrit sous Henri UI, 
Ainsi en parlant de la charge de grand maître de l'artillerie^ Yasse- 
lieu, fol. 1, soutient longuement que c'est une fonction militaire im- 

(1) MlsuT^dêlVaHiglierUi che ha fatio fore il re Henrico diFranxa e Villfuiritimo doca 
Ottavio Farnese a Parma neir anno 1553* DéW arehiteHura milUare del cap. Franc, de 
Mar«hi»IW. ly» p. 8. Brescia, 1599. 

(2) L'épaisseur est ici le diamètre de la pièce, moins le diamètre de Tàme. 



\i'jii.i.r.i;ii: dk cwii-AtAK dk iif.mu ii a m is \i\ 



I r.. I l.l; \\')t: . :il II I ï l'.IM. 



^^'t^^^. 




» ^î • M \. 



<\r?\ 







■■i<> 




I. 1 




LIVRE l^*.— CHAPITRE III. 9«3 

porlanle el honorable; ce qu'il se fûl dispensé de vouloir prouver si 
elle eûl déjà élé élevée au rang de chaîne do la couronne, conmie elle 
le fut par Henri lY en fiiveur de Sully. Il parle, fd. 3, des change- 
ments iaits dans Tartillerie depuis vingt-neufansyCt datecetle période 
de Tordonnance de François I", rendue en 1546. U parle des onae 
magasins et gardes créés par François I*', et ajoute que Charles IX 
en a établi deux autres, l'un à Met2, et l'antre à Calais; mais il ne 
parle pas des dix-sept autres magasins créés par Henri III, en 1582 (^). 
Il est donc clair qu'il écrivait vers 1575; et d'«lleurs ses dessins, 
comme son texte, se rapportent enlièreHient aux traités d'artillerie 
d'Abra de Raconis, de La Treille et de Yigenère. 

Or, Abra de Raconis fut employé à l'artillerie sous François V% 
coBune nous l'avons déjà dit ; La Treille était commissaire de Tartil- 
lerie en 1557 (9; et enfin, nous avons vu Y igenère déclarer que tout 
ce qu'il décrit se rapporte au temps de Henri U. 

Ainsi donc,puisque le manuscrit de Yasselieu, écrit sous Henri 111, 
se rapporte au matériel de Henri II, et qiie^ d'un autre côté, il a 
été présenté au frère de Louis XIII, c'est b preuve que l'artillerie 
française n'avait pas changé de 1546 à 1690; et, m ^et, sauf quelques 
lègues modifications, l'artillerie de Henri II dura jusqu'à Louis XI Y- 

La figure 1'* représente la grande coulevrioe ; sous avons omis le 
canon de 33 qui, sauf ses dimensions, est absolument monté de 
même. La figure 2 est une moyenne, la figure 3 un fraconneau, et 
la figure A un orgue, c'est-4i-dire, un chariot portant des corselets, 
des piques de rechange, et qui, pour être utilisé comme retranche* 
ment, a sur sa flèche cinq arquebuses k croc montées sur pivot. La 
figure 5 est un chariot contenant des tonnes de poudre. 



(1) L'ordonnttioe du mois d'avril 15S2 crée Uenle nugasûis ao lieu de treiie qui eiislaieni 
précédemment. 

(S) Car on lit dans Us campUs de rextr^ardinairt de PariUUrie en 1557» par Claude 
PiHAiT, trésorier. MS de la Bibliothèque royale, n* 9ii7, tom. n» p. 179, que François L 
Treille était alors commissaire d*artlllerie. 

36. 



iM GUERRE DE CAMPAGNE. 

Toutes les pièces, depuis le canon de 33 jusqu'au fauconneau, 
étaient à limonière et par conséquent n'avaient point d'avant-train. 

Le canon de 33 était traîné sur son affût comme les autres pièces. 
D n'y avait donc point de chariot porte-corps; mais seulement pour 
les trois plus gros calibres, une paire de roues de rechange traînée 
avec son essieu et attelée de deux chevaux. 

Une petite servante, voyez figure 1'% soutenait la crosse d'affût 
quand on s'arrêtait, afin de soulager le limonier. 

La prolonge, appelée combleau et roulée autour de la volée, était 
une amélioration précieuse. En effet, Machiavel dit qu'en rase 
campagne l'artillerie ne peut faire qu'une seule décharge> parce 
que, marchant dans un sens et tirant dans un autre, il lui faut pour 
tourner à cause de ses longs attelages,un tel espace qu'elle mettrait le 
désordre partout, si on voulait lui faire suivre les mouvements des 
troupes. On eût pu remédier à cet inconvénient en faisant faire le 
demi-tour aux pièces à bras, comme cela se fait encore aujourd'hui 
dans certains pays; mais soit pour éviter ces demi-tours, soit pour 
s'épargner les embarras d'attelar et de dételer souvent les che- 
vaux , on trouva sans doute plus avantageux , lorsque les pièces 
étaient en batterie, de les faire traîner par les servants la bouche 
en avant, en faisant effort sur la prolonge qu'on déroulait, laissant 
ses extrémités attachées des deux côtés de l'affût aux crochets de re- 
traite. Il paraît que cette méthode était usitée dès 1528, car Du Bel- 
lay ditf que le maréchal de Lautrec faisait, près de Naples, avancer 
l'armée en bataille, l'artillerie marchant la bouche devant W. 

Nous parlerons, dans le second volume, des autres améliorations 
que le matériel de l'artillerie avait subies, ainsi que des soins que le 
gouvernement avait pris pour Tapprovisionnement du salpêtre; mais 
nous mentionnerons dès à présent les règlements que fit Henri II afin 
d'avoir toujours des charrettes et des chevaux prêts pour le service 

(1) Mémoiret de Du Bsllat, Iîv. m, p. 426. 



LITBE K — CHAPITRE III. 9K 

de rariillerie. Avant loi» lorsqu'on avait besoin de chevaux, on 
les levait par réquisition dans les communes; par Tordonnance 
du mois de décembre 1552» il créa dans les provinces le plus près 
des frontières , vingt capitaines du charroi d'artillerie chargés 
de fournir quatre mil chevaux de traict garnis de tous hamais et 

équipages^ mit charretiers et six cents charrettes Ce qui faisait 

que chaque capitaine était tenu de fournir deux cents chevaux, 
cinquante charrettes ordinaires et vingt-cinq charrettes renforcées 
qui devaient être rendus au lieu fixé six semaines après Tinjonc- 
tion du grand maître, le tout aux dépens desdits capitaines « qui, 
« pour ce fait, auront gages, soldes et avances de deniers, et joui* 
« ront des privilèges, franchiseset exemptions tels qui s'ensuivent. » 
Us avaient, tant en paix qu'en guerre, deux cents livres tournois par 
an de gages ordinaires; de plus cinquante sous par jour pour chaque 
attelage de quatre chevaux, y compris le charretier, et vingt sous par 
jour de service pour celui qu'ils chargeaient de surveiller les attela- 
ges. De plus, pendant le temps du rassemblement, huit jours de gages 
de la sonmie totale. Afin qu'ils ne fussent pas à court d'argent ; dès 
le jour de la signification^ on leur donnait 80 écus d'avance pour 
chaque attelage de quatre chevaux ; mais les capitaines, pour obtenir 
ce prêt, devaient fournir caution par*devant le général de la charge 
en laquelle sera le lieu de la demeure dudU capitainef ou bien par- 
devant le plus prochain juge W. Enfin, ils étaient, comme les com- 
missaires de Tartillerie, exempts de tailles* Le reste du personnel 
était composé conmie sous les règnes précédents; seulement on avait 
créé au^essous du grand maître la chaire de lieutenant général 
d'arUUerieW. 
On voit, par ce qui précède, que rartillerieéuit fortement consti- 



(I) MS f»iidtSiini-06niiaio, a* 87*, ion. 5, ooié SIS, M. 19. 

(9 « MoMeigoeor de Cdllar etMi, km ISM, UeolaiaM général de Tartlllerie qui fai le 
preâier qai ait porté cette qoeliié ; car, WÊfÊnna^ fl i*y eo afoH point , Voù prenoil le pre- 
nrier oommb^ire qui eitoit le mieoi eoieodo poor biit la diarfe. > MS dté plus baot, 
■•7llS-IIO,lbl.88. 



â06 GUERRE DE CAMPAGNE. 

tuée, cependant les bouches à feu n'étaient pas employées en grand 
nombre dans les batailles ; la réunion du parc de siège au parc de cam- 
pagne était la cause de cette disproportion numérique. Ainsi, d'après 
Yigenère, on comple pour un équipage de campagne ordinaire de 
trente pièces : dix canons de 33, quatre de 15 1/4, huit de 7 1/4, huit 
de 3 1/2, pour mener ces pièces» on compte avec les charrettes à 
munitions de rechange, 189 voitures et 1300 chevaux, et cependant, 
dans ce nombre, on ne fait pas entrer les petites pièces, telles que les 
faucons et fauconneaux. 

La dépense était excessive, et Yigenère dit : « Au voyage 
« d'Allemagne, Tan 1552, que fit le roi Henri II, jusqu'au Rhin, nous 
« caicuiâmes qu'à Dampviller et à Ivoy, places de peu d'importance 
« et qui endurèrent dei^ milliers de coups de canon, il n'y eut coup, 
« tontes choses comptées,la dépense à savoir des chevaux, des pion- 
« niélrs et autre suite et attirail de l'artillerie, pour deux ou trois mois 
» que dura cette expédition, qui ne revint à plus de deux ou trois 
« cents écus (*). » 

Voici 9 d'après un auteur contemporain de Henri II, un autre 
équipage de campagne : * 

PERSONNEL POOR L'ÉQUIPAGE DE 44 GROSSES PIÈCES. 

CommUsaires, eanonnien et autres of/ieieri ordinaires pour l'exéeution desdites piêees. 

Commissaires ordioaires 12 

Ganomiiers ordioaires k raison de trois pour chacun canon, et de deux pour chacune 

grande coiileTrine et basurde 119 

Conducteurs du charroy S 

Charpentiers, charrons et forgetms de chacun métier quatre i4 

Officiers extraordinaires. 

Charpentiers, charrons, forgeurs de chacun métier quatre S4 

Tonneliers 3 

Conducteurs extraordinaires, 

A raison de trois pour chacun canon, de grande coulevrine deux, et chaque bastarde. 130 

(1) ArUUeriê au XTi' siicie. p. 17. 



LIVRE !•'.- CHAPITRE Ul. 



«7 



Équipage de 44 grosses pièces darlillerie, tant pour baUerie ^ue 

pour campagne (^). 



DÉSIGNATION. 



Pour Iraosporter M canmH à 31 obevaox où il hnk M limo^ 

niers 

M 10 snmdes couleyriDes 

lObAurdesi il chamn 

> 3,480 boulets de canoo âi 40 booleis par char- 
rette âi 4 chevaux 

B 3,000 boulets k grande eouletrioe) à 00 boulets 

par charrette, âi 4 chevaux 

3,000 boulets à bâtarde, âi iOObouleU par char- 

reii6j à 4 chevaux 

I* 3,000 livres de plomb pour arquebuse âi croc» 

charrettes à 4 chevaux 

130,000 livres de poudre, grosse greuée pour les 

pièces* 

30,000 livres de poudre menue grenée pour 
amorce et pour distribution aux arque- ^ 

busiers 

Pour les tentes et pavillons du roi avec charrettes nattées dans le 

fond. . 

Pour le charroi des menues munitions nécessaires à Téquipaot des 

pièces 

Pour le cfaarroy du cordage qui est mené âi la suite du train, et ban- 
des d'artHlerie, outre celle empbyée aux plèoss. 

Pour le charroy des outils âi pionniers 

Pour le charroy des deux forges de campagne garnies 

Pour lé charroy de 44 essieux pour asrvir aux pièoes« .... 
Pour la voiture hault le pied, de 3 aifftts de canon et de deux pai- 
res de roues 



Total. 



60 



35 



19 



140 



13 

13 

6 
8 
4 
S 



▼oiTVRn. 


cnv*oi< 


24 
10 
10 


504 

no 

, 110 



337 



340 



100 



70 



560 



48 



48 



16 
It 



1056 



Il compte aussi un équipage de ponts de bateaux; mais il ne donne 
pas le nombre de chevaux nécessaires* Au folio 80, on lit cette 



,1) Mémoift pam VarHUêriê. US delà BibUothèque royale, n« 7MS-110. 



a06 GUERRE DE CâMPAGNE. 

phrase qui n'est pas sans intérêt pour connaître ]a date du manu- 
scrit : « Un parc de trente tboises de long et vingt de largeur, pour le 
« Dauphin y M. le duc de Guise et M. d'Ëstrées, grand-maître de 
« rarlillerie. v Or, Jean d'Estrées fut grand*maitre de l'artillerie de 
1550 à 1569; le Dauphin était donc François II, et le duc de Guise 
le héros de Metz et de Calais ! 

Le Livre du Canannierj imprimé en 1561, donne les détails sui- 
vants sur la marche de l'artillerie en campagne et sur les soins 
qu'elle«exige : « Premièrement, doibt faire marcher deuant son ar- 
ec tiUerie, le maistre du charroy auec un nombre de pionniers pour 
« faire les passages^ et amender les chemins. Item doibt marcher le 
f< maistre deuant son artillerie auec un autre nombre de pionniers. 
« Et mettre les menues et petites pièces.devant, et qu il y ait à cha- 
« cune desdites pièces à l'affust, un petit coffret pour mettre uo petit 
« sac de pouldre, auec des bouletz, et que les canonniers suivent 
« lesdites pièces pour tirer si quelque alarme ou escarmouche sur- 
<x venoit, pour y mener lesdites pièces si besoing estoit» et seroit 
ce bon avoir des guerrons (0 pour lesdictes pièces, pour en tirer plus 
a souvent. Et qu'il n'y aitfaulte que les pièces ne soyent fournies de 
a combleaux, chargeoirs, escouvillons, leviers et coingz, et aussi 
« prendre garde que les canonniers soyent garniz de bonne amorce et 
« fine» et qu il n'y ayt faulte que les noms desditz canonniers ne soyent 
« mis par escrit à l'affust des pièces dont ilz tirent, afin que chacun 
« se trouve à sa pièce quand il survient quelque affaire hastée, et 
« pareillement qu'ilz tiennent leurs lumières de leurs pièces estoup- 
« pées avec cire, suif et estouppes, qu'il n'y entre eau ou quelque 
•c ordure. Item quand il y aura quelque mauvais passage que ledict 
« maistre s'y tienne auec ses pionniers tant que toutes les pièces 
« soyent passées. Et s'il demeure quelque pièce ou charroy en quel- 



(1) L*auteur explique, page 35, verso, que ces guerrons ou guarens étaîeni des cartouches 
qui contenaient réunis le boulet, le tampon et la cbarge de poudre. 



LIVRE K— CHAPITRE lU. M9 

« que passage qui face attendre tout le train tout k queue Fun de 
« l'autre, et ne souffre qu'aucun charroy ne bagage se mesle auec 
« ledict train d'artillerie ny munitions d'icelle. Item après ladicte 
« artillerie doit auoir trois charettes chargées de trois coffires, la 
< première au deschai^eur ou seront torches, cierges, bougies, char- 
« geoirs, doux, petit cordage, et autres choses servans à ladicte 
ce artillerie, et un petit baril au derrière de la charetle ou sera 
« Toingt pour engrosser les pièces. Item en l'autre charette, oustilz 
« de charons et charpentiers, la troisiesme charette ou seront les 
« oustilz des fôrgeurs auec Tenclume et soufGietz. Item après une 
« autre charette ou sera un yerin, une eschelette, le levier et le 
« traicteau pour leuerles pièces quand il y a quelque esseul rompu, 
«< ou pour engresser les pièces et charroy. Apres lesdictes charet- 
« tes doivent marcher toutes les charettes de pouldre, et auec ce 
<« doit estre le deschargeur et aucuns canonniers pour prendre garde 
« qu'aucun n'approche près avec feu, comme harquebusiers ou au- 
« très gens qui y pourroyent mal faire : après lesdirtes pouldres 
i doit auoir aucunes charettes portans roues et esseulx pour re- 
« monter les pièces et charroy quand il y aura quelque chose rompu : 
» après doivent marcher toutes les charettes de boulelz servans 
« à toutes pièces, et puis doivent suyvre toutes les autres muni- 
» lions servans au camp, sans y laisser mesler auec aucun charroy 
« de vivres ny de bagage. Item quand ladicte artillerie sera arrivée au 
M camp ou doit estre le logis pour la nuict, ledict maistre doibt pre- 
« mier regarder de la mettre en lieu pour défendre les advenues des 
« ennemis, et qu'il y ayt derrière icelle artillerie belle place et grande 
« pour mettre gens en bataille ; et à l'vn descostez sur le derrière au 
« plus fort lieu doit mettre toutes ses pouldres et auti-es munitions, et 
« les charettes du deschargeur, charrons , charpentiers et fôrgeurs 
« auec leurs oustilz se mettront en autre lieu assez près, et det riere les 
« pouldres et autres munitions. Item doibt arrenger ses charettes de 
« pouldres près l'une de l'autre si bien qu'on puisse passer à l'aise 



910 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« entre deux charettes. Item après toutes les charettes de bouletz et 
M autres munitions se doivent mettre tout autour des pouldres, afiu 
« de les enclorre» qu'on ne puisse approcher pour le danger du feu, 
<t et après faire un fossé qui environne tout le charroy» et qu'il n'y 
a ait qu'une entrée ou il y aura garde qu'il n'y entre que ledictmais- 
» tre, ou le deschargeur, et bonne garde de hallebardes sur ledict 
« fossé, qu'il n'y entre aucun qui puisse porter feu. Item doibt ledict 
« maistre tenir ses pièces chaînées, et les dresser de la haulteur de 
« laceincture d'un homme à leur portée et ou sont les plus dange- 
« reuses advenues : et si on voit qu'il face dangereux de plouvoir, 
» que ledict maistre ne faille de mettre ses pièces la bouche en bas, 
« afin que l'eau n'y puisse entrer, et pareillement que les lumières 
» desdicles pièces soyent bien bouschées, comme est dict cy-dessus, 
« et qu'il n'y ayt faulteque les canonniers soyent logez près ladicte 
« artillerie et munitions, afin qu'ils soyent plus près aux alarmes qui 
« peuvent survenir tant de iour que de nuit (^). » 

Pour faire voir combien l'artillerie française de cette époque 
était simple comparée aux artilleries, étrangères , nous allons rap- 
porter ici la composition de quelques parcs étrangers de si^e et 
de campagnei d'après le manuscrit de Senfftenberg (^). Nous laisse- 
rons parler l'auteur. 

« L'empereur Ferdinand d'heureuse mémoire organisa, en 1556» 
« une puissante armée contre les Turcs qui assiégeaient le château 
« et la petite ville de Siget; il battit les Turcs et fit lever le siëge« Il 
(f emmena : 

Otaue arUlleriê. 

% Canons (scharffemezen}» pesant chacan 10,000 Uy., poids de Vienne, et lançant nn boa- 
let de 84 libres. 



(1) < Comment un maistre eanonnier doibt garder et conduire artillerie quand il marche 
en campagne. » Idvre de Canmmeriê, cb. n, p. 8, verso. Paris, 1561. 
(S) lis du dép6t général de la guerre, tom. yn, p. 352. 



UVBE K - CBàMBE fll. 211 

3 Bitttkt,diiCUDd« poids de 7,!mBfns,el]tiiçaoti»lH^ 
t RoMignols pesttC diacon 5,000 lirres, do calibre de 40tifreft. 

15 Goomox de 5,000 litres, do calibre de 34 litres. 

10 Cbanteoses de 4,000 litres, calibre de 96 litres. 

6 Cooletrioes de 7,000 litres, calibre de S5 litres. 

4 Petites oooletrines de 5,000 Btres, calibre 17 litres. 

iTpièces. 

ArHiUriê de t&mipagm. 

8 Cooletrioes de bataiOe, de 1 litre. 
tO Deni-eooletrioes, de 8 Btres. 

19 Fancons de € Utres. 

20 Faocooneaax de 4 Utres. 

34 Autres IkocoBAeaox de SBtres. 
26 Petites pièces, de 1 Btre plomb. 
12 Canons à pierre (steinbocbsen), tirant 20 Btres (pierre). 
2 (Mmsiers (feoerkaiaen), tirant 64 Btres (pierre). 

5 Mortiers, tirant 8 Utres (pierre). 

127 pièces de campagne. 

Equipage d'artillerie emmené par le roi de Pologne dans la 

campagne de 1557 W. 

AtAirr-eABni. 

2 toitnres tirées diacuneparOdietaQi aBaient en tète portant pics, pelles, boyaux, ba- 
cbes,etc. 

Une troupe de pionniers soitiit pour améUorerles diemins. 

6 toitures à 6 dietanx, et sor diaque toiture deux longs bois pour pont, deux longs pieux , 
donxe madriers, deux malBels^ un mouton. ^ 

Puis, le petit cbariot de batterie attelé de six cbetaux , sur lequel étaient trois coffres 
contenant, lanterne, seaux, petit lUlot, cuir de Russie, mècbes, papier pour cartoucbes , bou- 
teille d*encR, seringue, Bmes, r4pes, tenaiBes, toOe« ciseaux, «igulBe, fU, petits dons. 

« Puis venait rartillerie de campagne. 

12 Peliies pièces diacune à un cbetal et un canonnier. 
12 Fauconneaux, cbacun à deux dietaux et un canonnier. 
10 Quarto de couletrine, cbaoun à 4 dietanx et un canonnier. 
4 Faucons, cbaoun à 8 cbetau, un canonnier et un pionnier. 



(1) « Ein anderer Vdéui Ko' Hi tu Potai gcgen den EîOlendcrgesobaben im ilKT Ibir.» 
SmpmnBna, tom. tu, p. 358. 



212 GUERRE DE CAMPAGNE. 

2 Mortien snr roues, chacun à 6 chevaux, un canonnier et un pionnier. 

2 Voitures portant chacune 7 petits mortiers, ayant chacune 12 chevaux, 2 canonniers et 2 

pionniers. 

« Tout ce qui précède était à ravant-garde avec l'escorte voulue. 
« Suivaient : 

3 Voitures de poudre, chacune à 6 chevaux « 

5 Voitures k boulets à 6 chevaux. Chaque canonnier avait avec sa pièce dans un coflret» 

12 boulets et un sac k poudre. 
i Voiture avec plomb, lanterne à charger^ refouloirs, écouviHons , et autres iiampes de 

rechange. 
1 Voiture à 6 chevaux, avec chèvres et crics. 
1 Voiture à 6 chevaux avec les tentes, et autres choses nécessaires au mattre de l'artillerie 

et k son lieutenant. 

1 Voiture k6 chevaux avec les tentes du mattre canonnier. 

2 Voitures k 10 bœu& avec les forges de campagne, enclume , soufflet, outils et quelques 

quintaux de fer. 
1 Voiture k charbon avec 8 bœufs. 
1 Voiture k 10 bœufs avec un coffre k charrons et k serruriers, suivie des maîtres et de 

leurs aides. 
1 Voiture k 10 bœufs avec bois de roues. 

1 Voiture k 10 bœufs avec deux coffres, et chaînes pour enrayer les pièces de campagne de 

l'avant-garde. 

« A rarrîère-garde, 

4 Coulevrines de campagne, chacune k 20 bœufs. Un canonnier et un pionnier. 

4 Grosses pièces k pierre ou obusiers (steinbûchsen, oder feuerkatzen}, chacune k24' bœuls ; 

un canonnier et un pionnier. 
4 Chanteuses, chacune k 41 bœufs; 2 canonniers et 2 pionniers. 

2 Rossignols, chacune k 54 bœufs; 2 canonniers et 2 pionniers. 

« Pour ce train, il y avait douze charpentiers. Il y avait aussi quatre 
« capitaines avec leur escorte pour accompagner et garder les pièces. 

« Suivaient : 

1 Voiture k 10 bœufs avec la chèvre et ses agrès. 
1 Voiture k 10 bœufs avec cordes, avec poulies, sabots et chaînes. 
1 Autre voiture de batterie k 10 bœufs, contenant trois coflk'es avec toutes les choses néces- 
saires pour les pièces de Tarrière-garde. 

1 Voiture k 10 bœufs avec les tentes du mallre canonnier de Farrière-garde. 
12 Voitures de poudre k 10 bœufls. 

1 Voiture k 10 bœufls avec salpêtre, soufre, huile de lin pour artifice. 

2 Voitures k 10 bœuft avec boulets et balles k feu, fermés dans des coffrets. 



LIVRE l«. — CHilPniŒ m. 213 

« Avec ces voitures, il y aTait des canonniers et des pionniers qui 
4< ne devaient jamais les quitter. 
« Il y avait aussi un capitaine commandant Tescorle.*» 

« Suivaient : 

SO Voilures à 10 boeufs avec toule espèce de boulets pour les canons. 
1 Voiture k 10 bœufs avec deui coffres de charpentier. 
1 Voilure âi 10 borals avec trois coffres remplis de fer à chcYaux ei de clous. 
% Voitures âi 10 bœufs avec fer non façonné de toule sorte. 
% Voitures âi 10 beeub avec longues chaînes, jantes, clous de roues, bandes de roues, essieux 

ferrés. 
1 Voiture âi 10 bœuis avec d'autres fers non façonnés. 
1 Voiture à 10 bœufe ayec deux coffres, avec outils de menuisiers. 
1 Voiture à 10 bOBufsavec cinq tonnes de Tinaigre. 
1 Voiture à 10 bœuft avec une tonne de tourteaux goudronnés et réchauds. 
S Voitures k 10 bOBufii a?ec graisse pour les bouches à feu. 
9 Voitures à 10 bœuls a?ec des bêches, pelles, haches, pics et boyaux. 
4 Voitures h 10 bœuls avec arquebuses âi crocs, avec balles, poudre et assortiment néees* 

saire. 

3 Voitures à 10 chevaux avec bols de charron. 

8 Voitures à 10 bœuis avec des roues grandes et petites pour affût, 
t Voiture à 10 bceufs avec goudron et poix. 
1 Voilure à 10 bœufe avec harnais de rechange. 

4 Voitures à 10 bOBufs avec bob d*aflttt. 

3 Voitures âi 10 beeub, contenant en bas de grands morceaux de plomb, el par-dessus des 
civières el des mannes pour terrassements. 

5 Voitures h 8 bœub avec du chaiiwn. 

i Voitures h 10 bœub avec poutrelles el madriers pour faire des ponts. 

t Voiture à 10 dievaux avec des bois de tentes de rechange, piquets el maillels. 

% Voilures h 10 bœufs avec les échelles d'assaut, el ce sont les dernières voilures* 

« Venaient encore dix petits chariots, chacun attelé d'un cheval, 
« pour porter ce qui serait encore nécessaire ; les voitures des capi- 
« taines; les voitures de vivres; des vdtures pleines d'armures. » 

Le même auteur compte, pour une armée de quarante mille 
hommes d'infanterie et dix mille de cavalerie, cent deux pièces d'ar- 
tillerie qui nécessitent quatre mille hommes et trois mille chevaux (^). 

Enfin , pour terminer la description des parcs , nous ajouterons 
qu'en 1555, le duc d'Albe se préparant à marcher en Piémont con- 



(1) S m tf iaiim c, lom. vn, p. 356. 



214 tiUEftRE DE CAMPAGNE, 

tre le maréchal de Brisftac, à la tète de trente mille hommes, avait 
huit mille bœufs pour conduire dix bouches à feu. les munitions et 
les ponts de bateftiix (*)> On voit par cè qui pi-écëde que les artilleries 
étrangères avaient de petites pièces de campagne très mobiles, mais 
elles en avaient une trop grande diversité, et, quant à leurs pièces de 
siège, elles étaient beaucoup trop lourdes; aussi, malgré le grand 
nombre de voitures, les approvisionnements devaient être insuffi- 
sants. 
Kffeu de l'artillerie sur L armée quc rassembla Henri II, en 1552, était la plus nombreuse 

les ctiamiis de bataille. ^ % 

qu'on eût vue depuis longtemps. Elle comptait environ trente a qua- 
rante mille hommes de pied, vingt mille chevaux et soixante pièces 
d'artillerie (^). 

Ce fut presque la dernière fois que la noblesse casanière, comme 
rappelait le roi (3), répondit en foule, suivant l'ancien usage, à l'ap- 
pel de l'arrière-ban, et se présenta sous les armes au nombre de 

dixmile chevaux. 

Comme la description de Rabutin est pleine d'intérêt, nous nous 
bornerons à la copier fidèlement. 



(1) Mémûitès dé Botvm du VtLUUis, Uv. vt, p. 719 et 7S0. Panthéon littéraire. 

(3) Méinoifeà âê VieUleviUe^ par Gàrloix, Bv. it» ch. uy, p. 544. 

(3) Carloix lait tenir à HeDri II le discours saivant, qu'il est censé adresser an maréchal de 
VièiDèvilie. Quoique le nombre de troupes y soit exagéré, on y trouvera de précieux rensei- 
gnemenis t 

« Nous avons toute ma gendarmerie qui est de quatre miUe cinq cents hommes d'armes. 
Nous avons encore quatre bons mois, le loisir pour mettre sus une gaillarde armée, de la- 
quelle je veux que le rendes 'TOVS soit sur la fin du mois de m&fs 1552, aux environs de 

JouynviUe et veulx outre ma gendarmerie quej'augmenteray encore de cinq cents lances, 

remplir moù àiMnëe de six mille chevaux légiers, cent par compaignie...., et pour cent ensei- 
gnes de gens de pied, nouvelles bandes de trois osits hooïmes chacune, et de seitanie oom- 
paignles de arquebusiers à cheval, cent hommes pour compagnie avec quarante enseignes de 
vieOles l^andes que je relireray, tant de Piémont que des autres villes frontières de mon 
royaume, qui sont de deux ceMB chacitee, et éepecheray <di Allemagne avec èens fid^es 
pennonnaires les colonels des pistoliers et lansquenets, de m'amener vingt cornettes de gens 
decheval, k trois cents hommes chacune, et nart^^mento détiens de pieds à iKx enseignes 
par régiment, de cinq cents hommes chacune ; et m'asseure que mes bons confédérés les 
cantons suysses me fourniront, aussitost que mandés, douie mille bons liommes, sanscomp- 



LITRE !•'. -- CHAPITRE UI. «IS 

e A un petit qaartdelieae près de Mets, du eesté de pont Gamou- 

<x son» en une plaine, estoit rarmée du roy attendant sa venue, la-- 

« quelle estoit Tune des plus belles que jamais prince chrestien meit 

<x ensemble, et qui m*a semblé mëriter d'estra coochée par escrit, 

<v selon Tordre que j'ay veu au plus près qu'elle estoit estendue, non 

« en grandes toarbes d'hommes, mais autant coraplette de vertueux 

<x et vaillants capitaines et soldats, autant bien et richement armez, 

<« autant bien à cheval, que depuis mille ans fut armée. De ce que 

ot j'en dy, j'appelle tous ceux qui Font veuë a tesmoins, amis et en- 

« nemis; car, pour commencer premièrement à la fanterie, il y avoit 

« trois bataillons quarrez, le premier desquels estoit des vieilles en- 

« soignes soldoyées et entretenues dès le temps du feu roy es guerres 

« de Piedmond, de Cbampaigne et Boulongne, avec d'autres nou- 

« veaux capitaines dressez au commencement de ces guérites, sans y 

« comprendre aucuns braves soldats et jeunes gentilshommes de 

a maison, lesquels y esloient pour leur plaisir et sans solde du roy : 

« complet, de quinze à seize mille hommes, desqu^estoientde neuf 

« à dix mille armez de corselets, avec les bourguignottes à bavieres, 

« brassais, gantelets et tassette^ jusques au genouil, portans long 

« bois (piques), et la pluspart le pistolet à la ceinture; et cinq ou 

a six mille harquebusiers, armez de Jacques et manches de maille, 

a avec les maurions autant riches et beaux qu'est possible , l'har- 

<K quebuz ou scopette luisante, polie et légère; les fonmiments fort 

a exquis et braves; le reste ayant armes selon la qualité dte per^ 

a sonnes. Le second bataillon étoit de Gascons, Armignacs, Biscains» 

a Béamoisi Basques, Périgourdins , Provençaux et Auvergnacs, 



la les Mgîoanaîret de Nomtndie, GbanpiigDe el Mcaidie, qol povrroot reTeiir à douie 
mille hommes, et eoTiron hoici on dii mille bons chevaolx des srrières bsos de la noblesse 
Ç0ianiir9 de mon royaume. De tontes lesquelles forces je Teni qoe mon armée soit compo- 
sée, odtreqne jem'assnre qQ*U se troofen pins de teict mUe braTesgentllshomQies voion- 
laires^çoe Je n'estime pas moins qne ma gendarmerley et où il se trouve beaucoupde sei- 
ineurs, qui Touidront entreprendre ce Toyalge. » VUUUviiU, par CAULon, Ht. it, cbap. i, 
p. 538. 



Ûùe GUERRE DE CAMPAGNE. 

tuée, cependant les bouches à feu n'étaient pas employées en grand 
nombre dans les batailles ; la réunion du parc de siège au parc de cam- 
pagne était la cause de cette disproportion numérique. Ainsi, d'après 
Tigenère, on comple pour un équipage de campagne ordinaire de 
trente pièces : dix canons de 33^ quatre de 15 1/4, huit de 7 1/4^ huit 
de 3 1/2, pour mener ces pièces, on compte avec les charrettes à 
muttitions de rechange, 189 voitures et 1300 chevaux, et cependant, 
dans ce nombre, on ne fait pas entrer les petites pièces, telles que les 
faucons et fauconneaux. 

La dépense était excessive, et Yigenère dit : « Au voyage 
« d'Allemagne, Tan 1552, que fit le roi Henri II, jusqu'au Rhin, nous 
« calculâmes qu'à Dampviller et à Ivoy, places de peu d'importance 
« et qui endurèrent dei^ milliers de coups de canon, il n'y eut coup, 
« toutes choses comptées,la dépense à savoir des chevaux, des pion- 
« niélrs et antre suite et attirail de l'artillerie, pour deux ou trois mois 
« que dura cette expédition, qui ne revint à plus de deux ou trois 
« cents écus (*). » 

Voici, d'après un auteur contemporain de Henri II, un autre 
équipage de campagne : * 

PERSONNEL POUR L'ÉQCIPAGE DE 44 GROSSES PIÈCES. 

Commissaires, eanonniert et autres officiers ordinaires pour l'exécution desdites pièces. 

Commissaires ordinaires 12 

Ganoimien ordinaires k raison de trois pour chacun canon, et de deui pour chacune 

grande couleyrine et hasurde lilK 

Conducteurs du charroy 8 

Charpentiers, charrons et forgeurs de chacun métier quatre 24 

Officiers extraordinaires. 

Charpentiers, charrons, forgeurs de chacun métier quatre 24 

Tonneh'ers 3 

Conducteurs extraordinaires. 

A raison de trois pour chacun canon, de grande coulevrine deux, et chaque bastarde. 130 

(1) ArlUleriê au XTI* siècle, p. 17. 



LIVRE {".-CHAPITRE Ul. 



Vi 



Équipage de 44 grosses pièces dartillerie^ tant pour batterie ^ue 

pour campagne (*). 



DÉSIGNATION. 



▼oinrin. 



Pour Iransporter Si cânoss à 21 chevaux où il fiiai M Uom^ 

niers 

» 10 grandes coulevrines 

10 bAurdes à 11 chaTaux 

» 2,480 boulets de canon à 40 bouleu par char- 
rette à 4 chevaux 

B 2,000 boulets à grande coutenine» à 80 boulets 

par charrette, à 4 chevaux 

» 3,000 boulets à bâtarde, à 160 boulets par char- 

rettOj à 4 chevaux 

I* 2,000 livres de plomb pour arquebuse à croc» 

charrettes à 4 chevaux 

120,000 livres de poudre, grosse grenée pour les 

pièces I 

20,000 livres de poudre menue grenée pour 
amorte et pour distribution aux arque- 
busiers 

Pour les tentes et pavillons du roi avec charrettes nattées dans le 

fond 

Poar le charroi des menues munitions oéoessaires à i'éqolMie des 

pièces 

Pour le cbarroy du cordage qui est mené \ la suite du train, et ban 
des d'artillerie, outre celle employée aux pièces. .... 

Pour le cbarroy des outils \ pionniers 

Poor le cbarroy des deux forges de campagne garnies. . . . 
Pour lé cbarroy de 44 essieux pour servir aux pièces. . . . 
Pour b voiture hault le pied, de 2 aflttts de canon et de deux pai- 
res de roues 

Total 



24 
10 
10 

60 



19 



140 



12 



12 



CIBVAOZ. 



337 



504 
170 
110 

240 

100 

70 



560 



48 



48 



6 


i« 


8 


ss 


4 


16 


S 


n 


2 


8 



1956 



II compte aussi un équipage de ponts de bateaux; mais il ne donne 
pas le nombre de chevaux nécessaires. Au folio 80, on lit cette 



;1) Mémain pour VarîiUmê. MS de la BîMiotbèqpie royale^ n* 7118-110. 



ÎI8 GUERRE m: GAMt>ÂGNE. 

terre, car noas savons qu'on enyoya par eau à Cbâions trente-huit 
pièces, dont voici le détail d'après un manuscrit de l'époque* 

« Seize canons, six grandes couleuvrines, neuf bâtardes et six 
« moyennes, une pièce en façon d'oi^ue, cent cinquante harqnebuses 
« à croc montées et entenaillées de cuivre,six entenaillées de fer, six 
« cents pistolets garnis de leur moule et clefs. Douze cents flasques 
« amorçoir, dix-sept cent soixante cacques doubles de poudre 
« grosse grenée, douze cens yingt-et-un barils doubles de poudre 
« moyenne grenée,onzecent quatorze barils double pour amorce (^). » 

Cette artillerie agit surtout dans l'attaque des places ; noos en 
parlerons dans la seconde partie de cet ouvrage. Quant au petit 
nombre de batailles qui eurent lieu sous Henri II, nous n'avons pas 
grand chose à en dire. Le combat de Renty, livré en 1554, n'offre 
pas d'exemple remarquable de l'emploi du canon, si ce n'est que les 
troupes de Charles-Quint y firent pour la première fois usage de pe- 
tites pièces montées sur avant-train,qui,conduites par deux chevaux, 
manœuvraient au galop (^. Ces pièces, d'après Rabutin, s'appelaient 
les pistolets de l'empereur, et manœuvraient avec la cavalerie O. 
Mais cette innovation ne fut pas heureuse pour les Espagnols, car 
les Français s'emparèrent des canons (^)- Dans ce combat, circon- 
stance digne de remarque» la gendarmerie française mit en déroute 
les reîtreset les arquebusiers ennemis. Le contraire va bientôt avoir 
lieu à la bataille de Saint-Quentin. 



(1) K Les pièces d*ârtillerie et autres nunitîons qui soîTent furent ToKurées {Mir eao k CM- 
Ions, durant les mois de décembre, janvier, février et mars 1S51. » MSdela Bibliothèque 
royale a» 7113, coté 110, folio S3. 

(2) « Il y eut le lendemain un autre gros combat, qui estoit bien une demi-bataMle, car 
nous ensmes holct enseignes de leurs gens de pied^ et quatre pièces de campagne montées 
sur quatre roues que deux chevaui menoient au galop. » Mémoire» de Jean de Mbkgby, 
p. 254. Panihém littéraire. 

(3) « Deux mille chevaux et trois ou quatre pièces de campagne portées sur quatre roues 
qu'on pouvoit promptement tourner à toute main, et depuis ont été appelez pistollets de 
l'empereur.» Commentaire§ de J. Rabutik, liv. vi, p. 481. 

(4) Mémoirei de GuiLf auve de Sadlx, seigneur de Tavankes, liv. i, p. 436. 



LIVRE K— CHAPITRE 111. ^Î9 

EnPiémonty le maréchal de Brissac lutta avec le plos grande ha- 
bileté contre des forces supérieures aux siennes, et fit un emploi 
très judicieux de l'artillerie, tâchant d'accélérer ses moovements en 
faisant porter les munitions à dos de mulets, et les boulets quelque*^ 
fois attachés à la sdie des cavaliers W. Son artillerie se distingua sur- 
tout dans les sièges. 

En 1555, il fit lever au duc d' Albe le siège de Santia, et il disposa 
ses troupes de la manière suivante : « En premier lieu, il faut savoir 
« que Santia est située en une grande campagne, traversée de long 
i en long et jusqu'au delà de la ville, d'un profond ruisseau, large de 
u sept à huit pieds, duquel les ennemis avoient destoumé l'eau. Le 
K mareschal donc, qui l'avoit piéça fort curieusement recognu à la 
« mesme intention qui se présentoit lors, avoit délibéré de marcher 
« l'armée tout le long de ce ruisseau qu'il farciroit d'arquebusiers; 
^ et que de l'autre costé il couvriroit F armée par les flancs avec qua- 
« rante chariots armés chargés de vivres, et chacun d'eux accompa-* 
« gué de deux sacres et dix arquebusiers, qui sortiroient et le retire- 
« roient par les intervalles qui y anroit d'un chariot à l'autre. En 
« leste de chacun bataillon il y deviHt av<Nir, au derrière des deux 
« premiers rangs de picquiers, cent fort résolus soldats, ayant cha- 
« cun un bouclier et une espée courte et large de quatre doigts et 
<« bien affilée, avec commandement qu'au mesme temps que les ba- 
N taillons s'entrechoqueroient avec les picquiers, de se courber par* 
< dessous les nostres, et ainsi ooifrbés se jeter dans les jambes des 
« ennemis, et leur tailler force jartières rouges; estimant que ce se- 
« roit une exécution et une forme nouvelle de combat, qui donneroit 
• grand avantage aux nostres et le contraire aux eimenis, lesquels 
« estant investis, ne pourroioit baisser les picqiies k leur dé-- 
« fence(%. » 



(1) Mémoiret de Boitin du VttLAAf, Uv. vi, |i. S32. Pmnihéim liitérairt. 
(S) tbid$m. 

SB. 



tin. 



aaa GUERRE DE CAMPAGNE. 

Ce combat n'est pas seulement curieux, il prouve encore que ce fut 
grâce aux armes à feu et à Fartillerie, que le maréchal de Brissac 
fit échouer les attaques d'une armée bien plus nombreuse que h 
sienne. Malheureusement, nous n'avons pas toujours des succès 
semblables à enregistrer; nous tâcherons au moins de puiser dans 
nos défaites mêmes d'intéressantes leçons. 
Bataille de saiot-QueD- La bataille de St-Quentin, appelée dans le temps la bataille de Saint- 
Laurent, parce qu'elle eut lieu le jour de la Saint-Laurent de l'année 
1557, nous fournira un de ces enseignements précieux qui ressorteut 
de la défaite. Philippe II assiégeait Saint-Quentin ; le connétable de 
Montmorency sortit de Lafëre à la tête d'environ dix mille hommes 
pour faire entrer un secours dans laville assiégéeJl avait quinze pièces 
d'artillericy dont six canons, quatre longues coulevrines, deux bâtar- 
des et trois moyennes (*). Arrivé en face du faubourg de Tlsle, vers 
Rocourt 9 l'armée française repoussa les avant-postes espagnols, et 
mettant avec promptitude les pièces en batterie, l'artillerie, dit l'au- 
teur du manuscrit dont nous tirons nos citations, « vint à tonner si 
ce rieusement sur le camp du prince de Piémont, que l'on voyait tout 
« le monde fuir de tout côté, et même cette artillerie donnoit de telle 
a sorte dans les tentes et pavillons où couchoit le prince, qui a voit 
« été montré par un archer de ses gardes pris le matin par nos cou- 
ce. reurs que l'on a sçu depuis n'avoir eu le loisir de prendre et endos- 
ce ser ses armes. Etant contraint d'abandonner tentes et toutes autres 
<x choses pour se retirer avec son ^rmée il s'alla joindre à celle du 
«prince d'Aiguemont qui étoit campée vei^s le septentrion proche 
« du lieu appelé Florimond où tous se retirèrent on grand désordre 
€c et confusion (2). » L'armée de secours se trouvait séparée de Saint- 
Quentin par un marais, et de Tarmée ei^gnole par la Somme. 
Pour faire entrer le secours, on avait amené sur charrettes plu- 

(1) MS de la ville de Saint-Quentin, E, p. 608, écrit d'après trois autres manuscritsde l'é- 
poque, p. 31. 

(2) MS cité plus haut, p. 31, verso. 



LIVRE H. ~ CHAPITRE III. 221 

sieurs grands bateaux qui devaient transporter les soldats dans la 
place; mais ces charrettes, au lieu d'être mises en tète, avaient été 
laissées à la queue de ia colonne, de sorte qu'on les attendit deux 
heures (^); enfin , les bateaux chargés de soldats ne purent aborder. 
Tous ces acci.Ients permirent aux Espagnols de revenir de leur pre- 
mière stupeur, et, faisant le lourde la vill:^, ils débouchèrent près 
du village de Rouvroy par un défilé qui se trouvait sur la droite des 
Français, et que le connétable de Montmorency, homme de guerre 
médiocre, avait oublié de faire occuper. Celui-ci commença alors à se 
retirer vers Lafere,mais il était trop tard; de plus, dédaignant Ta vis de 
Larochefoucauld qui lui conseillait de réunir sa cavalerie en troupe, 
et de la faire protéger par Tartillerie qui eût repoussé les assaillants, 
il forma son arrière-garde de deux compagnies de gendarmes éten- 
dues sur un seul rang (^). 

Les Espagnols qui avaient mis leur armée en bataille dans la plaine, 
voyant la retraite précipitée des Français, lancèrent contre eux leur 
cavalerie partagée en huit gros escadrons. Deux mille chevaux 
chargèrent le flanc gauche des Français^ mille retires et mille hom- 
mes d'armes le flâne droit, et trois mille chevaux le centre (3). Ces 
gros escadrons repoussèrent facilement la ligne de cavalerie peu 
consistante ; l'infanterie française fit un moment quelque résistance, 
mais elle fut enfoncée et taillée en pièces. 

Toute l'artillerie fut perdue, à l'exception de deux ou trois pièces 
qui purent atteindre Laf&re; ce qui prouve que l'artillerie avait pris 
lesdevants. Cette disposition eût été bonne pour les grosses pièces et 
à condition,toutefois,de les mettre en batterie dans des positions avan- 
tageuses ; mais, pour les petites pièces,il eût fallu les garder et les em- 
ployer à Tarrière-garde comme firent les Allemands en 1546 ( voy. 



(1) Mémoiru de Mbigbt, p. 3S5. Panthéon liuéraire. 

{%) « Les dictes deux compagnies mcslées ensemble en hayc pour s*estendre davantage. > 
Mémùiret de MncBT, p. ^7. 
(X\ MS précité, p. 35. 



(in 15SS 



222 GUERRE DE CAMPAGNE. 

p. 199); car le comble de la bonté pour rartillerie n'est pas de perdre ses 
pièces, mais de ne pas s'en servir de peur de les exposer^ M. le capi- 
taine Favé, d?imson Histoire de la Tactique des trois Armes j rapporte 
que les Espagnols voyant la résistance des lansquenets, firent avan- 
cer quelques canons pour les rompre. Nous n'avons pu retrouver au* 
cune trace de ce fait dans les auteurs contemporains ; les Espagnols 
ne se servirent dans ce combat que de leur cavalerie; et les récits de 
Meteren (^) et de Rabutin (^) sont tout à fait conformes à celui du ma- 
nuscrit de Saint-Quentin. 
Bauiiie de Graveiines Les armcs frauçaiscs ne furent pas plus beureuses l'année sui- 
vante près de Graveiines contre les Espagnols. Emmanuel de Mete- 
ren, dans son Histoire des Pays-Ba^. rend compte de cette bataille 
de la manière suivante : « Le marécbal de Thermes, gouverneur de 
c Calais, avait amassé des garnisons voisines environ huit mille 
« piétons, quinze cents chevaux, onze bouches à feu. Le duc d'Eg- 
<< mont passa la rivière de Aa, ayant un grand nombre de chevaux, 
« mais aucune pièce d'artillerie. 

« Le maréchal de Thermes mit ses gens en bataille avec le plus 
i d'avantage qu'il peut du cosié du sud où estaient les dunes, il y fit 
« mettre ses chariots, son bagage et son butin, du côté du nord il 
« avoit la mer, derrière lui la rivière Aa, tellement qu'on ne pou* 
< voit l'assaillir que par devant, où il fit planter huit coulevrines et 
« trois fauconneaux, et sa cavalerie entre deux, et de chaque costé 
« de sa cavalerie, un certain nombre d'arquebusiers gascons, der- 
« rière estoient les Allemands et François avec des piques. Le comte 
« d'Egmont fit cinq troupes de cavalerie ; derrière suivoit Tinfante- 
f rie. Les canons françois firent grand dommage, mais pour ce que 
« la place estoit large et unie sur le rivage, ils vindrent main à main. 



(1) Hittoire de§ Payt-Bat, liv. i, fol. 17, verso. Traduction de Hatk. La Uaye, 1618. 
(-2) CommetUaires de François db Rabutir , liy. nr, p. 549, édition Micliaud et Pou- 
joulat. 



LIVRE H.-- CHAPITRE 111. SIS 

m homme à homme, chevaulx contre chevanlx et bataille contre 
« bataille, ce qni ne s'estoit point yen auparavant de longtemps. Les 
<« navires anglois de la roine firent des décharges snr les François, 
« ce qni ne leur fit pas grand mal, car les bonlets attrapoient qnel- 
« qaefois les Bourguignons, mais le moral des ennemis en ëtoit re- 
« levé et diminué aux François, une troupe de chevaux allemands 
« attaquant du cAté du sud fit commencer la déroute qui fut com- 
« plète W. 

Dans ce combat, l'artillerie française semble n'avoir pas procuré 
tout l'avantage qu'on eût pu tirer d'elle ; c*est que , quand deux ar- 
mées se choquent dans un ordre parallèle, le canon se trouve natu- 
rellement toujours mal placé, à moins de pouvoir déborder le flanc 
comme dans la position qu'occupait la flotte anglaise. 

Depuis Charles Vil jusqu'à la mort de Henri III le pouvoir central t^uerre^ je niif^iun. 
avait toujours été en se fortifiant, et l'organisation des armées, qui 
recevait une direction uniforme, secondée par les pr<^^ des scien- 
ces et des arts avait été en se perfectionnant. Mais pendant les trou- 
bles qui aflligèrent la France, depuis François II jusqu'à Henri FV,' 
le désordre qui régnait dans la société se retrouve également dans 
les armées, et gendarmerie, infanterie, artillerie, discipline, tout 
alla en se désorganisant. Cependant, chose singulière, tandis que 
tous les éléments qui constituent les armées se dissolvaient, la tacti- 
que et la stratégie se perfectionnaient sous des chefs habiles. Nous 
ne verrons plus de si grandes armées, mais nous verrons en revan- 
che de plus grands capitaines. * 

Le caractère distinctif de la guerre de religion en France, fut ca^.icnf. 
l'accroissement que prirent les armes à feu portatives dans l'arme- 
ment, tant dans la cavalerie que dans l'infanterie. A cette époque, 
la cavalerie allemande qui vint servir en France et qu'on appelait ret- 



(I) Histoire de* Payé Ba» d*EvHANUiL Di Mbtem?!, Iraducl., liv. l, fol. 19. La Maje, 
16IS. 



924 GUERRE DE CAMPAGNE. 

très OU pisloliers acquit une grande célébrité. Elle dut ses succès, 
non-seulement à la. consistance de ses escadrons, mais surtout à 
Thabitude de tirer les pistolets dont elle était année presque à bout 
portant, de sorte qu'elle tuait les gendarmes malgré leur cuirasse, 
tandis que ceux-ci, disposés sur une même ligne, ne pouvaient guère 
enfoncer les reitres, et ne faisaient que les blesser avec leurs lances. 

Les cavaliers allemands étaient réunis en escadrons de quinze cents 
à deux mille chevaux rangés sur quinze à seize rangs de hauteur (0. 
Chaque soldat avait deux pistolets avec lesquels il pouvait tirer de six 
à sept coups (^). « Ils ne chargeaient jamais à fond, mais arrivés près 
« de leurs ennemis, dit Gaspard de Saulx, le premier rang tourne à 
<< gauche, descouvre le second qui tire de mesme, et le tiers sembla- 
« blement Tun après l'autre , faisant un limaçon et s'éloignant à 
« main gauche pour recharger (3). » 

Cependant les Français ayant prisd'eux l'usage des gros escadrons, 
les défirent souvent, et Lanoue explique ainsi leur défaite : » Les 
« Reites ont été battus, non à cause de leur ordre, mais à cause 
c d'une mauvaise coustume. La première est, qu'estant à vingt pas 
« des ennemis, ils leur tournent le flanc et déchargent sur eux leurs 
" salves de pistoles, pour ce, disent*ils, que plus de gens peuvent 

< tirer que s'ils heurtoiènt de testes, et si lesdits ennemis s'eston- 

< nent et tournent le dos, sans doute ils les accoustrent mal. Mais 
« s'ils tiennent ferme, ils vont refaire un grand circuit pour char- 
« ger et reprendre nouvelles pistolles. Or, il est advenu souvent 

»« qu'on ne leur a pas seulement donné le loisir de retourner teste, 
« et on a interprété leurs tours et retours à une fuite, et les a on 
f< suivi si chaudement qu'ils ont pris la carrière tout du long. Ceste 
«* mal inventée façon est plus propre pour jouer aux barres que 



(1) Mémoires de Gaspaid db Saulx, p. 291. 

{'2) La Nooe^ Discours politiques ei milHaires, 18. Discours, p. 309. Edition de BMe, 
590. 
C3} Mémoires de Gaspard db Saulx, p. 291. 



LIVRE !«'. - CHAPITRE III. «S 

« pour combattre. Et m'esbahis que ceux qui les ont conduite ne se 
« sont souTenus que la pistolle ne fait quasi nul effet, si elle n'est 
« tirée de trois pas, et que les troupes ne se rompent point si elle ne 
« sont vivement enfoncées. Une aultre coustume qu'ils observent, 
« est que lorsque les premiers rangs de l'escadron commencent à 
« tirer, tout le reste décharge aussi et la pluspart en Tair. Par aven- 
ff ture imaginent^ils que ce grand bruit fera peur aux ennemis» ce 
• qui serviroit s'ils ressembloient à des moutons ou à des corbeaux. 
« Mais les François et Espagnols ne sont pas si aisés à eston- 
« ner(*). * 

Les rettres avaient introduit l'usage de ne charger qu'au trot; 
cependant, quoique cette méthode ait été approuvée par beaucoup 
d officiers expérimentés tek que Langey , Lanoue» Saintp^Luc, Basta» 
la gendarmerie française ne la mettait pas toujours en pratique. 
Lanoue dit à cette occasion :« Les François prennent carrière de trop 
« loing» car à deux cents pas ils conmiencent à galopper, et de cent à 
« courrir&toutebride(9.»£tGaspard de Saulx ajoute z^LesErançois 
< rangés en escadrons à leur exemple ont obtenu l'avantage sur les 
« reistres qui vire-voltans, n'enfoncent point; les François lespre- 
« nans en ce contour et désordre» passent à travers avec peu de ré- 
« sistanc^ n'étant le dernier rang (des reltres) que vallets (^. » 

Nous avons vu qu'à Saint-Quentin et à Gravelines, les gros escar 
drons de lanciers espagnols avaient défait la gendarmerie française 
disposée en haie W. Nous verrons, à la bataille de Dreux, en 1568 



(I) ta LA Nom, 18. DùeoMfv, l** paradoxe, p. 311 et SIS. 18S0. 
(i) /Miim,p.31l. 

