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Full text of "uvres complètes de J. J.Rousseau : mises dans un nouvel ordre"

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OEUVRES 


COMPLETES 


DE  J.  J.  ROUSSEAU. 


TOME  VIL 


ON   SOUSCRIT  A  PARIS, 

CHEZ  p.  DUPONT,  LIBRAIRE, 

ÉDITEUR    DES    OEUVRES    COMPLÈTES    DE    VOLTAIRE    ET    DE    RACINE, 
RUE  DU  BOULOT,  HOTEL  DES  FERMES,  COUR  DES  MESSAGERIES. 

ET  CHEZ  BOSSANGE  PFIRE, 

LIBRAIRE    DE    S.    A.    S.    MONSEtGffEUR    LE    DUC    d'oRLÉANS  , 
HUE    DE    RICHELIEU  ,     w"     6o. 


ŒUVRES 


COMPLÈTES 


DE  J.J.ROUSSEAU, 

MISES  DANS  UN   NOUVEI.  ORDRE, 
AVEC  DES  NOTES  HISTORIQUES  ET  DES  ÉCLAIRCISSEMENTS; 

Par  V.  D.  MUSSET-PATHAY. 


PHILOSOPHIE. 


LETTRES  SUR  LA  BOTANIQUE, 


SUIVIES 


D  UNE  INTRODUCTION  A  L  ETUDE  DE  CETTE  SCIENCE,  ET  DE  FRAGMENTS 
POUR  UN  DICTIONNAIRE  DES  TERMES  d'uSAGE  EN  BOTANIQUE. 


PARIS, 


CHEZ  P.  DUPONT,  LIBRAIRE-EDITEUR. 


1824, 


Université^ 

WBUOTHECA 
OtUvieosi» 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  witii  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/uvrescompltesd07rous 


LETTRES 


SUK 


LA  BOTANIQUE. 


AVERTISSEMENT. 


La  botanique  fit  les  délices  de  Jean-Jacques  et  le  consola  des 
chagrins  que  lui  causèrent  les  hommes  ou  lui-même  ;  car  il 
seiSble  faire  cette  distinction  lorsqu'il  s'exprime  ainsi  :  «  J'avais 
«à  craindre,  dit-il,  que  mon  imagination,  effarouchée  par  mes 
(1  malheurs,  ne  tournât  enfin  de  ce  côté  son  activité,  et  que  le 
«  continuel  sentiment  de  mes  peines  ne  m'accablât  enfin  de  leur 
«  poids.  Dans  cet  état,  un  instinct  qui  m'est  naturel,  me  faisant 
«  fuir  toute  idée  attristante,  imposa  silence  à  mon  imagination,  et 
«  me  fit,  pour  la  première  fois,  détailler  le  spectacle  de  la  nature, 
"  que  je  n'avais  guère  contemplé  jusqu'alors  qu'en  masse  et  dans 
<■  son  ensemble.  Les  arbres,  les  arbrisseaux,  les  plantes,  sont  la 
«  parure  et  le  vêtement  de  la  terie.  Rien  n'est  si  triste  que  l'as- 
«  pcct  d'une  campagne  nue  et  pelée;  mais,  vivifiée  par  la  nature 
«  et  revêtue  de  sa  l'obe  de  noces,  la  terre  offre  à  l'homme  un 
«  spectacle  plein  de  vie ,  d'intérêt  et  de  charmes,  le  seul  au  monde 
"  dont  ses  yeux  et  son  cœur  ne  se  lassent  jamais.» 

S'élevant  contre  ceux  qui  ne  cherchent  dans  les  plantes  que 
des  drogues  et  des  remèdes,  il  combat  ce  préjugé  dégoûtant , 
«  qui  flétrit  l'émail  des  prés,  l'éclat  des  fleurs,  dessèche  la  fraî- 
«  cheur  des  bocages,  rend  la  verdure  et  l'ombrage  insipides. 
«  Toutes  ces  structures  charmantes,  ajoute-t-il ,  intéressent  fort 
«peu  quiconque  ne  veut  que  piler  tout  cela  dans  un  mortier, 
«  et  l'on  n'ira  pas  chercher  des  guirlandes  pour  les  bergères 
«  parmi  des  herbes  pour  les  lavements  '.  Pour  moi....  attiré  par 
«  les  riants  objets  qui  m'entourent,  je  les  considère ,  je  les  con- 
«  temple,  je  les  compare,  j'apprends  enfin  à  les  classer,  et  me  voilà 
«  tout  d'un  coup  aussi  botaniste  qu'a  besoin  de  l'être  celui  qui  ne 
«  veut  étudier  la  nature  que  pour  trouver  sans  cesse  de  nouvelles 
<<  raisons  de  V aimer...  Je  n'ai  ni  dépense  à  faire  ni  peine  à  pren- 
«  dre  pour  errer  nonchalamment  d'herbe  en  herbe,  de  plante  en 
«  plante ,  pour  observer  l'organisation  végétale  de  manière  à 

'  vvf  promenade. 


O  AVERTISSEMENT. 

«  suivre  la  marche  et  le  jeu  de  ces  machines  vivantes,  à  chercher 
a  quelquefois  avec  succès  leurs  lois  générales,  la  raison  et  la  fin 
«  de  leurs  structures  diverses,  et  à  me  livrer  aux  charmes  de 
«  l'admiration  reconnaissante  pour  la  main  qui  me  fait  jouir  de 
«  tout  cela.  » 

C'est  pour  faciliter  la  route  à  ceux  qui,  se  proposant  le  même 
but ,  feraient  de  la  botanique  un  délassement  ;  c'est  pour  inspire  r 
un  goût  à  la  fois  innocent  et  impérieux  à  ceux  qui  auraient  Jae- 
soin  de  distraction,  que  Rousseau  composa  les  Lettres  élémen- 
taires qu'il  adressa  à  madame  Delessert.  A  l'élégante  clarté  des 
descriptions,  à  leur  grâce,  à  leur  fraîcheur,  on  dirait  qu'il 
voulut  en  quelque  sorte  reproduire  la  fleur  de  nouveau,  voyant 
avec  dépit  qu'elle  était  flétrie  d'une  aurore  à  l'autre. 

Le  système  que  Rousseau  préférait  aux  autres  était  celui  de 
Linnée.  C'est  à  ce  célèbre  botaniste  qu'il  écrivait  en  ces  termes  '  : 
«  Recevez  avec  bonté  l'hommage  d'un  très-ignare ,  mais  très- 
«  zélé  disciple  de  vos  disciples,  qui  doit,  en  grande  partie,  à  la 
a.  méditation  de  vos  écrits  la  tranquillité  dont  il  jouit.  Seul  avec 
"  la  nature  et  vous,  je  passe  dans  mes  promenades  champêtres 
«des  heures  délicieuses,  et  je  tire  un  profit  plus  réel  de  votre 
<c  Philosophie  botanique  que  de  tous  les  livres  de  morale....  J'a- 
«  muse  ma  vieille  enfance...  Continuez  d'ouvrir  et  d'interpréter 
«  aux  hommes  le  livre  de  la  nature.  Pour  moi,  content  d'en  dé- 
«  chiffrer  quelques  mots  à  votre  suite,  dans  le  feuillet  du  règne 
«  végétal,  je  vous  lis,  je  vous  étudie,  je  vous  médite  et  je  vous 
«  honore.  » 

C'était  donc  une  idée  heureuse  que  de  compléter  les  lettres 
de  Jean-Jacques  en  présentant,  sous  la  même  forme ,  le  système 
de  Linnée.  Ce  travail  fut  fait  en  Angleterre  par  M.  Martyn,  pro- 
fesseur à  l'université  de  Cambridge,  qui  publia  vingt-quatre 
lettres  sur  la  méthode  linnéenne.  Elles  ont  été  traduites  dans 
notre  langue  par  31.  de  La  Montagne. 

Ces  lettres  sont  suivies  de  celles  de  Jean- Jacques  soit  à  ma- 
dame la  duchesse  de  Portland,  soit  à  3Ï.  de  la  Tourette.  Enfin  des 
fragments  d'un  dictionnaire  des  termes  de  botanique  terminent 
ce  volimie,  destiné  bien  moins  aux  botanistes  qu'à  ceux  qui  vou- 
draient le  devenir. 

'  Lettre  datée  de  Paris,  le  21  septembre  Ï771. 


LETTRES  ELEMENTAIRES 

SUR 

LA  BOTANIQUE, 

A  MADAME  DELESSERT. 


LETTRE  I. 

Du  2  3  août  1771. 

Votre  idée  d'amuser  un  peu  la  vivacité  de  votre 
fille,  et  de  l'exercer  à  l'attention  sur  des  objets 
agréables  et  variés  comme  les  plantes,  me  paraît 
excellente,  mais  je  n'aurais  osé  vous  la  proposer, 
de  peur  de  faire  le  monsieur  Josse.  Puisqu'elle 
vient  de  vous,  je  l'approuve  de  tout  mon  cœur, 
et  j'y  concourrai  de  même,  persuadé  qu'à  tout  âge 
l'étude  de  la  nature  émousse  le  goût  des  amuse- 
ments frivoles,  prévient  le  timniîte  des  passions, 
et  porte  à  l'ame  une  nourriture  qui  lui  profite  en 
la  remplissant  du  plus  digne  objet  de  ses  contem- 
plations. 

Vous  avez  commencé  par  apprendre  à  la  petite 
les  noms  d'autant  de  plantes  que  vous  en  aviez 
de  communes  sous  les  yeux  :  c'était  précisément 
ce  qu'il  fallait  faire.  Ce  petit  nombre  de  plantes 
qu'elle  connaît  de  vue  sont  les  j)ièces  de  compa- 
raison pour  étendre  ses  connaissances  :  mais  elles 


lO  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

ne  suffisent  pas.  Vous  me  demandez  un  petit  ca- 
talogue des  plantes  les  plus  coimues  avec  des  mar- . 
ques  pour  les  reconnaître.  Je  trouve  à  cela  quel- 
que embarras  :  c'est  de  vous  donner  par  écrit  ces 
marques  ou  caractères  d'une  manière  claire  et  ce- 
pendant peu  diffuse.  Cela  me  paraît  impossible 
sans  employer  la  langue  de  la  chose  ;  et  les  termes 
de  cette  langue  forment  un  vocabulaire  à  part  que 
vous  ne  sauriez  entendre ,  s'il  ne  vous  est  préala- 
blement expliqué. 

D'ailleurs,  ne  connaître  simplement  les  plantes 
que  de  vue,  et  ne  savoir  que  leurs  noms,  ne  peut 
être  qu'une  étude  trop  insipide  pour  des  esprits 
comme  les  vôtres;  et  il  est  à  présumer  que  votre 
fille  ne  s'en  amuserait  pas  long-temps.  Je  vous  pro- 
pose de  prendre  quelques  notions  préliminaires 
de  la  structure  végétale  ou  de  l'organisation  des 
plantes,  afin,  dussiez-vous  ne  faire  que  quelques 
pas  dans  le  plus  beau,  dans  le  plus  riche  des  trois 
règnes  de  la  nature,  d'y. marcher  du  moins  avec 
quelques  lumières.  Il  ne  s'agit  donc  pas  encore  de 
la  nomenclature,  qui  n'est  qu'un  savoir  d'herbo- 
riste. J'ai  toujours  cru  qu'on  pouvait  être  un  très- 
grand  botaniste  sans  connaître  une  seule  plante 
par  son  nom;  et,  sans  vouloir  faire  de  votre  fille 
un  très-grand  botaniste,  je  crois  néanmoins  qu'il 
lui  sera  toujours  utile  d'apprendre  à  bien  voir  ce 
qu'elle  regarde.  Ne  vous  effarouchez  pas  au  reste 
de   l'entreprise.  Vous   connaîtrez  bientôt  qu'elle 
n'est  pas  grande.  Il  n'y  a  rien  de  compliqué  ni  de 
difficile  à  suivre  dans  ce  que  j'ai  à  vous  proposer 


SUR   LA    BOTANIQUE.  II 

Il  ne  s'agit  que  d'avoir  la  patience  de  commencer 
par  le  commencement.  Après  cela  on  n'avance 
qu'autant  qu'on  veut. 

Nous  touchons  à  l'arrière-saison ,  et  les  plantes 
dont  la  structure  a  le  plus  de  simplicité  sont  déjà 
passées.  D'ailleurs  je  vous  demande  quelque  temps 
pour  mettre  un  peu  d'ordre  dans  vos  observations. 
Mais ,  en  attendant  que  le  printemps  nous  mette 
à  portée  de  commencer  et  de  suivre  le  cours  de 
la  nature,  je  vais  toujours  vous  donner  quelques 
mots  du  vocabulaire  à  retenir. 

Une  plante  parfaite  est  composée  de  racine ,  de 
tige ,  de  branches ,  de  feuilles ,  de  fleurs  et  de  fruits 
(car  on  appelle  fruit  en  botanique,  tant  dans  les 
herbes  que  dans  les  arbres ,  toute  la  fabrique  de 
la  semence).  Vous  connaissez  déjà  tout  cela,  du 
moins  assez  pour  entendre  le  mot  :  mais  il  y  a  une 
partie  principale  qui  demande  un  plus  grand  exa- 
men; c'est  X-A  fructification  ^  c'est-à-dire  hi  fleur  et 
\e fruit.  Commençons  par  la  fleur,  qui  vient  la  pre- 
mière. C'est  dans  cette  partie  que  la  nature  a  ren- 
fermé le  sommaire  de  son  ouvrage  :  c'est  par  elle 
qu'elle  le  perpétue ,  et  c'est  aussi  de  toutes  les  par- 
ties du  végétal  la  plus  éclatante  pour  l'ordinaire , 
toujours  la  moins  sujette  aux  variations. 

Prenez  un  lis.  Je  pense  que  vous  en  trouverez 
encore  aisément  en  pleine  fleur.  Avant  qu'il  s'ou- 
vre, vous  voyez  à  l'extrémité  de  Iji  tige  un  bouton 
oblpng,  verdâtre,  c[ui  blanchit  à  mesure  qu'il  est 
prêt  à  s'épanouir;  et,  quand  il  est  tout-à-fait  ou- 
vert, vous  y^y^z  son  enveloppe  blanche  prendre 


12  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

la  forme  d'un  vase  divisé  en  plusieurs  segments. 
Cette  partie  enveloppante  et  colorée  qui  est  blan- 
che dans  le  lis ,  s'appelle  la  corolle ,  et  ûon  pas  la 
fleur  comme  chez  le  vulgaire ,  parce  que  la  fleur 
est  un  composé  de  plusieurs  parties  dont  la  corolle 
est  seulement  la  principale. 

La  corolle  du  lis  n'est  pas  d'une  seule  pièce, 
comme  il  est  facile  à  voir.  Quand  elle  se  fane  et 
tombe,  elle  tombe  en  six  pièces  bien  séparées,  qui 
s'appellent  des  pétales.  Ainsi  la  corolle  du  lis  est 
composée  de  six  pétales.  Toute  corolle  de  fleur  qui 
est  ainsi  de  plusieurs  pièces  s'appelle  corolle  poli- 
pétale.  Si  la  corolle  n'était  que  d'une  seule  pièce , 
comme  par  exemple  dans  le  liseron,  appelé  clo- 
chette des  champs,  elle  s'appellerait  monopétale. 
Revenons  à  notre  lis. 

Dans  la  corolle  vous  trouverez ,  précisément  au 
milieu,  une  espèce  de  petite  colonne  attachée 
tout  au  fond  et  qui  pointe  directement  vers  le 
haut.  Cette  colonne ,  prise  dans  son  entier ,  s'ap- 
pelle \e pistil;  prise  dans  ses  parties,  elle  se  divise 
en  trois:  i°  sa  base  renflée  en  cylindre  avec  trois 
angles  arrondis  tout  autour;  cette  base  s'appelle 
le  germe  :  i^  un  filet  posé  sur  le  germe  ;  ce  filet 
s'appelle  stjie  :  3*^  le  style  est  couronné  par  une 
espèce  de  chapiteau  avec  trois  échancrures  :  ce 
chapiteau  s'appelle  le  stigmate.  Voilà  en  quoi  con- 
sistent le  pistil  et  ses  trois  parties. 

Entre  le  pistil  et  la  corolle  vous  trouvez  six  autres 
corps  bien  distincts,  qui  s'appellent  les  étamines. 
Chaque  étamine  est  composée  de  deux  parties;  sa- 


SUR   LA   BOTANIQUE.  l3 

voir ,  une  plus  mince  par  laquelle  l'étamine  tient 
au  fond  de  la  corolle ,  et  qui  s'appelle  lejîlet;  une 
plus  grosse  qui  tient  à  l'extrémité  supérieure  du 
filet,  et  qui  s'appelle  anthère.  Chaque  anthère  est 
une  boîte  qui  s'ouvre  quand  elle  est  mûre,  et 
verse  une  poussière  jaune  très  -  odorante ,  dont 
nous  parlerons  dans  la  suite.  Cette  poussière  jus- 
qu'ici n'a  point  de  nom  français  ;  chez  les  bota- 
nistes on  l'appelle  le  pollen  y  mot  qui  signifie  pous- 
sière. 

Voilà  l'analyse  grossière  des  parties  de  la  fleur. 
A  mesure  que  la  corolle  se  fane  et  tombe ,  le  germe 
grossit,  et  devient  une  capsule  triangulaire  allon- 
gée ,  dont  l'intérieur  contient  des  semences  plates 
distribuées  en  trois  loges.  Cette  capsule ,  considé- 
rée comme  l'enveloppe  des  graines ,  prend  le  nom 
à.e  péricarpe.  Mais  je  n'entreprendrai  pas  ici  l'ana- 
lyse du  fruit.  Ce  sera  le  sujet  d'une  autre  lettre. 

Les  parties  que  je  viens  de  vous  nommer  se 
trouvent  également  dans  les  fleurs  de  la  plupart 
des  autres  plantes,  mais  à  divers  degrés  de  pro- 
portion ,  de  situation ,  et  de  nombre.  C'est  par  l'a- 
nalogie de  ces  parties ,  et  par  leurs  diverses  com- 
binaisons ,  que  se  déterminent  les  diverses  familles 
du  règne  végétal;  et  ces  analogies  des  parties  de 
la  fleur  se  lient  avec  d'autres  analogies  des  parties 
de  la  plante  qui  semblent  n'avoir  aucun  rapport 
à  celles-là.  Par  exemple,  ce  nombre  de  six  éta- 
mines ,  quelquefois  seulement  trois ,  de  six  pétales 
ou  divisions  de  la  corolle ,  et  cette  forme  triangu- 
laire à  trois  loges  de  l'ovaire ,  déterminent  toute 


l4  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

l;i  famille  des  liliacées;  et  dans  toute  cette  même 
famille,  qui  est  très -nombreuse,  les  racines  sont 
toutes  des  ognons  ou  bulbes,  plus  ou  moins  mar- 
quées ,  et  variées  quant  à  lein-  figure  ou  composi- 
tion. L'ognon  du  lis  est  composé  d'écaillés  en  re- 
couvremefit;  dans  l'asphodèle,  c'est  une  liasse  de 
navets  allongés;  dans  le  safran,  ce  sont  deux  bul- 
bes l'une  sur  l'autre  ;  dans  le  colchique ,  à  côté 
l'une  de  l'autre,  mais  toujours  des  bulbes. 

Le  lis,  que  j'ai  choisi  parce  qu'il  est  de  la  sai- 
son ,  et  aussi  à  caiise  de  la  grandeur  de  sa  fleur  et 
de  ses  parties  qui  les  rend  plus  sensibles ,  manque 
cependant  d'une  des  parties  constitutives  d'une 
fleur  parfaite ,  savoir  le  calice.  Le  calice  est  cette 
partie  verte  et  divisée  communément  en  cinq  fo- 
lioles, qui  soutient  et  embrasse  par  le  bas  la  co- 
rolle, et  qui  l'enveloppe  tout  entière  avant  son 
épanouissement,  comme  vous  aurez  pu  le  remar- 
quer dans  la  rose.  Le  calice ,  qui  accompagne  pres- 
que toutes  les  autres  fleurs ,  manque  à  la  plupart 
des  liliacées,  comme  la  tulipe,  la  jacinthe,  le  nar- 
cisse ,  la  tubéreuse ,  etc. ,  et  même  l'ognon ,  le  poi- 
reau, l'ail,  qui  sont  aussi  de  véritables  liliacées, 
quoiqu'elles  paraissent  fort  différentes  au  pre- 
mier coup  d'oeil.  Vous  verrez  encore  que ,  dans 
toute  cette  même  famille,  les  tiges  sont  simples 
et  peu  rameuses,  les  feuilles  entières  et  jamais  dé- 
coupées; observations  qui  confirment ,  dans  cette 
famille,  l'analogie  de  la  fleur  et  du  fruit  par  celle 
des  autres  parties  de  la  plante.  Si  vous  suivez 
ces  détails  av.ec  quelque  attention,  et  que  vous 


SUR  LA   BOTANIQUE.  13 

VOUS  les  rendiez  familiers  par  des  observations 
fréquentes ,  vous  voilà  déjà  en  état  de  déterminer 
par  l'inspection  attentive  et  suivie  d'une  plante, 
si  elle  est  ou  non  de  la  famille  des  liliacées ,  et  cela, 
sans  savoir  le  nom  de  cette  plante.  Vous  voyez 
que  ce  n'est  plus  ici  un  simple  travail  de  la  mé- 
moire ,  mais  une  étude  d'observations  et  de  faits , 
vraiment  digne  d'un  naturaliste.  Vous  ne  commen- 
cerez  pas  par  dire  tout  cela  à  votre  fille ,  et  encore 
moins  dans  la  suite ,  quand  vous  serez  initiée  dans 
les  mystères  de  la  végétation;  mais  vous  ne  lui 
développerez  par  degrés  cpie  ce  qui  peut  conve- 
nir à  son  âge  et  à  son  sexe,  en  la  guidant  pour 
trouver  les  choses  par  elle-même  plutôt  qu'en  les 
lui  apprenant.  Bonjour,  chère  cousine;  si  tout  ce 
fatras  vous  convient,  je  suis  à  vos  ordres. 


LETTRE  II. 

Du  i8  octobre  1771- 

Puisque  vous  saisissez  si  bien ,  chère  cousine , 
les  premiers  linéaments  des  plantes ,  quoique  si 
légèrement  marqués ,  que  votre  œil  clairvoyant  sait 
déjà  distinguer  un  air  de  famille  dans  les  liliacées , 
et  que  notre  chère  petite  botaniste  s'amuse  de  co- 
rolles et  de  pétales,  je  vais  vous  proposer  une  autre 
famille  sur  laquelle  elle  pourra  derechef  exercer 
son  petit  savoir;  avec  un  peu  plus  de  difficultés 
pourtant,  je  l'avoue,  à  cause  des  fleurs  beaucoup 


îG  LETTRES  ÉLÉMEJVTAlllES 

plus  petites,  du  feuillage  plus  varié;  mais  avec  le 
inerrie  plaisir  de  sa  part  et  de  la  vôtre ,  du  moins 
si  vous  en  prenez  autant  à  suivre  cette  route  fleu- 
rie que  j'en  trouve  à  vous  la  tracer. 

Quand  les  premiers  rayons  du  printemps  auront 
éclairé  vos  progrès  en  vous  montrant  dans  les  jar- 
dins les  jacinthes,  les  tulipes,  les  narcisses,  les 
jonquilles  et  les  muguets,  dont  l'analyse  vous  est 
déjà  connue ,  d'autres  fleurs  arrêteront  bientôt  vos 
regards ,  et  vous  demanderont  un  nouvel  examen. 
Telles  seront  les  giroflées  ou  violiers  ;  telles  les  ju- 
liennes ou  girardes.  Tant  que  vous  les  trouverez 
doubles,  ne  vous  attachez  pas  à  leur  examen;  elles 
seront  défigurées,  ou,  si  vous  voulez,  parées  à 
notre  mode;  la  nature  ne  s'y  trouvera  plus  :  elle  re- 
fuse de  se  reproduire  par  des  monstres  ainsi  mu- 
tilés; car  si  la  partie  la  plus  brillante,  savoir  la 
corolle,  s'y  multiplie,  c'est  aux  dépens  des  parties 
plus  essentielles  qui  disparaissent  sous  cet.éclat. 

Prenez  donc  une  giroflée  simple ,  et  procédez  à 
l'analyse  de  sa  fleur.  Vous  y  trouverez  d'abord  une 
partie  extérieure  qui  manque  dans  les  liliacées  , 
savoir  le  calice.  Ce  calice  est  de  quatre  pièces, 
qu'il  faut  bien  appeler  feuilles  ou  folioles,  puisque 
nous'  n'avons  point  de  mot  propre  pour  les  ex- 
prinier ,  comme  le  mot  pétales  pour  les  pièces  de 
la  corolle.  Ces  quatre  pièces,  pour  l'ordinaire,  sont 
inégales  de  deux  en  deux ,  c'est-à-dire  deux  folioles 
opposées  l'une  à  l'autre,  égales  entre  elles,  plus 
petites  ;  et  les  deux  autres ,  aussi  égales  entre  elles 
et  opposées,  plus  grandes,  et  surtout  par  le  bas 


SUR   LA    BOTANIQUE.  I7 

où  leur  arrondissement  fait  en  dehors  une  bosse 
assez  sensible. 

Dans  ce  calice  vous  trouverez  une  corolle  com- 
posée de  quati-e  pétales  dont  je  laisse  à  part  la 
couleur,  parce  qu'elle  ne  fait  point  caractère.  Cha- 
cun de  ces  pétales  est  attaché  au  réceptacle  ou 
fond  du  calice  par  une  partie  étroite  et  pâle  qu'on 
appelle  Vonglet^  et  déborde  le  calice  par  une  partie 
plus  large  et  plus  colorée ,  qu'on  appelle  la  lame. 

Au  centre  de  la  corolle,  est  un  pistil  allongé, 
cylindrique  ou  a  peu  près ,  terminé  par  un  style 
très-court,  lequel  est  terminé  lui-même  par  un  stig- 
mate oblong,  bi/ide ,  c'est-à-dire  partagé  en  deux 
l^arties  qui  se  réfléchissent  de  part  et  d'autre. 

Si  vous  examinez  avec  soin  la  position  respec- 
tive du  calice  et  de  la  corolle,  vous  verrez  que 
chaque  pétale,  au  lieu  de  correspondre  exactement 
à  chaque  foliole  du  calice ,  est  posé  au  contraire 
entre  les  deux,  de  sorte  qu'il  répond  à  l'ouver- 
ture qui  les  sépare  ,  et  cette  position  alternative 
a  lieu  dans  toutes  les  espèces  de  fleurs  qui  ont  un 
nombre  égal  de  pétales  à  la  corolle  et  de  folioles 
au  calice. 

Il  nous  reste  à  parler  des  étamines.  Vous  les 
trouverez  dans  la  giroflée  au  nombre  de  six,  comme 
dans  les  liliacées,  mais  non  pas  de  même  égales 
entre  elles,  ou  alternativement  inégales;  car  vous 
en  verrez  seulement  deux  en  opposition  l'une  de 
l'autre,  sensiblement  plus  courtes  que  les  quatre 
autres  qui  les  séparent ,  et  qui  en  sont  aussi  sépa- 
rées de  deux  en  deux. 


R.   vn. 


l8  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

Je  n'entrei^i  pas  ici  dans  le  détail  de  leur  struc- 
ture et  de  leur  position  ;  mais  je  vous  préviens  que, 
si  vous  y  regardez  bien ,  vous  trouverez  la  raison 
pourquoi  ces  deux  étamines  sont  plus  courtes  que 
les  autres,  et  pourquoi  deux  folioles  du  calice 
sont  plus  bossues ,  ou ,  pour  parler  en  termes  de 
botanique ,  plus  gibbeuses ,  et  les  deux  autres  plus 
aplaties. 

Pour  achever  l'histoire  de  notre  giroflée ,  il  ne 
faut  pas  l'abandonner  après  avoir  analysé  sa  fleur , 
mais  il  faut  attendre  que  la  corolle  se  flétrisse  et 
tombe ,  ce  qu'elle  fait  assez  promptement ,  et  re- 
marquer alors  ce  que  devient  le  pistil,  composé, 
comme  nous  l'avons  dit  ci-devant,  de  l'ovaire  ou 
péricarpe ,  du  style,  et  du  stigmate.  L'ovaire  s'al- 
longe beaucoup  et  s'élargit  un  peu  à  mesure  que 
le  fruit  mûrit  :  quand  il  est  mùr ,  cet  ovaire  ou 
fruit  devient  une  espèce  de  gousse  plate  appelée 
silique. 

Cette  silique  est  composée  de  deux  valvules  po- 
sées l'une  sur  l'autre ,  et  séparées  par  une  cloison 
fort  mince  appelée  médias  tin. 

Quand  la  semence  est  tout-à-fait  mûre ,  les  val- 
vules s'ouvrent  de  bas  en  haut  pour  lui  donner  pas- 
sage ,  et  restent  attachées  au  stigmate  par  leur 
partie  supérieure. 

Alors  on  voit  des  graines  plates  et  circulaires  po- 
sées siir  les  deux  faces  du  médiastin  ;  et  si  l'on  re- 
garde avec  soin  comment  elles  y  tiennent ,  on 
trouve  que  c'est  par  un  court  pédicule  qui  attache 
chaque  graine  alternatiA^ementà  droite  et  à  gauche 


SUR   LA   BOTANIQUE.  I9 

aux  sutures  du  médiastin ,  c'est-à-dire  à  ses  deux 
bords,  par  lesquels  il  était  comme  cousu  avec  les 
valvules  avant  leur  séparation. 

Je  crains  fort ,  chère  cousine ,  de  vous  avoir  un 
peu  fatiguée  par  cette  longue  description,  mais  elle 
était  nécessaire  pour  vous  donner  le  caractère  es- 
sentiel de  la  nombreuse  famille  des  crucij'eres  ou 
fleurs  en  croix,  laquelle  compose  une  classe  entière 
dans  presque  tous  les  systèmes  des  botanistes  ;  et 
cette  description,  difficile  à  entendre  ici  sans  fi- 
gure, vous  deviendra  plus  claire,  j'ose  l'espérer, 
quand  vous  la  suivrez  avec  quelque  attention,  ayant 
l'objet  sous  les  yeux. 

Le  grand  nombre  d'espèces  qui  composent  la 
famille  des  crucifères  a  déterminé  les  botanistes  à 
la  diviser  en  deux  sections  qui ,  quant  à  la  fleur , 
sont  parfaitement  semblables ,  mais  diffèrent  sen- 
siblement quant  au  fruit. 

La  première  section  comprend  les  crucifères  a 
siliqiie ,  comme  la  giroflée  dont  je  viens  de  parler, 
la  julienne,  le  cresson  de  fontaine,  les  choux,  les 
raves,  les  navets,  la  moutarde ,  etc. 

La  seconde  section  comprend  les  crucifères  à 
silicule,  c'est-à-dire  dont  la  silique  en  diminutif  est 
extrêmement  courte ,  presque  aussi  large  que 
longue ,  et  autrement  divisée  en  dedans  ;  comme 
entre  autres  le  cresson  alenois ,  dit  jiasitort  ou  na- 
lou,  le  thlaspi ,  appelé  taraspi^^2L\•  les  jardiniers,  le 
cochléaria,  la  lunaire,  qui,  quoique  la  gousse  en 
soit  fort  grande ,  n'est  pourtant  qu'une  silicule , 
j)arce  que  sa  longueur  excède  peu  sa  largeur.  Si 


•^O  LETTRES  lÉLÉMENTAlRES 

VOUS  ne  connaissez  ni  le  cresson  alenois  ^  ni  le  co- 
chléaria ,  ni  le  thlaspi ,  ni  la  lunaire ,  vous  connais- 
sez, du  moins  jeie  présume,  la  bourse-à-pasteur, 
si  commune  parmi  les  mauvaises  herbes  des  jar- 
dins. Hé  bien  ,  cousine ,  la  bourse-à-pasteur  est 
une  crucifère  à  silicule ,  dont  la  silicule  est  trian- 
gulaire. Sur  celle-là  vous  pouvez  vous  former  une 
idée  des  autres,  jusqu'à  ce  qu'elles  vous  tombent 
sous  la  main. 

Il  est  temps  de  vous  laisser  respirer,  d'autant 
plus  que  cette  lettre ,  avant  que  la  saison  vous  per- 
mette d'en  faire  usage,  sera,  j'espère,  suivie  de 
plusieurs  autres ,  où  je  pourrai  ajouter  ce  qui  reste 
à  dire  de  nécessaire  sur  les  crucifères,  et  que  je 
n'ai  pas  dit  dans  celle-ci.  Mais  il  est  bon  peut-être 
de  vous  prévenir  dès  à  présent  que  dans  cette  fa-, 
mille ,  et  dans  beaucoup  d'autres ,  vous  trouverez 
souvent  des  fleurs  beaucoup  plus  petites  que  la  gi- 
roflée ,  et  quelquefois  si  petites ,  que  vous  ne  pour- 
rez guère  examiner  leurs  parties  qu'à  la  faveur 
d'une  loupe,  instrument  dont  un  botaniste  ne  peut 
se  passer,  non  plus  que  d'une  pointe,  d'une  lan- 
cette ,  et  d'une  paire  de  bons  ciseaux  fins  à  décou- 
per. En  pensant  que  votre  zèle  maternel  peut  vous 
mener  jusque-là,  je  me  fais  un  tableau  charmant 
de  ma  belle  cousine  empressée  avec  son  verre  à 
éplucher  des  monceaux  de  fleurs ,  cent  fois  moins 
fleuries,  moins  fraîches  et  moins  agréables  qu'elle. 
Bonjour,  cousine ,  jusqu'au  chapitre  suivant. 


SUR  LA  BOTANIQUE.  21 


LETTRE  III. 

Du  1 6  mai  1772. 

Je  suppose ,  chère  cousine,  que  vous  avez  bien 
reçu  ma  précédente  réponse,  quoique  vous  ne  m'en 
parliez  point  dans  votre  seconde  lettre.  Répondant 
maintenant  à  celle-ci ,  j'espère ,  sur  ce  que  vous 
m'y  marquez ,  que  la  maman ,  bien  rétablie  ,  est 
partie  en  bon  état  pour  la  Suisse  ,  et  je  compte  que 
vous  n'oublierez  pas  de  me  donner  avis  de  l'effet 
de  ce  voyage  et  des  eaux  qu'elle  va  prendre.  Comme 
tante  Julie  a  dû  partir  avec  elle,  j'ai  chargé  M.  G., 
qui  retourne  au  Val-de-Travers ,  du  petit  herbier 
qui  lui  est  destiné,  et  je  l'ai  mis  à  votre  adresse, 
afin  qu'en  son  absence  vous  puissiez  le  recevoii- 
et  vous  en  servir,  si  tant  est  que  parmi  ces  échan- 
tillons informes  il  se  trouve  quelque  chose  à  votre 
usage.  Au  reste ,  je  n'accorde  pas  que  vous  ayez 
des  droits  sur  ce  chiffon.  Yœis  en  avez  sur  celui  qui 
l'a  fait,  les  plus  forts  et  les  plus  chers  que  je  con- 
naisse ;  mais  pour  l'herbier ,  il  fut  promis  à  votie 
sœur  ,  lorsqu'elle  herborisait  avec  moi  dans  nos 
promenades  à  la  Croix-de- Vague ,  et  que  vous  ne 
songiez  à  rien  moins  dans  celles  où  mon  cœur  et 
mes  pieds  vous  suivaient  avec  grand'maman  en 
Vaise.  Je  rougis  de  lui  avoir  tenu  parole  si  tard  et 
si  mal  ;  mais  enfin  elle  avait  sur  vous,  à  cet  égard, 
ma  parole  et  l'antériorité.  Poiu-  vous ,  chère  cou- 


22  LETTRES  ^LlÉMElYTA  IREb 

sine ,  si  je  ne  vous  promets  pas  un  herbier  de  ma 
main  ,  c'est  pour  vous  en  procurer  un  plus  pré- 
cieux de  la  main  de  votre  fille ,  si  vous  continuez 
à  suivre  avec  elle  cette  douce  et  charmante  étude 
qui  remplit  d'intéressantes  observations  sur  la  na- 
ture ces  vides  du  temps  que  les  autres  consacrent 
à  l'oisiveté  ou  à  pis.  Quant  à  présent,  reprenons  le 
fil  interrompu  de  nos  familles  végétales. 

Mon  intention  est  de  vous  décrire  d'abord  six  de 
ces  familles  pour  vous  familiariser  avec  la  structure 
générale  des  parties  caractéristiques  des  plantes. 
Vous  en  avez  déjà  deux;  reste  à  quatre  qu'il  faut 
encore  avoir  la  patience  de  suivre  :  après  quoi, lais- 
sant pour  un  temps  les  autres  branches  de  cette 
nombreuse  lignée,  et  passant  à  l'examen  des  par- 
ties différentes  de  la  fructification ,  nous  ferons  en 
sorte  que,  sans  peut-être  connaître  beaucoup  de 
plantes ,  vous  ne  serez  du  moins  jamais  en  terre 
étrangère  parmi  les  productions  du  règne  végétal. 

Mais  je  vous  préviens  que  si  vous  voulez  prendre 
des  livres  et  suivre  la  nomenclature  ordinaire,  avec 
beaucoup  de  noms  vous  aurez  peu  d'idées  ;  celles 
que  vous  aurez  se  brouilleront ,  et  vous  ne  suivrez 
bien  ni  ma  marche  ni  celle  des  autres ,  et  n'aurez 
tout  au  plus  qu'une  connaissance  de  mots.  Chère 
cousine ,  je  suis  jaloux  d'être  votre  seul  guide  dans 
cette  partie.  Quand  il  en  sera  temps  je  vous  indi- 
querai les  livres  que  vous  pourrez  consulter.  En 
attendant ,  ayez  la  patience  de  ne  lire  que  dans  ce- 
lui de  la  nature  et  de  vous  en  tenir  à  mes  lettres. 

Les  pois  sont  à  présent  en  pleine  fructification. 


SUR  LA    BOTANIQUE.  ^3 

Saisissons  ce  moment  pour  observer  leur  caractère. 
Il  est  un  des  plus  curieux  que  puisse  offrir  la  bo- 
tanique. Toutes  les  fleurs  se  divisent  généralement 
en  régulières  et  irrégulières.  Les  premières  sont 
celles  dont  toutes  les  parties  s'écartent  uniformé- 
ment du  centre  de  la  fleur,  et  aboutiraient  ainsi 
par  leurs  extrémités  extérieures  à  la  circonférence 
d'un  cercle.  Cette  uniformité  fait  qu'en  présentant 
à  l'œil  les  fleurs  de  cette  espèce,  il  n'y  distingue 
ni  dessus  ni  dessous,  ni  droite  ni  gauche;  telles 
sont  les  deux  familles  ci-devant  examinées.  Mais, 
au  premier  coup  d'œil,  vous  verrez  qu'une  fleur 
de  pois  est  irrégulière ,  qu'on  y  distingue  aisément 
dans  la  corolle  la  partie  plus  longue ,  qui  doit  être 
en  haut,  de  la  plus  courte,  qui  doit  être  en  bas, 
et  qu'on  connaît  fort  bien ,  en  présentant  la  fleur 
vis-à-vis  de  l'œil,  si  on  la  tient  dans  sa  situation 
naturelle  ou  si  on  la  renverse.  Ainsi  toutes  les  fois 
qu'examinant  une  fleur  irrégulière  on  parle  du  haut 
et  du  bas ,  c'est  en  la  plaçant  dans  sa  situation  na- 
turelle. 

Comme  les  fleurs  de  cette  famille  sont  d'une 
construction  fort  particulière ,  non  -  seulement  il 
faut  avoir  plusieurs  fleurs  de  pois  et  les  disséquer 
successivement, pour  observer  toutes  leurs  parties 
l'une  après  l'autre ,  il  faut  même  suivre  le  progrès 
de  la  fructification  depuis  la  première  floraison  jus- 
qu'à la  maturité  du  fruit. 

Vous  trouverez  d'abord  un  calice  monophjlle , 
c'est-à-dire  d'une  seule  pièce  terminée  en  cinq 
pointes  bien  distinctes  ,  dont  deux  un  peu  plus 


1^  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

larges  sont  en  haut,  et  les  trois  plus  étroites  en 
bas.  Ce  calice  est  recourbé  vers  le  bas ,  de  même 
que  le  pédicule  qui  le  soutient,  lequel  pédicule  est 
très -délié,  très -mobile;  en  sorte  que  la  fleur  suit 
aisément  le  courant  de  l'air ,  et  présente  ordinaire- 
ment son  dos  au  vent  et  à  la  pluie. 

Le  calice  examiné,  on  l'ote,  en  le  déchirant  dé- 
licatement de  manière  que  le  reste  de  la  fleur  de- 
meure entier ,  et  alors  vous  voyez  clairement  que 
la  corolle  est  poiypétale. 

Sa  première  pièce  est  un  grand  et  large  pétale 
qui  couvre  les  autres,  et  occupe  la  partie  supé- 
rieure de  la  corolle ,  à  cause  de  quoi  ce  grand  pé- 
tale a  pris  le  nom  de  pai^il/on.  On  l'appelle  aussi 
Yétendard.  Il  faudrait  se  boucher  les  yeux  et  l'es- 
prit pour  ne  pas  voir  que  ce  pétale  est  là  comme 
un  parapluie  pour  garantir  ceux  qu'il  couvre  des 
principales  injures  de  l'air. 

En  enlevant  le  pavillon  comme  vous  avez  fait 
le  calice,  vous  remarquerez  qu'il  est  emboîté  de 
chaque  côté  par  une  petite  oreillette  dans  les  pièces 
latérales,  de  manière  que  sa  situation  ne  puisse  être 
dérangée  par  le  vent. 

Le  pavillon  ôté  laisse  à  découvert  ces  deux  pièces 
latérales  auxquelles  il  était  adhérent  par  ses  oreil- 
lettes :  ces  pièces  latérales  s'appellent  les  ai/es.  Vous 
trouverez  en  les  détachant  qu'emboîtées  encore 
plus  fortement  avec  celle  qui  reste ,  elles  n'en  peu- 
vent être  séparées  sans  quelque  effort.  Aussi  les 
ailes  ne  sont  guère  moins  utiles  pour  garantir  les 
CJtés  de  la  fleur  que  le  pavillon  pour  la  couvrir. 


SUR  LA  BOTANIQUE.  13 

Les  ailes  otées  vous  laissent  voir  la  dernière  pièce 
de  la  corolle  ;  pièce  qui  couvre  et  défend  le  centre 
de  la  fleur,  et  l'enveloppe,  surtout  par -dessous, 
aussi  soigneusement  que  les  trois  autres  pétales  en- 
veloppent le  dessus  et  les  côtés.  Cette  dernière 
pièce ,  qu'à  cause  de  sa  forme  on  appelle  la  nacelle, 
est  comme  le  coffre-fort  dans  lequel  la  nature  a  mis 
son  trésor  à  l'abri  des  atteintes  de  l'air  et  de  l'eau. 

Après  avoir  bien  examiné  ce  pétale ,  tirez-le  dou- 
cement par -dessous  en  le  pinçant  légèrement  par 
la  quille ,  c'est-à-dire  par  la  prise  mince  qu'il  vous 
présente ,  de  peur  d'enlever  avec  lui  ce  qu'il  enve- 
loppe :  je  suis  sur  qu'au  moment  où  ce  dernier  pé- 
tale sera  forcé  de  lâcher  prise  et  de  déceler  le  mys- 
tère qu'il  cache,  vous  ne  pourrez  en  l'apercevant 
vous  abstenir  de  faire  un  cri  de  surprise  et  d'ad- 
miration. 

Le  jeune  fruit  qu'enveloppait  la  nacelle  est  con- 
struit de  cette  manière  :  Une  membrane  cylin- 
drique terminée  par  dix  filets  bien  distincts  en- 
toure l'ovaire ,  c'est-à-dire  l'embryon  de  la  gousse. 
Ces  dix  filets  sont  autant  d'étamines  qui  se  réu- 
nissent par  le  bas  autour  du  germe,  et  se  termi- 
nent par  le  haut  en  autant  d'anthères  jaunes  dont 
la  poussière  va  féconder  le  stigmate  qui  termine  le 
pistil ,  et  qui ,  quoique  jaune  aussi  par  la  poussière 
fécondante  qui  s'y  attache ,  se  distingue  aisément 
des  étamines  par  sa  figure  et  par  sa  grosseur.  Ainsi 
ces  dix  étamines  forment  encore  autour  de  l'ovaire 
une  dernière  cuirasse  pour  le  préserver  des  injures 
du  dehors. 


af)  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

Si  VOUS  y  regardez  de  bien  près ,  vous  trouverez 
que  ces  dix  étamines  ne  font  par  leur  base  un  seul 
corps  qu'en  apparence  :  car ,  dans  la  partie  supé- 
rieure de  ce  cylindre ,  il  y  a  une  pièce  ou  étamine 
qui  d'abord  paraît  adhérente  aux  autres,  mais  qui, 
à  mesure  que  la  fleur  se  fane  et  que  le  fruit  gros- 
sit,  se  détache,  et  laisse  une  ouverture  en  dessus 
par  laquelle  ce  fruit  grossissant  peut  s'étendre  en 
entr'ouvrant  et  écartant  de  plus  en  plus  le  cihndre 
qui,  sans  cela,  le  comprimant  et  l'étranglant  tout 
autour,  l'empêcherait  de  grossir  et  de  profiter.  Si 
la  fleur  n'est  pas  assez  avancée ,  vous  ne  verrez  pas 
cette  étamine  détachée  du  cylindre;  mais  passez  un 
camion  dans  deux  petits  trous  que  vous  trouverez 
près  du  réceptacle  à  la  base  de  cette  étamine,  et 
bientôt  vous  verrez  l'étamine  avec  son  anthère 
suivre  l'épingle  et  se  détacher  des  neuf  autres  qui 
continueront  toujours  de  faire  ensemble  im  seul 
corps  ,  jusqu'à  ce  qu'elles  se  flétrissent  et  dessè- 
chent quand  le  germe  fécondé  devient  gousse  et 
qu'il  n'a  plus  besoin  d'elles. 

Cette  gousse,  dans  laquelle  l'ovaire  se  change  en 
mûrissant,  se  distingue  de  la  silique  des  crucifères, 
en  ce  que  dans  la  silique  les  graines  sont  attachées 
alternativement  aux  deux  sutures ,  au  lieu  que  dans 
la  gousse  elles  ne  sont  attachées  que  d'un  côté,  c'est- 
à-dire  à  une  seulement  des  deux  sutures,  tenant 
alternativement  à  la  vérité  aux  deux  valves  qui  la 
composent ,  mais  toujours  du  même  côté.  Vous  sai- 
sirez parfaitement  cette  différence  si  vous  ouvrez 
en  même  temps  la  gousse  d'un  pois  et  la  silique 


SUR  LA  BOTA.NIQTJE.  '1'] 

d'une  giroflée, ayant  attention  de  ne  les  prendre  ni 
l'une  ni  l'autre  en  parfaite  maturité ,  afin  qu'après 
l'ouverture  du  fruit  les  graines  restent  attachées  par 
leurs  ligaments  à  leurs  sutures  et  à  leurs  valvules. 

Si  je  me  suis  bien  fait  entendre ,  vous  compren- 
drez, chère  cousine,  quelles  étonnantes  précautions 
ont  été  cumulées  par  la  nature  pour  amener  l'em- 
bryon du  pois  à  maturité,  et  le  garantir  surtout, 
au  milieu  des  plus  grandes  pluies,  de  l'humidité 
qui  lui  est  funeste,  sans  cependant  l'enfermer  dans 
ime  coque  dure  qui  en  eût  fait  une  autre  sorte  de 
fruit.  Le  suprême  ouvrier ,  attentif  à  la  conserva- 
tion de  tous  les  êtres ,  a  mis  de  grands  soins  à  ga- 
rantir la  fructification  des  plantes  des  atteintes  qui 
lui  peuvent  nuire;  mais  il  paraît  avoir  redoublé 
d'attention  pour  celles  qui  servent  à  la  nourriture 
de  l'homme  et  des  animaux ,  comme  la  plupart  des 
légumineuses.  L'appareil  de  la  fructification  du 
pois  est ,  en  diverses  proportions ,  le  même  dans 
toute  cette  famille.  Les  fleurs  y  portent  le  nom  de 
papilionacées ,  parce  qu'on  a  cru  y  voir  quelque 
chose  de  semblable  à  la  figure  d'un  papillon  :  elles 
ont  généralement  un  paçillon ,  deux  aï/es ,  une  na- 
celle, ce  qui  fait  communément  quatre  pétales  ir- 
réguliers. Mais  il  y  a  des  genres  où  la  nacelle  se 
divise  dans  sa  longueur  en  deux  pièces  presque 
adhérentes  par  la  quille,  et  ces  fleurs-là  ont  réelle- 
ment cinq  pétales  ;  d'autres ,  comme  le  treffle  des 
prés  ,  ont  toutes  leurs  parties  attachées  en  une 
seule  pièce ,  et ,  quoique  papilionacées ,  ne  laissent 
pas  d'être  monopétales. 


ao  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

Les  papilionacées  ou  légumineuses  sont  une  des 
familles  des  plantes  les  plus  nombreuses  et  les  plus 
utiles.  On  y  trouve  les  fèves,  les  genêts ,  les  luzernes , 
sainfoins ,  lentilles ,  vesces ,  gesses ,  les  haricots ,  dont 
le  caractère  est  d'avoir  la  nacelle  contournée  en  spi- 
rale, ce  qu'on  prendrait  d'abord  pour  un  accident; 
il  y  a  des  arbres ,  entre  autres  celui  qu'on  appelle 
vulgairement  acacia,  et  qui  n'est  pas  le  véritable 
acacia  ;  l'indigo ,  la  réglisse ,  en  sont  aussi  :  mais 
nous  parlerons  de  tout  cela  plus  en  détail  dans  la 
suite.  Bonjour ,  cousine.  J'embrasse  tout  ce  que 
vous  aimez. 


LETTRE  IV. 

Du  19  juin  1772. 

Vous  m'avez  tiré  de  peine ,  chère  cousine  ;  mais 
il  me  reste  encore  de  l'inquiétude  siu'  ces  maux 
d'estomac  appelés  maux  de  cœur ,  dont  votre  ma- 
man sent  les  retours  dans  l'attitude  d'écrire.  Si  c'est 
seulement  l'effet  d'une  plénitude  de  bile  ,1e  voyage 
et  les  eaux  suffiront  pour  l'évacuer;  mais  je  crains 
bien  qu'il  n'y  ait  à  ces  accidents  quelque  cause  lo- 
cale qui  ne  sera  pas  si  facile  à  détruire ,  et  qui  de- 
mandera toujours  d'elle  un  grand  ménagement, 
même  après  son  rétidjlissement.  J'attends  de  vous 
des  nouvelles  de  ce  voyage ,  aussitôt  que  vous  en 
aurez;  mais  j'exige  que  la  maman  ne  songe  à  m'é- 
crirc  que  pour  m'apprendre  son  entière  guérison. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  ig 

Je  ne  puis  comprendre  pourquoi  vous  n'avez  pas 
reçu  l'herbier.  Dans  la  persuasion  que  tante  Julie 
était  déjà  partie,  j'avais  remis  le  paquet  à  M.  G. 
pour  vous  l'expédier  en  passant  à  Dijon.  Je  n'ap- 
prends d'aucun  côté  qu'il  soit  parvenu  ni  dans  vos 
mains ,  ni  dans  celles  de  votre  sœur ,  et  je  n'imagine 
plus  ce  qu'il  peut  être  devenu. 

Parlons  de  plantes,  taudis  que  la  saison  de  les 
observer  nous  y  invite.  Votre  solution  de  la  ques- 
tion que  je  vous  avais  faite  sur  les  étamines  des 
crucifères  est  parfaitement  juste  ,  et  me  prouve 
bien  que  vous  m'avez  entendu,  ou  plutôt  que  vous 
m'avez  écouté  ;  car  vous  n'avez  besoin  que  d'écou- 
ter pour  entendre.  Vous  m'avez  bien  rendu  raison 
de  la  gibbosité  de  deux  folioles  du  calice ,  et  de  la 
brièveté  relative  de  deux  étamines ,  dans  la  giro- 
flée, par  la  courbure  de  ces  deux  étamines.  Cepen- 
dant, un  pas  de  plus  vous  eût  menée  jusqu'à  la 
cause  première  de  cette  structure  :  car  si  vous  re- 
cherchez encore  pourquoi  ces  deux  étamines  sont 
ainsi  recourbées  et  par  conséquent  raccourcies , 
vous  trouverez  une  petite  glande  implantée  sur  le 
réceptacle,  entre  l'étamine  et  le  germe,  et  c'est 
cette  glande  qui,  éloignant  l'étamine ,  et  la  forçant 
à  prendre  le  contour,  la  raccourcit  nécessairement. 
Il  y  a  encore  sur  le  même  réceptacle  deux  autres 
glandes,  une  au  pied  de  chaque  paire  des  grandes 
étamines  ;  mais  ne  leur  faisant  point  faire  de  con- 
tour ,  elles  ne  les  raccourcissent  pas  parce  que  ces 
glandes  ne  sont  pas,  comme  les  deux  premières ,  en 
dedans,  c'est-à-dire  entre  l'étamine  et  le  germe, 


3o  LETTRES   ÉLÉMEJVTAIRES 

mais  en  dehors, c'est-à-dire  entre  la  paire  d'éta- 
mines  et  le  calice.  Ainsi  ces  quatre  étaniines ,  sou- 
tenues et  dirigées  verticalement  en  droite  ligne , 
débordent  celles  qui  sont  recourbées ,  et  semblent 
plus  longues  parce  qu'elles  sont  plus  droites.  Ces 
quatre,  glandes  se  trouvent ,  ou  du  moins  leurs 
vestiges ,  plus  ou  moins  visiblement  dans  presque 
toutes  les  fleurs  crucifères,  et  dans  quelques-unes 
bien  plus  distinctes  que  dans  la  giroflée.  Si  vous 
demandez  encore  pourquoi  ces  glandes ,  je  vous 
répondrai  qu'elles  sont  un  des  instruments  desti- 
nés par  la  nature  à  unir  le  règne  végétal  au  règne 
animal,  et  les  faire  circuler  l'un  dans  l'autre  :  mais, 
laissant  ces  recherches  un  peu  trop  anticipées ,  re- 
venons ,  quant  à  présent ,  à  nos  familles. 

Les  fleurs  que  je  vous  ai  décrites  jusqu'à  pré- 
sent sont  toutes  polypétales.  J'aurais  dû  commen- 
cer peut-être  par  les  monopétales  régulières  dont  la 
structure  est  beaucoup  plus  simple  :  cette  grande 
simplicité  même  est  ce  qui  m'en  a  empêché.  Les 
monopétales  régulières  constituent  moins  une  fa- 
mille qu'une  grande  nation  dans  laquelle  on  compte 
plusieurs  familles  bien  distinctes;  en  sorte  que, 
pour  les  comprendre  toutes  sous  une  indication 
commune,  il  faut  employer  des  caractères  si  géné- 
raux et  si  vagues ,  que  c'est  paraître  dire  quelque 
chose  en  ne  disant  en  effet  presque  rien  du  tout. 
Il  vaut  mieux  se  renfermer  dans  des  bornes  plus 
étroites,  mais  qu'on  puisse  assigner  avec  plus  de 
précision. 

Parmi  les  monotépales  irrégulières  il  y  a  une  fa- 


SUR  LA  BOTANIQUE.  3l 

mille  dont  la  physionomie  est  si  marquée  qu'on  en 
distingue  aisément  les  membres  à  leur  air.  C'est 
celle  à  laquelle  on  donne  le  nom  de  fleurs  en  gueule, 
parce  que  ces  fleurs  sont  fendues  en  deux  lèvres, 
dont  l'ouverture ,  soit  naturelle ,  soit  produite  par 
une  légère  compression  des  doigts ,  leur  donne  l'air 
d'une  gueule  béante.  Cette  famille  se  subdivise  en 
deux  sections  ou  lignées  :  l'une  des  fleurs  en  lèvres , 
ou  labiées;  l'autre,  des  fleurs  en  masque,  on per- 
sonnées;  car  le  mot  \^\in persoiia  signifie  un  masque, 
nom  très-convenable  assurément  à  la  plupart  des 
gens  qui  portent  parmi  nous  celui  à^ personnes.  Le 
caractère  commun  à  toute  la  famille  est  non-seu- 
lement d'avoir  la  corolle  monopétale,  et ,  comme  je 
l'ai  dit ,  fendue  en  deux  lèvres  ou  babines ,  l'une 
supérieure ,  appelée  casque ,  l'autre  inférieure ,  ap- 
pelée barbe  j  mais  d'avoir  quatre  étamines  presque 
sur  un  même  rang ,  distinguées  en  deux  paires , 
l'une  plus  longue ,  et  l'autre  plus  courte.  L'inspec- 
tion de  l'objet  vous  expliquera  mieux  Ces  carac- 
tères que  ne  peut  faire  le  discours. 

Prenons  d'abord  les  labiées.  Je  vous  en  donne- 
rais volontiers  pour  exemple  la  sauge,  qu'on  trouve 
dans  presque  tous  les  jardins.  Mais  la  construction 
particulière  et  bizarre  de  ses  étamines  qui  l'a  fait 
retrancher  par  quelques  botanistes  du  nombre  des 
labiées ,  quoique  la  nature  ait  semblé  l'y  inscrire, 
me  porte  à  chercher  un  autre  exemple  dans  les  or- 
ties mortes ,  et  particulièrement  dans  l'espèce  ap- 
pelée vulgairement  ortie  blanche,  mais  que  les  bota- 
nistes appellent  plutôt  lamier  blanc ,  parce  qu'elle 


32  LETTRES   ELEMENTAIRES 

n'a  nul  rapport  à  l'ortie  par  sa  fructification ,  quoi- 
qu'elle en  ait  beaucoup  par  son  feuillage.  L'ortie 
blanche  ,  si  commune  partout ,  durant  très  -  long- 
temps en  fleur ,  ne  doit  pas  vous  être  difficile  à 
trouver.  Sans  m'arrèter  ici  à  l'élégante  situation 
des  fleurs,  je  me  borne  à  leur  structure.  L'ortie 
blanche  porte  une  fleur  monopétale  labiée,  dont  le 
casque  est  concave  et  recourbé  en  forme  de  voûte , 
pour  recouvrir  le  reste  de  la  fleur ,  et  particulière- 
ment ses  étamines ,  qui  se  tiennent  toutes  quatre 
assez  serrées  sous  l'abri  de  son  toit.  Vous  discer- 
nerez aisément  la  paire  plus  longue  et  la  paire  plus 
courte,  et,  au  milieu  des  quatre,  le  stjle  de  la  même 
couleur,  mais  qui  s'en  distingue  en  ce  qu'il  est  sim- 
plement fourchu  par  son  extrémité,  au  lieu  d'y 
porter  une  anthère  comme  font  les  étamines.  La 
barbe ,  c'est-à-dire  la  lèvre  inférieure ,  se  replie  et 
pend  en -bas,  et,  par  cette  situation ,, laisse  voir 
presque  jusqu'au  fond  le  dedans  de  la  corolle. 
Dans  les  lamiers  cette  barbe  est  refendue  en  lon- 
gueur ,  dans  son  milieu ,  mais  cela  n'arrive  pas  de 
même  aux  autres  labiées. 

