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Full text of "Étude sur les métaphores et les comparaisons dans les oeuvres en prose de Sénèque le philosophe"

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UNIVERSITÉ     DE    GAND. 


RECUEIL  DE  TRAVAUX 

PUBLIES    PAR 

LA    FACULTÉ    DE    PHILOSOPHIE    ET    LETTRES 


33-"°    FASCICULE 


ÉTUDE 


Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 


DANS  LES  ŒUVRES  EN  PROSE 


v-SÊNEQUE  LE  PHILOSOPHE 

Par  D.  STEYNS, 


DOCTEIK     EN     PHILOSOPHIE     ET     LETTRES. 


GAND 

LIBRAIRIE     SCIENTIFIQUE     E.     VAN     GOETHEM 
Rue  des  Foulons,  1  (près  de  l'Université). 

1907. 


É  T  U  O  E 

suit 

Les    Métaphores    et    les   Comparaisons 

DANS  LES  ŒUVRES  EN  PROSE 

DE 

SÉNÈQUE    LE    PHILOSOPHE. 


RECUEIL    DE    TRAVAUX 

PUBLIÉS    PAR 

LA  FACULTÉ  DE  PHILOSOPHIE  ET  LETTRES 

de  l'Université  de  Gand. 


EXTRAIT    DU    REGLEMENT 

Les  travaux  des  professeurs  et  chargés  de  cours,  anciens  professeurs 
el  anciens  chargés  de  cours  sont  publiés  sous  la  responsabilité  person- 
nelle de  leurs  auteurs. 

Tous  les  autres  le  sont  en  vertu  d'une  décision  de  la  Faculté. 


Gand,  impi .  A.   Vandcr  Haeghen. 


UNIVERSITÉ     DE     GAND. 

RECUEIL  DE  TRAVAUX 

PUBLIÉS    PAR 

LA  FACULTÉ  DE  PHILOSOPHIE  ET  LETTRES 


33n,e    FASCICULE 


ETUDE 


Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

DANS  LES  ŒUVRES  EN  PROSE 

DE 

SÊNEQUE  LE  PHILOSOPHE 

Par  D.  STEÏHS, 


Iiiii   |  I  I  l:     l\     l'Illl  OMiPllir.     Il      II  [TRES. 


GAND 

LIBRAIRIE     SCIENTIFIQUE     E.     VAN     GOETHEM 
Rue  des  Foulons,  1  (près  de  l'Université). 

1907. 


f     MAR3  01966     )) 

10  62  4  6  5        L^ù 

°1 


Monsieur  PâUL  THOMAS 


Mon  Professeur  vénéré 


Son     élève     reconnaissant, 
D.    S. 


CHAPITRE  I. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

EMPRUNTÉES  A  LA 

VIE     MILITAIRE. 


I. 

Il  est  inutile,  je  pense,  d'insister  sur  le  caractère  si  foncière- 
ment militaire  des  Romains  :  c'est  un  point  qui  a  été  mis  en 
lumière  par  tous  les  grands  historiens  modernes  de  Rome,  et 
tout  ce  qu'on  en  dirait  après  eux  ne  pourrait  être  que  des 
répétitions  sans  intérêt.  D'autre  part,  les  principaux  historiens 
de  la  littérature  romaine,  les  auteurs  d'ouvrages  sur  le  style 
des  Anciens  ('),  et  même  certains  éditeurs  d'œuvres  littéraires 
latines  (-),  ont  montré  jusqu'à  quel  point  les  productions 
littéraires  des  Romains  portent  l'empreinte  de  cet  amour 
pour  tout  ce  qui  touche  à  l'existence  du  soldat.  Déjà  du  temps 
de  Plaute  il  existait  tout  un  arsenal  de  métaphores  et  de 
comparaisons  empruntées  à  la  vie  des  camps,  aux  ruses  de 
guerre,  à  la  rude  discipline,  en  un  mot  à  tout  ce  qui  de  près 

(J)  Par  exemple  :  CharaJeteristik  der  lateinischen  Sprache,  par  F.  0. 
Weise,  pp.  27-29  de  la  lre  éd.  =  10-13  (2e  éd.,  Leipzig,  Teubner  .  Cf.  aussi 
R.  Pichon,  De  Sermone  amatorio  apud  Lntinos  elegiarum  scriptores  (Paris, 
Hachette,  1902)  :  «  Has  omnes  similitudines,  quae  ad  bellum  pertinent  et  ad 
victoriam  et  ad  imperium  Victoria  partum,  eo  libentius  in  usu  habuerunt 
Latini  poetae  quod  eorum  civibus  nulla  magis  verba,  quarn  ea  quae  ad 
militiain,  victoriam,  dicionem,  potestatem  spectabant,  vel  nota  poterant 
esse  vel  cara.  » 

(2)  Par  exemple  0.  F.  Lorenz,  Ausgewithlte  Komodien  des  T.  M.  Flautus, 
31"  Bândchen  :  Miles  gloriosus,  Préface,  pp.  57,  58  et  '>[). 


—     6     — 

.m  de  loin  a  rapport  avec  cette  armée  romaine  si  forte  ci  si 
puissamment  organisée,  qui  a  fait  de  Rome  la  maîtresse  du 
monde.  Il  va  de  soi  que  beaucoup  de  ces  figures  de  style  ont 
passé  de  l'un  à  l'autre  écrivain,  et  ont  fini  par  devenir  le 
patrimoine  commun  des  poètes  et  même  des  prosateurs 
postérieurs;  néanmoins,  les  auteurs  dont  le  style  se  distingue 
par  l'originalité,  la  vivacité  ou  la  couleur  pittoresque,  ont  su 
trouver  dans  ce  domaine  des  comparaisons  inédites,  hardies 
et  d'autant  plus  frappantes.  Avant  d'en  venir  à  Sénèque,  dont 
le  style  est  des  plus  remarquables  à  cet  égard,  il  convient 
de  passer  rapidement  en  revue  les  diverses  phases  de  l'emploi 
des  métaphores  militaires  dans  la  littérature  latine. 

D'abord,  la  langue  populaire  de  Rome  fourmillait  elle-même 
de  métaphores  vives,  naturelles,  d'une  puissance  et  d'un  relief 
extraordinaires  dans  leur  trivialité,  et  souvent  même  leur 
brutalité  (').  Ces  métaphores  sont  empruntées,  comme  il  est 
tout  naturel,  aux  occupations  journalières  des  Romains,  à 
leur  manière  de  vivre  et  de  penser.  Le  plus  grand  nombre  est 
tiré  de  la  vie  militaire,  du  droit  et  de  l'agriculture  (2);  d'autres 
sont  prises  à  la  chasse,  à  la  politique,  au  commerce.  Si  on 
veut  se  convaincre  de  la  richesse  exceptionnelle  de  la  langue 
populaire  de  Rome  en  ce  domaine,  on  n'a  qu'à  lire  par 
exemple,  à  défaut  des  atellanes  et  des  mimes  (dont  nous 
n'avons  plus  que  des  titres  et  quelques  fragments),  les 
comédies  de  Plaute  (!)  :  tous  les  critiques  et  les  historiens  de 

(')  Le  même  phénomène  se  présente  d'ailleurs  dans  toutes  les  langues  ; 
on  n'a  qu'à  se  rappeler  le  mot  fameux  de  Dumarsais  :  «  Il  se  fait  plus  de 
tropes  en  un  jour  à  la  Halle  qu'en  un  an  à  l'Académie.  ». 

(2)  Cf.  0.  Weise,  op.  cit.,  p.  114  =  p.  125:  «  Besonders  beliebt  aber  waren 
beim  rijmischen  Volke  Metaphern  ans  dem  Bereicbe  des  Militàrwesens  und 
der  Jurisprudenz;  beideGebiete  lagen  dem  Romer  so  am  Herzen.fur  sie  batte 
er  so  viele  angeborene  Neigung  und  Befâhigung,  dass  er  fur  sie  und  in 
ibnen  lebte.  » 

(3)  Je  parle  avant  tout  ici  des  métaphores  populaires,  que  Plante  a 
recueillies  fidèlement  sur  les  lèvres  des  gens  du  peuple;  celles  qui  sont 
personnelles  au  poète  sont  d'ordinaire  soutenues  et  prolongées,  parfois 
même  jusqu'à  l'excès. 


—    7    — 

la  littérature  latine  ont  célébré  à  l'envi  «  ces  torrents  de 
métaphores  et  d'épithètes  qui  coulent  avec  une  impétuosité 
et  une  ampleur  vraiment  lyriques  »  ('). 

Parmi  les  métaphores  de  Plante,  celles  qui  sont  empruntées 
à  la  vie  militaire  ne  sont  certes  pas  les  moins  nombreuses. 
("'est  d'ailleurs  assez  compréhensible  si  on  se  rappelle  le 
thème  ordinaire  de  ses  comédies  :  lutte  entre  le  «  servus  »  et 
le  «  leno  »  au  sujet  d'une  «  meretrix  »,  embûches  tendues  par 
le  «  servus  »  au  «  senex  »  pour  lui  escroquer  une  somme  destinée 
à  favoriser  les  aventures  galantes  de  son  jeune  maître;  ruses 
de  guerre  imaginées  par  le  «  servus  »  pour  duper  un  «  leno  », 
un  «  miles  gloriosus  »  ou  une  vieille  ganache  de  père...  Voilà 
bien  le  moment  ou  jamais  de  parsemer  le  dialogue  de  ces 
métaphores  militaires  que  Plante  savait  devoir  ravir  ses 
auditeurs  (2)! 

La  tragédie  romaine,  dont  la  valeur  éminente  ne  doit  pas  se 
mesurer  au  petit  nombre  de  vers  qui  en  subsistent,  est  égale- 
ment remplie  de  ces  métaphores  et  comparaisons  militaires, 
auxquelles  les  tragiques  romains  savent  donner  un  relief  si 
saisissant  dans  leur  brièveté.  «  Les  héros  des  vieux  tragiques 
sont  des  légionnaires  romains  ou  des  stoïciens  anticipés  »  (3). 

La  satire  romaine  devait,  elle  aussi,  nécessairement,  abonder 
en  métaphores  prises  à  la  guerre  et  aux  combats  :  la  satire 


(')  K.  Pichon,  Histoire  de  la  littérature  latine,  p.  67  de  la  2e  édition  (Paris, 
Hachette,  1898). 

(J)  Voir  au  sujet  des  métaphores  militaires  dans  Plaute  l'ouvrage  de 
Lorenz  cité  plus  haut  (p.  58),  et  surtout  :  Wollner,  Die  aufdas  Kriegswesen 
bezilijlirlii'ii  Stellen  bei  Plantas  und  Terentius  (Programme,  Landau,  1892). 

(3)  R.  Pichon,  op.  cit.,  p.  50.  —  Un  fait  d'ailleurs  montre  clairement 
que  les  tragiques  romains  étaient  familiarisés  surtout  avec  les  métaphores 
militaires  :  en  dehors  de  ces  métaphores  et  comparaisons  militaires  qui 
font  un  effet  superbe  parce  qu'elles  jaillissent  spontanément,  en  dehors  de 
quelques  autres,  empruntées  à  l'agriculture  ou  au  droit,  les  tragiques 
romains  n'ont  pas  su,  comme  leurs  modèles  grecs,  vivifier  leur  style  : 
«  Les  images,  les  comparaisons  colorées,  les  épithètes  expressives,  toute 
cette  Heur  de  poisie  élégante  et  fraîche  se  dessèche  entre  leurs  mains 
brutales      (Pichon,  uj>.  cit..  p.  50). 


n'est-elle  pas.  par  un  do  ses  caractères  principaux,  une 
attaque,  ou  l'auteur  prend  l'offensive  contre  ses  ennemis,  réels 
ou  fictifs  y  «  Satira  tota  nostra  est,  »  a  dit  Quintilien;  les  goûts 
belliqueux  des  Romains,  joints  à  leur  esprit  frondeur  et  à 
leur  tendance  moralisatrice,  nous  donnent  la  clef  de  cette 
originalité. 

Le  premier  satirique  romain  digne  de  ce  nom,  Lucilius,  est 
un  réaliste  hardi,  et  les  métaphores  qu'il  emploie  (parmi 
lesquelles  un  nombre  considérable  sont  tirées  de  la  guerre), 
sont  d'un  pittoresque  achevé. 

Va  trou,  dans  ses  Ménippées,  continue  la  tradition.  «  Dans 
les  expressions  militaires.  «  hostem  »,  «  defensorem  »,  on 
retrouve  les  dispositions  belliqueuses  du  peuple  conquérant  : 
l'humanité  est  partagée  en  deux  camps,  conception  simple  et 
virile  »  ('). 

Le  grand  poète-philosophe  Lucrèce,  passionné  et  combatif 
quand  il  s'agit  de  défendre  ses  idées  favorites,  emploie  bien 
souvent  aussi  des  comparaisons  militaires,  afin  de  frapper 
davantage  l'esprit  du  lecteur. 

Pour  la  prose  de  cette  époque,  nous  n'avons  à  citer,  en 
dehors  de  Varron,  que  Cicéron. 

Le  style  de  Cicéron  avait  le  mérite  de  se  plier  admirablement 
aux  circonstances  :  tantôt  travaillé  et  orné  savamment  de 
toutes  les  fleurs  de  la  rhétorique,  tantôt  fougueux  et  coulant 
de  source,  il  savait  à  l'occasion,  surtout  dans  cette  merveil- 
leuse correspondance  intime,  prendre  un  ton  d'un  naturel 
exquis  et  s'enrichir  sans  contrainte  de  ces  métaphores  fortes 
et  pittoresques  que  les  lettrés  les  plus  délicats  ne  dédaignent 
point  de  cueillir  sur  la  bouche  du  peuple.  Cicéron, 
qui,  on  se  le  rappelle,  recommandait  aux  futurs  orateurs 
d'étudier  aussi,  à  côté  d'autres  sciences,  l'art  de  la  guerre,  a 
employé  lui-même  nombre  de  métaphores  militaires  vraiment 
originales. 

Si  de  l'époque  de  la  République  nous  passons  aux  premières 

(i)  Piehon,  op.  cit.,  p.  110. 


—    9     — 

années  do  l'Empire,  nous  remarquerons  aussitôt  un  état 
d'esprit  sensiblement  différent  de  celui  d'Ennius  et  du 
vieux  Caton. 

Petit  à  petit,  la  société  romaine  s'affine;  la  force  brutale, 
la  violence  qui  règne  partout  répugnent  de  plus  en  plus  aux 
Romains  policés  graduellement  par  la  civilisation  hellénique. 
La  littérature  elle-même  subit  cette  influence,  et  les  poètes 
nouveaux  se  tournent  de  préférence  vers  les  Alexandrins 
dont  la  poésie  un  peu  mièvre  et  subtile  plaît  à  leur  goût 
raffiné.  Les  métaphores  militaires  restent  cependant  aussi 
nombreuses  que  jadis  dans  la  littérature  latine,  mais  de 
naturelles  et  primesautières  qu'elles  étaient,  elles  se  font 
maniérées,  et  témoignent  d'une  recherche  puérile.  Les  longues 
allégories  que  l'on  retrouvera  plus  tard  en  France  dans  le 
Roman  de  la  Rose  et  dans  les  élucubrations  indigestes  de 
d'Urfé  et  de  M"e  de  Scudéry  jouissent  d'une  faveur  générale. 
Ce  ne  sont  que  parallèles  entre  le  jeune  guerrier  et  le 
«  damoiseau  muguet  »,  entre  les  veilles  inquiètes  des  soldats 
et  celles  de  l'amoureux  aux  abois,  entre  les  ruses  de  guerre 
d'une  armée  en  campagne  et  les  «  embûches  »  tendues  aux 
dulcinées  rétives.  Jadis,  au  char  de  l'Imperator  triomphant 
on  attachait  les  grands  vaincus,  et  dans  le  cortège  du  conqué- 
rant figuraient  les  prisonniers  ennemis  et  le  butin  emporté 
par  les  soldats  ;  dans  les  poèmes  des  disciples  de  Cal  vus,  le 
général  qui  triomphe  est  représenté  par  l'Amour,  les  captifs 
sont  la  Raison  et  la  Pudeur,  ses  auxiliaires  l'Egarement  et  la 
Folie  (').  Catulle  déjà,  bien  plus  encore  Properce,  Tibulle. 
Ovide,  et  bien  d'autres  «  poetae  minores  »,  se  servent  conti- 
nuellement de  ces  allégories,  dont  la  répétition  incessante 
finit  par  lasser. 

Cette  perte  du  naturel  dans  le  style  nous  annonce  que 
l'époque  impériale  est  là,  avec  son  règne  presque  absolu  de 


(')  Cf.  Pichon,  op.  cit.,  pp.  411-412,  et  .surtout  l;i   thèse  du   même  auteur, 
citée  plus  haut  :  De  Sermone  amatorio  njnnl  Latinos  elegiavum  scriptores. 


—     10     — 

la  rhétorique.  Ces!  l'époque  où  l'emploi  des  métaphores  et 
des  comparaisons  n'est  plus  qu'un  jeu  où  n'intervient  guère 
l'observation  de  la  nature  Q.  Tous  les  écrivains,  jusqu'à  la 

fin  de  l'Empire,  ont  subi  la  néfaste  influence  de  la  préciosité 
des  déclamateurs  et  des  lectures  publiques  qui  pullulent 
partout,  tous,  même  les  esprits  les  plus  originaux  et  les  plus 
puissants,  même  ceux  qui  s'élèvent  contre  l'omnipotence  de 
la  rhétorique  et  qui  la  blâment  sévèrement  ou  la  ridiculisent. 
Sénèque,  Quintilien,  Lucain,  Perse,  Quinte  Curce,  Juvénal, 
Stace,  Pline  le  Jeune,  Tacite,  Apulée,  puis  les  écrivains 
chrétiens  :  Tertullien,  Saint  Cyprien,  Arnobe,  Lactance, 
Saint  Augustin,  Sedulius,  Salvien,  Sidoine  Apollinaire,  tous 
ces  écrivains  sont,  à  des  degrés  différents,  saturés  de  méta- 
phores, de  pointes  et  d'antithèses. 

Nous  avons  parlé  tantôt  des  métaphores  militaires  dans 
l'élégie  erotique  qui  florissait  à  la  fin  de  la  République  et 
sous  Octave.  Les  métaphores  militaires  vont  maintenant 
apparaître  dans  des  œuvres  à  tendances  toutes  nouvelles, 
celles  de  Lucain,  de  Sénèque,  de  Perse,  c'est-à-dire  de  ceux 
qui  représentent  le  plus  complètement  ce  qu'on  a  appelé  la 
littérature  stoïcienne  à  Rome. 

Déjà  Cicéron,  dans  certaines  de  ses  œuvres  philosophiques, 
plus  particulièrement  empreintes  de  stoïcisme,  surtout  dans 
les  «  Tusculanes  »,  le  «  De  fini  bus  bonorum  et  malorum  »,  les 
«  Paradoxa  »,  le  «  De  Officiis  »,  s'était  abondamment  servi 
de  métaphores  militaires.  Sénèque,  vraiment  Romain  en  cela, 
n'est  pas  plus  original,  pour  les  idées  philosophiques,  que 
Cicéron.  Mais  il  a  eu  le  mérite  de  continuer  brillamment,  pour 
ce  qui  concerne    la   morale  théorique   et   surtout  pratique, 


(')  Cf.  0.  Weise,  op.  cit.,  p.  69  =  p.  74  :  -  Man  ûberlud  sie  (la  langue  de 
l'Empire)  mit  Bildernund  Vergleichen  (et  en  note  :  Des  Valerins  Flacons 
«  Argonautica  enthalten  nient  weniger  als  111  Gleichnisse  »)  und  aller- 
hand  poetisehem  Beiwerk,ura  den  Gaumen  des  blasierfcen  Volkea  môglichtst 
zu  kitzeln.  War  in  der  àltesten  Zeit  der  Stoff  die  Haupfcsache  gewesen,  hinter 
dem  die  Form  zuriiektrat,  so  drehbe  .sien  jetzfc  das  Verhâltnis  um.  » 


—   11   — 

l'œuvre  de  vulgarisation,  entreprise  par  Cicéron.  des  princi- 
pales doctrines  grecques,  en  les  choisissant  et  les  amalgamant 
de  telle  sorte  qu'elles  ne  rebutassent  point  les  Romains 
pratiques  par  des  abstractions  trop  prolongées  ou  des  idées 
trop  surhumaines. 

Mais  le  style  philosophique  de  Sénèque  est,  en  somme, 
autrement  varié  et  attrayant  que  celui  de  Cicéron.  La  lutte 
pénible  —  et  d'ailleurs  si  méritoire  —  entamée  par  celui-ci 
contre  la  pauvreté  de  la  langue  latine  en  ce  genre  tout 
nouveau  à  Rome,  n'a  pas  toujours  permis  au  grand  orateur  de 
déployer  en  ses  œuvres  philosophiques  l'élégance  parfois  sur- 
chargée et  le  pittoresque  savoureux  qu'on  goûte  dans  ses 
autres  écrits.  Sénèque  a  eu  la  chance  de  venir  après  lui.  Son 
style  a  profité  des  transpositions  parfois  heureuses  de  son 
prédécesseur,  et  grâce  en  outre  aux  leçons  reçues  dans  sa 
jeunesse,  et  surtout  à  son  talent  naturel,  il  a  su  créer  des 
œuvres  d'un  intérêt  et  d'un  charme  durables.  J'espère  qu'il 
apparaîtra  par  la  lecture  du  premier  chapitre  de  ce  travail  à 
quel  point  les  métaphores  militaires  de  Sénèque  sont  capti- 
vantes et  originales,  et  combien  le  moraliste  romain  a  su 
renouveler  par  la  vivacité  et  le  charme  pittoresque  de 
l'expression  des  comparaisons  qui  déjà  faisaient  partie  du 
domaine  propre  du  stoïcisme,  doctrine  rude  et  virile  par  son 
essence  même. 

Le  neveu  de  Sénèque,  Lucain,  et  le  satirique  Perse,  tous 
deux  poètes  stoïciens,  n'ont  fait  que  reproduire  dans  une 
langue  poétique  les  expressions  stoïciennes  de  Sénèque. 

Lorque  la  vogue,  très  vivace  à  certains  moments,  de  cette 
littérature  stoïcienne  se  fut  peu  à  peu  dissipée,  les  métaphores 
militaires  n'eurent  plus,  dans  les  œuvres  des  temps  posté- 
rieurs, le  même  relief  ni  la  même  énergie. 

Il  faudra,  pour  leur  insuffler  une  vie  nouvelle,  les  premiers 
représentants  littéraires  en  latin  de  la  nouvelle  doctrine  qui 
mettait  le  paganisme  aux  prises  avec  u\i  ennemi  bien  décidé 
a  vaincre. 

Les    apologistes    chrétiens   :   l'âpre    Tertullien,    Minucius 


—     12     — 

Félix ('),  sainl  Cyprien,  qui  exalte  la  discipline  dans  l'Eglise  (*)< 
Arnobe,  Lactance(3),  Firmicus  M  aternus,  surtout  saint  Jérôme, 
ne  parlent  que  de  combats,  de  luttes  et  de  triomphes,  en 
véritables  combattants  pour  le  Christ  qu'ils  sont  (4).  Tertullien 
et  Saint  Jérôme  ressemblent  beaucoup,  par  moments,  par 
leur  violence  dogmatique  et  leur  ardent  prosélytisme,  au 
stoïcien  Sénèque.  Le  moraliste  païen  et  les  Pères  de  l'Eglise 
se  rencontrent  sur  bien  des  points  :  les  seconds,  tout  comme 
le  premier,  représentent  la  vie  comme  une  guerre  incessante; 
ceux-ci  comme  celui-là  condamnent  les  inclinations  les  plus 
irrésistibles  et  les  plus  douces  de  la  nature  humaine  pour  se 
réfugier,  l'un  en  la  «  tour  d'ivoire  »  du  stoïcien,  les  autres 
dans  l'Evangile  (■). 

Peu    à    peu    se    forme    toute    une    série    d'expressions 
consacrées  :  l'ambition  de  tout  bon  chrétien  sera  dorénavant 


(i)  M.  V.  Carlier,  dans  un  article  du  Musée  Belge  (15  oct.  1897),  a 
prouvé  (jue  les  ressemblances  qu'on  rencontre  dans  Minucius  Félix  et 
Sénèque  n'ont  rapport  qu'au  style,  nullement  à  la  doctrine. 

(2)  Saint  Cyprien  exalte  la  discipline  en  vrai  Romain  qu'il  est;  l'Eglise 
doit  être,  d'après  lui,  une  armée  forte  dont  chaque  soldat  doit  une  obéissance 
absolue  à  ses  chefs. 

(3)  Dans  le  De  mortibus  perseeutorum  de  Lactance  règne  «  la  fièvre 
du  combat  et  l'orgueil  de  la  victoire  »  (Pichon,  op.  cit.,  p.  769). 

(4)  Firmicus  Maternus  est  un  des  plus  emportés  parmi  les  premiers 
auteurs  chrétiens.  Chez  lui  se  rencontre  ce  passage  :  <  Pro  salute  hominum 
Christo  pugnante  vicistis.  »  Il  parle  aussi  du  «  drapeau  de  la  foi  »  (•<  Erigite 
vexillum  h'dei  »...). 

(5)  Cf.  Pichon,  op.  cit.,  p.  850  :  «  Dans  son  exhortation  à  son  ami 
lléliodore,  il  (S1  Jérôme)  traduit  par  des  comparaisons  belliqueuses  son 
entrain  de  serviteur  du  Christ  :  «  Quid  facis  in  paterna  domo,  délicate 
miles?  ubi  vallum?  ubifossa?  Recordare  tirocinii  tui  diem,  quo,  Christo  in 
baptismate  consepultus,  in  sacramenti  verba  jurasti  pro  nomine  ejus  non 
te  patri  parciturum  esse,  non  matri.  Ecce  adversarius  in  pectore  tuo 
Cbristum  conatur  occidere.  Licet  parvulus  ex  collo  pendeat  nepos,  licet 
sparso  crine  ubera  mater  ostendat,  licet  in  limine  pater  jaceat,  per  calcatum 
perge  patrem;  siccis  oculis  ad  vexillum  crucis  evola.  Solum  pietatis 
genus  est  in  hac  re  esse  crudelem.  »  Cf.  aussi  Epictète,  Manuel,  Vil. 


—    13    — 

de  «  servir  dans  les  milices  du  Christ  »  (')  et  de  s'associer  aux 
défaites  comme  aux  triomphes  de  son  Sauveur. 

Les  apologistes  et  les  poètes  chrétiens  sont  les  derniers 
représentants  de  la  littérature  latine  proprement  dite;  nous 
ne  poursuivrons  donc  pas  plus  loin  l'emploi  des  métaphores 
militaires  dans  les  œuvres  écrites  en  latin. 

Après  cette  revue  forcément  abrégée  des  principaux  écri- 
vains latins  qui  se  sont  servis  de  métaphores  militaires,  nous 
devons  revenir  à  Sénèque  et  nous  arrêter  plus  longuement 
sur  lui. 

A  l'époque  de  Sénèque,  nous  l'avons  dit,  sévit  à  outrance 
la  manie  des  pointes,  des  antithèses,  des  métaphores  et  des 
comparaisons.  Le  style  des  meilleurs  écrivains  en  est 
imprégné.  Les  écoles  de  rhétorique  qui  fleurissent  partout 
exercent  une  attraction  irrésistible.  Les  esprits  clairvoyants 
s'effrayent  de  cette  invasion,  «  dépeignent  les  écoles  do 
rhétorique  sous  les  plus  noires  couleurs,  sans  cesser,  hâtons- 
nous  de  le  dire,  de  les  fréquenter  assidûment...  »  ('-').  Sénèque 
lui-même  est  aveuglé  au  point  de  se  moquer  de  la  rhétorique 
alors  que  son  propre  style  en  subit  continuellement 
l'influence  (3).  Et  le  grave  et  docte  Quintilien,  lorsqu'il  critique 
Sénèque  à  ce  sujet,  ne  s'aperçoit  pas  qu'il  tombe  dans  un 
travers  identique. 

Mais  on  aurait  tort  de  croire  d'après  cela  que  les  méta- 
phores militaires  dans  Sénèque  sont  toujours  forcées  et 
invariablement  emphatiques;  à  côté  des  longues  comparaisons 

(!)  Prudence,  par  exemple,  parle  en  «  soldat  du  Christ,  associé  à  son 
triomphe  comme  à  ses  luttes  »  (Pichon,  op.  cit.,  p.  885). 

(2)  Cucheval,  Histoire  de  l'éloquence  romaine,  tome  1,  page  218  (Paris, 
Hachette,  1893). 

(3)  Même  dans  les  dernières  années  de  sa  vie  et  malgré  sa  clairvoyance 
lorsqu'il  s'agit  d'autres  écrivains,  de  Mécène,  par  exemple,  (cf.  Ep.  114)f 
Sénèque  se  laisse  prendre  encore  aux  charmes  do  La  rhétorique.  Parfois  il 
s'en  aperçoit  lui-même,  mais  n'en  prétend  pas  moins  que,  s'il  se  sert  des 
procédés  de  l'Ecole,  c'est  dans  le  seul  but  de  convaincre  :  /■'/>.  24,6: 
<  Decantatae,  inquis,  in  omnibus  scholis  fabulae  istae  sunt...  >  Puis  plus 
loin:  «  Non  in  hoc  cxempla  nunc  congcro,  ut  ingenium  exerceam...  > 


—     14     — 

ampoulées  qu'on  rencontre  dans  ses  œuvres  de  jeunesse,  il  ne 
faut  pas  oublier  de  mentionner  les  «admirables  métaphores 
militaires  qui  abondent  dans  les  Epîtres  à  Lucilius.  L'influence 
néfaste  de  la  rhétorique  se  fait  surtout  sentir,  chez  Sénèque, 
dans  les  pointes  spirituelles,  les  jeux  de  mots  recherchés,  et 
dans  l'allure  saccadée  que  Caligula  caractérisait  en  l'appelant 
«  du  sable  sans  chaux  »  (arena  sine  calce).  Et  même  cet  abus 
qui  fatigue  tant  à  la  longue  n'est  vraiment  rebutant  que 
dans  les  œuvres  de  jeunesse  de  Sénèque;  peu  à  peu,  l'auteur 
s'assagit;  il  parvient  à  se  libérer  en  partie  du  joug  de  la 
préciosité,  et  ainsi,  il  arrive,  dans  son  chef-d'œuvre,  les 
Lettres  à  Lucilius,  à  se  faire  une  style  qui,  très  souvent,  unit 
la  grâce  sans  mièvrerie  et  sans  mauvais  goût  à  la  force  et  à 
l'éclat  pittoresque.  Çà  et  là,  il  est  vrai,  Sénèque  sacrifie  encore 
à  sou  ancien  penchant,  mais  savouré  ainsi  à  petites  doses, 
l'esprit  à  outrance  charme  plutôt  qu'il  ne  rebute.  Sénèque, 
d'ailleurs,  s'appuie  sur  des  pensées  trop  élevées,  il  est  lui- 
même  trop  convaincu  de  la  gravité  des  idées  qu'il  défend,  pour 
se  laisser  aller  trop  longtemps  au  gré  de  sa  fantaisie.  Si,  dans 
ses  œuvres  de  jeunesse,  le  caractère  faible  et  un  peu  léger  de 
Sénèque  l'emporte  encore  trop  souvent,  les  Epitres  à  Lucilius 
nous  montrent  un  stoïcien  vraiment  digne  de  ce  nom,  un 
homme  mûri  par  l'expérience  et  les  revers  et  qui  veut 
racheter  ses  défaillances  passées  par  un  prosélytisme  ardent 
en  faveur  de  sa  doctrine  préférée.  Le  stoïcisme!  c'est  lui  qui 
donne  à  Sénèque  la  valeur  éminente  qu'il  a  pour  nous;  sans 
le  stoïcisme,  Sénèque  ne  serait  peut-être  qu'un  Ovide,  comme 
Lucain  n'eût  été  qu'un  Stace  et  Perse  un  déclamateur  à  froid. 
Le  stoïcisme  seul,  avec  son  mépris  superbe  et  hautain  des 
choses  terrestres,  avec  son  énergie  farouche  et  parfois  sur- 
humaine, pouvait  arracher  à  la  corruption  générale  les  rares 
esprits  trop  élevés  pour  s'abaisser  au  niveau  des  basses 
cupidités  et  des  passions  brutales.  A  cette  époque  de  chaos 
moral,  il  fallait  une  philosophie  exaltant  jusqu'au  paroxysme 
la  volonté.  Depuis  longtemps  déjà,  l'insuffisance  de  l'antique 
«  mus  majorum  »  était  flagrante;  déjà  Cicéron  avait  cherché 


—     15    — 

avec  angoisse  un  remède  à  ses  douleurs,  sans  oser  se  décider 
encore  pour  le  stoïcisme.  En  présence  de  l'écroulement  de 
toutes  les  vieilles  traditions  romaines  et  l'envahissement  à 
liome  des  passions  les  plus  dissolvantes,  Sénèque  et  ses 
congénères  n'hésitent  plus,  malgré  leurs  apparences  d'éclec- 
tisme :  le  stoïcisme  seul  pourra  apporter  la  guérison  en  ce 
péril  extrême  ('). 

C'est  donc  le  stoïcisme  qui  donne  aux  opuscules  de  Sénèque 
leur  haute  valeur  morale;  et  c'est  surtout  au  stoïcisme  que 
son  style  doit  les  belles  comparaisons  militaires  qui  commu- 
niquent tant  de  superbe  énergie  aux  fiévreuses  pensées  du 
philosophe. 

Sans  doute,  le  caractère  essentiellement  guerrier  et  combatif 
des  Romains  joue  un  certain  rôle  dans  l'emploi  continuel  et 
la  précision  pittoresque  de  ces  métaphores  et  comparaisons 
militaires;  mais  à  l'époque  de  Sénèque  cette  influence  est 
loin  d'être  aussi  prépondérante  qu'elle  l'était  jadis.  Nous  ne 
sommes  plus  sous  l'austère  République,  où  le  citoyen-soldat 
avait  une  si  haute  conception  de  la  discipline,  et  partageait 
son  existence  entre  la  rude  vie  des  camps  et  l'exercice  de 
ses  fonctions  judiciaires  (-).  Le  peuple  romain  a  perdu  sa 
fière  indépendance  et  est  devenu  tout  entier  lâche  et  servi! e(  '). 
Depuis  l'époque  troublée  des  triumvirs  et  de  la  guerre  civile, 
l'armée  est  devenue  de  moins  en  moins  nationale,  de  plus  en 
plus   à   la  dévotion  des  ambitions  insatiables   d'un  Marins. 


(')  C'est  aussi  le  stoïcisme  qui  a  donné  à  Sénèque  la  force  de  mourir  avec 
une  si  belle  fermeté;  il  est  lui-même  de  ceux  dont  il  parle  Ep.  24,  9  :  «  ....  non 
fortes  tantum  viros  hoc  momentum  effiandae  animae  contempsisse,  sed 
quosdam  ad  alia  ignavos  in  bac  re  aequasse  animum  fortissimorum.... 

(2)  Plaute  a  résumé  en  un  vers  et  demi  la  vie  politique  du  citoyen 
romain  :  «  Valete,  judices  justissumi,  domi  duellique  duellatores  optumi  » 
(Prologue  des  Captifs,  vers  07-68). 

{*)  Lucain  «  signale  la  lâcheté  du  peuple  romain  qui  s'enfuit  à  la 
moindre  alerte  ou  qui  reste  pour  subir  la  volonté  du  vainqueur;  l'égoisme 
grossier  de  la  plèbe  qui  fait  bon  marché  de  ses  droits  pourvu  qu'on  la 
nourrisse  grassement  -  (Pickon,  <>/'.  cil.,  p.  568). 


—    16    — 

d'un  César  ou  «l'un  Pompée.  C'est  la  tourbe  de  Rome,  les 
«  capite  censi  »  exclus,  avant  Marius,  du  service  militaire, 
qui  dorénavant  porteront  au  loin  la  destruction  et  le  pillage 
e\  agrandiront  le  territoire  de  l'Empire  romain  au  profit  d'un 
autocrate  qui  leur  laisse  la  bride  sur  le  cou. 

Beaucoup  de  jeunes  nobles  dédaigneront  les  travaux 
grossiers  de  la  guerre  pour  se  livrer,  à  la  passion  toute 
nouvelle  de  la  littérature;  on  éprouvera  beaucoup  plus 
d'enthousiasme  pour  un  beau  vers  ou  une  ingénieuse  compa- 
raison mythologique  que  pour  les  conquêtes  lointaines  des  sou- 
dards mercenaires.  Si  de  temps  en  temps  on  daigne  se  souvenir 
du  métier  des  armes,  ce  sera  pour  lui  emprunter  quelque  fade 
allégorie  dans  le  goût  de  celles  que  l'on  rencontre  dans  Ovide. 

Seuls  quelques  écrivains  d'opposition,  presque  tous  stoïciens 
ou  de  tendances  stoïciennes,  trancheront  sur  la  mignardise 
universelle,  et  cela  précisément  grâce  à  la  morale  stoïcienne. 

C'est  que  le  stoïcisme,  par  son  essence  même,  est  en  lutte 
perpétuelle  avec  les  idées  reçues.  Ne  veut-il  pas  arracher 
l'homme  à  tout  ce  qui  a  du  prix  pour  lui?  N'entame-t-il  pas 
un  combat  sans  relâche  contre  la  mort,  objet  de  crainte  pour 
tous  les  hommes  ?  Ne  s'oppose-t-il  pas  avec  une  fermeté  de 
tous  les  instants  aux  passions  et  aux  vices,  et  n'engage-t-il 
pas  ceux  qui  aspirent  à  la  vraie  sagesse  à  leur  livrer  un 
combat  acharné,  incessant,  sans  merci?  Quoi  d'étonnant  à 
ce  qu'une  telle  philosophie  abonde  en  termes  pris  au  rude 
métier  de  soldat  ! 

L'existence  tout  entière  de  l'homme  de  bien  se  passe  en 
escarmouches  et  en  combats  continuels  :  «  Vivere  militare 
est!  »  Sénèque  le  clame  sur  tous  les  tons  ('). 

0)  Ep.  96,  5  :  -<  Ipse  te  interroga,  si  quis  potestatem  tibi  deus  faciat, 
utrum  velis  vivere  in  macello  an  in  castris.  Atqui  vivere,  Lucili,  militare 
est.»  Cela  n'empêche  d'ailleurs  pas  que,  dans  la  vie  réelle,  Sénèque,  comme 
tous  les  stoïciens,  ne  soit  un  adversaire  déclaré  de  la  guerre  et  de  la 
brutalité  soldatesque.  Qu'on  se  rappelle  son  mépris  pour  Alexandre  et  les 
autres  hommes  de  guerre  fameux.  Cf.  aussi  Ep.  90,  16  :  <  ...  tam  superva- 
cuum...  cocum  esse  quam  militem  ».  et  De  Morïbus,  34  :  «  Pacem  babebis 
(•uni  bominibus,  cum  vitiis  bellum.  >- 


—    17    — 

Cependant  il  est  un  mal  auquel  personne  ne  peut  échapper  : 
c'est  la  mort.  Aussi  Sénèque,  en  vrai  stoïcien,  et  en  homme 
qui  sait  d'expérience  combien  on  a  à  redouter,  de  son  temps, 
les  féroces  fantaisies  d'un  tyran  sanguinaire  ('),  Sénèque 
proclame  à  chaque  instant  le  plus  souverain  mépris  pour 
la  mort.  Qu'importe  de  vivre  lorsqu'on  est  l'esclave  de  ses 
passions,  ou  lorsque  la  vieillesse  vous  a  fait  perdre  l'usage 
de  la  raison  lumineuse,  le  seul  bien  que  reconnaisse  le  sage? 
En  ces  cas-là.  n'hésitons  pas,  s'écrie  notre  philosophe; 
arrachons  notre  cou  au  joug  qui  l'étreint  et  rendons  nous- 
mêmes  la  liberté  à  notre  âme  prisonnière.  Caton  d'Utique  l'a 
fait;  imitons  son  exemple.  Et,  dans  cette  exaltation  fiévreuse 
de  la  volonté,  Sénèque  va  jusqu'à  dire  :  Loin  d'avoir  peur 
de  la  mort,  chérissons-la,  car  c'est  elle  qui  nous  apportera  la 
liberté  absolue  et  entière! 

Toutes  ces  idées  ne  lui  sont  d'ailleurs  pas  personnelles  : 
ce  sont  les  lieux  communs  de  la  prédication  stoïcienne  qui  se 
font  déjà  entrevoir  dans  Cicéron,  et  qui  furent  vulgarisés  par 
les  deux  Sextius  (2),  Attale  et  Fabianus  (3). 

Mais  les  comparaisons  et  les  métaphores  enthousiastes  et 
passionnées  de  Sénèque  donnent  à  ces  pensées  une  vigueur 
et  un  relief  tout  nouveaux.  Quelle  énergie  dans  ces  exhorta- 


(*)  Cf.  Thraséa  parlant  au  questeur  (Tacite,  Annales,  XVI,  35)  :  «  Specta, 
juvenis...,  in  ea  tempora  natus  es,  quibus  firmare  aniraum  expédiât  constan- 
tibus  exemplis.  » 

(2)  Un  des  deux  Sextius,  probablement  le  père,  aimait  aussi  à  employer 
des  métaphores  militaires  (cf.  Ep.  59,  7  sqq).  Il  avait  d'ailleurs  un  si  vie 
plein  d'énergie  (cf.  Ep.  64,  3). 

(:i)  Sur  Fabianus  et  ses  écrits,  voir  Ep.  100.  —  Toutes  ces  idées  sont 
tirées  de  la  morale  stoïcienne,  telle  qu'on  la  trouvait  déjà  chez  les 
premiei-8  philosophes  du  Portique  :  Zenon,  Cléanthe  et  surtout  Chrysippe 
(voir  les  Stoicorum  veterum  fragmenta  de  von  Arniin),  et  telle  qu'elle 
fut  répandue  de  bonne  heure  à  Rome.  Sénèque  est  du  ceux  qui,  marchant 
sur  les  traces  de  l'anétius  et  des  autres  stoïciens  récents,  se  sent  attachés 
surtout  à  relever  par  les  ornements  du  style  les  préceptes  muraux  du 
l'oit  ique. 

2 


—    18    — 

lions  pressantes  qui  reviennent  ii  chaque  instant  comme 
conclusion  dos  invectives  de  Sénèque  contre  les  passions  délé- 
tères et  les  passe-temps  ineptes  de  ses  contemporains!.... 
«  Jam  cavillaris?....  »  s'écrie-t-il.  «  Quam  stultum  est,  cum 
signum  pugnae  acceperis,  ventilare!  Kemove  ista  lusoria 
arma  :  decretoriis  opus  est  »  (Ep.  117,  25).  Quel  mépris 
hautain  et  amer  pour  ces  occupations  frivoles  auxquelles  se 
livrent  tant  d'hommes  :  discussions  oiseuses  sur  des  points  de 
philologie  ou  d'archéologie  (cf.  Ep.  88)  ou  sur  les  élucubra- 
tions  des  dialecticiens  (Ep.  49)  ! 

C'est  là,  en  cette  force  incomparable  d'expression,  en  ces 
métaphores  qui  vivifient  si  heureusement  les  prédications 
souvent  monotones  des  moralistes,  que  git  l'originalité  de 
Sénèque.  Il  a  compris  que  rien  n'est  plus  apte  à  convaincre 
qu'une  image  pittoresque  et  bien  choisie  ('),  et  que,  s'adres- 
sant  à  de  grands  seigneurs  élevés  dans  la  mollesse  et  l'hypo- 
crisie mondaine,  il  lui  fallait  assaisonner  les  sèches  et  souvent 
rebutantes  idées  stoïciennes  d'un  condiment  savoureux,  s'il 
ne  voulait  pas  que  le  mets  les  dégoûtât. 

Les  violences  mêmes  qu'on  reproche  à  Sénèque  n'étaient 
pas  de  trop  pour  secouer  et  tirer  de  leur  torpeur  les  âmes 
veules  de  ce  temps  :  Sénèque  a  voulu  crier  fort  pour  se  faire 
entendre. 

Je  trouve,  pour  ma  part,  que  son  tempérament  d'Espagnol 
ne  jouait  en  cette  conjoncture  qu'un  rôle  bien  minime  (2).  On 
a  bien  vite  fait  de  mettre  sur  le  compte  du  caractère  sombre 


(')  Ne  dit-il  pas  lui-même  (Ep.  59,6)  :  «  Illi,  qui  simpliciter  et  demon- 
strandae  rei  causa  eloquebantur,  parabolis  referti  sunt,  quas  existimo 
necessarias,  non  ex  eadem  causa  qua  poetis,  sed  ut  inbecillitatis  nostrae 
adminicula  sint,  ut  et  dicentem  et  audientem  in  rem  praesentem  adducant.» 

(2)  Sur  l'éducation  de  Sénèque,  voir  H.  Bornecque,  Les  Dédit  mat  ion.* 
et  /es-  Déclamateurs  d'après  Sénèque  le  Père  (Lille,  1902),  ainsi  que  l'ouvrage 
récent  de  M.  E.  Rolland,  paru  dans  ce  même  recueil  :  De  l'Influence 
de  Sénèque  le  Père  et  des  Rhéteurs  sur  Sénèque  Je  Philosophe  (Gand, 
Vuylsteke,  1906). 


—    19    — 

et  violent  des  Espagnols  la  fièvre  de  langage  de  certains 
écrivains  latins  originaires  de  la  péninsule  ibérique.  Pour 
moi,  si  je  vois  une  influence  dans  ces  métaphores  outrancières 
de  Sénèque,  c'est  plutôt  celle  qu'ont  exercée  l'époque  et 
les  circonstances  au  milieu  desquelles  il  a  vécu  (').  En 
dehors  de  ce  fait  qu'il  existe  une  affinité  évidente  entre 
la  morale  et  la  rhétorique  (2),  il  faut  toujours  se  sou- 
venir que  Sénèque,  comme  à  peu  près  tous  les  jeunes  gens 
de  bonne  famille  sous  l'Empire,  avait  reçu  profondément 
l'empreinte  des  écoles  de  rhétorique,  dont  le  style  tourne  si 
vite  à  l'emphase  et  à  la  boursouflure;  s'étonnera-t-on  qu'il  en 
ait  conservé  des  traces,  même  dans  les  Lettres  à  Lucilius? 
Ensuite,  Sénèque  avait  lui-même  souffert  beaucoup  dans  le 
cours  de  son  existence  brillante  et  mouvementée;  sa  faiblesse 
de  caractère  l'avait  entraîné,  souvent  malgré  lui,  à  des  com- 
promissions et  des  palinodies  déshonorantes.  Dans  sa  jeu- 
nesse, il  avait  eu  des  crises  passagères  qui  l'avaient  jeté  dans 
une  austérité  trop  exagérée  pour  être  durable  (3j.  Lorsque. 
devenu  vieux  et  épuisé  par  la  maladie  (sa  santé  n'avait 
cessé  d'être  chancelante),  il  se  retire  des  affaires,  son  âme 
est  remplie  d'une  amertume  profonde  (4);  le  souvenir  de 
ses  faiblesses  l'obsède,  et  c'est  avec  l'ardeur  d'un  néophyte 
qu'il  se  réfugie  dans  le  sein  du  stoïcisme  pour  se  consacrer 
tout  entier,  loin  des  vains  bruits  du  inonde,  à  la  guérison  de 


(')  Villemain,  dans  sa  Notice  sur  Florus,  donne,  nous  semble-t-il,  la 
note  juste,  lorsqu'il  écrit  :  «  Dans  les  Gaules  et  les  Espagnes,  il  s'élevail 
des  talents  tout  romains  par  la  langue  et  les  sentiments...  Le  faux  goût 
n'a  point  de  patrie  privilégiée  :  la  déclamation  et  le  bel  esprit  sont  le 
caractère  d'une  époque,  encore  plus  que  celui  d'un  peuple.  » 

('-)  Cf.  P.  Thomas,  La  Littérature  romaine  jusqu'aux  Antonins  (Bruxelles, 
Rozez,  1894).  p.  224. 

(3)  A  ce  point  de  vue,  il  ressemble  à  Saint  Augustin,  qui.  dans  sa  jeu- 
nesse, avait  passé  par  une  crise  analogue. 

(4)  Cf.  Nictur.  Qwest.,  Préface  du  livre  111  :  Premat  ergo  senectus  c\ 
objiciat  annos  inter  vana  studia  consumptos  :  tanto  inagis  urgeamus  ei 
damna  aetatis  maie  exemptas  Iabor  sarciat.  » 


—    20    — 

son  âme  el  de  celle  de  quelques  amis  choisis.  C'est  cette 
amertume  qui  rend  tant  de  lois  son  style  violent;  il  se  rap- 
pelle avec  honte  ce  que  les  défaillances  de  notre  misérable, 
enveloppe  humaine  lui  ont  coûté.  A  ce  souvenir  cuisant,  il  se 
seul  plein  de  rancune  envers  les  passions,  et  exhale  sa  haine 
en  des  invectives  ardentes  et  des  exhortations  enflammées  ('^ 

Parmi  ceux  dont  nous  avons  conservé  les  œuvres,  Sénèque 
est  le  premier  en  date  de  ces  moralistes  puissants  qui  voient 
dans  l'exercice  d'une  volonté  indomptable  le  seul  remède  aux 
maux  de  la  décadence  contemporaine.  Après  lui,  son  neveu 
Lucain  transporte  ses  métaphores  énergiques  dans  la  poésie. 
Perse,  jeune  homme  intransigeant  et  stoïcien  dogmatique,  les 
traduit  en  pamphlets  plus  sobres  sans  être  moins  frappants. 

Après  avoir  ainsi  passé  en  revue  les  écrivains  latins,  nous 
jetterons  un  coup  d'œil  sur  les  stoïciens  grecs. 

Chez  les  Grecs,  c'est  surtout  Chrysippe,  dont  l'influence. 
déjà  prépondérante  en  Grèce,  s'accrut  sans  cesse  à  partir  du 
premier  siècle  de  notre  ère,  c'est  surtout  Chrysippe,  dis-je, 
qui  a  servi  de  modèle  aux  disciples  du  Portique. 

Un  grand  nombre  des  comparaisons  de  Sénèque  se  retrouve 
chez  Chrysippe  (-)  :  avant  Sénèque,  Chrysippe  a  parlé  de  la 
«  lutte  »  de  l'homme  contre  les  passions,  du  philosophe 
«  médecin  de  l'âme,  »  de  la  colère  «  aveugle;  »  il  a  emprunté 
ses  métaphores  au  jeu  de  balle,  à  la  course  à  pied,  ainsi 
qu'aux  autres  jeux  connus  des  Grecs,  et  a  comparé  l'homme 
ù  un  voyageur  (3). 

Mais  c'est  Épictète  qui  est,  parmi  les  Grecs,  celui  dont  les 
tendances  ressemblent  le  plus  à  celles  de  Sénèque.  Pour  nous 


(')  11  va  de  soi  qu'ici  je  tais  avant  tout  allusion  aux  Épîtres  à  Lucilius. 
Cf.  aussi  Natur.  Quaest.,  111,  18,  7. 

Ce  qui  ne  veul   pas  dire  que   Sénèque  ait  étudié  Chrysippe  à  fond  : 
voyez  les  Stoieorum  veterum  fragmenta,  de  von  Arnim,  Praef.,  p.  X. 

(3)  Notre  principale  source  pour  Chrysippe  est  Gralien  (voyez  von  Arnim, 
op.  cit.).  D'autres  extraits  de  Chrysippe  se  trouvent  dans  Stobée,  Plutarque, 
Cicéron  et  Sénèque  lui-même. 


—    21     — 

en  tenir  aux  comparaisons  militaires,  Epictète  affirme,  avec 
autant  d'énergie  que  Sénèque,  que  nous  avons,  dans  notre 
liberté  intérieure,  comme  une  citadelle  imprenable,  oii  nous 
pouvons  braver  tous  les  assauts  de  l'extérieur  (');  comme 
Sénèque,  il  déclare  que  le  novice  qui  aspire  au  prix  de  la 
sagesse  aura  à  livrer  une  lutte  terrible  contre  les  passions  (-' ): 
comme  Sénèque  encore,  il  compare  la  vie  au  jeu  de  dés  (3). 
Pas  plus  que  Sénèque,  Epictète  ne  se  gêne  pour  appeler  les 
choses  par  leur  nom.  Malgré  toutes  ces  similitudes,  Epictète 
est  doué  d'un  caractère  bien  plus  ferme  et  plus  logique  que 
Sénèque;  celui-ci  est  ondoyant  et  divers,  Epictète  est  toujours 
d'accord  avec  lui-même;  Sénèque  nous  présente  un  idéal  sur- 
humain, Epictète  se  maintient  toujours  strictement  dans  les 
limites  de  la  nature  humaine.  Entre  eux,  il  y  a  toute  la 
distance  qui  sépare  le  dilettante  de  l'homme  de  métier,  le 
philosophe  amateur  de  celui  qui  a  fait  de  la  philosophie  sa 
raison  de  vivre  (4). 

Plus  tard,  Marc-Aurèle,  l'empereur-philosophe,  ne  s'occu- 
per;) que  de  son  âme  à  lui,  et  tous  ses  efforts  tendront  à  se 
dégager  de  plus  en  plus  des  vaines  passions  de  ce  monde,  et 
à  attendre  de  pied  ferme  la  mort  :  «  Offre  au  dieu  qui  est 
au-dedans  de  toi  un  être  viril,  un  citoyen,  un  empereur,  un 
soldat  à  son  poste,  prêt  à  quitter  la  vie,  si  la  trompette 
sonne  ("').  » 


(<)  Epictète,  Entretien*,  I,  i,  23;  f,  vr,  40;  I,  xvn,  27;  III,  m,  10;  IV,  V,25. 

('-)  Epictète,  Entretiens,  IV,  ix,  11;  III,  xvi,  11;  Manuel,  xm  ri  xxn. 

(:!)  Epictète,  Entretien*,  II,  v,  3. 

(«)  Quant  au  maître  d'Épiotète,  Musonius  Rufus,  il  nous  reste  de  lui  trop 
peu  de  chose  pour  que  nous  puissions  le  juger  en  pleine  connaissance  île 
cause. 

(5)  Traduction  de  M.  Martha,  Les  Moralistes  <l<tn*  l'empire  romain  (Paris, 
Hachette,  1894),  p.  181. 


22 


II. 


A.près  cette  caractéristique  générale  des  métaphores  et  des 
comparaisons  militaires,  il  est  temps  que  nous  passions  au 
détail.  Voici  donc,  rangées  autant  que  possible  dans  un  certain 
ordre,  toutes  les  métaphores  et  les  comparaisons  militaires 
qu'on  rencontre  dans  les  œuvres  en  prose  de  Sénèque  ('). 

Il  va  de  soi  que  je  me  suis  abstenu  de  mentionner  les  mots 
qui,  primitivement,  étaient  des  termes  militaires,  mais  dont  le 
sens  s'est  tellement  affaibli  qu'il  n'est  plus  guère  sensible 
après  quelques  siècles  d'usage  constant.  Tels  sont,  par 
exemple  :  spoliare,  praemium,  excellere,  intervallum,  acies, 
superare,  etc.  Les  énumérer  tous  serait  un  travail  oiseux  et 
sans  utilité  (2). 

Parmi  les  métaphores  et  comparaisons  militaires,  il  en  est 
qui  reviennent  presque  à  chaque  instant  et  paraissent  plaire 
particulièrement  à  Sénèque. 

Ainsi,  il  compare  souvent  les  malheurs  et  les  contrariétés 
de  toute  espèce  qui,  inopinément,  s'abattent  sur  l'homme,  à 
des  projectiles  lancés  du  camp  ennemi  :  De  Const.  sa  p.  (3),  19,  3  : 
Contumelias...  et  cetera  dehonestamenta  velut  clamorem 
hostium  ferat  et  longinqua  tela  et  saxa  sine  vulnere  circa 
galeas  crepitantia...  —  De  Ira,  Lib.  III,  5,  8  :  ...  ut  tela  a  duro 
resiliunt  et  cum  dolore  caedentis  solida  feriuntur,  ita  nulla 


(')  Si  je  dis  «  toutes  »  les  métaphores  et  comparaisons,  j'exagère  peut- 
être;  mais  je  crois  cependant  avoir  été  aussi  complet  qu'il  est  possible  de 
l'être  en  cette  matière,  et,  en  tout  cas,  je  pense  bien  n'avoir  oublié  aucune 
métaphore  ou  comparaison  remarquable  ou  intéressante. 

(*)  La  même  remarque  s'applique  aux  chapitres  suivants. 

(3)  Voici  les  éditions  dont  j'ai  suivi  le  texte  :  pour  les  Epp.  ad  Lueil., 
l'édition  0.  Hense  (1898);  pour  les  Dialogi,  comprenant  les  3  Consolation* 
à  tlelvie,  à  Marcia  et  à  Polybe),  De  Provîd.,  De  Const.  sap.,  De  Ira,  De 
vit.  beat.,  De  Otio,  De  tranquill.  an.,  et  De  brevit.  vit.,  l'édition  Gertz  (1886) 
et  l'édition  Hermès  (1905);  pour  les  Natur.  Quaest.,  l'éd.  F.  Haase  (1898) 
et  pour  le  De  Beneficiis  et  le  De  Clementia,  l'éd.  Hosius  (1900). 


—    23    — 

magnum  animum  injuria  ad  sensum  sui  adducit,  fragilior  eo, 
quod  petit.  —  Ep.  80,3  :  ...  quanto  facilius  animus  conroborari 
possit,  ut  fortunae  ictus  invictus  excipiat,  ut  projectus,  ut 
conculcatus  exsurgat.  — Puis  :  Consol.  ad  Marc,  16,5-6;  ïbid., 
9,  3;  Natur.  Quaest.,  Lib.  II,  59,  2;  De  vit.  beat.,  27,  6;  Consol. 
ad  Helv.,  2,  5;  Consol.  ad  Polyb.,  17,  5;  Ep.  45,  9;  Ep.  99,  32; 
Ep.  104,  22;  Ep.  107,  5. 

Parfois  c'est  le  sage  lui-même,  en  lutte  contre  la  fortune 
et  les  passions  humaines,  qui  doit  prendre  soin  de  lancer  sa 
flèche  ou  son  arme  d'une  main  sûre,  afin  qu'elle  aille  droit  au 
but  :  Ep.  71,  3  :  Scire  débet  quid  petat  ille,  qui  sagittam 
vult  mittere,  et  tune  derigere  ac  moderari  manu  telum.  Errant 
consilia  nostra,  quia  non  habent,  quo  derigantur.  —  Puis  : 
De  Remed.  fort.,  XIII,  1  (■). 

Sénèque  va  même  souvent  plus  loin  :  dans  son  mépris 
stoïcien,  il  proclame  énergiquement  qu'il  faut  «  recracher  » 
(respuere),  sur  celui  qui  les  a  lancés,  les  traits  ennemis  :  De 
Ira,  Lib.  III,  5,  8  :  Quanto  pulchrius  velut  nulli  penetra- 
bilem  telo  omnis  injurias  contumeliasque  respuere  !  — Puis  : 
Ep.  53,  12. 

D'autres  métaphores  encore  ont  rapport  à  des  javelots 
lancés  vers  un  but  ou  au  maniement  d'autres  armes  de  guerre; 
voyez  De  Benef.,  Lib.  VI,  8,  3;  De  Ira,  Lib.  1,9,1;  De 
Const.  sa  p.,  4,  1;  De  Provid.,  4,  13;  Ep.  29,3;  Ep.  87,30; 
Ep.  89,  8;  Ep.  94,  3. 

Sénèque  aime  d'ailleurs,  pour  rendre  cette  idée,  commune 
li  tous  les  temps,  qu'il  ne  faut  pas  se  fier  aux  apparences,  à 
prendre  comme  terme  de  comparaison  le  fourreau  d'un  glaive 
qui,  si  resplendissant  qu'il  puisse  être,  ne  rend  pas  pour  cela 
meilleure  la  lame  qu'il  renferme  :  Ep.  92,  13  :  Nec  bonum 
nec  malum  vagina  gladium  facit.  Ergo  de  corpore  quoque 
idem  tibi  respondeo...  —  Puis  :  Ep.  76,  14. 