(3) Mémoir€$ de Gaipabb db Saulx, p. 991. 

(4) « La gendamierie a toiqoiiiB comlMtto en baye jusqu'à la moytié da règne do roy 
Henri 11 atec beancoop dlieorenx ioeeès j maie ters la fin, les pertes que naos Hsnes nous 
apprireni qu'elles estoient pioTenoea en partie de la foiblesse de nostre dit ordre, et de la 
fermeté de cehiy de nos ennemis; car, alors, les escadrons de lances entrèrent en répuu* 
tkm qui ont esté ainsi disposex par PEmpereur Charles (a ce quefay ouy dire), lesqueto s'es- 
tant allrontei aTecqoes nos files de gendarmerie les ont aisément reuTcrsées. » La Nodi, 
13* discours, p. 388. Edit. de 1880. ^ 

TOHB I. S9 



326 GUERRE DE CAMPAGNE. 

les escadrons de reltres renverser la gendarmerie du connétable W. 
A Moncontour, en revanche, la gendarmerie catholique rangée en 
gros escadrons de lances, renversa les reîtres et la gendarmerie des 
huguenots; cette dernière était rangée en haie ®. Cependant, vers 
cette époque les lanciers se formaient généralement sur deux rangs(^) . 

Les hommes d'armes du temps de François 1'' et de Henri U ne 
portaient que des armures légères W suffisantes pour résister à la 
balle de Tarquebuse qui était de très petit calibre. Mais lorsque les 
mousquets et les pistolets furent généralement adoptés, on renforça 
démesurément les armes défensives aGn d'offrir un obstacle à des bal- 
les de plus gros calibres (^). 

La cavalerie ayant en partie adopté l'usage allemand de ne char- 
ger qu'au trot, la lance perdit de ses avantages; car cette diminution 
de vitesse jointe au renforcement de l'armure, rendait cette lance inof- 
fensive pour le cavalier (^). C'est ce qui fait dire àWalhausen que, de 
son temps, la lance n'enfonçait pas les armures, mais qu'autrefois il 



(1) « Les reitres à Dreux, en gros ««cadrons, n'ayant à faire qu'à des bayes de lanciers, 
ne leur estant besoin de faire ce tour à gauche, les emportèrent facilement. » G. db Saulx, 
p. 391. 

(S) La Noub, 15* discours, p. 289. 

(3) Les protestans à Saint^Denys, 1567, « phcërent leur cavalerie en haietelon l'ordre 
des François, parce qu'ils n'estoientpas assez forts pourdotci^^ Uurt rangs. »Mémair€$ûe 
Castblnau, Ht. vn, cb. yn, p. 215. Panthéon littéraire. 

Dans le plan de la bataille de Dreux, la gendarmerie est sur deux rangs. Toyez let Monu- 
«lenlf de la monarchie françaUe^ Montfaugon, tom. v, p. 130. Paris, 1733. 

(4) « Les bommes d'armes du temps présent qui veulent être hommes d'armes, et néant- 
moins estre armez et équipez tout ainsi que les chevaux-légers. » IHecipline miUtaire de 
Lanqbt, ch. vu, p. 51, verso. Ouvrage écrit en 1537. 

(5) « Or, comme Us ont eu bonne raison à cause de la violence des harqueboseries et pis- 
toles de rendre les bamois plus massifs et à meilleure esprenve qu'auparavant ils ont toute- 
fois si fort passé mesure que la pluspart se sont chargés d'enclume. Nos gens d'armes et che- 
vaux-légers du temps du roy Henry H, estoîent bien pins beaux à voir portant salade, bras- 
sards, tasaette, la casaque, la lance et la banderole, et n'avoient toutes leurs armes pesanteur 
qu'il lesempeschast de les porter vingt-quatre heures. Maiseelles d'aujourd'huy sont si griefves 
qu'un gentilhomme à trente ou trente-cinq ans est tout estropié des espaules d'an tel far- 
deau. » La Nocb, 15* discours, p. 285, écrit vers 1575. 

(8) « La pistole peut busser les armes défensives et la lance non. Il y a du nûracle quand 
quelqu'un est tué de la tance. » La Noub, 18* discours, p. 309 et 312. 



LIVRE ^^ — CHAPrTRE lU. 227 

n'6D avait pas étë ainsi. En effet, on voit dans Froissart des lances tra- 
verser des hommes recouverts de leurs armures et de leurs boucliers. 
Cette considération tendait donc k faire préférer le pistolet, quoique, 
au fond, la lance conservât toute sa supériorité contre Tinfanterie. 
Une autre raison majeure qui contribua à faire abandonner cette arme 
pendant la guerre de religion, fut la perte très grande en hommes 
habitués k cet exercice et en bons et forts chevaux W, qui résulta de 
cette guerre. 

Tous les auteurs contemporains reconnaissent, qu'à cet^e époque, 
la gendarmerie française était bien déchue de ce qu'elle était sons 
François I* et Henri II (^. Ainsi donc, il faut bien le remarquer, 
ce n'était pas par l'ascendant du progrès, mais plutôt par l'épui- 
sement et par l'oubli des bons principes, que la gendarmerie aban- 
donnait la kince. 

Il se forma alors une troupe bâtarde nommée cuirassiers, que 
Walhausen définit très bien par ces mots : « Otez au lancier sa lance 
« et son bon cheval, en lui en donnant un moindre pesant et inutile 
« pour une subite violence^ ce sera alors un corrassier qui est entré 
« en usage, il y a environ 50 ou 60 ans (^). » 

Cependant, l'ordonnance par escadrons sur deux rangs pour la 
gendarmerie, sur seize rangs pour la cavalerie légère, était un pro- 
grès ; et quoique la profondeur sur seize chevaux fût exagérée, elle 
valait encore mieux que la formation en ligne, quelquefois si éten- 
dues, qu'il était impossible de conserver un ordre ferme et r^[ulier. 
i Au voyage de Yalenciennes, en 1552, dit de La Noue W, j'obser- 



(f ) « Une chose toU-je que nous perdons fort Fusage de nos lances, soit \ faute de bons 
cbetaux dont il semble qoe la race se perde, o« pour n*y estre pas si propres qae nos prédé- 
cessears. » Cowmeniaint de Moittluc, liT. tu, p. S97. 

(S) « D ne &u)t pas penser que cesie grosse et redoutée gendarmerie qui estolt du temps 
du roy François, en laquelle consistoit la force principale du royaume, soit encore en estre. 
Elle est bien changée depuis, comme aussi les gens de pied ne soot en la bonté quils estoient 
an règne du roy Henry. » La Nom, il* diseùw$^ p. 223. 

(S) i.'i. de Walhausiii. Art militaire à e*eva/,ch. n, p. 29. Francfort, 1616. 

(4) DUamn polUiqueê et milHairu, 16* discours, p. 2W. 

29. 



228 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« vai qu'un corps de trois cents hommes d'arnies rangés en file 
« tenoient près de mille pas de longueur, et le reste de la cayalerie 
« tenoitun pays infini. Mais. qui eût mis ces trois cents hommes en 
« trois escadrons, ils n'eussent pas occupé six-yingts pas de Ion- 
»« gueur. » 

Ainsi donc, pendant la guerre de religion, la cavalerie aban- 
donne en grande partie la lance, renforce son armure, prend l'arme 
à feu et ne charge plus qu'en gros escadrons. 
iifBDierie. L'infanterie, à son tour, subit des modifications non moins im- 

portantes , mais presque opposées. Elle laisse presque de côté la 
pique et toute armure défensive (^), ne veut plus porter que l'arque- 
buse et diminue de profondeur afin de combattre surtout en tirail- 
leurs. La noblesse se retire de ses rangs et ne veut plus servir qu a 
cheval; un auteur contempoi^in en explique la raison par ces mots : 
« Combien que, à la vérité, ils soient beaucoup deschus de la val- 
« leur que autre fois je les ai veus du temps du roy Henry 11% depuis 
» l'année 1554, que je commençai à porter les armes auprès de ce 
« bon roy, parce que depuis nos guerres civiles, on ne les a payé par 
« faute de moyen, et pour ce» ils se sont grandement desbauchés et 
<x desbordés pour leur avoir permis de faire tous les mauix exécra- 
» blés qu'ils ont peu sans garder Tordre, la règle ni discipline mili- 
« taire et sans crainte d'estre chastiez. Ce qui a été cause que grande 
« partye de la noblesse qui souUoit au sortir de page ou de l'escole, 
« se mettre parmy les gens de pied pour son apprentissage des armes 
« ne si est plus mis, et les jeunes gentilshommes de bonne maison 
« qui souloient avoir une ou deux compagnies de gens de pied ni 
« ont depuis voulu, et les bons soldatz s'en sont allez aux garnisons 
« desdaignant faire la vye de voUeurs, de sorte qu'il n'est demeuré 



(1) « Les soldais ne veulent plus aujourd'hui porter de corceletz. » La Noue, 13" discours, 
p. 267. 

« Cette forme est différenle du combat défectueux de rinfanterie française, aux guerres 
civiles qui n'ayoient ni piques ni corcelet. » Mémoires de Gaspard de Saulx, seigneur de 
TAYAinnis, p. 76. 



LITRE K- CHAPITRE III. 229 

« parmy Tinfanterye que les soldatz plus desbaochez et vicieux, les- 
« quels ont desdegnë de porter le corcelez et la picque pour s'en 
« trouver empesché à courir en villes de ça et de là» et n'ont plus 
« voulu porter qu'une harquebuze sans morions W. » La Noue dit 
à l'appui de cette opinion que : « Lorsque la guerre civile com- 
a mença, les chefs et les capitaines se ressouvenoient encore du 
« bel ordre militaire qui avoit es>te pratiqué en celles qni s'estoient 
« Eûtes sous le roy François et Henry son fils, mais à Boisgency, 
« notre infanterie perdit son pucellage (^). » 

Or, ce fait d'indiscipline et de guerre civile explique suffisamment 
la répugnance des soldats pour la pique et le corselet. Car, ce n'était 
que par la discipline la plus rigoureuse , et par l'association en batail- 
lons que les piquiers pouvaient produire de grands effets. Tandis, 
que» dans la guerre civile, chacun voulant être indépendant et agir 
de sa personne, l'arquebuse et l'épée étaient les armes qu'on 
devait avant tout rechercher. Quant aux armes défensives, comme 
les soldats n'étaient plus foi*cés de s'en servir, ils n'en voulaient 
pas, car il est dans l'esprit humain de préférer s'exposer à un dan* 
ger probable, plutôt que de se soumettre à une gène de tous les mo- 
ments. 

La guerre aussi avait changé de nature; les principales actions 
consistaient en escarmouches, en prises et reprises de postes, (3) où 
l'arquebuse et le mousquet jouaient un bien plus grand r6le que 
la pique* 

Cette grande quantité d'armes à feu qui rendait l'infanterie ^ 
lorsqu'elle était privée de piques, incapable de produire ou de sou- 



(1) MSdelftBlbU.roy.o*7l13àllO,fol.51,Teno. 

(S) Hi$Mr$ de Fiarçois db la Noub, cb.n» p. 286, el plqs loio : La guerre civile a lellc 
menl dépraTé les hommes de pied, que la plospart ne sçaTenl et ne Teulenc quasi plus obéir. 
La Noub, 13* discours, p. Î6i. 

(3) Anciennement, les principales actions de guerre se desmeloieot en pleine campagne, 
à cette heure, elles consistent à surprendre, amaillir et défendre places. » La Noub, 13" dis- 
cours, p. Mt. 



230 GUERRE DE CAMPAGNE, 

tenir an choc, était cependant un abus résultant de la guerre civile 
bien plus qu'un progrès,et La Noue dit à ce propos : <' J'ai souvenance 
« que M. d'Acier amena aux troisièmes troubles dix-huit mille arque- 
« busiersde la religion bons et braves- Or, je demande si en traver- 
« sant une campagne ils eussent rencontré sept à huit cents lances, 
« si celles-ci ne les eussent mis en déroute, plus croirons oui que 
« non, mais si entre eux ils y eussent cinq à six mille corselets^ il 

« eût fallu une armée pour les rompre En somme, Tarquebu- 

« série sans piques, ce sont des bras et des jambes sans corps (^). >» 
Aussi, le même auteur ne veut-il que le quart ou le tiers d'arquebu- 
siers, et environ la moitié de mousquetaires. 

Saint-LuC| dans ses Observations militaires, compose un régiment 
de quinze compagnies, et chaque compagnie de deux cents hommes, 
dont soixante-six corselets, cent arquebusiers, quatorzemousquetaires 
et vingt piques (^). Il veut que ces vingt piquiers soient armés à la lé- 
gère, avec la simple bourguignotte au lieu du corselet, afin d*ètre plus 
lestes pour soutenir les arquebusiers dans lesescarmouches. Il les dis 
pose sur vingt hommesde profondeur. LaNoue, au contraire, compose 
son bataillon de six cent cinquante corselets et cinq cents arquebusiers 
sur vingt-quatre rangs, et il place ces derniers sur dix rangs au mi- 
lieu des piquiers, ayant sept rangs devant eux et sept derrière (?), 
il ajoute que : « Si on baillait à un capitaine mille corselets pour les 
« mettre en bataille et qu'il n'en fit que deux ou trois rangs, les gou- 
« jats des soldats se moqueraient de lui pour ce que la raison veut 
« que un bataillon ait sa convenable épaisseur W. » 



(1) La Noue, 13* discours, p. 270 et 271. 

(2) ObservatUms mililairet de M. m Sàint-Luc , MS fonds BéUiune» n» 7112. — xvii, fol. 
31» verso. 

Ce livre paraît avoir été commencé sous Henri UI et fini sous Henri IV, car, foL 75. on lit 
ces mots : « Du temps du roy Henri 11% père de notre roy », et fol. 2M, on lit : « Lorsque La 
Rochelle fut assiégée par feu roy Henri HL » 

(3) La Noue, second paradoxe, p. 320. B&le, 1590. 

(4) 15* discours, p. 2S9. 



LIVRE 1«.-€HAPITRE ni. 231 

Le moosquet était coofié aux soldats les plus signalés auxquels on 
donnait les plus hauts gages (^). D'après Saint-Luc, « Tarme avait 
« quatorze pieds de long et la balle pesait une once et deux gros en- 
«< viron.L'arquebuseavaitdelongueurquatrepalmesetdemieymesure 
« de Milan, et tirait une balle pesant un tiers d*once W. » 

Si Tannée des huguenots avait des chefs expérimentés, qui par 
la rapidité des mouvements savaient tenir tète à un ennemi supé- 
rieur en nombre, les armées royales avaient toujours sur elle l'avan- 
tage immense de posséder une artillerie plus nombreuse et mieux 
oi^anisée, et des équipages de pont qui, en suivant les armées, facilir 
talent grandement tous les passages des rivières O. 

Le prince de Condé n'avait au combat de Saint-Denis que deux 
canons, et lorsque plus tard il partit d'Orléans pour aller combattre 
J armée du duc d'Anjou, il n'en avait pas beaucoup plus. Ce qui fait 
dire à François de La Noue, « que bien que les catholiques estiment 
<« les huguenotz estre gens à feu, si sont-ils toujours mal pourvus 
« de tels instruments W. » 

Nous avons vu que François I*' avait fait fondre à Paris cent 
grosses pièces de bronze, qu'il avait établi dans toute la France qua- 
torze arsenaux renfermant les munitions et les approvisionnemenis 
nécessaires pour les parcs d^artillerie. Sous Henri II, ces établisse- 
ments s'étaient encore perfectionnés; et le personnel, comme le ma- 
tériel de l'artillerie, soumis à une direction centrale, avaient atteint, 
sous la direction éclairée du grand mattre d'Estrées, un haut d^é de 
simplicité et de perfection. Pendant les guerres de religion, toutes 
ces forces, concentrées naguère dans les mains d'un seul, s'éparpil- 
lèrent ; et, quoique les armées royales 'aient eu plus d'artillerie que 



(1) Sairt-Luc» M. 9S, teno. 

(9 IMm, M. ii, teno, et 9S teno. 

(^ « A Beisac, où rnoonit le prinoe de CoDdé, près de Jaroac, les catholiques firent dres- 
ser on noateau pont de barqaes qui se portent aux armées royales. » La Nom, Di$eawr$ po- 
fififiiM €t wùHlmrUy p. 8S7. ^ 

(4) LANotii,p.63S. 



irtilloric. 



^32 GUERRE DE CâMPâGNE. 

les armées opposées, la pénurie da trésor les priva souvent de ce 
puissant auxiliaire, surtout lorsque la capitale se trouva sous la do- 
mination de la ligue. Alors l'uniformité disparut et chaque ville coula 
des canons comme elle put. 

Aussi Charles IX profita de la paix de 1572, pour rendre une or- 
donnance datée de Blois,'du mois de mars, par laquelle il déclare, que 
la fabrication des poudres et des canons étant un droit souverain, 
il défend aux particuliers d'en fabriquer et d'en vendre sans sa per- 
mission, et afin que les pièces se pussent mieux reconnaître, il or- 
donne qu'elles soient marquées des armes de ceux qui les feront 
faire avec la marque du fondeur et la date de l'année (0. 

Les magasins d'artillerie avaient été réduits à treize; en 1582 Henri 
III en porta le nombre à trente. Il attacha à chaque magasin un 
commissaire, un contrôleur et un garde; il créa également, à titre 
d'office, trente trésoriers d'artillerie principaux, chargés de régler 
la comptabilité de ces magasins (^}. 
Effeude l'aruuerie sur En 1562, le priuce do Condé et l'amiral de Coligny, ayant échoué 
sous les murs de Paris, cherchèrent à se retirer vers la Normandie; 
le duc de Guise, le maréchal de Saint-André et le connétable Anne 
de M ontmorency se mirent à leur poursuite pour leur couper la retraite. 
L'armée royale, forte de quatorze à seize mille hommes d'infanterie (^), 
de deux mille chevaux, ayant vingt-deux pièces de canon, passa l'Eure 
près de la ville de Dreux, et força l'armée du prince de Condé à en 
venir aux mains* Celle-ci avait quatre mille chevaux, de sept à huit 
mille hommes d'infanterie, et seulement sept (^) pièces de canon; le 
reste de son artillerie avait déjà pris les devants (^. 



(1) MS fonds Saint-Germain, fol. 7, n*" 374-516. 

(2) MS de la Bibliothèque royale, fonds Saint-Germain, n» 374-516, tom. vi, fol. 11,irerso. 

(3) « Quatorze miUe que bons que mauvais. » Mém. de CASTBLKAtr, liv. ir, p. 165. 

Ce nombre est porté à seize mille dans les Mém. du duc db Guisb, Collection de Michaud 
etPoujoulat, tom. ti, p. 165. 

(4) Mémoires du princb db Condé, collection Michaud et Poujoulat, tom. ti, p. 694. 

(5) « M. 1^ prince ne pensant point combattre ce jour-là, avait envoyé devant nostre artil- 
lerie. » Mém. de Mbrobt, p. 264. 



le champ de bataille. 
Batailla de Dreox. 



LIVRE K — CHAPITRE IH. S38 

Le prince de Coudé et l'amiral , qui ne croyaient pas Tennemi si 
près d'eax, essayèrent d'abord de gagner le boui^ de Tréon sur la 
route du Mans, mais il fallait passer sous le feu de Tarlillerie catho- 
lique qui, foudroyant les premiers escadrons de ca\^lerie, les força 
de renoncer à ce projet W. 

L'armée catholique appuyait sa droite à Epinay et sa gauche au 
village de Blainville; pour fortifier la droite,on y avait placé les cha* 
riols de bagages 9)« L'armée, divisée en deux corps appelés avant- 
garde et bataille, ne formait qu'une seule ligne tant soit peu con- 
cave, composée de cinq gros bataillons d'infanterie ayant dans leurs 
intervalles des escadrons de gendarmes et* de chevau-l(^ers (8). 
L'avant-garde, ou pour mieux dire la division de droite, était com- 
mandée par le duc de Guise et le maréchal de St-André ; la bataille, 
ou la division de gauche, était sous les ordres du connétable Anne 
de Montmorency* L'infanterie espagnole, placée à l'extrême droite, 
était formée en un seul bataillon d'enviro»deux mille hommes, qui 
avait cinquante-huithommesde front ettrente-cinq de profondeur. A 
trente pas, en avant des bataillons, étaient placés quatre cents arque- 
busiers W. Une batterie de quatorze pièces se trouvait à l'extrême 
droitCi une autre de huit pièces était en avant du centre de l'ar- 
mée (^* 

Le prince de Condé, obligé malgré lui d'en venir aux mains et 
surpris dans une marche de flanc (il avait tenté de prendre Char- 
tres et tirait vers la Normandie), fut contraint de former à la hâte 



(1) Mémoires de Gastiuiau, IW. it, cb. t, p. 1S5. 

($) Datoa, Hiii. iê$ gtmru eiviUê, traduction , Uv. m, p. 181. Amaterdam, 1757, et 
Mém. du DOC Di Guiss, cités plus haut, p. 496. 

i3) • Ils mireot les troupes de ravaot-sarde et de la liauine de mesmes froat, aussi adTan- 
cées Ters les eoDemis les uns que les autres, et la geodanserie pour n'estre en grand nombre 
entremeslée par léginent a?ec lesbataillonsdesgénsde pied. »Mém. du duc DiGusi.p. 496. 

(4) LeUre du cap. i. Di Atala, écrite du camp auprès de Dreux. Archives curieuses, 1'* 
série, ton. t, p. 86. 

(i) Mém^ de GASTtLHAt;, et Mém. du duc di Coii, p. 496. Le prince de Gondé donne à 
ramée caiboUque trente pièces de canon. 

Toai I. ao 



994 « 6UEBAE PE CAMPAGNE. 

son armée en bataille Wn 11 rémnU son infanterie en deux, bataillons 
et en appuya la {[anche par. une batterie <ie quatre pièioes^ sa ca- 
valerie était divisée en. trois principaux esçadronside douœtà quinze 
cents chevaux (^). 

Pendant que les armées se rangent , la canonnade, commeoce 
des deux côtés (?); Fartillerie catholique, plus nombreuse qpue celle 
des.huguenotSy&it en avançant quelques décharges (^V qui; portent 
le ravage dans les rangs ennemis C^), et obligentles protestants à en 
venir au combat. 

I Le prinGe«de.Condé et.Coligny s'élanc(mt alors à la tète de leurs 
quatre millechevaux ; mais intimidés par la batterie catholique qui se 
trouveiea avant des toroupes du maréchal de SaintrAndré (^), ils-laissent 
celles^ àleur gauche et viennent fondre sur les cinq mille puisses CO 
qui occupaient environle centre de la division commandée.par leçon- 
nétable de Montmorency- Le choc est si violent» que les chevaux pénè- 
tisent jqsqu'aux ensei^es (^. Cependant les SuisMs xompus refor- 



(1) ff DoDc l'armée du roy estant en bataille, voulut marcher vers celle du prince qui nous 

montrait le flanc Le prince de Condé fit aussitôt tourner son armée dans la plus grande 

diligence qui lui fut pos8îble,mais non aans*quelque>déflûrdEe, comne W advient k plus sousent 
en telles affaires. » Mém. de CASTBLNAn, liv. iv, p. 165. 

(2) « Donc, ayant reparti leiy^ trouppes en deux bataillons de gens de pied, Tun de Fran- 
çois et l'autre d'Allemands , tous bien armes, et finict trois principaux escadronsde cavalerie, 
chacun de douze à quinze cents chevaux. » Mém. du duc db Guisb, p. 496. 

(3) Mémoiret de F. db La Noub. Panthéon liUérairej p. 274. 

(4) « DoÂclisdsant deux ou trois fois crocheter plus en avant leur artiHerie pour tirer de 
plus près aux ennemis» ils les contraignirent se haster davantage de venir aux mains. » Mém. 
du DUC DB GciSB, p. 499. 

(5) Mém. de Mbrobt, p. 264. 

(6) a Mais il jugea qu'il loy lalloit endurer un grand échec de nostre artillerie. » Mém, de 
Càstblnàu, liv. nr, cb. v, p. 165. 

ff Les deux mil cinq cens chevaux voyant le bon ordre dans lequel nous étions, ne crurent 
pas devoir nous charger. » Lettre du capitaine Juan de Âyala^ écrite du camp auprès de 
Dreux. Archivée cwrieutesy 1'* série, tom. v, p. 88. 

«t Ils firent un autre escadron par le costé droict des nostres pour les recognoistre auquel 
fut incontinent tiré quelques volées de nostre artillerie. » Lettre du duc db Guisb , p. 496. 

(7) Mém. de Gastblnau, liv. iv, cb. v, f . 166, et Mém. du duc db Guisb. 

(8) Lettre du duc db Guisb. 



LIVRE l-'. — CHAPITRE 111. «S 

ment promptemeBt leur bataillon carré. Le connétable vient a4enr 
secours avec sa cavalerie et son infimterie française^ deux léfimenta 
de l'aile dmite appnlent son' mouveaient; mais les protestants cal- 
butent ces derniers, et s'emparent de ^artillerie do centrer Le ooii-« 
nétaUe renversé est fait prisonnier, et* voit se renouveler poor hri 
la déroute de Saint* Quentin. ' 

La cavalerie protestante* ne trouvant phis d'obstacle devant elle,' 
se met à la poursuite des fuyards; elleva sur 'les derrières de l'annéiB 
ennemie piller les bagages ; puis une partie se rallie et mentace de 
prendre à dos la division encore intacte de la droite, qui 'avait vu la 
défaite du connétable sans bouger; mais l'attitude formidable de cette 
division l'intimide, et elle retourne de nouveau affronter les Suisse^. 
Les chevaux traversent encore les rangs de l'infanterie, sans pou- 
voir toutefois la mettre en fuite. Les héroïques soldats des Alpes 
repoussent avec la même intrépidité deux autres charges de cava- 
lerie, une attaque de quatre cents arquebusiers huguenots, et 
en6n tout un régiment de lansquenets qu'ils renversent et poursui- 
vent W. 

A ce moment, le champ de bataille présentait un singulier aspect. 
De toute la gauche catholique, il ne restait plus debout au milieu de 
la plaine que le bataillon suisse entamé, mais inébranlable comme 
un roc ; et la division de droite qui semblait rester étrangère au 
combat. Coligny, à la tète de Tinfantene française protestante qui 
n'avait pas encore donné, ralliait autour de lui lès lansquenet^ 
si maltraités par les Suisses, et le prince de Condé était à la re- 
cherche de sa cavalerie dispersée par sa propre victoire. 

Pendant ce temps, l'artillerie du duc de Guise, de même que celle 
des huguenots, devait nécessairement agir; car, d'après la position 



V Ménunrei de F. di La Noue. Panikéan Uiêéraire, p.SSI.CAsnLiuu, Datiba et Mimiy 
rapportent la loémc chose. 

30. 



2aS GUERRE DE CAMPAGNE. 

qu'elles occupaient réciproquement, rien ne pouvait obstruer leur 
tir. Cependant les récits de l'époque n'en parlent pas. 

Enfin, le duc de Guise et le maréchal de St- André, voyant que le 
moment est venu de prendre l'offensive contre l'ennemi, qu'un 
premier succès a entraîné trop loin, se préparent à l'attaque. Ils 
réunissent leur infanterie en deux bataillons dont le front est assez 
étendu (^}, placent la cavalerie au milieu, et se font précéder d'une 
troupe d'enfants-perdus (^) et de quatre pièces d'artillerie. Arrivés 
à une portée d'arquebuse, ces pièces font une décharge meurtrière 
contre Tinfanterie protestante (^) que la cavalerie catholique met 
aussitôt en fuite. Le prince de Condé, qui avait à peine pu rallier 
deux cents chevaux, est renversé et fait prisonnier. Toute l'armée 
protestante, prise en flanc, bat en retraite, et ceux des catholi- 
ques qui avaient été dispersés au commencement de la bataille, 
se rallient sous les étendards du duc de Guise. Les protestants 
sont poussés l'épée dans les reins. Deux mille lansquenets se réfu- 
gient dans un enclos fermé W« Mais, pendant qu'on les force à capi- 
tuler, ce qui un moment arrête les vainqueurs, Coligny^n rallié dans 
un vallon, à la faveur d'un bois, seize cents chevaux; il se précipite 
encore à l'improviste sur les catholiques, et leur fait éprouver de 
grandes pertes (^). Le maréchal de St-André est pris et plus tard 
massacré. Alors l'infanterie catholique, accourt sur le flanc de l'en- 
nemi, fait un habile usage de»son feu (^^, et force les protestants à la re- 
traite. Ceux-ci abandonnent sur le champ de bataille quatre pièces 
légères, mais ils emmènent trois gros canons C^); ce qui s'explique 
en se rappelant, d'après ce qpe nous avons dit plus haut, qu'une 



(1) « Pour en montrer une plus grande teste. » LeUra du dug db Guise, p. 479> 

(2) DAfiLA, HUlùire dei Guerres eitiU$. 

(3; Hùtoire de France du P. Dànol, tooL v, p. 82. Paris, 1727. LeUre du capitaine J. 
DU Atalà. 

(4) Lettres du duc db Guisb. 

(5) Ibidem. 

(6) Ibidem, p. 500. 

(7j Mém, du PEUfCB DB CoifDÉi p. 694. Edition Micbaud et Poujoulat. Paris, 1S99. 



DIS. 



LIVRE I**. — CHAPITRE 111. S37 

partie de l'artillerie avait dès le matin pris lesdevanis, et se trouvait 
ainsi plus éloignée do champ de bataille. 

Le combat dara cinq heures; contre l'habitude, il ne fut point 
engagé par une escarmonche de tirailleurs W. Le prince de Condé 
et Coligny ne surent se servir ni de leur canon ni de leur infanterie ; 
ils lancèrent leur cavalerie hors de la protection de leur infanterie, 
laissant chaque arme, privée de l'appui des autres troupes, engager 
des combats partiels. Le duc de Guise, au contraire, plaça son artil- 
lerie et ses troupes de manière à ôter à Tennemi tout désir de le forcer 
dans sa position; il attendit le moment décisif pour porterie grand 
coup sur son ennemi déjà débandé ; il augmenta ses forces par le con- 
cours mutuel des trois armes» et fit ainsi pencher la victoire du côté 
où il y avait plus de génie militaire. 

L'artillerie ne joua pas un grand rôle au combat de Saint-Denis, umb«i de s«Nit-De- 
en 1567, et, quoique le connétable de lilontmorency, qui y perdit la 
vie , eût à sa disposition seize mille piétons, deux mille lances et un 
grand nombre de bouches à feu, contre un ennemi qui n'avait que 
quatre pièces de canon et dont les forces montaient à deux mille ar- 
quebusiers et mille chevaux, il ne sut pas remporter une victoire 
décisive. Le duc de Guise n'était plus W I 

A défaut de piques et d'artillerie, les protestants faisaient toujours 
un grand emploi de leurs arquebusiers, qui étaient en grand nom- 
bre, et à propos du combat de Saint*Denis, La Noue rapporte que 
l'amiral lui dit : « que Tarquebuserie à pied qu'il avait rangée 
« aux flancs lui servit grandement, et qu'en tirant à cinqu^te 
« pas, elle fit beaucoup de mal à la cavalerie des catholi- 
« ques ^. » 



(t) irim.de M La Nooi» p. »4. 

(S) « Les cftihoUqnes atoienl qoaire avanuiges rar leurs enoemis ï scatoir, raruHerîe, k 

nnbie irhoaiiDes, ks bauilloos des pioqoes el la place bante et relevée. » Jf/moiff s de F. 

I La Non, ch. inr, p. 304. Ptmihéim lUiéruir: 

(9) ikiim, p. Sis. 



238 GUERRE DE CAUPÂGNE. 

Cette supériorité dans Temploi des armes k feu portatives (^) fe- 
cilitait grandement aux armées protestantes la défense des retran- 
chements ou des villages d'où il était difficile de les déloger. A Jase- 
neuil, en 1568, le prince de Condé, séparé par une fausse marche de 
l'amiral de Goligny, se trouve tout à coup en présence de Tannée dn 
duc d'Anjou, bien supérieure en nombre. A l'instant, il prend les dis- 
positions qui doivent assurer le salut de son armée. II occupe deux 
petites collines, qui sont à droite et à gauche de la grande route, 
déploie sa cavalerie dans la plaine, comme s'il ne craignait pas 
d'engager le combat, et, pendant que la nombreuse artillerie du duc 
d^Anjou foudroie la plaine, il fait élever un retranchement en- 
tre les deux collines; profite des fossés, des levées de terre, des 
arbres, des vignes dont le pays est couvert pour y placer à l'abri ses 
six cents arquebusiers gascops et ses quatre pièces de campagne, et 
faisant ensuite retirer sa cavalerie derrière les collines, 11 présente 
à l'armée royale une position qu'elle ne croit pas pouvoir forcer (^). 
Dans ces guerres, on voit la tactique faire des progrès que l'ar- 
tillerie ne seconde pas toujours parce qu'elle n'est pas assez mobile. 
cembat (le Jarnac. Au combat de Jamac ou de Bassac, en 1569, où mourut le 
prince de Condé, l'armée du duc d'Anjou manœuvra avec une 
grande habileté poursurprendre le passage de la Charente. Coligny 
avait eu le tort d'éparpiller ses forces en plaçant sur la rive, 
qu'il voulait défendre, de petits postes éloignés les uns des autres 
qui ne pouvaient rien prévenir ni empêcher. Le duc d'Anjou, après 
avéir fait croire à l'ennemi qu'il tenterait plus bas que Château*Neuf 
le passage de la rivière, revint précipitamment à cette- ville, fit jeter 
deux ponts et passer toute son armée. Coligny ne put rassembler 
ses postes épars d'infanterie (3) ; il se retira sur Jarnac où était le 



(1) En 1568; le prince de Condé ftvâit dix«huU mille arquebnsters et troismille ^cheTsux. 
(^ Davila, Cruerres ewOet, liv. iy, p. 906. 

(3) « Mais cesKe longueur de temps qui se passa à les attendre fût la* principale occasion 
de nostre désastre. » Mém. de F. de La Nout, cb. xxni, p. 323. 



LIVRE K --CHAPITRE III. 239 

prince de Coude. Celni-ci arrive lorsque les troupes de ranûral se 
retiraienloi dësocdre; il preud position entre un étang qui protège 
sa droite et une colline qai couvre sa gauche, et laisse Mitre ses 
escadrons (^) un espace libre qa\ ofire une issue aux fuyards, sans 
qu'il en .résulte du désordre pour ses troupes* Cétatt le cas où quel- 
ques pièces de canon bien postées pouvaient -sauver rannée de 
raanrald'une déroute complète; mais il paraît qu*il n^avait pas pu 
amener d*artiUeriey tandis que lee catholiques avaient huit bouches 
à feu .(^. Quoique. €oligny allât se placer dans la position que Coudé 
lui avait réservée, il fallut céder au nombre, et les arquebusiers ca- 
tholiques entremêlés à la cavalerie délogèrent Tennemi; le prince de 
Condé, qui combattait en désespéré, fiit pria et massacré. Goligny se 
retira pour briller quelque temps encore par son courage et périr 
plus tard dans le massacre de la Saint-Barthélémy. Le résultat de ce 
combat, funeste pour les protestants, prouve, que lorsqu'on veut sur- 
veiller le cours d*une rivièn pour en empêcher le. passage, ce n*est 
point en disséminant sea troupes le iSng de la rive qu'on y parvient, 
mais en plaçant la. plus grande partie de ses forces en réserve dans 
une position centrale, là où les routes se croisent; dans une position 
semblable, dit Smola, située à une lieue de b rive qu'on veut défen- 
dre, on couvre et protège trois lieues du cours du fleuve (9. 

En 1569f l'amiral se trouvant en force, voulut re|»*endre sa re- 
vanche et attaquer Tarmée royale fortement retranchée au poste de 
la Roche-Abeille. U ÙÊt au moment de se saisir de l'artillerie royale 
au moyen de ses arquebusiers; mais la pluie étant survenue éteignit 
les mèches des arquebuses, et la position étant d'ailleurs bien défen- 
due, il fut obligé de se retirer. 

La mine des armées était toujours causée par l'obligation qu'on 

^1) Davola, ttv. iT, p. 31S et mivaoïe*. 

(i) « QmIk cioaat ei qÊiârt coolMmincft. • Mémoéru de F. m La Noui, di. uni, 
p.SSS. 

(3) Téuk0tiàmek /ttr k. k. m$i€rr9i€ki$ckt ÀrtUUrie o|kt#r#. ^ Tbeil , p. S. Wleo , 
1831. 



340 GUERRE DE CAMPAGNE. 

s'imposait de prendre des places qui résistaient à des équipages 
de siège trop faibles, et contre lesquelles les troupes venaient épui- 
ser leurs forces- Ce désavantage était surtout sensible pour Far- 
mée protestante ^^) : Coligny s'était acharné au siège de Poitiers (^), 
héroïquement défendu par le digne fils du défenseur de Metz; lorsque 
l'armée du duc d'Anjou s'avança , après s'être renforcée à Chinon, 
les troupes protestantes étaient épuisées et entravées dans tous leurs 
mouvements par leur attirail de siège- Elles s'étaient vues forcées de 
rester au bourg de Lafaye-la- Vineuse, parce que, dit de La Noue, 
« tous les chevaux de l'artillerie qu'avions furent envoyés pour ra- 
« mener à Lusignan partie de celle qu avoit servi à battre Poictiers 
« quiétoit demourée en un chasteau, et retournèrent si à point, que 
«r s'ils eussent encore demeuré un jour, nous eussions esté contrains 
• d'abandonner la nostre (?). » 
Bataille de MoDcon- Lcsarmées protcstautes, toujoursmoiusbiendisciplinéesquecelles 
du parti adverse, ne se gardaient nullement ; aussi étaient-elles sou- 
vent surprises en marche par l'armée catholique. Nous en avons 
déjà vu un exemple à Dreux, nous allons en voir un autre à Mon- 
contour, en 1569. L'armée de Coligny, qui se retirait vers le Bas- 
Poitou, vit tout à coup l'avant-garde catholique, commandée par 
Biron, paraître sur son flanc W. A l'instant, Biron fait tirer 
quelques coups de canon qui jettent l'eifroî parmi les protes- 
tants (^} ; mais un marais les protège et les deux armées se trou- 
vent en présence à une portée de mousquet seulement 9). Au milieu 



(1) « Ce qui ruina les huguenots, fut leur petit attirail d*artillerie, de munitions et de pion- 
niers.» Mémoirei de F. de La Noue, ch. xxv, p. 337. 

(2) « Le cardinal de Lorraine me dit que la cause de la perte de l'admirai et de ceux de 
son party avoit esté le siège de Poictiers. • Mémoires de F. de La Noue, cb. xivn, p. 331. 

(3) Mém. de F. de La Noue, ch. xxvi, p. 328. 

(4) « Or, auprès d'un village nommé Saint-Clair, la teste de l'armée catholique où estoit 
M. de Biron, vint rencontrer quasi par flanc la nostre qui marcboit. » Mém, de F. di La Noue, 
eh. XXVI, p. 329. 

(5) Ibidem. 
(fi) Ibidem. 



LIVRE I**. — CHAPITRE IH. Ui 

du marais 9 il n*y avait qu'un espace assez étroit qui fût aborda- 
ble. 

« Le duc d'Anjou, dit Davila (^), jugea le passage difficile et trop 
« dangereux à la vue des huguenots, et comme il avait sur eux Ta- 
« vantage du terrain, il résolut de les écarter à coups de canon des 
« abords du ruisseau et du poste avantageux qu ils occupaient. Pour 
« cet effet, Biron, maréchal de camp, fit promptement avancer Tar- 
« tillerie de larmée catholique qui consistait en vingt-deux pièces 
« tant canons que coulevrines, et éfciblit avec beaucoup d'intelligence 
» deux batteries. Tune à droite et l'autre à gauche, au pied des col- 
« Unes qui étaient à portée des ennemis. Ces deux batteries pre- 
« naient les huguenots en flanc. Leur infanterie, postée dans un 
» terrain bas, mit ventre à terre par ordre de ses officiers, et souffrit 
« moins du feu de l'artillerie. Mais le canon faisait un ravage horri* 
'< ble dans la cavalerie qui était rangée en bataille sur le bord du 
« ruisseau au débouché du marais, et qui pouvait à peine conserver 
<« ses rangs. Elle envoyait à chaque instant solliciter l'amiral de la 
« retirer d'un poste où elle périssait misérablement sans pouvoir 
« donner des marques de son courage. L'amiral n'y voulut pas con- 
« sentir de peur de laisser le passage et le débouché du marais libre 
« aux ennemis, qui tomberaient ensuite dans la plaine sur ses trou- 
(* pes rompues et consternées. Pendant qu'on y escarmouchait vive- 
« ment et que l'artillerie des catholiques tirait sans cesse, les rettres 
« qu'elle écrasait surtout commencèrent à lâcher pied. Le prince de 
« Navarre (depuis Henri lY) piqua vers eux, et s'exposantau feu du 
« canon, il les engagea par sa présence et ses discours à tenir ferme 
« encore quelque temps, et à attendre avec constance que la bataille 
'< s'engageât. Tout jeune qu'il était, son génie puissant et le respect 
<< qu'on lui portait réprimèrent l'emportement des Allemands. Mais 



(f) Hi$ioir0 d€9 G^^rrgs cMIfi, liv. r, p. S6t. 

Ton I. 3t 



242 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« toutes les ressources auraient été inutiles, et le canon aurait enfin 
f< détruit et dissipé l'armée des huguenots, si la nuit qui survint à 
« propos ne les eût tirés de ce mauvais pas. » C'était ici le cas excep- 
tionnel, où contrairement au principe général que nous avons rap- 
pelé p. 112, Tartillerie des huguenots devait tirer sur Tartillerie 
ennemie et non sur les troupes ; car le but principal était de £aiire 
taire le canon des catholiques; mais les canons des huguenots ayant 
pris les devants, ne purent être employés W» 

Il y aie! trois choses à remarquer; premièrement quei dès que 
Tavant-garde catholique aperçoit Tennemi, son artillerie entre à l'in- 
stant même en action, ce qui prouve qu'elle avait des pièces légères 
qui marchaient en tête de l'armée; secondement, quels ravages pro- 
duisent les bouches à feu bien placées en présence d'un grand nom- 
bre de troupes; enfin, quelle fermeté montre Coligny qui, loin d'i- 
miter la faute du connétable de Montmorency à Saint-Quentin, ne 
veut pour rien au monde en présence de l'ennemi, abandonner un 
défilé qui couvre sa retraite. Il attend, au contraire, patiemment 
que la nuit soit venue pour décamper, et va se placer dans une posi- 
tion formidable sur la route d'Airvault entre deux petites rivières, la 
Thoué et la Dive(^). Deux jours après, l'armée catholique ayant 
passé cette dernière rivière débouche dans la plaine deAfoncontour ; 
elle comptait huit mille chevaux, seize mille hommes d'infanterie, 
quinze pièces decanon. L'armée des huguenots était de sept mille 
chevaux, seize mille hommes de pied et onze pièces d'artillerie (^). 

Chaque armée était rangée sur une ligne et divisée en deux 
corps (^}. Dans l'armée catholique, le bataillon suisse était un peu 
en avant de la ligne, les flancs couverts par deux régiments d'ar- 

(1) Mém. de F. de La Nous. 

(2) Mém. de Castblnau, liv. yii, cb. ii, p. 243. 

(3) Mémoires de Gaspard de SAULX-TAYAinfES, p. 375. D'après Gastelnan, liv. tii,c1i. ix, 
il y avait dans l'armée catholiqoe dix-sept pièces de canon. — Discours^ de la bataille de 
MoneonlouTy fait par de Nbufyillb le 4 octobre 1569. 

(4) Et marcba l'avant-garde des catholiques sur la droite et la bataille sur la gauche. — Et 
départaient lesdicts rebelles toutes leurs forces en deux. — Dî$cour$ de la baUHlk. 



LIVRE l». -CHAPITRE IIL SIS 

quetNisiers et par des chariots W. On ne voulait pas qu^il pût être 
comme à Dreux enveloppé de tous les côtés à la fois. Le maréchal 
de Tavannes avait établi un corps de réserve derrière les Suisses W, 
et l'artillerie était divisée en deux batteries placées Tune à la droite, 
Tautre à la gauche ^\ 

L'armée protestante avait établi sur sa droite six pièces de canon, 
et probablement les cinq autres étaient en batterie au centre. La 
seconde division était composée de quatre escadrons flanqués d'un 
grand nombre d'arquebusiers W. 

La bataille commence par une longue canonnade et par l'atta- 
que des enfants-perdus (5). Inquiétée par l'artillerie de Coligny, la 
cavalerie de la gauche catholique se met à l'abri derrière un pli de 
terrain, et la droite se voit obligée, pour esquiver les boulets, de se 
précipiter en avant (Q; elle tombe sur le centre des huguenots» qui 
plie sous le choc; mais les canons catholiques répandent aussi la mort 
dans les rangs opposés C?), et forcent Coligny, qui commande la 
droite de ses troupes, à avancer contre la cavalerie du duc d'Anjou. 
Le combat de cavalerie devient général, tandis que, selon l'habitude, 
l'infanterie des deux côtés suit les escadrons qui l'ont devancée- 
Cependant les protestants ont jeté la confusion parmi les catholi- 
ques; le cheval du duc d'Anjou est tué , et, avant que le bataillon 
suisse que le maréchal de Tavannes fait hâter, soit arrivé, les esca- 
drons se choquent, se dispersent et se rallient plusieurs fois(8}; enfin, 



(1) Mém. de S40Li-TAf Amm» p. 375» «f Disamn de la batailU. 

(2) « Ledict dair de Byrea mr le derrière au coslé droict de oioiidict seigneur avec les 
btndes des autres mareschaux du camp pour nUHer. » — Discours de la batailU. 

(3) « L'artlUeiie adfancée mt les deux oiiDgs proche laquelle esiolt Tmlkolerie. » Mém, 
de G.DU SADLXtp.37S.«Hukl pièces de canon il Tavanl-garde et septàlabataine.»— JKiemir# 
deULbaUUUê. 

(4) Mém. de Casteuiao, liv. tu, ch. n, p. 9I3. 

(5) DUctmrs es la batailU. 

(6) Mém. de Castiuiaij, et Mésm. 

C7) Mém. de GAarAtn n SAUU-TAtAHian, p. 376 et 377, et Mémairei de P. db La 
Noci. ' 

(8) Datoa, Ut. t, p. 364. 

31. 



944 GUERRE DE CAMPAGNE. 

les Suisses arrivent au pas de coui-se ; un gros escadron de rettres 
de quinze cents chevaux tombe sur leur flanc , mais il est arrête 
par les Aies de chariots, derrière lesquels trois mille arquebusiers 
françaisYont pleuvoir sur lui une grêle de balles; alors le maréchal de 
Tavannes fait avancer la réserve composée d'escadrons de lan- 
ciers (^); ceux*ci repoussent les rettres , prennent la cavalerie des 
huguenots en flanc, et taillent en pièces tous leurs lansquenets, 
malgré Fartillerie ennemie qui fait encore une décharge à cent pas 
de distance (^); le reste de la cavalerie protestante seul se retire 
ne faisant plus qu'une troupe des quatre mille chevaux restée de- 
bout (3). Cette bataille, où toute la ligne s'aborde encore à la fois v^), 
fut décidée en une demi-heure (^), sans compter, il est vrai, le temps 
que dura la canonnade qui précéda la mêlée. Le succès des catholi- 
ques fut dû à la prévoyance du maréchal de Tavannes qui avait établi 
un peu en arrière de sa ligne une puissante réserve. Quant à l'artil- 
lerie, non-seulement elle servit à précipiter les attaques et à désorga- 
niser la cavalerie avant que les troupes en fussent venues aux mains, 
mais, pendant Faction, elle protégea par son feu toutes les attaques de 
l'infanterie. 

Certes, si elle eût été plus mobile, c'était une belle occasion de 
poursuivre la victoire en tirant quelques coups de canon dans ces 
quatre mille chevaux qui se retiraient en masse; mais ce mouvement 
était alors impossible. 

Le parti calviniste semblait anéanti ; cependant à l'exemple des hu- 
guenots, qui , après le combat de la Roche-Abeille, lorsque leurs 



(1) « J'allégueray encore un autre, c'est Ja taiaille de Moncoutour où la gendarmerie du roy 
se rangea par escadrons de lances aussi vid elle, venant à s'affronter avec ceux de la reli- 
gion qui estoient ordonnez en baie et sans aucunes lances qu'ils furent rompus avec lacUiié.» 
La Nom, 15* dûcowrê, p. 389. Edit. de 1590. 

(2) Diêcwin de la baêaUle. 

(3) Mém. de SADLX-TAVAHifia et de Castblnai). 

(4) Car estant la campagne belSe et grande, tout s*aborda presque d'un front. — DUcours 
dé la baiailU. 

(5) Mém, de F. db La Noui. 



LITRE l**.-- CHAPITRE IlL ii5 

forces étaient imposantes, s'étaient épuisés an siège de Poitiers, le 
duc d'Anjou perdit tous les résultats de la bataille de Moncontour 
en s acharnant au siège de Saint-Jean-d*Angely, mauvaise bicoque 
qui arrêta assez longtemps Tannée française pour donner le temps à 
Tamiral de Coligny de relever son parti W. Coligny, après avoir fait 
dans Tespace de neuf mois près de trois cents lieues dans Tintérieur 
de la France W, et avoir toujours trompé ses ennemis par la rapidité 
de ses mouvementSi se trouva près Réné-le-Duc en 1570, en face 
du maréchal de G>ssé qui avait douze mille hommes d'infanterie, 
quatre mille chevaux et douze pièces de canon C^), tandis que lui 
n'avait que deux mille cinq cents arquebusiers, deux mille chevaux 
et pas d'artillerie (^l 11 se posta dans une position où les obstacles de 
terrain présentaient l'avantage aux armes à feu portatives. 

Le maréchal de Cossé voulut le déloger en faisant usage de ses 
canons; mais Tarquebuserie des protestants fit échouer ses attaques, 
et G>ligny trouvant précisément un avantage à n'avoir ni canons ni 
bagage qui arrêtassent ses mouvements, continua sa route vers la 
Loire, et échappa aux poursuites de ses ennemis* 

Depuis vingt-cinq ans que les troubles civils duraient en France, 
les protestants avaient toujours eu le dessous dans toutes les grandes 
rencontres* Cette infériorité peut être attribuée» à l'organisation 
meilleure des troupes catholiques, à leur matériel plus puissant, à leur 
discipline, et enfin avant tout à la supériorité de généraux, teb que 
le duc de Guise et le maréchal de Tavannes. G>mment douter de 
l'influence qu*exerce le génie du chef, lorsqu'on voit la fortune 
changer de camp, dès que surgit un nouveau capitaine? En 1587, 



(1) « Mofttkw riainl di*a antrelbb dit 4|M si tmu mtmtni ponnuifi MesidsiieorB les 
princM dlvy quand ils t'ackeniiMNeol en Gaseoigoe t?ec le reste de leur armée, ib esioieDt 
en sraad danger de se perdre. • Méwioirti de F. m 1»a Nom, ch. zxtu, p. SSS, el Pon- 
UMiÉBi, Ut. zxt, p. 

[%) IMm. 

(9) Datoa, Gwtrtiê civiltê^ Ut. ▼, p. 38L 

;4) DtTnov.liT. xltu. 



244 GUERRE DE CAMPAGNE. 

les Suisses arrivent au pas de course ; un gros escadron de rettres 
de quinze cents chevaux tombe sur leur flanc , mais il est arrêté 
par les flles de chariots, derrière lesquels trois mille arquebusiers 
français'font pleuvoir sur lui une grêle de balles; alors le maréchal de 
Tavannes fait avancer la réserve composée d'escadrons de lan- 
ciers (^); ceux-ci repoussent les reitres , prennent la cavalerie des 
huguenots en flanc, et taillent en pièces tous leurs lansquenets ^ 
malgré Tartillerie ennemie qui fait encore une décharge à cent pas 
de distance (^); le reste de la cavalerie protestante seul se retire 
ne faisant plus qu'une troupe des quatre mille chevaux restée de- 
bout (^). Cette bataille, où toute la ligne s'aborde encore à la fois (4), 
fut décidée en une demi-heure (^), sans compter, il est vrai, le temps 
que dura la canonnade qui précéda la mêlée. Le succès des catholi- 
ques fut dû à la prévoyance du maréchal de Tavannes qui avait établi 
un peu en arrière de sa ligne une puissante réserve. Quant à l'artil- 
lerie, non-seulement elle servit à précipiter les attaques et à désorga- 
niser la cavalerie avant que les troupes en fussent venues aux mains, 
mais, pendant l'action, elle protégea par son feu toutes les attaques de 
Tinfanterie. 

Certes, si elle eût été plus mobile, c'était une belle occasion de 
poursuivre la victoire en tirant quelques coups de canon dans ces 
quatre mille chevaux qui se retiraient en masse; mais ce mouvement 
était alors impossible. 

Le parti calviniste semblait anéanti ; cependant à l'exemple des hu- 
guenots, qui , après le combat de la Roche-Abeille, lorsque leurs 



(1) « J'allégueray encore un autre, c'est Ja bataille de Moncontour où la gendarmerie du roy 
se rangea par escadrons de lances aussi vid elle, venant à s'affronter avec ceux de la reli- 
gion qui estoient ordonnez en baie et sans aucunes lances qu'ils furent rompus avec facilité.» 
La Noue, 15« dUcoun, p. 289. Edit. de 1590. 

(2) Diêeaurs de la bataille. 

(^) Mém. de SAULX-TAVAimBS et de Gastblnau. 

(4) Car estant la campagne belîe et grande, tout s*aborda presque d'un front. -- Diecoun 
de la bataille. 

(5) Mém. de F. de La Noue. 



LITRE !•'.-< CHAPITRE IIL 2*5 

forces étaient imposantes^ s'étaient épuisés au siège de Poitiers, le 
duc d'Anjou perdit tous les résultats de la bataille de Moncontour 
en s'acharnant au siège de Saint-Jean-d*Angely, mauvaise bicoque 
qui arrêta assez longtemps Tannée française pour donner le temps à 
Tamiral de Coligny de relever son parti W. Coligny, après avoir fait 
dans l'espace de neuf mois près de trois cents lieues dans l'intérieur 
de la France (^), et avoir toujours trompé ses ennemis par la rapidité 
de ses mouvements, se trouva près Réné-le-Duc en 1570, en face 
du maréchal de Cossé qui avait douze mille hommes d'infanterie, 
quatre mille chevaux et douze pièces de canon C^), tandis que lui 
n'avait que deux mille cinq cents arquebusiers, deux mille chevaux 
et pas d'artillerie (^). 11 se posta dans une position où les obstacles de 
terrain présentaient l'avantage aux armes à feu portatives. 