Si  vous  arrachez  la  corolle,  vous  arracherez  avec 
elle  les  étamines  qui  y  tiennent  par  leurs  filets ,  et 
non  pas  au  réceptacle ,  où  le  style  restera  seul  at- 
taché. En  examinant  comment  les  étamines  tien- 
nent à  d'autres  fleurs ,  on  les  trouve  généralement 
attachées  à  la  corolle  quand  elle  est  monopétale', 
et  au  réceptacle  ou  au  calice  quand  la  corolle  est 
polypétale  :  en  sorte  qu'on  peut,  en  ce  dernier  cas, 
arracher  les  pétales  sans  arracher  les  étamines.  De 


su R  L  A    B () T  A  M Q  U  E .  3 ' ) 

cette  observation  l'on  tire  une  règle  belle ,  facile , 
et  même  assez  siire,  pour  savoir  si  une  corolle  est 
d'une  seule  pièce  ou  de  plusieurs,  lorsqu'il  est  dif- 
ficile ,  comme  il  l'est  quelquefois ,  de  sVn  assurer 
immédiatement. 

La  corolk^  arrachée  reste  percée  à  son  fond , 
parce  qu'elle  était  attachée  au  réceptacle ,  laissant 
une  ouverture  circulaire  par  laquelle  le  pistil  et  ce 
qui  l'entoure  pénétrait  au-dedans  du  tul)e  et  de  la 
corolle.  Ce  qui  entoiu'e  ce  pistil  dans  le  lamier  et 
dans  toutes  les  labiées,  ce  sont  quatre  embryons 
qui  deviennent  quatre  graines  nues,  c'est-à-dire 
sans  aucune  enveloppe  ;  en  sorte  que  ces  graines , 
quand  elles  sont  mures,  se  détachent,  et  tombent 
à  terre  séparémAt.  Voilà  le  caractère  des  labiées., 

L'autre  lignée  ou  section ,  qui  est  celle  des  per~ 
sonnées ,  se  distingue  des  labiées  ;  preixiièrement 
par  sa  corolle,  dont  les  deux  lèvres  ne  sont  pas  or- 
dinairement ouvertes  et  béantes ,,  mais  fermées  et 
jointes ,  comme  vous  le  pourrez  voir  dans  la  fleur 
de  jardin  appelée  muflaude  ou  mufle  de  veau,  ou 
bien ,  à  son  défaut ,  dans  la  linaire ,  cette  fleur  jaune 
à  éperon ,  si  commune  en  cette  saison  dans  la  cam- 
pagne. Mais  un  caractère  plus  précis  et  plus  sûr  est 
qu'au  lieu  d'avoir  quatre  graines  nues  au  fond  du 
caHce,  comme  les  labiées,  les  personnées  y  ont 
toutes  une  capsule  qui  renferme  les  graines ,  et  ne 
s'ouvre  qu'à  leur  maturité  pour  les  répandre.  J'a- 
joute à  ces  caractères  qu'un  grand  nombre  de  la- 
biées sont  ou  des  plantes  odorantes  et  aromatiques, 
telles  que  l'origan ,  la  marjolaine ,  le  thym ,  le  serpo- 
R.  VI  r.  3 


34  LETTRES  ÉL:éMENTAIRES 

let ,  le  basilic ,  la  menthe ,  l'hysope ,  la  lavande ,  etc. , 
ou  des  plantes  odorantes  et  puantes ,  telles  que  di- 
verses espèces  d'orties  mortes  ,  staquis  ,  crapau- 
dines ,  marrube ;  quelques-unes  seulement,  telles 
que  la  bugle ,  la  brunelle ,  la  toque ,  n'ont  pas  d'o- 
deur ,  au  lieu  que  les  personnées  sont  pour  la  plu- 
part des  plantes  sans  odeur,  comme  la  muflaude, 
la  linaire ,  l'euphraise ,  la  pédiculaire ,  la  crête  de 
coq,  l'orobanche,  la  cimbalaire,  la  velvote,  la  di- 
gitale; je  ne  connais  guère  d'odorantes  dans  cette 
branche  que  la  scrophulaire ,  qui  sente  et  qui  pue , 
sans  être  aromatique.  Je  ne  puis  guère  vous  citer 
ici  que  des  plantes  qui  vraisemblablement  ne  vous 
sont  pas  connues,  mais  que  peu  à  peu  vous  ap- 
prendrez à  connaître ,  et  dont  au  fiioins  à  leur  ren- 
contre vous  pourrez  par  vous-même  déterminer  la 
famille.  Je  voudrais  même  que  vous  tâchassiez  d'en 
déterminer  la  lignée  ou  section  par  la  physionomie , 
et  que  vous  vous  exerçassiez  à  juger,  au  simple 
coup  d'œil ,  si  la  fleur  en  gueule  que  vous  voyez 
est  une  labiée ,  ou  une  personnée.  La  figure  exté- 
rieure de  la  corolle  peut  suffire  pour  vous  guider 
dans  ce  choix,  que  vous  pourrez  vérifier  ensuite 
en  ôtant  la  corolle ,  et  regardant  au  fond  du  calice  ; 
car ,  si  vous  avez  bien  jugé ,  la  fleur  que  vous  au- 
rez nommée  labiée  vous  montrera  quatre  graines 
nues ,  et  celle  que  vous  aurez  nommée  personnée 
vous  montrera  un  péricarpe  :  le  contraire  vous 
prouverait  que  vous  vous  êtes  trompée  ;  et ,  par  un 
second  examen  de  la  même  plante ,  vous  prévien- 
drez une  erreur  semblable  pour  une  autre  fois. 


SUR   LA    BOTAKIQUE.  35 

Voilà,  chère  cousine,  de  l'occupation  pour  quel- 
ques promenades.  Je  ne  tarderai  pas  à  vous  en  pré- 
parer pour  celles  qui  suivront. 


LETTRE  V. 

Du  i6  juillet  1772. 

Je  VOUS  remercie  ,  chère  cousine ,  des  bonnes 
nouvelles  que  vous  m'avez  données  de  la  maman. 
J'avais  espéré  le  bon  effet  du  changement  d'air,  et 
je  n'en  attends  pas  moins  des  eaux ,  et  surtout 
du  régime  austère  prescrit  durant  leur  usage.  Je 
suis  touché  du  souvenir  de  cette  bonne  amie,  et 
je  vous  prie  de  l'en  remercier  pour  moi.  Mais  je 
ne  veux  pas  absolument  qu'elle  m'écrive  durant 
son  séjour  en  Suisse;  et,  si  elle  veut  me  donner 
directement  de  ses  nouvelles,  elle  a  près  d'elle  un 
bon  secrétaire  *  qui  s'en  acquittera  fort  bien.  Je 
suis  plus  charmé  que  surpris  qu'elle  réussisse  en 
Suisse  :  indépendamment  des  grâces  de  son  âge, 
et  de  sa  gaieté  vive  et  caressante ,  elle  a  dans  le  ca- 
ractère un  fonds  de  douceur  et  d'égalité  dont  je 
l'ai   vue   donner   quelquefois  à  la   grand'maman 
l'exemple  charmant  qu'elle  a  reçu  de  vous.  Si  votre 
sœur  s'établit  en   Suisse,  vous  perdrez  l'une   et 
l'autre  une  grande  douceur  dans  la  vie  ,  et  elle 
surtout  des  avantages  difficiles  à  remplacer.  Mais 
votre  pauvre  maman  qui ,  porte  à  porte ,  sentait 

La  sœur  de  madame  Delessert,  que  Rousseau  appelait  tante  Julie. 

3. 


3G  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

pourtant  si  cruellement  sa  séparation  d'avec  vous, 
comment  supportera- t-elle  la  sienne  à  une  si  grande 
distance  ?  C'est  de  vous  encore  qu'elle  tiendra  ses 
dédommagements  et  ses  ressources.  Vous  lui  en 
ménagez  une  bien  précieuse  en  assouplissant  dans 
vos  douces  mains  la  bonne  et  forte  étoffe  de  votre 
favorite,  qui,  je  n'en  doute  point,  deviendra  par 
vos  soins  aussi  pleine  de  grandes  qualités  que  de 
charmes.  Ah!  cousine,  l'heureiise  mère  que  la  vôtre! 

Savez -vous  que  je  commence  à  être  en  peine 
du  petit  herbier?  Je  n'en  ai  d'aucune  part  aucune 
nouvelle ,  quoique  j'en  aie  eu  de  M.  G.  depuis  son 
retour ,  par  sa  femme ,  qui  ne  me  dit  pas  de  sa  part 
un  seul  mot  sur  cet  herbier.  Je  lui  en  ai  demandé 
des  nouvelles  ;  j'attends  sa  réponse.  J'ai  grand'- 
peur  que ,  ne  passant  pas  à  Lyon  ,  il  n'ait  confié 
le  paquet  à  quelque  quidam  qui ,  sachant  que  c'é- 
taient des  herbes  sèches,  aura  pris  tout  cela  pour 
du  foin.  Cependant,  si ,  comme  je  l'espère  encore, 
il  parvient  enfin  à  votre  sœur  Julie  ou  à  vous, 
vous  trouverez  que  je  n'ai  pas  laissé  d'y  prendre 
quelque  soin.  C'est  une  perte  qui ,  quoique  pe- 
tite, ne  me  serait  pas  facile  à  réparer  prompte- 
ment,  surtout  à  cause  du  catalogue,  accompagné 
de  divers  petits  éclaircissements  écrits  sur-le- 
champ,  et  dont  je  n'ai  gardé  aucun  double. 

Consolez  "VOUS,  bonne  cousine,  de  n'avoir  pas 
vu  les  glandes  des  crucifères.  De  grands  bota- 
nistes très-bien  oculés  ne  les  ont  pas  mieux  vues. 
Tournefort  lui-même  n'en  fait  aucune  mention. 
Elles  sont  bien  claires  dans  peu  de  genres,  quoi- 


SUR   LA    BOTANIQUE.  ?)n 

qu'on  en  trouve  des  vestiges  presque  dans  tous, 
et  c'est  à  force  d'analyser  des  fleurs  en  croix,  et 
d'y  voir  toujours  des  inégalités  au  réceptacle,  qu'en 
les  examinant  en  particuliex  on  a  trouvé  que  ces 
glandes  appartenaient  au  plus  grand  nombre  des 
genres,  et  qu'on  les  suppose,  par  analogie,  dans 
ceux  même  où  on  ne  les  distingue  pas. 

Je  comprends  qu'on  est  fâché  de  prendre  tant 
de  peine  sans  apprendre  les  noms  des  plantes  qu'on 
examine.  M?.is  je  vous  avoue  de  bonne  foi  qu'il 
n'est  pas  entré  dans  mon  plan  de  vous  épargner  ce 
petit  chagrin.  On  prétend  que  la  botanique  n'est 
qu'une  science  de  mots  qui  n'exerce  que  la  mé- 
moire ,  et  n'apprend   qu'à  nommer  des  plantes  : 
pour  moi, je  ne  connais  point  d'étude  raisonnable 
qui  ne  soit  qu'une  science  de  mots  ;  et  auquel  des 
deux,  je  vous  prie,  accorderai-je  le  nom  de  bota- 
niste ,  de  celui  qui  sait  cracher  un  nom  ou  une 
phrase  à  l'aspect  d'une  plante ,  sans  rien  connaître 
à  sa  structure ,  ou  de  celui  qui ,  connaissant  très- 
bien  cette  structure,  ignore  néanmoins  le  nom  très- 
arbitraire  qu'on  donne  à  cette  plante  en  tel  ou  en 
tel  pays?  Si  nous  ne  donnons  à  vos  enfants  qu'une 
occupation  amusante ,  nous  manquons  la  meilleure 
moitié  de  notre  but,  qui  est,  en  les  amusant,  d'exer- 
cer leur  intelligence  et  de  les  accoutumer  à  l'atten- 
tion. Avant  de  leur  apprendre  à  nommer  ce  qu'ils 
voient ,  commençons  par  leur  apprendre  à  le  voir. 
Cette  science ,  oubliée  dans  toutes  les  éducations, 
doit  faire  la  plus  importante  partie  de  la  leur.  Je 
ne  le  redirai  jamais  assez  ;  apprenez-leur  à  ne  ja- 


38  LETTRES  lÉLÉMENTAIRES 

mais  se  paver  de  mots ,  et  à  croire  né  rien  savoir 
de  ce  qui  n'est  entré  que  dans  leur  mémoire. 

Au  reste ,  pour  ne  pas  trop  faire  le  méchant ,  je 
vous  nomme  pourtant  des  plantes  sur  lesquelles , 
en  vous  les  faisant  montrer,  vous  pouvez  aisément 
vérifier  mes  descriptions.  Vous  n'aviez  pas,  je  le 
suppose,  sous  vos  yeux  une  ortie  blanche  en  lisant 
l'analyse  des  lal^iées  ;  mais  vous  n'aviez  qu'à  en- 
voyer chez  l'herboriste  du  coin  chercher  de  l'ortie 
blanche  fraîchement  cueillie ,  vous  appliquiez  à  sa 
fleur  ma  description ,  et  ensuite ,  examinant  les 
autres  parties  de  la  plante  de  la  manière  dont  nous 
traiterons  ci-après ,  vous  connaissiez  l'ortie  blanche 
infiniment  mieux  que  l'herboriste  qui  la  fournit  ne 
la  connaîtra  de  ses  jours  ;  encore  trouverons-nous 
dans  peu  le  moyen  de  nous  passer  d'herboriste  : 
mais  il  faut  premièrement  achever  l'examen  de  nos 
familles.  Ainsi  je  viens  à  la  cinquième,  qui,  dans 
ce  moment,  est  en  pleine  fructification. 

Représentez-vous  une  longue  tige  assez  droite , 
garnie  alternativement  de  feuilles  pour  l'ordinaire 
découpées  assez  menu ,  lesquelles  embrassent  par 
leur  base  des  branches  qui  sortent  de  leurs  aisselles. 
De  l'extrémité  supérieure  de  cette  tige  partent, 
comme  d'un  centre,  plusieurs  pédicules  ou  rayons , 
qui,  s'écartant  circulairement  et  régulièrement 
comme  les  côtes  d'un  parasol,  couronnent  cette 
tige  en  forme  d'un  vase  plus  ou  moins  ouvert.  Quel- 
quefois ces  rayons  laissent  un  espace  vide  dans  leur 
milieu,  et  représentent  alors  plus  exactement  le 
creux  du  vase;  quelquefois  aussi  ce  milieu  est  fourni 


SUR  LA    BOTANIQUE.  89 

d'autres  rayons  plus  courts,  qui,  montant  moins 
obliquement,  garnissent  le  vase,  et  forment  con- 
jointement avec  les  premiers ,  la  figure  à  peu  près 
d'un  demi-globe,  dont  la  partie  convexe  est  tournée 
en-dessus. 

Chacun  de  ces  rayons  ou  pédicules  est  terminé 
à  son  extrémité  non  pas  encore  par  une  fleur, mais 
par  un  autre  ordre  de  rayons  plus  petits  c[ui  cou- 
ronnent chacun  des  premiers,  précisément  comme 
ces  premiers  couronnent  la  tige. 

Ainsi ,  voilà  deux  ordres  pareils  et  successifs  :  l'un , 
de  grands  rayons  qui  terminent  la  tige ,  l'autre ,  de 
petits  rayons  semblables  qui  terminent  chacun  des 
grands. 

Les  rayons  des  petits  parasols  ne  se  subdivisent 
plus ,  mais  chacun  d'eux  est  le  pédicule  d'une  petite 
fleur  dont  nous  parlerons  tout-à-l'heure. 

Si  vous  pouvez  vous  former  l'idée  de  la  figure 
que  je  viens  de  vous  décrire ,  vous  aurez  celle  de 
la  disposition  des  fleurs  dans  la  famille  des  ombel- 
liferes  ow  porte-parasols ,  car  le  mot  latin  umbella 
signifie  un  parasol. 

Quoique  cette  disposition  régulière  de  la  fructifi- 
cation soit  frappante,  et  assez  constante  dans  toutes 
les  ombellifères,ce  n'est  pourtant  pas  elle  qui  con- 
stitue le  caractère  de  la  famille  :  ce  caractère  se  tire 
de  la  structure  même  de  la  fleur,  qu'il  faut  main- 
tenant vous  décrire. 

Mais  il  convient,  pour  plus  de  clarté,  de  vous 
donner  ici  une  distinction  générale  sur  la  disposi- 
tion relative  de  la  fleur  et  du  fruit  dans  toutes  les 


4o  LKTTRES  ÉLÉMENTAIRES 

plantes,  distinction  qui  facilite  extrêmement  leur 
arrangement  méthodique, quelque  système  qu'on 
veuille  choisir  pour  cela. 

Il  y  a  des  plantes,  et  c'est  le  plus  grand  nombre, 
par  exemple  l'œillet ,  dont  Fovaire  est  évidemment 
enfermé  dans  la  corolle.  Nous  donnerons  à  celles-là 
le  nom  àe  fleurs  infères ^  parce  que  les  pétales  em- 
brassant l'ovaire  prennent  leur  naissance  au-des- 
sous de  lui. 

Dans  d'autres  plantes  en  assez  grand  nombre, 
l'ovaire  se  trouve  placé,  non  dans  les  pétales,  mais 
au-dessous  d'eux  :  ce  que  vous  pouvez  voir  dans  la 
rose;  car  le  gratte-cul,  qui  en  est  le  fruit,  est  ce 
corps  vert  et  renflé  que  vous  voyez  au-dessous  du 
calice,  par  conséquent  aussi  au-dessous  de  la  co- 
rolle, qui,  de  cette  manière,  couronne  cet  ovaire 
et  ne  l'enveloppe  pas.  J'appellerai  celles-ci/Ze^/'j-  su- 
peres,  parce  que  la  corolle  est  au-dessus  du  fruit.  On 
pourrait  faire  des  mots  plus  francisés,  mais  il  me 
paraît  avantageux  de  vous  tenir  toujours  le  plus  près 
qu'il  se  pourra  des  termes  admis  dans  la  botanique, 
afin  que ,  sans  avoir  besoin  d  apprendre  ni  latin 
ni  grec,  vous  puissiez  néanmoins  entendre  passa- 
blement le  vocabulaire  de  cette  science ,  pédantes- 
quement  tiré  de  ces  deux  langues,  comme  si,  pour 
connaître  les  plantes,  il  fallait  commencer  par  être 
un  savant  grammairien. 

ïournefort  exprimait  la  même  distinction  en 
d'autres  termes  :  dans  le  cas  de  la  fleur  ùi/ere,  il 
disait  que  lé  pistil  devenait  fruit;  dans  le  cas  de 
le  fleur  supere,  il  disait  que  le  calice  devenait  fruit. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  /|  I 

C-ette  manière  de  s'ex}3rimer  pouvait  être  aussi 
claire ,  mais  elle  n'était  certainement  pas  aussi  juste. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  voici  une  occasion  d'exercer , 
quand  il  en  sera  temps,  vos  jeunes  élèves  à  savoir 
démêler  les  mêmes  idées,  rendues  j^ar  des  termes 
tout  différents. 

Je  vous  dirai  maintenant  que  les  plantes  ombel- 
lifères  ont  la  fleur  supere^  ou  posée  sur  le  fruit, 
[.a  corolle  de  cette  fleur  est  à  cinq  pétales  appe- 
lés réguliers,  quoique  souvent  les  deux  pétales, 
qui  sont  tournés  en -dehors  dans  les  fleurs  qui 
bordent  l'ombelle,  soient  plus  grands  cpie  les  trois 
autres. 

La  figure  de  ces  pétales  varie  selon  les  genres, 
mais  le  plus  communément  elle  est  en  cœur  ;  l'on- 
glet qui  porte  sur  l'ovaire  est  fort  mince  ;  la  lame  va 
en  s'élargissant;  son  bord  est  èmargùié  (légèrement 
échancré)  ^  ou  bien  il  se  termine  en  une  pointe  cjui, 
se  repliant  en-dessus,  donne  encore  au  pétale  l'air 
d'être  émarginé,  quoiqu'on  le  vît  pointu  s'il  était 
déplié. 

Entre  chaque  pétale  est  une  étamine  dont  l'an- 
thère, débordant  ordinairement  la  corolle,  rend 
les  cinq  étamines  plus  visiijles  que  les  cinq  pétales. 
Je  ne  fais  pas  ici  mention  du  calice,  parce  que 
les  ombellifères  n'en  ont  aucun  bien  distinct. 

Du  centre  de  la  fleur  partent  deux  styles  garnis 
chacun  de  leur  stigmate,  et  assez  apparents  aussi, 
lesquels,  après  la  chute  des  pétales  et  des  étamines, 
restent  pour  couronner  le  fruit. 

lia  figiue  la  plus  commime  de  ce  fruit  est  im 


[\1  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

ovale  un  peu  allongé ,  qui ,  dans  sa  maturité ,  s'ouvre 
par  la  moitié ,  et  se  partage  en  deux  semences  nues 
attachées  au  pédicule,  lequel,  par  un  art  admi- 
rable, se  divise  en  deux,  ainsi  que  le  fruit,  et  tient 
les  graines  séparément  suspendues,  jusqu'à  leur 
chute. 

Toutes  ces  proportions  varient  selon  les  genres, 
mais  en  voilà  l'ordre  le  plus  commun.  Il  faut,  je  l'a- 
voue, avoir  l'œil  très-attentif  pour  bien  distinguer 
sans  loupe  de  si  petits  objets  ;  mais  ils  sont  si  dignes 
d'attention ,  qu'on  n'a  pas  regret  à  sa  peine. 

Voici  donc  le  caractère  propre  de  la  famille  des 
ombellifères.  Corolle  supère  à  cinq  pétales ,  cinq 
étamines,  deux  styles  portés  sur  un  fruit  nu  dis- 
perme,  c'est-à-dire  composé  de  deux  graines  ac- 
colées. 

Toutes  les  fois  que  vous  trouverez  ces  caractères 
réunis  dans  une  fructification ,  comptez  que  la 
plante  est  une  ombellifère ,  quand  même  elle  n'au- 
rait d'ailleurs,  dans  son  arrangement ,  rien  de  l'ordre 
ci-devant  marqué.  Et  quand  vous  trouveriez  tout 
cet  ordre  de  parasols  conforme  à  ma  description, 
comptez  qu'il  vous  trompe,  s'il  est  démenti  par 
l'examen  de  la  fleur.     • 

S'il  arrivait,  par  exemple,  qu'en  sortant  de  lire 
ma  lettre  vous  trouvassiez,  en  vous  promenant, 
un  sureau  encore  en  tleur,  je  suis  presque  assuré 
qu'au  premier  aspect  vous  diriez,  Voila  une  ombel- 
lifère. En  y  regardant ,  vous  trouveriez  grande  om- 
belle ,  petite  ombelle ,  petites  fleurs  blanches ,  co- 
rolle supère ,  cinq  étamines  :  c'est  une  ombellifère 


SUR  LA  BOTANIQUE.  '4^ 

assurément  ;  mais  voyons  encore  :  je  prends  une 
fleur. 

D'abord  au  lieu  de  cinq  pétales,  je  trouve  une 
corolle  à  cinq  divisions,  il  est  vrai ,  mais  néanmoins 
d'une  seule  pièce  :  or,  les  fleurs  des  ombellifères 
ne  sont  pas  monopétales.  Voilà  bien  cinq  étamines  ; 
mais  je  ne  vois  point  de  styles ,  et  je  vois  plus 
souvent  trois  stigmates  que  deux;  plus  souvent 
trois  graines  que  deux  :  or ,  les  ombellifères  n'ont 
jamais  ni  plus  ni  moins  de  deux  stigmates,  ni  plus 
ni  moins  de  deux  graines  pour  chaque  fleur.  En- 
fin ,  le  fruit  du  sureau  est  une  baie  molfe  ;  et  ce- 
lui des  ombellifères  est  sec  et  nu.  Le  sureau  n'est 
donc  pas  une  ombellifère. 

Si  vous  revenez  maintenant  sur  vos  pas  en  re- 
gardant de  plus  près  à  la  disposition  des  fleurs, 
vous  verrez  que  cette  disposition  n'est  qu'en  ap- 
parence celle  des  ombellifères.  Les  grands  rayons , 
au  lieu  de  partir  exactement  du  même  centre, 
prennent  leur  naissance  les  uns  plus  haut,  les 
autres  plus  bas;  les  petits  naissent  encore  moins 
régulièrement  :  tout  cela  n'a  point  l'ordre  inva- 
riable des  ombellifères.  L'arranoement  des  fleurs 
du  sureau  est  en  corjmbe,  ou  bouquet,  plutôt 
qu'en  ombelles.  Voilà  comment,  en  nous  trom- 
pant quelquefois,  nous  finissons  par  apprendre  à 
mieux  voir. 

Le  chcudoii-roland ,  au  contraire ,  n'a  guère  le 
port  d'une  ombellifère,  et  néanmoins  c'en  est  une, 
puisqu'il  en  a  tous  les  caractères  dans  sa  fructifi- 
cation. Où  trouver,  me  direz-vous,  le  chardon-ro- 


44  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

laiitl  ?  par  toute  la  campagne  ;  tous  les  grands  che- 
mins en  sont  tapissés  à  droite  et  à  gauche;  le  pre- 
mier paysan  peut  vous  le  montrer ,  et  vous  le  re- 
connaîtrez presque  vous-même  à  la  couleur  bleuâtre 
ou  vert-de-mer  de  ses  feuilles ,  à  leurs  durs  piquants , 
et  à  leur  consistance  lisse  et  coriace  comme  du 
parchemin.  Mais  on  peut  laisser  une  plante  aussi 
intraitable;  elle  n'a  pas  assez  de  beauté  pour  dé- 
dommager des  blessures  qu'on  se  fait  en  l'exami- 
nant :  et  fùt-elle  cent  fois  plus  jolie,  ma  petite 
cousine ,  avec  ses  petits  doigts  sensibles ,  serait 
bientôt  rebutée  de  caresser  une  plante  de  si  mau- 
vaise humeur. 

La  famille  des  ombellifères  est  nombreuse,  et 
si  naturelle ,  que  ses  genres  sont  très-difficiles  à 
distinguer;  ce  sont  des  frères  que  la  grande  res- 
semblance fait  souvent  prendre  l'un  pour  l'autre. 
Pour  aider  à  s'y  reconnaître ,  on  a  imaginé  des  dis- 
tinctions principales  qui  sont  quelquefois  utiles, 
mais  sur  lesquelles  il  ne  faut  pas  non  plus  trop  comp- 
ter. Le  foyer  d'où  partent  les  rayons ,  tant  de  la 
grande  que  de  la  petite  ombelle ,  n'est  pas  toujours 
nu  ;  il  est  quelquefois  entouré  de  folioles ,  comme 
d'une  manchette.  On  donne  à  ces  folioles  le  nom 
tVùwoIucre  (enveloppe).  Quand  la  grande  ombelle 
a  une  manchette,  on  donne  à  cette  manchette  le 
nom  de  grand  involuci'e  :  on  si^^eWe  petits  invohicres 
ceux  qui  entourent  quelquefois  les  petites  ombelles. 
Cela  donne  lieu  à  trois  sections  des  ombellifères. 

1°  Celles  qui  ont  grand  involucre  et  petits  invo- 
hicres. 


s  LU    LA.    cor  .UNIQUE.  4^ 

■20  exiles  qui  n'ont  que  les  petits  invoUicres 
seulement; 

3°  Celles  qui  n'ont  ni  grand  ni  petits  involucres. 

Il  semblerait  manquer  une  quatrième  division 
de  celles  qui  ont  un  grand  involucre  et  point  de 
petits,  mais  on  ne  connaît  aucun  genre  qui  soit 
constamment  dans  ce  cas. 

Vos  étonnants  progrès ,  chère  cousine ,  et  votre 
patience  m'ont  tellement  enhardi  que,  comptant 
pour  rien  votre  peine ,  j'ai  osé  vous  décrire  la  fa- 
mille des  ombellifères  sans  fixer  vos  yeux  sur  au- 
cun modèle;  ce  qui  a  rendu  nécessairement  votre 
attention  beaucoup  plus  fatigante.  Cependant 
j'ose  douter  ,  lisant  conmie  vous  savez  faire,  qu'a- 
près une  ou  deux  lectures  de  ma  lettre,  une  om- 
bellifère  en  fleurs  échappe  à  votre  esprit  en  frap- 
pant vos  yeux;  et  dans  cette  saison,  vous  ne 
pouvez  manquer  d'en  trouver  plusieurs  dans  les 
jardins  et  dans  la  campagne. 

Elles  ont,  la  plupart,  les  fleurs  blanches.  Telles 
sont  la  carotte ,  le  cerfeuil ,  le  persil ,  la  ciguë,  l'an- 
gélique ,  la  berce ,  la  berle ,  la  boucage ,  le  chervis 
ou  girole,  la  percepierre,  etc. 

Quelques-unes,  comme  le  fenouil,  l'anet,  le 
panais,  sont  à  fleurs  jaunes  :  il  y  en  a  peu  à  fleurs 
rougeâtres,  et  point  d'aucune  autre  couleur. 

Voilà, me  direz-vous ,  une  belle  notion  générale 
<les  ombellifères  :  mais  comment  tout  ce  vague  sa- 
voir me  garantira-t-il  de  confondre  la  ciguë  avec 
le  cerfeuil  et  le  persil ,  que  vous  venez  de  nommer 
avec  elle  ?  La  moindre  cuisinière  en  saura  là-des- 


46  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

SUS  plus  que  nous  avec  toute  notre  doctriçe.  Vous 
avez  raison.  Mais  cependant ,  si  nous  commençons 
par  les  observations  de  détails,  bientôt,  accablés 
par  le  nombre ,  la  mémoire  nous  abandonnera,  et 
nous  nous  perdrons  dès  le  premier  pas  dans  ce 
règne  immense  :  au  lieu  que,  si  nous  commen- 
çons par  bien  reconnaître  les  grandes  routes,  nous 
nous  éfi^arerons  rarement  dans  les  sentiers ,  et  nous 
nous  retrouverons  partout  sans  beaucoup  de  peine. 
Donnons  cependant  quelque  exception  à  l'utilité 
de  l'objet,  et  ne  nous  exposons  pas,  tout  en  ana- 
lysant le  règne  végétal,  à  manger  par  ignorance 
une  omelette  à  la  ciguë. 

La  petite  ciguë  des  jardins  est  une  ombellifère, 
ainsi  que  le  persil  et  le  cerfeuil.  Elle  a  la  fleur 
blanche  comme  l'un  et  l'autre  '^  ;  elle  est  avec  le 
dernier  dans  la  section  qui  a  la  petite  enveloppe  et 
qui  n'a  pas  la  grande  ;  elle  leur  ressemble  assez  par 
son  feuillage ,  pour  qu'il  ne  soit  pas  aisé  de  vous  en 
marquer  par  écrit  les  différences.  Mais  voici  des  ca- 
ractères suffisants  pour  ne  vous  y  pas  tromper. 

Il  faut  commencer  par  voir  en  fleurs  ces  diverses 
plantes,  car  c'est  en  cet  état  que  la  ciguë  a  son 
'  caractère  propre.  C'est  d'avoir  sous  chaque  petite 
ombelle  un  petit  involucre  composé  de  trois  pe- 
tites folioles  pointues,  assez  longues,  et  toutes 
trois  tournées  en- dehors;  au  lieu  que  les  folioles 
des  petites  ombelles  du  cerfeuil  l'enveloppent  tout 

"  La  fleur  du  persil  est  un  peu  jaunâtre;  mais  plusieurs  fleurs 
d'ombellifères  paraissent  jaunes,  à  cause  de  l'ovaire  et  des  anthères, 
et  ne  laissent  pas  d'avoir  les  pétales  blancs. 


SUR  LA    BOTANIQUE.  47 

autour,  et  sont  tournées  également  de  tous  les  cô- 
tés. A  l'égard  du  persil,  à  peine  a-t-il  quelques 
courtes  folioles,  fines  comme  des  cheveux ,  et  dis- 
tribuées indifféremment ,  tant  dans  la  grande  om- 
belle que  dans  les  petites ,  qui  toutes  sont  claires 
et  maigres. 

Quand  vous  vous  serez  bien  assurée  de  la  ciguë 
en  fleurs ,  vous  vous  confirmerez  dans  votre  juge- 
ment en  froissant  légèrement  et  flairant  son  feuil- 
lage; car  son  odeur  puante  et  vireuse  ne  vous  la 
laissera  pas  confondre  avec  le  persil  ni  avec  le  cer- 
feuil ,  qui ,  tous  deux ,  ont  des  odeurs  agréables. 
Bien  sûre  enfin  de  ne  pas  faire  de  quiproquo ,  vous 
examinerez  ensemble  et  séparément  ces  trois 
plantes  dans  tous  leurs  états  et  par  toutes  leurs 
parties ,  surtout  par  le  feuillage ,  qui  les  ac- 
compagne plus  constamment  que  la  fleur;  et  par 
cet  examen,  comparé  et  répété  jusqu'à  ce  que 
vous  ayez  acquis  la  certitude  du  coup  d'œil ,  vous 
parviendrez  à  distinguer  et  connaître  imperturba- 
blement la  ciguë.  L'étude  nous  mène  ainsi  jusqu'à 
la  porte  de  la  pratique,  après  quoi  celle-ci  fait  la 
facilité  du  savoir. 

Prenez  haleine ,  chère  cousine ,  car  voilà  une 
lettre  excédante;  je  n'ose  même  vous  promettre 
plus  de  discrétion  dans  celle  qui  doit  la  suivre, 
mais  après  cela  nous  n'aurons  devant  nous  qu'un 
chemin  bordé  de  fleurs.  Vous  en  méritez  une  cou- 
ronne pour  la  douceur  et  la  constance  avec  la- 
quelle vous  daignez  me  suivre  à  travers  ces  brous- 
sailles ,  sans  vous  rebuter  de  leurs  épines. 


^S  LETTRES   ELEMEIVTAIRES 

LETTRE  Vî. 

Du  2  mai  1773. 

Quoiqu'il  vous  reste,  chère  cousine,  bien  des 
choses  à  désirer  dans  les  notions  de  nos  cinq  pre- 
mières familles ,  et  que  je  n'aie  pas  toujours  su 
mettre  mes  descriptions  à  la  portée  de  notre  petite 
bntanophile  (amatrice  de  la  botanique),  je  crois 
néanmoins  vous  en  avoir  donné  une  idée  suffisante 
pour  pouvoir ,  après  quelques  mois  d'herborisation , 
vous  familiariser  avec  l'idée  générale  du  port  de 
chaque  famille  :  en  sorte  qu'à  l'aspect  d'une  plante 
vous  puissiez  conjecturer  à  peu  près  si  elle  appar- 
tient à  quelqu'une  des  cinq  familles,  et  à  laquelle, 
sauf  à  vérifier  ensuite,  par  l'analyse  de  la  fructi- 
fication ,  si  vous  vous  êtes  trompée  ou  non  dans 
votre  conjecture.  Les  ombellifères,  par  exemple, 
vous  ont  jetée  dans  quelque  embarras ,  mais  dont 
vous  pouvez  sortir  quand  il  vous  plaira ,  au  moyen 
des  indications  que  j'ai  jointes  aux  descriptions; 
car  enfin  les  carottes,  les  panais,  sont  choses  si 
communes,  que  rien  n'est  plus  aisé,  dans  le  milieu 
de  l'été,  que  de  se  faire  montrer  l'une  ou  l'autre 
en  ffetirs  dans  un  potager.  Or ,  au  simple  aspect  de 
l'ombelle  et  de  la  plante  qui  la  porte,  on  doit 
prendre  une  idée  si  nette  des  ombellifères,  qu'à 
la  rencontre  d'une  plante  de  cette  famille,  on  s'y 
trompera  rarement  au  premier  coup-d'œil.  Voilà 


SUR  LA  BOTANIQUE.  49 

tout  ce  que  j'ai  prétendu  jusqu'ici;  car  il  ne  sera 
pas  question  si  tôt  des  genres  et  des  espèces;  et, 
encore  une  fois,  ce  n'est  pas  une  nomenclature  de 
perroquet  qu'il  s'agit  d'acquérir ,  mais  une  science 
réelle,  et  l'une  des  sciences  les  plus  aimables  qu'il 
soit  possible  de  cultiver.  Je  passe  donc  à  notre 
sixième  famille  avant  de  prendre  une  route  plus  mé- 
thodique :  elle  pourra  vous  embarrasser  d'abord , 
autant  et  plus  que  les  ombellifères.  Mais  mon  but 
n'est,  quanta  présent,  que  de  vous  en  donner  une 
notion  générale ,  d'autant  plus  que  nous  avons  bien 
du  temps  encore  avant  celui  de  la  pleine  floraison , 
et  que  ce  temps ,  bien  employé ,  pourra  vous  apla- 
nir des  difficultés  contre  lesquelles  il  ne  faut  pas 
lutter  encore. 

Prenez  une  de  ces  petites  fleurs  qui ,  dans  cette 
saison ,  tapissent  les  pâturages ,  et  qu'on  appelle 
ici  pâquerettes ^  petites  marguerites^  ou  marguerites 
tout  court.  Regardez-la  bien ,  car,  à  son  aspect ,  je 
suis  sûr  de  vous  surprendre  en  vous  disant  que 
cette  fleur ,  si  petite  et  si  mignonne ,  est  réellement 
composée  de  deux  ou  trois  cents  autres  fleurs 
toutes  parfaites ,  c'est-à-dire  ayant  chacune  sa  co- 
rolle, son  germe ,  son  pistil ,  ses  étamines ,  sa  graine , 
en  un  mot  aussi  parfaite  en  son  espèce  qu'une  fleur 
de  jacynthe  ou  de  lis.  Chacune  de  ses  folioles , 
blanches  en-dessus,  roses  en-dessous,  qui  forment 
comme  une  couronne  autour  de  la  marguerite ,  et 
qui  ne  vous  paraissent  tout  au  plus  qu'autant  de 
petits  pétales ,  sont  réellement  autant  de  véri- 
tables fleurs;  et  chacun  de  ces  petits  brins  jaunes 
II.  VII.  4 


5o  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

que  VOUS  voyez  dans  le  centre ,  et  que  d'abord  vous 
n'avez  peut-être,  pris  que  pour  des  étamines,  sont 
encore  autant  de  véritables  fleurs.  Si  vous  aviez 
déjà  les  doigts  exercés  aux  dissections  botaniques, 
que  vous  vous  armassiez  d'une  bonne  loupe  et  de 
beaucoup  de  patience,  je  pourrais  vous  convaincre 
de  cette  vérité  par  vos  propres  yeux  ;  mais ,  pour 
le  présent,  il  faut  commencer,  s'il  vous  plaît,  par 
m'en  croire  sur  ma  parole,  de  peur  de  fatiguer 
votre  attention  sur  des  atomes.  Cependant,  pour 
vous  mettre  au  moins  sur  la  voie ,  arrachez  une 
des  folioles  blanches  de  la  couronne ,  vous  croirez 
d'abord  cette  foliole  plate  d'un  bout  à  l'autre  ;  mais 
re<^ardez-la  bien  par  le  bout  qui  était  attaché  à  la 
fleur ,  vous  verrez  que  ce  bout  n'est  pas  plat ,  mais 
rond  et  creux  en  forme  de  tube,  et  que  de  ce  tube 
sort  un  petit  filet  à  deux  cornes  :  ce  filet  est  le  style 
fourchu  de  cette  fleur ,  qui ,  comme  vous  voyez , 
n'est  plate  que  par  le  haut. 

Regardez  maintenant  les  brins  jaunes  qui  sont 
au  milieu  de  la  fleur,  et  que  je  vous  ai  dit  être  au- 
tant de  fleurs  eux-mêmes  :  si  la  fleur  est  assez  avan- 
cée ,  vous  en  verrez  plusieurs  tout  a4.itour ,  lesquels 
sont  ouverts  dans  le  milieu  ,  et  même  découpés  en 
plusieurs  parties.  Ce  sont  des  corolles  monopé- 
tales qui  s'épanouissent ,  et  dans  lesquelles  la  loupe 
vous  ferait  aisément  distinguer  le  pistil  et  même 
les  anthères  dont  il  est  entouré  :  ordinairement  les 
fleurons  jaunes,  qu'on  voit  au  centre,  sont  encore 
arrondis  et  non  percés  ;  ce  sont  des  fleurs  comme  les 
autres ,  mais  qui  ne  sont  pas  encore  épanouies  ;  car 


SUR  LA   BOTANIQUE.  5l 

elles  ne  s'épanouissent  que  successivement  en 
avançant  des  bords  vers  le  centre.  En  voilà  assez 
pour  vous  montrer  à  l'œil  la  possibilité  que  tous 
ces  brins,  tant  blancs  que  jaunes,  soient  réelle- 
ment autant  de  fleurs  parfaites;  et  c'est  un  fait 
très-constant  :  vous  voyez  néanmoins  que  toutes 
ces  petites  fleurs  sont  pressées  et  renfermées  dans 
un  calice  qui  leur  est  commun,  et  qui  est  celui  de 
la  marguerite.  En  considérant  toute  la  marguerite 
comme  une  seule  fleur ,  ce  sera  donc  lui  donner 
un  nom  très-convenable  que  de  l'appeler  une  fleur 
composée;  or  il  y  a  un  grand  nombre  d'espèces  et 
de  genres  de  fleurs  formées  comme  la  marguerite 
d'un  assemblage  d'autres  fleurs  plus  petites ,  con- 
tenues dans  un  calice  commun.  Voilà  ce  qui  con- 
stitue la  sixième  famille  dont  j'avais  à  vous  parler, 
savoir  celle  àesjîeurs  composées. 

Commençons  par  ôter  ici  l'équivoque  du  mot 
de  fleur,  en  restreignant  ce  nom  dans  la  présente 
famille  à  la  fleur  composée,  et  donnant  celui  de 
fleurons  aux  petites  fleurs  qui  la  composent  ;  mais 
n'oublions  pas  que,  dans  la  précision  du  mot,  ces 
fleurons  eux-mêmes  sont  autan  t  de  véritables  fleurs. 

Vous  avez  vu  dans  la  marguerite  deux  sortes  de 
fleurons,  savoir,  ceux  de  couleur  jaune  qui  rem- 
plissent le  milieu  de  la  fleur,  et  les  petites  lan- 
guettes blanches  qui  les  entourent  :  les  premiers 
sont,  dans  leiu'  petitesse,  assez  semblables  de  fi- 
gure au  fleurs  du  muguet  ou  de  la  jacynthe ,  et  les 
seconds  ont  quelque  rapport  aux  fleurs  du  chèvre- 
feuille. Nous  laisserons  aux  premiers  le  nom  de 

4- 


$ti  LETTRES   ^L:ÉME]VTAIRES 

fleurons,  et,  pour  distinguer  les  autres,  nous  les 
appellerons  demi-Jîeurons ;  car,  en  effet,  ils  ont  as- 
sez l'air  de  fleurs  monopétales  qu'on  aurait  rognées 
par  un  côté  en  n'y  laissant  qu'une  languette  qui  fe 
rait  à  peine  la  moitié  de  la  corolle. 

Ces  deux  sortes  de  fleurons  se  combinent  dans 
les  fleurs  composées  de  manière  à  diviser  toute  la 
faiTiille  en  trois  sections  bien  distinctes. 

La  première  section  est  formée  de  celles  qui  ne 
sont  composées  que  de  languettes  ou  demi-fleurons , 
tant  au  milieu  qu'à  la  circonférence,  on  les  ap- 
"oe^ie  fleurs  demifleuronnèes;  et  la  fleur  entière  dans 
cette  section  est  toujours  d'une  seule  couleur,  le 
plus  souvent  jaune.  Telle  est  la  fleur  appelée 
dent-de-lion  ou  pissenlit  ;  telles  sont  les  fleurs  de 
laitues,  de  chicorée  (celle-ci  est  bleue),  de  scor- 
sonère ,  de  salsifis  ^  etc. 

La  seconde  section  comprend  \é%  fleurs  fleuron- 
nées ,  c'est-à-dire  qui  ne  sont  composées  que  de 
fleurons,  tous  pour  l'ordinaire  aussi  d'une  seule 
couleur  :  telles  sont  les  fleurs  d'immortelle ,  de 
bardane ,  d'absy nthe ,  d'armoise ,  de  chardon ,  d'arti- 
chaut, qui  est  un  chardon  lui-même,  dont  on 
mange  le  calice  et  le  réceptacle  encore  en  bouton 
avant  que  la  fleur  soit  éclose,  et  même  formée. 
Cette  bourre,  qu'on  ôte  du  milieu  de  l'artichaut, 
n'est  autre  chose  que  l'assemblage  des  fleurons 
qui  commencent  à  se  former,  et  qui  sont  séparés 
les  uns  des  autres  par  de  longs  poils  implantés  sur 
le  réceptacle. 

La  troisième  section  est  celle  des  fleurs  qui  ras- 


SUR   LA   BOTANIQUE.  53 

semblent  les  deux  sortes  de  fleurons.  Cela  se  fait 
toujours  de  manière  que  les  fleurons  entiers  oc- 
cupent le  centre  de  la  fleur,  et  les  demi-fleurons 
forment  le  contour  ou  la  circonférence,  comme 
vous  avez  vu  dans  la  pâquerette.  Les  fleurs  de  cette 
section  s'appellent  radiées,  les  botanistes  ayant 
donné  le  nom  de  rajoii  au  contour  d'une  fleur 
composée,  quand  il  est  formé  de  languettes  ou 
demi-fleurons.  A  l'égard  de  l'aire  ou  du  centre  de 
la  fleur  occupé  par  les  fleurons,  on  l'appelle  le 
disque,  et  on  donne  aussi  quelquefois  ce  même 
nom  de  disque  à  la  surface  du  réceptacle  où  sont 
plantés  tous  les  fleurons  et  demi-fleurons.  Dans  les 
fleurs  radiées,  le  disque  est  souvent  d'une  cou- 
leur et  le  rayon  d'une  autre  :  cependant  il  y  a  aussi 
des  genres  et  des  espèces  où  tous  les  deux  sont  de 
la  même  couleur. 

Tâchons  à  présent  de  bien  déterminer  dans  votre 
esprit  l'idée  ai  wne Jleu?^  composée.  Le  trèfle  ordinaire 
fleurit  en  cette  saison  ;  sa  fleur  est  pourpre  :  s'il 
vous  en  tombait  une  sous  la  main ,  vous  pourriez, 
en  voyant  tant  de  petites  fleurs  rassemblées,  être 
tentée  de  prendre  le  tout  pour  une  fleur  composée. 
Vous  vous  tromperiez  ;  en  quoi  ?  en  ce  que ,  pour 
constituer  une  fleur  composée ,  il  ne  suffit  pas 
d'une  agrégation  de  plusieurs  petites  fleurs ,  mais 
qu'il  faut  de  plus  qu'une  ou  deux  des  parties  de  la 
fructification  leur  soient  communes,  de  manière 
que  toutes  aient  part  à  la  même ,  et  qu'aucune  n'ait 
la  sienne  séparément.  Ces  deux  parties  communes 
sont  le  calice  et  le  réceptacle.  Il  est  vrai  que  la  fleur 


54  LETTRES   jtL^MENTAIRES 

de  trèfle  ,  ou  plutôt  le  groupe  de  fleurs  qui  n'en 
semblent  qu'une ,  paraît  d'abord  portée  sur  une 
espèce  de  calice  ;  mais  écartez  un  peu  ce  prétendu 
calice ,  et  vous  verrez  qu'il  ne  tient  point  à  la  fleur, 
mais  qu'il  est  attaché  au-dessous  d'elle  au  pédicule 
qui  la  porte.  Ainsi  ce  calice  apparent  n'en  est 
point  un  ;  il  appartient  au  feuillage  et  non  pas  à  là 
fleur;  et  cette  prétendue  fleur  n'est  en  effet  qu'un 
assemblage  de  fleurs  légumineuses  fort  petites,  dont 
chacune  a  son  calice  particulier,  et  qui  n'ont  abso- 
lument rien  de  commun  entre  elles  que  leur  at- 
tache au  même  pédicule.  L'usage  est  pourtant  de 
prendre  tout  cela  pour  une  seule  fleur  ;  mais  c'est 
une  fausse  idée,  ou,  si  l'on  veut  absolument  re- 
garder comme  une  fleur  un  bouquet  de  cette  es- 
pèce, il  ne  faut  pas  du  moins  l'appeler  une  fleur 
composée,  mais  une  fleur  agrégée  on  une  tête  (Jhs 
aggregatus  ^  fias  capitatus,  capituluiii).  Et  ces  déno- 
minations sont  en  effet  quelquefois  employées  en 
ce  sens  par  les  botanistes. 

Voilà,  chère  cousine,  la  notion  la  plus  simple 
et  la  plus  naturelle  que  je  puisse  vous  donner  de  la 
famille ,  ou  plutôt  de  la  nombreuse  classe  des  com- 
posées ,  et  des  trois  sections  ou  familles  dans  les- 
quelles elles  se  subdivisent.  Il  faut  maintenant  vous 
parler  de  la  structure  des  fructifications  particu- 
lières à  cette  classe ,  et  cela  nous  mènera  peut-être 
à  en  déterminer  le  caractère  avec  plus  de  précision. 

La  partie  la  plus  essentielle  d'une  fleur  compo- 
sée est  le  réceptacle  sur  lequel  sont  plantés ,  d'a- 
bord les  fleurons  et  demi-fleurons,  et  ensuite  les 


SUR   LA   BOTAJVIQUJÏ.  55 

graines  qui  leur  succèdent.  Ce  réceptacle,  qui 
forme  un  disque  d'une  certaine  étendue,  fait  le 
centre  du  calice,  comme  vous  pouvez  voir  dans  le 
pissenlit,  que  nous  prendrons  ici  pour  exemple. 
Le  calice ,  dans  toute  cette  famille ,  est  ordinai- 
rement découpé  jusqu'à  la  base  en  plusieurs  pièces, 
afin  qu'il  puisse  se  fermer,  se  rouvrir,  et  se  ren- 
verser ,  comme  il  arrive  dans  le  progrès  de  la  fruc- 
tification ,  sans  y  causer  de  déchirure.  Le  calice  du 
pissenlit  est  formé  de  deux  rangs  de  folioles  insérés 
l'un  dans  l'autre ,  et  les  folioles  du  rang  extérieur 
qui  soutient  l'autre  se  recourbent  et  replient  en  bas 
vers  le  pédicule ,  tandis  que  les  folioles  du  rang  inté- 
rieur restent  droites  pour  entourer  et  contenir  les 
demi-fleurons  qui  composent  la  fleur. 

Une  forme  encore  des  plus  communes  aux  ca- 
lices de  cette  classe  est  d'être  imbriqués,  c'est-à-dire 
formés  de  plusieurs  rangs  de  folioles  en  recouvre- 
ment, les  unes  sur  les  joints  des  autres,  comme 
les  tuiles  d'un  toit.  L'artichaut,  le  bluet,  la  jacée, 
la  scorsonère  ,  vous  offrent  des  exemples  de  ca- 
lices imbriqués. 

Les  fleurons  et  demi  -  fleurons  enfermés  dans  le 
calice  sont  plantés  fort  dru  sur  son  disque  ou  ré- 
ceptacle en  quinconce,  ou  comme  les  cases  d'un 
damier.  Quelquefois  ils  s'entretouchent  à  nu  sans 
rien  d'intermédiaire,  quelquefois  ils  sont  séparés 
par  des  cloisons  de  poils  ou  de  petites  écailles  qui 
restent  attachées  au  réceptacle  quand  les  graines 
sont  tombées.  Vous  voilà  sur  la  voie  d'observer  les 
différences  de  calices  et  de  réceptacles  ;  parlons  à 


56  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

présent  de  la  structure  des  fleurons  et  demi-fleu- 
rons, en  commençant  par  les  premiers. 

Un  fleuron  est  une  fleur  monopétale,  régulière, 
pour  l'ordinaire ,  dont  la  corolle  se  fend  dans  le 
haut  en  quatre  ou  cinq  parties.  Dans  cette  corolle 
sont  attachés ,  à  son  tube ,  les  filets  des  étamines 
au  nombre  de  cinq  :  ces  cinq  filets  se  réunissent 
par  le  haut  en  un  petit  tube  rond  qui  entoure  le 
pistil,  et  ce  tube  n'est  autre  chose  que  les  cinq 
anthères  ou  étamines  réunies  circulairement  en  un 
seul  corps.  Cette  réunion  des  étamines  forme,  aux 
yeux  des  botanistes,  le  caractère  essentiel  des  fleurs 
composées ,  et  n'appartient  qu'à  leurs  fleurons  ex- 
clusivement à  toutes  sortes  de  fleurs.  Ainsi  vous 
aurez  beau  trouver  plusieurs  fleurs  portées  sur 
un  même  disque ,  comme  dans  les  scabieuses  et  le 
chardon  à  foulon ,  si  les  anthères  ne  se  réunissent 
pas  en  un  tube  autour  du  pistil ,  et  si  la  corolle  ne 
porte  pas  sur  une  seule  graine  nue ,  ces  fleurs  ne 
sont  pas  des  fleurons  et  ne  forment  pas  une  fleur 
composée.  Au  contraire ,  quand  vous  trouveriez 
dans  une  fleur  unique  les  anthères  ainsi  réunies 
en  un  seul  corps,  et  la  corolle  supère  posée  sur 
une  seule  graine ,  cette  fleur ,  quoique  seule ,  serait 
un  vrai  fleuron ,  et  appartiendrait  à  la  famille  des 
composées  ,  dont  il  vaut  mieux  tirer  ainsi  le  carac- 
tère d'une  structure  précise,  que  d'une  apparence 
trompeuse. 

Le  pistil  porte  im  style  plus  long  d'ordinaire 
que  le  fleuron  au-dessus  duquel  on  le  voit  s'élever 
à  travers  le  tube  formé  par  les  anthères.  Il  se  ter- 


SUR    r.A    BOTANIQUE.  57 

mine  le  plus  souvent,  dans  le  haut,  par  un  stig- 
mate fourchu  dont  on  voit  aisément  les  deux  pe- 
tites cornes.  Par  son  pied,  le  pistil  ne  porte  pas 
immédiatement  sur  le  réceptacle,  non  plus  que  le 
fleuron  ;  mais  l'un  et  l'autre  y  tiennent  par  le  germe 
qui  leur  sert  de  base,  lequel  croît  et  s'allonge  à 
mesure  que  le  fleuron  se  dessèche  ,  et  devient  en- 
fin une  graine  longuette  qui  reste  attachée  au  ré- 
ceptacle ,  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  mûre.  Alors  elle 
tombe  si  elle  est  nue,  ou  bien  le  vent  l'emporte 
au  loin  si  elle  est  couronnée  d'une  aigrette  de 
plumes,  et  le  réceptacle  reste  à  découvert  tout 
nu  dans  des  genres,  ou  garni  d'écaillés  ou  de  poils 
dans  d'autres. 

.  La  structure  des  demi-fleurons  est  semblable  à 
celle  des  fleurons;  les  étamines,  le  pistil  et  la  graine 
y  sont  arrangés  à  peu  près  de  même  :  seulement 
dans  les  fleurs  radiées  il  y  a  plusieurs  genres  où  les 
demi-fleurons  du  contour  sont  sujets  à  avorter,  soit 
parce  qu'ils  manquent  d'étamines,  soit  parce  que 
celles  qu'ils  ont  sont  stériles ,  et  n'ont  pas  la  force 
de  féconder  le  germe  ;  alors  la  fleur  ne  graine  que 
par  les  fleurons  du  milieu. 

Dajis  toute  la  classe  des  composées ,  la  graine 
est  toujours  sessile,  c'est-à-dire  qu'elle  porte  immé- 
diatement sur  le  réceptacle  sans  aucun  pédicule  in- 
termédiaire. Mais  il  y  a  des  graines  dont  le  sommet 
est  couronné  par  une  aigrette  quelquefois  sessile, 
et  quelquefois  attachée  à  la  graine  par  un  pédicule. 
Vous  comprenez  que  l'usage  de  cette  aigrette  est 
«l'éparpiller  au  loin  les  semences,  en  donnant  plus  de 


* 


58  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

prise  à  l'air  pour  les  emporter  et  semer  à  distance. 

A  ces  descriptions  informes  et  tronquées ,  je 
dois  ajouter  que  les  calices  ont ,  pour  l'ordinaire , 
la  propriété  de  s'ouvrir  quand  la  fleur  s'épanouit, 
de  se  refermer  quand  les  fleurons  se  sèment  et 
tombent,  afin  de  contenir  la  jeune  graine  et  l'ém- 
pécher  de  se  répandre  avant  sa  maturité  ;  enfin  de 
se  rouvrir  et  de  se  renverser  tout-à-fait  pour  offrir 
dans  leur  centre  une  aire  plus  large  aux  graines 
qui  grossissent  en  mûrissant.  Vous  avez  dû  souvent 
voir  le  pissenlit  dans  cet  état ,  quand  les  enfants 
le  cueillent  pour  souffler  dans  ses  aigrettes  ,  qui 
forment  un  globe  autour  du  calice  renversé. 

Pour  bien  connaître  cette  classe,  il  faut  en  suivre 
les  fleurs  dès  avant  leur  épanouissement  jusqu'à 
la  pleine  maturité  du  fruit,  et  c'est  dans  cette  suc- 
cession qu'on  voit  des  métamorphoses  et  un  en- 
chaînement de  merveilles  qui  tiennent  tout  esprit 
sain  qui  les  observe  dans  une  continuelle  admi- 
ration. Une  fleur  commode  pour  ces  observations 
est  celle  des  soleils,  qu'on  rencontre  fréquemment 
dans  les  vignes  et  dans  les  jardins.  Le  soleil,  comme 
vous  voyez ,  est  une  radiée.  La  reine-marguerite , 
qui,  dans  l'automne  ,  fait  l'ornement  des  parterres, 
en  est  une  aussi.  Les  chardons  *"  sont  des  fleuron- 
nées  :  j'ai  déjà  dit  que  la  scorsonère  et  le  pissenlit 
sont  des  demi-fleuronnées.  Toutes  ces  fleurs  sont 
assez  grosses  pour  pouvoir  être  disséquées  et  étu- 
diées à  l'œil  nu  sans  le  fatiguer  beaucoup. 