Un  des  thèmes   favoris   sur   lesquels   brode   Sénèque   est 


(')  Pour  les  fragments  de  Sénèque,  je   me  suis  servi  de  l'édition  Haasc 
(Teubner,  1897). 


—    24    — 

celui-ci  :  l'aspirant-philosophe  doit  obéir  en  tout  à  Dieu,  à  la 
raison  suprême,  comme  le  simple  soldat  est  tenu  de  suivre 
les  instructions  de  son  général  (')  :  Kp.  53,  9  :  Exercet 
philosophia  regnum  suum;  ...  domina  est,  adosse  jubet 
(expression  militaire  :  répondre  à  l'appel). —  Puis  :  Kp.  120. 12. 

D'ailleurs,  au  novice  qui  aspire  à  la  sagesse  on  doit  insuffler 
le  l'eu  sacré,  comme  aux  jeunes  conscrits  on  inspire  un  amour 
ardent  pour  l'honneur  militaire  :  De  Benef.,  Lib.  III,  36,  3  : 
«  Hoc  agite,  optimi  juvenes!  Nec  desunt  tam  pulcliro  certa- 
mini  duces,  qui  ad  similia  vos  cohortentur  ac  per  vestigia  ire  ad 
victoriam  saepe  jam  partam  ex  parentibus  jubeant.  —  Kp.  95, 
35  :  Quemadmodum  primum  militiae  vinculum  est  religio 
et  signorum  amor  et  deserendi  nefas,  tune  deinde  facile  cetera 
exiguntur  mandanturque  jusjurandum  adactis,  ita  in  iis,  qnos 
velis  ad  beatam  vitam  perducere,  prima  fundamenta  jacienda 
sunt  et  insinuanda  virtus.  —  Puis  :  Kp.  36,  9.  —  Cf.  aussi 
Ep.  108,  23,  où  le  terme  militaire  «  tirunculus  »  est  pris 
métaphoriquement. 

Le  respect  profond  de  Sénèque  pour  la  discipline  est  bien 
romain  ('-').  On  voit  d'ailleurs  que  Sénèque  lui-même  fait  de 
violents  efforts  pour  rester  fidèle  à  l'étendard  stoïcien,  sans  y 
parvenir  toujours,  comme  on  l'a  montré  maintes  fois.  Comme 
toutes  les  recrues  novices,  il  tombe  même  dans  des  excès 
de  zèle  qui  rendent  ses  expressions  d'une  raideur  et  d'un 
dogmatisme  à  rendre  des  points  au  stoïcien  le  plus  rigide; 
mais,  malgré  tout,  ses  penchants  naturels  l'emportent  souvent. 
De  là  ces  contradictions  (3)  qui  le  trahissent  et  nous  montrent 


(')  Cf.  Oie.,  Tuscul.,  II,  50  :  «  Hujus  animi  pars  illa  mollior  rationi  sic 
parait,  ut  severo  imperatori  miles  prudens.  »  Cf.  aussi  Epictète,  Entretiens, 
III,  24,  38-40  et  31-37,  et  ibid.,  I,  XIV,  15. 

[z]  Plus  tard,  Saint  Cyprien  se  distinguera,  lui  aussi,  par  un  respect 
caractéristique  pour  la  discipline.  L'appliquant  à  la  foi  chrétienne,  il  en 
fera  l'apologie  en  des  termes  énergiques  :  «  Disciplina  custos  spei,  retina- 
culum  fidei,  dux  itineris  salutaris,  magistra  virtutis,  facitin  Christo  manere 
semper  ac  jngiter  Deo  vivere.... 

(3)  Ou  plutôt  ces  «  adoucissements  »,  comme  l'a  montré  M.  P.  Hoffmann 


—    25    — 

que  sous  l'enveloppe  du  stoïcien  qui  veui  paraître  intran- 
sigeant, subsiste  toujours  le  bonSénèque  au  cœur  compatissant, 
aux  goûts  délicats  et  mondains,  et  aussi  le  Romain  qui  répugne 
à  toutes  les  exagérations. 

La  discipline  doit  être  sévère,  car,  sans  discipline,  pas  do 
bons  soldats;  mais  le  général  sera  cependant  indulgent  el 
donnera  lui-même  le  bon  exemple  :  De  Ira,  Lib.  I,  9,  4  :  Hic 
erit  utilis  miles,  qui  scit  parère  consilio;  adfectus  quidem  tain 
mali  minibtri  quam  duces  sunt.  —  ld.,  id.,  9,  2  :  ....Si  vero 

répugnât tam  inutilis  animi  minister  est  quam  miles,  qui 

signum  receptui  neglegit.  —  Puis  :  ld.,  Lib.  II,  10,  3;  Consul. 
ad  Pohjb.,  5,  4. 

«  Cohortari  »,  terme  militaire  désignant  les  encouragements 
de  l'officier  à  ses  hommes,  est  employé  par  Sénèque  en  parlant 
d'un  philosophe  stoïcien  s'adressant  à  un  jeune  homme  : 
Ep.  77,  6  :  ....  Amicus  noster  Stoicus,  homo  egregius  et....  vir 
fortis  ac  strenuus,  videtur  mihi  optime  illum  cohortatus. 

Le  sage  doit  toujours  être  prêt  à  subir  les  assauts  de 
la  fortune  :  Consul,  ad  Hélv.,  5-3  :  Illi  me  jusserunt  stare 
adsidue  velut  in  praesidio  positum  et  omnis  conatus  fortunae, 
omnis  impetus    prospicere  multo  ante  quam  incurrant.  Etc. 

—  EpAS,  6  :  In  ipsa  securitate  animus  ad  difficilia  se  praeparet 
et  contra  injurias  fortunae  inter  bénéficia  firmetur.  Miles  in 
média  pace  decurrit,  sine  ullo  hoste  valluin  jacit  et  supervacuo 
labore  lassatur,  ut  sufficere  necessario  possit.  Quem  in  ipsa 
re  trepidare  nolueris,  ante  rem  exerceas.  —  Ep.  74,  30  : 
Ilonestum  enim  securum  et  expeditum  est,  in  procinctu  stat. 

—  Puis  :  Ep.  64,  4;  Ep.  76,  34;  Ep.  107,  4. 

dans  un  article  paru  dans  la  Bévue  de  l'Instruction  publique  en  Belgique 
(1902,  pp.  289-298).  —  Je  suis  de  l'avis  de  M.  Hoffmann  lorsqu'il  prouve  par 
des  exemples  que  M.  S.  Rubin,  dont  il  discute  l'ouvrage  (Dr.  S.  Rubin,  Die 
Ethik  Senecas  in  ihrem  Verhiiltnis  zur  tilteren  und  mittleren  S/nu,  Munich, 
0.  Beck,  1902),  a  exagéré  beaucoup  les  prétendues  contradictions  » 
philosophiques  de  Sénèque.  Où  il  y  a  «  contradiction  chez  .Sénèque,  c'est 
entre  les  doctrines  morales  qu'il  préconise  dans  ses  œuvres,  et  sa  propre 
existence,  fort  peu  digne,  par  moments,  d'un  stoïcien  véritable  (Cf.  par 
exemple  la  Consolation  à  l'olybe  et  le  De  Vita  beata  \. 


—     26     — 

(ar  l'homme  qui  s'assoupil  dans  la  mollesse  do  son  bonheur 
se  laissera  abattre  par  le  premier  assaut  de  la  fortune  (')  : 
De  Provid.,  2,  6.  —Cf.  aussi  Ep.  66,  52. 

Le  sage  est  suffisamment  armé  contre  les  déboires  de 
la  vie  :  Ep.  109,  8  :  Satis  armatus  est  (se.  sapiens). 

II  y  a  certains  vices  contre  lesquels  on  n'est  jamais  en 
sûreté  :  De  tranÇuill.  an.,  1,  1. 

Le  sage  peut  avoir  confiance  en  sa  force  :  De  Const.sap., 
4,  3  :  Immo  nescio  an  magis  vires  sapientiae  ostendat 
tranquillitas  inter  lacessentia,  sicut  maximum  argumentum 
est  imperatoris  armis  virisque  pollentis  tuta  securitas  in 
hostium  terra.  —  Puis  :  Ep.  9,  2;  Ep.  29,  9;  Ep.  56,  13. 

La  fortune  ne  peut  rien  contre  celui  qui  est  prêt  à  lui  tenir 
tête  :  Ep.  98,  7  :  ....  Potest  fortunam  cavere,  qui  potest  ferre. 

Même  au  milieu  des  douleurs  les  plus  atroces,  l'âme  du  sage 
reste  invincible  :  Ep.  85,  29  :  ....  invictus  ex  alto  dolores 
suos  spectat. 

La  raison,  qui  est  l'apanage  du  sage,  triomphe  à  la  fois  de 
tous  les  vices  :  Consol.  ad  Helv.,  13,  2  :  Non  singula  vitia  ratio, 
sed  pariter  omnia  prosternit  :  in  universum  semel  vincit. 

Il  ne  faut  pas  gaspiller  son  existence  en  des  enfantillages 
et  des  amusements  frivoles;  l'homme  n'a  pas  un  instant  de 
trop  pour  se  consacrer  à  son  âme  :  Ep.  96,  5  :  Ipse  te  inter- 
roga,  si  quis  potestatem  tibi  cleus  faciat,  utrum  velis  vivere  in 
macello  an  in  castris.  Atqui  vivere,  Lucili,  militare  est.  Itaque 
hi,  qui  jactantur  et  per  operosa  atque  ardua  sursum  ac 
deorsum  eunt  et  expeditiones  periculosissimas  obeunt,  fortes 
viri  sunt  primoresque  castrorum;  isti,  quos  putida  quies  aliis 
laborantibus  molliter  habet,  turturillae  sunt,  tuti  contumeliae 
causa.  —  Ep.  88,  19  :  Quid  prodest  multos  vincere  luctatione 
vel  caestu,  ab  iracundia  vinci  ? 

Sénèque,  s'écartant  en  cela  de  sa  doctrine  favorite,  est 
particulièrement  l'ennemi  des  discussions  oiseuses  et  vaines 


(')  Cf.  Proclus,  in  Plat.  Timaeum,  p.  18,  C,  éd.  Schneider. 


—     27     — 

sur  les  questions  de  grammaire  ou  de  dialectique  (').  Pour  le 
vrai  Romain,  c'était  là  perdre  son  temps  d'une  façon  inepte 
et  puérile.  Aussi  Sénèque,  tout  en  faisant  siennes  les  idées 
du  Portique,  s'est-il  bien  gardé  de  suivre  les  stoïciens  dans 
leur  amour  des  subilités  que  l'on  caractérisera  plus  tard  du 
nom  de  «  scolastiques  »  (2).  La  morale  seule,  à  ses  yeux,  est 
utile  à  l'homme.  «  Qu'as-tu  à  t'occuper  de  ces  niaiseries? 
s'écrie-t-il;  «  cs-tu  donc  si  bien  armé  contre  les  passions  et 
contre  la  crainte  de  la  mort?  »  Ep.  49,  6  :  Securi  est  et  ex 
commodo  migrantis  minuta  conquirere  :  cum  hostis  instat  a 
tergo  et  movere  se  jussus  est  miles,  nécessitas  excutit 
quicquid  pax  otiosa  collegerat.  Non  vacat  mihi  verba  dubie 
cadentia  consectari  et  vafritiam  in  illis  meam  experiri.  - 
Ep.  117,25  :  Tôt  quaestiones  fortuna  tibi  posuit,  nondum 
illas  solvisti  :  jam  cavillaris?  quam  stultum  est,  cum  signum 
pugnae  acceperis,  ventilare!  Jlemove  ista  lusoria  arma  : 
decretoiïis  opus  est.  —  Puis  :  Ep.  48,  10;  Ep.  82,  20  sqq.; 
Ep.  85,  1.  -  Cf.  aussi  Ep.  88,  29. 

Les  vices,  d'ailleurs,  sont  extrêmement  tenaces  contre  les 
hommes,  et  leur  livrent  sans  relâche  des  assauts  acharnés  : 
Ep.  104,  19  :  Tamdiu  ista  urguebunt  mala  macerabuntque  per 
terras  ac  maria  vagum,  quamdiu  malorum  gestaveris  causas. 
—  Ep.  117,  21  :  Die,  ...  quemadmodum  quae  me  ex  transverso 
feriunt  aguntque,  procul  a  me  repellam,  quomodo  par  esse 
tôt  malis  possum,  etc.  —  Cf.  aussi  De,  Provid.,  4,  12. 

Il  faut  que  le  sage  oppose  à  tous  ces  maux  une  résistance 
indomptable  (3)  :  Ep.  51,  G  :  Nobis  quoque  militandum  est, 


(i)  Particulièrement  dans  les  Lettres  à  Lucilius,  Sénèque  n'a  pas 
d'expressions  assez  dédaigneuses  pour  ces  puérilités;  il  les  appelle  «  lusoria 
arma  »,  «  latrunculi  »,  «  quaestiunculae  »,  «  acuta  deliratio  »,  «  rugae  », 
<  ineptiae  »,  «  titillationes  »,  «  cavillationes  »,  <  textorium  »,  etc. 

(2)  Il  se  conformait  d'ailleurs  en  cela  à  l'esprit  du  temps  :  le  stoïcisme, 
à  cette  époque,  se  bornait  de  plus  en  plus  à  la  morale. 

(3)  Cf.  Cic.  Tusc.  II,  58  :  «  ....  omnibus  enim  rébus,  non  solum  dolori, 
simili  contentione  animi  resistendum  est.  Ira  exardescit,  lil>i'li>  concitatur  : 
in  eandem  arcem  confmrienrkim  est,  eadem  snnt  arma  sumenda. 


—     28    — 

cl  quidem  génère  militiae,quo  numquam  quies,numquam  otium 
datur.  Debellandae  sunt  inpriinis  volnptatcs...  —  Ep.  51, 13  : 
Sed  satis  diu  cum  Hais  litigavimus,  numquam  satis  cum 
vitiis,  quae,  oro  te,  Lucili,  persequere  sine  modo,  sine  fine. 
Nain  illis  quoque  nec  iinis  oec  modus.  —  Ep.  51,  8  :  Portuna 
mecum  bellum  gerit  :  non  sum  imperata  facturus.  Jugum  non 
recipio,  immo,  q'uod   majore  virtute  faciendum  est,  excutio. 

Ep.  <i.">,  24  :  Fortes  simus  adversus  fortuita.  Non  contremes- 
camus  injurias,  non  vulnera,  non  vincula,  non  egestatem. 
Ep.  89,  18  :  Iilos  conpesce,  marcentia  in  te  excita,  soluta 
constiïnge,  contumacia  doma,  cupiditates  tuas  publicasquo 
quantum  potes  vexa....  —  Puis:  Consol.ad Marc,  5,6;  Consol.ad 
llrh:.  15,  4;  Ep.  9,  3;  Ep.  29,  9;  Ep.  51,  9;  Ep.  52,  7;  Ep.  66,  6: 
Ep. 71.30:  Ep.71,37;  Ep.  80,  3;  Ep.  92;  2;  Ep.98,  14;  Ep.  116,3. 

Le  sage  restera  debout,  si  violent  que  soit  l'assaut  des 
adversités  :  De  Provid.,  2,  1  :  ....  adversarum  impetus  rerum 
viri  fortis  non  vertit  animum  :  manet  in  statu,  etc. 

Celui  qui  ne  considère  pas  la  vertu  comme  le  bien  suprême 
tombera  entre  les  mains  de  la  fortune  :  Ep.  71,  4. 

Aguerrissons  donc  notre  âme  :  Ep.  18,  8  :  Exerceamur  ad 
palum. — Ep.  82, 16  :  Magna  exercitatione  durandus  est  animus, 
ut  conspectum  ejus  accessumque  patiatur.  —  Puis  :  De  Provid., 
1,7:  Ep.,  71,30  sqq.. 

Parfois,  le  sage  doit  même  trouver  du  plaisir  à  ces  combats 
et  à  ces  luttes  contre  la  fortune  :  De  Provid.  4,  4  :  Gaudent, 
inquam,  magni  viri  aliquando  rébus  adversis,  non  aliter  quam 
fortes  milites  belle...  —  Voyez  aussi  Ep.  67,  14. 

Cependant,  le  sage  ne  doit  jamais  se  jeter  de  son  propre 
mouvement  au-devant  des  ennemis.  Il  n'attaquera  jamais  le 
premier.  Mais,  lorsqu'il  est  assiégé,  il  se  défendra  avec  une 
énergie  indomptable  :  Ep.  28,  7  :  Dissentio  ab  his,  qui  in 
fluctus  medios  eunt  et  tumultuosam  probantes  vitam  cotidie 
cum  difficultatibus  rerum  magno  animo  conluctantur.  Sapiens 
feret  ista,  non  eliget,  et  malet  in  pace  esse  quam  in  pugna. 

Souvenl  Sénèque,  avec  une  énergie  ardente,  excite  au 
combal    les  amis  auxquels  il  s'adresse:  dans   les  Lettres  à 


—    29    — 

Lucilius,  ce  vieillard  d'une  santé  si  débile,  qui  se  dépeint 
lui-même  presque  continuellement  atteint  des  affections  les 
plus  pénibles,  se  montre  avec  toute  la  combativité  passionnée 
d'une  âme  devenue  indomptable.  Et  nous  lui  pardonnerions 
presque  les  faiblesses  de  sa  vie  antérieure,  grâce  à  ces 
généreux  appels  à  l'énergie  morale  :  Ep.  91,  9  :  Consurgainns 
adversus  fortuita!  —  Ep.  78,  15  :  Toto  contra  il  le  pugnet 
animo  :  vincetur,  si  cessent,  vincet,  si  se  contra  dolorem  snniii 
intenderit....  —  Ep.  89,  18  :  Illos  conpesce,  marcentia  in  le 
excita,  soluta  constringe,  contumacia  doma,  cupiditates  tuas 
publicasque  quantum  potes  vexa —  —  Puis  :  Ep.  16,6; 
Ep.  120,  12. 

Sénèque  représente  souvent  les  maux  de  toute  espèce 
comme  «  assiégeant  »  les  hommes  :  Ep.  95,  4  :  Pravae 
opiniones  obsident  animum.  —  Ep.  74,19-20:  Adversus  hos 
casus  muniendi  sumus.  Nullus  autem  contra  fortunam  inex- 
pugnabilis  niurus  est  :  intus  instruamur.  Etc.  —  Puis  :  Ep.  7, 
6;  Ep.  19,  11  ;  Ep.  54,  1;  Ep.  74,  22. 

Le  sage  lui-même  doit  monter  à  l'assaut  des  vices  :  Ep.  87, 
41  :  Hanc  satius  est  suadere  re  et  expugnare  adfectus,  non 
circumscribere.  —  Cf.  aussi  Ep.  50,  6  (expugnare). 

Le  sage  doit  aussi  s'entourer  de  remparts  inexpugnables  (')  : 
Ep.  82,  4-5  :  Philosophia  circumdanda  est,  inexpugnabilis 
murus,  quem  fortuna  multis  machinis  lacessituin  non  transit. 
In  insuperabili  loco  stat  animus,  qui  externa  deseruit,  et  arce 
se  sua  vindicat  :  infra  illum  omne  telnm  cadet. —  Ep.  113,  27  : 
Quid  est  fortitudo  ?  munimentum  humanae  imbecillitatis  inex- 
pugnabile,  quod  qui  circumdedit  sibi,  securus  in  hac  vitae 
obsidione  perdurât.  —  Puis  :  Ep.  65,  21  ;  Ep.  95,  14;  De  Const. 
sap.,  6,  9. 

Le  sage  parfois  reçoit  des  blessures,  mais  il  n'en  est  pas 
abattu  :  De  Const.  sap.,  10,4  :  ...  quosdam  ictus  recipil 
(se.  sapiens),  sed  receptos  evincit  et  sanat  et  comprimit 


(')  Cf.  Kpictùte  (Introduction,  page  21). 


—     30     — 

On  voit  «les  gens  qui,  par  peur  de  la  mort,  vivent  dans  une 
angoisse  perpétuelle,  connue  le  soldat  en  pays  ennemi  : 
Ep.  74,3. 

La  douleur  est  comparée  à  un  ennemi  qui  rampe  silen- 
cieusement vers  le  soldat  assoupi  :  Cotisa!,  ad  Polyb.,8,  1  : 
....  tune  velut  occasione  data  insidiabitur  dolor  et  requiescenti 
aniino  tuo  paulatim  inrepet. 

La  pauvreté  est  une  sentinelle  des  plus  vigilantes  :  De 
Iiemed.  fortuit.,  Additio,  6  :  (Paupertas)....  pervigil  excubitrix... 

Malheur  à  celui  qui,  mal  protégé  contre  les  vices  qui 
le  menaçaient,  s'est  laissé  envahir  par  eux!  De  Ira,  Lib.  I, 
8,  2-3  :  In  primis,  inquam,  finibus  hostis  arcendus  est;  nam 
cuiii  intravit  et  portis  se  intulit,  modum  a  captivis  non  accipit. 
— Voyez  aussi  Ep.  18,  8  et  Ep.  63,  15. 

Il  y  a  des  gens  qui  s'exposent  d'eux-mêmes  aux  coups  de 
la  fortune  :  Ep.  22,  4. 

Cependant,  on  est  parfois  obligé  de  céder,  mais  qu'au  moins 
alors  l'honneur  reste  intact  (')  :  De  tranquill.  an,,  4,  1  :  Nec  ego 
negaverim  aliquando  cedendum,  sed  sensim  relato  gradu 
et  salvis  signis,    salva    militari   dignitate....  —    De  Benef., 

Lib.  V,  2,   1  :   numquam    enim    in    rerum    honestarum 

certamine  superari  turpe  est,  dummodo  arma  non  projicias  et 
victus  quoque  velis  vincere.  — Puis  :  De  Benef.,  Lib.  V,  2,  3; 
ibid.,  3,  2;  ibid.,  5,  1. 

Il  faut  battre  en  retraite  sans  lâcheté  :  Ep.  22.8  : ....  referet 
pedem,  non  vertet  terga,  sed  sensim  recedet  in  tutum. 

Il  ne  faut  pas  surtout,  comme  certains  le  font,  fuir  à 
la  moindre  alerte  :  Ep.  13,  8  :  ....  sic  vertimus  terga, 
quemadmodum  illi,  quos  pulvis  motus  fuga  pecorum  exuit 
castris 

Car  il  est  plus  dangereux  de  prendre  lâchement  la  fuite  que 
de  tenir  tête  avec  bravoure  :  Ep.  78,  17. 


(')  Cf.  Cic.  Tusc,  II,  58  :  <  ....  non  sentiunt  viri  fortes  in  acie  volnera. 
vol  sentiunt,  sed  niori  nialunt  quam  tantuni  modo  de  dignitatis  gradu 
doinoveii.  » 


—    31    — 

Si  Sénèque  lui-même,  à  un  certain  moment,  conseille  à  son 
cher  Lucilius  de  s'enfuir  au  plus  vite,  c'est  devant  une  espèce 
particulière  d'ennemis  :  les  séductions  du  monde  :  Ep.  32,  3  : 
Propera  ergo,  Lucili  carissimc,  et  cogita  quantum  additurus 
celeritati  fueris,  si  a  tergo  hostis  instaret,  si  equitem  adven- 
tare  suspicareris  ac  fugientium  premere  vestigia.  Fit  hoc, 
premeris  :  accéléra  et  évade,  perdue  te  in  tutum....  —  Epictète 
est  du  même  avis  :  voyez  Entret.,  111,  xu,  12. 

Lorsqu'il  s'agit  de  fuir  les  choses  vaines  de  ce  monde  pour 
se  réfugier  dans  le  camp  tranquille  et  serein  de  la  philosophie, 
alors  il  ne  viendra  à  l'esprit  de  personne  de  vous  appeler 
un  lâche  ou  un  traître  :  Ep.  103,  4  :  Quantum  potes  autem, 
in  philosophiam  recède.  111a  te  sinu  suo  proteget,  in  hujus 
sacrario  eris  aut  tutus  aut  tutior.  —  Cf.  aussi  Ep.  16,  •">  : 
Philosophia  nos  tueri  débet. 

Cette  idée  est  développée  tout  au  long  dans  la  lettre  14, 
avec  la  conclusion  :  Ad  philosophiam  ergo  confugienduin 
est  {Ep.  14,  11). 

Il  est  même  permis  à  celui  qui  recherche  la  vérité  de  passer 
d'un  camp  à  un  autre,  non  pas  comme  transfuge,  mais  comme 
simple  éclaireur  :  Ep.  2,  5  :  Hodiernum  hoc  est,  quod  apud 
Epicurum  nanctus  sum,  soleo  enim  et  in  aliéna  castra  transi re, 
non  tamquam  transfuga,  sed  tamquam  explorator...  —  Voyez 
aussi  :  Consol.  ad  Helv.,  5,  2;  De  Otio,  1,  4. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  Sénèque  s'est  plus  d'une  fois 
servi,  comme  termes  de  comparaison,  des  opérations  d'un 
siège  en  règle;  dans  le  même  ordre  d'idées,  il  aime  à  com- 
parer la  vie  à  une  ville  prise  d'assaut,  livrée  au  pillage  et  oii 
se  donnent  librement  cours  les  appétits  grossiers  :  De  Benef., 
Lib.  VII,  27,  1  :  Si  tibi  vitae  nostrae  vera  imago  succurret, 
viderevideberis  tibi  captae  cuin  maxime  civitatisfaciem,etc.(')- 


(!)  On  peut  rapprocher  de  ceci  un  passage  de  la  lettre  74,  où  la  Fortune 
est  représentée  jetant  au  milieu  de  la  feule  réunie  dans  le  théâtre  les 
faveurs  dont  elle  dispose.  Tous  se  précipitent  et  se  battent  dans  une  mêlée 
terrible  pour  «  piller  »  et  se  disputer  ces  biens  [l:'/>.  7  I,  7). 


—    32    — 

La  Fortune;  c'est  un  ennemi  féroce  qui  se  jette  sur  des 
hommes  paisibles  et  s'amuse  à  les  taire  souffrir  :  Consol.  ad 
Polyb.,  3,  1. 

Nous  avons  donc  ainsi  passé  en  revue  un  grand  nombre  de 
métaphores  et  de  comparaisons  qui  se  laissent  rattacher  assez 
facilement  entre  elles;  nous  avons  suivi  les  divers  mouvements 
d'une  armée  en  campagne  :  d'abord  l'armée  rangée  en  bataille 
et  soumise  à  une  discipline  sévère;  puis  les  projectiles  qu'on 
lance  sur  l'ennemi  —  et  ceux  qu'on  reçoit;  ensuite  la  charge 
et  enfin  la  victoire  —  ou  la  défaite.  A  côté  de  cela,  nous  avons 
vu  les  opérations  du  siège  d'une  place  forte,  finissant  par 
L'assaut  et  la  prise  de  la  ville. 

A  coté  de  toutes  ces  métaphores  et  comparaisons,  il  en 
est  d'autres  qu'il  est  à  peu  près  impossible  de  classer  métho- 
diquement, parce  qu'elles  se  rapportent  à  des  épisodes  ou 
des  traits  de  la  vie  militaire  très  divers  et  sans  lien  apparent 
entre  eux. 

Je  devrai  donc  me  contenter  de  les  citer  au  fur  et  à  mesure 
qu'elles  se  présenteront. 

Quand  il  s'agit  d'un  bienfait  à  rendre,  la  bonne  volonté 
supplée  à  la  fortune,  et  le  bienfaiteur  n'a  d'autre  supériorité 
sur  son  obligé  que  celle  d'un  soldat  armé  de  toutes  pièces 
sur  un  soldat  armé  à  la  légère  :  De  Benef.,  Lib.  Y,  4,  1. 

De  même  que,  pour  redresser  le  bois  d'un  javelot,  il  faut 
l'exposer  au  feu,  de  même  les  caractères  vicieux  doivent  être 
corrigés  par  la  douleur  :  De  Ira,  Lib.  I,  G,  1. 

Il  ne  faut  point  donner  de  préceptes  à  ceux  qui  n'y  sont 
pas  préparés,  pas  plus  qu'il  ne  faut  donner  des  armes  à  celui 
qui  est  dans  l'impossibilité  de  s'en  servir  :  Ep.  95,  38. 

Les  gens  trop  riches  sont  plus  exposés  aux  coups  de  la 
fortune,  comme  les  soldats  trop  corpulente  à  ceux  de  l'ennemi: 
lh-  tranq.  an.,  8,  9. 

Sénèque  aime  aussi  à  comparer  le  séjour  des  hommes  ici-bas 
ù  celui  des  soldais  sous  une  même  tente  (contubeinium)  :  De 


—     33     — 

ce  «  contubernium  »  avec  le  dégoût  que  le  stoïcien  éprouve 
pour  la  promiscuité  avec  des  individus  dénués  de  toute 
sagesse  :  De  tranq.  an..  11,  7  :  ...  Sciebam,  in  quam  tumul- 
tuosum  me  contubernium  natura  clusisset.  —  Puis  :  Ep.  70,  17. 
—  Cf.  aussi  :  Ep.  20,  10  («  divitiarum  contubernium  ») 
et  Ep.  102,  27  («  contubernium  ventris  »). 

Le  sage  désire  avoir  un  ami  qu'il  pourra  assister  dans 
ses  combats  contre  la  fortune,  et  qui  l'aidera  à  son  tour  Q)  : 
Ep.  9,  8  :  Sapiens  etiam  si  contentus  est  se,  tamen  habere 
amicum  vult,  ...  ut  habeat  aliquem,  ...  quem  ipse  circum- 
ventum  hostili  custodia  liberet. 

Toutes  les  vertus  sont  égales  entre  elles  :  Ep.  66,  12-13  : 
Paria  itaque  sunt  et  gaudium  et  fortis  atque  obstinata  tor- 
mentorum  perpessio...  Quid?  tu  non  putas  parem  esse  virtu- 
tem  ejus,  qui  fortiter  hostium  mœnia  expugnat,  et  ejus,  qui 
obsidionem  patientissime  sustinet  '?  —  Voyez  aussi  Ep.  66,  50. 

Il  y  a  plusieurs  manières  d'arriver  à  son  but,  il  ne  faut  pas 
s'en  tenir  avec  opiniâtreté  à  une  seule;  de  même  une  armée 
a  plusieurs  façons  de  se  former,  toutes  également  bonnes  : 
De  vita  beat.,  4,  1. 

On  ne  se  donne  guère  la  peine  de  nuire  à  ceux  qu'on 
méprise  :  Ep.  105,  2  :  Etiam  in  acie  jacens  praeteritur,  cum 
stante  pugnatur.  —  Cf.  aussi  De  Provid.,  3,  3. 

Pour  dire  qu'il  s'est  transporté  d'un  endroit  à  un  autre, 
Sénèque  emploie  la  métaphore  «  transtuli  castra  »  :  Ep.  83,  5. 

Il  en  va  des  violences  de  la  tyrannie  comme  des  grandes 
guerres  :  elles  ont  raison  de  l'homme  rien  que  par  leur  aspect 
terrifiant  :  Ep.  14,  6. 

L'homme  qui  se  fait  vieux  est  comparé  à  un  soldat  qui  a  fini 
son  service  («  emeritis  jam  stipendiis  »)  :  De  Otio,  2,  2. 


(')  Cf.  Marc-Aurèle,  VI,  30  (traduction  de  M.  Martha,  op.  cit.,  page  183)  : 
<  Ne  rougis  pas  du  secours  d'autrui;  ton  dessein,  n'est-ce  pas,  c'est  de  faire 
ton  devoir,  comme  un  soldat  qui  monte  sur  la  brèche?  Eh  bien!  que 
ferais-tu,  si,  blessé  à  la  jambe,  tu  ne  pouvais  monter  seul  sur  le  rempart,  el 
si  tu  le  pouvais  aidé  par  un  autre  ?  >  Cf.  aussi  page  85,  en  note. 

3 


—    34    — 

De  même,  le  sage  est  comparé  à  un  soldat  qui  accomplit 
sod  temps  de  service  :  Ep.  93,  4  :  Vis  scire,  quid  inter  hune 
intersit...  functum  omnibus  vitae  humanae  stipendiis...,  et 
ilhun,  cui  multi  anni  transmissi  sunt?  —  Ep.  65,  18  :  Sapiens 
adsectatorque  sapientiae....  velut  sacramento  rogatus  hoc, 
quod  vivit,  stipendium  putat.  —  Cf.  aussi  Ep.  25,  2  :  Cum  hoc 
veterano  parcius  agendum  puto,  ne  in  desperationem  sui 
veniat,  —  et  Ep.  32,  5  :  Ille  demum  nécessitâtes  super- 
gressus  est  et  exauctoratus  («  licencié  »)  ac  liber,  qui  vivit  vita 
peracta. 

Le  terme  «  auctoramentum  »  (prix  d'un  engagement)  est 
également  employé  au  figuré  par  Sénèque  :  Ep.  69,  4  :  Nullum 

sine  auctoramento  malum  est....  —  Ep.  104,  34  :  opes 

auctoramenta  sunt  servitutum. 

Un  richard  qui  possède  un  grand  nombre  d'esclaves  est 
comparé  à  un  général  qui  commande  une  armée  :  De  tranquill. 
an.,  8,  6  :  Numerus  illi  coticlie  servorum  velut  imperatori 
exercitus  referebatur. . . . 

Il  faut  être  «  altruiste  »  et  ne  pas  abandonner  à  son  sort  son 
compagnon  blessé.  Sénèque  rend  cette  idée  généreuse  par 
une  métaphore  vraiment  belle  :    Consol.    ad  Helc,    1,1: 

praeterea  timebam,  ne  a  me  victa  fortuna  aliquem  meorum 

vinceret  :  itaque  utcumque  conabar  manu  super  plagam  meam 
inposita  ad  obliganda  volnera  vestra  reptare. 

Il  y  a  des  conquérants  qui  ne  désirent  prendre  une  ville 
que  dans  le  seul  but  de  la  conserver,  de  même  que  certaines 
gens  souhaitent  la  ruine  de  leurs  bienfaiteurs  afin  d'avoir 
l'occasion  de  leur  rendre  service  :  De  Benef.,  Lib.  VI,  27,  3-4  : 
Hostes  quoque  optaverunt  capere  quasdam  urbes,  ut  ser- 
varent,  et  vincere  quosdam,  ut  ignoscerent,  etc. 

«  Manus  dare  »  =  s'avouer  vaincu,  se  trouve  Natur.  Quaest., 
II,  38,  1,  et  ailleurs. 


—    35 


n. 


Après  cette  énumération  des  métaphores  et  des  compa- 
raisons militaires  qu'on  rencontre  chez  Sénèque,  il  nous  a 
paru  intéressant  et  instructif  d'examiner  rapidement  les 
fluctuations  de  leur  emploi  dans  les  ouvrages  de  notre 
philosophe. 

Comme  on  aura  pu  le  remarquer  déjà,  le  nombre  et  la  valeur 
de  ces  métaphores  et  de  ces  comparaisons  varient  selon  le 
caractère  et  les  tendances  des  diverses  œuvres,  et  aussi  selon 
l'époque  où  elles  ont  été  écrites. 

Très  rares  dans  les  «  Questions  Naturelles  »  et  dans  le  traité 
«  De  Clementia  »,  elles  sont  en  général  fort  nombreuses  dans 
le  traité  «  Sur  la  Colère  »,  dans  les  «  Consolations  »  (j'en 
excepte  celle  qui  est  adressée  à  Helvie,  la  mère  du  philosophe), 
dans  le  «  De  vita  beata  »,  le  «  De  tranquillitate  aninii  », 
le  «  De  Beneficiis  »,  le  «  De  Providentia  »,  le  «  De  Constantia 
Sapientis  ».  Enfin,  les  Epîtres  à  Lucilius  en  regorgent  litté- 
ralement. 

Tâchons  de  rendre  raison  de  ces  différences. 

Le  premier  ouvrage  important  de  Sénèque  est  la  «  Consola- 
tion à  Marcia  ».  Malgré  quelques  passages  remarquables, 
l'œuvre  est,  dans  son  ensemble,  gâtée  par  le  faux  brillant  des 
artifices  de  rhétorique.  Les  comparaisons  y  sont  souvent 
prolongées  outre  mesure,  dégénèrent  parfois  même  en  un 
verbiage  creux.  Dans  cette  Consolation,  ainsi  que  dans  les 
Consolations  à  Helvie  et  à  Polybe,  on  remarque  quelques 
métaphores  militaires  bien  venues,  amenées  par  les  idées 
stoïciennes  sur  la  fermeté  du  sage  dans  le  malheur.  Avec  le 
«  De  tranquillitate  animi  »  débute  la  série  des  ouvrages 
vraiment  intéressants  de  Sénèque.  Il  y  prend  ce  rôle  de 
directeur  de  conscience  qu'il  gardera  tout  le  reste  de  sa  vie 
et  qui  fait  son  originalité.  Le  «  De  tranquillitate  animi  »  est 
adressé  à  Sérénus,  grand  seigneur  blasé  et  dégoûté  du  monde. 
Le  meilleur  moyen  de  le  guérir  de  ce  «  spleen  »,  s'est  dit 
Sénèque,  c'est   de   le    «  jeter  en  pleine   mêlée  ».  De  lit  un 


—     36     — 

nombre  relativement  élevé  de  métaphores  militaires.  —  Dans 
le  De  Ira  »,  les  métaphores  sont  naturellement  fréquentes  : 
la  colère  est  un  vice,  donc  le  sage,  ou  celui  qui  aspire  à  le 
devenir,  lui  livrera  des  combats  incessants.  —  C'est  à 
Paulinus,  grand  fonctionnaire  et  homme  du  monde,  qu'est 
adressé  le  «  De  brevitate  vitae  ».  Paulinus  attache  trop  de 
prix  aux  biens  frivoles  et  passagers  de  ce  monde;  aussi 
Sénèque  l'engage-t-il  avec  insistance  à  quitter  toutes  ces 
vanités.  Tci  encore  interviennent  les  idées  stoïciennes  coutu- 
mières  :  lutte  contre  les  passions,  mépris  des  «  choses 
fortuites  »,  etc.  De  là  encore  un  certain  nombre  de  méta- 
phores militaires.  —  Il  y  a  quelques  métaphores  de  ce  genre 
dans  le  «  De  Clementia  »,  moins  pourtant  qu'ailleurs,  ce  qui 
s'explique  par  le  caractère  du  sujet.  —  La  rhétorique  joue 
un  grand  rôle  dans  le  «  De  vita  beata  »  ;  il  s'y  trouve  de 
longues  comparaisons  militaires,  mises  au  service  des  idées 
ordinaires  sur  l'ataraxie  du  sage  et  le  combat  continuel 
contre  la  fortune.  —  Quelques  métaphores  tirées  de  la  guerre, 
dans  le  «  De  Beneficiis  »,  relèvent  l'idée  d'une  lutte  de 
générosité  entre  le  bienfaiteur  et  l'obligé.  —  Dans  le  «  De 
Constantia  sapientis  »,  le  sage  est  représenté  comme  absolu- 
ment invulnérable;  ni  les  injures,  ni  l'injustice,  ni  le  malheur 
ne  peuvent  l'atteindre.  On  conçoit  qu'il  doive  se  trouver 
dans  un  pareil  traité  un  nombre  relativement  élevé  de 
métaphores  militaires.  —  Dans  un  ouvrage  aux  trois  quarts 
scientifique  comme  les  «  Questions  Naturelles  »,  les  méta- 
phores militaires  doivent  forcément  être  rares.  —  «  Le 
suicide  est  permis;  cependant  il  vaut  mieux  attendre  de 
pied  ferme  la  fortune  et  lui  résister  vaillamment.  »  Cette 
idée,  développée  longuement  dans  le  «  De  Providentia  », 
amène  de  belles  comparaisons  militaires.  —  Dans  ces  derniers 
traités,  le  style  s'achemine  de  plus  en  plus  vers  le  naturel; 
il  y  parviendra  presque  entièrement  dans  les  «  Lettres  à 
Lucilius  ». 

Les  «  Lettres  à  Lucilius  »  sont  un  des  chefs-d'œuvre  de  la 
littérature  latine,  à  la  fois  par  les  idées  et  par  le  style.  Sénèque 


—    37    — 

y  est  sur  son  véritable  terrain  :  celui  de  la  prédication  morale 
qui  s'épanche  en  des  lettres  à  un  ami,  lettres  où  l'on  ne 
doit  pas  s'astreindre  à  un  plan  rigoureux. 

A  cette  époque  de  sa  vie,  Sénèque  est  revenu  des  vanités 
du  monde;  il  s'exerce  à  supporter  les  maux  de  la  vieillesse 
et  à  regarder  la  mort  en  face;  son  âme  s'épure  chaque  jour. 
Cette  transfiguration  (')  lui  procure  une  joie  profonde,  et, 
généreusement,  il  veut  faire  participer  son  cher  Lucilius  à  ce 
bonheur  ineffable.  Il  le  guide  pas  à  pas,  se  réjouit  de  ses 
progrès,  l'encourage,  le  soutient  dans  ses  défaillances  (2).  Ses 
propres  malheurs,  ses  propres  faiblesses  l'ont  rendu  indul- 
gent. Cela  n'empêche  pas  d'exhorter  sans  cesse  Lucilius  à 
entamer  le  combat  contre  les  voluptés  et  les  passions,  à 
élever  des  remparts  inexpugnables  contre  les  assauts  répétés 
de  la  fortune,  à  obéir  en  tout  à  la  philosophie  comme  le 
soldat  à  son  général.  Mais  ces  exhortations  n'ont  plus  la 
raideur  stoïcienne  de  jadis;  les  expressions  sont  vives,  pit- 
toresques, toujours  concrètes  :  Sénèque  nous  met  sous  les 
yeux  l'héroïsme  des  soldats  sur  le  champ  de  bataille  ou 
derrière  les  remparts,  les  précautions  de  l'armée  qui  se  trouve 
en  pays  ennemi  et  se  sent  entourée  de  pièges,  le  général  qui 
exige  de  ses  subordonnés  une  discipline  exemplaire.  Il  nous 
montre  les  traits  lancés  du  camp  adverse,  les  ennemis  qui 
montent  à  l'assaut  et  qu'il  s'agit  de  repousser  énergiquement. 
Tout  cela  vit  sous  nos  yeux  et  fait  une  impression  profonde. 
C'était  là  le  vrai  ton  qu'il  fallait  prendre  pour  s'adresser  à 
un  chevalier  romain,  lettré  et  mondain  tel  que  Lucilius;  des 
sermons  puritains  l'auraient  dégoûté  dès  l'abord. 

Faut-il  s'étonner  si  les  métaphores  et  les  comparaisons 
militaires  sont  extraordinairement  nombreuses  dans  les 
«  Lettres  à  Lucilius?  »  Tout  s'y  ramène  à  deux  idées  prin- 
cipales :  Guérissons  notre  âme  de  ses  plaies  ;  combattons  sans 


(*)  C'est  le  terme  qu'il  emploie  lui-môme  (Ep.  6,  1). 
(2)  Quels  transports  de  joie   lorsque  Lucilius  progresse!  Cf.  le  cri  de 
triomphe  que  constitue  l'Ep.  34. 


—    38     - 

repos  contre  nos  ennemis  inlassables  :  les  vices,  les  passions, 
la  crainte  de  la  mort.  «  Combats!  lutte!  repousse!  dompte! 
chasse!  »  voilà  les  cris  de  guerre  que  lance  Sénèque  sans 
discontinuer.  C'est  un  capitaine  qui  commande  la  charge  : 
«  En  avant!  Chargez!  »  («  Adsilite!  facite  impetum!  »).  Nous 
sommes  loin  de  ces  languissantes  et  interminables  comparai- 
sons des  premiers  traités;  entre  elles  et  les  courtes  mais 
saisissantes  exclamations  des  Epitres,  il  y  a  toute  la  distance 
qui  sépare  le  jeune  avocat  brillant,  léger  et  mondain,  de 
l'ancien  ministre  désabusé,  menant  une  vie  presque  ascétique, 
et  consacrant  les  forces  qui  lui  restent  à  la  guérison  de  son 
âme  meurtrie  et  à  la  conversion  de  son  ami. 


APPENDICE, 


Métaphores  et  Comparaisons  empruntées  à  la  CHASSE,  à  la  LUTTE, 
aux  COMBATS  DE  GLADIATEURS,  et,  en  général,  aux  JEUX  PUBLICS 
des  Romains. 


On  peut  rattacher  aux  métaphores  et  comparaisons  mili- 
taires celles  qui  sont  empruntées  à  des  domaines  voisins  : 
la  chasse,  la  lutte,  les  combats  de  gladiateurs,  etc.  Les 
expressions  relatives  à  ces  «  sports  »,  comme  nous  disons 
aujourd'hui,  —  quoique  se  rapprochant  maintes  fois  sensi- 
blement des  termes  de  la  vie  militaire,  ont  cependant  leur 
physionomie  propre. 


—    39    — 

I. 

La  Chasse. 

La  chasse,  exercice  violent,  devait  plaire  naturellement 
aux  Romains.  Aussi  ont-ils  de  bonne  heure  transporté  des 
expressions  tirées  de  la  chasse  dans  les  œuvres  littéraires  : 
Plaute  est  là  pour  le  prouver  ('). 

Quant  à  Sénèque,  il  ne  pouvait  manquer  d'employer  aussi, 
à  côté  des  métaphores  guerrières,  quelques  comparaisons 
tirées  de  la  chasse  :  la  fortune,  les  séductions  du  monde,  les 
passions  et  les  vices  ne  ressemblent-ils  pas  à  des  chasseurs 
ou  à  des  oiseleurs  qui  sont  embusqués  pour  saisir  l'imprudent 
qui  est  venu  s'empêtrer  dans  leurs  lacets  ou  se  coller  à  leurs 
gluaux?  De  tranquill.  an.,  10,  1  :  At  in  aliquod  genus  vitae 
difficile  incidisti  et  tibi  ignoranti  vel  publica  fortuna  vel 
privata  laqueum  inpegit,  quem  nec  solvere  possis  nec  rumpere. 
(Cf.  à  propos  d'un  raisonnement  De  Benef.,  Lib.  VII,  4,  1  : 
«  Hoc  ipsum,  »  inquis,  «  volui!  teneo  te!  volo  videre,  quomodo 
ex  his  laqueis,  in  quos  tua  sponte  decidisti,  expliceris.  »)  — 
Ep.  8,  3  :  Ad  omne  fortuitum  bonum  suspiciosi  pavidique 
subsistite  :  et  fera  et  piscis  spe  aliqua  oblectante  decipitur.  — 
Ep.  8, 3-4  :  Quisquis  vestrum  tutam  agere  vitam  volet,  quantum 
plurimum  potest,  ista  viscata  bénéficia  devitet,  etc. 

Notre  âme  est  emprisonnée  dans  notre  corps  comme  un 
oiseau  dans  une  cage:  Ep.  88,  34  :  ....  quomodo  libertate 
sua  usurus  (se.  animus),  cum  ex  hac  effugerit  cavea;.... 

Lorsqu'on  se  trouve  dans  une  situation  désagréable  il  ne 
sert  à  rien  de  s'irriter;   on  n'en  souffre  que  plus  vivement, 


(')  Cf.  Lorenz,  op.  cit.,  p.  59.  Je  ne  parle  que  pour  mémoire  des  compa- 
raisons traditionnelles  empruntées  par  Ennius  à  l'épopée  grecque  et 
reprises  par  Virgile,  telles  que  :  «  ...  les  guerriers  poursuivirent  à  grands 
cris  les  ennemis  vaincus  comme  lus  chiens  de  chasse  qui  traquent  les 
fauves  avec  des  hurlements  aigus  >  ...  ,  etc. 


—    40    - 

de  même  qu'un  oiseau  qui  so  débat  pour  échapper  à  la  glu  ne 
fait  que  s'y  coller  davantage  :  De  Ira,  Lib.  III,  16,  1  :  Omnis 
enim  indignatio  in  tonnentum  suum  proficit,  et  imperia  gra- 
viora  sentit,  quo  contumacius  patitur.  Sic  laqueos  fera  dum 
jactat,  adstringit  :  sic  aves  viscum,  dum  trépidantes  excutiunt, 
plumis  omnibus  inlinunt. 

Le  terme  «  aucupari  »,  qui  s'emploie  pour  la  chasse  aux 
oiseaux,  est  pris  métaphoriquement  par  Sénèque  :  Ep.  99,  26  : 
....  voluptatem  in  ipso  dolore  aucupari. 

Un  homme  qui  s'imagine  en  avoir  un  autre  dans  sa  puis- 
sance, alors  qu'il  n'en  est  rien,  cet  homme  est  comparé  à  un 
chasseur  qui  ne  tient  sa  proie,  un  oiseau,  que  par  le  bout  de 
l'aile  :  Ep.  42,  5  :  Meministi,  cum  quendam  adfirmares  esse  in 
tua  potestate,  dixisse  me  volaticum  esse  ac  levem  et  te  non 
pedem  ejus  tenere,  sed  pennam.  Mentitus  sum  (')  :  pluma 
tenebatur,  quam  remisit  et  fugit. 

Le  sage  doit  cacher  sa  retraite,  comme  font  certains 
animaux,  qui  dissimulent  leurs  traces  autour  de  leur  repaire 
afin  que  le  chasseur  ne  puisse  découvrir  celui-ci  :  Ep.  68,  4  : 
Animalia  quaedam  ne  inveniri  possint,  vestigia  sua  circa 
ipsum  cubile  confundunt  :  idem  tibi  faciendum  est. 

Parfois,  il  s'agit  d'une  chasse  plus  importante  :  la  chasse 
aux  grands  fauves. 

Sénèque  s'élève,  comme  il  le  fait  tant  de  fois,  contre  ces 
gens  qui  perdent  un  temps  si  précieux  à  ce  qu'il  appelle  des 
«jeux  d'enfants,  »  c'est-à-dire  aux  subtilités  de  la  dialectique. 
«  Quoi!  s'écrie-t-il,  en  face  de  la  mort  tu  n'as  pas  d'autres 
armes?  Crois-tu  donc  qu'on  tue  les  lions  à  coups  d'épingle?  » 
Ep.  82,  24  :  Magnis  telis  magna  portenta  feriuntur...  et 
adversus  mortem  tu  tam  minuta  jacularis?  subula  leonem 
excipis  ? 

Le  sage  dompte  les  vices  et  la  fortune  comme  certaines 


(')  La  correction  de  M.  Paul  Thomas  (deux  points  au   lieu  du    point 
d'interrogation  donné  par  0.  Hense)  me  parait  indiscutable. 


—    41    — 

gens  domptent  les  bêtes  féroces  :  Ep.  85,  41  :  Certi  sunt 
domitores  ferarum,  qui  saevissima  animalia . . .  hominem  pati 
subigunt...  :  sic  sapiens  artifex  est  domandi  mala.  Dolor, 
egestas,  ignominia,  carcer,  exilium  ubique  horrenda,  cum  ad 
hune  pervenere,  mansueta  sunt.  —  Cf.  Ep.  66,  41  :  Hoc  (telle 
vertu)  violentiam  domuit . . . 

Les  fauves  traqués  fuient  à  travers  tous  les  obstacles;  de 
même,  les  hommes  talonnés  par  la  peur  :  De  Clem.,  Lib.  1, 
12,  4-5. 

Les  délateurs  qui  voulaient  la  mort  de  Cremutius  Cordus 
sont  comparés  par  Sénèque  à  des  chiens  de  chasse  (Cotisa!. 
ad  Marc,  22,  5),  puis  à  des  loups  (ibid.,  22,  7). 

Il  est  aussi  difficile  de  devenir  tout  à  fait  maitre  de  ses 
passions  qu'il  est  malaisé  de  dompter  complètement  les  fauves 
dont  on  s'est  emparé  :  Ep.  85,  8-9  :  Tigres  leonesque  num- 
quam  feritatem  exuunt...  Numquam  bona  fide  vitia  mansues- 
cunt.  —  Puis  :  De  vita  beat.,  14,  2;  ibid.,  14,  3. 

Un  homme  en  fureur  qui  grince  des  dents  est  comparé  par 
Sénèque  à  un  sanglier  qui  aiguise  ses  crocs  :  De  Ira, 
Lib.  III,  4,  2. 

Le  tigre  qui,  avant  d'expirer,  s'efforce  de  mordre  une 
dernière  fois  le  chasseur  qui  l'a  blessé,  a  l'air  moins  féroce 
que  l'homme  enflammé  par  la  colère  :  De  Ira,  Lib.  III,  4,  3. 

Il  faut  traiter  avec  douceur  ceux  à  qui  l'on  veut  enseigner 
quelque  chose  :  le  chasseur  caresse  les  chiens  auxquels  il 
apprend  à  poursuivre  le  gibier  :  De  Clem.,  Lib.  I,  16,  45. 

«  Lancinare  »,  terme  de  chasse  qui  signifie  «  déchirer  », 
«  mettre  en  pièces  »  est  employé  métaphoriquement  par 
Sénèque  :  Ep.  32,  2:  Diducimus  illam  (se.  vilain)  in  particulas 
ac  lancinamus. 

La  colère  inspire  à  l'homme  la  même  crainte  que  des 
plumes  rouges  aux  bêtes  sauvages  :  De  Ira,  Lib.  II,  11,  6. 


—    42    — 

II. 
La  Lutte. 

La  lutte  fournit  des  expressions  qui  ressemblent  souvent 
à  s'y  méprendre  aux  termes  militaires.  Mais  il  n'en  faut  pas 
moins  les  distinguer  avec  soin  de  ceux-ci. 

La  lutte  était  un  des  spectacles  favoris  du  peuple  romain. 
Pour  le  peuple  grec,  qui  l'aimait  avec  une  passion  au  moins 
égale,  c'était  avant  tout  un  exercice  destiné  à  mettre  en  œuvre 
la  science  des  belles  attitudes,  et  les  athlètes  qui  s'y  livraient 
aux  divers  Jeux  Nationaux  faisaient  admirer  aux  spectateurs 
la  belle  harmonie  faite  de  force  à  la  fois  et  de  grâce  de  leurs 
formes  sculpturales.  Les  Romains,  par  contre,  se  plaisaient 
avant  tout  au  spectacle  de  la  force  dans  son  épanouissement 
monstrueux;  les  biceps  d'une  grosseur  démesurée,  les  muscles 
épais  et  disgracieux,  mais  d'une  puissance  formidable  capti- 
vaient leur  attention  par  dessus  tout.  Aussi  la  lutte  avait-elle, 
à  Rome,  un  caractère  de  violence  et  de  brutalité  qui  eût 
répugné  au  sens  esthétique  si  délicat  des  Hellènes.  C'est  donc 
tout  naturellement  le  caractère  violent  de  la  lutte  qui  a 
passé  dans  la  littérature  latine  de  préférence  au  caractère 
esthétique  et  d'habileté  qui  prédomine  dans  les  comparaisons 
tirées  de  la  lutte  chez  les  écrivains  de  la  Grèce  (l). 

Plaute,  qui,  nous  l'avons  dit,  compare  couramment  la  mise 
en  action  d'un  guet-apens  d'esclave  rusé  et  fripon  à  une 
opération  de  guerre,  se  sert  parfois  du  terme  «  luctator  »  ou 
d'autres  analogues  pour  désigner  l'intrigant.  En  dehors  du 
théâtre  comique,  les  expressions  tirées  de  la  lutte  n'appa- 


(')  Cependant,  lorsqu'il  s'agit  des  stoïciens  grecs,  il  faut  évidemment  se 
placer  à  un  autre  point  de  vue  :  Cbrysippe  et  Epictète  parlent  de  la 
«  lutte     contre  les  passions  avec  une  énergie  qui  égale  celle  de  Sénèque. 


—    43     - 

raissent  dans  la  littérature  latine  sous  la  République  que  par 
occasion  ('). 

Sous  les  premiers  empereurs,  les  écrivains  stoïciens  se 
servent  régulièrement  d'expressions  empruntées  à  la  lutte. 

Avec  les  premiers  auteurs  chrétiens,  les  termes  de  la  lutte 
deviennent  courants,  au  point  de  devenir  presque  des  clichés  : 
1'  «  Agon  christianus  »  se  retrouve  chez  a  peu  près  tous  les 
auteurs  chrétiens  (2).  Arnobe,  par  exemple,  fut  un  véritable 
«  lutteur  de  profession  »  pour  le  christianisme;  il  lutte  par 
ses  écrits  comme  le  lutteur  avec  ses  bras. 

Quant  à  Sénèque,  les  expressions  prises  à  la  lutte  sont 
chez  lui  relativement  nombreuses.  Le  motif  de  cette  fréquence 
est,  on  le  comprend  aisément,  le  même  que  pour  les  termes 
empruntés  à  la  vie  militaire.  Pour  varier  ses  expressions, 
pour  vivifier  par  des  comparaisons  toujours  nouvelles  ses 
exhortations  pressantes  au  courage  moral,  Sénèque  a  eu 
recours  à  des  termes  de  la  langue  des  lutteurs.  Dans  sa 
pensée,  mots  de  la  vie  militaire  ou  de  la  lutte  se  confondent 
pour  ne  plus  exprimer  que  cette  idée  :  combat  incessant 
contre  la  fortune  et  contre  tous  les  mauvais  penchants  qui 
assaillent  les  hommes  ! 

Nous  avons  vu,  au  commencement  de  ce  chapitre,  que 
Sénèque  représente  les  hommes  comme  devant  combattre 
sans  cesse  la  fortune;  ici,  il  s'exprime  un  peu  autrement  : 
«  Luttez  (dans  le  sens  propre  du  mot)  sans  repos  contre  la 
fortune!  Saisissez-la  à  bras  le  corps  et  efforcez-vous  de  lui 
faire  toucher  le  sol!  »  Ep.  66,  50  :  Itaque  haec  magis  laudave- 
rim  bona  exercita  et  fortia  et  cum  fortuna  rixata.  —  Ep.  28,  7  : 
Non    multum    prodest  vitia   sua   projecisse,  si  cum   alienis 


(')  Varron  préfère  la  lutte  morale  des  stoïciens  à  celle  des  athlètes  : 
<  In  charteo  stadio  êmrûçiov  aywva  quo  quis  certasset  animo,  bellus 
homo,  magis  delectatus  Stoicorum  pancratio  quam  athletarum.  »  {Taqyfj 
Mevinnov,  IV,  éd.  Buecholer). 

(*)  Un  des  ouvrages  les  plus  connus  du  saint  Augustin  a  pour  titre  : 
De  Ayone  Christiano. 


—    44     — 

ri xa inli un  est.  -  De  Provid.,  2,  7  :  Spectant  di  magnos  viros 
conluctantes  cum  aliqua  calamitate.  —  Ep.  78,  21  :  ....  bene 
luctare  cum  morbo.  -  Ep.  1)2,  24  :  ....  «  Sapiens  non  est 
beatior....  quam  ille,  qui  cum  mala  fortuna  semper  luctatus 
est?  —  Ep.  22,  7  :  Lnctarc  cum  oflicio,  quod  semel  recepisti. — 
Ep.  52,  1  :  Quid  conluctatur  cum  animo  nostro  nec  permittit 
nobis  quicquam  semel  velle?  —  Ep.  66,  1  :  Clarannm....  vidi.... 
cum  corpusculo  suo  conluctantem.  —  Ep.  30,  1  :  Bassum 
Aufidium  ...  vidi  ...  aetati  conluctantem.  —  Voyez  aussi  :  De 
Provid.,  2,  3;  De  Ira,  Lib.  II,  14,  2;  De  brevit.  vit.,  9,  2;  De  Ira, 
Lib.  III,  43,  3;  Ep.  82,  16;  Ep.  85,  6;  Ep.  109,  2. 

Il  faut  exercer  son  âme  à  la  lutte  :  Ep.  82,  16  :  Magna 
exercitatione  durandus  est  animus,  ut  conspectum  ejus  acces- 
sumque  patiatur.  —  De  Provid.,  4,  12  :  Verberat  nos  et 
lacérât  fortuna  :  patiamur!  Non  est  saevitia,  certamen  est; 
quod  quo  saepius  adierimus,  fortiores  erimus.  —  Ibid.,  2,  6  : 
Non  fert  ullum  ictum....  de  genu  pugnat.  —  Puis  Ep.  13,  2. 