Le maréchal de Cossé voulut le déloger en faisant usage de ses 
canons ; mais l'arquebuserie des protestants fit échouer ses attaques, 
et Coligny trouvant précisément un avantage à n'avoir ni canons ni 
bagage qui arrêtassent ses mouvements, continua sa route vers la 
Loire, et échappa aux poursuites de ses ennemis* 

Depuis vingt-cinq ans que les troubles civils duraient en France, 
les protestants avaient toujours eu le dessous dans toutes les grandes 
rencontres* Cette infériorité peut être attribuéci à l'organisation 
meilleure des troupes catholiques, à leur matériel plus puissant, h leur 
discipline, et enfin avant tout à la supériorité de généraux, tek que 
le duc de Guise et le maréchal de Tavannes. Comment douter de 
l'influence qu'exerce le génie du chef, lorsqu'on voit la fortune 
changer de camp, dès que surgit un nouveau capitaine? En 1587, 



(1) « Mopsieiir riminl di*a aotrefois dit 4|M si evst TiTemeni poorsuiTi Messeigneun les 
princes el Inj qoaiul ils s*aclieiiiiiioieol en Gascoigne tvec le reste de leur armée, ils esioient 
en grand danger de se perdre. • Mémairu de F. m La Nom, di. ixtu , p. 33S, et Pori- 
umÈM, Ut. ut, p. 

[%) ibùUm. 

(9) Datila, Guerres eiviliê^ Ut. t, p. 389. 

(4) DiTnou, Ut. xltu. 



1S87. 



246 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Henri de Bourbon, roi de Navarre, parait à la tète du parti hugue- 
not, et la victoire se fixe sous ses drapeaux. 
Bataille do Couiras en L^ duc do Joyeuse, ayant réuni en Saîntonge dix mille combat- 
tants, arriva près de la rivière d'Isle, où il mit son armée en bataille 
de la manière suivante : la gendarmerie fut rangée sur une ligne 
très étendue dans la plaine; à chacune de ses ailes on plaça un ba- 
taillon. En seconde ligne étaient tous les chevau -légers et le reste 
de rinfanterie ; l'artillerie se trouvait à l'extrémité de l'aile gauche (^). 
Ces troupes, peu disciplinées et peu aguerries, mirent beaucoup de 
temps à se ranger en bataille; le roi de Navarre en profita pour les 
inquiéter avec ses canons qu'il avait fait placer au bord de la ri- 
vière, sur une faible élévation qui dominait la plaine. Son armée, 
composée de deux mille cinq. cents chevaux et de quatre mille fan- 
tassiiis,était partagée en sept corps; quatre de cuirassiers, un de che- 
vau-légers rangés en escadron (^) et deux d'infanterie. On bois épais 
couvrait la droite, et un large fossé protégeait la gauche de l'armée^ 
dont le front s'étendait en croissant &). L'artillerie des huguenots 
exerça de grands ravages dans les rangs des catholiques W. Chaque 
coup de canon enleva douze, quinze et jusqu'à vingt-cinq hom- 
mes (^). A la première décharge, sept capitaines du régiment de Pi- 
cardie (6)9 qui était le meilleur régiment du duc de Joyeuse, forent 
tués. L'artillerie des catholiques, au contraire, produisit peu d'effet. 
Les boulets s'enterrèrent en avant des ennemis C^j. « Lavardin, dit 
« Davila, qui remplissait dans l'armée du duc de Joyeuse, la charge 



(1) Datoà, Guerres civileê^ Ut. Tin, p. 279, traduction. Âmsterdain, 1757. 

(2) « En la bataille de Coutras que le roy de Navarre gaignat, il ordonna toute sa cavalle- 
rie en hoc (escadron). Obiervatiom milHairet de Sauvt-Litc, KS de la Bibllotlièque royale, 
D« 7112, fol. 138. 

(3) Davila, Ht. vin, p. 279. 



(4) Ibidem^ p. 280. 

(5) " 



MémoireM de Maxiwlibn de Béthuiœ, Ht. n^ p. 258. Londres, 1752 

(6) Lb GftAiN, Ut. IT. 

(7) Datila, p. 280. 



LIVRE l•^ - CHAPITRE III. 2i7 

« de meslre de camp général, sentant que, si Ton donnait à Tennemi 
« le temps de faire de nouvelles déobai*ges, ce serait causer la perte 
« entière de l'armée déjà si ébranlée par l'effet du canon et si en dé- 
« sordre, qu'à peine pouvait-elle garder ses rangs , fit sonner la 
« charge (0. • La cavalerie catholique repoussa d'abord les chevau- 
légers protestants, mais les forts escadrons du roi de Navarre qui ne 
prenaient le galop qu a dix pas, renversèrent la ligne flottante des ca- 
tholiques dont les chevaux tout essoufDés ne pouvaient garder leurs 
rangs. La cavalerie catholique défaite, le roi se jeta sur l'infanterie 
qui subit le même sort, faisant avancer ses troupes toutes à la fois, et 
tombant ainsi avec des forces réunies sur un emiemi divisé. 

Ainsi Henri de Bourbon, dès ses premiers pas dans la carrière 
des armes, se conduisit comme un habile capitaine, et mit en action 
ces principes invariables de stratégie et de tactique, qui, dans tous 
les temps, ont donné la victoire à ceux qui ont su s'en pénétrer et s'en 
servir. 

Un combat livré près de Senlis, en 1589, nous offre l'exemple d'un 
bon emploi de l'artillerie. Le duc de Longueville marchait au secours 
de Senlis assiégé par les ligueurs; il rencontra sous les murs de la 
place les troupes du duc d' Aumale. Celui-ci croyait que ses ennemis 
n'avaient point de canons^ et, en effet, le duc de Longueville pensant 
que les espions ne manqueraient pas de rapporter aux ligueurs l'état 
de ses forces pendant la halte qu'il comptait faire à Verberies sar la 
route de Compiègne à Senlis, avait donné ordre que son artillerie 
partit après lui de Compiègne. 

Or, les troupes étant arrivées en présence, les canons furent pla- 
cés derrière l'infanterie, et les ligueurs s'avancèrent à la charge : 
« Anîvés à deux cents pas des royaux, dit Palma Cayet, l'infanterie 
a royale s'ouvrit et l'artillerie qui estoit au milieu d'eux, perça tout 
« outre son bataillon de Cambraisiens, qui, par le grand nombre 

(I) Datila, liv. Tiii, p. i81. 



248 GUERRE DE CAMPAGNE. 

c< qu'elle renversa, furent contraints de s'escarler et reculer un peu 
« arrière. Le duc d'Aumale, qui avoit creu qu'ils n'avoient point de 
a canon, fut asseuré du contraire par le son qu'il en ouyt, ce qui fut 
« cause qu'il résolut de le gaigner, et commanda au sieur Magneville 
c( d'aller à la charge, et au sieur de Balangy de s'y acheminer, et que 
« luy s'y en alloit aussi. Ils donnèrent tous en même temps. L'infan- 
« lerie royale s'eslant derechef ouverte, le canon fit encores jour 
<c au travers de leurs troupes ; et, nonobstant cela, estant advancés à 
« cinquante pas près des royaux, ils se trouvèrent encores salués 
(c d'un nombre de mousquetaires que l'on avoit rangés aux flancs de 
« la cavalerie, et qui fut cause de la mort d'une grande quantité de 
c< chevaux et du renversement de beaucoup de cavaliers, lesquels 
« en mesme temps se trouvèrent chargés de tous costés par la cava- 
« lerie royale, et alors la mesiée fut grande et le combat quelque 
<x peu opiniastre ; mais les gens du duc d'Aumale incontinent com- 
cf mencèrent à prendre l'espouvante; les royaux, la teste baissée 
c< poursuivirent leur pointe, et en mesme temps, ceux de la ville de 
« Senlis qui voyoient le combat de dessus leurs murailles, sortirent 
« et renversèrent les premières barricades ; l'espouvante estant au 
« camp deTunion, ce ne fut plus qu'une desroute générale (0. » 
f^ésyj^né. I^ période que nous venons de parcourir est riche en faits glo- 

rieux pour l'artillerie française* Cette arme n'est plus un accessoire^ 
mais une cause réelle de succès lorsqu'elle est dans les mains d'hom- 
mes qui savent s'en servir. C'est elle qui décide la victoire de Mari- 
gnan ; c'est elle qui est au moment de la faire pencher pour nous |i 
Pavie; c'est elle qui appuie nos succès à Cérisoles, et qui, mieux em- 
ployée,nous eût préservé def a défaite deSt-Quentin. A Dreux,à Mon*- 
contour, elle contribue puissamment à la défaite des huguenots. A 
Coutras, au contraire, elle fixe la victoire sous les étendards protes^ 
tants. 

(t) Palma Gaybt, Chronique novenaire, liY. i, p. 15f . 



LITRE I-. — CHAPiniE in. i49 

Deux partis sont dès lors en prince. Les uns, calculant les frais 
immenses que nécessite Tartillerie, l'embarras de ses longues co- 
lonnes, la lenteur de son tir, la difficulté de la mouvoir, déclarent 
que lartillerie n'est utile que dans l'attaque et la défense des places, 
et qu'elle fait plus de bruit que de mal en rase campagne; et 
des officiers d'artillerie distingués tels que Yigenère (^) sont de cet 
avis. Les autres, au contraire, réfléchissant aux effets décisifs que 
l'artillerie produit sur les masses d'infanterie et de cavalerie, quand 
elle y concentre son feu , l'avantage qu'elle donne à l'assaillant en 
flanquant les colonnes d'attaque, l'importance qu'elle prête aux 
positions défensives, proclament hautement sa nécessité dans les 
batailles, et dans ce but s'efforcent d'augmenter sa mobilité, soit en 
doublant les attelages, soit en la faisant tirer à bras. Ils tâchent 
d'accélérer son tir en proposant l'emploi degargousses, et cette opi- 
nion qui doit prévaloir, compte dès lors parmi ses partisans Fran- 
çois de Raconis, commissaire d'artillerie en 1557 (^), qui s'exprime 
ainsi.: 

« L'artillerie, bien placée et exploitée, a donné entièrement le prix 
a seul de la victoire. Si lors le prudent canonnier aura su choisir, 
« près b place de bataille, un lieu haut et advantageux qui ne puisse, 
« ni par la lumée de ses pièces après avoir tiré, ni de quelqu'autre 
N manière que ce soit, empêcher et 6ter la connoissance de ce que 
« fait l'ennemy venant au combat, ne empescher et se mestre telle- 
« ment au devant la cavallerie et infanterie qu'elle ne puisse aller à 
« la charge; au contraire, qu'il ait si bien prévu de placer ladite ar- 
« tillerie qu'dle puisse, s'il est possible, continuer de tii-er ses coups 
« avec toute diligence et continuelle promptitude, tant avec balles 



(!) ÀrUUêrU m xrV êUeU. 

(S) Voyei les complet de reitrtonlinaire de rartillerie eo 1567, par maître Claude Piuart, 
irésorier. Il esi faii mention, M. 94, Teno, de François de Racoois. MS de la BiMkHhèque 
rojale, n* 94*7. 

I. 33 



«50 GUiMIB/iC CAMPAGNE. 

«creuses, remplies de perdreautx, balles ramées et. cartouches avec 
(( lesqudles^OD fait plus grande diligence, tellement quece continuel 
« tonnère foudre et massacre, vomi de cesbooches infernales» con- 
«traint l'ennemi^ quelque fort et bien rangé qu'il puisse être, de se 
« rompre et se mettre en désordre (*). » 

Durant cette période, le& armes à feu ont pris un grand dévelop* 
pement. Les piques ne forment plus dans, chaque bataillon qu'un 
noyau autour duquel voltigent les arquebusiers ; et.les mousquetai- 
res, qui combattent toujours hors des rangs, servent presque d'artil- 
lerielég&re pour flanquer l'infanterie. 

i Quant aux reitres ou pîstoliersy leurs succès et ileur répuiation 
vinrent. de leur habKude de décharger leurs pistolets presque à bout 
portant; carie pistolet, tiré à* vingt pas seulement, ne vaut ni le sa- 
bre ni la' lance ; mais tiré à quatre pas, il vaut mieux que ces armes, 
qui ne peuvent produire d'effet à^ pareille distance. La puissance 
de la cavalerie consiste^ il est vrai, dans le choc, et, sous ce point 
de vue, la lance était son arme par excellence ; mais,malgré l'abandon 
de la lance et l'adoption du pistolet, la cavalerie n'avait, pas com- 
plètement changé de nature , le pistolet tiré à bout portant n'em- 
pêchait pas les charges à fond , et , d'ailleurs, les cavaliers avaient 
toujours la ressource de leurs sabres. Le pistoletiétaiLdonc un puis- 
sant auxiliaire pour le cavalier. Il ne devint inutile que lorsqu'on 
abandonna l'usage de le tirer de près. 

Les succès des reitres sont la preuve évidente d'un principe qui 
peut s'appliquer aux armes à feu de tous les calibres : c'est que ces 
armes ne produisent d'effets décisifs qu'à une petite distance; et on 
peut ajouter que, pour l'artillerie et la mousquelerie, cette distance 
n'excède pas la portée du but en blanc. En effet, à Pavie les Espa- 
gnols, à Dreux les catholiques, à Saint-Denis les protestants, pro- 
duisirent avec leurs arquebuses un effet remarquable, parce qu'ils les 



(i) MS» fonds SaiQt-Germain, ir'37l.tom. ii, coté SI2, (ol. 86. 



LIVRE K. - CHAFrnRK III. ttl 

dëchargëreot de cinquanle à cent pa»- Il en fut de mèiDQdea camiiiit 
à Marignan l'arlillerie tira à cent cinquaiite pas oontretde&Mldato 
qui passaient à juste titre pour la première infanlerie de l'Europe, 
et quelques décharges suffirent poor dompter tout leur oouvage. La 
même chose eut lien a la Bicoque^ à Dreux « à Monconlonr^ a 
Senlis; tandis qu'au contraire, dans la guerre de Snalcalde^ 
Tartillerie protestante, quoique nombreuse, lança contre les troupes 
de CharleM}ûint une multitude de boulets qui, tirée de trop loin, 
n'amena aucun résultat. Aussi un officier expérimenté des temps 
modernes dit-il, avec raison, que lorsque fcrtiileriepeut entrer en 
action, à quatre ou cinq cents pas, sowfewawbout de quelques mi- 
nutes a décidé du succès (^). 

Mais malgt^le progrès desarmes à feu, à celte époque Tordre pro* 
fond existe totijours dans Fordonnance des troupes { et, malgré le ra* 
yage que le canon exerce dans ces^ masses d'hommes et dexhevaur, 
il durera tant que les tiXMipes ne ^sauront pas manoeuvrer; tant que 
l'infanterie n*aura pas une arme • qui soit à la foie arme de jet et 
arme de choc; c'est-à-dire : l'ordre profond durera tant que les 
troupes ne sauront pas passer avec promptitude de Tordre en co- 
lonne à Tordre en bataille, et tant que Tinfanterie n'aura pas adopté 
le fusil à baïonnette* 61s de la pique et du mousquet. 

De tous ces faits divers, on peut tirer la conséquence que si, 
dans tous les temps, à égalité d'arme, c'est le génie des chefs 
qui a décidé du succès, c'est à son tour, à égalité de génie, la per- 
fection des armes, de la discipline, de la tactique qui a été cause 
de la victoire. 

Mais aussi, la civilisation, en perfectionnant nos armes, a tout à la 
fois compliqué la guerre et facilité les conceptions du génie; c'est-à- 
dire que la guerre est devenue plus difficile pour des esprits ordi- 



(1} JosvB l^miURB V. SaoLA, Toêcktnbmek fiÊt K. K. Artiilme offeéert, ii ib., p. 5. 
Wieo, 1831. 

3i. 



%2 GUERRE DE CAMPAGNE. 

nairesy pour des hommes privés d'instruction et de science, tandis 

qu'elle est devenue plus facile pour les grands capitaines. 

Plus Tart de la guerre s'est perfectionné, plus il a été difficile de 
diriger le mouvement des trojpes, de conduire et d'employer ces 
immenses amas de voitures qui constituent Tartillerie et ses nom- 
breux approvisionnements; mais aussi, plus l'homme de génie a 
trouvé de facilité à exécuter ses plans, ayant toujours sous sa main 
ces ressources gigantesques au moyen desquelles il se riait des ob- 
stacles, et n'était plus arrêté, par des carrés de piques, des, fossés, 
des retranchements, des murs ou des rivières. 

Aussi avons-nous vu, et verrons-nous toujours, les généraux mé- 
diocres ne pas savoir se servir de leur artillerie^ et, semblables en 
cela aux peuples peu avancés, regarder comme un embarras ce que 
des esprits supérieurs considèrent comme un puissant auxiliaire. 
Au XVI* siècle, l'Europe tremblait devant les Turcs; l'artillerie vint 
arrêter les progrès de ces redoutables ennemis ; c'est assurément 
une des plus grandes gloires du judicieux emploi de la poudre à 
canon, que d'avoir rendu à jamais impossible une nouvelle irruption 
de barbares dans le monde civilisé. 



LIVRE I*'. — CHAPITRE IV. S5S 

poses en lmngl«s(*). Montgoniniery,'dans son Traité de la Milice, 
donne la figure soivanle d'un bataillon de deux mille cinq cents pi> 
ques qu'il appelle esoartelé. Ce bataillon est composé de quatre car- 
rés. parGuts, de six cent vingt- cinq piques, placés eux-mêmes aux 
quatre angles d'un carré. 



[m] 



^A. 



a 



.^ 



A 



62S 




62S 


c=a c — i 


M 




n 


C =3 

c- -1 


6iS 



JMJ 






a 



'4ii^ 



Les petits rectangles sont des vnanches d'arquebusiers» et les petite 
carrés M sont composés de mousquetaires. Les manches d'arquebu* 
siersy qui sont dans l'intérieur du carré, tiraient par-dessus les pi- 
quiers, ceux-ci mettant un genou en terre. Montgommery dit qu'il a vu 
faire ce bataillon par Ernando Calera sur une fausse alarme, lors- 
que le roy fnit Noyon en 1592 (^}. Cet exemple prouve à combien 
de complications on avait recours dans le but de disposer, d'une ma- 
nière avantageuse y des troupes dont une partie n'avait que des armes 
de jet, et l'autre que des armes de main. 

Enfin, JeandeSaulx,qui écrivait, sous Louis XIII, les mémoires 
de son père, dit que les bataillons carrés de terrains composés de 
trois mille hommes au moins et de cinq mille au plus, sont les meil- 
leurs (3). 

D'après ce qui précède, on voit que Tordre profond existait en- 



.;i) MSde la Bibliothèque royale, n* 6U9i, Ta). ^L 

;2] Milice fi-ancoite de Montgombirt, p. 98. 

Losteinaii représente la même figure dans son Maréchal de bataille , p. 265. Pa^i^. I6i7. 

(3) Mémoiret de Gaspard db Saolx, $€ifnenr de Tavanneu, p 75. 



256 GUERRE DE CAMPAGNE. 

core pour l'infanterie dans les troupes françaises, espagnoles, suis- 
ses; il en éiait de même dans les autres pays. Folard, Hoyer (^) et 
d'autres auteurs prétendent le contraire, parce qu'ils n'ont pas ob- 
servé que les écrivains de cette époque, qui recommandent la for- 
mation sur dix rangs , ne font que proposer l'exemple du prince 
Maurice de Nassau (%, et ne se prononcent qu'avec réserve sur 
les inconvénients des gros bataillons (^. JBn effet, le prince Mau- 
rice est le premier qui ait réduit ces gros bataillons carrés lels 
que nous les avons vus jusqu a présent, et qui ait adopté pour 
les piquiers un ordre mince. Les bataillons hollandais n'excé- 
daient pas cinq cents hommes W. Ces cinq cents hommes, mis 
sur dix de hauteur, présentaient donc un front de cinquante hom- 
mes- Les compagnies de cent hommes étaient composées d'un capi- 
taine, un lieutenant, un enseigne, deux tambours, deux fifres. 
Parmi les soldats, on choisissait les plus capables pour en faire trois 
sergents, trois caporaux, six aides, dix chefs de file placés au pre- 
mier rang, dix serre-demi-files placés au cinquième rang, dix chefs 



(t) Hoyer prétend que partout, au commencement du xvn^ siècle, rinfanterie était ran- 
gée sur dix rangs. Vay^M Eoyer Kriegêhumiy tom. i, p. 462» Goettlngen, 1797.Nous ne pou- 
Tons pas être de son opinion. Les plans des batailles de la guerre de Trente-Ans , mon- 
trent bien que les impériaux avaient conservé Pordre profond. Il dit, avec raison, que les 
lêrtioi^ dont parle Ckdeazzo Gualdo> ne signifient pas des carrés pleins» comme on Ta sou- 
vent cru , que ce mot était en espagnol le synonyme de régiment. Ce qui est vrai, puisqu'on 
lit dans la relation de la reddition de Cbivas (Piémont), en 1639. t L'on ne fit nul prison- 
nier en cette occasion, qu'un capitaine italien du terzo ou régiment de Tavara. » Mémoires 
d'AuBBRT sur Richelieu, t. ii, p. 406. Paris, 1660 ; mais cela ne prouve pas qu'il n'y eût pas 
malgré cela des carrés pleins. 

(2) Discours pour le rétablissement de la milice de France, par René iji NoRHANT,escuyer, 
sieur du Bois de Falaise, en Normandie. Rouen, 1632. 11 cite sans cesse l'exemple du prince 
Maurice , de même que l'auteur suivant : 

« Car je ne feray chacune que de dix comme le prince Maurice.» IneHtuiions miHtaireê^ 
par JérAhib Billon, liv. i, p.61. Lyon, 1617. «Et ne faut que dix hommes de Oie comme en 
Hollande.» Billon, liv. n, p. 168. 

(3) m Je ne veux pas trop opiniastrer contre les gros bataillons en des occasions qu'il y a 
comme j'ay dit. » J. Billon, liv. i, p. 33. 

(4) tt Or, lesplusgrands bataillons, selon l'usage de Holîande, sont de cinq cents hommes.» 
RSNfi Ll NOIHAIIT. cb. XV, p. 24. 



LIVRE I^'.^CHAPITRE IV. 257 

de demi-file au sixième, et dix serre-files au dixième. 11 ne restait 
donc que cinquante et un simples soldats (^). Non-seulement ces ba- 
taillons augmentaient leur front facilement en doublant leurs files (^), 
mais aussi on voit, par certaines manœuvres, que les troupes com- 
mençaient déjà à savoir passer par de simples conversions de Tordre 
en bataille à l'ordre en colonne, et réciproquement (?). Devant l'en- 
nemi, les bataillons serraient les rangs; mais on laissait entre les 
files un espace de deux pieds. D'après Billon, cet intervalle était né- 
cessaire pour le croisement des piques W. Cette organisation et cette 
ordonnance de Tinfanterie ne furent adoptées en France que vers le 
milieu du règne de Louis XIII, comme nous le verrons plus tard. 

Montgommery veut que les compagnies soient de cent piques , 
cinquante arquebusiers et cinquante mousquetaires. Billon veut, au 
contraire, un tiers plus de piques que d'armes à feu. Le premier 
compte de deux en deux soldats un goujat, et de quatre en quatre un 
cheval. Il ne veut pas que les soldats portent des effets avec eux 
comme les Espagnols « parce que, dit-il, cela est de très mauvaise 
gr&ce. » Cependant, le sac appelé alforia, que les Espagnols portaient 
au cou, devait être d'un immense avantage pour la commodité des 
hommes et pour la diminution des bagages. 

Le sergent-major était toujours l'homme indispensable. Mont- 
gommery lui assigne le second rang en autorité après le colonel (^). 

Dans le manuscrit attribué au maréchal de Biron, on vante l'or- 
ganisation des Suisses qui ont par régiment trois sergents-majors, 



(i) M. s. Jacob Sainl-HoDoré, n* 32, fol. 8, 

El Diseimrt militaires de do Piaissac, p. 3, 

El Rnit u NoRSAMT, p. 19. 

(3) « Doubler par demies files ou serre-files pour s'en senrîr, quand II l^ot venir aux i 
a?ec rennemy. Doubler en quadruple par rangs ou par files pour étiter les coups de canon 
aux bloqoemenu des places*» Rmt li Noihaut, cb. xt, p. Si. 

(3) M. S. Jaoob Sainl-Honoré, n* 33, UL 15 el97, Tcrso. 

(4) J. Bux<Ni, liT. T, cb. XII, p. 106. 

(5) Mitie$ de MoHTQOHHinT, p. 61. 

TOHI I. 33 



258 GUERRE DE CAMPAGNE. 

un pour les piqiiiers, un pour les hallebardiers, et l'autre pourfes 

mousquetaires W. 

Il y avait en tous pays des arquebusiers et des mousquetaires. Les 
arquebusiers tiraient leur arme à main libre, les mousquetaires Tap- 
puyaient sur une fourchette. Montgommery prétend que les arque- 
buses lancent une balle d'une once, les mousquets une balle de deux 
onces. Nous croyons qu'il exagère le calibre, car dans les Pajfs-Bas la 
balle de l'arquebuse était de vingt-quatre à la livre, et celle du mous- 
quet de dix à la livre (^). Dans un manuscrit de l'époque, intitulé le 
Maréchal de bataille ^d'Aurlgasicl^) dit, ainsi que St-Luc d'autre part, 
que la balle de l'arquebuse était de trente-deux à la livre, ce qui 
donne un calibre extraordinairement petit. L'arquebusier portait sur 
lui trente balles et le mousquetaire seulement quinze W. Les charges 
de poudre étaient toujours renfermées dans de petites boites de bois 
suspendues par des fils à une bandoulière ; les balles étaient mises 
dans un sac en cuir; au moment de charger, le soldat mettait quatre 
balles dans sa bouche (^}. 

Non-seulement les armes défensives telles que le corselet était tou* 
jours en grande estime; mais il parait même, d'après Montgommery, 
que le prince Maurice de Nassau faisait grand cas des rondelles, ou 
boucliers circulaires (^). 

Gustave-Adolphe et Louis XIY passent pour avoir été les premiers 



(1) MS de la Bibliothèque royale, n» 81-9769, p. 116, verso. 

(2) Ordonnance des EskUs du 4 febvrier 1599. HUloire des Pay$-B<u, par Eshanuil di 
Mbtbbbii, trad., liv. xxi,p. 45t. La Haye, 1618. 

(3) MS, fonds Le Tellier Louvois, n<> 124, reg. 9350 a 34, foL 174. 

(4) MONTGOUZET, p. 9. 

(5) Ibidem. 

(6) « Je ne puis oublier le brave prince Maurice de Nasseau. Estant près de lui, en 1600, 
lorsqu'il prist les forts de Crève-Cœur et de Saint- André sur le V¥al et sur la Meuse. Son 
expérience est que cent rondeliers rompront deux cents piquîers. Il est de cette opinion pour 
combattre de Tinfanterie, je voodrois que mes trois premiers rangs fussent moitié picquiors, 
moitié rondeliers, ayant des escoupettes en esdiarpe et aussi étolt-<» l'opinion de don Cion- 
«aies Fernando de Gordoua, llamado gran eapitany lequel en a discomu dans le Tratado de 
re militari. » Milice flrançoise, par Mess. Loirrs de Momtgohmbrt, p.l27. Paris, 1615. 



LIVRE I«'. — CHAPITRE IV. m 

souverains qui aient donné aux régiments un costume uniforme; 
cependant comme de tout temps» chaque troupe avait cherché à se 
distinguer de ses ennemis, soit par la couleur des croix brodées sur 
les casaques, soit par les plumets , de même, on voit que dès 1589 
tous les soldats que conduisait I«a Noue avaient des casaques 
rouges (1). 

Sous Henri IV, comme sous Louis XIII, on comptait trois sortes botuodin^! ^^*'^*''^ ^^ 
de cavalerie : les gens d'armes» les chevau-légers, et les arquebu* 
siers appelés carabins ou dragons (^. Dans les troupes de la ligue 
seule, il y avait des lanciers; parce que les Espagnols et les Italiens, 
qui y servaient comme auxiliaires, avaient conservé cette arme. 
Davila dit, à ce sujet, que Henri IV regrettait que la noblesse fran- 
çaise, pendant les guerres civiles, eût abandonné Tusage de la 
Isuice W, mais Davila était Italien, il ne faisait peut-être que placer 
son opinion sous le patronage du héros français. 

Voici,. d'après Montgommery, quel était l'armement de la cava- 
lerie : « Les gens d'armes estoient armez d'armes complètes, et 
« portoient des grèves et des genouillères dedans ou dessus la botte, 
« la cuirasse à l'épreuve du coup d'arquebuse par- devant et par* 
« derrière ; et, au lieu de lance« une escopete qui portoit cinq cens 
« pas, le pistolet à l'arçon chargé d'un carreau d'acier, l'estoc ou 
« l'épée longue et roide , sans tranchant; leurs chevaux estoient 
« armez de champfrein et d'écusson devant le poitral. Chaque gen- 
« darme avoit deux bons chevaux de service avec un fort maillet. 

« Leschevau-légers estoient armez d'armes complètes, d'une cni- 
« rasse à l'épreuve, le reste estoit à la légère, ils portoient le pistolet 



(1) «A Par», les Paniiens, sow M. d'Aimiale, se jelèreot h coips perdu sur ces vleUles co- 
taq¥êê rou^ que La Noue avoit liMjours conduites sous le rojde Navarre, de sorte qullen 
demeura plus de deux mlDe sur place.» DéeUe ds Jfmty U Grand, par ëm Gaa», IW. it, 
p. 179. 

(i) « Arquebusiers à cheval qu'oo appeloit eu ce leoips-ià dragous. Ckrùmquê novtnmn 
de Puju Catit, Kv, nr, p. 995. PmUkéan miUMrt, et Mémoirti du duc D'AifOomm. 

(3) Davoa, (rufrrff cMIm, tood. n, di. xt. 

SS. 



360 GUERRE DE CAMPAGNE. 

« à l'arçon de la selle sous la main de la bride, et de l'autre costé la 
« salade ou habillement de teste. Chacun deux chevaux , Tun de 
« combat» l'autre pour les gardes et corvées et pour porter la malle. 

« Les carabins avoient pour arme une cuirasse échancrée à l'é- 
» paule droite, afin de mieux coucher en joue, un gantelet à coude 
» pour la main de la bride, un cabasset en tête, et pour armes of- 
» fensives une longue épée, une escopette ou carabine longue de 
« trois pieds et demy, un pistolet à l'arçon et des cartouches à la 
« reître. 

« Les compagnies de gendarmes de deux cens maîtres, pour les 
« princes, officiers de la couronne, gouverneur des provinces, et 
« pour les autres seigneurs, de cent, chaque compagnie divisée en 
« quatre brigades. Pour Tordre de combat, chaque brigade doit se 
« mettre cinq à cinq qui sera pour la compagnie de deux cens hom- 
« mes d'armes, vingt de front et dix rangs ; au troisième rang le gui- 
« don^ renseigne au troisième, le capitaine au premier rang, le lieu- 
« tenant et le maréchal des logis à la queue. 

« Ils doivent aller au pas jusqu'à cent pas de l'ennemi, puis au trot, 
« jusqu'à vingt-cinq ou trente. Alors, ils tireront l'escopette et en- 
» suite chargeront à toute bride le pistolet à la main, en tirant à bout 
« portant au-dessous du bord de la cuirasse. Le second rang tire 
« entre les premiers, si le troisième ne peut tirer, ils peuvent s'en- 
te trebailler de main en main les escopettes et les pistolets comme il 
« fut fait à Arques, ou nos chevau-légers s'entrebâillèrent les pisto- 
« lets par-dessus Tépaule, pour tuer les ennemis qui étoient mesiés 
« parmi eux. 

« Les compagnies de chevau-légers étoient de cent mètres, et cha- 
« que compagnie avoit cinquante carabins. Les chevau-légers sur 
c< quinze de front et sept à huit rangs. Les deux quadrilles de cara* 
a bins sur la main gauche trois à trois i^). » 

, (1) MoNTGomBRT, MUice françoUe, ^ partie, p. )S7 et suivantes. 



LIVRE !•%— CHAPITRE IV. 26! 

Quoique Montgommery dise que ces carabins ou arquebusiers à 
cbeval avaient des armes défensives» il paraîtrait, d'après Billon> 
qu'il n'en était pas ainsi» et que celte dernière troupe qui devait sou- 
vent combattre à pied ne jouissait pas d'une grande réputation. 
Aussi Billon vante-t*il beaucoup l'organisation des Hollandais qui 
n'avaient adopté que deux espèces de cavalerie» les gens d'armes et 
les carabins. Il dit à ce sujet : « Nos roys ont voulu depuis un long 
» temps se servir de trois sortes de gens de cheval y gens d'armes » 
« chevaux-légers et arquebusiers à cheval, afin que par la première 
« espèce, ils contentassent les grands seigneurs, et par la seconde, 
« les autres moindres gentilshommes, on gens de mérite,et les arque- 
(« busiers à cheval ont toujours servy pour gaigner les passages, 
« courir au loing et faire toutes sortes de corvées; mais ceste troi- 
« sième espèce est inutile j parce qu'ils tCoseroyent se mesler parmy 
« la cavalerie et ne peuvent rendre nul bon combat à pieds, n'ayant 
« ny piques, ny cuirasses, ny morions, si ce n'est parmi quelque baye 
M on à un passage bien fortifié, encore ne font-ils pas grand effet 
<« avec leurs petites arquebuses. 

« Mon opinion est donc qu'il ne faudroit que les deux sortes de 
« gens de cheval que j'ay dit, gens d'armes et carabios : car, les gens 
M d'armes, feroyent le mesme ofiice, et rendroyent le mesme ser- 
« vice qu'ils ont acconstumé; et les carabins combattroyent aussi par 
« tout où il seroit besoin à cheval, soit au mesme ordre que les gens 
u d'armes» on bien au costé, ou à la teste de leurs escadrons, rengez- 
« en un rang ou deux, ou en deux files pour tirer, faisant le caracol 
« par-devant les ennemis* Lesdits carabins peuvent» outre cela, faire 
« l'oflBce des chevau-légers et des arquebusiers à cheval tout ensem- 
« ble» en quelque action de guerre que ce soit; pour estre logez au 
«< loing, et entretenir Tennemy; et se retirant, ou advançant, pour 
« marcher autour de l'armée aux gardes; et des descouvertes; pour 
« faire les retraittes, ou arrester l'ennemy; pour commencer les 
<« combats ou escarmouches; pour faire les guets et gardes plus es- 



262 GUERRE DE CAMPAGNE. 

» loignées et plus pénibles; pour faire les grandes corvées, cavalca- 
« des et convois ; pour garder les passages ou les gaigner ; pour met- 
« tre pied à terre la pluspart d'iceux à attaquer, defiendre contre 
« Tennemy. Les carabins dont je parle s'appelleront, si Ton veut, 
« chevau-légers, puisqu'on trouve ce nom plus honorable (^). » 

£n Hollande, les gens d'armes et les carabins étaient ordonnés 
par régiment. Chaque régiment était composé de quatre cornettes 
de cent chevaux chacune, qu'on formait en deux escadrons sur dix 
de hauteur; mais « lorsqu'il est question de combattre, dit René le 
« Nonnand, on double par demi-files ou par serre-files, afin qu'il ne 
« reste que cinq files (rangs), qui est le nombre de hauteur que les 
« Hollandais donnent aux plus grands escadrons (^). » 

La, comme en France, les carabins mettaient souvent pied à 
terre. Aussi René le Normand dit-ir, qu'un capitaine de carabins 
doit savoir les fonctions d'un capitaine d'infanterie (3). 

Si en France rinfanterie était toujours rangée en gros bataillons, 
il n'en était pas de même de la cavalerie, et Henri lY » voyant d'un 
côté combien les gros escadrons de quinze cents à deux mille che- 
vaux étaient peu mobiles, et, d'un autre côté, combien les charges 
faites sur un seul rang étaient faibles, avait adopté des escadrons 
de trois cents à six cents chevaux au plus, rangés sur cinq de hau- 
teur W. 

Cependant, la formation sur cinq rangs n'était pas constante, car. 



(1) Jfif Imcliofu militaires, par J. db Billon, p. S9. Lyon, 1617. 

(3) Rbné le Norhart» cb. xvu, p. 49, et cb. xxi, p. 62. 

(3) làidem, cb. xym, p. 54. 

(4} « Le roy qui avoU expérimenté en d'autres batailles et combats, qu'il estoit plus avan- 
tageux de faire combattre la cayalerie en escadron qu'en baye, mesme la sienne qui ne por- 
loit point de lances, départit toute sa cavalerie en sept régiments rangés en autant d'escadrons, 
et toute son infanterie aux flancs desdits escadrons, qui avoient chacun une troupe d'enfants- 
perdus. » Palma Catit, Ht. n, p. 232, année 1590. 

« Â Iyry> le cinquième escadron estoit celui du roy qui fiusoit cinq rangs, en cbacun des- 
quels il y avoit de front six Tingts chevaux, de sorte qu'il estoit de six cents bons chevaux. » 
Pauià Gatbt, Chran. hov., liv. n, p. 233. 



LIVRE I*. —CHAPITRE IV. 263 

on a VU que Montgommery veut que les gens d'armes soient sur dix 
rangs , les chevau-légers sur sept; et Billon dit que la profondeur 
des escadrons doit toujours être le quart du front (i). Ainsi, un esca- 
dron de cent chevaux aurait eu vingt chevaux de front sur cinq 
rangs, et un escadron de deux cents chevaux, vingt-neuf de front sur 
sept rangs. Les escadrons, dans les combats, serraient les rangs et les 
files (9. Au sujet des petits escadrons, Montgommery dit : « On a 
« enfin reconnu qu'il vaut mieux que la cavalerie charge par petites 
« troupes qu'en gros escadrons, car chaque chef peut alors répondre 
« de ses soldats; le dernier maréchal de Byron, quand il n'eut eu que 
» cent chevaux, U les eut partis en trois troupes dès que l'une ne 
« combattait point sans grande nécessité, ains demeuroit ferme sur 
« la main pour tenir l'ennemi en échec 0). t 

Or, nous trouvons dans le livre attribué au maréchal de Biron le 
conseil suivant : qu'il faut diviser sa cavalerie en plusieurs troupes 
pour combattre les reltres avec avantage. Cette coïncidence d'opinion 
est une preuve de plus, que le traité de la guerre attribué au maréchal 
de Biron est bien réellement de lui. En efiet» on lit, p. 28 W : « Pour 
« défaire les retires qui vonten troupes, mettez votre cavalerie en deux, 
« c'est-à-dire, s'il y a une cornette de reltre qui sont la plupart du temps 
« trois cents chevaux, que vous en ayez deux cent cinquante» mettez 
« du premier rang cinquante chevaux armés en premier du pistoUet, 
« pub soixante pas plus loin de ceux-là un autre rang de cinquante 
« chevaux aussi des mieux armés, et soixante pas plus loin de ceux-là, 
M ong aultre rang de quarante chevaux, puis mettez un rang en la 
« mesme distance de trente chevaux et des quatre vingts qui vous res- 
« tent, mettei-en quarante de chaque côté sur les ailes au même en- 
• droit du troisième rang , lesquels doivent être les plus légèrement 



(f ) IntUtulUms mitUaireê Ju S' M Billoh, liv. i, p. 100. 

(^ BtixoH, liv. i,p. 101. 

(3) MUi€9 /TMcoise, par Louys m Montgomkrt, 2* partie, p. \9%. Paris, 1615. 

{ i) NS de la BibKoibiNioe myalc. o- 81-9769. 



26i GUERRE DE CAMPAGNE. 

« armes, et faut qu'au même temps que les reitres viendront vous 
« assaillir, qu'au même rang vos gens cheminent sans quitter leur or- 
« dre, car les reîtres venant vous charger et ayant passé le premier 
(« rang, puis le second , estans venus au troisième, la faudra que 
« les quatre vingts chevaux qui sont sur les ailes chargent par flanc 
« lesdits reitres, qui sera cause de les défaire avec les autres du 
» premier et du second rang , qui n'auront été portés par terre 
« d'autant qu'il n'y aura que le milieu de leur rang qui soit défait, 
« et le reste demeurera sur pied et servira à les charger par flanc 
« ou par derrière. » 

Non- seulement les carabins ou dragons mettaient pied à terre, 
mais la gendarmerie et les clievau-légers avaient conservé cette habi- 
tude dans les circonstances graves. Ainsi, à Dieppe, Henri lY fit 
combattre deux cents chevau-légers à pied armés de hallebardes (^). 
Il en fut de même dans beaucoup d'autres circonstances (3) ; aussi 
Montgommery dit-il, que : « La gendarmerie françoise, comme on 
» l'a vu dans les guerres civiles, met pied à terre pour quelque grand 
« efiet. Car, quand nous mettons dans chaque régiment françois 
« deux cens gentilshommes et cent carabins à pied, la picque à la 
« main et le pistolet en écharpe, il n'y a bataillon d'Espagnols ni 
« même de Wallons, lesquels je crois être des meilleurs fantassins 
<« du monde (pour Tavoir entendu dire an défunt duc de Parme) qui 
« n'en fut faussé, témoin le convoy de Laon C3). » 

En effet, à ce combat que décrit Sully, l'infanterie française et 
suisse n'ayant pas pu enfoncer un bataillon espagnol qui défendait 



^) ic Sa Majesté commanda de soutenir les Escossois de deux cents chevau-légers, pied a 
terre avec hallebardes. » Mémoires du duc D'AifcîOULÈxi, p. 736. Panlhéan liuéraire, 

(2) a Le dernier jour d'avril 159^2, le roy flt approcher toute son armée, et ayant mis pied h 
terre avec toute sa noblesse la pique à la main, ils attaquèrent si furieusement lesdits retran- 
chements, que ses ennemis furent contraints de luy quitter et abandonner ledit logis d'Yve- 
tôt. » Mémoim de Ghbvbrnt, p. 282. Année, 1592. 

i3) UUice française, 2< part. , p. 198. 



LITRE l**.- CHAPITRE lY. SK 

un coDToi qui se dirigeait sur La Fère, en 1594, le maréchal de Bi- 
ron ordonna à cent gentilsbommes de mettre pied à terre, de pren- 
dre la pique en main et de se placer à la léte de Tinfanterie; cet ex- 
pédient décida la déroute des ennemis (^). 

Pendant les guerres civiles, les armées belligérantes, royales, pro- Aruiiene de Henri iv 
testantes, ou de la ligue» s eflbrçaient d'avoir autant d'artillerie que 
leurs ressources le leur permeta tient; ces ressources variaient sui- 
vant la fortune de la guerre, et Timpor tance des villes qui leur ser- 
vaient d'arsenal. Le parti qui était maître de la capitale possédait 
presque toujours le plus grand nombre de bouches à feu. Henri IV 
n'ayant que peu de ressources, tant qu'il n'eut pas soumis Paris, ti* 
rait ses canons et ses munitions d'Angleterre. Mais lorsqu'il eut pa- 
cifié la France et mis Sully à la tète de l'artillerie, en faisant de la 
charge de grand maître une des plus hautes dignités de l'État, les 
choses changèrent de face, le grand ministre réorganisa l'artillerie 
sur tancien pied. Rien ne fut changé : les calibres restèrent tels 
qu'ils avaient été fixés sous Henri II (^). 

M. le capitaine Moritz Meyer, dans sa Technologie des armes à 



(1) Mém, de Sollt, ton. n, p. 375. LoDdret, 1758. 

(S) M. le capitaine Bnioel ésaei une opinion dianétnlemefit opposée, que nous croyons 
devoir transcrire ici, quoique nous n'ayons trouvé aucun document ^ Tappui deie que cet 
ofllcier distingué dit du ministre de Henri IV j mais nous nous sommes fait une loi de toujours 
citer les opinions contraires aui nôtres. «Sully, posant les bases de grands progrès dans Tave- 
nir, soumit k la discussion la détermination de ces principes. Là^ se trouvèrent en présence 
deui influences contraires; l'une, provenant des premières guerres civiles de France, de- 
mandait une artillerie de petit calibre et légère; l'autre, provenant des dernières guerres eu 
France et de la longue lutte des Pays-Bas, demandait des pièces de gros calibre^ longues plu- 
tôt que légères. Une troisième influence, celle qui dirigeait la discussion^ éutt l'opinion des 
chefs de l'artillerie, dont plusieurs avaient vieilli dans les principes de d'Estrées et la prati- 
que des guerres précédentes. Cette dernière influence, espèce moyenne entre les deux pre- 
mières, devait naturellement dominer dans une discussion libre et éelairée. Dirigée par les 
études spéciales, les additions de l'armée, l'expérience, cette inflaence dut diereber è mettre 
rartillerie k la hauteur de toutes les drconstanoea de la guerre ; eHe d«t classer, établir^ perfec- 
tionner beaucoup dans ce vaste ensemble SuUy établit les seuls calibres de 48, Sii, t6. S, 

4. % ecen ramenam le poids des projeetilet h celui de leurs calibres titulaires. » SUi^ke gé- 
nérale de PÀrUnerie, par le capiuine Bat^llBT. Paris, im^tom. i, p. 891 et 302. 
TOUB I. 3'* 



266 GUERRE DE CAMPAGNE, 

feu, dit qu'en 1605 Henri IV avait cinquante canons de 45, et que Sully 
s' extasiant sur son propre ouvrage s'écriait^que jamais la France n'a- 
vait eu et n'aurait peut-être un semblable parc. Cette phrase se trouve 
en effet dans le livre intitulé : les Economies royales de Sully Wy à 
propos du parc d'artillerie préparé pour l'expédition de Sedan W, 
composé en effet de cinquante bouches à feu. Mais Sully ne parle point 
du calibre de ces pièces- Orales canons de io n'étaient pas en usage,et 
le calibre de 4>2 était abandonné. Dans un manuscrit où est inséré l'état 
des pièces d'artillerie trouvées au fort Sainte-Catherine en 1600^ état 
apostille par Sully, on lit ce qui suit : « Savoir ce qu'il plaît à Monsei- 
« gneur que l'on fasse de six cens boulets à double canon, et basilique 
« partie du poids de soixante--cinq livres, et partie du poids de qua* 
« rante-cinq qui sont au château de filois, s'il lui plaît que Ton les 
» barde en fer en barre, attendu qu'ils sont inutiles. » A cela, SuUy 
a mis en marge : « Faudroit voir s'il n'y auroit moyen de les changer 
« avec des aultres boulets (^). » 

D'un autre côté, jamais le parc n'avait été composé d'une seule 
espèce de pièces, car Sully en citant un équipage de trente pièces» le 
compose de vingt canons, six coulevrines et quatre bastardes W.Dans 
V Instruction sur le fait de Vartillerie dressée par le duc de Sully, 
il est dit : qu'il n'y a que les six calibres du tableau suivant (^); ils diffé- 
raient à peine de ceux qui étaient en usage sous Henri lI,comme on peut 
s'en convaincre en comparant ce tableau avec celui de la page 201. 



(1) Tom. m^ ch. xl, p. 479. 

(!l) Mémoire de Sullt, tom. ly, liy. xxiu, p. 253. Londres, 1752. 

(3) MS, fonds Saiot-Germain, n«374, lom. m, coié 513, fol. 70. 

(4) Economie royale/iom, IT, p. 96. 

(5) « Instruction dressée par M. le duc de Sullt sur le faict de rarUllerie. MS de la Bi- 
bliothèque royale, fonds Saiui-Gennain, tom. ii, n<» 743, coté 512, fol. 94 et suivants. Celte 
instruction a été imprimée en 1633. 

Voy. également Discours milHaire dePftAissAC, où il n'est question que des six calibres 
ci-dessus. Rouen, 1610 , et Màlthus, Pratique de la Guerre. Paris, 1642. 

Dàyelourt, Briefve instrueUon sur te faict de l'artillerie, p. 9, et Forti/ieation du sieur 
HAtAR, MS de la Bibliothèque rojate. 



LIVRE I«'.^ CHAPITRE IV. 



VI 



I 



DÉSIGNATION DES CAUBRES. 



Le canon de. . • . 
La grande oouleirrine de 
Baatarde de. ... 
Moyenne de. . . . 

Faoconde 

Fauconneau de. . . 



POIDS 

da 

PIOlKC- 
TILS. 



33 
16 

7 1/2 
S 1/2 
1 » 

n 3/4 



de 

LA PIÈCE 

lar wn «ffAt. 



8,300 ivres 
6,300 tima à 6,409 
1,000 

2,«N)lim8à2,300 
1000 ^IWO 
7à800 



LORGOIUE 

de 

LAPlàCt. 



8 
10 
9 
8 
6 
5 



9 
10 



nouai 
de 

CBBTADX. 



9S 

ai 

17 

7 



Par VInstruelion sur k fait de l'artillerie^ on voit qull élait 
fait usage de bottes à balles et de boulets creux W; que, lès pièces 
attelées, chaque cbeval n'avait que trois cent trente livres à tirer ; 
que chaque charrette, traînée par quatre chevaux, portait mille liy., 
soit trente-trois boulets à canons,ou soixante-six à coulevrines«ou cent 
vingt-sept à bâtardes, ou quatf e cents à moyennes, ou six cents à fau- 
con; enûii, que pour une armée de quarante mille hommes dont 
trente-quatre mille piétons et six mille chevaux, Sully comptait 
trente pièces d'artillerie, savoir : douze canons, deux coulevrines, 
quatre bâtardes, huit moyennes» quatre faucons et fauconneaux, 
lesquels, est-il dit «< servent en campagne et à assiéger. » 

L'artillerie de Henri lY, comme celle de Henri II, n*airait point 
d avant-train; mais le canon de 33 avait un chariot porte-corps, et 
on conduisait des affûts de rechange pour toutes les grosses pièces. 
Les voitures à orgues, telles que nous les avons décrites dans le cha- 
pitre précédent, étaient encore en usage (%• Dans Tlnstruction 



(I) « Carloucbea de fer blanc rempUea dequarraux d'acier et cartouches de loUlea pleinei 
de ballet de mouaquel. • In$îrueU4m de Sullt, p. 47, et plus lofai : « Pour la bnçoia de ciias- 
cun bouUet à canon creux pour j mettre feu d'artifiee, trois francs* * Compie éê Smlly^ en 
1697. lôidm, fol. 80. 

(i) «Cesecounestoîtdeuwceniscuiffassesetdecinqeenttaniuebusiers, eonniandés 
oar les sieurs de Bouqnetreau et Bertry, ayant pour s»delfenee quatre petites pièces d'aitil- 

34. 



268 GUERRE I^ CAMPAGNE. 

que nous avons déjà citée, fol. 96, Sully, compte, pour tirer cent 
coups, l'équipage d'un canon de 33 à cent chevaux (^). En 1609, 
Henri lY renouvela les édits de Charles IX, et défendit de fondre 
aucune pièce approchant des six calibres français ; il ordonna aussi 
que chaque pièce portât gravée les armes de celui qui l'avait fait 
faire, et la date de l'année où elle avait été fondue (^. 

Enfin» Sully dépensa en achat d'armes, munitions et matière d'ar- 
tillerie, 12 millions, somme énorme pour l'époque (3). 

En 1604 il y avait, dans l'arsenal à Paris, cent bouches à feu; 
au Temple et à la Bastille de quoi armer quinze mille hommes d'in- 
fanterie et trois mille de cavalerie (^), deux milliers de livres de pou- 
dre et dix mille boulets. 

Le personnel de l'artillerie était composé» en 1611, ainsi qu'il suit : 



EUU général de VÂrtillerie pour Vannée 1611 (5). 

A M* Mftxiimlieii de Béthune> marquis de Rosny, etc., etc., gniod maître de 
ranillerie ; . SOOOlîvres. 

A M. Herman Léon de Darfort, sieur de Boin, iieutenaot-générai dudit grand 
maître 800 

A M. François de Guillon, contrôleur général, ancien en ladite artillerie, y com- 
pris l'augmentation des gages à cause de la finance payée pour la surrivance 
dudit office 1590 

A M. Jacarie DepivilUer, contrôleur général alternatif. 1350 

A M. Nicolas Morely, contrôleur général triennal 1350 

A M. Claude Gbastellain, trésorier général alternatif, y compris la moite du 
triennal 3475 

A M. Httber Gbastellain, trésorier général alternatif, y compris la moitié du 
triennal, et l'augmentation des gages à cause de la finance payée par la sur- 
Yiyance dudit office 2835 



lerie, et de deui chariots d'arquebuses à croc fidctes en orgues, en 1590. » Palia Càtbt, 
p. 341. 

(1) Ibidem^ tom. n^ p. 96. 

(2) MS, n» fSOl et2i99, fol. 41, verso, et VÂHillier, par Dàtblourt. Paris, 1606. 

(3) Eewwmie royale^ tom. m, ch. Yin,p. S2. Paris, 1642. 

(4) Mémoiree de Sullt, tom. y, liv. xn, p. 985. Londres, 1752. 

(5) MS, fonds Saint-Germain, n«« 374 et 613, fol. 44. 



LIVRE !•'.— CHAPITRE IV. i09 

AH. IvaDcTOrléans, garde général de ladiieaitiOerie laOOlivres. 

17 Liealenanfs el oommissairea ordinaires» diacon à 400 

12 Autres oommisaairea ordinaires, diacon à. 300 

38 Antres eonunissaires, à SMN) 

i7 Autres oonunissaires, à 150 

93 Autres ooBunissaires, à 100 

6 Ingénieurs, k 40 

94 Canonniers potncteurs, à 80 

43 Autres canonniers poincteurs, k 60 

4S Autres canonniers, à 50 

140 Autres canonniers, à 40 

18 Déchargenrs. 3, à 100 

ï,à 80 

18,à • 70 

5 Fondeurs, 1,L 30O 

%ï 40 

a, à 50 

S Armuriers, 1, à 75 

l,à 40 

l,à 00 

»1 commissaires des salpêtres, S, à 00 

ï,à S5 

7,i 40 

11 diarrons^ 1, à 00 

10, à 40 

5 Ciiarpentieis, S, à 100 

3,à 40 

lCofdier,à 40 

I Tonnelier, i 40 

lOForgeurs, l,k 100 

4, à eo 

11, à 40 

10 Capitaines généraux et conducteurs du charroy, i,ï 300 

l,i «0 

8»k 40 

Auitres capitaines du charroy du nombre des réduits qui souloyent estre payés de leurs ga- 
ges sur aucunes reeeptes particulières, pourvu qu'ils fussent employés au présent estât, en 
lesquels gaiges sont maintenant payés par le trésorier de Tartillerie dndit. 

Î 8 Pour 50 chevaux, à. lOOlivres. 

2 Pour M cbetanx, k 50 

19 Pour 35 chevaux, à 50 

37 Ofllders suivantt. Sous ce titre sont compris le bailly (offider de justice) , 
son lieutenant adjoint, les grelBers, médecin , chirurgien , appothi- 
cairas, aumôniers. 

3TentieffS»l,à 00 

„c«^^— .{-..■■ ; ; ; . : ; •: i_ 

A uronm 73390 



Artilieriu espagnole. 



270 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Rbpobt - . 72390 livres. 

3 Capitaines dès sappes et mines, à 100 

20 Officiers vieui et impotents, de 40 à 100 

Somme totale du présent estât 72590 

Signé Mkumusm de BÉTHUNE. 