Il  faut  prendre  garde  de  n'y  pas  mêler  le  chardon-à-foulon  ou 
des  bonnetiers ,  qui  n'est  pas  un  vrai  chardon. 


SUR  LA    BOTANIQUE.  .^9 

Je  ne  vous  en  dirai  pas  davantage  aujourd'hui 
sur  la  famille  ou  classe  des  composées.  Je  tremble 
déjà  d'avoir  trop  abusé  de  votre  patience  par  des 
détails  que  j'aurais  rendus  plus  clairs  si  j'avais  su 
les  rendre  plus  courts ,  mais  il  m'est  impossible  de 
sauver  la  difficulté  qui  naît  de  la  petitesse  des  ob- 
jets. Bonjour,  chère  cousine. 


LETTRE  VIL 

Sur  les  arbres  fruitiers. 

J'attendais  de  vos  nouvelles,  chère  cousine ,  sans 
impatience ,  parce  que  M.  T. ,  que  j'avais  vu  depuis 
la  réception  de  votre  précédente  lettre ,  m'avait 
dit  avoir  laissé  votre  maman  et  toute  votre  famille 
en  bonne  santé.  Je  me  réjouis  d'en  avoir  la  confir- 
mation par  vous-même,  ainsi  que  des  bonnes  et 
fraîches  nouvelles  que  vous  me  donnez  de  ma  tante 
Gonceru.  Son  souvenir  et  sa  bénédiction  ont  épa- 
noui de  joie  un  cœur  à  qui,  depuis  long -temps, 
on  ne  fait  plus  guère  éprouver  de  ces  sortes  de 
mouvements.  C'est  par  elle  que  je  tiens  encore  à 
quelque  chose  de  bien  précieux  sur  la  terre  ;  et 
tant  que  je  la  conserverai,  je  continuerai,  quoi 
qu'on  fasse ,  à  aimer  la  vie.  Voici  le  temps  de  pro- 
fiter de  vos  bontés  ordinaires  pour  elle  et  pour 
moi;  il  me  semble  que  ma  petite  offrande  prend 
un  prix  réel  en  passant  par  vos  mains.  Si  votre 
cher  époux  vient  bientôt  à  Paris ,  comme  vous  me 


6o  LETTP.es   ÉLliMENTA.IRES 

le  faites  espérer,  je  le  prierai  de  vouloir  bien  se 
charger  de  mon  tribut  annuel  *  ;  mais  s'il  tarde  un 
peu,  je  vous  prie  de  lue  marquer  à  qui  je  dois  le 
remettre ,  afin  qu'il  n'y  ait  point  de  retard,  et  que 
vous  n'en  fassiez  pas  l'avance  comme  l'année  der- 
nière, ce  que  je  sais  que  vous  faites  avec  plaisir, 
mais  à  quoi  je  ne  dois  pas  consentir  saps  nécessité. 

Voici ,  chère  cousine ,  les  noms  des  plantes  que 
vous  m'avez  envoyées  en  dernier  lieu.  J'ai  ajouté 
un  point  d'interrogation  à  ceux  dont  je  suis  en 
doute,  parce  que  vous  n'avez  pas  eu  soin  d'y  mettre 
des  feuilles  avec  la  fleur,  et  que  le  feuillage  est 
souvent  nécessaire  pour  déterminer  l'espèce  à  un 
aussi  mince  botaniste  que  moi.  En  arrivant  à  Four- 
rière, vous  trouverez  la  plupart  des  arbres  frui- 
tiers en  fleur,  et  je  me  souviens  que  vous  aviez 
désiré  quelques  directions  sur  cet  article.  Je  ne 
puis  en  ce  luoment  vous  tracer  là-dessus  que  quel- 
ques mots  très  à  la  hâte ,  étant  très-pressé ,  et  afin 
que  vous  ne  perdiez  pas  encore  une  saison  pour 
cet  examen. 

Il  ne  faut  pas ,  chère  amie ,  donner  à  la  bota- 
nique une  importance  qu'elle  n'a  pas;  c'est  une 
étude  de  pure  curiosité ,  et  qui  n'a  d'autre  utilité 
réelle  que  celle  que  peut  tirer  un  être  pensant  et 
sensible  de  l'observation  de  la  nature  et  des  mer- 
veilles de  l'univers.  L'homme  a  dénaturé  beaucoup 
de  choses  pour  les  mieux  convertir  à  son  usage  : 
en  cela  il  n'est  point  à  blâmer  ;  mais  il  n'en  est 
pas  moins  vrai  qu'il  les  a  souvent  défigurées,  et  que, 

La  rente  de  loo  liv.  qu'il  faisait  à  sa  tante  Goncerii. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  6l 

quand  dans  les  œuvres  de  ses  mains  il  croit  étu- 
dier vraiment  la  nature ,  il  se  trompe.  Cette  erreur 
a  lieu  surtout  dans  la  société  civile  ;  elle  a  lieu  de 
même  dans  les  jardins.  Ces  fleurs  doubles ,  qu'on 
admire  dans  les  parterres ,  sont  des  monstres  dé- 
pourvus de  la  faculté  de  produire  leur  semblable , 
dont  la  nature  a  doué  tous  les  êtres  organisés.  Les 
arbres  fruitiers  sont  à  peu  près  dans  le  même  cas 
par  la  greffe  :  vous  aurez  beau  planter  des  pépins 
de  poires  et  de  pommes  des  meilleures  espèces  ,  il 
n'en  naîtra  jamais  que  des  sauvageons.  Ainsi,  pour 
connaître  la  poire  et  la  pomme  de  la  nature,  il 
faut  les  chercher,  non  dans  les  potagers,  mais  dans 
les  forêts.  La  chaire  n'en  est  pas  si  grosse  et  si 
succulente ,  mais  les  semences  en  mûrissent  mieux, 
en  multiplient  davantage ,  et  les  arbres  en  sont 
infiniment  plus  grands  et  plus  vigoureux.  Mais 
j'entame  ici  un  article  qui  me  mènerait  trop  loin; 
revenons  à  nos  potagers. 

Nos  arbres  fruitiers ,  quoique  greffés ,  gardent 
dans  leur  fructification  tous  les  caractères  bota- 
niques qui  les  distinguent  ;  et  c'est  par  l'étude  at- 
tentive de  ces  caractères,  aussi  bien  que  par  les 
transformations  de  la  greffe,  qu'on  s'assure  qu'il 
n'y  a ,  par  exemple ,  qu'une  seule  espèce  de  poire 
sous  mille  noms  divers,  par  lesquels  la  forme  et  la 
saveur  de  leurs  fruits  les  a  fait  distinguer  en  autant 
de  prétendues  espèces  qui  ne  sont,  au  fond,  que 
des  variétés.  Bien  plus,  la  poire  et  la  pomme  ne 
sont  que  deux  espèces  du  même  genre,  et  lepr 
unique  différence  bien  caractéristique  est  que  le 


6-i  LETTHES   ÉLÉMENTAIRES 

pédicule  de  la  pomme  entre  dans  un  enfoncement 
du  fruit ,  et  celui  de  la  poire  tient  à  un  prolonge- 
ment du  fruit  im  peu  allongé.  De  même  toutes  les 
sortes  de  cerises ,  guignes,  griottes,  bigarreaux, ne 
sont  que  des  variétés  d'une  même  espèce  :  toutes 
les  prunes  ne  sont  qu'une  espèce  de  prunes  ;  le 
genre  de  la  prune  contient  trois  espèces  princi- 
pales, savoir  :  la  prune  proprement  dite,  la  cerise, 
et  l'abricot,  qui  n'est  aussi  qu'une  espèce  de  prune. 
Ainsi ,  quand  le  savant  Linnœus ,  divisant  le  genre 
dans  ses  espèces ,  a  dénommé  la  prune  prune ,  la 
prune  cerise,  et  la  prune  abricot,  les  ignorants  se 
sont  moqués  de  lui  ;  mais  les  observateurs  ont  ad- 
miré la  justesse  de  ses  réductions,  etc.  Il  faut  cou- 
^  rir,  je  me  hâte. 

Les  arbres  fruitiers  entrent  presque  tous  dans 
une  famille  nombreuse ,  dont  le  caractère  est  facile 
à  saisir ,  en  ce  que  les  étamines ,  en  grand  nombre, 
au  lieu  d'être  attachées  au  réceptacle,  sont  atta- 
chées au  calice  par  les  intervalles  que  laissent  les 
pétales  entre  eux;  toutes  leurs  fleurs  sont  polypé- 
tales  et  à  cinq  communément.  Voici  les  principaux 
caractères  génériques. 

Le  genre  de  la  poire ,  qui  comprend  aussi  la 
pomme  et  le  coin.  Calice  monophylle  à  cinq 
pointes.  Corolle  à  cinq  pétales  attachés  au  calice, 
une  vingtaine  d'étamines  toutes  attachées  au  ca- 
lice. Germe  ou  ovaire  infère ,  c'est-à-dire  au-des- 
sous de  la  corolle,  cinq  styles.  Fruits* charnus  à  cinq 
logettes,  contenant  des  graines,  etc. 

Le  genre  de  la  prune,  qui  comprend  l'abricot, 


SDH  LA    BOTAiNlQUE.  G3 

la  cerise  et  le  laurier  cerise.  Calice ,  corolles  et  an- 
thères à  peu  près  comme. la  poire;  mais  le  germe 
est  siipère,  c'est-à-dire  dans  la  corolle,  et  il  n'y  a 
qu'un  stj  le.  Fruit  plus  aqueux  que  charnu ,  conte- 
nant un  noyau ,  etc. 

Le  genre  de  l'amande,  qui  comprend  aussi  la 
pèche.  Presque  comme  la  prune ,  si  ce  n'est  que  le 
germe  est  velu  ,  et  que  le  fruit,  mou  dans  la  pèche, 
sec  dans  l'amande ,  contient  un  noyau  dur ,  rabo- 
teux, parsemé  de  cavités,  etc. 

Tout  ceci  n'est  que  bien  grossièrement  ébauché , 
mais  c'en  est  assez  pour  vous  amuser  cette  année. 
Bonjour,  chère  cousine.  • 


LETTRE  VlII. 

Sur  les  Herbiers. 

Du  1 1  avril  iyy3. 

Grâce  au  ciel ,  chère  cousine,  vous  voilà  rétablie. 
Mais  ce  n'est  pas  sans  que  votre  silence  et  celui 
de  M.  G.,  que  j'avais  instamment  prié  de  m'écrire 
un  mot  à  son  arrivée,  ne  m'ait  causé  bien  des 
alarmes.  Dans  des  inquiétudes  de  cette  espèce , 
rien  n'est  plus  cruel  que  le  silence,  parce  qu'il  fait 
tout  porter  au  pis  ;  mais  tout  cela  est  déjà  oublié 
et  je  ne  sens  plus  que  le  plaisir  de  votre  rétablis- 
sement. Le  retour  de  la  belle  saison ,  la  vie  moins 
sédentaire  de  Fourrière ,  et  le  plaisir  de  remplir 
avec  succès  la  plus  douce  ainsi  que  la  plus  respec-^ 


64  LETTRES  ELEMENTAIRES 

table  des  fonctions,  achèveront  bientôt  de  l'affer- 
mir ,  et  vous  en  sentirez  moins  tristement  l'ab- 
sence passagère  de  votre  mari,  au  milieu  des  chers 
gages  de  son  attachement ,  et  des  soins  continuels 
qu'ils  vous  demandent. 

La  terre  commence  à  verdir,  les  arbres  à  bour- 
geonner ,  les  fleurs  à  s'épanouir  :  il  y  en  a  déjà  de 
passées;  un  moment  de  retard  pour  la  botanique 
nous  reculerait  d'une  année  entière  :  ainsi  j'y  passe 
sans  autre  préambule. 

Je  crains  que  nous  ne  l'ayons  traitée  jusqu'ici 
d'une  manière  trop  abstraite,  en  n'appliquant  point 
nos  idées  sur  des  objets  déterminés;  c'est  le  défaut 
dans  lequel  je  suis  tombé ,  principaleiTient  à  l'égard 
.des  ombellifères.  Si  j'avais  commencé  par  vous  en 
mettre  une  sous  les  yeux,  je  vous  aurais  épargné  une 
application  très-fatigante  sur  un  objet  imaginaire , 
et  à  moi  des  descriptions  difficiles  ,  auxquelles 
im  simple  coup  d'œil  aurait  suppléé.  Malheureu- 
sement, à  la  distance  où  la  loi  de  la  nécessité  me 
tient  de  vous ,  je  ne  suis  pas  à  portée  de  vous  mon- 
trer du  doigt  les  objets  ;  mais  si ,  chacun  de  notre 
côté  ,  nous  en  pouvons  avoir  sous  les  yeux  de 
semblables,  nous  nous  entendrons  très -bien  l'un 
l'autre  en  parlant  de  ce  que  nous  voyons.  Toute  la 
difficulté  est  qu'il  faut  que  l'indication  vienne  de 
vous  ;  car  vous  envoyer  d'ici  des  plantes  sèches  se- 
rait ne  rien  faire.  Pour  bien  reconnaître  une  plante , 
il  faut  commencer  par  la  voir  sur  pied.  Les  herbiers 
servent  de  mémoratif  pour  celles  qu'on  a  déjà  con- 
nues ,  mais  ils  font  mal  connaître  celles  qu'on  n'a 


SUR   LA    BOÏAJNlQtlE.  65 

pas  vues  auparavant.  C'est  donc  à  vous  de  m'en- 
voyer  des  plantes  que  vous  voudrez  connaître  et 
que  vous  aurez  cueillies  sur  pied  ;  et  c'est  à  moi  de 
vous  les  nommer,  de  les  classer,  de  les  décrire, 
jusqu'à  ce  que ,  par  des  idées  comparatives ,  deve- 
nues familières  à  vos  yeux  et  à  votre  esprit,  vous 
parveniez  à  classer ,  ranger  et  nommer  vous-même 
celles  que  vous  verrez  pour  la  première  fois;  science 
qui  seule  distingue  le  vrai  botaniste  de  l'herboriste 
ou  nomenclateur.  Il  s'agit  donc  ici  d'apprendre  à 
préparer,  dessécher  et  conserver  les  plantes,  ou 
échantillons  de  plantes,  de  manière  à  les  rendre 
faciles  à  reconnaître  et  à  déterminer  ;  c'est ,  en  un 
mot,  un  herbier  que  je  vous  propose  de  commen- 
cer. Voici  une  grande  occupation  qui,  de  loin,  se 
prépare  pour  notre  petite  amatrice;  car,  quant  à 
présent,  et  pour  quelque  temps  encore,  il  faudra 
que  l'adresse  de  vos  doigts  supplée  à  la  faiblesse 
des  siens. 

Il  y  a  d'abord  une  provision  à  faire  ;  savoir ,  cinq 
ou  six  mains  de  papier  gris ,  et  à  peu  près  autant 
de  papier  blanc ,  de  même  grandeur ,  assez  fort  et 
bien  collé ,  sans  quoi  les  plantes  se  pourriraient 
dans  le  papier  gris ,  ou  du  moins  les  fleurs  y  per- 
draient leur  couleur  ;  ce  qui  est  une  des  parties 
qui  les  rendent  reconnaissables ,  et  par  lesquelles 
un  herbier  est  agréable  à  voir.  Il  serait  encore  à 
désirer  que  vous  eussiez  une  presse  de  la  grandeur 
de  votre  papier ,  ou  du  moins  deux  bouts  de  plan- 
ches bien  unies ,  de  manière  qu'en  plaçant  vos 
feuilles  entre  deux ,  vous  les  y  puissiez  tenir  près- 
R.  vir.  5 


66  LETTRES   JÉLÉMENTA.IRES 

sées  par  les  pierres  ou  autres  corps  pesants  dont 
vous  chargerez  la  planche  supérieure.  Ces  prépa- 
ratifs faits ,  voici  ce  qu'il  faut  observer  pour  pré- 
parer vos  plantes  de  manière  à  les  conserver  et  les 
reconnaître. 

Le  moment  à  choisir  pour  cela  est  celui  où  la 
plante  est  en  pleine  fleur ,  et  où  même  quelques 
fleurs  commencent  à  tomber  pour  faire  place  au 
fruit  qui  commence  à  paraître.  C'est  dans  ce  point 
où  toutes  les  parties  de  la  fructification  sont  sen- 
sibles, qu'il  faut  tâcher  de  prendre  la  plante  pour 
la  dessécher  dans  cet  état. 

Les  petites  plantes  se  prennent  tout  entières 
avec  leurs  racines ,  qu'on  a  soin  de  bien  nettoyer 
avec  une  brosse  ,  afin  qu'il  n'y  reste  point  de  terre. 
Si  la  terre  est  mouillée ,  on  la  laisse  sécher  pour 
la  brosser ,  ou  bien  on  lave  la  racine  ;  mais  il  faut 
avoir  alors  la  plus  çrrande  attention  de  la  bien  es- 
suyer  et  dessécher  avant  de  la  mettre  entre  les  pa- 
piers, sans  quoi  elle  s'y  pourrirait  infailliblement, 
et  communiquerait  sa  pourriture  aux  autres  plantes 
voisines.  Il  ne  faut  cependant  s'obstiner  à  conser- 
ver les  racines  qu'autant  qu'elles  ont  quelques  sin- 
gularités remarquables  ;  car ,  dans  le  plus  grand 
nombre ,  les  racines  ramifiées  et  fibreuses  ont  des 
formes  si  semblables ,  que  ce  n'est  pas  la  peine  de 
les  conserver,  La  nature,  qui  a  tant  fait  pour  l'élé- 
gance et  l'ornement  dans  la  figure  et  la  couleur 
des  plantes  en  ce  qui  frappe  les  yeux ,  a  destiné  les 
racines  uniquement  aux  fonctions  utiles,  puisqu'é- 
tant  cachées  dans  la  terre ,  leur  donner  une  struc- 


SUR  LA   BOTANIQUE.  67 

ture  agréable  eût  été  cacher  la  lumière  sous  le 
boisseau. 

Les  arbres  et  toutes  les  grandes  plantes  ne  se 
prennent  que  par  échantillon  ;  mais  il  faut  que  cet 
échantillon  soit  si  bien  choisi,  qu'il  contienne  toutes 
les  parties  constitutives  du  genre  et  de  l'espèce, 
afin  qu'il  puisse  suffire  pour  reconnaître  et  déter- 
miner la  plante  qui  l'a  fourni.  Il  ne  suffit  pas  que 
toutes  les  parties  de  la  fructification  y  soient  sen- 
sibles, ce  qui  ne  servirait  qu'à  distinguer  le  genre, 
il  faut  qu'on  y  voie  bien  le  caractère  de  la  folia- 
tion et  de  la  ramification ,  c'est-à-dire  la  naissance 
et  la  forme  des  feuilles  et  des  branches,  et  même, 
autant  qu'il  se  peut ,  quelque  portion  de  la  tige  ; 
car ,  comme  vous  verrez  dans  la  suite ,  tout  cela 
sert  à  distinguer  les  espèces  différentes  des  mêmes 
genres  qui  sont  parfaitement  semblables  par  la 
fleur  et  le  fruit.  Si  les  branches  sont  trop  épaisses, 
on  les  amincit  avec  un  couteau  ou  canif,  en  dimi- 
nuant adroitement  par-dessous  de  leur  épaisseur , 
autant  que  cela  se  peut,  sans  couper  et  mutiler  les 
feuilles.  Il  y  a  des  botanistes  qui  ont  la  patience 
de  fendre  l'écorce  de  la  branche  et  d'en  tirer  adroi- 
tement le  bois ,  de  façon  que  l'écorce  rejointe  pa- 
raît vous  montrer  encore  la  branche  entière,  quoi- 
que le  bois  n'y  soit  plus  :  au  moyen  de  quoi  l'on 
n'a  point  entre  les  papiers  des  épaisseurs  et  bosses 
trop  considérables,  qui  gâtent,  défigurent  l'her- 
bier ,  et  font  prendre  une  mauvaise  forme  aux 
plantes.  Dans  les  plantes  où  les  fleurs  et  les  feuilles 
ne  viennent  pas  en  même  temps ,  ou  naissent  trop 


68  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

loin  les  unes  des  autres  ,  on  prend  une  petite 
branche  à  fleurs  et  une  petite  branche  à  feuilles  ; 
et,  les  plaçant  ensemble  dans  le  même  papier,  on 
offre  ainsi  à  l'œil  les  diverses  parties  de  la  même 
plante,  suffisantes  pour  la  faire  reconnaître.  Quant 
aux  plantes  où  l'on  ne  trouve  que  des  feuilles ,  et 
dont  la  fleur  n'est  pas  encore  venue  ou  est  déjà 
passée  ,  il  les  faut  laisser ,  et  attendre  ,  pour  les 
reconnaître  ,  qu'elles  montrent  leur  visage.  Une 
plante  n'est  pas  plus  sûrement  reconnaissable  à 
son  feuillage  qu'un  homme  à  son  habit. 

Tel  est  le  choix  qu'il  faut  mettre  dans  ce  qu'on 
cueille  :  il  en  faut  mettre  aussi  dans  le  moment 
qu'on  prend  pour  cela.  Les  plantes  cueillies  le 
matin  à  la  rosée ,  ou  le  soir  à  l'humidité ,  ou  le 
jour  durant  la  pluie ,  ne  se  conservent  point.  Il 
faut  absolument  choisir  un  temps  sec ,  et  même , 
dans  ce  temps-là ,  le  moment  le  plus  sec  et  le  plus 
chaud  de  la  journée,  qui  est  en  été  entre  onze 
heures  du  matin  et  cinq  ou  six  heures  du  soir. 
Encore  alors,  si  l'on  y  trouve  la  moindre  humidité, 
faut -il  les  laisser,  car  infailliblement  elles  ne  se 
conserveront  pas. 

Quand  vous  avez  cueilli  vos  échantillons  ,  vous 
les  apportez  au  logis,  toujours  bien  au  sec,  pour 
les  placer  et  arranger  dans  vos  papiers.  Pour  cela 
vous  faites  votre  premier  lit  de  deux  feuilles  au 
moins  de  papier  gris,  sur  lesquelles  vous  placez 
une  feuille  de  papier  blanc  ,  et  sur  cette  feuille 
vous  arrangez  votre  plante,  prenant  grand  soin 
que  toutes  ses  parties,  surtout  les  feuilles  et  les 


SUR  LA    BOTANIQUE.  69 

fleurs,  soient  bien  ouvertes  et  bien  étendues  dans 
leur  situation  naturelle.  La  plante  un  peu  flétrie , 
mais  sans  l'être  trop ,  se  prête  mieux  pour  l'ordi- 
naire à  l'arrangement  qu'on  lui  donne  sur  le  pa- 
pier avec  le  pouce  et  les  doigts.  Mais  il  y  en  a  de 
rebelles  qui  se  grippent  d'un  côté ,  pendant  qu'on 
les  arrange  de  l'autre.  Pour  prévenir  cet  inconvé- 
nient, j'ai  des  plombs,  des  gros  sous,  des  liards , 
avec  lesquels  j'assujettis  les  parties  que  je  viens 
d'arranger,  tandis  que  j'arrange  les  autres,  de  fa- 
çon que ,  quand  j'ai  fini ,  ma  plante  se  trouve  pres- 
que toute  couverte  de  ces  pièces  qui  la  tiennent 
en  état.  Après  cela  on  pose  une  seconde  feuille 
blanche  sur  la  première ,  et  on  la  presse  avec  la 
main ,  afin  de  tenir  la  plante  assujettie  dans  la  si- 
tuation qu'on  lui  a  donnée,  avançant  ainsi  la  main 
gauche  qui  presse  à  mesure  qu'on  retire  avec  la 
droite  les  plombs  et  les  gros  sous  qui  sont  entre 
les  papiers  :  on  met  ensuite  deux  autres  feuilles  de 
papier  gris  sur  la  seconde  feuille  blanche ,  sans  ces^ 
ser  un  seul  moment  de  tenir  la  plante  assujettie , 
de  peur  qu'elle  ne  perde  la  situation  qu'on  lui  a 
donnée.  Sur  ce  papier  gris  on  met  une  autre  feuille 
blanche  ;  sur  cette  feuille  une  plante  qu'on  arrange 
et  recouvre  comme  ci-devant,  jusqu'à  ce  qu'on  ait 
placé  toute  la  moisson  qu'on  a  apportée,  et  qui  ne 
doit  pas  être  nombreuse  pour  chaque  fois,  tant 
pour  éviter  la  longueur  du  travail,  que  de  peur  que, 
durant  la  dessiccation  des  plantes,  le  papier  ne  con- 
tracte ([uelque  humidité  par  leur  grand  nombre , 
ce  qui  gâterait  infailliblement  vos  plantes ,  si  vous 


r-O  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

ne  VOUS  hâtiez  de  les  changer  de  papier  avec  les 
mêmes  attentions; et  c'est  même  ce  qu'il  faut  faire 
de  temps  en  temps  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  bien 
pris  leur  pli,  et  qu'elles  soient  toutes  assez  sèches. 

Votre  pile  de  plantes  et  de  papiers  ainsi  arran- 
gée doit  être  mise  en  presse ,  sans  quoi  les  plantes 
se  gripperaient  :  il  y  en  a  qui  veulent  être  plus 
pressées ,  d'autres  moins  ;  l'expérience  vous  ap- 
prendra cela,  ainsi  qu'à  les  changer  de  papier  à 
propos ,  et  aussi  souvent  qu'il  faut ,  sans  vous  don- 
ner un  travail  inutile.  Enfin,  quand  vos  plantes  se- 
ront bien  sèches  ,  vous  les  mettrez  bien  propre- 
ment chacune  dans  une  feuille  de  papier,  les  unes 
sur  les  autres,  sans  avoir  besoin  de  papiers  inter- 
médiaires, et  vous  aurez  ainsi  un  herbier  com- 
mencé, qui  s'augmentera  sans  cesse  avec  vos  con- 
naissances ,  et  contiendra  enfin  l'histoire  de  toute 
la  végétation  du  pays  :  au  reste  ,  il  faut  toujours 
tenir  un  herbier  bien  serré  et  un  peu  en  presse; 
sans  quoi  les  plantes,  quelque  sèches  qu'elles  fus- 
sent ,  attireraient  l'humidité  de  l'air  et  se  grippe- 
raient encore. 

Voici  maintenant  l'usage  de  tout  ce  travail  pour 
parvenir  à  la  connaissance  particulière  des  plantes , 
et  à  nous  bien  entendre  lorsque  nous  en  parlerons. 

Il  faut  cueillir  deux  échantillons  de  chaque 
plante  :  l'un ,  plus  grand ,  pour  le  garder  ;  l'autre , 
plus  petit,  pour  me  l'envoyer.  Vous  les  numéro- 
terez avec  soin ,  de  façon  que  le  grand  et  le  petit 
échantillon  de  chaque  espèce  aient  toujours  le 
même  numéro.  Quand  vous  aurez  une  douzaine 


SUR   LA    BOTANIQUE.  yi 

OU  deux  d'espèces  ainsi  desséchées,  vous  me  les 
enverrez  dans  un  petit  cahier  par  quelque  occa- 
sion. Je  vous  enverrai  le  nom  et  la  description  des 
mêmes  plantes  ;  par  le  moyen  des  numéros ,  vous 
les  reconnaîtrez  dans  votre  herbier,  et  de  là  sur 
la  terre,  où  je  suppose  que  vous  aurez  commencé 
de  les  bien  examiner.  Voilà  un  moyen  sûr  de  faire 
des  progrès  aussi  sûrs  et  aussi  rapides  qu'il  est 
possible  loin  de  votre  guide. 

JY.  B.  J'ai  oublié  de  vous  dire  que  les  mêmes  papiers  peu- 
vent servir  plusieurs  fois,  pourvu  qu'on  ait  soin  de  les  bien 
aérer  et  dessécher  auparavant.  Je  dois  ajouter  aussi  que  l'her- 
bier doit  être  tenu  dans  le  lieu  le  plus  sec  de  la  maison,  et 
plutôt  au  premier  qu'au  rez-de-chaussée*. 

Dans  le  Dictionnaire  élémentaire  de  Botanique  de  Bulliard ,  revu 
par  Richard  (  in-8°,  Paris,  1802  ) ,  au  mot  Herbier,  se  trouve  uue 
assez  longue  citation  que  l'auteur  de  cet  article  annonce  être  extraite 
d'un  manuscrit  de  Rousseau.  Cette  citation  ne  peut  mieux  trouver  sa 
place  qu'ici,  et  nous  la  ferons  précéder  de  ce  que  dit  Bulliard  ou 
Richard  à  cette  occasion. 

"  On  sait  que  J.  J-  Rousseau  aimait  passionnément  la  botanique, 
et  qu'il  travaillait  même  à  faire  dans  cette  science  quelques  réformes 
avantageuses.  Il  s'est  long-temps  occupé  de  l'art  de  la  dessiccation  des 
plantes;  il  nous  a  laissé  plusieurs  herbiers  de  différents  formats, 
l'armi  les  livres  rares  et  précieux  qui  composent  la  bibliothèque  du 
savant  Malesherbes ,  on  trouve  deux  petits  herbiers  de  Jean-Jacques, 
faits  avec  tout  le  soin  et  tout  l'art  possibles  :  l'un  est  de  format  in-8°, 
et  ne  renferme  que  des  cryptogames  ;  et  l'autre ,  de  format  in- 4"  >  est 
composé  de  plantes  à  fleurs  distinctes. 

«  M.  Tourmevel  ayant  appris  que  j'étais  sur  le  point  de  faire  im- 
primer cet  ouvrage ,  a  bien  voulu  concourir  de  la  manière  la  plus 
obligeante  k  en  augmenter  l'utilité  ,  en  me  communiquant  un  ma- 
nuscrit du  Philosophe  genevois,  sur  la  nécessité  d'un  herbier,  et  sur 
les  moyens  les  plus  simples  et  les  plus  avantageux  en  même  temps 
de  travailler  à  s'en  faire  un. 

«  Jean-Jacques,  après  avoir  montré  la  nécessité  d'un  herbier; 
après  s'être  élevé  contre  ces  prétendus  botanistes  qui  ont  des  herbiers 


LETTRES   ELEMENT'ATRES 


LETTRE  IX. 

A  M.   DE  MALESHERBES 
Sur  le  format  des  Herbiers  et  sur  la  Synonymie. 

Si  j'ai  tardé  si  long-temps,  monsieur ,  à  répondre 
en  détail  à  la  lettre  que  vous  avez  eu  la  bonté  de 
m'écrire  le  3  janvier ,  c'a  été  d'abord  dans  l'idée 
du  voyage  dont  vous  m'aviez  prévenu ,  et  auquel 
je  n'ai  appris  que  dans  la  suite  que  vous  aviez  re- 
noncé, et  ensuite  par  mon  travail  journalier,  qui 

de  huit  à  dix  mille  plantes  étrangères ,    et  qui  ne  connaissent  pas 
celles  qu'ils  foulent  continuellement  aux  pieds,  dit  : 

«  On  peut  se  faire  un  très- bon  herbier  sans  savoir  un  mot  de 
«  botanique  ;  tous  ceux  qui  se  disposent  à  étudier  la  botanique  de- 
«  vraient  commencer  par  là.  Quand  ils  auraient  desséché  un  assez 
o  bon  nombre  de  plantes ,  et  qu'il  ne  s'agirait  plus  que  d'y  ajouter 
«  les  noms,  il  y  a  des  gens  qui  leur  rendraient  ce  service  pour  de 
«  l'argent,  ou  pour  quelque  chose  d'équivalent;  d'ailleurs ,  n'avons- 
«  nous  pas  dans  presque  toutes  les  villes  un  peu  considérables  des 
«  jardins  botaniques  où  les  plantes  sont  disposées  dans  un  ordre 
«  méthodique,  marquées  d'un  étiquet,  sur  lequel  leur  nom  est  in- 
«  scrit  ?  Pour  peu  que  l'on  ait  une  idée  de  la  méthodK-î  adoptée ,  et 
«  les  premières  notions  de  l'A,  B,  C  de  la  botanique,  c'est-à-dire 
«  les  premiers  éléments  de  cette  science,  on  y  trouve  les  plantes 
«  que  l'on  cherche  ;  on  les  compare  ;  on  en  prend  les  noms ,  et  c'en 
«  est  assez;  l'usage  fait  le  reste,  et  nous  rend  botanistes.  Mais  ne 
«  comptez  guère  sur  les  meilleurs  livres  de  botanique ,  pour  nom- 
«  mer,  d'après  eux  ,  des  plantes  que  vous  ne  connaîtriez  pas:  si 
«  ces  livres  ne  sont  pas  accompagnés  de  bonnes  figures ,  ils  vous 
<«  fatigueront  sans  succès  ;  à  chaque  pas  ils  vous  offriront  de  nou- 
«  velles  difficultés,  et  ne  vous  apprendront  rien....  Ne  vous  attendez 
«  point  à  conserver  une  plante  dans  tout  son  éclat  :  celles  qui  se 
o  dessèchent  le  mieux,  perdent  encore  beaucoup  de  leur  fraîclvur... 
«  De  tous  les  moyens  employés  à  la  dessiccation  des  plantes,  le  plus 
«  simple,  celui  de  la  pression ,  est  le  préférable  pour  un  herbier.  Les 
«  couleurs  peuvent  être  conservées  aussi  bien  que  par  la  dessiccation 


SUR  LA   BOTANIQUE.  73 

m'est  venu  tout  d'un  coup  en  si  grande  abondance, 
que  ,  pour  ne  rebuter  personne  ,  j'ai  été  obligé  de 
m'y  livrer  tout  entier  ;  ce  qui  a  fait  à  la  botanique 
une  diversion  de  plusieurs  mois.  Mais  enfin  voilà 
la  saison  revenue  ,  et  je  me  prépare  à  recommencer 
mes  courses  champêtres,  devenues,  par  une  longue 
habitude ,  nécessaires  à  mon  humeur  et  à  ma  santé. 
En  parcourant  ce  cpii  me  restait  en  plantes 
sèches,  je  n'ai  guère  trouvé  hors  de  mon  herbier, 
auquel  je  ne  veux  pas  toucher  ,  que  quelques  dou- 
bles de  ce  que  vous  avez  déjà  reçu;  et  cela  ne  va- 
lant pas  la  peine  d'être  rassemblé  pour  un  premier 

«  au  sable ,  et  les  plantes  desséchées  y  sont  moins  volumineuses  et 
«  moins  fragiles....  Ayez  une  bonne  provision  de  quatre  sortes  de 
«  papiers;  i°  du  papier  gris ,  épais  et  peu  collé  ;  2°  du  papier  gris , 
«  épais  et  collé  ;  3"  du  gros  papier  blanc  sur  lequel  on  puisse  écrire; 
«  et  4°  du  papier  blanc  sur  lequel  vous  fixerez  vos  plantes ,  lorsque  la 
«  dessiccation  sera  complète....  Lorsque  vous  voudrez  dessécher  une 
«  plante,  il  faut  la  cueillir  par  un  beau  temps  ;  et  lorsque  ses  fleurs 
«  seront  épanouies,  laissez-là  quelques  heures  se  faner  à  l'air  libre... 
«  Dès  que  ses  parties  seront  amollies,  étendez-la  avec  soin  sur  une 
«  feuille  de  papier  gris  de  la  première  espèce  dont  j'ai  parlé;  mettez 
«  dessous  cette  feuille  une  feuille  de  carton ,  et  dessus ,  douze  à 
«  quinze  doubles  de  papier  de  la  première  espèce  ;  mettez  le  tout 
«  entre  deux  ais  de  bois,  ou  deux  planches  bien  unies,  que  vous 
"  chargerez  d'abord  médiocrement,  et  dont  vous  augmenterez  peu 
«  à  peu  la  pression  ,  à  mesure  que  la  dessiccation  s'opérera.  11  est  plus 
«  avantageux  de  se  servir  de  ces  petites  presses  de  brocheuses,  parce 
«  que  l'on  serre  si  peu  et  autant  qu'on  le  veut  ;  au  bout  d'une  heure 
«  ou  deux ,  serrez-la  davantage,  et  laissez-la  ainsi  vingt-quatre  heures 
«  an  plus;  retirez-la  ensuite;  changez-la.de  papier,  et  mettez  des- 
«  sous  une  autre  feuille  de  carton  bien  sèche ,  ainsi  que  les  feuilles 
«  de  papier  que  vous  allez  mettre  dessus;  remettezle  tout  en  presse; 
«  serrez  plus  que  la  première  fois  ;  laissez  ainsi  deux  jours  votre 
«  plante  sans  y  toucher  ;  changez-la  encore  une  troisième  fois  de 
«  papier  ;  mais  prenez  du  papier  gris  collé  ;  serrez  encore  davantage 
«  la  presse,  et  ne  mettez  dessus  que  trois  ou  quatre  doubles  de  pa- 
"  piers,  on  seulement  une  feuille  de  carton  dessus  et  une  dessons; 


"74  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

envoi,  je  trouverais  convenable  de  me  faire,  du- 
rant cet  été,  de  bonnes  fournitures,  de  les  prépa- 
rer, coller  et  ranger  durant  l'hiver;  après  quoi  je 
pourrais  continuer  de  même,  d'année  en  année, 
jusqu'à  ce  que  j'eusse  épuisé  tout  ce  que  je  pour- 
rais fournir.  Si  cet  arrangement  vous  convient, 
monsieur,  je  m'y  conformerai  avec  exactitude;  et 
dès  à  présent  je  commencerai  mes  collections.  Je 
désirerais  seulement  savoir  quelle  forme  vous  pré- 
férez. Mon  idée  serait  de  faire  le  fond  de  chaque 
herbier  sur  du  papier  à  lettre  tel  que  celui-ci  ;  c'est 
ainsi  que  j'en  ai  commencé  un  pour  mon  usage , 
et  je  sens  chaque  jour  mieux  que  la  commodité  de 
ce  format  compense  amplement  l'avantage  qu'ont 

•  laissez-la  ainsi  en  presse  deux  ou  trois  fois  vingt-quatre  heures; 
«  si ,  lorsque  vous  retirerez  votre  plante ,  elle  ne  vous  paraît  pas  as- 
«  sez  privée  de  son  humidité,  vous  la  changerez  encore  plusieurs 
«  fois  de  papiers.  (  I!  y  a  des  plantes  qu'il  suffit  de  changer  deux  fois 
«  de  papiers,  et  d'autres  qu'il  faut  changer  jusqu'à  six  fois  :  celles 
«  qui  sont  de  nature  aqueuse  exigent  qu'on  en  accélère  la  dessiccation.) 
«  Mais  si ,  au  contraire ,  les  parties  qui  la  composent  ont  déjà  perdu 

•  de  leur  flexibilité ,  il  faut  la  mettre  dans  une  feuille  de  gros  papier 
■  blanc,  où  on  la  laissera  en  presse  jusqu'à  ce  que  la  dessiccation 
«  soit  parfaitement  achevée  ;  ce  sera  alors  qu'il  faudra  songer  à  as- 
«  surer  pour  long-temps  la  conservation  de  votre  plante  ;  elle  pourra 
«  être  employée  à  la  formation  de  votre   herbier  ;  il  ne  s'agit  plus 

«  que  de  la  fixer,  de  la  nommer  et  de  la  mettre  en  place Pour 

«  garantir  votre  herbier  des  ravages  qu'y  feraient  les  insectes,  il  faut 
«  tremper  le  papier  sur  lequel  vous  voulez  fixer  vos  plantes  dans 
•«  un,e  forte  dissolution  d'alun,  le  faire  bien  sécher,  et  y  attacher  vos 
«  plantes  avec  de  petites  isandelettes  de  papier ,  que  vous  collerez 
«  avec  de  la  colle  à  bouche  ;  c'est  avec  cette  colle  que  vous  pourrez 
K  aussi  assujettir  les  organes  de  la  fructification  des  plantes,  lorsque 

«  vous  aurez  eu  la  patience  de  les  dessécher  à  part Il  serait  bon 

«  d'avoir  plusieurs  échantillons  de  la  même  plante,  surtout  si  elle 

«  est  sujette  à  varier Il  faut  renfermer  vos  plantes  dans  des  boîtes 

«  de  tilleul  que  vous  étiqueterez  ;  il  faut  qu'elles  soient  en  un  lieu 
«  sec,  etc.  • 


SUR    LA    BOTAMQUE.  7-5 

de  plus  les  grands  herbiers.  Le  papier  sur  lequel 
sont  les  plantes  que  je  vous  ai  envoyées  vaudrait 
encore  mieux ,  mais  je  ne  puis  retrouver  du  même  ; 
et  l'impôt  sur  les  papiers  a  tellement  dénaturé  leur 
fabrication  ,  que  je  n'en  puis  plus  trouver  pour 
noter  qui  ne  perce  pas.  J'ai  le  projet  aussi  d'une 
forme  de  petits  herbiers  à  mettre  dans  la  poche 
pour  les  plantes  en  miniature ,  qui  ne  sont  pas  les 
moins  curieuses,  et  je  n'y  ferais  entrer  néanmoins 
t[ue  des  plantes  qui  pourraient  y  tenir  entières, 
racine  et  tout;  entre  autres,  la  plupart  des  mousses, 
les  glaux,  peplis ,  montia,  sagina ,  passe-pierre,  etc. 
Il  me  semble  que  ces  herbiers  mignons  pourraient 
devenir  charmants  et  précieux  en  même  temps. 
Enfin,  il  y  a  des  plantes  d'une  certaine  grandeur 
qui  ne  peuvent  conserver  leur  port  dans  un  petit 
espace,  et  des  échantillons  si  parfaits,  que  ce  se- 
rait dommage  de  les  mutiler.  Je  destine  à  ces  belles 
plantes  du  papier  grand  et  fort;  et  j'en  ai  déjà 
quelques-unes  qui  font  ini  fort  bel  effet  dans  cette 
forme. 

Il  y  a  long-temps  que  j'éprouve  les  difficultés  de 
la  nomenclature,  et  j'ai  souvent  été  tenté  d'aban- 
donner tout-à-fait  cette  partie.  Mais  il  faudrait  en 
même  temps  renoncer  aux  livres  et  à  profiter  des 
observations  d'autrui;  et  il  me  semble  qu^m  des 
plus  grands  charmes  de  la  botanique  est ,  après 
celui  de  voir  par  soi-même,  celui  de  vérifier  ce 
qu'ont  vu  les  autres  :  donner,  sur  le  témoignage 
de  mes  propres  yeux,  mon  assentiment  aux  ob- 
servations fines  et  justes  d'un  auteur  me  paraît 


'j6  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

une  véritable  jouissance  ;  au  lieu  que,  quand  je  ne 
trouve  pas  ce  qu'il  dit,  je  suis  toujours  en  inquié- 
tude si  ce  n'est  point  moi  qui  vois  mal.  D'ailleurs , 
ne  pouvant  voir  par  moi-même  que  si  peu  de 
chose  ,  il  faut  bien  sur  le  reste  me  fier  à  ce  que 
d'autres  ont  vu  ;  et  leurs  différentes  nomenclatures 
me  forcent  pour  cela  de  percer  de  mon  mieux  le 
chaos  de  la  synonymie.  Il  a  fallu ,  pour  ne  pas  m'y 
perdre ,  tout  rapporter  à  une  nomenclature  parti- 
culière ;  et  j'ai  choisi  celle  de  Lihnœus  ,  tant  par  la 
préférence  que  j'ai  donnée  à  son  système ,  que 
parce  que  ces  noms  ,  composés  seulement  de  deux 
mots,  lïie  délivrent  des  longues  phrases  des  autres. 
Pour  y  rapporter  sans  peine  celles  de  Tournefort , 
il  me  faut  très -souvent  recourir  à  l'auteur  com- 
mun que  tous  deux  citent  assez  constamment ,  sa- 
voir, Gaspard  Cauhin.  C'est  dans  son  Piiiax  que 
je  cherche  leur  concordance  :  car  Ijnnœusme  pa- 
raît faire  une  chose  convenable  et  juste ,  quand 
Tournefort  n'a  fait  que  prendre  la  phrase  de 
Bauhin ,  de  citer  l'auteur  original ,  et  non  pas  ce- 
lui qui  l'a  transcrit,  comme  on  fait  très -injuste- 
ment en  France.  De  sorte  que ,  quoique  presque 
toute  la  nomenclature  de  Tournefort  soit  tirée  mot 
à  mot  du  pi/iax,  on  croirait,  à  lire  les  botanistes 
français,  qu'il  n'a  jamais  existé  ni  Bauhin  mpiiiax^ 
au  monde  ;  et ,  pour  comble  ,  il  font  encore  un 
crime  à  Linnœus  de  n'avoir  pas  imité  leur  partialité. 
A  l'égard  des  plantes  dont  Tournefort  n^a  pas  tiré 
les  noms  àupùiax,  on  en  trouve  aisément  la  con- 
cordance dans  les  auteurs  français  linn?eistes,  tels 


SUR  LA   BOTANIQUE.  77 

que  Sauvages,  Gouau,  Gérard,  Guettard,  et  d'Ali - 
hard,  qui  l'a  presque  toujours  suivi. 

J'ai  fait  cet  hiver  une  seule  herborisation  dans 
le  bois  de  Boulogne ,  et  j'en  ai  rapporté  quelques 
mousses.  Mais  il  ne  faut  pas  s'attendre  qu'on  puisse 
compléter  tous  les  genres ,  même  par  une  espèce 
imique.  Il  y  en  a  de  bien  difficiles  à  mettre  dans 
un  herbier,  et  il  y  en  a  de  si  rares,  qu'ils  n'ont  ja- 
mais passé  et  vraisemblablement  ne  passeront  ja- 
mais sous  mes  yeux.  Je  crois  que,  dans  cette  famille 
et  celle  des  algues,  il  faut  se  tenir  aux  genres,  dont 
on  rencontre  assez  souvent  des  espèces, pour  avoir 
le  plaisir  de  s'y  reconnaître ,  et  négliger  ceux  dont 
la  vue  ne  nous  reprochera  jamais  notre  ignorance^ 
ou  dont  la  figure  extraordinaire  nous  fera  faire  ef- 
fort pour  la  vaincre.  J'ai  la  vue  fort  courte,  mes 
yeux  deviennent  mauvais,  et  je  ne  puis  plus  es- 
pérer de  recueillir  que  ce  qui  se  présentera  fortui- 
tement dans  les  lieux  à  peu  près  où  je  saurai  qu'est 
ce  que  je  cherche.  A  l'égard  de  la  manière  de  cher- 
cher,  j'ai  suivi  M.  de  Jussieu  dans  sa  dernière  her- 
borisation, et  je  la  trouvai  si  tumultueuse  et  si  peu 
utile  pour  moi,  que,  quand  il  en  aurait  encore  fait, 
j'aurais  renoncé  à  l'y  suivre.  J'ai  accompagné  son 
neveu  l'année  dernière ,  moi  vingtième, à  Montmo- 
rency, et  j'en  ai  rapporté  quelques  jolies  plantes, 
entre  autres  la  Jisimachia  terieïla^  que  je  crois  vous 
avoir  envoyée.  Mais  j'ai  trouvé  dans  cette  herbo- 
risation que  les  indications  de  Tournefort  et  de 
Vaillant  sont  très -fautives,  ou  que,  depuis  eux, 
bien  des  plantes  ont  changé  de  sol.  J'ai  cherché 


•yO  LETTRES   ELEMENTAIRES 

entre  autres,  et  j'ai  engagé  tout  le  monde  à  cher- 
cher avec  soin  \e  plantago  monanthos  à  la  queue  de 
l'étang  de  Montmorency,  et  dans  tous  les  endroits 
où  Tournefort  et  Vaillant  l'indiquent, et  nous  n'en 
avons  pu  trouver  un  seul  pied  :  en  revanche,  j'ai 
trouvé  plusieurs  plantes  de  remarque,  et  même  tout 
près  de  Paris,  dans  des  lieux  où  elles  ne  sont  point 
indiquées.  En  général  j'ai  toujours  été  inalheureux 
en  cherchant  d'après  les  autres.  Je  trouve  encore 
mieux  mon  compte  à  chercher  de  mon  chef. 

J'oubliais ,  monsieur,  de  vous  parler  de  vos  livres. 
Je  n'ai  fait  encore  qu'y  jeter  les  yeux;  et  comme 
ils  ne  sont  pas  de  taille  à  porter  dans  la  poche ,  et 
que  je  ne  lis  guère  l'été  dans  la  chambre,  je  tar- 
derai peut-être  jusqu'à  la  fin  de  l'hiver  prochain 
à  vous  rendre  ceux  dont  vous  n'aurez  pas  affaire 
avant  ce  temps-là.  J'ai  commencé  de  lire  \ Antho- 
logie de  Pontedera ,  et  j'y  trouve  contre  le  système 
sexuel  des  objections  qui  me  paraissent  bien  fortes, 
et  dont  je  ne  sais  pas  comment  Linnoeus  s'est  tiré. 
Je  suis  souvent  tenté  d'écrire  dans  cet  auteur  et 
dans  les  autres  les  noms  de  Linnaeus  à  côté  des  leurs 
pour  me  reconnaître.  J'ai  déjà  même  cédé  à  cette 
tentation  pour  quelques-unes,  n'imaginant  à  cela 
rien  que  d'avantageux  pour  l'exemplaire.  Je  sens 
pourtant  que  c'est  une  liberté  que  je  n'aurais  pas 
dû  prendre  sans  votre  agrément,  et  je  l'attendrai 
pour  continuer. 

Je  vous  dois  des  remerciements,  monsieur,  pour 
l'emplacement  que  vous  avez  la  bonté  de  m'offrir 
poTH'  la  dessiccation  des  plantes  :  mais  tpioique  ce 


SUR   LA    BOTANIQUE.  79 

soit  un  avantage  dont  je  sens  bien  de  l^Éfcrivation, 
la  nécessité  de  les  visiter  souvent,  et  l'éîoignement 
des  lieux,  qui  me  ferait  consumer  beaucoup  de 
temps  en  courses,  m'empêchent  de  me  prévaloir  de 
cette  offre. 

La  fantaisie  m'a  pris  de  faire  une  collection  de 
fruits  et  de  graines  de  toute  espèce,  qui  devraient, 
avec  un  herbier ,  faire  la  troisième  partie  d'un  ca- 
binet d'histoire  naturelle.  Quoique  j'aie  encore  ac- 
quis très-peu  de  chose,  et  que  je  ne  puisse  espérer 
de  rien  acquérir  que  très-lentement  et  par  hasard, 
je  sens  déjà  pour  cet  objet  le  défaut  de  place  :  mais 
le  plaisir  de  parcourir  et  de  visiter  incessamment 
ma  petite  collection  peut  seul  me  payer  la  peine  de 
la  faire;  et  si  je  la  tenais  loin  de  mes  yeux,  je  ces- 
serais d'en  jouir.  Si  par  hasard  vos  gardes  et  jar- 
diniers trouvaient  quelquefois  sous  leurs  pas  des 
faînes  de  hêtres ,  des  fruits  d'aunes ,  d'érables ,  de 
bouleau,  et  généralement  de  tous  les  fruits  secs  des 
arbres  des  forêts  ou  d'autres,  qu'ils  en  ramassassent, 
en  passant  quelques-uns  dans  leurs  poches,  et  que 
vous  voulussiez  bien  m'en  faire  parvenir  quelques 
échantillons  par  occasion, j'aurais  un  double  plaisir 
d'en  orner  ma  collection  naissante. 

Excepté  V Histoire  des  Mousses  par  Dillenius,  j'ai 
à  moi  les  autres  livres  de  botanique  dont  vous  m'en- 
voyez la  note  :  mais ,  quand  je  n'en  aurais  aucun  , 
je  me  garderais  assurément  de  consentira  vous  pri- 
ver, pour  mon  agrément,  du  moindre  des  amuse- 
ments qui  sont  à  votre  portée.  Je  vous  prie ,  mon- 
sieur, d'agréer  mon  respect. 


8o  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

M 


LETTRE  X. 

A  M.  DE  MALESHERBES. 

Sur  les  Mousses. 

A  Paris,  le  ig  décembre  1771. 

Voici, monsieur, quelques  échantillons  de  mousses 
que  j'ai  rassemblés  à  la  fiâte ,  pour  vous  mettre  à 
portée  au  moins  de  distinguer  les  principaux  genres 
avant  que  la  saison  de  les  observer  soit  passée.  C'est 
une  étude  à  laquelle  j'employai  délicieusement  l'hi- 
ver que  j'ai  passé  à  Wootton,  où  je  me  trouvais 
environné  de  montagnes,  de  bois  et  de  rochers 
tapissés  de  capillaires  et  de  mousses  des  plus  cu- 
rieuses. Mais,  depuis  lors,  j'ai  si  bien  perdu  cette 
famille  de  vue,  que  ma  mémoire  éteinte  ne  me 
fournit  presque  plus  rien  de  ce  que  j'avais  acquis 
en  ce  genre  ;  et  n'ayant  point  l'ouvrage  de  Dillenius, 
guide  indispensable  dans  ces  recherches, je  ne  suis 
parvenu  qu'avec  beaucoup  d'effort ,  et  souvent  avec 
doute , à  déterminer  les  espèces  que  je  vous  envoie. 
Plus  je  m'opiniâtre  à  vaincre  les  difficultés  par  moi- 
même  et  sans  le  secours  de  personne,  plus  je  me 
confirme  dans  l'opinion  que  la  botanique,  telle 
qu'on  la  cultive,  est  une  science  qui  ne  s'acquiert  que 
par  tradition:  on  montre  la  plante,  on  la  nomme; 
sa  figure  et  son  nom  se  gravent  ensemble  dans  la 
mémoire.  H  y  a  peu  de  peine  à  retenir  ainsi  la  no- 


SUR  LA   LOTAN  IQUE.  Si 

mericlatuie  d'un  grand  nombre  de  plantes  :  mais, 
quand  on  se  croit  pour  cela  botaniste,  on  se  trompe, 
on  n'est  qu'herboriste;  et  quand  il  s'agit  de  dé- 
terminer par  soi-même  et  sans  guide  les  plantes 
qu'on  n'a  jamais  vues,  c'est  alors  qu'on  se  trouve 
arrêté  tout  court,  et  cju'on  est  au  bout  de  sa  doc- 
trine. Je  suis  resté  plus  ignorant  encore  en  prenant 
la  route  contraire.  Toujours  seul  et  sans  autre  maître 
que  la  nature ,  j'ai  mis  des  efforts  incroyables  à  de 
très-faibles  progrès.  Je  suis  parvenu  à  pouvoir ,  en 
bien  travaillant,  déterminer  à  peu  près  les  genres; 
mais  pour  les  espèces,  dont  les  différences  sont  sou- 
vent très-peu  marquées  par  la  nature ,  et  plus  mal 
énoncées  par  les  auteurs,  je  n'ai  pu  parvenir  à  en 
distinguer  avec  certitude  qu'un  très-petit  nombre, 
surtout  dans  la  famille  des  mousses,  et  surtout  dans 
les  genres  difficiles,  tels  que  les  hypnum,  les  jun- 
germania,les  lichens.  Je  crois  pourtant  être  sûr  de 
celles  que  je  vous  envoie ,  à  une  ou  deux  près  que 
j'ai  désignées  par  un  point  interrogant,  afin  que 
vous  puissiez  vérifier,  dans  Vaillant  et  dans  Dille- 
nius,  si  je  me  suis  trompé  ou  non.  Quoi  qu'il  en 
soit,  je  crois  qu'il  faut  commencer  à  connaître  em- 
piriquement un  certain  nombre  d'espèces  pour  par- 
venir à  déterminer  les  autres ,  et  je  crois  que  celles 
que  je  vous  envoie  peuvent  suffire ,  en  les  étudiant 
bien ,  à  vous  familiariser  avec  la  famille  et  à  en  dis- 
tinguer au  moins  les  genres  au  premier  coup  d'œil 
par  le/àcies  propre  à  chacun  d'eux.  Mais  il  y  a  une 
autre  difficulté,  c'est  que  les  mousses  ainsi  dispo- 
sées par  brins  n'ont  point  sur  le  papier  le  même 
R.  vif.  G 


8a  LETTRES   ÉI.^MF.VTAIRES 

coup  d'œil  qu'elles  ont  sur  la  terre  rassemblées  par 
touffes  ou  gazons  serrés.  Ainsi  l'on  herborise  inu- 
tilement clans  un  herbier  et  surtout  clans  un  mous- 
sier,  si  l'on  n'a  commencé  par  herboriser  sur  la  terre. 
Ces  sortes  de  recueils  doivent  servir  seulement  de 
mémoratifs ,  mais  non  pas  d'instruction  première. 
Je  cloute  cependant ,  monsieur ,  que  vous  trou- 
viez aisément  le  temps  et  la  patience  de  vous  appe- 
santir à  l'examen  de  chaque  touffe  d'herbe  ou  de 
mousse  que  vous  trouverez  en  votre  chemin.  Mais 
Voici  le  moyen  qu'il  me  semble  que  vous  pourriez 
prendre  pour  analyser  avec  succès  toutes  les  pro- 
ductions végétales  de  vos  environs,  sans  vous  en- 
nuyer à  des  détails  minutieux,  insupportables  pour 
les  esprits  accoutumés  à  généraliser  les  idées  et  à 
regarder  toujours  les  objets  en  grand.  Il  faudrait 
inspirer  à  quelqu'un  de  vos  laquais ,  garde  ou  gar- 
çon jardinier,  un  peu  de  goût  pour  l'étude  des 
plantes,  et  le  mener  à  votre  suite  dans  vos  prome- 
nades, lui  faire  cueillir  les  plantes  que  vous  ne  con- 
naîtriez pas,  particulièrement  les  mousses  et  les 
graminées,  deux  familles  difficiles  et  nombreuses. 
Il  faudrait  cju'il  tâchât  de  les  prendre  dans  l'état  de 
floraison  où  leurs  caractères  déterminants  sont  les 
plus  marqués.  En  prenant  deux  exemplaires  de  cha- 
cun, il  en  mettrait  un  à  part  pour  me  l'envoyer, 
sous  le  même  numéro  que  le  semblable  cpii  vous 
resterait,  et  sur  lequel  vous  feriez  mettre  ensuite 
le  nom  de  la  plante,  quand  je  vous  l'aurais  envoyé. 
Vous  vous  éviteriez  ainsi  le  travail  de  cette  déter- 
mination ,  et  ce  travail  ne  serait  qu'un  plaisir  pour 


SUR  LA    BOTArfIQUE.  83 

moi ,  qui  en  ai  l'habitude  et  qui  m'y  livre  avec  pas- 
sion. 11  me  semble, monsieur,  que  de  cette  manière 
vous  auriez  fait  en  peu  de  temps  le  relevé  des  pro- 
ductions végétales  de  vos  terres  et  des  environs;  et 
que,  vous  livrant  sans  fatigue  au  plaisir  d'observer, 
vous  pourriez  encore,  au  moyen  d'une  nomencla- 
ture assurée, avoir  celui  de  comparer  vos  observa- 
tions avec  celles  des  auteurs.  Je  ne  me  fais  pour- 
tant pas  fort  de  tout  déterminer.  Mais  la  longue 
habitude  de  fureter  des  campagnes  m'a  rendu  fa- 
milières la  plupart  des  plantes  indigènes.  Il  n'y  a 
que  les  jardins  et  productions  exotiques  où  je  me 
trouve  en  pays  perdu.  Enfin  ce  que  je  n'aurai  pu 
déterminer  sera  pour  vous,  monsieur,  un  objet  de 
recherche  et  de  curiosité  qui  rendra  vos  amuse- 
ments plus  piquants.  Si  cet  arrangement  vous  plaît, 
je  suis  à  vos  ordres, et  vous  pouvez  être  sûr  de  me 
prociu'er  im  amusement  très-intéressant  pour  moi. 
J'attends  la  note  que  vous  m'avez  promise  pour 
travailler  à  la  remplir  autant  qu'il  dépendra  de  moi. 
L'occupation  de  travailler  à  des  herbiers  remplira 
très -agréablement  mes  beaux  jours  d'été.  Cepen- 
dant je  ne  prévois  pas  d'être  jamais  bien  riche  en 
plantes  étrangères;  et,  selon  moi,  le  plus  grand 
agrément  de  la  botanique  est  de  pouvoir  étudier 
et  connaître  la  nature  autour  de  soi  plutôt  qu'aux 
Indes.  J'ai  été  pourtant  assez  heureux  pour  pouvoir 
insérer  dans  le  petit-recueil  que  j'ai  eu  l'honneur 
de  vous  envoyer,  quelques  plantes  curieuses,  et 
entre  autres  le  vrai  papier,  qui  jusqu'ici  n'était  point 
connu  en  France,  pas  même  de  M.  de  Jussieu.  Il 

6. 