Il  y  a  une  lutte  incessante  et  acharnée  entre  l'âme  et  le 
corps  qui  l'enchaîne  :  Consol.  ad  Marc,  24,  5  :  ....  Omne  illi 
cum  hac  carne  grave  certamen  est,  ne  abstrahatur  et  sidat. 

Le  sage,  grâce  aux  combats  journaliers  qu'il  livre  aux 
vices,  est  devenu  invulnérable,  comme  ces  lutteurs  qui  se 
sont  exercés  longuement  à  supporter  tous  les  coups  sans 
broncher  :  De  Const.  sap.,  9,  5. 

Il  faut  que  nous  sachions  triompher  de  tous  les  vices  pour 
acquérir  la  vertu,  de  même  que  les  lutteurs,  qui  supportent 
tous  les  coups  uniquement  pour  la  passion  de  la  gloire  : 
Èp.  78,  16  ('). 

Le  sage  véritable  désapprouve  ceux  qui  se  jettent  délibé- 
rément au  milieu  des  orages  et  luttent  incessamment  contre 
les  difficultés  de  la  vie  :  Ep.  28,  6. 

(')  Épictète  comparait  volontiers  les  apprentis  philosophes  à  des 
athlètes;  mais  lui-même  devient  un  véritable  «  lutteur  >,  lorsqu'il  s'efforce 
de  faire  de  ses  élèves  des  stoïciens  véritables,  et  non  pas  seulement  des 
stoïciens  amateurs.  Voyez  Epictète,  Entretiens,  1,  iv,  6,  et  les  passages 
cités  page  15,  note  4. 


—    45    — 

Les  passions  contraires  luttent  continuellement  entre  elles 
dans  notre  âme  (')  :  Ep.  56,  5  :  Inter  se  rixantur  cupiditas  et 
timor,  avaritia  luxuriaque  dissident  et  altéra  altérant  vexât. 

Sénèque,  au  cours  de, son  voyage  à  Naples,  avait  d'abord 
été  couvert  de  boue  sur  la  route,  puis,  dans  un  passage  sou- 
terrain, souillé  de  poussière.  Il  se  compare  ingénieusement  au 
lutteur,  qui  d'abord  est  frotté  d'huile  (ceroma),  puis  roulé 
dans  la  poussière  (haphe)  :  Ep.  57,  1  :  Totum  athletarum 
fatum  mihi  illo  die  perpetiendum  fuit  :  a  ceromate  nos  haphe 
excepit  in  crypta  Neapolitana. 

Le  vent  emprisonné  est  comparé  à  un  lutteur  qui  s'efforce 
d'échapper  à  l'étreinte  de  son  adversaire  :  Natur  Quaest., 
Lib.  VI,  25,  1. 

S'occuper  des  subtilités  de  la  dialectique,  c'est  s'escrimer 
contre  le  vent  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  VII,  14,  1. 

Ep.  13,  3,  Sénèque  s'exprime  d'une  manière  essentiellement 
pittoresque  :  «  subsilire  ex  fortuna,  »  se  dégager  par  un 
bond  hors  des  atteintes  de  la  fortune,  comme  un  lutteur  qui 
essaie  d'échapper  à  l'étreinte  de  son  rival. 

III. 
Les  Jeux  de  Gladiateurs. 

Nous  ne  pouvons  que  répéter  ici  ce  que  nous  avons  dit  à 
propos  de  la  lutte.  Les  combats  de  gladiateurs,  jeu  barbare 
et  par  cela  même  inconnu  aux  Grecs,  ont  de  tout  temps 
passionné  les  Romains;  mais  jamais,  ils  n'ont  fait  fureur 
autant  qu'à  la  fin  de  la  République  et  sous  l'Empire.  A 
l'époque  de  Sénèque,  il  n'y  avait  pas  de  fête  qui  ne  comportai 
des  combats  de  gladiateurs.  Sénèque  pouvait  donc,  quand  il 
comparait  son  sage  stoïcien  armé  contre  la  fortune  à  un  gla- 


(')  Cicéron  [De  finit*. .  II,  H,  44)  parle  aussi  de  la  lutte  entre  la  vertu  el 
la  volupté;  il  ajoute  que  Chrysippe,  «  homo  et  acutus  et  «Uligius  ,  ne 
dédaignait  pas  cette  lutte. 


—    46    — 

diateur  aux  prises  avec  son  adversaire  ('),  parler  «  de  visu.  » 
11  n'a  pas  manqué  de  se  servir  de  temps  en  temps  d'expres- 
sions et  de  comparaisons  tirées  de  ces  jeux  sanguinaires. 
Ainsi,  pour  rendre  cette  idée  que  celui  qui  s'est  adonné  à  la 
philosophie  ne  doit  reculer  devant  rien  pour  arriver  à  la 
vertu,  Sénèque  compare  le  sage  à  un  gladiateur  qui  a  con- 
t  raclé  rengagement  de  combattre  jusqu'à  la  mort  :  Ep.  37, 1-2. 

Bassus,  un  des  amis  de  Sénèque,  ose  parler  de  la  mort, 
quoiqu'il  soit  moribond.  Ainsi,  tel  gladiateur,  lâche  pendant 
le  combat,  devient  courageux  lorsqu'il  sent  le  trépas  inévi- 
table :  Ep.  30,  8. 

Certains  conseils  ne  se  donnent  que  de  vive  voix;  de  même, 
le  meilleur  enseignement,  pour  un  gladiateur,  se  donne  dans 
l'arène  :  Ep.  22,  1. 

Sénèque  compare  d'une  façon  saisissante  la  vie,  où  tout  le 
monde  ne  vit  côte  à  côte  que  pour  s'entre-décliirer,  à  l'exis- 
tence des  gladiateurs,  qui  vivent  en  commun  pour  se  com- 
battre :  De  Ira,  Lib.  II,  8,  2. 

La  colère  est  plutôt  nuisible  qu'utile.  C'est  le  courage  tem- 
péré par  la  discipline  qu'il  faut  sur  le  champ  de  bataille,  de 
même  que  c'est  la  confiance  en  son  art  qui  protège  le 
gladiateur,  et  la  colère  qui  l'expose  aux  coups  :  De  Ira, 
Lib.  I,  11,  1. 

Entre  Epicure  et  les  stoïciens  (ille  ...  nos),  il  n'y  a,  pour 
ce  qui  concerne  le  mépris  des  injures,  qu'une  nuance,  comme 
entre  deux  gladiateurs  également  courageux,  dont  l'un  tient 
la  main  sur  sa  plaie  sans  rien  dire,  et  dont  l'autre  crie  au 
peuple  que  sa  blessure  est  insignifiante  :  De  Const.  sap.,  1G,  2. 

A  vaincre  sans  péril,  on  triomphe  sans  gloire  :  la  fortune 
choisit  les  plus  braves  pour  se  mesurer  avec  eux.  De  même 
un  gladiateur  s'estime  déshonoré  lorsqu'on  le  met  en  présence 
d'un  adversaire  trop  inférieur  :  De  Provid.,  3,  4. 


(*)  Dans  la  langue  des  gladiateurs,  L'adversaire  s'appelait  «  par  *  (masc), 
le  couple  de  gladiateurs  <  par  »  (neutre),  et  *  mettre  aux  prises  »  deux 
gladiateurs  se  disait  :  <  componere.  > 


—    47    - 

«  Je  ne  ferai  pas  comme  les  gladiateurs  vaincus  qui  en 
appellent  au  peuple,  »  dit  Sénèque;  «  je  continuerai  la  lutte 
avec  mes  propres  armes  »  :  Ep.  117,  7. 

Deux  bienfaits,  dont  l'un  est  en  apparence  inférieur  à 
l'autre,  peuvent  cependant  être  égaux  par  l'intention  qui  les 
a  guidés;  de  même,  dans  un  combat  de  gladiateurs  où  les 
adversaires  ont  tous  deux  été  blessés,  l'un  grièvement,  l'autre 
légèrement,  la  victoire  reste  indécise,  quoique  l'un  des  deux 
paraisse  l'avoir  emporté  :  De  Benef.,  Lib.  V,  3,  3. 

Soyons  prudents,  quoique  la  prudence  ne  soit  pas  une 
garantie  infaillible  de  sûreté;  ainsi  l'escrimeur  le  plus  habile 
peut  être  touché,  sans  qu'il  ait  manqué  aux  règles  de  l'art. 
Ep.  14,  15  :  Ars  ei  constat,  qui  per  ornamenta  percussus  est. 

«  Pugnare  sine  missione,  »  combattre  jusqu'à  la  mort  »  (en 
parlant  de  gladiateurs),  est  employé  par  Sénèque  en  parlant 
de  César  qui  provoqua  Jupiter  :  De  Ira,  Lib.  I,  20,  8.  —  Cf. 
aussi  «  missio  »  (la  grâce  accordée  aux  gladiateurs)  :  Ep.  37,  2 
(«  ...  nascimur  sine  missione  »)  et  De  Benef. ,  Lib.  II,  20,  3. 

IV. 

Autres  jeux. 

Pour  finir  ce  chapitre,  nous  grouperons  ensemble  toutes  les 
autres  métaphores  et  comparaisons  qui  se  rapportent  à  des 
combats  ou  des  jeux  publics.  Ceux-ci  offrant  toujours  le 
caractère  d'une  lutte  (au  sens  dérivé  du  mot),  violente  le  plus 
souvent,  quelquefois  plus  pacifique,  il  nous  a  paru  que  ces 
comparaisons  et  métaphores  n'étaient  pas  déplacées  dans  un 
chapitre  consacré  aux  expressions  tendant  à  rendre  l'idée  de 
combat  et  de  résistance  contre  les  adversaires  perpétuels  de 
l'homme  ici-bas  :  les  vices,  la  fortune,  la  peur  de  la  mort. 

r 

1°  Saut.  —  Sénèque  emploie  souvent  le  terme  «  transilire  » 
(sauter  par  dessus)  au  figuré  :  De  brevit.  rit.,  16,  3;  De  Benef., 
Lib.  HT,  33,  1  ;  M.,  Lib.  VII,  2G,  4;  De  Ira,  Lib.  II,  3,  4;  Natur. 


—    48     — 

Quaest,  Lib.  I,  Prolog.,  17;   Ep.  13,  6;  Ep.  20,  4;  %  23,  7; 
Ar.  39,  5;  E/>.  64,  2;  E>.  93,  5. 

«  Resilire  »  (sauter  en  arrière,  rebondir  en  arrière)  et 
«  exilire  »  (sauter  li  bas  de,  hors  de)  sont  employés  aussi 
métaphoriquement  par  Sénèque;  «  resilire  »  :  Ep.  82,  6; 
Ep.  95,  48;  Ep.  122,  1;  —  «  exilire  »  :  Ep.  17,  9;  Ep.  40,  11; 
Ep.  100,  7.  —  Cf.  aussi  «  prosilire  »  :  Ep.  92,  34,  et  «  sub- 
silire  »  :  Ep.  31,  11.  «  Emîcare,  »  sauter,  bondir,  est  employé 
Ep.  79,  11. 

2°  Coukse  a  pied  (').  —  «  Je  commence  à  me  faire  vieux,  » 
soupire  Sénèque;  «  déjà  je  distingue  au  loin  les  lignes  qui 
inarquent  le  but  final  de  ma  course  »  :  Ep.  49,  4  :  Nunc  incre- 
dibilis  cursus  apparet,  sive  quia  admoveri  lineas  sentio,  sive 
quia  adtendere  cœpi  et  conputare  damnum  meuni. 

C'est  ce  que,  en  style  démodé,  on  appelle  en  français  : 
«  arriver  au  terme  de  sa  carrière  ». 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  voyez  aussi  :  Ep.  12,  9  et 
Ep.  99,  7. 

L'énergie  morale  de  Bassus  croissait  avec  le  déclin  de  son 
corps,  comme  s'accroît  la  joie  du  coureur  qui  touche  au 
septième  stade,  et,  par  conséquent,  à  la  palme  :  Ep.  30,  13. 

L'intention  est  tout,  quand  on  veut  rendre  un  bienfait;  peu 
importe  si  un  autre,  grâce  à  ses  ressources  supérieures,  a  su 
donner  plus  d'éclat  à  son  bienfait.  Tendre  vers  le  bien  est 
déjà  très  méritoire,  quand  même  un  coureur  plus  rapide 
arrive  au  but  le  premier  :  De  Benef.,  Lib.  V,  2,  2. 

Sénèque  se  compare  lui-même  à  un  coureur  médiocre  :  De 
vita  beat.,  17,  4  :  Vestris  quidem  pedibus  comparatus  debilis 
cursor  sum.  —  Cf.  aussi  Ep.  108,  25. 

C'est  par  l'exercice  que  le  coureur  acquiert  la  souplesse  du 
jarret.  De  même  faut-il  s'habituer  à  lutter  contre  la  fortune  : 
De  Provid.,  4,  12-13. 


(')  Dans  le  De  Officiis  de  Cicéron  (III,  10,  42)  se  trouve  une  pitto- 
resque comparaison  tirée  île  la  course  à  pied,  et  traduite  de  Chrysippe. 
Voyez  aussi  Sénèque,  De  Benef.,  If,  '25,  8. 


—    49    — 

Le  sage  est  comme  un  coureur  qui  use  de  sa  propre  vitesse, 
mais  à  qui  les  encouragements  sont  utiles  :  Ep.  109,  6. 

Nous  disons  aujourd'hui  couramment  :  «  offrir  un  large 
champ  d'action  ».  Sénèque  emploie  cette  même  métaphore, 
manifestement  tirée  du  champ  de  courses  :  De  tranquill. 
an.,  4,  4  :  ...  latiorem  virtuti  campum  dare.  —  De  vita  beat., 
22,  1  :  In  divitiis  ...  campum  habet  patentent. 

La  vie  nous  dépasse  à  la  course  :  Ep.  45,  13  :  Etiam  si 
adtenderemus,  tamen  nos  vita  praecurreret... 

La  vie  elle-même  est  une  course  vers  la  mort  :  De  Remed. 
fortuit.,  2,  Additio  G  :  ...  vita  ipsa  cursus  ad  mortem. 

Une  fois  qu'on  a  pris  son  élan  sur  une  pente,  il  est  difficile 
de  s'arrêter.  Cela  est  vrai  pour  celui  qui  parle  comme  pour 
le  coureur  :  Ep.  40,  7. 

Il  ne  faut  pas  se  jeter  dans  la  mort  d'un  élan  trop  impé- 
tueux («  cum  procursu  »)  :  Ep.  24,  24. 

3°  Equitation  et  course  a  cheval.  —  On  peut  parfois 
feindre  la  colère  pour  stimuler  les  apathiques,  de  même  qu'on 
se  sert  de  l'aiguillon  ou  de  la  torche  pour  exciter  un  cheval 
trop  lent  :  De  Ira,  Lib.  II,  14,  1. 

Sénèque  parle  aussi  de  vices  qu'on  a  soumis  au  frein  ou  à 
l'éperon  :  Ep.  94,  23. 

Il  faut  «  refréner  »  les  plaisirs  :  Ep.  23,  4  :  ...  Voluptates 
tenere  sub  freno  ...  —  Cf.  Ep.  94,  44. 

Certaines  vertus  ont  besoin  de  stimulants,  d'autres,  au 
contraire,  de  brides  :  De  vita  beat.,  25,  5. 

Il  faut  agir  de  même  avec  les  enfants:  De  Ira,  Lib.  II. 
21,3. 

Un  coursier  noble  et  fier  obéit  plus  aisément  à  un  frein 
modéré;  de  même,  la  vertu  suit  tout  naturellement  la  clé- 
mence :  De  Clem.,  Lib.  I,  24,  2. 

11  faut  savoir  «  tourner  les  obstacles  <■>  dans  la  vie  :  De 
tranquill.  an.,  29,  3  :  Non  in  cursu  tantum  ciicique  certamine, 
sed  in  his  spatiis  vitae  interdum  flectendum  est. 

Le  débit  de  Cicéron  était  posé  cl  calme  comme  un  cheval 

4 


—    50    — 

qui  marche  au  pas  :   Ej>   40,  11  :  Cicero  gradarius  Q)  fuit. 

«  Meta  »  est  pris  métaphoriquement  :  De  Remed.  fortuit., 
IV.  1  :  Kef'ei't  quae  sit  meta. 

4°  Jeu  de  balle.  —  Dans  le  De  Benef.,  Livre  II,  32,  1  sqq., 
Sénèque  consacre  tout  un  paragraphe  à  l'ingénieuse  compa- 
raison suivante  :  «  11  ne  suffit  pas  d'accepter  avec  reconnais- 
sance un  bienfait  :  il  faut  encore  savoir  le  rendre;  de  même, 
un  joueur  de  balle  doit  non  seulement  être  capable  de  recevoir 
la  balle  avec  adresse,  mais  il  doit  aussi  savoir  la  renvoyer 
habilement.  »  —  Puis  :  De  Benef.,  Lib.  II,  32,  4  (2). 

On  a  supposé  que,  dans  les  tremblements  de  terre,  des 
parties  de  la  masse  terrestre  se  détachent  et  rebondissent 
comme  fait  la  balle  sur  le  plancher  de  la  salle  de  jeux  :  Natur. 
QuaesL,  Lib.  VI,  10,  2. 

5°  Combats  de  bêtes  féroces.  —  Deux  hommes  qui  se  sont 
persécutés  pendant  toute  leur  existence  et  sont  ravis  finale- 
ment tous  deux  par  la  mort,  ressemblent  à  un  ours  et  un 
taureau,  enchaînés  ensemble,  qui  se  combattent  dans  l'amphi- 
théâtre, et  finissent  par  tomber  tous  deux  sous  le  fer  du 
«  confector  »  :  De  Jra,  Lib.  III,  43,  2. 

Les  ministres  qui  ont  sur  les  hommes  droit  de  vie  et  de 
mort,  ressemblent  aux  bêtes  féroces  auxquelles  on  jette  des 
victimes  humaines  en  pâture  :  De  Clem.,  Lib.  I,  13,  2. 

G0  Autres  jeux.  —  S'occuper  des  subtilités  de  la  dialec- 
tique, c'est  «  jouer  aux  dames  (latrunculi),  »  selon  Sénèque  : 
Ep.  100,  11. 

Enfin,  voici  une  métaphore  empruntée  aux  jeux  en  général  : 
Ep.  51,  9  :  Libertas  proposita  est;  ad  hoc  praemium  laboratur. 


(*)  Cf.     Equus  gradarius  »  (Lucilius,  dans  Nonins). 

('-')  Cette  comparaison,  d'après  Sénèque  lui-même,  provient  de  Cbrysippe. 


CHAPITRE  II. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

EMPRUNTÉES   A    LA 

MÉDECINE. 


Les  Romains  étaient  avant  tout  gens  pratiques.  En  toutes 
choses,  ils  ne  voyaient  que  le  côté  utilitaire,  positif.  De  la 
philosophie,  ils  dédaignent  la  métaphysique,  mais  ils  se 
jettent  avec  avidité  sur  la  morale,  qui  leur  servira  à  guérir 
les  blessuies  de  l'âme;  de  la  médecine,  ils  ne  prennent  que  les 
remèdes  de  bonne  femme  et  les  règles  essentielles  de  ce  que 
nous  appellerions  l'hygiène.  Ils  abhorraient  les  premiers 
médecins  grecs  qui  vinrent  s'établir  chez  eux;  Caton  l'Ancien 
les  assimile  à  des  empoisonneurs  publics,  et  «  préfère  à  leurs 
remèdes  savants  »  les  formules  magiques  et  «  les  recettes  de 
paysans,  où  le  chou  joue  un  rôle  si  merveilleux  »  (*).  Plante, 
dont  le  style  reflète  si  admirablement  les  idées  et  les  passions 
du  peuple,  n'a  presque  pas  de  métaphores  prises  à  la  méde- 
cine. Catulle,  suivant  les  brisées  des  Alexandrins,  compare 
l'amour  à  une  maladie.  Ovide  fait  de  même  :  ses  «  Remédia 
amoris  »  sont  une  longue  comparaison  entre  l'amour  et  la 


(')  Pichon,  op.  rit.,  p.  37.  —  Caton  a  cependant  des  métaphores  heureuses, 
fondées  sur  l'observation,  telles  que  celle-ci  :  <  Les  bavards  ont  la  rage  de 
parler  comme  les  hydropiques  celle  de  boire  ». 


—    52    — 

maladie^).  Horace  (Ep.  I.  i,  33  sqq.)  fait  allusion  aux  pré- 
ceptes relatifs  au  traitement  dos  diverses  passions. 

Cicéron  est  le  premier  qui  ait  employé  avec  précision  et 
pittoresque  de  véritables  métaphores  tirées  de  la  médecine!  '). 
La  philosophie  est  déjà  pour  lui  une  «  doloris  medicina  »  ;  déjà 
les  âmes  souffrantes  commencent  à  pulluler.  L'État,  de  son 
côté,  est  de  plus  en  plus  malade;  mais  Cicéron  n'ose  pas 
encore,  pour  le  guérir,  préconiser  les  remèdes  violents  vantés 
par  Sénèque  :  «  Non  minus  esset  probanda  medicina  quae 
sanaret  vitiosas  partes  reipublicae  quam  quae  exsecaret  », 
dit-il  dans  ses  Lettres.  C'est  clans  ces  Lettres  que  ses  méta- 
phores sont  le  plus  vivantes  :  «  il  assimile  les  moyens  paci- 
fiques à  la  médecine  curative,  les  résolutions  violentes  aux 
opérations  chirurgicales  («  ego  diaeta  curare  incipio,  chirur- 
giae  taedet  »)(3). 

Mais  c'est  sous  l'Empire,  l'époque  troublée  ou  tous  les 
hommes  ont  l'âme  atteinte  de  plaies  profondes,  que  se  géné- 
ralise la  médecine  spirituelle.  Avec  l'influence  prépondérante 
des  Grecs,  la  médecine  scientifique  s'est  établie  à  Rome;  les 
médecins  romains,  dont  la  science  rudimentaire  ne  pouvait 
plus  suffire  aux  innombrables  maladies  produites  par  les 
excès  de  toute  sorte,  apprennent  de  leurs  collègues  hellé- 
niques des  remèdes  plus  efficaces.  Sénèque  lui-même  a  déve- 
loppé ce  point  de  vue  dans  la  lettre  95.  L'ancienne  philosophie, 
dit-il  en  substance,  ne  présentait  pas  un  bien  grand  nombre 


(M  Cf.  Pichon,  De  Sermone  Amatorio...,  p.  39. 
i  Inutile  d'ajouter  qu'en  ceci,  comme  pour  toutes  ses  connaissances 
philosophiques,  Cicéron  n'a  fait  qu'adapter  les  modèles  grecs.  Déjà  Platon 
el  Uhrysippe  avaient  comparé  la  vertu  («  la  santé  de  l'âme  >)àla  santé  du 
corps;  cette  comparaison  avait  été  surtout  développée  par  Philon  de 
Larisse  et  son  disciple,  Antiochus  d'Ascalon,  le  maître  de  Cicéron.  Dans  ses 
'J'iisnifuHi's  :  1\\  15,  30).  Cicéron  la  reprend  :  «  Ut  enim  corporis  temperatio, 
ému  ea  congruuni  inter  se,  e  quibus  constamus,  sanitas,  sic  aniini  dicitur, 
riim  ejiis  judicia  opinionesque  concordant.  » 

(:i)  Pichon,  op.  cit.,  p.  175.  —  Cf.  Oie.,  Tuscul.,  M,  Introduction. 


—    53    — 

de  préceptes  à  l'usage  des  gens  dont  l'âme  était  malade;  a 
quoi  bon,  en  effet?  la  plupart  des  hommes  d'alors  étaient  sains 
d'âme  comme  de  corps.  Aujourd'hui,  il  n'en  est  plus  de  même; 
le  vice  a  tout  envahi,  et  la  corruption  morale  est  devenue  telle 
que  les  remèdes  jadis  les  plus  efficaces  sont  impuissants 
aujourd'hui.  Le  même  phénomène  se  présente  pour  les  mala- 
dies du  corps  :  on  mène  à  l'heure  qu'il  est  une  vie  tellement 
dissolue  que  les  médecins  sont  débordés  et  perdent  la  tête  en 
face  de  ces  affections  innombrables  dont  une  bonne  part  leur 
était  jadis  inconnue.  «  Tarn  multo  aegrotamus  génère  quam 
vivimus  »,  dit  Sénèque  {Ep.  95,  20).  Aussi  Sénèque,  en 
médecin  énergique  qui  veut  à  tout  prix  sauver  ses  malades, 
préconise-t-il  contre  cette  gangrène  tenace  et  profonde  les 
remèdes  les  plus  violents  :  Ep.  95,  29  :  «  Idem  tibi  de  philoso- 
phia  dico.  Fuit  aliquando  simplicior  inter  minora  peccantes  et 
levi  quoque  cura  remediabiles  :  adversus  tantam  morum 
eversionem  omnia  conanda  sunt.  »  Toute  cette  lettre  est  un 
admirable  réquisitoire  contre  les  mœurs  de  l'époque  ('). 
Sénèque  est  du  nombre  de  ces  esprits  élevés  qui,  dans  la 
recherche  d'une  philosophie  pouvant  apporter  la  guérison  aux 
«âmes  malades,  préfèrent  à  toutes  les  autres  le  stoïcisme,  pour 
ses  remèdes  énergiques (2).  Sénèque  est  le  principal  de  ces 
médecins  de  l'âme.  «  Il  a  d'un  médecin  le  coup  d'œil  prompt 
et  juste,  le  diagnostic  infaillible»  (:î). 


(')  Cf.  Saint  Ambroise,  qui,  «  à  propos  d'Élie  et  de  ses  jeûnes,  ....  reprend 
lis  attaques  de  Sénèque  et  de  Juvénal  contre  le  luxe  gastronomique.  » 
(Tichon,  Litt.  lat.,  p.  839),  Commodien,  qui  tonne  aussi  contre  la  gourman- 
dise des  hommes  et  le  luxe  des  femmes,  et  Salvien,  un  autre.  «  grondeur 
bourru  »,  <  satirique  amer  et  violent  »,  précurseur  des  auteurs  de  «  castoie- 
ments  ^>  qui  pulluleront  au  moyen-âge. 

('-)  Lactance  constate  que  cette  prédilection  pour  les  remèdes  énergiques 
était  particulière  aux  stoïciens  (Dlv.  Instit.,  VI,  14  et  15;  De  Ira,  cp.  17). 
Voyez  aussi  Philon,  De  Cherubim,  S  14,  vol.  1,  p.  173,  12  (éd.  Wendl.)  et 
l'lutarque,  De  stoic.  repaya.,  cp.  11,  p.  1037  e.  Épictète  non  plus  n'aime  pas 
les  demi-mesures  :  voyez  Eat réf..  \\.  xviu,  8  et  10-11. 

(")  P.  Thomas,  op.  rit.,  p.  225. 


-    54    — 

En  tant  que  médecin  do  l'âme,  Sénèque  est  essentiellement 
stoïcien.  Les  stoïciens  se  sont  beaucoup  occupés  de  la  défini- 
tion ei  de  la  distinction  des  divers  «  troubles  de  l'âme  »  :  déjà 
/('non  et  Chrysippe  avaient  écrit  des  traités  tizqï  itad-mv, 
dont  des  fragments  subsistent  dans  Diogène  Laërce  et 
Stobée  (').  Cicéron  a  repris  ces  définitions  dans  ses  Tuscu- 
lanes,  notamment  au  livre  IV,  §§  10,  14,  22  et  23.  Il  montre 
que  les  stoïciens  distinguaient  deux  espèces  d'affections  de 
rame  :  les  votir^ictza,  et  les  ccQoojarr^tcncc  [Tu  seul.,  IV;  23)  : 
«  Ex  perturbationibus  autem  priinum  morbi  conficiuntur, 
quae  vocant  illi  rorr^iiazcc,  caque,  quae  sunt  eis  morbis  con- 
traria, quae  habent  ad  res  certas  vitiosam  offensionem  atque 
fastidium,  deinde  aegrotationes,  quae  appellantur  a  Stoicis 
doowGtrjiaTa,  hisque  item  oppositae  contrariae  offensiones.  » 
Puis  Cicéron  ajoute  cette  remarque  caractéristique  :  «  Hoc 
loco  nimium  operae  consumitur  a  Stoicis,  mari  me  ci  Chrysippo, 
dum  morbis  corporum  comparatur  morborum  animi  simili- 
tudo  (2).  » 

On  voit  donc,  par  tout  ce  qui  précède,  que  Sénèque  avait 
de  qui  tenir,  et  que  la  conception  du  sage  comme  médecin  de 
l'âme  ne  lui  appartient  pas.  Mais  ce  qui  est  bien  à  lui,  c'est 
l'expression,  la  forme  dont  il  a  revêtu  ces  idées  rebattues.  On 
peut  dire  qu'aucun  moraliste  stoïcien  n'a  eu  au  même  degré 
que  Sénèque   le   don   du   style   imagé   et  pittoresque.    Seul 


(!)  Les  titres  caractéristiques  de  quelques  ouvrages  de  Galien,  le  médecin- 
philosophe,  nous  révèlent  les  soucis  de  cure  morale  que  ce  disciple  lointain 
de  Chrysippe  nourrissait  de  concert  avec  ses  occupations  de  médecin 
traitant;  il  a  composé,  en  effet,  des  traités  :  De  cognitione  animi  morborumt 
Optimum  medicum  esse  phïlosophum,  De  propriorum  a  ni  mi  affectuum 
curationibus.  Les  comparaisons  qu'on  y  rencontre  sont  d'ailleurs,  ou  citées 
littéralement,  ou  inspirées  de  Chrysippe.  Voyez  Galien,  De  locis  affectif, 
Ul,  1  (éd.  Bas.),  III,  270,  K.  VIII,  138  :  ...  ovrwç  yoiv  xcà  Xqvomtioç  6 
cpû.ôoocpoç  eyqcupev  tisql  tùv  rrjç  \pv%i]ç  nadwi'  sv  fxèv  to  Osqutisvtixoi' 
-'-//or.  oîj  fiâXusxa  XQfjÇoufi'  Sic  T)]i'  ïaoïv  kvtvjv... 

('-)  C'est  surtont  dans  les  §§  58  à  82  des  Tuscul.,  IV,  que  Cicéron  traite 
des  remèdes  que  la  philosophie  apporte  pour  la  guérison  des  passions. 


bb     — 


Épictète  peut  lui  être  comparé  comme  médecin  de  l'âme; 
pour  les  maladies  morales,  ce  sont  les  deux  chirurgiens  les 
plus  fermes  et  les  plus  habiles  de  l'empire  romain.  Marc- 
Aurèle  est  un  penseur  qui  cherche  simplement  à  se  guérir 
lui-même  de  ses  passions  (').  Plutarque  est  un  médecin  doux 
et  indulgent,  qui  ne  fait  qu'indiquer  les  remèdes  à  ceux  qui 
viennent  lui  demander  des  consultations.  Dans  la  littérature 
latine,  après  Sénèque,  Perse,  poète  stoïcien,  parle  aussi  des 
«  maladies  véritables  »  que  sont  les  passions.  Il  a  quelques 
métaphores  prises  à  la  médecine. 

Les  moralistes  chrétiens,  avant  tout  combatifs,  sont  parfois 
aussi  des  médecins  de  l'âme.  Firmicus  Maternus  ressemble 
à  Sénèque  lorsqu'il  dit  :  «  Amputanda  sunt  haec  penitus 
atque  delenda...  »,  lorsqu'il  veut  secourir  les  malades  :  «  Sub- 
venite  miseris,  liberate  pereuntes  »,  qu'il  écrit  ces  mots  : 
«  Aegrotantes  délectant  contraria  »,  et  qu'il  représente  les 
souverains  comme  devant,  par  l'ordre  du  Christ,  guérir  la 
maladie  qu'est  le  paganisme  :  «  Ad  hoc  vobis  Deus  sunnnus 
commisit  imperium  ut  per  vos  vulneris  istius  plaga  curetur...  ». 
Salvien  est,  lui  aussi,  partisan  des  remèdes  violents  :  «  Ju- 
menta  ac  pecudes  sectione  curantur,  et  putrefacta  mulorum, 
asinorum,  porcorum  viscera,  cum  adusta  cauteriis  fuerint, 
munus  medicae  adustionis  agnoscunt,  ...  in  locum  demortuae 
carnis  viva  succedit.  Nos  et  urimur  et  secamur,  sed  nec  ferri 
desectione  nec  cauteriorum  adustione  sanamur...  » 

Chez  Sénèque,  les  métaphores  et  les  comparaisons  tirées  de 
la  médecine  sont  très  nombreuses.  Il  avait  beaucoup  étudié 
dans  sa  jeunesse,  et  il  est  probable  qu'il  connaissait  fort  bien 
la  terminologie  médicale.  De  plus,  d'une  santé  fort  débile, 
sujet  à  des  maladies  pénibles  (2),  il  était  à  même  de  décrire 


(!)  «  Il  garde  sous  les  yeux  un  certain  nombre  de  maximes  courtes,  fon- 
damentales, qui  assurent  la  sénérité  de  l'âme,  de  même  que  <  les  médecins 
ont  toujours  sous  la  main  leurs  instruments  ».  (Marc-Aurèle,  dans 
C.  Martha,  op.  cit.,  p.  197). 

(*j  Voir  les  lettres  26,  53,  -M.  55,  65,  77,  78,  loi.  el  (  'onsol.  ad  Heh\}  19,  2. 


—    56    — 

de  visu  »  et  '«  do  sensu  »  les  phases  diverses  de  nombre 
d'affections.  11  n'avait  qu'à  puiser  dans  son  expérience  per- 
sonnelle, et  aussitôt  les  métaphores  frappantes  et  les  ternies 
précis  venaient  d'eux-mêmes. 

Voici  maintenant,  énumérées  dans  un  certain  ordre,  les 
métaphores  et  les  comparaisons  de  Sénèque  empruntées  à  la 
médecine. 

Sans  cesse,  Sénèque  nous  représente  le  philosophe  comme 
le  médecin  de  l'âme.  «  Le  médecin,  dit-il,  te  donne  des  pré- 
ceptes pour  préserver  ta  santé  et  prolonger  ton  existence; 
eh  bien!  moi,  je  te  fournirai  des  remèdes  infaillibles  qui  te 
guériront  de  tes  passions  et  de  tes  vices,  et  je  t'apprendrai  à 
mépriser  la  mort  »  :  Ep.  78,  5  :  Ad  haec  ergo  remédia  te 
confer.  Medicus  tibi  quantum  ambules,  quantum  exercearis, 
monstrabit;  ne  indulgeas  otio,  ad  quod  vergit  iners  valetudo; 
ut  legas  clarius  et  spiritum,  cujus  iter  ac  receptaculum 
laborat,  exerceas;  ut  naviges  et  viscera  molli  jactatione  con- 
cutias;  quibus  cibis  utaris,  vinum  quando  virium  causa 
advoces,  quando  intermittas,  ne  inritet  et  exasperet  tussim. 
Ego  tibi  illud  praecipio,  quod  non  tantum  hujus  morbi,  sed 
totius  vitae  remedium  est  :  contemne  mortem. 

Tout  ce  développement  caractérise  à  merveille  la  géné- 
reuse thérapeutique  morale  de  Sénèque. 

Sénèque  est  le  chirurgien  au  regard  aigu  et  froid,  bien- 
veillant et  calme,  mais  grave  et  sévère,  qui  ne  cache  pas  au 
malade  la  gravité  de  son  état,  et  entame  sans  hésiter  la  dou- 
loureuse opération;  il  ne  se  soucie  pas  des  hurlements  de 
douleur  du  patient;  il  n'a  qu'une  préoccupation  :  sauver  le 
malade  tout  de  suite,  et  à  tout  prix  :  De  Const.  sap.,  1,  1  :  Ce- 
teri  sapientes  molliter  et  blande,  ut  fere  domestici  et  fami- 
liares  medici  aegris  corporibus,  non  qua  optimum  et  celerri- 
mum  est,  medentur,  sed  qua  licet;  Stoici  virilem  ingressi 
viam,  etc.  —  Ep.  78,  14  :   Circumcidenda  ergo  duo  sunt,  et 

futuri  timoret  veteris  incommodi  memoria —  Ep.  99,  29  :  .... 

Non  te  pudet  luctum  voluptate  sanare?  severius  ista  plaga 


—    57    — 

curanda  est.  —  De  Moribus,  lit  :  Fugienda  sunt  omnibus 
inodis  et  abscindenda  igni  ac  ferro,  totoquo  artifioio  separanda 
languor  a  corpore,  etc.  —  Puis  :  De  Provid.,  3,  2  :  Consol.  ad. 
Helv.,  2,  2;  Consol.  ad  Marc,  1,  8;  Ep.  52,  10. 

Le  Christ  a  dit  :  «  Que  si  ton  œil  droit  te  fait  tomber  dans 
le  péché,  arrache-le,  et  jette-le  loin  de  toi,  car  il  vaut  mieux 
pour  toi  qu'un  de  tes  membres  périsse,  que  si  tout  ton  corps 
était  jeté  dans  la  géhenne.  »  Sénèque,  lui,  s'exprime  avec  plus 
d'énergie  encore  :  Ep.  51,  13  :  Projice  quaecumquc  cor  tuiïm 
laniant,  quae  si  aliter  extrain  nequirent,  cor  ipsuin  cuni  illis 
revellendum  erat. 

Il  y  a  des  maladies  pour  lesquelles  les  préceptes  ne  servent 
à  rien;  il  faut  que  le  médecin  vienne  tàter  le  pouls  du  malade  : 
h1/).  22,  1  :  Quaedam  non  nisi  a  praesente  monstrantur.  Non 
potest  medicus  per  epistulas  cibi  aut  balinei  tempus  eligere  : 
vena  tangenda  est. 

Le  médecin  vraiment  dévoué  ne  se  laissera  pas  rebuter  par 
l'aspect  de  certaines  plaies,  si  repoussant  qu'il  soit;  il  fera  son 
devoir  sans  défaillance  :  De  Const.  sap.,  13,  2. 

Les  bons  magistrats  et  les  bons  parents  doivent  pratiquer  le 
précepte  :  «  Qui  aime  bien,  châtie  bien  »,  comme  le  bon  médecin 
emploie  les  remèdes  les  plus  violents,  pourvu  qu'ils  apportent 
la  guérison  :  De  Ira,  Lib.  II,  27,  3.  —  Cf.  aussi  ibid.,  Lib.  I, 
6,  1;  15,  1;  16,  1. 

Il  faut  ou  bien  guérir  le  mal  ou  bien  le  prévenir  :  Ep.  '.M,  1:!  : 
Itaque  debemus  aut  percurare  mentem  aegrain  et  vitiis  libe- 
rare,  aut  vacantem  quidem,  sed  ad  pejora  pronam  praeoccu- 
pare. 

Sénèque  s'accuse  parfois  de  recourir  à  de  trop  faibles 
remèdes  :  Ep.  13,  14  :  Pudet  me  ibi  sic  tecum  loqui  et  tam 
lenibus  te  remediis  focillare. 

C'est  pourtant  chose  sérieuse  que  la  guérison  d'une  maladie 
de  lame,  et  il  faut  s'y  consacrer  exclusivement  :  «  Quid  aufes 
meas  scabis?  »  s'écrie  Sénèque,  avec  son  éloquence  rude  et 
impérieuse  —  «  quid  oblectas?  Aliud  agitur  :  urendus,  secan- 
dus,  abstinendus  sum.   Ad  haec   adhibitus  es.  Curare  debes 


-    58    — 

morbum  veterem,  gravem,  publicum.  Tantum  negotii  habes, 
quantum  in  pestilentia  medicus.  Circa  verba  occupatus  es? 
jamdudum  gaude,  si  sufficis  rébus  ....  »  (Ep.  75,  7). 

Le  philosophe  n'exercera  aucune  action  efficace  par  un  flux 
do  paroles  :  Ep.  tO,  1-5  :  Remédia  non  prosunfc,  nisi  immoran- 
fcur Quis  medicus  aegros  in  trarisitu  curât? 

Qu'on  ne  se  décourage  pas  si  certains  remèdes  n'apportent 
pas  de  soulagement  immédiat;  qu'on  essaie  les  remèdes  con- 
traires :  De  Cletn.,  Lib.  I,  9,  (5  :  Fac,  quod  medici  soient,  qui, 
ubi  usitata  remédia  non  procedunt,  temptant  contraria.  - 
Cf.  Gonsol.  ad  Helc,  2,  2  :  Sed  is  cogitet,  quaecumque  usque 
eo  perniciosa  sunt,  ut  contra  remédia  convaluerint,  plerumque 
contrariis  curari. 

(  )n  ne  profite  pas  plus  à  feuilleter  une  foule  d'auteurs  divers 
qu'à  changer  continuellement  de  remèdes  :  Ep.  2,  2-3  :  Idem 
accidat  necesse  est  iis,  qui  nullius  se  ingenio  familiariter 
applicant,  sed  omnia  cursim  et  properantes  transmittunt.  Non 
prodest  cibus  nec  corpori  accedit,  qui  statim  sumptus  emit- 
titur;  nihil  aeque  sanitatem  impedit  quam  remediorum  crebra 
mutatio;  non  venit  vulnus  ad  cicatricem,  in  quo  medicamenta 
temptantur  .... 

Il  n'est  pas  bon  d'administrer  les  remèdes  hâtivement  : 
Consol.  ad  Helc,  l,  2  :  Dolori  tuo,  dum  recens  saeviret, 
sciebam  occurrendum  non  esse,  ne  illum  ipsa  solacia 
inritarent    et    accenderent    :    nam    in    morbis    quoque    nihil 

est    perniciosius    quam    immatura    medicina   —    Puis   : 

Ep.  69,  2. 

Le  médecin  ne  parviendra  pas  toujours  à  sauver  le  patient, 
surtout  si  celui-ci  est  atteint  d'une  maladie  ancienne  et  d'autant 
plus  tenace;  mais  il  pourra  toujours  lui  apporter  quelque 
soulagement  :  Ep.  94,  24. 

Nous  avons  dit  que  le  médecin  de  Tàrne,  tel  que  le  conçoit 
Sénèque,  est  un  homme  grave  et  sévère,  opérant  avec  une 
certaine  brusquerie;  cela  ne  veut  nullement  dire  qu'il  doive 
s'irriter  contre  ses  patients  :  De  Const.  sap.,  13,  1-2;  De  Ira, 
Lib.  1T.  10,  0-7. 


TI  no  faut  pas  attendre,  pour  appeler  le  médecin,  que  le  mal 
ait  empiré  :  Ep.  50,  4;  Ep.  104,  18. 

Qu'importe  que  notre  bienfaiteur  de  sage  soit  devenu 
méchant?  Nous  lui  devons  toujours  de  la  reconnaissance,  tout 
comme  s'il  avait  perdu  la  santé,  car  la  méchanceté  est,  elle 
aussi,  une  maladie  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  16,  5-6. 

Les  remèdes  doivent  exactement  convenir  à  chaque  mala- 
die :  De  Ira,  Lib.  I,  16,  4  :  ....  pro  cujusque  morbo  medicina 
quaeratur  :  hune  sanet  verecundia,  hune  peregrinatio,  hune 
dolor,  hune  egestas,  hune  ferrum.  —  Puis  :  Ep.  64,  3. 

Après  avoir  rencontré  presque  à  chaque  instant  ces  méta- 
phores fiévreuses  :  «  urere  »,  «  secare  »,  «  amputare  »,  s'appli- 
quant  à  la  guérison  des  vices,  il  no  faudra  pas  trop  s'étonner  de 
tomber  sur  un  passage  qui  dit  exactement  le  contraire,  savoir 
qu'il  faut  traiter  les  vices  avec  douceur  :  De  Benef.,  Lib.  VII, 
30,  1  :  Etiam  in  his,  quae  videntur  in  perdito,  moderatio  pluri- 
mum profuit;  ut corporum  ita  animorum  molliter  vitia  tractanda 
sunt.  Saepe,  quod  explicari  pertinacia  potuit,  violentia  trahen- 
tis  abruptum  est.  Quid  opus  est  maledictis?  quid  querellis? 
quid  insectatione?  ....  Celui  que  Quintilien  appelle  «  egregius 
vitiorum  insectator  »  se  déclare  ici  ennemi  de  toute  violence, 
de  toute  «  insectatio  ».  C'est  que  Sénèque  s'adoucit  quand 
l'occasion  l'exige.  II  lui  serait  impossible  de  prendre  dans  le 
«  De  Beneficiis  »  le  même  ton  que  dans  les  «  Lettres  à 
Lucilius  ».  Pareillement,  quand  il  s'adresse  à  Serenus,  homme 
sans  volonté  et  que  rien  n'intéresse,  il  parle  un  tout  autre 
langage  que  lorsqu'il  donne  des  conseils  à  Paulinus  ou  à 
Lucilius,  qui  ne  portent  que  trop  d'intérêt,  eux,  aux  choses  de 
ce  monde.  On  l'a  souvent  dit  :  un  moraliste  essentiellement 
pratique  n'est  pas  tenu  à  la  même  rigueur  dans  les  idées  qu'un 
philosophe  dogmatique. 

Dans  le  passage  suivant  encore,  Sénèque  nous  apparaît 
sous  un  aspect  qui  nous  est  moins  familier  :  Ep.  50,  !)  :  Itaque 
cogenda  est,  ut  incipiat  :  deinde  non  est  acerba  medicina. 
Protinus  enim  delectat,  dum  sanat.  Aliorum  remediorum  post 
sanitatem  voluptas  est,  philosophia  paiïter  et  salutaris  et 
dulcis  est. 


—     GO     — 

Ces!  là,  nous  le  répétons,  une  note  assez  rare  chez 
Sénèque;  il  est  trop  stoïcien  au  fond,  et  la  nécessité  présente 
esl  trop  impérieuse,  pour  qu'il  préfère  la  douceur  à  la  sévé- 
rité. L'indulgence  ne  lui  dit  rien  qui  vaille  :  Ep.  123,  17  : 
...  Ilaec  discenda,  immo  ediscenda  sunt  :  non  débet  excusa- 
tiones  vitio  philosophia  suggerere.  Nullam  habet  spem  salutis 
aeger,  quem  ad  intemperantiam  medicus  hortatur. 

Et  c'est  un  triste  spectacle  qu'une  âme  malade  :  De  Mori- 
bus,  89  :  Turpe  spectaculum  praebet  animus  aeger. 

Un  traitement  rigoureux  est  souvent  le  seul  moyen  qui 
reste  pour  guérir  une  affection  invétérée  :  Consol.  ad  Marc, 
1,8;  1^.25,2. 

La  plupart  des  hommes  connaissent  fort  bien  leurs  infir- 
mités corporelles,  et  savent  employer  fort  à  propos  les 
remèdes  qui  conviennent  à  chaque  maladie:  que  n'ont-ils  le 
même  souci  des  affections  de  leur  àme!  (')  Ep.  60,  7-8  :  Id 
autrui  maxime  tracta,  quod  in  te  esse  infirmissimum  senties. 
Nota  habet  sui  quisque  corporis  vitia...  In  cetera  neglegentes 
liuic,  a  quo  saepe  infestantur,  occurrunt  :  sic  in  animo  nostro 


(')  Cf.  Dion  Chrysostome,  Discours  27  :  <  La  plupart  des  hommes  ont 
horreur  «les  philosophes  comme  des  médecins;  de  même  qu'on  n'achète  les 
remèdes  que  dans  une  grave  maladie,  ainsi  on  néglige  la  philosophie  tant 
qu'on  n'est  pas  trop  malheureux.  Voila  un  homme  riche,  il  a  des  revenus 
ou  de  vastes  domaines,  une  bonne  santé,  une  femme  et  des  enfants  bien 
portants,  du  crédit,  de  l'autorité.  Eh  bien?  cet  homme  heureux  ne  se 
souciera  pas  d'entendre  un  philosophe.  Mais  qu'il  perde  sa  fortune  ou  sa 
santé  :  il  prêtera  déjà  plus  volontiers  l'oreille  à  la  philosophie;  que  main- 
tenant sa  femme,  son  fils  ou  son  frère  viennent  à  mourir,  oh  !  alors  il  fera 
chercher  le  philosophe  pour  en  obtenir  des  consolations,  pour  apprendre  de 
lui  comment  on  peut  supporter  tant  de  malheurs.  »  (Traduction  de 
0.  Martini,  op.  cit.). —  Cf.  aussi  Cic,  Tuscuï.,  111,  1  :  Quidnam  esse,  Brute, 
causae  putem,  cur,  cum  constemus  ex  animo  et  corpore,  corporis  curandi 
tuendique  causa  quaesita  sit  ars  atque  ejus  utilitas  deorum  immortalium 
inventioni  consecrata,  animi  autem  medicina  nec  tam  desiderata  sit,  ante- 
quam  inventa,  nec  tam  culta,  posteaquam  cognita  est,  nec  tam  multis 
grata  et  probata,  pluribus  etiam  suspecta  et  invisa?  Etc. 


—    61     — 

sunt  quaedam  quasi  causariae  partes,  quibus  adhibenda  eu- 
ratio  est.  Quid  in  otio  facio?  ulcus  meum  euro.  Etc. 

Ou  ne  donnera  pas  à  certaines  gens  ce  qu'on  sait  devoir 
leur  être  funeste,  pas  plus  qu'on  ne  met  une  arme  à  la  portée 
d'un  désespéré  ou  qu'on  ne  donne  de  l'eau  froide  à  un  malade  : 
De  Benef.,  Lib.  II,  14,  1-2.  —  Cf.  aussi  Ep.  10,  2. 

Ce  n'est  que  finalement  que  le  médecin  devra  avoir  recours 
aux  procédés  violents;  il  aura  au  préalable  essayé  les  remèdes 
plus  bénins  :  De  Ira,  Lib.  I,  G,  1-2  :  «  Quid  ergo?  non  ali- 
quando  castigatio  necessaria  est?  »  Quidni?  sed  haec  sine  ira, 
cum  ratione;  non  enim  nocet,  sed  medetur  specie  nocendi... 
Xempe  medicus  primo  in  levibus  vitiis  temptat  non  multum 
ex  cotidiana  consuetudine  iuflectere  et  cibis,  potionibus,  excr- 
citationibus  ordinem  imponere  ac  valetudinem  tantum  mutât  a 
vitae  dispositione  firmare;  ...  si  frustra  molliora  cesserunt, 
ferit  venani  membrisque,  si  adhaerentia  nocent  et  morhum 
diffundunt,  manus  adfert,  nec  ulla  dura  videtur  curatio,  cujus 
salutaris  effectus  est. 

On  voit  avec  quelle  minutie,  quelle  abondance  de  détails 
tout  cela  est  dit;  ne  croirait-on  pas,  par  moments,  lire  un 
livre  de  médecine  ? 

Sénèque  emploie  même  parfois  des  termes  purement  tech- 
niques, par  exemple  :  «  fibula  »,  espèce  d'aiguille  qui  servail 
à  brider  un  organe  :  fr.  119  :  ...  illi  lex  Papia  fibulam  imposuit. 

Sénèque  est  d'avis  que  les  préceptes  particuliers  peuvent 
avoir  leur  utilité  à  côté  des  préceptes  généraux;  pour  illustrer 
ses  idées,  il  a  recours  sans  cesse  à  des  comparaisons  tirées  de 
la  médecine.  Voyez  Ep.  94,  5-6,  18,  etc. 

Un  service  léger,  mais  rendu  promptement,  l'emporte  sou- 
vent sur  des  services  beaucoup  plus  importants,  mais  lents  à 
venir,  de  même  que.  pour  un  malade,  une  simple  goutte  d'eau 
donnée  à  propos  peut  tenir  lieu  de  remède  :  De  Benef., 
Lib.  Il,  2,  2. 

De  même  que  certaines  couleurs  reposent  les  yeux,  de 
même  l'âme  malade  pourra  éprouver  du  soulagement  par  des 
études  agréables  :  De  Ira,  Lib.  III,  9,  2. 


—    G2    — 

Il  ne  faut  pas  sévir  sans  nécessité,  pas  plus  qu'il  ne  faut 
tirer  trop  de  sang  à  un  malade  :  De  Clem.,  Lib.  I,  5,  1. 

Une  âme  éprouvée  doit  se  prêter  courageusement  au  traite- 
ment, comme  un  vétéran  blessé  subit  sans  sourciller  une 
opération  chirurgicale  :  Consol.  ad  Helv.,  3,  1. 

Le  médecin  ne  doit  jamais  désespérer^)  :  De  Clem.,  Lib.  I, 
17.  1-2  :  ....  Mali  medici  est  desperare,  ne  curet  :  idem  in  iis, 
quorum  animus  adfectus  est,  facere  debebit  is,  cui  tradita 
sains  omnium  est,  non  cito  spem  projicere  nec  mortifera  signa 
pronuntiare  ....  —  Puis  :  Ep.  29,  3. 

Dans  les  maladies  graves,  un  bon  intervalle,  c'est  presque 
la  santé;  de  même  pour  les  vices  :  Ep.  29,  8. 

Le  philosophe  doit  se  corriger  lui-même  avant  de  prétendre 
corriger  les  autres;  mais  en  attendant,  il  peut  leur  donner  de 
bons  avis  :  Ep.  27,  1  :  «  Tu  me,  inquis,  mones?  jam  enim  te 
ipse  monuisti,  jam  correxisti  ?  ideo  aliorum  emendationi 
vacas?  »  Non  sum  tam  improbus,  ut  curationes  aeger  obeam, 
sed  tamquam  in  eodem  valitudinaiïo  jaceam,  de  communi 
tecum  malo  conloquor  et  remédia  communico  (2).  Quoi  de  plus 
touchant  et  d'un  réalisme  plus  aimable  qne  cette  comparaison? 
Ce  sont  des  perles  de  style  semblables  qui  font  le  charme  des 
Lettres  à  Lucilius. 

Voici  encore  des  traits  heureux  que  l'amitié  inspire  à 
Sénèque  : 

L'homme  courageux  peut  souffrir  physiquement,  mais  il 
plane  en  quelque  sorte  au-dessus  de  ses  souffrances  :  Ep.  85, 
29  :  Quaeris  quis  tune  animus  illi  bit?  qui  aegrum  amicum 
adhortantibus. 

Dans  le  «  De  tranquillitate  animi  »,  Serenus  confesse  ses 
vices  à  Sénèque  comme  un  malade  expose  les  moindres 
détails  de  son  affection  au  médecin  en  qui  il  a  pleine  con- 


(i|  Cf.  Philon,  De  sacrif.  Abel  et   Cain,  $  123,  vol.  I,   p.  251,  15  (éd. 
Wendland). 

Épictète,  lui  aussi,  compare  la  maison  du  philosophe  h  un   hôpital 

{Entret.,  111,  xxm,  27). 


—    63    — 

fiance  :  De  trànquïll.  an.,  1,  2  :  Illum  tamen  habitum  in  me 
maxime  deprendo  (quare  enim  non  verum  ut  medico  fatear?) 
nec  bona  fide  liberatum  me  iis,  quae  timebam  et  oderam,  nec 
rursus  obnoxium;  in  statu  ut  non  pessimo  ita  maxime  querulo 
et  moroso  positus  sum  :  nec  aegroto  nec  valeo  ('). 

Les  hommes  ont  d'ailleurs  tellement  besoin  de  s'entr'aider! 
Ils  sont  si  faibles,  si  aveugles  sur  leurs  propres  défauts! 
Comment  pourraient-ils  arriver  à  la  guérisou,  s'ils  ne  savent 
même  pas  eux-mêmes  qu'ils  sont  malades?  Ep.  50,  4  :  Quid 
nos  decipimus?  non  est  extrinsecus  malum  nostrum  :  intra 
nos  est,  in  visceribus  ipsis  sedet;  et  ideo  difficulter  ad  saui- 
tatem  pervenimus,  quia  nos  aegrotare  nescimus.  —  Puis  : 
Ep.  53,  6-7;  Ep.  28,  10. 

La  comparaison  biblique  de  la  paille  et  de  la  poutre  se 
retrouve  dans  Sénèque  sous  une  forme  moins  audacieusemenl 
hyperbolique,  mais  tout  aussi  frappante  dans  son  réalisme  : 
De  vita  beata,  27,  4  :  Vobis  autem  vacat  aliéna  scrutari  mala 
et  sententias  ferre  de  quoquam  :  «  Quare  hic  philosophus 
laxius  habitat,  quare  hic  lautius  cenat?  »  Papulas  observatis 
aliénas,  opsiti  plurimis  ulceribus?  Hoc  taie  est,  quale  si  quis 
pulcherrimorum  corporum  naevos  aut  verrucas  derideat,  quem 
fœda  scabies  depascitur. 

Sénèque  aime  d'ailleurs  à  comparer  les  vices  à  des  ulcères 
qui  se  sont  formés  sur  le  corps  :  De  Ira,  Lib.  I,  20,  1;  De 
trauquiU.  an.,  2,  11;  De  brevit.  rit.,  46.  —  Cf.  aussi  Ep.  80,  6  : 
...  suppurata  tristitia  ('•). 

Le  sage  est  au-dessus  des  injures,  de  même  que  le  médecin 


(!)  Ces  mots:  «  nec  aegroto  nec  valeo  »  montrent  bien  le  malaise  inquiet 
dont  souffraient  tant  d'âmes  de  ce  temps.  Serenus  est  le  type  de  ces  âmes 
faibles;  sans  ressort,  qui  voudraient  secouer  leur  apathie  sans  avoir 
l'énergie  de  le  faire.  Il  y  aurait  là  d'intéressants  rapprochements  à  taire 
avec  telle  figure  littéraire  d'aujourd'hui. 

(2)  Certains  prédicateurs  français  du  moyen  âge,  tels  que  Menot  <  t 
Maillard,  avaient,  dans  leur  âpre  éloquence,  des  figures  identiques  ou  sem- 
blables. 


—    64    — 

reste  indifférent  aux  fureurs  de  ses  malades  et  ne  manifeste 
aucun  dégoûl  devant  les  objets  les  plus  répugnants  :  De 
Const.  *</]>..  L3,  1-2. 

Tour  le  sage,  les  désagréments  qui  peuvent  lui  arriver  du 
dehors  n'ont  pas  plus  d'importance  que  n'en  ont  sur  un  corps 
bien  portant  des  éruptions  passagères  ou  de  légères  écor- 
chures  :  Ep.  72,  5. 

Il  y  a  certaines  plaies  qui  ne  peuvent  supporter  le  plus 
léger  contact  :  De  Ira,  Lib.  III,  9, 5;  Ib.,  Lib.  I,  20,  3;  Ep.  83,  26. 

11  vient  un  temps  où  les  abcès  crèvent,  ou  la  maladie  mani- 
feste par  des  signes  extérieurs  qu'elle  se  retire  du  corps;  de 
même,  les  vices  qui  se  montrent  ouvertement  sont  en  voie  de 
guérison  :  Ep.  8,  2:  Ep.  56,  10;  Ep.  89,  19. 

Il  y  a  entre  un  philosophe  et  un  homme  qui  ne  l'est  pas 
encore  la  même  différence  qu'entre  un  homme  sain  et  un  autre 
qui  sort  a  peine  d'une  longue  et  grave  maladie  :  Ep.  72,  5  et  6. 

11  y  a  beaucoup  de  gens  qui  sont  «  insani  »  au  même  degré 
que  ceux  qui  sont  traités  par  les  médecins;  ce  sont  les 
«  opiniones  falsae  »  {xqCgsiq)  qui  les  ont  mis  dans  cet  état,  et  la 
philosophie  pourra  seule  les  guérir  :  Ep.  91,  17. 

Les  préceptes,  à  eux  seuls,  ne  suffisent  pas  pour  guérir; 
mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'ils  constituent  un  adjuvant 
précieux  :  Ep.  94,  36. 

La  colère  est  une  courte  folie  :  De  Ira,  Lib.  1, 1,  2. 