Diego Ufauo donne les détails suivants sur rartillerie espagnole (^)« 
Le comte de Bucquoy, général de l'artillerie avait réformé les cali- 
bres, n n'y avait plus que 



DÉSIGNATION DES CALIBRES. 



Canon de. . . . 
Demi-canon de. . 
Quart de canon. . 
Huitième de canon 



POIDS 

du 

PROJECTILE. 



livrei. 

40 

24 

10 

5 



POIDS 

de 

LA PIÈCE 

en Ut. 



liv 

7544 
4100 



CHEVAUX. 



15 
9 
5 



APPROVISIOK- 
NBMBRTS. 



120 coups. 

150 » 

130 » 

210 n 



Il ne compte pour une armée de quarante mille hommes, dont 
trente mille d'infanterie et six mille de cavalerie, que trente pièces 
de canon; cependant, il avoue avoir bien souvent vu cette propor- 
tion dépassée de beaucoup (^). 

D'après l'expérience qu'il avait acquise dans les campagnes sur 
les frontières de France, il donnait à un parc de trente pièces 
neuf canons^ huit demis, six quarts de canon et sept pièces de cam- 
pagne. 

Il fallait pour ces trente pièces avec les affûts de rechange cinq 
cent quatre vingl-huit chevaux, et neuf cent trente^ix pour tratner 
leschariots de munitions. Le tout formant un total de 1524 chevaux W. 

Comme tous les canons, excepté les pièces de campagne, étaient 



(1) Vraye InstrucHan de l'artillerye^ le tout recueilli de Pexpérience des guerres des 
Pay-Bas, par Diego Ufano, capitaine de l'artillerye au chasteau d'Anvers; traduit par Théo- 
dore de Bry. Frankfort, 1615 

(2) Page 3t. 

(3) Pagts 36 et suivantes. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE lY. af71 

transportés sur des chariots porte-corps, il compte pour les trente 

pièces cent chevaux de plus pour tirer les afTùts» quand les pièces 

sont sur leurs chariots, ou pour tirer le chariot, quand les pièces sont 

sur leurs affûts. La figure 1 et 2 de la planche X, représentent deux 

dessins de Diego Ufano. 

Il règle la marche d'un corps d'armée sur une colonne ou sur 

trob, lorsque le terrain le permet, de la manière suivante : 

500 Chevaux en ooe ou deux troupes et édaireurs. 
iOOO Piétons en bon ordre entre leurs ailes. 

4 Pièces de campagne sur fust, 1 ou 2 chariots de pelles et hoyaux,pionniers et manceu- 
▼riers, 1 chariot de poudre et tappons. 

3 Uuarts de canon montés sur leur fust k deux cbariou à poudre et à balles. 

4 Demi-canons montés ou sur leur fust ou sur les chariots, avec leurs quindaux et le- 

viers. 

5 Canons avec toutes leurs appartenances et 4 chariots de poudre, de 8 chariots de bal- 

les, morceaux ou tampons. 
3000 Chevaux-légers. 
10000 Piétons, après toutes les munitions appartenantes à la moitié de Tarmée à sçavoir , 
ponts, planches, poudre^ balles^ cordes , picqs, etc. : puis les victuailles de la moitié 
de Tannée, les chariots du général^ etc. 
liOOO Piétons ayant en queue une autre troupe de chariots du bagage, puis le reste des vic- 
tuailles, puis toutes les munitions et les machines servant à la défense de l'arrière- 
garde. 
8000 Piétons faisaient Tarrière-garde. 
4 Canons. 

4 Demi-canons. 

5 Quarts de canon montés sur leurs fusts. 
3 Pièces de campagne avec toute leur appartenance. 

i008 Piétons. 
500 Bons chevaux (1). 

En Hollande, Tartillerie s'était formée sur le modèle espagnol; elle ^^/ÏÏ^i^^^j^*^ 
avait à sa tète un général, un lieutenant général, un contrôleur, deux 
commissaires, Tun chargé du matériel de Tartillerie, l'autre des mu- 
nitions, armes, matériaux et outils (^). 

Les Etats avaient deux cent trente canonniers ordinaires appelés 



(1) Dialogue 5*, p. 4i. 

(2) lA dêêcriptiam dei charges des o/fieiers militairts des hauts et puissants seigneurs lus- 
tats^énéraux des Pays-Bas unis. Emewibh de l^arîUUrU et des munitions de guerre dont 
lesdits Seigneurs Estais se sont servis en campagne, sous la conduite de très Illustre prince 
Haurioede Nassau, etc., prince d'Orange, etc. US, fonds Sl-Germain, n* 1613 ancien S975. 



sous ks ordres da prificf 
Msurice de ?!«»•««. 



m GUERRE DE CAMPAGNE. 

connétables, parmi lesquels il y avait un maistre canonnier qui devait 
connaître les canonniers les plus expérimentés et le lieu de leur 
garnison. Il y avait» en outre, des canonniers extraordinaires ou nom* 
bre de soixante environ (i). Avant de les recevoir, on leur faisait 
subir un examen* Le personnel se composait encore de : Deux maî- 
tres charpentiersydeux maîtres maréchaux^deux charrons, un tonne- 
lier, un faiseur de gabions, un maître de fascines, trois ou quatre Aar- 
niceurs ou engraisseur s d'sifîûiSy un hardier on faiseur de colliers. 

Dn commis de chevaux de traits, qui devait se pourvoir de vingt- 
cinq à trente conducteurs à cheval. Ces conducteurs étaient chargés 
de louer les chevaux pour le service de rartillerie(^). 

Six capitaines de navire pour transporter l'artillerie par eau, ayant 
des navires montés par soixante à quatre-vingts matelots, qui sui- 
vaient le canon et qui assistaient aux batteries (3). 

Une compagnie de cinquante pionniers ordinaires et de trente 
ettraordinaires* 

Un prévôt de l'artillerie, un chirurgien, une compagnie de trente 
mineurs, les maîtres des feux d'artiBce au nombre de quatre ou cinq- 
Quatre ou cinq pétardiers, le maître des ponts avec ses bateliers* 

Les Etats n'avaient adopté que trois calibres. 



DÉSIGNATION. 


CA- 
LIBEES. 


LONGUEUR 

eo pieds 

DE IIALINES 

(*) 


roiDs 
de 

LA PlàCE. 


ÀTTSLAGB. 


Le canon entier de 


48 
SI 
19 


li 3/4 
10 1/2 

{ntmindi- 


Ii?ret. 

7200 
4500 
3199 


31 chevaux. 

93 

11 


Le demi-canon de 


La pièce de campagne de 


Voyez planche X, fig. 3 et 4, une pièce < 
Cependant il y avait encore le canon frs 


de camp 
inçais d 


agnede 
e 36 livi 


12. 

[*es hoUan- 



(i) Fol. 96. 
(9) Fol. 94. 
(3) Fol, 97. 

(4; D'après Paclon, MétrologU, Paris, 1780, le pied de Malincs valait les 0,7063 du pied 
de Roi, et par suite les 0,9343 du méire. 



LITRE K—CflÂPlTRE lY. 273 

daisesy ou environ de 33 livres françaises, el des canons de 9 et de 6; 
mais ces pièces étaient peu usitées. 

LUU génémli é» VarHlUriê ê^ ««mtltofu à icêUe appartfnanUs, UsquellesonMimiaU avoir 
ardinairtWMnt en Varméê pendant Ue dernière ane de la guerre (1). 

CaDODS entiers de 48, moDiex sur leurs eMfê 10 

Demy canons de i4 montex tt * » 

Pièces de campagne de 12, montées. 80 » 

Total 50 bouches à feu« 

qoanutés. 

AflÙts de canons entiers par provision 10 

AflUis de demj canon par provision f ' 

AflÙts de pièces de campagne par provisioa 6 

Allftto de navires par provision (pour pièces de campagne, sont employés lors- 
4|U'oa ne se peut servir de grands affûts). 

I de canons entiers par proviaon 6 

de demy canon 6 

de pièces de campagne ^ 6 

Avant-lraios, sur chariots à chevalets, sur lesquels repose le derrière des af- 

Ittts 00 

Roues pour les avant-Urains par provision 10 

Charrettes roulantes (sont charrettes dans lesqueOes se chargent les pièces es- 
tant hors des afIÙU de la &çon que sont les charrettes k charger la hierre). 2 

CharioU de fer. 20 

(Sont aussi chariots à charger les pièces étant hors des affûts^ et en a-t-y 
maintenant de nouveaux chariots dans lesquels se peut charger toute sorte 
de plèces,et avec leelles une chèvre et les appartenances d*ioelul, escouvil- 
lons, chargeoirs, cuUleres, et s'avancent plus rude qu'on chariot hollandais, 
et ne eoOtent davantage qu'un autre chariot de Ddx.) 
Roues du devant et du derrière par provision, des unes et des autres. . . 10 

Limons pour les chariots de laix par provision • • . 2 

(Sont les outils entre lesquels marche le cheval de limon, à savoir les 
hois des deux c6tés.) ^ 

Chariou longs aux chariou de &tx par provision 2 

(Sont les outils d'entre^eux qui attachent et qui tiennent les chariots de 
laix les uns aux autres, et servent en eu de besoin pour diarger de longs 
chevrons.) 
Le devant a le derrière des chariots de ftix par provision, de chacun. . . . 2 

(Sont les deux quartiers du chariot de bx%,) 

Trahieaux pour l'artillerie 6 

(L'on s'en sert quand les diemlns sont prolèods, ou quand 11 but tirer le 
canon par les marais.) 

Chèvres complètes à trois pieds. 6 

Coneu à guinder ou tètes de chèvre 8 

(Les chèvres employées an canon entier à dnq roQes,trolsà la tête et deui 

(1) Fd. 8, veno. 

I. * 35 



t£74 GUERRE DE GAMPÂGffE. 

au tronc» les autres faits en quinder de demi canons, ont trois toues^ deux 
à la tête et une au tronc ^ tellement que le tronc doit avoir toujours de 
roues non paires.) quaniiié». 

Poupitres 4 

(Serrent pour lever en haut une pièceavec Taide d^un homme ou deux.) 

Scies à main» 2 

Perches 8 

Roues de métail par provision 30 

Chevilles de fer. ; . . . 2 

Crics '. 10 

(Sont engins de fer ainsi qu'ont les charpentiers de navires ou trala> 
teurs devin, et servent pour guinder l'essieu d'une pièce d'artillerie, à celle 
fin d'en ôter la roue et l'engraisser commodément.) 
D'huile d'olives par provision, pour engraisser les engins k guinder. . . . 4 pintes. 

Boittes k graisse 20 

Du saindoux par provision . . • . i2C0 livres. 

Pour chaque pièce, tant entières, demies, que pièces de campagae, trois cuU* 
lèreSt écouvillons, chargeoirs. 3 

(Faut avoir de toisons de mouton pour Jes écouvillons.) . 

Des plus grands clous 1000 

Leviers de bois à main 40. 

Leviers de fer k main 16 

Apuis de bois pour soutenir les pièces 150 

Balles à canon, tant eatiers, demis, que pièces de campagne de chacone 
sorte, ce qui faisait de quatre à huit cents coups par pièce. 8000 

(Sont chargées dans des mandes l'armée marchant.) 

(Et ne prend-on quant et quant les gabions, mais iceux se font en l'ar- 
mée k'6 ou 7 1/2 pieds de haut et trois pieds de diamètre, et coûtent envi- 
ron 15 k 18 sols la pièce.) 
Bottesdeferblancauxdites pièces de chacune / • . 200 

(Ces bottes de fer blanc sont remplies déballes à mousquet?.) 
Poudre à canon 34,000 

(Dans des barils chacun d'iceux pesant environ 170 livres.) 
Mesche. . .• 44MM> 

(Dans des bottes, chacune botte pesant 50 livres.) 

Tonnelets à bourses avec leurs maillets et écuelles • . u . 60 

Couvertures de poil pour couvrir la poudre 80 

(Clayes assez fermes.) 
Barres comme celles desquelles la bierre est portée. 20 

(Servent pour porter la poudre et autres tonneaux.) 

Bières. .- 5q 

Mandes carrées 2000 

(Pour charger les balles et assurer les batteries s'il en est besoin.) 
Corbeilles on mondes rondes loo 

(Sont employées aux batteries et approches.) 
Tringles longs de quatone pieds aooo 

(Servent aux maîtres d'artillerie.) 
Crocs , , 20 



LIVRE K^ CHAPITRE IV. «75 

(SoDl crocs de fer pour renverser et tourner des chevrons ou sutres for- 
desQx, au^ bouts desqueto tient un long bAton.) quaniités 

Marteaux de bois. li 

Cordages de limon et cftbles 130 

(Sont les câbles desquels les cbevaus tireut les iMices de rartiUeriepour 
chacun des aflùls» un.) 
Outils complets de limon lOQ 

(Consistent en frain, coussinet, soutien, collier, ridelle, orayes, lesquels 
outils sont payés par Téut et non rabatus aux cbairetiers.) 

Colliers de limon par provision 10 

Bàlons d'entre-deux ferrés 150 

(Sont bâtons li trois crocs, un k l'un et Tautre bout, et le 3* au milieu, et 
sont derrière les chevaux de trait, le premier attelage devant le limon ou 
les ridelles, sont attachées k chaque bout desdits bâtons el le croc du 
milieu au limon.) 

Ridelles, chacun en a quatre et lui sont rabatues tUN) poires. 

Goreaux 600 

(Sont des colliers aux chevaux.) 
Châbles à tirer de 40 toises «0 

(Des cordages bien longs^ desquels les matelots tirent aucune fiais f anil- 
# lerie, s*il est besoin, lorsqu'on ne se peut servir des chevaux â l'artillerie.) 
Demi-chàblesàtirer ^ 

(De même.) 
Châbles à gouverner 60 

(Le connestaMe s'en sert pour gouverner lesdiles pMasi, esaonlfiilidu 
vieux ch&bles à tirer.) 

Châbles aux chèvres 6 

Châbles pour tirer la teste de chèvre (> 

Cordes à tirer « . 60 

Cordes à tirer du col 30 

Troncs h guinder 1*2l 

(Servent à guinder les pièces de dedans les navires.) 

Châbleshguinder li 

Conets à guinder 6 

(SoDideux troncs, desquels l'on tire par phisleurs roues el en ueem les 
charpentiers pour guinder les chevrons pesant) 

Grands marteaiu de 1er. * 

Petits chevrons de dix aunes 400 

Planches de sappin 4000 

Sappins. 6ûgo 

Houes. VO 

PeUes !»0 

Coignées MO 

Coignées â main iOO 

Sarpes iOO 

Pics 100 

Hoyaux 100 

Marteaux de fer pour les hamiceurs t . , . * fi 

Lanternes 30 

35. 



376 GUERRE DE CAMPAGNE. 

qotnUtés. 

Marteaux de bois / 30 

De chandelles • . • ^ . . VI 

FaUols 300 * 

Seaux de cuir. 200 

Blindes ou mantelets pour estre ^ oooTert. ' . 30 

Du gros rubant. '. ' 30 

Fil à voiles. . • 12 

Tonnes à torches. 12 

Faucilles 6 

Gievilles de fer pour les poutres de chariots de fais 40 

Gievilles de fer pour les limons. ' 40 

Chevilles de fer pour les chariots longs. 40 

Crochets au derrière des affûts 8 

Clous de derrière 4 

Chevilles de fer ^ serrer 4 

Heusses, tant aux canons que demy-canons. 24 

Heqsses pour les chariots de fiiix et avant-trains. 140 

Ciseaux aux chevilles de fer avec des anneaux pour chacon 00 

Ciseaux avec des chaînes -20 

Grocheu. • 4 

Clous aux chevilles de fer. 150 

Clous de fer 100 

Crochetsdefer 100 

Cueillères et radoin pour les grenades. 8 

Brochettes à chaînes 3t» 

Anneaux en chaînes pour les barres porte&ix 30 

Paniers avec des dais. 10 

Cordes de toute sorte. . . .- -?00 

Faisceaux de cercles 10 

/Dehultpuoces €00 

De sept pouces. • 2000 

I De six pouces 0000 

-./ De cinq pouces 12,000 

""••] De moindre grandeur 20,000 

[Encore de moindre grandeur 20,000 

Encore de moindre grandeur 10,000 

i Encore de moindre grandeur *. • . . 8000 

Faisceaux ou fagots de verges de fer non labouré 4 

Clous encore de moindre grandeur 10,000 

Du fer pour les mareschatix, est plat; quarré et en verges. 3000 

Charbons de terre, mesures ordinaires. * 3 

Basions d'acier, pesant environ 40 

Oostils de mareschaux. » 

Oostils de charpentiers » 

Mortiers montés 2 

AJIéts par provision pour les mortiers 2 

Les maîtres de feux d'artifice en ont le soing. 



LIVRE l^. — CHAPITRE IV. 277 

Liste diê eharioti p<mr Van 1M6, ion excellence marckani avec douze âewt^-eanons (I). 

Premièreiiieiit, pour rartillerie en ce compris le général et les gentilshom- 
mes, canonniers, charpentiers et matelou destines h rartillerie 137 cbariou 

Pour le commis des munitions et son train en ce compris les ingénieurs, cOû- 
troUeurs et conducteurs des forliflcalions, les trois compagnies de pionniers 

charpentiers, et puis sohant la liste qui! a entre les mains, cy 1 18 

Pour le commis des Titres et les conducteurs. 2 

Pour les tlTres. '200 

Pour charger delà hière 128 

Pour son eicellence 50 

Pour le comte GuiUaume 30 

Pour le comte Henry « U 

Pour SildenMLy 3 

Pour Du Bois. . . . . ^ 2 

Pour les députés des messieurs Estats S 

Pour le quaruer-mattre général I 

Pour le prévost général * 3 

Pour trois cIMnvgions 3 

Pour le commis des deniers 2 

Pour l'aTocat fiscal et le greffier 2 

Pour le capitaine général du ehanoy, son Keutenaot, conducteurs, charrons, 

maresehaux, et pour charger toute sorte de cordes 7 

Pour le quatier-mattre de la caTalerie I 

Pour le lieutenant de fai caTalerie 6 

Total 696 

Ainsi rartillerie hollandaise, comme rarlillerie espagnole, diffé- 
rait de rartillerie française par Tusage 4e plus gros calibres et d'à- 
vant-trains, et par fadoption de plusieurs perfectionnements dans 
les détails de construction et des objets de rechange; mais toutes 
trois avaient un nombre toujours très considérable de Yoitiires. Un 
des plus grands avantages de rartillerie hdlahdaise, consistait dans 
les compagnies de marins composées d'hommes intelligents, habitués 
à toutes les manœuvres de force et propres à rendre de grands ser* 
vices dans le maniement des bouches à feu. 
L'artillerie allemande avait encore fait de plus grands progrès. pen«î2î'ï*'^u/rwTw 
On a vu que, dès le milieu du xn* siècle, les puissances protes- 
tantes de TAIlemagne engagées dans la guerre de Smalcadc avaient 



(f) Fol. », Ycrso. 



aof. 



^8 GUERRE DE CAMPAGNE. ' 

une artillerie tr^s légère e( très mobile destinée à suivre les meuve* 
ments de la cavalerie. Ou voit également» qu'en 1591, parmi les 
troupes auxiliaires que le prince d*Anhalt amena à Henri lY, il y 
avait plusieurs pièces qui tiraient avec une célérité extraordinaire (^}. 
Au commencement du xvu** siècle, Tartillerie de l'empire d'Alle- 
magne avaii reçu une bonne et puissante organisation. On avait 
adopté, il est vrai, un nombre beaucoup trop considérable de cali- 
bres différents; mais, dans la pratique, ce nombre était considé- 
rablement réduit. Un manuscrit de la bibliothèque royale qutdoit 
dater de 1636, fournit des renseignements très inléressanls que 
nous allons reproduire (^}. On verra que, dès lors, l'Allemagne possé- 
dait une artillerie qui servit un siècle plus tard de modèle à Gri- 
beauval. A propos des calibres désignés dans le tableau ci-contre, 
l'auteur s'exprime ainsi : « Depuis la pièce de six livres eu descendant, 
on se sert peu des autres pièces <;y«dessns mentionnées, si ce n'est 
pour l'infanterie, et sont fort utiles aux jours des batailles, ou enlè- 
vement de quartiers, pour rompre les barrières et autres obstacles, 
pour favoriser une retraite» pour mettre dans des contre-approches, 
pour enfiler les lignes et autres usages, et sont d'autant meilleures 
lesdites pièces pour les occasions susdites, qu'elles sont pins faciles 
à mener et traqsporter ; car un cheval les peut mener partout à la 
campaigne, et dans uae place, deux hommes en peuvent faire autant 
et n'usent ^uères d9 inunitions (3).» 

(1) « Le dimanche 29^ jour de Saint-Micbel, Tarmée estrangère parut aux plaines de Vandy 
eu kataiile rangée, qui feiseienl nomt^re de seize nnl oombatiants, tani retires que lansque- 
nets, sous la conduitte du prince d'Anbalt, avec quatre pièces de canon et plusieurs autres 
petites pièces* Le roy, aocompagûé de sa noblesse, les alla recevoir, où, en signe de resjouis- 
sance, ces estrangers firent jouer tontes leurs pièces psr plusieurs ibis avec une ii grande 
dexléritéy qu'un coup n'attendoit pas Vautre, tant ilt ^ttoient prompts à les recharger. Les 
retires paroissoient en quatre gros osts> et les lansquenets en quatre autres , et avoient leurs 
pièces devaotetti.Lafori^edeleurbauiUeesloH en denyntercle.»PàUiAC4nT,liv.iii,p.S36. 

(2) Traité de l'Artillerie de l'usage moderne en Àllemaigne^ HS S. F. n*" S85; sa dste nous 
est donnée page 2t2, où on lit : « Nous parlerons des armes à feu et de leurs eflcis ^elon la 
dernière épreuve qui en a esté faicte à Halle, en Scbuabe, par le comte de Hasfeld, en l'an- 
née 1636. » 

(3) Ibidem, p. 145. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE IV. 



279 



KIRTHAUXEN (canohb). 



Le canon entier. . 
Le demi-canon. . 
Le quart de canon. 



Le demi-quart de canon. . 

Le aeiiième 

Le iknte-deaiième.. . . 

Le soiiante-qaatriéme. • . 

COULEVBTIfES. 
Coolefrine de 

CoidefTine ordinaire. . . 

Demi-coolemne 

Le qoart de coolevrine. • 
Le demi-qnart de coolevrine. 



DU BOULBT. 



48 



u 



12 



L0N6UECII 

delt 
pièec eo cali- 
bres. 



i 1/2 



^ 



18 

12 

6 
3 



17 
18 
19 
19 
20 

m 

22 

22 1/2 

23 

16 

17 

18 

19 

H 

14 1/2 

15 

19 

14 

14 1/2 

15 

19 

U 

14 1/2 

15 

19 

28 1/2 
29 

29 1/2 
30 

30 

30 1/2 
31 

31 1/2 
30 

32 

82 1/2 

30 

33 

33 1/2 

30 

34 



MCLTIPLK 

du 

POIDS DO BOU 
LBT. 



1«5 7/8 

» 
150 

150 à 158 
165 1/2 
173 1/8 
182 15/16 
187 

196 f/8 
134 
U2 
150 
158 
116 
122 
126 
158 

118 1/2 
122 
196 
158 
116 

120 1/3 
126 2/3 
128 1/2 

253 3/4 
258 
262 

2t6 1/2 
266 

270 1/2 
274 1/2 
278 1/2 

271 a^ 

285 S/4 

289 1/2 
2S» 1/4 

297 



POIDS 

delapièeeen 

lifTes 
de Nuremberg. 



7002 

7200 

3600 

3972 

4155 

2196 

2234 

2:^53 

804 

852 

900 

948 

318 

366 

378 

474 

178 

183 

189 

237 

87 

91 

95 



6090 
6192 



à 3792 



6396 
4797 



4941 
5013 
31if8 
3381 
3429 
t401 
1737 
1761 
800 
891 



Quant à l'épaisseur du métali il y avait trois proportions principa- 
les* Toutes les pièces avaient un calibre d'épaisseur à la culasse, et 
un demi-calibre d'épaisseur au collet. Le canon de 19 calibres dimi- 
nuait par chaque renfort d'un neuvième dp calibre, le canon de 18 
calibres diminuait d'un douzième, et celui de 17 calibres d'un sei- 
zième. Le vent du boulet était de quatre lignes. Les mesures de ce 



280 GUERRE DE GÂMPAGNE. 

tableau comme celles des deux tableaux suivants» sont donnés en 
pieds de Nu remberg . ^ 

. Il y avait encore des 16*" et des 32* de coulevrines qui suivaient, ^ 
pour le poids et la longueur, les proportions des demi-quarts de cou- 
levrines. 

MORTIERS. 



DÈSIGNATIOfr. 





POIDS 

supposé 
do boulet massif 

Ifr FEH. 



Mortier entier. 
3/4 de mortier. 
2fi. . . . 
1/2. .. . 

m 

1/4. . . . 

1/8. .. . 

1/16. . . 

1/32. . . . 



15 

14 

13 

12 

9 

8 

6 

5 

4 



8 
4 
3 



4 » 

8 » 
1 1/2 



12 

U 

9 

8 
7 
7 
5 
4 
3 



8 
1 
3 
9 
8 
1 
*i 
8 
2 



400 livres. 

300 

266 

200 

133 

100* 

50 

25 

12 1/2 



La différence entre le diamètre de la bombe et de Tâme du mortier 
était très considérable, parce que la bombe était entourée d'un treillis 
très épais en cordage,dans le genre de nos balles à feu d'aujourd'hui. 

PÉTARDS. 



DÉSIGNATION DES CALIBRES. 



Pétard eotier. . . 

3/1 

1/2 

1/3 

1/4 

1/6 

Pétard carré ou saateur. 



POIDS 

de 

LA PIÈCE. 



livra. 

too 

70 

50 

33à 34 

23 à 24 

42i 5 



' OIAMÈTRB 

du 

CULOT, 
poaecfl. lignr». 



10 
8 

7 5 
6 2 
5 
2 8 



HAUTBCa. 



14 

12 2 

10 5 

9 4 

7 

3 8 

» 4 




pOUeM. llgttM. 



2 

1 7 

1 s 
1 3 

7 
• 5 

3 



LIVRE I-. — CHAPITRE IV. S81 

U est singulier qu'il ne soit plus fait aucune mention des obusiers 
ou feuerbûcbsen, dont l'usage élait si fréquent en Allemagne au xvi* 
siècle. 

La plancbe X représente, figures 5 et 6» une pièce de douze de cette 
époque, copiée du même manuscrit. On remarquera que Tattelage et 
la construction de l'affût ont beaucoup de rapport avec l'artillerie prus- 
sienne du temps de Frédéric le Grand. Il y avait entre les flasques un 
coffret contenant cinq à six cartouches à balles W. Les armements 
étaient suspendus aux affûts et retenus par des courrois bouclées. Il 
y avait des chaînes d'enrayage. Il n'y avait de chariots porte-corps 
que pour les pièces excédant le poids de trois mille cinq cent li- 
vres (^}. Les canonniers s'attelaient aux affûts pour foire avancer le 
canon sur le champ de bataille (3). 

L'empire d'Allemagne était divisé en quatre grands cercles milî* 
taires qui avaient chacun leur général d'artillerie» et leur magasin 
général. 

Le premier cercle comprenait l'Autriche, proprement dite, la 
Hongrie, la Silésie, la Lusace, la Misnie, la Moravie, la Bohême, le 
pays de Salzbourg, la Styrie, la Camiole; l'arsenal général était à 
Vienne. 

Le second cercle s'étendait depuis le Rhin et la Suisse jusqu'à la ri- 



(t) « Le caporal doit faire, 8*il ne manque rien dans les coffres des affûts qui doivent être 
tousioars foumy de faind on dis balles» et quatre ^ dnq boettes de ferblanc, et le Ioîd né- 
cessaire pour auunt de charges, il doit aussi prendre garde que ses canonniers soient fournis 
de leurs estuits, qui consistent aux basions de mesure, lesquels pour visiter le canon, le ooro- 
pas« le quadrant ou niveau, la cire pour bouscher les lumières, les tire-fonds pour descbarger 
les plèc^ eu cas de besoing, il doit voir si les chaisnes d*arrest sont bien attachées aux affûts 
et aux branquars. Prendre garde aussi que les canonniers ne chargent sur des pièces que ce 
qui leur est absolument nécessaire, p. 35. » 

(t) /Mtni, p.W7. 

(3; c Tous les canonniers ensemble sont obligés, en marchant, d'attacher la grande corde 
de traict, quand Vof allèle double, et que le capitaine des chariou commande de l'attacher au 
dauphin (anse), ou à Taffust du canon i mais si c'est aux roues ou branquarts, cela est du deb> 
voir du maittre de l'attelage , ito sont aussi obligés d'attacher et destacher les chaisnes d'ar- 
rest, sdoo la néeessité do chenûn. » P. 39. 

TOMB 1. 38 



282 GUERRE DE CAMPAGNE. 

vière d'TsseU froatière de la Hollande, et compraciait la haute et 
basse Alsacei-le Brisgau, le marquisat de Bade» la ForétNoire» le Pa- 
latinat, leGerau, le pays de Darmstadt» les archevêchés de Mayeuce, 
Trêves, le comté de Nassau, la Yetteravie, le duché de Julliers» le 
pays d'Aix-la-Chapelle, de Liège, de Berg, de Glèves, et la Frise 
orientale. Mais ce dernier pays, dit l'auteur, est maintenant une pro* 
vince des Pays-Bas (^). L'arsenal général était à Heilbrunn. 

Le troisième cercle comprenait la Westphalie» les évèchés de 
Munster,Paderbom,Uildesheim,Brème, Halle enSaxe,Magdebourg, 
Halberstadt, Mûnden, le marquisat de Brandenbourg, le duché de 
Brunswick» la Poméranie, le Lunebourg, le marquisat de Mark, et 
les pays, joignant la mer Baltique, le landgraviat de Hesse, la Thu- 
ringe, la Basse-Saxe; Tarsenal général, dit l'auteur, était autrefois à 
Magdebourg, mais il a depuis peu été transféré à Ratisbonne (^). 

Le quatrième et dernier cercle comprenait le Tyrol, la Sonabe, la 
Franconie, leHaut-Palatinat, la Haute-Saxe, la Bavière, et larsenal 
général était à Qalleen Souabe. 

Le devoir des généraux d'artillerie était d'approvisionner les places 
principales, et de tenir prêtes, par chaque mille hommes de pieds et 
cinq cents chevaux, sept bouches à feu avec tout l'attirail nécessaire ; 
ainsi, on comptait pour une armée de vingt mille hommes de pied 
et dix mille chevaux, vingt canons de vingt-quatre, quarante de douze, 
quatre-vingts de six; la moitié de ces derniers était distribuée parmi 
l'infanterie. Quant aux mortiers, dit l'auteur, le nombre n'en est 
point limité, cependant on en emmène ordinairement un par quatre 
canons de vingt-quatre. 

Les généraux d'artillerie avaient sous leurs ordres des colonels, 



(1) Cette s^ralion ayant eu liea à la fin duxyi* siècle, celte remarqn^de Taiitear signale 
encore la date da manuscrit. 

(%) Ceci prouve que l'auteur écriTait peu de teqips après les événements qui jetèrent Mag- 
debourg dans le parti de Gustave-Adolphe. 



LIVRE I«.-CBAPITRE IV. ttS 

des lieutenants-colonelSf on major général ayant aoin de tant le ma- 
tériel, un premier ingénieur des fortifications, et enfin des troupes 
d'artillerie organisées par escouades comme Tinfanterie (^). 

Chaque escouade composée de quatre canons de vingt-quatre, 
huit canons de douze, seize pièces de six , un mortier et deux pétards, 
était affectée à quatre mille hommes d'infanterie et à deux mille 
de cavalerie. Le personnel était composé d'un capitaine, deux lieu- 
tenants, quatre hommes nommés conducteurs ( Wegbereiter)^ dont 
deux à cheval, deux maîtres des feux d'artifices (^), deux pétardiérs, 
un caporal des canonniers qui est le premier maître canonnier- A cha- 
que canon de vingt-quatre, deux maîtres canonniers et deux aides 
(Handreicher); à chaque canon de douze, un canonnier et deux aides. 
A chaque faucon ou canon de six, un maître canonnier et un aide. 
Un charpentier pour chaque pièce de vingt-quati*e, un autre par deux 
pièces de douze, et un auti*e pour quatre pièces de six. Ce qui fait 
pour toute l'escouade trente-deux maîtres canonniers et quarante 
aides, douze charpentiers, un ingénieur, un maître des fortifica- 
tions, un majordome nommé Zeugtoarter qvi a soin des munitions, 
et a sous lui un secrétaire oo commis, quatre chargeurs et déchar- 
geurs des outils et munitions. Un tonnelier, un maître de Tattelage 
appelé GeschiermeisteTf et deux valets. Un maître des chariots ( Wag- 
meiêter) , cinq maréchaux, cinq charrons» et à chaque escouade comme 
pionniers, une compagnie de cent heidncs*, ou CuMassins hongrois. 
<« Mais, dit l'auteur, cinquante matelots, tels qu'on les emploie aux 
« Pays-Bas, valent bien mieux, car ils peuvent servir dans la faMca- 
« lion des ponts, et ils sont plus intelligents» ; enfin on comptait encore 
un maître des ponts. 



(i) Page 5. 

{% « Les maîtres des lèui d*artifioe, dil le Béoe anieur » p. 49, Haut le méoM defm auprès 
de leur mortiers ipie les canoDVî^rs anprèa de letirs caaooa. > 



98i GUERRE DE CAMPAGNE. 

ÀtUlagè â^uniê €iCQuade d'artillerie et ce qui ett nécessaire pour le train. 

Quatre canons de 24. Pour un demy-canon chargé sur son branquart ou cba- chevaux, 
riot , il faut 16 cheyaux , et pour son affût 8 chevaux ; donc pour qua- 
tre demy-canons, il faut. • • • ^ 

Potir deux demy-canons ^il faut un affiist de relais, deux roues et deux es- 
sieux, si bien que pour quatre demy-canons, il faut deux affust de relais, 
quatre roues et quatre essieux, pour lesquels il faut 20 

Huit canons de 12 ou quarts de canons sur leurs affûts attelés, et cha- 
cun de douze chevaux ot deux affûts de relais, avec deux roues et deux 
essieux, attelés de six chevaux chacun , font en tout 108 

Seixe canons de 6 o\i faucons, attelés chacun de six bons chevaux avec deux 
•affûts de relais, roues et essieux, attelés de trois chevaux chacun, le tout 
montera 102 

Un mortier et son affust chargé sur un branquart 12 

El un dixième en sus pour le service du général et des offîciers d'artillerie. 372 

Munitions, 

Pour quatre demy-canons, pour tirer trois cents coups de chaque pièce , il 

&ut douze cents boulets de vingt-quatre livres, qui pèsent 28^800 lifres. 

Les charrettes attelées de six chevaux portent dans' la charge ordinaire de 
campagne dix-huit cents livres, ce qui est soixante-quinze boulets de 
demy-canons, si bien qu'à ce compte, il faut seize chariots ou. . . . 96 chevaux . 

Et huit quarts de canon pour tirer trois cens coups de chaque pièce , il faut 
deux mille quatre cent balles de douze livres, la charge d'un chariot k 
six chevaux est de cent cinquante boulets, et faut pareil nombre de che- 
vaux que pour les boulets de demy-canon, et partant 96 

Et seize faucons pour tirer cent cinquante coups de chaque pièce, il faut deux 
mille quatre cent bouleu de six Iîvdbs chacun , et tous ensemble pesant 
quatorze mille quatre cens livres, la charge d*un chariot k six chevaux 
étant trois cens balles, il iaut huit chariots pour les porter, partant. . 48 

Poudres, 

Pour trois cens volées de demy-canon de vingt-quatre livres de balle, à rai- 
son de douze livres de poudre par volée , il faut trois mille six cens li- 
* vres, et pour quatre pièces, quatorze mille quatre cens livres, ci. . . 14,400 livres. 

Pour les huit quarts canon à trois cents volées chacun, à raison de six livres 

de poudre la volée, sont aussi 14,400 

Pour seize faucons, à cent cinquante coups chacun , et le coup à trois Uvres 

de poudre, sont 7,200 

Qui font en tout trente-six mille, ce qui est la charge de vingt chariots à six 

chevaux, à raison de dix-huit cens livres 120chevaux. 

Cette quantité de poudre est le moins que Ton puisse donner à l'artillerie , 
mais d'autant que pour l'humidité de 19 poudre, ou pour beaucoup d'ac- 
cidens, on est toujours obligé d'augmenter la charge d'un tiers, et 
qu'outre ce, il faut pour l'infanterie, à raison de vingt k vingt et une li- 
vres par homme, et pour les pétards, bombes et autres usages, il en faut 
toujours mener, outre la quantité susdite, le double davantage, assavoir 



LIVRE I^'. — CHAPITRE IV. 285 

sotxanieHlouie mille livres , ce qui eM la charge de quarante chariou à chevaux. 

Mchevanx ÎW 

BalUieiMMiêi. 

Pour les InHes el mècbes, on emmène égale qoanlitéde Pune que de l'autre 
qui Ibot soixanle-douse mille livres , en loni chargés aussi de même sur 
quarante chariou *2iO 

Àrmei, (hUili et Mœkinei, 

Il but aussi porter des armes d^inianterie, savoir des mousquets, bandouii- 
lères, piques el coroelets, à raison d'une arase pour dix soldats, pesant 
dix livres Tune portant l'autre» qui sont pour les quatre nulle de l'es- 
couade quatre mille livres pesant, qui se portent sur trois chariots à six 
chevaux, y ajoutant les outils el hagages des armuriers» partant» ci. . . 18 

Pour lesdits quatre mille hommes de pied , il faut aussi porter quatre mille , 
tant piques, pelles que hoyaux, serpes, petites haches k main que gran- 
des haches, savoir deux mille pelles, mille hoyaux, cinq cens pics, cent 
petites haches, trois cens serpes et cent grandes haches, chacune pièce 
pesant l'une portant l'autre quatre livres, et donnent en tout dix-huit 
mille livres, qui sont la charge de dix chariou tirés, par 60 

Plus un chariot pour les machines, savoir le quindal , la chèvre et six crics, 
deux grands, deux médiocres et deux peliu, la poulie et la dépendance, 
et deux cordes de traiu de quarante et un pieds de long, chacune, ci. • 6 

Pour la forge de campagne un chariot. 6 

Plus pour le charbon, les outib de maréchaux et les grands marteaux néces- 
saires à rartillerie, les ciseaux et rouelles pour rompre les pierres et- 
rochers dans les chemins, comme aussi pour fendre le bois, les pieds de 
chèvres, paufers el autres ustensiles nécessaires au chariot. .... 6 

Pour porter la graiase à graisser les roues' des canons, aussi un chariot. . . 6 

Plus un chariot chargé de vinaigre , tant pour rafraîchir le canon que pour 

autres usages, comme pour tirer le salpêtre des poudres grasses. . . 6 

Plus un chariot chargé de toutes shrtes de choses nécessaires au besoin du 
canon , comme les cuveaux couverts de sacs de cuirs pour conserver la 
poudre en chargeant le canon, cent ou cent cinquante livres de fer- 
Manc à double^ les peaux de mouton à bire housses pour nettoyer et 
rafraîchir le canon, les bouu de déchargeoirs, les pbiines de cuivre ài 
Idre cuillier avec les dons de cuivre, un eofflre où l'on met la croix , 
le quadrant, requière, le niveau, et autres insirumens nécessaires, unt 
pour les mortiers que pour les canons en cas qu'on en eût besoin, 
comme auasi des vieux linges, carton de papier, aiguilles, et filet pour 
ftire U$ earUmekêê de pimdrepour ekarger promptemetU et êom cuit- 
Uer, ee fui e$$ tri$ néce$$enre à une bûlaUie, et pour favoriser une at- 
taque, ou assauh, ou défendre une brèche, des alênes et potnsons, de 
grands ciseaux pour couper la toile, et le cuivre et bardes nécessaires. 6 

Phis trois chariou chargés de boétes de ferUanc chargées pour demi-canon, 
de balles de fer, chacune d'une demi ou trois quarts de livre pour les 
quaru de canon , Cun charger lesdites cartouches de balles , tant d'une 



286 GUERRE DE CAMPAGNE. 

demi-livre que d'un quart de livre de morceaux de fer^ quarrels et autres » chevaux. 
féraiJles, les cartouches pour les faucons se chargent de doubles balles 
d'arquebuses k croc, ou aussi de morceaux de fer, et pour chaque canon 
une vingtaine de boêtes, ci. . . ; 18 

Plus six chariots de cordages consistant en six cens paires de gros traits, 
assavoir cent cinquante paires pour chaque demî-canon , et autant de 
paires de moyenne grosseur pour chaque autre pièce, deux grandes 
cordes de traits pour alonger les chevaux, chacune de quatre vingt ou 
cent pieds de long, deux cordes de moindre grosseur, chacune environ 
de deux cens pieds de long , lesquelles s'appellent cordes à main, deux 
cordes pour la poulie du quindal , qui doivent être de meilleure étoffe 
qu'il se pourra, une poulie de réserve, et quatre à dnq cens livres de 
cordages de grosseur d*nn trait ordhaaire on de la grosseur dHme mèche, 
cent livres de ficelle grosse ou petite, pour tout cela 36 

Deux ponts portatifs qui sont deux planches de vingt-cinq k trente pieds de 
longueur, larges de deux i^eds on davantage, de fort bon bois de sapin, 
épaisses d'environ cinq pouces, qui se mettent sur les ponts qu'on ne 
croit pas assez assurés pour passer le canon, foisant passer les roues par- 
dessus lesdites planches, lesdits ponts ont k chaque bout un trou où il y 
a une corde de grosseur d'im gros trait, ^ longue de deux traits pour 
les charger et décharger commodément ; pour ce, un chariot de. . . . 6 

Trois chariots chargés de planches de batterie, assavoir dix à douze planches 
de sapin, de longueur de douze pieds, et d'épafeaeur de trois pouces, et 
larges de deux pieds pour mettre sous les roues des demi-canons, quand 
il faut tirer à la faftte ou en eampagne , comme aussi vingt-quatre plan- 
ches pour les quarts de canons d'épaisseur d'environ deux pouces, et 
longues de huit à dix pieds, et de même largeur que les précédentes, et 
pour les faucons vingt-quatre planches, épaisses d'environ un pouce et 
demi , longues de huit pieds et larges dHm pied et demi ; pour ces trcHs 
chariots 18 

Quatre chariots faits .expressément pour porter des bateaux^e largeur de six 
pieds à leur fond, et de sept pieds et demi du haut, et hauts de trois 
pieds ou environ, de longueur de calorie pieda> de fond égal, saaa com- 
prendre les deux bouts, chacun de trois f^s et demi, de longueur qui 
est du tout vingt et un pieds de longueur, dedans lesquels baleaux on 
charge les bois et plandies nécessaires, avec les cordages, le tout pour 
dresser promptement le pont avec les crochets, rames et amires choses 
nécessaires pour passer dans lesdits bateaux, si dn ne veut pas construire 
le pont, et faut dix chevaux pour chaque chariot. 40 

On met aussi quelquefois un ponton sur vat chariot qui est beaucoup plus 
large et plus solide pour passer le canon tout monté, et faut pour ledk 
chariot 4 it 

Plus deux chariots chargés de clous de batterie proportionnés aux planches, 
et toutes autres sortes de clous de charpentage, comme aussi de dous 
pour les roues de canon, les liena, bandages et autres fiéraiUes nécessai- 
res pour le service dudit canon 12 

U n chariot pour deux grands pétards, deux moyens et deux petits avec leurs 
madriers, tire-fonds, foureseties et autres choses nécessaires pour leur 
service , comme aussi pour le bagage des pétartters, ledit chariot doit 



LIVRE !"• — CHAPITRE IV. 287 

être fait k dos d*àiie et feniier ^ clef. 6 chevaux. 

Fias pour ceot bombes et balles k feu, savoir quatre-vingt-dix bombes et 
dix balles k feu, les bombes ï rason de quatre-vingt-dix ou de cent li- 
vres, et les balles ài feu de quarante livres chargées sur un chariot k dos 
d*àne fermant à clef, cinq chariois 30 

Les chevilles de bois pour charger les mortiers, le bagage des deux maîtres 
de feux d'aitiices, leurs instruments, artifices de réserve, et quelques ma- 
tières nécessaires à les composer, comme soufre, camphre, salpêtre, eau- 
de-vie, et doivent aussi avoir un chariot couvert et fermé à^ef. ... 6 

Finalement pour porter les instruments des charpentiers, leur bagage, mach^ 
nés et outils nécessaires à rompre des barricades, ponts , portes et palis- 
sades, comme tenailles pour arracher les serrures, gonds et verouls, deux 
chariots h six chevaux, elpour les pavillons et tentes du magasin, un cha- 
riot, parlant. 18 

Le nombre de tous lesdUs chariots monte à cent quatre-vingt-treize, auquel il 
laul ijottter un sur dix que rempereur paye de surplus, lesquels se distri« 
buent pour le service du général de Partillerie, du colonel, lieutenani- 
colond, nujordooM général, commissaires ou entrepreneurs, tellement 
que sur les cent ^pntre-vingt-treiie chariots, il s*y en doit ajouter du 
moins vingt chariots de plus qui sont cent vingt chevaux ; de sorte qu'il y 
a deux cent treiie chariots entretenus par Pempereur, en une escoude de 
quatre demi-canons, huit quarts et seixe faucons, pour lesquels il iaut. . 1274 

Lesquels joints aux trois cent soixante-douxe de l'attelage de toutes les sus- 
dites pièces font on nombre deu i6l6chevaux. 

Ainsi l'artillerie allemande portait un plus grand nombre de mu- 
nitions que Tartillerie espagnole, et malgré cela il lui fallait un plus 
petit nombre de chevaux pour traîner ses pièces. L'attelage à timon 
raccourcissait la longueur des colonnesi et rendait beaucoup plus 
mobile le matériel, qui se distinguait déjà par la construction comme 
par la juste proportion des calibres. 

Lorsque Henri III fut assassiné en 1589, sous les murs de Paris,il se 
trouvait à la tète d'une armée de quarante mille hommes qui allait for- 
cer la capitale et la ligue ; sa mort vint changer la face des choses. 

La désertion se mit 'dans l'armée royale, et Henri IV ne put re- 
tenir sous les drapeaux que onze à douze mille hommes, avec huit 
bouches k feu W. C'est avec ces bibles moyens que le roi conquit le 
trône et pacifia la France. 



(I) • En celle du roy, U y avoit doœ cens honi chevaux, hnict compagnies d'arquebu» 
siers à cheval, six mil hommes de pied françois , fort peu de raousqueuires, et moins de 
piquiers, sinon au régiment des gardes, composé de dooxe compagnies, dont il y en avoit 



Effets lit' CirliiUrie ^ur 
le rhamp âv l»im\k 



288 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Henri IV se retira vers la Normandiei afin d'aller au devant des 
secours en hommes et en argent qu'Elisabeth lui envoyait. Appre- 
nant que le duc de Mayenne le suivait avec une armée nombreuse, 
il se posta en avant de Dieppe, et fortifia par des retranchements le 
faubourg du Pollet, le village d'Arqués et le passage de Bouteille (^), 
si lue sur la rivière de Bëthune, entre Arques et Dieppe. 

Le duc de Mayenne, arrivé en face de Dieppe, voulut d'abord for- 
cer le faubourg de PoUet et le passage de Bouteille (^, mais ayant 
échoué dans ces deux tentatives, il alla camper au village de Martin- 
Église, et résolut de forcer Henri IV dans la position qu'il occupait 
en avant d'Arqués. Le duc de Mayenne était à la tète de vingt-huit 
mille homnies et d'une nombreuse artillerie composée en grande 
partie de pièces de gros calibres (3).Henri IV n'avait avec lui que sept 
mille hommes; mais, par les bonnes dispositions qu'il prit, il sut ren- 
dre inutile la supériorité numérique de ses ennemis. 

Entre les deux armées s'étendait un vallon qui, vu du côté d'Ar- 
qués, allait en se rétrécissant jusqu'à Martin-Église ; sur la droite était 
une colline escarpée, couverte de bois et de broussailles, à gauche 
coulait la petite rivière de Béthune, qui, passant à Arques, va rejoin- 
dre la petite rivière d'Eaulne, au- dessous de Martin-Église. Aucun 
de ces petits ruisseaux n'était guéable, et le dernier même était assez 
marécageux. Le vallon, dans sa plus grande largeur, n'avait que six 
cents pas W; il était traversé dans toute sa longueur par la chaussée 



une de vacanie par la mort de Marivaull, laquelle Sa Majeaié donna à TiUadet ; le régiment 
de Galaty, celuy de Soleure, quatre compagnies de Neufchastel, deux de lansquenets, et une 
de retires commandée par Harancourt ; quatre canons de baterie, deux conievrines et deux 
pièces bastardes. Voilà à quoi une armée de plus de quarante mil hommes estoit réduite par 
la perte d'un seul. » Mémoires du duc d'Angodlêvb, témoin oculaire, Panthéon lUlérain, 
tom. n, p. 724. Paris, 1836. 

(!) Mémoirei du BUC u*ÂNGOULftMB, p. '^99. 

{%} Ibidem. 

(3) « Une espouvantable traînée de cliariots et d'atHrail. » Décade du roy de France, par 
Baptiste Lborain, liv. t, p. 193. Paris, 1614. 

(4) Mémoireê du duc D'ÂncouLfiMB, p. 724. 



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LIVRE K— CHAPITRE IT. m 

qui conduit d'Arqués à Mariin-Êglise, et qui est bordée de chaque 
côté par une haie d'épines W. De la chaussée jusqu'au bois, le ter^ 
rain était labouré; ce fut là que le roi plaça son infanterie. Sur la gau- 
che de la route s'étendait une prairie, il y plaça sa cavalerie (^). Pour 
augmenter la force de cette position, Henri lY fit creuser à la droite 
de la grande route, et perpendiculairement a son axe, deux retran- 
chements qui s'étendaient jusqu'au bois situé au haut de la colline. 
Le premier retranchement du côté de Tennemi fut creusé près d'une 
chapelle et de quelques maisons que les habitants appelaient la Ma- 
ladrerie; on tira en ligne droite un fossé de douze pieds de profon- 
deur, dont les déblais formèrent un parapet qui se trouva flanqué par 
l'église (^. Derrière le parapet, on mit deux pièces de canon en 
batterie, sur une barbette qu*on appelait alors plate-forme (^). Ce 
premier retranchement, défendu par sept à huit cents arquebusiers, 
et deux ou trois compagnies d'aventuriers suisses et français (^), in- 
terceptait tout le côté de la vallée située à la droite de la grande route. 
Il ne restait plus à la gauche, pour arriver jusqu'à la rivière,qu'un es- 
pace de deux cents pas (^). 

A mille pas en arrière de ce retranchement, et du même côté, le 
roi en fit élever un second, dont le tracé était un front bastionné. (^e 
retranchement partait du bois comme l'autre, mais il traversait en- 
tièrement la grande route CO. Derrière le parapet, on plaça quatre 
canons et quatre moyennes W gardés par les Suisses et l'infanterie 
française. Entre les deux retranchements se tenait le régiment 
suisse de Soleure 9) . 



(1) Pauu CATlT.CAftmoio^ navenaire, p. 190, el Mémoirei du due d^Angauiéme, p.79f . 
9) Mémoirtê dm dme d'Àngimiéme, p. 7i4. 

(3) Mé9Mir€$ duduc d'Âng<nUém€,p.T2l^. 

(4) Pauu Catbt, p. 189. 

(5) IMtfm, p. 190. 

(S) MéwMira du due d^AngamiéfM^ p. 734. 
(7) IMiim, p. 7SS. 
(^ Ibidem. 

(9) « Coôduil par le colooel Uaot Arrtgoer (quoique ftucuot mal iolènBez ayani esciipl le 
f. 37 



186 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Comme la coIlÎDe à laquelle Henri IV appuyait sa droite n'était 
pas inaccessible* à ce que nous apprend le duc d'Angoulème (0, et 
que, par conséquent, les retranchements qui y aboutissaient pou- 
vaient facilement être tournés, le maréchal de Biron se porta sur la 
hauteur avec quelques arquebusiers C'^). 

Enfin, le château d'Arqués qui domine la yalléei était garni de pièces 
d'artillerie dont les feux pouvaient atteindre toutes les parties du 
lien choisi pour champ de bataille. 

Par le fait, le duc de Mayenne se trouvait obligé d'attaquer un 
défilé, où la supériorité du nombre n'offre jamais le même avantage 
qu'en plaine, puisque le combat se livre entre les tètes de colonnes 
qui peuvent entrer en ligne. 

Les deux armées restèrent quelques jours en présence, se bornant 
à des escarmouches. Un jour, entre autres, le duc de Mayenne fit 
tirer le canon contre le premier retranchement sans produire aucun 
effet, tandis que deux pièces qui avaient été placées sur la hauteur, fou- 
droyèrent à tel point le village de Martin-Église occupé par Mayenne, 
c( qu'on vit incontinent sortir, dit Palma Cayet, tout le bagage, et la 
« cavalerie qui y estoit logée n'y pouvantplus demeurer en sûreté (3).» 
Enfin, le 23 septembre, toute l'armée catholique descendit dans la 
plaine d'Arqués- La cavalerie de la ligue s'avançait contre la cava- 
lerie du roi sur plusieurs lignes, laissant la route et le retranchement 
à sa gauche; l'infanterie marchait contre les retranchements,et tâchait 
de les tourner par la hauteur. Il paraît que les Suisses de la ligue 
traînaient seuls à la suite de leur bataillon quatre bouche^ à feu W. 
Un brouillard épais couvrait la vallée ; de sorte que les canons du 



colonel Galuty), et les autres Suisses à l'artillerie. » LBGEAm, liv. t, p. if3. ParU, 1644. 

(1) Mémoires du duc d'Ângauléme, p.730. 

(2) « Le mareschal de Biroo est mis au haut de la tranchée avec les compagnies de Chas- 
tiUon de Mallgny et quelque noblesse. » Lb Grain, liv. t, p. m. 



(3) Liv. I, p. 190. 