84  LETTRES   lÎLJÉMEIVTAIRES,  etC. 

est  vrai  que  je  n'ai  pu  vous  en  envoyer  qu'un  brin 
bien  misérable,  mais  c'en  est  assez  pour  distinguer 
ce  rare  et  précieux  souchet.  Voilà  bien  du  bavar- 
dage; mais  la  botanique  m'entraîne,  et  j'ai  le  plaisir 
d'en  parler  avec  vous:  accordez-moi ,  monsieur,  un 
peu  d'indulgence. 

Je  ne  vous  envoie  que  de  vieilles  mousses  ;  j'en  ai 
vainement  cherché  de  nouvelles  dans  la  campagne. 
Il  n'y  en  aura  guère  qu'au  mois  de  février,  parce 
que  l'automne  a  été  trop  sec;  encore  faudra-t-il  les 
chercher  au  loin.  On  n'en  trouve  guère  autour  de 
Paris  que  les  mêmes  répétées. 


LETTRES 

ADRESSÉES 

A  M"^*  LA  DUCHESSE  DE  PORTLAND. 
LETTRE  L 

AWoottoiijle  ao  octobre  1766. 

Vous  avez  raiso|i ,  madame  la  duchesse ,  de  com- 
mencer la  correspQndance,que  vous  me  faites  l'hon- 
neur de  me  proposer,  par  m'envoyer  des  livres  pour 
me  mettre  en  état  de  la  soutenir  :  mais  je  crains  que 
ce  ne  soit  peine  perdue  ;  je  ne  retiens  plus  rien 
de  ce  que  je  lis;  je  n'ai  plus  de  mémoire  pour  les 
livres,  il  ne  m'en  reste  que  pour  les  personnes, 
pour  les  bontés  qu'on  a  pour  moi  ;  et  j'espère  à 
ce  titre  profiter  plus  avec  vos  lettres  qu'avec  tous 
les  livres  de  l'univers.  Il  en  est  un,  madame,  où 
vous  savez  si  bien  lire,  et  où  je  voudrais  bien  ap- 
prendre à  épeler  quelques  mots  après  vous.  Heu- 
reux qui  sait  prendre  assez  de  goût  à  cette  intéres- 
sante lecture  pour  n'avoir  besoin  d'aucune  autre , 
et  qui, méprisant  les  instructions  des  hommes,  qui 
sont  menteurs ,  s'attache  à  celles  de  la  nature ,  qui 
ne  ment  point!  Vous  l'étudiezavec  autant  de  plaisir 
que  de  succès  ;  vous  la  suivez  dans  tous  ses  règnes  ; 
aucune  de  ses  productions  ne  vous  est  étrangère; 


86  LETTRES 

VOUS  savez  assortir  les  fossiles ,  les  minéraux ,  les 
coquillages,  cultiver  les  plantes, apprivoiser  les  oi- 
seaux: et  que  n'apprivoiseriez-vous  pas? Je  connais 
un  animal  un  peu  sauvage  qui  vivrait  avec  grand 
plaisir  dans  votre  ménagerie,  en  attendant  l'hon- 
neur d'être  admis  un  jour  en  momie  dans  votre 
cabinet. 

J'aurais  bien  les  mêmes  goûts  si  j'étais  en  état  de 
les  satisfaire;  mais  un  solitaire  et  vm  commençant 
de  mon  âge  doit  rétrécir  beaucoup  l'univers ,  s'il 
veut  le  connaître; et  moi, qui  me  perds  comme  un 
insecte  parmi  les  herbes  d'un  pré,  je  n'ai  garde 
d'aller  escalader  les  palmiers  de  l'Afrique  ni  les  cè- 
dres du  Liban.  Le  temps  presse,  et,  loin  d'aspirer 
à  savoir  un  jour  la  botanique,  j'ose  à  peine  espérer 
d'herboriser  aussi  bien  que  les  moutons  qui  pais- 
sent sous  ma  fenêtre,  et  de  savoir  comme  eux  trier 
mon  foin. 

J'avoue  pourtant,  comme  les  hommes  ne  sont 
guère  conséquents,  et  que  les  tentations  viennent 
par  la  facilité  d'y  succomber,  que  le  jardin  de  mon 
excellent  voisin, M.  de  Granville, m'a  donné  le  projet 
ambitieux  d'en  connaître  les  richesses  :  mais  voilà 
précisément  ce  qui  prouve. que,  ne  sachant  rien, 
je  ne  suis  fait  pour  rien  apprendre.  Je  vois  les  plan- 
tes, il  me  les  nomme,  je  les  oubhe;  je  les  revois, 
il  me  les  renomme,  je  les  oublie  encore;  et  il  ne 
résulte  de  tout  cela  que  l'épreuve  que  nous  faisons 
sans  cesse ,  moi  de  sa  complaisance ,  et  lui  de  mon 
incapacité.  Ainsi,  du  coté  de  la  botanique,  peu  d'a- 
vantage; mais  un  très- grand ipour  le  bonheur  de 


SUR  LA   BOTANIQUi:.  87 

la  vie,  dans  celui  de  cultiver  la  société  d'un  voisin 
bienfaisant,  obligeant,  aimable,  et,  pour  dire  en- 
core plus,  s'il  est  possible,  à  qui  je  dois  l'honneur 
d'être  connu  de  vous. 

Voyez  donc ,  madame  la  duchesse ,  quel  ignare 
correspondant  vous  vous  choisissez,  et  ce  qu'il 
pourra  mettre  du  sien  contre  vos  lumières.  Je  suis 
en  conscience  obligé  de  vous  avertir  de  la  mesure 
des  miennes;  après  cela,  si  vous  daignez  vous  en 
contenter,  à  la  bonne  heure;  je  n'ai  garde  de  re- 
fuser un  accord  si  avantageux  pour  moi.  Je  vous 
rendrai  de  l'herbe  pour  vos  plantes ,  des  rêveries 
pour  vos  observations;  je  m'instruirai  cependant 
par  vos  bontés:  et  puissé-je  un  jour,  devenu  meil- 
leur herboriste,  orner  de  quelques  fleurs  la  cou- 
ronne que  vous  doit  la  botanique,  pour  1  honneur 
que  vous  lui  faites  de  la  cultiver. 

J'avais  apporté  de  Suisse  quelques  plantes  sèches 
qui  se  sont  pourries  en  chemin  :  c'est  un  herbier 
à  recommencer ,  et  je  n'ai  plus  pour  cela  les  mêmes 
ressources.  Je  détacherai  toutefois  de  ce  qui  me 
reste  quelques  échantillons  des  moins  gâtés,  aux- 
quels j'en  joindrai  quelques  uns  de  ce  pays  en  fort 
petit  nombre,  selon  l'étendue  de  mon  savoir,  et  je 
prierai  M.  Granville  de  vous  les  faire  passer  quand 
il  en  aura  l'occasion  ;  mais  il  faut  auparavant  les 
trier,  les  démoisir,  et  surtout  retrouver  les  noms  à 
moitié  perdus;  ce  qui  n'est  pas  pour  moi  une  petite 
affaire.  Et,  à  propos  des  noms,  comment  parvien- 
drons-nous ,  madame ,  à  nous  entendre  ?  Je  ne  con- 
nais point  les  noms  anglais;  ceux  que  je  connais 


88  LETTRES 

sont  tous  du  Pinax  de  Gaspard  Bauhin  ou  du  Spe- 
cies platitarum  de  M.  Linnœus,et  je  ne  puis  en  faire 
la  synonymie  avec  Gérard,  qui  leur  est  antérieur 
à  l'un  et  à  l'autre ,  ni  avec  le  Sj/iopsis^  qui  est  an- 
térieur au  second,  et  qui  cite  rarement  le  premier; 
en  sorte  que  mon  Species  me  devient  inutile  pour 
vous  nommer  l'espèce  de  plante  que  j'y  connais,  et 
pour  y  rapporter  celle  que  vous  pouvez  me  faire 
connaître.  Si  par  hasard , madame  la  duchesse,  vous 
aviez  aussi  le  Species plantanim  ou  le  Pinax,  ce  point 
de  réunion  nous  serait  très -commode  pour  nous 
entendre ,  sans  quoi  je  ne  sais  pas  trop  comment 
nous  ferons. 

J'avais  écrit  à  milord  Maréchal  deux  jours  avant 
de  recevoir  la  lettre  dont  vous  m'avez  honoré.  Je 
lui  en  écrirai  bientôt  une  autre  pour  m'acquitter 
de  votre  commission ,  et  pour  lui  demander  ses  fé- 
licitations sur  l'avantage  que  son  nom  m'a  procuré 
près  de  vous.  J'ai  renorrcé  à  tout  commerce  de  let- 
tres, hors  avec  lui  seul  et  un  autre  ami.  Vous  serez 
la  troisième,  madame  la  duchesse,  et  vous  me  ferez 
chérir  toujours  plus  la  botanique  à  qui  je  dois  cet 
honneur.  Passé  cela,  la  porte  est  fermée  aux  cor- 
respondances. Je  deviens  de  jour  en  jour  plus  pa- 
resseux; il  m'en  coûte  beaucoup  d'écrire  à  cause  de 
mes  incommodités;  et  content  d'un  si  bon  choix  je 
m'y  borne,  bien  sûr  que,  si  je  l'étendais  davan- 
tage ,  le  même  bonheur  ne  m'y  suivrait  pas. 

Je  vous  supplie ,  madame  la  duchesse ,  d'agréer 
mon  profond  respect. 


SUR   LA    BOTANIQUE.  89 


LETTRE  II. 

A  Wootton,  le  13  février  1767. 

Je  n'aurais  pas ,  madame  la  duchesse ,  tardé  iiii 
seul  instant  de  calmer ,  si  je  l'avais  pu ,  vos  inquié- 
tudes sur  la  santé  de  milord  Maréchal  ;  mais  je  crai- 
gnis de  ne  faire ,  en  vous  écrivant ,  qu'augmenter 
ces  inquiétudes,  qui  devinrent  pour  moi  des  alar- 
mes. La  seule  chose  qui  me  rassurât  était  que  j'avais 
de  lui  une  lettre  du  22  novembre  ;  et  je  présumais 
que  ce  qu'en  disaient  les  papiers  publics  ne  pou- 
vait guère  être  plus  récent  que  cela.  Je  raisonnai 
là-dessus  avec  M.  Granville ,  qui  devait  partir  dans 
peu  de  jours,  et  qui  se  chargea  de  vous  rendre 
compte  de  ce  que  nous  avions  pensé ,  en  attendant 
que  je  pusse,  madame,  vous  marquer  quelque  chose 
de  plus  positif:  dans  cette  lettre  du  22  novembre, 
milord  Maréchal  me  marquait  qu'il  se  sentait  vieillir 
et  affaiblir,  qu'il  n'écrivait  plus  qu'avec  peine,  qu'il 
avait  cessé  d'écrire  à  ses  parents  et  amis,  et  qu'il 
m'écrirait  désormais  fort  rarement  à  moi  -  même. 
Cette  résolution,  qui  peut-être  était  déjà  l'effet  de 
sa  maladie ,  fait  que  son  silence  depuis  ce  temps-là 
me  surprend  moins ,  mais  il  me  chagrine  extrême- 
ment. J'attendais  quelque  réponse  aux  lettres  que 
je  lui  ai  écrites;  je  la  demandais  incessamment,  et 
j'espérais  vous  en  faire  part  aussitôt  ;  il  n'est  rien 
venu.  J'ai  aussi  écrit  à  son  banquier  à  Londres, qui 


go  LETTRES 

ne  savait  rien  non  plus ,  mais  qui ,  ayant  fait  des 
informations ,  m'a  marqué  qu'en  effet  milord  Ma- 
réchal avait  été  fort  malade ,  mais  qu'il  était  beau- 
coup mieux.  Voilà  tout  ce  que  j'en  sais,  madame  la 
duchesse.  Probablement  vous  en  savez  davantage 
à  présent  vous-même;  et,  cela  supposé  ,  j'oserais 
vous  supplier  de  vouloir  bien  me  faire  écrire  un 
mot  pour  me  tirer  du  trouble  où  je  suis.  A  moins 
que  les  amis  charitables  ne  m'instruisent  de  ce  qu'il 
m'importe  de  savoir,  je  ne  suis  pas  en  position  de 
pouvoir  l'apprendre  par  moi-même. 

Je  n'ose  presque  plus  vous  parler  de  plantes,  de- 
puis que, vous  ayant  trop  annoncé  les  chiffons  que 
j'avais  apportés  de  Suisse,  je  n'ai  pu  encore  vous 
rien  envoyer.  Il  faut ,  madame ,  vous  avouer  toute 
ma  misère  :  outre  que  ces  débris  valaient  peu  la 
peine  de  vous  être  offerts ,  j'ai  été  retardé  par  la 
difficulté  d'en  trouver  les  noms ,  qui  manquaient 
à  la  plupart;  et  cette  difficulté  mal  vaincue  m'a  fait 
sentir  que  j'avais  fait  une  entreprise  trop  pénible 
à  mon  âge ,  en  voulant  m'obstiner  à  connaître  les 
plantes  tout  seul.  Il  faut,  en  botanique,  commencer 
par  être  guidé  ;  il  faut  du  moins  apprendre  empi- 
riquement les  noms  d'un  certain  nombre  de  plantes 
avant  de  vouloir  les  étudier  méthodiquement  :  il 
faut  premièrement  être  herboriste ,  et  puis  devenir 
botaniste  après,  si  l'on  peut.  J'ai  voulu  faire  le  con- 
traire,et  je  m'en  suis  mal  trouvé.  Les  livres  des  bo- 
tanistes modernes  n'instruisent  que  les  botanistes , 
ils  sont  inutiles  aux  ignorants.  Il  nous  manque  un 
livre  vraiment  élémentaire ,  avec  lequel  un  homme 


SUR   LA    BOTANIQUE.  QI 

qui  n'aurait  jamais  vu  de  plantes  pût  parvenir  à 
les  étudier  seul.  Voilà  le  livre  qu'il  me  faudrait  au 
défaut  d'instructions  verbales;  car  où  les  trouver? 
Il  n'y  a  point  autoiu'  de  ma  demeure  d'autres  her- 
boristes que  les  moutons.  Une  difficulté  plus  grande 
est  que  j'ai  de  très-mauvais  yeux  pour  analyser  les 
plantes  par  les  parties  de  la  fructification.  Je  vou- 
drais étudier  les  mousses  et  les  gramens  qui  sont 
à  ma  portée;  je  m'éborgne,  et  je  ne  vois  rien.  Il 
semble ,  madame  la  duchesse ,  que  vous  ayez  exac- 
tement deviné  mes  besoins  en  m'envoyant  les  deux 
livres  qui  me  sont  les  plus  utiles.  Le  Sjnopsis  com- 
prend des  descriptions  à  ma  portée  et  que  je  suis 
en  état  de  suivre  sans  m'arracher  les  yeux,  et  le 
Petiver  m'aide  beaucoup  par  ses  figures,  qui  prêtent 
à  mon  imagination  autant  qu'un  objet  sans  couleur 
peut  y  prêter.  C'est  encore  un  grand  défaut  des 
botanistes  modernes  de  l'avoir  négligée  entière- 
ment. Quand  j'ai  vu  dans  mon  Linnœus  la  classe 
et  l'ordre  d'une  plante  qui  m'est  inconnue,  je  vou- 
drais me  figurer  cette  plan  te,  savoir  si  elle  est  grande 
ou  petite,  si  la  fleur  est  bleue  ou  rouge,  me  repré- 
senter son  port.  Rien.  Je  lis  ime  description  carac- 
téristique, d'après  laquelfe  je  ne  puis  rien  me  re- 
présenter. Cela  n'est-il  pas  désolant? 

Cependant,  madame  la  duchesse,  je  suis  assez 
fou  pour  m'obstiner ,  ou  plutôt  je  suis  assez  sage  ; 
car  ce  goût  est  pour  moi  une  affaire  de  raison.  J'ai 
quelquefois  besoin  d'art  pour  me  conserver  dans 
ce  calme  précieux  au  milieu  des  agitations  qui 
troublent  ma  vie  ,  pour  tenir  au  loin  ces  passions 


qg,  LETTRES 

haineuses  que  vous  ne  connaissez  pas,  que  je 
n'ai  guère  connues  que  dans  les  autres,  et  que  je 
ne  veux  pas  laisser  approcher  de  moi.  Je  ne  veux 
pas ,  s'il  est  possihle ,  que  de  tristes  souvenirs  vien- 
nent troubler  la  paix  de  ma  solitude.  Je  veux  ou- 
blier les  hommes  et  leurs  injustices.  Je  veux  m'at- 
tendrir  chaque  jour  sur  les  merveilles  de  celui  qui 
les  fit  pour  être  bons ,  et  dont  ils  ont  si  indigne- 
ment dégradé  l'ouvrage.  Les  végétaux  dans  nos 
bois  et  dans  nos  montagnes  sont  encore  tels  qu'ils 
sortirent  originairement  de  ses  mains,  et  c'est  là 
que  j'aime  à  étudier  la  nature  ;  car  je  vous  avoue 
que  je  ne  sens  plus  le  même  charme  à  herboriser 
dans  un  jardin.  Je  trouve  qu'elle  n'y  est  plus  la 
même  ;  elle  y  a  plus  d'éclat ,  mais  elle  n'y  est  pas 
si  touchante.  Les  hommes  disent  qu'ils  l'embellis- 
sent, et  moi  je  trouve  qu'ils  la  défigurent.  Pardon, 
madame  la  duchesse;  en  parlant  des  jardins  j'ai 
peut-être  un  peu  médit  du  vôtre;  mais,  si  j'étais  à 
portée ,  je  lui  ferais  bien  réparation.  Que  n'y  puis-je 
faire  seulement  cinq  ou  six  herborisations  à  votre 
suite,- sous  M.  le  docteur  Solander!  Il  me  semble 
que  le  petit  fonds  de  connaissances  que  je  tâche- 
rais de  rapporter  de  ses  Instructions  et  des  vôtres 
suffirait  pour  ranimer  mon  courage ,  souvent  prêt 
à  succomber  sous  le  poids  de  mon  ignorance.  Je 
vous  annonçais  du  bavaixlage  et  des  rêveries  ;  en 
voilà  beaucoup  trop.  Ce  sont  des  herborisations 
d'hiver  ;  quand  il  n'y  a  plus  rien  sur  la  terre ,  j'her- 
borise dans  ma  tête,  et  malheureusement  je  n'y 
trouve  que  de  mauvaise  herbe.  Tout  ce  que  j'ai  de 


SUR  Là  BOTANIQUE.  93 

bon  s'est  réfugié  dans  mon  cœur,  madame  la  du- 
chesse ,  et  il  est  plein  des  sentiments  qui  vous  sont 
dus. 

Mes  chiffons  de  plantes  sont  prêts  ou  à  peu  près; 
mais,  faute  de  savoir  les  occasions  pour  les  en- 
voyer, j'attendrai  le  retour  de  M.  Granville  pour 
le  prier  de  vous  les  faire  parvenir. 


LETTRE  III. 

Wootton,  a 8  février  1767. 

Madame  la  duchesse, 

.  Pardonnez  mon  importunité  :  je  suis  trop  tou- 
ché de  la  bonté  que  vous  avez  eue  de  me  tirer  de 
peine  sur  la  santé  de  milord  Maréchal ,  pour  diffé- 
rer à  vous  en  remercier.  Je  suis  peu  sensible  à 
mille  bons  offices  où  ceux  qui  veulent  me  les  rendre 
à  toute  force  consultent  plus  leur  goût  que  le  mien. 
Mais  les  soins  pareils  à  celui  que  vous  avez  bien 
voulu  prendre  en  cette  occasion  m'affectent  vérita- 
blement, et  me  trouveront  toujours  plein  de  re- 
connaissance. C'est  aussi ,  madame  la  duchesse ,  im 
sentiment  qui  sera  joint  désormais  à  tous  ceux 
que  vous  m'avez  inspirés. 

Pour  dire  à  présent  un  petit  mot  de  botanique , 
voici  l'échantillon  d'une  plante  que  j'ai  trouvée 
attachée  à  un  rocher,  et  qui  peut-être  vous  est 
très-connue,  mais  que  pour  moi  je  ne  connaissais 


94  LETTRES 

point  du  tout.  Par  sa  figure  et  par  sa  fructification , 
elle  paraît  appartenir  aux  fougères;  mais,  par  sa 
substance  et  par  sa  stature ,  elle  semble  être  de  la 
famille  des  mousses.  J'ai  de  trop  mauvais  yeux ,  un 
trop  mauvais  microscope,  et  trop  peu  de  savoir 
pour  rien  décider  là-dessus.  Il  faut ,  madame  la  du- 
chesse, que  vous  acceptiez  les  hommages  de 
mon  ignorance  et  de  ma  bonne  volonté;  c'est  tout 
ce  que  je  puis  mettre  de  ma  part  dans  notre  cor- 
respondance ,  après  le  tribut  de  mon  profond  res- 
pect. 


LETTRE  IV. 

A  Wootton,  le  29  avril  1767. 

Je  reçois ,  madame  la  duchesse ,  avec  une  nou- 
velle reconnaissance,  les  nouveaux  témoignasses 
de  votre  souvenir  et  de  vos  bontés  dans  le  livre  que 
M.  Granville  m'a  remis  de  votre  part ,  et  dans  l'in- 
struction que  vous  avez  bien  voulu  me  donner 
sur  la  petite  plante  qui  m'était  inconnue.  Vous  avez 
trouvé  un  très-bon  moyen  de  ranimer  ma  mémoire 
éteinte,  et  je  suis  très-sûr  de  n'oublier  jamais  ce 
que  j'aurai  le  bonheur  d'apprendre  de  vous.  Ce 
petit  adiantwn  n'est  pas  rare  sur  nos  rochers;  et 
j'en  ai  même  vu  plusieurs  pieds  sur  des  racines 
d'arbres,  qu'il  sera  facile  d'en  détacher  pour  le 
transplanter  siu'  vos  murs. 

Vous  aurez    occasion,  madame,   de  redresser 


SUR   Ï.A    BOTANIQUE.  9.5 

bien  des  erreurs  dans  le  petit  misérable  débris  de 
plantes  que  M.  Granville  veut  bien  se  charger  de 
vous  faire  tenir.  J'ai  hasardé  de  donner  des  noms 
du  Species  de  Linn?cus  à  celles  qui  n'en  avaient 
point;  mais  je  n'ai  eu  cette  confiance  qu'avec  celle 
que  vous  voudriez  bien  marquer  chaque  faute ,  et 
prendre  la  peine  de  m'en  avertir.  Dans  cet  espoir, 
j'y  ai  même  joint  une  petite  plante  qui  me  vient 
de  vous ,  madame  la  duchesse ,  par  M.  Granville , 
et  dont  n'ayant  pu  trouver  le  nom  par  moi-même , 
j'ai  pris  le  parti  de  le  laisser  en  blanc.  Cette  plante 
me  paraît  approcher  de  l'ornithogale  [Star  of  Beth- 
leJiem)  plus  que  d'aucune  que  je  connaisse;  mais» 
sa  fleur  étant  close,  et  sa  racine  n'étant  pas  bul- 
beuse, je  ne  puis  imaginer  ce  que  c'est.  Je  ne  vous 
envoie  cette  plante  que  pour  vous  supplier  de  vou- 
loir bien  me  la  nommer. 

De  toutes  les  grâces  que  vous  m'avez  faites ,  ma- 
dame la  duchesse,  celle  à  laquelle  je  suis  le  plus 
sensible,  et  dont  je  suis  le  plus  tenté  d'abuser,  est 
d'avoir  bien  voulu  me  donner  plusieurs  fois  des 
nouvelles  delà  santé  de  milord Maréchal.  Ne  pour- 
rais-je  point  encore,  par  votre  obligeante  entre- 
mise ,  parvenir  à  savoir  si  mes  lettres  lui  parvien- 
nent? Je  fis  partir ,  le  i6  de  ce  mois ,  la  quatrième 
que  je  lui  ai  écrite  depuis  sa  dernière.  Je  neTle- 
mande  point  qu'il  y  réponde,  je  désirerais  seule- 
ment d'apprendre  s'il  les  reçoit.  Je  prends  bien 
toutes  les  précautions  qui  sont  en  mon  pouvoir 
pour  qu'elles  lui  parviennent  ;  mais  les  précautions 
qui  sont  en  mon  pouvoir  à  cet  égard ,  comme  à 


C^6  LETTRES 

beaucoup  d'autres ,  SDnt  bien  peu  de  chose  dans  la 
situation  où  je  suis. 

Je  vous  supplie ,  madame  la  duchesse  ,  d'agréer 
avec  bonté  mon  profond  respect. 


LETTRE  V. 

Ce  lo  juillet  1767. 

Permettez ,  madame  la  duchesse,  que,  quoique 
habitant  hors  de  l'Angleterre  ,  je  prenne  la  liberté 
de  me  rappeler  à  votre  souvenir.  Celui  de  vos  bon- 
tés m'a  suivi  dans  mes  voyages  et  contribue  à  em- 
bellir ma  retraite.  J'y  ai  apporté  le  dernier  livre 
que  vous  m'avez  envoyé;  et  je  m'amuse  à  faire  la 
comparaison  des  plantes  de  ce  canton  avec  celles 
de  votre  île.  Si  j'osais  me  flatter ,  madame  la  du- 
chesse ,  que  mes  observations  pussent  avoir  pour 
votis  le  moindre  intérêt,  le  désir  de  vous  plaire  me 
les  rendrait  plus  importantes ,  et  l'ambition  de  vous 
appartenir  me  fait  aspirer  au  titre  de  votre  herbo- 
riste ,  comme  si  j 'avais  les  connaissances  qui  me  ren- 
draient digne  de  le  porter.  Accordez-moi ,  madame , 
je  vous  en  supplie ,  la  permission  de  joindre  ce  titre 
auiiouveaunom  que  je  substitue  à  celui  sous  lequel 
j'ai  vécu  si  malheureux.  Je  dois  cesser  de  l'être  sous 
vos  auspices;  et  l'herboriste  de  madame  la  duchesse 
de  Portland  se  consolera  sans  peine  de  la  mort  de 
J.  J.  Rousseau.  Au  reste ,  je  tâcherai  bien  que  ce 
ne  soit  pas  là  un  titre  purement  honoraire;  je  sou- 


SUR   LA.   BOTANIQUE.  97 

haite  qu'il  m'attire  aussi  l'honneur  de  vos  ordres , 
et  je  le  mériterai  du  moins  par  mon  zèle  à  les 
remplir. 

Je  ne  signe  point  ici  mon  nouveau  nom ,  et  je 
ne  date  point  du  lieu  de  ma  retraite*,  n'ayant  pu 
demander  encore  la  permission  que  j'ai  besoin  d'ob- 
tenir pour  cela.  S'il  vous  plaît,  en  attendant , m'ho- 
norer  d'une  réponse,  vous  pourrez ,  madame  la  du- 
chesse,  l'adresser  sous  mon  ancien  nom, à  Mess..., 
qui  me  la  feront  parvenir.  Je  finis  par  remplir  un 
devoir  qui  m'est  bien  précieux,  en  vous  suppliant, 
madame  la  duchesse ,  d'agréer  ma  très-humble  re- 
connaissance et  les  assurances  de  mon  profond 
respect. 


LETTRE  VI. 

12  septembre  1767. 

Je  suis  d'autant  plus  touché,  madame  la  du- 
chesse, des  nouveaux  témoignages  de  bonté  dont 
il  vous  a  plu  m'iîonorer ,  que  j'avais  quelque 
crainte  que  l'éloignement  ne  m'eût  fait  oublier  de 
vous.  Je  tâcherai  de  mériter  toujours  par  mes 
sentiments  les  mêmes  grâces ,  et  les  mêmes  sou- 
venirs par  mon  assiduité  à  vous  les  rappeler.  Je 
suis  comblé  de  la  permission  que  vous  voulez  bien 
m'accorder,  et  très-fier  de  l'honneur  de  vous  iip- 

Le  château  de  Trye ,  où  Rousseau  était  sous  le  nom  de  Renou, 
P..   VH.  7 


q8  LETTRES 

partenir  en  quelque  chose.  Poiu'  commencer,  ma- 
dame, à  remplir  des  fonctions  que  vous  me  ren- 
dez précieuses,  je  vous  envoie  ci-joints  deux  petits 
échantillons  de  plantes  que  j'ai  trouvées  à  mon  voi- 
sinage, parmi  les  bruyères  qui  bordent  un  parc, 
dans  un  terrain  assez  humide ,  où  croissent  aussi 
la  camomille  odorante,  le  Sagina  procumbens, 
XHieraciiim  wnbeUotum  de  Linnaeus,  et  d'autres 
plantes  que  je  ne  puis  vous  nommer  exactement, 
n'ayant  point  encore  ici  mes  livres  de  botanique  ^ 
excepté  le  Flora  Britannica,  qui  ne  m'a  pas  quitté 
im  seul  moment. 

De  ces  deux  plantes,  l'une ,  n"'  2  ,  me  paraît  être 
une  petite  gentiane,  appelée,  dans  le  Sjnopsis y 
Centaurium  palustre  luteum  minimum  nostras.  Flor. 
Brit.  i3i. 

Pour  l'autre,  n°,  i ,  je  ne  saurais  dire  ce  que 
c'est ,  à  moins  que  ce  ne  soit  peut-être  une  élatine 
de  Linnœus,  appelée  par  Vaillant  Alsinastrum  ser- 
pjllifolium ,  etc.  La  phrase  s'y  rapporte  assez  bien  ; 
mais  V élatine  doit  avoir  huit  étamines,  et  je  n'en  ai 
jamais  pu  découvrir  que  quatre.  La  fleur  est  très- 
petite;  et  mes  yeux,  déjà  faibles  naturellement, 
ont  tant  pleuré,  que  je  les  perds  avant  le  temps  : 
ainsi  je  ne  me  fie  plus  à  eux.  Dites-moi  de  grâce 
ce  qu'il  en  est ,  madame  la  duchesse  ;  c'est  moi 
qui  devrais,  en  vertu  de  mon  emploi,  vous  in- 
struire; et  c'est  vous  qui  m'instruisez.  Ne  dédai- 
gnez pas  de  continuer,  je  vous  en  supplie;  et  per- 
mettez que  je  vous  rappelle  la  plante  à  fleur  jaune 
que  vous  envoyâtes  l'année  dernière  à  M.  Gran- 


SUR   LA    BOTANIQUE.  99 

ville,  ot  dont  je  vous  ai  renvoyé  un  exemplaire 
pour  en  apprendre  le  nom. 

Et  à  propos  de  M.  Granville  ,  mon  borf  voisin  , 
permettez,  madame,  que  je  vous  témoigne  l'in- 
quiétude que  son  silence  me  cause.  Je  lui  ai  écrit , 
et  il  ne  m'a  point  répondu ,  lui  qui  est  si  exact. 
Serait-il  malade  ?  J'en  suis  véritablement  en  peine. 

Mais  je  le  suis  plus  encore  de  Milord  Maréchal, 
mon  ami ,  mon  protecteur ,  mon  père  ,  qui  m'a  to- 
talement oublié.  Non ,  madame ,  cela  ne  saurait 
être.  Quoi  qu'on  ait  pu  faire,  je  puis  être  dans  sa 
disgrâce,  mais  je  suis  sûr  qu'il  m'aiiTie  toujours. 
Ce  qui  m'afflige  de  ma  position ,  c'est  qu'elle  m'ôte 
les  moyens  de  lui  écrire.  J'espère  pourtant  en 
avoir  dans  peu  l'occasion  ,  et  je  n'ai  pas  besoin  de 
vous  dire  avec  quel  empressement  je  la  saisirai.  En 
attendant,  j'implore  vos  bontés  pour  avoir  de  ses 
nouvelles,  et,  si  j'ose  ajouter,  pour  lui  faire  dire 
lui  mot  de  moi. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  un  profond  respect. 

Madame  la  duchesse  , 

Votre  très-humble  et  très-obéissant 
serviteur , 

Herboriste. 

P.  S.  J'avais  dit  au  jardinier  de  M.  Davenport 
que  je  lui  montrerais  les  rochers  où  croissait  le 
'^çXxX.  adiaritam  ^  pour  que  vous  pussiez,  madame, 
en  emporter  des  plantes.  Je  ne  me  pardonne  point 


lOO  LETTRES 

de  l'avoir  oublié.  Ces  rochers  sont  au  midi  de  la 
maison  et  regardent  le  nord.  Il  est  très-aisé  d'en 
détacher  des  plantes ,  parce  qu'il  y  en  a  qui  crois- 
sent sur  des  racines  d'arbres. 

Le  long  retard,  madame,  du  départ  de  cette 
lettre ,  causé  par  des  difficultés  qui  tiennent  à  ma 
situation ,  me  met  à  portée  de  rectifier  avant  qu'elle 
parte  ma  balourdise  sur  la  plante  ci-jointe  n"  i  ; 
car  ayant  dans  l'intervalle  reçu  mes  livres  de  bo- 
tanique, j'y  ai  trouvé,  à  l'aide  des  figures,  que 
Michelius  avait  fait  un  genre  de  cette  plante  sous 
le  nom  de  Linocarpoii ,  et  que  Linna^us  l'avait  mise 
parmi  les  espèces  du  lin.  Elle  est  aussi  dans  le  Sj- 
iiopsis  sous  le  nom  de  Radiola ,  et  j'en  aurais  trouvé 
la  figure  dans  le  Flora  Britaïuiica  que  j'avais  avec 
moi;  mais  précisément  la  planche  i5,  où  est  cette- 
figure,  se  trouve  omise  dans  mon  exemplaire  et 
n'est  que  dans  le  Synopsis ,  que  je  n'avais  pas.  Ce 
long  verbiage  a  pour  but,  madame  la  duchesse, 
de  vous  expliquer  comment  ma  bévue  tient  à  mon 
ignorance ,  à  la  vérité ,  mais  non  pas  à  ma  néç^li- 
gence.  Je  n'en  mettrai  jamais  dans  la  correspon- 
dance que  vous  me  permettez  d'avoir  avec  vous , 
ni  dans  mes  efforts  pour  mériter  un  titre  dont  je 
m'honore  :  mais,  tant  que  dureront  les  incommo- 
<:lités  de  ma  position  présente ,  l'exactitude  de  mes 
lettres  en  souffrira,  et  je  prends  le  parti  de  fermer 
celle-ci  sans  être  sûr  encore  du  jour  où  je  la  pour- 
rai faire  partir. 


SUiî    L.V   BOtllVlOlji:.  lOF 


LETTRE  VIL 

Ce  4  janvier  1768. 

.le  n'aurais  pas  tardé  si  long-temps,  madame  la 
duchesse ,  à  vous  faire  mes  très-humbles  remer- 
ciements pour  la  peine  que  vous  avez  prise  d'é- 
crire en  ma  faveur  à  Miloi'd  Maréchal  et  à 
M.  Granville  ,  si  je  n'avais  été  détenu  près  de  trois 
mois  dans  la  chambre  d'nn  ami  qui  est  tombé  ma- 
lade chez  moi ,  et  dont  je  n'ai  pas  quitté  le  chevet 
durant  tout  ce  temps,  sans  pouvoir  donner  un 
moment  à  nul  autre  soin.  Enfin  la  Providence  a 
béni  mon  zèle;  je  l'ai  guéri  presque  malgré  lui.  Il 
est  parti  hier  bien  rétabli;  et  le  premier  moment 
que  son  départ  me  laisse  est  employé,  madame,  à 
remplir  auprès  de  vous  im  devoir  que  je  mets  au 
nombre  de  mes  plus  grands  plaisirs. 

Je  n'ai  reçu  aucune  nouvelle  de  Milord  Maré- 
chal; et,  ne  pouvant  lui  écrire  directement  d'ici, 
j'ai  profité  de  l'occasion  de  l'ami  qui  vient  de  par- 
tir, poiu'  lui  faire  passer  une  lettre  :  puisse-t-elle 
le  trouver  dans  cet  état  de  santé  et  de  bonheur 
que  les  plus  tendres  vœux  de  mon  cœur  deman- 
dent au  ciel  pour  lui  tous  les  jours!  J'ai  reçu  de 
mon  excellent  voisin,  M.  Granville,  une  lettre  qui 
m'a  tout  réjoui  le  cœur.  Je  compte  de  lui  écrire 
dans  peu  de  jours. 

Permettrez-vous ,  madame  la  tluchesse,  que  je 


lUJ.  LETTRES 

prenne  la  liberté  de  disputer  avec  \ous  sur  la 
plante  sans  nomque  vous  aviez  envoyée  à  M.  Gran- 
ville ,  et  dont  je  vous  ai  renvoyé  un  exemplaire 
avec  les  plantes  de  Suisse,  pour  vous  supplier  de 
vouloir  bien  me  la  nommer?  Je  ne  crois  pas  que 
ce  soit  le  vio/a  liitea ,  comme  vous  me  le  marquez  ; 
ces  deux  plantes  n'ayant  rien  de  commun  ,  ce  me 
semble,  que  la  couleur  jaune  de  la  fleur.  Celle  en 
question  me  parait  être  de  la  famille  des  liliacées , 
à  six  pétales,  six  étamines  en  plumasseau  :  si  la 
racine  était  bulbeuse,  je  la  prendrais  pour  un  or- 
nithogale  ;  ne  l'étant  pas ,  elle  me  paraît  ressem- 
bler fort  à  un  anthericuin  ossifragum  de  Linna:us , 
appelé  par  Gaspard  Bauhin  pseudo  asphodelus  aii- 
glicus  ou  scoticus.  Je  vous  avoue,  madame,  que  je 
serais  très-aise  de  m'assurer  du  vrai  nom  de  cette 
plante;  car  je  ne  peux  être  indifférent  sur  rien  de 
ce  qui  me  vient  de  vous. 

Je  ne  croyais  pas  qu'on  trouvât  en  Angleterre 
plusieurs  des  nouvelles  plantes  dont  vous  venez 
d'orner  vos  jardins  de  Rullstrode  ;  mais,  pour  trou- 
ver la  nature  riche  partout ,  il  ne  faut  que  des 
yeux  qui  sachent  voir  ses  richesses.  Voilà,  ma- 
dame la  duchesse ,  ce  que  vous  avez  et  ce  qui  me 
manque;  si  j'avais  vos  connaissances,  en  herbori- 
sant dans  mes  environs,  je  suis  sûr  que  j'en  tire- 
rais beaucoup  de  choses  qui  pourraient  peut-être 
avoir  leur  place  à  Bullstrode.  Au  retour  de  la  belle 
saison,  je  prendrai  note  des  plantes  que  j'observe- 
rai, à  mesure  que  je  pourrai  les  connaître;  et,  s'il 
s'en  trouvait  quelqu'une  qui  vous  convînt,  je  trou- 


SLR   LA    BOT  A  rv  I  QUE.  I  O  J 

verais  les  moyens  de  vous  l'envoyer ,  soit  en  na- 
ture, soit  en  graines.  Si,  par  exemple,  madame, 
vous  voidiez  faire  semer  X^genticuKifili/brinis,  j'en 
recueillerais  facilement  de  la  graine  l'automne  pro- 
chain ;  car  j'ai  découvert  un  canton  où  elle  est  en 
abondance.  De  grâce,  madame  la  duchesse  ,  puis- 
que j'ai  l'honneur  de  vous  appartenir ,  ne  laissez 
pas  sans  fonction  un  titre  où  je  mets  tant  de  gloire. 
Je  n'en  connais  point,  je  vous  proteste,  qui  me 
flatte  davantage  que  celle  d'être  toute  ma  vie,  avec 
un  profond  respect,  madame  la  duchesse,  votre 
ïrès-humble  et  très-obéissant  serviteur. 

Herboriste. 


LETTRE   VI ÎL 

A  Lyon,  le  3  juillet  1768. 

S'il  était  eri  mon  pouvoir,  madame  la  duchesse, 
de  mettre  de  l'exactitude  dans  quelque  corres- 
pondance, ce  serait  assurément  dans  celle  dont 
vous  m'honore?  ;  mais ,  outre  l'indolence  et  le  dé- 
couragement qui  me  subjuguent  chaque  jour  da- 
vantage, les  tracas  secrets  dont  on  me  tourmente 
absorbent  malgré  moi  le  peu  d'activité  qui  me 
reste ,  et  me  voilà  maintenant  embarqué  dans  un 
grand  voyage,  qui  seul  sei'ait  une  terrible  affaire 
pour  un  paresseux  tel  que  moi.  Cependant,  comme 
la  botanique  en  est  le  principal  objet,  je  tâcherai 
de  l'approprier  à  l'honneur  que  j'ai  de  vous  apparie- 


lo4  LETTRES 

ilir,  en  vous  rendant  compte  de  mes  herborisations, 
an  risque  de  vou's  ennuyer,  madame,  de  détails  tri- 
viaux qui  n'ont  rien  de  nouveau  pour  vous.  Je  pour- 
rais vous  en  faire  d'intéressants  sur  le  jardin  de  l'E- 
cole vétérinaire  de  cette  ville,  dont  les  directeurs, 
naturalistes,  botanistes,  et  de  plus  très-aimables, 
sont  en  même  temps  très-comnîunicatifs;  mais  les 
ricliesses  exotiques  de  ce  jardin  m'accablent,  me 
troublent,  par  leur  multitude;  et,. à  force  de  voir 
à  la  fois  trop  de  choses,  je  ne  discerne  et  ne  re- 
tiens rien  du  tout.  J'espère  me  trouver  un  peu  plus 
à  l'aise  dans  les  montagnes  de  la  grande  Chartreuse , 
où  je  compte  aller  herboriser  la  semaine  prochaine 
avec  deux  de  ces  messieurs,  qui  veulent  bien 
faire  cette  course,  et  dont  les  lumières  me  la  ren- 
dront très-utile.  Si  j'eusse  été  à  portée  de  consulter 
plus  souvent  les  vôtres,  madame  la  duchesse,  je 
serais  plus  avancé  que  je  ne  suis. 

Quelque  riche  que  soit  le  jardin  de  l'Ecole  vé- 
térinaire, je  n'ai  cependant  pu  y  trouver  le  ge/i- 
tiaiia  campestris  ni  le  swertia  pereiinis  ;  et  comme 
le  gejitianajili/brmis  n'était  pas  même  encore  sorti 
de  terre  avant  mon  départ  de  Trye,  il  m'a  par 
conséquent  été  impossible  d'en  recueillir  de  la 
graine  ,  et  il  se  trouve  qu'avec  le  plus  grand  zèle 
pour  faire  les  commissions  dont  vous  avez  bien 
voulu  m'honorer  ,  je  n'ai  pu  encore  en  exécuter 
aucune.  J'espère  être  à  l'avenir  moins  malheureux, 
et  pouvoir  porter  avec  plus  de  succès  lui  titre 
dont  je  me  glorifie. 

•l'ai  commencé  le  catalogue  d\m  herbier  dont 


SUR   LA   JJOTANlQlJli:.  lOJ 

on  m'a  fait  présent,  et  que  je  compte  augmenter 
dans  mes  courses.  J'ai  pensé,  madame  la  duchesse , 
qu'eir  vous  envoyant  ce  catalogue,  ou  du  moins 
celui  des  plantes  que  je  puis  avoir  à  double ,  si 
vous  preniez  la  peine  d'y  marquer  celles  qui  vous 
manquent ,  je  pourrais  avoir  l'honneur  de  vous 
les  envoyer  fraîches  ou  sèches,  selon  la  manière 
que  vous  le  voudriez ,  pour  l'augmentation  de  votre 
jardin  ou  de  votre  herbier.  Donnez-moi  vos  ordres, 
madame,  pour  les  Alpes,  dont  je  vais  parcourir 
quelques-unes;  je  vous  demande  en  grâce  de  pou- 
voir ajouter  au  plaisir  que  je  trouve  à  mes  herbo- 
risations celui  d'en  faire  quelques-unes  pour  votre 
service.  Mon  adresse  fixe,  durant  mes  courses,  sera 
celle-ci  : 

SI  inunsieur  Pœ/iou,  chez  Mess.... 

J'ose  vous  supplier ,  madame  la  duchesse ,  de 
vouloir  bien  me  donner  des  nouvelles  de  Milord 
Maréchal ,  toutes  les  fois  que  vous  me  ferez  l'hon- 
neur de  m'écrire.  Je  crains  bien  que  tout  ce  qui  se 
passe  à  Neuchâtel  n'afflige  son  excellent  cœur  : 
car  je  sais  qu'il  aime  toujours  ce  pays-là,  malgré 
l'ingratitude  de  ses  habitants.  Je  suis  affligé  aussi 
de  n'avoir  plus  de  nouvelles  de  M.  Gran ville  :  je  lui 
serai  toute  ma  vie  attaché. 

Je  vous  supplie,  madame  la  duchesse,  d'agréer 
avec  bonté  mon  profond  respect. 


lob  LETTRES 

LETTRE   IX. 

A  Bourgoiii  en  Dauphiaé,  le  ai  août  1769. 

Madame  LA  dlicjiesse, 

Deux  voyages  consécutifs  immédiatement  après 
la  réception  de  la  lettre  dont  vous  m'avez  honoré 
le  5  juin  dernier ,. m'ont  empêché  de  vous  témoi- 
gner plus  tôt  ma  joie,  tant  pour  la  conservation 
de  votre  santé  que  pour  le  rétablissement  de  celle 
du  cher  fils  dont  vous  étiez  en  alafmes,  et  ma  gra- 
titude pour  les  inarques  de  souvenir  qu'il  vous  a 
plu  m'accorder.  Le  second  de  ces  voyages  a  été 
fait  à  votre  intention;  et,  voyant  passer  la  saison 
de  l'herborisation  que  j'avais  en  vue,  j'ai  préféré 
dans  cette  occasion  le  plaisir  de  vous  servir  à 
riionneiu"  de  vous  répondre.  Je  suis  donc  parti 
avec  quelques  amateurs  pour  aller  sur  le  mont  Pila, 
à  douze  ou  quinze  lieues'  d'ici,  dans  l'espoir,  ma- 
dame la  duchesse,  d'y  trouver  quelques  plantes 
ou  quelques  graines  qui  méritassent  de  trouver 
place  dans  votre  herbier  ou  dans  vos  jardins  :  je 
n'ai  pas  eu  le  bonheur  de  remplir  à  mon  gré  mon 
attente.  Il  était  trop  tard  pour  les  fleurs  et  pour  les 
graines;  la  pluie  et  d'autres  accidents  nous  ayant 
sans  cesse  contrariés,  m'ont  fait  faire  un  voyage 
aussi  peu  utile  qu'agréable;  et  je  n'ai  pres([ue  rien 
rapporté.   Voici  pourtant,   madame  la  thichesse, 


SUR   LA   liOTAr-i  IQL  E.  tO'^ 

une  note  des  débris  de  ma  chétive  collecte.  C'est 
une  courte  liste  des  plantes  dont  j'ai  pu  conserver 
quelque  chose  en  nature,  et  j'ai  ajouté  une  étoile 
à  chacune  de  celles  dont  j'ai  recueilli  quelques 
graines  ,  la  plupart  en  bien  petite  quantité.  Si 
parmi  les  plantes  ou  parmi  les  graines  il  se  trouve 
quelque  chose  ou  le  tout  qui  puisse  vous  agréer, 
daignez ,  madame ,  m'iionorer  de  vos  ordres,  et  me 
marquer  à  qui  je  pourrais  envoyer  le  paquet,  soit 
à  Lyon ,  soit  à  Paris ,  pour  vous  le  faire  parvenir. 
Je  tiens  prêt  le  tout  pour  partir  immédiatement 
après  la  réception  de  votre  note;  mais  je  crains  bien 
qu'il  ne  se  trouve  rien  là  digne  d'y  entrer ,  et  que 
je  ne  continue  d'être  à  votre  égard  un  serviteur  inu- 
tile malgré  son  zèle. 

J'ai  la  mortification  de  ne  pouvoir,  quanta  pré- 
sent, vous  envover,  madame  la  duchesse,  de  la 
^rsàwe genlianajili/oj'iiiis ^  laplante  étant  très-petite, 
très-fugitive ,  difficile  à  remarquer  pour  les  yeux  qui 
ne  sont  pas  botanistes,  un  curé,  à  qui  j'avais  compté 
m'adresser  pour  cela,  étant  mort  dans  l'intervalle, 
et  ne  connaissant  personne  dans  le  pavs  à  qui  pou- 
voir donner  ma  comnlission. 

Une  foulure  que  je  me  suis  faite  à  la  main  droite 
par  une  chute ,  ne  me  permettant  d'écrire  qu'a- 
vec beaucoup  de  peine,  me  force  à  finir  cette 
lettre  plus  tôt  que  je  n'aurais  désiré.  Daignez,  ma- 
dame le  duchesse,  agréer  avec  bonté  le  zèle  et  le 
profond  respect  de  votre  très-humble  et  très-obéis- 
s;mt  s(M^viteur , 

Herboriste. 


lo8  LETTRES 


LETTRE   X. 

A  Monquin,  le  21  décembre  17^9. 

C'est ,  madame  la  duchesse ,  avec  bien  de  la 
honte  et  du  regret  que  je.m'acquitte  si  tard  du  pe- 
tit envoi  r|ue  j'avais  eu  l'honneur  de  vous  annoncer , 
et  qui  ne  valait  assurément  pas  la  peine  d'éjre  at- 
tendu. Enlin,  puisque  mieux  vaut  tard  que  jamais, 
je  fis  partir  jeudi  dernier,  pour  Lyon,  une  boîte  à 
l'adresse  de  M.  le  chevalier  Lambert,  contenant 
les  plantes  et  graines  dont  je  joins  ici  la  note.  Je 
désire  extrêmement  que  le  tout  vous  parvienne  en 
bon  état  ;  mais  comme  je  n'ose  espérer  que  la 
boîte  ne  soit  pas  ouverte  en  route ,  et  même  plu- 
sieurs fois,  je  crains  fort  que  ces  herbes,  fragiles 
et  déjà  gâtées  par  l'humidité,  ne  vous  arrivent  ab- 
solument détruites  ou  méconnaissables.  Les  «raines 
au  inoins  pourraient,  madame  la  duchesse,  vous 
dédommager  des  plantes ,  si  elles  étaient  plus  abon- 
dantes ;  mais  vous  pardoniferez  leur  misère  aux 
divers  accidents  qui  ont ,  là-dessus ,  contrarié  mes 
soins.  Quelques-uns  de  ces  accidents  ne  laissent 
pas  d'être  risibles  ,  quoiqu'ils  m'aient  donné  bien 
du  chagrin.  Par  exemple,  les  rats  ont  mangé  sur 
ma  table  presque  toute  la  graine  de  bistorte  que 
j'y  avais  étendue  pour  la  faire  sécher;  et,  ayant 
mis  d'autres  graines  sur  ma  fenêtre  pour  le  même 
effet,  un  cou])  de  veni  a  fait  voler  dans  la  chamljre 


SUR   LA    BOT  AMQUE.  I  OC) 

tous  Oies  papiers,  et  j'ai  été  condamné  à  la  péni- 
tence tle  Psyché  ;  mais  il  a  fallu  la  faire  moi-même , 
et  les  fourmis  ne  sont  point  venues  m'aider.  Toutes 
ces  contrariétés  m'ont  d'autant  plus  fiiché,  que 
j'aurais  bien  voulu  qu'il  piit  aller  jusqu'à  Callwich 
un  peu  du  superflu  de  Bidlstrode;  mais  je  tâcherai 
d'être  mieux  fourni  une  autre  fois;  car,  quoi- 
que les  honnêtes  gens  qui  disposent  de  moi  , 
fâchés  de  me  voir  trouver  des  douceurs  dans  la 
botanique,  cherchent  à  me  rebuter  de  cet  inno- 
cent amusement  en  y  versant  le  poison  de  leurs 
viles  âmes,  ils  ne  me  forceront  jamais  à  y  renoncer 
volontairement.  Ainsi ,  madame  la  duchesse ,  veuil- 
lez bien  m'honorer  de  vos  ordres  et  me  faire  mé- 
riter le  titre  que  vous  m'avez  permis  de  prendre  ; 
je  tâcherai  de  suppléer  à  mon  ignorance  à  force 
de  zèle  pour  exécuter  vos  commissions. 

Vous  trouverez ,  madame ,  une  ombellifère  à  la- 
quelle j'ai  pris  la  liberté  de  donner  le  nom  desesetl 
Halle  fi,  faute  de  savoir  la  trouver  dans  le  Specîes  ^ 
au  lieu  qu'elle  est  bien  décrite  dans  la  dernière 
édition  des  Plantes  de  Suisse  de  M.  Haller,  n^  '762. 
C'est  une  très-belle  plante,  qui  est  plus  belle  encore 
en  ce  pays  que  dans  les  contrées  plus  méridionales, 
parce  que  les  premières  atteintes  du  froid  lavent 
son  vert  foncé  d'un  beau  pourpre,  et  surtout  la 
couronne  des  graines ,  car  elle  ne  fleurit  que  dans 
l'arrière-saison ,  ce  qui  fait  aussi  que  les  graines 
ont  peine  à  mûrir  et  qu'il  est  difficile  d'e;i  recueil- 
lir. J'ai  cependant  trouvé  le  moyen  d'en  ramasser 
quelques-unes   que   vous  trouverez,  madame  la 


I  lO  ,  LETTRES 

duchesse,  avec  les  autres.  Vous  aurez  la  bonté  de 
les  recommander  à  votre  jardinier,  car,  encore 
un  coup,  la  plante  est  belle  ,  et  si  peu  commune, 
qu'elle  n'a  pas  même  encore  un  nom  parmi  les 
botanistes.  Malheureusement  le  spécimen  que  j'ai 
l'honneur  de  vous  envoyer  est  mesquin  et  en  fort 
mauvais  état;  mais  les  graines  y  suppléeront. 

Je  vous  suis  extrêmement  obligé,  madame,  de 
la  bonté  que  vous  avez  eue  de  me  donner  des  nou- 
velles de  mon  excellent  voisin  M.  Granville,  et 
des  témoignages  du  souvenir  de  son  aimable  nièce 
miss  Dewes,  J'espère  qu'elle  se  rappelle  assez  les 
traits  de  son  vieux  berger  pour  convenir  qu'il  ne 
ressemble  guère  à  la  figure  de  cyclope  qu'il  a  plu 
à  M.  Hume  de  faire  graver  sous  mon  nom.  Son 
graveur  a  peint  mon  visage  comme  sa  plume  a 
peint  mon  caractère.  Il  n'a  pas  vu  qiie  la  seule 
chose  que  tout  cela  peint  fidèlement  est  lui-même. 

Je  vous  supplie ,  madame  la  duchesse ,  d'agréer 
avec  bonté  mon  profond  respect. 


LETTRE  XL 

A  Paris,  le  ly  avril  1772. 

J'ai  reçu ,  madame  la  duchesse ,  avec  bien  de  la 
reconnaissance,  et  la  lettre  dont  vous  m'avez  ho- 
noré le  1.7  mars ,  et  le  nombreux  envoi  de  graines 
dont  vous  avez  bien  voulu  enrichir  ma  petite  col- 
lection. Cet   envoi  en   fera  de  toutes  manières  la 


SUR   LA    BOTANIQUE.  IJ  ( 

plus  considérable  partie ,  et  réveille  déjà  mon  zélé 
pour  la  compléter  autant  cju'il  se  peut.  Je  suis  bien 
sensible  aussi  à  la  bonté  qu'a  M.  le  docteur  Solan- 
der  d'y  vouloir  contribuer  pour  quelque  chose; 
mais  comme  je  n'ai  rien  trouvé,  dans  le  paquet ^ 
qui  m'indiquât  ce  qui  pouvait  venir  de  lui,  je  reste 
en  doute  si  le  petit  nombre  de  graines  ou  fruits 
que  vous  me  marquez  qu'il  m'envoie  était  joint  au 
même  paquet ,  ou  s'il  en  a  fait  un  autre  à  part  qui, 
cela  supposé,  ne  m'est  pas  encore  parvenu. 

Je  vous  remercie  aussi ,  madame  la  duchesse ,  de  la 
borité  que  vous  avez  de  m'apprendre  l'heureux  ma- 
riage de  miss  Dewes  et  de  M.  SparoAv;  je  m'en  ré- 
jouis de  tout  mon  cœur,  et  pour  elle,  si  bien  faite 
pour  rendre  un  honnête  homme  heureux  et  pour 
l'être,  et  pour  son  digne  oncle,  que  l'heureux  succès 
de  ce  mariage  comblera  de  joie  dans  ses  vieux  jours. 