La  lettre  75  à  Lucilius  (§£  9  à  15)  met  admirablement  en 
lumière  cette  idée  à  laquelle  Sénèque  revient  toujours  ;  la 
philosophie  seule  peut  guérir  l'homme  des  maladies  de  l'âme. 
Sénèque  y  divise  les  aspirants  philosophes  en  trois  classes  : 
d'abord  viennent  ceux  qui  ne  possèdent  pas  encore  la  sagesse, 
mais  qui  ont  pris  pied  dans  son  voisinage.  Ce  sont  ceux  qui 
«  ne  savent  pas  qu'ils  savent  »  (scire  se  nesciunt).  La  deuxième 
classe  est  composée  de  ceux  qui  se  sont  débarrassés  des 
maladies  et  des  affections  les- plus  dangereuses  de  l'âme,  mais 
non  à  tel  point  qu'ils  soient  bien  sûrs  de  leur  santé;  car  ils 
sont  encore  sujets  à  des  rechutes.  Avant  d'en  arriver  à  cette 
seconde  catégorie,  Sénèque  a,  longuement  expliqué  à  son  ami 


—    65     — 

la  différence  qui  existe  entre  les«  maladies  »  {voû^fiata)  et  les 
«  affections  »  (àççcoaTr^iata)  de  l'âme  (')•  Dans  la  troisième 
classe  enfin  peuvent  entrer  ceux  qui  sont  libérés  de  beaucoup 
de  vices  essentiels,  mais  non  de  tous.  Sénèque  estime  fort 
heureux  ceux  qui  sont  admis  en  cette  classe,  d'un  accès  déjà 
fort  difficile  («  tertium  illud  genus  »,  dit-il). 

Les  vices  sont  extrêmement  contagieux;  il  faut  donc  éviter 
le  commerce  des  âmes  viciées  :  De  Ira,  Lib.  III,  8,  1;  De 
iranquill.  an.,  7,  3-4-. 

Il  faut  se  garder  aussi,  dit  Sénèque,  en  bon  disciple  du 
Portique,  de  se  commettre  avec  la  foule,  sinon  on  risque  de 
participer  à  la  contagion  :  Ep.  94,  69. 

Si  celui  qui  aspire  à  la  sagesse  doit  surtout  se  garder  de 
fréquenter  des  compagnons  dangereux,  combien  ce  commerce 
est  plus  dangereux  encore  pour  celui  dont  la  plaie  est  à  peine 
cicatrisée!  De  iranquill.  an.,  17,  3. 

Un  air  salubre,  un  climat  tempéré  font  grand  bien  à  des 
hommes  bien  portants;  combien  les  âmes  peu  fortes  ne 
profiteront-elles  donc  pas  en  la  compagnie  de  personnes  valant 
mieux  qu'elles!  De  Ira,  Lib.  III,  8,  2. 

De  même  qu'un  estomac  malade  souffre  de  tout  ce  qu'on  lui 
donne,  de  même  une  âme  maladroite  (ou  égarée  :  certains  ras. 
donnent  caecus)  transforme  en  une  source  de  misères  tout  ce 
qu'elle  reçoit  :  De  Benef.,  Lib.  V",  12,  6. 

La  colère  est  un  danger  autant  pour  les  esprits  calmes  que 
pour  les  esprits  inquiets;  de  même,  une  épidémie  se  transmet 
même  aux  corps  les  plus  robustes  :  De  Ira,  Lib.  III,  5,  1. 

Socrate  a  bu  le  poison  avec  joie  et  sans  difficulté,  sachant 
qu'il  prenait  une  potion  qui  lui  donnerait  l'immortalité 
{medicamentum  immortalitatis)  :  De  Provhl.,  3,  12. 

Souvent  la  convalescence  est  lente,  et  le  malade,  quoique 
guéri,  reste  bien  longtemps  encore  faible  et  impressionnable  : 
Ep.  7,  1  :  Quod  aegris  evenit,  quos  longa  inbecillilas  usque  eo 
adfecit,    ut   nusquani   sine    offensa   proferantur,   hoc   accidit 

(')  Voyez  le  début  de  ce  chapitre. 


-     6G    - 

nobis,  quorum  animi  ex  longo  morbo  reficiuntur.  —  Puis  : 
Ep.  28,  6;  De  tranquill.  an.,  2,  1. 

Séuèque  ne  recule  pas  devant  les  comparaisons  les  plus 
réalistes,  si  elles  sont  propres  à  rendre  toute  sa  pensée. 
V.  |>.  ex.  De  (■oust,  sap.,  13,  2.  Il  n'y  a  pas  à  s'étonner  qu'il 
ait  pris  à  une  des  fonctions  les  plus  indispensables  de 
l'organisme  humain  des  comparaisons  dont  la  justesse  et 
l'énergie  font  oublier  la  trivialité (*)  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  V, 
4,  2;  Natur.  Quaest.,  Lib.  III,  30,  4;  M.,  Lib.  III,  Praef.,  16.  — 
Cf.  aussi  la  phrase  suivante,  où  «  proritare  »,  terme  de  méde- 
cine employé  entre  autres  par  Pline  l'Ancien  (26,  8,  58),  est 
pris  métaphoriquement  :  Ep.  23,  2  :  ...  sollicitus  est  et  incertus 
sui,  quem  spes  aliqua  proritat... 

L'expression  n'est  pas  moins  forte  dans  le  passage  suivant  : 
De  Clem.,  Lib.  II,  6,  4  :  Inbecillos  oculos  esse  scias,  qui  ad 
alienam  lippitudinem  et  ipsi  subfunduntur,  tam  mehercules 
quam  morbum  esse,  non  hilaritatem,  semper  adridere  riden- 
tibus  et  ad  omnium  oscitationem  ipsum  quoque  os  diducere... 

Dans  le  De  tranquill.  an.,  2,  11,  l'âme  dépravée  est  comparée 
à  un  galeux  qui  se  gratte. 

Séuèque  compare  d'une  manière  fort  pittoresque  la  terre 
avec  ses  canaux  et  autres  conduits,  à  la  peau  humaine  criblée 
de  pores  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  VI,  15.  —  Voir  aussi  Natur. 
Quaest.,  Lib.  VI,  24,  2-3. 

Dans  les  autres  traités  de  Sénèque,  on  rencontre  aussi  de 
ces  expressions  colorées  qui  donnent  du  relief  à  la  pensée  : 
De  Const.  su  p.,  10,  2  :  ....  et  alia  hujus  notae,  quae  quid  vocem 
nisi  querellas  nausiantis  animi?  —  Ep:  79,  7  :  Aut  ego  te  non 
novi  aut  iEtna  tibi  salivam  movet.  —  Ep.  2,  4  :  «  Sed  modo  » 
inquis  «  hune  librum  evolvere  volo,  modo  illum.  »  Fastidientis 
stomachi  est  multa  degustare;  quae  ubi  varia  sunt  et  di versa, 
inquinant,  non  aluni. 

Ailleurs,  Sénèque  parle  d'écrits  «  exsangues  »  :  Ep.  64,  3. 

Ailleurs  encore,  de  «  germes  de  mort  »  (mortifera)  :  Ep.  49,  9. 

(i)  Sur  le  goût  de  Sénèque  pour  les  comparaisons  réalistes,  cf.  Ep.  91,  19. 


—    67    — 

Ailleurs  encore,  d'esprits  aveugles  »  :  Ep.  119,  8  :  ....  tantaest 
caecitas  mentium....  —  Ep.  120,  18  :  Vide  in  quanta  caecitate 
mens  nostra  sit  :  ....  —  Cf.  aussi  Ep.  109,  16  :  Amor  sui 
excaecat  eos...^1),  et  Ep.  94,  5  (occaecare). 

Les  gens  qui  ne  connaissent  pas  leurs  défauts  sont 
«  aveugles  »  sans  le  savoir  :  Ep.  50,  3. 

Il  arrive  que  des  maladies  soient  guéries  par  d'autres 
maladies;  ce  sont  là  des  remèdes  malsains,  passagers,  et 
aucun  homme  sensé  ne  s'avisera  de  leur  accorder  sa  confiance  : 
De  Ira,  Lib.  1, 12,  6;  ibid.,  Lib.  III,  3,  4;  De  Benef.,  Lib.  VI,  8, 1. 

Parfois  le  poison  a  pu  servir  de  remède;  y  aura-t-il 
quelqu'un  qui,  pour  cette  guérison  toute  fortuite,  comptera 
le  poison  au  nombre  des  choses  salutaires?  De  Benef.,  Lib.  II, 
18,  8  :  Non  refert,  quid  sit,  quod  datur,  nisi  a  volente,  nisi 
volenti  datur;  si  servasti  me,  non  ideo  servator  es.  Venenum 
aliquando  pro  remedio  fuit;  non  ideo  numeratur  inter 
salubria  (2). 

L'homme  qui,  pour  échapper  à  ses  ennuis,  erre  d'une  contrée 
à  l'autre,  ne  fait  qu'aggraver  son  mal  :  Ep.  28,  3  :  Motu  ipso 
noces  tibi  ;  aegrum  enim  concutis.  —  Il  ressemble  au  malade 
qui  se  tourne  et  se  retourne  sur  son  lit  de  douleur  :  De 
trunquill.  an.,  2,  12. 

Voici  maintenant  des  métaphores  et  des  comparaisons  qu'il 
est  malaisé  de  classer  dans  un  ordre  déterminé. 


(')  Les  philosophes  grecs  opposaient  souvent  la  cécité  physique  à  la 
clairvoyance  morale.  Voyez  Cic,  Tascul.,  V,  114.  et  Epictète,  Entret.,  \, 
xvni,  6  et  9  et  Id.,'\,  xxvm,  9. 

('-)  Cependant,  ce  n'est  pas  sans  une  certaine  surprise  qu'on  lit  dans  le 
De  tranquill.  an.,  17,  8,  la  phrase  suivante  :  Nonnumqnam  et  usque  ad 
ebrietatein  veniendum,  non  ut  niergat  nos,  sed  ut  déprimât;  eluit  enim 
(vinum)  curas  et  ab  imo  animum  movet  et  ut  morbis  quibusdam  ita  tristitiae 
medetur,  Liberque  non  ob  licentiam  linguae  dictus  est  inventor  vini,  sed 
quia  libérât  servitio  curarum  animum  et  adserit  vegetatque  et  audaciorem 
in  omnis  conatus  facit. 

Voilà  un  jugement  assez  inattendu  dans  la  bouche  d'un  adepte  du 
stoïcisme!  Mais  ici  encore,  il  faut  se  rappeler  que  Sénèquu  sait  se  plier  aux 
circonstances,  et  que  Serenus,  à  qui  le  De  tranquill.  an.  est  dédié,  esi  nu 
mondain  qu'effrayeraient  des  préceptes  trop  austères. 


—    68    — 

Le  philosophe  ne  recherchera  pas  plus  les  applaudissements 
de  la  foule  qu'un  chirurgien  en  train  d'opérer  :  Ep.  52,  9. 

Il  y  a  des  signes  avant-coureurs  pour  les  maladies  de  l'âme 
comme  pour  celles  du  corps  :  Ep.  74,  33. 

Quand  on  esi  malade,  on  suspend  toutes  ses  occupations;  ne 
devrait-on  pas  faire  de  mémo  pour  les  maladies  de  l'âme? 
Ep.  :>3,  9. 

La  fréquence  des  supplices  est  aussi  honteuse  pour  un 
prince  que  le  sont  pour  un  médecin  les  nombreux  décès 
parmi  ses  malades  :  De  Clou..  Lib.  I,  24,  1. 

De  même  que  la  médecine  est  tenue  en  honneur  même  par 
les  gens  en  bonne  santé,  de  même  la  clémence  est  l'objet  de 
la  vénération  de  tous,  même  de  ceux  qui  n'ont  rien  à  se 
reprocher  :  De  Clem.,  Lib.  I,  2,  1. 

La  condition  d'un  despote  oriental  n'est  pas  plus  enviable 
que  celle  de  l'esclave  chargé,  dans  une  grande  maison,  de  la 
garde  des  malades  et  des  fous  :  De  const.  sa  p.,  13,  3. 

Tant  que  la  cruauté  ne  fait  que  peu  de  victimes,  elle  peut 
tromper  l'attention,  mais  quand  elle  menace  tout  le  monde, 
tout  le  monde  se  soulève  contre  elle.  De  même,  un  malade 
isolé  ne  cause  pas  un  grand  trouble;  mais  lorsque  l'affection 
est  devenue  une  épidémie,  alors  la  ville  entière  est  boule- 
versée :  De  Clem.,  Lib.  I,  25,  4-5. 

Les  vices  sont  une  véritable  peste  dont  nous  sommes 
infectés  :  Ep.  59,  9. 

Une  passion  modérée  n'en  reste  pas  moins  une  passion,  de 
même  qu'une  maladie,  si  insignifiante  qu'elle  soit,  ne  peut 
rien  présenter  de  sain  :  Ep.  110,  1. 

La  vertu  fait  sentir  son  influence  même  de  loin,  comme 
certains  remèdes  guérissent  rien  que  par  l'odeur  :  De  tranquill. 
'm..  4,  7. 

Une  âme  malade  redoute  ce  qu'elle  ne  connait  pas.  C'est 
pourquoi  il  faut  la  forcer  à  goûter  du  remède  (la  philosophie)  : 
Ep.  50.  !). 

De  même  qu'on  n'exige  pas  d'honoraires  de  soi-même 
lorsqu'on  est  guéri  par  ses  propres  soins,  de  même  on  ne  se 


—    69     — 

doit  pas  de  la  reconnaissance  pour  le  bien  qu'on  s'est  fait  ii 
soi-même  :  De  Benef.,  Lib.  V,  8,  2. 

Beaucoup  de  richards  sont  possédés  par  la  richesse  plutôt 
qu'ils  ne  la  possèdent;  de  même,  on  dit  :  «  J'ai  la  fièvre  », 
alors  que  c'est  la  fièvre  qui  nous  tient  :  Ep.  119,  12. 

L'empereur  Claude  est  représenté  par  Sénèque  comme 
devant  «  guérir  les  plaies  du  genre  humain  »  :  Convoi,  ad 
Polub.,  13,  1. 

Un  homme  dont  l'âme  est  malade  ne  saurait  avoir  un 
style  énergique  :  Ep-  114,  22. 

Les  mouvements  de  l'âme  les  plus  sains  sont  ceux  dont 
nous  sommes  les  maitres  :  De  Ira,  Lib.  II,  31,  7. 

Les  métaphores  et  les  comparaisons  que  nous  venons 
d'énumérer  ne  sont  fréquentes  que  dans  le  De  tranquïll.  an., 
le  De  Ira,  le  De  Benef.,  le  De  Const.  sap.,  les  Quaest.  Natur., 
et  les  Épitres  à  LucUius.  On  voit  que  la  proportion  suit  une 
marche  ascendante  :  plus  Sénèque  approche  de  la  vieillesse, 
plus  il  emploie  de  métaphores  prises  à  la  médecine. 

Dans  les  trois  Consolations,  les  plus  anciens  de  ses  ouvrages 
qui  nous  ont  été  conservés,  ces  métaphores  ne  sont  presque 
pas  représentées  (').  La  même  observation  s'applique  au  De 
brecitate  vitae  et  au  De  vita  beata.  —  Le  De  clementia  présente 
un  caractère  particulier.  Sénèque  y  engage  son  impérial  élève 
à  être  un  médecin  indulgent  pour  les  vices  de  ses  sujets:  «  Agat 
princeps  curam  non  tantum  salutis,  sed  etiam  honestae  cica- 
tricis.  »  —  Le  De  Providentia  appartient  déjà  à  la  dernière 
partie  de  la  vie  de  Sénèque.  Il  y  parle  des  remèdes  violents 
contre  les  vices  :  «  ferro  et  igné  curari  ».  Cette  idée  va  devenir 
de  plus  en  plus  fréquente  dans  Sénèque,  pour  atteindre  son 
apogée  dans  les  Lettres.  —  Le  De  tranquillitate  animi  et  le 
De  Ira  sont  probablement  antérieurs;  cependant  on  y  ren- 


(')  Il  y  a  cependant  dans  la  Consolation  à  Marcia  un  beau  rapprochement  : 
Marcia  est  comparée  à  un  vétéran  qui  porte  de  nombreuses  traces  de 
blessures,  et  dont  la  plaie  est  à  peine  cicatrisée  que  déjà  il  est  à  nouveau 
frappé.  La  môme  idée  se  retrouve  dans  là  Consolai  ion  à  Helvie. 


—     70    - 

contre  un  nombre  assez  considérable  de  métaphores  relatives 
ii  la  médecine.  Cela  s'explique  par  le  caractère  propre  de  ces 
traités.  Le  De  tranquill.  an.  est  adressé  à  Serenus,  homme  du 
monde  apathique  et  dégoûté  de  l'existence.  Sénèque  se  pré- 
sente à  lui  comme  un  médecin  qui  veut  guérir  cette  véritable 
maladie  qu'est  l'ennui.  Le  De  tranquill.  an.  est  donc  un  véri- 
table petit  traité  de  médecine  morale  pratique.  Quant  au 
De  Ira,  c'est  l'étude  d'un  état  pathologique  particulièrement 
intéressant.  Sénèque  fait  une  monographie  sur  une  maladie 
de  l'âme  comme  de  nos  jours  on  voit  des  médecins  spécialistes 
écrire  un  livre  sur  telle  ou  telle  affection  particulière.  Il 
recherche  les  différents  remèdes  qui  pourront  apporter  du 
soulagement  aux  gens  atteints  de  la  colère.  De  là  le  grand 
nombre  de  métaphores  et  de  comparaisons  prises  à  la  méde- 
cine qu'on  trouve  dans  le  De  Ira.  —  Dans  le  De  Benef., 
Sénèque  compare  assez  heureusement  un  bienfait  rendu  à 
propos  à  un  remède  administré  au  bon  moment,  etc.  —  Le 
De  Const.  sap.  est  une  apologie  de  l'énergie  stoïcienne.  Les 
stoïciens  sont  représentés  comme  les  seuls  médecins  vraiment 
dignes  de  ce  nom,  ce  qui  amène  de  fortes  comparaisons  tirées 
de  l'art  de  guérir.  —  Dans  les  Quaest.  Natur.,  traité  en  grande 
partie  scientifique,  les  métaphores  et  comparaisons  prises  à  la 
médecine  sont  nombreuses,  mais  elles  ne  servent  le  plus 
souvent  qu'à  établir  un  parallèle  entre  certains  phénomènes 
physiques  et  des  phénomènes  physiologiques  correspondants. 
—  Les  Lettres  à  Lucilius  offrent  le  contingent  de  beaucoup  le 
plus  considérable  de  métaphores  et  de  comparaisons  tirées  de 
la  médecine.  L'âme  de  Lucilius  est  malade.  Aussi  Sénèque 
.s'ingénie-t-il  à  la  guérir  par  tous  les  moyens,  et  engage-t-il 
son  ami  à  ne  plus  s'occuper  que  de  sa  cure  morale.  Toutes  les 
idées  que  j'ai  résumées  au  commencement  de  ce  chapitre  sont 
rendues  vivantes  par  des  comparaisons  frappantes  avec  des 
maladies  corporelles.  La  fréquence  de  ces  images  s'explique 
par  les  mêmes  raisons  que  nous  avons  exposées  à  la  fin  du 
chapitre  précédent  :  Sénèque  a  lui-même  l'âme  meurtrie,  et  il 
s'attache  à  la  guérir,  en  même  temps  que  celle  de  Lucilius. 


CHAPITRE  III. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

EMPRUNTÉES    A    LA 

NAVIGATION  et  aux  VOYAGES. 


Le  goût  de  la  mer  et  des  voyages  n'a  commencé  chez  les 
Romains  que  vers  le  2e  siècle  avant  J.-C,  avec  l'influence 
sans  cesse  croissante  de  l'hellénisme.  C'est  ce  qui  explique 
que,  avant  cette  époque,  on  ne  rencontre  que  très  rarement, 
dans  les  poètes  et  les  prosateurs  romains,  une  comparaison 
tant  soit  peu  originale  tirée  de  la  mer  ou  de  la  navigation. 
Plaute,  qui  représente  si  bien  l'esprit  populaire,  n'a  qu'un 
très  petit  nombre  de  métaphores  maritimes.  Avec  le  triomphe 
définitif  de  la  civilisation  grecque  à  Rome,  on  voit  se  multi- 
plier de  plus  en  plus  les  voyages  lointains;  les  jeunes  gens 
de  bonne  famille  vont  en  Grèce  :  à  Athènes,  à  Rhodes  ou  à 
Mitylène.  La  mer  devient  plus  familière  à  ceux  qui  s'occupent 
de  littérature;  de  là,  l'emploi  de  quelques  métaphores  mari- 
times originales  ('). 

Quant  à  Sénèque,  on  ne  peut  lire  une  page  de  son  œuvre 
sans  y  rencontrer  quelque  métaphore  ou  comparaison  ayant 


(')  Cf.  le  fameux  passage  de  Lucrèce  (FI,  1  sqq.)  :  Suave  mari  magno,  etc. 
—  L'Enéide  fourmille  d'images  empruntées  à  la  mer,  mais  beaucoup  sont 
traduites  de  V Iliade  ou  de  Y  Odyssée. 


—     72     — 

rapport  à  la  vie  périlleuse  du  marin  ou  aux  spectacles  gran- 
dioses ou  terribles  que  nous  offre  la  mer.  Pour  expliquer 
l'abondance  et  l'originalité  de  ces  métaphores,  il  faut  se 
rappeler  que.  à  l'époque  de  Sénèque,  beaucoup  de  grands 
personnages  menaient  la  vie  à  grandes  guides,  et  que  la  mode 
régnait  parmi  cette  aristocratie  corrompue  et  blasée  de  faire 
ce  que  nous  appellerions  aujourd'hui  une  "  croisière  „  dans  la 
Méditerranée.  On  s'embarquait  sur  des  navires  de  plaisance 
et  on  visitait  les  plages  mondaines,  où  la  «  saison  »  battait 
son  plein  :  Baïes,  Pouzzoles  et  dîmes  dans  l'Italie  méri- 
dionale, Canope  en  Afrique  (').  Le  voyage,  en  général,  était 
d'ailleurs  devenu  une  simple  mode  :  c'était  une  nouvelle 
manière  d'étaler  ses  richesses  et  de  rivaliser  de  luxe  (2). 
Sénèque,  en  outre,  s'intéressait  à  la  géographie  et  aux  sciences 
connexes  :  voyez  les  fragments  de  quelques-uns  de  ses 
ouvrages  perdus  :  «  De  Motu  terrarum  »,  «  De  Lapidum 
natura  »,  «  De  Piscium  natura  »,  «  De  Situlndiae  »,  «  De  Situ 
et  Sacris  iEgyptiorum  »,  «  De  Forma  mundi  ».  Il  n'était  pas 
d'ailleurs  ennemi  des  voyages  et  des  excursions,  car  il  fait 


(')  Voyez  Ep.  51  une  peinture  vivante  de  l'existence  toute  d'oisiveté  et 
de  mollesse  qu'on  menait  à  Baïes,  cette  Ostende  du  monde  ultra-élégant  de 
l'Empire. 

(2)  Voyez  Ep.  123,  7.  Par  contraste,  Sénèque  nous  dépeint  (Ep.  87,  9)  le 
vieux  Caton  voyageant  dans  un  appareil  d'une  simplicité  toute  primitive. 
Parmi  ces  richards  raffinés,  il  y  en  avait  beaucoup  aussi  qui  cherchaient 
dans  de  lointains  voyages  un  dérivatif  à  leur  dégoût  de  la  vie.  Sénèque  n'a 
pas  assez  de  paroles  de  blâme  pour  ces  insensés  (voyez  Ep.  104,  8,  13-16). 
Lucilius  lui-même,  l'ami  de  Sénèque,  a  l'âme  inquiète  et  malade,  et  cherche 
en  vain  à  l'apaiser  par  des  déplacements  incessants  et  fiévreux.  Aussi 
Sénèque  le  réprimande-t-il  sévèrement  à  ce  sujet  (voyez  Ep.  69,  1).  Lucilius 
était,  à  ce  qui  semble,  sujet  à  des  rechutes,  car  dans  la  lettre  2me  Sénèque 
l'avait  félicité  de  ce  qu'il  n'éprouvait  plus  le  besoin  maladif  du  déplacement 
(Ep.  2,  1).  Mais  hélas!  peu  après,  Lucilius  était  à  nouveau  saisi  du  besoin 
des  voyages  à  en  juger  par  la  lettre  28,  1.  Cependant  Sénèque,  de  peur  sans 
doute  d'effaroucher  son  ami  s'il  le  prend  à  partie  avec  trop  de  rudesse,  lui 
permet  parfois  une  excursion,  et  feint  même  d'en  attendre  le  récit  avec 
impatience  (voyez  Ep.  79,  1  sqq.). 


73     — 

assez  souvent  allusion,  clans  les  Lettres  à  Lucilius,  à  des  villes 
ou  des  pays  visités  par  lui.  Dans  la  lettre  51,  il  nous  parle 
d'un  séjour  qu'il  a  fait  à  Baïes,  endroit  qu'il  reconnut  bientôt 
convenir  assez  peu  au  sage.  Dans  la  lettre  53,  il  raconte  à 
son  ami  la  traversée  pénible  qu'il  a  faite  de  Naples  à  Pouz- 
zoles.  Dans  la  lettre  55,  il  parle  d'une  excursion  en  litière; 
dans  la  lettre  57,  d'un  trajet  de  Baïes  à  Naples.  Dans  la 
70e  lettre,  il  prend  comme  point  de  départ  de  ses  réflexions 
sur  le  suicide  une  visite  qu'il  a  faite  à  Pompéi  ;  dans  la 
lettre  86,  il  décrit  la  maison  de  campagne  de  Scipion  l'Afri- 
cain qu'il  a  visitée;  dans  la  lettre  87  enfin,  il  parle  encore  d'un 
voyage  qu'il  a  fait,  —  sans  d'ailleurs  spécifier  davantage,  car, 
comme  presque  toujours,  ce  n'est  là  qu'un  hors-d'œuvre  destiné 
à  préparer  son  ami  au  plat  de  résistance,  formé  par  des 
réflexions  morales. 

Hâtons-nous  cependant  de  dire  que  si  Sénèque  voyage,  ce 
n'est  nullement  par  désœuvrement  ou  par  ennui,  mais  par 
hygiène  :  Ep.  55;  2  :  Mihi  tamen  necessarium  erat  concutere 
corpus...  —  Ep.  84;  1  :  Itinera  ista,  quae  segnitiam  mihi  excu- 
tiunt,  et  valitudini  meae  prodesse  judico  et  studiis... 

Sénèque  n'aime  d'ailleurs  pas  à  perdre  son  temps,  même  en 
voyage;  en  vrai  stoïcien,  il  considère  que,  même  lorsqu'on 
s'amuse,  on  ne  doit  pas  perdre  de  vue  l'observation  morale 
{Ep.  55,  3). 

Outre  les  voyages  d'agrément  dont  nous  avons  parlé,  il  s'en 
faisait  beaucoup  aussi  d'autre  nature  :  voyages  d'affaires, 
voyages  militaires,  voyages  officiels,  etc.  (')  —  Il  y  avait  do 


(!)  Voir  Friedlànder,  Sittengeschîchte  îles  Rom.  Kaiserreichea.  —  Cf.  aussi 
P.  Thomas,  op.  cit.,  p.  109  :  «  Depuis  que  la  république  avait  étendu  sa 
domination  dans  tout  le  bassin  de  la  Méditerranée,  le  Romain  était  devenu 
l'être  le  moins  sédentaire  qu'il  y  tût  au  monde.  Homme  public,  il  était 
appelé  à  exercer  un  commandement  militaire  ou  à  remplir  quelque  mission 
officielle  dans  une  province  lointaine.  Homme  d'affaires,  rentier  ou  finan- 
cier, il  devait  aller  en  pays  étranger,  en  Grèce,  en  Asie,  en  Afrique,  ru 
Espagne,  en  Gaule,  pour  visiter  ses  propriétés,  pour  surveiller  ses  intérêts 
engagés  dans  des  spéculations  de  toute  espèce.  » 


—    74    — 

grands  propriétaires  qui  avaient  l'ambition  de  posséder  des 
terres  dans  dos  pays  lointains  {Ep.  89,  20). 

Tout  cela  avait  répandu  une  connaissance  plus  précise  de 
la  mer  et  de  la  navigation.  C'est  dans  cette  connaissance  que 
Sénèque  a  puisé  les  détails  précis  et  pittoresques  de  ses  méta- 
phores maritimes.  Mais  ce  n'est  pas  par  dilettantisme,  comme 
la  plupart  de  ses  prédécesseurs,  qu'il  multiplie  ces  compa- 
raisons, c'esi  sous  l'influence  des  idées  stoïciennes.  Certains 
stoïciens  vantaient  à  tout  propos  les  charmes  de  la  retraite  ('). 
Le  sage  doit,  d'après  eux,  s'arracher  aux  vanités  de  ce  monde 
pour  se  réfugier  dans  un  endroit  paisible  et  s'y  livrer  à  l'épu- 
ration de  son  âme.  N'est-il  pas  tout  naturel  que,  dans  cet 
ordre  d'idées,  les  moralistes  stoïciens  en  soient  venus  bientôt 
à  comparer  le  sage  qui,  s'étant  soustrait  au  tumulte  des  pas- 
sions, cherche  une  calme  retraite,  au  marin  qui,  après  avoir 
été  ballotté  par  les  tempêtes,  est  tout  heureux  de  pouvoir 
aborder  dans  un  port  tranquille?  Un  grand  nombre  de  méta- 
phores maritimes  de  Sénèque  doivent  leur  naissance  à  cette 
idée  qui  aujourd'hui  est  devenue  un  lieu  commun  (2).  Une 
autre  idée  stoïcienne  est  celle-ci  :  le  sage  doit  pouvoir  diriger 
sa  vie  avec  une  sûreté  et  un  sang-froid  qui  ne  se  démentent 
pas,  même  au  milieu  des  assauts  les  plus  furieux  de  la  fortune; 
le  moraliste  qui  veut  vulgariser  cette  idée  pensera  naturelle- 
ment à  un  pilote  avisé  et  courageux,  qui  sait   diriger  son 


(')  A  l'époque  de  Sénèque,  l'idée  de  l'abstention  politique  avait  de  nom- 
breux partisans,  contrairement  an  vieil  adage  stoïcien:  c  numquam  piïva- 
tuin  esse  sapientem  (cf.  Oie,  Tuscul.,  IV,  51,  et  Sénèque,  passîm).  Quant  à 
Sénèque  lui-même,  son  insistance  à  recommander  la  retraite  s'explique  par 
les  événements  de  sa  vie.  et  aussi  par  la  condition  et  la  manière  de  vivre 
de  ses  correspondants.  Épictète,  lui,  demeure  fidèle  à  l'ancienne  tradition 
stoïcienne  :  il  fait  dans  l'homme  une  grande  place  au  citoyen  {Entret., 
H,  xiv,  8). 

(-')  Cf.  par  ex.  les  vers  fameux  de  Racan  : 

«  Nous  avons  assez  vu  sur  la  mer  de  ce  monde 
Errer  au  gré  des  flots  notre  nef  vagabonde  : 
Il  est  temps  de  jouir  des  délices  du  port.  Etc. 


-     75    — 

bateau  sans  encombre  au  milieu  des  tempêtes  les  plus 
violentes,  et  tient  le  gouvernail  d'une  main  ferme,  jusqu'à  ce 
que  le  navire  aborde  dans  un  port  qui  offre  un  abri  sûr  contre 
les  dangers  (l).  Ce  port,  selon  la  doctrine  stoïcienne,  c'est  ou 
bien  la  sagesse  parfaite,  pour  ceux  dont  l'existence  n'est 
menacée  par  aucun  mal  extérieur,  —  ou  bien  la  mort  par  le 
suicide  pour  ceux  qui  ne  trouvent  pas  sur  terre  la  sécurité 
rêvée.  De  là  viennent  tant  de  belles  métaphores,  qui  nous 
montrent  le  sage  luttant  en  pilote  énergique  et  habile  contre 
les  tempêtes  de  la  vie,  et  ne  lâchant  pas  le  gouvernail. 
Ailleurs,  ce  sont  les  passions  qui  sont  comparées  à  des  tour- 
billons où  s'agitent  les  hommes  et  où  ils  s'enfoncent  de  plus 
en  plus,  quoiqu'ils  se  cramponnent  avec  l'énergie  du  désespoir 
à  tout  ce  qu'ils  peuvent  saisir  (2).  Ailleurs  encore,  c'est  une  vie 
en  apparence  calme  et  heureuse  qui  est  comparée  à  la  mer 
unie  et  sans  une  ride,  mais  dont  le  sourire  cache  les  fantaisies 
meurtrières  de  la  «  mangeuse  d'hommes  »  qu'elle  est.  Et  tant 
d'autres  métaphores  fines  et  profondes. 
Après  cette  étude  générale,  passons  au  détail. 

Voici  les  métaphores  où  les  hommes  sont  représentés  se 
débattant  au  milieu  des  passions  et  des  incertitudes  comme  un 
naufragé  emporté  par  les  vagues  :  Consul .  ad  Poh/b.,  9,  G  :  ... 
in  hoc  profundum  inquietumque  projecti  mare,  al  ternis 
aestibus  reciprocum  et  modo  allevans  nos  subitis  incrementis, 
modo  majoribus  damnis  deferens  assidueque  jactans,  num- 
quam  stabili  consistimus  loco  :  pendemus  et  fluctuamur  et 
alter  in  alterum  illidimur  et  aliquando  naufragium  facimus, 
seinper  timemus;  in  hoc  tam  procelloso  et  ad  omnes  tempes- 
tates  exposito  mari  navigantibus  nullus  portus  nisi  mortis  est. 
—  Voyez  aussi  De  Ira,  Lib.  III,  3,  2;  ïbid.,  3,  3;  De  rit.  beat., 


(•)  Cf.  Stobée  (Ed.,  Il,  p.  218.  7,  èx  td5i>  'Açlaxtavoç  'OfiouafÂâxap)  el  Épie 
tète  (Entret.,  III,  xv).  La  comparaison  du  pilote  esl  d'ailleurs  une  des 
comparaisons  socratiques. 

(*)  Cf.  Épictète,  Entret.,  II,  xvm,  19  et  29. 


-    76    — 

14,  1;  M.,  24,  I  :  II.,  28,  in  fine;  De  brerii.  vit,  2,  3;  De  Benef., 
Lib.  VI.  28,  2;  />-■  Provid.,  •*">.  !»:  De  tranquill.  an.,  1,  17;  Natur. 
Quaest,  Lib.  V.  1S,  16;  E/>.  1.  ■"»:  Ep.  V.K  S;  Ep.  20,  1; 
ty.22,8;  £/;.23,8;  £)>.  28,  3;  Ep.35,  I:  A>.  t8,8;  Ep.  66,17; 
Ep.  85,  6;  E/>.  88;  7:  Ep.  LOI,  9;  /•>.  lot,  22:  A>.  120,  20. 
Cf.  Ep.  66,  !<;  et  A>.  111,  25. 

De  m  :nc  qu'on  ne  pont  pas  dire  d'un  homme  qu'il  a  long- 
temps navigué  lorsqu'il  a  été  secoué  dès  le  port  par  des  tem- 
pêtes continuelles  el  a  toujours  tourné  dans  le  même  espace, 
de  même  on  ne  peut  conclure,  de  ce  qu'un  homme  a  des 
cheveux  blancs,  qu'il  a  longtemps  vécu  :  De  brerii.  vit.,  7,  10. 

Il  n'existe  pas  d'Etat  parfait,  idéal,  pas  plus  qu'il  n'existe 
de  mer  sans  tempêtes  :  De  Otio,  8,  3-4. 

Un  navire  excellent  n'est  pas  celui  qui  est  orné  et  couvert 
de  peintures,  mais  celui  qui  peut  résister  avec  succès  à  la 
tempête  :  Ep.  76,  13. 

On  ne  songe  guère  à  la  mort,  quoiqu'elle  puisse  nous  frapper 
à  chaque  instant;  ainsi,  beaucoup  de  gens,  au  moment  de  s'em- 
barquer, ne  songent  pas  à  la  tempête  :  De  tranquill.  an.,  11,  7. 

Les  hommes  sont  tenaces  au  point  qu'ils  n'hésitent  pas  à 
s'embarquer  de  nouveau  après  avoir  fait  naufrage;  à  plus 
forte  raison  devraient-ils  persister  à  rendre  des  bienfaits  :  De 
Benef.,  Lib.  I,  1, 10. 

Ceux  qui  relèvent  d'une  longue  maladie  ressentent  encore 
parfois  de  légers  malaises;  de  même  la  mer,  après  une  tem- 
pête, reste  longtemps  encore  agitée  :  De  tranquill.  an..  2,  1. 

Il  faut  se  délier  de  la  tranquillité  dans  le  bonheur;  une  mer 
calme  peut  être  peu  après  soulevée  par  la  tempête  :  Ep.  4,  7; 
Ep.  74,  4. 

Un  bon  pilote  ne  perdra  pas  son  sang-froid  au  milieu  de  la 
tempête;  il  tiendra  le  gouvernail  d'une  main  ferme  :  Ep.  30,  3: 
Magnus  gubernator  et  scisso  navigat  vélo,  et,  si  exarmavit, 
tamen  reliquias  navigii  aptat  ad  cursum.  Hoc  facit  Bassus 
noster  et  eo  animo  vultuque  finem  suum  spectat,  quo  alienum 
spectare  nimis  securi  putares.  Voyez  encore  :  Corisol.  ad. 
Marc,  5,  -"»;  /</..  fi.  3;  De  Ira,  Lib.  II;  31,  5;  Ep.  14,  8;  Ep.  85, 


—    77    — 

30-36('):  Ep.  95,  7;  Ep.  108,  37  («  Quanto  majore  putas  vitam 
tempestate  jactari  quam  ullam  ratem?  »). 

De  même  qu'un  pilote  garde  toute  sa  science,  même  sur 
terre,  de  même  un  homme  peut  être  reconnaissant  rien  que 
par  la  volonté  de  l'être  :  De  Benef.,  Lib.  IV,  21,4. 

La  philosophie  est  un  pilote  vigilant,  qui  dirige  notre  vie  : 
Ep.  16,  3  :  ...  philosophia...  sedet  ad  gubernaculum  et  per 
ancipitia  fluctuantium  derigit  cursum. 

A  mérite  égal,  on  n'est  pas  meilleur  pour  être  plus  riche;  de 
même,  de  deux  pilotes  également  habiles,  le  meilleur  n'est 
pas  celui  qui  a  le  plus  grand  navire  :  Ep.  73,  1_\ 

11  faut  que,  dans  la  vie,  nous  ayons  un  but  vers  lequel 
tendent  tous  nos  efforts  :  le  souverain  bien,  de  même  que  sut- 
un  navire  on  dirige  sa  course  d'après  une  certaine  constella- 
tion :  Ep.  95,  45. 

Dans  les  métaphores  suivantes,  il  est  question  de  se  diriger 
vers  un  port  ou  d'y  aborder.  On  voit  le  sage  qui  se  réfugie 
dans  le  port  de  la  philosophie;  le  navire  qui  sombre  près  du 
port;  l'homme  qui  doit  toujours  avoir  le  regard  dirigé  sur  le 
port  :  De  Clem.,  Lib.  II,  5,  3;  De  brevit.  rit.,  18,  1;  De  rit.  beat., 
19,  1;  De  tranquill.  an.,  5,  5;  Ep.  14,  15;  Ep.  19,  2;  Ep.  19,  9; 
Ep.  70,  3-4;  Ep.  71,  3;  Ep.  72,  10. 

Une  seule  ancre  ne  suffit  pas  pour  un  navire;  de  même, 
dans  la  vie,  on  doit  avoir  plus  d'un  ami  sur  qui  s'appuyer  : 
De  Remed.  fortuit.,  XV,  2. 

La  vie  contemplative,  pour  les  stoïciens,  n'est  qu'un  mouil- 
lage (statio),  et  non  le  port  (poilus)  :  De  Otio,  7,  4. 

Serenus,  qui  se  sent  l'âme  atteinte  d'un  malaise  indéfinis- 
sable, se  compare  à  quelqu'un  qui  no  souffre  plus  de  la  tem- 
pête, mais  qui,  prêt  à  atterrir,  est  en  proie  au  mal  de  mer  :  De 
tranquill.  an.,  I,  17. 

Le  bonheur  de  la  paix  est  senti  le  plus  profondément  par 
ceux  qui  en  profitent  le  plus;  do  même,  parmi  les  marchands 


(<)  Dans  ce  passage,  Sénèque  discute  longuement,  à  la  façon  des  écoles 
de  rhétorique,  le  vieux  rapprochement  ilu  pilote  avec  le  sage. 


-    78    - 

arrivés  à  bon  port,  ceux  qui  avaient  un  chargement  précieux 
adressent  à  Neptune  des  actions  de  grâces  bien  plus  senties 
que  ceux  qui  n'avaient  transporté  que  des  objets  sans  grande 
va  leur  :  Ep.  7o,  5. 

On  peut  calfater  un  navire  qui  fait  eau,  de  façon  à  le  faire 
servir  encore,  niais  lorsqu'il  se  fend  de  toutes  parts,  toute 
peine  est  inutile;  de  même,  l'existence  d'un  vieillard  décrépit 
ne  peut  être  prolongée  que  temporairement  :  Ep.  80,  2. 

On  ne  lance  pas  en  mer  un  navire  qui  fait  eau  de  toutes 
parts;  de  même,  le  sage  ne  s'adonnera  pas  aux  affaires  publi- 
ques, s'il  n'a  aucune  chance  de  succès  :  De  Otio,  3,  4. 

De  même  qu'on  choisit  le  navire  sur  lequel  on  veut  s'em- 
barquer, de  même  on  a  le  droit  de  choisir  le  genre  de  mort 
qu'on  préfère  :  Ep.  70,  11. 

La  vie  ressemble  à  un  voyage  sur  mer;  de  même  qu'on 
s'éloigne  de  plus  en  plus  de  la  côte  jusqu'à  ce  qu'elle  devienne 
imperceptible,  de  même  notre  enfance  nous  paraît  de  plus  en 
plus  lointaine  à  mesure  que  nous  avançons  en  âge  :  Ep.  70,  2. 

Les  gens  qui  s'engourdissent  dans  la  prospérité  sont  autant 
à  plaindre  que  ceux  qui  sont  arrêtés  en  pleine  mer  par  l'ab- 
sence de  vent  :  De  Provid.,  4,  6. 

Ceux  qui  mènent  une  vie  déréglée  sont  comparés  à  des 
gens  qui  rament  contre  le  courant  :  Ep.  122,  19  :  ...  contra 
illam  (se.  naturae  viam)  nitentibus  non-  alia— vita  est  quam 
contra  aquam  remigantibus. 

Il  faut  se  libérer  de  toute  vaine  occupation  dans  la  vie  :  un 
homme  à  la  mer,  s'il  est  chargé  de  bagages,  risque  fort  de 
se  noyer  :  Ep.  22,  12. 

Le  sage  est  insensible  aux  coups  du  sort,  comme  les  rochers 
qne  les  flots  battent  en  vain  :  De  rit.  beat.,  27,  3.  Cf.  aussi 
De  /m.  Lib.  111.  2:..  :'.. 


-    79    - 


IL 


Après  ces  métaphores  et  ces  comparaisons  qui  ont  exclu- 
sivement l'apport  à  la  mer,  venons-en  aux  nombreuses  méta- 
phores qui  sont  empruntées  aux  voyages  sur  la  terre  ferme. 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  au  commencement  de  ce 
chapitre  au  sujet  des  voyages  sur  mer,  s'applique  aussi  aux 
voyages  sur  terre.  Ici  encore,  les  métaphores  servent  à 
illustrer  des  idées  stoïciennes  :  la  vie  est  un  voyage  long  et 
ardu;  on  rencontre  à  chaque  pas  sur  son  chemin  des  obstacles 
souvent  très  pénibles  à  surmonter;  aussi  trébuche-t-on  sans 
cesse,  etc.  Toutes  ces  figures  sont,  comme  toujours,  essen- 
tiellement vivantes  et  pittoresques  :  on  voit  se  dérouler  sous 
ses  yeux  le  chemin  de  la  vie,  «  sablonneux,  malaisé  »,  comme 
celui  de  la  fable,  parsemé  d'embûches  de  toute  espèce,  et  la 
foule  des  malheureux  mortels  qui  s'achemine  péniblement, 
quelques-uns,  les  plus  sages,  en  avant,  regardant  droit  devant 
eux,  toujours  en  éveil,  —  et  derrière  eux  tous  les  autres, 
s'échelonnant  en  une  file  interminable  et  mêlée,  trébuchant  à 
chaque  pas,  s'écartant  de  la  route,  perdant  leur  chemin,  se 
débattant  dans  les  pièges  dissimulés  sur  leur  passage...  Puis 
voici  un  voyageur  attardé  qui  veut  regagner  le  temps  perdu 
et  donne  de  l'éperon  à  son  cheval...  Tout  cela  est  réel,  précis, 
et  peint  avec  de  vives  couleurs. 

Voici  un  beau  développement,  où  la  vie  est  comparée  à  un 
voyage  :  De  vit.  beat.,  1,  1-2-3  :  Vivere,  Gallio  frater,  omnes 
béate  volunt,  sed  ad  pervidendmn.  quid  sit  quod  beatam  vitani 
efficiat,  caligant;  adeoque  non  est  facile  consequi  beat  nui 
vitam,  ut  eo  quisque  ab  ea  longius  recédât,  quo  ad  illani  conci- 
tatius  fertur,  si  via  lapsus  est  :  quae  ubi  in  contrarium  ducit, 
ipsa  velocitas  majoris  intervalli  causa  fit.  Etc. 

Dans  la  Consolation  à  Marcia  (C.  17  et  18),  nous  rencontrons 
une  longue  comparaison  du  même  genre  :  l'existence  d'ici-bas 
y  est  également  rapprochée  d'un  voyage.  C'est  la  célèbre  com- 
paraison de  la  vie  avec  une  excursion  à  Syracuse,  qui  peut  se 
résumer  en  ces  mots  :  An  Syracusas  viseres  deliberanti  til>i 


—    80    — 

quidquid  deleetare  poterat,  quidquid  offendere,  exposui;  puta 
nasccnti  me  tibi  venire  in  consilium.  Etc.  (Consol.  ad  Marc, 
18,  1)('). 

La  vie  est  un  voyage  au  terme  duquel  il  faut  toujours  se 
résigner  à  rentrer  «  chez  soi  »  :  De  Remed.  fortuit.,  II,  2: 
Peregrinatio  est  vita  :  cum  multuni  ambulaveris,  douuini 
redeundum  est. 

Dans  le  De  Constantin  sapientis  (T,  1-2),  Sénèque  décrit  lon- 
guement le  chemin  vers  la  philosophie  idéale. 

Ceux  qui  veulent  arriver  à  la  sagesse  doivent  marcher 
hardiment,  d'un  pas  ferme  et  assuré  :  Ep.  37,  4  :  Un  a  ad  hanc 
(se.  sapientiam)  fert  via,  et  quidem  recta  :  non  aberrabis.  Vade 
certo  gradu.  Puis  :  Dp  tranquïll.  an.,  11,  1. 

Tout  ce  qui  nous  entoure,  nous  ne  devons  le  considérer  que 
comme  les  meubles  d'une  hôtellerie,  et  passer  notre  chemin  : 
Ep.  102,  24  :  Quidquid  circa  te  jacet  rerum,  tamquaih  hospi- 
talis  loci  sarcinas  specta  :  transeundum  est. 

On  peut  entreprendre  la  route  de  la  sagesse  sans  provi- 
sions :  Ep.  17,  7  :  ...  licet  ad  philosophiam  etiam  sine  viatieo 
pervenire.  —  Viaticum  est  encore  employé  métaphoriquement 
dans  le  passage  suivant  :  Ep.  20,  8  :  ...  huic  epistulae  viaticum 
dandum  est.  —  Cf.  aussi  De  Remed.  fortuit.,  III,  2. 

Car  c'est  une  route  sûre  que  celle-là,  et  la  Nature  elle- 
même  nous  a  équipés  :  Ep.  31.  9  : ...  tutum  iter  est,  jucundum 
est,  ad  quod  natura  te  instruxit. 

Pour  l'esprit  qui  veut  faire  des  excursions,  la  sagesse  a  de 
vastes  domaines  :  Ep.  117.  19  :  Etiam  si  quid  evagari  libet, 
ainplos  habet  illa  spatiososque  secessus... 

Le  sage  qui  parcourt  le  domaine  de  la  nature  ne  se  lassera 
jamais  de  la  vérité  :  Ep.  78,  26. 

(')  Dans  un  fragment  du  célèbre  discours  attribué  à  Sénèque  par  Tacite 
(Annale*,  XIV,  c.  53),  l'auteur  compare  à  un  voyage  sa  propre  existence, 
et,  devenu  un  vieillard  débile,  il  implore  le  secours  de  son  prochain  afin  de 
pouvoir  terminer  sa  route  :  Quoniodo  in  milkia  aut  via  fessus  adminiculum 
orarem,  ita  in  hoc  itinere  vitae  senex  et  levissimis  quoque  curis  impar 
cum  opes  meas  ultra  sustinerc  non  possim,  praesidium  peto. 


—    81    — 

Lorsqu'on  désespère  de  pouvoir  arriver  à  la  liberté 
suprême  sur  cette  terre,  on  peut  se  frayer  soi-même  un  chemin 
vers  elle  (par  le  suicide)  :  De  Provid.,  2,  10;  Ep.  12,  10;  Ep.  70, 
10;  Ep.  11,  3-4.  —  Cf.  aussi  De  Moribus,  18. 

Le  sage  n'est  pas  forcé  de  marcher  toujours  du  même  pas, 
pourvu  qu'il  ne  s'écarte  pas  de  la  route  :  Ep.  20,  2. 

On  peut  suivre  la  route  qu'ont  suivie  les  anciens;  mais  si 
l'on  en  rencontre  une  qui  soit  plus  aisée,  il  est  permis  d'aban- 
donner la  première  pour  suivre  la  seconde:  Ep  33,  11.  — 
Cf.  aussi  Ep.  80.  1. 

L'homme  de  bien  ne  suivra  pas,  pour  arriver  à  la  richesse, 
le  même  chemin  que  la  masse  des  hommes  :  Ep.  21,  7. 

Il  faut  se  frayer  soi-même  une  route  vers  la  vérité.  Mais  ce 
n'est  là  le  privilège  que  d'un  petit  nombre  :  Ep.  52,  2-3. 

En  fait  de  poésie,  l'âme  ne  peut  atteindre  à  rien  de  sublime 
si  elle  ne  s'écarte  des  sentiers  battus;  il  faut  qu'elle  joue 
le  rôle  d'un  coursier  fougueux  qui  emporte  son  maitre  et  le 
transporte  à  des  hauteurs  qu'il  n'eût  jamais  pu  atteindre  par 
ses  propres  forces  :  De  tranquill.  an.,  17,  11. 

Certains  s'imaginent  que  le  chemin  vers  la  vertu  est 
pénible;  il  n'en  est  rien  cependant  :  De  Ira,  Lib.  II,  13,  1. 

Il  n'est  rude  qu'au  début  :  Ep.  50,  9. 

Le  chemin  qui  mène  aux  honneurs  est  aride  et  escarpé;  la 
route  vers  la  sagesse,  qui  mène  vers  une  hauteur  d'où  l'on 
domine  toutes  les  grandeurs  de  la  terre,  est  unie  :  Ep.  84,  13. 

Mais  il  n'en  faut  pas  moins  se  préparer  comme  si  la  route 
de  la  vertu  était  parsemée  de  périls  :  De  Benef.,  Lib.  IV,  22,  3. 

Au  lieu  d'écouter  la  voix  fallacieuse  des  voluptés,  il  vaut 
mieux  suivre  le  droit  chemin,  et  s'élever  jusqu'à  cette  hauteur 
où  en  dehors  du  bien  rien  ne  peut  nous  plaire  :  Ep.  123,  12  ('). 

(1)  Cf.  Lucrèce,  livre  II  : 

Sed  nil  dulcius  est,  bene  quam  munita  tenere 
Edita  doctrina  sapientum  templa  serena, 
Despicere  unde  queas  alios,  passimque  videre 
En-are,  atque  viam  palanteis  quaerere  vitao,  etc. 


—    82    — 

»  !ar  seul  le  chemin  que  nous  indique  la  nature  nous  est  aisé  : 
Ep.  Vil.  li». 

La  vertu  occupe  une  position  élevée,  mais  non  inaccessible  : 
Ep.  64,  5. 

L'effort,  accompli  par  des  âmes  pleines  de  bonne  volonté 
pour  gravir  les  hauteurs  escarpées  et  arriver  aux  régions 
sublimes  de  la  philosophie,  cet  effort  est  méritoire,  même 
s'il  n'est  pas  couronné  de  succès  :  De  vit.  beat.,  20,  2. 

L'homme  de  bien  s'élance  vers  la  vertu  sans  la  moindre 
hésitation  :  Ep.  66,  21. 

D'ailleurs,  les  dieux  sont  secourables  aux  hommes  de  bonne 
volonté  et  leur  tendent  la  main  pour  leur  faciliter  l'ascension 
vers  la  vertu  :  Ep.  73,  15  :  Non  sunt  di  fastidiosi,  non  invidi: 
admittunt  et  ascendentibus  manum  porrigunt.  —  Cf.  aussi 
A.//.  31,  4. 

L'homme  étant  d'origine  divine,  on  ne  peut  que  l'approuver 
lorsqu'il  s'efforce  de  remonter  au  lieu  d'où  il  est  descendu  : 
Ep.  92,  30. 

Une  fois  arrivé  au  sommet,  on  ne  peut  plus  tomber  :  Ep.  92, 
23  et  26. 

Sénèque  s'élève  sans  cesse  contre  ceux  qui  s'écartent, 
volontairement  ou  malgré  eux,  du  bon  chemin,  et  s'occupent 
de  futilités  qui  leur  font  perdre  un  temps  précieux  :  Ep.  45,  1  : 
Librorum  istic  inopiam  esse  quereris.  Non  refert,  quam 
multos,  sed  quam  bonos  habeas  :  lectio  certa  prodest,  varia 
delectat.  Qui,  quo  destinavit,  pervenire  vult,  unam  sequatur 
viam,  non  per  multas  vagetur  :  non  ire  istuc,  sed  errare  est.  — 
Cf.  aussi  Ep.  17,  1;  Ep.  49,  12,  et  Ep.  113,  26. 

Le  grammairien  s'occupe  du  langage;  s'il  veut  étendre  son 
champ  d'action,  il  va  jusqu'à  l'histoire,  et  la  poésie  est  le 
domaine  qu'il  ne  dépasse  pas.  Eh  bien!  se  demande  Sénèque, 
qu'y  a-t-il  dans  tout  cela  qui  aplanisse  le  chemin  de  la  vertu? 
Ep.  88,  3. 

Sénèque,  nous  l'avons  vu,  ne  se  donne  pas  lui-même  pour 
le  sage  parfait,  dégagé  de  toute  faiblesse  humaine:  «  Après  de 
longs  errements,  dit-il  à  son  ami  Lucilius,  j'ai  fini  par  trouver 


—    83    — 

le  bon  chemin,  et  je  le  montre  aux  autres  »  :  Ep.  8,  3  :  Rectum 
iter,  quod  sero  cognovi  et  lassus  errandi,  aliis  monstro.  Clamo  : 
vitate,  quaecumque  vulgo  placent,  quae  casus  attribuit.  Etc. 

«  Rentrons  dans  le  bon  chemin  !  »  s'écrie  notre  philosophe  : 
Ep.  98,  14  :  Licet  reverti  in  viam.. . 

Beaucoup  de  comparaisons  sont  destinées  à  rendre  vivante 
cette  idée  :  que  la  plupart  des  hommes  sont  des  «  stulti  »  qui, 
sur  la  route  de  la  sagesse,  butent  sans  cesse  contre  des 
obstacles  :  Ep.  107,  2  :  Longam  viam  ingressus  es  :  et  labaris 
oportet  et  arietes  et  cadas  et  lasseris  et  exclames  :  «  0  mors!  » 
id  est  mentiaris,  etc.  —  Puis  :  Ep.  36,  1;  Ep.  84,  13;  Ep.  110,  7; 
De  Remed.  fortuit.,  XIV,  2. 

On  ne  doit  pas  écraser  son  âme  sous  de  multiples  soucis, 
pas  plus  que  le  voyageur  ne  doit  emporter  trop  de  bagages 
[sarcinaé)  :  Ep.  44,  7;  Ep.  71,  26.  —  Cf.  aussi  :  Ep.  53,  9; 
Ep.  65,  16;  Ep.  102,  24;  De  Ira,  Lib.  III,  6,  4. 

Le  sage  aplanira  lui-même  les  obstacles  qu'il  rencontrera 
en  route  :  De  Provid.,  5,  9-20. 

Nous  sommes  souvent  détournés  de  la  bonne  route  par  nos 
parents  ou  par  nos  esclaves  :  Ep.  94,  54. 

La  route  du  vice  mène  vers  l'abîme  :  Ep.  97,  10. 

Il  faut  se  défier  des  soi-disant  bienfaits  de  la  fortune  ;  car 
une  fois  que  celle-ci  nous  a  détournés  du  droit  chemin,  il  n'y 
a  plus  moyen  de  lui  résister;  elle  nous  courbe  et  nous  heurte 
contre  le  sol  :  Ep.  8,  4. 

Parmi  différents  biens,  l'un  a  trouvé  une  route  unie  et  facile, 
l'autre  un  chemin  rude  et  âpre  :  Ep.  66,  44. 

Le  sage,  lui,  est  toujours  égal  à  lui-même,  que  sa  route  suit 
aisée  ou  qu'elle  soit  parsemée  d'embûches  :  Ep.  111,  4. 

Il  peut  sans  risque  ne  point  s'armer  contre  lui-même  d'une 
inquiète  surveillance;  pour  l'homme  ordinaire,  à  qui  la  retraite 
(regredi)  est  difficile,  le  mieux  est  de  ne  pas  faire  un  seul  pas 
en  avant  (omnino  non  progredi)  :  Ep.  116.  1. 

Il  faut  être  charitable  et  montrer  le  bon  chemin  à  celui  qui 
s'est  égaré  :  De  Ira,  Lib.  I,  14,  3  :  Quanto  humanius  mitem  et 
patrium  animum  praestare  peccantibus  et  illos  non  perscqui, 


—    84     — 

sed  revocare!  Errantem  por  agros  ignorantia  viae  melius  est 
ad  rectum  iter  admovere  quam  expellere.  Puis  :  Ep.  48,  8; 
Ep.  94,  50;  Ep.  117,  21  ;  De  Remed.  fortuit.,  VIII,  4  (')• 

Qu'on  ne  se  laisse  pas  entraîner  hors  du  bon  chemin  par  la 
trace  de  ceux  de  nos  prédécesseurs  qui  se  sont  égarés  :  De 
tranquill.  an.,  2,  2. 

Comme  des  voyageurs  qui  se  sont  mis  tard  en  chemin, 
essayons  de  regagner  le  temps  perdu  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  III, 
Praef.,  4  :  Faciamus  quod  in  itinere  fieri  solet  :  qui  tardius 
exierunt,  velocitate  pensant  moram.  —  Puis  :  Ep.  68,  13.  — 
Cf.  aussi  Ep.  71,  35  et  È>:T22rî3^v 

Ceux  qui  ne  sont  pas  encore  arrivés  à  la  sagesse  suprême 
auront  des  moments  de  faiblesse  sur  la  route,  et  se  débattront 
de  temps  en  temps  encore  au  milieu  des  obstacles  :  Ep.  71,  28; 
Ep.  72,  9;  Ep.  75,  10. 

Il  faut,  dans  ce  cas,  qu'on  ait  la  fermeté  de  continuer  le 
voyage  :  Ep.  92,  15. 

Les  désagréments  d'une  longue  vie  sont  comme  la  poussière, 
la  boue  et  les  pluies  dans  un  long  voyage  :  Ep.  96,  3. 

La  mort  nous  attend  sur  la  route  de  la  vie  pour  nous  sur- 
prendre à  l'improviste  :  Ep.  26,  7. 