(4) Mémaireê du duc d'Ângouléme, p. 731 



LIVRE I*'. — CHAPITRE l\\ i87 

château ne purent pointai rer dès le commencement; et le fort de 
Faction se passa sur la prairie entre les escadrons des deux parties* 
Malgré des efforts courageux» la cavalerie du roi cède au nombre ; 
en même temps, les lansquenets de la ligue, feignant de se rendre, 
sautent dans le premier retranchement et s'en emparent ; le camm, 
cependant, en est retiré, et le régiment suisse de Soleure, qui se 
trouve entre les deux retranchements , par une défense héroïque 
donne le temps à la cavalerie de se rallier. Le maréchal de Biron, 
posté sur la hauteur, est entouré d'ennemis (^); malgré cela, par 
la position qu'il occupe, il inquiète le flanc gauche des ligueurs, 
tandis que les décharges des arquebusiers suisses qui bordent la 
haie ^\ arrêtent leurs progrès dans la plaine. Enfin, le soleil per- 
çant tout à coup le brouillard permet au canon du château de 
tirer, et dès « qu'il peut voir l'ennemi, dit Sully, dans ses Mémoires, 
« il fit une décharge si juste et un effet si terrible, quoique nous n'y 
« eussions que quatre seules pièces de canon, que les ennemis en 
« furent troublés ; quatre autres volées ayant succédé assez rapide- 
« ment, Tarmée ennemie qu'ils perçoient tout entière, ne put sup- 
o porter ce feu, et se relira en désordre (^). ^ Cependant Sully exagère 
ici l'effet de l'artillerie ; le canon d'Arqués ne mit le désordre que 
dans la cavalerie; ce fut Chatillon qui> arrivant de Dieppe, à la tète 
de cinq cents arquebusiers, à ce moment suprême où, dans toutes 
les batailles, la fortune vacille incertaine, fit pencher la balance en 
faveur de Henri lY. En effet, ce renfort permit au roi de. repren- 
dre l'ofTensive à sa droite, de secourir les Suisses, de dégsiger le ma- 
réchal de Biron W, et de s'emparer de nouveau du premier retran- 



(I) m Et liareoi te maresdial de Biron une bonoe heure engacé à leur mercy. « Li Graiiv, 
liv. ▼, p. 194. 
(9) Palsa Catr, p. 191. 
Due d'AmgwUéme^ p. 73S. 

'(3) Mémoires og Sillt, Iît. u, p. 53S. Loodre», 175i. 
(4. « Dcs^aigea ie mare^chal de Biroo. » Lmkaih, liv, ▼, p. 19^. 

37. 



288 GUERRE DE CAMPAGNE. 

cbement où il fit ramener à l'instant même les deux canons qu'on 
en avait retirés. 

Alors, les ligueurs foudroyés sur la prairie par Tartillerie du châ- 
teau d'Arqués, par les canons du retranchement et les arquebusiers, 
s'enfuient en toute hâte ; une grande partie de la cavalerie , trouve 
une mort peu glorieuse dans les eaux bourbeuses des petites rivières 
qui bordent le champ de bataille. 

Le duc de Mayenne n'avait pas abandonné l'espoir de forcer la 
position du roi; il tenta, mais en vain, de faire le siège d'Arqués. 
Un jour, dans une escarmouche^ on fit un habile emploi de i'aitille- 
rie que nous ne croyons pas devoir passer sous silence, quoiqu'il 
n'oflre rien de bien nouveau. 

Un jour, dit le duc d'Angoulème, « le sieur de Guitry, venant vi- 
ce siter mesgardesy trouva que les reitres avoient changé la forme de 
« la leur, et qu'estant soustenus à droicte et à gauche de leur infan- 
« terie, ils s'estoient avancés jusques sur un petit heurt qui regardoit 
« la citadelle. Alors, s approchant assez près d'eux pour en faire un 
c< jugement plus certain, il me dit qu'il croyoit que s'ils demeuroient 
a en ceste mesme assiette, il y auroit moyen de les chasser, et que 
a du moins leur infanterie y demeureroit pour les gages. Sa propo- 
c( sition fut de doubler nostre garde .et faire nos escadrons de plus 
« de hauteur, pour leur oster la cognoissance de l'augmentation. 
c< Que» derrière nos deux escadrons, il feroit avancer deux moyen- 
ce nés pièces, et qu'approchant au petit pas des ennemis, nos deux 
« escadrons se séparant en quatre, il feroit tirer lesdictes pièces par 
(c les intervalles ; que cela donneroit un tel estonnement aux enne- 
« mys, qu'allant à eux ils tourneroient le dos, et l'infanterie, après 
ce sa première descharge, n auroit recours qu'à la fuite. »> 

Le maréchal de Biron approuva ce plan; il voulut toutefois qu'on 
ajoutât deux autres pièces aux moyennes: ainsi il y eut deux 
moyennes et deux bâtardes, c'est-à-dire, deux pièces de 2 1/2, et 
deux de 7 1/2. 



LIVRE I-. — CHAPITRE lY. 289 

Le roi (ut présent à celte expérience» » de sorte que »» ^poursuit notre 
auteur « je commençay à marcher, et comme c'estoit la coutume qu'il 
« y eust toujours quelques cavaliers débandés qui entretenoient l'es- 
« carmoucbe y les ennemis sans cognoissance de notre dessein de- 
« meurèrent à leur poste jusqu'à ce que nous allâmes à eux, où fai- 
« sant mine de nous vouloir bien recevoir, nostre infanterie prenant 
« les armes; nos escadrons se mirent en qualre, et nos pièces tiré- 
« rent si à propos qu'elles Hrent une rue dans l'escadron des ennemis, 
« et donnèrent dans rinfanterie,cequi leur donna si Tort l'espouvante 
« que les reitres tournèrent le dos au galop. L'infanterie jettaut les 
i< armes, après avoir tiré quelques arquebusades» chercha son salut 
<( dans sa honte et se mit à la fuite jusqu'au village(^). » Ce récit, d'un 
des principaux acteurs de l'action» est très naturellement écrit. On 
va voir avec quelle exagération Davila rapporte le même fait; cet au- 
teur s'exprime ainsi :<iCeux de la ligue s'avancèrent avec effronterie, 
« mais une nouvelle manière de combattre les obligea de se retirer 
« avec une grande perte,car leroi ayant envoyé le baron de Byron avec 
« un gros détachement de cavalerie au milieu de la plaine, le duc de 
(« Mayenne indigné de leur témérité de s'avancer aussi loin, et pensant 
« qu'ils s'étaient engagés imprudemment, envoya deux escadrons de 
<« cavalerie pour les attaquer ; mais à leur arrivée» les gens du roi s'é- 
« tant développés avec adresse à droite et à gauche, ils laissèrent 
« avancer au milieu d'eux deux grandes coulevrines qui» tirant et 
« exécutant au galop tous les mouvements avec une promptitude ad- 
« mirable, non-seulement tuèrent beaucoup de monde et rompirent 
« leur ordre de bataille, mais mirent l'ennemi en fuite, leur offrant 
« le spectacle extraordinaire de deux machines aussi grandes escar- 
« mouchant avec la cavalerie. Cette manière si neuve et si prompte 
« de conduire de gros calibres, fut l'invention de Charles Brisca» 
« borobarbardier, natif de Normandie (^). »* 

^1) Khrico CATiamu Davila, Ht. x, p. 6«1, el iraductioD, loin, u, liv. i,p. 5|.1. 
;i) Mémoirrt dm due d'Angomiéme, p. 73ô. 



-290 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Nous avons mis ces deux récils en regard afin de faire voir qu'on 
doit se garder d'accepter sans examen, les faits représentés comme 
extraordinaires. 

Dans le récit de Davila, qu'on a souvent reproduit comme preuve 
d'un premier essai d'artillerie à cheval, on voit que l'auteur italien 
s'est trompé même sur les calibres; car, autant il est naturel de 
penser que, pour une semblable exécution, on ait pris des bâtardes 
et des moyennes, comme le dit le duc d' Angoulême,pièces qui étaient 
alors du calibre de 7 1/2 et de 2 1/2, autant il est peu probable 
qu'on ait employé des coule vrines qui, à cette époque, éuient de 
longs canons de 16. Cette manière d'employer l'artillerie à Arques 
n'était pas nouvelle, nous l'avons déjà vue mise en pratique à la ba- 
taille de Marignan et plus tard devant Senlis- 

L'artillerie pouvait être bien servie dans l'armée de Henri IV, 
mais elle était loin d'avoir le degré de mobilité que lui suppose 
Davila; car nous voyons, dans la même année, que le roi, qui s'était 
emparé du faubourg de Paris, eût pénétré dans la ville même, si 
l'arlilierie avait pu arriver assez promptement pour empêcher les 
Parisiens de se retrancher derrière les portes W. 

Cependant, Henri IV ne se laissa jamais arrêter par les embarras 
qu'éprouvent toujours les généraux médiocres à traîner avec eux un 
grand nombre de voitures, et PalmaCayet remarque avec raison, 
qu'en 1588, le « Roy avait en moins de deux mois faist faire à une ar- 
« mée pesante comme la sienne, chargée d'un lourd attirail d'artille- 
« rie, et d'un grand nombre de Suisses et autres étrangers plus de huict 
M vingtslieues,et, ce faisant, prias les faubourgs de Paris, fait plusieurs 
« sièges notables, prins quatorze ou quinze bonnes villes» nettoyé 



(I) « Et sans que le canon ne fut pas du tout si dili^ntÀ venir qu'il avait esté onlonaé, 
les portes eussent esté ouvertes et enfoncées auparavant qu'elles eussent esté remparées. » 
Palva Catet, Chronologit novenaire, p. 19i. 



LIVRE I«^— CHAPITRE IV. '191 

« les provinces de Yendesmois , Touraine» Anjou elle Mayne(^).>» 
Nous le verrons plus tard, lorsqu'il lutta contre les troupes espa- 
gnoles, laisser toujours ses bagages en arrière et tomber à Timpro- 
viste avec sa cavalerie sur Tennemi qu'il surprend en marche ou 
dans ses cantonnements. Aussi le duc de Parme disait-il^que Henri IV 
faisait la guerre en aigle^ quand on le poursuivait en un lieu on le 
voyoit fondre dans un autre W. 

Le duc de Mayenne, renforcé par les troupes espagnoles que le B.iuiiirdhr} 1511 
comte d'Ëgmont lui amenait de Flandre, résolut de livrer bataille 
à Henri IV qui faisait le siège de Dreux. Déjà il avait passé la Seine 
à Mantes, et allait traverser l'Eure à Jory, lorsque Henri IV, vou- 
lant déjouer ses projets, abandonne le siège de Dreux, et se présente 
en bataille sur la rive gauche de l'Eure près du village de Fourcan- 
ville. Le 13 mars, les deux armées s'observent à une lieue de di- 
stance dans la vaste plaine d'Ivry sans quitter leurs positions C^). L'ar- 
mée de la ligue avait quatre mille chevaux, douze mille fantassins 
et quatre bouches à feu. Henri IV n'avait que huit mille soldats d'in- 
fanterie, trois mille de cavalerie, six bouches à feu, dont quatre ca- 
nons et deux coulevrines W. 

« L'armée de l'union, dit Palma Cayet, estoit chargée de clinquant 
<f d'6r et d'argent sur les casaques, mais celle du Roy n'estoit chargée 
« que de fer, et ne se pouvoit rien voir de plus formidable que deux 
» mille gentilshommes armés à cru , depuis la tète jusques aux 
«< pieds (^). » 



(I) Palma Gatit, Chimologiê «ovenatre, p. 313. 

(i) Décade de Henri le Grand, par Li Crain, Ut. ▼, p. ti6. Paris, 1611. 

(3) Leiire de Hcori IV ^ M. Rouasat, maire de Langrea, écrite le U mara 1590, et im- 
primée la même aooée 

(4) Lettre de Heori IV citée plu haut, el Dûamn véritable dt la victoire obteaue par le 
Roy, imprimé ^ Tours, 1590. 

(5) Chronologie novenenre.M^. n, p. SS5. iion^veiUdire qtie ka cuiraaies D'élaieal point 
reoouTertea de casaques oi de sayooa. 



29-2 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Le 14 mars, Henri lY voyant que ses ennemis ne voulaient pas 
quitter leur position, marcha h leur rencontre (^). 

Arrivées en présence, les deux armées se rangèrent en bataille à 
peu près dans le même ordre, chacune formant une ligne tant soit 
peu concave®. 

La cavalerie de Henri lY était divisée en sept escadrons de deux 
cent cinquante à trois cents chevaux, l'escadron seul du Roi comp- 
tait six cents chevaux. L'infanterie était divisée en quatorze régi- 
ments. Cinq escadrons rangés l'un à côté de l'autre, se trouvaient 
encadrés pour ainsi dire dans l'infanterie, puisque chacun avait sur 
ses flancs un ou deux régiments d'infanterie; les deux derniers esca- 
drons étaient en avant de l'aile gauche qu'ils renforçaient et proté- 
geaient l'artillerie établie dans cette position. Chaque escadron était 
flanqué d'une troupe d'enfants-perdus, composée d'arquebusiers à 
cheval qui avaient mis pied à terre et dont les chevaux avaient été 
renvoyés aux bagages (^). 

Le maréchal de Biron commandait l'aile droite; le maréchal 
d'Aumont commandait l'aile gauche, et le Roi était à la tète de son 
escadron du centre, flanqué de deux régiments suisses d'environ 
quatre mille hommes W. 

Le duc de Mayenne, qui semblait avoir copié fidèlement l'ordie de 



(1) « Ce jourd'huy ayant faicl de bon malin recoguoistre leur contenance, et m'ayant esté 
rapporté qu'ils s'estoyent représentés, mais encores plus loing qu'ils n'avoyent faict hier, je 
me suis résolu de les approcher de si près que par nécessité il se faudroyt joindre, comme 
il est advenu sur les entre dix et onze heures du matin que les estant allé chercher, jusque où 
ils estoyent plantés, dont ils n'ont iamais avancé que ce qu'ils ont faict de chemin pour venir 
âi la charge. » LeUre de Henri IV au maire de Langres. 

(2) « Le front de l'armée étolt quasi en ligne droite , toutefois faisoit un peu de corne par 
les deux bouts. 

« L'ordre et disposition de l'armée du ducde Mayenne pour la bataille estoit quasi pareille h 
celle du roy, excepté que les poinctes advançoient davantage et avoient un peu plus de la 
forme d'un croissant. » DUcaun véritable de la victoire obtenue par le Roi, p. 15, imprimé à 
Tours en 1590. Pâlmul Catbt n'a fait que copier mot pour mot cette relation. 

(3) Mém, de Scllt, liv. m, p. 355. 

(4) « Forts de dix-huit enseignes. » Ditcoun vMMle, p. 17. 



LIVRE !•'.— CHAPITRE IV. 297 

bataille du Roi (^^ avait également eotremèlé son infanterie et sa 
cavalerie par régiment; mais ses escadrons étaient beaucoup plus 
nombreux. Celui du centre, à la tête duquel il se tenait, était com- 
posé de dix*buit cents lances, et les deux escadrons de reitres, pla- 
cés aux pointes extrêmes du croissant, étaient chacun de huit cents 
chevaux W. Ce fut aussi à son aile gauche que le duc de Mayenne 
plaça ses quatre pièces de canon. 

Le Roi, aûn d'avoir le soleil à dos, 6t avancer sa gauche de cent 
cinquante pas; puis il ordonna à La Guiche, grand-maître de l'ar- 
tillerie» de faire commencer le feu. Six pièces firent neuf décharges 
avant que celles du duc de Mayenne eussent seulement commencé à 
tirer (3). Aussi les troupes de la ligue, qui étaient exposées à ces 
coups, éprouvèrent de grandes pertes.Le canon du duc de Mayenne, 
au contraire, tira trop bas et ne tua qu'un gentilhomme du duc de 
Montpensier W. 

L'aile droite des ligueurs ne voulant pas essuyer de nouvelles dé- 
charges commença l'attaque* Les reltres, un escadron de lanciers et 
les lansquenets se précipitèrent sur rartilleriet tuèrent les canonniers 
et renversèrent les deux escadrons de chevau-légers qui soutenaient 
Tartillerie. Mais le maréchal d'Aumont et le (ils du maréchal de 
Biron arrivèrent au secours des chevau-légers, et repoussèrent l'en- 
nemi avec perte* Sur d'autres points la cavalerie des ligueurs avait 
également engagé le combat; elle avait échoué, grâce aux pe- 
letons d'arquebusiers que Henri lY avait entremêlés à sa cavale- 
rie. Pendant ce temps, le duc de Mayenne s'avançait à la tête de son 
épouvantable forêt de laneeiy faisant marcher sur son flanc gauche 
quatre cents arquebusiers à cheval (^).Mais, rencontrant les fuyards 



(i;« n Mnbloll «pie le doc de Mayenne eutl prins patron rar le plao dePtraiée doRoy.en 
ce qui ooncemoil la ferme. » Déemiê^ par Li Gaim, Ut. t, p. 910. 
(I) Diieawrt vérUahUy p. 30, et Ckromotofie nm^enairê, tir. n, p. 934. 

(3) JKMourt vMkMê, p. 34. Mém. de Sollt et de Tnou. 

(4) DATIL4, tom. u, liT. II, p. 93. 

(5) DiMcaun vérUêbU, p. SI. 
I. 38 



298 GUERRE DE CAMPAGNE. 

et craignant d'être entraîné dans leur déroute, il fit faire halte, et 
mettre les lances en arrêt pour les repousser (^). 

Le Roi qui attendait avec impatience le moment de combattre, 
voit rembarras de cette masse peu agile de cbeyaux, il commande 
la charge; le premier il s'élance en avant, et bientôt le grand pana- 
che blanc qui orne son casque disparait dans la mêlée (^). 

« La noblesse, qui combattait sous son étendard, dit Davila, le 
« suivit avec la dernière bravoure, et il pénétra dans le corps de 
« bataille de la ligue, avant que le duc de Mayenne pût remédier ^u 
« désordre qu'avaient causé les retires, ni faire prendre le galop à 
« ses lances. Ces armes» qui tirent toute leur force et leur avantage 
« de la rapidité de la course, devinrent donc inutiles ; les cavaliers 
« furent obligés de les jeter à terre, et de combattre le sabre a la 
« main, contre Tescadron du Roi, composé de seigneurs et de gen- 
« tilshommes qui, outre leurs armures d'une trempe excellente, 
« portaient chacun un fort espadon, et deux pistolets à l'arçon de la 
« selle &)• » 

Le Roi renverse et met en fuite tout le centre de l'armée ennemie 
qui bientôt couvre la plaine de ses fuyards. Une fois la cavalerie en 
déroute, le sort de la journée était décidé; car, c'est à peine si l'in- 
fanterie des deux côtés prit part à l'action (^). Les Suisses de la ligue, 
qui étaient restés intacts, se rendirent. L'infanterie française du parti 
du Roi n'eut pas besoin de se mêler à la lutte (^). Quant au maréchal 
de Biron, il était resté ferme à sa place sans bouger, formant ainsi 
une sorte de réserve prête à frapper un coup décisif si les circon- 



(1) Dàyila, tom. m, Ut. xi, p. 38. 

(3} « Dtt frool duquel Fou le Toit partir la longueur deux fois de son cheval devant aucun 
autre. » Diêcoun véritable^ p. 37. 

(3) Davilà, Guerre civile, tom. m, liv. xi, p. 38. Amsterdam, 1757. 

(4) Legrain remarque que dans cette bataille, ce furent douze cents chevaux qui défirent 
toute l'armée ennemie. Décade de Henri IV, liv. v, p. 211. 

(5) Chrcnologie novenaire de Pàuu Càtet, liv. ii, p. 236. 



LITRE K- CHAPITRE IV. SM 

Stances Texigeaient, et iniimidant rennemi par son attitude mena* 
çante. Aussi les auteurs de Tépoque disent-ils : « Que le maréchal 
« de Biron, en demeurant ferme avec la troupe de conserve sans 
« frapper, avait fait autant et plus de mal aux ennemis que nul au-* 
« tre (0. » On voit qu'en agissant ainsi, il n*avait fait que suivre, jus- 
qu'à un ceilain point, l'exemple qu'avait donné le duc de Guise à la 
bataille de Dreux. 

Le centre seul, commandé par le Roi, avait décidé le succès, et la 
ligne de bataille de l'armée victorieuse n'avait pas chargé; car, 
chaque fois qu'un escadron chargeait, il revenait à sa place de ba- 
taille (^). Cependant l'inquiétude était grande, Henri lY avait dis- 
paru. Mais bientôt on le vit revenir à la tète de son escadron ; alors 
un immense cri d allégresse retentit sur tout le front, et ou put se fé- 
liciter de la victoire. 

Sully, dans ses Mémoires, dit que les causes principales qui firent 
triompher dans celte occasion le petit nombre du plus grand furent : 
la valeur du maréchal d'Aumont, qui empêcha l'entière défaite des 
chevau-Iégers , la différence infinie entre la manière dont notre 
'artillerie et celle des ennemis furent servies,et, plus que tout cela, les 
talents singuliers du Roi O* 

On voit, dans cette bataille > que la cavalerie joua le rôle prin- 
cipal ; au reste, ce fut presque toujours avec sa cavalerie que Henri IV 
obtint ses succès. Lorsque le Roi passa la revue de ses troupes à 
Chelles, en 1590, en présence de l'armée du duc de Parme, il comp- 
tait dix-huit mille hommes de pied et cinq à six mille chevaux, 
parmi lesquels il y avait quatre mille gentilshommes françab, que 



(I) !H$€tmri vérUabU, p. 41. 

n) Od iroii, dans le rédi 4e la kMaUte. 4M knqiie le nvéotel d'AiMBl, le beroa de 
Kron ei le Boi chargérenl, ils reTinrent loojoan se piteer dans leur ordre de bauûlle. M- 
court WrtfoMe. 

(S) Mémoirtê de SuuT, Ihr. m, p. SS6. 

38. 



9M' GUERRE DE CAMPAGNE. 

l'historien Meteren appelle les plus furieux du mande W. C'est à 
eux que Henri lY se fiait le plus ; et, lorsque deux ans plus tard il 
partit de Rouen pour aller à la rencontre de l'armée du duc de Parme, 
il crut inutile d'emmener de l'infanterie; composant sa troupe de qua- 
tre mille cuirassiers, d'autant de retires, de mille arquebusiers à 
cheval (^), et n'emportant aucun bagage &). On conçoit combien un 
semblable corps d'armée devait être mobile, et procurer d'avantages 
en présence d'un ennemi encombré de charrettes. Le duc de Parme 
s'avançait avec quarante canons et deux mille chariots, dont il pou- 
vait faire un retranchement W et dans l'ordre suivant que Palma 
Cayet décrit ainsi : 

« Le duc de Parme départit donc son infanterie en trois esca- 
« drons : les deux marchoientde front, mais dételle sorte qu'il res-' 
« toit un grand espace entre les deux, tellement que le troisiesme, 
'f qui les suivoit, en un besoin se fust pu ranger au milieu des deux 
f( autres. Il mit au devant de ces escadrons, par manière d'avant- 
« garde, quelques compagnies d'arquebusiers à cheval. Les chariots 
« de l'armée marchoient à la file, tant à droite qu'à gauche des esca- 
« drons de l'infanterie. Entre les chariots et l'infanterie marchoit le, 
« canon. Âpres les chariots suivoient deux bandes de cavalerie qui 
« marchoient sur les aisles, puis un gros hot de cavalerie qui servoit 
« d'arrière-garde (5). » 

Un autre auteur ajoute les détails suivants : « Laquelle forme le 
« prince de Parme trouva si avantageuse, qu'allant au secours de 
« Rouen, il traversa toute la Picardie dans cet ordre, son infanterie 
« enfermée entre quatre faces de chariots, n'y ayant que trois ouver- 



(1) HUtom dêê Payi-Boi, liv. xti, p. 328 

(2) Mimoirtê de Sullt, tom. n, p. 63. 

(S) « Le Roi donne rendez voas à sa cairaJerie sans bagages à Créquy ». Lr Garni, liv. ▼, 
p. 229, 

(4) MiTimBif , liv. XTi, p. 338, verso. 

(5) P4UU Caybt, lif. I?, p. 895. 



LIVRE I*.— CHAPITRE IV. dOÎ 

^ tares, une en teste et les deux autres aux deux angles de la face de 
« derrière, la première ouverture d'un escadron de quinze cents che- 
« vaux,et les autres deux couvertes chascune d'un escadron de douze 
« cents chevaux. Le roy Henri lY, averti de son dessein, partit dn 
^ siège avec Teslite de son armée pour aller à sa rencontre, lequel 
« ne pust jamais l'obliger à combattre et se tenoit si asseuré dans 
« son ordre de marche, qu'on remarque qu'il estoit au milieu de son 
« armée,monté sur un chariot descouvert» en mules et robe de cham- 
« bre,quoy qu'il eustle Roy en teste qui estoit le plus grand capitaine 
« du monde W. »* 

Pour combattre avec avantage une telle ordonnance, Henri lY eût 
dû emmener quelques pièces d'artillerie avec sa cavalerie ; il ne le fit 
pas; néanmoins, il surprit Ta vant-garde ennemie, et, arrivé à Au- 
maie, le duc de Parme n'osa pas l'attaquer. Le Roi traversa la pe- 
tite rivière de Rresle, protégé par les arquebusiers qui avaient mis 
pied à terre. 

Cependant Henri lY avait été obligé de lever le siège de Rouen et de 
se retirer à Dieppe; mais, ayant appris que l'armée réunie de la ligue 
s'était avancée sur la Seine, et avait pris Caudebec, il rassembla ses 
troupes, reprit roirensive,et accula les ducs de Parme et de Mayenoe 
à la Seine près d'Yvetot. Le Roi avait vingt pièces de canon (^). Un 
soir, on lira plus de trois cents coups de canon de part et d'autre 
sans effet décisif. Le duc de Parme, voyant qu'il allait être forcé 
dans son camp d'Yvetot, se retira la nuit à Caudebec; il s'y retrancha 
fortement, établit des batteries sur les deux rives, et fit venir de 
Rouen des barques qu'il employa à construire un pont volant ('), 



(1) JUvr# 4f 6uirr€, parle sieor d'Aouqhac» Maruekal 4$ BaiailU^ M. 116, ireno.llS 
Leidlier-LoaTois, lii. Rc«. «380. A« 34. 

LomuiAii, daot son Une intitulé le Marttehal de BaimUe^ a conservé la figure de 
eeite ainguUère ordonnance ; dans le MS de la Bibliocbèque royale^ Codex Colben, 70. Reg. 
^, la fignre est aùeiix représentée que dans l'édition de 1647. 

(i) Pauu Câtbt, liv. IT, p. 403. 

(9 lliTiitii,IIMo<r«d«iPa|r«-BA«,Uf.XTi, p«339,Terso. 



302 GUERRE DE CAMPAGNE. 

au moyen duquel il exécuta sa retraite dans un ordre admirable, à 
rinsu de son ennemi auquel il échappa ainsi* 

Dans cette belle retraite, c'est l'artillerie qui, en protégeant ce 
passage de rivière, contribua à sauver l'armée du duc de Parme 
d'un désastre complet. 

Nous avons dit, dans le chapitre précédent, que les armes à feu ne 
produisaient d'effets réels décisifs qu'à une petite distance : les guer- 
res de Henri IV viennent justifier cette assertion. En 1590, le 
seigneur d'Estelle renversa avec quinze cents hommes trois mille 
ennemis, parce qu'il fit décharger ses arquebusiers à vingt-cinq 
pas (^). En 1594, au contraire, Henri assiégeait Laon; le comte Char- 
les de Mansfeld voulut secourir la place; il y eut plusieurs escarmou- 
ches , et dans l'une d'elles on tira cinquante mille coups d'arque- 
buse qui ne tuèrent que vingt hommes (^). 

Lorsque Henri IV faisait le siège d'Amiens> en 1597, le cardinal 
Albert accourut pour secourir la place à la tète de quatre mille che- 
vaux, quinze mille hommes de pied, dix- huit canons et six cents 
chariots enchaînés pour entourer. son camp W. Henri lY avait 
douze mille chevaux et dix-huit mille hommes de pied (^). L'armée 
espagnole s'avança en bataille près de Long-Pré; mais les Français 
firent amener le canon, et, ayant attendu que l'ennemi fût arrivé à 
une distance de trois cents pas pour tirer, « le canon des Français fit 
» un merveilleux dommage dit PalmaCayet,et effi*aya tellement l'ar- 
» mée du cardinal , que dès l'heure il fit sonner la retraictCf et se logea 
H à un quart de lieue de là (^).» Le lendemain, le cardinal n'ayant pu 
réussir à passer la Somme et à jeter des renforts dans la ville d'A- 

(2) « L'Estelle alla droict au petit pas attaquer la cavalerie , et d'abordée les fit saluer de 
vîagt-cinq arqoebusades qui tuèrent douce cheraux; puis ayant Met redoubler eucoresde 
plus près une pareille salve d'arquebuses, cela fit uu tî terriUe efTect, qae toute la cavalerie 
se mit âi la fultte. » Liv. n, p. dl8, année 1990. 

(3) Mémoires de Svllt, tom. ii, liv. ti, p. 906. Londres, 1752. 

(4) Chronologie novenairûy liv. n, p. 131. 

(5) Palha Gatbt, liv. n, p. 13i. 

(6) /6tdem,p. 131. 



LIVRE !•'.— CHAPITRE IV. 303 

mîenSyil se retira « ne jettant, continue Fauteur^que respauledroicie 
« de son armée sur l'advenue des François, qu'il fit garnir d'un grand 
« nombre de ces chariots enchaisnés, faisant advancer, comme en 
« croissant^sa cavalerie, tant à droicte qu'à gauche, et l'infanterie ran- 
a gée par escadrons départis en trois, cheminans en advant-garde, 
« bataille et arrière-garde, avec pièces de canon à la teste de chacun 
<« gros. En ceste forme, le cardinal tira sur le haut de la montagne de 
« Yignacourt.Le Roy, qui void la retraicte de son enuemy,le suit avec 
^ quatre mil chevaux et douze mil hommes de pied, plus de deux 
« grandes lieues, et le recogneut de si près» accompagné de six ou 
« sept, favorisé de quelques carabins, qu'il put juger de leur nom- 
« bre, forme et contenance. Ce fut ce qui le fit resouldre de donner 
« bataille si le cardinal y vouloit entendre ; mais ce n'estoit pas son 
« intention, car, après que les deux armées eurent esté vis-à-vis 
« l'une de l'autre cinq heures en bataille, et faict beaucoup de petites 
« charges, le canon des François endommageant fort les Espagnols^ 
« le cardinal fit passer le bagage et son infanterie par delà la mon- 
« tagne» et les fit mettre en sauveté exempts de la chaîne pour ce 
« jour, sa cavalerie faisant ferme, tant sur le haut de la montagne 
« là où ils faisoient mine de venir à la chaîne ; mais aussitost advan- 
« ces, aussitost ils se retirèrent. L'on n'avoit point veu de longtemps 
« deux grandes et puissantes armées demeurer ensemble si long- 
« temps et si près l'une de l'autre sans se battre. LeRoy avoit envie 
« d'aller attaquer le cardinal sur le haut de Yignacourt, et ceux qui 
<• estoientde son opinion disoient que, bien que les Espagnols se re- 
M tirassent en bel ordre» toutesfois qu'à leur contenance qu'ils es- 
« toient estonnés. Le conseil que le Roy avoit près de Iuy,luy dit qu'il 
« ne falloit rien bazarder; que ce luy estoit une grande gloire d'avoir 
« chassé honteusement ledict cardinal et on si grand nombre d'en- 
M nemis, en tenant une ville assiégée, et l'avoir suivy avec le canon 
« à trois lieues de la ville; que, par ceste retraicte, Amiens ne pou* 
« voit fuyr de retomber sous son obéissance* Le Roy creust cest 



304 (yUERRE DE CAMPAGNE. 

« advis, et, laissant le cardinal se retirer à Dorlens, il retourna à 
« son siège devant Amiens (^). 

Ainsi, dans cette action qui décida du sort d'Amiens, ce fut l'ar- 
tillerie française qui, presque à elle seule* repoussa l'ennemi, en le 
forçant à quitter successivement les positions avantageuses qu'il oc- 
cupait, et à abandonner tout espoir de secourir la place importante 
qui tomba bientôt au pouvoir de Henri lY. 
Ordres de bauiiie de En réfléchissant aux causes qui firent triompher Henri lY , on voit 

Henri IV et du prince • ^ i i 

Mauriee. qu'ellesconsistèrent:dansiesbonnesdispositionsqu'il sut prendre sur 

le champ de bataillei afin d'assurer l'effet de son artillerie et de ses 
armes à feu; dans la défensive qu'il garda toujours, ne s'avançant a 
l'attaque que lorsqu'il croit surprendre l'ennemi en désordre; dans 
l'habileté avec laquelle il profita des dispositions du terrain, enfin dans 
la promptitude avec laquelle il manœuvra pour surprendre son en- 
nemi dans les cantonnements ou dans les marches. Mais il faut bien le 
reconnaître, Henri lY n'établit aucun nouveau principe. Si la cavale- 
rie est divisée en petits escadrons , l'infanterie , les mousquetaires ex- 
ceptés, est toujours réunie en gros bataillons, et son armée est comme 
dans l'époque précédente, disposée sur une seule ligne. 

Billon dit, à propos des ordres de bataille : « On a presque tou- 
« jours en France rangé l'armée en baye, c'est-à-dire, tous les corps 
« d'armée ou gros bataillons à costé l'un de l'autre en un mesme 
« front C^); et il combat l'opinion de ceux qui vantent cet ordre comme 
permettant à toutes les troupes de donner à la fois ; mais embarrassé 
par l'exemple de Henri lY à Ivry, et ne voulant pas blâmer le Roi, il 
prétend qu'à cette bataille l'ord re qu'il cri tique ne fut adoptépar le Roi, 
que parce que celui-ci était plus fort en cavalerie que son adversaire, 
ce qui n'était pas.Henri lY ne formait point.de réserve ou de seconde 
ligne : car à Ivry, comme précédemment à Dreux, on ne peut guère 
donner le nom de réserve à un petit corps placé sur la même ligne 

(1) Chronologie novenaire de Palma Càtit,1ît. ix, p. 132. 
^ J. BiLLON, Ut. n, p. 2S2. Lyon, 1617. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE IV. 905 

de bataille que le reste de Tannée; car, s'il ne prend aucune part 
à Faction dès le début, c'est uniquement parce que le hasard du 
combat ne Vy oblige pas. On ne peut appeler réserve que le corps 
placé à une assez grande distance derrière la ligne de bataille, ou 
bien derrière les deux lignes, s il y en a deux, pour que, sans être 
entraîné par les mouvements rétrogrades des premières lignes, il 
puisse dans un moment décisif porter secours aux troupes placées 
en avant (^). 

Le prince Maurice de Kassau avait adopté pour ses troupes une 
tactique beaucoup plus perfectionnée ; il forma, comme nous avons 
vu, des bataillons de cinq cents hommes sur dix de hauteur et des es- 
cadrons de cent à deux cents chevaux sur cinq de hauteur, qui pou- 
vaient facilement passer de l'ordre en colonne à l'ordre en bataille. 

M. de Rocquancourt (^) et le général Liamarque (^i refusent au 
prince d'Orange le mérite d'avoir fait faire des progrès à l'art de la 
guerre, soit en créant ces unités tactiques et flexibles^ soit en per- 
fectionnant les ordres de bataille ; nous ne sommes pas de leur avis , 
et nous croyons que Maurice en créant ces faibles unités élémen- 
taires, qui, par des mouvements rapides, se réunissent en régiments 
et en brigades, a fait faire un grand pas à la tactique. Quant à ses 
ordres de bataille, on va voir qu'ils étaient bien plus savants que 
ceux de Henri IV. 

La figure suivante représente Tordre de bataille de Tarmée du 
prince Maurice de Nassau devant Juliers, en 1610; cette figure est 
donnée par du Praissac et J. Billon (^); elle est presque semblable à 
celle que reproduit René le Normant, comme ordre de bataille du 

(I) « Ain detti tmées d« Ftoodres, les iroopes soni diTiiées eo Uo» 00 quatre brigades, 
taoi pour la commodiié de marcher que pour les logements et ordres ; les compagnies de ca- 
valerie sont presque toutes égdes, mais les régiaenU sont inesgaux en nombre de compai- 
gnies, encore qu'il seroit meilleur d*estre esgaui.» lmtru€îion$ miiitairei, par Jftaftun J>c 
BauHi. Lyon, 1617, Itv. n, p. 161. 

(3} Art milil^irê, tom. 1. 

(3j Sncycloptfdis maéêmt^ anîde BûMUê. 

(i) DUamrê «1 O^sfioiii mOiMrM, par le sieur m Puaissac. p. 19. Rouen, 1686. 
Tosn I. 39 



306 GUERRE DE CAMPAGNE. 

prince Maurice devant Emeric en 1621 (^}; les carrés blancs indi- 
quent les piquiers, les carrés ombrés représentent les arquebusiers, 
et les carrés traversés d'une diagonale représentent la cavalerie. 

Les bataillons de piques sont composés de trois cent hommes, 
dont trente de front et dix de profondeur. Les bataillons de mous- 
quetaires sont de deux cents hommes disposés également sur dix 
rangs. 

Les escadrons sont de deux cents chevaux, ayant quarante chevaux 
de front et cinq rangs. 

FronL 



f% o.fûeds- 

au uu aa 



!Zi SS SS \zSS SSizj » SS izi 

La seconde ligne était à trois cents pieds, et la troisième était à 
six cents pieds de la seconde (^3- 

On voit que cet ordre de bataille, considéré théoriquement, 
indique de grands perfectionnements dans la disposition des trou- 
pes : non-seulement cette disposition en échiquier permet à chaque 
ligne de secourir sans confusion la ligne qui la précède ; non-seule- 
ment les arquebusiers sont à couvert par les piques et peuvent, en sor- 
tant par les intervalles, flanquer de leurs feux les bataillons ou les 
escadrons ; mais fa cavalerie, réunie en grande partie sur les ailes, 
est libre dans ses mouvements et n'entrave pas ceux de Finfante- 



(1) René m Norxànt, p. 106; la même flgare est encore reproduite dans an manuscrit 
de la Bibliothèque royale, Jacob : Saint-Honoré, n« 32, fol. 45, terso. 

(2) J. BiLLON , lit. I, p. 48, et MS de la Bibliocbèque royale, Jabob. Sainl-Honoré, n* 92, 
fol. 45, verso. 



LIYRE l-'.-GHAPITRE H. WL 

rie; enfio, te chef n'est pas obligé d'engager toutes ses troupes à la fois. 
Aussi ces dispositions en échiquier sur deux ou trois lignes furent adop- 
tées dans toutes les armées dès le commencement du xtii* siècle. A la 
fameuse bataille de Prague, en 1620, les Bohèmes, comme les Impé- 
riaux, étaient rangés en échiquier; en 1680, cette formation était 
en usage en France (0, et elle devait servir de modèle à tous les 
ordres modernes. Nous croyons donc que le général Lamarque et 
M. de Rocquancourt se trompent quand ils désignent Henri IV 
comme le créateur d'une nouvelle tactique, et disent que le prince 
Maurice ne futpotVif novateur en fait d'ordres de bataille, soutenant 
que ses dispositions ne variaient pas de celles qu'on avait prises en 
France, à Jarnac et à Moncontour (^}. D'après ce que nous avons 
démontré, il nous semble qu'elles en variaient complètement. Tan- 
dis qu'Henri IV imitait à Coutras, à Arques, à Ivry, l'ordonnance 
des troupes à Marignan, à Cérizolles, à Jarnac, à Dreux > le prince 
Maurice de Nassau posait les bases d'une tactique dont Gustave- 
Adolphe rehaussa les avantages, et qui servit de modèle à tous les 
grands capitaines du xvn* siècle. Le héros français est assez riche 
de sa propre gloire, sans qu'on cherche à le parer de celle d'autrui; 
et le patriotisme ne doit point influencer le jugement de l'histoire. 

D'ailleurs, tout en conservant l'indépendance de son jugementi il 
faut bien avoir égard à l'opinion des contemporains qui tous repré- 
sentent le prince Maurice de Nassau comme le restaurateur de l'art 
de la guerre (3) ; qui tous représentent l'armée hollandaise comme 
un modèle à suivre, soit pour les manœuvres, soit pour la discipline. 



. (1) « Leê bauilloDS et les encadrons de ta seconde ligne doivent estre rangez, de sorte 
qo'ilssoicol postez tis-^-yis le vuîdc de ceui de la preiiiièrv. > VArt de la Gnerre, par le si«iir 
m Gâta. Paris, 1689. 

(Sj Enqfclopédie modenu, article BatailU. 

(3) Vojez Diêcomn miiUairt de J. di Billon. Lyon, 1617.— JHêCourê mililaire du si^ror 
DO PiAnaAC Rouen,1636.— le JforcMrAa/ dt BaiailU. par Lostblitiao. Piirift,16n.- lUnt 
u NouuKT. Rooen, iS33. -- Livrt de Gmem, par te sieur i>*Acmofiac, MS Le Tellier. 
Uttf ois. li*. Req. 9350 à 34. 

39. 



308 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Lorsque le maréchal de La Châtre alla rejoindre les troupes hol- 
landaises an siège de Jalliers, en 1610, les officiers français témoi- 
gnèrent leur admiration des manœuvres que le prince Maurice fit 
exécuter à son armée en leur présence (^). Et, en 1635, Louis XIII 
recommandait aux maréchaux de Châtillon çt de Brézé d'habituer 
les troupes françaises à suivre l'exemple des Hollandais pour les 
campements et la discipline C^). 

Nous avons été obligés d'intervertir tant soit peu Tordre chronolo- 
gique, pour mettre en regard des dispositions de Henri IV sur le 
champ de bataille, celles du prince Maurice de Nassau : nous de- 
vons maintenant parler des deux principales actions en rase campa- 
gne qui illustrèrent le héros hollandais. 
Combat de Turnhout, Lc comtc dc Yarax, général espagnol, s'était retranché dans Turn- 

24 jaDTier 1597. , , . ,,.«.. . , 

nout avec quatre régiments d mtanterie et cmq compagnies de ca- 
valerie; apprenant l'arrivée subite du prince Maurice, il résolut de 
se retirer vers Herenthal; il envoya en avant tous ses canons et ses 
bagages, et se mit en route, faisant marcher la majeure partie de sa 
cavalerie en tète, et gardant seà quatre régiments d'infanterie à Far- 
rière-garde (^). Le prince Maurice s'élança à la poursuite des Espa- 
gnols à la tète de six mille hommes d'infanterie et de huit cents che- 
vaux- 11 divisa son infanterie en huit bataillons et sa cavalerie en six 
escadrons» et marcha en bataille toutes les fois que le terrain le per- 
mit. La cavalerie formait deux lignes à échiquiers , et allait en 
avant. L'infanterie formait également deux lignes entre lesquelles 
était placée l'artillerie (^). Il surprit les Espagnols en marche et les 
tailla en pièces sans avoir besoin de faire agir son infanterie (^). 

(1) Mbtbrbn, Histoire des Pays-Bas, liv. xxxii, p. 704. La Haye, 1618. 

(S) «Je désirerais bien aussi que vous peussiez accoutumer les soldats de nos armées à cam- 
per toujours et à bien profiter de Vexemple que leur dùnneni ceux de V armée hollandaise, n 
Lettre de Louis XHL Mémoires d'âobbat sur Richelieu, tom. i, p. 496. Paris, 1660. 

(3) Yoy. le plan de la bataille dans la Généalogie et les lauriers des illustres comtes de 
Nassau, p. 167. Leyde, 1615. 

(4) Ibidem. 

(5) « Ainsi, la seule cavalerie du prince Maurice desfit toute Tarmée espagnole. En ceste 



LIVRE !•'. -CHAPITRE IV. 309 

Meleren dit, à ce propos, que « oo vit bien dans celte victoire que 
« les pîqoierst quand ils ne sont pas bien placés, et qu'on s'en sert 
« selon Tordre qu'on marche et non comme on fait en bataille ran- 
« gée, ne peuvent pas bien résister à la furie des grandes pistoles ou 
« arquebuses à rouet qu'on nomme carabinsi qui étaient les armes 
« du prince Maurice en celte défaite (^). 

Ce fut la contre-partie de la bataille de Saint-Quentin ; les Espa- 
gnols furent battus à Turnhout parce qu'ils avaient commis les 
mêmes fautes qui avaient entraîné la ruine du connétable de Mont- 
morency, en 1557. Quoique ce combat n'offre aucun exemple remar- 
quable de l'emploi de l'artillerie, cependant on y voit une des pre- 
mières applications de ce principe, mis plus tard en pratique par le 
prince Henri de Nassau, de placer toujours quelques pièces d'artil- 
lerie en réserve* 

La bataille qui eut lieu près de Nieuport, trois ans plus tard, est Bauuk de Nieuport 
plus importante. Maurice, sachant que l'armée espagnole, en proie 
à la désertion, était dispei'sée dans ses cantonnements, crut pouvoir 
s'emparer de Nieuport avant qu'il îdt possible à l'archiduc Albert 
de secourir cette ville- Il s'achemine donc sur Ostende et Ouden- 
bourg, et, arrivé sous les murs de Nieuport, il se retranche en toute 
diligence afin de s'enfermer entre des lignes de circonvallation. 
Mais Tarchiduc Albert rassemble dix mille hommes de pied et quinze 
cents chevaux, et court sur les traces du prince Maurice W, 
résolu de l'acculer à la mer, ou de le forcer à regagner en désordre 
ses vaisseaux. Déjà il avait culbuté l'avant-garde hollandaise qui 
voulait lai disputer le passage d'un pont entre Ostende et Nieuport, 
et, croyant surprendre son ennemi» il s'avançait sur le rivage de la 



biUille (de Tooroliooi)» il y moarai plm de deui mil hommet rar la place, avec le comte de 
Varax, féoéraU » Piuu Catit, IW. ix, p. 119, année 1597. 

(1) Mirnm, Iît. xn, p. 999, Teno. 

(9) « Le kwg dtt chemin par lequel son Excell. avoit passé. « La Généalogie et les lauriers 
dêê OlMlm eomlM de Nauem, p. 918. Leyde, 1615. Va^ex le plan de la bataille {iMem). 



310 GUERRE DE CAMPAGNE. 

mer, faisant tratner sar la grève huit bouches à feu (^)j lorsque le 
prince Maurice apprend son approche, fail Tolte-face, se met en 
bataille en avant de la petite rivière qui forme le havre de la ville» 
et appuie sa gauche à la roer. Son armée est rangée sur trois lignes ; 
six pièces d'artillerie sont mises en batterie sur la grève, plantées sur 
des claies afin qu'elles ne s'enfoncent pas dans le sable (2) ; deux au- 
tres pièces sont placées avantageusement sur une dune (^); quel- 
ques canons de campagne sont artificieusement cachés derrière la 
cavalerie pour tirer à l'improvisteC^); enfin, les vaisseaux hollan- 
dais flanquent toute la ligne de bataille (^). La cavalerie qui précède 
l'archiduc commence l'attaque; les Hollandais la laissent arriver; 
puis ils démasquent tout à coup leur artillerie qui, faisant plusieurs 
décharges meurtrières (^), la force à se retirer. Cependant, des deux 
côtés, les troupes se sont abordées sur toute la ligne; on com-^ 
bat avec acharnement. La marée qui monte et la batterie du bord 
de la mer obligent Tarchiduc à porter sa principale attaque sur les 
dunes, à la droite du prince Maurice; mais celui-ci fait à l'instant 
même avancer la seconde ligne. Néanmoins, les Hollandais per* 
dent du terrain, et la victoire est douteuse, lorsque, la réserve arri- 
vant, rétablit le combat. Cependant^ malgré les charges heureuses de 
la cavalerie hollandaise, l'opiniâtre infanterie espagnole résiste en- 
core ; alors les canons de la flotte la prennent à revers, la font chan-? 
celer (7^, et une nouvelle attaque générale, ordonnée par Maurice 



(1) MsTEniN^ liT. XXII, p.479« verso. 

(2) Palha Catbt, Chronologie septénaire^ liv. ni, p. ^8. 

(3) La Généalogie et les Lauriers des illustres comtes de Nassau , p, 292, et METBâm, 
fiv. xxn, p. 479, verso. 

(4) Mbteren, liv. XXII, p. 481. 

(5) a Son Excel], avoit donné charge à Messieurs de Warinont et de Duvenworde deoon- 
mander aux navires de tirer en la bataille de l'ennemy ce qui se Ût. » Lauriers de Nassau, 
p. 222. 

(6) «Noire arlillerie estant chargée de balles de mousquel, joua sur rennemi lellenient qu'il 
perdit beaucoup de chevaux. » La Généalogie et les lamrien des iUmtres e&min de Nos- 
sauy p. 22i, et Meterbn, liv. xxii« p. 481. 

(7) « Que ne pouvaoi plus tenir les dunes à cause du canoo ^*o% tiruîl du Tke^amirui 



UYRB I*'. - CHAPITRE lY. nit 

qu'entourent on grand nombre de volontaires françaisy décide la vic- 
toire* Elle est due, on le voit, presque entièrement à Tordre de bataille 
qu'avait adopté le prince Maurice; ordre qui lui permit de réparer 
sans cesse des échecs partiels. La position avantageuse de l'artillerie 
de terre et de mer ne fut pas non plus étrangère au succès de la jour- 
née, et les Espagnols eux-mêmes reconnurent la supériorité des dis- 
positions du héros hollandais, car l'amiral Mendoza, fait prisonnier 
dans cette action, non- seulement reprocha à sa cavalerie de ne pas 
avoir Tait son devoir, mais il se plaignit aussi de ce que « ils estoient 
« allés tout en gros à la charge,sans retenir sur la fm quelque arrière- 
« garde ou réserve, afin de secourir de ça et de là les esquadrons et 
« bataillons, quand ils estoyent contraincts de reculer ou de pren- 
« dre la fuitte, et ainsi les rassembler pour faire une nouvelle charge, 
« ainsi qu'avait faict le prince Maurice, ménageant et épargnant son 
« infanterie et sa cavalerie sans aventurer toutes ses forces à la foys. 
« Il loua aussi grandement le prince Maurice de ce qu'il avoit si 
a bien faict planter son canon qui leur avoit faict beaucoup de 
« mal (')• M 

La guerre des Pays-Bas passait avec raison au commencement 
du XVII* siècle pour la meilleure école militaire, et la plupart des gé- 
néraux qui acquirent une si grande renommée dans ce siècle y firent 
leur apprentissage, tels que Tilly, le prince de Saxe-Weimar et 
Turenne. Cependant, comme cela devait être plus naturellement, 
les troupes impériales allemandes suivaient plutôt les errements 
espagnols que les exemples du prince d'Orange. Les Espagnols, toat 
en adoptant l'ordre en échiquier, avaient conservé leurs gros batail- 
lons et leurs gros escadrons; et, quand le terrain le permettait, ils 
avaient toujours recours à leurs charrettes pour s'en faire, dans les 
marches, on rempart contre la cavalerie. Lorsque Spinola s'avança 



des ÊUtt qui vohigeoieDl le loog de la rade.» Ckromologû tepUnairt^ IW. ii, p. iS8. Foycs 
iMii BnmvoQuo» m MAutm ei VAGiniAft. 
:i) MmBni. Ut. un, p. 480. 



31-2 GUERRE DE CAMPAGNE. 

pour secourir la ville de Grol en 1607, les troupes élaient divisées 
en neuf colonnes dans Tordre de bataille : l'infanterie au centre, la 
cavalerie sur les ailes, protégée de chaque côté par une file de voitures 
et une colonne d'arquebusiers. La grosse artillerie suivait de cha- 
que côté la colonne des voitures, et Tartillerie de campagne, divisée 
en batterie de deux pièces, marchait en tète de chaque bataillon. 
C'était déjà, on le voit,un commencement d'artillerie régimentaire (^). 
Ce fut dans ce même ordre que, sous Louis XIII, marchait l'armée 
royale commandée par le duc d'Orléans» quand elle s'avança en 1636 
sur Gournay en Picardie (2). 

Au commencement de la guerre de Trente-Ans» tous les préceptes 
établis par la guerre des Pays-Bas, se reproduisirent avec plus ou 
moins de succès. A la bataille près de Bade, en 1618, entre Mans- 
feld et Bucquoi, le premier avait disposé ses troupes de la manière 
suivante : au centre étaient tous les chariots et tous les canons for- 
mant un retranchement; un seul bataillon d'infanterie était en avant, 
tous les autres se tenaient derrière le retranchement; la cavalerie 
se trouvait aux ailes> divisée en escadrons placés en échiquier C^). 
Bataille de Prague,4620. A la famcusc bataille de Prague qui eut lieu en 16209rarmée de Bo- 
hème, forte de vingt mille hommes, était rangée sur deux lignes for- 
mées par six gros bataillons carrés disposés en échiquier. Chaque ba- 
taillon avait à chacun de ses angles un carré de mousquetaires, et, 
à ses flancs, trois escadrons de cavalerie formant la pyramide. L'artil- 
lerie, composée seulement de six pièces, était placée derrière la pre- 
mière ligne, dans trois redoutes élevées au centre et aux ailes. La 
pente du terrain lui permettait de tirer par-dessus les troupes pla- 
cées en avant. En réserve, il y avait six mille hommes de cavalerie 



(1) Diêcours militaires du sieur du Praissag, p. 9. Paris, 1613.— Chàpputs» HiHoire de 
la Guerre des Pays-Sas, liv. 15, o» 227, et Hotbr, 1. 1, p. 417. 
(2] Zo«'Wft«au, p. 439. 

(3) JoH. Pbtri Loticbii, Rerum Germaniearum, \vr. u, ch. vi, p. 68. Francofurle, 1646. 
fhealrum Europœum, l. i,p. 410. Francfort, 1662, d'après Coitstantus Pebbgiihcs. 



LITRE !•'.- CHAPITRE m. 313 

en une seule masse. L'armée des Impériaux, forte de douze mille 
hommes d'infanterie, était à peu près disposée de même. Les deux 
premières lignes étaient composées de sept bataillons carrés placés 
en échiquier, ayant sur les flancs des escadrons placés de même en 
échiquier ou en quinconce; la réserve était composée d'un gros ba- 
taillon carré et de huit mille hommes de cavalerie. 

L'artillerie était distribuée sur le front en six batteries de deux 
pièces (0. 

Cet emploi par les deux arpiées d'une forte réserve de cavalerie 
ne se retrouve plus dans les batailles suivantes; il est curieux à signa- 
ler, quoique, en cette occasion, les armées n'en tirèrent aucun avan- 
tage, car la déroute commença dans l'armée bohème par les six 
mille hommes de réserve qui prirent la fuite. 

A cette bataille, rartillerie, qui d'ailleurs était très peu nom- 
breuse, ne joua pas un grand rêle; cependant, elle servit à maintenir 
l'ennemi, tandis que Tilly portait ses principales forces sur l'aile 
droite qu'il renversa; ce qui lui donna la victoire 

A Wimpfen, en 1622, l'artillerie fut disposée des deux cêtés d'une Bauuu de winiprti 
manière tout à feit singulière. D'abord, il faut signaler la réappa- 
rition de ces ribaudequins du xnr* siècle, qu'on cita alors comme une 
invention du Margrave de Baden-Durlach. En eflet, ce prince avait 
amené une grande quantité de chariots d une nouvelle façon. Outre 
vingt canons, il avait dix-huit cents voitures, dont quelques-unes 
étaient armées de piques et sur lesquelles se trouvaient de petits mor- 
tiers (Wagenburg von Spitzwagenmit Feuermœrssem)C^)JI alla cam- 
per dans un rentrant formé par le Necker et un ruisseau nommé Bel- 
Unger; sa retraite ne pouvait se faire que par deux ponts- Sauf 
quelques escadrons postés sur sa droite au village de Ober-Eys- 



(I) Loncm it Ber. O^rm.^ Ht. tn« di. ix, p. 910. 

(ti Lancam, Ut. u, di. y, p. VA, Tkêt^ênm Bmrapmwm, i, t, p. S», ei Scnu- 
smcar, u m» A. iir, p. IM. 