Je  suis  bien  sensible  au  souvenir  de  milord 
Nuncham  ;  j'espère  qu'il  ne  doutera  jamais  de  mes 
sentiments ,  comme  je  ne  doute  point  de  ses  bon- 
tés. Je  me  serais  flatté  durant  l'ambassade  de  mi- 
lord Harcourt  du  plaisir  de  le  voir  à  Paris ,  mais 
on  m'assure  qu'il  n'y  est  point  venu,  et  ce  n'est 
pas  une  mortification  pour  moi  seul. 

Avez-vous  pu  douter  un  instant,  madame  la 
duchesse,  que  je  n'eusse  reçu  avec  autant  d'em- 
pressement que  de  respect  le  livre  des  jardins  an- 
glais que  vous  avez  bien  voulu  penser  à  m'en- 
voyer?  Quoique  son  plus  grand  prix  fût  venu  pour 
moi  de  la  main  dont  je  l'aurais  reçu,  je  n'ignore 
pas  celui   qu'il  a  par  lui-même,  puisqu'il  est  es- 


l  12  ^(JÎTTRES 

timé  et  traduit  dans  ce  pays;  et  d'ailleurs  j'en  dois 
aimer  le  sujet,  ayant  été  le  premier  en  terre  ferme 
à  célébrer  et  faire  connaître  ces  mêmes  jardins. 
Mais  celui  de  BuUstrode,  où  toutes  les  richesses 
de  la  nature  sont  rassemblées  et  assorties  avec  au- 
tant de  savoir  que  de  goût ,  mériterait  bien  un 
chantre  particulier. 

Pour  faire  une  diversion  de  mon  goût  à  mes  oc- 
cupations ,  je  me  suis  proposé  de  faire  des  herbiers 
pour  les  naturalistes  et  amateurs  qui  voudront  en 
acquérir.  Le  règne  végétal ,  le  plus  riant  des  trois , 
et   peut-être  le   plus  riche,  est  très -négligé  et 
presque  oublié  dans  les  cabinets  d'histoire  natu- 
relle ,  où  il  devrait  briller  par  préférence.  J'ai  pensé 
que  de  petits  herbiers ,  bien  choisis  et  faits  avec 
soin ,  pourraient  favoriser  le  goût  de  la  botanique , 
et  je  vais  travailler  cet  été  à  des  collections  que  je 
mettrai,  j'espère,  en  état  d'être  distribuées  dans 
un  an  d'ici.  Si  par  hasard  il  se  trouvait  parmi  vos 
connaissances  quelqu'un  qui  voulût  acquérir  de 
pareils  herbiers ,  je  les  servirais  de  mon  mieux  ,  et 
je  continuerai  de  même  s'ils  sont  contents  de  mes 
essais.  Mais  je  souhaiterais  particulièrement,  ma- 
dame la  duchesse,  que  vous  m'honorassiez  quel- 
quefois de  vos  ordres  ,  et  de  mériter  toujours ,  par 
des  actes  de  mon  zèle  ,  l'honneur  que  j'ai  de  vous 
appartenir. 


SUR   LA    BOTANIQUE.  Il3 

LETTRE  XII. 

A  Paris,  le  19  mai  1772. 

Je  dois ,  madame  la  duchesse ,  le  principal  plai- 
sir que  m'ait  fait  le  poème  sur  les  jardins  anglais , 
que  vous  avez  eu  la  bonté  de  m'envoyer,  à  la  main 
dont  il  me  vient.  Car  mon  ignorance  dans  la  langue 
anglaise ,  qui  m'empêche  d'en  entendre  la  poésie , 
ne  me  laisse  pas  partager  le  plaisir  que  l'on  prend 
à  le  lire.  Je  croyais  avoir  eu  l'honneur  de  vous 
marquer ,  madame,  que  nous  avons  cet  ouvrage 
traduit  ici;  vous  avez  supposé  que  je  préférais  l'o- 
riginal ,  et  cela  serait  très-vrai  si  j'étais  en  état  de 
le  lire ,  mais  je  n'en  comprends  tout  au  plus  que 
les  notes ,  qui  ne  sont  pas ,  à  ce  qu'il  me  semble,  la 
partie  la  plus  intéressante  de  l'ouvrage.  Si  mon 
étourderie  m'a  fait  oublier  mon  incapacité,  j'en 
suis  puni  par  mes  vains  efforts  pour  la  surmonter. 
Ce  qui  n'empêche  pas  que  cet  envoi  ne  me  soit  pré- 
cieux comme  un  nouveau  témoignage  de  vos  bon- 
tés et  une  nouvelle  marque  de  votre  souvenir.  Je 
vous  supplie ,  madame  la  duchesse ,  d'agréer  mon 
remerciement  et  mon  respect. 

Je  reçois  en  ce  moment,  madame,  la  lettre  que 
vous  me  fîtes  l'honneur  de  m'écrire  l'année  der- 
nière en  date  du  20  mars  1771.  Celui  qui  me  l'en- 
voie de  Genève  (M.  Moultou)  ne  me  dit  point  les 
raisons  de  ce  long  retard  :  il  me  marque  seulement 
qu'il  n'y  a  pas  de  sa  faute  ;  voilà  tout  ce  que  j'en  sais. 

R.  VII.  8 


Il/Î  LETTRES 


LETTRE  XIÏÏ. 

Paris,  le  19  juillet  1772. 

C'est,  madame  la  duchesse ,. par  mi  quiproquo 
bien  inexcusable  ,  mais  bien  involontaire ,  que  j'ai  si 
tard  l'honneur  de  vous  remercier  des  fruits  rares 
que  vous  avez  eu  la  bonté  de  m'envoyer  de  la  part  de 
M.  le  docteur  Solander,  et  de  la  lettre  du  24  juin  , 
par  laqu  elle  vous  avez  bien  voulu  me  donner  avis 
de  cet  envoi.  Je  dois  aussi  à  ce  savant  naturaliste 
des  remerciements  ,  qui  seront  accueillis  bien  plus 
favorablement,  si  vous  daignez,  madame  la  du- 
chesse, vous  en  charger,  comme  vous  avez  fait  l'en- 
voi ,  que  venant  directement  d'un  homme  qui  n'a 
point  l'honneur  d'être  connu  de  lui.  Pour  comble 
de  grâce,  vous  voulez  bien  encore  me  promettre 
les  noms  des  nouveaux  genres  lorsqu'il  leur  en 
aura  donné  :  ce  qui  suppose  aussi  la  description 
du  genre;  car  les  noms  dépourvus  d'idées  ne  sont 
que  des  mots ,  qui  servent  moins  à  orner  la  mé- 
moire qu'à  la  charger.  A  tant  de  bontés  de  votre 
part,  je  ne  puis  vous  offrir,  madame,  en  signe  de 
reconnaissance ,  que  le  plaisir  que  j'ai  de  vous 
être  obligé. 

Ce  n'est  point  sans  un  vrai  déplaisir  que  j'ap- 
prends que  ce  grand  voyage,  sur  lequel  toute  l'Eu- 
rope savante  avait  les  yeux ,  n'aura  pas  lieu.  C'est 
une  grande  perte  pour  la  cosmographie,  pour  la  na- 


SUR    LA    BOTANIQUE.  ]l5 

vigation,  et  pour  l'histoire  naturelle  en  général,  et 
c'est,  j'en  suis  très-sûr,  un  chagrin  pour  cet  homme 
illustre  que  le  zèle  de  l'instruction  publique  ren- 
dait insensible  aux  périls^et  aux  fatigues  dont  l'ex- 
périence l'avait  déjà  si  parfaitement  instruit.  Mais 
je  vois  chaque  jour  mieux  que  les  hommes  sont 
partout  les  mêmes,  et  que  le  progrès  de  l'envie  et 
de  la  jalousie  fait  plus  <le  mal  aux  âmes,  que  celui 
des  lumières ,  qui  en  est  la  cause ,  ne  peut  faire  de 
bien  aux  esprits. 

Je  n'ai  certainement  j)as  oublié,  madame  la  du- 
chesse ,  que  vous  aviez  désiré  de  la  graine  du  geji- 
tiana  Jili/onnis ;  mais  ce  souvenir  n'a  fait  qu'au- 
gmenter mon  regret  d'avoir  perdu  cette  plante, 
sans  me  fournir  aucun  moyen  de;  la  recouvrer.  Sur 
le  lieu  même  où  je  la  trouvai ,  qui  est  à  Trye ,  je  la 
cherchai  vainement  l'année  suivante,  et  soit  que 
je  n'eusse  pas  bien  retenu  la  place  ou  le  temps  de 
sa  florescence,  soit  qu'elle  n'eût  point  grené ,  et 
qu'elle  ne  se  fût  pas  renouvelée,  il  me  fut  impossible 
d'en  retrouver  le  moindre  vestige.  J'ai  éprouvé 
souvent  la  même  mortification  au  sujet  d'autres 
plantes  que  j'ai  trouvées  disparues  cfès  lieux  où  au- 
paravant on  les  rencontrait  abondamment;  par 
exemple,  \q  plantago  uniflora,  qui  jadis  bordait  l'é- 
tang de  Montmorency  et  dont  j'ai  fait  en  vain  l'an- 
née dernière  la  recherche  avec  de  meilleurs  bota- 
nistes et  qui  avaient  de  meilleurs  yeux  que  moi;  je 
vous  proteste ,  madame  la  duchesse ,  que  je  ferais 
de  tout  mon  cœur  le  voyage  de  Trye  pour  y  cueil- 
lir cette  petite  gentiane  et  sa  graine,  et  vous  faire 

8. 


I l6  LETTRES 

parvenir  ruiie  et  l'autre ,  si  j'avais  le  moindre  es- 
poir de  succès.  Mais  ne  l'ayant  pas  trouvée  l'an- 
née suivante, étant  encore  sur  les  lieux ,  quelle  ap- 
parence qu'au  bout  de  plusieurs  années,  où  tous 
les  renseignements  qui  me  restaient  encore  se  sont 
effacés,  je  puisse  retrouver  la  trace  de  cette  petite 
et  fugace  plante?  Elle  n'est  point  ici  au  Jardin  du 
Roi,  ni,  que  je  sache,  en  aucun  autre  jardin,  et 
très-peu  de  gens  même  la  connaissent.  A  l'égard 
du  carthamus  lauatus,  j'enjoindrai  de  la  graine  aux 
échantillons  d'herbiers  que  j'espère  vous  envoyer 
à  la  fin  de  l'hiver. 

J'apprends ,  madame  la  duchesse ,  avec  une  bien 
douce  joie ,  le  parfait  rétablissement  de  mon  an- 
cien et  bon  voisin  M.  Gran  ville.  Je  suis  très -tou- 
ché de  la  peine  que  vous  avez  prise  de  m'en  in- 
struire, et  vous  avez  par  là  redoublé  le  prix  d'une 
si  bonne  nouvelle. 

Je  vous  supplie,  madame  la  duchesse,  d'agréer, 
avec  mon  respect ,  mes  vifs  et  vrais  remerciements 
de  toutes  vos  bontés. 


LETTRE  XIV. 

A  Paris,  le  a  a  octobre  177  3. 

J'ai  reçu ,  dans  son  temps ,  la  lettre  dont  m'a  ho- 
noré madame  la  duchesse,  le  7  octobre;  quant  à 
celle  dont  il  y  est  fait  mention ,  écrite  quinze  jours 
auparavant ,  je  ne  l'ai  point  reçue  :  la  quantité  de 


SUR   LA    BOTANIQLH.  II7 

sottes  lettres  qui  me  venaient  de  toutes  paris  par 
la  poste  nie  force  à  rebuter  toutes  celles  dont  l'é- 
critiu'e  ne  m'est  pas  connue ,  et  il  se  peut  qu'en 
mon  absence  la  lettre  de  madame  la  duchesse  n'ait 
pas  été  distinguée  des  autres.  J'irais  la  réclamer  à 
la  poste,  si  l'expérience  ne  m'avait  appris  que  mes 
lettres  disparaissaient  aussitôt  qu'elles  sont  ren- 
dues, et  qu'il  ne  m'est  plus  possible  de  les  ravoir. 
C'est  ainsi  que  j'en  ai  perdu  une  de  M.  Linnaeus 
que  je  n'ai  jamais  pu  ravoir,  après  avoir  appris 
qu'elle  était  de  lui,  quoique  j'aie  employé  pour 
cela  le  crédit  d'une  personne  qui  en  a  beaucoup 
dans  les  postes. 

Le  témoignage  du  souvenir  de  M.  Gran ville , 
que  madame  la  duchesse  a  eu  la  bonté  de  me  trans- 
mettre ,  m'a  fait  un  plaisir  auquel  rien  n'eût  man- 
qué ,  si  j'eusse  appris  en  même  temps  que  sa  santé 
était  meilleure. 

M.  de  Saint-Paul  doit  avoir  fait  passer  à  madame 
la  duchesse  deux  échantillons  d'herbiers  portatifs 
qui  me  paraissaient  plus  commodes  et  presque  aussi 
utiles  que  les  grands.  Si  j'avais  le  bonheur  que  l'un 
ou  l'autre,  ou  tous  les  deux,  fussent  du  goût  de 
madame  la  duchesse ,  je  me  ferais  un  vrai  plaisir 
de  les  continuer ,  et  cela  me  conserverait  pour  la 
botanique  un  reste  de  goût  presque  éteint,  et  que 
je  regrette.  J'attends  là-dessus  les  ordres  de  ma- 
dame la  duchesse,  et  je  la  supplie  d'agréer  mon 
respect. 


Il8  LETTRES 


LETTRE  XV. 

A  Paris,  le  i  x  juillet  1776. 

Le  témoignage  de  souvenir  et  de  bonté  dont 
m'honore  madame  la  duchesse  de  Portland ,  est  un 
cadeau  bien  jjrécieux  que  je  reçois  avec  autant  de 
reconnaissance  que  de  respect.  Quant  à  l'autre  ca- 
deau qu'elle  m'annonce,  je  la  supplie  de  permettre 
que  je  ne  l'accepte  pas.  Si  la  magnificence  en  est 
digne  d'elle ,  elle  n'est  proportionnée  ni  à  ma  si- 
tuation ni  à  mes  besoins.  Je  me  suis  défait  de  tous 
mes  livres  de  botanique,  j'en  ai  quitté  l'agréable 
amusement,  devenu  trop  fatigant  pour  mon  âge. 
Je  n'ai  pas  un  pouce  de  terre  pour  y  mettre  du 
persil  ou  des  œillets ,  à  plus  forte  raison  des  plantes 
d'Afrique  ;  et ,  dans  ma  plus  grande  pas-sion  pour 
la  botanique,  content  du  foin  que  je  trouvais  sous 
mes  pas,  je  n'eus  jamais  de  goût  pour  les  plantes 
étrangères  qu'on  ne  trouve  parmi  nous  qu'en  exil 
et  dénaturées  dans  les  jardins  des  curieux.  Celles 
que  veut  bien  m'envoyer  madame  la  duchesse  se- 
raient donc  perdues  entre  mes  mains  ;  il  en  serait 
de  même  et  par  la  même  raison  de  Vherbarium  am- 
boïnense  ^  et  cette  perte  serait  regrettable  à  pro- 
portion du  prix  de  ce  livre  et  de  l'envoi.  Voilà  la 
raison  qui  m'empêche  d'accepter  ce  superbe  ca- 
deau; si  toutefois  ce  n'est  pas  l'accepter  que  d'en 
garder  le  souvenir  et  la  reconnaissance,  en  dési- 
rant qu'il  soit  employé  plus  utilement. 


SUR    I-A    BOTANIQLIK.  IIQ 

Je  supplie  très-liiimblement  madame  la  diichesso 
diaa;réer  mon  profond  respect. 

On  vient  de  m'envoyer  la  caisse  ;  et ,  quoique 
j'eusse  extrêmement  désiré  d'en  retirer  la  lettre  de 
madanje  la  duchesse,  il  m'a  paru  plus  convenable, 
puisque  j'avais  à  la  rendre,  de  la  renvoyer  sans 
l'ouvrii'. 


LETTRE 

A  M.  DU  PEYROU. 

lo  octobre  1764- 

Traité  historique  des  plantes  qui  croissent  dans  la 
Lorraine  et  les  Trois  -  Évêchés ,  par  M.  P.  J.  Bucfioz, 
avocat  auparlement  de  Metz,  docteur  en  médecine,  etc. 

Cet  ouvrage,  dont  deux  volumes  ont  déjà,  paru, 
en  aura  vingt  m-8°,  avec  des  planches  gravées. 
•  J'en  étais  ici ,  monsieur ,  quand  j'ai  reçu  votre 
docte  lettre;  je  suis  charmé  de  vos  progrès.  Je  vous 
exhorte  à  continuer  ;  vous  serez  notre  maître ,  et 
vous  aurez  tout  l'honneur  de  notre  futur  savoir. 
Je  vous  conseille  pourtant  de  consulter  M.  Marais 
sur  les  noms  des  plantes,  plus  que  sur  leur  éty- 
mologie  ;  car  asphodehs ,  et  non  pas  asphodeilos , 
n'a  pour  racine  aucun  mot  qui  signifie  ni  mort  ni 
herbe,  mais  tout  au  plus  un  verbe  qui  signifie yÉ- 
tue ,  parce  que  les  pétales  de  l'asphodèle  ont  quel- 
que ressemblance  à  des  fers  de  pique.  Au  reste , 
j'ai  connu  des  asphodèles  qui  avaient  de  longues 
tiges  et  des  feuilles  semblables  à  celles  des  lis. 
Peut-être  faut-il  dire  correctement  du  genre  des  as- 
phodèles. La  plante  aquatique  est  bien  nénuphar, 
autrement  nymphœa,  comme  je  disais.  Il  faut  re- 
dresser ma  faute  sur  le  calament,  qui  ne  s'appelle 
pas  en  latin  ccdamentum ,  mais  calamintha ,  comme 
qui  dirait  belle  menthe. 


LETTRKS  SUR   LA   B(3TAN1QUE.  12  1 

Le  temj3s  ni  mon  état  présent  ne  m'en  laissent 
pas  dire  davantage.  Puisque  mon  silence  doit  par- 
ler pour  moi,  vous  savez,  monsieur,  combien  j'ai 
à  me  taire. 


LETTRE 


A  M.  LIOTARD,  LE  NEVEU, 

HERBORISTE  A  GRENOBLE. 

Bourgoin,  le  7  novembre  1768. 

J'ai  reçu ,  monsieur ,  les  deux  lettres  que  vous 
m'avez  fait  l'amitié  de  m'écrire.  Je  n'ai  point  fait 
de  réponse  à  la  première ,  parce  qu'elle  était  une 
réponse  elle-même ,  et  qu'elle  n'en  exigeait  pas.  Je 
vous  envoie  ci-joint  le  catalogue  qui  était  avec  la 
seconde,  et  sur  lequel  j'ai  marqué  les  plantes  que 
je  serais  bien  aise  d'avoir.  Les  dénominations  de 
plusieurs  d'entre  elles  ne  sont  pas  exactes ,  ou  du 
moins  ne  sont  pas  dans  mon  Species  de  l'édition 
de  1762.  Vous  m'obligerez  de  vouloir  bien  les  y 
rapporter,  avec  le  secours  de  M.  Clappier  ,  que  je 
remercie  ,  et  que  je  salue.  J'accepte  l'offre  de  quel- 
ques mousses  que  vous  voulez  bien  y  joindre , 
pourvu  que  vous  ayez  la  bonté  d'y  mettre  aussi 
très-exactement  les  noms;  car  je  serais  peut-être 
fort  embarrassé  pour  les  déterminer  sans  le  se- 
cours de  mon  DiUenius ,  que  je  n'ai  plus.  A  l'égard 
du  prix,  je  le  réglerais  de  bon  cœur  si  je  pouvais 
n'écouter  que  la  libéralité  que  j'y  voudrais  mettre  ; 
mais ,  ma  situation  me  forçant  de  me  borner  en 
toutes  choses  aux  prix  communs,  je  vous  prie  de 
vouloir  bien  régler  celui-là  de  façon  que  vous  y 


LETTRES   SUR   LA    BOTANIQUE.  12^ 

houviez  honnêtement  votre  compte  ,  sans  oublier 
(le  joindre  à  cette  note  celle  des  ports,  et  autres 
menus  trais  cpii  doivent  vous  être  remlDoursés;  et, 
comme  je  n'ai  aucune  correspondance  à  Grenoble, 
je  vous  enverrai  le  montant  par  le  courrier ,  à  moins 
que  vous  ne  m'indiquiez  quelque  autre  voie.  L'offre 
de  venir  vous-même  est  obligeante;  mais  je  ne  l'ac- 
cepte pas,  attendu  que  je  n'en  pourrais  profiter  , 
qu'il  ne  fait  plus  le  temps  d'herboriser,  et  que  je 
ne  suis  pas  en  état  de  sortir  pour  cela.  Portez-vous 
bien,  mon  cher  M.  Liotard;  je  vous  salue  de  tout 
mon  cœur. 

Renou. 

PoiuM'iez-vous  me  dire  si  le  pistacia  therebbillius 
et  Xosiris  alha  croissent  auprès  de  Grenoble?  Je 
crois  avoir  trouvé  l'un  et  l'autre  au-dessus  de  la 
Bastille",  mais  je  n'en  suis  pas  sur. 

"  Montagne  auprès  de  laquelle  Grenoble  est  situé. 


LETTRES 


ADRESSEES 


A  M.  DE  LA  TOURETTE, 


CONSEILLER  EN    LA    COUR   DES   MONNAIES  DE  LYON 


LETTRE  I. 

A  Monquin ,  le  iy{^6g.  **. 

J'ai  différé,  monsieur ,  de  quelques  jours  à  vous 
accuser  la  réception  du  livre  que  vous  avez  eu  la 
bonté  de  m'envoyer  de  la  part  de  M.  Gouan ,  et  à 
vous  remercier ,  pour  me  débarrasser  auparavant 
d'un  envoi  que  j'avais  à  faire,  et  me  ménager  le 
plaisir  de  m'entretenir  un  peu  plus  long -temps 
avec  vous. 

Je  ne  suis  pas  surpris  que  vous  soyez  revenu 
dltalie  plus  satisfait  de  la  nature  que  des  hommes  ; 
c'est  ce  qui  arrive  généralement  aux  bons  obser- 
vateurs ,  même  dans  les  climats  où  elle  est  moins 

*  Il  était  en  outre  secrétaire  de  l'Académie  des  Sciences  et  Belles- 
Lettres  de  cette  ville. 

Pour  l'explication  de  cette  manière  de  dater ,  comme  pour 
connaître  le  motif  du  quatrain  placé  en  tête  de  chacune  des  lettres 
qui  vont  suivre  ,  voyez  dans  la  Correspondance  la  note  qui  se  rap- 
porte à  la  lettre  à  l'abbé  M     ,  du  y  février  1770. 


LETTRES  SUR    LA    BOTANIQUF.  1^5 

belle.  Je  sais  qu'on  trouve  peu  de  penseurs  dans 
ce  pays-là  ;  mais  je  ne  conviendrais  pas  tout-à-fait 
qu'on  n'y  trouve  à  satisfaire  que  les  yeux,  j'y  vou- 
drais ajouter  les  oreilles.  Au  reste,  quand  j'appris 
votre  voyage  ,  je  craignis,  monsieur,  que  les  autres 
parties  de  l'histoire  naturelle  ne  fissent  quelque 
tort  à  la  botanique ,  et  que  vous  ne  rapportassiez 
de  ce  pays -là  plus  de  raretés  pour  votre  cabinet 
que  de  plantes  pour  votre  herbier.  Je  présume , 
au  ton  de  votre  lettre ,  que  je  ne  me  suis  pas  beau- 
coup trompé.  Ah!  monsieur,  vous  feriez  grand  tort 
à  la  botanique  de  l'abandonner  après  lui  avoir  si 
bien  montré,  par  le  bien  que  vous  lui  avez  déjà 
fait,  celui  que  vous  pouvez  encore  lui  faire. 

Vous  me  faites  bien  sentir  et  déplorer  ma  mi- 
sère ,  en  me  demandant  compte  de  mon  herbori- 
sation de  Pila.  J'y  allai  dans  une  mauvaise  saison , 
par  un  très -mauvais  temps,  comme  vous  savez, 
avec  de  très-mauvais  yeux,  et  avec  des  compagnons 
de  voyage  encore  plus  ignorants  que  moi ,  et  privé 
par  conséquent  de  la  ressource  pour  y  suppléer 
que  j'avais  à  la  grande  Chartreuse.  J'ajouterai  qu'il 
n'y  a  point ,  selon  moi,  de  comparaison  à  faire  entre 
les  deux  herborisations,  et  que  celle  de  Pila  me  pa- 
rait aussi  pauvre  que  celle  de  la  Chartreuse  est 
abondante  et  riche.  Je  n'aperçus  pas  une  astran- 
tia,  pas  ime  pirola ,  pas  une  soldanelle ,  pas  luie 
ombellifère  ,  excepté  le  ineum  ;  pas  une  saxifrage , 
pas  une  gentiane,  pas  une  légumineuse,  pas  une 
belle  didyname,  excepté  la  mélisse  à  grandes  fleurs. 
J'avoue  aussi  que  nous  errions  sans  guides,  et  sans 


laÔ  LETTRES 

savoir  où  chercher  les  places  riches ,  et  je  ne  suis 
pas  étonné  qu'avec  tous  les  avantages  qui  me  man- 
quaient, vous  ayez  trouvé  dans  cette  triste  et  vi- 
laine montagne  des  richesses  que  je  n'y  ai  pas  vues. 
Quoi  qu'il  en  soit,  je  vous  envoie,  monsieur,  la 
courte  liste  de  ce  que  j'y  ai  vu ,  plutôt  que  de  ce 
que  j'en  ai  rapporté;  car  la  pluie  et  ma  maladresse 
ont  fait  que  presque  tout  ce  que  j'avais  recueilli 
s'est  trouvé  gâté  et  pourri  à  mon  arrivée  ici.  Il  n'y 
a  dans  tout  cela  que  deux  ou  trois  plantes  qui 
m'aient  fait  un  grand  plaisir.  Je  mets  à  leur  tète  le 
sonchus  alpiiius ,  plante  de  cinq  pieds  de  haut,  dont 
lé  feuillage  et  le  port  sont  admirables ,  et  à  qui  ses 
grandes  et  belles  fleurs  bleues  donnent  un  éclat 
qui  la  rendrait  digne  d'entrer  dans  votre  jardin. 
J'aurais  voulu,  pour  tout  au  monde,  en  avoir  des 
graines;  mais  cela  ne  me  fut  pas  possible,  le  seul 
pied  que  nous  trouvâmes  étant  tout  nouvellement 
en  fleurs;  et ,  vu  la  grandeur  de  la  plante ,  et  qu'elle 
est  extrêmement  aqueuse,  à  peine  en  ai-je  pu  con- 
server quelques  débris  à  demi  pourris.  Comme  j'ai 
trouvé  en  route  quelques  autres  plantes  assez  jo- 
lies ,  j'en  ai  ajouté  séparément  la  note,  pour  ne  pas 
la  confondre  avec  ce  que  j'ai  trouvé  sur  la  mon- 
tagne. Quant  à  la  désignation  particulière  des  lieux , 
il  m'est  impossible  de  vous  la  donner;  car,  outre 
la  difficulté  de  la  faire  intelligiblement,  je  ne  m'en 
ressouviens  pas  moi-même;  ma  mauvaise  vue  et 
mon  étourderie  font  que  je  ne  sais  presque  ja- 
mais où  je  suis;  je  ne  puis  venir  à  bout  de  m'o- 
rienter,  et  je  me  perds  à  chaque  instant  quand  je 


SUR    LA    BOTAJVigUli.  1^7 

suis  seul,  sitùt  que  je  j)erds  mon  reiiseigneineut 
de  vue. 

Vous  souvenez-vous,  monsieur  ,  d'un  petit  sou- 
chet  que  nous  trouvâmes  en  assez  grande  abon- 
dance auprès  de  la  grande  Chartreuse ,  et  que  je 
crus  d'abord  être  le  cj'penisjUscus ,  Lui?  Ce  n'est 
point  lui,  et  il  n'en  est  l'ait  aucune  mention  ,  que  je 
sache  ,  ni  dans  le  Species ,  ni  dans  aucun  auteur  de 
!)otanique ,  hors  le  seul  Miclieliiis ,  dont  voici  la 
jihrase  :  Cjperus  indice  repente ,  odord ,  locustis  iiii- 
ciani  longis  et  lineatn  latis.  Tab.  3i,y."  i.  Si  vous 
;ivez ,  monsieur  ,  quelque  renseignement  plus  pré- 
(  is  ou  plus  sûr  dudit  souchet,  je  vous  serais  très- 
obligé  de  vouloir  bien  m'en  faire  part. 

La  botanique  devient  un  tracas  si  embarrassant 
et  si  dispendieux  quand  on  s'en  occupe  avec  au- 
tant de  passion  ,  qne,  poiu-  y  mettre  de  la  réforme , 
je  suis  tenté  de  me  défaire  tle  mes  livres  de  plantes. 
La  nomenclature  et  la  synonymie  forment  une 
étude  immense  et  pénible  :  quand  on  ne  veut 
qu'observer,  s'instruire,  et  s'amuser  entre  la  na- 
ture et  soi,  l'on  n'a  pas  besoin  de  tant  de  livres. 
Il  en  faut  peut-être  pour  prendre  quelque  idée  du 
système  végétal ,  et  apprendre  à  observer  ;  mais , 
quand  une  fois  on  a  les  yeux  ouverts,  quelque  ii^no- 
rant  d'ailleurs  qu'on  puisse  être,  on  n'a  plus  besoin 
de  livres  pour  voir  et  admirer  sans  cesse.  Pour  moi , 
du  moins ,  en  qui  l'opiniâtreté  a  mal  suppléé  à  la 
mémoire ,  et  qui  n'ai  fait  que  bien  peu  de  progrès , 
je  sens  néanmoins  qu'avec  les  gramens  d'une  cour 
ou  d'un  pré  j'aurais  de  quoi  m'occuper  tout  le  reste 


laS  LETTRKS 

de  ma  vie,  sans  jamais  m'ennuyer  un  moment.  Par- 
don, monsieur,  de  tout  ce  long  bavardage.  Le  su- 
jet fera  mon  excuse  auprès  de  vous.  Agréez ,  je 
vous  supplie ,  mes  très-humbles  salutations. 


LETTRE   IL 

Monquin,  le  17^70. 

Pauvres  aveugles  que  nous  sommes! 
Ciel .  démasque  les  imposteurs , 
Et  force  leurs  barbares  cœurs 
A  s'ouvrir  aux  regards  des  hommes. 

C'en  est  fait,  monsieur,  pour  moi  de  la  bota- 
nique; il  n'en  est  plus  question  quant  à  présent, 
et  il  y  a  peu  d'apparence  que  je  sois  dans  le  cas  d'y 
revenir.  D'ailleurs  je  vieillis ,  je  ne  suis  plus  in- 
gambe pour  herboriser  ;  et  des  incommodités  qui 
m'avaient  laissé  d'assez  longs  relâches  menacent 
de  me  faire  payer  cette  trêve.  C'est  bien  assez  dé- 
sormais pour  mes  forces  des  courses  de  nécessité  ; 
je  dois  renoncer  à  celles  d'agrément,  ou  les  bor- 
ner à  des  promenades  qui  ne  satisfont  pas  l'avidité 
d'un  botanophile.  Mais,  en  renonçant  à  une  étude 
charmante ,  qui  pour  moi  s'était  transformée  en 
passion,  je  ne  renonce  pas  aux  avantages  qu'elle 
m'a  procurés,  et  surtout,  monsieur,  à  cultiver  votre 
connaissance  et  vos  bontés ,  dont  j'espère  aller  dans 
peu  vous  remercier  en  personne.  C'est  à  vous  qu'il 
faut  renvoyer  toutes  les  exhortations  que  vous  me 


SUR  LA  BOTANIQUE.  I  a() 

-faites  sur  l'entreprise  d'un  dictionnaire  de  bota- 
nique, dont  il  est  étonnant  que  ceux  qui  cultivent 
cette  science  sentent  si  peu  la  nécessité.  Votre  âge, 
monsieur,  vos  talents,  vos  connaissances,  vous  dou- 
aient les  moyens  de  former,  diriger  et  exécuter  su- 
périeurement cette  entreprise  ;  et  les  applaudisse- 
ments avec  lesquels  vos  premiers  essais  ont  été 
reçus  du  public  vous  sont  garants  de  ceux  avec 
lesquels  il  accueillerait  un  travail  plus  considé- 
rable. Pour  moi,  qui  ne  suis  dans  cette  étude, 
ainsi  que  dans  beaucoup  d'autres,  qu'un  écolier 
radoteur,  j'ai  songé  plutôt,  en  herborisant,  à  me 
distraire  et  m'amuser  qu'à  m'instruire,  et  n'ai  point 
eu ,  dans  mes  observations  tardives ,  la  sotte  idée 
d'enseigner  au  public  ce  que  je  ne  savais  pas  moi- 
même.  Monsieur,  j'ai  vécu  quarante  ans  heureux 
sans  faire  des  livres  ;  je  me  suis  laissé  entraîner 
dans  cette  carrière  tard  et  malgré  moi  :  j'en  suis 
«iorti  de  bonne  heure.  Si  je  ne  retrouve  pas  ,  après 
l'avoir  quittée,  le  bonheur  dont  je  jouissais  avant 
d'y  entrer ,  je  retrouve  au  moins  assez  de  bon  sens 
pour  sentir  que  je  n'y  étais  pas  propre ,  et  pour 
perdre  à  jamais  la  tentation  d'y  rentrer. 

J'avoue  pourtant  que  les  difficultés  que  j'ai  trou- 
vées dans  l'étude  des  plantes  m'ont  donné  quelques 
idées  sur  le  moyen  de  la  faciliter  et  de  la  rendre 
utile  aux  autres ,  en  suivant  le  fil  du  système  vé- 
gétal par  une  méthode  plus  graduelle  et  moins 
abstraite  que  celle  de  Tournefort  et  de  tous  ses 
successeurs,  sans  en  excepter  Linnacus  lui-même. 
Peut-être  mon  idée  est-elle  impraticable.  Nous  en 
II.  vu.  9 


l3o  LETTRES 

causerons, si  vous  voulez,  quand  j'aurai  l'honneur 
de  vous  voir.  Si  vous  la  trouviez  digne  d'être  adop- 
tée, et  qu'elle  vous  tentât  d'entreprendre  sur  ce 
plan  des  institutions  botaniques,  je  croirais  avoir 
beaucoup  plus  fait  en  vous  excitant  à  ce  travail , 
que  si  je  l'avais  entrepris  moi-même. 

Je  vous  dois  des  remerciements,  monsieur,  pour 
les  plantes  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  m'en- 
voyer  dans  votre  lettre,  et  bien  plus  encore  pour 
les  éclaircissements  dont  vous  les  avez  accompa- 
pagnées.  \^%  papyrus  m'a  fait  grand  plaisir ,  et  je  l'ai 
mis  bien  précieusement  dans  mon  herbier.  Votre 
antirrhinuin puipureum  m'a  bien  prouvé  que  le  mien 
n'était  pas  le  vrai,  quoiqu'il  y  ressemble  beaucoup; 
je  penche  à  croire  avec  vous  que  c'est  une  variété 
de  \aivensc  ;  et  je  vous  avoue  que  j'en  trouve  plu- 
sieurs dans  le  Species,  dont  les  phrases  ne  suffisent 
point  pour  me  donner  des  différences  spécifiques 
bien  claires.  Voilà ,  ce  me  semble ,  un  défaut  que 
n'aurait  jamais  la  méthode  que  j'imagine,  parce 
qu'on  aurait  toujours  un  objet  fixe  et  réel  de  com- 
paraison, sur  lequel  on  pourrait  aisément  assigner 
les  différences. 

Parmi  les  plantes  dont  je  vous  ai  précédemment 
envoyé  la  liste,  j'en  ai  omis  une  dont  Linnaeus  n'a 
pas  marqué  la  patrie,  et  que  j'ai  trouvée  à  Pila, 
c'est  le  riihia  peregrina;  je  ne  sais  si  vous  l'avez 
aussi  remarquée  ;  elle  n'est  pas  absolument  rare 
dans  la  Savoie  et  dans  le  Dauphiné. 

Je  suis  ici  dans  im  grand  embarras  pour  le  trans- 
port de  mon  bagage,  consistant,  en  grande  partie. 


SUR  LA   KOTAJYIQUE.  IJI 

îlans  lin  attirail  de  botanique.  J'ai  surtout ,  dans 
des  papiers  épars ,  un  grand  nombre  de  plantes 
sèches  en  assez  mauvais  ordre ,  et  communes  pour 
la  plupart,  mais  dont  cependant  quelques-unes 
sont  plus  curieuses  :  mais  je  n'ai  ni  le  temps  ni  le 
courage  de  les  trier,  puisque  ce  travail  me  devient 
désormais  inutile.  Avant  de  jeter  au  feu  tout  ce 
fatras  de  paperasses,  j'ai  voulu  prendre  la  liberté 
de  vous  en  parler  à  tout  hasard  ;  et  si  vous  étiez 
tenté  de  parcourir  ce  foin,  qui  véritablement  n'en 
vaut  pas  la  peine,  j'en  pourrais  faire  une  liasse  qui 
vous  parviendrait  par  M.  Pasquet  ;  car,  pour  moi, 
je  ne  sais  comment  emporter  tout  cela,  ni  qu'en 
faire.  Je  crois  me  rappeler,  par  exemple,  qu'il  s'y 
trouve  quelques  fougères ,  entre  autres  le  poljpo- 
diumfirtgrans  ^qae.  yà\\iQYhoY\séQ%  en  Angleterre, 
et  qui  ne  sont  pas  communes  partout.  Si  même  la 
revue  de  mon  herbier  et  de  mes  livres  de  botanique 
pouvait  vous  amuser  quelques  moments,  le  tout 
pourrait  être  déposé  chez  vous ,  et  vous  le  visite- 
riez à  votre  aise.  Je  ne  doute  pas  que  vous  n'ayez 
la  plupart  de  mes  livres.  Il  peut  cependant  s'en 
trouver  d'anglais,  comme  Parkinson ,  et  le  Gérard 
émacidé .,  que  peut-être  n'avez -vous  pas.  Le  Fale- 
lius  Cordus  est  assez  rare  ;  j'avais  aussi  Tragiis,  mais 
je  l'ai  donné  à  M.  Clappier. 

Je  suis  surpris  de  n'avoir  aucune  nouvelle  de 
M.  Gouan  ,  à  qui  j'ai  envoyé  les  carex  '  de  ce  pays 
qu'il  paraissait  désirer,  et  quelques  autres  petites 

'  Je  me  souviens  d'avoir  mis  par  mégarde  un  nom  pour  un 
autre ,  carex  vulpina ,  pour  carejc  leporina. 

9- 


l32  LETTRES 

plantes,  le  tout  à  l'adresse  de  M.  de  Saint-Priest, 
qu'il  m'avait  donnée.  Peut-être  le  paquet  ne  lui 
est-il  pas  parvenu  :  c'est  ce  que  je  ne  saurais  véri- 
fier, vu  que  jamais  un  seul  mot  de  vérité  ne  pé- 
nètre à  travers  l'édifice  de  ténèbres  qu'on  a  pris 
soin  d'élever  autour  de  moi.  Heureusement  les 
ouvrages  des  hommes  sont  périssables  comme  eux , 
mais  la  vérité  est  éternelle  :  post  tenebras  lux. 

Agréez,  monsieur,  je  vous  supplie,  mes  plus 
sincères  salutations. 


LETTRE  III. 

Monquin,  le  17^70. 
Pauvres  aveugles  que  nous  sommes!  etc. 

Ne  faites,  monsieur,  aucune  attention  à  la  bi- 
zarrerie de  ma  date;  c'est  une  formule  générale 
qui  n'a  nul  trait  à  ceux  à  qui  j'écris,  mais  seule- 
ment aux  honnêtes  gens  qui  disposent  de  moi  avec 
autant  d'équité  que  de  bonté.  C'est ,  pour  ceux  qui 
se  laissent  séduire  par  la  puissance  et  tromper 
par  l'imposture ,  un  avis  qui  les  rendra  plus  inex- 
cusables, si,  jugeant  sur  des  choses  que  tout  de- 
vrait leur  rendre  suspectes ,  ils  s'obstinent  à  se  re- 
fuser aux  moyens  que  prescrit  la  justice  pour 
s'assurer  de  la  vérité. 

C'est  avec  regret  que  je  vois  reculer,  par  mon 
état  et  par  la  mauvaise  saison ,  le  moment  de  me 
rapprocher  de  vous.  J'espère   cependant  ne  pas 


SUR  LA  BOTANIQUE.  l33 

tarder  beaucoup  encore.  Si  j'avais  quelques  graines 
qui  valussent  la  peine  de  vous  être  présentées,  je 
prendrais  le  parti  de  vous  les  envoyer  d'avance , 
pour  ne  pas  laisser  passer  le  temps  de  les  semer; 
mais  j'avais  fort  peu  de  chose,  et  je  le  joignis  avec 
des  plantes  de  Pila  ,  dans  un  envoi  que  je  fis  il  y  a 
quelques  mois  à  madame  la  duchesse  de  Portland  , 
et  qui  n'a  pas  été!  plus  heureux ,  selon  toute  appa- 
rence, que  celui  que  j'ai  fait  à  M.  Gouan  ,  puisque 
je  n'ai  aucune  nouvelle  ni  de  l'un  ni  de  l'autre. 
Comme  celui  de  madame  de  Portland  était  plus 
considérable,  et  que  j'y  avais  mis  plus  de  soin  et 
de  temps,  je  le  regrette  davantage;  mais  il  faut 
bien  que  j'apprenne  à  me  consoler  de  tout.  J'ai 
pourtant  encore  quelques  graines  d'un  fort  beau 
seseli  de  ce  pays  ,  que  j'appelle  seseli  Hallcri,  parce 
que  je  ne  le  trouve  pas  dans  Liiiiiœus.  J'en  ai  aussi 
d'une  plante  d'Amérique ,  que  j'ai  fait  semer  dans 
ce  pays  avec  d'autres  graines  qu'on  m'avait  don- 
nées ,  et  qui  seule  à  réussi.  Elle  s'appelle  gombaut 
dans  les  îles,  et  j'ai  trouvé  que  c'était  Y  hibiscus  es- 
calentus ;  il  a  bien  levé,  bien  fleuri;  et  j'en  ai  tiré 
d'une  capsule  quelques  graines  bien  mûres ,  que 
je  vous  porterai  avec  le  seseli,  si  vous  ne  les  avez 
pas.  Comme  l'une  de  ces  plantes  est  des  pays 
chauds,  et  que  l'autre  grène  fort  tard  dans  nos 
campagnes ,  je  présume  que  rien  ne  presse  pour 
les  mettre  en  terre ,  sans  quoi  je  prendrais  le  parti 
de  vous  les  envoyer. 

Votre  galiiun  rotaiidijolium  ,  monsieur,  est  hier 
lui-même  à  mon  avis ,  quoiqu'il  doive  avoir  la  fleun 


l34  LETTRES 

blanche  ,  et  que  le  vôtre  l'ait  flave;  inais  comme  il 
arrive  à  beaucoup  de  fleurs  blanches  de  jaunir  en 
séchant,  je  pense  que  les  siennes  sont  dans  le  même 
caSc  Ce  n'est  point  du  tout  mon  nibia  pcregiitia, 
plante  beaucoup  plus  grande ,  plus  rigide ,  plus 
âpre ,  et  de  la  consistance  tout  au  moins  de  la  ga- 
rance ordinaire  ,  outre  que  je  suis  certain  d'y 
avoir  vu  des  baies  que  n'a  pas  votre  galium ,  et 
qui  sont  le  caractère  générique  des  ruhia.  Cepen- 
dant je  suis,  je  vous  l'avoue,  hors  d'état  de  vous 
en  envoyer  un  échantillon.  Voici,  là-dessus ,  mon 
histoire. 

J'avais  souvent  vu  en  Savoie  et  en  Dauphiné 
la  garance  sauvage ,  et  j'en  avais  pris  quelques 
échantillons.  L'année  dernière ,  à  Pila ,  j'en  vis  en- 
core ;  mais  elle  me  parut  différente  des  autres ,  et 
il  me  semble  que  j'en  mis  un  spécimen  dans  inon 
portefeuille.  Depuis  mon  retour ,  lisant ,  par  ha- 
sard ,  dans  l'article  rubia  peregrina ,  que  sa  feuille 
n'avait  point  de  nervure  en  dessus ,  je  me  rappe- 
lai ou  crus  me  rappeler  que  mon  rabia  de  Pila  n'en 
avait  point  non  plus;  de  là  je  conclus  que  c'était 
le  rubia peregnna.  En  m'échauffant  sur  cette  idée, 
je  vins  à  conclure  la  même  chose  des  autres  ga- 
rances que  j'avais  trouvées  dans  ces  pays,  parce 
qu'elles  n'avaient  d'ordinaire  que  quatre  feuilles; 
pour  que  cette  conclusion  fut  raisonnable ,  il  au- 
rait fallu  chercher  les  plantes  et  vérifier;  voilà  ce 
que  ma  paresse  ne  me  permit  point  de  faire,  vu  le' 
désordre  de  mes  paperasses ,  et  le  temps  qu'il  aurait 
fallu  mettre  à  cette  recherche.  Depuis  la  réception , 


SUR   LA   BOTANIQUE.  l35 

nioiisieur,  de  votre  lettre,  j'ai  mis  plus  de  huit 
jours  à  feuilleter  tous  mes  livres  et  papiers  l'un 
après  l'autre ,  sans  pouvoir  retrouver  ma  plante 
de  Pila,  que  j'ai  peut-être  jetée  avec  tout  ce  qui 
est  arrivé  poinri.  J'en  ai  retrouvé  quelques-iuies 
des  autres;  mais  j'ai  eu  la  mortification  d'y  trou- 
ver la  nervure  bien  marquée ,  qui  m'a  désabusé , 
du  moins  sur  celles-là.  Cependant  ma  mémoire, 
qui  me  trompe  si  souvent ,  me  retrace  si  bien  celle 
de  Pila,  que  j'ai  peine  encore  à  en  démordre,  et 
je  ne  désespère  pas  qu'elle  ne  se  retrouve  dans 
mes  papiers  ou  dans  mes  livres.  Quoi  qu'il  en  soit, 
figurez-vous  dans  l'échantillon  ci-joint  les  feuilles 
un  peu  plus  larges  et  sans  nervure;  voilà  ma 
plante  de  Pila. 

Quelqu'un  de  ma  connaissance  a  souhaité  d'ac- 
quérir mes  livres  de  botanique  en  entier,  et  me 
demande  même  la  préférence;  ainsi  je  ne  me  pré- 
vaudrai point  sur  cet  article  de  vos  obligeantes 
offres.  Quant  au  fourrage  épars  dans  des  chif- 
fons, puisque  vous  ne  dédaignez  pas  de  le  par- 
courir, je  le  ferai  remettre  à  M.  Pasquet;  mais 
il  faut  auparavant  que  je  feuillette  et  vide  mes 
livres  dans  lesquels  j'ai  la  mauvaise  habitude  de 
fourrer,  en  arrivant,  les  plantes  que  j'apporte, 
parce  que  cela  est  plus  tôt  fait.  J'ai  trouvé  le  se- 
cret de  gâter,  de  cette  façon,  presque  tous  mes 
livres ,  et  de  perdre  presque  toutes  mes  plantes , 
parce  qu'elles  tombent  et  se  brisent  sans  que  j'\ 
fasse  attention,  tandis  que  je  feuillette  et  parcours 
le  livre,  uniquement  occupé  de  ce  que  j'y  cherche. 


l36  LETTRES 

Je  VOUS  prie,  monsieur,  de  faire  agréer  mes  re- 
merciements et  salutations  à  monsieur  votre  frère. 
Persuadé  de  ses  bontés  et  des  vôtres ,  je  me  pré- 
vaudrai volontiers  de  vos  offres  dans  l'occasion. 
Je  finis,  sans  façon,  en  vous  saluant,  monsieur, 
de  tout  mon  cœur. 


LETTRE   IV. 

Monquin,  le  t'J^'jo. 
Pauvres  aveugles  que  nous  sommes!  etc. 

Voici ,  morfSieur ,  mes  misérables  herbailles ,  où 
j'ai  bien  peur  que  vous  ne  trouviez  rien  qui  mé- 
rite d'être  ramassé ,  si  ce  n'est  des  plantes  que  vous 
m'avez  données  vous-même,  dont  j'avais  quelques- 
unes  à  double,  et  dont,  après  en  avoir  mis  plu- 
sieurs dans  mon  herbier,  je  n'ai  pas  eu  le  temps 
de  tirer  le  même  parti  des  autres.  Tout  l'usage  que 
je  vous  conseille  d'en  faire  est  de  mettre  le  tout 
au  feu.  Cependant,  si  vous  avez  la  patience  de 
feuilleter  ce- fatras,  vous  y  trouverez,  je  crois, 
quelques  plantes  qu'un  officier  obligeant  a  eu  la 
bonté  de  m'apporter  de  Corse ,  et  que  je  ne  con- 
nais pas. 

Voici  aussi  quelques  graines  du  seseli  Halleri. 
Il  y  en  a  peu,  et  je  ne  l'ai  recueilli  qu'avec  beau- 
coup de  peine,  parce  qu'il  grène  fort  tard  et  mû- 
rit difficilement  en  ce  pays  :  mais  il  y  devient ,  en 
revanche ,  une  très-belle  plante ,  tant  par  son  beau 


SUR   LA   BOTANIQUE.  iZ'J 

port  que  par  la  teinte  de  pourpre  que  les  premières 
atteintes  du  froid  donnent  à  ses  ombelles  et  à  ses 
tiges.  Je  hasarde  aussi  d'y  joindre  quelques  graines 
de  gomhaut ,  quoique  vous  ne  m'en  ayez  rien  dit, 
et  que  peut-être  vous  l'ayez  ou  ne  vous  en  souciiez 
pas,  et  quelques  graines  de  Ylieptapliilloii,  qu'on 
ne  s'avise  guère  de  ramasser  ;  et  qui  peut-être  ne 
lève  pas  dans  les  jardins,  car  je  ne  me  souviens 
pas  d'y  en  avoir  jamais  vu. 

Pardon ,  monsieur ,  de  la  hâte  extrême  avec  la- 
quelle je  vous  écris  ces  deux  mots,  et  qui  m'a  fait 
presque  oublier  de  vous  remercier  de  Yaspenda 
tauriiia^  qui  m'a  fait  bien  grand  plaisir.  Si  nos 
chemins  étaient  praticables  pour  les  voitures,  je 
serais  déjà»  près  de  vous.  Je  vous  porterai  le  ca- 
talogue de  mes  livres,  nous  y  marquerons  ceux 
qui  peuvent  vous  convenir  ;  et  si  l'acquéreur  veut 
s'en  défaire,  j'aurai  soin  de  vous  les  procurer.  Je 
ne  demande  pas  mieux ,  monsieur,  je  vous  assure, 
que  de  cultiver  vos  bontés  ;  et  si  jamais  j'ai  le  bon- 
heur d'être  un  peu  mieux  connu  de  vous  que  de 
monsieur**,  qui  dit  si  bien  me  connaître,  j'espère 
que  vous  ne  m'en  trouverez  pas  indigne.  Je  vous 
salue  de  tout  mon  cœur. 

Avez-vous  le  dianthus  siiperhus  ?  Je  vous  l'envoie 
à  tout  hasard.  C'est  réellement  un  bien  bel  oeillet, 
et  d'une  odeur  bien  suave,  quoique  faible.  J'ai  pu 
recueillir  de  la  graine  bien  aisément,  car  il  croît 
en  abondance  dans  un  pré  qui  est  sous  mes  fe- 
nêtres. Il  ne  devrait  être  permis  qu'aux  chevaux 
du  soleil  de  se  nourrir  d'un  pareil  foin. 


l38  LETTRES 

LETTRE  V. 

A  Paris,  le  17770. 
Pauvres  aveugles  que  nous  sommes!  etc. 

Je  voulais,  monsieur,  vous  rendre  compte  de 
mon  voyage  en  arrivant  à  Paris  ;  mais  il  m'a  fallu 
quelques  jours  pour  m'arranger  et  me  remettre 
au  courant  avec  mes  anciennes  connaissances.  Fa- 
tigué d'un  voyage  de  deux  jours,  j'en  séjournai 
trois  ou  quatre  à  Dijon ,  d'où ,  par  la  même  raison , 
j'allai  faire  un  pareil  séjour  à  Auxerre  ,  après  avoir 
eu  le  plaisir  de  voir  en  passant  M.  de  Buffon  ,  qui 
me  fit  l'accueil  le  plus  obligeant.  Je  vis  aussi  à 
Montbar  M.  Daubenton  le  subdélégué ,  lequel , 
après  une  heure  ou  deux  de  promenade  ensemble 
dans  le  jardin,  me  dit  que  j'avais  déjà  des  com- 
mencements, et  qu'en  continuant  de  travailler  je 
pourrais  devenir  un  peu  botaniste.  JNIais ,  le  len- 
demain l'étant  allé  voir  avant  mon  départ,  je  par- 
courus avec  lui  sa  pépinière ,  malgré  la  pluie  qui 
nous  incommodait  fort;  et  n'y  connaissant  presque 
rien ,  je  démentis  si  bien  la  bonne  opinion  qu'il 
avait  eue  de  moi  la  veille,  cju'il  rétracta  son  éloge 
et  ne  me  dit  plus  rien  du  tout.  IMalgré  ce  mauvais 
succès,  je  n'ai  pas  laissé  d'herboriser  un  peu  du- 
rant ma  route ,  et  de  me  trouA^er  en  pays  de  con- 
naissance dans  la  campagne  et  dans  les  bois.  Dans 


SUR  LA   BOTANIQUE.  109 

I  presque  toute  la  Bourgogne  j'ai  vu  la  terre  cou- 
verte, à  droite  et  à  gauche,  de  cette  même  grande 

!  gentiane  jaune  que  je  n'avais  pu  trouver  à  Pila. 
Les  champs,  entre  Montbar  et  Chably,  sont  pleins 
de  bulbocastanum ,  mais  la  bulbe  en  est  beaucoup 
plus  acre  qu'en  Angletene,  et  presque  imman- 

.  geable;  V œnante Jîstiilosa  et  la  coquelourde  {pul- 
satillci  )  y  sont  aussi  en  quantité  :  mais  n'ayant  tra- 
versé la  foret  de  Fontainebleau  que  très  à  la  hâte, 
je  n'y  ai  rien  vu  du  tout  de  remarquable  que  le 
gcranium  grandiflorum ,  que  je  trouvai  sous  mes 
pieds  par  hasard  une  seule  fois. 

J'allai  hier  voir  M.  Daubenton  au  Jardin  du 
Roi;  j'y  rencontrai  en  me  promenant ,  M.  Richard, 
jardinier  de  Trianon ,  avec  lequel  je  m'empressai , 
comme  vous  jugez  bien  ,  de  faire  connaissance.  Il 
me  promit  de  me  faire  voir  son  jardin^  qui  est 
beaucoup  plus  riche  que  celui  du  roi  à  Paris  : 
ainsi  me  voilà  à  portée  de  faire,  dans  l'un  et  dans 
l'autre,  quelque  connaissance  avec  les  plantes  exo- 
tiques, sur  lesquelles,  comme  vous  avez  pu  voir, 
je  suis  parfaitement  ignorant.  Je  prendrai,  pour 
voir  Trianon  plus  à  mon  aise,  quelque  moment 
oli  la  cour  ne  sera  pas  à  Versailles,  et  je  tâcherai 
de  me  fournir  à  double  de  tout  ce  qu'on  me  per- 
mettra de  prendre ,  afin  de  pouvoir  vous  envoyer 
ce  que  vous  pourriez  ne  pas  avoir.  J'ai  aussi  vu  le 
jardin  de  M.  Cochin,  qui  m'a  paru  fort  beau  ;  mais  , 
en  l'absence  du  maître,  je  n'ai  osé  toucher  à  rien. 
Je  suis ,  depuis  mon  arrivée ,  tellement  accablé  de 
visites  et  de  dîners ,  que  si  ceci  dure ,  \\  est  impossible 


l4o  LETTRES 

que  j'y  tienne,  et  malheureusement  je  manque  de 
force  pour  me  défendre.  Cependant,  si  je  ne  prends 
bien  vite  un  autre  train  de  vie,  mon  estomac  et 
ma  botanique  sont  en  grand  péril.  Tout  ceci  n'est 
pas  le  moyen  de  reprendre  la  copie  de  musique 
d'une  façon  bien  lucrative;  et  j'ai  peur  qu'à  force 
de  dîner  en  ville  je  ne  finisse  par  mourir  de  faim 
chez  moi.  Mon  ame  navrée  avait  besoin  de  quel- 
que dissipation,  je  le  sens;  mais  je  crains  de  n'en 
pouvoir  ici  régler  la  mesure ,  et  j'aimerais  encore 
mieux  être  tout  en  moi  que  tout  hors  de  moi.  Je 
n'ai  point  trouvé ,  monsieur,  de  société  mieux 
tempérée  et  qui  me  convînt  mieux  que  la  vôtre  ; 
point  d'accueil  plus  selon  mon  cœur  que  celui  que, 
sous  vos  auspices,  j'ai  reçu  de  l'adorable  Mélanie. 
S'il  m'était  donné  de  me  choisir  une  vie  égale  et 
douce ,  j  e  voudrais ,  tous  les  j  ours  de  la  mienne ,  pas- 
ser la  matinée  au  travail ,  soit  à  ma  copie  ,  soit  sur 
mon  herbier;  dîner  avec  vous  et  Mélanie;  nour- 
rir ensuite ,  une  heure  ou  deux ,  mon  oreille  et 
mon  cœur,  des  sons  de  sa  voix  et  de  ceux  de  sa 
harpe  ;  puis  me  promener  téte-à-téte  avec  vous  le 
reste  de  la  journée,  en  herborisant  et  philoso- 
phant selon  notre  fantaisie.  Lyon  m'a  laissé  des 
regrets  qui  m'en  rapprocheront  quelque  jour  peut- 
être  :  si  cela  m'arrive ,  vous  ne  serez  pas  oublié , 
monsieur,  dans  mes  projets  :  puissiez-vous  con- 
courir à  leur  exécution  !  Je  suis  fâché  de  ne  savoir 
pas  ici  l'adresse  de  monsieur  votre  frère ,  s'il  y  est 
encore  :  je  n'aurais  pas  tardé  si  long-temps  à  l'al- 
ler voir,  me  rappeler  à  son  souvenir,  et  le  prier 


SUR  LA   BOTANIQUE.  l/^l 

(le  vouloir  bien  me  rappeler  quelquefois  au  vôtre 
et  à  celui  de  M**. 