Il  n'est  pas  de  route  qui  n'ait  un  terme  :  le  chemin  de  la 
vie,  lui  aussi,  doit  fatalement  aboutir  à  la  mort  :  Ep.  11,  13. 

La  mort  elle-même  est  le  chemin  vers  les  dieux  :  Ep.  93,  10. 

Ne  plaignons  pas  ceux  qui  meurent  jeunes  :  il  vaut  mieux 
achever  sa  route  avant  d'être  fatigué  :  Ep.  99,  12.  —  Cf.  Con- 
sul, ad  Marc,  22. 

Sénèque,  voulant  consoler  Marcia  de  la  perte  de  son  fils, 
lui  dit  :  «  Ton  fils  a  atteint  le  terme  de  toute  existence  »  : 
Consol.  ad  Marc,  11,  2.  —  Cf.  Id.,  25,  1. 

Il  ne  faut  pas  pleurer  celui  qui  nous  a  précédés  dans  la 
mort,  puisque  nous  devons  suivre  le  même  chemin  que  lui  : 
Ep.  99,  7.  —Cf.  Ep.m,  16. 

(')  Cf.  Épictète,  Entret.,  II,  xn,  3  et  14,  et  Lactance,  Div.  lnstit.,  V,  17.  — 
Épictète  est  d'avis  que  Dieu  est  pour  nous  le  meilleur  des  compagnons  et 
ck-s  guides  sur  le  chemin  de  la  vie  {Entret.,  IV,  i,  92-100). 


—    85     - 

Nous  sommes  tous  à  peu  près  à  la  même  distance  de  la 
mort  :  Ep.  93,  12  :  Non  majore  spatio  alter  alterum  praece- 
dimus. 

Il  ne  faut  pas  jalouser  le  petit  nombre  de  ceux  qui  vous 
précèdent  sur  la  route  de  la  vie,  mais  bien  plutôt  jeter  un 
regard  derrière  soi  sur  la  foule  des  «  stulti  ■»  que  l'on  a 
devancés:  Ep.  15,  11. 

Les  préceptes  offrent  un  chemin  long  à  parcourir  pour 
arriver  à  la  sagesse;  celui  qui  est  tracé  par  les  exemples  est 
court  :  Ep.  6,  5. 

Celui  qui  parcourt  un  chemin  finit  par  arriver  au  bout; 
l'erreur,  elle,  est  sans  limites  :  Ep.  16,  9. 

Sénécion  était  déjà  arrivé  si  loin  sur  le  chemin  des  hon- 
neurs qu'il  n'avait  plus  qu'un  pas  à  faire  pour  arriver  au  but  : 
Ep.  101,  1. 

Le  chemin  le  plus  court  vers  la  richesse,  c'est  le  mépris  des 
richesses  :  Ep.  62,  3. 

Les  maux  qui  arrivent  aux  autres  ont  le  chemin  libre  pour 
arriver  jusqu'à  vous  :  De  tranquill.  an.,  11,  8. 

Celui  qui  perd  la  vue  coupe  par  là-même  le  chemin  à 
nombre  de  vices  et  de  passions  :  De  Remed.  fortuit. ,^11,  ]; 
ibid.,  Àdditio,  3. 

Celui  qui  a  à  sa  disposition  une  voiture  préférera  accomplir 
de  cette  manière  son  voyage,  quoiqu'il  puisse  aller  aussi  à 
pied;  de  même,  le  pauvre  ne  refusera  pas  de  devenir  riche, 
s'il  le  peut  :  De  vit.  beat.,  23,  4  ('). 

Sénèque  veut  que  son  ami  Lucilius  se  détache  complètement 
des  affaires,  mais  «  par  une  voie  douce  »  (Uni  via)  :  Ep.  22,  3. 

Les  reproches  faits  avec  douceur  (quae  molli  vadunt  via) 
pénètrent  dans  le  cœur  plus  facilement  :  De  Moribus,  fr.  129. 

Sénèque  dit  de  Démétrius,  qu'il  admire  beaucoup,  qu'il 
«  l'emporte  partout  avec  lui  »  :  Ep.  62,  3  :  Demetrium,  viro- 
rum  optimum,  mecum  circumfero... 


(')  Voilà  encore  un  spécimen  caraotérisque  de  ces  sophismes  inventés 
par  Sénèque  pour  excuser  son  faste  à  la  cour  de  Néron. 


—    86    — 

La  miséricorde  de  l'empereur  Claude  «  parcourt  le  monde 
entier  »  :  Consol.  ad.  Polyb.,  13,  3. 

Chaque  loi  «  suit  sa  route  »  particulière  :  De  Benef., 
Lib.  VI,  6,  1. 

Le  style  de  Cicéron  a  une  marche  lente  et  aisée  :  Ep.  100,  7. 

Tous  les  temps  sont  «  accessibles  »  (pervium)  à  la  pensée  : 
Ep.  102,  22. 

«  Compendiaria  via  »,  le  chemin  le  plus  court,  est  employé 
métaphoriquement  :  Ep.  27,  6;  Ep.  73,  12  (In  caelum  te  com- 
pendiaria voco);  Ep.  119,  1. 

La  «  meilleure  route  à  suivre  »  envers  l'ingrat,  c'est  de 
conserver  à  son  égard  l'apparence  de  l'amitié  :  De  Benef., 
Lib.  VII,  31,  1. 

Nombreux  sont  d'ailleurs  les  passages  où  via  est  employé 
dans  le  même  sens  que  l'expression  française  :  «  le  chemin 
vers  »  :  Ep.  29,  12;  Ep.  74,  6;  Ep.  90,  27;  Ep.  94,  32;  Ep.  109,  5  : 
De  Bemed.  fortuit.,  III,  2. 

Les  métaphores  tirées  des  voyages  sur  mer  ou  sur  terre, 
nous  l'avons  vu,  ne  sont  guère  fréquentes  que  dans  les  Êpîtres 
à  Lucilius.  Dans  la  Consolation  à  Marcia  cependant,  qui  est, 
des  trois  Consolations,  celle  qui  suit  le  plus  servilement  le 
plan  coutumier  des  Consolations  grecques  avec  leurs  lieux 
communs  toujours  les  mêmes,  il  se  rencontre  assez  bien  de 
métaphores  maritimes.  Il  est  probable  qu'un  des  lieux  com- 
muns les  plus  employés  par  les  auteurs  de  Consolations  était 
celui-ci  :  «  Nous  sommes  ballottés  toute  notre  vie  au  milieu 
des  passions  (ou  bien  :  la  route  de  la  vie  est  pleine  d'em- 
bûches); il  faut  que  nous  sachions  résister  vaillamment  aux 
flots  qui  menacent  de  nous  submerger  (ou  :  aux  traquenards 
dissimulés  sous  nos  pas).  »  Sénèque  a  repris  ces  images  à 
plusieurs  reprises  dans  la  Consolatio  ad  Marciam.  —  Dans  le 
De  tranquillUate  animi,  Serenus  se  représente  comme  entraîné 
par  des  flots  contraires,  et  Sénèque  lui  montre  les  moyens  de 
leur  résister  et  de  gagner  un  port  tranquille.  —  Le  De  Ira  a,  lui 
aussi,  quelques  métaphores  maritimes  ou  tirées  des  voyages. 


—    87    — 

Sénèque  y  prêche  le  calme  en  toutes  circonstances  :  lorsque 
le  navire  menace  de  couler,  dit-il, ;-;queHhomme  sera  assez 
stupide  pour  se  fâcher,  au  lieu  d'aider  les  matelots  à  rejeter 
l'eau  envahissante?  —  Le  De  brevitate^vitae jl's,  qu'une  couple 
de  métaphores  maritimes.  Sénèque  montre  les  hommes  qui  se 
livrent  à  des  occupations  frivoles,  ou  ceux  qui  ambitionnent 
les  hautes  fonctions  et  sont  esclaves  de  leurs  passions,  comme 
se  débattant  continuellement  au  milieu  des  flots.  Paulinus 
aime  trop  le  monde;  Sénèque  l'engage  donc  a  se  détacher  de 
la  foule  pour  se  retirer  dans  un  port  tranquille.  —  Le  De  vita 
beata  n'a  que  fort  peu  de  métaphores  maritimes  ou  tirées  des 
voyages.  lien  va  de  même  pour  |le  De  Bénéficiés,' malgré  son 
étendue,  pour  les  Questions  Naturelles,  le  De  Clementia  et  le 
De  Constantia  sapientis.  —  Le  De  Otio,  où  Sénèque  prêche 
la  retraite,  a  quelques  métaphores  maritimes;  on  y  lit,  entre 
autres,  que  l'existence  contemplative  n'est  pas  un  port,  mais 
seulement  une  escale.  —  Le  De  Providentiel,  enfin,  parle 
longuement  des  adversités  qui  accablent  l'homme  ici-bas. 
De  là  tout  naturellement  cette  métaphore  :  nous  sommes 
emportés  par  le  courant  des  passions  et  des  vices;  tantôt  nous 
montons  avec  les  flots,  tantôt  nous  descendons  avec  eux. 


CHAPITRE  IV. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

EMPRUNTÉES    AU 

DROIT. 


Le  peuple  romain  avait,  on  le  sait,  deux  passions  qui  pri- 
maient toutes  les  autres  :  la  passion  de  la  guerre  et  celle  de 
la  jurisprudence.  Nous  avons  montré  dans  le  premier  chapitre 
à  quel  point  l'amour  du  Romain  pour  les  choses  militaires  se 
reflète  dans  la  littérature  latine;  il  en  va  de  même  pour  le 
Droit  et  ce  qui  s'y  rattache. 

La  langue  latine  abonde  en  termes  juridiques.  L'amour  de 
tout  ce  qui  concerne  le  Droit  s'était  à  tel  point  enraciné  dans 
l'âme  des  Romains  que,  sans  le  vouloir,  sans  s'en  apercevoir, 
les  poètes  mêmes,  à  plus  forte  raison  les  prosateurs,  se  ser- 
vaient couramment  d'expressions  empruntées  à  la  termino- 
logie du  Droit.  —  La  fréquence  des  métaphores  juridiques 
dans  Plaute  nous  prouve  la  prédilection  du  peuple  romain 
pour  le  Droit  :  des  scènes  entières  parfois  servent  uniquement 
à  flatter  ce  goût  universellement  répandu  à  Rome(').  Les 
atellanes,  cet  autre  miroir  des  sentiments  populaires,  repré- 
sentaient également  leurs  personnages  coutumiers  parodiant 
la  procédure  juridique  :  «  Bucco  vendu  »,  Bucco  adopté  », 
«  Maccus  agent  électoral  »,  tels  sont  les  titres  caractéristiques 


(')  Cf.  Lorcnz,  op.  cit.,  pp.  59-60. 


—     89     — 

de  quelques-unes  de  ces  pièces.  —  Le  satirique  Lucilius,  si 
foncièrement  Romain  lui  aussi,  se  sert  fréquemment  d'une 
langue  d'homme  d'affaires  et  d'avocat.  —  D'abord  exclusive- 
ment réservée  aux  patriciens,  la  jurisprudence,  grâce  surtout 
aux  Scévola,  pénètre  dans  la  plèbe  (').  Le  droit,  devenu  lieu 
commun,  s'insinue  partout,  dans  la  poésie  comme  dans  la 
prose.  Nul  n'y  échappe.  Virgile  fait  parler  à  Neptune  «  le 
langage  d'un  consul,  protestant  au  nom  du  droit  contre 
l'usurpation  d'un  tribun;  ...  il  le  compare  à  un  grand  citoyen 
qui  arrête  par  sa  seule  présence  une  sédition  sur  le  forum  »  (•). 

Enée  lui-même  «  incarne  les  vertus  idéales  du  magistrat  et 
du  prêtre  romain  »  (3). 

Nous  nous  bornerons  à  ces  exemples  pour  les  écrivains  de 
la  République  et  du  commencement  de  l'Empire. 

Beaucoup  plus  tard,  du  temps  des  premiers  auteurs  chré- 
tiens, la  même  passion  subsiste  toujours,  et  elle  se  trahit  dans 
les  œuvres  littéraires  :  pour  n'en  citer  qu'un  exemple,  Ter- 
tullien,  le  premier  avocat  du  christianisme,  «  n'examine  pas 
le  fond  (des)  doctrines  (de  telle  secte);  mais,  statuant  sur  la 
forme,  il  déclare  sa  demande  irrecevable  comme  émanant  de 
gens  mal  qualifiés;  et  dans  cette  procédure  un  peu  chicanière, 
on  retrouve  le  strict  et  dur  formalisme  des  vieux  légistes 
romains  (4).  » 

Si  nous  examinons  maintenant  le  nombre  et  la  qualité 
des  métaphores  juridiques  dans  Sénèque,  nous  constaterons 


(')  C'est  au  plus  illustre  des  Scévola  *  qu'on  attribue  ce  mot  qui  peint  si 
bien  l'âpreté  intransigeante  des  magistrats  de  Rome  :  «  Fiat  justitia,  pereai 
mundus  »  (Pichon,  Litt.  lat.,  p.  151).  «  Scévola  est  le  créateur  de  cette 
science  nationale  qui,  en  combinant  le  droit  romain  et  la  philosophie 
grecque,  a  fondé  le  code  universel  ».  [Ibid.). 

(-)  Pichon,  Litt.  lat.,  p.  345. 

H  Pichon,  Litt.  lat.,  p.  347. 

(4)  M.,  p.  740.  Chez  les  Grecs,  Épictète  se  déclare  1'  «  avocat  »  de  Dieu,  ei 
répète  à  plusieurs  reprises  que  nous  n'avons  que  1'  «  usufruit  >  des  choses 
d'ici-bas.  Dans  la  préface  de  ses  Pensées,  Marc-Aurèle  dresse  le  «  compte  > 
de  ceux  auxquels  il  doit  le  plus  (moralement). 


—     90     — 

aussitôt  que  ces  métaphores  sont  particulièrement  nom- 
breuses et  qu'elles  se  distinguent  par  leur  minutieuse  exac- 
titude,  leur  pittoresque  et  leur  à-propos.  Cette  richesse  et 
cette  précision  s'expliquent  aisément  par  l'éducation  de  notre 
philosophe. 

11  ne  faut  jamais  oublier,  dans  l'appréciation  du  style  de 
Sénèque,  la  part  prépondérante  qui  revient  à  l'éducation.  Le 
père  île  Sénèque,  quoique  né  à  Cordoue,  était,  par  l'esprit,  un 
vrai  Romain  de  la  vieille  roche  (').  Aussi  donna-t-il  à  ses  fils 
une  éducation  vraiment  romaine,  où,  comme  de  juste,  l'élo- 
quence avait  la  part  du  lion.  C'est  même  en  grande  partie 
pour  faire  partager  à  ses  enfants  son  goût  pour  les  déclama- 
teurs  qu'il  a  rassemblé  ses  souvenirs  personnels  sur  les 
principaux  d'entre  eux(2).  Sénèque  le  philosophe,  entraîné  par 
l'influence  paternelle  et  surtout  par  la  vogue  inouïe  dont 
jouirent  la  déclamation  et  la  rhétorique  de  son  temps,  s'est 
livré  avec  ardeur  aux  exercices  traditionnels  de  l'école. 

Pour  devenir  un  rhéteur  accompli,  il  a  dû,  évidemment, 
étudier  le  Droit  romain  (3).  Encore  ne  faudrait-il  pas  croire 
que  cette  étude  ait  été  poussée  aussi  loin  que  du  temps  de  la 
République  :  M.  Bornecque  a  montré,  par  des  exemples  déci- 
sifs, à  quel  point  en  était  arrivée,  à  l'époque  d'Auguste, 
l'ignorance,  «  réelle  ou  voulue  »,  du  droit  romain.  Cependant, 
on  s'occupait  encore  beaucoup  de  droit  dans  les  écoles  de 
rhéteurs.  Parmi  les  exercices  ordinaires  auxquels  se  livraient 
les  élèves  sous  la  direction  de  leur  maître,  il  y  en  ava.it  un 
grand  nombre  où  étaient  «  engagés  des  conflits,  non  seulement 
entre  des  lois,  mais  entre  une  loi  et  un  sentiment  comme 
l'amour  de  la  patrie  »,  etc.  (4).  Il  n'est  donc  point  étonnant 


(')  Cf.  Bornecque,  op.  cit.,  p.  16  :  <>  ...  il  (Sénèque  le  père)  est  profondément 
pénétré  de  l'esprit  de  l'ancienne  Rome  :  aussi  bien  son  idéal  est-il  le  type 
parfait  du  vieux  Romain,  Caton  l'Ancien.  »  Voyez  aussi  ibid.,  p.  17. 

(2)  Ibid.,  p.  22  sq. 

(3)  Sur  le  droit  dans  les  exercices  de  déclamation  des  écoles  de  rhéteurs, 
voir  Bornecque,  op.  cit.,  pp.  59  sqq.,  et  surtout  pp.  73  et  74. 

(4)  Cf.  Bornecque,  op.  cit.,  pp.  84  sqq. 


—     91     — 

que  Sénèque  le  fils  ait  employé  souvent  dans  ses  écrits  des 
métaphores  prises  à  la  science  du  droit.  Les  Controverses, 
d'ailleurs  —  et  il  n'est  que  juste  de  leur  reconnaître  ce  grand 
mérite,  après  tout  ce  qu'on  leur  a  reproché  —  s'occupaient 
beaucoup  des  questions  les  plus  élevées,  et  n'hésitaient  pas 
à  proclamer  les  sentiments  les  plus  nobles,  comme,  par 
exemple,  l'égalité  originelle  de  tous  les  hommes  et  l'amour 
des  humbles  et  des  opprimés  ('). 

A  cette  influence  exercée  sur  l'esprit  de  Sénèque  par  les 
écoles  de  déclamation  s'ajoutent  les  études  spéciales  de  droit 
auxquelles  il  se  livra  dans  le  but  de  se  préparer  à  la  carrière 
d'avocat,  dont  les  triomphes  faciles  plaisaient  à  son  caractère 
léger  et  ambitieux.  On  sait  que  Sénèque  fut  un  des  avocats 
les  plus  en  vogue  de  son  temps,  et  que  c'est  en  grande  partie 
grâce  au  charme  de  sa  parole  qu'il  arriva  aux  grandes  fonc- 
tions politiques.  L'influence  de  ces  études  juridiques  est  bien 
plus  grande  et  plus  sensible  que  celle  des  vagues  notions  de 
droit  éparses  dans  les  déclamations. 

Ainsi  donc,  tout  portait  Sénèque  à  user  largement  dans  ses 
écrits  de  métaphores  et  de  comparaisons  tirées  d'un  domaine 
où  il  se  mouvait  avec  tant  d'aisance  et  dont  il  connaissait 
toutes  les  ressources.  Nous  allons  voir  qu'il  n'y  pas  manqué. 

Contrairement  à  ce  que  nous  avons  observé  dans  les 
chapitres  précédents,  nous  ne  pourrons,  cette  fois,  attribuer  à 
l'influence  du  stoïcisme  l'emploi  continuel  par  Sénèque  de 
métaphores  et  de  comparaisons  judiciaires.  On  peut  dire  que, 
même  si  Sénèque  n'était  pas  un  moraliste  stoïcien,  le 
nombre  et  l'originalité  des  métaphores  et  des  comparaisons 
judiciaires  ne  s'en  ressentirait  pas.  Nous  avons  affaire  ici  à 
une  prédilection  purement  personnelle  et  nationale,  et  non  à 
un  choix  imposé  pour  une  bonne  part  par  le  sujet  lui-même. 
Sénèque  se  complaît  à  rapprocher  tout  de  la  jurisprudence,  et 


(')  lbid.,  p.  132  sqq.  —  Il  est  très  probable  que  le  stoïcisme,  qui  exer- 
çait une  grande  influence  sur  les  esprits  élevés  à  cette  époque,  peut  reven- 
diquer la  meilleure  part  de  ces  tendances  généreuses. 


02     — 

il  le  l'ait  d'ordinaire  avec  un  grand  bonheur  d'expression.  Pour 
citer  un  des  exemples  les  plus  significatifs  à  cet  égard,  nous 
rappellerons  la  virtuosité  avec  laquelle,  dans  les  premières 
Lettres  à  Lucilius,  il  compare  à  des  transactions  commer- 
ciales les  recommandations  épistolaires  qu'il  envoie  à  son 
cher  Lucilius.  C'est  d'un  badinage  tout  à  fait  charmant  et 
original. 

Dans  les  ouvrages  écrits  après  sa  disgrâce,  Sénèque  garde 
toujours  le  même  penchant  pour  les  métaphores  tirées  du 
droit.  Il  n'est  pas  une  idée  qu'il  ne  parvienne  à  rattacher  à  son 
occupation  favorite  de  jadis;  ses  réflexions  philosophiques  le 
ramènent  presque  malgré  lui  à  ce  passé  si  brillant,  dont  l'amer- 
tume finale  et  le  détachement  des  vanités  d'ici-bas  n'ont  pas 
su  tuer  entièrement  le  regret.  Un  exemple  précisera  ma 
pensée.  «  La  passion  du  luxe,  dit  Sénèque  dans  une  de  ses 
Lettres,  déploie  souvent  sa  plus  grande  violence  alors  qu'elle 
paraît  devoir  se  calmer  au  milieu  de  la  parcimonie.  »  Aussitôt, 
il  compare  à  cela  la  situation  d'un  homme  politique  qui, 
dégoûté  par  quelque  insuccès,  s'est  retiré  de  la  vie  active,  et 
dont  l'ambition  s'accroît  bientôt  dans  la  solitude,  au  lieu  de 
s'apaiser. 

Nous  avons  noté  la  grande  variété  des  expressions  dont  se 
sert  Sénèque  pour  qualifier  la  lutte  des  hommes  contre  les 
passions;  on  ne  sera  pas  étonné  de  rencontrer  ici  le  terme  : 
«  litigare  cum  vitiis  »  {Ep.  51,  13).  Sénèque  parle  aussi  de  la 
philosophie  qui  «  in  integrum  restituit  »  {Ep.  48,  10  et  passim); 
il  emploie  ces  figures  typiques  :  «  Non  pudet  virtutes  in  clien- 
telam  vitiorum  demittere?  »  {De  Ira,  Lib.  I,  10,  2);  «  Impe- 
retur  aequitas  animo  et  sine  querella  mortalitatis  tributa  pen- 
damus  »  {Ep.  107,  6).  Les  exemples  abondent.  Nous  allons  les 
étudier  en  détail  dans  les  pages  qui  suivent. 

Plus  haut  nous  faisions  allusion  à  ces  métaphores  spiri- 
tuelles employées  par  Sénèque  dans  les  premières  lettres  à 
Lucilius  pour  «  acquitter  »  envers  son  ami  la  «  redevance  » 
coutumière  et  obligatoire,  qui  consistait  en  l'une  ou  l'autre 


—     93    — 

maxime  de  circonstance,  empruntée  habituellement  à  Epicure. 
Ces  jeux  de  mots  sur  des  termes  de  droit  et  de  commerce  sont 
tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  romain.  Un  Anglo-Saxon  de  nos  jours 
qui  aurait  des  prétentions  à  l'esprit  ne  s'exprimerait  pas 
autrement.  Voici  le  relevé  complet  de  ces  pittoresques  figures  : 
Ep.  5,  7  :  Sed  ut  hujus  quoque  diei  lucellum  tecum  communi- 
cem,  apud  Hecatonem  nostrum  inveni...  —  Ep.  6,  7  :  ...  tibi 
mercedulam  debeo...  —  Ep.  7,  10  :  ...  ex  quibus  (se.  dictis) 
unum  haec  epistula  in  debitum  solvet,  duo  in  antecessum 
accipe...  —  Ep.  8,  10:  ...  dedi  de  tuo  tibi...  —  Ep.  17,  11  :  ... 
ab  Epicuro  mutuum  sumam...  —  Ep.  18,  14  : ...  Delegabo  te 
ad  Epicurum.  Ab  illo  fiet  numeratio...  —  Ep.  19,  10:  ...  ab 
Epicuro  versura  facienda  est...  —  Ep.  20,  8-9  :  ...  etiam  nunc 
libenter  pro  me  dependet  Epicurus...  —  Ep.  21,  7  :  ...  Ne 
gratis  Idomeneus  in  epistulam  meam  venerit,  ipse  eam  de  suo 
redimet...  —  Ep.  26,  8  :  ...  Puta  me  non  dicere,  unde  sump- 
turus  sum  mutuum  :  scis  cujus  arca  utar.  Expecta  me  pusil- 
lum,  et  de  domo  fiet  numeratio  :  intérim  commodabit  Epicurus, 
qui  ait...  Voyez  aussi  :  Ep.  8,  7;  Ep.  9,  6;  Ep.  14,  17;  Ep.  15,  9; 
Ep.  16,  7;  Ep.  22,  13;  Ep.  23,  9;  Ep.  27,  9;  Ep.  28,  9. 

On  voit  que  dans  les  vingt-huit  premières  lettres,  l'emploi 
de  ces  métaphores  originales  est  presque  constant.  Après 
cette  28e  lettre,  on  s'aperçoit  que  Sénèque  a  fini  par  trouver 
ce  jeu  puéril  et  indigne  d'un  vrai  philosophe,  et  il  s'explique 
là-dessus  dans  la  lettre  33  :  «  C'est  sur  ta  demande  et  pour 
te  faire  plaisir  que  jusqu'ici  j'ai  ajouté  à  chacune  de  mes 
lettres  une  maxime  de  philosophe,  dit-il  à  son  ami;  mais 
maintenant  j'en  ai  'assez.  Ne  vois-tu  donc  pas  la  vanité  de  ton 
désir?  »  Et  l'on  voit  en  effet  que  cet  amusement  cesse  tout  à 
fait  dans  toutes  les  lettres  qui  suivent,  excepté  dans  les 
lettres  118  et  119,  où  Sénèque  y  revient  encore  une  fois,  non 
plus  à  la  fin  de  l'épitre  toutefois,  mais  au  début  :  Ep.  118,  1  : 
...  Rationes  conferamus  :  solvendo  non  eris,  etc..  —  Ep.  119, 
1-2  :  ...  Quotiens  aliquid  inveni,  non  expecto,  donec  dicas  «  in 
commune  ».  Ipse  mihi  dico.  Quid  sit,  quod  invenerim  quaeris. 
Sinum  laxa,  merum  lucrum  est...  Opus  tamen  tibi  eril  credi- 
tore...  Etc. 


—    94    — 

lu  certain  nombre  de  métaphores  et  de  comparaisons  sont 
empruntées  aux  différentes  manifestations  de  la  vie  du  citoyen 
réglées  par  les  lois  :  procédure  du  sénat  ou  des  comices, 
recensement,  impôts,  etc. 

L'élection  des  préteurs  dans  les  comices  est  prise  comme 
terme  de  comparaison  dans  le  rapprochement  suivant  :  De 
vit.  beat.,  1.  5  :  Itaque  id  evenit  quod  in  comitiis,  in  quibus  eos 
factos  esse  praetores  idem  qui  fecere  mirantur,  cum  se  mobilis 
t'avor  circumegit.  —  Cf.  aussi  :  «  fortunae  comitia  »,  Ep.  118,  3. 

Les  comparaisons  suivantes  sont  empruntées  à  la  procé- 
dure suivie  au  Sénat  :  Ep.  21,  9  :  Quod  fieri  in  senatu  solet, 
faciendum  ego  in  philosophia  quoque  existimo  :  cum  censuit 
aliquis,  quod  ex  parte  mihi  placeat,  jubeo  illum  dividere 
sententiam  et  sequor,  quod  probo.  —  Ep.  66,  41  :  Cum  alicujus 
in  senatu  sententiam  sequimur,  non  potest  dici  :  ille  magis 
adsentitur  quam  ille  :  ab  omnibus  in  eandem  sententiam  itur. 
Idem  de  virtutibus  dico  :  omnes  naturae  adsentiuntur. 

L'acquittement  rendu  en  cas  de  parité  de  voix  aux  comices 
inspire  à  Sénèque  la  comparaison  suivante  :  Ep.  81,  26  :  Quem- 
admodum  reus  sententiis  paribus  absolvitur  et  semper  quic- 
quid  dubium  est,  humanitas  inclinât  in  melius,  sic  animus 
sapientis,  ubi  paria  maleficiis  mérita  sunt,  desinet  quidem 
debere,  sed  non  desinit  velle  debere  et  hoc  facit,  quod  qui  post 
tabulas  novas  solvunt. 

Les  métaphores  tirées  de  la  censure  se  trouvent  :  Ep.  12,  6; 
Ep.  47,  8;  Ep.  66,  26;  Ep.  87,  17;  Ep.  95,  58;  Ep.  108,  13; 
Ep.  123,  10;  De Remed.  fortuit.,  IV,  1;  Debrevit.vit.,  7,7;  Id., 
10,  3;  De  Benef,  Lib.  I,  3,  10;  IL,  Lib.  IV,  28,  5.  —  Cf.  aussi 
Ep.  24,  2;  Ep,  59,  2;  Ep.  94,  47;  De  Benef.,  Lib.  II,  8,  2;  Id., 
Lib.  VII,  8,  1. 

L'importance  de  1'  «  honor  »  aux  yeux  des  Romains  apparaît 
d'une  façon  frappante  dans  les  comparaisons  suivantes  :  De 
Provid.,  4.  2  :  ...  Non  gratulor  tamquam  viro  forti,  sed  tam- 
quam  consulatum  praeturamve  adepto  :  «  honore  auctus  es  ». 
Idem  dicere  et  bono  viro  possum ...  —  De  Benef.,  Lib.  I,  3,  10  : 
Quemadmodum   nomenclatori   memoriae  loco  audacia  est  et 


—    95    — 

cuicumque  noinen  non  potest  reddere,  inponit,  ita  poetae  non 
putant  ad  rem  pertinere  verum  dicere...  Ep.  64,  1(1  :  Si  con- 
suiem  videro  aut  praetorem,  omnia,  quibus  honor  haberi 
honori  solet,  faciam  :  equo  desiliam,  caput  adaperiam,  semita 
cedam.  Quid  ergo?  Marcum  Catonem  utrumque  et  Laelium 
sapientem  et  Socratem...  in  aninnnn  meum  sine  dignatione 
summa  recipiam? 

Et  combien  est  cuisant  le  regret  du  magistrat  qui  s'est 
retiré  des  affaires  publiques  par  un  dégoût  passager!  La  com- 
paraison suivante  est  sans  aucun  doute  inspirée  à  Sénèque 
par  son  expérience  personnelle  :  Ep.  56,  9  :  Saepe  videmur 
taedio  rerum  civilium  et  infelicis  atque  ingratae  stationis 
poenitentia  secessisse  :  tamen  in  illa  latebra,  in  quam  nos 
timor  ac  lassituclo  conjecit,  interdum  recrudescit  ambitio... 

La  prise  de  la  toge  virile  était  aux  yeux  des  jeunes 
Romains  un  événement  capital  ;  mais  le  moment  où  l'enfant 
dépose  son  «  âme  puérile  ;>  est  plus  important  encore  d'après 
Sénèque  :  Ep.  4,  2. 

A  Rome,  on  se  salue  bien  vite  du  nom  d'  «  ami  »,  de  même 
que  l'on  appelle  «  hommes  de  bien  »  tous  les  «  candidati  »  : 
Ep.  3,  1. 

Il  en  va  des  affaires  domestiques  comme  des  affaires  civiles  : 
De  Ira,  Lib.  III,  7,  1-2. 

Sénèque  nous  engage  à  avoir  un  «  commercium  »  avec  la 
pauvreté  :  Ep.  18, 12. 

Payons  sans  nous  plaindre  les  tributs  de  notre  mortalité  (')  : 
Ep.  107,  6;  De  Remed.  fortuit.,  II,  8.  —  Cf.  aussi  Ep.  96,  2;  De 
Remed.  fortuit.,  XVI,  9. 

La  mort  est  un  percepteur  des  impôts  (  «  exactor  »  )  :  De 
Remed.,  fortuit.,  II,  5.  —  Cf.  aussi  Natur.  Quaest.,  Lib.  I;  16,  7; 
De  Benef.,  Lib.  VII,  23,  3;  Ibid.,  24,  2:  De  Eemed.  fortuit.,  III,  2. 

Le  sage  qui,  tout  en  étant  le  maître  du  monde  par  sa  vertu, 
peut  avoir  aussi  des   possessions  terrestres,  est  compare  a 

(')  C'est  là  une  comparaison  classique  (ci',  la  Consolation  à  Marcia,  où 
la  nature  est  représentée  connue  un  créancier  qui  vient  réclamer  son  iliij. 


—     90    — 

(Vs;ir,  qui  a  l'Empire  comme  propriété  universelle,  mais  dont 
le  patrimoine  constitue  sa  propriété  personnelle  :  De  Benef., 
Lib.  VIT,  6,  3. 

A  l'occasion,  Sénèque  revient  encore  à  ses  anciennes 
amours  :  les  discussions  de  points  juridiques,  les  «  sive  nive  » 
dont  il  a  plaisanté  dans  ses  Lettres  (').  Du  temps  où  il  était 
encore  le  brillant  avocat  et  homme  public  que  l'on  sait,  ce  goût 
était  tout  naturel.  Les  subtils  «  distinguo  »  juridiques  que 
l'on  rencontre  assez  souvent  dans  le  De  Beneficiis  et  dans  les 
ÉpUres,  et  qui  servent  de  comparaisons  et  de  métaphores,  sont 
tout  à  fait  caractéristiques,  et  révèlent  un  vrai  Romain.  Voyez 
De  Benef.,  Lib.  III,  8,  3;  M,  Lib.  III,  22,  1;  Id.,  Lib.  IV,  12,  1; 
Id.,  Lib.  V,  7,  6;  Id.,  Lib,  V,  8,  1,  Ici.,  Lib.  VII,  12,  1;  Ep.  71,  4; 
Ep.  81, 17;  K[>.  117,  12;  Ep.  117,  15;  De  Const.  sa  p.,  7,3. 

A  chaque  instant,  Sénèque  se  sert,  en  guise  de  métaphores, 
des  innombrables  termes  techniques  dont  est  émaillé  le  Jus 
romanum  : 

«  Accusator  »  :  Ep.  28,  10. 

'•  Adiré  hereditatein  »  :  Ep.  04,  7. 

«  Adjutor  »  :  De  Ira,  Lib.  III,  39,  3. 

*  Adserere  aliquem  sibi  »  (comme  esclave)  :  Ep.  34,  2.  — 
Cf.  -  eximere  ex  servitute  »  :  Ep.  104,  10. 

•  Advocare  •-•  :  De  brevit.  vit.,  1,1 ;  De  Benef.,  Lib.  IV,  18,  3; 
Ep.  22,5;  Ep.  48,  8. 

••  Advocatio  »  :  De  Ira,  Lib.  I,  18,  1:  Id.,  Lib.  III,  12,  4; 
Consul,  ad  Marc,  10,  4:  De  tranquill.  an..  4,  3;  De  Benef., 
Lib.  IV,  35,  2. 

-  Advocatus  »  :  Ep.  53,  9;  Ep.  94,  28;  Ep.  94,  52;  Ep.  94,  59; 
Ep.  108,  12;  Consul,  ad.  Helv.,  12,  7;  De  Ira,  Lib;  II,  13,  2. 

»  Appellare  ■■■■  (se)  :  Ep.  81,  10. 

«  Clientela  »  :  De  Ira,  Lib.  I,  10,  2. 

«  Consortium  •>  :  Ep.  73,  7. 


(0  Voyez  Ep.  48,  10:  Hac  ad  summum  bonum  itur?  Per  istutl  philoso- 
phiae  <  sive  nive  >  et  turpes  iufamesque  etiam  ad  album  sedentibus 
exceptiones  ? 


—    97    — 

"  Circmnscribere  »  :  Consol.  ad.  Helv.,  19,  7;  Natur.  Quaest., 
Lib.  III,  18,  1;  Ep.  87,  41;  Ep.  108,  14. 

»  Comperendinatio  »  (renvoi  à  trois  jours  pour  le  prononcé 
du  jugement)  :  Ep.  97,  5. 

<•  Decretum  »  :  Ep.  94,  2,  4,  8,  13,  31,  32,  4S:  Ep.  95,  9,  10, 
11,12.34,44,46,58,  G4. 

«  Delegatio  •>  :  Ep.  27,  4. 

■■■■  Delegatus  »  :  2£p.  120,  12. 

«  Ex  denuntiato  »  :  £/;.  79,  18. 

<•  Dilatio  »  :  £/>.  46,  1. 

«  Dividere  »  :  Ep.  65,  1;  De  vit.  beat.,  3,  2. 

«  Ejurare  »  :  De  £e«e/'.;  Lib.  VI,  4,  2. 

"  Ejuratio  "  :  De  vit.  beat.,  26,  5. 

<•  Emancipare  »  :  Ep.  45,  4;  Ep.  116,  5. 

«  Erogare  »  :  iî/j.  49,  5. 

<•  Exceptio  »  :  £>.  30,  10;  Ep.  48,  10;  De  Benef.,  Lib.  IV, 
34,  i;  ibid.,U,  4;  M.,  39,  4. 

<•  Facere  controversiam  »  :  Ep.  26,  2. 

»  Ferre  suffragïum  »  :  Ep.  52,  10. 

«  Fidem  praestare  •>  :  Ep.  48,  11;  De  Benef.,  Lib.  VII,  16,  3. 

-  Formula  »  :  Ep.  48,  10;  £>.  92,  3;  Ep.  117,  6;  De  Clem  , 
Lib.  II,  3,  1;  ibid.,  7,  3;  /)é>  Benef.,  Lib.  VI,  5,  5.  —  Cf.  aussi 
De  Remed.  fortuit..  II,  2  et  #/?.  95,  5.  —  «  Vivere  ad  formu- 
lam  «  :  De  tranquill.  an.,  11,6;"  Vivere  ex  formula  "  :  Ep.  6, 
6;  '•  Sub  formula  judicare  »  :  De  Clem.,  Lib.  II,  7,  3. 

'•  Indieare  »  :  Ep.  83,  1. 

"  Injicere  manum  »  :  Ep.  108,  12. 

"  lu  integrum  restituere  »  :  Consul,  ad  Marc,  22,  3;  Ep.  48, 
10;  Ep.  66,53;  Ep.  98,  14. 

«  In  aliéna  potestate  ponere  »  :  /£/>.  23,  2. 

•'  Iuterpres  "  :  Ep.  33,  8;  2?p.  74,  11. 

■■■  Interpretari  »  :  Ep.  63,  7;  £>.  81,  25;  De  La,  Lib. II,  22,  4. 

«  Judex  »  :  £>.  81,  4;  j^».  81,  6;  De  Benef.,  Lib.  III,  7.  7; 
tëtà.,8,  1;  M,  Lib.  IV,  11,  5. 

■  .lurisconsultorum  responsa  »  :  A/;.  9-1,  27. 

••  Justitia  »  :  £/j.  81, 19. 

7 


—    98    — 

«  Lis  »  :  Ep.  13,  5;  Ep.  45,  13;  Ep.  117,  1;  De  Ira,  Lib.  III, 
32,  2;  De  Provid.,  I,  1  ;  De  Glem.,  Lib.  II,  7,  3. 

<•  Litigare  »  :  ^p.  15,  7;  Ep.  22,  10;  £/>.  51,  13;  Ep.  60,  1; 
2fy.  87,  40;  Ep.  121,  1;  De  Clem.,  Lib.  II,  1,  1. 

<■  Locuples  (vestis)  »  :  Ep.  58,  6 

«•  Mancipium  '-:  £/>.  65.  21;  £);.  72,  7;  Consol.  ad  Poltjb., 
10,  4;  De  ira,  Lib.  III,  H,  3.  —  Cf.  aussi  De  Benef.,  Lib.  V, 
19,  1. 

'■•  Pacisci  •'  :  Ep.  101,  15. 

«  Patrocinium  •>  :  £>.  83,  17;  Ep.  116,  2;  Exhortât.,  fr.  18; 
De  £mé>/".,  Lib.  VI,  37,  3;  De  Ira,  Lib.  II,  13,  2. 

«  Peragere  décréta  «  :  2?/).  82,  18. 

<•  Perrogare  •>  :  Ep.  102,  13. 

<;  Praescriptio  "  :  Ep.  48,  12. 

«  Precario  »  :  Ep.  53,  9;  Z£p.  124,  13;  De  Remed.  fortuit., 
XIII,  3.  —  Cf.  aussi  :  Ep.  65,  17;  Ep.  88,  27,  et  Ep.  119,  2. 

"  Privatum  facere  »  :  Ep.  118,  4. 

<•  Procuratio  •>  :  Ep.lO,  8.  —  Cf.  aussi  :  Natur.  Quaest.,  Lib. II, 
35,  36,  38. 

«  Procurator  ».  :  Ep.  14, 18;  £>.  92,  33;  D<?  Bew/.,  Lib.  VI,  3, 2. 

«  Pronuntiare  »  :  E/>.  70,  11. 

«  Prorogare  »  :  Ep.  58,  29.  —  Cf.  aussi  :  Natur.  Quaest., 
Lib.  11,47;  ibid.,  48,  1. 

«  Quadruplator  •>  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  25,  1. 

«  Relegare  •>  :  Ep.  55,  5. 

"  Renrittere  "  (=  «  faire  remise  de...,  dispenser  de...,  faire 
grâce  de...  »)  :  Ep.  29,  10;  i?/).  88,  17. 

••  Siremps  lex  esto  »  :  Ep.  91,  16. 

«  Sive  nive  »  :  Ep.  48,  10. 

<■  Solvere  legibus  »  :  2?jp.  ^1,  4. 

«  Spondere  »  :  Ep.  10,  2;  ^p.  19, 1;  Id.,  36,  5. 

«  Sponsor  »  i^j.  82,  1  ;  E/?.  97,  15;  De  Benef.,  Lib.  III,  15,  4. 

«  Suffragari"  :  #p.  118,2. 

«  Testimonium  •>  :  L>.  73,  4;  Ep.  88,  24. 

<•  Tutela  «  :  A>.  14, 1  ;  Ep.  95,  50.  —  Cf.  aussi  Ep.  33, 10; 
De  Ira,  Lib.  II,  13,  2. 


-    99    — 

«  Vadimonium  differre  »  :  Ep.  54,  3.  —  Cf.  aussi  :  De  Benef., 
Lib.  IV,  39,  4. 

••  Vindicare  »  :  Ep.  65,  1. 

Un  grand  nombre  de  métaphores  et  de  comparaisons  sont 
tirées  du  droit  proprement  dit,  c.-à-d.  de  la  procédure  judi- 
ciaire et  tout  ce  qui  s'ensuit. 

«  Sententiam  dare  »,  »  ferre  »  ou  «  dicere  »,  «  judicare  » 
sont  au  nombre  des  métaphores  favorites  de  Sénèque  : 
Ep.  14,16;  Ep. 22,3;  Ep. 30,9; Ep. 58,32;  Ep.  65,10;  Ep.  65,15; 
Ep.  66,  35;  Ep.  71,  22;  £>.  102,  11;  Ep.  104,  32;  #/>.  112,  4; 
Ep.  113,  25;  £>.  117,  1;  Ep.  124,4. 

Cf.  aussi  «  judicium  accipere  »  et  <•  ex  consilii  sententia  »  : 
^p.  121,  1;  £/?.  67,  10. 

'•  Judicium  »,    <•  causa  »   sont  d'ailleurs  très  fréquemment 
employés,  eux   aussi,  en  guise  de  métaphores  :  Ep.   24,  16 
Ep.  26,  6;   £/).  30,   11    (naturae  causam  agere);   Ep.   65,  2 
i^/j.  83,  10  (Posidonius  Zenonis  nostri  causam  agit);  Ep.  100,  4 
Ep.  102,  11;   Ep.  102,  12;  Ep.  108,  21;  £/>.  116,  8;  A;  Benef., 
Lib.  VII,  29,  2;  De  Benef.,  Lib.  IV,  40,  2. 

De  la  torture  judiciaire,  si  commune  à  Rome  à  l'égard  des 
esclaves  et  qui  nous  semble  si  barbare  aujourd'hui,  sont 
tirées  les  comparaisons  qu'on  trouve  Ep.  14,  6;  Ep.  78,  14; 
De  vit.  beat,  19,  3;  De  Benef.,  Lib.  II,  5,  3.  —  Cf.  aussi  Ep.  51,  4 
(tortores);  Consol.  ad  Polyb.,  14,  3  (cruciatus);  Consol.  ad  Marc, 
19,  1  (cruciare)  et  De  Remed.  fortuit.,  XI,  Additio,  5. 

Le  commerce,  avec  tout  ce  qu'il  comporte  :  prêts,  dettes, 
fidéicommis,  transactions  de  toute  sorte,  a  fourni  lui  aussi 
un  gros  contingent  de  métaphores. 

Un  certain  nombre  de  comparaisons  de  ce  genre  figurent 
dans  le  <•  De  Beneficiis  »,  traité  dans  lequel  un  service  rendu 
est  assimilé  continuellement  à  un  prêt  qu'il  faut  rendre  avec 
usure,  —  conception  bien  romaine  encore.  Voyez  De  Benef., 
Lib.  III,  10,  \;ibid.,  15,  4;  Id.,  Lib.  IV,  27,  5;  Id.,  Lib.  V,  10,  1; 
ibid.,  11,1;  ibid.,  19,  3;ibid.,  21,  3;  Id.,  Lib.  VI.  4,  4;  ibid.,  11,  4; 
ibid.,  19,  5;  ibid.,  40,  2;  Id.,  Lib.  VII,  14,  5;  ibid.,  16,  3;  ibid., 
29,  2.  —  Cf.  aussi  Ep.  73,  9;  Ep.  81,  3;  Ep.  81,  17;  Ep.  118,  1. 


—     100     — 

»  In  antecessum  dare  »  est  employé  métaphoriquement 
Ep.  118,  1.  De  même  «  in  antecessum  accipere  »  :  Ep.  7,  10. 

<•  Commendare  »  (confier  en  dépôt)  :  De  Benef.,  Lib.  II,  15,  2. 

<•  Commodare  »  (prêter  à  usage):  Ep.  62,  1;  Ep.  120,  18. 

«  Creditor»  :  Ep.  21,  11;  Ep.  119,  1;  De  Remed.  fortuit., 
II,  4;  Consol.  ad  Marc,  10,  2;  De  Benef.,  Lib.  VII,  14;  2; 
ibid.,  14,  5;  /£/(/.,  15,  1:  ibid.,  29,  2.  —  Cf.  aussi  «  credere  » 
(prêter)  :  De  Benef.,  Lib.  IV,  39. 

«  Creditum  »  :  De  Benef.,  Lib.  III,  7,  1;  itf.,  Lib.  IV,  12,  1; 
ibid.,  39,  2;  ir/.,  Lib.  V,  20,  6;  iftttf.,  21,  2;  M,  Lib.  VII,  16,  3. 

••  Debitor  »  :  Consol.  ad  Marc,  10,  1;  De  Benef.,  Lib.  IV, 
40,  :»;  ld.,  Lib.  V,  19,  1;  ibid.,  20,  5;  Id.,  Lib.  VI,  19,  5:  Id., 
Lib.  VII,  14,  1. 

-  Decoquere  «  (faire  banqueroute)  :  Ep.  36,  5;  De  Remed. 
fortuit.,  II,  4;  £>e  Benef.,  Lib.  I,  1,  3;  Ici,  Lib.  III,  17,  4. 

«  Expungere  »  (rayer  du  livre  des  dettes)  :  De  Benef., 
Lib.  IV,  40,  4. 

«  Faenus  »  :  £>.  25.  3;  De  Benef.,  Lib.  IV,  3,  3. 

«  Faenerator  »  :  De  Remed.  fortuit.,  III,  2;  Zte  Benef., 
Lib.  II,  21,  2;  M,  Lib.  III,  15,  4;  Ici,  Lib.  V,  21,  3;  Id.,  Lib.  VI, 
40,2. 

«  Lucrificare  »  :  Ep.  37,  2. 

«  Lucrum  »  :  £/>.  12,  9;  Ep.  119,  1;  Z>e  brevit.  rit.,  12,  1. 

«  Negotiari  •=  :  Ep.  119,  1. 

«  Negotiatio  »  :  Ep.  9,  10. 

«  Pignus  »  :  ^p.  26,  5;  De  Amicitia,  II  (fr.  93). 

"  Signare  rationem  parem  »  (établir  la  balance)  :  De  Benef., 
Lib.  VI,  40,  2. 

<•  Solvendo  non  esse  •■■  :  Ep.  118,  1. 

«  Sumministrare  »  :  Ep.  104,  10. 

Garder  les  fidéicommis  était  aux  yeux  des  Romains  une 
tâche  sacrée  :  De  tranquill.  an.,  11,  2.  —  Cf.  Ep.  74,  18. 

Entre  lame  et  le  corps,  il  y  a  une  association  inégale,  où 
l'un  des  associés  a  plus  de  bénéfices  que  l'autre  :  Ep.  65,  22. 

Les  esclaves  amassent  au  prix  des  plus  grandes  privations 
le  pécule  nécessaire  pour  se  libérer;  le  sage,  lui,  doit  tout  faire 


—    101     — 

pour  arriver  à  affranchir   son  âme  :  Ep.  80,  4.  —  Cf.  aussi  : 
Ep.  12,  10  (peculium). 

Emprunter  («  mutuum  sumere  ")  à  la  fortune  ou  aux 
hommes,  c'est  la  même  chose  :  Ep.  87,  7. 

Tout  est  commun  entre  amis,  de  même  que  les  bancs 
équestres  appartiennent  à  tous  ceux  qui  ont  le  droit  de  s'y 
asseoir  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  12,  4. 

Voici  la  conception  bien  romaine  des  dieux  comme  «  chargés 
d'affaire  •>  des  hommes  (procurare)  :  Ep.  110,  2. 

Ajouter  une  maxime  à  la  fin  de  sa  lettre,  c'est,  d'après 
Sénèque,  y  «  imprimer  son  cachet  •-■  (signum  inprimere)  : 
Ep.  13,  16. 

Un  richard  est  assimilé  par  Sénèque  à  un  coffre-fort  (arca) 
et  à  une  cassette  (loculus)  :  De  Bemed.  fortuit.,  X,  3. 

Au  commerce  proprement  dit,  c'est-à-dire  aux  termes  qui 
désignent  la  mise  en  vente  et  l'achat  d'objets  de  toute  nature, 
sont  empruntées  les  métaphores  et  comparaisons  suivantes  : 
Ep.  42,  8  :  Idem  itaque  in  omnibus  consiliis  rebusque  facia- 
mus,  quod  solemus  facere,   quotiens  ad   institorem  alicujus 
mercis  accessimus  :  videamus,  hoc  quod  concupiscimus,  quanti 
deferatur.  —  Ep.  69,  5  :  Mercede  te  vitia  sollicitant  :  hic  tibi 
gratis  vivendum  est.  Puis  :  Ep.  19,  4;  Ep.  21,  11;  Ep.  33,  3 
Ep.  35,  1  ;  Ep.  42,  7;  Ep.  45,  8;  Ep.  17, 16;  Ep.  49, 4;  Ep.  58,  34 
Ep.  66,  11;   Ep.  70,  7;   Ep.  73,  11;   Ep.  11,  17;  Ep.  81,  7-8 
Ep.  83, 3  ;  Ep.  87, 18  ;  Ep.  92, 25  ;  Ep.  93, 6  ;  Ep.  99, 4  ;  Ep.  101, 13 
Ep.  104,  34;  De  vit.  beat.,  23,  3;  De  tranquill.  an.,  2,  5;  De 
Benef.,  Lib.  IV,  12,  3. 

«  Nota  "  (étiquette,  qualité)  est  employé  métaphoriquement 
Ep.  42,  1;  Ep.  45,  8,etNatur.  Quaest.,  Lib. IV,  3,  1.  —  De  même 
les  expressions  «  ratio  constat  »  Ep.  1,  4,  et  <•  bene  mensum 
dare  »  (faire  bonne  mesure)  Natur.  Quaest.,  Lib,  IV,  4,  1. 

Comme  on  aura  pu  le  remarquer,  les  métaphores  tirées  du 
Droit  ne  sont  vraiment  fréquentes  que  dans  deux  ouvrages  de 
Sénèque  :  le  «De  Beneficiis  »  et  les  Épîtres  à  Lucilius.  Il  y  en 
a  quelques-unes  aussi  dans  le  «  Du  lia,  »  ainsi  que  dans  la 


—     102     — 

«  Consolation  à  Marcia,  »  le  «  De  Vita  beata,  »  et  le  «  De 
Providentia.  ••  Dans  les  autres  écrits,  il  y  en  a  peu  ou  point. 
On  pourrait  croire  d'après  cela,  si  l'on  n'était  pas  familiarisé 
avec  l'œuvre  de  Sénèque,  que  ces  deux  ouvrages  où  les  méta- 
phores tirées  du  Droit  sont  les  plus  fréquentes,  datent  du 
temps  où  l'auteur  se  donnait  tout  entier  au  barreau  et  aux 
affaires  publiques.  S'il  y  a  dans  le  «  De  Beneficiis  »  et  dans 
les  Épitres  à  Lucilius  tant  de  métaphores  judiciaires,  c'est 
que  le  sujet  s'y  prétait,  comme  dans  le  «  De  Beneficiis,  »  ou 
que  le  ton  do  la  conversation  permettait  à  l'auteur  d'user 
librement  des  termes  de  son  ancien  métier,  comme  dans  les 
Lettres.  Dans  les  «  Dialogi  «  et  les  autres  opuscules,  l'occa- 
sion d'employer  des  métaphores  prises  au  Droit  ne  se  présen- 
tait que  fort  rarement  :  nous  avons  montré  dans  les  chapitres 
précédents  de  quelle  nature  sont  les  métaphores  qui  y 
dominent. 


CHAPITRE  V. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

EMPRUNTÉES    A 

l'AGRICULTURE    et    à    la    VIE    DES    CHAMPS 

ET   AUX 

ARTS  et  MÉTIERS. 


L'Agriculture  et  la  Vie  des  Champs. 

Pas  plus  que  pour  la  vie  militaire,  il  n'est  besoin  d'insister 
sur  le  rôle  prépondérant  joué  par  l'agriculture  dans  l'existence 
du  Romain. 

Les  Romains  primitifs  sont  de  rudes  paysans  à  lame  simple. 
Leur  langage  inculte  et  sans  grâce  reflète  leurs  préoccupa- 
tions journalières  :  les  métaphores  les  plus  fréquemment  em- 
ployées y  sont  prises  à  la  vie  champêtre.  Le  poète  Naevius, 
un  des  premiers  noms  de  la  littérature  latine,  a  des  images  de 
vrai  campagnard  : 

«  Quod  tu,  mi  gnate,  quaeso  ut  in  pectus  tuum 
Demittas,  tamquam  in  fiscinam  vindemitor. 

(«  Andromaque.  ») 

»  Pappus  laboureur  ;>   est  le   titre  caractéristique  d'une 


—     104     — 

ntellane.  Caton  l'Ancien,  le  type  même  du  vieux  Romain,  a 
laissé  un  «  De  re  rustica  ». 

Malheureusement,  les  conquêtes  d'outre-mer  apportent  un 
changement  profond  dans  les  mœurs  romaines. Varron,  un  vrai 
Romain  de  la  vieille  roche,  comme  Caton,  essaie  de  réagir 
contre  la  crise  agricole,  qui  l'inquiète,  en  écrivant  son  <•  De  re 
rustica;  »  mais  en  vain.  Le  luxe,  la  vie  facile  ont  fait  leur 
apparition,  et,  par  un  contre-coup  fatal,  l'agriculture  est  de 
plus  en  plus  délaissée.  Néanmoins,  par  un  respect  involontaire 
de  la  grande  tradition  romaine,  et  aussi  par  un  goût  inné,  et 
vivace  encore  chez  certains,  des  choses  de  la  terre,  les  écri- 
vains de  Rome  se  serviront  longtemps  encore  de  métaphores 
tirées  de  la  vie  du  paysan.  Virgile,  au  milieu  de  la  civilisation 
raffinée  des  contemporains  d'Auguste,  reste  un  vrai  cam- 
pagnard aux  goûts  simples.  Lui  aussi,  comme  Varron  et 
comme  l'empereur  lui-même,  voit  avec  anxiété  l'exode  vers 
la  Ville  corruptrice  de  cette  population  rustique  qui  a  fait  la 
grandeur  de  Rome.  Ses  œuvres  abondent  en  métaphores  tirées 
de  l'observation  amoureuse  des  spectacles  de  la  nature  et  des 
mœurs  champêtres.  L'Enéide  même  est  pleine  de  ces  compa- 
raisons; cependant,  la  part  personnelle  du  poète  est  ici  moins 
grande,  vu  que,  depuis  Homère,  bon  nombre  de  ces  figures, 
comme  beaucoup  d'autres,  sont  devenues  traditionnelles  dans 
la  poésie  épique.  La  même  remarque  doit  être  faite  à  propos 
des  nombreuses  métaphoies  tirées  de  l'agriculture  qu'on  ren- 
contre chez  Catulle  :  on  sait  que  les  poètes  alexandrins,  dont 
l'usage  constant  de  ces  métaphores  est  une  des  tendances 
principales,  ont  été  les  modèles  favoris  du  poète  latin.  Horace, 
comme  Virgile,  a  conservé,  malgré  son  éducation  soignée  et 
ses  hautes  relations,  une  âme  rustique;  ses  préférences  vont 
à  la  vie  saine  et  sans  souci  qu'on  mène  aux  champs;  les  méta- 
phores inspirées  par  cet  amour  sincère  abondent  chez  lui,  et 
sont  toujours  d'un  naturel  exquis. 

La  prose  de  la  fin  de  la  République  ne  présente  qu'un  nom 
à  citer  à  notre  point  de  vue  :  c'est  Cicéron.  Dans  ses  Lettres 
d'un  style  si  savoureux,  le  grand  orateur  a  usé  largement  de 


—     105     — 

métaphores  pittoresques  tirées  d'une  des  grandes  occupations 
de  ces  vieux  Romains  qu'il  aime  tant. 

La  littérature  de  l'Empire,  comme  nous  en  avons  fait  plu- 
sieurs fois  la  remarque,  est  le  règne  du  procédé  et  de  l'imita- 
tion. Les  métaphores  tirées  de  l'agriculture  deviennent,  par 
l'imitation  surtout  de  Virgile,  de  simples  lieux  communs;  et 
qu'y  a-t-il  de  plus  insipide  qu'une  comparaison  •-•  poétique  •■ 
dont  la  source  n'est  pas  l'observation  directe  de  la  nature  ou 
une  impression  personnelle  profondément  ressentie,  mais 
l'inhabile  et  faible  décalque  du  plus  grand  et  plus  spontané 
des  poètes  campagnards?  Déjà  les  soi-disant  »  Bucoliques  » 
de  Calpurnius,  pâles  pastiches  de  Virgile,  méritent  ce  reproche 
capital.  Que  dire  alors  des  images  -  rustiques  »  d'un  Valerius 
Flaccus,  par  exemple  ?  Les  poètes  chrétiens  :  Prudence,  Paulin 
de  Noie,  Sedulius,  surtout  ces  deux  derniers,  ne  sont  guère 
plus  spontanés  clans  ce  genre,  qui  exige  avant  tout  le 
naturel.  Les  craintes  qu'exprimait  déjà  Varron  et  que  plus 
tard  répétaient  Virgile  et  son  maître  Auguste  se  sont  réali- 
sées :  le  déclin  de  l'agriculture  a  amené  la  mort  lente  mais 
sûre  des  vieilles  mœurs  romaines,  austères  et  simples.  Il  va 
de  soi  que  les  littérateurs  raffinés  et  nourris  de  rhétorique  qui 
vivaient  à  la  cour  des  empereurs,  étaient  tout  à  fait  incapa- 
bles de  rivaliser  avec  l'auteur  des  Géorgiques. 