TOBI I. W 



314 GUERRE DE CAMPAGNE. 

sheim» son armée formait une masse circulaire entourée de chariots 
et de canons. Tilly appuyant sa gauche au village de Wimpfen, sa 
droite à un bois, disposa ses troupes sur une seule ligne ; sa cavale- 
rie était massée aux ailes, son artillerie se trouvait en arrière sur 
un monticule et tirait par-dessus ses troupes. Les canons de l'armée 
espagnole jettèrent le désordre dans les rangs ennemis; Texplosion 
des voitures à poudre réunies au centre^ el finalement la prise du 
retranchement portèrent la confusion au comble dans cette agglo- 
mération d'hommes, de charrettes et de chevaux entassés dans un si 
petit espace. 

A la bataille de Hœchst, en 1622, Tilly avait dix-^fauit bouches à 
feu, tandis que l'armée du duc Christian de Brunswick n'en comp- 
tait que trois. Christian voulait forcer le passage du Mein. La bat- 
terie de Tilly, placée en triangle, d'après l'expression de Loti- 
chius (0, fit un carnage épouvantable en tirant à mitraille contre la 
cavalerie (^), et le duc ne put atteindre la rive gauche du fleuve 
qu'après avoir perdu la moitié de son armée qui se montait à dix- 
huit mille hommes. 

Dans la même année, Mansfeld et le duc Christian de Brunswick 
furent arrêtés près de Fleurus par l'armée espagnole commandée 
par Corduba. Des deux côtés, l'artillerie fut placée en arrière sur un 
monticule, ce qui permit de tirer par-dessus les troupes C^L 

Mansfeld n'avait que deux pièces, et son infanterie, repoussée 
trois fois, souffrit cruellement du feu des Espagnols qui avaient 
sept canons; cependant, sa cavalerie étant parvenue à s'emparer 
de rartillerle ennemie, les Espagnols abandonnèrent le champ de ba- 
taille. 



(1) LoTicmus, lîY. XI, ch. n, p. 309. 

(2) « Vier und zwanzig stûck zu drei und vier pfunden in einer Ladong. » Theairum 
EurofiBum de 1617 à 1629, par J. P. Abelinum, tom. i, p. 632. Fraocfoit, 1662. 

(3) Voyet le plan dana LoncHius et dans le Theairum Europœum, tom. i, p. 666. Franc- 
fort, 1662. 



LIVRE 1«. - CHAPITRE IH. 3|5 

Tilly battit à Stattlon en Westphalie (t623) les troupes do doc de 
Brunswick, les repoussant de position en position au moyen d'at- 
taques toujours eflScacement précédées de décharges d'artillerie. Il 
prit au duc Christian onze demi-canons^ cinq moyennes et quatre 
mortiers (*). 

A Luther (1626), près de Wolfenbuttel, il obtint le même succès 
sur le roi de Danemarck, qui perdit TÎngt-deux grosses pièces (9. 

D'un autre côté, Wallrastein, duc de Friedland, général de l'ar- 
mée impériale, gagna en 1626 de sanglantes victoires contre les ré- 
formés. Il avait construit au pont de Dessau, au confluent de l'Elbe et 
à la MouIda,une formidable tète de pont; Mansfeld, qui avait joué un 
si brillant r61e dans cette guerre, crut pouvoir attaquer avec sept 
canons et deux mortiers une armée aussi bien retranchée* 11 Ait fou- 
droyé par Tartillerie autrichienne et mis dans une déroute com- 
plète (3). 

Ainsi, au commencement de la guerre de Trente-Ans, les géné- 
raux qui avaient commandé les armées de l'empereur Ferdinand et 
de la ligue catholique, avaient dû leurs succès à l'habileté avec la- 
quelle ils avaient su s'emparer des positions les plus avantageuses, se 
tenant sur une défensive presque inattaquable, foudroyant de 'loin 
l'ennemi avec des pièces de gros calibres placées dans les endroits les 
moins accessibles, et saisissant le moment farorable pour tomber sur 
leurs ennemis avec des masses d'infonlerie et de cavalerie couvertes 
de fer. C'est ainsi que sous les généraux Tilly, Wallenstein , Pappen- 
heim, il s'était formé une race de vieux soldats wallons et allemands 
qui se croyaient invincibles, parce que, dans les guerres précédentes , 
ils n'avaient jamais été vaincus. Gutupbt-Ajoipiit. 

Mais dans le Nord, un nouveau César venait de paraître ; il allait 



(1) LoTiCBWS, liv. xiii, cb. Il, p. 358, Tkeatrum Europ^Bum, toui. i, p. 747. 
^2) Thtairum Eur^p^wn^ tooi. i, p. 932. 
(3) LoTicmus, IW. XT, cb. ▼, p. 449. 

ko. 



316 GUERRE DE CAMPAGNE. 

par ses exploits efiEacer le souvenir des grands capitaines qui Tavaient 
précédé, et prouver à l'Europe avec quelle facilité le génie sait triom- 
pher des obstacles et du nombre, Gustave-Adolphe avait dès son 
jeune âge montré les rares qualités qui font le grand homme de 
guerre et Téminent homme d'état. Instruit théoriquement de tout ce 
que la science avait inventé pour perfectionner l'art de la guerre, 
il connaissait de plus, par les rapports que lui avaient faits des of- 
ficiers français, hollandais, allemands et anglais» tout ce qui s'était 
pratiqué de remarquable dans les dernières guerres, et son esprit 
analysateur et profond avait tout comparé pour tout perfection- 
ner (*). 

Lorsque, après avoir fait la paix avec les Danois et les Moscovites, 
il mena ses armées contre les Polonais et contre L'empire d'Alle- 
magne, il examina avec attention quels étaient ses ennemis et par 
quels moyens il pourrait se rendre supérieur à eux. En Pologne, il 
avait à résister à des masses innombrables d'excellente cavalerie. 
En Allemagne, il trouvait comme adversaires une infanterie iné- 
branlable, une grosse cavalerie couverte de fer, montée sur de grands 
et forts chevaux entiers tels qu'il ne pouvait s'en procurer en 
Suède (^}, une artillerie puissammentet savamment organisée. Enfin, 
c'était loin de son pays et de ses ressources qu'il devait aller cher- 
cher chez eux des] ennemis forts de leur nombre, de leurs avantages 
et tout enorgueillis de leurs victoires passées. * 

Mais Gustave-Adolphe comprit qu'en adoptant une tactique et une 
stratégie meilleures que celles de ses ennemis, il se rendrait bientôt 



(1) n Les guerres où la Suède se trouyait alors engagée en (1605), et TarmisUce de deux 
ans conclu dans les Pays-Bas attirèrent alors en Suède beaucoup d'officiers français, al- 
lemands, anglais, écossais, flamands, quelques Italiens et même des Espagnols... Les offi- 
ciers se plaisaient à répondre à toutes les demandes du jeune Gustave. » Histoire de Gustave 
Àldolphe, composée sur les MSS de ârkbnholtz, par D. M., p. 19. Amsterdam, 1764. 

(2) Kcmig. Sehwed. in Teutschland gefOhrten krieg. deBAGisu^F Psa. von GsBMifiTz, 
liv. m, p. 206. Ait. Stettin , 1648. 



UVRE !•'. — CHAPITRE IV. 317 

supérieur à eux, malgré tous les avantages que ces derniers avaient 
sur lui. 

Or, la stratégie, c'est la science des marches à travers de grands 
espaces de pays, et la tactique, c'est la science des mouvements sur 
le champ de bataille. Gustave s'appliqua donc à rendre son armée 
mobile pour la marche comme pour la manœuvre. 

Dans ce but, il allégea son artillerie, en facilita la marche en la sé- 
parant par petites sections placées dans les colonnes; il exagéra même 
ce système en affectantà chaque régiment des pièces régimentaires. 11 
partagea l'infanterie et la cavalerie en divisions et subdivisions qui, 
formant des unités complètes sous des chefs particuliers, pouvaient» 
dans la marche comme dans le combat,ètre facilement réunies ou dé- 
tachées suivant le besoin du moment. Ses troupes passant ainsi facile- 
ment de l'ordre en colonne à l'ordre en bataille, il put sans incon- 
vénient diminuer leur profondeur. U augmenta alors leur front, et 
par conséquent l'effet des armes à feu. 

«< L'infanterie, dit Chemnitz (<), était divisée en régiments et en 
« compagnies- Les compagnies en sections et escouades (corporal 
« schaff*ten), dont chacune avait son chef de file et de demi-file, de 
« sorte que chaque simple soldat sans l'ordre des oflSciers connaissait 
« de lui-même sa place.» Une compagnie était composée de soixante- 
douze mousquetaires et cinquante-quatre piquiers; huit compagnies 
formaient un régiment de mille huit hommes, et deux régiments for- 
maient une brigade (^), «et comme le Roi avait trouvé^continue Chem- 
N nitz, que, dans les bataillons profonds,formés d'après la vieille ma- 
« nière, les derniers rangs étaient gênés par les premiers, et que le 
« canon, quand il donnait parmi les troupes, produisait un grand ra- 
« vage, il ne fit mettre son infanterie que sur six hommes de hauteur; 



(i) MmnigUch. Sthwed. in T^mtcUamâ gefikrten krUg, dmrch Uxiger-kmnig. M. zû 
Sckw^éinHiiiariographen BoouLAfv Pmurn ton CiinDnTi,t*' theil»p« 475. Alten-Siei- 
tio,t6l8. 

(i) WAtm UABTt, Hiitary ofGuilmui Molphmt, tom. n, p. 83. LondoQ» 1768. 



318 GUERRE DE CAMPAGNE. 

'< mais lorsque le combat commençait, on doublait les files de sorte 
« qu'ils ne se trouvaient plus que sur trois de profondeur. De cette ma- 
« nière) le canon ne faisait pas beaucoup d'efiet, et les derniers rangs 
(c pouvaient comme les premiers employer leurs armes contre les 
M ennemis- Le premier rang se mettait à genou ; le second se pen- 
<( chaity et le troisième restait debout ; de cette manière les trois 
u rangs pouvaient faire feu. Il avait inventé une nouvelle manière de 
« ranger Tinfauterie, afin que les mousquetaires fussent à Tabri des 
<« piques, et que ceux-ci à leur tour se trouvassent soutenus par les 
<( premiers. De même qu'un escadron était soutenu par un autre et 
« que chaque brigade était comme une petite forteresse ambulante, qui 
« a ses courtines et ses flancs, dont Tune est défendue par le feu 
« croisé des autres, de mèmci les brigades, ayant entre elles les di- 
« stances et les intervalles voulus, formaient des corps séparés ; elles 
« étaient défendues de côté et à. dos par la cavalerie, et celle-ci l'é- 
« tait à son tour par leâ mousquetaires qui y étaient interca- 
« lés* » 

Plusieurs auteurs entrent, à ce sujet, dans des détails à peu près 
semblables 0); d'où il résulte que les piquiers étaient placés sur six 
rangs et protégeaient les mousquetaires. C'était l'ordre du prince 



(1) Prœterea dicebat, se novam et pulcherrimam îd îpsios exercitu formain aciei observâksse 
qnam hoc loco describere DÎmis prolixum foret. Somma hùc redit, eam manîtioDi similem, 
qus ab omni parte, qdà bosti accessus patet, eum destinatis ietibus petere queat-, Déque tan- 
tam machinas commode posse displodî , sed etiam quemque sdoppelarium viritim jaculari^ 
et hostem ferire : quod in magno agmine quadrato fieri nequeat, obi duobus aut tribus or- 
dinibus scloppeta displodentibus reliqoî ictus sint inanes, âded ut agmen iUud ab irruente 
equilatu &cile dissolvi possit^ quod in acie suecicâ fieri nequeat; nam priusquam hostilis 
equitatus se loco movere aut impetum facere possit, scloppetarios sub praesidio non untum 
hastatorum , sed etiam equîtum, tanquam duorum propognaculorom quae ad iatera hat>eaDt, 
tutos esse : ad hsec multos gradus inter scloppetarios esse ad receptum, ut priusquam hostilis 
equitatus ad ultimum agmen pervenire, et lllud dîsturbare possit^ eum dissipari necesse sit; 
cum igitur cohaerentia totius aciei, equitatus et peditatus, tormentorum majorum ac minorum 
necnon scloppetariorum, maximi sit momenti; se non vîdere, quomodo hujus modi ades, 
nisi Deo ita volente, aut si priusquam instructa sit, faosiis eam ex improviso invadat^ fondt 
ftigariqoe posslt : in eo autem victoriam verti, ut ordines senrentur, nec acies rumpatur. 
Arma iuecieaj P. Arlanibao, p- T5. 



LIVRE K— CHAPITRE IV. 319 

Mauriccmaisrordreperfectionné.Un manuscrit français de Tépoque 
représente la figure suivante (^) qui nous a paru beaucoup plus fi- 
dèle que les plans de lord Rea, parce qu'elle est plus d'accord avec 
les récits des batailles. Les P indiquent les piquiers et les M les mous- 
quetaires; LosteInaUy qui donne cette figure, dit que les mousque- 
taires pour faire feu passaient par les intervalles par files et par 
rangs. Il y avait entre les brigades et les escadrons d'assez grands 
intervalles, et lorsque l'armée était rangée sur deux lignes, les pleins 
de la première ligne correspondaient aux vides de la seconde. 






La cavalerie était divisée en cornettes de cent à cent vingt che- 
vaux ; huit, onze, douze, seize ou vingt-quatre de ces cornettes for- 
maient des régiments (^. « Pour la cavalerie, dit Chemnitz, sa 
'< maxime était de ne pas faire de caracoles et de conversions, mais il 
» la plaçait sur trois hommes de hauteur; elle devait tomber droit 
» sur l'ennemi, le renverser par son choc {ihn chacquiren) ; le pre- 
« mier rang, etau plus le second, devaient faire feu, seulement quand 
« ils pouvaient distinguer le blanc des yeux des ennemis ; ensuite ils 
« devaient prendre le sabre en main. Le troisième rang, au con- 
<« traire, ne devait pas tirer, mais avoir l'épée à la main, et conser- 
« ver les deux pistolets en réserve pour la mêlée. Les deux premiers 
« rangs conservaient un pistolet dans le même but (^). » 



(1) Maréckai dt BatailU, par LofTBUiAO, écrit eo 1640, Codex Colbert, 70. Regius, 6807, 
S, loUo». 

Nelli sietia btttaglia marchiaTaoo aliri quauro corpi di iaoïi coo Urga frooie, e dieiro a 
primi, in modo di potere nel vacao dall* nno ail' altro fianoo subinuar seoia confosione in 
Latien. Gauaxio Goâloo, Ut. it , p. 144. 

(3) AiLAHiMOS, p. 7i, 1633, et U Soldai iuédoiê,%lk%. Rooen, p. 1649. 

(3) Cnnnfin, 1- partie, p. 475. Paris» 1641. 



4 



\ 



} 



320 GUERRE DE CÂliPÂGNE. 

Pour tenir contre la grosse cavalerie des Autrichiens, dont le choc 
était presque irrésistible, il plaçait entre les escadrons des compa- 
gnies de mousquetaires de quatre-vingts à deux cents hommes sur trois 
de hauteur. Cet ordre, adopté pour la bataille, l'était également pour 
la marche (^). 

Mais il n'employa jamais ce qu'on appelait les enfants-perdus ou 
tirailleurs, pensant probablement comme Montluc que c'était peine 
inutile que de s'amuser à ces longues escarmouches qui font tuer 
des hommes sans rien décider. Ayant diminué ses troupes de pro- 
fondeur, Gustave-Adolphe pouvait , tout en opposant à son en- 
nemi un front étendu , faire plusieurs lignes, disposition qui empê- 
chait que toutes les troupes ne fussent engagées à la fois, et qui per- 
mettait de remédier à un échec partiel. Or, les généraux qui lui 
étaient opposés comprenaient bien les avantages de cette ordonnance; 
mais, la première règle de tactique étant d'opposer à son ennemi un 
front aussi étendu que le sien, l'excessive profondeur de leurs trou* 
pes les obligeait à les disposer sur une seule ligne (^); car, ainsi que 
nous l'avons dit plus haut, dans la plupart des batailles que Tilly et 
Wallenstein livrèrent avant d'être en présence des Suédois, ils avaient 
presque toujours disposé leurs troupes sur plusieurs lignes. 

Gustave-Adolphe, tout en reconnaissant l'avantage des armes dé-» 
fensives, pensa qu'un trop grand poids à porter devait nuire à la rapi* 
dite de la marche^; en conséquence il ne conserva de l'armure que la 
cuirasse et le casque (3). De plus, il comprit que dans une armée les 
maladies mettent plus d'hommes hors de combat que les blessures ; il 
donna donc à ses troupes desvêtementschauds(^) qui les garantissaient 



(1) Voye% Tordre de marche suédois dans le Maréekal de Boialle de Lostblnaii, Paris, 
16*7. 

(2) « Les Impériaux firent k Lutzen de si gros bataillons et escadrons, qu'ils eussent pu, en 
les divisant, foire une seconde ligne. u'Iiore de Guerre , par B* Aimioif ac. MS LeteUier-Lom- 
▼ois, fol. 83, n» m. Reg. 9350, A, 34. 

(3) Wàltbr Harti. 

(4) HUloire de Ouêtaoe- Adolphe^ par Arunhols. 



LIVRE 1«'.~ CHAPITRE IV. 391 

à Tabri des inlempëries des saisons, il les préservait bien mieux de 
la mort qu'eu les couvrant de fer. 

Il donna à son infanterie des casaques bleues et jaunes ou noires, 
distinguant ainsi les régiments par les couleurs (^). 

Il perfectionna les armes à feu portatives. On a vu que depuis un 
siècle le mousquet, adopté en premier par les Espagnols, était resté en 
grand bonneur. En effet, dans bien des occasions secondaires, ces 
armes, qui lançaient des balles de deux onces d'abord, pnis de dix à 
la livre, pouvaient être avantageuses, surtout à une époque où Tar- 
quebuse ne lançait qu'une balle de trente-deux à la livre, et plus 
tard de vingt-quatre. Mais les mousquets étaient pesants et incom- 
modes à tirer à cause de la fourchette, et ils ne pouvaient convenir 
à un homme qui voulait arriver au succès par la rapidité des mou- 
vements. Dès lors, le calibre des arquebuses étant devenu passable* 
ment fort, ces armes purent remplacer les mousquets; et, quoique 
le nom de mousquet fût seul employé sous Gustave-Adolphe, on peut 
dire que le prince suédois ne fit réellement usage que d'arquebuses 
perfectionnées. 

Il supprioui en partie le serpentin, moyen incommode et lent de 
mettre le feu, et arma quelques compagnies du mousquet à rouet (^. 
Au lieu de la bandoulière, où les charges se trouvaient perdues à 
l'extrémité de cordonnets qui s'embarrassaient toujours les uns dans 
les autres, il fit adopter la giberne qui contenait des cartouches. 

L'artillerie subit également d'importantes améliorations. Gus- 
tave-Adolphe créa une artillerie dont les calibres étaient de 3, 4, 
6, 12, 16, et 90 (3); les boucbes à feu étaient en bronze, en fer coulé, 



(l)«Enlaiiii|gior ptrtede'ioMtli Testitidi ottaodieauiiiTee gialle.-GAUAXioGiALDO, 
K?. n, p. 47. • Parte di nere c pMe di gialle casMcbe adobbaU. > Ibidem, \h. ir, p. 144. 

(9) WaluBàbti, Hiitofy ofGustamU'Adofphw, aTaot-propos , p. 13. i^Ddoo,i76S. 

(S) Lealé attaqua la redoole éle?ée à IHe de BQgen , en IS3D, atec deui gmt caooos de 
IS» et 6 de 4 et de sli livres. CauiiiTi, p. 45. Sieltio, 1618. 

Eo ISas, le corps d'armée svédois do Necker avait deux demi-caooDS, quatre pièoes de 
IS et neuf pièces de campagne. CHnnnn,liv. iv, p. 34S. 

TOMB 1. 41 



(larlMfbi*. 



^n GUERRE DE CAMPAGNE. 

et soi-disant en cuir (*), c'est-à-dire en tôle de fer cerclée avec 
des lanières de cuir. Les pièces régimentaires, qui ne quittaient ja- 
mais les régiments auxquels elles étaient attachées, étaient très cour- 
tes et très légères (^); elles étaient traînées par un cheval et même à 
bras d'homme C^). a Les canons de cuir, dit Chemnitz, lui furent 
« d'une grande utilité contre les Polonais et en Prusse ; de même 
» que plus tard dans la guerre d'Allemagne, les petites pièces régi- 
<« mentaires courtes» à large embouchure, avec lesquelles on tirait 
« plus à mitraille qu'à boulet, et dont les troupes de Tilly reçurent 
« à Leipsick un merveilleux dommage W« » 

Les gros canons étaient attelés de vingt chevaux et les autres de 
six ou de quatre chevaux (^). 

Pour accélérer le tir, il fit adopter des cartouches de bois très lé- 
gères auxquelles le boulet était attaché; de cette manière, Tartillerie , 
dit un auteur de l'époque, pouvait faire huit décharges avant que le 
mousquetaire eût tiré six coups (^). 

Il avait affiranchi son armée d'une grande partie de ce nombre im- 



« Quamvis sex pilos triginta Ubrarum sedes penetràrint, et in cubîlibus juxla pectos cecid«- 
rint. » Arlànibaos, p. 1262. 

(1) Vayex dans le second volume, article Bouches à Feu, la définitioD de ces canons. Dès 
1628, les Suédois avaient de ces canons. Lotichius, lîv. xxiv, cb. i, p. 611. 

(2) a Hic validus exercitus armorum tormentorumque varii generis apparato, sic qui- 
dem erat instniaus. Ut tametsi baec cura spectaret ad certum tribunum suecicum nihilomi- 
nus rex ipse contemplaiionem super eam rem assidue injiceret. Ci]gus înduscrià inventa tor- 
menta bellice minoris generis et fere portatilia, quibus legiones utebantur. Et sic quidem 
eipeditè utpromptîusquamsclopeta manuaria et toties exonerarentur. » Lotichius, Uv.xxvii, 
cb. I, p. 782. 

(3) « Die régiments Stûcklein welcbe von einem Pferde gezogen auch aufn Notbfall wol 
von zwo oder drey Personen gerûcket und mit grosser Geschwindigkeit bin und wiederge- 
bracbt und gewandt werden konnte. » Chbhiiitz, 1'* partie, p. 210. 

(4) CHBMNrrz, V partie, p. 475. 

(5) « Vigenti majora tormenta quorum singula à vigenti equis et mirera k sex equis tracta. 
Pbil. Arlakibao, 2« part., p. 11. 

(6) « Imprimis autem praedicabat, quod rex multas parvas macbinas haberet. ex quibus 
octo ictus displodi possent, prius quam scloppetarius sextum ictum emilteret.» Haplopkoruê 
Sueco-regiuê, autore Phil. ARiAiaBAO, anno 1633, p. 74. 



LIVRE {•'.—CHAPITRE IV. 3-23 

mense de bs^ges» de goujats et de femmes, qui encombrait les 
armées allemandes (^); et, dans les marches comme dans les campe- 
ments, les Suédois observaient un ordre admirable (^. Gustave- 
Adolphe faisait marcher les voitures de chaque régiment dans le même 
ordre que tenait le régiment, et campait» non plus comme les Espa- 
gnols en s'entourant du charroi, mais dans Tordre de combat, sur 
deux lignes; une partie de Tartillerie était au centre de la première 
ligne, protégée par la cavalerie et des pelotons de mousquetaires; 
la seconde ligne était formée du reste des troupes, et le bagage se 
trouvait réuni en carré derrière cette seconde ligne C^). 

« Personne ne l'égalait, dit Chemnitz, à mener Tarmée contre 
« Tennemi ou à conduire la retraite sans éprouver de perte ; à la loger 
« à son aise en plein champ, et à entourer en bâte son camp de re- 
« tranchements. Il était impossible de mieux connaître la fortifica- 
« tion, l'attaque et la défense. Personne ne savait mieux que lui 
« juger son ennemi et se conduire d'après les divers hasards de la 



(1) « Tous DOS am portent que Piocotomini n'a, en effet, qae quinze cents cheYaux de 
eomba*., et cinq à six mille hommes de pied avec cinq o« six mille femmes.» LeUre du cardi- 
nal de Richelieu au cardinal de La Valette. Chaillol, le 4 aoust 1637. Mémoirei n'AuiUT, 
t. Il, p. 67. 

(9} • Pour la marche do bagage^ Il font observer Tordre des Snèdes, qui est asseurement le 
plus parfait qu'on poisse jamais pratiquer, sçavoir : que W bagage de chaque régiment mar- 
che et tienne !e même rang dans la colonne do bagage qoe les régiments tiennent dans celle 
de l'armée, et par ce moyen Pon sera tout k bit asseoré qo'b mesure qoe les régimenu arri- 
veront au camp, que leur bagage y arrivera de mesme et h mesme temps, ce qui sera un grand 
soulagement pour les ofDciers de trouver ainsy commodément k leur arrivée chacun le 
sien. 

« Mais il lautaussy observer que le capitaine général du charroy, avec le prevost général de 
rarmée ayant ensemble le soiog de faire marcher le bagage de chaque régiment, chacun dans 
son rang, et cbattier rigoureosemeut ceux qu'on trouvera manquer h cet ordre. 

• n but de plus, tous les jours de marche, détacher de chaque régiment, k la suédois, des 
hommes commandés pour la garde du bagage de chascun» et ces hommes sont tout b fait né- 
cessaires pour la conservation , veu que s'il arrive par malheur que quelque charrette soit 
embourbée dans quelque mauvais chemin, ceux-ci presteront plus volontiers la main à la 
dégager , que d*autres ne feroient pas s'ils estoient d'autre corps. » I# Livrf de Guerre par 
le sieur d'AcaiGNAC, mare$ehal de bataille, MS Leiellier-Loovois, 124. Reg. 9350. A. 34. 
fol. 49. 

v3} Foyei LosniNAti. p. 431. Paris, 1647. 

U. 



)echam|t de bataille. 



221 GUERRE DE GAUPAGNE. 

« guerre. Prenant à rinstant même une résolation, sur la contenance 
» de l'ennemi et profitant de l'occasion^ il était impossible de l'égaler 
« dans la manière de placer ses troupes en bataille. » 
, Disons encore, en terminant, que Gustave-Adolphe pour mettre 
le sceau à ces dispositions, qui révélaient tout son génîe,avait adopté 
la discipline la plus sévère et en même temps la plus juste et la plus 
libérale. Dans son armée, la faveur n avait aucun empire, et per- 
sonne ne pouvait parvenir sans avoir passé par tous les grades. Enfin, 
donnant lui-même l'exemple de toutes lesvertusmilitaires^il s'exposait 
aux mêmes dangers et partageait les mêmes fatigues et les mêmes 
'privations que ses soldats- Lorsque ses troupes campaient près d'une 
ville, le roi de Suède couchait au milieu de ses soldats en plein 
air W. 

En 1626, Gustave- Adolphe avait battu la cavalerie polonaise à 
Efreidei'ariiiierie sur Waltefsur la Dwiua, cu opposant à une nombreuse cavalerie une 
ligne de fer et de feu. 11 en fut de même près de Stum en 1628. Ce- 
pendant, dans ce dernier combat, l'artillerie polonaise, démasquée à 
propos, fit beaucoup de mal aux Suédois , et rendit un moment la 
victoire douteuse. 

Mais ce fut dans les campagnes d'Allemagne et lorsqu'il se trouva 
chef de la ligue protestante, que sa gloire brilla de tout son éclat. En 
1630, il débarqua à Usdom, près de l'ilede Rugen, à la tête de quinze 
mille hommes. Il s'empara des places de la Poméranie et de la haute 
Saxe.Une division de ses troupes était près de la villede Demnin;leduc 
Savelli,un des lieutenants de l'empereur d'Allemagne, voulut tomber 
à r improviste sur ce corps qui ne montait qu'à trois mille hommes- 
Gustave instruit de ce mouvement, alla se mettre à la tête de ses sol- 
dats. Savelli avait disposé ses troupes d'après la méthode italienne, ne 
fot*mant qu'uneseule ligne étendue; il crut pouvoir envelopper la petite 



(t) Soldai iuédois, p. 151. Rouen, 16i2. 

Waltbr Hjuitb, HUlory^ aTaat-propos, p. 7. LoDdon, 1768. 



LIVRE K— CHAPITRE iV. 3tt 

armée de Gustave-Adolphe, mats celui-ci, d'un coup d'œil, jugea la 
mauvaise disposition de son adversaire; il vit qu'il avait placé sonar^ 
tillerie hors de toute protection, et il en augura la victoire pour lui- 
même (^). Il forma sa troupe en colonne (^), aborda le centre de Ten- 
nemi, enleva ses canons et, se déployant ensuite à droite et à gau- 
che, le mit dans une déroute complète. 

Ses succès augmentèrent ses forces, et lorsqu'il s'avança sur r£lbe, 
il se trouva à la tète de dix-huit mille hommes et de deux cents pièces 
de canon, dont les deux tiers, il est vrai, formaient le parc de siège et 
voyageaient par eau ^^^^ 

Tilly, qui avait une armée deux fois plus nombreuse que celle du 
roi de Suède, marcha à sa rencontre (1631). Celui-ci se trouvant fort 
inférieur en nombre, se retrancha près de Werber, là où le Havel 
se jette dans l'Elbe. Ce dernier fleuve forme^un coude très pro- 
noncé, de sorte que le camp suédois occupait un espace de terrain en 
arc de cercle, dont le retranchement, qui enclavait la ville de Wer- 
ben, était la corde (^). Les soldats suédois étaient si habitués à re- 
muer le sol, qu'en quinze joui^ toute la ville de Werben fut en- 
tourée d'un rempart en terre formant une enceinte bastionnée, et 
des deux côtés de la ville une digue, qui s'étendait jusqu'au fleuve, fut 
en quatre jours changée en parapet. Des pièces furent mises en bat- 
terie de distance en distance et placées derrière des mantelets en 
bois qui les dérobaient aux yeux des ennemis (^). . 



(1) « Uu^qne tic suoie acie, rex aoîmadTertii Sayelli rem tormeouritm ptrva acdebilî 

■laoa esse confirniatam. Ideoqae tel hioc nente pneconcepil Tictoriam » Loncen, Ht. 

uxni, cb. m, p. 8M. 

(i» Mit ungctheilter Ordnuog. KeTeobuUer Ànnale$. « Coofertis agmioibas io caesareaDOs 
Mttcipit Impetom. Tanquam ordioes perempumis. Sic facuiiii,iit pari lege SaTclUos spissarei 
esoeos. laterim rexallad simuIaDdo, aliud ioleolabau Dumenîm impressioDein Cidt, velvl 
perrupiunit^ ecce, ex opùuUo dipisU ordinibuê, magni invedos celeriute, sQomin com parle 
decKoai torroeDtaque féliciter înterdpit. • Loncnus, I6ideai/ 

(3) Le Soldai êuédaiê, p. 30, 111, 743. 

(4) Voyez le plan dooné par Lotichioa, Kt^u, ch. i, p. 99D , ei les anoouiioas eo allemaad 
q«i accompagoeot ce plan. 

(5) ikidew^ 



326 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Deux ponts de bateaux, jetés sur TEIbe, assuraient la retraite. 

Tilly voulut attaquer le Roi dans ses retranchements ; il fit éta- 
blir une batterie de trente-deux pièces de canon qui ne produisit pas 
grand effet (^), comme ilj arrive presque toujours aux batteries qui 
sont dirigées contre des ouvrages en terre. L'assaut général fut or- 
donné, les iroupes s'approchèrent des retranchements ; mais, arri- 
vées à une petite distance, elles furent saluées par une décharge 
générale. Gustave-Adolphe avait commandé à toute son artillerie de 
tirer à la fois à mitraille ; leffet produit par ce tir fut immense ; les 
Suédois en profitèrent, ils sortirent de leurs lignes et chargèrent Ten- 
nemi qui se retira laissant six mille hommes sur la place (^). 

Tilly voyant ses eflorts inutiles pour forcer le camp suédois, et 
ayant appris que le maréchal Horn amenait au roi de Suède un ren- 
fort de quatorze mille honmies (^), se dirigea vers la Saxe, où il de- 
vait être rejoint par de nombreux renforts. 

Gustave quitta Werben et s'achemina vers Wittemberg pour opé- 
rer sa jonction avec l'électeur de Saxe, et l'ayant faite àDieben sur 
la MuldaW, il notarcha sur Leipsîck. 
Bataille de Leipscik, 7 A la nouvclle de SOU approchc, Tilly occupa toute la chatne de 
collines qui s'étend au nord de Leipsick ; il s'établit à cheval sur la 
grande route qui conduit de Leipsick à Wittemberg, se plaçant en 
avant d'un petit bois et du village de Breitenfeld. Son armée, .'orte 
de trente-cinq mille hommes, avait trente-six bouches à feu. Elle 
fut rangée sur une seule ligne à mi-côte des collinest et toute l'ar- 
tillerie se trouva placée derrière les troupes au sommet de ces col- 
lines. 

L'armée allemande était divisée en deux corps; la plus grande 
partie de la cavalerie était aux ailes; l'infanterie, au centre, était 

(1) a Die vigesimo septimo TilUus oontra castra suecica tormentis TefaeoneDter fulmiiiafiti 
nemo tamcn ex iUis prodiîl. » Arma Suecica, Ailaniiubo, p. 177. 

(2) Le Soldat tuédoU, p. 59. 

(3) Ibidem, p. 60. 

(4) Ibidem, p. 68. 



septembre lOSi. 



LIVRE l*'. - CHAPITRE IV. 3^ 

divisée ea seize bataillons de dix-huit cents hommes chacun (^). 

Gustave-Adolphe avait huit mille hommes d'infanterie suédoise 
et sept mille chevaux. L'armée de l'électeur de Saxe était de quinze 
mille hommes. Le Roi avait donc, en totalité, une armée presque aussi 
nombreuse que celle de ses adversaires. Pour arriver sur le champ de 
bataille, il devait traverser un défilé au village de Sodelwitz (^), ce qui 
offrait à Tilly an avantage dont celui-ci ne profita pas. Gustave rangea 
son armée sur deux lignes ayant chacune une réserve. La première 
ligne était composée de quatre brigades d'infanterie (3) et de qua- 
torze escadrons de cavalerie; l'infanterie était au centre, huit esca- 
drons à la droite et six à la gauche. Entre les quatre escadrons de la 
droite il y avait des pelotons de mousquetaires de cent quatre-vingts 
hommes. Entre les escadrons de l'aile gauche il y avait également 
des pelotons de mousquetaires forts de deux cent quatre vingts à 
trois cents hommes. Ces soldats d'élite, tirés des régiments qui 
étaient les plus nombreux W, furent toujours dans la suite nommés 
en France, d'après l'usage suédois, mousquetaires commandés. En 
avant de l'infanterie, il y avait une batterie de trente pièces de ca- 
non, et en avant de chaque aile une batterie de deux pièc». De 
plus, chaque brigade avait devant elle ses pièces régimentaires (^. 

Derrière la première ligne il y avait en réserve trois compagnies 



(1) Arma Smeica, ptr Aelahibao, imprimé en 1S33.— CnoniiTi , 1'* part. , p. 209, et 
Galiakio Gdàldo, II?, n, p. 50. 

(2) AftaiiaoLTt, et CHonan, p. 209. 

(3) « Unler der lolaiiterie im Corpo der Bataille waren die schwacfae Regimeoler , damit 
die Brigaten deaio stircker wurden xosammeugestosseo , «od besiand das ente Treffeo zii vier 
Brigaden lo (bas. > CnKim , !'• partie, p. 210. 

(4) GHtwiiTS,p.2tO. 

(5) « Ueber die grosse Caooos lO worao der Bataille gefohret wurden, halte jede Brigade 
ibie gewiaae Régiment StûeUeio^ lo ihreo defeosion.bej sieb. >» CnHiim , 1** partie, p. 
210. 

Questi régiment! erano diviai in aei bauaglierie di 1500 fanti ognuoo tra io spatio dl claa* 
coa de* quali ai condaceTanoalla fronte cioqoe peni di canoone di inoderoa ioveotione molto 
leggiere e agevole al maneggiarai per scaricarli pieni di sacchetti di palle da moscbeltogion- 
liai in deliiu diaianta. Biêi. d#l CvnU GéâJUMO Gqaldo. Prlorala, Iit. u» p. 46. Veneiia, 
I6U. 



318 GUERRE DE CAMPAGNE. 

de mousquetaires et deux escadrons ; la seconde ligne, précédée de 
six canons, était composée de trois brigades d'infanterie et de neuf 
escadrons de cavalerie, dont deux étaient en réserve. La totalité de 
lartillerie s'élevait à soixante-douze pièces de canon (^'^ 

L'armée de Saxe, qui occupait la gauche, était sur trois lignes; les 
bataillons et les escadrons rangés en échiquiers formaient trois py- 
ramides, l'artillerie composée de six pièces était postée au centre 
sur un mamelon- 
Gustave- Adolphe avait laissé un assez grand intervalle entre ses 
troupes et les Saxons, afin que la défaite de ceux-ci ne vînt pas met- 
tre la confusion dans son armée. Il voulait, dit Schiller, séparer dis- 
tinctement le courage saxon du courage suédois ; le sort aussi ne 
les confondit pas. 

La bataille commença par une canonnade qui dura deux heures/^. 
Tant qne les deux armées restèrent immobiles, Tartillerie deslmpé*^ 
riaux, qui croisait ses feux sur toute la plaine de Breitenfeld, devait 
produire plus d'effet que l'artillerie suédoise; car celle-ci avait de plus 
petits calibres, et était moins avantageusement placée. Comme la gau- 
che des Suédois souffrait du feu ennemi, le Roi la fit tant soit peu re- 
culer et avança sa droite &). AlorS; le fougueux Pappenheim, qui 
commandait toute la cavalerie de l'aile gauche des Impériaux, vient 
fondre sur l'aile droite des Suédois à la tète de huit gros escadrons 
bardés de fer. Mais là Gustave commandait en personne, et les mous- 
quetaires, mêlés à la cavalerie, arrêtèrent l'impulsion de cette masse 
de chevaux; sept fois Pappenheim revient à l'attaque, et obliquant 



(1) « Seidici pezzi di cannone grosso e venti sei pezzi da saccheuo (à mitraille)... e deoiro 
qvei battaglioni stavaoo trenta pezzi di eannoDe da campagna, » Galbàzzo Gualdo, Ht. n, 
p.46et47. VeDezia, 1643. 

(2) LOTICHIUS, liv. XL, cb. Y, p« 930. . 
Le Soldat SuédoU, p. 70. 

3) « Cum vero rex cognosceret suos in coroa siniscro a tormeotis adrets» partis non 
pamm laedî cœpisse, illlcet alios ordines tuperinduiil. » Loticbiub, Ut. xl» cap. y, p. 930. 



LIVRE K.- CHAPITRE IV. 3» 

à sa gauche^ il cherche à prendre le Roi à revers (<), mais le Roi le re- 
pousse chaque fois, se faisant soutenir par les trois escadrons qui 
forment la réserve de la première ligne, les quatre de la seconde li- 
gne et la batterie de réserve qui, tirant à mitraille à une petite di- 
stance, fait de grands rarages dans les" rangs ennemis (^). 

Pendant ce temps, Tilly descend de la colline avec toute son 
infanterie et le reste de ses troupes; au centre de la ligne sué- 
doise, il est arrêté court par la batterie de trente canons (^.11 oblique 
alors à sa droite et tombe sur l'armée saxonne qu'il met bientôt en 
fuite. Les canons saxons sont pris et retournés contre les Suédois. 
Les Impériaux se croient sûrs de la victoire, mais le génie de Gus- 
tave surveille tout le champ de bataille. De toute Tarmée saxonne, 
trois bataillons seuls et deux escadrons résistent encore; le Roi en- 
voie à leur secours tous les bataillons et tous les escadrons qui lui 
restent de sa seconde ligne ; et, faisant rassembler avec prompti- 
tude les pièces régimentaires des brigades, il oppose aux Impé- 
riaux une batterie formidable, qui vomit la mitraille à une petite 
distance W. Sûr d'arrêter l'ennemi sur ce point, Gustave avance sa 
droite, opérant ainsi un changement de front en avant sur son cen- 
tre 9); il s'élance à la tête de sa cavalerie appuyée par bon nombre 
de mousquetaires (^* La gauche des Impériaux, qui était dégar- 
nie, est facilement repoussée; les Suédois s'emparent des collines; 
toute l'artillerie y est portée, et ils la dirigent contre leurs ennemis 
qu'ils prennent à revers CO. 



* (1) Le Soldai êuédois, p. 70. Cbbhhiti, i^ pvt., p. Sll. 

(9) Gâuaiio Coaldo, li?. it, p. 51. • 

(S) LOTICBUS, <6tiMi. 

(4) m Womoler aoch die RegloieDt Sttkcklein to mao vod alleD Orten lusaimneogeffUiret 
io des Fciodcs grotte trouppeD ttarck.mid ooaolMrlicb gespielet, wardibre Ordoung, nacb- 
dem tie Eœoigliche mil eUidien ftirieoaen talveD cmpbngei), gebrocben and lertrenot. » 
CanniTz, 1'* part., p. Sli. 

(5) « îhn Froolliocàtamb. > IM. 
(f) L9SMmi$iÊéàoiê^p.T%. 

(7) • Le caooo eoneray ettaol eolrc Itt mîiit du Roy, îllvi il cteager de aire p roMpta 
loaa 1. 4S 




\ 



330 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Toute la ligne suédoise se trouve rétablie dans un ordre presque 
perpendiculaire à celui qu'elle occupait; partout elle reprend Toffen- 
siye, et Tennemi, pris entre deux feux, cède partout devant elle* 

Tilly, couvert de blessures s'enfuit vers Halle- La victoire fut 
complète, quoiqu'elle eût été opiniâtrement disputée. Les vieux sol- 
dats de Tilly combattirent avec un acharnement extraordinaire. 
Quatre régiments, qui avaient perdu tous leurs officiers et leurs sous* 
officiers, se rallièrent plusieurs fois, et, quoique réduits à six cents 
hommes, ils se retirèrent en ordre du champ de bataille. 

Néanmoins, comme Tarmée saxonne avait été mise en déroute 
dès le commencement de la bataille, on peut dire que ce fut avec seize 
mille hommes que Gustave triompha de trente-cinq mille. 

Les dispositions du Roi méritent d'être examinées avec attention. 
Jamais avant lui on n'avait fait mouvoir les troupes avec autant de 
promptitude et d'habileté sur le champ de bataille, jamais on n'avait 
fait un emploi aussi judicieux de l'artillerie, et nous croyons que les 
écrivains militaires n'ont pas rendu à ces dispositions la justice qui 
leur est due. Le roi de Suède veut porter les coups décisife sur l'aile 
gauche ennemie; dans ce but, il se place lui-même à son extrême 
droite, son centre est défendu par une batterie nombreuse, les au- 
tres pièces sont en réserve, ou distribuées par régiment; lorsque 
toute sa gauche est enfoncée, il présente à l'instant de nouvelles 
troupes à son ennemi sans dégarnir son front; le moment su- 
prême est-il arrivé? toute l'artillerie légère est réunie avec prompti- 
tude en une seule batterie sur le pomt décisif; enfin, le Roi,en pour- 
suivant toujours ses succès sur sa droite, pendant que le centre com- 
bat, se trouve par le fait avoir mis le premier en pratique l'ordre 
oblique rendu si célèbre parle grand Frédéric. 

Cette victoire ouvrit à Gustave-Adolphe toute l'Allemagne qu'il 



ineDt, en perça la bataille de Tilly et les couvrit de feu et d'esclats. Oo n'y vH Toler en ('air 
que bras et Jambes, partout que du saug et des cadavres. » Soldat médin$, p. 73. 



LIVRE l**.— CHAPITRE lY. 331 

parcoorut bientôt eu vainqueur à la tète d'une armée endurcie par la 
fatigue, exaltée parlemccès, et pleine de confiance dans le génie de 
son chef. 

On peut juger de la bonne discif^ine qui régnait dans l'armée 
suédoise, par la promptitude que mit le corps commandé par Bau- 
dissen à se rendre de I^eipsick à Wurtzbourg. Ce général, en Irait 
jours, traversa quarante-cinq lieues de pays, et fit capituler six gran- 
des viUes. 

Gustave- Adolphe s'empara de ki Franconie, passa le Rhin, puis, lus^n^ du L.Tfa. » 

mirs 1631* 

revenant sur ses pas , pénétra au cœur de la Bavière. Tilly avait 
rassemblé ses troupes derrière le Lech près de la ville de ftain* Gus- 
tave se décida à forcer le passage de cette rivière. C'étailune action 
très audacieuse en présence d'un général dont l'babileté consistait , 
surtout dans la défensive^Mais Gustave-A<lolphe, qui- avait traversé, 
disait-il, la mer Baltique, l'Oder, TElbe, le Rhin^ ne pouvait se ré^ 
soudre à être arrêté par un ruisseau. Il prit donc les dispositions 
les plus favorables pour faciliter son passage- H choisît l'endroit où 
le Lech forme d'un c6té un rentrant qui domine la tive opposée W. 
Il fit relever le terrain an centre et sar les c6té», afin d'y loger des 
mousquetaires, et braqua soixante-douze W pièces divisées en qua- 
tre batteries réunies par une tranchée, et qni croisaient Icuis fe«x,8nr 
la rive opposée (^). Au centre du coode qa% forme lai rivière^ il it 
construire un pont de chevalets avec le bois qu'on enleva aux vil- 
lages voisins (*). De grands fagots de sapin méléa de poix fwent al- 
lumés (^) par son ordre» afin que la fumée qu'ils produisaient, ca^ 
chat les tirailleurs aux ennemis. 



(1) • Dtaa dM Ofer aaf der biyerficbeD Seifen war gir oiedrig« hingegeB auf des loeoift 
Seite siemlkh erteben. • Cmian, p. 310. 

(9) le Soldai médoU, p. «70. 

(S) m Ut cracb in modiun, sioe miMîooe ïn legîoMi taUnt iotkleiiteft experiratnr.Foyfi le 
pito de Loiîcliiiii, Ht. iltu» cfa. n, p. tOtt. 

(4) Loncmit, comme d-dcmos. 

(5) Ikiéim. 

48 



139 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Tiily, de son côté, s'était retranché, plaçant ses troupes en bataille 
devant un bois, et ses canons sur le front de son retranchement. 
Par cette disposition, et parla configuration du terrain, ses pièces 
ne pouvaient pas, comme celles des Suédois, croiser leurs feux sur 
Tennemi. 

A peine le pont est-il achevé, que Gustave ordonne à trois cents 
Finlandais de le traverser a la hâte, et d élever àTextrémité un re- 
dan formant tête de pont. Pendant que ses soldats exécutent avec 
hardiesse ce nouvel ouvrage, les batteries de droite et de gauche 
redoublent leurs feux; le Roi lui-même met pied à terre et pointe 
plus de soixante coupsi obligeant ainsi ses canonniers à tirer plus 
vite pour protéger le travail des Finlandais. Tilly fait avancer 
quatre pièces pour empêcher la construction du pont (0. Peine inu- 
tile ! dès que le parapet de la tête de [pont est suffisamment élevé, 
Tinfanterie se précipite en avant suivie de quelques pièces légères. 
La cavalerie, qui a découvert un gué en amont du pont, s'élance sur 
l'ennemi qu'elle trouve déjà démoralisé par le feu de l'artillerie; car 
les boulets ont détruit les abatis, et en frappant contre les arbres, ils 
ont fait voler sur l'ennemi réfugié dans le bois, une foule d'éclats dan* 
gereux, avec un tel bruit, qu'on eût dit, suivant Chemnitz « qu'une 
foule de bûcherons était occupée à abattre la forêt C^). » Les retran- 
chements sont bientôt pris et les Impériaux sont mis en déroute. 

Tilly, lui-même, blessé par un boulet de trois livres P), est em- 
porté mourant du champ de batailleJl avait assisté à trente-six grands 
combats. 

Les succès de Gustave-Adolpheet la mort de Tilly rappellèrentWal- 
lenstein, duc de Friediand, à la tête des troupes impériales. Ce der- 
nier, sortant de la Bohême, dirigea sur Nuremberg une armée de 



(1) Le Soldai suédoU, p. 271. 

(St) GsraifiTZ, p. 310. 

(3) Le Soldat iuédoù, p. 272, etCoBHNiTZ, p. 310. 



LIVRE !•'. -CHAPITRE IV. 333 

soixante mille hommes. Guslave-A«)olphe vola à la défense de celte 
ville : « il n'avait que vingt mille hommes avec vingt pièces de bat- 
N terie et quarante pièces de campagne de nouvelle fabrique , lé- 
« gères et maniables, qu'il avait reçues de Suède peu auparavant, et 
« trois cents chariots de munitions W. » Il fit son entrée à Nurem- 
berg par deux portes difierentes. Par la première, défilèrent dix ré- 
giments d'infanterie suivis de vingt gros canons et d'un égal nombre 
de petits calibres; venaient ensuitecent cornettes de cavalerie ; les ba- 
gages fermaient la colonne. Par l'autre porte entrèrent soixante en- 
seignes d'infanterie, cent cinquante cornettes de cavalerie, trente 
canons de petits calibres et leurs bagages (^). 

Nous avons rapporté cet extrait de la descripiion de l'entrée de 
Gustave*Adolphe à Nuremberg, parce qu'il prouve que l'armée était 
séparée en divisions,formant chacune un corps complet composé des 
trois armeSf et que la grosse artillerie marchait après l'infanterie. . 

Suivant son habitude» Gustave- Adolphe alla camper sous les murs 
de Nuremberg, occupant, à un rayon de mille pas des murs, toute la 
circonférence qu'il fortifia en deux jours (3). Toutes les lignes bas- 
tionnées qu'il éleva, étaient composées de redoutes carrées et de bas- 
tions fermés à la gorge (^); les fossés avaient douze pieds de longueur 
et huit de profondeur &). 

Les ducs de Bavière et de Friedland avaient trois cents cornettes 
de cavalerie, plus deux cents compagnies d'infanterie et quatre- 
vingts pièces d'artillerie (^). 



(i) LfSold^ nMoii, p. 345. 

C2) LaiiCBi»t IW. xux, ch. Ti, p. 1047. 

(S) m Qoaopenuntocomfervoreeoopeniitibasal^uotlio^ 
(pencli) tnoi, at bidni ferè spttîo pleraque «teolvereouir.vLonai., Ihr. l» ch. n, p. 1050, et 
Camaf 1, p. 354. 

(4) fo|r<f le plao de Nuremberg de Loticfatas, »6ûlflii. 

(5) Le SMai médaU, p. 347. 

(6) CnURTi, p. 385. 




\ 



334 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Wallenstein, ayant échoué dans l'attaque du camp de Gustave- 
Adolphe, se retrancha également à trois mille pas des lignes suédoi- 
ses (^)* Les deux armées restèrent ainsi en présencei cherchant à s'af- 
famer plutôt qu'à se combattre. 

Cependant, Gustave* Adolphe, qui avait reçu un renfort de douze 
mille homme$,porta son camp à Furt entre la Pegnitz et la Rednitz.Ne 
pouvant faire vivre son armée dans un pays déjà ravagé par la guerre, 
il résolut de forcer le camp deWallenstein. Il rangea toute son armée 
en dehors de ses retranchements sur une ligne, fit mettre une par- 
tie de sa cavalerie à pied, et marcha à l'attaque. Une batterie de 
soixante grosses pièces, établie sur le prolongement d'une des lignes 
du camp, enfila une partie des retranchements (^); mais la position 
du ducdeFriedIand était formidable; son camp se trouvait placé sur 
une hauteur dont les flancs et le front étaient couverts, les premiers 
par des ravins et des bois, le second par une ligne continue bastion- 
née ayant en avant quelques redoutes et des abatis. 

Pendant tout un jour, deux cents pièces de canon tonnèrent de part 
et d'autre; mais les parapets en terre ainsi que les plis du terrain 
protégèrent efficacement l'armée impériale contre les boulets enne- 
mis (^). Les Suédois s'emparèrent d'une hauteur d'où l'on pouvait 
dominer une partie du camp impérial; il fut impossible d'y ame- 
ner du canon W ; la nuit, ils établirent encore une batterie de dix- 
huit pièces (^}; puis, malgré d'héroïques efforts, Gustave -Adol- 
phe fut obligé de se retirer dans son camp. C'était la contre-partie 
du passage du Lech.Là, les attaquants ayant pu choisir une position 
avantageuse pour l'artillerie, avaient triomphé; à Furt, au cou- 

(1) LoTiCHius, comme ci- dessus. 

(2) Ibidem, liv. l, cb. m, p. 1055. 

(% GiJtBÀX») GuâU)Q» Ef.iv, p. 134, Venez», têil. 

(i)) £f Soléaâ iuééQk, p. 361. 

(5) « Die folgende Nacht liess der Koenig auf einer Hôbe gegen des Feindes Lager wddM 
dasselbeguten iheils entdeckte, etiiche baHema aorwerlTeft iind milad^iefaB, tbeîÉslialten» 
tlietls drey yiertbel CarUunen des Feindes Lager den Tag daraeiT beftig canoÊànn. » Ci 
mTE, p. 401. 



LIVRE r.— CHAPITRE IV. 335 

traire, une défense bien établie avait défié l'attaque la pinsicoura* 
geuse et la plus habile. 

Après que les deux armées furent restées encore quinze jours en 
présence, la disette les força de se séparer. Mais elles allaient bien- 
tôt se rencontrer sur un nouveau théâtre. 

Le duc de Friedland avait envahi la Saxe avec une armée de qua- B;itaiiie de Luneu. 
rante-huit mille honunes W* Gustave-Adolphe, à la tète de vingt 
mille hommes, vole au secours de Télecteur. En moins de quinze 
jours, il se rend de ta Bavière à Erfurt dans la Thuringe (^}; il va 
camper à Naumbourg, cherchant à faire sa jonction avec les troupes 
saxonnes qui étaient aux environs de Torgau (^. Pour empêcher cette 
jonction, Wallenstein, qui avait rassemblé son armée à Weissenfels, 
se retire à Lutzen et envoie Pappenheim à la tète de douze mille 
hommes s^emparer de la ville de Halle W située sur la Saaie, à 
huit lieues de Leipsick. Pappenheim était de tous les généraux alle- 
mands celui que Gustave-Adolphe estimait et craignait le plus ('^• 
Apprenant son départ, il se décide à attaquer Wallenstein^ pendant 
que celui-ci est privé de ce puissant appui. 

Dès le 5 novembre, lavant-garde suédoise arrive à Weisseo^* 
Gustave-Adolphe ne veut pas perdre un instant et laisser écJoff^ 
les chances que lui offre la fortune; car, tomber sur ses enne»^^^^ 
ses est toujours le triomphe de la stratégie. Son infanteries n^'^'^'*^^ 
Tennemi qui s*est mis en bataille derrière le pont deRipacà:^ ^ ^ 
régimentaires arrivent^ croisent leurs feus sur k&^ iaK^ 



(I) « Wallenstein laisaitimoDU'e de fuigt mille — 
H Moick de seixe mille. » I# Soldat iuédoiSt p. 466 

(i) Lt Soldat $uédoU, p. 46J. « Sollecilô Uolo à wÊtfpm i^ ^ 
GOALDO, lit. If, p. 138. _ 

(3) U Soldat tnédoU, p. 469, et Galiauo GtàUÊn t^ 
4) «Veno Hall per isturbir la tenau al dKi ~ 
lÏY. If, p. 141. 