Si  mon  papier  ne  finissait  pas,  si  la  poste  n'al- 
lait pas  partir, je  ne  saurais  pas  finir  moi-même. 
Mon  bavardage  n'est  pas  mieux  ordonné  sur  le  pa- 
pier que  dans  la  conversation.  Veuillez  supporter 
l'un  comme  vous  avez  supporté  l'autre.  Fale ,  et 
me  ama. 


LETTRE  VI. 

A  Paris,  le  17^70. 
Pauvres  aveugles  que  nous  sommes  !  etc. 

Je  ne  voulais ,  monsieur,  m'accuser  de  mes  torts 
qu'après  les  avoir  réparés  ;  mais  le  mauvais  temps 
qu'il  fait  et  la  saison  qui  se  gâte  me  punissent  d'a- 
voir négligé  le  Jardin  du  Roi  tandis  qu'il  faisait 
beau ,  et  me  mettent  hors  d'état  de  vous  rendre 
compte,  quanta  présent,  du  yy/flî/zto^o  unifloray  et  des 
autres  plantes  curieuses  dont  j'aurais  pu  vous  par- 
ler si  j'avais  su  mieux  profiter  des  bontés  de  M.  de 
Jussieu.  Je  ne  désespère  pas  pourtant  de  profiter 
encore  de  quelque  beau  jour  d'automne  pour  faire 
ce  pèlerinage ,  et  aller  recevoir ,  pour  cette  année , 
les  adieux  de  la  syngénésie  :  mais ,  en  attendant  ce 
moment,  permettez ,  monsieur ,  que  je  prenne  ce- 
lui-ci pour  vous  remercier,  quoique  tard,  de  la  con- 
tinuation de  vos  bontés  et  de  vos  lettres,  qui  me 


l42  LETTRES 

feront  toujours  le  plus  vrai  plaisir ,  quoique  je  sois 
peu  exact  à  y  répondre.  J'ai  encore  à  m'accuser 
de  beaucoup  d'autres  omissions  pour  lesquelles 
je  n'ai  pas  moins  besoin  de  pardon.  Je  voulais  al- 
ler remercier  monsieur  votre  frère  de  l'honneur 
de  son  souvenir,  et  lui  rendre  sa  visite;  j'ai  tardé 
d'abord,  et  puis  j'ai  oublié  son  adresse.  Je  le  revis 
une  fois  à  la  comédie  italienne  ;  mais  nous  étions 
dans  des  loges  éloignées,  je  ne  pus  l'aborder,  et 
maintenant  j'ignore  même  s'il  est  encore  à  Paris. 
Autre  tort  inexcusable  ;  je  me  suis  rappelé  de  ne 
vous  avoir  point  remercié  de  la  connaissance  de 
M.  Robinet,  et  de  l'accueil  obligeant  que  vous 
m'avez  attiré  de  lui.  Si  vous  comptez  avec  votre 
serviteur ,  il  restera  trop  insolvable  ;  mais  puisque 
nous  sommes  en  usage ,  moi  de  faillir ,  vous  de  par- 
donner, couvrez  encore  cette  fois  mes  fautes  de 
votre  indulgence ,  et  je  tâcherai  d'en  avoir  moins 
besoin  dans  la  suite,  pourvu  toutefois  que  vous 
n'exigiez  pas  de  l'exactitude  dans  mes  réponses  : 
car  ce  devoir  est  absolument  au-dessus  de  mes 
forces,  surtout  dans  ma  position  actuelle.  Adieu, 
monsieur  ;  souvenez-vous  quelquefois,  je  vous  sup- 
plie ,  d'un  homme  qui  vous  est  bien  sincèrement 
attaché,  et  qui  ne  se  rappelle  jamais  sans  plaisir 
et  sans  regret  les  promenades  charmantes  qu'il  a 
eu  le  bonheur  de  faire  avec  vous. 

On  a  représenté  Pygmalion  à  Montigny  ;  je  n'y 
étais  pas,  ainsi  je  n'en  puis  parler.  Jamais  le  sou- 
venir de  ma  première  Galathée  ne  me  laissera  le 
désir  d'en  voir  une  autre. 


SUR  LA    BOT  A  INIQUE.  l4^ 


LETTRE   VIL 

A  Paris,  le  177770. 
Pauvres  aveugles  que  nous  sommes  !  etc. 

Je  ne  sais  presque  plus,  monsieur,  comment 
oser  vous  écrire,  après  avoir  tardé  si  long-temps 
à  vous  remercier  du  trésor  de  plantes  sèches  que 
vous  avez  eu  la  bonté  de  m'envoyer  en  dernier 
lieu.  N'ayant  pas  encore  eu  le  temps  de  les  placer, 
je  ne  les  ai  pas  extrêmement  examinées;  mais  je 
vois  à  vue  de  pays  qu'elles  sont  belles  et  bonnes  ; 
je  ne  doute  pas  qu'elles  ne  soient  bien  dénommées, 
et  que  toutes  les  observations  que  vous  me  de- 
mandez ne  se  réduisent  à  des  approbations.  Cet 
envoi  me  remettra,  je  l'espère,  un  peu  dans  le 
train  de  la  botanique,  que  d'autres  soins  m'ont 
fait  extrêmement  négliger  dejDuis  mon'arrivée  ici  ; 
et  le  désir  de  vous  témoigner  ma  bien  impuissante , 
mais  bien  sincère  reconnaissance ,  me  fournira 
peut-être  avec  le  temps  quelque  chose  à  vous  en- 
voyer. Quant  à  présent  je  me  présente  tout-à-fait  à 
vide,  n'ayant  des  semences  dont  vous  m'envoyez 
la  note  que  le  seul  doronicum pardidianches  que  je 
crois  vous  avoir  déjà  donné ,  et  dont  je  vous  en- 
voie mon  misérable  reste.  Si  j'eusse  été  prévenu 
quand  j'allai  à  Pila  l'année  dernière,  j'aurais  pu 
vous  apporter  aisément  un  litron  des  semences  du 


l44  LETTRES 

prenant  lies  purpurea,  et  il  y  en  a  quelques  autres 
comme  le  tamus,  et  la  gentiane  perfoliée  que  vous 
devez  trouver  aisément  autour  de  vous.  Je  n'ai  pas 
oublié  le  plantago  monantJios ,  mais  on  n'a  pu  me 
le  donner  au  Jardin  du  Roi ,  où  il  n'y  en  avait 
qu'un  seul  pied  sans  fleur  et  sans  fruit;  j'en  ai  de- 
puis recouvré  un  petit  vilain  échantillon  que  je 
vous  enverrai  avec  autre  chose,  si  je  ne  trouve  pas 
mieux  ;  mais  comme  il  croît  en  abondance  autour 
de  l'étang  de  Montmorency,  j'y  compte  aller  her- 
boriser le  printemps  prochain,  et  vous  envoyer, 
s'il  se  peut,  plantes  et  graines.  Depuis  que  je  suis 
à  Paris,  je  n'ai  été  encore  que  trois  ou  quatre  fois 
au  Jardin  du  Roi;  et  quoiqu'on  m'y  accueille  avec 
la  plus  grande  honnêteté  et  qu'on  m'y  donne  vo- 
lontiers des  échantillons  déplantes,  je  vous  avoue 
c{ue  je  n'ai  pu  m'enhardir  encore  à  demander  dés 
graines.  Si  j'en  viens  là,  c'est  pour  vous  servir  que 
j'en  aurai  le  courage ,  mais  cela  ne  peut  venir  tout 
d'un  coup.  J'ai  parié  à  M.  de  Jussieu  du  papyrus 
que  vous  avez  i^pporté  de  Naples  ;  il  doute  que  ce 
soit  le  vrai  papier  nilotica.  Si  vous  pouviez  lui  en 
envoyer,  soit  plante,  soit  graines,  soit  par  moi, 
soit  par  d'autres,  j'ai  vu  que  cela  lui  ferait  grand 
plaisir ,  et  ce  serait  peut-être  un  excellent  moyen 
d'obtenir  de  lui  beaucoup  de  choses  qu'alors  nous 
aurions  bonne  grâce  à  demander,  quoique  je 
sache  bien  par  expérience  qu'il  est  charmé  d'obli- 
ger gratuitement;  mais  j'ai  besoin  de  quelque  chose 
pour  m'enhardir,  quand  il  faut  demander. 

Je  remets  avec  cette  lettre  à  MM.  Boy  de  La  Tour 


SUR   LA   BOTANIQUE.  1  45 

qui  s'en  retournent,  une  boîte  contenant  une  arai- 
gnée de  mer,  qui  vient  de  bien  loin; car  on  me  l'a 
envoyée  du  golfe  du  Mexique.  Comme  cependant 
ce  n'est  pas  luie  pièce  bien  rare  et  qu'elle  a  été 
fort  endommagée  dans  le  trajet,  j'hésitais  à  vous 
l'envoyer;  mais  on  me  dit  qu'elle  peut  se  raccom- 
moder et  trouver  place  encore  dans  un  cabinet  : 
cela  supposé,  je  vous  prie  de  lui  en  donner  une 
dans  le  votre ,  en  considération  d'un  homme  qui 
vous  sera  toute  sa  vie  bien  sincèrement  attaché. 
3'ai  mis  dans  la  même  boîte  les  deux  ou  trois  se- 
mences de  doronic  et  autres  que  j'avais  sous  la  main. 
Je  compte  l'été  prochain  me  remettre  au  courant 
de  la  botanique  pour  tâcher  de  mettre  un  peu  du 
mien  dans  une  correspondance  qui  m'est  précieuse , 
et  dont  j'ai  eu  jusqu'ici  seul  tout  le  profit.  Je  crains 
d'avoir  poussé  Tétourderie  au  point  de  ne  vous 
avoir  pas  remercié  de  la  complaisance  de  M.  Ro- 
binet, et  des  honnêtetés  dont  il  m'a  comblé.  J'ai 
aussi  laissé  repartir  d'ici  M.  de  Fleurieu  sans  aller 
lui  rendre  mes  devoirs,  comme  je  le  devais  et  voulais 
faire.  Ma  volonté, monsieur, n'aura  jamais  de  tort 
auprès  de  vous  ni  des  vôtres  ;  mais  ma  négligence 
m'en  donne  souvent  de  bien  inexcusables  que  je 
vous  prie  toutefois  d'excuser  dans  votre  miséri- 
corde. Ma  femme  a  été  très-sensible  à  l'honneur  de 
votre  souvenir,  et  nous  vous  prions  l'un  et  l'autre 
d'agréer  nos  très-humbles  salutations. 


R.  vu.  JO 


r46  LFTTRFS 

LETTRE  VIII. 

A  Paris  ,  le  iy~yi. 
Pauvres  aveugles  que  nous  sommes!  etc. 

J'ai  reçu,  monsieur,  avec  grand  plaisir,  de  vos 
nouvelles,  des  témoignages  de  votre  souvenir,  et 
des  détails  de  vos  intéressantes  occupations.  Mais 
vous  me  parlez  d'un  envoi  de  plantes  par  M.  l'abbé 
Rosier,  que  je  n'ai  point  reçu.  Je  me  souviens 
bien  d'en  avoir  reçu  un  de  votre  part,  et  de  vous 
en  avoir  remercié,  quoiqu'un  peu  tard,  avant  votre 
voyage  de  Paris  ;  mais  depuis  votre  retour  à  Lyon , 
votre  lettre  a  été  pour  moi  votre  premier  signe  de 
vie;  et  j'en  ai  été  d'autant  plus  charmé,  que  j'avais 
presque  cessé  de  m'y  attendre. 

En  apprenant  les  changements  survenus  à  JjTOu  , 
j'avais  si  bien  préjugé  que  vous  vous  regarderiez 
comme  affranchi  d'un  dur  esclavage ,  et  que ,  dé- 
gagé de  devoirs ,  respectables  assurément ,  mais 
qu'un  homme  de  goût  mettra  difficilement  au 
nombre  de  ses  plaisirs ,  vous  en  goûteriez  un  très- 
vif  à  vous  livrer  tout  entier  à  l'étude  de  la  «ature, 
que  j'avais  résolu  de  vous  en  féliciter.  Je  suis  fort 
aise  de  pouvoir  du  moins  exécuter  après  coup  ,  et 
sur  votre  propre  témoignage ,  une  résolution  que 
ma  paresse  ne  m'a  pas  permis  d'exécuter  d'avance, 
quoique  très-sûr  que  cette  félicitation  ne  viendrait 
pas  mal  à  propos. 


SUR    LA    BOTAiNlQUE.  l47 

Les  détails  de  vos  herborisations  et  de  vos  dé- 
couvertes m'ont  fait  battre  le  cœur  d'aise.  Il  me 
semblait  que  j'étais  à  votre  suite,  et  que  je  parta- 
geais vos  plaisirs  ;  ces  plaisirs  si  purs ,  si  doux ,  que 
si  peu  d'hommes  savent  goûter,  et  dont,  parmi  ce 
peu-là, moins  encore  sont  dignes, puisque  je  vois, 
avec  autant  de  surprise  que  de  chagrin,  que  la  bota- 
nique elle-même  n'est  pas  exempte  de  ces  jalousies, 
de  ces  haines  couvertes  et  cruelles  qui  empoi- 
sonnent et  déshonorent  tous  les  autres  genres  d'é- 
tudes. Ne  me  soupçonnez  point,  monsieur,  d'avoir 
abandonné  ce  goût  délicieux;  il  jette  un  charme 
toujours  nouveau  sur  ma  vie  solitaire.  Je  m'y  livre 
pour  moi  seul ,  sans  succès,  sans  progrès,  presque 
sans  communication ,  mais  chaque  jour  plus  con- 
vaincu que  les  loisirs  livrés  à  la  contemplation  de 
la  nature  sont  les  moments  de  la  vie  où  l'on  jouit 
le  plus  délicieusement  de  soi.  J'avoue  pourtant  que , 
depuis  votre  départ,  j'ai  joint  un  petit  objet  d'a- 
mour propre  à  cehii  d'amuser  innocemment  et 
agréablement  mon  oisiveté.  Quelques  fruits  étran- 
gers, quelques  graines  qui  me  sont  par  hasard  tom- 
bées entre  les  mains ,  m'ont  inspiré  la  fantaisie  de 
commencer  une  très-petite  collection  en  ce  genre. 
Je  dis  commencer,  car  je  serais  bien  fâché  de  tenter 
de  l'achever,  quand  la  chose  me  serait  possible, 
n'ignorant  pas  que ,  tandis  qu'on  est  pauvre ,  on  ne 
sent  que  le  plaisir  d'acquérir;  et  que,  quand  on 
est  riche ,  au  contraire ,  on  ne  sent  que  la  privation 
de  ce  qui  nous  manque ,  et  l'inquiétude  inséparable 
du  désir  de  compléter  ce  qu'on  a.  Vous  devez  depuis 

lO. 


l48  LETTRES 

long-temps  en  être  à  cette  inquiétude,  vous,  mon- 
sieur ,  dont  la  riche  collection  rassemble  en  petit 
presque  toutes  les  productions  de  la  nature,  et 
prouve,  par  son  bel  assortiment,  combien  M,  l'abbé 
Rosier  a  eu  raison  de  dire  qu'elle  est  l'ouvrage  du 
choix  et  non  du  hasard.  Pour  moi ,  qui  ne  vais  que 
tâtonnant  dans  un  petit  coin  de  cet  immense  laby- 
rinthe, je  rassemble  fortuitement  et  précieusement 
tout  ce  qui  me  tombe  sous  la  main,  et  non-seule- 
ment j'accepte  avec  ardeur  et  reconnaissance  les 
plantes  que  vous  voulez  bien  m'offrir  ;  mais,  si  vous 
vous  trouviez  avec  cela  quelques  fruits  ou  graines 
surnuméraires  et  de  rebut  dont  vous  voulussiez  bien 
m'enrichir,  j'en  ferais  la  gloire  de  ma  petite  collec- 
tion naissante.  Je  suis  confus  de  ne  pouvoir,  dans 
ma  misère,  rien  vous  offrir  en  échange,  au  moiris 
pour  le  moment.  Car,  quoique  j'eusse  rassemblé 
quelques  plantes  depuis  mon  arrivée  à  Paris ,  ma 
négligence  et  l'humidité  de  la  chambre  que  j'ai 
d'abord  habitée  ont  tout  laissé  pourrir.  Peut-être 
serai -je  plus  heureux  cette  année,  ayant  résolu 
d'employer  plus  de  soin  dans  la  dessiccation  de  mes 
plantes,  et  surtout  de  les  coller  à  mesure  qu'elles 
sont  sèches  ;  moyen  qui  m'a  paru  le  meilleur  pour 
les  conserver.  J'aurai  mauvaise  grâce ,  ayant  fait 
une  recherche  vaine ,  de  vous  faire  valoir  une  her- 
borisation que  j'ai  faite  à  INIontmorency  l'été  der- 
nier avec  la  Caterve  du  Jardin  du  Roi;  mais  il  est 
certain  qu'elle  ne  fut  entreprise  de  ma  part  que 
pour  trouver  le  plant ago  monanthos ,  que  j'eus  le 
chagrin  d'y   chercher  inutilement.  M.  de  Jussieu 


SUR   LA    BOTANIQUE.  1  49 

le  jeune ,  qui  vous  a  vu  sans  doute  à  Lyon ,  aiua 
pu  vous  dire  avec  quelle  ardeur  je  priai  tous  ces 
messieurs,  sitôt  que  nous  approchâmes  de  la  queue 
de  l'étang,  de  m'aidera  la  recherche  de  cette  plante; 
ce  qu'ils  firent,  et  entre  autres  M.  Thouin,  avec 
une  complaisance  et  un  soin  qui  méritaient  lui 
meilleur  succès. 

Nous  ne  trouvâmes  rien  ;  et  après  deux  heures 
d'une  recherche  inutile,  au  fort  de  la  chaleur,  et 
le  jour  le  plus  chaud  de  l'année,  nous  fûmes  res- 
pirer et  faire  la  halte  sous  des  arbres  qui  n'étaient 
pas  loin ,  concluant  unanimement  que  le  plantago 
uniflora  ^ïi\ôi(\u.é  par  ïournefort  et  M.  de  Jussieu 
aux  environs  de  l'étang  de  Montmorency,  en  avait 
absolument  disparu.  L'herborisation  au  surplus  fut 
assez  riche  en  plantes  communes  ;  mais  tout  ce  qui 
vaut  la  peine  d'être  mentionné  se  réduit  à  Vosinuiide 
royale,  le  Ijthrum  liyssopifolia,  le  Ijsimachia  tciiella, 
\e  peplis  portulay  le  drosera  rotundi/blia ,  le  cjperus 
JliscuSy  le  schœnus  nigricans,  et  V hjdrocotjle ,  nais- 
santes avec  quelques  feuilles  petites  et  rares ,  sans 
aucune  fleur. 

Le  papier  me  manque  pour  prolonger  ma  lettre. 
Je  ne  vous  parle  point  de  moi ,  parce  que  je  n'ai 
plus  rien  de  nouveau  à  vous  en  dire,  et  que  je  ne 
prends  plus  aucun  intérêt  à  ce  que  disent,  publient, 
impriment,  inventent,  assurent,  et  prouvent, à  ce 
qu'ils  prétendent,  mes  contemporains,  de  l'être 
imaginaire  et  fantastique  auquel  il  leur  a  plu  de 
donner  mon  nom.  Je  finis  donc  mon  bavardage  avec 
ma  feuille ,  vous  priant  d'excuser  le  désordre  et  le 


l5o  LETTRES 

griffonnage  d'un  homme  qui  a  perdu  toute  habi- 
tude d'écrire,  et  qui  ne  la  reprend  presque  que 
pour  vous.  Je  vous  sahie,  monsieur,  de  tout  mon 
cœur ,  et  vous  prie  de  ne  pas  m'oublier  auprès  de 
monsieur  et  madame  de  Fleurieu. 


LETTRE   IX. 

A  Paris,  ]e  17773. 
Pauvres  aveugles  que  nous  sommes!  etc. 

Votre  seconde  lettre ,  monsieur ,  m'a  fait  sentir 
bien  vivement  le  tort  d'avoir  tardé  si  long-temps  à 
répondre  à  la  précédente ,  et  à  vous  remercier  des 
plantes  qui  l'accompagnaient.  Ce  n'est  pas  que  je 
n'aie  été  bien  sensible  à  votre  souvenir  et  à  votre 
envoi  ;  mais  la  nécessité  d'une  vie  trop  sédentaire 
et  l'inhabitude  d'écrire  des  lettres  en  augmentent 
journellement  la  difficulté ,  et  je  sens  qu'il  faudra  re- 
noncer bientôt  à  tout  commerce  épistolaire,méme 
avec  les  personnes  qui,  comme  vous,  monsieur, 
me  l'ont  toujours  rendu  instructif  et  agréable. 

Mon  occupation  principale  et  la  diminution  de 
mes  forces  ont  ralenti  mon  goût  pour  la  botani- 
que, au  point  de  craindre  de  le  perdre  tout-à-fait. 
Vos  lettres  et  vos  envois  sont  bien  propres  à  le  ra- 
nimer. Le  retour  de  la  belle  saison  y  contribuera 
peut-être  :  mais  je  doute  qu'en  aucun  temps  ma 
paresse  s'accommode  long-temps  de  la  fantaisie  des 
collections.  Celle  de  graines  qu'a  faite  M.  Thouin 


SLR   LA    BOTANIQUE.  l5l 

avait  excité  mon  émulation,  et  j'avais  tenté  de  ras- 
sembler en  petit  autant  de  diverses  semences  et  de 
fruits ,  soit  indigènes ,  soit  exotiques  qu'il  en  pour- 
rait tomber  sous  ma  main  :  j'ai  bien  fait  des  courses 
dans  cette  intention.  J'en  suis  revenu  avec  des  mois- 
sons assez  raisonnables ,  et  beaucoup  de  personnes 
obligeantes  ayant  contribué  à  les  augmenter,  je  me 
suis  bientôt  senti,  dans  ma  pauvreté,  l'embarras 
des  richesses;  car,  quoique  je  n'aie  pas  en  tout  un 
millier  d'espèces,  l'effroi  m'a  pris  en  tentant  de 
ranger  tout  cela;  et  la  place  d'ailleurs  me  manquant 
pour  y  mettre  une  espèce  d'ordre,  j'ai  presque  re- 
noncé à  cette  entreprise;  et  j'ai  des  paquets  de 
graines  qui  m'ont  été  envoyés  d'Angleterre  et  d'ail- 
leurs ,  depuis  assez  long-temps ,  sans  que  j'aie  en- 
core été  tenté  de  les  ouvrir.  Ainsi,  à  moins  que 
cette  fantaisie  ne  se  ranime,  elle  est,  quant  à  pré- 
sent, à  peu  près  éteinte. 

Ce  qui  pourra  contribuer  avec  le  goût  de  la  pro- 
menade qui  ne  me  quittera  jamais ,  à  me  conserver 
celui  d'un  peu  d'herborisation,  c'est  l'entreprise 
des  petits  herbiers  en  miniature  que  je  me  suis 
chargé  de  faire  pour  quelques  personnes,  et  qui, 
quoique  uniquement  composés  de  plantes  des  en- 
virons de  Paris,  me  tiendront  toujours  un  peu  en 
haleine  pour  les  ramasser  et  les  dessécher. 

Quoi  qu'il  arrive  de  ce  goût  attiédi ,  il  me  laissera 
toujours  des  souvenirs  agréables  des  promenades 
champêtres  dans  lesquelles  j'ai  eu  l'honneur  de 
vous  suivre,  et  dont  la  botanique  a  été  le  sujet; 
et,  s'il  me  reste  de  tout  cela  quelque  part  dans 


j52  lettres  SLR  la   botanique. 

votre  bienveillance,  je  ne  croirai  pas  avoir  cultivé 
sans  fruit  la  botanique ,  même  quand  elle  aura  perdu 
pour  moi  ses  attraits.  Quant  à  l'admiration  dont 
vous  me  parlez,  méritée  ou  non,  je  ne  vous  en  re- 
mercie pas,  parce  que  c'est  im  sentiment  qui  n'a 
jamais  flatté  mon  cœur.  J'ai  promis  à  M.  de  Châ- 
teaubourg  que  je  vous  remercierais  de  m'avoir  pro- 
curé le  plaisir  d'apprendre  par  lui  de  vos  nouvelles, 
et  je  m'acquitte  avec  plaisir  de  ma  promesse.  Ma 
femme  est  très-sensible  à  l'honneur  de  votre  sou- 
venir, et  nous  vous  prions,  monsieur,  l'un  et  l'autre , 
d'agréer  nos  remerciements  et  nos  salutations. 


LETTRE 

A  M.  L'ABBÉ  DE  PRAMONT. 


N.  B L'abbé  de  Pramont  avait  confié  à  Rousseau  une 

collection  de  planches  gravées  représentant  des  plantes ,  et  ac- 
compagnées d'un  texte  explicatif  pour  chaque  plante.  Rous- 
seau les  a  rangées  suivant  la  méthode  de  Linnée ,  et  a  joint  au 
texte  des  notes  en  assez  grand  nombre.  Ce  recueil  en  deux  vo- 
lumes grand  in-folio  contenant  398  planches,  et  ayant  pour 
titre  la  Botanique  mise  à  la  portée  de  tout  le  monde  par  les 
sieur  et  dame  Regnault,  Paris,  1774*,  est  actuellement  dé- 
posé à  la  bibliothèque  de  la  Chambre  des  Députés.  En  tète  est, 
avec  l'original  de  la  lettre  qu'on  va  lire ,  une  Table  raisonnée 
et  méthodique  faite  par  Rousseau  avec  beaucoup  de  soin. 

A  Paris,  le  i3  avril  1778. 

Vos  planches  gravées ,  monsieur ,  sont  revues  et 
arrangées  comme  vous  l'avez  désiré.  Vous  êtes  prié 
de  vouloir  bien  les  faire  retirer.  Elles  pourraient 
se  gâter  dans  ma  chambre,  et  n'y  feraient  plus  qu'un 
embarras,  parce  que  la  peine  que  j'ai  eue  à  les  ar- 
ranger me  fait  craindre  d'y  toucher  derechef.  Je 
dois  vous  prévenir,  monsieur,  qu'il  y  a  quelques 
feuilles  du  discours  extrêmement  barbouillées  et 

Il  forme  maintenant  trois  volumes  ;  mais  à  l'époque  où  Rous- 
seau l'eut  entre  les  mains ,  on  n'avait  encore  publié  que  les  deux 
premiers. 


l54  LJiTTRES 

presque  inlisibles  ;  difficiles  même  à  relier  sans  ro- 
gner de  l'écriture  que  j'ai  quelquefois  prolongée 
étourdiment  sur  la  marge.  Quoique  j'aie  assez  ra- 
rement succombé  à  la  tentation  de  faire  des  re- 
marques, l'amour  de  la  botanique  et  le  désir  de 
vous  complaire  m'ont  quelquefois  emporté.  Je  ne 
puis  écrire  lisiblement  que  quand  je  copie,  et  j'a- 
voue que  je  n'ai  pas  eu  le  courage  de  doubler  mon 
travail  en  faisant  des  brouillons.  Si  ce  griffonnage 
vous  dégoûtait  de  votre  exemplaire ,  après  l'avoir 
parcouru,  je  vous  offre,  monsieur,  le  rembourse- 
ment, avec  l'assurance  qu'il  ne  restera  pas  à  ma 
charge.  Agréez ,  monsieur ,  mes  très-humbles  salu- 
tations. 

La  Table  méthodique  dont  il  vient  d'être  parlé,  est  précédée 
d'un  court  préliminaire  et  terminée  par  cette  observation  : 

«  La  méthode  de  Linnaeus  n'est  pas ,  à  la  vérité 
«  parfaitement  naturelle.  Il  est  impossible  de  ré- 
«  duire  en  un  ordre  méthodique  et  en  même  temps 
te  vrai  et  exact  les  productions  de  la  nature ,  qui 
«  sont  si  variées  et  qui  ne  se  rapprochent  que  par 
«  des  gradations  insensibles.  Mais  un  système  de 
«  botanique  n'est  point  une  histoire  naturelle  :  c'est 
«une  table,  une  méthode  qui,  à  l'aide  de  quel- 
le ques  caractères  remarquables  et  à  peu  près  con- 
«  stants ,  apprend  à  rassembler  les  végétaux  connus 
u  et  à  y  ramener  les  nouveaux  individus  qu'on  dé- 
«  couvre.  Ce  moyen  est  nécessaire  pour  en  faciliter 
«  l'étude  et  fixer  la  mémoire.  Ainsi  aucun  système 
«  botanique  n'est  véritablement  naturel.  Le  meil- 


SUR   LA    BOTANIQUE.  l55 

«  leur  est  celui  qui  se  trouve  fondé  sur  les  carac- 
«  tères  les  plus  fixes  et  les  plus  aisés  à  connaître.  » 

Quant  aux  notes  qu'on  trouve  presque  sur  chaque  feuille 
du  Recueil  en  qivestion ,  elles  prouvent  une  profonde  connais- 
sance de  la  matière ,  et  sont  quelquefois  rédigées  d'une  manière 
piquante.  En  voici  deux  prises  au  hasard. 

SUR    LA    GRANDE  CAPUCINE,    N**    I28. 

«  Madame  de  Linnée  a  remarqué  que  ses  fleurs 
«  rayonnent  et  jettent  une  sorte  de  lueur  avant  le 
«  crépuscule.  Ce  que  je  vois  de  plus  sur  dans  cette 
ce  observation ,  c'est  que  les  dames  dans  ce  pays-là 
«  se  lèvent  plus  matin  que  dans  celui-ci.  » 

SUR   LA  MÉLISSE   OU   CITRONELLE  ,    N°   2l4- 

«  Chaque  auteur  la  gratifie  d'une  vertu.  C'est 
«  comme  les  fées  marraines ,  dont  chacune  douait 
<  la  filleule  de  quelque  beauté  ou  qualité  particu- 
«(  Hère.  » 


FRAGMENT 


POUR 


UN  DICTIONNAIRE 

DES  TERMES 

D'USAGE   EN    BOTANIQUE. 


INTRODUCTION. 


■  Le  prcmiei'  malheur  de  la  botanique  est  d'avoir  été  rcf;aidéc 
'dès  sa  naissance  comme  une  partie  de  la  médecine.  Cela  fit 
qu'on  ne  s'attacha  qu'à  trouver  ou  supposer  des  vertus  aux 
plantes,  et  qu'on  négligea  la  connaissance  des  plantes  mêmes; 
car  comment  se  livrer  aux  courses  immenses  et  continuelles 
qu'exige  cette  recherche ,  et  en  même  temps  aux  travaux  sé- 
dentaires du  laboratoire,  et  aux  traitements  des  malades,  par 
lesquels  on  parvient  à  s'assurer  de  la  nature  des  substances  vé- 
gétales, et  de  leurs  effets  dans  le  corps  humain?  Cette  fausse 
manièi'e  d'envisager  la  botanique  en  a  long-temps  rétréci  l'é- 
tude ,  au  point  de  la  borner  presque  aux  plantes  usuelles,  cl 
de  réduire  la  chaîne  végétale  à  un  petit  nombre  de  chaînons 
interrompus  ;  encore  ces  chaînons  mêmes  ont-ils  été  très-mal 
étudiés,  parce  qu'on  y  regardait  seulement  la  matière,  et  non 
pas  l'organisation.  Comment  se  serait- on  beaucoup  occupé  de 
la  structure  organique  d'une  substance ,  ou  plutôt  d'une  masse 
ramifiée,  qu'on  ne  songeait  qu'à  piler  dans  un  mortier?  On  ne 
cherchait  des  plantes  que  pour  trouver  des  remèdes;  on  ne 
cherchait  pas  des  plantes ,  mais  des  simples.  C'était  fort  bien 
fait,  dira-t-on  ;  soit  :  mais  il  n'en  a  pas  moins  résulté  que,  si 
l'on  connaissait  fort  bien  les  remèdes,  on  ne  laissait  pas  de  con- 
naître fort  mal  les  plantes  et  c'est  tout  ce  que  j'avance  ici. 

La  botanique  n'était  rien  :  il  n'y  avait  point  d'étude  de  la  bo- 
tanique, et  ceux  qui  se  piquaient  le  plus  de  connaître  lesprantes 
n'avaient  aucune  idée,  ni  do  leur  structure,  ni  de  l'économie 
végétale.  Chacun  connaissait  de  vue  cinq  ou  six  plantes  de  son 
canton,  auxquelles  il  donnait  des  noms  au  hasard,  enrichis  de 
vertus  merveilleuses  qu'il  lui  plaisait  de  leur  supposer;  et  cha- 
cune de  ces  plantes  chan.gée  en  panacée  universelle  suffisait 
seule  pour  immortaliser  tout  le  genre  luunain.  Ces  plantes, 


l6o  INTHODUCTIOJN'. 

transfoi-mées  en  baume  et  en  emplâtres ,  disparaissaient  pnomp- 
tement,  et  faisaient  bientôt  place  à  d'autres,  auxquelles  de  nou- 
veaux venus,  pour  se  distinguer,  attribuaient  les  mêmes  ef- 
fets. Tantôt  c'était  une  plante  nouvelle  qu'on  décorait  d'an- 
ciennes vertus ,  et  tantôt  d'anciennes  plantes  proposées  sous  de 
nouveaux  noms  suffisaient  pour  enrichir  de  nouveaux  charla- 
tans. Ces  plantes  avaient  des  noms  vulgaires ,  différents  dans 
chaque  canton  ;  et  ceux  qui  les  indiquaient  pour  leurs  drogues 
ne  leur  donnaient  que  des  noms  connus  tout  au  plus  dans  le 
lieu  qu'ils  habitaient;  et,  quand  leurs  récipés  couraient  dans 
d'autres  pays,  on  ne  savait  plus  de  quelle  plante  il  y  était  parlé; 
chacun  en  substituait  une  à  sa  fantaisie,  sans  autre  soin  qiie  de 
lui  donner  le  même  nom.  Voilà  tout  l'art  que  les  Myrepsus, 
les  Hildegardes,  les  Suardus,  les  Villauova,  et  les  autres  doc- 
teurs de  ces  temps-là ,  mettaient  à  l'étude  des  plantes  dont  ils 
ont  parlé  dans  leurs  livres  ;  et  il  serait  difficile  peut-être  au 
peuple  d'en  reconnaître  une  seule  sur  leurs  noms  ou  sur  leui's 
descriptions. 

A  la  renaissance  des  lettres  tout  disparut  pour  faire  place  aux 
anciens  livres  :  il  n'y  eut  plus  rien  de  bon  et  de  vi'ai  que  ce 
qui  était  dans  Aristote  et  dans  Gallien.  Au  lieu  d'étudier  les 
plantes  sur  la  terre,  on  ne  les  étudiait  plus  que  dans  Pline  et 
Dioscoride  ;  et  il  n'y  a  rien  si  fréquent  dans  les  auteurs  de  ces 
temps-là  que  d'y  voir  nier  l'existence  d'une  plante  par  l'unique 
raison  que  Dioscoride  n'en  a  pas  pai'lé.  Mais  ces  doctes  plantes , 
il  fallait  pourtant  les  trouver  en  nature  pour  les  employer  selon 
les  préceptes  du  maître.  Alors  on  s'évertua  ;  l'on  se  mit  à  cher- 
cher, à  observer,  à  conjecturer;  et  chacun  ne  manqua  pas  de 
faire  tous  ses  efforts  pour  trouver  dans  la  plante  qu'il  avait 
choisie  les  caractères  décrits  dans  son  auteur;  et,  comme  les 
li'aducteurs ,  les  commentateurs,  les  praticiens,  s'accordaient 
rarement  sur  le  choix ,  on  donnait  vingt  noms  à  la  même  plante, 
et  à  vingt  plantes  le  même  nom ,  chacun  soutenant  que  la  sienne 
était  la  véritable,  et  que  toutes  les  autres  n'étant  pas  celles 
dont  Dioscoride  avait  parlé ,  devaient  être  proscrites  de  dessus 
la  terre.  De  ce  conflit  résultèrent  enfin  des  recherches ,  à  la 


INTRODUCTION.  l6l 

vérité  plus  attentives,  et  quelques  bonnes  observations  qui 
méritèrent  d'être  conservées ,  mais  en  même  temps  un  tel  chaos 
de  nomenclature ,  que  les  médecins  et  les  herboristes  avaient 
absolument  cessé  de  s'entendre  entre  eux.  Il  ne  pouvait  plus 
y  avoir  communication  de  lumières ,  il  n'y  avait  plus  que  des 
disputes  de  mots  et  de  noms ,  et  même  toutes  les  recherches  et 
descriptions  utiles  étaient  perdues,  faute  de  pouvoir  décider 
de  quelle  plante  chaque  auteur  avait  parlé. 

Il  commença  pourtant  à  se  former  de  vrais  botanistes,  tels  que 
Clusius ,  Cordus,  Césalpin  ,  Gesner  ,  et  à  se  faire  de  bons  livres, 
et  instructifs ,  sur  cette  matière ,  dans  lesquels  même  on  trouve 
déjà  quelques  traces  de  méthode.  Et  c'était  certainement  une 
perte  que  ces  pièces  devinssent  inutiles  et  inintelligibles  par  la 
seule  discordance  des  noms.  Mais  de  cela  même  que  les  au- 
teurs commençaient  à  réunir  les  espèces ,  et  à  séparer  les  genres, 
chacun  selon  sa  manière  d'observer  le  jiort  et  la  structure  ap- 
parente, il  résulta  de  nouveaux  inconvénients  et  une  nouvelle 
obscurité ,  parce  que  chaque  auteur  ,  réglant  sa  nomenclature 
sur  sa  méthode,  créait  de  nouveaux  genres,  ou  séparait  les  an- 
ciens, selon  que  le  requérait  le  caractère  des  siens  :  de  sorte 
qu'espèces  et  gemmes  tout  était  tellement  mêlé,  qu'il  n'y  avait 
presque  pas  de  plante  qui  n'eût  autant  de  noms  différents  qu'il 
y  avait  d'auteurs  qui  l'avaient  décrite;  ce  qui  rendait  l'étude 
de  la  concordance  aussi  longue  et  souvent  plus  difficile  que 
celle  des  plantes  mêmes. 

Enfin  parurent  ces  deux  illustres  frères  qui  ont  plus  fait  eux 
seuls  pour  le  progrès  de  la  botanique  que  tous  les  avitres  en- 
semble qui  les  ont  précédés  et  même  suivis,  jusqu'à  Tourne- 
fort  :  hommes  rares,  dont  le  savoir  immense,  et  les  solides 
travaux  ,  consacrés  à  la  botanique,  les  rendent  dignes  de  l'im- 
mortalité qu'ils  leur  ont  acquise;  car,  tant  que  cette  science 
naturelle  ne  tombera  pas  dans  l'oubli ,  les  noms  de  Jean  et  de 
Gaspar  Bauhin  vivront  avec  elle  dans  la  mémoire  des  hommes. 

Ces  deux  hommes  entreprirent ,  chacun  de  son  côté,  une  his- 
toire universelle  des  plantes;  et,  ce  qui  se  rapporte  plus  im- 
médiatement à  cet  article,  ils  entreprirent  l'un  et  l'autre  d'y 
II.  VII.  I  I 


]6'2  IJNTRODUmîOIV. 

joindre  une  synonymie,  c'est-à-dire  une  liste  exacte  des  noms 
que  chacune  d'elles  portait  dans  tous  les  auteurs  qui  les  avaient 
précédés.  Ce  travail  devenait  absolument  nécessaire  pour 
qu'on  put  profiter  des  observations  de  chacun  d'eux;  car,  sans 
cela,  il  devenait  presque  impossible  de  suivre  et  démêler  cha- 
que plante  à  travers  tant  de  noms  différents. 

L'aîné  a  exécuté  à  peu  près  cette  entreprise,  dans  les  trois 
volumes  in-folio  qu'on  a  imprimés  après  sa  mort,  et  il  y  a  joint 
une  critique  si  juste ,  qu'il  s'est  rarement  trompé  dans  ses  sy- 
nonymies. 

Le  plan  de  son  frère  était  encore  plus  vaste  ,  comme  il  pai^aît 
par  le  premier  volume  qu'il  en  a  donné,  et  qui  peut  faire 
juger  de  l'immensité  de  tout  l'ouvrage,  s'il  eût  eu  le  temps  de 
l'exécuter  :  mais ,  au  volume  près  dont  je  viens  de  parler ,  nous 
n'avons  que  les  titres  du  reste  dans  son  pinax  ;  et  ce  pinax 
fruit  de  quarante  ans  de  travail,  est  encore  aujourd'hui  le 
guide  de  tous  ceux  qui  A^eulent  travailler  sur  cette  matière  ,  et 
consulter  les  anciens  auteurs. 

Comme  la  nomenclature  des  Bauhin  n'était  formée  que  des 
titres  de  leurs  chapitres,  et  que  ces  titres  comprenaient  or- 
dinairement plusieurs  mots,  de  là  vient  l'habitude  de  n'em- 
ployer pour  noms  de  plantes  que  des  phrases  louches  assez 
longues  ,  ce  qui  rendait  cette  nomenclature  non-seulement  traî- 
nante et  embarrassante;  mais  pédantesque  et  ridicule.  Il  y  au- 
rait à  cela ,  je  l'avoue ,  quelque  avantage ,  si  ces  phrases  avaient 
été  mieux  faites  ;  mais,  composées  indifféremment  des  noms 
des  lieux  d'oii  venaient  ces  plantes,  des  noms  des  gens  qui  les 
avaient  envoyées,  et  même  des  noms  d'autres  plantes  avec  les- 
quelles on  leur  trouvait  quelque  similitude,  ces  phrases  étaient 
des  sources  de  nouveaux  embarras  et  de  nouveaux  doutes  , 
puisque  la  connaissance  d'une  seule  plante  exigeait  celle  de  plu- 
sieurs autres,  auxquelles  sa  phrase  renvoyait,  et  dont  les  noms 
n'étaient  pas  plus  déterminés  que  le  sien. 

Cependant  les  voyages  de  long  cours  enrichissaient  incessam- 
ment la  botanique  de  nouveaux  trésors;  et  tandis  que  les  an- 
ciens noms  accablaient  déjà  la  mémoire,  il  en  fallait  inventer 


INTIlOI>Lr.l  lOiV.  l(")3 

de  nouveaux  sans  cesse  pour  les  plantes  nouvelles  qu'on  dé- 
couvrait. Perdus  dans  ce  labyrinthe  immense,  les  botanistes, 
forcés  de  chercher  un  fil  pour  s'en  tirer,  s'attachèrent  enfin 
sérieusement  à  la  méthode.  Herman  ,  Ri  vin  ,  Ray,  proposèrent 
chacun  la  sienne;  mais  l'immortel  Tournefort  l'emporta  sur 
eux  tous  :  il  rangea  le  premier,  systématiquement,  tout  le  règne 
végétal,  et  réformant  en  partie  la  nomenclature,  la  combina 
par  ses  nouveaux  genres  avec  celle  de  Gaspar  Bauhin.  Mais 
loin  de  la  débarrasser  de  ses  longues  phrases  ,  ou  il  en  ajouta  de 
nouvelles  ,  ou  il  chargea  les  anciennes  des  additions  que  sa  mé- 
thode le  forçait  d'y  faire.  Alors  s'introduisit  l'usage  barbare  de 
lier  les  nouveaux  noms  aux  anciens  par  un  qui  quœ  quod  con- 
tradictoire ,  qui  d'une  même  plante  faisait  deux  genres  tout 
différents. 

Dens  leonis  qui  pilo  s  alla  folio  minus  villoso  :  Doria  quae  ja- 
cobœa  oricntalis  liinonii  folio  :  Titanohcratophyton  quod  lito- 
phyton  rnaiinum  albicans. 

Ainsi  la  nomenclature  se  chargeait  ;  les  noms  des  plantes  de- 
venaient non-seulement  des  phrases ,  mais  des  périodes.  Je 
n'en  citerai  qu'un  seul,  de  Plukenet ,  qui  prouvera  que  je  n'exa- 
gère pas.  «  Gramen  myloicophorum  carolinianum ,  seii  gramen 
n  altissimum  ^  panicula  viaxima  speciosa,  e  spicis  rnajoribus 
«  compressiusculis  iitrinquc  pinnatix  hlattam  niolendariam 
«  quodamrnodb  referentibus ,  composita  ,  foliis  convolutus  mu- 
<i  crondtis  pungendbus.  ^>  Almag.   137. 

C'en  était  fait  de  la  botanique  si  ces  pratiques  eussent  été 
suivies.  Devenue  absolument  insupportable,  la  nomenclature 
ne  pouvait  plus  subsister  dans  cet  état ,  et  il  fallait  de  toute  né- 
cessité qu'il  s'y  fit  une  réforme ,  ou  que  la  plus  riche ,  la  plus 
aimable ,  la  plus  facile  des  trois  parties  de  l'histoii'e  naturelle 
fût  abandonnée. 

Enfin  M.  Linnaeus ,  plein  de  son  système  sexuel ,  et  des  vastes 
idées  qu'il  lui  avait  suggérées ,  forma  le  projet  d'une  refonte  gé- 
nérale dont  tout  le  monde  sentait  le  besoin ,  mais  dont  nul  n'o- 
sait tenter  l'entreprise.  Il  fit  plus,  il  l'exécuta;  et,  après  avoir 
préparé ,  dans  son   Critica  botanica ,  les  règles  sur  lesquelles 

I  T. 


l64  INTRODUCTION. 

ce  travail  devait  être  conduit,  il  détermina,  dans  son  Gênera 
plantai  uni ,  ces  genres  des  plantes,  ensuite  les  espèces  dans 
son  Sj)ecies ;  de  sorte  que,  gardant  tous  les  anciens  noms  qui 
pouvaient  s'accorder  avec  ces  nouvelles  règles ,  et  refondant 
tous  les  autres  ,  il  établit  enfin  une  nomenclature  éclairée, 
fondée  siu'  les  vrais  principes  de  l'art,  qu'il  avait  lui-même  ex- 
posés. Il  conserva  tous  ceux  des  anciens  genres  qui  étaient 
vraiment  naturels;  il  corrigea,  simplifia,  réunit,  ou  divisa  les 
autres,  selon  que  le  requéraient  les  vrais  caractères;  et,  dans 
la  confection  des  noms ,  il  suivait ,  quelquefois  même  un  peu 
trop  sévèrement,  ses  propres  règles. 

A  l'égard  des  espèces,  il  fallait  bien,  pour  les  déterminer, 
des  descriptions  et  des  différences  ;  ainsi  les  phrases  restaient 
toujours  indispensables,  mais  s'y  bornant  à  un  petit  nombre 
de  mots  techniques  bien  choisis  et  bien  adaptés,  il  s'attacha  à 
faire  de  bonnes  et  brèves  définitions  tirées  des  vrais  caractères 
de  lî? plante,  bannissant  rigoureusement  tout  ce  qui  lui  était 
étranger.  Il  fallut  pour  cela  créer,  poiu'  ainsi  dire,  à  la  bota- 
nique une  nouvelle  langue  qui  épargnât  ce  long  circuit  de  pa- 
roles qu'on  voit  dans  les  anciennes  descriptions.'On  s'est  plaint 
que  les  mots  de  cette  langue  n'étaient  pas  tous  dans  Cicéron. 
Cette  plainte  aurait  un  sens  raisonnable,  si  Cicéron  eût  fait  un 
traité  complet  de  botanique.  Ces  mots  cependant  sont  tous  grecs 
ou  latins,  expressifs,  courts,  sonores,  et  forment  même  des 
constructions  élégantes  par  leur  extrême  précision.  C'est  dans 
la  pratique  journalière  de  l'art  qu'on  sent  tout  l'avantage  de 
cette  nouvelle  langue,  aussi  commode  et  nécessaire  aux  bota- 
nistes qu'est  celle  de  l'algèbre  aux  géomètres. 

Jusque-là  M.  Linnaeus  avait  déterminé  le  plus  gi'and  nom- 
bre des  plantes  connues,  mais  il  ne  les  avait  pas  nommées;  car 
ce  n'est  pas  nommer  une  chose  que  de  la  définir  :  une  phrase 
ne  sera  jamais  un  vrai  mot*,  et  n'en  saui'ait  avoir  l'usage.  Il 
pourvut  à  ce  défaut  par  l'invention  des  noms  triviaux  qu'il  joi- 

*  Cette  leçon  est  conforme  à  l'édition  de  Genève,  17S2,  et  à  l'édition  de  Paris 
en  3S  vol.  in- 8°.  Dans  quelques  autres,  on  lit  :  une  phrase  ne  sera  jamais  un 
irai  KOM. 


INTRODUCTION.  l65 

j^iiit  à  ceux  des  j^enres  pour  distinguer  les  csj3èces.  De  cette 
manière  le  nom  de  chaque  plante  n'est  composé  jamais  que  de 
deux  mois;  et  ces  deux  mots  seuls,  choisis  avec  discernement 
et  appliqués  avec  justesse,  font  souvent  mieux  connaître  la 
plante  que  ne  faisaient  les  longues  phrases  de  P/ïichcli  et  de 
Plukenet.  Pour  la  connaître  mieux  encore  et  plus  régulièrement, 
on  a  la  phrase  qu'il  faut  savoir  sans  doute;  mais  qu'on  n'a  plus 
besoin  de  répéter  à  tout  propos  lorsqu'il  ne  faut  que  nommer 
l'objet. 

Rien  n'était  plus  maussade  et  plus  ridicule,  lorsqu'une  femme 
ou  quelqu'un  de  ces  hommes  qui  leur  ressemblent,  vous  de- 
mandait le  nom  d'une  herbe  ou  d'une  fleur  dans  vm  jardin,  que 
la  nécessité  de  cracher  en  réponse  une  longue  enfilade  de  mots 
latins,  qui  ressemblaient  à  des  évocations  magiques;  inconvé- 
nient suffisant  pour  rebuter  ces  personnes  frivoles  d'une  étude 
charmante  offerte  avec  un  appareil  aussi  pédantesque. 

Quelque  nécessaire  ,  quelque  avantageuse  que  fût  cette  ré- 
fuiuie,  il  ne  fallait  pas  moins  que  le  profond  savoir  de  M.  Lin- 
naeus  pour  la  faii-e  avec  succès ,  et  que  la  célébrité  de  ce  grand 
naturaliste  pour  la  faire  universellement  adopter.  Elle  a  d'abord 
éprouvé  de  la  résistance,  elle  en  éprouve  encore  ;  cela  ne  sau- 
rait être  autrement  :  ses  rivaux  dans  la  même  carrière  regardent 
cette  adoption  comme  un  aveu  d'infériorité  qu'ils  n'ont  garde 
de  faire  ;  sa  nomenclature  paraît  tenir  tellement  à  son  système 
qu'on  ne  s'avise  guère  de  l'en  séparer;  et  les  botanistes  du  pre- 
mier ordre  ,  qui  se  croient  obligés,  par  hauteur,  de  n'adopter  le 
système  de  personne,  et  d'avoir  chacun  le  sien ,  n'iront  pas  sacri- 
fier leurs  prétentions  aux  progrès  d'un  art  dont  l'amour  dans 
ceux  qui  le  pi'ofessent  est  rarement  désintéressé. 

Les  jalousies  nationales  s'opposent  encoi'e  à  l'admission  d'un 
système  étranger.  On  se  croit  obligé  de  soutenir  les  illustres  de 
son  pays,  surtout  lorsqu'ils  ont  cessé  de  vivre;  car  même  l'a- 
mour-propre,  qui  faisait  souffrir  avec  peine  leur  supériorité 
durant  leur  vie,  s'honoie  de  leur  gloire  après  leur  mort. 

Malgré  tout  cela,  la  grande  commodité  de  cette  nouvelle  no- 
menclature, et  son  utilité ,  que  l'usage  a  fait  connaître,  l'ont  fait 


l66  li\  TilODLlCTlOiV. 

adopter  presque  universellement  dans  toute  l'Europe,  plus  tôt 
ou  plus  tard  à  la  vérité,  mais  enfin  à  peu  près  partout,  et 
même  à  Paris.  M.  de  Jussieu  vient  de  l'établir  au  jardin  du 
Roi,  préférant  ainsi  l'utilité  publique  à  la  gloire  d'une  nouvelle 
refonte,  que  semblait  demander  la  méthode  des  familles  natu- 
relles, dont  son  illustre  oncle  est  l'auteur.  Ce  n'est  pas  que 
cette  nomenclature  linnéenue  n'ait  encore  ses  défaixts,  et  ne 
laisse  de  grandes  prises  à  la  critique;  mais,  en  attendant  qu'on 
en  trouve  une  plus  parfaite,  à  qui  rien  ne  manque ,  il  vaut  cent 
fois  mieux  adopter  celle-là  que  de  n'en  avoir  aucune,  ou  de 
r  jtomber  dans  les  phrases  de  ïournefort  et  de  Gaspar  Bauhin. 
J'ai  même  peine  à  croire  qu'une  meilleure  nomenclature  pût 
avoir  désormais  assez  de  succès  pour  proscrire  celle-ci,  à  la- 
quelle les  botanistes  4p  l'Europe  sont  déjà  tout  accoutumés  ; 
et  c'est  par  la  double  chaîne  de  l'habitude  et  de  la  commodité 
qu'ils  y  l'énonceraient  avec  plus  de  peine  encore  qu'ils  n'en 
eurent  à  l'adopter.  Il  faudrait,  pour  opérer  ce  changement,  un 
auteur  dont  le  crédit  effaçât  celui  de  M.  Linnaeus,  et  à  l'autorité 
duquel  l'Europe  entière  voulût  se  soumettre  une  seconde  fois, 
ce  qui  me  parait  difficile  à  espérer;  car  si  son  système,  quel- 
que excellent  qu'il  puisse  être,  n'est  adopté  que  par  une  seule 
nation,  il  jettera  la  botanique  dans  un  nouveau  labyrinthe,  et 
nuira  plus  qu'il  ne  servira. 

Le  travail  même  de  M.  Linna;us,  bien  qu'inimense,  reste 
encore  imparfait,  tant  qu'il  ne  comprend  pas  toutes  les  plantes 
connues,  et  tant  qu'il  n'est  pas  adopté  par  tous  les  botanistes 
sans  exception  ;  car  les  livres  de  ceux  qui  ne  s'y  soumettent  pas 
exigent  de  la  part  des  lecteurs  le  même  travail  pour  la  con- 
cordance auquel  ils  étaient  forcés  poiu"  les  livres  qui  ont  pré- 
cédé. On  a  obligation  à  M.  Crantz,  malgré  sa  passion  contre 
M.  Linnœus ,  d'avoir,  en  rejetant  son  système,  adopté  sa  no- 
menclature. Mais  M.  Haller,  dans  son  grand  et  excellent  Traité 
des  plantes  alpines,  rejette  à  la  fois  l'un  et  l'autre,  et  M.  Adan- 
son  fait  encore  plus  ;  il  prend  une  nomenclature  toute  nou- 
velle ,  et  ne  fournit  aucun  renseignement  pour  v  rapporter 
celle  de  M.  Limifeus.  M.  Haller  cite  to  ujours  les  genres  et  quel 


INTllODUCTION.  16-7 

quefois  les  phrases  des  espèces  de  M.  Linnaeus,  mais  M.  Adan- 
son  n'en  cite  jamais  ni  genre  ni  phrase.  M.  Haller  s'attache  à 
une  synonymie  exacte,  par  laquelle,  quand  il  n'y  joint  pas  la 
phrase  de  M.  Linnaeus,  on  peut  du  moins  la  trouver  indirecte- 
ment par  le  rapport  des  synonymes.  ?vlais  M.  Linna;us  et  ses 
livres  sont  tout-à-fait  nuls  pour  M.  Adauson  et  pour  ses  lec- 
teurs; il  ne  laisse  aucun  renseignement  par  lequel  on  s'y  puisse 
reconnaître  :  ainsi  il  faut  opter  entre  M.  Linnaeus  et  M.  Adan- 
son ,  qui  l'exclut  sans  miséricorde,  et  jeter  tous  les  livres  de 
l'un  ou  de  l'autre  au  feu,  ou  bien  il  faut  entreprendre  un  nou- 
veau travail ,  qui  ne  sera  ni  couit  ni  facile,  pour  faire  accorder 
deux  nomenclatures  qui  n'offrent  aucun  point  de  réimion. 

De  plus ,  M.  Linnaeus  n'a  point  donné  une  synonymie  com- 
plète. Il  s'est  contenté,  pour  les  plantes  anciennement  connues, 
de  citer  les  Bauhin  et  Clusius,  et  une  figure  de  chaque  plante. 
Pour  les  plantes  exotiques  découvertes  récemment,  il  a  cité  un 
ou  deux  auteurs  modernes  ,  et  les  figures  de  Rheedi,  de  Rum- 
phius,  et  quelques  autres,  et  s'en  est  tenu  là.  Son  entreprise 
n'exigeait  pas  de  lui  une  compilation  plus  étendue ,  et  c'était 
assez  qu'il  donnât  un  seul  renseignement  sur  pour  chaque  plante 
dont  il  parlait. 

Tel  est  l'état  actuel  des  choses.  Or,  sur  cet  exposé,  je  de- 
mande à  tout  lecteur  sensé  comment  il  est  possible  de  s'atta- 
cher à  l'étude  des  plantes  en  rejetant  celle  de  la  nomenclature. 
C'est  comme  si  l'on  voulait  se  l'endre  savant  dans  une  langue 
sans  vouloir  en  apprendre  les  mots.  Il  est  vrai  que  les  noms 
sont  arbitraires  ,  que  la  connaissance  des  plantes  ne  tient  point 
nécessairement  à  celle  de  la  nomenclature,  et  qu'il  est  aisé  de 
supposer  qu'un  homme  intelligent  pourrait  être  un  excellent 
botaniste,  quoiqu'il  ne  connût  pas  une  seule  plante  par  son 
nom;  mais  qu'un  homme,  seul,  sans  livres  et  sans  aucun  se- 
cours des  lumières  communiquées,  parvienne  à  devenir  de 
lui-même  un  très-médiocre  botaniste ,  c'est  une  assertion  ridi- 
cule à  faire,  et  une  entreprise  impossible  à  exécuter.  Il  s'agit 
de  savoir  si  trois  cents  ans  d'études  et  d'observations  doivent 
être  perdus  pour  la  botanique  ,  si  trois  cents  volumes  de  figures 


ibo  INTRODLCTIOIV. 

et  de  descriptions  doivent  être  jetés  au  feu,  si  les  connais- 
sances acquises  par  tous  les  savants  qui  ont  consacré  leur  bourse, 
leur  vie  et  leurs  veilles,  à  des  voyages  immenses,  coûteux,  pé- 
nibles et  périlleux,  doivent  être  inutiles  à  leurs  successeurs,  et 
si  chacun,  partant  toujouis  de  zéro  pour  son  premier  point, 
pourra  parvenir  de  lui-même  aux  mêmes  connaissances  qu'une 
longue  suite  de  recherches  et  d'études  a  répandues  dans  la 
masse  du  genre  humain.  Si  cela  n'est  pas,  et  que  la  troisième 
et  plus  aimable  partie  de  l'histoire  naturelle  mérite  l'attention 
des  curieux ,  qu'on  me  dise  comment  on  s'y  prendra  pour  faire 
usage  des  connaissances  ci-devant  acquises ,  si  l'on  ne  commence 
par  apprendre  la  langue  des  auteurs ,  et  par  savoir  à  quels  ob- 
jets se  rapportent  les  noms  employés  par  chacun  d'eux.  Ad- 
mettre l'étude  de  la  botanique ,  et  rejeter  celle  de  la  nomen- 
clature, c'est  donc  tomber  dans  la  plus  absurde  contradiction. 