Sénèque  ne  fait  pas  exception  à  la  règle  :  la  plupart  de  ses 
images  rustiques  manquent  d'originalité,  malgré  l'ingéniosité 
avec  laquelle  il  a  su  les  adapter  à  ses  tendances  morales  ('). 
Avant  sa  retraite  définitive,  Sénèque  ne  connaît  de  la  cam- 
pagne que  ce  qu'en  connaissaient  tous  les  Romains  de  con- 
dition par  leurs  villas.  Plus  tard,  retiré  complètement  de  la  vie 
active  et  forcé  de  chercher  d'autres  passe-temps,  il  s'éprend 
subitement  d'un  bel  amour  pour  la  campagne.  Il  veut  se  faire 
passer  aux  yeux  de  son   ami  Lucilius   pour  un  vrai  cam- 


(')  Voyez  par  exemple  ses  métaphores  sur  le  philosophe  qui  doit 
«  semer  »  la  notion  du  bien  et  «  cultiver  >  les  semences  divines  qui  gisent 
dans  l'âme  des  mortels. 


—     106    — 

pagnard  (').  Il  parle  avec  conviction  de  son  «  métier  d'agricul- 
teur -  (Ep.  112,  2),  et  déclare  avoir  constaté  »  de  visu  »  que 
••  Virgile  écrivait  plus  pour  agréer  aux  lecteurs  délicats  que 
pour  instruire  les  laboureurs  »  {Ep.  86,  15).  La  fin  de  la 
lettre  86,  où  Sénèque  nous  montre  le  fermier  iEgialus  à 
l'œuvre,  prouve  que  notre  philosophe  avait  pris  de  l'intérêt 
aux  travaux  de  la  terre. 

Ce  sentiment  éclos  si  tardivement  était-il  bien  sincère  et 
bien  profond?  L'exemple  de  certains  hommes  d'Etat  modernes 
masquant  leur  dépit  d'une  retraite  forcée  par  une  joie  immo- 
dérée d'avoir  été  «  rendus  à  leurs  chères  études  •>,  nous  en 
ferait  douter  un  peu.  Toujours  est-il  que  le  fait  était  intéres- 
sant à  noter. 

Un  certain  nombre  de  comparaisons  se  rattachent  à  l'idée 
de  ••  semer  »,  familière  aux  écrivains  anciens  bien  longtemps 
avant  Sénèque  :  Ep.  73,  16  :  Semina  in  corporibus  humanis 
divina  dispersa  sunt;  quae  si  bonus  cultor  excipit,  similia 
origini  prodeunt  et  paria  iis,  ex  quibus  orta  sunt,  surgunt  : 
si  malus,  non  aliter  quam  humus  sterilis  ac  palustris  necat  ac 
deinde  créât  purgamenta  pro  frugibus.  Puis  Ep.  9, 7;  Ep.  29,  2  ; 
Ep.  38,  2;  Ep.  72,  2;  Ep.  81,  1;  Ep.  94,  29;  Ep.  120,  4;  De 
Benef.,  Lib.  I,  1,  2;  Id.,  Lib.  II,  11,  4;  Id.,  Lib.  IV,  9,  2. 

Une  fort  jolie  comparaison  est  celle-ci  :  De  vit.  beat.,  9,  2  : 
Sicut  in  arvo,  quod  segeti  proscissum  est,  aliqui  flores  inter- 
nascuntur,  non  tamen  huic  herbulae,  quamvis  delectet  oculos, 
tantum  operis  insumptum  est  — aliud  fuit  serenti  propositum, 
hoc  supervenit  :  sic  et  voluptas  non  est  merces  nec  causa  vir- 
tutis,  sed  accessio,  nec  quia  delectat,  placet,  sed  si  placet,  et 
delectat. 

Toute  chose,  pour  être  durable,  doit  avoir  une  racine 
solide  :  Ep.  95,  64  :  Sed  utrumque  (se.  justum  et  honestum) 


(J)  Dans  le  discours  d'adieu  à  Néron  que  Tacite  [Ann.,  XVI,  54)  prête  a 
Sénèque,  celui-ci  exprimait  l'intention  de  consacrer  a  son  âme  le  temps 
que  d'autres   emploient  à   l'entretien  de  leurs  jardins  et  de  leurs  villas. 


—     107     — 

jimgamus.  Namque  et  sine  radiée  inutiles  rami  sunt  et  ipsae 
radiées  iis,  quae  genuere,  adjuvantur.  Voyez  aussi  Ep.  2,  3  et 
Ep.  95,  12. 

Nous  devons  extirper  nos  vices  jusqu'à  la  racine,  sinon  ils 
renaîtront  toujours  :  De  Ira,  Lib.  III,  42,  1.  —  Cf.  aussi 
Ep.  88,  38  et  Ep.  94,  68. 

L'homme  de  bien  a  besoin  d'être  éprouvé  pour  se  sentir 
fort,  de  même  qu'un  arbre  ne  saurait  être  vigoureux  s'il  n'a 
subi  les  violences  du  vent  :  De  Provid.,  4,  16. 

Une  terre  féconde  ne  produira  des  fruits  vraiment  utiles 
que  si  elle  est  cultivée  par  l'homme;  de  même,  la  colère,  tout 
en  étant  le  produit  d'une  âme  vigoureuse  et  spontanée,  a 
besoin  d'une  éducation  bien  comprise  pour  se  transformer  en 
courage  :  De  Ira,  Lib.  II,  15,  1. 

A  force  de  rendre  des  bienfaits,  on  finit  par  vaincre  l'ingra- 
titude, de  même  que  le  paysan  opiniâtre  réussit  à  triompher 
du  sol  le  plus  stérile  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  32. 

Les  préceptes  ont  besoin  de  soutiens,  comme  les  feuilles  des 
arbres  ont  besoin  de  la  sève  des  branches  pour  se  développer  : 
Ep.  95,  59. 

La  patience,  la  fermeté  et  la  constance  ne  sont  que  les 
<•  branches  »  du  courage  :  Ep.  67,  10. 

Lorsqu'on  élague  un  arbre,  les  rameaux  n'en  repoussent 
que  plus  nombreux;  de  même,  plus  les  princes  persécutent 
leurs  ennemis,  plus  ils  augmentent  le  nombre  de  ceux-ci  : 
De  Clem.,  Lib.  I,  8,  7. 

Il  n'est  pas  digne  d'un  sage  de  pleurer  trop  longtemps  les 
amis  qu'il  a  perdus,  puisqu'ils  seront  remplacés  par  d'autres; 
de  même,  il  ne  faut  pas  regretter  la  chute  des  feuilles,  puis- 
qu'on sait  que  d'autres  renaîtront  à  la  place  des  anciennes  : 
Ep.  104,  11.  —  Cf.  aussi  De  Remed.  fortuit,  XIII,  1. 

Il  faut  que  l'esprit  se  relâche  de  temps  à  autre,  comme  les 
champs  fertiles  sont  par  intervalles  laissés  en  friche  :  De 
tranquill.  an.,  17,  5. 

Trop  de  bonheur  nuit  aux  grandes  âmes  :  mieux  vaut  une 
condition  médiocre.  De  même    les  épis  surchargés  se   ren- 


—    108    — 

versent,  les  branches  sont  rompues  par  le  poids  des  fruits 
qu'elles  portent  :  Ep.  39,  4. 

Sénèque  sur  le  tard  de  la  vie  se  prétend  «  agriculteur  de 
métier,  »  et  il  tire  une  comparaison  pittoresque  de  son  «  expé- 
rience "  :  Ep.  112,  2  :  Non  quaelibet  insitionem  vitis  patitur  : 
si  vêtus  et  exesa  est,  si  infirma  gracilisque,  aut  non  recipiet 
surculum  aut  non  alet  nec  adplicabit  sibi  nec  in  qualitatem 

ejus  naturamque  transibit Hic,  de  quo  scribis  et  mandas, 

non  habet  vires  :  induisit  vitiis.  Simul  et  emarcuit  et  induruit. 
Non  potest  recipere  rationem,  non  potest  nutrire. 

On  aime  une  vigne  pour  sa  fertilité;  de  même,  chez  l'homme, 
il  faut  louer  ce  qui  lui  est  propre  :  Ep.  41,  7. 

Nous  devons  imiter  les  abeilles  et  utiliser  avec  intelligence 
les  fruits  que  nous  retirons  de  nos  lectures  :  Ep.  84,  3-5. 

La  nature  n'a  pas  donné  d'aiguillon  à  la  reine  des  abeilles; 
voilà  pour  les  rois  un  exemple  frappant  :  De  Clem.,  Lib.  I, 
19,  2-3. 

Quelques  comparaisons  sont  empruntées  à  la  similitude 
entre  la  grande  masse  du  peuple,  cette  «  foule  »  méprisée  des 
Stoïciens,  et  les  troupeaux  des  campagnes  (')  :  De  rit.  beat., 
1,  3  :  Nihil  ergo  magis  praestandum  est,  quam  ne  pecorum 
ritu  sequamur  antecedentium  gregem,  pergentes  non  quo 
eundum  est,  sed  quo  itur.  Puis  :  De  Const.  sa  p.,  12,  3;  De 
brevit.  vit.,  18,  4;  Ep.  90,  4;  Ep.  92,  7. 

Deux  sages  se  vouant  de  concert  à  une  même  tâche  élevée 
sont  comparés  par  Sénèque  à  deux  bœufs  attelés  à  la  même 
charrue  ;  Ep.  109,  16. 

Ayant  réussi  à  quitter  la  lourde  atmosphère  de  Rome  pour 
sa  campagne,  Sénèque  se  compare  à  un  cheval  qu'on  lâche 
dans  un  pré  :  Ep.  104,  6. 

«  L'affection  que  tu  avais   pour  Metilius  (le  fils  défunt  de 


(')  Gicéron  «  se  compare,  lorsqu'il  va  rejoindre  les  pompéiens,  au 
bœuf  qui  suit  par  routine  le  gros  du  troupeau,  «  ut  bos  armenta,  sic  ego 
bonos  viros  sequar  >.  >  (Pichon,  op.  cit.,  p.  175).  Cf.  aussi  Clément  d'Alex., 
Strom.,  Il,  p.  42U  (Pott.),  et  bien  d'autres. 


—     109    — 

Marcia),  reporte -la  sur  tes  filles  »,  dit  Sénèque  à  la  vertueuse 
fille  de  Cremutius  Cordus;  «  le  paysan  ne  met-il  pas  à  la  place 
du  tronc  déraciné  par  la  tempête  les  rejets  survivants?  •• 
Consol.  ad  Marc,  16,  7. 

Une  fort  belle  métaphore  est  celle-ci  :  «  J'approuve  l'homme 
qui  s'efforce  d'arriver  à  la  sagesse  et  qni  ne  se  laisse  pas 
arrêter  lorsqu'il  est  en  train  de  labourer  »  (strigare,  s'arrêter 
en  labourant)  :  Ep.  31,  4  :  Rursus  ad  honesta  nitentes;  quanto 
magis  incubuerint  minusque  sibi  vinci  ac  strigare  permiserint, 
adprobabo. 

Les  transformations  successives  de  l'enfant  qui  devient 
homme  sont  comparées  de  façon  pittoresque  à  celles  du  brin 
d'herbe  qui  peu  à  peu  devient  épi  :  Ep.  121,  15  ('). 

Le  sage  ne  repoussera  pas  les  hommes  dont  l'âme,  pour 
être  malade,  n'en  est  pas  moins  susceptible  de  guérison;  il 
fera  comme  les  agriculteurs  avisés,  qui  consacrent  les  plus 
grands  soins  aux  arbres  débiles,  mais  capables  de  devenir 
vigoureux  :  De  Clem.,  Lib.  II,  7,  4. 

A  l'époque  de  sa  splendeur,  Sénèque  méprisait  les  «  soucis 
mesquins  et  terre-à-terre  de  l'agriculture  ».  On  voit  ici  que 
la  comparaison  qu'il  établit  entre  les  préoccupations  du 
paysan  et  celles  du  philosophe  est  toute  à  l'avantage  de 
celui-ci  :  De  brevit.  vit.,  19,  1  :  Simile  tu  putas  esse,  utrum 
cures,  ut  incorruptum  et  a  fraude  advehentium  et  a  negle- 
gentia  frumentum  transfundatur  in  horrea,  ne  concepto 
humore  vitietur  et  concalescat,  ut  ad  mensuram  pondusque 
respondeat,  an  ad  haec  sacra  et  sublimia  accédas  sciturus, 
quae  materia  sit  dis,  quae  voluptas,  quae  condicio,  quae  forma? 

Dans  le  passage  suivant  encore,  Sénèque  met  bien  au-dessus 
des  plaisirs  que  peut  goûter  le  paysan  celui  du  sage  qui  a 
fait  l'éducation  d'une  âme  :  Ep.  34,  1  :  Si  agricolam  arbor  ad 
fructum  perducta  delectat,  si  pastor  ex  fétu  gregis  sui  capit 
voluptatem,  si  alumnum  suuin  nemo  aliter  intuetur  quain  ut 


(')  Cf.  aussi  EiMctèto,  Entret.,  IV,  vin,  35- 11. 


—    110    — 

adulescentiam  illius  suam  judicet  :  quid  evenire  credis  iis, 

qui  ingénia  educaverunt  et  quae  tenera  formaverunt,  adulta 

subito  vident? 
La  vieillesse  est  pleine  de  douceur,  ainsi   que  les  fruits 

très  mûrs  :  Ep.  12,  4. 

On  n'admire  point  la  hauteur  d'un  arbre  si  elle  est  égalée 

par  celle  de  la  forêt  entière  où  il  se  trouve;   de  même,  une 

maxime  n'est  remarquable  que  si  elle  se  distingue  de  la  masse 

de  ses  semblables  :  Ep.  33,  1-2. 
Notre  métaphore  :  «  être  plein  de  verdeur  »  était  familière 

aux  Romains.   Elle  se  trouve  dans  Sénèque  :  Ep.  93,  4:  At 

ille  obit  viridis  ('). 

Le  sage  parfait  connaît  toute  la  vie,  et  n'a  donc  pas  plus 

besoin  de  conseils  que  le  paysan   qui  connaît  son  métier  : 

Ep.  109,  8. 
Les  oisifs  dont  l'existence  se  passe  en  courses  frivoles  sont 

comparés  par  Sénèque  aux  fourmis  qui  grimpent  sur  un  arbre 

et  en  redescendent  sans  rien  rapporter  :  De  tranquill.  an.,  12,  3. 
Il  y  a  peu  de  chose  à  dire  sur  le  caractère  des  métaphores 
tirées  de  l'agriculture  dans  chacun  des  ouvrages  où  elles 
apparaissent.  Celles  qu'on  rencontre  dans  les  traités  sont,  à 
la  vérité,  souvent  jolies,  mais,  pour  la  plupart,  des  lieux 
communs.  Seules  les  Epitres  à  Lucilius  font  exception,  comme 
d'habitude.  On  sait  que  le  vieil  avocat  et  homme  d'Etat, 
désabusé,  profondément  dégoûté  des  affaires,  passa  les 
dernières  années  de  son  existence  dans  la  simplicité  digne 
d'un  philosophe  qu'il  avait  toujours  vantée,  mais  jamais 
pratiquée.  Il  méditait  sur  ce  qu'il  voyait  autour  de  lui  dans 
la  nature,  et  observait  avec  un  intérêt  grandissant  les  travaux 
et  l'existence  de  la  campagne.  De  là  le  caractère  pittoresque 
et  d'une  si  juste  observation  de  mainte  comparaison  «  rus- 
tique »  qu'on  rencontre  dans  les  Epitres  à  Lucilius. 


(!)   Cf.  Virgile  :  «  cruda  deo  viridisque  senectus  ». 


—  111   — 

IL 

Arts  et  Métiers. 

Les  premiers  écrivains  romains  puisaient  leurs  métaphores 
dans  l'existence  journalière  de  leurs  contemporains,  et  ils 
prenaient  de  préférence  celles  qui  sortaient  de  la  bouche  du 
peuple,  si  triviales  qu'elles  fussent.  Bon  nombre  de  ces  méta- 
phores sont  tirées  de  l'existence  journalière  du  simple  artisan 
de  Rome  (').  Appius  Claudius,  que  l'on  peut  appeler  le  premier 
moraliste  romain,  dit  que  «  chacun  est  le  forgeron  (ou  le 
menuisier)  de  sa,  fortune  »  («  Faber  suae  fortunae  unusquisque 
est  ipsus  »).  Lucilius  abonde  en  métaphores  heureuses 
empruntées  à  l'un  ou  l'autre  art  ou  métier.  Varron  est  d'avis 
qu'  <•  il  faut  forger  sa  vie  de  lectures  et  d'écrits  »  (legendo  atque 
scribendo  vitam  procudito).  En  vieux  Romain,  il  est  d'esprit 
essentiellement  pratique  :  "  On  ne  peut  vivre,  dit-il,  si  l'on 
ne  sait  où  trouver  le  charpentier,  le  boulanger,  le  couvreur; 
de  même,  il  faut  savoir  à  quel  dieu  s'adresser  pour  ses  besoins 
divers  •>  (2).  Cicéron,  lui  aussi,  dans  ses  Lettres,  ne  se  gêne 
nullement  pour  employer  ces  métaphores  un  peu  brutales  qui 
sortent  pour  ainsi  dire  des  entrailles  même  du  peuple.  Sous 
l'Empire,  comme  toujours,  ces  métaphores  trop  peu  «  civi- 
lisées »  pour  les  délicats  de  la  cour  sont  délaissées  pour  les 
fades  pastiches  des  Alexandrins  et  les  oripeaux  mythologiques 
des  Ecoles  de  rhéteurs.  Seuls  quelques  esprits  indépendants 
comme  Sénèque  puiseront  à  l'ancienne  source  populaire  et 
sauront  donner  ainsi  à  leur  style  une  force  et  une  saveur 
vraiment  romaines. 


(')  On  sait  que  ces  métaphores  tirées  des  arts  et  métiers  sont  extrême- 
ment fréquentes  déjà  dans  les  dialogues  socratiques.  De  là,  elles  ont  passé 
dans  les  dicaçifiai  en  vers  ou  en  prose,  chez  Horace,  chez  Musonius, 
le  maître  d'Epictète,  dont  c'est  le  procédé  favori,  et  chez  Épictète  lui- 
même. 

(2)  l'ichon,  op.  cit.,  p.  168. 


—     112    — 

Ce  que  nous  venous  de  dire  n'est  cependant  vrai,  en  ce  qui 
concerne  Sénèque,  que  pour  les  Lettres  à  Lucilius. 

On  pourra  constater  que  neuf  sur  dix  des  métaphores  tirées 
des  arts  et  métiers  que  nous  passerons  en  revue,  figurent  dans 
cet  ouvrage.  C'est  là  un  fait  assez  caractéristique.  La  plupart 
de  ces  métaphores  sont  nées,  comme  c'est  l'habitude  dans  les 
Lettres,  de  la  passion  que  Sénèque  met  à  vouloir  guérir  et 
améliorer  l'âme  de  Lucilius.  C'est  toujours  le  même  système  : 
vivifier  les  préceptes  d'une  morale  énergique  et  sévère  par 
des  métaphores  pittoresques  et  éloquentes  qui  »  in  rem 
praesentem  adducant  -,  selon  le  mot  de  Sénèque  lui-même. 

L'expression  <•  manu  factus  »,  »  artificiel  »,  est  fort  fré- 
quente dans  Sénèque.  On  la  rencontre  à  chaque  pas,  et 
appliquée  aux  domaines  les  plus  divers. 

Sénèque  est  d'avis  qu'il  faut  quelquefois  laisser  reposer  son 
esprit  des  graves  occupations,  comme  fait  le  ciseleur  qui,  de 
temps  à  autre,  repose  ses  yeux  fatigués  par  un  travail  trop 
minutieux  :  Ep.  58,  25;  Ep.  G5,  17. 

'•  Il  est  temps  que  nous  montrions  quelque  chose  qui  soit 
frappé  à  notre  coin  »,  dit  Sénèque  :  De  Benef.,  Lib.  III,  35,  1  : 
Jam  tempus  est  quaedam  ex  nostra,  ut  ita  dicam  ('),  moneta 
proferri.  —  Cf.  aussi  Ep.  13,  1  (='  obrussa  »);  Ep.  34,  4  («  una 
forma  percussa  sint  »). 

Que  le  travail  «  raccommode  »  les  trous  creusés  par  une 
existence  mal  employée:  Natur.  Quaest.,  Lib.  III,  Praefatio,  2  : 
...  damna  aetatis  maie  exemptae  labor  sarciat. 

Nous  avons  vu  que,  dans  les  premières  Lettres  à  Lucilius, 
Sénèque  avait  l'habitude  de  citer  une  maxime  d'un  grand 
philosophe.  A  ce  propos,  il  compare  l'école  d'Epicure  à  un 
atelier  («  officina  »)  où  l'on  fabrique  des  philosophes  :  Ep.  14, 
17  :  Epicuri  est  aut  Metrodori  aut  alicujus  ex  illa  officina.  — 
Cf.  aussi  Ep.  92,  25  (<■  officina  voluptatis  »). 


(*)  On  voit  par  cette  réserve  que  Sénèque  lui-même  trouvait  la  méta- 
phore assez  hardie. 


—    113    — 

Sénèque  emploie  cette  expression  énergique  :  «  infulcire  », 
parlant  d'une  maxime  introduite  dans  sa  lettre  :  Ep.  24,  22. 

Sénèque  parle  aussi  d'esclaves  dont  la  bouche  est  «  cousue  •> 
par  ordre  de  leur  maître,  c'est-à-dire  qu'il  leur  est  défendu 
d'adresser  la  parole  aux  convives  qu'ils  servent  :  Ep.  47,  4. 

«  Eradere  vitia  •>  est  une  autre  métaphore  originale  : 
Ep.  11,  6.  —  »  Eradere  »  se  trouve  encore  fr.  93  (De  Amicitia), 

Sans  l'artisan,  la  matière  et  les  instruments  sont  inutiles:  De 
Benef,,  Lib.  V,25,  4-5  :  ...  Instrumenta  cessant, nisiilla  in  opus 
suum  artifex  movit. —  Ep.il,  16  :  ...Saepe  bonamateria cessât 
sine  artifice  :  tempta  et  experiere. 

L'ouvrier  ne  peut  changer  la  matière  :  De  Proeid.,  5,  9.  — 
«  Artifex  »  au  figuré  se  trouve  encore  DeRemed.  fortuit.,  X VI, 1. 

La  nature  a  besoin  de  matériaux,  comme  tout  ouvrier  : 
Natur.  Quaest.,  Lib.  II,  3,  1. 

La  vertu  est  aussi  inflexible  que  la  règle  qui  sert  à  tirer 
des  lignes  droites  :  Ep.  71,  19. 

Mieux  vaut  savoir  «  quid  in  vita  rectum  sit  »,  que  de  savoir 
ce  que  c'est  qu'une  ligne  droite  :  Ep.  88,  13.  —  Cf.  aussi 
Ep.  24,  2. 

On  ne  recherche  pas  si  une  règle  est  jolie,  mais  si  elle  est 
bien  droite;  de  même,  ce  qu'il  faut  voir  chez  un  homme,  c'est 
sa  vertu,  et  non  sa  richesse  :  Ep.  76,  14-15. 

Sur  «  régula  »  comme  métaphore,  cf.  encore  Ep.  11,  10; 
Ep.  12,5;  ^.95,39. 

L'âme  est  tout  aussi  flexible  que  le  bois,  qui  se  plie  à  l'usage 
que  nous  voulons  en  faire  :  Ep.  50,  6. 

»  Subsicivus  »,  terme  d'arpentage,  est  employé  au  figuré 
par  Sénèque  :  Ep.  53,  9. 

L'homme  oisif  qui  reste  couché  toute  la  journée  sans  rien 
faire,  ressemble  à  une  volaille  qu'on  engraisse  pour  la  faire 
figurer  dans  un  banquet  :  Ep.  122;  4. 

Les  faveurs  de  la  fortune  ne  font  qu'  «  assaisonner  »  la 
félicité  suprême  dont  jouit  le  sage  :  Ep.  66,  46. 

Voici  une  comparaison  qui  se  rapporte  au  métier  de  copiste  : 
De  Benef.,  Lib.  VI;  6,  3  :  Quomodo  si  quis  scriptis  nostrisalios 

S 


—    114    — 

superne  raprimit  versus,  priores  literas  non  tollit,  sed  abs- 
condit,  sic  beneficium  super.veniens  injuria  adparere  non 
patitur. 

La  nature  semble  tenir  dans  une  balance  ses  différentes 
parties,  afin  que  l'équilibre  en  soit  toujours  parfait  :  Natur. 
Quaest.,  Lib.  III,  10,  3. 

Les  faux  biens,  quand  nous  les  pesons,  nous  étonnent  par 
leur  légèreté  :  Ep.  66,  30. 

Pensare  et  perpendere  (peser)  sont  employés  métaphori- 
quement :  Ep.  76,  11  et  Ep.  80,  10. 

Les  joies  du  sage  sont  plus  grandes  que  celles  du  commun 
des  mortels;  de  même,  le  mineur  qui  a  creusé  profondément 
le  sol  sera  plus  richement  récompensé  que  celui  qui  s'est 
contenté  d'exploiter  la  surface  :  Ep.  23,  5. 

Certains  esprits  sont  tellement  «  rouilles  ■>  par  des  habi- 
tudes vicieuses,  qu'il  faut  beaucoup  de  temps  pour  les  "  four- 
bir •>  :  Ep.  95,  36.  —  Cf.  aussi  Ep.  7,  7. 

La  joie  du  sage  est  pareille  à  un  tissu  que  rien  ne  peut 
rompre  :  Ep.  72,  4.  —  Cf.  aussi  Ep.  33,  6  (contextus)  et 
Ep.  66,  35  (contexere). 

Sénèque  emploie  aussi  l'expression  ordiri  vitam,  '■  tisser  son 
existence  »  :  Ep.  23,  10  :  Nemo  hoc  putat,  qui  orditur  cum 
maxime  vitam  ('). 

«  Il  faut  «  défaire  le  tissu  »  (retexere)  de  tous  ces  exemples 
dont  on  nous  accable  »,  dit  Sénèque  :  Ep.  94,  68. 

Notre  esprit  ressemble  à  la  laine,  qui  absorbe  vite  certaines 
couleurs,  et  ne  s'imbibe  que  lentement  de  certaines  autres  :  il 
y  a  tels  enseignements  qu'il  retient  dès  l'abord,  d'autres  qu'il 
ne  s'assimile  qu'à  grand'peine  :  Ep.  71,  31. 

l'ingère,  teindre,  est  usité  en  guise  de  métaphore  :  Ep.  W,  8. 

Il  faut  que  l'homme  soit  »  l'artisan  ■>  de  sa  vie  (2)  :  De  vit. 
beat.,  8,  4. 


(»)  Cf.  Epictète,  Entret.,  II,  v,  20-21. 

(4;  Cf.  l'expression  d'Appius  Claudiua  :  «  faber  fortuuae  suae  >,  que  nous 
avons  notée  dans  l'introduction. 


—    115    — 

Celui  qui  chaque  jour  «  met  la  dernière  main  »  à  sa  vie,  a 
toujours  assez  de  temps  :  Ep.  101,  8. 

Concinnare,  fabriquer,  former,  est  employé  :  Ep.  7,  6.  — 
Cf.  aussi  formare.  fabricare  :  Ep.  16,  3. 

La  prose  de  Fabianus  n'est  ni  <•  travaillée  »  ni  «  tourmen- 
tée »  :  Ep.  100,  2. 

La  société  ressemble  à  une  voûte  dont  les  pierres  se  sou- 
tiennent mutuellement  :  Ep.  95,  53. 

La  philosophie  «  bâtit  ••  sur  le  sol  d'autrui  :  Ep.  88,  28. 

Certains  esprits  ont  besoin  d'une  grande  »  étendue  »  pour 
leurs  «  fondations  »  (')  :  Ep.  52,  6. 

Marcellus  eût  été  à  même  de  supporter  n'importe  quel 
»  édifice  •->  que  son  oncle  eût  voulu  »  établir  "  sur  lui  :  Consol. 
ad  Marc,  2,  3. 

Celui  qui  croit  pouvoir  fouler  aux  pieds  les  maximes 
humaines  s'écroulera  fatalement,  comme  un  édifice  sans  fon- 
dements solides  :  De  Ira,  Lib.  I,  20,  2. 

'•  Fulcire  »  sert  comme  métaphore  :  De  Benef'.,  Lib.  VI,  31,  9 
et  Ep.  33,  7. 

»  Condere  ^,  fonder,  établir,  est  aussi  employé  en  guise  de 
métaphore  :  Ep.  7, 12. 

«  Tu  as  jeté  de  larges  fondements  pour  la  sagesse;  bâtis 
maintenant  avec  solidité  sur  cette  base  >•,  dit  Sénèqueà  Luci- 
lius  :  Ep.  31,  1. 

Certains  esprits  légers  ont  «  jeté  les  fondements  »  de  nou- 
veaux espoirs,  au  seuil  même  de  la  tombe  :  Ep.  13,  16.  — 
Cf.  aussi  Ep.  16,  1. 

Le  bonheur  de  ces  richards  qui  prodiguent  l'or  et  l'argent 
dans  leurs  parures  n'est  resplendissant  qu'à  la  surface,  comme 
les  murs  de  leurs  palais  :  De  Provkl.,  6. 4. 


(*)  On  peut  remarquer  que  cette  métaphore  et  d'autres  pareilles,  assez 
souvent  employées  par  Sénèque,  et  reposant  sur  cette  maxime  stoïcienne  : 
«  11  faut  consacrer  tous  ses  efforts  à  «  établir  en  soi  »  la  vertu  >,  se  retrou- 
vent chez  les  auteurs  chrétiens  :  la  métaphore  <  édifier  »  par  exemple  est 
extrêmement  fréquente  dans  les  œuvres  des  apologistes  chrétiens,  et  a 
subsisté  dans  notre  langue. 


—    116    — 

Le  caractère  imposant  qu'ont  à  nos  yeux  les  richards, 
provient  de  ce  qu'on  les  mesure  avec  le  piédestal  sur  lequel 
ils  sont  élevés  :  Ep.  76,  31. 

Sénèque  compare  le  style  de  Fabianus  à  un  bel  édifice  : 
Ep.  100,  5-6. 

La  vie  heureuse  doit  avoir  un  »  fondement  »,  comme  n'im- 
porte quel  art  ou  n'importe  quelle  science  :  Ep.  124,  6. 

Sénèque  se  moque  des  gens  qui  donnent  au  syllogisme,  au 
solécisme,  etc.,  des  traits  humains,  comme  fait  un  peintre  poul- 
ies personnages  de  ses  tableaux  :  Ep.  113,  26. 

Avant  de  s'occuper  des  détails  de  la  vie,  il  faut  songer  à 
l'ensemble;  car,  qu'importe  qu'un  peintre  ait  ses  couleurs 
prêtes,  s'il  ne  sait  pas  ce  qu'il  va  peindre  :  Ep.  71,  2. 

Sénèque  parle  d'écrits  artificiels  et  «  fardés  »  (colorât a)  : 
Ep.  116,  2. 

Imaginent  e  vivo  petere,  peindre  d'après  nature,  est  pris 
métaphoriquement  fr.  94  (De  Amicitia). 

Adunibrare,  ébaucher,  esquisser,  se  trouve  fr.  96. 

Un  sage  vraiment  digne  de  ce  nom  montrera  sa  vertu  dans 
toutes  les  circonstances  de  la  vie,  quelles  qu'elles  soient,  de 
même  que  l'art  de  Phidias  savait  tirer  des  chefs-d'œuvre  de 
la  matière  la  plus  commune  :  Ep.  85,  40. 

Phidias  était  sans  doute,  aux  yeux  de  Sénèque,  le  type 
même  de  l'artiste,  car  deux  autres  comparaisons  encore  lui 
sont  consacrées  ({):  De  Benef.,  Lib.  II,  33,  2-3,  et  Ep.  9,  5. 

Une  couple  de  métaphores  sont  empruntées  à  la  musique. 
On  remarque  aisément  que  Sénèque  n'avait  pas  plus  que  la 
majorité  des  Latins  le  sentiment  et  le  goût  de  la  musique. 
Quelles  jolies  comparaisons  les  écrivains  hellènes  n'ont-ils  pas 
tirées  de  cet  art  que  le  peuple  grec  ressentait  si  profondé- 
ment! Pour  voir  combien  Sénèque  diffère  à  ce  point  de  vue 
des  moralistes  grecs,  on  n'a  qu'à  le  mettre  à  côté  de  Plutarque: 
qui  n'a  été  charmé  par  les  ingénieuses  et  élégantes  compa- 

(')  Chez  les  Grecs,  cette  vénération  à  l'égard  de  Phidias  semble  avoir 
été  générale,  probablement  à  cause  de  sa  statue  de  Zeus  à  Olympie,  célèbre 
par  toute  la  Grèce.  Cf.  aussi  Épictète,  Entret.,  II,  vm,  24-29. 


—    117    — 

raisons  tirées  par  le  doux  moraliste  de  cette  musique  pour 
laquelle  il  avait  un  véritable  culte?  (')  Sénèque,  lui,  en  sa 
qualité  de  Romain  et  de  philosophe  austère,  a  un  peu  de 
mépris  pour  cet  art  délicieux,  mais  efféminé,  qui  peut  plaire 
à  des  désœuvrés  et  à  des  esprits  peu  sérieux,  mais  ne  saurait 
nullement  convenir  aux  graves  méditations  d'un  sage  pré- 
occupé jour  et  nuit  de  1'  «  emendatio  «  de  son  âme.  Ce  dédain 
des  arts,  commun  à  tous  les  stoïciens,  apparaît  dans  les  com- 
paraisons qu'on  trouve  :  Ep.  88,  9,  et  Ep.  123,  9. 

Enfin,  un  nombre  assez  considérable  de  métaphores  est 
tiré  du  théâtre. 

Le  vieux  rapprochement  de  l'existence  humaine  avec  une 
pièce  de  théâtre  figure  aussi  dans  Sénèque  :  Ep.  11,  20  :  Quo- 
modo  fabula,  sic  vita  non  quam  diu,  sed  quam  bene  acta  sit, 
refert.  —  Ep.  80,  7-8  :  Saepius  hoc  exemplo  mihi  utendum  est, 
nec  enim  ullo  efficacius  exprimitur  hic  humanae  vitae 
minius(2),  qui  nobis  partes,  quas  maie  agamus,  adsignat...  etc. 
Puis  :  Ep.  74,  7,  et  Consol.  ad  Marc,  10,  1.  —  Cf.  aussi 
Ep.  76,  31. 

Une  belle  comparaison  est  celle-ci  :  «  Je  veux  que  nos 
esprits  tendent  tous  vers  une  même  fin,  comme  les  voix  des 
chœurs  qui  se  fondent  dans  un  ensemble  harmonieux  ■>  : 
Ep.  84,  9-11. 

Il  est  évident  que  ce  rapprochement  vient  des  Grecs  en 
droite  ligne. 

Les  autres  métaphores  et  comparaisons  tirées  du  théâtre  se 
trouvent  :  Ep.  59,  15  :  ...  omnes  istos  oblectamenta  fallacia  et 


(4)  M.  Dronkers,  dans  une  thèse  assez  incomplète  {De  metaphorarum  et 
conparationum  usa  apud  Plutarchum,  Trajecti  ad  Rhenum,  1892),  en  cite 
un  certain  nombre. 

C)  La  comparaison  de  l'homme  avec  un  acteur  est  classique.  Elle  se 
trouve  dans  Télés,  qui  l'avait  probablement  tirée  de  Bion.  Epictète  l'a 
reprise  souvent  (par  exemple  :  Entretiens,  1.  xxix,  41  ;  IV,  vu,  13,  et  surtout  : 
Manuel,  XVII  :  fiéfivrjao  on  vnoxpùnjç  fi  i)\idiuccroç....x.  r.  X.  »). —  Cicéron, 
lui,  compare  le  monde  avec  un  théâtre  où  chacun  cherche  à  avoir  sa  place 
(Definibus,  111,20,  67). 


—     118     — 

brevia  decipiunt,  ...  sicut  plausus  et  adclamationis  secundae 
favor,  qui  magna  sollicitudine  et  partus  est  et  expiandus. 
—  Ep.  94,  71  :  Ambitio  et  luxuria  et  inpotentia  scaenam  desi- 
derant  :  sanabis  ista,  si  absconderis.  —  Puis  :  De  Bencf., 
Lib.  VI,  1;  Ep.  95,  56  ('):   Ep.  108,  6;  Ep.  114,  6;  Ep,  120,  22. 


(!)  Plusieurs  conjectures  ont  été  faites  sur  quelques  mots  de  ce  passage  ; 
M.  Haupta  proposé  :  istae  artes  (sic  g)  si  se  sciunt;  M.  Madvig  :  istae  artes 
sise  nesciunt.  M.  0.  Hense  (édition  Teubner,  1898)  propose  :  istae  artes  si 
de  se  sciunt  nihil,  nihil  deest.  Pour  ma  part,  je  propose  simplement  :  istae 
artes  esse  se  sciunt,  nihil  deest  («  Ces  arts  savent  qu'ils  existent,  ils 
n'en  demandent  pas  plus  »). 


CHAPITRE  VI. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

TIRÉES    DE 

la  MYTHOLOGIE,  la  RELIGION 

ET 

la  PHILOSOPHIE. 


Les  métaphores  et  les  comparaisons  que  nous  allons  passer 
on  revue  dans  ce  chapitre  et  dans  les  chapitres  suivants 
appartiennent  pour  la  plupart  à  la  catégorie  des  métaphores 
qu'on  peut  appeler  «  savantes  ».  Elles  sont  extraites  d'ordi- 
naire du  trésor  de  connaissances  diverses  qu'avait  amassées 
notre  philosophe  au  cours  de  son  existence,  et  principalement 
dans  sa  jeunesse.  Avec  une  grande  habileté  et  un  à-propos 
merveilleux,  il  tire  parti  de  ses  souvenirs  classiques  et  des 
leçons  apprises  à  l'école  pour  mettre  en  relief  telle  ou  telle 
idée  philosophique  ou  morale.  Veut-il  montrer  que  le  sage 
doit  fermer  l'oreille  aux  bruits  de  la  foule,  il  rappellera  la 
fable  d'Ulysse  et  des  Sirènes  (');  s'agit-il  de  nous  exhorter  à 
nous  rendre  utiles  même  dans  un  âge  avancé,  il  nous  donnera 
comme  modèles  les  Vestales,  qui,  après  avoir  célébré  pendant 
des  années  les  cérémonies  sacrées,  enseignent,  dans  leur 
vieillesse,  leur  art  aux  jeunes  novices.  Ses  collections  de  faits 


(')  On  sait  que  les  comparaisons  mythologiques,  mises  à  la  mode  par  les 
Ecoles  des  rhéteurs,  ont  sévi  avec  une  déplorable  persistance  durant  toute 
la  période  de  l'Empire.  Déjà  Catulle  et  Ovide  en  sont  remplis;  que  dire  des 
comparaisons  mythologiques  d'un  Stace,  le  modèle  du  genre?  C'est  la 
négation  même  du  bon  goût. 


—    120    — 

et  d'observations  paraissent  inépuisables;  et  presque  toujours 
les  métaphores  sont  là  où  elles  doivent  être,  pour  renforcer  ou 
assaisonner  l'idée. 

Réservant  pour  les  chapitres  suivants  les  nombreuses 
métaphores  ayant  trait  à  la  nature  et  à  l'homme  dans  le  sens 
le  plus  général,  nous  ne  parlerons  ici  que  de  trois  domaines 
bien  délimités  :  la  mythologie,  la  religion  et  la  philosophie. 

I. 
La  Mythologie. 

Sénèque  parait  avoir  surtout  retenu  l'histoire  d'Ulysse,  car 
il  y  revient  souvent  (')  Ep.  53,  4  :  ....  illud  scito,  Ulixem  non 
fuisse  tam  irato  mari  natum,  ut  ubique  naufragia  faceret  : 
nausiator  erat.  Et  ego  quoeumque  navigare  debuero,  vicensimo 
anno  perveniam.  Puis  :  De  Const.  sap.,  2,  1-2  et  Ep.  88,  7. 

Les  voix  charmeuses  des  Sirènes,  pareilles,  dans  la  pensée 
de  Sénèque,  aux  tentations  multiples  qui  assaillent  le  pauvre 
mortel  au  cours  de  son  existence,  ont  fourni  à  notre  moraliste 
plusieurs  comparaisons  :  Ep.  31,  2;  Ep.  56,  15;  Ep.  123,  12. 

Polybe  ne  doit  pas  plier  sous  le  faix  de  son  chagrin,  pas 
plus  qu'Atlas,  qui  supporte,  lui,  le  monde  :  Consol.  ad 
Pohjb.  7,  1. 

Le  véritable  vir  bonus  ne  naît  qu'une  fois  tous  les 
cinq  cents  ans,  comme  le  Phénix  :  Ep.  42,  1. 

Notre  âme  ressemble  à  l'hydre  qui  a  plusieurs  têtes  : 
Ep.  113,  9. 

Une  autre  allusion  aux  travaux  d'Hercule  est  celle-ci  : 
Ep.  87,  38  :  Bonum  animum  habe  :  unus  tibi  nodus,  sed 
Herculaneus  restât.... 


(•)  La  raison  de  cette  mention  fréquente  des  exploits  d'Ulysse  est  peut- 
être  celle  exprimée   De  Const.   sap.,  2,  1-2: Catonem  autem   certius 

exemplar  sapientis  viri  nobis  deos  immortales  dédisse,  quam  Ulyssem  et 
Herculem  prioribus  saeculis.  Hos  enira  stoici  nostri  sapientes  pronuntia- 
verunt,  invictos  laboribus,  contemptores  voluptatis  et  victores  omnium 
terrorum. 


—    121     — 

IL 
La  Religion. 

On  sait  que,  d'après  les  Stoïciens,  le  sage  parfait  est  l'égal 
des  dieux.  Par  conséquent,  chacun  doit  tendre  à  développer 
par  la  vertu  la  semence  divine  contenue  dans  l'âme  de  tous 
les  mortels,  afin  de  se  rendre  digne  de  son  essence  divine  et  de 
se  hausser  jusqu'au  ciel,  la  demeure  légitime  du  sage.  De  là  il 
résulte  que  Sénèque  parle  de  la  sagesse  et  de  la  philosophie 
avec  une  majesté  un  peu  hautaine  :  la  sagesse  a  ses  prêtres 
et  ses  temples,  qui  ne  sont  pas  accessibles  au  vulgaire  (')  : 
Natur.  Çuaest.,  Lib.  VII,  30,  6  :  Initiatos  nos  credimus  :  in 
vestibulo  ejus  haeremus.  Illa  arcana  non  promiscue  nec 
omnibus  patent  :  reducta  et  interiore  sacrario  clausa  sunt.  — 
Voyez  aussi  :  De  Const.  sap.,  4,  2;  De  vit. beat ,  26,7  ;  Ep.  14, 1 1  ; 
jE5p.  52, 15  ;  Ep.  95,64. 

Nos  prédécesseurs,  dit  Sénèque,  doivent  être  vénérés  comme 
des  dieux  :  Ep.  64,  9. 

La  philosophie  a  son  «  initiation  aux  mystères  •>,  comme  la 
religion:  Ep.  90,28. 

La  vertu  »  consacre  »  le  corps  par  sa  présence  :  Ep.  66,  2. 

Les  siècles  sont  soumis  au  sage  comme  aux  dieux  :  De 
brevit.  vit.,  15,  5. 

Au  point  de  vue  philosophique,  le  sage  possède  tout 
l'univers;  légalement,  il  est  propriétaire  de  certains  objets. 
On  peut  donc  le  voler,  comme  on  peut  voler  les  dieux,  quoique 
le  produit  du  vol  sacrilège  ne  soit  que  déplacé  dans  les  limites 
du  monde,  qui  appartient  aux  dieux  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  7,  4. 

Dans  l'adversité,  le  sage  fait  comme  Jupiter  :  il  se  recueille, 
et  vit  seul  avec  ses  pensées  :  Ep.  9,  16. 

Sénèque  compare  une  belle  maxime  à  un  oracle  :  Ep.  108,  26. 


(»)  Épictète  comme  Sénèque  représente  l'homme  de  bien  comme  le  temple 
de  la  divinité.  Déjà  Lucrèce  se  réfugiait  dans  les  <  sapientum  templa  serena  ». 


—     122    — 

Certains  hommes  sont  doués  par  la  nature  à  tel  point  que, 
comme  les  dieux,  ils  connaissent  la  vertu  sans  l'avoir  apprise  : 
Ep.  95,  36. 

Los  sages  sont  comme  les  dieux  :  »  leur  grandeur  les  attache 
au  rivage  »  :  De  Clem.,  Lib.  I,  8,  3. 

L'âme  occupe  dans  l'homme  la  place  que  Dieu  tient  dans  le 
monde  :  Ep.  65,  24. 

Le  monde  sert  de  temple  aux  dieux  :  Ep.  90,  28. 

L'âme  possède  l'Univers  tout  comme  les  dieux  :  Ep.  92,  32. 
,  L'âme  autant  que  les  dieux  méprise  les  richesses  :  Consol. 
ad  Helv.,  11,  5. 

Le  sage  supportera  les  extravagances  des  sots  comme 
Jupiter  fait  pour  les  sottises  des  poètes  :  De  vit.  beat.,   26,  6. 

Le  sage  se  rendra  utile  même  à  un  âge  avancé,  comme  les 
Vestales,  qui  enseignent  leur  art  aux  novices  après  l'avoir 
longtemps  pratiqué  elles-mêmes  :  De  Otio,  2,  2. 

Un  grand  homme  reste  grand  après  sa  chute,  de  même 
qu'un  temple  tombé  en  ruines  continue  à  être  honoré  :  Consol. 
ad  Helv.,  13,  8. 

La  religion  honore  les  dieux,  la  superstition  les  outrage; 
de  même,  la  clémence  honore  les  gens  de  bien,  mais  la  compas- 
sion est  une  preuve  de  faiblesse  :  De  Clem.,  Lib.  II,  5,  1. 

Nous  entrons  avec  un  profond  respect  dans  les  temples  des 
dieux;  nous  devons  avoir  de  plus  grands  sentiments  de  véné- 
ration encore  lorsque  nous  discutons  sur  les  astres  :  Natur. 
Quaest.,  Lib.  VII,  30,  1. 

Ce  n'est  pas  la  valeur  du  cadeau  qui  constitue  le  bienfait, 
pas  plus  que  ce  n'est  l'opulence  d'un  sacrifice  qui  donne  la 
mesure  de  la  piété  :  De  Benef.,  Lib.  I,  6,  3. 

Le  sage  remplit  ses  devoirs  avec  calme,  de  même  que  les 
dieux,  qui  gouvernent  leur  empire  sans  armes  :  De  Benef., 
Lib.  VII,  3,  2. 

Le  sage  doit  essayer  de  faire  comme  le  dieu  qui  régit 
l'univers  :  être  maître  des  objets  extérieurs  et  de  lui-même  : 
De  vit.  beat.,  8,  4. 


—    123    — 

III. 
La  Philosophie. 

On  sait  que  Sénèque  a  montré  très  tôt  une  prédilection 
marquée  pour  la  philosophie,  et  principalement  pour  la  morale. 
Il  aime  surtout  les  préceptes  pouvant  avoir  une  utilité  directe, 
et  ne  se  fait  pas  faute  d'en  mentionner  chaque  fois  que 
l'occasion  s'en  présente.  Dans  les  passages  suivants,  il  compare 
entre  eux  certains  états  d'âme  relevant  de  la  morale  pratique  : 
De  Benef.,  Lib.  II,  14,  4  ;  Ibid.,  18,  5  ;  Ici,  Lib.  IV,  15,  1  ;  M, 
Lib.  VI,  35,  2;  De  Otio,  3,  5;  ld.,  6,  2;  De  Clem.,  Lib.  I,  20,  3; 
Ep.  27,  2:  Ep.  69,  3;  Ep.  73,  13;  Ep.  89,  6;  Ep.  102,  8. 

Nos  désirs  se  succèdent  sans  cesse,  comme  cette  série  de 
causes  qui,  par  leur  enchaînement,  forment  la  destinée  : 
Ep.  19,  6. 


On  aura  remarqué  que  la  plupart  des  métaphores  et  compa- 
raisons que  nous  venons  d'énumérer  ne  sont  pas,  cette  fois, 
extraites  des  Epîtres  à  Lucilius,  mais  qu'une  bonne  part  en 
est  tirée  des  traités  philosophiques  composés  par  Sénèque 
avant  sa  disgrâce.  Il  est  assez  facile  de  deviner  la  cause  de  ce 
fait  :  dans  ses  premières  œuvres,  notre  philosophe,  rempli  des 
enseignements  de  l'école,  raide  et  gourmé  comme  tout  jeune 
disciple,  convaincu  de  l'importance  de  sa  mission,  reproduit 
fidèlement  les  pensées  hautaines  de  ses  maîtres,  sans  les 
atténuer,  sans  les  vivifier,  comme  il  le  fera  plus  tard,  par  des 
images  pittoresques  ou  spirituelles.  Beaucoup  de  ces  compa- 
raisons que  nous  venons  de  passer  en  revue  sont  prolongées 
outre  mesure,  et  par  là  elles  sont  languissantes  et  manquent 
de  ce  relief  et  de  ce  nerf  qui  caractérisent  les  métaphores 
des  Epîtres. 


CHAPITRE  VII. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

TIRÉES    DE   LA 

NATURE. 


Nous  grouperons  dans  ce  chapitre  toutes  les  métaphores  et 
comparaisons  qui  sont  tirées  des  divers  domaines  de  la  nature  : 
comparaisons  avec  les  tempêtes,  les  nuages,  les  fleuves,  la 
grêle....;  avec  les  animaux  à  l'état  sauvage,  etc.  Bon  nombre 
de  ces  comparaisons  sont  vieilles  comme  la  littérature  : 
Homère  est  à  ce  point  de  vue  l'éternel  modèle  de  tous  ceux 
qui  sont  venus  après  lui.  D'autres,  qui  figurent  avant  tout 
dans  les  «  Questions  Naturelles  »,  sont  des  comparaisons  de 
savant,  des  parallèles  entre  différents  phénomènes  atmos- 
phériques ou  physiques.  Elles  n'en  sont  pas  moins  intéres- 
santes pour  cela  :  Sénèque  avait  reçu  une  culture  scientifique 
assez  solide,  et  les  comparaisons  qui  abondent  dans  les 
-  Questions  Naturelles  •>  sont  toujours  fort  exactes  et  bien 
observées.  Parmi  les  métaphores  tirées  de  la  nature  dont  le 
caractère  est  surtout  «  littéraire  »,  pourrions-nous  dire,  il  y 
en  a  un  certain  nombre  qui  sont  fort  originales  aussi;  ce  sont 
celles  qui  ont  rapport  aux  préoccupations  ordinaires  de  notre 
moraliste.  Ainsi,  par  exemple,  cette  comparaison,  qui  est  la 
conclusion  d'un  long  développement  :  «  Hoc  itaque  adversus 
virtutem  possunt  calamitates  et  damna  et  injuriae,  quod 
adversus  solem  potest  nebula.  »  Puis,  dans  un  autre  ordre 
d'idées  :  «  Miramur  animalia  quaedam,  quae  per  medios  ignés 


—     125    — 

sine  noxa  corporum  transeant  :  quanto  hic  mirabilior  vir,  qui 
per  ferrum  et  ruinas  et  ignés  inlaesus  et  indemnis  evasit!  » 
(Ep.  9,  19).  On  voit  que  l'imagination  de  Sénèque  n'est  jamais 
en  défaut,  et  qu'il  sait  admirablement  utiliser  pour  une  thèse 
philosophique  et  morale  les  connaissances  si  variées  qu'il  a 
acquises. 

Les  passages  suivants  contiennent  des  comparaisons  prises 
à  la  physique  expérimentale;  je  n'en  reproduirai  que  quelques- 
unes,  les  plus  caractéristiques  :  Ep.  24,  20  :  Quemadmodum 
clepsydram  non  extremum  stillicidium  exhaurit,  sed  quicquid 
ante  defluxit,  sic  ultima  hora,  qua  esse  desinimus,  non  sola 
mortem  facit,  sed  sola  consummat  :  tune  ad  illam  pervenimus, 
sed  diu  venimus.  —  Ep.  71,  24  :  Maguo  animo  de  rébus  magnis 
judicandum  est  :  alioqui  videbitur  illarum  vitium  esse,  quod 
nostrum  est.  Sic  quaedarn  rectissima,  cum  in  aquam  demissa 
sunt,  speciem  curvi  praefractique  visentibus  reddunt.  — 
Ep.  94,  63  :  Non  ille  (se.  Alexander)  ire  vult,  sed  non  potest 
stare,  non  aliter  quam  in  praeceps  dejecta  pondéra,  quibus 
eundi  finis  est  jacuisse.  —  Voyez  ensuite  :  De  Benef.,  Lib.  V, 
8,  4;  Natur.  Quaest,,  Lib.  I,  5,  9:  Id.,  Lib.  II,  15;  M.,  Lib.  1  V, 
11,  3;  Ibid.,  11,  9;  M.,  Lib.  VI,  10,  2;  Ep.  94,  19;  Ep.  118,  17. 
—  Cf.  aussi  Natur.  Quaest.,  Lib.  II,  28,  2. 

Entre  les  principes  généraux  et  les  préceptes  de  la  philo- 
sophie, il  y  a  la  même  différence  qu'entre  les  éléments  et  les 
membres  :  Ep.  95,  12. 

Voici  une  série  de  comparaisons  qui  ont  trait  aux  astres  ; 
Consol.  adPoïi/b.,  7*2;  Debrevit.  rit.,  10,  6;  Ep.  41,5;  Ep.  79,8; 
Ep.  92,  5. 

Voici  encore  une  de  ces  fières  déclarations  stoïciennes  :  le 
sage,  dédaignant  la  foule  vulgaire,  fait  le  contraire  de  ce 
qu'elle  fait,  comme  les  planètes  qui  suivent  une  route  opposée 
à  celle  du  monde  :  De  Const.  saj>.,  14,  4. 

Le  philosophe  est  un  astre  qui  brille  dans  la  nuit:  Ep.  120, 13. 

Sénèque  ne  craint  pas  d'appeler  l'empereur  Claude  :  «  Cet 
astre  brillant  qui....  »  etc.,  égalant  ainsi   eu   basse  adulai  ion 


—    120     — 

les  courtisans  les  plus  plats  du    <;   Roi  Soleil  •>  :   Consol.  ad 
Polyb.,  13,  1. 

Octavie  en  deuil  était  «  blessée  par  le  trop  vif  éclat  ■»  que 
jetait  son  frère  Auguste  :  Consol.  ad  Marc,  2,  5. 

La  fonction  de  l 'homme  est  de  rendre  des  bienfaits,  comme 
celle  du  soleil  est  de  se  lever  à  tel  endroit  et  de  se  coucher  à 
tel  autre  :  De  Benef.,  Lib.  IV,  12,  5. 

Quoique  les  astres  soient  indispensables  à  notre  existence, 
ils  touchent  notre  âme  par  leur  majesté  plutôt  que  par  leur 
utilité  pour  nous.  De  même,  la  reconnaissance  est  plus  qu'une 
chose  utile  :  c'est  une  vertu  :  De  Benef.,  Lib.  IV,  24,  1. 

Les  comparaisons  suivantes  sont  empruntées  à  la  lumière, 
naturelle  ou  artificielle.  Pareille  à  la  première,  la  philosophie 
resplendit  au  milieu  des  vices  cachés  dans  l'obscurité.  Elle 
brille  pour  tout  le  monde  :  Ep.  44,  2  :  Nec  rejicit  quemquam 
philosophia  nec  eligit  :  omnibus  lucet. 

Notre  âme  n'atteindra  au  bonheur  complet  que  lorsqu'elle 
se  sera  dégagée  des  ténèbres  qui  l'enveloppent  et  qu'elle 
percevra  l'éclatante  lumière  céleste  :  Ep.  79,  11-12. 

Le  soleil,  par  son  éclat,  obscurcit  la  faible  lueur  des  flam- 
beaux; de  même,  devant  la  vertu  disparaissent  dans  l'ombre 
les  vices  et  les  douleurs  :  Ep.  66,  20. 

La  vie  du  sage  diffère  autant  de  celle  de  l'homme  ordinaire 
que  la  lumière  diffère  de  l'éclat;  celui-ci  en  effet  n'est  qu'un 
reflet;  la  première,  comme  la  philosophie,  ne  doit  sa  splendeur 
qu'à  elle-même  :  Ep.  21,  2. 

Les  gens  dépourvus  de  mérite  qui  ne  doivent  leur  notoriété 
qu'au  mérite  de  leurs  ancêtres,  ressemblent  aux  endroits 
repoussants  que  l'éclat  du  soleil  fait  resplendir  :  De  Benef., 
Lib.  IV,  30,  4. 

Les  actions  honnêtes  et  les  actions  répréhensibles  dépendent, 
les  unes  de  la  vertu,  les  autres  du  vice,  de  même  que  ce  qui 
brille  et  ce  qui  est  sombre  dérive  de  la  lumière  ou  de  l'obscu- 
rité :  Ep.  31,  5. 

Les  honneurs  ne  donnent  qu'un  faux  éclat  :  Ep.  115;  7. 

La  volupté  tourne  autour  du  corps  comme  une  ombre  : 
De  rit.  beat.,  13,  5.  —  Cf.  aussi  Ep.  100,  10. 


—    127    — 

Nous  disons  qu'une  chambre  est  claire  le  jour,  et  obscure 
la  nuit,  parce  que  le  jour  lui  donne  la  lumière  et  que  la  nuit 
la  lui  enlève;  de  même,  certaines  actions  sont  appelées  bonnes 
ou  mauvaises,  selon  qu'elles  se  rapportent  au  vice  ou  à  la 
vertu  :  Ep.  82,  13-14. 

La  vie  humaine  ressemble  à  une  lampe  :  Ep.  54,  5. 

Un  certain  nombre  de  métaphores  et  de  comparaisons  sont 
tirées  des  phénomènes  de  l'air  :  nuages,  ciel  serein  ou  couvert, 
grêle.  Cela  se  comprend  aisément  si  l'on  connaît  les  idées  que 
Sénèque  développe  d'ordinaire.  Le  sage  parfait,  d'après  les 
Stoïciens,  est  délivré  de  toute  attache  terrestre;  son  âme  est 
sereine  et  libre  de  tout  nuage,  pareille  à  l'éther  pur  qui  est 
épandu  dans  les  espaces  supralunaires  (')  :  De  Ira,  Lib.  III,  6, 1  ; 
Ep.b9,  16;  Ep.  66,  46. 

L'âme  est  subtile  comme  l'air  et  la  flamme  :  Ep.  57,  8. 

Les  obstacles  que  peut  rencontrer  la  vertu  ne  sont  que  des 
nuages  qui  glissent  au-dessous  d'elle  sans  pouvoir  ternir  son 
éclat  :  Ep.  21,  3;  Ep.  92,  17-18. 

Les  soucis  du  pauvre  passent  souvent  comme  des  nuages  : 
Ep.  80,  6. 

Une  comparaison  originale  est  celle-ci  :  les  malheurs  qui 
suffisent  pour  abattre  l'homme  vulgaire  ont  sur  l'âme  du  sage 
le  même  effet  que  la  grêle  sur  un  toit,  où  elle  rebondit  avec 
fracas  sans  causer  le  moindre  dégât  à  l'intérieur  de  la  maison  : 
Ep.  45,  9. 

L'ambition  est  «  creuse  »  (littéralement  :  «  remplie  de 
vent,  »  comme  un  ballon  d'enfant)  :  Ep.  84,  11. 

Un  règne  doux  et  paternel  ressemble  à  un  ciel  pur  et 
brillant  :  De  Clem.,  Lib.  I,  7,  2. 

L'homme  qui  a  su  profiter  du  temps  a  eu  des  jours  sereins, 
d'autres  où  l'éclat  de  son  étoile  n'a  brillé  qu'à  travers  des 
nuages  :  Ep.  93,  5. 


(J)  Épictète  dit  que,  au  milieu  de  la  tempête,  <  il  l'ait  beau  >  dans  laine 
du  sage. 


—     128    — 

Sénèque  parle  aussi  du  «  brouillard  »  qui  obscurcit  l'esprit 
humain  :  De  brevit.  vit.,  3,  1. 