(5) «« niios eoim TirUili rei triboebaipiBimmi 
miitis boni et bodttt litaio digoarelv. » Umm 

W « Uodesuof apud \n^- '^'"'^m * 




336 GUERRE DE CAMPAGNE. 

les Suédois traversent le pont^ mais la nuit vient arrêter le combat. 

A la faveur de robscurité, les deux armées se rangent en bataille. 
Toutes les deux font face à la grande route qui conduit de Lutzen à 
Leipsick.Les Impériaux appuient leur droite à cette première ville, 
et les Suédois y appuient leur gauche. 

Le duc de Friedland s*est emparé de la chaussée, a fait appro- 
fondir les fossés et y a logé des mousquetaires, qui forment sur tout 
le front une double ligne de tirailleurs, soutenue au centre par une 
batterie de sept pièces. L'armée est»placée en arrière, Tinfanterie 
au centre formant un immense carré composé de quatre régiments 
massifs, dont chacun est flanqué de quatre carrés de mousquetai- 
res. La gauche, qui s'appuie à un petit ruisseau, est formée de gros 
escadrons de cavalerie rangés sur deux lignes. L'aile droite est com- 
posée d'un gros bataillon d'infanterie et d'escadrons de cayalerie* 
dont quelques-uns ont dans leurs intervalles des pelotons de mous- 
quetaires, selon la méthode suédoise. En avant de cette aile, et près 
de quatre moulins à yent qui dominent la plaine W, quatorze pièces 
de gros calibres sont en batterie. Par leur position oblique,elles pren- 
nent en échai^e toutes les lignes suédoises. 

L'aiymée du roi de Suède est rangée sur deux lignes à peu près 
dans le même ordre qu'à Leipsick, la cavalerie placée auxailes, ayant 
entre ses escadrons des pelotons de mousquetaires de cinquante 
hommes (^; les bataillons d'infanterie sont, les uns déployés en 
bataille, les autres massés en carrés (3).Au centre, le front de Tinfan- 
terie est couvert par vingt à vingt-six pièces de gros calibre, derrière 
sont rangées quatre batteries; à chaque aile^ilya vingt piècesrégimen- 



eanu ntrinque facto in telitare praelium descendereot. Ut suos qaoque regii tormentîs dictis 
ligionariis. in bostes experireutur. » LoncH., IW. un, cb, n, p. 1119, et le Soldai médoU, 
p. 470^ et CHBMiriTE, p. 462. 

(1) CflniinTZ, p. 46i. 

(2) « tna cum quînquagîota sdopetariiB. n LoncH.^ It?. LUi,ch. ti, p. 1119. 

(3) m Quattro di forma quadra, e qoattro di graa furet. » Galiaiio GoiXiKM), lit. it, 
p.W. 



LIVRE I.'. - CHAPITRE IV. «T 

taires divisées en cinq batteries, Tartillerie formait donc un total de 
soixante à soixante-six pièces* La droite s*appuyait au même ruis- 
seau qui couvrait la gauche des Impériaux W. 

Cest dans cet ordre que Gustave attend avec impatience les 
premiers rayons du jour. A peine ont-ils paru qu'il veut commencer 
le combat; mais un brouillard épais couvre la plaine, et le canon 
seul tire au hasard pendant deux heures (^) ; enfin, vers midi, le ciel 
s'éclaircit et les deux armées peuvent se mesurer des yeux. On voit 
alors la ville de F^utzen en flammes; les Impériaux y avaient mis le feu 
pour empêcher les Suédois de les tourner de ce côté i^). Gustave- 
Adolphe, suivant sa coutume, se tient à Fextrème droite de sa pre- 
mière ligne, il donne le signal de l'attaque et toute l'armée se porte 
en avant. 

Malgré les deux batteries des Impériaux et les lignes des mous- 
quetaires, qui croisent leurs feux en avant de la grande route, l'in- 
fanterie suédoise, après un rude combat W, déloge les mousquetaires 
de leurs retranchements , traverse la chaussée, s'empare de la bat- 
terie du centre, et la retourne contre les Impériaux; les deux pre- 
miers régiments d'infanterie allemande, qui se sont avancés pour 
soutenir le choc des Suédois, sont repoussés avec perte. Le centre 
est au moment d'être complètement enfoncé; mais le duc de Fried- 
land arrive à la tête de trois escadrons, il rallie les fuyards, ramène 
l'infanterie au combat et les Suédois repassent en désordre les 
fossés. 

L'attaque sur la droite des Impériaux a également échoué; mal- 



Ci) « Vor der BaUiUe waren Kwintsig grotse Stûcke, ? or jeder Brigade funfle gepflan- 
icu Obne die Regimeot Siûcklein derer bey den Flûgelo and commeodirtcn Musquetierern 
aoff beyder Stîten an der Zabi io die vieruîg geslandeD. » Chbhriti, p. 464. 

D'après Galeaxio Gualdo» il y avait lolxante-six bouches Si feu, lit. i? , p. 145. 

(2) Arma fiMcîca de AauiciiJM); Ui* cbap., p. 37. 

(3) • Ne hosies aurgo peneUare susiinerenl. » Lotich., Ht. LUi,ch. fi, p. llil. 

(4) GAltAZXO GUAUW, li¥. tT,p. 149. 

TOMB I. 43 



S38 GUERRE DE CAMPAGNE. 

gré le feu des pièces régimentaires (^), la baiierie des Moulins a fait 
éprouver de grandes pertes aux Suédois, et les a forcés de reculera. 

Pendant ce temps, Gustave- Adolphe, à la tète de sa cavalerie de 
Taiie droite, et soutenu par une batterie d'artillerie (3), renverse les 
chevau-légers impériaux disposés en tirailleurs; et ceux-ci, en se 
retirant, portent le trouble dans les escadrons qui sont placés der- 
rière eux. 

En ce moment, on vient avenir le Roi qu'au centre son infanterie 
a été repoussée, et que son aile gauche plie déjà sous le feu de Tar- 
tillerie ennemie. Gustave laisse le commandement de la droite au 
général Horn, et court rétablir le combat a la tète du régiment de 
Steinbock. En deux bonds, le cheval qu'il monte a franchi les fossés 
de la grande route, mais les soldats qui le suivent sont arrêtés quel- 
que temps par cet obstacle. François-Albert, duc de Saxe-Lauen- 
bourg, se trouve seul auprès de Gustave. Le Roi court au plus fort 
de la mêlée, une balle lui fracasse le bras. Pour ne point décourager 
ses troupes, il prie le duc de Lauenbourg de le tirer à l'écart; pen- 
dant que celui-ci Tentraine , il reçoit une autre balle dans le dos. 
Il tombe, et on ignore encore si le plomb qui Ta frappé est parti d'une 
main ennemie ! 

A la vue du cheval du Roi qui, couvert de sang, galope sans son 
maître au milieu des rangs, l'armée suédoise n'apprend que trop 
tôt rimmensité de la perte qu'elle vient de faire ; mais, loin de se dé* 
courager, elle est saisie d'un désir furieux de vengeance. Le duc 
Bernard de. Saxe-Weimar , digne élève du grand Gustave , prend 
le commandement et dirige une nouvelle attaque. 

La droite n a pas fléchi ; le général Horn y poursuit ses succès, 



(1^ CBBmiTz, p. 465. 

(2) « A quibus lormentis ducis Vinariensis phalanx tanlum damni accipiebal, ut gressu ita 
ob!oogo ad molitoris domunculam retrocedere eompeileretur. » Arma Suecica par Aelahi- 
BJELS, in* chap., p. 38. 

(3) Le Soldat $uédoi$, p. 475. 



LIVRE K.-^.CHAPITRE IV. 33» 

renverse la cavalerie impériale qui lai est opposée. Deux escadrons 
de Croates se dérobent à ses coups^ font un détour et tombent en 
vrai cosaques sur les bagages des Suédois ; ils sont bientôt repous- 
sés. A la gaucbe, le duc de Weimar fait avancer les pièces régi- 
mentaires (^) et sa cavalerie entremêlée de mousquetaires ; il s'em- 
pare de la batterie des Moulins qu'il retourne sur les Impériaux (%. 
Au centre, l'infonterie a de nouveau repassé les fossés et repris ses 
canons. Les Impériaux ont ainsi perdu toute leur artillerie quit 
jointe à celle des Suédois, lance contre eux une grêle de boulets. 
Leurs ailes sont déboixlées; et, comme si tout conspirait contre eux, 
les voitures à poudre qui sont en arrière de leur ligne prennent 
feu ; elles éclatent avec fracas et répandent la terreur parmi des 
troupes déjà démoralisées, qui croient qu'un nouvel ennemi les me- 
nace de ce côté. Il est trois heures de l'après-midi (3); les Impériaux 
sont en pleine déroute, la fuite seule les dérobe aux coups des Sué- 
dois. 

Mais tout à coup la scène change. Les vainqueurs sont arrêtés 
court ; Pappenheim est arrivé sur le champ de bataille à la tête de 
ses cuirassiers et de ses dragons. Cet illustre général, ce soldat intré- 
pide venait de s'emparer de la ville de Hall, quand Tordre lui par- 
vint de rejoindre en toute h&te le duc de Friedland qui allait livrer 
bataille. 

Ses troupes éuient occupées au pillage de la ville. Il les rassemble 
à b hâte et donne l'ordre de marcher ; mais, poussé par la crainte de 
perdre peut-être sa part de gloire dans le grand jour qui se prépare, 
il laisse son infanterie en arrière et s'élance au galop à la tète de huit 
régiments de cavalerie sur la route de Lutzen. Son chemin le me- 



(i) • iDter hscVtDirieoiii lormeDU, anie legiooes m catenrat, dîfpotiu direxit îo molen- 
finnm poemnaticoiD. » Lononct, lîb. un, cap. vi, p. liSl. 

(2) • Eoqae t tormentis legionariis, nec non adopetariit inler e<iuesu^ «oiatis» io tonneou 
Fricdlandicomin eo utqne anlmosM suKepîl impetns. » IMem. 

CtCBmnrZfp. 166. 

(3) Lf Soldmi iuééMs, p. 479. 

43. 



3^0 GUERRE DE CAMPAGNC. 

naît naturellement à l'extrême gauche des Impériaux. Il arrive 
au moment où les troupes de Wallenstein sont en pleine déroute. 
Entraîné un moment par les fuyards, il les arrête bientôt; et les ra- 
mène au combat; une nouvelle bataille a commencé. 

Les Suédois, occupés à la poursuite, fatigués de leur propre vic- 
toire, s'arrêtent étonnés devant ce revirement de la fortune. Pappen- 
heim écrase avec ses escadrons tout ce qu'il rencontre sur ses pas* 
Wallenstein, de son côté, rallie l'infanterie et reprend l'offensive. Les 
Suédois sont encore repoussés au delà des fossés, et les Impériaux 
reprennent leurs canons qu'ils avaient déjà perdus deux fois. Cepen- 
dant, les vainqueurs ne peuvent se résoudre à changer de rôle ; ils 
font des efforts incroyables pour résister à cette nouvelle tempête; 
un des meilleurs régiments suédois se fait tuer surplace sans recu- 
ler d'un pas. 

Le régiment bleu subit le même sort, après avoir soutenu sept 
attaques furieuses de Piccolomini qui, revenant toujours à la charge, 
à la tête de mille cuirassiers, n'a pas quitté le combat quoiqu'il 
ait eu cinq chevaux W tués sous lui, et le corps percé de. six coups 
de feu. 

L'ordre de bataille de Gustave-Adolphe offre encore aux siens dans 
ce moment décisif , des avantages que le duc Bernard saisit avec'habi- 
leté; grâce à la seconde ligne, et à leur admirable discipline les Sué- 
dois peuvent encore combler les lacunes en faisant avancer toutes les 
troupes en réserve; et, malgré leur perte, ils offrent encore à leurs 
ennemis un front imposant. 

Ainsi, Gustave est mort, et c'est encore lui qui triomphe. Le duc 
Bernard redouble d'efforts ; il fait avancer une batterie de vingt- 
quatre pièces (^) qui tire là» où la milice est plus épaisse; ayant 
recours à toutes les ressources de la tactique » tantôt il présente à 



(1) Galbazzo Gcaloo, liv. iv, p. 151. 

(2) U Soldat suédoii, p. 480. 



LIVRE K- CHAPITRE IV. 341 

Tartillerie ennemie une ligne mince , tantôt il oppose aune charge 
de cavalerie une masse profonde W. 

La plupart des généraux autrichiens sont tués ou blessés. Pappen- 
heim, cet héroïque soldat, reçoit deux balles dans la poitrine. Sa 
présence avait ramené la victoire sous les drapeaux de l'Empereur, 
sa mort y ramène la défaite. Les Suédois reprennent Toffensive, et 
pour la troisième fois ils repassent la grande route et les fossés si 
chaudement disputés, et pour la troisième fois, mais aussi pour la 
dernière, toute l'arlillerie des Impériaux retombe en leur pouvoir ; 
les Suédois concentrent encore toutes les pièces prises sur TennemiC^^^ 
et la bataille est enfin gagnée. 

Cependant, on combat encore avec acharnement, et les Impé- 
riaux, en abandonnant le champ de bataille, se retirent plutôt qu'ils 
ne s'enfuient. 

Ici, encore, la victoire est due à l'ordre de bataille, à la mobilité 
des troupes et à la légèreté de l'artillerie suédoise, qui partout con- 
centre son feu sur le point décisif, tandis que Tartillerie impériale 
reste immobile en position, devenant ainsi inutile, nuisible même, 
dès que les troupes s'avancent ou se retirent. 

On doit remarquer, cependant, que Gustave-Adolphe, comme la 
plupart des généraux du xvi* siècle, craignant toujours d'avoir ses 
ailes débordées par la cavalerie ennemie, recherchait les obstacles 
naturels, non-seulement pour protéger ses flancs, mais aussi pour ap- 
puyer ses derrières. Ainsi, à L^ipsick, comme a Lutzen, il se mit en 
quelque sorte en bataille devant un défilé; cependant la retraite était 
possible, tandis qu'à Gravelines et à Nieuport elle ne l'était pas. Le 
seul avantage d*une telle position consiste dans l'obligation pour les 



(I) « La deilérilé Si cooloarner les sieos, i oaf rir et serrer les iMUilloiis h propos, rendit 
c€lle des canoDDÎers impériaux ioulHe el leurs boulets sans effet. • l>J Soléai ênédoù, 
p. 479. 

(i) m Weimâr fit tonroer le caooii eoutre eus avec uo si furieux effet, que cela dooua le 
branle ï la victoire. » Mémaira de Ricnuiu, p. 133, édit. Micbaud et Poujoulat , i" séné, 
t. fin. Paris, 1838. 



342 GUERRE DE CAMPAGNE. 

soldats de vaincre ou de mourir. £a 1633, près d'Oldendorp, les Sué- 
dois se trouvèrent dans une position' assez bizarre. Il . y avait entre 
leurs deux lignes un ravin impraticable sur plusieurs points, et dé- 
fendu au centre par quarante-sept pièces d'artillerie. Les Impériaux 
avaient également placé leur artillerie au centre; les deux armées ne 
s'étaient abordées que par les ailes et se livraient des combats acharnés 
sans résultat décisif, lors()ue les Suédois débordant la ligne enne- 
mie, menèrent promptement sur le flanc six pièces régimentaires et 
obtinrent ainsi la victoire W. 

Dans une rencontre en Alsace, en 1634, le rbeingraff Otto 
se plaça devant un bois qui lui coupait toute espèce de retraite; i! 
remporta cependant h victoire (^). Mais, dans la même année, cette 
disposition fut fatale à Tarmée suédoise, commandée par le duc 
Bernard de Saxe-Weymar.Les Impériaux faisaient le siège de Nord- 
BiitaiUedeNordiingen, Hugc», et occupaiciit Ics hautcurs voîsiues par des redoutes qulls 
avaient hérissées de canons. Les Suédois, voulant porter secours à la 
ville, qui était au moment de se rendre, se décidèrent à attaquer Ten- 
nemi, et à s'emparer de la montagne d'Arensberg. Pour atteindre 
ce but, il fallait traverser un défilé et se mettre en bataille au delà, 
devant un ennemi supérieur en nombre. « Opération dangereuse », 
dit le maréchal Horn dans la relation qu'il fit de cette bataille (^. 
« Mais les succès passés nous avaient enorgueillis et fait mépriser 
(^ Tennemi' »» Au commencement, Favant-garde, les mousquetaires 
commandés et les pièces régimentaires renversèrent Tennemi W* 
Les gros canons auraient dû rester à Tarrière-garde pour ne pas 
embarrasser Tarmée qui avait un chemin creux d'une demi-lieue à 



(1) Voyez le plan de la bataille et la description dans le Theatrum europeumy t. ui, p. 85. 
Franckfurt, 1644. 

(2) Ibidem, p. 188. 

(3) Relation de la bataille de Nordlingenhi M. le grand chancelier Oxenstiem par le ma- 
réchal Horn, insérée dans les Mémotree d'AvBVRT, sur le cardinal de Rkhelieu, 1. 1, p. 429, 

paris, leeo. 

(4) Ibidem, p. 433. 



LIVRE I«. — CHAPITRE lY. 313 

traverser ao milieo des bois; ils s*engagèreiit au contraire dans le dé- 
filé, où, interceptant le passage, ils empêchèrent les troupes d'arriver 
assez à temps pour surprendre l'ennemi U). Cependant, la position de 
l'artillerie impériale sur des hauteurs, dont le pied n'était pas défendu 
par d'autres batteries placées à mi-côte, était si défectueuse, que la 
cavalerie suédoise put se former en bataille sur la pente de la colline 
sans être inquiétée par les feux de l'ennemi (^}« Malheureusementj 
Tinfanterie suédoise arriva trop tard; l'un des retranchements fut en- 
levé; maisyle feu ayant pris aux poudres que l'ennemi, avait abandon- 
nées, cet accident changea ce premier succès en contusion ; les atta- 
ques que les Suédois avaient tentées par les ailes gauches furent 
infructueuses, la déroute fut complète ; les Suédois perdirent quatre- 
vingts canons* 

Sous Louis XIII, on le sait, Richelieu continua l'œuvre de Char- chingements imrodtuu 
les VII, de Louis XI et de Henri IV. Il paciûa la France, dompta les SÎ^XoTe^'^liiir 
grands vasseaux, repoussa les attaques étrangères, et éleva à un haut ^*' 
degré la puissance royale,c'est-à-dire le pouvoir militaire centralisé. 

Ce grand ministre, enflammé de l'amour de la patrie (^), et qui, 
tout en prenant La Rochelle, faisait cause commune avec les protes* 
tants de Hollande, de Suède et d'Allemagne, ût tous ses efforts pour 
établir dans l'armée française une discipline sévère; dès 1628, 
au siège de La Rochelle, il en fixa la base première en assurant aux 
soldats la régularité de la soldé ; par là il rendit possible la connais- 
sanoe exacte des hommes présents sous les armes (^K 

(f ) Ibidem, p. 435, et le SoUtaî suédois. 
(S) Ibidsm, p. 43S. 

(3) « L'amour de Tesut It bratle (son Emioeoce), el cossomiia n saoïé , en sorte que le 
despitisîr de tout avoir too avec deux années un mois entier devant Saint-Omer, sans ou- 
vrir la tranchée» luy a emporté.plus de vie, que le travail de deui ans dans la tranquillité. 
Lettre de M. de Noyers au nurédial de Chitillon, 3 juillet 1638. > Mémoirssd'AvBK%x, t. n, 
p. 183. Paris,1660. 

(4) (Siège de La Rockelle) « Et pour ce que la solde est rame du soldat, et Tentretien de son 
courage, qu'il semble perdre quand il n*est pas payé, afin qu'ils ne manquassent pas i Fétre 
ponctuellement, il fil commettre autant de commissaires qu'il y avait de régiments, a or- 
donna que la paie serait distribuée par leurs mains aux soldats, et non k leurs capitaines. 



3U GUERRE DE CAMPAGNE. 

Chose remarquable, rinfanterie française, qui sous Henri IV ne 
joui$$ait pas d'une grande réputation, devint tout à coup sous Riche- 
lieu supérieure à la cavalerie par son courage et sa discipline. A 
Thion ville, en 1639, la défaite de M. de Feuquières fut attribuée en 
grande partie à la fuite de la cavalerie; tandis, qu'au contraire, 
rinfanterie fit la plus héroïque résistance (*). Il en fut de même à 
Tournon, près de Sedan, en 1641, où le maréchal de Châtillon fut 
défait par le général Lamboy (2). 

L'infanterie était divisée en régiments qui variaient de huit cents 
à quatre mille ^hommes (^); elle se rangeait en bataillons de mille 
hommes sur six, huit ou dix de hauteur (^). Dans l'armement de l'in- 



d*où il revint trois grands avantages à l'armée ; que les soldats étaient elTeetiveiDent payés ; 
que les captaines ne leur pouvant plus faire perdre leurs montres, ils ne pouvaient plus pas- 
ser aucun passe-volant, on appelait ainsi des hommes qui se faisaient porter comme présents 
sous les armes dans plusieurs corps h la fois et que le roi savait toutes les semaines le nom- 
bre effectif des soldats qu'il avait en son armée; à faute de quoi les historiens remarquent 
que François I«% pensant avoir beaucoup plus de troupes qu'il n'avait, perdit la baUille de 
Pavie. » Mémoirei du Cardinal db Richelieu, collection Michaud et Poujoulat, t. vu, 
p. 513. Paris, 1837. 

(1)« Notre infanterie fit des miracles,mais la cavalerie s'enfuit.« Lettre de M. de Noyers au 
maréchal de Ch&tillon. Mémoires du sieur d'âcbery, t. n, p. 2d8. 

(2) « Le grand eschec est tombé sur l'infanterie, la plupart de la cavalerie s'est sauvée. » 
Ibidem, t. ii, p. 707. 

(3) « Yos ordres ne pouvoient estre plus dignement exécutez ; le sieur Dainsy m'a asseuré 
que le régiment fera quatorze cents hommes sous les armes, lorsque les quatre compagnies 
nouvelles que l'on attend y seront jointes. Le régiment d'Andelet en attend quatre aussi, et 
quelques recrues; qui fait espérer i mon fils, que son régiment fera mil hommes.» Du maré- 
chal de Châtillon h M. de Noyers. Reims, 13 mai 16il. Mémoirei d'Aubbkt, tn, p. 669. 

« Le sieur Du Glas m'a assuré que son régiment serait en assez bon estât, et qu'il ne fera 
pas loin de huit cents hommes». Ibidem, 

«Cependant le Roi avoit fait avancer les premières troupes de son armée, composée du ré- 
giment de ses gardes, qui étoit de quaire mille hommes, et des Suisses qui étoient de deux 
mille quatre cents, du régiment du comte de Saulat et de Navarre, qui étoient de trois mille 
hommes et de cinq cents chevaux, avec une partie de son artillerie jusqu'à Chaumont, 1629.» 
Mémoirei du Cardinal de Richelieu, p. 635, édit. Michaud et Poujoulat. 

(4) Dans l'édition imprimée du Maréchal de bataille par Lostelnau, en 1 643, il est dit p. 389 : 
que l'infanterie se range sur dix de hauteur. Mais dans le même ouvrage manuscrit, on lit à 
la fin le passage suivant : « Maximes observées au régiment des gardes du Roy par le com- 
mandant de Sa Majesté. » 

« Les bataillons de six ^ huit de haut, le Roy approuve le plus la hauteur de six > . MS de 
Lostelnau, Codex Colb.70. Regius ^« 



LIVRE H— CHAPITRE IV. 345 

ranterie^ il n'était plus fait usage de Farquebuse^ mais seulement 
du mousquet auquel on ayait conservé la fourchette. Les piques n'a- 
vaient plus que quatorze à quinze pieds de longueur. Le rapport 
des mousquets aux piques était environ de sept à trois W. 

Dans les Mémoires de Sully, on voH le nom de fusiliers donné 
aux arquebusiers ; ce qui prouve que déjà, dans ce temps-là, on se 
servait du briquet, appelé alors fusil, pour mettre le feu au mou^ 
quet. 

En 1646, il est fait mention d'un régiment d'infanterie de fusi- 
liers W. Vers 1644, on adopta en France la giberne, suivant l'usage 
des Suédois, mais seulement pour les troupes qu'on envoyait en ti- 
railleurs (3). Le changement qui devait produire les résultats les 
plus décisifs et une grande simplification dans les mouvements et l'ar- 
mement de l'infanterie, fut l'adoption d'un poignard à manche de 
bois appelé baïonnette; on introduisit d'abord ce poignard dans le 
canon du mousquet, qui ainsi faisait l'effet de la pique. 



(1) Il y » sept ceots mousqueu et trois ceots piques Si Ch&lons pour armer mille soldats. 
I^tre de Loais XIII aoi mireschaux de Cbastilloo et de Brézë» do 90 juillet 1611 . Mémoire$ 
d'AcniT, t. u. p. 7SS. 

« J'écris à tous ceux qui oommandeot le corps, qu'ils soient bien armes , leurs mousquets 
soient d'une once de balée, et leurs piques de quatorze k quinze pieds, outre le magazin qu'il 
▼ous piaist que nous ayons de cinq mille mousquets, et cinq mille piques : si on veut envoyer 
ks armes, j'en seray bien ai^ ; sinon, je les feray faire. Lettre du cardinal de La Vallelte au 
cardinal de Ricbelieu. De Turin, 15 février-avril f S39. » Méwwirêi d'AroiRT, t. ii, p. i46. 

(3j « Le quartier de Ramzau est composé de six régiments d'inbnierie, k sçavoir trois de 
Tannée de M. le maréchal de la Meilleraye, et trois de la nostre, d'un régiment de fusUliers 
de S. E.* et de deux bons régiments de cavalerie, que nous avons donnés de nostre oosté, à 
sçavoir la Ferté-Irobaut et Aumont. Lettre des marescbauxde Chaulnes et deChastillon k M.dc 
Noyers, dictée par ledit mareschal de CbastlUon, i2 juin 1610. • Mémoireê d'AumiT, t. ii, 
p. 538. 

(3) Mémoireê de Pot Stoua. /fulmclioiu mUiMrtê^ ch. vni, p. 479. 

« ien'aymanqué delaire publiervos ordonnances nouvelW pour les armes de la cavallerie. 
Il me semble qull en lalloit adjouster une pour llnlanterie, pour les obliger k armer les pi- 
quters de corselets et de bourguignottes. Votre Majesté a bien reconnu que les piques sèches 
sont insupportables : U est mal aisé de se servir des baiaillons des gens de pied* s'ils ne sont 
bien armez^ et les escadrons de cbevanx-légerset gendarmes de mesmes.» Lettre du mare- 
clial de Chàtillon au Roi, 9 octobre 1659. Mémoirtê d'AoBttY, t. n, p. 370. 

Ton I. kï 



316 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Les bagages avaient été très réduits , car Turmer dit que les 
fantassins français ont si peu d'effets qu'ils les peuvent mettre en 
entier dans leur mouchoir (^). 

Dans la cavalerie» les régiments étaient de six cents chevaux (^). 
Les compagnies de quatre-vingt-dix à cent maîtres (3). Mais là, comme 
dans l'infanterie^ le nombre des suivants avait considérablement di- 
minué (^); il paraît même que vers le milieu du règne de Louis XIII, 
le cavalier n'avait qu'un cheval (^). Chaque régiment de cava- 
lerie avait des compagnies de mousquetaires (^). Louis XIII arma 
également de mousquets le régiment de sa garde 0)^ et ces soldats, 
qui servaient à pied et à cheval, devinrent bientôt fameux sous le 
nom de mousquetaires- Us faisaient donc le service de dragons; 



(1) Pallàs Arhàtà, t m, ch. xyiii, p. 275. 

(2) « Mais pour ce qui est de ses deux régiments de cavalerie qui font six cents cbevaui , 
le Roy n'entend pas que ce nombre compose plus d'un régiment. Lettre de M. de Noyers au 
cardinal de La Valette, 1636. » Mémoireê d'AuBBRT, 1. 1, p. 659. 

«Le Roy met la cavalerie en escadrons au Heu de régiments. Lettre de M. de Noyers à M. 
de la Meilleraye. Chaillot, 26 juillet 1636.» Mémoires d'AuBERV, 1. 1, p. 664. , 

(3; «Il faut que les treize régiments qui ont esté jusques icy près de vous, Tassent pour le 
moins douze mille hommes effectifs... Si nous voulions lesjfaire passer pour complets, ils de- 
vroient faire près de quinze mille hommes. 

« Quant à la cavalerie, ledit sieur d'Espenan vous fera voir, que comptant les compagnies 

sur le pied de quatre-vingt-dix maîtres, comme elles doivent eslre doit faire de plus de 

cinq mille chevaux. Lettre de M. Servien au maréchal de Chastillon du Bois-le-Comte,20 avril 
1635. » Mémoires d'AuBERT sur Richblibu, 1. 1, p. 453. Paris, 1660. 

(4) « Le nombre des troupes se trouve grand, tant en cavalerie qu'en infanterie ,* car, quand 
l'on défalqueroit quatre mille hommes de pied pour les valets et malades, il en resteroit en- 
core seize mille sous les armes dans la cavalerie, elle ne laisseroit d*estre de huit mille che- 
vaux de combat ; ce qui donne vingt-quatre mille combattants, qui est un des plus puissants 
corps qui soit aujourd'buy sus-pied. Lettre de M. de Noyers au cardinal de LaValette, 3 octobre 
1647. 9 Mémoires d'AuBBRT, t. u, p. 94. 

(5) En parlant d'un combat en 1615, Fontenay-Mareuil dit, « que sy les cavaliers n'eussent 
eu qu'un cheval, comme ceux de ce temps-cy, il n'y en auroit pas eu pour un mois. » Mé- 
moires. Edition Michaud etPoujoulat, t. y, p. 93. Paris, 1837. 

^6] « Les compagnies de mousquetaires à cheval, qui sont dans les régiments de cavale- 
rie, prétendent le pain de munition, de mesmeque l'infanterie; sur quoy je n'ay rien voulu 
faire, sans sçavoir auparavant l'intention de Sa Majesté sur ce sujet. » Mémoire de ce que 
le sieur de Bocasse a à faire et dire à la cour. » Mémoires d'AuBBRV, t. ii, p. 323. 

(7) Mémoires de Put Sêgur, p. 35. 



LIVRE !•'.- CHAPITRE IV. 3i7 

quoique, en Allemagne, où ils avaient été créés, les dragons fussent 
exclusivement employés comme fantassins* ne montant à cheval 
que pour se transporter plus rapidement d'un lieu à un autre (^).Anotre 
avis, c'est là un des grands avantages que peut offrir cette arme. En- 
fin, en 1635, on créa en France des régiments entiers de dragons (^}. 

Les Allemands, dans leurs dernières guerres, avaient tiré un grand 
parti des Croates et des hussards (^), cavalerie très légère qui n'avait 
pas d'armes défensives- En 1635, on introduisit cette nouvelle cava- 
lerie en France, maison modifiant , à ce qu'il paraît, son arme- 
ment , car on lit, dans une lettre de Richelieu au cardinal de I^ 
Vallette : <« Outre cela, nous allons maintenant faire deux mil che- 
« vaux de la nouvelle cavalerie, dont vous m'avez escrit, qui n'aura 
« que la cuirasse, une bourguignotte qui couvre les joues, et une 
« barre sur le nez, une carabine et un pistolet* Je croy qu'on ap- 
« pellera cette cavalerie,cavalerie hongroise : Si ce n'est que M. He- 
« bron nous voulust mander un nom qui fust plus idoine, pour par- 
<« 1er selon son langage ordinaire (^). » 

En 1636, le cardinal de La Yallotte attira au service de France 
quatre régiments de Croates (^). Quoiqu'on eût remarqué que ces 
troupes, comme autrefois les Albanaist rendaient d'immenses servi- 
ces, parce que,n'étant point chargées d'armes défensives,elles étaient 
très promptes dans leurs mouvements (^), cependant on tenait telle- 

(1) HoTBE 1ÛUBGSK0R8T, 1. 1, p, 454. GœttîDgen, 1777. 

(i) « Car la cbaleor t'estant mise h faire des dragODS, que Too avoit lousiours reieUez, les 
commissions ool esté toutes delitréesen trois iours. Lettre de M. Servien au cardinal de La 
Valette. Condé, 1*2 juin I63S. • Mémoires û'Ann^n, t i,p. 484. 

(3) Gauauo GuàLDO, llv. tn, p. 107. Venetia, 1643. 

(i) m Mémoirtê pour l'histoire du cardinal duc de Richelieu, par le sieur Aubiey, 1. 1, 
p. 511. Paris, 1660. 

(5) « J'ay eu bien agréable la proposition que vous avez Taite, d'attirer des Croates à mou 
service, ie vous envoyé quatre coomiissions pour les quatre compagnies que vous espérez 
d*en lever. Lettre du Roy au cardinal de La ValeUe, 97 octobre iéSê. » Aubut, 1. 1, p. 706. 

(6) « Que ledit maréchal , étant déjà beaucoup plus fort en inCinterie que ses ennemis, 
qui n*étoient puissants qu'en cavalerie,qui, pour n*étre pas année comme la n^tre, avoit des 
mouvements beaucoup plus prompts, quand ledit sieur maréchal auroit trois fois autant d'in- 



3i8 GUERRE DE CAMPAGNE. 

ment en France à ce que rinfanlerie ainsi que la cavalerie fussent re- 
couvertes d'armures^qu'en 1638 Louis Xlll déclara que tous les cava- 
liers qui ne se couvriraient pas d'armes défensives seraient dégra- 
dés, et perdraient leurs droits de noblesse (^). C'était une question de 
paie qui engageait les cavaliers à ne s'en point revêtir^ carie prix 
des armes leur était retenu sur leur solde (^). 

L'ariillerie de Louis XIII s'enrichit de deux nouveaux calibres : 
de pièces de 24 et de 12. La pièce de 12 avait neuf pieds et demi 
de longueur, la pièce de 24 dix pieds et demi. Ce changement 
eut lieu vers 1634(3), époque où le maréchal de La Meilleraye rem- 
plaça le fils de Sully dans la charge de grand-maitre ; car, dans l'in- 
struction de Sully, imprimée en 1633, il n'en est point fait mention- 
Mais il paraît qu'on les employait peu,parce que c'étaient des calibres 



faoterie> il oe seroit pas capable de les attraper (1635). » Mémoirei du Cardinal db Richs- 
LUU, t. YIII, p. 616. 

(1) « Le Roy désire aussi que, pour profiter du séjour de l'armée , vous fassiez que Mes- 
sieurs les intendants distribuent à la cavalerie françoise , les armes qui sont à Monstreuil ; 
obligent les cavaliers à les porter, à peine d'estre desgradez de noblesse. C'est à vous, mon- 
sieur, et à M. le mareschal de La Force^ à leur faire connoistre combien il importe k Testât, et 
à leur propre conservation, de n'aller tous les jours combattre en pourpoint, des ennemis 
armez depuis les pieds jusqnes k la teste. Lettre de M. de Noyers au maréchal de Chfttillon> 
15 août 1638. » Mémoires d'ÂUBERT, t. u, p. 222. 

(2) « Nous avons tous trouvé que nostre cavalerie estant mal armée, comme elle est, il se- 
roit nécessaire de luy faire distribuer des armes, de celles qui sont k Amiens et Âbbeviile, ce 
qui se peut de ce dernier lieu commodément. Mais, à cela, il y a une difficulté; c'est que nos 
cavaliers refuseront d'en prendre , si on les vient à desduire suz leurs montres : et c'est oe 
qui a desia empcsché notre cavalerie d'estre armée.... Du maréchal de Châtillon k M. de 
Noyers, 22 juillet 1638. » Mémoirei d'ÂUBERT, t. ii, p. 207. 

« Au reste. Monsieur, j'ai fait armer la cavalerie k Sainl-Quentin.Pour la cavalerie légère, 
et quelques gendarmes, l'on a pris dix-huit cents quatre-vingt-onze paires d'armes, et pour 
les carabins l'on en a délivré k M. Arnaud deux cent cinquante paires. Si Sa Majesté les 
traite k la rigueur, de leur faire rabattre lesdites armes sur la première montre, il leur sera 
impossible de pouvoir supporter ce rabais : mais leur faisant la grâce de le partager aux deux 
montres, ils le pourront mieux soufTrir; et je croy que ce sera le meilleur. Lettre du maré- 
chal de Ghktillon k M. de Noyers, 9 juillet 1639. » Aubert, t. n, p. 326. 

(3) « Mais depuis huit ans, on a trouvé par expérience deux autres calibres bien utiles, 
savoir : de 12 livres et de 24. » Malthos, Pratiqw de la Guerre, p. 21. Paris, 1672. La pre- 
mière édition est beaucoup plus ancienne. 



LIVRE !•'.— CHAPITRE lY. 349 

espagnols, et qu'on ne youlait pas que Tennemi pût nous renvoyer 
nos boulets W. 

A cette époque, les bombes furent aussi mises en usage en France; 
en 1634, Malthus lança les premières an siège de Lamothe en Lor^ 
raine (-). 

Pour rendre Tartilierie plus légère, on commençait à laisser les 
gros calibres sur les derrières et à n'emmener avec l'armée que des 
pièces de campagne C3) attelées de quatre à six chevaux (^). 

On ayait aussi réformé les anciens pontons qui étaient extrême- 
ment lourds; on les avait remplacés par des ponts en joncs recouverts 
de toile cirée (^). 

Cependant le nombre des pièces d'artillerie était encore très peu 
considérable, il ne montait pas même à une pièce par mille hommes (fi) . 



(1) « Il y aura aa siège de Corbie deui bauerîea» à cent pas du reiD|»ait de la ville, et Ton 
fait estât de De se servir que de pièces de 33 et de S4 : Mais peu de ces dernières, ^ cause 
qu'estaot le calibre des eoDemis, les boulets qu'on leur envoyerott , leur pourroient servir 
contre nous. Lettre de M. de Noyers au cardinal de La Valette. Amiens, ^ octobre 1636. » 
Auinv, 1. 1, p. 707. 

(2) Praiiqu0 de la Guerre, p. 93. 

(3) « Nous travaillons maintenant à désengager .nostre canon , pour renvoyer a Monstreuil 
l'équipage que nous en avons fait venir, afin de n'avoir avec nous que celuy de campagne, et 
d'estre libres et prêts ^ marcher où il plaira au Roy commander. Du maréchal de Cb4tillon k 
M. de Noyers, 9 août 1638. » âcbirv, t. u, p. 211. 

(i) «Le Roy ayant veo que M. de la Meilleraye fait estât d*aniener quatre pièces de canon , 
estime qu'estant légères, en sorte que quatre, cinq ou six chevaux les puissent tirer aussi 
viste que U cavalerie, ce sera chose avantageuse, amenant des fusilliers et des dragons ramas- 
ses de l'armécLeltrc de M .de Noyers aux maréchaux de Chaulnes,de ChUitillon et de la Meil- 
leraye i Amiens, le 15 juillet 1610. » Méinoiret d'Aubket^ t. ii, p. 56*2. 

(5) «c Je vous écrivois, Monsieur, de DourUns, de quelque petit désordre arrivé à l'atti- 
rail d'artillerie, qui n'a rien esté, et n'est point avenu pour le défaut des chevaux de 
ladite artillerie, mais seulement de ce que les pontons que l'on a faits, sont si lourds, qu'il n'y 
a presque point de portes de villes où ils puissent passer : et m'estonne comment les chevaux 
ont h force de tirer des machines si pesantes, et qui ont esté très mal construites. Lettre d»i 
maréchal de Ch^tiUon ^ M. de Noyers. Du camp de Siint-Paul, le 23 mai 1638. > AuBnv> 
I. Il, p. 137. 

« Les lochets de Hollande sont venus, et les ponts de joncs et d'osier, couverts de toille ci- 
rée, sont ainsi que je les ay demandes Du maréchal deChAtillon au Roi, 31 mai 1638. > 

AOBBBV, LU, p. 113. 

(6) « L'armée du Roy marche aujourd'huy en corps vers Roye, eHe est effectivement de 
dix mille hommes de pied, de douxe mlUe chevaux et quarante canons. Lettre du père Jo* 



350 GUERRE DE CAMPAGNE. 

L'ordre de bataille, Tordre de marche et Tordre de campement 
des Suédois furent adoptés en France à cette époque. Les armées 
furent généralement rangées en bataille sur deux lignes espacées de 
cinq cents pas (^). Quelquefois chaque ligne avait une réserve. 

Le maréchal de La Meilleraye formait aussi deux lignes ; la se- 
conde, beaucoup moins nombreuse que la première et considérée 
cemme une réserve, était composée d'hommes d'élite (^). L'armée 
marchait ordinairement en trois colonnes dans Tordre de bataille. 
La colonne du centre était composée de l'artillerie et des bagages (3). 
D'autres fois, l'artillerie divisée par batterie était répartie dans les 
divisions qui marchaient sur un aussi grand front que le terrain le 
permettait (*)• 
Bataille de Ligniu en Mais si Ics Frauçais avaient profité des innovations des Suédois, 

Silesic, 1634. ^ *^ ' 

les Impériaux, malgré leurs défaites, n'avaient pas changé leur ordre 
de bataille; et à Lignitz où ils combattirent les Saxons, ils se placè- 
rent comme Tilly s'était placé àLeipsick, mettant toute leur artillerie 
en arrière de leur ligne sur une hauteur. Chose remarquable , de 
chaque côté, les pièces étaient protégées par des gabions. Tant que 
les Saxons se tinrent à distance , le canon des Impériaux les in* 
quiéta vivement; mais dès qu'ils approchèrent, ils se trouvèrent à 
Tabri des coups et remportèrent facilement la victoire (^). 
Baïaiiied'Avein. La bataille d'Avein, qui eut lieu le 26 mai 1635, entre les troupes 

lorraines et espagnoles commandées par le prince Thomas, et Tar- 
mée française commandée par les maréchaux de Châtillon et de 
Brezé,offre un exemple remarquable des différents ordres de bataille. 
L'armée française était sur deux lignes, avec une réserve W ; Tartil- 

sepb au cardinal de La Valette. De î'Âbbaye-de-Ia- Victoire, près Senlis, 15 septembre 1636. » 
Mémoirei d'Ai]BBHT> 1. 1, p. 693. 

(1) Mémoirei de d'Aubert, t. n, p. 703. 

(2) LosTBLNAU, Maréchal éU batailUf p. 4*23 et suiv. Paris, 16i7. 

(3) Idid., p. 425. 

(4) Ibid., p. 434 et 437. 

(5) Voyez le plan dans le Tkeatrum ewropeum, t. ui, p. 275. 

(6) Voyei les Triompha de Louis le Ju$U. par Jbâh Valdor, p. 79. Paris, 1649. 



LIVRE K- CHAPITRE IV. 351 

lerie, composée de sept pièces, était postée à Taile droite. Les Espa- 
gnols avaient mis en avant toute leur cavalerie, divisée en escadrons 
placés en échiquier, et toute leur infanterie en réserve. Il n'y avait 
que des mousquetaires el seize pièces d'artillerie qui soutinssent la 
cavalerie. D'Aurignac dans son livre de guerre, blâme avec raison 
cette disposition ; car la division des troupes espagnoles exposait 
celies-cià être battues en détail par les forces réunies des Français (^). 
Et c'est ce qui arriva: les mousquetaires ayant été délogés, l'artillerie 
tomba au pouvoir des Français, et là cavalerie ennemie fut obligée 
de chercher son salut dans la fuite, sans que son infanterie ait eu 
le loisir de venir à son secours W. 

Si les Français et les Espagnol employaient un petit nombre de 
pièces, les Suédois et les Allemands en avaient toujours un plus 
grand nombre. Ainsi, l'armée du duc Bernard de Saxe-Weymar, 
réorganisée près de Darmstadt, en 1635, avait, pour vingt-quatre 
mille hommes, cent vingt canons qui avaient été fondus à Franc- 
fort (3). 

En 1636, à la bataille de Wittstock, que le feld-maréchal Banner 
gagna , les Impériaux , réunis alors aux Saxons, avaient fortiCé leur 
front par une ligne de redoutes détachées dont les intervalles étaient 
remplis par des retranchements de charrettes (*). Banner se dé- 
ploya sur deux lignes, distribua son artillerie sur le front, refusa 
son aile gauche, et, tombant avec la droite sur les Saxons qui occu- 
paient la gauche ennemie, il obtint un succès complet, et s'empara 
de quarante et une pièces d'artillerie. 



(1) Livre de Guerre ptr d'Auugnac, Maréchal de Bataille, fol. 89. MS Lctellier-Louvois» 
Q« 124. Regius 9350. A. 34. 

^2) Foyex la Relation dans les Mémoires d'AuiiRT sur le cardinal de Richelieu, 1. 1> p. 475 * 
Paris, 1660. 

(3) Le Soldai tuédoii parle sieur de Gibnaillb, p. 913. Paris, 1649. 

^4) Voyei Theatrum europemm^ t. lu, p. 708. 

(5) Les Suédois s'emparèrent de : 

5 Demi-eanoos de 94 livres. 

6 Serpentines de • 



IG36. 



.152 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Dans ce combat, on voit aussi un premier exemple du passage 
des lignes y manœuvre à laquelle avaient recours les Suédois pour re- 
tirer de la première ligne les régiments qui avaient trop souffert. 

Cependant, quoiqu'en France on eût profité des exemples donnés 
par Maurice et Gustave-Adolphe, on était loin de faire un usage 
aussi judicieux derartillerie que ces capitaines* On oubliait souvent 
que pour se servir avantageusement de petites pièces, il fallait les tirer 
de très près, et que même, lorsque l'artillerie se trouve en présence 
de pièces de plus gros calibre, le seul moyen d'égaliser les forces et 
de faire disparaître le désavantage» c'est de se rapprocher à une 
distance qui permette aux pièces de produire tout leur effet. Lors- 
que les Espagnols passèrent la Somme à Cerisy, en 1636, ils établi- 
rent une batterie de canons de 24, et les Français placèrent hors de 



2 Pièces de. . . 6 livres. 

4 idem de. . . 4 

1 idem de. . • 3 

12 Pièces à mitraUle (Scbrol-Stûcke) de 4 liyres. 
114 Quintaux de poudre. 

44 Quintaux de mèches. 
40000 Balles k mousquet. 
136 Boulets de 12. 
206 idem. 8 
156 Bottes à balles de 8 livres. (Schrol-Cartnsen). 

9 Boulets rames de 8 livres. 
204 BouleU de 4. 
39 Boulets rames de 5 livres. 
73 Boulets de 3 livres. 

13 Balles à feu. 

48 Grosses grenades (bombes). 
95 Grenades à main. 

3 PéUrds. 
200 PeUes. 

100 Pioches et pics. 
9 Vérins (Kranen). 

5 Binards. 

6 Caissons à boulets. 

2 Forges. 

30 Caissons couverts. 
Theatrum eurapeum, t. m, p. 710. 
(1) Le Sotdat êuédoU, p. 349, et Hont Kbiigskunst, i. i, p. 476. GœUingen, 179. 



LIVRE !•'. — CHAPITRE IV. 353 

bonne portée quatre petites pièces qui firent un si pitoyable effet, 
que a de bonté », dit Puy Ségur, « on la retira sans plus oser la mon- 
trer.» 

En 1638, les Suédois, réunis aux Français sous les ordres du duc 
Bernard de Saxe-Weymar, faisaient le blocus de Brisach ; le comte 
de Goetz et le duc de Savelli , qui commandaient les troupes autri- 
cbiennes et bavaroises, s'avancèrent pour ravitailler la forteresse ; 
ils avaient pris position sur des hauteurs situées près du village de 
Zisenheim; l'artillerie fut mise en batterie, et, quoiqu'elle tirât trop 
haut, le duc de Weimar ne crut pas prudent d'enlever une position 

aussi formidable ; il attendit l'occasion d'attirer l'ennemi dans la 
plaine et se retira à Mahlsberg. Ayant appris que l'armée impériale 

savançait sur les bords du Rhin avec un nombreux convoi , il se 
porta promptement en avant et l'atteignit près de Wittenweir; là en* 
core il se mit en bataille devant un défilé, les deux ailes appuyées à 
deux petits ruisseaux qui se jettent dans le Rhin. Les Impériaux, 
disposés dans un ordre semblable, tournaient le dos au Rhin et au 
village de Wittenweir. 

Le duc de Weimar plaça son artillerie au centre et à l'aile gau- Baiùiie drwmeowcir. 
che de ses troupes; les Impériaux concentrèrent toute la leur à l'aile 
droite. L'action s'engagea; la gauche de l'armée impériale composée 
des meilleurs régiments de cavalerie, repoussa les Suédois qui, de ce 
côté, se replièrent sur la seconde ligne. Mais le duc de Weimar réta- 
blit le combat. Toute la ligne se porta alors en avant. La mêlée devint si 
générale, que les mousquetaires se battirent à coups de crosses; tandis 
que les impériaux s'emparaient de trois pièces del2 et de quatre petites 
pièces régimentaires, les troupes franco*-suédoiess'emparaientdetoute 
l'artillerie des ennemis, et, chose singulière, de chaque côté, on tirait 
avec les pièces du parti opposé dont on s'était emparé; mais les Im- 
périaux avaient ce désavantige, que leurs boulets n'étaient pas du 
calibre des pièces ennemies ; les Suédois, au contraire, pouvaient se 
servir des munitions de leurs adversaires. Comme les canonniers 

TOBS I. ^5 



354 GUERRE DE CAMPAGNE. 

suédois avaient presque tous été tués, le duc de Weimar fit meitre 
pied à terre à des cavaliers d'élite, qui remplacèrent les canonniers 
et tirèrent avec un grand succès. Après un combat acharné, où 
chaque armée occupa plusieurs fois la place de son ennemi (i), les 
Impériaux se retirèrent en désordre vers Offenbourg. Les Suédois 
s'emparèrent de deux demi-canons, de deux beaux mortiers (Bôller) 
qui lançaient cent vingt-cinq livres,de trois fauconneaux et de quatre 
pièces régimentaires (2). 

Les autres batailles qui se livrèrent encore sous Louis XIII, n'of- 
frent aucun exemple bien remarquable de l'emploi de rartillerie. 
Cependant, les victoires de Guébriant à Wolfenbûttel , du comte 
d'Harcourt à Casale, en 164^ ; celles de Tortenson à Leipsick, sur le 
champ de bataille même où mourut Gustave-Adolphe , prouvèrent 
que les grands exemples des guerres passées n'avaient pas été perdus. 
Résumé. Ainsi, pendant la période que nous venons de décrire, la victoire 

se déclare partout où à la science se trouve joint le génie militaire. 
Nous avons vu, en France, la cause protestante toujours vaincue sur 
le champ de bataille, jusqu'au moment où Henri IV, se mettant à 
sa tète, la fait triompher. Il en est de même en Hollande ; ces Espa- 
gnols si fiers et si courageux sont presque toujours vainqueurs sur le 
champ de bataille, jusqu'à l'apparition de Maurice et de Henri de 
Nassau. En Allemagne, la cause catholique défendue par les géné- 
raux de l'empereur, est victorieuse jusqu'au jour où Gustave- 
Adolphe, devenu le chef de la ligue protestante, terrasse en trois 
ans tous ceux qui jusqu'alors avaient été invincibles. 

Ces éclatants succès ne s'étaient pas produits sans être accompa- 
gnés d'immenses progrès dans la tactique. 

Les batailles sous François P' n'avaient été que des batailles de 



(1) ce Dass ein jeder Tbeil zum zweiten Mal auf des andern vorige Sielle zù stehea kam 
etc. » Theatrum europeum^ l. m, p. 964. 

(2) Ibidem, p. 965. 



LIVRE 1-. - CHAPITRE IV. 355 

chocs produits par de grosses masses , que .le canon était obligé de 
rompre et de disperser en tirant directement dessus- 

Les batailles du duc de Guise et de Henri lY avaient été des ba- 
tailles de chocs produits par de petites masses indépendantes les 
unes des autres, mais se soutenant réciproquement ; dans ces ba- 
tailles» l'artillerie placée aux extrémités d'un croissant, s'efforçait de 
prendre d'écharpe l'ennemi et de flanquer toute la ligne de bataille 
qui se tenait sur la défensive. 

Les batailles de Maurice et de Gustave-Adolphe étaient encore des 
batailles de chocs, mais de chocs entre des lignes qui se soutenaient 
et s'aidaient réciproquement; l'influence des manœuvres s'y faisait 
déjà sentir; Tartillerie appuyait de ses gros calibres toutes les parties 
faibles, et les pièces légères étaient réunies pendant le combat sur le 
point décisif, là où un effort vigoureux pouvait assurer le succès. 

Sous François I", il fallait du courage, 'du sang-froid et une artil- 
lerie bien servie. 

Sous Henri IV, il fallait de la légèreté, delà promptitude, de l'ha- 
bileté dans les mouvements des unités tactiques. 

Sous Gustave-Adolphe il fallait, indépendamment de tout cela, 
delà science pour diriger simultanément l'action variée des différen- 
tes aimes sur différents terrains. Jusqu'alors, le canon avait rendu 
sur le champ de bataille la défense très supérieure à l'attaque; Gus- 
tave rendit à l'attaque toutes ses chances de succès, en sachant se 
servir des canons légers et des armes à feu. 

Le canon a décidément battu en brèche Tordre profond et forcé 
les troupes à manœuvrer. 

L'invention du fusil à baïonnette va permettre à l'infanterie de 
doubler ses forces par l'uniformité de son armement. La cavalerie, 
dégagée en partie d'armures embarrassantes, a déjà montré tout ce 
qu'on peut attendre de la rapidité de ses mouvements. 

De grands exemples ont été donnés; on a vu que ce sont les ré- 
serves qui gagnent les batailles. 



356 GUERRE DE CAMPAGNE. 

On a vu que l'artillerie doit être divisée dans les marches, et réu- 
nie en grandes batteries sur le champ de bataille* 

On sait qu'une armée doit marcher et camper dans Tordre où elle 
doit combattre. 

On sait, qu'en fait de stratégie et de tactique, la grande question 
est de tomber avec ses forces réunies sur une portion de la ligne 
ennemie. 

Enfin, même pour la guerre de montagne, la campagne du duc de 
Rohan dans la Valteline, a fourni de nouveaux sujets d'études et 
de méditation. 

Malgré tous ces progrès, il faudra bien du temps encore avant que 
ces exemples soient réduits en principes et en axiomes ; et , une fois 
acceptés comme tels, il sera toujours difficile et rare de trouver un 
général qui sache les appliquer. Car, si la science analyse et coor* 
donne les faits passés pour en déduire des principes généraux, le 
génie seul sait tirer d'immenses résultats de leur juste application. 



LIVRE I**. — CHAPITRE IV. 357 

PIÈCES JUSTIFICATIVES. 



No i. 