'^Uf&'&Q'mmmMm,- 


FRAGMENT 


POUR 


UN  DICTIONNAIRE 

DES  TERMES 

D'USAGE   EN   BOTANIQUE. 


Abrupte.  On  donne  l'épithète  ^abrupte  aux 
feuilles  pinnées,  au  sommet  desquelles  manque  la 
foliole  impaire  terminale  qu'elles  ont  ordinaire- 
ment. 

Abreuvoirs,  ou  gouttières.  Trous  qui  se  forment 
dans  le  bois  pouri  des  chicots,  et  qui,  retenant 
l'eau  des  pluies,  pourissent  enfin  le  reste  du  tronc. 

AcAULis ,  sans  tige. 

Aigrette.  Touffe  de  filaments  simples  ou  plu- 
meux  qui  couronnent  les  semences  dans  plusieurs 
genres  de  composées  et  d'autres  fleurs.  L'aigrette 
est  ou  sessile ,  c'est-à-dire  immédiatement  attachée 
autour  de  l'embryon  qui  la  porte,  ou  pédiculée, 
c'est-à-dire  portée  par  un  pied  appelé  en  latin  stipes, 
qui  la  tient  élevée  au-dessus  de  l'embryon.  L'ai- 
grette sert  d'abord  de  calice  au  fleuron,  ensuite 
elle  le  pousse  et  le  chasse  à  mesure  qu'il  se  fane , 


I^O  APH 

pour  qu'il  ne  reste  pas  sous  lu  semence  et  ne  l'em- 
pêche pas  de  mûrir  ;  elle  garantit  cette  même  se- 
mence nue  de  l'eau  de  la  pluie  qui  pourrait  la  pou- 
rir;  et  lorsque  la  semence  est  mûre,  elle  lui  sert 
d'aile  pour  être  portée  et  disséminée  au  loin  par 
les  vents. 

Ailée.  Une  feuille  composée  de  deux  folioles 
opposées  sur  le  même  pétiole  s'appelle  feuille  ailée. 

Aisselle.  Angle  aigu  ou  droit,  formé  par  une 
branche  sur  une  autre  branche ,  ou  sur  la  tige,  ou 
par  une  feuille  sur  une  branche. 

Ama.ni)e.  Semence  enfermée  dans  un  noyau. 

AiNDROGYNE.  Qui  portc  des  fleurs  mâles  et  des 
fleurs  femelles  sur  le  même  pied.  Ces  mots  andro- 
gjne  et  monoïque  signifient  absolument  la  même 
chose  :  excepté  que  dans  le  premier  on  fait  plus 
d'attention  au  différent  sexe  des  fleurs  ;  et  dans  le 
second,  à  leur  assemblage  stir  le  même  individu. 

Angiosperme  ,  à  semences  enveloppées.  Ce  terme 
d'angiosperme  convient  également  aux  fruits  à  cap- 
sule et  aux  fruits  à  baie. 

Anthère.  Capsule  ou  boîte  portée  par  le  filet  de 
l'étamine,  et  qui,  s'ouvrant  au  moment  de  la  fé- 
condation ,  répand  la  poussière  prolifique. 

Anthologie.  Discours  sur  les  fleurs.  C'est  le  titre 
d'un  livre  de  Pontedera ,  dans  lequel  il  combat  de 
toute  sa  force  le  système  sexuel,  qu'il  eût  sans 
doute  adopté  lui-même,  si  les  écrits  de  Vaillant  et 
de  Linnœus  avaient  précédé  le  sien. 

Aphrodites.  m.  Adanson  donne  ce  nom  à  des 
anirnaux  dont  chaque  indiviçlu  reproduit  son  sem- 


A  R  B  171 


blable  par  la  génération,  mais  sans  aucun  acte  ex- 
térieur de  copulation  ou  de  fécondation ,  tels  que 
quelques  pucerons,  les  conques,  la  plupart  des  vers 
sans  sexe ,  les  insectes  qui  se  reproduisent  sans  gé- 
nération, mais  par  la  section  d'une  partie  de  leur 
corps.  En  ce  sens ,  les  plantes  qui  se  multiplient 
par  boutures  et  par  caïeux  peuvent  être  appelées 
aussi  aphrodites.  Cette  irrégularité,  si  contraire  à 
la  marche  ordinaire  de  la  nature ,  offre  bien  des 
tlilïicultés  à  la  définition  de  l'espèce:  est-ce  qu'à 
proprement  parler  il  n'existerait  point  d'espèces 
dans  la  nature,  mais  seulement  des  individus?  Mais 
on  peut  douter,  je  crois,  s'il  est  des  plantes  abso- 
lument aphrodites,  c'est-à-dire  qui  n'ont  réellement 
point  de  sexe  et  ne  peuvent  se  multiplier  par  co- 
pulation. Au  reste,  il  y  a  cette  différence  entre  ces 
tleux  mots  aphrodite  et  asexe^  que  le  premier  s'ap- 
plique aux  plantes  qui ,  n'ayant  point  de  sexe ,  ne 
laissent  pas  de  multiplier,  au  lieu  que  l'autre  ne 
convient  qu'à  celles  qui  sont  neutres  ou  stériles , 
et  incapables  de  reproduire  leur  semblable. 

Aphylle.  On  pourrait  dire  effeuillé  ;  mais  e/Jeuillé 
signifie  dont  on  a  ôté  les  feuilles,  et  apIijUe ,  qui 
n'en  a  point. 

Arbre.  Plante  d'une  grandeur  considérable,  qui 
n'a  qu'un  seul  et  principal  tronc  divisé  en  mai- 
tresses  branches. 

Arbrisseau.  Plante  ligneuse  de  moindre  taille  que 
l'arbre ,  laquelle  se  divise  ordinairement  dès  la  ra- 
cine en  plusieurs  tiges.  Les  arbres  et  les  arbris- 
seaux poussent ,  en  automne ,  des  boutons  dans  les 


aisselles  des  feuilles,  qui  se  développent  dans 
le  printemps  et  s'épanouissent  en  fleurs  et  en 
fruits  :  différence  qui  les  distingue  des  sous -ar- 
brisseaux. 

Articulé.  Tige,  racines,  feuilles,  silique  :  se  dit 
lorsque  quelqu'une  de  ces  parties  de  la  plante  se 
trouve  coupée  par  des  nœuds  distribués  de  distance 
en  distance. 

AxiLLAiRE.  Qui  sort  d'une  aisselle. 

Baie.  Fruit  charnu  ou  succulent  à  une  ou  plu- 
sieurs loges. 

Balle.  Calice  dans  les  graminées. 

Boulon.  Groupe  de  fleurettes  amassées  en  tête. 

Bourgeois'.  Germe  des  feuilles  et  des  branches. 

BouToiN'.  Germe  des  fleurs. 

Bouture.  Est  une  jeune  branche  que  l'on  coupe 
à  certains  arbres  moelleux ,  tels  que  le  figuier ,  le 
saule,  le  cognassier, laquelle  reprend  en  terre  sans 
racine.  La  réussite  des  boutures  dépend  plutôt  de 
leur  facilité  à  produire  des  racines,  que  de  l'abon- 
dance de  la  moelle  des  branches;  car  l'oranger,  le 
bouis ,  l'if  et  la  sabine ,  qui  ont  peu  de  moelle ,  re- 
prennent facilement  de  bouture. 

Brawches.  Bras  pliants  et  élastiques  du  corps  de 
l'arbre:  ce  sont  elles  qui  lui  donnent  la  figure  ;  elles 
sont  ou  alternes ,  ou  opposées ,  ou  verticillées.  Le 
bourgeon  s'étend  peu  à  peu  en  branches  posées 
cpllatéralement  et  composées  des  mêmes  parties  de 
la  tige;  et  l'on  prétend  que  l'agitation  des  branches 
causée  par  le  vent  est  aux  arbres  ce  qu'est  aux  ani- 
maux l'impulsion  du  cœur.  On  distingue , 


CAL  173 

i'*  Les  maîtresses  branches,  qui  tiennent  immé- 
diatement au  tronc ,  et  d'où  partent  toutes  les 
autres. 

2°Les  branches  à  bois, qui, étant  les  jdIus  grosses 
et  pleines  de  boutons  plats,  donnent  la  forme  à  un 
arbre  fruitier,  et  doivent  le  conserver  en  partie. 

3°  Les  branches  à  fruit  sont  plus  faibles  et  ont 
des  boutons  ronds. 

4*^  Les  chiffonnes  sont  courtes  et  menues. 

5°  Les  gourmandes  sont  grosses ,  droites  et  lon- 
oues. 

6^  Les  veules  sont  longues  et  ne  promettent  au- 
cune fécondité. 

7°  Jja  branche  aoûtée  est  celle  qui,  après  le  mois 
d'août,  a  pris  naissance,  s'endurcit,  et  devient  noi- 
râtre. 

8°  Enfin,  la  branche  de  faux-bois  est  grosse  à 
l'endroit  où  elle  devrait  être  menue,  et  ne  donne 
aucune  marque  de  fécondité. 

Bulbe.  Est  une  racine  orbiculaire  composée  de 
plusieurs  peaux  ou  tuniques  emboîtées  les  unes 
dans  les  autres.  Les  bulbes  sont  plutôt  des  boutons 
sous  terre  que  des  racines,  ils  en  ont  eux-mêmes 
de  véritables,  généralement  presque  cylindriques 
et  rameuses. 

Calice.  Enveloppe  extérieure,  ou  soutien  des 
autres  parties  de  la  fleur,  etc.  Comme  il  y  a  des 
plantes  qui  n'ont  point  de  calice,  il  y  en  a  aussi 
dont  le  calice  se  métamorphose  peu  à  peu  en  feuilles 
de  la  plante,  et  réciproquement  il  y  en  a  dont  les 
feuilles  de  la  plante  se  changent  en  calice:  c'est  ce 


\'jl\  CAP 

qui  se  voit  dans  la  famille  de  quelques  renoncules, 
comme  l'anémone,  la  pidsatille,  etc. 

Campais iFORME,  ou  Campainulée,  (V.  Cloche.) 

Capillaires.  On  appelle  feuilles  capillaires,  dans 
la  famille  des  mousses,  celles  qui  sont  déliées  comme 
des  cheveux.  C'est  ce  qu'on  trouve  souvent  exprimé 
dans  le  Synopsis  de  Ray  ,  et  dans  l'histoire  des 
mousses  de  Dillen ,  par  le  mot  grec  de  trichodes. 

On  donne  aussi  le  nom  de  capillaires  à  une 
branche  de  la  famille  des  fougères,  qui  porte  comme 
elle  sa  fructification  sur  le  dos  des  feuilles,  et  ne 
s'en  distingue  que  par  la  stature  des  plantes  qui  la 
composent ,  beaucoup  plus  petite  dans  les  capil- 
laires que  dans  les  fougères. 

Caprificatiozn".  Fécondation  des  fleurs  femelles 
d'une  sorte  de  figuier  dioïque  par  la  poussière  des 
étamines  de  l'individu  mâle  appelé  caprifiguier.  Au 
moyen  de  cette  opération  de  la  nature,  aidée  en 
cela  de  l'industrie  humaine ,  les  figues  ainsi  fécon- 
dées grossissent ,  mûrissent ,  et  donnent  une  ré- 
colte meilleure  et  plus  abondante  qu'on  ne  l'ob- 
tiendrait sans  cela. 

La  merveille  de  cette  opération  consiste  en  ce 
que,  dans  le  genre  du  figuier,  les  fleurs  étant  en- 
closes dans  le  fruit,  il  n'y  a  que  celles  qui  sont 
hermaphrodites  ou  androgynes  qui  semblent  pou- 
voir être  fécondées;  car, quand  les  sexes  sont  tout- 
à-fait  séparés,  on  ne  voit  pas  comment  la  pous- 
sière des  fleurs  mâles  pourrait  pénétrer  sa  propre 
enveloppe  et  celle  du  fruit  femelle  jusqu'aux  pis- 
tils qu'elle  doit  féconder.  C'est  un  insecte  qui  se 


nK 


CAY 

charge  de  ce  transport:  une  sorte  de  moucheron 
particuhère  au  caprifiguier  y  pond,  y  éclôt,  s'y 
couvre  de  la  poussière  des  étamines,  la  porte  par 
l'œil  de  la  figue  à  travers  les  écailles  qui  en  gar- 
nissent l'entrée,  jusque  dans  l'intérieur  du  fruit ^ 
et  là, cette  poussière,  ne  trouvant  plus  d'obstacle, 
se  dépose  sur  l'organe  destiné  à  la  recevoir. 

L'histoire  de  cette  opératioii  a  été  détaillée  en 
premier  lieu  par  Théophraste ,  le  premier ,  le  plus 
savant,  ou,  pour  mieux  dire,  l'unique  et  vrai  bo- 
taniste de  l'antiquité;  et,  après  lui,  par  Pline  chez 
les  anciens;  chez  les  modernes  par  Jean  Bauhin; 
puis  par  Tournefort,  sur  les  lieux  mêmes  ;  après  lui, 
par  Pontedera ,  et  par  tous  les  compilateurs  de  bo- 
tanique et  d'histoire  naturelle,  qui  n'ont  fait  que 
transcrire  la  relation  de  Tournefort. 

Capsulairk.  Les  plantes  capsulaires  sont  celles 
dont  le  fruit  est  à  capsules.  Ray  a  fait  de  cette  di- 
vision sa  dix-neuvième  classe ,  Herba  vasculifera. 

Capsule.  Péricarpe  sec  d'un  fruit  sec;  car  on  ne 
donne  point,  par  exemple,  le  nom  de  capsule  à 
l'écorce  de  la  grenade  ,  quoique  aussi  sèche  et  dure 
que  beaucoup  d'autres  capsules ,  parce  qu'elle  en- 
veloppe un  fruit  mou. 

Capuchon  {Caljptrd).  Coiffe  pointue  qui  couvre 
ordinairement  l'urne  des  mousses.  Le  capuchon  est 
d'abord  adhérent  à  l'urne,  mais  ensuite  il  se  détache 
et  tombe  quand  elle  approche  de  la  maturité. 

Caryophyllée.  Fleur  caryophyllée  ou  en  œillet. 

Cayeux.  Bulbes  par  lesquelles  plusieurs  liliacées 
et  autres  plantes  se  reproduisent. 


J']6  COR 

Chaton.  Assemblage  de  fleurs  mâles  ou  femelles 
spiralement  attachées  à  un  axe ,  ou  réceptacle  com- 
mun ,  autour  duquel  ces  fleurs  prennent  la  figure 
d'une  queue  de  chat.  H  y  a  plus  d'arbres  à  chatons 
mâles  qu'il  n'y  en  a  qui  aient  aussi  des  chatons 
femelles. 

Chaume  ( Culmus). l^om  particulier  dont  on  dis- 
tingue la  tige  des  graminées  de  celles  des  autres 
plantes,  et  à  qui  l'on  donne  pour  caractère  propre 
d'être  géniculée  et  fistuleuse ,  quoique  beaucoup 
d'autres  plantes  aient  ce  même  caractère,  et  que 
les  laîches  et  divers  gramens  des  Indes  ne  l'aient 
pas.  On  ajoute  que  le  chaume  n'est  jamais  rameux, 
ce  qui  néanmoins  souffre  encore  exception  dans 
Yai'undo  calamagrostis ,  et  dans  d'autres. 

Cloche.  Fleurs  en  cloche ,  ou  campaniformes. 

Coloré.  Les  calices^  les  balles,  les  écailles,  les 
enveloppes ,  les  parties  extérieures  des  plantes  qui 
sont  vertes  ou  grises,  communément  sont  dites  co- 
lorées lorsqu'elles  ont  une  couleur  plus  éclatante 
et  plus  vive  que  leurs  semblables;  tels  sont  les  ca- 
lices de  la  circée,  de  la  moutarde,  de  la  carline, 
les  enveloppes  de  l'astrantia  :  la  corolle  des  orni- 
thogales  blancs  et  jaunes  est  verte  au-dessous,  et 
colorée  en-dessus;  les  écailles  du  xeran thème  sont 
si  colorées  qu'on  les  prendrait  pour  des  pétales  ; 
et  le  calice  du  polygala,  d'abord  très-coloré,  perd 
sa  couleur  peu  à  peu,  et  prend  enfin  celle  d'un 
calice  ordinaire. 

Cordon  ombilical  dans  les  capillaires  et  fougères. 

Cornet.  Sorte  de  nectaire  infundibuliforme. 


COS  lyy 

CoRYMBE.  Disposition  de  tleiir  qui  tient  le  milieu 
entre  l'ombelle  et  la  panicule;  les  pédicules  sont 
gradués  le  long  de  la  tige  comme  dans  la  panicule, 
et  arrivent  tous  à  la  même  hauteur,  formant  à  leur 
sommet  ime  surface  plane. 

Le  corymbe  diffère  de  l'ombelh^  en  ce  que  les 
pédicules  qui  le  forment,  au  lieu  de  partir  du 
même  centre,  partent,  à  différentes  hauteurs,  de 
divers  points  sur  le  même  axe. 

CoRYMBiFÈiREs.  Ce  mot  Semblerait  dcvoir  désigner 
les  plantes  à  fleurs  en  corymbe,  comme  celui  (ïoni- 
hdliferes  désigne  les  plantes  à  fleurs  en  parasol. 
Mais  l'usage  n'a  pas  autorisé  cette  analogie,  l'ac- 
ception dont  je  vais  parler  n'est  pas  même  fort 
usitée;  mais  comme  elle  a  été  employée  par  Ray 
et  par  d'autres  botanistes,  il  la  faut  connaître  pour 
les  entendre. 

Les  plantes  coiymbijeres  sont  donc  dans  la  classe 
des  composées,  et  dans  la  section  des  discoïdes 
celles  qui  portent  leurs  semences  nues,  c'est-à-dire 
sans  aigrettes  ni  filets  qui  les  couronnent  ;  tels  sont 
les  bidens,  les  armoises,  la  tanaisie,  etc.  On  obser- 
vera que  les  demi-fleuronnées ,  à  semences  nues, 
comme  la  lampsane,  l'hioseris,  la  catanance,  etc. , 
ne  s'appellent  pas  cependant  corymbifères,  parce 
qu'elles  ne  sont  pas  du  nombre  des  discoïdes. 

Cosse.  Péricarpe  des  fruits  légiuTiineux.  La  cosse 
est  composée  ordinairement  de  deux  valvules,  et 
quelquefois  n'en  a  qu'une  seide. 

CossoN.  Nouveau  sarment  qui  croît  sur  la  vigne 
après  qu'elle  est  taillée. 

R.    vu.  \'l 


T'jH  COT 

Cotylédon.  Foliole,  ou  jiartie  de  l'embryon, 
dans  laquelle  s'élaborent  et  se  préparent  les  sucs 
nutritifs  de  la  nouvelle  plante. 

Les  cotylédons,  autrement  appelés  feuilles  sé- 
minales ,  sont  les  premières  parties  de  la  plante 
qui  paraissent  Ifbrs  de  terre  lorsqu'elle  commence 
à  végéter.  Ces  premières  feuilles  sont  très-souvent 
d'une  autre  forme  que  celles  qui  les  suivent,  et 
qui  sont  les  véritables  feuilles  de  la  plante.  Car, 
pour  l'ordinaire,  les  cotylédons  ne  tardent  pas  à 
se  flétrir  et  à  tomber  peu  après  que  la  plante  est 
levée,  et  qu'elle  reçoit  par  d'autres  parties  une 
nourriture  plus  abondante  que  celle  qu'elle  tirait 
par  eux  de  la  substance  même  de  la  semence. 

Il  y  a  des  plantes  qui  n'ont  qu'un  cotylédon,  et 
qui ,  pour  cela  ,  s'appellent  monocotyledones,  tels 
sont  les  palmiers,  les  liliacées,  les  graminées,  et 
d'autres  plantes  ;  le  plus  grand  nombre  en  ont 
deux,  et  s'appellent  dicotylédones;  si  d'autres  en 
ont  davantage,  elles  s'appelleront  polycotyledones. 
Les  acotyledones  sont  celles  qui  n'ont  pas  de  co- 
tylédons, telles  que  les  fougères,  les  mousses,  les 
champignons,  et  toutes  les  cryptogames. 

Ces  différences  de  la  germination  ont  fourni  à 
Ray,  à  d'autres  botanistes,  et  en  dernier  lieu  à 
messieurs  de  Jussieu  et  Haller ,  la  première  ou  plus 
grande  division  naturelle  du  règne  végétal. 

Mais  ,  poiu^  classer  les  plantes  suivant  cette  mé- 
thode, il  faut  les  exr.miner  sortant  de  terre  dans 
leur  première  germination  ,  et  jusque  dans  la  se- 
mence même;  ce    qui  est  souvent  fort  difficile, 


DEM  179 

siutout  pour  les  plantes  marines  et  aquatiques,  et 
pour  les  arbres  et  plantes  étrangères  ou  alpines 
qui  refusent  de  germer  et  naître  dans  nos  jar- 
dins. 

Crucifère,  ou  Cruciforme,  disposé  en  forme  de 
croix.  On  donne  spécialement  le  nom  de  crucifère 
à  une  famille  de  plantes  dont  le  caractère  est  d'a- 
voir des  fleurs  composées  de  quatre  pétales  dispo- 
sés en  croix,  sur  lui  calice  composé  d'autant  de 
folioles,  et,  autour  du  pistil,  six  étamines,  dont 
deux,  égales  entre  elles,  sont  plus  courtes  que  les 
(juatre  autres,  et  les  divisent  également. 

Cupules.  Sortes  de  petites  calottes  ou  coupes 
qui  naissent  le  plus  souvent  sur  plusieius  lichens 
et  algues ,  et  dans  le  creux  desquelles  on  voit  les 
semences  naître  et  se  former ,  surtout  dans  le 
genre  appelé  jadis  hépatique  des  fontaines,  et  au- 
jourd'hui marchantia. 

Cyme,  ou  Omier.  Sorte  d'ombelle  ,  qui  n'a  rien 
de  régulier,  quoique  tous  ses  rayons  partent  du 
même  centre,  telles  sont  les  fleurs  de  l'obier,  du 
chèvrefeuille,  etc. 

Demi-fleuron.  C'est  le  nom  donné  par  Tourne- 
fort,  dans  les  fleurs  composées,  aux  fleurons  échan- 
crés  qui  garnissent  le  disque  des  lactucées,  et  à 
ceux  qui  forment  le  contour  des  radiées.  Quoique 
ces  deux  sortes  de  demi-fleurons  soient  exactement 
de  même  figure  ,  et  pour  cela  confondus  sous  le 
même  nom  par  les  botanistes,  ils  diffèrent  pour- 
tant essentiellement  en  ce  que  les  premiers  ont 
toujours  des  étamines,  et  (pie  les  autres  n'en  ont 


[8o  nRA 

jamais.  Les  demi-fleurons ,  de  même  que  les  fleu- 
rons, sont  toujours  supères,  et  portés  par  la  se- 
mence, qui  est  portée  à  son  tour  par  le  disque,  ou 
réceptacle  de  la  fleur.  Le  demi-fleuron  est  Tormé 
de  deux  parties ,  l'inférieure ,  qui  est  un  tube  ou 
cylindre  très-court,  et  la  supérieure, qui  est  plane, 
taillée  en  languette,  et  à  qui  l'on  en  donne  le  nom. 
(  Voyez  Fleuron  ,  Fleur.  ) 

DiÉciE, ou DioÉciE, habitation  séparée.  On  donne 
le  nom  de  Diécie  à  une  classe  de  plantes  compo- 
sées de  toutes  celles  qui  portent  leurs  fleurs  mâles 
sur  un  pied,  et  les  fleurs  femelles  sur  un  autre 
pied. 

DiGiTÉ.  Une  feuille  est  digitée  lorsque  ses  folioles 
partent  toutes  du  sommet  de  son  pétiole  comme 
d'un  centre  commun.  Telle  est,  par  exemple,  la 
feuille  du  maronnier  d'Inde. 

DioiQUE.  Toutes  les  plantes  de  la  diécie  sont 
dioïques. 

Disque.  Corps  intermédiaire  qui  tient  la  fleur  ou 
quelques-unes  de  ses. parties  élevées  au-dessus  du 
vrai  réceptacle. 

Quelquefois  on  appelle  disque  le  réceptacle  même, 
comme  dans  les  composées  ;  alors  on  distingue  la 
surface  du  réceptacle,  ou  le  disque,  du  contour 
qui  le  borde,  et  qu'on  nomme  rayon. 

Disque  est  aussi  un  corps  charnu  qui  se  trouve 
dans  quelques  genres  de  plante  au  fond  du  calice, 
dessous  l'embryon;  quelquefois  les  étamines  sont 
attachées  autour  de  ce  disque. 

Drageons.  Branches  enracinées  qui  tiennent  au 


Eco  i8i 

pied  d'un  arbre,  ou  au  Irouc,  dont  on  ne  peut  les 
arracher  sans  l'éclater. 

Écailles,  ou  Paillettes.  Petites  languettes  pa- 
léacées ,  qui ,  dans  plusieurs  genres  de  fleurs  com- 
posées, implantées  sur  le  réceptacle,  distinguent 
et  séparent  les  fleurons  :  quand  les  paillettes  sont  de 
simples  filets ,  on  les  appelle  des  poils  ;  mais  quand 
elles  ont  quelque  largeur ,  elles  prennent  le  nom 
d'écaillés. 

Il  est  singulier  dans  le  xéran thème  à  fleur  double , 
que  les  écailles  autour  du  disque  s'allongent,  se  co- 
lorent, et  prennent  l'apparence  de  vrais  demi-fleu- 
rons, au  point  de  tromper  à  l'aspect  quiconque 
n'y  regarderait  pas  de  bien  près. 

On  donne  très -souvent  le  nom  d'écaillés  aux 
calices  des  chatons  et  des  cônes  :  on  le  donne  aussi 
aux  folioles  des  calices  imbriqués  des  fleurs  en  tète, 
tels  que  les  chardons,  les  jacées,  et  à  celles  des 
calices  de  substance  sèche  et  scarieuse  du  xéran- 
thème  et  de  la  catananche. 

La  tige  des  plantes  dans  quelques  espèces  est 
aussi  chargée  d'écaillés  :  ce  sont  des  rudiments  co- 
riaces de  feuilles  qui  quelquefois  en  tiennent  lieu , 
comme  dans  l'orobanche  et  le  tussilage. 

Enfin  on  appelle  encore  écailles  les  enveloppes 
imbriquées  des  balles  de  plusieurs  liliacées ,  et  les 
balles  ou  calices  aplatis  des  schœnus,  et  d'autres 
graminacées.. 

ÉcoRCE.  Vêtement  ou  partie  enveloppante  du 
tronc  et  des  branches  d'un  arbre.  L'écorce  est 
moyenne  entre  Fépiderme  à  l'extérieur,  et  le  liber 


uSa  ÉPI 

à  l'intérieur  ;  ces  trois  enveloppes  se  réunissent  sou- 
vent d'ans  l'usage  vulgaire ,  sous  le  nom  commun 
d'écorce. 

Édule  (  Edulis  ) ,  bon  à  manger.  Ce  mot  est  du 
nombre  de  ceux  qu'il  est  à  désirer  qu'on  fasse  pas- 
ser du  latin  dans  la  langue  universelle  de  la  bo- 
tanique. 

Entre-noeuds.  Ce  sont ,  dans  les  chaumes  des 
graminées ,  les  intervalles  qui  séparent  les  nœuds 
d'où  naissent  les  feuilles.  Il  y  a  quelques  gramens, 
mais  en  bien  petit  nombre ,  dont  le  chaume ,  nu 
d'un  bout  à  l'autre,  est  sans  nœud,  et,  par  con- 
séquent, sans  entre-nœuds, tel ,  par  exemple,  que 
Caira  cœrulea. 

,  Enveloppe.  Espèce  de  calice  qui  contient  plu- 
sieurs fleurs,  comme  dans  le  pied-de-veau,  le  fi- 
guier, les  fleurs  à  fleurons.  Les  fleurs  garnies 
d'une  enveloppe  ne  sont  pas  pour  cela  dépour- 
vues de  calice. 

Éperon.  Protubérance  en  forme  de  cône  droit 
ou  recourbé,  faite  dans  plusieurs  sortes  de  fleurs 
par  le  prolongement  du  nectaire  ;  tels  sont  les  épe- 
rons des  orchis  ,  des  linaires ,  des  ancolies ,  des 
pieds- d'alouettes  ,  de  plusieurs  géranium,  et  de 
beaucoup  d'autres  plantes. 

Épi.  Forme  de  bouquet  dans  laquelle  les  fleurs 
sont  attachées  autour  d'un  axe  ou  réceptacle  com- 
mun formé  par  l'extrémité  du  chaume  ou  de  la 
tige  unique.  Quand  les  fleurs  sont  pédiculées , 
pourvu  que  tous  les  pédicules  soient  simples  et 
attachés  immédiatement  à  l'axe  ,  le  bouquet  s'ap- 


FKIJ  i83 

pellf  toujours  épi;  mais  clans  Tépi,  rigoureuse- 
ment pris,  les  fleurs  sont  sessiles. 

Épiderme  (!').  Est  la  peau  fine  extérieure  qui 
enveloppe  les  couches  corticales;  c'est  une  mem- 
brane très -fine,  transparente,  ordinairement  sans 
couleur,  élastique,  et  un  peu  poreuse. 

Espèce.  Réunion  de  plusieurs  variétés  ou  indivi- 
dus sous  un  caractère  commun  qui  les  distingue 
de  toutes  les  autres  plantes  du  même  genre. 

Étamines.  Agents  masculins  de  la  fécondation  : 
leur  forme  est  ordinairement  celle  d'un  filet  qui 
supporte  une  tète  appelée  anthère  ou  sommet. 
Cette  anthère  est  une  espèce  de  capsule  qui  con- 
tient la  poussière  prolifique  :  cette  poussière  s'é- 
chappe ,  soit  par  explosion  ,  soit  par  dilatation ,  et 
va  s'introduire  dans  le  stigmate  pour  être  portée 
jusqu'aux  ovaires  qu'elle  féconde.  Les  étamines 
varient  par  la  forme  et  par  le  nombre. 

Etendard.  Pétale  supérieur  des  fleurs  légumi- 
neuses. 

Fane.  La  fane  d'une  plante  est  l'assemblage  des 
feuilles  d'en-bas. 

FÉCONDATION.  Opération  naturelle  par  laquelle 
les  étamines  portent ,  au  moyen  du  pistil ,  jusqu'à 
l'ovaire  le  principe  de  vie  nécessaire  à  la  matura- 
tion des  semences  et  à  leur  germination. 

Feuilles.  Sont  des  organes  nécessaires  aux  plantes 
pour  pomper  l'humidité  de  l'air  pendant  la  nuit 
et  faciliter  la  transpiration  durant  le  jour  :  elles 
suppléent  encore  dans  les  végétaux  au  mouvement 
progressif  et  spontané  des  animaux,  en  donnant 


l84  FLE 

prise  au  vent  pour  agiter  les  plantes  et  les  rendre 
plus  robustes.  Les  plantes  alpines ,  sans  cesse  bat- 
tues du  vent  et  des  ouragans,  sont  toutes  fortes  et 
vigoureuses  :  au  contraire ,  celles  qu'on  élève  dans 
un  jardin  ont  un  air  trop  calme ,  y  prospèrent 
moins,  et  souvent  languissent  et  dégénèrent. 

Filet.  Pédicule  qui  soutient  l'étamine.  On  donne 
aussi  le  nom  de  filets  aux  poils  qu'on  voit  sur  la 
surface  des  tiges,  des  feuilles,  et  même  des  fleurs 
de  plusieurs  plantes. 

Fleur.  Si  je  livrais  mon  imagination  aux  douces 
sensations  que  ce  mot  semble  appeler,  je  pourrais 
faire  un  article  agréable  peut-être  aux  bergers, 
mais  fort  mauvais  pou  ries  botanistes  :  écartons  donc 
un  moment  les  vives  couleurs ,  les  odeurs  suaves , 
les  formes  élégantes ,  pour  chercher  premièrement 
à  bien  connaître  l'être  organisé  qui* les  rassemble. 
Rien  ne  parait  d'abord  plus  facile  :  qui  est-ce  qui 
croit  avoir  besoin  qu'on  lui  apprenne  ce  qn.e  c'est 
qu'une  fleur?  Quand  on  ne  me  demande  pas  ce 
que  c'est  que  le  temps,  disait  saint  Augustin  ,  je  le 
sais  fort  bien  ;  je  ne  le  sais  plus  quand  on  me  le 
demande.  On  en  pourrait  dire  autant  de  la  fleur 
et  peut-être  de  la  beauté  même,  qui ,  comme  elle , 
est  la  rapide  proie  du  temps.  En  effet,  tous  les  bo- 
tanistes qui  ont  voulu  donner  jusqu'ici  des  défini- 
tions de  la  fleur  ont  échoué  dans  cette  entreprise, 
et  les  plus  illustres ,  tels  que  MM.  Linnœus ,  Haller , 
Adanson,  qui  sentaient  mieux  la  difficulté  que  les 
autre?,  n'ont  pas  même  tenté  de  la  surmonter, et 
ont  laissé  la  fleur  à  définir.  Le  premier  a  bien 


FLE  i8:) 

donné  dans  sa  Pliilosop/iie  botanique  les  définitions 
de  Jungins ,  de  Ray,  de  Tournefort ,  de  Pontedera , 
de  Ludwig,  mais  sans  en  adopter  aucune  et  sans  en 
proposer  de  son  chef. 

Avant  lui  Pontedera  avait  bien  senti  et  bien  ex- 
posé cette  difficulté  ;  mais  il  ne  put  résister  à  la 
tentation  de  la  vaincre.  Le  lecteur  pourra  bientôt 
juger  du  succès.  Disons  maintenant  en  quoi  cette 
difficulté  consiste,  sans  néanmoins  compter,  si  je 
tente  à  mon  tour  de  lutter  contre  elle,  de  réussir 
mieux  qu'on  n'a  fait  jusqu'ici. 

On  me  présente  une  rose ,  et  l'on  me  dit  :  Voilà 
une  fleur.  C'est  me  la  montrer,  je  l'avoue ,  mais  ce 
n'est  pas  la  définir,  et  cette  inspection  ne  me  suf- 
fira pas  pour  décider  sur  toute  autre  plante  si  ce 
que  je  vois  est  ou  n'est  pas  la  fleur;  car  il  y  a  une 
multitude  de  végétaux  qui  n'ont,  dans  aucune  de 
leurs  parties ,  la  couleur  apparente  que  Ray ,  Tour- 
nefort ,  Jungins ,  font  entrer  dans  la  définition  de 
la  fleur ,  et  qui  pourtant  portent  des  fleurs  non 
moins  réelles  que  celles  du  rosier ,  quoique  bien 
moins  apparentes. 

On  prend  généralement  pour  la  fleur  "la  partie 
colorée  de  la  fleur  qui  est  la  corolle ,  mais  on  s'y 
trompe  aisément:  il  y  a  des  bractées  et  d'autres 
organes  autant  et  plus  colorés  que  la  fleur  même 
et  qui  n'en  font  point  partie ,  comme  on  le  voit 
dans  l'ormin ,  dans  le  blé-de-vache ,  dans  plusieurs 
amaranthes  et  chenopodium;  il  y  a  des  multitudes 
de  fleurs  qui  n'ont  point  du  tout  de  corolle ,  d'au- 
tres qui  l'ont  sans  couleur ,  si  petite  et  si  peu  ap- 


l86  F  LE 

parente,  qu'il  n'y  a  qu'une  recherche  bien  soi- 
gneuse qui  puisse  l'y  faire  trouver.  Lorsque  les 
blés  sont  en  fleur ,  y  voit-on  des  pétales  colorés  ? 
en  voit-on  clans  les  mousses ,  dans  les  graminées  ? 
en  voit-on  dans  les  chatons  du  noyer ,  du  hêtre  et 
du  chêne  ,  dans  l'aune,  dans  le  noisetier,  dans  le 
pin ,  et  dans  ces  multitudes  d'arbres  et  d'herbes 
qui  n'ont  que  des  fleurs  à  étamines  ?  Ces  fleurs 
néanmoins  n'en  portent  pas  moins  le  nom  de  fleur  : 
l'essence  de  la  fleur  n'est  donc  pas  dans  la  corolle. 
Elle  n'est  pas  non  plus  séparément  dans  aucune 
des  autres  parties  constituantes  de  la  fleur,  puis- 
qu'il n'y  a  aucune  de  ces  parties  qui  ne  manque  à 
quelques  espèces  de  fleurs  :  le  calice  manque ,  par 
exemple,  à  presque  toute  la  famille  des  liliacées,  et 
l'on  ne  dira  pas  qu'une  tulipe  ou  un  lis  ne  sont  pas 
une  fleur.  S'il  y  a  quelques  parties  plus  essentielles 
que  d'autres  à  une  fleur,  ce  sont  certainement  le 
pistil  et  les  étamines  :  or ,  dans  toute  la  famille  des 
cucurbitacées ,  et  même  dans  toute  la  classe  des 
monoïques,  la  moitié  des  fleurs  sont  sans  pistil, 
l'autre  moitié  sans  étamines  ,  et  cette  privation 
n'empêche  pas  qu'on  ne  les  nomme  et  qu'elles  ne 
soient  les  unes  et  les  autres  de  véritables  fleurs. 
L'essence  de  la  fleur  ne  consiste  donc  ni  séparé- 
ment dans  quelques-unes  de  ses  parties  dites  con- 
stituantes ,  ni  même  dans  l'assemblage  de  toutes 
ces  parties.  En  quoi  donc  consiste  proprement 
cette  essence  ?  Voilà  la  question,  voilà  la  difficidté , 
et  voici  la  solution  par  laquelle  Pontedera  a  tâché 
<le  s'en  tirer. 


l'LJ:  187 

La  {leur  ,  dit-il ,  est  une  partie  dans  la  plante ,  dif- 
férente dçs  autres  par  sa  nature  et  par  sa  forme  , 
toujours  adhérente  et  utile  à  l'embryon  ,  si  la 
fleur  a  un  pistil;  et,  si  le  pistil  manque,  ne  tenant 
à  nul  embryon. 

Cette  définition  pèche ,  ce  me  semble ,  en  ce 
qu'elle  embrasse  trop  ;  car,  lorsque  le  pistil  manque , 
la  fleur  n'ayant  plus  d'autres  caractères  que  de  dif- 
férer des  autres  parties  de  la  plante  par  sa  nature 
et  par  sa  forme,  on  pourra  donner  ce  nom  aux 
bractées ,  aux  stipules,  aux  nectarium  ,  aux  épines , 
et  à  tout  ce  qui  n'est  ni  feuilles  ni  branches;  et 
quand  la  corolle  est  tombée  et  que  le  fruit  approche 
de  sa  maturité ,  on  pourrait  encore  donner  le  nom 
de  fleur  au  calice  et  au  réceptacle,  quoique  réel- 
lement il  n'y  ait  alors  plus  de  fleur.  Si  donc  cette 
définition  convient  omni,  elle  ne  convient  pas  soli^ 
et  manque  par  là  d'une  des  deux  principales  condi- 
tions requises  :  elle  laisse  d'ailleurs  un  vide  dans  l'es- 
prit ,  qui  est  le  plus  grand  défaut  qu'une  définition 
puisse  avoir  ;  car ,  après  avoir  assigné  l'usage  de  la 
fleur  au  profit  de  l'embryon  quand  elle  y  adhère , 
elle  fait  supposer  totalement  inutile  celle  qui  n'y 
adhère  pas,  et  cela  remplit  mal  l'idée  que  le  bo- 
taniste doit  avoir  du  concours  des  parties  et  de 
leur  emploi  dans  le  jeu  de  la  machine  organique. 
Je  crois  que  le  défaut  général  vient  ici  d'avoir 
trop  considéré  la  fleur  comme  une  substance  ab- 
solue, tandis  qu'elle  n'est,  ce  me  semble,  qu'un 
être  collectif  et  relatif;  et  d'avoir  trop  raffiné  sur 
les  idées,  tandis  qu'il  fallait  se  borner  à  celle  qui 


l88  FLE 

se  présentait  naturellement.  Selon  cette  idée,  la 
fleur  ne  me  parait  être  que  l'état  passager  des  par- 
ties de  la  fructification  durant  la  fécondation  du 
germe  :  de  là  suit  que ,  quand  toutes  les  parties  de 
la  fructification  seront  réunies,  il  n'y  aura  qu'une 
fleur  ;  quand  elles  seront  séparées ,  il  y  en  aura  au- 
tant qu'il  y  a  de  parties  essentielles  à  la  féconda- 
tion; et,  comme  ces  parties  essentielles  ne  sont 
qu'au  nombre  de  deux,  savoir,  le  pistil  et  les  éta- 
mines ,  il  n'y  aura  par  conséquent  que  deux  fleurs , 
l'une  mâle  et  l'autre  femelle ,  qui  soient  nécessaires 
à  la  fructification.  On  en  peut  cependant  supposer 
une  troisième  qui  réunirait  les  sexes  séparés  dans 
les  deux  autres;  mais  alors,  si  toutes  ces  fleurs 
étaient  également  fertiles ,  la  troisième  rendrait  les 
deux  autres  superflues  et  pourrait  seule  suffire  à 
l'œuvre,  ou  bien  il  y  aurait  réellement  deux  féconda- 
tions ;  et  nous  n'examinons  ici  la  fleur  que  dans  une. 

La  fleur  n'est  donc  que  le  foyer  et  l'instrument 
de  la  fécondation  :  une  seule  suffit  quand  elle  est 
hermaphrodite  ;  quand  elle  n'est  que  mâle  ou  fe- 
melle, il  en  faut  deux  :  savon', une  de  chaque  sexe; 
et  si  l'on  fait  entrer  d'autres  parties,  comme  le  ca- 
lice et  la  corolle ,  dans  la  composition  de  la  fleur , 
ce  ne  peut  être  comme  essentielles,  mais  seulement 
comme  nutritives  et  conservatrices  de  celles  qui 
le  sont.  Il  y  a  des  fleurs  sans  calice  ;  il  y  en  a  sans 
corolle;  il  y  en  a  même  sans  l'un  et  sans  l'autre: 
mais  il  n'y  en  a  point,  et  il  n'y  en  saurait  avoir  qui 
soient  en  même  temps  sans  pistil  et  sans  étamines. 

La  fleur  est  une  partie  locale  et  passagère  de  la 


plante  qui  précède  la  fécondation  du  germe ,  et  dans 
laquelle  ou  par  laquelle  elle  s'opère. 

Je  ne  m'étendrai  pas  à  justifier  ici  tous  les  termes 
de  cette  définition  qui  peut-être  n'en  vaut  pas  la 
peine;  je  dirai  seulement  que  le  mot  précède  m'y 
paraît  essentiel  ,  parce  que  le  plus  souvent  la  co- 
rolle s'ouvre  et  s'épanouit  avant  que  les  anthères 
s'ouvrent  à  leur  tour;  et,  dans  ce  cas,  il  est  incon- 
testable que  la  fleur  préexiste  à  l'œuvre  de  la  fé- 
condation. J'ajoute  que  cette  fécondation  s'opère 
dans  elle  ou  par  elle,  parce  que,  dans  les  fleurs 
mâles  des  plantes  androgynes  et  dioïques,  il  ne 
s'opère  aucune  fructification  ,  et  qu'elles  n'en  sont 
pas  moins  des  fleurs  pour  cela. 

Voilà,  ce  me  semble ,  la  notion  la  plus  juste  qu'on 
puisse  se  faire  de  la  fleur,  et  la  seule  qui  ne  laisse 
aucune  prise  aux  objections  qui  renversent  toutes 
les  autres  définitions  qu'on  a  tenté  d'en  donner  jus- 
qu'ici :  il  faut  seulement  ne  pas  prendre  trop  stric- 
tement le  mot  durant,  que  j'ai  employé  dans  la 
mienne  ;  car  même  avant  que  la  fécondation  du 
germe  soit  commencée,  on  peut  dire  que  la  fleur 
existe  aussitôt  que  les  organes  sexuels  sont  en  évi- 
dence, c'est-à-dire  aussitôt  que  la  corolle  est  épa- 
nouie; et  d'ordinaire  les  anthères  ne  s'ouvrent  pas 
à  la  poussière  séminale,  dès  l'instant  que  la  corolle 
s'ouvre  aux  anthères,  dépendant  la  fécondation  ne 
peut  commencer  avant  que  les  anthères  soient  ou- 
vertes :  de  même  l'œuvre  de  la  fécondation  s'achève 
souvent  avant  que  la  corolle  se  flétrisse  et  tombe; 
or,  jusqu'à  cette  chute,  on  peut  dire  que  la  fleur 


I{)0  FLE 

existe  encore.  Il  laiit  donc  donner  nécessairement 
lin  peu  d'extension  au  mot  durant ,  pour  pouvoir 
tlire  que  la  fleur  et  l'oeuvre  de  la  fécondation  com- 
mencent et  finissent  ensemble. 

Comme  ajénéralement  la  fleur  se  fait  remarquer 
j^ar  sa  corolle ,  partie  bien  plus  apparente  que  les 
autres  par  la  vivacité  de  ses  couleurs ,  c'est  dans 
cette  corolle  aussi  qu'on  fait  machinalement  con- 
sister l'essence  de  la  fleur,  et  les  botanistes  eux- 
mêmes  ne  sont  pas  toujours  exempts  de  cette  petite 
illusion ,  car  souvent  ils  emploient  le  mot  de  fleur 
pour  celui  de  corolle;  mais  ces  petites  improprié- 
tés d'inadvertance  importent  peu  quand  elles  ne 
changent  rien  aux  idées  qu'on  a  des  choses  quand 
on  y  pense.  De  là  ces  mots  de  fleurs  monopétales , 
polypétales ,  de  fleurs  labiées ,  personnées ,  de  fleurs 
régulières,  irrégulières,  etc. ,  qu'on  trouve  fréquem- 
ment dans  les  livres  même  d'institution.  Cette  pe- 
tite impropriété  était  non-seulement  pardonnable, 
mais  persque  forcée  à  Tournefcrrt  et  à  ses  contem- 
porains, qui  n'avaient  pas  encore  le  mot  de  corolle , 
et  l'usage  s'en  est  conservé  depuis  eux  par  l'habi- 
tude, sans  grand  inconvénient;  mais  il  ne  serait 
pas  permis  à  moi  qui  remarque  cette  incorrection 
de  l'imiter  ici  ;  ainsi  je  renvoie  au  mot  Corolle  à 
parler  de  ses  formes  diverses  et  de  ses  divisions. 

Mais  je  dois  parler  ici  des  fleurs  composées  et 
simples,  parce  que  c'est  la  fleur  même  et  non  la 
corolle  qui  se  compose,  comme  on  le  va  voir  après 
l'exposition  des  parties  de  la  fleur  simple. 

On  divise  cette  fleur  en  complète  et  incomplète. 


F  L  K  I  tj  ï 

La  fleur  complète  est  celle  qui  contient  toutes  les 
parties  essentielles  ou  concourantes  à  la  fructifl- 
[^ation ,  et  ces  pai-ties  sont  au  nombre  de  quatre  : 
ieux  essentielles,  savoir,  le  pistil  et  Tétamine,  ou 
ies  étamines;et  deux  accessoires  ou  concourantes, 
savoir,  la  corolle  et  le  calice;  à  quoi  l'on  doit  ajouter 
le  disque  ou  réceptacle  qui  porte  le  tout. 

La  fleur  est  complète  quand  elle  est  composée 
lie  toutes  ces  parties;  quand  il  lui  en  manque  quel- 
qu'une ,  elle  est  incomplète.  Or ,  la  fleur  incomplète 
peut  manquer  non-seulement  de  corolle  et  de  ca- 
lice ,  mais  même  de  pistil  ou  d'étamines  ;  et  dans 
ce  dernier  cas,  il  y  a  toujours  une  autre  fleur,  soit 
sur  le  même  individu,  soit  sur  un  différent,  qui 
porte  l'autre  partie  essentielle  qui  manque  à  celle- 
ci;  de  là  la  division  en  fleurs  hermaphrotlites,  qui 
peuvent  être  complètes  ou  ne  l'être  pas,  et  en  fleurs 
purement  mâles  ou  femelles,  qui  sont  toujours  in- 
complètes. 

La  fleur  hermaphrodite  incomplète  n'en  est  pas 
moins  parfaite  pour  cela,  puisqu'elle  se  sufflt  à  elle- 
même  pour  opérer  la  fécondation  ;  mais  elle  ne  peut 
être  appelée  complète,  puisqu'elle  manque  de  quel- 
qu'une des  parties  de  celles  qu'on  appelle  ainsi. 
Une  rose,  un  œillet,  soiit,  par  exemple,  des  fleuis 
parfaites  et  complètes,  parce  qu'elles  sont  pourvues 
de  toutes  ces  parties.  Mais  une  tulipe,  un  lis,  ne 
sont  point  des  fleurs  complètes,  quoique  parfaites, 
parce  qu'elles  n'ont  point  de  calice;  de  même  la 
jolie  petite  fleur  appelée  paronychia  est  parfaite 
comme  hermaphrodite;  mais  elle  est  incomplète. 


\^J.  F  LE 

parce  que ,  malgré  sa  riante  couleur,  il  lui  manque 
une  corolle. 

Je  pourrais ,  sans  sortir  encore  de  la  section  des 
fleurs  simples ,  parler  ici  des  fleurs  régulières ,  et 
des  fleurs  appelées  irrégulières.  Mais ,  comme  ceci 
se  rapporte  principalement  à  la  corolle ,  il  vaut 
mieux  sur  cet  article  renvoyer  le  lecteur  à  ce  mot. 
Reste  donc  à  parler  des  oppositions  que  peut  souf- 
frir ce  nom  de  fleur  simple. 

Toute  fleur  d'où  résulte  une  seule  fructification 
est  une  fleur  simple.  Mais  si  d'une  seule  fleur  ré- 
sultent plusieurs  fruits ,  cette  fleur  s'appellera  com- 
posée, et  cette  pluralité  n'a  jamais  lieu  dans  les 
fleurs  qui  n'ont  qu'une  corolle.  Ainsi  toute  fleur 
composée  a  nécessairement  non -seulement  plu- 
sieurs pétales,  mais  plusieurs  corolles;  et,  pour  que 
la  fleur  soit  réellement  composée ,  et  non  pas  une 
seule  agrégation  de  plusieurs  fleurs  simples ,  il  faut 
que  quelqu'ime  des  parties  de  la  fructification  soit 
commune  à  tous  les  fleurons  composants ,  et  man- 
que à  chacun  d'eux  en  particulier. 

Je  prends ,  par  exemple ,  une  fleur  de  laitron ,  la 
voyant  remplie  de  plusieurs  petites  fleurettes,  et 
je  me  demande  si  c'est  une  fleur  composée.  Pour 
savoir  cela,  j'examine  toutes  les  parties  de  la  fruc- 
tification l'une  après  l'autre,  et  je  trouve  que  cha- 
que fleurette  a  des  étamines,  un  pistil,  une  corolle, 
mais  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  réceptacle  en  forme  de 
disque  qui  les  reçoit  toutes,  et  qu'il  n'y  a  qu'un 
seul  grand  calice  qui  les  environne; d'où  je  conclus, 
que  la  fleur  est  composée ,  puisque  deux  parties  de 


F  LE  I9J 

la  fructification,  savoir  le  calice  et  le  réceptacle, 
sont  communes  à  toutes  et  manquent  à  chacune 
en  particulier. 

Je  prends  ensuite  une  fleur  de  scabieuse  où  je 
distingue  aussi  plusieurs  fleurettes;  je  l'examine  de 
même ,  et  je  trouve  que  chacune  d'elles  est  pourvue 
en  son  particulier  de  toutes  les  parties  de  la  fruc- 
tification ,  sans  en  excepter  le  calice  et  même  le 
réceptacle ,  puisqu'on  peut  regarder  comme  tel  le 
second  calice  qui  sert  de  base  à  la  semence.  Je  con- 
clus donc  que  la  scabieuse  n'est  point  une  fleur 
composée ,  quoiqu'elle  rassemble  comme  elle  plu- 
sieurs fleurettes  sur  un  même  disque  et  dans  un 
même  calice. 

Comme  ceci  pourtant  est  sujet  à  dispute, surtout 
à  cause  du  réceptacle ,  on  tire  des  fleurettes  mêmes 
un  caractère  plus  sur,  qui  convient  à  toutes  celles 
qui  constituent  proprement  une  fleur  composée  et 
qui  ne  convient  qu'à  elles  ;  c'est  d'avoir  cinq  éta- 
mines  réunies  en  tube  ou  cylindre  par  leurs  an- 
thères autour  du  style ,  et  divisées  par  leurs  cinq 
filets  au  bas  de  la  corolle  :  toute  fleur  dont  les  fleu- 
rettes ont  leurs  anthères  ainsi  disposées  est  donc 
une  fleur  composée ,  et  toute  fleur  où  l'on  ne  voit 
aucune  fleurette  de  cette  espèce  n'est  point  une 
fleur  composée,  et  ne  porte  même  au  singulier 
qu'improprement  le  nom  de  fleur,  puisqu'elle  est 
î'éellement  une  agrégation  de  plusieurs  fleurs. 

Ces  fleurettes  partielles  qui  ont  ainsi  leurs  an- 
thères réunies,  et  dont  l'assemblage  forme  une 
fleur  véritablement  composée ,  sont  de  deux  es- 

R.  VII.  i3 


194  I"LE 

pèces  :  les  unes ,  qui  sont  régulières  et  tubulées  , 
s'appellent  proprement  fleurons;  les  autres,  qui 
sont  échancrées  et  ne  présentent  par  le  haut  qu'une 
languette  plane  et  le  plus  souvent  dentelée,  s'ap- 
pellent demi-fleurons;  et  des  combinaisons  de  ces 
deux  espèces  dans  la  fleur  totale  résultent  trois 
sortes  principales  de  fleurs  composées,  savoir, 
celles  qui  ne  sont  garnies  que  de  fleurons ,  celles 
qui  ne  sont  garnies  que  de  demi-fleurons ,  et  celles 
qui  sont  mêlées  des  uns  et  des  autres. 

Les  fleurs  à  fleurons  ou  fleurs  fleuronnées  se 
divisent  encore  en  deux  espèces,  relativement  à. 
leur  forme  extérieure.  Celles  qui  présentent  une 
figure  arrondie  en  manière  de  tète  ,  et  dont  le  ca-| 
lice  approche  de  la  forme  hémisphérique  ,  s'appel- 
lent fleurs  en  tète,  capitati:  tels  sont,  par  exemple 
les  chardons ,  les  artichauts ,  la  chaussetrape. 

Celles  dont  le  réceptacle  est  plus  aplati ,  en  sorte 
que  leurs  fleurons  forment  avec  le  calice  une  fi- 
gure à  peu  près  cylindrique ,  s'appellent  fleurs  en 
disque , r/wcoiV/ez  :  la  saiitoline ,  par  exemple,  et  Veu- 
patoire,  offrent  des  fleurs  en  disque  ou  discoïdes. 

Les  fleurs  à  demi-fleurons  s'appellent  demi-fleu- 
ronnées,  et  leur  figure  extérieure  ne  varie  pas 
assez  régulièrement  pour  offrir  une  division  sem- 
blable à  la  précédente.  Le  salsifis ,  la  scorsonère , 
]e  pissenlit  y  la  chicorée^  ont  des  fleurs  demi-fleuron- 
nées. 

A  l'égard  des  fleurs  mixtes,  les  demi -fleurons 
ne  s'y  mêlent  pas  parmi  les  fleurons  en  confusion, 
sans  ordre;  mais   les  fleurons  occupent  le  centre 


du  disque ,  les  demi-fleurons  en  garnissent  la  cir- 
conférence et  forment  une  couronne  à  la  fleur ,  et 
ces  fleurs  ainsi  couronnées  \)ortent]e  nom  de  f/ears 
radiées.  Les  veines  marguerites  et  tous  les  asters,  le 
souci,  les  soleils,  la  poire-de-terre ,  portent  tous  des 
fleurs  radiées. 

Toutes  ces  sections  forment  encore  dans  les 
fleurs  composées,  et  relativement  au  sexe  des  fleu- 
rons, d'autres  divisions  dont  il  sera  parlé  dans  l'ar- 
ticle Fleuron. 

Les  fleurs  simples  ont  une  autre  sorte  d'oppo- 
sition dans  celles  qu'on  appelle  fleurs  doubles  ou 
pleines. 

La  fleur  double  est  celle  dont  quelqu'une  des 
parties  est  multipliée  au-delà  de  son  nombre  na- 
turel, mais  sans  que  cette  multiplication  nuise  à 
la  fécondation  du  germe. 

Les  fleurs  se  doublent  rarement  par  le  calice , 
presque  jamais  par  les  étamines.  Leur  multiplica- 
tion la  plus  commune  se  fait  par  la  corolle.  Les 
exemples  les  plus  fréquents  en  sont  dans  les  fleurs 
polypétales ,  comme  oeuillets,  anémones,  renon- 
cules ;  les  fleurs  monopétales  doublent  moins  com- 
munément. Cependant  on  voit  assez  souvent  des 
campanules  ,  des  primevères  ,  des  auricules  ,  et 
surtout  des  jacinthes  à  fleur  double. 