Les  tempêtes  et  la  foudre  ont  fourni  les  comparaisons  qui 
suivent  :  l\p.  54,  1  :  Brevis  autem  valde  et  procellae  similis 
est  impetus  :  intra  horam  fere  desinit.  Puis  :  De  Clem.,  Lib.  I, 
8,  5;  De  Ira,  Lib.  I,  17,  4;  M.,  Lib.  III,  1,  4;  lbid.,  10,  2; 
Ep.  57,  8;  Ep.  74,  4. 

Les  grands  hommes  de  guerre  sont  comparés  par  Sénèque 
à  des  tourbillons  :  Ep.  94,  67. 

Sénèque  parle  aussi  du  «  turbo  rerum  »  :  Ep.  37,  5. 

Au  feu  sont  empruntées  un  assez  grand  nombre  de  compa- 
raisons, dont  la  moitié  est  de  caractère  plutôt  scientifique,  le 
reste  se  rattachant  aux  préoccupations  philosophiques  de 
l'auteur.  Nous  ne  nous  occuperons  que  de  celles-ci. 

L'âme  du  sage  est  aussi  réfractaire  aux  vices  que  l'est  au 
feu  un  corps  incombustible  :  De  Const.  sap.,  3,  5. 

Rien  n'est  chaud  sans  le  feu,  froid  sans  l'air  :  de  même, 
l'honnêteté  et  la  méchanceté  dépendent,  l'une  de  la  vertu, 
l'autre  du  vice  :  Ep.  31,  5. 

L'âme,  comme  la  flamme,  se  reforme  autour  du  corps  qui 
pèse  sur  elle  :  Ep.  57,  8. 

Une  masse  de  fer  n'est  par  elle-même  ni  chaude  ni  froide; 
de  même,  la  mort  est  chose  indifférente  par  elle-même  : 
Ep.  82,  14. 

Il  est  superflu  d'ajouter  de  la  chaleur  à  une  chaleur  qui  a 
déjà  atteint  son  plus  haut  degré;  de  même,  celui  qui  possède 
le  souverain  bien  n'a  plus  besoin  de  rien  :  Ep.  109,  8. 

L'avare  est  d'autant  plus  cupide  qu'il  est  plus  riche,  de 
même  que  la  violence  de  la  flamme  est  plus  grande  lorsqu'elle 
s'élance  d'un  plus  vaste  incendie  :  De  Benef.,  Lib.  II,  27,  3. 

Les  encouragements  développent  les  semences  des  senti- 
ments honnêtes  comme  un  léger  souffle  ranime  le  feu  qui 
s'éteint  :  Ep.  94,  29 

Des  semences  de  l'esprit  divin,  pareilles  aux  étincelles  d'un 
feu  sacré,  sont  tombées  sur  la  terre  :  De  Otto,  5,  5. 

La  colère  diffère  d'après  l'âme  où  elle  tombe,  de  même  que 


—    129    — 

la  violence  du  feu  dépend  de  la  nature  des  matières  qu'il  a 
enflammées  :  Ep.  18,  15. 

'•  Tu  t'imagines  à  tort  »,  dit  Sénèque  à  son  ami  Lucilius, 
«  qu'au  sortir  de  l'existence,  brillante  en  apparence,  que  tu 
mènes  maintenant,  tu  tomberas  dans  les  ténèbres  comme  une 
lueur  dans  un  endroit  obscur  •»  :  Ep.  21,  1. 

«  Fulgor  »  se  trouve  aussi  en  guise  de  métaphore  fr.  108 
(De  Amicitià). 

L'âme  est  aussi  remuante  que  la  flamme  :  Ep.  39,  3. 

Une  seule  victime,  dans  une  catastrophe,  suffit  pour  semer 
la  panique;  de  même,  la  foudre  frappe  de  stupeur  ceux  qui  l'ont 
vue  tomber  autant  que  celui  qui  en  a  été  atteint  :  Ep.  74,  4. 

Plus  le  feu  brille,  plus  vite  il  s'éteint;  de  même  les  esprits 
les  plus  vifs  durent  le  moins  :  Consol.  ad  Marc,  23,  4. 

Sénèque  parle  d'un  «  animus  incensus  et  effervescens  •»  : 
De  Const.  sa  p.,  3,  1.  —  Cf.  Ep.  76,  23  (excandescere  ad  subita). 

Les  comparaisons  qui  suivent  sont  empruntées  à  la  terre, 
et  particulièrement  aux  montagnes.  En  voici  qu'il  suffit  de 
mentionner  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  20,  4;  Natur.  Quaest.,  Lib.  II, 
24,  2;  ld.,  Lib.  III,  28,  5;  Id.,  Lib.  IV,  2, 11. 

D'autres  sont  plus  originales. 

Le  sage  n'est  pas  insensible  à  la  douleur  comme  un  rocher  (*): 
Ep.  71,  27. 

Le  sage  ressemble  aux  montagnes  qui  de  loin  paraissent 
minuscules;  alors  que,  en  s'approchant  tout  près,  on  s'aperçoit 
qu'elles  sont  gigantesques  :  Ep.  111,  3. 

Les  discussions  sur  des  mots  abaissent  la  philosophie  de 
ses  sublimes  hauteurs  vers  le  sol  :  Ep.  111,  4. 

Certains  météores  appelés  fioBvvoi  ressemblent  à  l'ouver- 
ture d'une  caverne  creusée  circulairement  :  Natur.  Qwest., 
Lib.  I,  14,  1. 

N'envions  pas  ceux  qui  sont  plus  haut  placés  que  nous  :  ce 


(1)  On  voit  que  Sénèque  n'a  pas,  devenu  vieux,  conservé  l'intransigeance 
desa  jeunesse  :  il  dirait  volontiers,  dans  sa  retraite  :  <  Pour  être  stoïcien, 
on  n'en  est  pus  moins  homme.  » 

9 


130    — 

qui  parait  élevé  n'est  souvent  que  le  bord  d'un  abime  :  De 
tranquill.  an.,  10,  5. 

«  Notre  ami  Marcellinus  est  tombé  dans  un  précipice  »,  dit 
Sénèque;  <•  nous  pouvons  encore  le  retirer  de  là,  mais  il  faut 
lui  tendre  la  main  tout  de  suite  »  :  Ep.  29,  4. 

Nous  ne  saurions  arriver  jusqu'au  fond  de  l'abîme  où  gît  la 
vérité,  même  si  nous  y  consacrions  toute  notre  existence;  au 
lieu  de  cela,  nous  ne  faisons  que  remuer  négligemment  la 
surface  du  sol  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  VII,  32,  4. 

Certains  objets  paraissent  grands  de  loin,  mais  de  près,  ils 
sont  insignifiants;  il  en  va  de  même  du  bonheur  :  Ep.  118,  6. 

Certains  bonheurs  apparents,  au  lieu  d'élever  celui  qui  les 
reçoit,  ne  font  que  rendre  sa  chute  plus  rapide  :  Ep.  110,  3. 

La  libéralité,  et  d'autres  vertus,  «  vont  en  pente  »  {per 
devexum)  :  De  vit.  beat.,  25,  7.  —  Cf.  aussi  Ep.  12,  5  (aetas 
devexa);  Ep.  94,  13  (animus  ad  falsa  proclivis;...  mens  ad 
pejora  prona);  Ep.  97,  10  (pronum  ad  vitia). 

Le  style  d'Asinius  Pollion  est  «  rocailleux  •>  (salebrosa)  : 
Ep.  100,  7. 

Bon  nombre  de  comparaisons  sont  empruntées  au  domaine 
de  l'eau  ;  elles  servent  d'ordinaire  à  mettre  en  relief  les 
pensées  morales  de  Sénèque. 

La  vertu  remplit  l'âme  tout  entière.  Qu'importe  qu'une  eau 
courante  soit  détournée,  si  la  source  où  elle  prend  son  origine 
est  demeurée  intacte?  De  même  un  homme  n'est  pas  meilleur 
pour  avoir  conservé  ses  enfants  que  pour  les  avoir  perdus  : 
Ep.  74,  25. 

Beaucoup  de  gens  gaspillent  leur  existence  comme  si  elle 
coulait  d'une  source  intarissable  :  De  brevit.  vit.,  3,  4. 

Voici  une  comparaison  vénérable,  familière  déjà  aux 
anciens  philosophes  grecs  pour  exprimer  l'idée  éternelle  de 
la  fugacité  de  l'existence  humaine  :  nos  corps  sont  emportés 
aussi  rapidement  que  le  courant  d'un  fleuve  :  Ep.  58,  22  : 
Corpora  nostra  rapiuntur  fluminum  more. 

Un  discours  est  comparé  également  à  une  eau  qui  coule  : 
Ep.  100,  2. 


—    131    — 

De  même  que  toutes  les  eaux  qui  se  déversent  dans  la  mer 
ne  peuvent  en  changer  la  saveur,  de  même  les  assauts  de 
l'adversité  ne  parviennent  pas  à  altérer  l'âme  d'un  homme 
courageux  :  De  Provid.,  2,  1. 

Les  siècles  à  venir  sont  comparés  à  des  flots  qui  montent 
toujours  et  submergent  les  renommées  en  apparence  les  plus 
solides;  seuls,  par  ci  par  là,  quelques-unes  lutteront  long- 
temps contre  l'oubli  envahissant  :  Ep.  21,  5. 

Le  style  ne  doit  pas  ressembler  à  un  torrent  impétueux, 
mais  à  une  onde  tranquille  qui  coule  sans  interruption  : 
Ep.  40,  8. 

Un  homme  en  colère  est  comparé  à  un  torrent  :  De  Ira, 
Lib.  III,  1,1.  De  même,  une  grande  foule  :  De  Clem.,  Lib.  I, 
6,  1.  Les  Perses  sont  comparés  à  un  torrent  qui  fait  irruption 
dans  la  Grèce  :  De  Benef.,  Lib.  VI,  31,  7. 

Il  faut  que  le  sage  n'ait  pas  même  l'ombre  d'une  passion, 
sinon  il  sera  emporté  par  elle  comme  par  un  torrent  :  Ep  85,  6. 

Un  conquérant,  d'après  Sénèque,  est  pour  l'humanité  une 
calamité  aussi  cruelle  qu'une  inondation  :  Natur.  Quaest., 
Lib.  III,  Praef.,  5. 

Ce  qui  s'échappe  goutte  à  goutte  ne  constitue  pas  une  perte 
sensible;  aussi  le  sage  n'a-t-il  pas  peur  de  mourir,  puisque 
les  hommes  meurent  tous  les  jours  un  peu  :  Ep.  70,  5. 

«  A  peine  si  l'été  parvient  encore  à  «  dégeler  »  (regelare) 
ma  vieillesse  »,  dit  Sénèque  :  Ep.  67,  1. 

Le  vieillard  «  se  dissout  »  (liquescere)  peu  à  peu  :  Ep.  26,  4. 

Les  divers  composés  de  fundere  et  de  fl itère  sont  emploj  es 
métaphoriquement  par  Sénèque  :  Effundere  :  Ep.  11,3  ;  Ep.  99, 27  ; 
Ep.  100,  1;  Ep.  100,  10;  De  rit.  beat.,  11,  3.  —  Diffundere  : 
Ep.  66,  32.  -  Affundere  :  Ep.  11,  3.  —  Perfundere  :  Ep.  36,  3; 
Ep.  110,  8.  —  Saffundere  :  Ep.  11,  1.  —  Transfundere  :  Ep.  6,  4. 
-  Effluere  :  Ep.  1,  1  ;  Ep.  22, 17.  —  Diffluere  :  De  Provid.,  1 .  5. 

—  Fluere  :  De  vit.  beat,,  24,  3;  Ep.  33,  6;  Ep.  72,  7;  Ep.  78,  25. 

—  Cf.  aussi  :  mergere  :  Ep.  21,  10;  Ep.  39,  0;  Ep.  55,  3.  — 
Diiul  (se  détremper)  :  Ep.  29,  3.  —  Tingere  (imprégner)  : 
Ep.  36,  3.  —  LaU  (couler)  :  Ep.  92,  28. 


—     132    — 

Enfin,  pour  terminer  ce  chapitre,  nous  passerons  en  revue 
les  métaphores  et  les  comparaisons  qui  ont  trait  aux  mœurs 
des  animaux  à  l'état  sauvage  ('). 

Les  insensés  et  les  méchants  ne  connaissent  pas  plus  la 
joie  que  les  lions  qui  se  sont  emparés  de  leur  proie  :  Ep.  59,  17. 

Un  prince  peut  être  appelé  "  bon  »  lorsque,  à  sa  rencontre, 
on  ne  fuit  pas  comme  devant  un  animal  dangereux  qui  sort 
de  son  antre  :  De  Clem.,  Lib.  I,  3,  3. 

Alexandre,  la  «  bête  noire  >  de  Sénèque,  est  comparé  par 
lui  à  une  bête  féroce  :  Ep.  94,  62. 

Certains  hommes  ressemblent  à  des  bêtes  féroces  lorsqu'ils 
sont  en  colère  :  De  Ira,  Lib.  II,  8,  3. 

A  certains  méchants  il  ne  manque  que  l'occasion  favorable 
pour  déployer  leur  méchanceté;  de  même,  le  serpent  le  plus 
venimeux  ne  peut  faire  aucun  mal  aussi  longtemps  qu'il  est 
engourdi  par  le  froid  :  Ep.  42,  3. 

Il  faut  se  chercher  des  auxiliaires  contre  ses  ennemis 
comme  on  fait  contre  les  bêtes  féroces  et  les  serpents  :  De 
Remed.  fortuit.,  XV,  1. 

Les  peuples  chez  qui  l'humeur  sauvage  tient  lieu  d'esprit 
d'indépendance,  ressemblent  aux  lions  :  De  Ira,  Lib.  II,  15,  4. 

La  méchanceté  est  comparée  au  venin  du  serpent  (rappro- 
chement bien  vieux,  lui  aussi)  :  De  vita  beat.,  18,  2;  Ep.  81,  22. 

La  colère  à  son  début  est  aussi  dangereuse  que  la  morsure 
du  serpent  au  sortir  de  son  gite  :  De  Ira,  Lib.  I,  17,  6. 

Les  conquérants  sont  comme  les  bêtes  féroces,  qui  tuent 
sans  haïr  :  Natur  (Juaest.,  Lib.  V,  18,  9. 

Le  sage  traitera  un  portier  brutal  comme  on  traite  un  chien 
hargneux,  qu'on  apaise  en  lui  jetant  quelque  nourriture  :  De 
Const.  sap.,  14,  2.  —  Cf.  aussi  De  Ira,  Lib.  III,  37,  2. 

Les  gens  qui  haïssent  la  vertu  «  aboient  »  contre  elle  et  la 
«  mordent  »  comme  de  méchants  roquets  :  De  vit.  beat.,  20,  6. 

(lj  J'ai  joint  à  ces  comparaisons  une  couple  de  citations  qui  traitent 
d'animaux,  non  pas  précisément  à  l'état  sauvage,  mais  d'animaux  domes- 
tiques, pris  par  le  fond  sauvage  ijui  persiste  souvent  chez  eux. 


—     133     — 

—  Cf.  aussi  latrare,  oblatrare  :  De  Ira,  Lib.  III,  43,  1;  De  rit. 
beat.,  19,  2. 

Les  médisants  sont  comparés  à  des  chiens  qui  aboient  par 
habitude  :  De  Remed.  fortuit.,  VII,  2. 

Les  gens  qui  passent  leur  temps  à  voyager  ressemblent  à 
des  oiseaux  de  passage,  qui,  à  peine  arrivés  en  un  endroit,  le 
quittent  pour  voler  plus  loin  :  Ep.  104,  14. 

Les  noctambules  sont  pareils  à  des  oiseaux  de  nuit  : 
Ep.  122,  3. 

Un  homme  qui  escompte  l'héritage  d'un  mourant  ressemble 
au  vautour  qui  rôde  autour  des  cadavres  :  De  Benef.,  Lib.  IV, 
20,  3.  —  Cf.  Ep.  95,  43. 

Les  riches  sont  suivis  d'une  foule  de  parasites,  comme  les 
mouches  recherchent  le  miel,  et  les  loups  des  cadavres  :  De 
liemed.  fortuit.,  X,  4. 

Le  bruit  qui  précède  les  coups  de  la  fortune  suffit  pour 
nous  tourmenter,  de  même  que  les  oiseaux  s'effraient  rien 
qu'au  bruit  d'une  fronde  vide  :  Ep.  74,  5. 

Les  gens  qui  haïssent  la  vertu  ressemblent  aux  bêtes  noc- 
turnes qui  se  cachent  dans  leurs  trous  aux  premiers  rayons 
du  soleil  :  De  vit.  beat.,  20,  6. 

Nous  admirons  certains  animaux  qui  passent  à  travers  le 
feu  sans  en  souffrir;  mais  combien  le  sage  qui  traverse  les 
pires  calamités  et  en  sort  indemne  n'est-il  pas  plus  digne 
d'admiration  !  Ep.  9,  19. 

Les  gens  qui  se  mettent  en  colère  pour  un  rien  ressemblent 
aux  taureaux  qui  s'irritent  en  voyant  du  rouge  :  De  Ira,  30,  1. 

Les  évolutions  d'une  grande  armée  sont  comparées  par 
Sénèque  aux  mouvements  des  fourmis  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  I, 
Prologus,  10. 

Le  terme  pittoresque  vellicare  (picoter,  becqueter)  est 
employé  métaphoriquement  par  Sénèque,  dans  le  sens  de 
«  tourmenter  »,  puis  «  médire  »  :  Ep.  63,  1;  De  Benef, 
Lib.  II,  28,  4. 

Les  êtres  faibles  se  croient  blessés  pour  peu  qu'on  les 
touche,  pareils  en  cela  au  rat  et  à  la  fourmi,  qui  mordent 


—    131    — 

la    main    qui    s'approche    d'eux   :    De    Ira,    Lib.    II,   34,    1. 

Les  gens  passionnés  ne  cèdent  pas  aux  bons  conseils,  de 
même  que  les  animaux  sauvages,  qui  sont  inaccessibles  à  la 
raison  :  Ep.  85,  8. 

Certaines  gens  qui  fuient  les  hommes  et  les  affaires  res- 
semblent à  ces  animaux  timides  et  sans  énergie  qui  se  terrent 
peureusement  dans  leur  trou  :  Ep.  55,  5. 

La  seule  apparence  du  danger  effraie  les  animaux;  de  même, 
il  y  a  des  gens  qui  ressentent  de  l'effroi  à  la  seule  pensée  de 
choses  qu'ils  considèrent  comme  des  maux  :  Ep.  66,  31. 

Il  y  a  des  gens  qui  ne  méritent  pas  qu'on  se  venge  d'eux, 
pareils  à  ces  insectes  qui  souillent  celui  qui  les  écrase  :  De 
Clem,,  Lib.  I,  21,  4. 

Les  vices  «  rampent  »  vers  nous  (obrepere,  subrepere)  : 
Ep.  45,  7;  J^j.  90,  6. 

Les  parasites  sont  des  «  rongeurs  »  (adrosores)  :  Ep.  27 ',  7. 

Toutes  les  œuvres  de  Sénèque  présentent  au  moins  une 
couple  de  métaphores  tirées  d'une  domaine  aussi  vaste  que 
la  Nature.  Cependant,  quatre  ouvrages  seulement  sont  dignes 
d'être  examinés  d'un  peu  plus  près  sous  ce  rapport;  ce  sont 
le  «  De  Ira  »,  le  «  De  vita  beata  »,  les  «  Questions  Naturelles  », 
et  enfin  les  Epîtres  à  Lucilius. 

Dans  le  «  De  Ira  »,  Sénèque  compare  sans  cesse  les  fureurs 
aveugles  de  l'homme  en  colère  à  celles  de  la  tempête  et  des 
bêtes  sauvages. 

Dans  le  «  De  vita  beata  »,  l'apologie  de  l'existence  sereine 
du  sage,  Sénèque  n'a  pas  assez  de  mépris  pour  les  méchants 
imbéciles  qui  haïssent  la  vertu.  Il  les  compare  avec  un  pro- 
fond dédain  aux  chiens  qui  aboient  aux  mollets  du  passant 
et  que  celui-ci  chasse  d'un  coup  de  pied,  ou  bien  aux  oiseaux 
nocturnes,  dont  les  ténèbres  (c'est-à-dire  le  vice)  sont  l'élé- 
ment, et  qui  se  cachent  dans  leurs  trous  dès  qu'apparait  le 
jour  radieux  (c'est-à-dire  la  vertu). 

Les  comparaisons  tirées  de  la  Nature  qui  abondent  dans 
les    «    Questions  Naturelles   »    sont,  nous   l'avons   dit  déjà, 


—    135    — 

d'espèce  toute  particulière;  ce  sont  pour  la  très  grande  majo- 
rité des  rapprochements  scientifiques  entre  phénomènes 
naturels  semblables.  Elles  sont  cependant  intéressantes,  et 
témoignent  d'un  grand  esprit  d'observation. 

Comme  toujours,  ce  sont  les  «  Épitres  à  Lucilius  »  qui 
l'emportent  pour  la  fréquence  des  métaphores  et  surtout  leur 
originalité.  Sénèque  emprunte  à  ce  qu'il  a  vu  et  voit  autour 
de  lui,  aux  connaissances  variées  qu'il  a  acquises,  des  com- 
paraisons frappantes  de  justesse  et  d'opportunité  —  tout  cela 
pour  plaire  à  son  ami  Lucilius  et  lui  faire  passer  doucement 
les  médicaments  «  moraux  »,  si  l'on  peut  dire,  qu'il  lui  admi- 
nistre sans  cesse.  La  béatitude  ineffable  du  sage  est  comparée 
par  le  vieux  philosophe  à  la  sérénité  immaculée  du  ciel.  Son 
âme  est  exempte  de  tempêtes  et  d'orages.  Aucun  des  mille 
désagréments  dont  la  nature  a  encombré  la  terre  et  qui 
tourmentent  jour  et  nuit  les  vulgaires  mortels  ne  saurait 
l'atteindre;  il  plane  dans  les  régions  éthérées  de  la  philo- 
sophie stoïcienne,  et  la  tour  d'ivoire  où  il  s'est  retranché  le 
met  à  l'abri  des  maux  et  des  vices  d'ici-bas. 


CHAPITRE  VJII. 

Les  Métaphores  et  les  Comparaisons 

EMPRUNTEES    AUX 

MŒURS  et  COUTUMES, 

ET,  EN  GÉNÉRAL,  A 

I  '  H  O  M  M  E  . 


Dans  ce  dernier  chapitre,  nous  réunirons  toutes  les  méta- 
phores et  comparaisons  qui  se  rapportent  aux  mœurs  et  cou- 
tumes, non  seulement  des  Romains  ou  de  certains  peuples 
déterminés,  mais  encore  de  l'homme  en  général,  pour  autant 
qu'elles  ne  rentrent  pas  dans  l'un  ou  l'autre  des  domaines  de 
l'activité  humaine  dont  nous  avons  traité  plus  haut  :  vie 
militaire,  médecine,  voyages,  droit,  agriculture,  arts  et 
métiers,  religion,  philosophie. 

Nous  commencerons  par  dénombrer  les  métaphores  et  les 
comparaisons  qui  font  allusion  à  des  coutumes  déterminées 
des  Romains  ou  d'un  autre  peuple  ancien. 

Une  institution  comme  l'esclavage,  qui  était  entrée  profon- 
dément dans  les  mœurs  des  Anciens,  a  dû,  évidemment,  leur 
inspirer  une  foule  de  métaphores  et  de  comparaisons.  Chez 
Sénèque,  elles  ne  sont  pas  rares.  D'abord,  les  esclaves  et  les 
affranchis  jouaient  dans  l'Empire  un  rôle  considérable;  ensuite, 


—    137    — 

un  des  thèmes  favoris  de  Sénèque  —  comme  d'ailleurs  de 
tous  les  stoïciens  —  est  celui-ci  :  les  hommes  sont  des 
«  esclaves  »  de  leurs  passions;  celles-ci  les  chargent  de 
«  chaînes  »,  les  gardent  en  leurs  »  prisons  ".  Le  corps  est  un 
«  joug  "  qui  pèse  lourdement  sur  notre  âme.  Aussi,  que  ne 
ferait-on  pas  pour  s'en  débarrasser  ?  C'est  sur  ces  idées  que 
portent  les  comparaisons  suivantes  :  Ep.  26,  10  :  Qui  mori 
didicit,  servire  dedidicit.  Supra  omnem  potentiam  est,  certe 
extra  omnem.  Quid  ad  illum  carcer  et  custodia  et  claustra? 
liberum  ostium  habet.  Etc.  —  Ep.  65,  21  :  Major  sum  et  ad 
majora  genitus,  quam  ut  mancipium  sim  mei  corporis,  quod 
equidem  non  aliter  aspicio  quam  vinclum  aliquod  libertati 
meae  circumdatum.  —  Ep.  70,  12  :  In  nulla  re  magis  quam  in 
morte  morem  animo  gerere  debemus.  Exeat,  qua  impetum 
cepit  :  sive  ferrum  appétit  sive  laqueum  sive  aliquam  potio- 
nem  venas  occupantem,  pergat  et  vincula  servitutis  abrumpat. 

—  Ep.  77,  15  :  ...  vita,  si  moriendi  virtus  abest,  servitus  est. 

—  Voyez  aussi  :  De  Prorid.,  4,  7;  Ep.  14,  5-6;  Ep.  24,  17. 
Cependant,  il  est  aussi  une  servitude  plus  douce,  celle  que 

crée  un  bienfait  :  De  Benef.,  Lib.  VI,  41,  2. 

Lorsque  les  liens  funestes  qui  enchaînent  les  hommes  nous 
pèsent  trop,  nous  avons  le  droit,  suivant  la  doctrine  stoïcienne, 
de  les  rompre  pour  échapper  ainsi  à  un  esclavage  devenu 
intolérable;  et  Sénèque  nous  y  engage  en  termes  énergiques  : 
Ep.  19,  6  :  In  eam  demissus  es  vitam,  quae  numquam  tibi 
terminum  miseriarum  ac  servitutis  ipsa  factura  sit.  Subduc 
cervicem  jugo  tritam  :  semel  illam  incidi  quam  semper  premi 
satius  est.  —  Ep.  104,  34  :  Possumus  itaque  adversus  ista 
tantum  habere  animi,  libeat  modo  subducere  jugo  collum.  — 
Puis  :  Ep.  22,  3;  Ep.  70,  19.  La  lettre  70  serait  d'ailleurs  tout 
entière  à  citer  :  c'est  une  apologie  du  suicide,  avec  des 
exemples  historiques  et  de  pittoresques  comparaisons. 

Se  donner  la  mort,  dit  encore  Sénèque,  c'est  sortir  d'une 
prison,  c'est  se  mettre  à  l'abri  des  coups  do  la  fortune.  11  faut 
y  contraindre  ceux  qui  sont  trop  lâches  pour  pouvoir  s'y 
résoudre  :  De  tranquïll.  an.,  10,  o. 


—     138     — 

Les  «  liens  ••  du  mariage  sont  aux  yeux  de  Sénèque  des 
»  entraves  »  :  De  Remed.  fortuit.,  XVI,  2. 

L'homme  qui  passe  sa  vie  dans  une  voluptueuse  oisiveté  est 
tout  aussi  mort  qu'un  condamné  traîné  aux  gémonies:  Ep.82,3. 

Les  hommes  qui  tiennent  beaucoup  à  la  vie  ressemblent 
aux  locataires  qui  ne  peuvent  se  décider  à  quitter  leur  vieille 
maison  :  Ep.  70,  16  ('). 

Celui  qui  veut  acheter  un  cheval  le  fait  dépouiller  de  son 
harnais;  on  fait  déshabiller  les  esclaves  qui  sont  en  vente. 
De  même  devrait-on  faire  pour  l'homme  au  point  de  vue 
moral  :  Ep.  80,  9. 

Le  tyran  ressemble  a  la  populace  qui,  lors  des  réjouissances 
publiques,  gaspille  ce  dont  elle  ne  veut  plus  :  Ep.  114,  24. 

Les  subtilités  de  la  dialectique  ressemblent  aux  tours  de 
passe-passe  d'un  prestidigitateur  :  Ep.  45,  8. 

"  Parentare  »,  célébrer  une  cérémonie  funèbre,  est  pris  en 
guise  de  métaphore  :  De  vit.  beat.,  11,  4. 

L'extérieur  des  Epicuriens  ne  milite  pas  en  leur  faveur,  dit 
Sénèque;  c'est  comme  si  un  homme  était  revêtu  de  la  <•  stola  » 
(robe  des  matrones)  :  De  vit.  beat.,  13,  3. 

«  Aléa  •>  est  employé  comme  métaphore  :  Ep.  99,  12. 

Une  de  ces  métaphores  énergiques  qu'affectionne  Sénèque 
est  encore  celle-ci  :  Ep.  19,  9  :  Ingeniosus  ille  vir  fuit 
(se.  Maecenas),  magnum  exemplum  Romanae  eloquentiae 
daturus,  nisi  illum  enervasset  félicitas,  immo  castrasset. 

La  conduite  de  Dieu  envers  le  sage,  qui  est  son  «  fils  »,  est 
comparée  par  Sénèque  à  la  sévère  éducation  à  laquelle  un 
chef  de  famille  romain  soumettait  ses  enfants  :  De  Provid.,  1,  5. 

La  fortune  ressemble  à  une  maîtresse  capricieuse  qui  punit 
ou  récompense  au  hasard  ses  esclaves  (2):  Consol.  ad  Marc.  ,10,6. 


(')  A  propos  de  l'expression  «  inquilinus  »  qui  figure  dans  ce  passage, 
cf.  Ep.  108,  5. 

(2)  Au  contraire,  Dieu,  d'après  Epictète,  est  un  maître  excellent,  toujours 
prêt  à  récompenser  les  bons  serviteurs  qui  se  dévouent  à  son  service 
{Entretiens,  111,  xm,  9-14). 


—     139     — 

La  volupté  est  représentée  par  Sénèque  connue  une  per- 
sonne «  dégouttante  de  parfums  ■>  (unguento  madens)  :  De  vit. 
beat.,  7,  3. 

Les  biens  terrestres  sont  «  fardés  •>  (fuco  circumlita)  : 
Consol.  ad  Jlelv.,  5,  G.  —  Cf.  aussi  fr.  97  (fucata  officia). 

Un  style  maniéré  fait  songer  aux  petits  jeunes  gens  du 
monde  à  la  chevelure  parfumée  :  Ep.  115,  2. 

Le  sage  ne  veut  pas  se  faire  plus  grand  qu'il  n'est,  comme 
font  certaines  gens  qui  se  dressent  sur  la  pointe  des  pieds  : 
Ep.  111,  3. 

Les  débauchés  ont  donné  une  mauvaise  réputation  aux 
parfums;  de  même,  les  parasites  ont  compromis  ce  qu'il  y  a 
de  noble  dans  l'amitié  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  25,  i. 

Voici  une  comparaison  tirée  de  la  coutume  des  distributions 
au  peuple  :  Ep.  73,  8  :  Ex  congiario  tantum  ferunt  hommes, 
quantum  in  capita  promissum  est.  Epulum  et  visceratio  <Cet> 
quicquid  aliud  manu  capitur,  discedit  in  partes  :  at  haec  indi- 
vidua  bona,  pax  et  libertas,  et  tam  omnium  tota  quam  singu- 
lorum  sunt.  —  Cf.  aussi  Consol.  ad  Marc.,  22,  4. 

Un  homme  qui  amasse  dans  sa  tête  une  foule  de  notions  sur 
la  littérature  ressemble  à  quelqu'un  qui  collectionnerait  des 
objets  inutiles  :  Ep.  88,  36. 

Le  style  de  Mécène  fait  songer  à  ces  gens  qui  s'habillent  et 
se  coiffent  de  la  manière  la  plus  bizarre  pour  attirer  l'attention 
sur  eux  :  Ep.  114,  21. 

Dans  la  vie  on  doit  s'attendre  aux  mêmes  accidents  que 
dans  les  lieux  publics  comme  les  bains  ou  au  milieu  de  la 
foule  :  Ep.  107,  2. 

Les  atomes  qui  remplissent  un  espace  étroit  s'entrelacent 
et  se  compriment,  de  même  que,  sur  une  place  publique 
encombrée  de  monde,  les  gens  se  bousculent  et  se  gênent 
mutuellement  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  V,  2. 

Les  désirs  des  hommes  ressemblent  à  des  ruelles  étroites, 
où  les  passants  se  heurtent  sans  cesse  et  se  querellent  :  De 
Ira,  Lib.  III,  34,  3. 

«  Excutere  »  (secouer)  est  employé  plusieurs  fois  meta- 


—    140    — 

phoriquement  par  Sénèque  :  Ep.  11,  1;  Ep.  58,  5;  Ep.  102,  24; 
De  Benef.,  Lib.  VII,  22,  1. 

L'habitude  du  bien  est  comparée  à  une  teinture  qui  ne  peut 
se  décolorer  entièrement  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  19,  6. 

Un  denier  n'est  pas  mauvais  parce  qu'il  est  refusé  par  un 
rustre  étranger  qui  ignore  la  marque  officielle;  de  même,  un 
bienfait  mal  accueilli  n'en  reste  pas  moins  un  bienfait  :  De 
Benef..  Lib.  V,  20,  2. 

Celui  qui  cache  sa  tromperie  sous  l'apparence  d'un  véri- 
table bienfait  est  un  ingrat  autant  que  l'est  un  empoisonneur 
lorsque,  au  lieu  de  verser  du  poison,  il  a  donné  un  soporifique  : 
De  Benef.,  Lib.  V,  13,  4. 

De  même  qu'un  homme  de  condition  médiocre  se  console 
d'un  deuil  en  voyant  que  les  grands  même  ne  sont  pas  à  l'abri 
du  malheur,  de  même  devons-nous  supporter  les  injures 
en  nous  disant  qu'aucune  puissance  n'est  protégée  contre 
l'offense  :  De  Ira,  Lib.  III,  25,  1. 

L'argent  vient  à  certaines  gens  comme  un  denier  qui  tombe 
dans  l'égout  :  Ep.  87,  16. 

L'homme  à  la  poursuite  du  bonheur  ressemble  à  celui  qui, 
dans  un  labyrinthe,  s'égare  d'autant  plus  qu'il  court  plus 
vite  :  Ep.  44,  7. 

De  même  que  l'hôte  montre  à  l'étranger  la  beauté  des  villes 
que  ce  dernier  ne  connaît  pas,  de  même  l'aïeul  du  fils  de 
Marcia  expliquera  à  celui-ci  les  causes  des  phénomènes 
célestes  :  Consol.  ad  Marc.,  25,  2. 

Baïes  est  appelée  par  Sénèque  «  l'hôtellerie  »  des  vices 
(deversorium)  :  Ep.  51,  3. 

Certaines  gens  éprouvent  à  écouter  un  discours  passionné 
le  même  enthousiasme  que  les  eunuques  de  Cybèle  au  son  de 
la  flûte  phrygienne  :  Ep.  108,  7. 

Celui  qui  ne  vit  que  pour  lui-même  ressemble  à  un  mort 
i|iû  gît  dans  son  tombeau  :  on  pourrait  inscrire  son  épitaphe 
sur  le  seuil  de  sa  maison  :  Ep.  60,  40. 

Les  Epicuriens  sont  des  philosophes  vraiment  dignes 
de  ce  nom,  mais   l'apparence  est  contre  eux;   ••  ils  ont  en 


—    141     — 

main  un  tambourin  •>,  dit  Sénèque  :   De  vit.  beat.,  13,  3  ('). 

Les  voluptés  sont  semblables  à  ces  voleurs  que  les  Égyptiens 
appellent  (fîhjvat  :  elles  ne  nous  embrassent  que  pour  nous 
étouffer  :  Ep.  51,  13. 

Sénèque  appelle  munusculum  une  maxime  qu'il  joint  à  sa 
lettre  :  Ep.  10,  5. 

Nous  passerons  maintenant  aux  très  nombreuses  compa- 
raisons qui  sont  empruntées  au  corps  humain  et  à  ses  fonc- 
tions ordinaires  (2). 

Nous  sommes  tous  les  membres  d'un  grand  corps,  dit 
Sénèque  :  Ep.  95,  52.  —  Cf.  aussi  fr.  95. 

Les  hommes  mous  et  apathiques  ont  une  âme  qui  languit 
dans  le  sommeil  :  De  Provid.,  5,  9. 

Le  sommeil  a  fourni  d'autres  comparaisons  encore.  Les 
voici  :  Ep.  20,  13  :  Excitandus  e  somno  et  vellicandus  est 
animus  admonendusque  naturam  nobis  minimum  constituisse. 
Puis  :  Ep.  53,8;  Ep.  94,  29;  Ep.  102,  1;  De  Benef.,  Lib.  V, 
23,  1;  De  Provid.,  6,3;  De  tranquill.  an.,  2,6;  Id.,  2,  8; 
ld.,  17,  6  ;  De  Remed.  fortuit.,  III,  2. 

«  Alere  »,  «  devorare  »,  »  exedere  »,  «  consumere  »,  «  prae- 
gustare  »,  «degustare  »,  «  nutrire  »,  »  innutrire  •%  «  satiare  », 
«  concoquere  »,  «  plénum  esse  »,  tous  ces  termes  désignant 
l'acte  de  la  nourriture,  se  rencontrent  métaphoriquement  chez 
Sénèque  :  <■  Alere  »  :  De  tranquill.  an.,  2,  10;  Ep.  84,  1.  — 
«  Devorare  »  :  Consol.  ad  Marc,  1,  2.  —  «Exedere»  :  Ep.  101,  8. 

—  «  Consumere  »  :  De  brevit.  vit.,  2,  4.  —  «  Praegustare  »  : 
De  vit.  beat.,  11,  2.  —  «•  Degustare  »  :  Ep.  33,  5.  —  »  Nutrire  »  : 
De  Ira,  Lib.  II,  21,  1;  Ep.  25,  2;  Ep.  31,  5.  —  «  Innutrire  »  : 
Ep.  2,  2.  —  «  Satiare  «  :  Ep.  19,  7;  »  Concoquere  <•  :  Ep.  2,  4. 

—  «  Plénum  esse  »  :  Ep.  61,  4. 


(')  Cf.  plus  haut  le  passage  sur  la  «  stola  >•  portée  par  un  bouime. 

(2)  Il  est  évident  que  toutes  celles  qui  ont  rapport  a  des  maladies  ou  des 
affections  figurent  dans  le  chapitre  11,  à  cause  du  caractère  !<>nt  particulier 
qu'offrent    ces    comparaisons   par    rapport  aux    idées   philosophiques   de 

Sénèque. 


—     142    — 

•  Haurire  »,  «  exhaurire  »,  sont  souvent  aussi  employés 
par  Sénèque  au  figuré,  ainsi  que  «  perbibere  »,  «  conbibere  », 
«  macerare  ».  «  Haurire  »  :  Ep.  15,  11  (bis);  Ep.  59,  9; 
Ep.  99,  5;  Ep.  108,  2;  Consoî.  ad  Marc,  3,  2.  —  «  Exhaurire  »  : 
Ep.  40,  2;  Ep.  84,  2.  —  «  Perbibere  »  :  De  Ira,  Lib.  I,  16,  3; 
Ep.  36,  3;  Ep.  94,  11.  —  «  Conbibere  »  :  Ep.  49,  1.  - 
«  Macerare  »  :  Ep.  49.  6. 

De  la  soif  à  l'ébriété,  il  n'y  a  qu'un  pas,  facile  à  franchir 
surtout  pour  les  Romains  de  l'Empire.  Sénèque  avait  vu,  sans 
doute,  au  cours  de  son  existence,  nombre  de  gens  «  égayés  » 
par  l'excès  de  vin,  car  les  métaphores  qui  sont  consacrées  à 
ce  divertissement  ne  sont  pas  rares  :  Ep.  114,  22  :  "  Quomodo 
in  vino  non  ante  lingua  titubât  quam  mens  cessit  oneri  et 
inclinata  vel  prodita  est  :  ita  ista  orationis  quid  aliud  quam 
ebrietas  nulli  molesta  est,  nisi  animus  labat.  —  Voyez  ensuite 
De  Ira,  Lib.  I,  4,  1;  De  Provid.,  4,  9;  De  tranquill.  an.,  17,  9; 
Ep.  12,  4;  Ep.  36,  2;  Ep.  58,  32;  Ep.  59,  15;  Ep.  105,  6. 

Sénèque  parle  ausbi  d'un  «  ebrius  sermo  »  :  Ep.  19,  9. 

«  Aures  pervellere  »  (tirer  les  oreilles,  comme  nous  disons 
également  en  français,  avec  la  même  métaphore)  est  employé 
par  Sénèque  à  plusieurs  reprises;  Ep.  94,  55;  De  vit.  beat., 
10,3;  De  Benef.,  Lib.  IV,  36,  1.  —  Cf.  aussi  «  scabere  » 
(chatouiller)  :  Ep.  75,  7  :  Quid  aures  meas  scabis? 

L'éloquence  populaire  veut  avant  tout  «  entraîner  dans 
son  élan  les  oreilles  inexpérimentées  »  :  Ep.  40,  4. 

La  voix  du  sage  résonne  doucement  à  nos  oreilles  assourdies 
par  le  tumulte  des  fausses  opinions  :  Ep.  94,  59. 

L'oreille  de  la  mère  de  Marcellus  fut  «  sourde  »  à  toute 
consolation  :  Consol.  ad  Marc,  2,  5. 

La  vue  a  donné  lieu  à  quelques  métaphores  également  : 
Ep.  66,  30  :  Quisquis  haec  inparia  judicat,  ab  ipsis  virtutibus 
avertit  oculos  et  exteriora  circumspicit  :  bona  vera  idem 
pendent,  idem  patent.  -  Ep.  88,  45  :  Illi  non  praeferunt 
lumen,  per  quod  acies  derigatur  ad  verum,  hi  oculos  mihi 
elfodiunt. 

Ce  qui  constitue  l'homme  vertueux,  ce  n'est  pas  la  diminu- 


—    143    — 

tion  des  vices,  mais  leur  absence;  car  le  plus  léger  défaut 
est  un  obstacle  à  la  perfection,  de  même  que  la  moindre 
affection  des  yeux  suffit  pour  troubler  la  vue  :  Ep.  85,  5. 

De  même  que  chaque  homme  possède  les  cinq  sens,  et  n'a 
pas  pour  cela  la  vue  perçante  de  Lyncée,  de  même,  chez  le 
«  stultus  •>,  tous  les  vices  ne  sont  pas  aussi  saillants  que 
certains  vices  chez  quelques-uns  :  De  Benef.,  Lib.  IV,  27,  3. 

Chaque  fois  que  des  œuvres  divines  on  abaisse  ses  regards 
vers  les  choses  humaines,  on  a  l'impression  de  passer  de  la 
clarté  du  jour  à  des  ténèbres  profondes  :  Natur.  Quaest., 
Lib.  III,  Praefatio,  11. 

On  n'oserait  point  faire  en  plein  jour  ce  que  l'on  fait  dans 
les  ténèbres  :  de  même,  ce  qui  irrite  lorsqu'on  est  absent 
devient  insignifiant  quand  on  y  assiste  :  /r.  91. 

Les  énergiques  métaphores  :  «  respuere  »,  »  exspuere  », 
sont  loin  d'être  rares  chez  notre  philosophe  :  Ep.  9,2;  Ep.  13, 
12;  Ep.  79,  14;  Ep.  104,  34;  Ep.  116,  5;  De  Const,  sap., 
3,4;  Id.,  11,1;  Consol.  ad  Marc,  9, 4;  De  vit.  beat.,  21,4; 
De  brevit.  vil,  7,  3;  De  Benef.,  Lib.  VII,  7,  5;  De  Ira,  Lib.  III, 
43,  4;  DeRemed.  fortuit.,  I,  3;  Id.,  X,  11. 

Une  couple  de  métaphores  sont  empruntées  à  la  barbe  et 
aux  cheveux  :  Ep.  82,  15;  Ep.  92,  34;  De  tranqv.Ul.  an.,  8,  3. 

Les  comparaisons  qui  suivent  sont  tirées  de  la  marche  (') 
De  Benef.,  Lib.  IV,  34,  3  :  Conscientia  vestra  hoc  loco  titubât. .. 
—  Ep.  20,  3  :  ...  vitium  est  haec  diversitas  et  signum  vacil- 
lantis  animi  ac  nondum  habentis  tenorem  suum.  —  Voyez 
encore  Consol.  ad  Marc,  4,  2  (titubare);  De  Ira,  Lib.  I,  7,  4; 
De  vit.  beat.,  25,  6;  De  Benef.,  Lib.  II,  12,  2;  Ep.  120,  17. 


(')  Ici  encore,  nous  devons  répéter  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  au 
sujet  des  métaphores  tirées  du  corps  humain  :  les  métaphores  et  comparai- 
sons énumérées  ici,  tout  en  ayant  une  certaine  ressemblance  avec  celles 
qui  sont  groupées  dans  la  2e  partie  du  chapitre  III  (métaphores  et  compa- 
raisons empruntées  aux  voyages  sur  la  terre  ferme),  ne  présentent  cepen- 
dant pas,  comme  celles-ci,  le  caractère  tout  particulier  que  nous  avons 
tâché  de  mettre  en  lumière  dans  le  chapitre  susdit. 


—    144    — 

[nduere  »  et  son  contraire  »  exuere  »  sont  souvent  pris 
métaphoriquement  par  Sénèque.  <•  Induere  »  :  De  Benef., 
Lib.  II,  2, 2:  /</.,  Lib.  IV,  17,  3;  Ep.  47,  20;  Ep.  64,  4;  Ep.  67,  12; 
Ep.  71.  L9;  /•>.  11:!.  14.—  «  Exuere  »  :  De  Benef.,  Lib.  IV, 
17,  -1:  M-  Jra#.  ''/..  4,  4;  Ep.  11,  1;  A>.  22,  3;  £/>.  24,  2; 
Éfc.  10,  s;  Ep.  76,  32;  />.  80,4;  .%  85,  8;  Ep.  85,  29;  £>.  90,  28; 
Ep.  95,  21;  %  104,21. 

De  même  que  certains  habits  conviennent  mieux  au  philo- 
sophe que  certains  autres,  de  même  il  y  a  des  pays  dont  le 
séjour  est  moins  recommandable  au  sage  que  tels  autres  : 
A>.51,  2. 

Le  corps  est  une  espèce  de  vêtement  dont  la  nature  a  enve- 
loppé l'âme  :  Ep.  92,  13.  —  Cf.  aussi  Ep.  21,  9  (velamentum 
vitiorum). 

Si  l'on  vient  à  perdre  un  ami,  il  faut  chercher  un  ami 
nouveau,  de  même  que,  si  l'on  a  perdu  son  habit,  on  en  fait 
confectionner  un  neuf  :  Ep.  63,  11. 

Les  gens  qui  ne  possèdent  point  la  sagesse  agissent  comme 
les  enfants,  qui  s'effraient  ou  s'irritent  pour  un  rien,  et 
attachent  de  la  valeur  à  des  objets  qui  n'en  ont  aucune.  Cette 
comparaison  est  fréquemment  employée  par  Sénèque  :  De  Ira, 
Lib.  III,  34,  1  :  Crede  mihi,  levia  sunt  propter  quae  non  leviter 
excandescimus,  qualia  quae  pueros  in  rixain  et  jurgium  con- 
citant.  —  Ep.  115,  8  :  Tune  intellegere  nobis  licebit,  quam 
conteinnenda  miremur,  simillimi  pueiïs,  quibus  omne  ludicrum 
in  pretio  est  :  parentibus  quippe  nec  minus  fratribus  praefe- 
runt  parvo  aère  empta  monilia.  —  Puis  :  De  Ira,  Lib.  I,  2,  6; 
Ibid.,  12,  4;  I<L,  Lib.  11,  11,  2;  De  Const.  sap.,  5,  2;  Ep.  21,  13; 
Ep.  99,  27;  Ep.  104,  13.  —  Cf.  aussi  De  Const.  sap.,  12,  1  et 
De  vit.  beat.,  26,  4. 

Le  sage  joue  vis-à-vis  des  «  stulti  »  le  rôle  du  maître  à 
l'égard  des  jeunes  élèves  auxquels  il  doit  inculquer  les  pre- 
miers principes  des  diverses  sciences  :  De  Benef..  Lib.  V,  25,  6; 
Ep.  73,  4;  Ep.  89;  13  <-  sapiens...  humani  generis  paedagogus  ••; 
Ep.  90,  26;  Ep.  94.  51. 

Les  sages,  eux,  ont  comme  maîtres  les  dieux  :  De  Provid., 
4,  11. 


—    145    — 

Sénèque  parle  d'anilia  praecepta,  préceptes  <•  dignes  d'une 
vieille  femme  »  :  Ep.  94,  2. 

Le  souverain  bien  est  facile  à  trouver;  on  peut  le  «  montrer 
du  doigt  »  (digito  demonstrare)  :  Ep.  71,  4. 

Le  teint  se  hâle  lorsqu'on  s'expose  au  soleil;  de  même,  au 
sortir  de  chez  un  philosophe,  on  emporte  avec  soi  quelque 
chose  de  sa  sagesse  :  Ep.  108,  4. 

Un  écrivain  recherché  est  comparé  par  Sénèque  à  quelqu'un 
qui  s'épile  jusqu'aux  jambes,  un  auteur  négligé  à  un  homme 
qui  ne  s'épile  pas  même  les  aisselles  :  Ep.  114,  14. 

Une  existence,  si  courte  qu'elle  soit,  peut  être  bien  remplie, 
de  même  qu'un  homme  de  petite  taille  peut  être  néanmoins 
d'une  excellente  constitution  :  Ep.  93,  7. 

Les  mains  se  voient,  mais  le  cœur,  qui  donne  la  vie  aux 
mains,  est  invisible  ;  de  même  les  préceptes  sont  évidents, 
tandis  que  les  principes  essentiels  de  la  sagesse  sont  cachés  : 
Ep.  95,  64. 

11  ne  faut  pas  s'irriter  contre  un  brigand  ou  un  empoison- 
neur, pas  plus  qu'on  ne  se  fâche  contre  soi-même  lorsqu'on 
perd  du  sang  :  De  Ira,  Lib.  I,  16,  1. 

Les  nuages  s'entre-choquent  comme  les  mains  qui  applau- 
dissent :  Natur.  Quaest,,  Lib.  II.  27,  4. 

Ce  n'est  qu'imperceptiblement  qu'on  «  descend  "  vers 
certains  vices,  tandis  qu'on  est  <•  précipité  •>  vers  la  colère  : 
De  Ira,  Lib.  III,  1,  5. 

Certaines  âmes  inquiètes  »  se  retranchent  dans  les  coins  ■> 
et  «  se  couchent  sur  »  leurs  chagrins  (in  angulos  se  retrahere, 
incubare)  :  De  tranquïll.  an.,  2,  11.  —  Cf.  aussi  Ep.  30,  1  et 
De  Benef.,  Lib.  VII,  10,  2. 

Empêcher  quelqu'un  de  s'élever  par  ses  vertus  jusqu'au 
ciel,  c'est  le  contraindre  de  vivre  la  tète  baissée  :  Ep.  65,  20. 

Il  faut  user  avec  modération  des  biens  matériels,  afin  que, 
si  on  nous  les  enlève  un  jour,  ils  n'emportent  pas  avec-  eux 
une  partie  de  nous-mêmes  :  Ep.  74,  18. 

De  même  que  notre  ombre  tantôt   nous  précède  et  tantôt 

lu 


—     146    — 

nous  suit,  de  même  la  gloire  se  montre  et  se  cache  alternative- 
ment :  Ep.  79,  13. 

La  vertu  n'est  ni  grande  ni  petite  :  elle  a  toujours  la  même 
taille  :  Ep.  71,8. 

Sénèque  parle  d'une  chose  qui  »  s'assied  »  dans  notre  âme 
(nous  usons  d'une  autre  métaphore  :  se  «  grave  »)  :  Ep.  2,  2. 

Les  conseils  «  pénètrent  dans  »  (intrare)  l'âme  et  s'y  »  atta- 
chent »  (haerere)  :  Ep.  38,  1.  —  Cf.  aussi  De  Benef.,  Lib.  Il,  1,  2- 

Les  gens  qui  citent  toujours  l'avis  des  autres  »  se  cachent  à 
l'ombre  d'autrui  »  (sub  aliéna  uinbra  latere)  :  Ep.  33,  8. 

L'ambition,  «  fatiguée  »  par  des  insuccès,  se  retire  quelque 
temps,  mais  pour  reparaître  bientôt  avec  plus  de  violence  : 
Ep.  50,  9. 

Nous  ne  serons  parfaitement  heureux  que  si  notre  âme 
'•  se  tient  toujours  debout  »  (erectus)  et  est  contente  d'elle- 
même  :  Ep.  59,  14. 

On  rejette  le  sage  »  dans  sa  peau  »  (intra  cutem  cogère), 
dit  Sénèque;c'est-à-dire  qu'on  le  repousse  de  partout  :  Ep.\),  13. 

I  îertaines  vertus  «  se  tiennent  par  la  main  »  (consertae)  et 
«  sont  attachées  les  unes  aux  autres  »  (inter  se  cohaerentes)  : 
Ep.  90,  3  :  ...  religio,  pietas,  justifia  et  omnis  alius  comitatus 
virtutum  consertarum  et  inter  se  cohaerentiurn. 

Le  sage  ne  fait  pas  comme  les  gens  qui  «  sont  attachés  » 
(cohaerere)  aux  richesses,  c'est-à-dire  qui  en  sont  les  esclaves  : 
De  vit.  beat,  26,  1.  —  Cf.  aussi  De  Benef.,  Lib.  Vil,  19,  8. 

L'adversité  ne  fait  qu'«  effleurer  la  peau  »  du  sage  :  Ep.  72,  5. 

A  certaines  gens,  je  «  pousserai  de  force  »  (inculcare)  mes 

*  bienfaits  »,  dit  iSénèque,  avec  cette  véhémence  d'expression 
qu'on  rencontre  si  souvent  dans  ses  images  :  De  vit.  beat.,  24,  1. 
—  Cf.  aussi,  dans  le  même  sens,  l'emploi  de  '•  conculcare  »  : 
Ep.  23,  6,  et  de  «  ingerere  »  :  Ep.  12,  11,  et  Ep.  94,  25. 

Se  consoler  d'un  malheur,  c'est  <•  replacer  son  âme  sur  son 
siège  »  (in  sedem  suam  reponere),  ou,  comme  nous  disons,  la 

•  rétablir  dans  son  assiette  ■■■  :  Couaol.  ad  Marc.,  2,  2. 

Les  livres  de  Cremutius  Cordus  ont  été  écrits  <•  avec  son 
sang  "  :  Consul,  ad  Marc,  1,  3. 


-    147    — 

Le  sage  aura  une  bourse  vite  ouverte,  mais  non  percée, 
d'où  il  sortira  beaucoup,  mais  d'où  rien  ne  tombera  pour  se 
perdre  :  De  vit.  beat.,  23,  5. 

Il  faut  venir  à  la  vertu  «  les  mains  ouvertes  »  (soluto  sinu)  : 
De  Benef,  Lib.  IV,  24,  2. 

Les  désirs  des  hommes  «  ouvrent  toujours  une  gueule  avide  » 
(hiare)  :  De  Benef.,  Lib.  VII,  26,  3. 

"  Mon  précepteur  »,  dit  Sénèque,  «  a  «  tiré  par  la  main  « 
(manu  extrahere)  mon  esprit  lent  et  paresseux  »  :  De  Benef., 
Lib.  VI,  16,  7. 

Sénèque  dit  qu'il  a  «  touché  de  la  main  »  (manu  prendere), 
c'est-à-dire  pris  sur  le  fait,  certaine  disposition  de  son  ami 
Liberalis  :  De  Benef.,  Lib.  VI,  42,  1. 

L'habitation  de  l'homme  a  fourni  également  un  certain 
nombre  de  comparaisons. 

La  vieillesse  décrépite  est  comparée  à  une  maison  qui  tombe 
en  ruines  :  Ep.  30,  2,  et  Ep.  58,  35. 

11  faut  «  fermer  sa  porte  »  (excludere)  aux  affaires,  d'après 
les  stoïciens  et  Sénèque  :  Ep.  72,  11. 

Il  ne  faut  «  saluer  que  de  loin  -  (littéralement  :  «  du  seuil 
de  sa  maison  ■>,  a  limine  salutare)  les  choses  de  la  dialectique  : 
Ep.  49,  6. 

Le  sage  se  prépare  toujours  à  ce  que  la  mort  lui  fasse  signe 
de  sortir  de  sa  maison  (c'est-à-dire  de  la  vie)  pour  l'accom- 
pagner :  Ep.  61,  2. 

Le  sage  parfait  ne  «  tremble  »  pas  sur  sa  «  base  »  (suo 
loco  nutare),  comme  l'aspirant-philosophe  :  Ep.  35,  4. 

La  colère  ressemble  à  ces  ruines  qui  se  brisent  sur  ce 
qu'elles  écrasent  :  De  Ira,  Lib.  I,  1,  2. 

Notre  corps  est  une  hôtellerie  qu'il  faut  quitter  dès  qu'on 
se  sent  à  charge  à  son  hôte  :  Ep.  120,  14. 

L'homme  habite  ici-bas  une  maison  qui  n'est  pas  la  sienne  : 
Ep.  120,  16. 

Caton  «  restait  debout  ■>  (non  labare)  sur  les  «  ruines  »  de 
sa  patrie  :  Ep.  95,  71. 

Beaucoup  de  riches  ne  sont  brillants  qu'à  l'extérieur,  comme 
les  murs  de  leur  palais  :  De  Provid.,  6,  4. 


—     148    — 

La  flatterie  ressemble  à  une  maîtresse  qu'on  chérit  lors- 
qu'elle pousse  la  porte,  qu'on  adore  lorsqu'elle  la  force  : 
Natur.  Quaest.,  Lib.  IV,  Praefatio,  6. 

Dans  les  grandes  villes,  les  maisons  ont  tour  à  tour  besoin 
d'être  étayées;  de  même,  sur  notre  terre,  tantôt  une  partie, 
tantôt  une  autre  se  désagrège  :  Natur.  Quaest.,  Lib.  VI,  1,  12. 

Adsignare,  marquer  d'un  signe  pour  indiquer  l'attribution 
d'une  terre  à  un  colon,  est  employé  métaphoriquement  : 
Ep.  54,  1. 

L'homme  est  un  vase  que  le  choc  le  plus  léger  brise  : 
Consol.  ad  Marc,  11,  3. 

L'âme  qui  ne  sait  pas  jouir  du  passé  est  assimilée  à  un  vase 
percé  :  Ep.  99,  5  :  perforato  animo...  et  transmittente  quicquid 
acceperat.  Cette  métaphore  se  rencontre  déjà  dans  Lucrèce, 
III,  934-935  (pertusum  quasi  in  vas). 

«  Amplecti  »,  «  amplexari  »,  "  complecti  »  sont  souvent 
usités  comme  métaphores  par  Sénèque  :  <•  Amplecti  »  : 
Ep.  45,  6.  —  "  Amplexari  »  :  Ep.  66,  48;  Ep.  106,  1.—  «  Com- 
plecti »  :  De  vit.  beat,  10,  3;  Ep.  1,  2;  Ep.  12,  4;  Ep.  20,  5; 
Ep.  75,  10;  Ep.  79,  14;  Ep.  94,  1.  —  Cf.  aussi  «  amplexus  »  : 
Consol.  ad  Helv.,  19,  3  et  De  Ira,  Lib.  III,  25,  4;  et  «  corn- 
plexus  »  :  Ep.  53,  8  et  Ep.  66,  13. 

L'amour  sensuel  a  fourni  les  comparaisons  suivantes  :  De 
Benef.,  Lib.  IV,  14,  1;  ld.,  Lib.  VI,  25,  2;  ld.,  Lib.  VII,  13; 
Ep.  22,  10. 

Le  philosophe  aime  d'un  amour  très  sincère,  quoique  calme, 
de  même  que  les  baisers  d'un  père,  pour  être  moins  passionnés 
que  ceux  d'un  amant,  n'en  viennent  pas  moins  du  cœur  : 
Ep.  75,  3. 