Gomme li consauk de le ville eoisl ordené par aucan rapori que on leur en fist, 
que Pieres de Bruges, potiers destaio, savoit faire aucuns engiens appiellés con- 
Doilles pour traire en uneboine yille quand elle soit assisse(l); liquels Pieres fu 
mandés et li commanda lidis consauls qu'il en feist j et se il le faisoit bien et 
que on sen loast il en feroit pluiseurs. Liquels Pieres en fists j et depuis aucun 
doudit consel vaurent savoir comment on sent poroit aidier et dirent audit Pie* 
ron qn^il le voloient faire esproyer. Liquels Pieres porta sen engien dehors Mo- 
riel porte as cans(2)et mist j quariel eus auquel avoit ou boutdevantune pieche 
de ploncb pesant ij Ib. u environ et 6st cestuy engien traire et la porta pour jeter 
quant j buis et j muret. Liquels engiens fist si cruel noise et si grant que li qua- 
riaus vint par dedens le ville, et ny eust personne qui la fu, ne le dit Pieron, 
néant que le dit quariel veust ne ne peuist pierchevoir et passa les ij murs de le 
Tille, jusques en le placbe devant le monstier S. Brisse et la atainst j homme 
appielle Jakcmon de Baisse foulon ou kief et le jeta mort. Ljquels Pieres pour 
le doubte de la lov de le ville se traist en saint lieu quant on li raporla le non- 
vielle. Sour cou li consauls de le ville par grant délibération eut avis sonr cbe e 
boin consel, considérant que on a voit commandé audit Pieron a foire ledit engien 
et que di celui lidis consauls lavoit fait traire pour exprouver comment il se por- 
teroit, comment il avoit pris se visée de traire cont le dit buis et muret et que 
hajne aucune lidis Pieres navoit audit Jak qu*on seoist et comment li quariaus 
sans viser sa dreta de-dans le ville; qu^il ne veoient cose aucune pour quoy li 
dis Pieres ne deuist estre de ceste cose purs innocens et sans coupes de le mort le 



(!) Assisse, assiégée. 

(i) Là porte Moriel as cans, la porte Noire-iox-Champs. 



358 GUERRE DE CAMPAGNE. 

dit Jak et que ce que li dis Pieres en fist fu cas de meskance et de pitey, pour 
qaoj audiet Pieron il perdonnereol çou que par meskeance il leoeatoit. Ce fa 
fait ou mois de septembre lao de grâce mil iijc et xhî. 

Cette pièce a été publiée eu divers endroits, notamment dans les Mémoires de 
V académie de Bruxettes, dans U Mémoire sur la Poudre à canon de M. Léon Laca- 
hàue jeidsjiïsles Archives philosophiques et Ktiéraires quis^imprimaient à Gaod^ t.ii. 

Le sieur J.-B. Depestre (1) a^fait TiiiYentaire du registre de Cuir Noir. U a mis 
eu note de cet article : 

« L'inventeur fit Téprenve à la requête des Ck>n8anX| et fut pardonné de Tho- 
« micide. 

« Ce canon était carré, on le chargeait d'un dex de fer. 

a U fut emporté par les Français au dernier siège de 1745. 

Signé DsmTRB. 



Wo 2. 



IS91. Memorie estratU da due aniiehi inveniarii délie bombarde, batiste, ed alire armi 

Pièce iDédite tirée des chc esistevouo tieUe comcre dd comune di Bclogna negU ami 1381-1797. Docu- 

Arcbives de Bologne. 

menti che ora si eonservano nd grande archivio dnile e criminaie di Bologna. 

In Ghristi nomine Amen. Hœc est reassignatio facta per Beltramend de Prendi- 
partibus Massaroliom Gom : Bon : pro sex mensibus inceptis die primo mensis 
Januarii mccclxxxi. Indictione quarta, Arpinello de Folea dicti Beltrami, notaria 
per suum successorem in dicto officio de rébus, bonis, et Massaritiis Massart» 
dicti communia juxta revisionem, examinationem, et calculum rationis et adminis- 
trationis dicti Beltrami factam per me Linuzium una cum Romeo de Garfagnanis 
assertos revisores ad pradicta. 

In primis in cortile. 

fc Ducentos nonaginta quinque lapides a bombardis. 



( 1 ) Ancien greiDer aiminel, il avait été adjoint au commissaire Crauçais Desnans pour in- 
ventorier les sKliives. Cet inventaire fût présenté ^ Joseph II par le fils de Depestre. 



LIVRE K— CIAPITRE HT. 359 



liem. In domo Massari» repertam fait lapides marmoreos a bombardis Irecentos 

trigeota quataor. 
Item. Qualoor lapides pro laborando ad ministeriam bombardarum. 

In tecunda caméra. 

liem. Qaaiaor canones a bombardis inter quoram uniis esl cupri sine cepo 

(coins), Al alii cnm cipis (erraiis. 
Daas qnintaneas a bagordando. 

Duos carrittos a bombardis cnm doâbus rôtis pro qoalibet. 
Dnam bancam a carregando balistas. 
Unan scannnm a bombardis cam uno police. 
Unnm canonem cnpria bombardis ponderis librarum ccclxi (361). 

In prima eamera ferramenionmm, 

SexaginU quioque grafBos ferri in modam ancinorom ponderis librarnm cuu 

(1*8). 
liem, Unam capram ferri ponderis librarum Tiginti. 
Quatuordecim pallos ferri ponderis libramm gccz(3I0). 
Dnas dalaturas de ferro. 

(Peut-être taliatura» cimeierre ï décapiter.) 
Centura septnaginta cocones lignei a bombardis (tampons). 

In caméra a bambardù. 

Quinqoaginta quatuor balotu ferri a bombardis lib. cgclxxiiii (374). 

Sedecim balotas ferri a bombardis ponderis lib. cgc(300). 

Trecentos octuaginta qninque balotas panras ferri a bombardis ponderis lib. 

CCZXKT (S35). 
Centom triginta Ires balotas ferri a bombardis ponderis lib. lxti (66). 
Ducentas sexaginta daas balotas ferri a bombardis ponderis lib. Lxxxxn (92). 
Sexaginta balotas ferri a bombardis ponderis lib. xlti (46). 
liem. Unura barillem noYum sal nitri ponderis lib. ducentas sexaginta sex. 



360 GUERRE DE CAMPAGNE. 

Item. Decem et octo balotas ferri a bombardis pond. lib. sex. 

Item, Uoam botexellam puWeris a bombardis ponderis lib. cenlum sexaginta 

trea. 
Item. UDam botexellam palveris a bombardis non bona ponderis lib.Lxxvii (77). 
Item. Très pallos ferrr | 

Duo scrocatoria jponderis lib. clxxxi (181). 

Item. Novem scrocatoria ferri a bombardis. 

Item. Quatuordecim tassatoria ferri (lanternes à charger) ponderis lib. trigiota 
novem. 

Item. Undecim teleria a bombardis veteres et inutiles. 

Item. Quatuordecim bombardas noyas fulcitas corigiis teleriis et canonibus. 

Item. Quatuor bombardas yeteres fulcitas congiis teleriis (soutenues par des af- 
fûts courbés) et canonibus. 

Item. Unam bombardam cum nno canone cupri. 

Item. Novem bombardas a scaramosando (pour escarmoucher). 

Item, Duas bombardas una cum manico ferri, alia sine. 

Item. Unam botexellam palveris ponderis lib. cxlviu (148). 

Item. Buttighinum parvum cum sulfano iniegro ponderis lib. decem et octo et 
demidio. 

Item. Dnum taschitum pellis cum palveris ponderis lib. 7,onc, 7. 

Item. Unum taschitum plénum salfani pistati pond. lib. 4. 

Item. Très telerios novos non fulcitos a bombardis. 

Cornera a capiêtriê, et a taglû. 

Unam cristntam. 

Item. Très cervellerias. 

Item. Unum capellettam ferri. 

Item. Très scudos ligni. 

Item. Duos schudos chatellanos. 

Item. Octo pavexios veteres. 

Item. Yiginti quinque pavexios novos. 

Item. Qnadraginta duos cocones magnos ligni a bombardis. 

Item. Gentum quatuordecim cocones pasvos a bombardis. 

Item. Unum frusturo curaminis a frombolis. 



LIVRE I-».— PIÈCES JUSTIFICATIVES. :»i 

Cornera a haliiiis. 

Quinqne millia Terelones (dardi) cam fcrris iropennatos cum caria. 
Novercnluiii quadraginta daoa yeretoocs in una cassa impennaloscam carti- 

bas. 
lîem. Trcccntos ooTagiota très rochelas fcrralas impcDcatas de carta, io uoa 

cassa. 
Item. Trecentas quÎDdecim astas a verclonibus DOTas impenDalis de carU. 
Item. Ccntum quadraginla quinquo vcrelones impeonatos cum peonts de ocha. 
Item. QuinqaagÎDla noTcm TcreloDCS iroponnatos de pconis de ocha. 
Item. Mille veretooes veteres impeonatos de carta, in una cassa. 
Item, Ducentos sexaginla sei vcrelones dispennalos ferratos inutiles. 
Item. Ceutom viginti Tcrctones impennatos de carta ferratos a balistis a duo- 
bus pcdibus. 
Item. Ducentos septuaginta quatuor moscbitas impenoatas de carta în una 

cista. 
Item. Mille centnm nonagintas astas a Teretonibus sine ferro impennalis de 

carta^ in ana cassa. 
Item. Trecentos yeretones a balistis grossis ferratos impennatos parlim de ramo^ 

et partim non, in una cassa. 
Item* Quatuor centnm quadraginta astas veretonam a balistis grossis parlim im- 
pennatos de ramo, et partim non. 
Item. Novecentum astas ?eretonum nallins valoris fractas, et disiructas. 
Item. Duceolas &slas a rocbitis impcnnatas partim de ramo, et partim non. 
Item. Très rochelas impennatas de ramo cam ferris. 
Item. Decem et octo verelones yeteres a balista. 
Item. Unam verclonem impennatum de ramo. 
Item. Mille yeretones impennatos de caria» in una cassa. 
Item. Quinquaginta daot yeretones impennatos de carta ferratos boni, in una 

cassa. 
Item. Centnm yiginti Ires astas sine ferris impennatas de caria. 
Item. Unam noxitam magnam de osso a balista. 
Item. Très noxitas de cupro a balistis. 
Item. Triginta noyem noxilas a balistis. 
lump Unum penonem de Valesio ad insigna gaaslalorum. 

TOiin 1. M 




352 LIVRE r-.— PIÈCES JUSTIFICATIVES. 

Item, Unam penoDem de seta ad insigna ciavium. 

Jiem. Uduib teleriom régis Entii (1 ) , 

Item. Duas roanetas corii a balistis. 

Item, QaiDqaagÎDta quatoor stafasa balistis et ab equis. 

Item. Gentum claves a balistis. 

Item, Quinque claves a balistis. 

Item. Daos Teretones a balistis grossis unam dispennatum, et alterum impen- 
Datum. 

Item. Ducentos quadraginta quioque ferres a veretonibus. 

Item, Sex mantighellos veteres et destructos ad soflaodam in bombardis. 

Item. Mille quadringentas duodecim fricias impennatas et ferratas 

Item, Mille centum sexaginta aslas a friciis destrnctas et inutiles. 

Item. Viginti unam balistas aliqaas bonas et veteres cum oordibos, et aliquas 

cum magistris. 
Item. Unam balistam novam grossam de neryo. 
Item. Unam balistam de nervo ab equo. 

Item. Gentum yiginti sex balistas novas fulcitas cordibus et magistris. 
Item, Unum gumbiselU azie. 

Item, Quinquaginta crocos a balistis debilis et inutiles. 
Item. Duodecim noxeCas non laboratas a balista. 
Item. Mille quadringentos sexaginta duos ferros a friciis novos. 
Item, Duo millîa quingentos octo astas ab ungaro novas, in una cassa. 
Item. Viginti novem arcones a balistis parvis. 

Ilem. Decem et scptem telerios a balistis grossis fractos et nullius valoris. 
Item. Octo arcones a balistis grossis a nervo débiles et nullius valoris. 
Item. Duos buffitos no vos a bombardis in una cassa (soufflets pour allumer le 
charbon dans lequel on rougissait la baguette en fer qui mettait le feu 
aux pièces). 
Item. Undecim balistas grossas fractas destructas nullius valoris. 
Item. Sexaginta octo balistas fractas et destructas. 



(1) Ncl margioe sono notate le seguenti letiere Teler-ba che vogliooo significare Telerium 
e balUte, cioè il telaro , o vero l'armatura, o la slessa balestra senza la corda del re Enzio, 
forse qoella balestra eon oui combaueva quando, nel 1249, venne faito prigione dai Bolo- 
gnesi. 



LIYRE W. — PIÈCES JUSTIFICATIVES. 963 

Ittm, QoadriiigiiiU qaataor magistrat a balislîs magnas et parvas. 

Rei exiitentes m andavino (corridor). 

Viginli octo lancias lorraCas. 

Item. Duas lanciaa ferraUs. 

Item, Unam duciam Tocatam Inghillerra. 

Item. SexaginCa unum dardam ferratos. 

Item. Viginli laniones ferraloa. 

Id Christi Domine amen : Hsc est assignatio rerum et munitionum cxislantium in 
Hassaria Corn : Bono : et assignai» per providam Tirum Johanncm Jacobi 
Peloni Piscalorem Tomasi qood Nicholai de Boccadecanibus honorabilem 
Hassarolum Corn : Bon : et scripta per me Marcellnm quod l)ominici de 
Piizanis notarium, et oificialem oiEcio dict« Massariie pro Corn : Bon : spe- 
cialiter deputatum snb annis Domini millesimo trecentesiroo nonagesimo 
septimo inditione qainta tempore Dni : BonifatiidiTina providenCia Pape 
noni, inchoata die secondo mensis Janoarti dicti anni. 

In stantia curtilis in domo inferiori et terrena. 

In primis XII bombarbas a seccbia de ficiant duo corigie de ferro, et sei ea?i- 
clas de ferro, et quinque bletas de ferro de quiboa due sont magagnat» et 
(racttt. 

Item. Unam bombardaro saldam. 

Item. Duas bombardas com lippis saldas . 

Item. XVn bombardas com secchb, deficiont XI bletA de ferro et duascaTÎ- 
clas. 

Item. VIII bombardas deficiuni sex caTicIft de ferro, et quinque blette de lerro, 
et ttoom cippum magnum de ligno. 

Item. Unum cippum a bombarda com corigiis de ferro. 

liem. Unam bombardaro pizolam (piccola) euro manico fracto. 

Item. Septem borobardas cum telcriis. 

liem. Unam bombardaro pifolaro cum lapide et cippu. 

Item. Quatuor sclopos pitoios in uno tcicrio. 

/l€m. XXXIin sclopos com cippb. 

Item. Scplem Kiopos sine teleriis. 

46. 



U% LIVRE K.— PIÈCES JUSTinCATI¥ES. 

liem. Unom sdopom parroro a caTaiito el sioe caTalilo. 

Item. Unom sclopum earo telcrio. 

Item. Uoom sclopam de fcrro com cippo. 

liem. YIII sclopos de ferro de qoibus sont (re^ a manibos. 

Item. Unuro (eleriom cnro duobus canonis. 

Item. Unam leleriam cuoi daobos sclopis. 

Item. Uouin canonem ad modam bombarde sioe telerio. 

Item. Doas bombardas cum telcriis a ballotis de lapidibas. 

Item. Très saWavinellos ad implendum bombardas (i). 

In caméra ferramentorum. 

Qaifiquaginta daos graflios de ferro computata ona punta de ferro ponderîs libr : 

doccntarum nonaginta novem. 
Item. Unam capram de ferro ponderis lib : decemnovcm. 
Item. Duodccim tassaiorios de fcrro a bombardis de qaîbus decem sani ponderis 

lib. Irecentarum septaaginta quioqae de qaibas nnum fractum. 
Item. Decem et septem tassatorios de ligno. 
Item. Unam tassatorium de ferro parvum. 
Item. Soplcm tassaiorios de fcrro ponderis tibrarum vîginti. 
Item. Scplcm tassaiorios de ferro cam manico de ligno a sclopis. 
Item. Oclaaginta quatuor ancinos de ferro sioe manico, ponderis librarum cen- 

flum quinquaginta trium. 
Item. Quatuor bletas pizolas de ferro a bombardis. 
Item. Très bletas de ferro a cadenàciis a ponte levatojo. 
Item. Sex capillos de ferro. 
Jtem. Unum cimeriom de corio coto . 
Item. Sex ccrvcllerios de fcrro veteres. 
Item. Sex bacinetos de fcrro sine camario (2) et sine vixeriis. 
Item. Undccim barbotas de fcrro cum camario sine vixeriis. 
liem» Duodecim armaturas de ferro a capite sine camaro et sioe vixeriis. 



(1) Salvavinellî, piccola salvajinc che in bolognese diconsi buvinelli ed in iingua illustre 
imbuti. 

(2) Gamauro. 



LITRE I*' — ^PIÈCES JOSTIFICATIYES. »S 

ttem. Ceutam qaadraginta oclo Crigulos de Terro. 
liem, Viginti anom jaTaroUam de Tcrro. 
It€m. Qoalordicim ferros ad Iranduin ignem. 
Item. Mille Teretones impcnoatos de cartis. 
liem. QuadragiDlos Terotooes impcnoatos de ramo. 

Cornera a baliêtis. 

UDam balisfam ligatam ad modum JanaeDsium. 

liem, Centum quinquaginta oclo balistas inter Tractas et desinictas cum cordîs, 

et sine cordis, cam noxetis, et sine noxetis et sine magistris inter groasas et 

minutas. 
liem. Centum viginti noTcm noxetos de osso a balistis. 
liem. Sex noxetas de metalto a balistis. 
liem. Nonaginla crochos a balistis. 
liem. Quadraginla qoataor ferros a Terctonibns. 
liem, Dao miliaria de ferris a faciis. 
liem. Quadragentos nonaginta qninqne anlipcctos a balistris. 
Item. Tringinla unam clavim de ferro a balistris. 
Item. Duo milllia astas a friciis. 
Item. Novem arcos a friciis cum cordis et sine cordis. 
Item. Trcs fricias ab inghitîxis. 
Item. Trcs navicelios a ponte. 

liem. Unum penoocro de panno ad arma magistrorum lignaminis. 
Item. Unum pcnonem ad arma ecclesiie. 
liem. Unum penonem ad arma guastatorum. 

Item, Sexaginla quinqne libras de ferro a bomhardis yidelicet batlottis. 
Item. Septingcnlas quinquaginta ballottas de ferro a bombardis. 
Item. Unam cazolam de ferro causa carigandi bombardas. 
Item* Duo mitlia ducentos TÎginli ballottas de lapide a bombarda. 
Item. Triginta duos pavcsios TCteres et fractos. 

Item. Unam bombardam ponderis librarum dncentarum septoaginta trium. 
Item Triginta duo sculos veteres et fractos. 
Item. Unum palum de ferro sive tassatorium. 



366 LITRE I».— PIÈCES JUSTIFICATIVES. 

No 3. 

t4«t». Inventaire fait Ion mil CCCC virU-huit, le tnardj ctnquiesme jour du mois doctobre 

vé]*8 wx 'nrî^l'l^é^t P^ fnaisire Guillaume Lamy, clerc du Roy notre Sire, en sa chambre des comp- 
raica du royaume eni 846 ^^^^ ^^ GiroTt de Conflans, notaire diceUuy seigneur en son chasul de Paris, 
des biens et utensils estan au chastel de la bastide de Sainct-Anthoine, à PariSy et 
en la basse court diceUuy chastel par lordonnance et commandement a eulx fait 
par messeigneurs les gens des comptes dudit seigneur ^ par vertu de certaines hê- 
tres royaulx a eulœ adressées, desquelles la teneur censuit, etc. 

HENRYj PAR hk GRACE DE DlEU, ROT DE FrANGB ET d' ANGLETERRE, à DOS 

améz et feaulx coDseillers, etc. 

La première vis et tour du costé de la rue Saioct-Anthoine de la main senestre, 
a commeDcer du costé des Gelestios. 

I 

La n« viz et toar a la main seoestre. I 

! 

Item. XYn canons a main dont les deux sont de cuivre^ et les XV de fer sans 

chambres. 
Item. Deux yuglaires petitz afastez en boys, chacun garni de ieux ci^ambres. 
Item. XIIII chambres a Tuglaires. 
Item. Six piez de chienne. 

Item. Cinq tours a tendre grosses arbalestres. l 

Item. Cinq grosses arbalestres a tendre^ a tour et a vis^ et sont très bonnes et bien 

en cordesu 
Item. YIII moiennes arbalestres dont les deux sont rompues, «t les antres sont 

assez passant. 
Item. Une grosse vieille arbalestre a tendre, a tont de nulle valeur. 
Item. Quatre graos ars de corne, les arbriers séparez lun de lantre qui sont de 

peu de valeur. 
Item. Demi XII« de vielz ars d'arbalestres dif avec les arbriers séparez lun de 

lautre, et sont de petite valeur. 
Item. XYIII vieilles fondes a bastons. 
Item. Environ deux cens tampons que grans que petiz. 



LIVBE l«.-PlftCES JU8TIFICATITE8. SeT 

liem. En Muige den hault desdictet alnoires fo trouvé nng millier de chausse- 

trappes ou eufiron. 
lum. Fat trouTé nue graiit pièce de fer. 
lum. XXVni casses de trait commuD ferré. 
Iiem. Environ deux milliers de dondainnes, que ferrées que defferrées. 
liem. Ung millier de traits commun que ferré que defferré. 
Item, Environ Y^ petilz garrots en V casses. 
liem. Environ deux cents gros garrots. 
liem. Deux pommes de cuivre a gecler feu. 
Item. Cinq lances ferrées. 
Item. Une lance a porter estendart. 
liem. Trois grandes vieilles selles a jooster de nulle valeur . 
Item. Un vieil heaume et un vieil chanflrain. 
Item, Un grant collier a cheval pour traire. 
Item. Environ cent plommées. 
liem. Demi XII« de hottes garnies de cordes et de vieceiles. 

La 1II« vis et tour de ladicte main senestre. 

La ini« vis et tour de ladicte main senestre. 

La première vis et tour a la main destre en commençant devers la tour de 
Billj. 

La n« vis et tour de ladicte main destre. 

Item. Au corps dostcl entre ladicle vis et la troisième vis. 

Item. En la chappelle dndit chastel. 

La III'' vis et tour de ladicte main destre. 

lui IIII« vis et tour de ladicte main destre. 




i 



368 LIVRE I*». — PIÈCES JUTIFICATIVES. 

lîem. Es (errasses dodit chaslel ung vuglaire onchassillié en boys gectant pierres 

de YI liv. posant bu environ et a deux chan^bres. 
Item. Ung pelil vuglaire dune pièce a loule sa chambre, gettant vers la porte 

Sainct-Anthoine-dcs-Champsgcttant pierres de IIII liv. pesant on environ 

enchassillié en boys. 
Item, Ung pareil vuglaire vers lechemin el chaussée de leglise Sainct-Ânthoine- 

des-Champs gectant. 
Item. Ung aulre pareil vuglaire vers la tour de Billy gettant. 
Item. Ung autre pareil vuglaire gcHant vers loslel neuf. 
Item. En la court dudit chastel fut trouvé ung vuglaire a denx chambre de 

enivre. 
Item. Souli lauvant de tuille estant ou millien de la dicte court dndit chastel fu 

trouvé nng vuglaire a deux chambres de enivre enfusté en boys gettant 

XX liv. de pierres pesant ou environ. 
Item. Ung autre vuglaire garny dune chambre et dun coing de fer enfnaté en 

boys de YI ponces de pierre ou environ gettant. 
Item. Ung autre vuglaire enfusté en boys sans chambre, de cinq ponces de 

pierres ou environ gettant. 
Item. Une boete de fer enchassillié en boys gettant sept plomées a une fois. 
Item. Ung coffre de noyer ferré a YI paires de charnières et liens tout autour et 

quatre cornées et quatre lyens aux deux bouts et a longueur cinq piez on 

environ et estoit fermé a deux serrures plates et a deux cleb de diverses 

sortes et façons. 
Item. Sur la porte de ladicte conrt faisant front en la rue Sainct-Anthoine fîi 

trouvé ung vuglaire enchassillié en boys sans chambre gettant pierres den- 

viron cinq ponces. 
La basse»conrt dudit chastel de la bastide Saint-Anthoine. 
Premièrement, soubz la porte de ladicte bassecourt en allant aux champs fut 

trouve ung vuglaire enchassillié en boys a toute sa chambre gettant pierres 

de cinq pouces de tonr ou environ. 
Item. Dessus ladicte porte fut trouvé ung antre pareil vuglaire sans chambre et 

gette pareille pierre que le prochain précèdent. 

COrfFLÂNS. 
Lamt. 



LIVRE I''.— PIÈGES IUSTIFICATI?ES. 369 

No ♦. 

Dam rtnvenfaire de 1430 le mercredi S8 février par le même Guillaume Lawn/y on 

trouve au fait f artillerie. 

Dans la II« toor de la main scnestre dans la première chambre. 

Deux pommes de caivro a gecler feu. 

En la II« chambre de ladicte (our. 

Item. Dedans la chambre furent IrouTei cinq quaques dont les trois sont plai- 
nes de pouidre a canon, le quart est environ au tiers plain dicelie pooldrc 
et le cinq^*** est tout wjt. 

Item. En nne chambre joignant dicelie III* chambre, en laquelle est apresent 

Tartillerie fu trouvé. 
Item. Six petii canons de fer dont les cinq sont a main sans chambres et le 

sixième est enchassillié en boys. 
Item. Sept piei de chienne de fer grans moyens et pelii. 
Item. Trois grandes et grosses arbalestres a tendre a vis et a tour dont larhrier 

de lune est rompu. 
Item. Quatre signolles a tendre arbalestres dont lune est grande les deux autres 

moiennes et lune petite et est en partie despecées. 
Item. Quatre arbres darbalestes très communs. 
Item. Neuf arcs darbalestres de plusieurs sortes de petite valeur. 
Item. Six arbriers grans pour arbalestres de Turquie. 
liem. Quatorze arbalestres que petites que moiennes dont les sept sont entières 

et presque neuves et de pareille façon et les sept autres cassées. 
Item. Une autre arbalestre assez grosse cassée. 
Item. Environ six trousses de fondes de cordes sans bastonsa gecter pierres. 

Item. Environ un millier de cbaussetrappes. 
Item. Dix sept casses de trait commun ferré. 
Item. Dix casses de moiennes dondainnes ferrées. 
Item. Neuf casses de trait defferré de plustean sortes. 

Toaa I. 47 



370 LIVRE I".— PIÈCES JUSTIFICATIVES. 

Item. Environ demi casse de gros traits en façon de dondaines ferrées poar gros- 
ses arbalestres. 
Item. Environ deux cens gros garros. 
Item. Environ trois cens de petiz garros. 
Item. Plusieurs viels chables de chanvre a traire engins. 
Item. Trois vieilles selles a jouster et faire faict darmes. 
Item. Deux chevales a mettre a point arbalestres. 

Item. Dessoubz la porte estant entre la deux™« et la in« tour dndict ooalé et di- 
sant front en la rue Saint-Anlhoine fut trouvé. 

Item. Deux canons de cuyvre a long manches de boys pour gecter garros. 
Item. Ung vuglaire et huit chambres de vuglaires que moiennes qae petites. 

La in[« vis et tour de ladicte main senestre. 

Et quant au regard de toutes les autres chambres de ladicte vis et tour elles fu- 
rent arses par feu qui se bouta en la pouldre a canon estant en la seconde 
chambre de ladicte vis et tour. 

• •••••••••••••••?••♦• • 

Item. Es terrasses dudit chaslel furent trouvées trois vuglaires enfustez en bojs 

de neuf. 
Item. Furent trouvées neuf chambres de vuglaires. 
Item. En la court dudit chastel soubz ung auvaot couvert de tuille estant en mj 

ladicte court fut trouvé ung vuglaire a deux chambres de cuivre enfusté en 

boys et gectant pierres de XJL liv. pesant ou environ. 
Item. Dessouh ycelluy auvant fut trouvé ung coffre de cinq a VI piez de long 

ouquel navait point de (mot illisible) et est entrelaillié ycelluy coffre. 
Item. Dedans ycelluy coOre fut trouvé environ trois cens et demi de pierres de 

canons et de vuglaires de plusieurs sortes et grosseurs. 

La basse court dudit chastel de la bastide. 

Premièrement. 
En ladicte basse court sur les allées dicelluy fut trouvé une boete de fer en façon 
de canon enchassillié en boys gettant sept plomées a une fois. 



LIVRE I'. - PIÈCES JUSTIFICATIVES. 37f 

liem. Ont été trooTex quatre ?iigbire9 el cinq chambres de vuglaires. 

CmWLAKS. 

Dans un inventaire da cblteau de Beauté contenu dans le même registre de U20 

on trouve : 
Au plus hault de la tour : deui petiz canons a plomées. 



No 5. 

Jm>€Htoire fait Um mil quatre cm$ trente et cinq^ h bmdi cinquiume jour de mars i4Sft. 
par tire Regnault Dorin, conieiUer et maître de$ comptée du roy notre seigneur 
et Adam Deschampê, clerc desdix comptes j des artilleries kabiUemens de guerre et 
autres tiens j uteneiUes estant au chastd et bastide Saint- Anthoine^ a Paris, et en 
la bassô^court dieettuy appartenant au roy nostre seigneur ^ et par V ordonnance et 
comsnandement de messeigneurs des comptes du roy notredit seigneur a Paris, 
iceutx Uenz monsirex par Richart Cànyngeston, lieutenant etseruiteur de monsei- 
gneur de Talbot, chevalier, nagueres capitaine de ladicte bastide, lesquels artille- 
ries, biens meublés et habillemens ont été par nous inventoriez en la manière qui 
sen suit, pour iceulx baillez a wAle et puissant seigneur, monseigneur Robert, sei- 
gneur de WyUuby, comte de Vendosme, apresent ordonné capitaine dudit beu de la 
basUde. 

Et premièrement^ sensuit la déclaration des artilleries et biens appartenant au roy 
notre seigneur qui baillée avaient esté audit monseigneur de Talbot, par messire 
GuOlaume Bonegton, ckevab'er, auparavant capitaine de ladite bastide. Cestasa- 
voir : 

Trois canons fourniz de chambres, cesCassavoir chacun de deux chambres qui 

estoient la pour asseoir en haut dedans le donjon. 
Item. Deux canons de cuivre espringal. 
Item. Six piei de chievres que grans que petiz. 
Item, im couleuvrines ou canons de fer. 
Item. Deux arbalestres dacier. 

Item. VIII arbalestres difentieres dont il enja III grosses dictes haussepiez 
Item. XII arbalestres rompues. 

4T. 



37Î LIVRE 1".— PIÈCES JUSTIFICATIVES. 

liem. Dix arcs darbalestres sans arbrîcrs rompues. 

Item. Dng petit canons en bojs. 

Item. Dix arbriers sans ais que grans que peliz, dont il enya nng rompu comme 

de nulle valeur. 
Item. Cinq engins de boys a tendre arbalestres, dont les trois sont entiers et les 

autres non. 
Item, Cinq windas de fer que grans que petiz a tendre arbalestres. 
Item. Deux pièces de boys dun engin a couillart. 
Item. Deux crocs de fer pour une escbielle de corde. 
Item. IX paraiz que grans que petiz telz quelz. 
Item. XLIUI coffres de traila arbalestres que grans que petiz, tauta empenner 

que empennés et ferrez et a ferrez. 
Item. Dng nombre despringalles sans coffre. 
Item. Une quantité de cordes a couillart pour ung ou deux. 
Item. III engins de cuyr a chargier les pierres du couillart. 
Item. Deux XII"*'' de fondes sans baston. 

Item. III luires de fil danvers avecques ung nombre de chaussetrappes. 
Item. III vieilles selles de jouste avecques ung vieil heaume. 
Item. Une grant armoire a mettre harnois a six cloaus. 
Item. Ung baril et demi de ponldre a canon ou environ. 
Item. Ung gros canon enfusté en boys appelle le canon' de la bastide a deux 

chambres de cuivre. 
Item. Ung autre grant canon ou bombarde defer de YI piez de long on envi- 

a trois chambres de fer. 
Item. Deux fallotz a esclairer sur les murs. 
Item. Ung canon a sept troux sans chambre estant en la basse court d'un cspao 

de long ou environ. 
Item. Cinq canons que grant que peliz dont il en y a trois chacun a deux cham- 
bres et tes autres deux chacun a trois chambres seans en la basse court. 
Item, un tables que grandes que petites avecques II II tretaux. 
Item. XY bans a perches tant dun que dautres. 
Item. XI tant armoires que dressouers. 
Item. XII que couches que chalis. 

Item. Une grant armoire estant en la tour rompue qui soûlait eslre en la garde 
robe. 



LIVRE l^'.'-PIËCES JUSTIFICATIVES. 371 

liem. Uog rnoolin a braz eotiei. 
item. Ed la cuisine ung graot mortier aveoqoes ie peitail el deaxdreasonen a des- 

pecier chair. 
Item. Au four une huche a pesCrir sans couvercle. 
Item. Deux chaieres a dot avecques ung benoislîer a eau benoiste. 
Item. Ung dressooer estant ou lardier a despecier chair. 
Item. Dng long chable. 
Item. Ung grant coffre bandé de fer. 
Item. II chaiennes de fer. 
Item. Une paelle de fer a charbon. 
Item. Ung chariot a charbon. 
Item. Une huche pleine de pierre a canon. 
Item. III grosses pierres a bombardes. 
Item. Sensuit la déclaration dautre artillerie estant en ladicle bastide appartenant 

au roy notre seigneur qui baille avoit esté audit monseigneur de Talbot par 

Guillaume de Trojes garde des artilleries du roj noire sire. 
Premièrement YI couleuvrines dont lune est rompue. 
Item. Vn quarterons de pierres a Tuglaires. 
Item. VU quarterons de tampons pour lesdits Tuglaires. 
Item. Xllpavaisines. 
Item. XX livres de fil Danvers. 
Item. Une forge fournie de deux soufflez, une enclume une croisie, une bigorne» 

ung marteau a rnain^ deux marteaux cottrez , IIII paires de tenailles, et 

généralement tout ce qui j appartient excepté la toiere. 
Item, II *L tourteaux a fallofz. 
Item. YI tréteaux a couleuvres. 
Item. Deux lances rompues. 
Item. Vint et cinq maillez de plont. 
Item. IX bocaux. 
Item. Dix esquipars. 
Item. VI marteaux a maçon. 
Item. VI coignées. 
Item. XU hotereaux. 

DORIAC. DESCHAMPS. . 

Ces trois inventaires se trouvent aux Archives gioérales do Royaume, section 
domaniale. P. Regisire 189. 



Pièee inédite. 



374 LIYKE {''.-PIÈCES JUSTiFiCÂlTVES. 

N« 6. 

Inventaire de Partillerie du ray et de la déclaration des lieux où elle est de présent 

faiienaousti^e^. 

Et premièrement à Paris. 

BOMBARDES. 

La grosse bombarde de fer de deux pièces nommée Paris. 

La Yolée de la plus du monde. 

La volée de la Daaiphine. 

La volée de la Realle. . 

La volée de Londres. 

La volée de Monstreau. 

La volée Médée. 

La volée de Jason. 

CANOlfS. 

L'an des lenriers de fer d^une pièce. 

Barbazan ) , , „ . 

}de fer d^nne pièce. 
Lahjre ) 

Flavy ), , ^ , 

^ .^ J de fer de deux pièces. 

Boniface ) 

Deux petits canons de fer et leurs chambres. 

La grosse serpentine de fonte que feist Guerin Pajge. 

Item. Un autre canon de fer de deux pièces estant loi bourré qu^fit Colin Ro. 

bin et est de la grosseur de Flav; ou environ. 

Item. Deux petits courts vugleires de fer faits de neuf. 

Item, Deux vuglaires et 4 serpentines de fer enchâssez en bois amenez de Meaux. 

Item. Six grans pavais a croix blanche tous neufs. 

Item. 25 petites pavaisines de trois couleurs. 

Item. YIXX Y pavaisines a goutied aussi a croix blanche. 

Item. 300 paolx feirez ou environ a clore un parc. 

Item. 3000 arcs des 6000 acheptez dernièrement. 



LIVRE I". — PIÈCES JUSTIFICATIVES. 375 



A LA BASTILLE SAINCT-AlfTHOIHB. 



Deux canons de fer nommez les consuls garnies de leurs chambres et de pierres. 
Huit couleuvrines les 4 pesant chacune 200 et les autres 4 chacune 60. 48 leurs 

cheualets. 
Item, Trois miliers de grosse poudre a canon. 
liem. Un milier de poudre a couleuvrine. 
Ilem. Une douzaine de pavais a pavaisines. 
lietn. 12 arbaleslcs d*acier garnies de tigoles qui furent preisses en Tostel feu 

Jean Aubrjr et ne furent pas payées. 
Item. 4 autres arbalestres grosse dit de Bomenie qui furent gaignées à Rouen. 
Item, Deux milles et demie dondaines et traict commun . 
Item. Environ 348 de plomb a fondre plomées. 
Item. Y a de ce qui j fut laissé par les A nglois : 
Un gros Tuglaires de fer fusté en bois ayant deux chambres de fonte. 
Item, Un autre vuglaire de fer moindre et plus court en sa chambre de même fusté 

en bois 
Item. Encore un autre vuglaire de fer moindre mais plus long aussi enfusté en 

bois. 
Et 5 autres petite vuglaires de fer. 

AU BOIS DB VINCBHIIIS. 

La bombarde nommée Sl^Pol de fer d'une pièce. 
La chambre de la plus du monde. 

MS B. R. ColUetùm Legramd. 



m ^ m 



376 



LIVRE I-. — PIÈCES JOTIFICATIVES. 

No 6. 



tsos. 




Inventaire de Partillerie estant en Vostel de la ville de Paris j icéllui inventaire fait 
par moy Jacques Rebours procureur d'icelle villeypar l* ordonnance de Messieurs 
les prevost des marchons et echevins de L d. ville. 

Et premièrement en une salle par bas dudit hostel ont e&té trouvez les pièces 
d'artillerie qui s'ensuivent, c^est assavoir : ung vuglaire afluslé de trois 
piez de long et de six poulces de calibre, garny d'une chambre, mar- 
qué. 



1 Item. Ung vuglaire de XYII poulces de long affusté de cinq poulces Je calibre 
sans chambre marqué. 



-^ 



Item. Ung mortier de cinq poulces de volée et quatre poulces de calibre aOusté, 
marqué aux armes de lad. vill. 

Item. Ung vuglaire de deux piedz de long et six poulces et demy de calibre af- 
fusté sans chambre marqué. . 



Item. Ung mortier de mj pié de long et de cinq poulces de calibre mal affusté 
marqué ausd. armes. 

Item. Ung aultre mortier de XV poulces de long et de six de calibre affusté mar- 
qué ausd. armes. 

Item. Ung vuglaire de XX poulces de long et de cinq de calibre affusté garny 
de deux chambres marqué 




Item. Ung aultre vuglaire de XXII poulces et demy de long et de cinq de calibre 
afhisté garny d'une chambre marqué V^ 

Item. Ung mortier de XVI poulces de long et de six de calibre affusté marqué 

ausd. armes. 
liem. Ung vughiire de XVI poulces de long et de trois de calibre affusté garoy 

de deux chambres marqué aosd. armes et a telle marque | 

i — ^ 



LIVRE I-.— PIECES JUSTIFICATIVES. 377 

liem, Uog mortier de qoioze poaloes de loDg el de sept de calibre atfualé mar- 
qué ausd. armea. 

liem. ling mortier de XYI poolces de loog et de ùx de calibre altosté marqué 
ausd. armes. 

Item. Ung aaltre mortier de deux piedi IIU poulces de long et de sept de calibre 
affnsté marqué aussd. armes. 

Item, Upg aultre yuglaire de XXI poulces de loog et de quatre de calibre affusté 
garoy d^une chambre marqué ausd. armes. 

Item, Uog vuglaire de XXII poulces de long et jle VI de calibre garoy d'une 
chambre affusté marqué ausd. armes et à une telle marque 



^ 



Item, Ung autre vuglaire de XVII poulces de long et de quatre de calibre garni 
d'une chambre marqué 



ffifT 



Item, Ung mortier de six poulces de long et de IIII et demy de calibre affusté 
marqué ausd. armes. 

Item. Ung mortier de quatre poulces et demy de long et de quatre de calibre af- 
fusté marqué ausd. armes. 

Item, Ung mortier de IX poulces de long et d^un pouice et demi de calibre affusté 
marqué ausd. armes. 

Item. Ung mortier de unie poulces de long et de deux et demy de calibre af- 
fusté. 

Item. Ung vuglaire de douze poulces demy de long et de trois de calibre sans 
chambre marqué ausdictes armes. 

Item. Une conllevrine de fer de XXXVII poulces de long et environ ung pouice 
de calibre gamy d'une chambre affustée marquée ausd. armes. 

Item. Une aultre coulleuvrine de fer de XXVII pouloes de long et de ung pouice 
de calibre garnye de chambre mal affuslée marquée ^_^— • 






Item. Une coullevrioe de fer de XXVI poolces de long et d^ung petit pouice de 
calibre garnie d'une chambre affuslée marquée ausdictes armes de la ville 
et a tello marque. # y 

TON». I. iS 



378 LIVRE I«'.--P1ÈCES JUSTIFICATIVES. 

liem. Une collevrine de fer de XXVII ponlces de long et d^ang ponice de ca- 
libre sans chambre marquée ausdictes armes et à telle marque. O O^ 

Item. Une coullevrine de XXII poulces de long et ung poulce de calibre garnye 
de chambre marquée ausdictes armes et a une croix et à vire. \ 

T 

liem. Une coullevrine de fer de XXIIII poulces de long et ung poulce de calibre 

sans chambre mal aflhstée. 
Item. Ung vuglaire de XXXIIII poulces de long et de huit de calibre sans 

chambre et sans affust. 
Item. Ung autre vuglaire de deux piedz cinq poulces de long sans chambre et 

sans affust. 
Item. Trois mortiers sans affutz. 
Item, Ung vuglaire de deux piedz de long et de deux poulces de calibre garnje 

de deux chambres affusté marqué ausdictes armes. 
Item. Ung vuglaire de XXXI poulces de long et deux de calibre gamy de deux 

chambres affusté marqué ausdictes armes et a telle marque. 



9^ 



Item. Ung vuglaire de XXY poulces de long et de deux de calibre affusté mar- 
qué- _ 

Item. Ung vuglaire de XYI poulces de long et de trois de calibre sans chambre 
affusté marqué. 



Item. Ung vuglaire de {en blaric dme Poriginal) de long et de (item) de calibre 
gam; d'une chambre marqué ausdictes armes et à. 



Item. Ung vuglaire de XIX poulces de long et deux de calibre gamy de deux 
chambre affostés marqué. 




Item. Une coullevrine de fer de XXYII poulces de long et ung poulce de calibre 
affustée marquée. • , 

Item. Ung vuglaire de XX poulces de long et de trois et demye de calibre gamy 



LIVRE !•'. — PIÈCES iLSTIFICATIVES. 319 

de deux chambres affusté marqué. 



^ 



liem. Deux coullevrines de fer affusiées ensamble de XXXIl poulcea de long et 

UDg de calibre sans chambres marquées à deux oches. 
liem. Deux serpentines aRustées ensamble de la dicte longueur et du dict calibre 

marquées à trois oches garnit de chambres marquées. y y / 

Item. Deux serpentines de fer affustées ensamble de XXX piedi de long et d'ung 
pouice de calibre garnies de chambres marquées. f / / 

liem. Serpentines de fer afliistées ensamble de la dicte longueur et calibre garnies 
de trois chambres marquées. J // 

liem. Une coulevrine de fer de XXVII poulces de long deux de calibre affustée 
garnye d'une chambre marquée. 




liem. Une coulevrine de fer de deux piedz de long et deux poulces de calibre sang 
chambre affustée marquée. ^ 

o 

liem. Ung courlault de six poulces de long gamy d'une chambre qui porte sept 

pièces mal aflusté. 
Item. Une coulevrine de cujvre de XXXIIII poulces de long et deux poulces de 

calibre affustée sans chambre marqué. 



-f- 



Item. Une coulleTrine de fer de XXXI poulces de long et de deux de calibre 
sans chambre affustée. m^ |" ■'v 

Item. Une coulevrine de XLVl poulces de long et deux de calibre garnye d*une 
chambre affustée marquée k trois oches. /// 

liem. Ung hulconneau de XXII prulces de long et trois de calibre garny d'une 



380 LIVRE 1-.— PIÈCES JUSTIFICATIVES, 

chambre affiisté maïqné 



rTTTTf 



Item. Treote six haoqaebaCes de fer. 

Item. Ung Yuglaife de XXXIIII poulces de long et de IX de ealibre sans cham- 
bres aflusté. 
item. Uog autre ?oglaîre de XXV poulces long et de V de calibre sans chanubre 

afFosté. 

item. Ung autre vuglaire de XXII poulces de long et de ciaq de calibre affnsté 
sans chambre marqué - 

item. Trois serpentines de cuivre. 

Je Jean Baduise licencié en lois advocad en parlement et apresent procureur de 
la ville de Paris confesse avoir en ma garde et possession les pièces d'artil- 
lerie declairez et mentionnez es cinq premier et demy feuilletz de papier cj 
dessus escriptz laquelle artillerie mes dicts sieurs les prevost et echeyins 
m'ont faict délivrer par maistre Jacques Rebours naguiéres procureur de la 
dicte ville. 

Faict soubs mon seing manuel cj mis le IIII« jour de septembre Pan mil cinq 

cent et cinq. 

Signé RÀDUISE. 



Auire artillerie estons en deux chambres par hauU d'icduy hostel de la ville. 

Et premièrement ont esté trouvez en Tune des dictes chambres quarante huit 

grandes arbalestres d'assier. 
item. Cinq grandes arbalestres d'if. 
item. XXVI signolles servans ausdictes arbalestres. 
Plus deux vieilles signolles. 
item.' Sept bluldriers de cuyrà bander arbalestres. 
item. Ont esté trouvez huit coullevrines de cuy vre à mesches et crochet marquées 

toutes à telle marque ^ 



Plus une coullevrine de cuyvre marquée à telle marque 



LIVRE !•'. — PIÈCES JUSTIFICATIVES. 381 

Une a telle marque 



Une à (elle marque 



Quatre sans marque. 
Une marqué à une nef. 
Quatre à telle marque 



■+ 
^ 



Plus une petite à une croix de petits poins tout de cujTre. ^ 




Item. Quinze couileTrines de fer à main à manchées et à crochet dont une rom- 
pue. 

Somme des dictes couievrines Y Y Y \7 1 1 

Item. Paveiz moiens de diverses grandeurs et façons. i^ Y Y T 

Autres grans paveiz 'X/ITI 

Casses de traicts d*arbalestres et de plusieurs sortes tout ferré fors une 

"^ LXIIl 

Demye casse de vielz fers d'arbalestre. 

Une demye casse de fers d^arbalestres noircies. 

Plus six barili de fers d'arfaaiestra blancs enveloppes de blanc chaoix, 

Arcs d'if. Y f 

Trousses de traits sans lier mal enpane environ XXX trousses. 

Fuz de lances six qui ont servy el furent à estendars. 

Deux estendars et une bannière de taSelas à la devise de la dicte ville. 

Mémoire de recouvrir les bauuières des Irompeles qui sont entre les mains du 

chapitaine. 
Plus ung estandard qui sert aux archers et arbalestriers de ladicte ville. 
Deux cas&es chausseirappes. 



3g2 LIVRE l•^ — PIÈCES JUSTIFICATIVES. 

Grans piques de fer sans afftiz. XX Pïïl^^ V 

Unes graos tenailles. 

Molles de pierres d'Ipre a faire plommées, de diverses grosseurs. i v 

Ung moslc de cuy vre à faire les ploromées pour faulconneaux qui sont en la pos- 
session des quarteniers. 

Ung grant coffre de six a sept piez de long fermant a clef. 

Un trousseau de cordes d'arbalestres. 

Une grant cuve qui sert à faire pouldre à canon. 

Tampons de boys plain une demje queue et ung muy. 

Deux engins à faire cordes d'arbalestres. 

Barilz de pouldre a canon la quantité de soixante et quatre. 

Deux cofires à plusieurs boites garnys en partie de plommëes de diverses gros- 
seurs. 

Je Jeban Raduise licencié en loix advocat en parlement et à présent procureur 
de la ville de Paris confesse avoir en ma garde et possession les pièces d^ar- 
tillerie estans en deux chambres par hault qui sont contenuz et déclairez en 
ce présent feuillet et au prouchain précédent laquelle artillerie mesditz 
sieurs les prevost et eschevins m'ont faist délivrer par maistre Jacques Re- 
bours uaguiéres procureur de la dicte ville ensemble les clefz des dictes 
deux chambres. Faict soubz mon seing manuel cy mis le ÏIU^ jour de sep* 
tembre Tan mil cinq cent et cinq. 

Signé : RADUISE. 



Je Jehan Raduise licencié en loix advocat en parlement et à présent procu- 
reur de la ville de Paris confesse avoir en ma possession et garde plusieurs 
procédures et exploitz touchant les affaires de la d. ville estans en ung 
comptouer au bout de la salle des quarteniers lesquelles procédures et ex- 
ploitz m'ont esté baillez par maistre Jacques Rebours de Tordonnancc de 
messieurs les prevost et eschevins sans inventoirier ensemble la clef du dict 
comptouer dont je promes de faire bonne garde fiiist sous mon seing manuel 
cy mis le IIII« jour de septembre Tan mil cinq cent et cinq. 

Signé : RADUISB. 



LIVRE K.- PIÈCES JUSTIFICATIVES. 383 

Je Jehan Radnise licencié en loix advocat en parlement el à présent procureur 
de la fille de Paris confesse atoir en ma possession et garde plusieurs ten- 
tes et apparoir d'iceulx estans en une salle basse dicte la fonderie dont in- 
ventaire sera cy après fiiict, lesquelles tentes et apparoirs messieurs les pre- 
vost et eschevins m'on faict délivrer par maistre Jacques Rebours naguiéres 
procureur de la dicte ville. Fait soubi mon seing manuel cj mis le IIII« jour 
de septembre Pan mil cinq cent et cinq . 

5i^ : RADUISE. 

Àrckkei du Royaume, K 982. 



riM DBS Plaças justificatives^ 



TABLE DES MATIÈRES 

DD TOME l'.-LIVRE I. 



Avanl-Propos , . . y 

Plan général de l'ouvrage xt 



CHAmas I". De 1328 i 1461, ou de Philippe de Valois à Louis XI. . 1 
Composition des années à l'époque de la première apparition des ar- 
mes à feu 2 

Artillerie de campagne avant l'emploi de la poudre 11 

Les archers anglais 16 

La chevalerie se fait infanterie 22 

Usages féodaux 30 

Compagnies d'ordonnance et francs-archers 33 

Première artillerie à feu de bataille 37 

Cbap. IL DeLonisXIàFrançoisI*%oudcli61àl515 57 

Forces militaires de Louis XI et de Charles le Téméraire û/. 

Artillerie 65 

Ordre de bataille et de marche 69 

Renaissance de l'infanterie 73 

Effets de l'artillerie dans les batailles; bataille de Granson en U76. '. 77 

Bataille de Morat en n76 81 

BaUille de Nancy en 1177 84 

Bataille de Guinegates en 1479 87 

Chaeles Vin. Organisation do l'infanterie» de la cavalerie en France 

et en Italie 88 

Artilleries italienne et française à la fin xv* siècle % 

Effets de l'artillerie dans les bataiOes 104 

Bataille de Fomoue en 1495 111 

Réflexions sur Texpédition de Charies Vin 115 

Louis XII. Organisation de rinfanterie 120 

Cavalerie 12* 

ArUUerie 127 

Ordre de batoille 130 

ESéU de l'artillerie sur le champ de baiaiUe 131 

Bauilled'Aignadelen 1509 id. 

TOMB 1. *^ 



M TAtL£ DES MJITIÊKS. 

tMOIedelUnremeenioti. 13» 

CHAT. fir. fie Vfànt/i» W j Havi IV, oa <fe 1515 à 15M Ul 

Or<)^iitfalioD sniftaire «1. 

Annemeiit de ïinbaAene. W! 

fJrdfnmameedtYinbttUne 151 

Caralerie 158 

Artillerie 163 

Ordre de bataille 1G9 

Effet» de rartilkrriesiirle champ de bataille 171 

Bataille de Marî^^D en 1515 179 

Combat de la Bicoque en 1522 182 

Bataille de Pavie en 1521 183 

Bataille de f^nzolles en 1544 189 

Ileori II. ArUilerie 9M 

Effetu de ranillerie sur les champs de bataille 214 

Bataille de Saint--QaeDtin en 1557 ^0 

Bataille de Gravelines en 1558 222 

Guerres de religion 223 

Cavalerie ttf. 

Infanterie. 228 

Artillerie* . * 231 

Effets de Tartillerie sur le champ de bataille. Bataille de Dreox en 1562. 232 

Combat de Saint-Denis. 237 

Combat de Jamac - 238 

Bataille de Honcontour, 3 octobre 1569 2U> 

Bataille de Coutras en 1587 246 

Résumé 218 

Chàp. IV. 1)0 Henri IV à Louis XIV, ou de 1589 à 1643 253 

Infanteries française, espagnole, hollandaise et allemande 254 

Cavaleries française et hollandaise 259 

Artillerie de Henri IV 265 

Artillerie espagnole 270 

Artillerie hollandaise sous les ordres du prince Maurice de Nassau. . 271 

Artillerie allemande pendant la guerre de Trente-Ans 277 

Effets do l'artillerie sur le champ de bataille 287 

Bataille divry. 15 mars 1590 ^^ 295 

Ordres de bataille de Henri IV et du prince Maunce 304 

Combat de Turnhout, 24 janvier 1597 308 

Bataille de Nieuport, 2 juillot 1600 309 

Bataille de Prague en 1620 312 

Bataille de Wimpfon en 1622 313 

Changements introduits par Gustave-Adolphe 315 

Artillerie 321 

Effets de Tartillerie sur le champ de bataille 324 



TABLE DES MATIÈRES. 387 

BataiUedeLeipsick. 7 septembre 1631 326 

Passage du Loch, 22 mars 1631 33i 

Bataille de Louen. 6 novembre 1632 335 

Bataille de Nordlineen en 1634 342 

Changements introduits en France par les guerres de Hollande et d'Alle- 
magne 343 

Bataille de Ligniu. en 1634 350 

Baunied'Avesnes, 26mai 1635 id. 

BataiUe de Wittstok en 1636 351 

Combat de Wittenweir en 1638 353 

Résumé 354 

PIÈCES JUSTIFICATIVES. 

Relation d'un essai fait à Toumay en 1346 358 

Inventaires de rartillerie de Bologne en 1381 et 1397 359 

Invenuire de Tartillerie de la Bastille en 1428 366 

Inventaire de l'artillerie de la Bastille en 1430 369 

Inventaire de l'artillerie de la Bastille en 1435 371 

Inventaire de rariillerie du Roi à Paris en 1463 374 

Inventaire de lartillerie de THôtei deVille en 1505 376 



riK ni LA TAtta dbs HATlfeaSS. 



Imprimerie de Cos» et 4. OniAm, ras Christine, «. 



, .,„„..,,..., I 

2044 010 150 456 




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