De  même  qu'une  courtisane  sait  donner  à  chacun  de  ses 
amants  quelque  signe  d'amour  particulier,  de  même  celui  qui 
veut  rendre  ses  bienfaits  aimables  doit  trouver  le  moyen 
d'obliger  tout  le  monde  tout  en  distinguant  chacun  person- 
nellement :  De  Benef.,  Lib.  I,  14,  4. 

On  devrait  «  caresser  »,  «  apaiser  »  (permulcere)  la  pau- 
vreté :  Ep.  87,  40. 


—     149    — 

Le  terme  énergique  «  impingere  »,  pousser  brutalement, 
avec  force,  appliquer  violemment  ('),  est  employé  :  Ep.  95,  3, 
etEp.  117,  1. 

Plusieurs  métaphores  sont  tirées  de  l'habitude  qu'avaient 
les  Romains  d'imprimer  un  cachet  ou  une  étiquette  {signiim, 
nota,  titulus)  sur  les  choses  leur  appartenant  :  Ep.  18,  16; 
Ep.  45,  7;  Ep.  81,  9.  —  Cf.  aussi  :  Ep.  115,  1. 

S'émouvoir  de  la  fuite  de  ses  esclaves  est  aussi  ridicule  que 
de  se  plaindre  d'être  sali  par  la  boue  dans  la  rue  :  Ep.  107,  2. 

«  Souiller,  ternir  »  (inquinare,  aspergere)  la  réputation  de 
quelqu'un  :  cette  métaphore,  si  commune  aujourd'hui,  se 
trouve  déjà  chez  Sénèque  (qui  ne  l'a  d'ailleurs  pas  inventée) 
De  Benef,,  Lib.  VII,  30,  2.  —  Cf.  aussi  Ep.  91,  20  (vir  bonus 
iniquis  rumoribus  sparsus). 

Sénèque  emploie  aussi  l'expression  <•  inquinare  animos  »  : 
Ep.  94,  59. 

A  la  vue  d'un  endroit  familier  à  un  ami  parti  au  loin,  on 
songe  avec  regret  à  celui-ci,  de  même  que  le  deuil  d'un  mort 
aimé  se  ravive  lorqu'on  se  trouve  en  présence  d'un  objet 
ayant  appartenu  au  défunt  :  Ep.  49,  1. 

L'arithmétique,  d'après  Sénèque,  nous  <•  forme  les  doigts  •> 
(commodare  digitos)  pour  l'avarice  :  Ep.  88,  10. 

Nous  devons  nous  assimiler  complètement  les  aliments  de 
l'esprit,  afin  de  former  une  seule  chose  de  plusieurs,  comme 
le  calcul,  qui  arrive  à  un  total  en  rassemblant  des  sommes 
moindres  et  différentes  :  Ep.  84,  7. 

Lorsque  la  flatterie  essayera  de  nous  faire  croire  que  nous 
sommes  des  sages,  faisons  comme  Alexandre,  qui,  ayant  été 
blessé,  s'écria  :  «  Tout  le  monde  jure  que  je  suis  fils  de  Jupiter, 
mais  cette  blessure  me  crie  que  je  ne  suis  qu'un  homme  »  : 
Ep.  59, 12. 

Comme  il  arrive  souvent  que  nous  cherchons  ceux  qui  sont 


(J)  Cf.  par  exemple  Ep.Al,  9  :  «  Stare  ante  limon  Callisti  dominum  suum 
vidi  et  eum,  qui  illi  inpegerat  fcitulum....  ». 


—    150    — 

près  de  nous,  ainsi  [e  but  du  souverain  bien  est  souvent,  sans 
que  nous  le  sachions,  à  côté  de  nous  :  Ep.  71,  4. 

Sénèque  s'étant  trouvé  à  court  de  mémoire,  se  compare  à 
un  vieux  livre  dont  les  feuillets  moisis  se  sont  collés  les  uns 
aux  autres  :  Ep.  72,  1.  —  Cf.  Ep.  58,  5  (situs,  en  parlant  de 
mots  tombés  en  désuétude). 

La  vieillesse  a  son  charme  particulier,  comme  l'enfant  sur 
le  point  de  devenir  jeune  homme  :  Ep.  12,  4. 

On  se  presse  autour  d'un  homme  influent  comme  autour 
d'un  lac,  pour  y  puiser  et  le  troubler  :  Ep.  36,  2. 

Sénèque  dit  qu'il  «  envoie  son  âme  »  (animum  mittere)  à 
tous  les  gens  de  bien,  en  quelque  lieu  qu'ils  soient,  à  quelque 
époque  qu'ils  aient  vécu  :  Ep.  62,  2. 

Un  homme,  à  qui  on  annoncerait  qu'il  devra,  au  bout  de 
cinquante  ans,  subir  des  supplices,  ne  s'en  troublerait  guère, 
comme  fait  celui  qui  s'attriste  de  malheurs  depuis  longtemps 
passés  :  Ep.  74,  34. 

Il  faut  «  rassembler  »  (colligere)  et  «  conserver  ■>  (servare) 
le  temps  :  Ep.  1,  1. 

Un  homme  qui  possède  des  biens  considérables  ne  mérite 
pas  plus  d'admiration  qu'un  cheval  qui  a  des  freins  d'or  : 
Ep.  41,  6. 

Discuter  sur  des  mots,  c'est  «  éplucher  »  (digerere)  des 
syllabes  :  Ep.  48,  5. 

On  se  «  pousse  »  (trudere)  l'un  l'autre  dans  les  vices  : 
Ep.  41,  9. 

Sénèque  nous  parle  aussi  de  la  philosophie  qui  nous 
•;  pousse  »  (impellere)  vers  le  dégoût  de  la  vie  :  Ep.  24,  26. 

L'éloquence  populaire  est  un  choc  de  paroles  jetées  pêle- 
mêle,  sans  choix  :  Ep.  40,  5. 

Par  la  suite  des  temps,  toutes  les  générations  ont  été 
confondues  et  jetées  pêle-mêle  par  la  Fortune  :  Ep.  4-4:,  4. 

Un  richard  n'est  pas  plus  grand  parce  qu'il  possède  d'im- 
menses propriétés,  pas  plus  qu'un  nain  ne  grandira  en  se 
plaçant  sur  une  montagne;  le  sage,  lui,  est  toujours  grand, 
comme  un  géant  qui  reste  tel  même  s'il  se  trouve  au  fond 
d'un  puits  :  Ep.  76,  31. 


—     151     — 

Le  mensonge  est  «  transparent  »  (tenue),  si  l'on  y  regarde 
de  près  :  Ep.  79,  18. 

Il  faut  que  nous  sachions  nous  dégager  de  la  fange  où  nous 
sommes  plongés  pour  nous  élever  jusqu'au  ciel  do  la  sagesse  : 
Ep.  75, 18. 

La  terre  est  pour  l'âme  une  prison  :  Ep.  79,  12. 

Les  passions  sans  issue  <•  s'étranglent  •>  elles-mêmes  :  De 
tranquill.  an.,  2,  10. 

Un  homme  digne  de  ce  nom  doit  ■■•  se  durcir  »  (obrigescere) 
dans  la  vie  :  Ep.  82,  2. 

L'ingrat  «  se  tourmente  »  (se  torquere)  et  «  se  consume  » 
(se  macerare)  par  sa  propre  faute  :  Ep.  81,  23. 

Celui  qui  reconnaît  d'autres  biens  que  la  vertu  tend  les 
mains  à  la  fortune,  et  attend  anxieusement  qu'elle  lui  jette 
ses  faveurs  :  Ep.  74,  6. 

Les  serrures  bien  fermées  tentent  les  voleurs,  mais  les 
maisons  ouvertes  sont  dédaignées  par  eux.  La  foule  agit  de 
même  :  dès  qu'on  lui  cache  un  endroit,  elle  veut  y  pénétrer  : 
Ep.  68,  4. 

La  renommée  »  se  joue  »  (illudere)  de  nous  :  Ep.  13,  8. 

Les  biens  sont  comme  la  mort  :  toujours  égaux,  ayant  une 
même  fin  :  Ep.  66,  43. 

Vivre  dans  la  retraite  sans  avoir  la  littérature  comme 
passe-temps,  c'est  entrer  vivant  au  tombeau  :  Ep.  82,  3. 

Si  la  raison  règne  sur  nous,  nous-mêmes  nous  serons  les 
maîtres  de  toutes  choses  :  Ep.  37,  4. 

Sénèque  dit  qu'il  veut  »  chercher  querelle  »  (convicium 
facere)  à  la  langue  latine  :  Ep.  58,  7. 

Vivre  à  la  lueur  des  torches  et  des  cierges,  équivaut  à 
célébrer  ses  funérailles:  Ep.  122,  ICI 

Il  y  a  des  gens  qui  veulent  continuer  à  vivre  malgré  tout; 
ils  «  mendient  »  l'existence,  selon  Sénèque  :  Ep.  101,  13  :  Quid 
tam  fœda  vitae  mendicatio? 

Notre  âme  est  notre  roi  :  Ep.  114,  23. 

Parfois  aussi  elle  est  notre  tyran  :  Ep.  114,  24. 

On  doit  dire  de  la  colère  ce  qu'on  dit  du  deuil  :  puiqu'cllc 


—    152    — 

doit  cesser  un  jour,  no  vaut-il  pas  mieux  l'abandonner  que 
d'attendre  qu'elle  nous  abandonne?  De  Ira,  Lib.  III,  27,  4. 

Le  vin  le  plus  clair  est  celui  qu'on  puise  le  premier  dans 
l'amphore;  ce  qui  reste  au  fond,  c'est  la  lie.  De  même,  la 
meilleure  partie  de  l'existence  s'échappe  la  première,  et  nous 
la  donnons  aux  autres,  au  lieu  de  leur  laisser  la  lie  que  nous 
gardons  pour  nous-mêmes  :  Ep.  108,  26. 

11  faut  que  notre  vie  «  se  replie  sur  elle-même  »,  «  se 
recuoille  •>  (in  se  colligi)  :  Ep.  101,  9. 

11  y  a  des  gens  qui  trouvent  du  plaisir  même  dans  la 
douleur;  ils  «  chatouillent  »  (titillare)  l'affliction  :  Ep.  99,  27. 

Sénèque,  voulant  communiquer  une  pensée  nouvelle  à  son 
ami  Lucilius,  lui  dit  plaisamment  :  «  Tends  la  main  (littérale- 
ment :  ton  giron  (sinum  laxare))  :  c'est  pur  profit  •>  :  Ep.  119,  1. 

Un  homme  ne  doit  pas  »  plier  •>  (incurvari  ab)  sous  l'injure  : 
De  Ira,  Lib.  III,  5,  8. 

L'acquisition  de  certaines  choses  nous  a  "  enlevé  des  mains  •> 
(extorquere)  notre  liberté  :  Ep.  42,  8. 

Notre  temps  nous  est  '•  volé  »  sans  que  nous  nous  en 
apercevions  :  Ep.  104,  12.  —  Cf.  Ep.  1,  1. 

Notre  vie  doit  ressembler  aux  objets  précieux,  qui  ont  une 
grande  valeur  sous  une  petite  apparence  :  Ep.  93,  4. 

Il  ne  faut  par  «  aggraver  »  (cumulare,  grossir  en  accumu- 
lant) de  petits  inconvénients  :  Ep.  99,  13. 

■•  Onus  •',  «  pondus  »  sont  employés  par  Sénèque  dans  le 
sens  stoïcien  :  le  poids  des  vices  ou  des  malheurs  que  doivent 
supporter  les  hommes  ('):  Ep.  71,  2t>:...stat  (se.  sapiens) 
rectus  sub  quolibet  pondère.  —  Puis  :  Ep.  71,  25  et  Ep.  108,  2. 

Entre  les  stoïciens  et  les  autres  écoles  philosophiques,  il  y 
a  la  même  différence  qu'entre  l'homme  et  la  femme;  le  pre- 
mier est  né  pour  commander,  la  seconde  pour  obéir  :  De 
Const.  sa  p.,  1,1. 


(')  Cf.  sur  le  «    onus  vitae   »,  Marc-Aurèle,  IV,   4,  1   :   ...  tpv^cÎQioy  ti 
pctaxaÇov  vexgây,  wg  Enixzrjrog  eXsysy. 


—    153    — 

Les  maîtres  cruels  sont  montrés  du  doigt  par  toute  la  ville 
et  sont  haïs  de  tous;  de  même,  les  rois  méchants  sont  voués  à 
l'exécration  des  siècles  futurs  :  De  Clem..  Lib.  I,  18,  3. 

Les  sages  mêlent  leurs  plaisirs  à  la  vie  comme  nous  plaçons 
un  jeu  ou  un  badinage  parmi  les  choses  sérieuses  :  De  vit.  beat., 
12,2. 

On  doit  faire  pour  un  bienfait  ce  qu'on  fait  d'un  trésor  : 
l'enfouir  profondément  et  ne  le  retirer  de  terre  qu'en  cas  de 
besoin  :  De  vit.  beat.,  24,  2. 

Nous  nous  attachons  à  l'extérieur  des  choses,  et  ainsi  nous 
passons  en  aveugles  à  côté  de  trésors  cachés  :  De  vit.  beat.,  3,  1. 

D'immenses  richesses,  si  elles  tombent  entre  les  mains  d'un 
maître  dépensier,  s'évanouissent  rapidement,  tandis  qu'une 
modeste  fortune,  confiée  à  un  gardien  prudent,  s'accroît  avec 
le  temps.  De  même  notre  existence,  si  courte  soit-elle,  est 
féconde  pour  qui  sait  en  user  avec  sagesse  :  De  brevit,  vit.,  1,  4. 

Une  liqueur,  si  abondante  qu'elle  soit,  se  perd  si  on  ne  la 
verse  dans  un  vase  et  qu'on  ne  la  conserve  ;  de  même  en  est-il 
pour  la  vie  humaine  :  De  brevit.  vit.,  10,  5. 

Le  vrai  sage  ne  permet  pas  qu'on  «  entame  «  (delibari)  son 
temps  :  De  brevit.  cit.,  7,  5. 

«  A  quoi  bon,  dit  Sénèque  à  Polybe,  »  se  fondre  »,  «  se 
liquéfier  ■■■>  (intabescere)  dans  sa  douleur?  •>  Consol.  ad  Fol //b., 
5,2. 

Notre  existence,  comparée  à  l'éternité,  tient  moins  de  place 
dans  le  temps  qu'un  point  :  Consol.  ad  Marc.,  21,  2. 

Le  sage  a  été  placé  par  sa  vertu  sur  les  confins  d'un  autre 
monde,  qui  n'a  rien  de  commun  avec  celui  où  habitent  les 
autres  hommes  :  De  Const.  sap.,  15,  2. 

Certains  crimes  se  sont  tellement  multipliés  que  la  honte 
qui  y  était  attachée  a  disparu;  de  même,  les  ingrats  devien- 
dront plus  nombreux  encore  et  plus  avides,  lorsqu'ils  s'aper- 
cevront combien  ils  sont  nombreux  :  De  Benef.,  Lib.  III,  16,  I. 

De  même  qu'il  y  a  certaines  perceptions  qui  s'incrustent 
immédiatement  en  nous,  d'autres  dont  l'acquisition  exige  bien 
plus  de  peine,  de  même  il  y  a  des  bienfaits  qui  ne  sauraient 

il 


—    154    — 

être  oubliés,  d'autres  qui,  étant  de  moindre  importance, 
échappent  à  la  mémoire  :  De  Benef.,  Lib.  III,  5,  1. 

Les  objets  qu'on  touche  et  qu'on  emploie  tous  les  jours  ne 
se  rouillent  ni  ne  se  couvrent  de  poussière,  tandis  que  ceux 
que  l'on  abandonne  dans  un  coin  se  salissent  avec  le  temps. 
De  même  on  se  rappelle  facilement  les  sujets  dont  on  s'occupe 
journellement,  alors  qu'on  oublie  vite  ce  dont  on  ne  se  préoc- 
cupe plus  :  De  Benef.,  Lib.  III,  2,  3. 

S'occuper  des  subtilités  de  la  dialectique,  c'est,  d'après 
Sénèque,  «  faire  des  nœuds  »  (nodos  nectere)  pour  les  «  défaire  » 
(dissolvere)  ensuite  :  Ep.  45,  5  et  Ep.  117,  31. 

Cependant,  les  sophismes,  si  puérils  qu'ils  paraissent, 
exercent  notre  perspicacité  tout  autant  que  le  jeu  qui  consiste 
à  faire  et  à  défaire  des  nœuds  :  De  Benef.,  Lib.  V,  12,  2. 

On  voit  encore  une  fois  par  là  qne  Sénèque  ne  reniait  qu'in- 
complètement ses  anciennes  amours. 


Nous  n'avons  que  peu  de  chose  à  ajouter  à  ce  qui  précède. 
Ce  huitième  et  dernier  chapitre  n'est  pas,  comme  les  précé- 
dents, ni  surtout  comme  les  premiers,  une  collection  aussi 
complète  que  possible  de  métaphores  prises  à  un  même 
domaine  bien  délimité,  qui  puisse  par  son  caractère  spécial 
relativement  aux  idées  philosophiques  de  Sénèque,  fournir  à 
celui-ci  des  comparaisons  originales  et  fortes.  Parmi  les 
métaphores  et  les  comparaisons  que  nous  venons  de  passer 
en  revue,  il  y  en  a  un  grand  nombre  qui  furent  le  patrimoine 
commun  de  la  plupart  des  auteurs  anciens,  et  qui  ont,  par 
conséquent,  perdu  une  grande  partie  de  leur  valeur.  Néan- 
moins, on  aura  pu  voir  que,  assez  souvent  encore,  Sénèque  a 
su  puiser  avec  succès  dans  les  trésors  de  son  expérience  si 
large  et  si  variée  des  hommes  et  des  choses. 


Errata  et  Addenda. 


CHAPITRE  I. 

P.  16,  ligne  7  :  se  livrer,  à,  lire  :  se  livrer  à. 

P.  19,  ligne  16,  note  3,  au  commencement,  ajoutez  :  V.  Ep.  108,  13-23. 

P.  21,  fin  de  la  note  1,  IV,  V,25,  lire  :  IV,  v,  25. 

P.  23,  ligne  4,  après  Puis,  intercalez  :  De  Provid.,  6,  6  ;  De  Const.  sap.,  3. 5. 

Ib.,  ligne  5  :  De  vit.  beat.,  27,  6,  lire  :  De  vit  beat.,  27,  3. 

lb.,  ligne  6  :  Consol.  ad  Polyb.,  17,  5,  lire  :  Consol.  ad  Polyb. ,%  2  et  Ib.,  17,5. 

Ib.  id.,  après  Ep.  45,  9,  intercalez  :  Ep.  85,  26. 

Ib.,  ligne  24  :  De  Const.  sap.,  4,  1,  lire  :  De  Const.  sap.,  4,  1;  lb.,  6,  4. 

Ib.,  ligne  25,  ajoutez:  Cf.  aussi  De  Clem.,  Lib.  I,  5,  3  (malam  fortunam 
retundere). 

P.  24,  ligne  5,  fin,  ajoutez  :  De  vit.  beat.,  15,  5  ;  lb.,  15,  7  et  De  Benef., 
Lib.  IV,  1,  2. 

Ib.,  1. 18,  ajoutez  :  Un  «  pécheur  endurci  »  est  appelé  «  veteranus  >  :  Ep.  25, 2. 

Ib.,  note  1,  ligne  3,  I,  XIV,  15,  lire  :  I,  xiv,  15. 

P.  25,  dern.  ligne,  ajoutez  :  Consol.  ad  Polyb.,  11,  3  et  De  Provid.,  5, 1. 

P.  26,  après  la  ligne  3,  intercalez  :  Les  passions,  elles,  se  révoltent  aisé- 
ment :  Ep.  69,  4  :  Cito  rebellât  adfectus. 

P.  27,  après  la  1.  25,  intercalez  :  C'est  à  peine  si,  de  temps  a  autre,  il  se 
produit  un  armistice  (indutiae)  :  Consol.  ad  Marc,  16,  5. 

P.  27,  note  2,  ajoutez  :  Voyez  p.  ex.  les  paroles  de  Fabianus  citée3  par 
Sénèque  :  De  brevit.  vit.,  10,  1. 

Ib.,  note  3  :  dûs.,  lire  :  Cic. 

P.  28,  1.  13,  avant  Ep.9,  3,  intercalez  :  Consol.  ad  Polyb.,  6,  2. 

Ib.,  1. 14,  après  Ep.  92,  2,  intercalez  :  Ep.  95,  32. 

lb.,  id..  fin,  ajoutez  :  De  Provid.,  6,  6. 

Ib.,  après  lai.  19,  intercalez  :  Car  c'est  par  la  vertu  qu'on  parvienl  u 
vaincre  la  fortune.  Malheureusement,  on  n'est  pas  toujours  suffisamment 
armé  contre  tous  les  hasards  possibles  :  Ep.  71,  30. 

Ib.,  1. 23,  Ep.,  lire  Ep. 


—    156    — 

P.  29,1.  18,  lin.  ajoute/.  :  De  vit.  beat,  11,3. 

lb.,  1.  21,  lin,  ajoutez  :  et  Consol.  ad  Mitre,  9,  3. 

Ilp..  1. 30,  ajoutez  :  Consol.  ad  Polyb.,  11,3. 

P.  30,1.25  :  Ep.  22.8,  lire  :  Ep.  22,  8. 

i\  31,  après  la  1.8,  intercalez:  Si  l'en  est  fatigué  de  combattre,  il  est 
permis  de  s'évader  de  l'existence  (par  le  suicide)  :  De  Provid.,  6,  7. 

P.  32, 1.  31  :  corpulente,  lire  :  corpulents. 

lb.,  ajoutez  :  cf.  ïbid.  9,  3:  Cogendae  in  artum  res  sunt,  ut  tela  in  vanuin 
cadant. 

1'.  33,  supprimez  les  deux  premières  1.  et  la  3e  jusqu'à  :  tranq.  exclus. 

lb.,  ligne  12,  au  lieu  de  :  Toutes  les  vertus  sont  égales  entre  elles,  lire  : 
On  peut  être  brave  de  diverses  façons. 

Ib.,  note,  lin  :  page  85,  lire  :  page"  84. 

P.  34, 1.  10,  ajoutez  :  Ep.  56,  11  :  ....  si  receptui  cecinimus nulla  res  nos 

avocabit,  etc.,  et  Consol.  ad  More,  22,  3  (vitae  stipendium). 

II».,  1.  14,  tin,  ajoutez  :  De  Ira,  Lib.  II,  12,  5. 

lb.,  après  la  dern.  1.,  ajoutez  :  Tout  ce  qui  regarde  notre  corps  ne  doit  pas 
avoir  à  nos  yeux  plus  d'importance  que  n'en  ont  dans  une  armée  les  auxi- 
liaires :  De  rit.  beat.,  8,2.  —  L'expression  militaire:  «  ferre  signa  >  est 
employée  De  vit.  beat.,  14,  1. 

P.  40,  avant-dern.  1.,  ajoutez  :  Cf.  Ep.  85, 1. 

P.  44,  1.  5  :  est  ?  lire  :  est  ?  » 

lb,  1.  11,  après  Ep.  85,  6,  ajoutez  :  Ep.  107, 12,  De  vit.  beat.,  16,  3,  lb.,  25,  6 
et  De  lie  nef.,  Lib.  III,  38,  3. 

lb,  id,  supprimez  Ep.  109,  2  pour  le  mettre  à  la  fin  de  la  1.17. 

lb,  après  la  1.  11,  intercalez  :  La  fortune  ne  peut  soutenir  la  lutte  contre 
la  vertu  :  De  Const.  sap.,  8,  3. 

Ib.,  note,  dern.  1.  :  page  15,  note  4,  lire  :  page  21,  note  2. 

P.  45,  après  la  1.  3,  intercalez  :  Il  y  a  dans  le  monde  une  lutte  à  qui 
commettra  le  plus  de  méfaits  :  De  Ira,  Lib.  II,  9,  1. 

lb,  1.  19,  ajoutez  :  Cf.  «  auferre  pedes  »,  dans  le  sens  de  «  se  dérober  >, 
Nat.  Quaest.,  Lib.  IV,  praef.,  10. 

Ib,  avant  III,  intercalez  :  Sénèque  parle  aussi  de  la  «  lutte  »  en  paroles: 
De  Ira,  Lib.  III,  36,  4  (congredi  cum  inperitis).  —  Quand  la  nature  regimbe 
(reluctari),  on  est  impuissant  :  De  tranquill.  an.,  6,  2. 

P.  47,1.18,  fin, ajoutez  :  Voyez  aussi  Consol. ad  Marc.,2'6,A(«  commissus»). 

lb,  ajoutez  :  Le  terme  «  spoliarium  »  fournit  à  Sénèque  une  métaphore 
énergique  :  De  provid.,  3,  7  :  proscriptionis  Sullanae  spoliarium. 

P.  1*,  I.  1,  avant  Ep.  13,  6,  intercalez  :  De  tranquill.  an.,  1,  16. 

II'..  I.  8,  après  Ep.  31,  11,  intercalez  •-<  desilire     :  Ep.  76,  29. 

Ib,  nute,  fin,  ajoutez  :  Sénèque  n'a  guère  que  du  mépris  pour  les  exercices 
du  corps;  voyez  la  lettre  15,  2  :  «  Stulta  est   enim,  mi  Lucili,  et  minime 


—    157    — 

conveniens  litterato  viro  occupatio  exercendi  lacertos  ci  dilatandi  cervicem 
ac  latera  firmandi....  ».  Il  ne  fait  exception  que  pour  la  course  et  le  saut 
[Ep.  15,  4). 

P.  49,  avant-dern.  1.,  ajoutez  :  Cf.  aussi  De  Benef.,  Lib.  V,  25,  4. 

P.  50,  dern.  1.,  ajoutez  :  De  Provid.,  4,  2. 


CHAPITRE  TI. 

P.  59,  après  la  ligne  10,  ajoutez  :  Chaque  âme  a  ses  parties  malades. 
«  causariae  partes  »,  qui  exigent  un  traitement  approprié  :  Ep.  68,  7. 

P.  63,  après  la  1.  13,  intercalez  :  Cependant,  il  est  des  malades  qu'il  faut 
laisser  dans  l'ignorance  de  leur  mal  :  De  brevit.  vit.,  18,  6. 

Ib.,  1.  24,  avant  De  Ira,  intercalez  :  Ep.  68,  8. 

Ib.,  1.  25  :  De  brevit.  rit.,  46,  lire  :  De  brevit.  rit  ,  4,  6. 

Ib.,  id.,  après  :  De  brevit.  rit.,  4,  6,  ajoutez  :  Ep.  98,  15. 

Ib.,  1.  26,  ajoutez  :  De  brevit.  rit.,  12, 1. 

P.  66,  après  la  1.  13,  ajoutez  :  Sénèque  aime  à  employer  le  verbe  suppu- 
rare  »  :  De  brevit.  rit.,  12,  1;  Ep.  59,  17;  80,  6. 

P.  67, 1.  4,  fin,  ajoutez  :  De  Benef.,  Lib.  V,  12,  6  (aniinus  caccus)  el  /</., 
Lib.  VII,  26,  4  (caeca  ambitio). 

P.  68,  1. 14  :  De  Clem.,  lire  :  De  Clem. 

Ib.,  1.  25,  fin,  ajoutez  :  Ep.  94,  31 . 

P.  69,  après  la  1.  12,  intercalez  :  Au  moyen  de  certains  remèdes,  on  peut 
rendre  la  vue  plus  perçante;  il  en  va  de  même  pour  les  yeux  de  l'esprit  : 
Ep.  115,  6.  —  Enfin,  une  métaphore  pittoresque  se  trouve  Consol.  ad.  Helv., 
20, 1  :  ....  naturale  est  manum  saepius  ad  id  referre,  quod  doleat.... 

Ib.,  1.  16  :  Épitres,  lire  :  Épttres. 


CHAPITRE  III. 

I. 

P.  75,  dern.  1.,  avant  De  rit.  tirât.,  intercalez  ibid.,  27,  3. 
P.  76,  1.  2  :  Lib.  VI.  28.  2,  lire  Lib.  VI,  28,  2. 
11).,  1.  5,  après  Ep.  104,  22,  intercalez  :  Ep.   111,  4. 
11).      6,  fin,  ajoutez  :  De  Benef.,  Lib.  V,  12,  6. 

P.  77,  après  la  1.  8,  intercalez  :  Jupiter  tient  le  gouvernail  du  monde 
Ep.  1U7,  10. 


—    158    — 

Ib.,  1.  18,  après  :  philosophie,  ajoutez  (en  note):  Démétrius  aussi,  d'après 
Sénèque,  parlait  du  «  sage  qui  se  fixe  sur  la  terre  ferme,  à  l'abri  des  tempêtes  » 
{De  Benef.,  Lib.  VII,  1,7). 

11>..  1.  22,  fin,  ajoutez  :  Consol.  ad  Helv.,  18, 1. 

P.  78,  1.21,  ajoutez  (en  note)  ;  Démétrius  compare  une  existence  trop 
paisible  à  une  mer  morte  (Ep.  67,  14). 

lb.,  après  la  1.  28,  intercalez  :  Ceux  qui  naviguent  sur  des  vaisseaux 
surchargés  de  voiles  et  de  cordages  pourront  essuyer  bien  des  tempêtes; 
il  en  va  de  même  dans  la  vie  pour  ceux  qui  veulent  s'occuper  de  trop  de 
choses  à  la  fois  :  De  tranquïll.  an.,  9,3. 

lb.,  après  la  dern.  1.,  ajoutez  :  Les  hauts  et  les  bas  qu'on  observe  dans 
notre  existence  ressemblent  au  flux  et  au  reflux  de  la  mer  :  De  Benef., 
Lib.  I,  10,  1.  —  «  Vêla  contrahere  »,  plier  les  voiles,  est  pris  au  figuré 
dans  le  De  tranquill.  an.,  4,  7. 


II. 


P.  81, 1.  3  :  De  Prorid.,  2, 10,  lire  :  De  Provid.,  2,  10;  Id.  6,  7  et  6,  9. 

Ib.,  1.  4,  après  Ep.  11, 3-4,  ajoutez  :  De  Ira,  Lib.  III,  15,  3. 

Ib..  1. 10,  avant  Ep.  80, 1,  ajoutez  :  Ep.  79, 16. 

Ib.,  id.  :  Ep.  80.  1,  lire  Ep.  80,  1. 

P.  82,  après  la  1.  2,  intercalez  :  Prenons  toujours  la  raison  pour  guide  sur 
le  chemin  de  la  vie  :  De  Benef.,  Lib.  II,  18,  2. 

Ib.,  après  la  1. 4,  intercalez  :  Elle  seule  peut  monter  si  haut  :  De  rit.  beat., 
15,5. 

Ib.,  après  la  1.  18,  intercalez  :  Celui  qui  a  entrepris  ce  voyage  méprise 
tous  les  biens  terrestres  :  Ep.  92,  31  ;  De  Const.  sap.,  8,  2. 

lb.,  après  la  1.  28,  intercalez  :  On  se  laisse  distraire  à  tel  point,  qu'on 
arrive  au  terme  de  sa  route  (c.-à-d.  de  la  vie)  sans  s'en  apercevoir  :  De 
b revit,  vit.,  9,  5. 

P.  83,  après  la  1.  12,  intercalez  :  Nombreux  aussi  sont  les  passages  où 
«  lubricus  »  ou  «  lubricum  >  sont  employés  dans  le  sens  de  :  le  chemin 
glissant  de  la  vie,  où  les  faux  pas  sont  nombreux.  Voyez  Ep.  1,  3;  Ep.  84, 12; 
Ep.  92,  10;  Ep.  116,  6;  De  Const.  sap.,b,  7;  Consol.  ad  Marc.,  9,  2;  De  rit. 
beat.,  8,  5  ;  Consol.  ad  Polyb.,  9,  5. 

Ib.,  1. 16,  fin,  ajoutez  ibid.,  6,  6. 

lb.,  1. 18,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  De  Benef.,  Lib.  IV,  34,  5. 

Ib.,  1.  33,  Ep.  116,  4.  lire  Ep.  116,  4. 

P.  84,  après  la  1.  3,  intercalez  :  Il  y  a  des  gens  qui  ont  besoin  d'un  guide 
pour  rentrer  dans  la  bonne  voie  :  De  Benef.,  Lib.  V,  25,  5. 

Ib.,  1.  6,  Un,  ajoutez  :  Cf.  aussi  De  Ira,  Lib.  II,  10,  3. 


—    159    — 

Ib.,  I.  11,  fin,  ajoutez  :  Ep.  70,  25;  Ep.  76,  20;  De  Provid.,  4,  6  (stimuli); 
De  tranquill.  an.,  10,  6. 

Ib.,  après  la  1.  11,  intercalez  :  Il  faut  se  hâter  sur  la  route  de  la  vie  pour 
ne  pas  rester  en  arrière  :  Ep.  108,  14  :  Nisi  properamus,  relinquemur.... 

Ib.,  1.24,  fin,  ajoutez  :  Consol.  ad  Marc,  23,  1  et  De  vit.  beat.,  20,  5. 

II).,  dern.  1.,  fin,  ajoutez  :  Causai,  ad  Poli/b.,  9,  9  et  Id.,  11,  4. 

P.  86,  après  la  1.  7,  intercalez  :  De  temps  en  temps  il  faudra  forcer  l'esprit 
à  parcourir  un  chemin  raboteux,  de  peur  qu'il  ne  s'engourdisse  :  De  Benef., 
Lib.  V,  12,  2. 

Ib.,  1. 17,  fin,  ajoutez  Ep.  5,  2;  Ep.  91,  5  ;  Ep.  114,  4;  Ep.  117,  23;  De  Ira, 
Lib.  11,36,  5;  De  tranquill.  an.,  2,7;  De  Ctem.,  Lib.  II,  7,2;  De  Benef., 
Lib.  II,  7,  3  ;  Id.,  Lib.  VI,  25,  5.  —  Cf.  aussi  <  iter  »  :  Consol.  ad  Marc,  9,  1. 


CHAPITRE  IV. 

P.  91, 1.  22  :  n'y  pas,  lire  :  n'y  a  pas. 

P.  94,  1.  9,  ajoutez  :  Un  auteur  ne  doit  pas  être  susceptible:  De  Ira, 
Lib.  111,37,  5  :  Vis  tu  aequo  animo  pati  candidatus  suffragia? 

Ib.,  1. 27  :  Ep.  123, 10,  lire  :  Ep.  123, 10. 

Ib.,  1.  29  :  Ep.  59,  2,  lire  :  Ep.  59,  2. 

P.  96,  avant  «  Accusator  »,  intercalez  :  «  Abrogare  »  :  Consol.  ad  Helv.,  5, 6. 

Ib.,  après  «  Adjutor  »,  ajoutez  :  <  Adscisci  »  :  De  brevit.  vit.,  15,  3. 

Ib.,  «  Advocare  »,  ajoutez  :  Ep.  17,  2. 

Ib.,  avant  «  Clientela  »,  intercalez  :  «  Circuinagi  »  (=  manumitti)  Ep.  8,  7. 
Puis  «  Citare  »  ;  De  Provid.,  5,  4;  «  Citare  ex  censu  »  :  Ep.  12,  6. 

Ib.,  «  Consortium  »,  ajoutez  :  De  brevit.  vit.,  14,  2. 

P.  97, 1.  8,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  «  Delegare  >  :  De  brevit.  vit.,  11,  2. 

Ib.,  avant  «  Dilatio  »,  intercalez  :  «  Dicere  »  (plaider)  :  Ep.  108,  12  et 
«  Ditferre  »  :  De  Provid.,  4,  7. 

Ib.,  «  Dilatio  »,  ajoutez  :  Ep.  17,  3  et  De  Clem.,  Lib.  II,  2,  3. 

Ib.,  après  «  Dividere  »,  intercalez  «  Edictum  >  :  Ep.  94,  47. 

Ib.,  «  Exceptio  »,  ajoutez  Ep.  6, 4. 

Ib.,  1. 22,  supprimez  ibid.,  7,  3. 

Ib.,  1.  25,  fin,  ajoutez  :  «  Ad  formulam  exigere  »  :  De  vit.  beat.,  24,  4. 

Ib.,  1.  27,  «  Injicere  manum  »,  ajoutez  Ep.  1,  2;  34,  2. 

Ib.,  «  Judex  »,  ajoutez  :  De  Ira,  Lib.  II,  28,  7;  Id.,  Lib.  III,  26,  3  ;  »«*.,  36,  % 

Ib.,  après  la  1.  30,  ajoutez  :  «  In  ordinem  cogère  »  :  De  Benef.,  Lib.  I,  4, 1  ; 
Consol.  ad  Helv.,  13,  4. 

P.  98,  avant  <  Lis  »,  intercalez  :  *  Liquere  »  :  Ep.  (>•">,  !•">. 


—     160     — 

lb.,  1.  2,  (in,  ajoutez  :  Debrevit.  vit.,  1.  2  el  Consol.  ad  Polyb.,  2,2.  —  Cf. 
«  Litem  aestimare  »  :  De  Ira,  Lib.  11,27,4. 

Lb.,  avanl  «  Pacisci  »,  intercalez  :  «  Manuraissio  »  :  De  Clan.,  Lib.  I.  '■'>.  1; 
<  Mittere  in  consilium  »  :  De  Ira,  Lib.  Il,  27,  4;  «  Mittere  in  posses- 
sion,mh      :  Ep.  1.  3.      Notor     :   Ep.  39,  1. 

11».,  après  la  1.  8,  ajoutez  :  «  Ne  quid  Cato  detrimenti  caperet  >  :  Ep.  71,  10. 

11».,  avant  Praescriptio  »,  intercalez  :  Praedem  accipere  »  :  Debrevit. 
vit.,  3,  5. 

[b.,  1.  16,  fin,  ajoutez  :  De  tranquill.  an.,  4,  7  et  Consol.  ad  Polyb.,  11,  1. 

11>.,  «  Pronuntiare  »,  ajoutez  A/>.  26,  6. 

11).,  après  «  Relegare  »,  intercalez  :  «  Relinquere  in  suspenso  »  :  Ep.  97, 14. 

11)..     Remittere  »,  ajoutez  Ep.65,  1">. 

Ib.,  après  «  Remittere  »,  intercalez  Respondere  ad  »  (comparaître  devant)  : 
Ep.lOb,  7. 

Ib.,  <  Sponsor  »,  ajoutez  :  De  Provid.,  6,  2. 

Ib.,  après  «  Suffragari  »  ajoutez  :  «  Sui  juris  »  :  Ep.  11,  7;  Uf.  Ep.  16.  6; 

Sr.o  aère  censeri  »  :  £/>.  87,  17;  Cf.  Plant.  Capt.  prol.  15. 

Ib.,  «  Tutela  »,  ajoutez  Ep.  25,  1. 

lb  ,  après  «  tutela  > ,  ajoutez  :  «  Usu  suum  facere  s  :  is/>.  12,  8. 

P.  99,  1.  6,  fin.  ajoutez  (en  note)  :  Voyez  dans  le  De  Ira,  Lib.  II,  29,  3,  un 
rapprochement  où  figurent  tous  les  détails  d'une  instruction  judiciaire  à 
Rome. 

Ib.,  «  Sententiam  dare  »,  ajoutez  :  De  Ira,  Lib.  1, 14,  2. 

Ib.,  1. 19,  fin,  ajoutez  :  De  Ira,  Lib.  III,  36,  3  et  Consol.  ad  Polyb.,  18,  3. 

P.  100,  avant  la  lre  I.,  intercalez  :  *  Accessio  »  :  Ep.  97,  5  et  «  Aestimator  : 
Ep.  95,  58. 

Ib.,  1.  4,  fin,  ajoutez  :  Consol.  ad  Polyb.,  10,  4. 

Ib.,  après  «  Commodare  »,  intercalez  «  Compensatio  »  :  Ep.  81,  17. 

Ib.,  «  Expungere  »,  ajoutez  Ep.  9,  20. 

Ib.,  après  «  Faenerator  »,  ajoutez  :  «  Institor     :  Ep.  52,  15. 

Ib.,  «  Lucrum  »,  ajoutez  Ep.  13,  11. 

11).,  après  «  Lucrum  »,  ajoutez  :  «  Merx  »  ;  Ep.  7,  8.  Cf.  Ep.  27,  8;  33,  3. 

Ib.,  avant  «  Pignus  »,  intercalez  :  «  l'aria  facere  :  Ep.  101,  7  :  Cuinvita 
paria  faciamus (réglons  nos  comptes  avec  la  vie)  et  «  Persolvere»:  Ep.h)9, 17. 

Ib.,  après  «  Pignus  »,  intercalez  :  «  lnreditu  esse  »  (être  placé  à  intérêt)  : 
De  brevit.  vit.,  11,  2,  et  «  Satisfacere  »  :  Consol.  ad  Marc,  11, 1. 

Ib.,  après  «  Sumministrare  »,  intercalez  :  Tout  ce  que  nous  avons  ici-bas 
nous  est  simplement  «  prêté  .  et  il  faut  être  prêt  à  le  rendre  à  la  première 
réquisition  :  De  tranquill.  an.,  11,  1. 

lb.,     Tabulas  novas     (beneficiorum)  :  De  Benef.,  Lib.  I.  4.  6. 

P.  101, 1.  27,  fin,  ajoutez  :  Debrevit.  vit.,  8,  1. 

lb.,  «  Nota  »,  ajoutez  :  Ep.  95,  6-J  et  De  Benef.,  Lib.  VII,  19,  5. 


—     161    — 

II).,  I.  30,  après  Ep.  1,  4,  intercalez  :  «  Ratio  i  :  De  brevit.  vit.,  18,  3  (ratio 
vitae);    «  rationem   conferre  >    :    Consol.  ad  Marc,   15,  4  et    Ep.   118,  1; 

<  rationes  conficere   »  (produire   des  comptes)  :  De  Ira,  Lib.  III,   31,  3;   et 

<  rationem  reddere  »  :  De  rit,  beat.,2A,  5  et  Detranquill.  an.,  3,8. 
Ib.,  I.  31,  fin,  ajoutez  <  Diem  aestimare  »  {Ep.  1,  2  . 

Ib.,  le  terme  «  manipretium  »  (proprement  prix  de  la  main-d'œuvre  ») 
est  employé  par  mépris  au  lieu  de  «  merces  »  :  Ep.  101,  6  :  castrensium 
laborum  tarda  manipretia.  Ci'.  Cicéron,  In  Pison.,  24,  57. 


CHAPITRE  V. 

T. 

P.  108,  1.  10,  fin.  ajoutez  (en  note)  :  Voyez  sur  cette  comparaison  la  note 
de  0.  Hense,  page  253  de  son  éd.  des  Epp. 

Ib.,  avant  la  dern.  1.,  intercalez  :  Serenus  se  compare  à  un  cheval  ou  un 
bœuf  qui,  lorsqu'ils  sont  fatigués,  se  bâtent  d'autant  plus  vers  Potable  :  De 
tram]  h  M.  an.,  1,11. 

P.  110, 1. 12,  fin,  ajoutez  :  Cf.  Ep.  66,  42  :  in  medio  flore  praecidit  (se.  mors). 

Ib.,  après  la  1.  18,  intercalez  :  Les  fruits  communs  peuvent  plaire  dans 
leur  primeur;  de  même,  la  façon  de  donner  vaut  mieux  que  ce  qu'on 
donne  :  De  Benef.,  Lib.  I,  12,  4.  —  Notre  métaphore  :  «  récolter  les  fruits 
de  son  travail  *  se  retrouve  chez  Sénèque  :  Consol.  ad  Marc,  12,  2  (prove- 
nerunt...  fructus...  laborum  tuorum...).  —  <  Hortulus  »  est  pris  au  figuré 
Ep.  4,  10;  «  insiticius  >  (enté)  :  Cotisa/,  ad  Helv.,  7,  10. 

II. 

P.  113,  1.  2,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  11,  8  :  adfigere  (=  <  clouer  »)  auimo. 

Ib.,  1.  7,  fin,  ajoutez  :  Ep.  104,  20  :  eradere  nequitiam;  et  De  Benef., 
Lib.  Vil,  19,5. 

Il>.,  après  la  ligne  7,  ajoutez  :  Il  faut  porter  la  hache  («  securibus  reci- 
dere  »)  dans  les  connaissances  inutiles  :  Ep.  88,  38. 

P.  114,  1.  3,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  33,  9  :  (vox)  quae...  actuari  vice  fungitur. 

Ib..  1.  10,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  De  Clan.,  Lib.  I,  2,  2  et  De  Benef.,  Lib.  VI, 
4,  1  (praeponderare  =  faire  trébucher  la  balance). 

Ib.,  a  la  fin,  ajoutez  :  Le  sage  est  comparé  à  un  artiste  habile,  Ep.  9,  5  : 
faciendarum  amicitiarum  artifex;  h)>.  85,  il  :  artifex  domandi  mala. 

P.  115,  1.  2,  ajoutez  :  L'expression  «  summam  manum  imponere  se 
trouve  encore  Ep.  12,  4;  71,  28. 

Ib.,  1.  9,  au  lieu  de  <  la  philosophie     lire  «  la  mathématique    . 


—     162    — 

lb.,  1.  11,  fin,  ajoutez  :  Cf.  De  Ira,  Lib.  II,  21,  7  (bene  fundatae  mentes); 
voyez  aussi  De  rit.  beat.,  15,  4  et  De  Otio,  5,  5  (fundamentum). 

11).,  1.  17,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Consol.  ad  Marc,  22,  1. 

Ib.,  supprimer  les  trois  dernières  lignes. 

P.  116,  après  la  ligne  7  :  Le  bonheur  que  donnent  les  richesses  est  une 
«  bracteata  félicitas     :  Ep.  115,9. 

P.  117.  1.  9,  tin,  ajoutez  :  «  Concinere  »  (se  mettre  à  l'unisson)  est  pris  au 
figuré  par  Sénèque(et  encore  il  s'en  excuse,  car  il  ajoute  :  «  ut  ita  dicam  >)  : 
De  rit.  beat.,  8,  5. 

Ib.,  1.  19,  fin,  ajoutez  :  «  Sub  persona  vivere  >  (vivre  sous  le  masque;  se 
trouve  De  tranquill.  an.,  17,  1;  «  personain  ferre  *  («  porter  un  masque,  - 
c'est-à-dire  feindre)  :  De  Clem.,  Lib.  I,  1,  6.  Le  bonheur  des  efféminés  n'est 
qu'une  «  personata  félicitas  »  :  Ep.  80,  8. 

P.  118,  1.  5  :  Ep,  120,  22,  lire  :  Ep.  120,  22. 

Ib.,  après  la  ligne  5,  ajoutez  :  Certains  philosophes  sont  comparés  à  des 
charlatans  (<  circulatores  »)  :  Ep.  29,  7;  cf.  EpAO,  3;  52,  8;  88,  40. 


CHAPITRE  VI. 
IL 

P.  121, 1. 13,  avant  Ep.  52, 15,  intercalez  Ep.  52, 13(philosophia  adoretur). 

Ib.,  1.  18,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  95,  72  (consecrare  paupertatem). 

P.  122,  après  la  1.  22.  intercalez  :  Le  sage,  comme  les  dieux,  aura  pitié  des 
misérables  :  De  Clem.,  Lib.  II,  6,  3. 

Ib.,  après  la  dern.  L,  intercalez  :  Polybe  est  le  «  prêtre  »  de  la  littérature  : 
Consol.  ad  Pohjb.,  8,  2.  —  «  Conlicere  sacra  »  est  employé  en  guise  de 
métaphore  Ep.  26,  8. 


CHAPITRE  VIL 

P.  126, 1.  2,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  De  Clem.,  Lib.  I,  8,  5  (oriris,  en  parlant 
de  Néron). 

P.  127,  1.  14,  fin,  ajoutez  :  De  Clem.,  Lib.  II,  5,  4. 

P.  128,  1.  2,  fin,  ajoutez  :  id.,  13,  7  et  De  Ira,  Lib.  II,  10,  1.  —  Cf.  aussi 
Ep.  89, 2. 

Ib.,  1.  7,  fin,  ajoutez  :  Consol.  ad  Marc,  26,  2  ;  De  vit.  beat.,  19,  3;  Id.,  28. 

P.  130,  après  la  1. 19,  intercalez  :  Le  corps  est  de  la  boue  (faex)  :  Consol.  ad 
Marc,  23,  1. 


—     163    — 

Th.,  après  la  1.  29,  intercalez  :  An  contraire,  la  vie  est  un  torrent,  et  il  faut 
se  dépêcher  d'y  puiser  :  De  brevit.  vit.,  9,  2. 

lb.,  1.  34,  fin,  ajoutez  :  Voyez  aussi  Ep.  123,  10  (fluunt  dies),  Consol.ad 
Marc,  22,  1  (labant  humana  ac  fluunt...)  et  De  brevit.  ri/.,  8,  5. 

P.  131,  1.  7  :  seuls,  lire:  seules. 

Ib.,  1.  11,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  40,  3. 

Ib.,  1.  17  :  Ep  85,  6,  lire  :  Ep.  85,  6. 

Ib.,  1.  28,  avant  Effundere,  intercalez  :  Eu  ml  ère  :  Ep.  116,  2. 

Ib.,  dern.  1.,  fin,  ajoutez  :  «  Despumare  »  (cesser  d'écumer;  répandre,  jeter 
comme  une  écume)  :  Ep.  68,  13;  Ep.  99.  27;  De  Ira,  Lib.  II,  20,  3;  «  Ex- 
undare  >  (s*épancher)  :  Ep.  99,  21. 

P.  132,  1. 10,  fin,  ajoutez  :  De  Benef.,  Lib.  I,  13,  3. 

Ib.,  1.  27  :  Natur  Quaest.,  lire  Natur.  Quaest. 

Ib.,  avant  l'avant-dern.  1.,  intercalez  :  Le  sage  fera  comme  les  animaux 
de  forte  taille,  qui  dédaignent  les  aboiements  des  chiens:  De  Ira,  Lib.  II, 
32,  3  et  Id.,  Lib.  III,  25,  3. 

Ib.,  après  la  dern.  1.,  ajoutez  :  «  Mordere  »  est  encore  employé  métapho- 
riquement Ep.  78,  29. 

P.  133, 1. 2,  ajoutez  :  «  collatrare  >  :  De  vil.  beat.,  17,  1. 

Ib.,  1.  27  :  De  Ira,  30, 1,  lire  :  De  Ira,  Lib.  III,  30,  1. 


CHAPITRE  VIII. 

P.  137,1.  18  :  Ep.  14, 5-6,  lire  :  Ep.  14,  1-5-6. 

Ib.,  1.  18,  fin,  ajoutez  :  Ep.  66,  23;  Ep.  85,  28;  ^.92,33;  Ep.  102,  30; 
ConsoladMarc,  24,  5;  Consol.ad  H elv.,  11,  7;  Consol.ad  Polyb.,  6,5;  Id.,  9,3; 
De  tranquill.  an.,  10,  3  ;  De  rit.  beat.,  15,  3  ;  Id.,  16,  3  ;  De  Benef.,  Lib,  III,  20,  1. 

Ib.,  après  la  1.  20,  intercalez  :  Être  l'esclave  de  la  philosophie,  c'est 
être  libre  :  Ep.  8,  7  :  ...  philosophiae  servire  libertas  est.  —  La  vertu  n'est 
pas  la  servante  (ancilla)  de  la  volupté  :  De  rit.  beat.,  13,  5. 

P.  138,  après  la  1.  2,  intercalez  :  Sénèque  déclare  qu'il  n'est  pas  l'<  esclave  » 
des  philosophes  anciens,  ses  maîtres  :  Ep.  80,  1.  —  Les  découvertes  de 
ceux-ci,  dit-il  encore,  constituent  pour  nous  un  véritable  <  héritage  »  : 
Ep.  64,  7. 

Ib.,  après  la  1.  15  :  L'école  des  philosophes  éplucheurs  de  mots  n'est 
qu'un  <  ludus  litterarius  »  :  Ep.  71,  6. 

Ib.,  1.20,  fin, ajoutez  :Cf.  aussi  Ep.SS,  2(manuleatus,  en  parlant d'Épicure). 

Ib.,  avant  l'avant-dern.  1.,  intercalez  :  Un  roi  doit  être  semblable  a  un  bon 
père  :  De  Cle»).,  Lib.  1, 14,  passim.  Les  dieux  ressemblent  ;i  de  bons  parents  : 
De  Benef. ,L\h.\U,  31,4. 


164 

T.  139,1.  5,  lin,  ajoutez  :  Ep.  79,  18. 

III..  après  la  1.  13,  intercalez  :  Sénèque se  compare  à  un  miroir  :  DeClent., 
Lib.  I,  1.  1. 

P.  1  10,  I"'  I..  avant  :  Ep.  11.  1,  intercalez:  Ep.  7,  fi. 

lb..  1.  28,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  108,  fi  (schola  deversorium  otii). 

1*.  141,  après  la  I.  11,  intercalez  ■  Si  la  tête  est  saine,  le  corps  tout  entier 
sera  sain:  de  même,  un  pays  où  le  souverain  est  doux  verra  la  mansuétude 
régner  de  toutes  parts  :  De  Cîem.,  Lib.  II,  2, 1. 

11).,  1.  17,  avant:  Ep.  53,  8,  intercalez  :  Ep.  7,  6. 

P.  142,  avant  la  lre  1.,  intercalez  :  Après  le  dîner,  on  distribue  les  reliefs 
aux  esclaves:  de  même,  sur  le  point  de  mourir,  on  fera  quelque  bien  à  ceux 
qui  nous  ont  servi  toute  notre  vie  :  Ep.  77,  8. 

lb.,  1.  21  :  reprises;  lire  :  reprises. 

P.  144,  1.  21,  avant  De  Ira,  ajoutez  (en  note)  :  Lucrèce  avait  déjà  usé  de 
cette  métapbore,  probablement  d'origine  grecque.  Voyez  Sénèque  lui-même, 
Ep.  110,  G  (Lucrèce,  II,  55  s.). 

11...  1.28,  Ibid.,  lire  ïbid. 

Ib.,  1.  33,  De  Benef..,  lire  De  Benef., 

11».,  I.  34  :  <  sapiens....  paedagogus  »,  lire  (    sapiens....  paedagogus  »). 

lb.,  I.  35,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  4,  2. 

lb.  après  la  1.  35,  intercalez  :  Les  philosophes  sont  des  professeurs 
d'énergie  :  Ep.  104,  22. 

P.  145,  après  la  I.  17,  intercalez  :  «  Manus  »  est  pris  au  figuré  De  Const. 
sap.,  8,  3. 

P.  14fi,  après  la  ligne  6,  ajoutez  :  Pour  peindre  l'incertitude,  l'irrésolution, 
Sénèque  emploie  ;<  natare  »  :  Ep.  35,  4  :  natat  animus;  74,  11  :  natat  omne 
consilium. 

lb.,  1.  31,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  29,  7  (in  faciem  ingerere)  et  «  inpin- 
gere  »  (voir  p.  149). 

P.  147,  avant  l'avant-dern.  I.,  ajoutez  :  Cf.  aussi  De  Provid.,  2,  10  et 
De  Canut,  mp.,  2.  2. 

II).,  après  la  dern.  1.,  intercalez  :  Le  pouvoir  ressemble  souvent  à  un 
bâtiment  sur  le  point  de  s'écrouler,  si  solide  qu'il  soit  en  apparence  : 
De  Benef.,  Lib.  VI,  30,  5. 

P.  148,  1.  15,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  De  brevit.  vit.,  10,  5  (per  quassos 
foratosque  animos  transmittitur). 

II).,  après  la  ligne  15,  ajoutez  :  «  transfundere  »  (verser  dans  l'âme 
d'autrui)  appartient  au  même  ordre  d'idées  :  Ep.  6,  4. 

lb.,  1.  20,  après  Ep.  94,  1,  intercalez  :  Ep.  95,  36;  Ep.  99,  10. 

lb.,  1.  22.  ajoutez  :  «  mordere  »  :  Ep.  78,  29  :  boc  tene,  boc  morde. 

P.  149,  1.  2,  avant  Ep.  95,  3,  intercalez  :  Ep.  29,  10. 

Ib.;  1.  3,  fin,  ajoutez  :  De  Provid.,  6,  8. 


—    165    — 

Ib.,  après  la  ligne  3,  ajoutez  :  Non  moins  énergique  est  le  terme  «  arie- 
tare  »,  qu'affectionne  Sénèque  :  De  Provîd.,  1,  2;  De  vita  beat.,  8,  5;  De 
tranq.  an.,  1,  11;  De  Ira,  Lib.  II,  3,  3;  Ep.  107.  2. 

Ib.,  «  percolare  »  (=  iiltrer)  est  employé  avec  une  nuance  de  dédain 
à  propos  de  la  digestion  :  Nat.  Quaest.,  Lib.  1.  praef.,  4  :  ut  cibos  el 
potiones  percolarem.  —  Rapprocbez  le  mot  d'une  énergique  trivialité 
adressé  au  buveur  :  Ep.  77,  16  :  Saccus  es.  De  même  en  t'r.  :  s  sac  à  vin.  » 

Ib.,  1.  7,  après  Ep.  81,  9,  intercalez  :  De  vit.  beat.,  12.  5  et  13,  3;  De  Otio,  7,  1. 

Ib.,  1.  14,  fin,  ajoutez  :  Ep.  4,  1  (iabes  mentis)  et  Consul,  ad  Marc.,  22,  2 
(animi  labes). 

P.  150,  après  la  1.  30,  intercalez  :  Le  style  de  Chrysippe  est  comparé  à 
une  pointe  :  De  Benef.,  Lib.  I,  4,  1. 

P.  151,  dern.  1.  :  puiqu'elle,  lire  :  puisqu'elle. 

1'.  152,  1.  23  :  par,  lire  :  pas. 

Ib.,  après  la  1.  24,  ajoutez  :  Ep.  17,  8  :  Vitae,  ut  ita  dicam,  additamentum. 

Ib.,  1.  28,  fin,  ajoutez  :  Ep.  24,  18;  Ë>.26,2;  Ep.  28,  2;  Ep.2%,  3;  Ep.%0,  1; 
Ep.  05,  16;  Ep.  84,  11;  Ep.  92,  16;  Ep.  102,  26;  Ep.  104,  20;  Ep.  117,  25; 
De  Ira,  Lib.  III,  6,  6;  Consol.  ad  Mare..  5.  6;  Id.,  24,  5;  De  Clem.,  Lib.  I.  1,6; 
De  tranquill.  an..  6,  4;  Id..  10,  6;  De  Benef.,  Lib.  II,  35.  3  (sarcina). 

P.  154,  1.  11,  fin,  ajoutez  :  Cf.  aussi  Ep.  82,  19. 


Table  des  matières. 


Pages. 

Chapitre  I.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  empruntées 

à  la   Vie  m  il  if  a  ire 5 

Appendice.  —  Métaphores  et  Comparaisons  empruntées  à  la 
Chasse,  à  la  Lutte,  aux  Combats  de  Gladiateurs,  et,  en 
général,  aux  Jeux  publics  des  Romains 38 

Chapitre  II.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  empruntées 

à  la  Médecine -A 

Chapitre  III.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  empruntées 

à  la  Navigation  et  aux  Voyages 71 

I.  Navigation 71 

II.  Voyages 79 

Chapitre  IV.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  empruntées 

au  Droit 88 

Chapitre  V.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  empruntées 
à  Y  Agriculture  et  à  la  Vie  des  Champs,  et  aux  Arts  et 
Métiers 103 

I.  Agriculture  et  Vie  des  Champs 103 

II.  Arts  et  Métiers 111 

Chapitre  VI.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  tirées  de 

la  Mythologie,  la  Religion  et  la  Philosophie 119 

I.  La  Mythologie 120 

II.  La  Religion 121 

III.  La  Philosophie 123 

Chapitre  VII.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  tirées  de 

la  Nature 124 

Chapitre  VIII.  —  Les  Métaphores  et  les  Comparaisons  empruntées 

aux  Mœurs  et  Coutumes,  et,  en  général,  à  VHomme  .     .     .  136 

I-.kkata  et  Addenda 155 


PA  Steyns,  D. 

6690  Étude  sur  les  métaphores 

S8  et  les  comparaisons  dans 

1907  les  oeuvres  en  prose  de 

Sé*nèque  le  philosophe 


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