Ce  mot  de  fleur  double  ne  marque  pas  dans  le 
nombre  des  pétales  une  simple  duplication,  mais 
une  multiplication  quelconque.  Soit  que  le  nombre 
des  pétales  devienne  double,  triple ,  quadruple,  etc., 
tant  qu'ils  ne  multiplient  pas  au  point  d'étouffer 

i3. 


\Ç)6  F  LE 

la  fructification ,  la  fleur  garde  toujours  le  nom  de 
fleur  double  ;  mais,  lorsque  les  pétales  trop  mul- 
tipliées font  disparaître  les  étamines  et  avorter  le 
germe,  alorsla  fleur  perd  le  nom  de  fleur  double  et 
prend  celui  de  fleur  pleine. 

On  voit  par  là  que  la  fleur  double  est  encore 
dans  l'ordre  de  la  nature,  mais  que  la  fleur  pleine 
n'y  est  plus  et  n'est  qu'un  véritable  monstre. 

Quoique  la  plus  commune  plénitude  des  fleurs 
se  fasse  par  les  pétales  ,  il  y  en  a  néanmoins  qui  se 
remplissent  par  le  calice,  et  nous  eh  avons  un 
exemple  bien  remarquable  dans  V immortelle ,  ap- 
pelée xerantheme.  Cette  fleur,  qui  paraît  radiée 
et  qui  réellement  est  discoïde,  porte  ainsi  que  la 
carline  un  calice  imbriqué ,  dont  le  rang  intérieur 
a  ses  folioles  longues  et  colorées  ;  et  cette  fleur  , 
quoique  composée,  double  et  multiplie  tellement 
par  ses  brillantes  folioles,  qu'on  les  prendrait,  gar- 
nissant la  plus  grande  partie  du  disque,  pour  au- 
tant de  demi-fleurons. 

Ces  fausses  apparences  abusent  souvent,  les 
yeux  de  ceux  cpii  ne  sont  pas  botanistes  ;  mais 
quiconque  est  initié  dans  l'intime  structure  des 
fleurs  ne  peut  s'y  tromper  un  moment.  Une  fleur 
demi-fleuronnée  ressemble  e^^térieiu^ement  à  une 
flem^  polypétale  pleine  ;  mais  il  y  a  toujours  cette 
différence  essentielle,  que  dans  la  première  chaque 
demi-fleuron  est  une  fleiu^  parfaite  qui  a  son  em- 
bryon, son  pistil  et  ses  étamines ,  au  lieu  que ,  dans 
la  fleur  pleine ,  chaque  pétale  multiplié  n'est  tou- 
jours qu'un  pétale  qui  ne  porte  aucune  des  parties 


FLE  197 

essentielles  à  la  fructification.  Prenez  l'un  après 
l'autre  les  pétales  d'une  renoncule  simple ,  ou 
double  ,  ou  pleine ,  vous  ne  trouverez  dans  aucun 
nulle  autre  chose  que  le  pétale  même  ;  mais  dans 
le  pissenlit  chaque  demi -fleuron  garni  d'un  style 
entouré  d'étamines  n'est  pas  im  simple  pétale , 
mais  une  véritable  fleur. 

On  me  présente  une  fleur  de  nymphéa  jaune,  et 
Ton  me  demande  si  c'est  une  composée  ou  une 
fleur  double.  Je  réponds  que  ce  n'est  ni  l'un  ni 
l'autre.  Ce  n'est  pas  une  composée ,  puisque  les 
folioles  qui  l'entourent  ne  sont  pas  des  demi-fleu- 
sf  ons  ;  et  ce  n'est  pas  une  fleur  doidjle ,  parce  que 
la  duplication  n'est  l'état  naturel  d'aucune  fleur , 
et  que  l'état  naturel  de  lu  fleur  de  nymphéa  jainie 
est  d'avoir  plusieurs  enceintes  de  pétales  autour  de 
son  embryon.  x\insi  cette  multiplicité  ri'empéche 
pas  le  nymphéa  jaune  d'être  une  fleur  simple. 

La  constitution  commune  au  plus  grand  nombre 
des  fleurs  est  d'être  hermaphrodites  ;  et  cette  con- 
stitution paraît  en  effet  la  plus  convenable  au  règne 
végétal ,  où  les  individus  dépourvus  de  tout  mou- 
vement progressif  et  spontané  ne  peuvent  s'aller 
chercher  l'un  l'autre  quand  les  sexes  sont  séparés. 
Dans  les  arbres  et  les  plantes  où  ils  le  sont,  la  na- 
ture, qui  sait  varier  ses  moyens,  a  pourvu  à  cet 
obstacle  :  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  générale- 
ment que  des  êtres  immobiles  doivent ,  pour  per- 
pétuer leur  espèce,  avoir  en  eux-mêmes  tous  les 
instruments  propres  à  cette  fin. 

Fleur  MUTILÉE.  Est  celle  qui,  pour  l'ordinaire, 


198  FLE 

par  défaut  de  chaleur,  perd  ou  ne  produit  point  la 
corolle  qu'elle  devrait  naturellement  avoir.  Quoi- 
que cette  mutilation  ne  doive  point  faire  espèce , 
les  plantes  où  elle  a  lieu  se  distinguent  néanmoins 
dans  la  nomenclature  de  celles  de  même  espèce  qui 
sont  complètes ,  comme  on  peut  le  voir  dans  plu 
sieurs  espèces  de  qaainoclit ,  de  cucubales ,  de  tus- 
silages ^  de  campanules  ^  etc. 

Fleurette.  Petite  fleur  complète  qui  entre  dans 
la  structure  d'une  fleur  agrégée. 

Fleuron.  Petite  fleur  incomplète  qui  entre  dans 
la  structure  d'une  fleur  composée.  (  Voy.  Fleur.) 

Voici  quelle  est  la  structure  naturelle  des  fleu* 
rons  composants. 

1.  Corolle  monopétale  tubulée  à  cinq  dents ,  su- 
père. 

2.  Pistil  alongé  ,  terminé  par  deux  stigmates  ré- 
fléchis. 

3.  Cinq  étamines  dont  les  filets  sont  séparés  par 
le  bas,  mais  formant,  par  l'adhérence  de  leurs  an- 
thères, un  tube  autour  du  pistil. 

4.  Semence  nue ,  alongée ,  ayant  pour  base  le 
réceptacle  commun ,  et  servant  elle-même,  par  son 
sommet,  de  réceptacle  à  la  corolle. 

5.  Aigrette  de  poils  ou  d'écaillés  couronnant  la  se- 
mence, et  figurant  un  calice  à  la  base  de  la  corolle. 
Cette  aigrette  pousse  de  bas  en  haut  la  corolle , 
la  détache  et  la  fait  tomber  lorsqu'elle  est  flétrie , 
et  que  la  semence  accrue  approche  de  sa  maturité. 

Cette  structure  commune  et  générale  des  fleu- 
rons souffre  des  exceptions  dans  plusieurs  genres 


F RU  199 

de  comjDosées ,  et  ces  différences  constituent  même 
des  sections  qui  forment  autant  de  branches  dans 
cette  nombreuse  famille. 

Celles  de  ces  différences  qui  tiennent  à  la  struc- 
ture même  des  fleurons  ont  été  ci-devant  expli- 
quées au  mot  fleur.  J'ai  maintenant  à  parler  de 
celles  qui  ont  rapport  à  la  fécondation. 

L'ordre  commun  des  fleurons  dont  je  viens  de 
parler  est  d'être  hermaphrodites,  et  ils  se  fécondent 
par  eux-mêmes.  Mais  il  y  en  a  d'autres  qui  ayant  des 
étamines  et  n'ayant  point  de  germe,  portent  le  nom 
de  mâles  ;  d'autres  qui  ont  un  germe  et  n'ont  point 
d'étamines  s'appellent  fleurons  femelles  ;  d'autres 
qui  n'ont  ni  germe  ni  étamines,  ou  dont  le  germe  im- 
parfait avorte  toujours,  portent  le  nom  de  neutres. 

Ces  diverses  espèces  de  fleurons  ne  sont  pas  in- 
différemment entremêlées  dans  les  fleurs  compo- 
sées ;  mais  leurs  combinaisons  méthodiques  et  ré- 
gulières sont  toujours  relatives  ou  à  la  plus  sure 
fécondation,  ou  à  la  plus  abondante  fructification  , 
ou  à  la  plus  pleine  maturification  des  graines. 

Fructification.  Ce  mot  se  prend  toujours  dans 
un  sens  collectif,  et  comprend  non -seulement 
l'œuvre  de  la  fécondation  du  germe  et  de  la  ma- 
turification du  fruit,  mais  l'assemblage  de  tous  les 
instruments  naturels  destinés  à  cette  opération. 

Fruit.  Dernier  produit  de  la  végétation  dans  l'in- 
dividu, contenant  les  semences  qui  doivent  la  re- 
nouveler par  d'autres  individus.  La  semence  n'est  ce 
dernier  produit  que  quand  elle  est  seule  et  nue. 
Quand  elle  ne  l'est  pas, elle  n'est  que  partie  du  fruit. 


•200  GER 

Fruit.  Ce  mot  a,  clans  la  botanique,  un  sens 
beaucoup  plus  étendu  que  dans  l'usage  ordinaire. 
Dans  les  arbres ,  et  même  dans  d'autres  plantes , 
toutes  les  semences  ,  ou  leurs  enveloppes  bonnes  à 
manger,  portent  en  général  le  nom  de  fruit.  Mais, 
en  botanique ,  ce  même  nom  s'applique  plus  géné- 
ralement encore  à  tout  ce  qui  résulte ,  après  la 
fleur  ,  de  la  fécondation  du  germe.  Ainsi  le  fruit 
n'est  proprement  autre  chose  que  l'ovaire  fécondé, 
et  cela,  soit  qu'il  se  mange  ou  ne  se  mange  pas, 
soit  que  la  semence  soit  déjà  mûre  ou  qu'elle  ne  le 
soit  pas  encore. 

Genre.  Réunion  de  plusieurs  espèces  sous  un 
caractère  commun  qui  les  distingue  de  toutes  les 
autres  plantes. 

Germe.  Embryon,  ovaire,  fruit.  Ces  termes  sont 
si  près  d'être  synonymes ,  qu'avant  d'en  parler  sé- 
parément dans  leurs  articles  je  crois  devoir  les 
unir  ici.  Le  germe  est  le  premier  rudiment  de  la 
nouvelle  plante ,  il  devient  embryon  ou  ovaire  au 
moment  de  la  fécondation ,  et  ce  même  embryon 
devient  fruit  en  mûrissant  :  voilà  les  différences 
exactes.  Mais  on  n'y  fait  pas  toujours  attention 
dans  l'usage,  et  l'on  prend  souvent  ces  mots  l'un 
pour  l'autre  indifféremment. 

Il  y  a  deux  sortes  de  germes  bien  distincts ,  l'un 
contenu  dans  la  semence,  lequel  en  se  développant 
devient  plante,  et  l'autre  contenu  dans  la  fleur, 
lequel  par  la  fécondation  devient  fruit.  On  voit 
par  quelle  alternative  perpétuelle  chacun  de  ces 
deux  germes  se  produit ,  et  en  est  produit. 


GRK  ^Ol 

On  peut  encore  donner  le  nom  de  germe  aux 
rudiments  des  feuilles  enfermées  dans  les  bour- 
geons, et  à  ceux  des  fleurs  enfermées  dans  les  bou- 
tdns. 

Germination  .  Premier  développement  des  par- 
ties de  la  plante  contenue  en  petit  dans  le  germe. 

Glandes.  Organes  qui  servent  à  la  sécrétion  des 
sucs  de  la  plante. 

Gousse.  Fruit  d'une  plante  légumineuse.  La 
gousse  ,  qui  s'appelle  aussi  légume ,  est  ordinaire- 
ment composée  de  deux  panneaux  nommés  cosses , 
aplatis  ou  convexes ,  collés  l'un  sur  l'autre  par  deux 
sutures  longitudinales ,  et  qui  renferment  des  se- 
mences attachées  alternativement  par  la  suture 
aux  deux  cosses  ,  lesquelles  se  séparent  par  la  ma- 
turité. 

Grappe,  racemus.  Sorte  d'épi  dans  lequel  les 
fleurs  ne  sont  ni  sessiles  ni  toutes  attachées  à  la 
râpe,  mais  à  des  pédicules  partiels  dans  lesquels 
les  pédicules  principaux.se  divisent.  La  grappe 
n'est  autre  chose  qu'une  panicule  dont  les  rameaux 
sont  plus  serrés,  plus  courts,  et  souvent  plus  gros 
que  dans  la  panicule  proprement  dite. 

Lorsque  l'axe  d'une  panicule  ou  d'un  épi  pend 
en  bas  au  lieu  de  s'élever  vers  le  ciel ,  on  lui  donne 
alors  le  nom  de  grappe  ;  tel  est  l'épi  du  groseil- 
1er,  telle  est  la  grappe  de  la  vigne. 

Greffe.  Opération  par  laquelle  on  force  les  sucs 
d'un  arbre  à  passer  par  les  couloirs  d'un  autre 
arbre ,  d'où  il  résulte  que  les  couloirs  de  ces  deux 
plantes  n'étant  pas  de  même  figure  et  dimension  , 


20-2  FNF 

ni  placés  exactement  les  luis  vis-à-vis  des  autres, 
les  sucs  forcés  de  se  subtiliser,  en  se  divisant, 
donnent  ensuite  des  fruits  meilleurs  et  plus  sa- 
voureux. 

Greffer.  Est  engager  l'œil  ou  le  bourgeon  d'une 
saine  branche  d'arbre  dans  l'écorce  d'un  autre 
arbre,  avec  les  précautions  nécessaires  et  dans  la 
saison  favorable ,  en  sorte  que  ce  bourgeon  reçoive 
le  suc  du  second  arbre,  et  s'en  nourrisse  comme 
il  aurait  fait  de  celui  dont  il  a  été  détaché.  On 
donne  le  nom  de  greffe  à  la  portion  qui  s'unit,  et 
de  sujet  à  l'arbre  auquel  il  s'unit. 

Il  y  a  diverses  manières  de  greffer.  La  greffe  par 
approche ,  en  fente,  en  couronne,  en  flûte,  en 
écusson. 

Gymnosperme.  a  semences  nues. 
Hampe.  Tige  sans  feuilles ,  destinée  uniquement   _ 
à  tenir  la  fructification  élevée  au-dessus  de  la  racine.  ^ 

Infère,  Supf.re.  Quoique  ces  mots  soient  pure- 
ment latins,  on  est  obligé  de  les  employer  en  fran- 
çais dans  le  langage  de  la  botanique,  sous  peine 
d'être  diffus ,  lâche  et  louche ,  pour  vouloir  par- 
ler purement.  La  même  nécessité  doit  être  sup- 
posée ,  et  la  même  excuse  répétée  dans  tous  les 
mots  latins  que  je  serai  forcé  de  franciser  ;  car  c'est 
ce  que  je  ne  ferai  jamais  que  pour  dire  ce  que  je 
ne  pourrais  aussi  bien  faire  entendre  dans  un 
français  plus  correct. 

Il  y  a  dans  les  fleurs  deux  dispositions  diffé- 
rentes du  calice  et  de  la  corolle ,  par  rapport  au 
germe ,  dont  l'expression  revient  si  souvent ,  qu'il 


LIB  -203 

iaut  absolument  créer  un  mot  pour  elle.  Quand 
le  calice  et  la  corolle  portent  sur  le  germe ,  la  fleur 
est  dite  siipere.  Quand  le  germe  porte  sur  le  ca- 
lice et  la  corolle,  la  fleur  est  dite  injere.  Quand  de 
la  corolle  on  transporte  le  mot  au  germe,  il  faut 
prendre  toujours  l'opposé.  Si  la  corolle  est  infère ,  le 
germe  est  supère  ;  si  la  corolle  est  supère ,  le  germe 
est  infère  :  ainsi  l'on  a  le  choix  de  ces  deux  ma- 
nières d'exprimer  la  même  chose. 

Comme  il  y  a  beaucoup  plus  de  plantes  où  la 
fleur  est  infère  que  de  celles  où  elle  est  supère, 
quand  cette  disposition  n'est  point  exprimée ,  on 
doit  toujours  sous-entendre  le  premier  cas ,  parce 
qu'il  est  le  plus  ordinaire  ;  et  si  la  description  ne 
parle  point  de  la  disposition  relative  de  la  corolle 
et  du  germe,  il  faut  supposer  la  corolle  injere  : 
car  si  elle  était  supère,  l'auteur  de  la  description 
l'aurait  expressément  dit. 

LÉGtJME.  Sorte  de  péricarpe  composé  de  deux 
panneaux,  dont  les  bords  sont  réunis  par  deux 
sutures  longitudinales.  Les  semences  sont  atta- 
chées alternativement  à  ces  deux  valves  par  la  su- 
ture supérieure  ;  l'inférieure  est  nue.  L'on  appelle 
de  ce  nom  en  général  le  fruit  des  plantes  légumi- 
neuses. 

LÉGUMINEUSES.  (Voycz  Fleurs.  Plantes.) 

Liber  (le).  Est  composé  de  pellicules  qui  repré- 
sentent les  feuillets  d'un  livre  ;  elles  touchent  im- 
médiatement au  bois.  Le  liber  se  détache  tous  les 
ans  des  deux  autres  parties  de  l'écorce,  et,  s'unis- 
sant  avec  l'aubier ,  il  produit ,  sur  la  circonférence 


204  MON 

de  l'aibrc  une  nouvelle  couche  qui  en  augmente 
Je  diamètre. 

Ligneux.  Qui  a  la  consistance  de  bois. 

LiLiACÉEs.  Fleurs  qui  portent  le  caractère  du  lis. 

Limbe.  Quand  une  corolle  monopétale  régulière 
s'évase  et  s'élargit  par  le  haut ,  la  partie  qui  forme 
cet  évasement  s'appelle  le  limbe ,  et  se  découpe  of- 
dinairement  en  quatre,  cinq,  ou  plusieurs  segments. 
Diverses  campanules ,  primevères ,  liserons ,  et  autres 
fleurs  monopétales,  offrent  des  exemples  de  ce 
limbe,  qui  est,  à  l'égard  de  la  corolle,  à  peu  près 
ce  qu'est,  à  l'égard  d'une  cloche,  la  partie  qu'on 
nomme  le  pavillon  :  le  différent  degré  de  l'angle , 
que  forme  le  limbe  avec  le  tube ,  est  ce  qui  fait 
donner  à  la  corolle  le  nom  d'infundibuliforme  ,  de 
campaniforme ,  ou  d'hypocratériforme. 

Lobes  des  semences  sont  deux  corps  réunis ,  apla- 
tis d'un  côté,  convexes  de  l'autre  :  ils  sont  dis- 
tincts dans  les  semences  légumineuses. 

Lobes  des  feuilles. 

Loge.  Cavité  intérieure  du  fruit  :  il  est  à  plu- 
sieurs loges  quand  il  est  partagé  par  des  cloisons. 

Maillet.  Branche  de  l'année  à  laquelle  on  laisse 
pour  la  replanter  deux  chicots  du  vieux  bois  sail- 
lants des  deux  côtés.  Cette  sorte  de  bouture  se 
pratique  seulement  sur  la  vigne  et  même  assez  ra- 
rement. 

Masque.  Fleur  en  masque  est  une  fleur  monopé- 
tale irrégulière. 

MoNÉciE  ou  Monoecie.  Habitation  commune  aux 
deux  sexes.  On  donne  le  nom  de  monoecie  à  une 


NUI  ao5 

classe  de  plantes  composée  de  toutes  celles  qui 
portent  des  fleurs  mâles  et  des  fleurs  femelles  sur 
le  même  pied. 

Monoïques.  Toutes  les  plantes  de  la  monœcie 
sont  monoïques.  On  appelle  plantes  monoïques 
celles  dont  les  fleurs  ne  sont  pas  hermaphrodites, 
mais  séparément  mâles  et  femelles  sur  le  même 
individu  :  ce  mot ,  formé  de  celui  de  monœcie , 
vient  du  grec,  et  signifie  ici  que  les  deux  sexes  oc- 
cupent bien  le  même  logis ,  ma*is  sans  habiter 
la  même  chambre.  Le  concombre,  le  melon,'  et 
toutes  les  cucurbitacées ,  sont  des  plantes  mo- 
noïques. 

Mufle  (fleur  en).  (Voyez  Masque.) 

Noeuds.  Sont  les  articulations  des  tiges  et  des  ra- 
cines. 

Nomenclature.  Art  de  joindre  aux  noms  qu'on 
impose  aux  plantes  Tidée  de  leur  structure  et  de 
leiu'  classification. 

Noyau.  Semence  osseuse  qui  renferme  une 
amande. 

Nu.  Dépourvu  des  vêtements  ordinaires  à  ses 
semblables. 

On  appelle  graines  nues  celles  qui  n'ont  point 
de  péricarpe  ;  ombelles  nues ,  celles  qui  n'ojit  point 
d'involucre;  tiges  nues,  celles  qui  ne  sont  point 
garnies  de  feuilles,  etc. 

NuiT-DE-FER.  Noctes  Jeireœ.  Ce  sont ,  en  Suède  , 
celles  dont  la  froide  température,  arrêtant  la  vé- 
gétation de  plusieurs  plantes ,  produit  leur  dépé- 
rissement insensible  ,  leur  pom^riture ,  et  enfin  lein- . 


!ioO  ONG 

mort.  Leurs  premières  atteintes  avertissent  de  ren- 
trer dans  les  serres  les  plantes  étrangères  qui  pé- 
riraient par  ces  sortes  de  froids. 

Œil.  (  Voyez  O^ibilic.  )  Petite  cavité  qui  se 
trouve  en  certains  fruits  à  l'extrémité  opposée  an 
pédicule  :  dans  les  fruits  infères  ce  sont  les  divi- 
sions du  calice  qui  forment  l'ombilic,  comme  le 
coin ,  la  poire ,  la  pomme  ,  etc.  ;  dans  ceux  qui  sont 
supères ,  l'ombilic  est  la  cicatrice  laissée  par  l'in- 
sertion du  pistiT. 

OEILLETONS.  Bourgeons  qui  sont  à  côté  des  ra- 
cines des  artichauts  et  d'autres  plantes ,  et  qu'on 
détache  afin  de  multiplier  ces  plantes. 

Ombelle.  Assemblage  de  rayons  qui ,  partant 
d'un  même  centre,  divergent  comme  ceux  d'un 
parasol.  L'ombelle  universelle  porte  sur  la  tige  ou 
sur  une  branche  ;  l'ombelle  partielle  sort  d'un  rayon 
de  l'ombelle  universelle. 

Ombilic.  C'est ,  dans  les  baies  et  autres  fruits 
mous  et  infères,  le  réceptacle  de  la  fleur  dont, 
après  qu'elle  est  tombée,  la  cicatrice  reste  sur  le 
fruit,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  airelles.  Sou- 
vent le  calice  reste  et  couronne  l'ombilic ,  qui 
s'appelle  alors  vulgairement  œil  :  ainsi  l'œil  des 
poires  et  des  pommes  n'est  autre  chose  que  l'om- 
bilic autour  duquel  le  calice  persistant  s'est  des- 
séché. 

Otvgle.  Sorte  de  tache  sur  les  pétales  ou  sur 

les  feuilles,  qui  a  souvent  la  figure  d'un  ongle,  et 

d'autres  figures  différentes ,  comme  on  peut  le  voir 

•aux  fleurs  des  pavots,  des  roses,  des  anémones. 


PAN  aoy 

des  cistes,  et  aux  feuilles  des  renoncules,  des  per- 
sicaires,  etc. 

Onglet.  Espèce  de  pointe  crochue  par  laquelle 
le  pétale  de  quelques  corolles  est  fixé  sur  le  calice 
ou  sur  le  réceptacle;  l'onglet  des  œillets  est  plus 
long  que  celui  des  roses. 

Opposées.  Les  feuilles  opposées  sont  juste  au 
nombre  de  deux ,  placées,  l'une  vis-à-vis  de  l'autre, 
des  deux  côtés  de  la  tige  ou  des  branches.  Les 
feuilles  opposées  peuvent  être  pédiculées  ou  ses- 
siles;  s'il  y  avait  plus  de  deux  feuilles  attachées  à 
la  même  hauteur  autour  de  la  tige  ,  alors  cette 
pluralité  dénaturerait  l'opposition ,  et  cette  dispo- 
sition  des  Veuilles    prendrait    un    nom   différent. 

(  Voyez  VÉTl CILLÉES.  ) 

Ovaire.  C'est  le  nom  qu'on  donne  à  l'embryon 
du  fruit ,  ou  c'est  le  fruit  même  avant  la  féconda- 
tion. Après  la  fécondation  l'ovaire  perd  ce  nom, 
et  s'appelle  simplement  fruit,  ou  en  particulier 
péricarpe,  si  la  plante  est  engiosperme;  semence 
ou  graine,  si  la  plante  est  gymnosperme. 

Palmée.  Une  feuille  est  palmée  lorsqu'au  lieu 
d'être  composée  de  plusieurs  folioles,  comme  la 
feuille  digitée,  elle  est  seulement  découpée  en 
plusieurs  lobes  dirigés  en  rayons  vers  le  sommet  du 
pétiole,  mais  se  réunissant  avant  que  d'y  arriver. 

Panicule.  Épi  rameux  et  pyramidal.  Cette  figure 
lui  vient  de  ce  que  les  rameaux  du  bas ,  étant  l(\s 
plus  larges ,  forment  entre  eux  un  plus  large  es- 
pace, qui  se  rétrécit  en  montant,  à  mesure  que 
ces  rameaux  deviennent  plus  courts^  moins  nom- 


•lo8  PÉD 

breux ,  en  sorte  qu'une  panicule  parfaitement  ré- 
gulière se  terminerait  enfin  par  une  fleur  sessile. 

Parasites.  Plantes  qui  naissent  ou  croissent  sur 
d'autres  plantes  ,  et  se  nourrissent  de  leur  sub- 
stance. La  cuscute,  le  gui,  plusieurs  mousses  et 
lichens,  sont  des  plantes  parasites. 

Parenchyme,  Substance  pulpeuse  ,  ou  tissu  cel- 
lulaire qui  forme  le  corps  de  la  feuille  ou  du  pétale  : 
il  est  couvert  dans  l'une  et  dans  l'autre  d'un  épi- 
derme. 

Partielle.  (  Voyez  Ombelle.  ) 
^Parties  de  l#.  Fructification.  («Toy.  Etamines. 
Pistil.  ) 

Pavillon.  Synonyme  d'étendard.      , 

Pédicule.  Base  alongée ,  qui  porté  le  fruit.  On 
dit  pedunculus  en  latin,  mais  je  crois  qu'il  faut 
dire  pédicule  en  français:  c'est  l'ancien  usage,  et  il 
n'y  a  aucime  bonne  raison  pour  le  changer.  Pe- 
dunculus sonne  mieux  en  latin ,  et  il  évite  l'équi- 
voque du  nom  pediculus  ;  mais  le  mot  pédicule  est 
net ,  et  plus  doux  en  français  ;  et ,  dans  le  choix 
des  mots ,  il  convient  de  consulter  l'oreille ,  et  d'a- 
voir égard  à  l'accent  de  la  langue. 

V^à]ec\.\i pédicule  me  paraît  nécessaire  par  op- 
position à  l'autre  adjectif  sessile.  La  botanique  est 
si  embarrassée  de  termes,  qu'on  ne  saurait  trop 
s'attacher  à  rendre  clairs  et  courts  ceux  qui  lui 
sont  spécialement  consacrés. 

Le  pédicule  est  le  lien  qui  attache  la  fleur  ou 
!e  fruit  à  la  branche,  ou  à  la  tige.  Sa  substance 
est  d'ordinaire  plus  solide  que  celle  du  fruit  qu'il 


PÉT  209 

porte  par  un  de  ses  bouts  ,  et  moins  que  celle  du 
bois  auquel  il  est  attaché  par  l'autre.  Pour  l'ordi- 
naire, quand  le  fruit  est  mûr,  il  se  détache,  et 
tombe  avec  son  pédicule.  Mais  quelquefois ,  et  sur- 
tout dans  les  plantes  herbacées,  le  fruit  tombe  et 
le  pédicule  reste,  comme  on  peut  le  voir  dans  le 
i^enre  des  ruinex.  On  y  peut  remarquer  encore  une 
autre  particularité;  c'est  que  les  pédicules,  qui  tous 
sont  verlicillés  autour  de  la  tige,  sont  aussi  tous 
articulés  vers  leur  milieu.  11  semble  qu'en  ce  cas 
le  fruit  devrait  se  détacher  à  l'articulation,  tom^ 
ber  avec  une  moitié  du  pédicide ,  et  laisser  l'autre 
moitié  seulement  attachée  à  la  plante.  Voilà  néan^ 
moins  ce  qui  n'arrive  pas.  Le  fruit  se  détache,  et 
tombe  seul.  Le  pédicule  tout  entier  reste,  et  il 
faut  une  action  expresse  pour  le  diviser  en  deux 
au  point  de  l'articulation. 

Perfoliée.  La  feuille  perfoliée  est  celle  que  la 
branche  enfile,  et  qui  entoure  celle-ci  de  tous 
côtés. 

PÉRiAivTHE.  Sorte  de  calice  qui  touche  immédia- 
tement la  fleur  ou  le  fruit. 

Perruque.  Nom  donné  par  Vaillant  aux  racines 
garnies  d'un  chevelu  touffu  de  fibrilles  entrelacées 
comme  des  cheveux  emmêlés. 

PÉTALE.  On  donne  le  nom  de  pétale  à  chaque 
pièce  entière  de  la  corolle.  Quand  la  corolle  n'est 
que  d'une  seule  pièce  ,  il  n'y  a  aussi  qu'un  pétale  ; 
le  pétale  et  la  corolle  ne  sont  alors  qu'une  seule  et 
même  chose,  et  cette  sorte  de  corolle  se  désigne 
par  l'épithète  de  monopétale.  Quand  la  corolle  est 
R.  vir.  14 


2IO  PIS 

de  plusieurs  pièces,  ces  pièces  sont  autant  de  pé- 
tales, et  la  corolle  qu'elles  composent  se  désigne 
par  leur  nombre  tiré  du  grec,  parce  que  le  mot 
de  pétale  en  vient  aussi,  et  qu'il  convient,  quand 
on  veut  composer  un  mot ,  de  tirer  les  deux  racines 
de  la  même  langue.  Ainsi ,  les  mots  de  monopétale, 
de  dipétale,  de  tripétale,  de  tétrapétale,  de  pen- 
tapétale,  et  enfin  de  polypétale,  indiquent  luie 
corolle  d'une  seule  pièce,  ou  de  deux,  de  trois, 
de  quatre ,  de  cinq ,  etc.  ;  enfin ,  d'une  multitude 
indéterminée  de  pièces. 

Pétaloïde.  Qui  a  des  pétales.  Ainsi  la  ûeurpéta- 
loïcle  est  l'opposé  de  la  fleur  apétale.  ' 

Quelquefois  ce  mot  entre  comme  seconde  racine 
dans  la  composition  d'un  autre  mot ,  dont  la  pre- 
mière racine  est  un  nom  de  nombre  :  alors  il  signifie 
une  corolle  monopétale  profondément  divisée  en 
autant  de  sections  qu'en  indique  la  première  ra- 
cine. Ainsi  la  corolle  tripétaloïde  est  divisée  en  trois 
segments  ou  demi-pétales,  la  pentapétaloïde  en 
cinq,  etc. 

PÉTIOLE.  Base  alongée  qui  porte  la  feuille.  Le 
mot  pétiole  est  opposé  à  sessile,  à  l'égard  des  feuilles , 
comme  le  mot  pédicule  l'est  à  l'égard  des  fleurs  et 
des  fruits.  (Voyez  Pédiclle,  Sessile.  ) 

PiNNÉE.  Une  feuille  ailée  à  plusieurs  rangs  s'ap- 
pelle feuille  pinnée. 

Pistil.  Organe  femelle  de  la  fleur  qui  surmonte 
le  germe ,  et  par  lequel  celui-ci  reçoit  l'intromis- 
sion fécondante  de  la  poussière  des  anthères  :  le 
pistil  se  prolonge  ordinairement  par  un  ou  plu- 


PL  A.  211 

sieurs  styles,  quelquefois  aussi  il  est  couronné  im- 
médiatement par  un  ou  plusieurs  stigmates,  sans 
aucun  style  intermédiaire.  Le  stigmate  reçoit  la 
poussière  prolifique  du  sommet  des  étamines  ,  et 
la  transmet  par  le  pistil  dans  l'intérieur  du  ^erme, 
pour  féconder  l'ovaire.  Suivant  le  système  sexuel, 
la  fécondation  des  plantes  ne  peut  s'opérer  que 
par  le  concours  des  deux  sexes;  et  l'acte  de  la 
fructification  n'est  plus  que  celui  de  la  génération. 
Les  filets  des  étamines  sont  les  vaisseaux  sper- 
ma tiques ,  les  anthères  sont  les  testicules,  la  pous- 
sière qu'elles  répandent  est  la  liqueur  séminale, 
le  stigmate  devient  la  vulve,  le  style  est  la  trompe 
ou  le  vagin  ,  et  le  germe  fait  l'office  d'utérus  ou  de 
matrice. 

Placenta.  Réceptacle  des  semences.  C'est  le 
corps  auquel  elles  sont  immédiatement  attachées. 
M.  Linnœus  n'admet  point  ce  nom  de  Placenta,  et 
emploie  toujours  celui  de  réceptacle.  Ces  mots  ren- 
dent pourtant  des  idées  fort  différentes.  Le  récep- 
tacle est  la  partie  par  où  le  fruit  tient  à  la  plante  : 
le  placenta  est  la  partie  par  où  les  semences  tien- 
nent au  péricarpe.  Il  est  vrai  que  quand  les  se- 
mences sont  nues ,  il  n'y  a  point  d'autre  placenta 
que  le  réceptacle  ;  mais  toutes  les  fois  que  le  fruit 
est  angiosperme,  le  réceptacle  et  le  placenta  sont 
différents. 

Les  cloisons  {cUssepimentd)  de  toutes  les  capsules 
à  plusieurs  loges  sont  de  véritables  placentas,  et 
dans  des  capsules  uniloges,  il  ne  laisse  pas  d'y  avoir 
souvent  des  placentas  autres  que  le  péricarpe. 

14. 


2 12  POI 

Plante.  Production  végétale  composée  de  deux 
parties  principales ,  savoir ,  la  racine  par  laquelle 
elle  est  attachée  à  la  terre  ou  à  un  autre  corps  dont 
elle  tire  sa  nourriture,  et  l'herbe  par  laquelle  elle 
inspire  et  respire  l'élément  dans  lequel  elle  vit.  De 
tous  les  végétaux  connus ,  la  truffe  est  presque  le 
seul  qu'on  puisse  dire  n'être  pas  plante. 

Plantes.  Végétaux  disséminés  sur  la  surface  de 
la  terre ,  pour  la  vêtir  et  la  parer.  Il  n'y  a  point 
d'aspect  aussi  triste  que  celui  de  la  terre  nue;  il 
n'y  en  a  point  d'aussi  riant  que  celui  des  mon- 
tagnes couronnées  d'arbres, des  rivières  bordées  de 
bocages ,  des  plaines  tapissées  de  verdure ,  et  des 
vallons  émail  lés  de  fleurs. 

On  ne  peut  disconvenir  que  les  plantes  ne  soient 
des  corps  organisés  et  vivants ,  qui  se  nourrissent 
et  croissent  par  intussusception,  et  dont  chaque 
partie  possède  en  elle-même  une  vitalité  isolée  et 
indépendante  des  autres ,  puisqu'elles  ont  la  fa- 
culté de  se  reproduire*. 

Poils  ou  Sûtes.  Filets  plus  ou  moins  solides  et 
fermes  qui  naissent  sur  certaines  parties  des  plantes  ; 
ils  sont  carrés  ou  cylindriques ,  droits  ou  couchés , 
fourches  ou  simples ,  subulés  ou  en  hameçons  ;  et 
ces  diverses  figures  sont  des  caractères  assez  cons- 
tants pour  pouvoir  servir  à  classer  ces  plantes.  Voyez 
l'ouvrage  de  M.  Guettard,  intitulé  Observations  sur 
les  plantes. 

*  Cet  article  ne  paraît  pas  achevé ,  non  plus  que  beaucoup  d'au- 
tres,  quoiqu'on  ait  rassemblé  clans  les  trois  paragraphes  ci-dessus, 
qui  composent  celui-ci,  trois  morceaux  de  l'auteur,  tous  sur  autant 
de  chiffons.  (  Note  des  Editeurs  de  Genève.  ) 


POL  2l3 

Polygamie.  Pluralité  d'habitation.  Une  classe  de 
plantes  porte  le  nom  de  polygamie,  et  renferme 
toutes  celles  qui  ont  des  fleurs  hermaphrodites  sur 
un  pied,  et  des  fleurs  d'un  seul  sexe,  mâles  ou 
femelles  ,  sur  un  autre  pied. 

Ce  mot  de  polygamie  s'applique  encore  à  plu- 
sieurs ordres  de  la  classe  des  fleurs  composées  ;  et 
alors  on  y  attache  ime  idée  un  peu  différente. 

Les  fleurs  composées  peuvent  toutes  être  regar- 
dées comme  polygames,  puisqu'elles  renferment 
toutes  plusieurs  fleurons  qui  fructifient  séparé- 
ment, et  qui  par  conséquent  ont  chacun  sa  propre 
habitation,  et  pour  ainsi  dire  sa  propre  lignée. 
Toutes  ces  habitations  séparées  se  conjoignent  de 
différentes  manières,  et  par  là  forment  plusieurs 
sortes  de  combinaisons. 

Quand  tous  les  fleurons  d'une  fleur  composée 
sont  hermaphrodites ,  l'ordre  qu'ils  forment  porte 
le  nom  de  polygamie  égale. 

Quand  tous  ces  fleurons  composants  ne  sont  pas 
hermaphrodites,  ils  forment  entre  eux,  pour  ainsi 
dire ,  une  polygamie  bâtarde ,  et  cela  de  plusieurs 
façons. 

i**  Poljgamie  superflue^  lorsque  les  fleiu'ons  du 
disque  étant  tous  hermaphrodites  fructifient ,  et  que 
les  fleurons  du  contour  étant  femelles  fructifient 
aussi. 

2»  Polygamie  inutile ,  quand  les  fleurons  du  dis- 
([ue  étant  hermaphrodites  fructifient,  et  que  ceux 
du  contour  sont  neutres  et  ne  fructifient  point, 
3*^  Polygamie  nécessaire  ^  quand  les  fleurons  du 


2l4  liA.C 

disque  étant  mâles,  et  ceux  du  contour  étant  fe- 
melles, ils  ont  besoin  les  uns  des  autres  pour  fruc- 
tifier. 

4°  Polygamie  séparée^  lorsque  les  fleurons  com- 
posants sont  divisés  entre  eux ,  soit  un  à  un ,  soit 
plusieurs  ensemble ,  par  autant  de  calices  partiels 
renfermés  dans  celui  de  toute  la  fleur. 

On  pourrait  imaginer  encore  de  nouvelles  com- 
binaisons, en  supposant, par  exemple,  des  fleurons 
mâles  au  contour,  et  des  fleurons  hermaphrodites 
ou  femelles  au  disque;  mais  cela  n'arrive  point. 

Poussière  prolifique.  C'est  une  multitude  de 
petits  corps  sphériques  enfermés  dans  chaque  an- 
thère, et  qui,  lorsque  celle-ci  s'ouvre  et  les  verse 
dans  le  stigmate ,  s'ouvrent  à  leur  tour ,  imbibent 
ce  même  stigmate  d'une  humeur  qui,  pénétrant  à 
travers  le  pistil,  va  féconder  l'embryon  du  fruit. 

Provin.  Branche  de  vigne  couchée  et  coudée  en 
terre.  Elle  pousse  des  chevelus  par  les  nœuds  qui 
se  trouvent  enterrés.  On  coupe  ensuite  le  bois  qui 
tient  au  cep,  et  le  bout  opposé  qui  sort  de  terre 
devient  un  nouveau  cep. 

Pulpe.  Substance  molle  et  charnue  de  plusieurs 
fruits  et  racines. 

Racine,  Partie  de  la  plante  par  laquelle  elle  tient 
à  la  terre  on  au  corps  qui  la  nourrit.  Les  plantes 
ainsi  attachées  par  la  racine  à  leur  matrice  ne  peu- 
vent avoir  de  mouvement  local;  le  sentiment  leur 
serait  inutile,  puisqu'elles  ne  peuvent  chercher  ce 
qui  leur  convient,  ni  fuir  ce  qui  Içur  nuit  :  or  la 
nature  ne  fait  rien  en  vain. 


RÉC  21 5 

Radica-LEs.  .Se  dit  des  feuilles  qui  sont  les  plus 
près  de  la  racine.  Ce  mot  s'étend  aussi  aux  tiges 
dans  le  même  sens. 

Radicule.  Racine  naissante. 

Radiée.  (Voyez  Fleur.) 

Réceptacle.  Celle  des  parties  de  la  fleur  et  du 
ti'uit  qui  sert  de  siège  à  toutes  les  autres,  et  par 
où  leur  sont  transmis  de  la  plante  les  sucs  nutritifs 
([u'elles  en  doivent  tirer. 

Il  se  divise  le  plus  généralement  en  réceptacle 
propre,  qui  ne  soutient  qu'une  seule  fleur  et  un  seul 
fruit,  et  qui  par  conséquent  n'appartient  qu'aux 
plus  simples, et  en  réceptacle  commun,  qui  porte 
et  reçoit  plusieurs  fleurs. 

Quand  la  fleur  est  infère ,  c'est  le  même  récep- 
tacle qui  porte  toute  la  fructification.  Mais  quand 
la  fleur  est  supère,  le  réceptacle  propre  est  double; 
et  celui  qui  porte  la  fleur  n'est  pas  le  même  que 
celui  qui  porte  le  fruit.  Ceci  s'entend  de  la  construc- 
tion la  plus  commune;  mais  on  peut  proposer  à  ce 
sujet  le  problème  suivant,  dans  la  solution  duquel  la 
nature  a  mis  une  de  ses  plus  ingénieuses  inventions. 

Quand  la  fleur  est  sur  le  fruit,  comment  se  peut-il 
faire  que  la  fleur  et  le  fruit  n'aient  cependant  qu'un 
seul  et  même  réceptacle? 

Le  réceptacle  commun  n'appartient  proprement 
qu'aux  fleiu's  composées,  dont  il  porte  et  imit  tous 
les  fleurons  en  une  fleur  régulière;  ensorte  que  le 
retranchement  de  quelques-uns  causerait  l'irrégu- 
larité de  tous;  mais,  outre  les  fleurs  agrégées  dont 
on  peut  dire  à  peu  près  la  même  chose,  il  y  a  d'au- 


'2l6  SIL 

très  sortes  de  réceptacles  communs  qui  méritent 
encore  le  même  nom ,  comme  ayant  le  même  usage  : 
tels  sont  V  ombelle ,  Y  épi,  \3i  panicule ,  le  thjrse,  la 
cyme,  le  spadixy  dont  on  trouvera  les  articles  chacun 
à  sa  place. 

Régulières  (Fleurs).  Elles  sont  symétriques  dans 
toutes  les  parties,  comme  les  crucifères,  les  liliof 
cées ,  etc. 

RÉNiFORaiE.  De  la  figure  d'un  rein. 

Rosacée.  Poly pétale  régulière  comme  est  la  rose. 

Rosette.  Fleur  en  rosette  est  une  fleur  monopé- 
tale dont  le  tube  est  nul  ou  très-court ,  et  le  limbe 
très-aplati. 

Semence.  Germe  ou  rudiment  simple  d'une  nou- 
velle plante,  uni  à  une  substance  propre  à  sa  con- 
servation avant  qu'elle  germe,  et  qui  la  nourrit 
durant  la  première  germination  jusqu'à  ce  qu'elle 
puisse  tirer  son  aliment  immédiatement  de  la  terre. 

Sessile.  Cet  adjectif  marque  privation  de  récep- 
tacle. Il  indique  que  la  feuille ,  la  fleur  ou  le  fruit 
auxquels  on  l'applique  tiennent  immédiatement  à 
la  plante  j  sans  l'entremise  d'aucun  pétiole  ou  pé^ 
dicule. 

Sexe.  Ce  mot  a  été  étendu  au  règne  végétal ,  et 
y  est  devenu  familier  depuis  l'établissement  du  sys- 
tème sexueL 

SiLïQUE.  Fruit  composé  de  deux  panneaux  re- 
tenus par  deux  sutures  longitudinales  auxquelles 
les  graines  sont  attachées  des  deux  côtés. 

La  silique  est  ordinairement  biloculaire,  et  par- 
tagée par  une  cloison  à  laquelle  est  attachée  une 


STI  217 

partie  des  graines.  Cependant  cette  cloison  ne  lui 
étant  pas  essentielle  ne  doit  pas  entrer  dans  sa  dé- 
finition, comme  on  peut  le  voir  dans  le  cléomc , 
dans  la  chélidoine,  etc. 

Soies.  (  Voyez  Poils.  ) 

Solitaire.  Une  fleur  solitaire  est  seule  sur  son 
pédicule. 

Sous-Arbrisseau.  Plante  ligneuse,  ou  petit  buis- 
son moindre  que  l'arbrisseau ,  mais  qui  ne  pousse 
point  en  automne  de  boutons  à  fleurs  ou  à  fruits  : 
tels  sont  le  thjm ,  le  romarin ,  le  groseiller ,  les 
bruyères^  etc. 

Spadix,  ou  Régime.  C'est  le  rameau  floral  dans 
la  famille  des  palmiers  ;  il  est  le  vrai  réceptacle  de 
la  fructification ,  entouré  d'un  spathe  qui  lui  sert 
de  voile. 

Spathe.  Sorte  de  calice  membraneux  qui  sert 
d'enveloppe  aux  fleurs  avant  leur  épanouissement , 
et  se  déchire  pour  leur  ouvrir  le  passage  aux  ap- 
proches de  la  fécondation. 

Le  spathe  est  caractéristique  dans  la  famille  des 
palmiers  et  dans  celle  des  liliacées. 

Spirale.  Ligne  qui  fait  plusieurs  tours  en  s'é- 
cartant  du  centre,  ou  en  s'en  approchant. 

Stigmate.  Sommet  du  pistil ,  qui  s'humecte  au 
moment  de  la  fécondation ,  pour  que  la  poussière 
prolifique  s'y  attache. 

Stipule.  Sorte  de  foliole  ou  d'écaillé  ,  qui  naît  à 
la  base  du  pétiole,  du  pédicule  ,  ou  de  la  branche. 
Les  stipules  sont  ordinairement  extérieures  à  la 
partie  qu'elles  accompagnent,  et  leur  servent  en 


2l8  SYA^ 

quelque  manière  de  console  :  mais  quelquefois 
aussi  elles  naissent  à  côté,  vis-à-vis,  ou  au-dedans 
même  de  l'angle  d'insertion. 

?.î.  Adanson  dit  qu'il  n'y  a  de  vraies  stipules  que 
celles  qui  sont  attachées  aux  tiges,  comme  dans 
les  airelles ,  les  apocins  ,  les  jujubiers ,  les  titymales , 
les  châtaigniers  ,^  les  tilleuls  ,  les  mauves ,  les  câ- 
priers :  elles  tiennent  lieu  de  feuilles  dans  les  plan- 
tes qui  ne  les  ont  pas  verticillées.  Dans  les  plantes 
légumineuses  la  situation  des  stipules  varie.  Les 
rosiers  n'en  ont  pas  de  vraies ,  mais  seulement  un 
prolongement  ou  appendice  dé  feuille  ,  ou  une  ex- 
tension du  pçtiole.  11  y  a  aussi  des  stipules  mem- 
braneuses comme  dans  l'espargoutte. 

Style.  Partie  du  pistil  qui  tient  le  stigmate  élevé 
au-dessus  du  germe. 

Suc  ivouRRiciER.  Partie  de  la  sève  qui  est  propre 
à  nourrir  là  plante. 

SupÈRE.  (  Voyez  Infère.  ) 

Supports.  Falcra.  Dix  espèces ,  savoir ,  la  stipule , 
la  bractée,  la  vrille,  l'épine,  l'aiguillon,  le  pédi- 
cule, le  pétiole,  la  hampe,  la  glande,  et  Técaille. 

SuRGEolv.  Surculus.  Nom  donné  aux  jeunes  bran- 
ches de  l'œillet,  etc.  ,  auxquelles  on  fait  prendre 
racine  en' les  buttant  en  terre  lorsqu'elles  tiennent 
encore  à  la  tige  :  cette  opération  est  une  espèce  de 
marcotte. 

SY\o:yTMrE.  Concordance  de  divers  noms  donnés 
par  différents  auteurs  aux  mêmes  plantes. 

La  synonymie  n'est  point  une  étude  oiseuse  et 
inutile. 


TRA  2I() 

Taloxx.  Oreillette  qui  se  trouve  à  la  base  des 
feuilles  d'orangers.  C'est  aussi  l'endroit  où  tient 
l'œilleton  qu'on  détache  d'un  pied  d'artichaut,  et 
cet  endroit  a  un  peu  de  racine. 

Terminal.  Fleur  terminale  est  celle  qui  vient  au 
sommet  de  la  tige ,  ou  d'une  branche, 

Ternée.  Une  feuille  ternée  est  composée  de 
trois  folioles  attachées  au  même  pétiole. 

TÊTE.  Fleur  en  tête  ou  capitée  est  une  fleur 
agrégée  ou  composée,  dont  les  fleurons  sont  dis- 
posés sphériquement  ou  à  peu  près. 

Thtrse.  Epi  rameux  et  cylindrique;  ce  terme 
n'est  pas  extrêmement  usité ,  parce  que  les  exem- 
ples n'en  sont  pas  fréquents. 

Tige.  Tronc  de  la  plante  d'où  sortent  toutes 
ses  autres  parties  qui  sont  hors  de  terre;  elle  a  du 
rapport  avec  la  cote  en  ce  que  celle-ci  est  quelque- 
fois unique ,  et  se  ramifie  comme  elle ,  par  exem- 
ple ,  dans  la  fougère  :  elle  s'en  distingue  aussi  en 
ce  qu'uniforme  dans  son  contour  elle  n'a  ni  face , 
ni  dos,  ni  côté  déterminés,  au  lieu  que  tout  cela 
se  trouve  dans  la  côte. 

Plusieurs  plantes  n'ont  point  de  tige,  d'autres 
n'ont  qu'une  tige  nue  et  sans  feuilles,  qui  pour 
cela  change  de  nom.  (  Voyez  Hampe.  ) 

La  tige  se  ramifie  en  branches  de  différentes 
manières. 

Toque.  Figure  de  bonnet  cylindrique  avec  une 
marge  relevée  en  manière  cle  chapeau.  Le  fruit  du 
paliurus  a  la  forme  d'une  toque. 

Tracer.    Courir    horizontalement   entre   deux 


•J20  VEG 

terres,  comme  fait  le  chiendent.  Ainsi  le  mot  tra- 
cer ne  convient  qu'aux  racines.  Quand  on  dit  donc 
que  le  fraisier  trace ,  on  dit  mal  ;  il  rampe ,  et  c'est 
autre  chose. 

TrA-CHÉes  des  plantes.  Sont,  selon  Malpighi, 
certains  vaisseaux  formés  par  les  contours  spiraux 
d'une  lame  mince,  plate,  et  assez  large,  qui  se 
loulant  et  contournant  ainsi  en  tire-bourre ,  forme 
un  tuyau  étranglé ,  et  comme  divisé  en  sa  longueur 
en  plusieurs  cellules,  etc. 

Traînasse,  ou  Traînée.  Longs  filets  qui,  dans 
certaines  plantes,  rampent  sur  la  terre,  et  qui, 
d'espace  en  espace ,  ont  des  articulations  par  les- 
quelles elles  jettent  en  terre  des  radicviles  qui 
produisent  de  nouvelles  plantes. 

Tuniques.  Ce  sont  les  peaux  ou  enveloppes  con- 
centriques des  oignons. 

Végétal.  Corps  organisé ,  doué  de  vie  et  privé 
de  sentiment. 

On  ne  me  passera  pas  cette  définition,  je  le  sais. 
On  veut  que  les  minéraux  vivent ,  que  les  végétaux 
sentent,  et  que  la  matière  même  informe  soit  douée 
de  sentiment.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  nouvelle 
physique,  jamais  je  n'ai  pu,  je  ne  pourrai  jamais 
parler  d'après  les  idées  d'autrui,  quand  ces  idées 
ne  sont  pas  les  miennes.  J'ai  souvent  vu  mort  un 
arbre  que  je  voyais  auparavant  plein  de  vie;  mais 
la  mort  d'une  pierre  est  une  idée  qui  ne  saurait 
m'entrer  dans  l'esprit.  Je  vois  un  sentiment  exquis 
tlans  mon  chien,  mais  je  n'en  aperçois  aucun  dans 
un  chou.  liCs  paradoxes  de  Jean-Jacques  sont  fort 


VÉG  321 

célèbres.  J'ose  demander  s'il  en  avança  jamais 
«l'aiissi  fou  que  celui  que  j'aïu^ais  à  combattre  si 
j'entrais  ici  dans  cette  discussion ,  et  qui  pourtant 
ne  choque  personne.  Mais  je  m'arrête,  et  rentre 
dans  mon  sujet. 

Puisque  les  végétaux  naissent  et  vivent,  ils  se 
détruisent  et  meurent;  c'est  l'irrévocable  loi  à  la- 
quelle tout  corps  est  soumis  :  par  conséquent  ils 
se  reproduisent  ;  mais  comment  se  fait  cette  repro- 
duction ?  En  tout  ce  qui  est  soumis  à  nos  sens  dans 
le  régne  végétal,  nous  la  voyons  se  faire  par  la 
voie  de  la  fructification;  et  l'on  peut  présumer  que 
cette  loi  de  la  nature  est  également  suivie  dans 
les  parties  du  même  régne,  dont  l'organisation 
échappe  à  nos  yeux.  Je  ne  vois  ni  fleurs  lii  fruits 
dans  les  bjssus^  dans  \es.con/hva ,  dans  les  truffes  ; 
mais  je  vois  ces  végétaux  se  perpétuer,  et  l'ana- 
logie sur  laquelle  je  me  fonde  pour  leur  attribuer 
les  mêmes  moyens  qu'aux  autres  de  tendre  à  la 
même  fin,  cette  analogie,  dis-je,  me  paraît  si  sûre, 
que  je  ne  puis  lui  refuser  mon  assentiment. 

Il  est  vrai  que  la  plupart  des  plantes  ont  d'autres 
manières  de  se  reproduire  ,  comme  par  caïeux , 
par  boutures  ,  par  drageons  enracinés.  Mais  ces 
moyens  sont  bien  plutôt  des  suppléments  que  des 
principes  d'institution;  ils  ne  sont  point  communs 
à  toutes  ;  il  n'y  a  que  la  fructification  qui  le  soit , 
et  qui ,  ne  souffrant  aucune  exception  dans  celles 
qui  nous  sont  bien  connues,  n'en  laisse  point  sup- 
poser dans  les  autres  substances  végétales  qui  le 
sont  moins. 


110.  VUL 

Velu.  Surface  tapissée  de  poils. 

Verticillé,  Attache  circulaire  sur  le  même  plan, 
et  en  nombre  de  plus  de  deux  autour  d'un  axe 
commun. 

VivACE.  Qui  vit  plusieurs  années  ;  les  arbres ,  les 
arbrisseaux,  les  sous-arbrisseaux,  sont  tous  vivaces,  i 
Plusieurs  herbes  même  le  sont,  mais  seulement 
par  leurs  racines.  Ainsi  le  chèvrefeuille  et  le  hou- 
blon, tous  deux  vivaces,  le  sont  différemment:  le 
premier  conserve  pendant  l'hiver  ses  tiges  en  sorte 
qu'elles  bourgeonnent  et  fleurissent  le  printemps 
suivant  ;  mais  le  houblon  perd  les  siennes  à  la  fin  de 
chaque  automne,  et  recommence  toujours  chaque 
année  à  en  pousser  de  son  pied  de  nouvelles.  1 

I^es  plantes  transportées  hors  de  leur  climat  sont 
sujettes  à  varier  sur  cet  article.  Plusieurs  plantes 
vivaces  dans  les  pays  chauds  deviennent  parmi 
nous  annuelles ,  et  ce  n'est  pas  la  seule  altération 
qu'elles  subissent  dans  nos  jardins. 

De  sorte  que  la  botanique  exotique  étudiée  en 
Europe  donne  souvent  de  bien  fausses  observa- 
tions. 

Vrilles  ou  Matns.  Espèce  de  filets  qui  terminent 
les  branches  dans  certaines  plantes,  et  leur  four- 
nissent les  moyens  de  s'attacher  à  d'autres  corps. 
Les  vrilles  sont  simples  ou  rameuses  ;  elles  prennen  t, 
étant  libres,  toutes  sortes  de  directions,  et  lors- 
qu'elles s'accrochent  à  un  corps  étranger  ,  elles 
l'embrassent  en  spirale. 

Vulgaire.  On  désigne  ordinairement  ainsi  l'es- 
pèce principale  de  chaque  genre  la  plus  ancienne- 


URN  '-iy3 

ment  connue  dont  il  a  tiré  son  nom,  et  qu'on  re- 
gardait d'abord  comme  une  espèce  unique. 

Urne.  Boite  ou  capsule  remplie  de  poussière, 
que  portent  la  plupart  des  mousses  en  fleur.  La 
construction  la  plus  commune  de  ces  .urnes  est 
d'être  élevées  au-dessus  de  la  plante  par  un  pé- 
dicule plus  ou  moins  long;  de  porter  à  leur  som- 
met une  espèce  de  coiffe  ou  de  capuchon  pointu 
qui  les  couvre,  adhérent  d'abord  à  l'urne,  mais 
qui  s'en  détache  ensuite,  et  tombe  lorsqu'elle  est 
prête   à    s'ouvrir  ;  de  s'ouvrir  ensuite  aux   deux 
tiers  de  leur  hauteur,  comme  ime  boîte  à  savon- 
nette, par  im  couvercle  qui  s'en  détache  et  tombe 
à  son  tour  après  la  chute  de  la  coiffe;  d'être  dou- 
blement ciliée   autour   de  sa  jointure,    afin  que 
l'humidité  ne  puisse  pénétrer  dans  l'intérieur  de 
l'urne  tant  qu'elle  est  ouverte;  enfin, .de  pencher 
et  se  courber  en  en-bas  aux  approches  de  la  ma- 
turité pour  verser  à  terre  la  poussière  qu'elle  con- 
tient. 

L'opinion  générale  des  botanistes  sur  cet  article 
est  que  cette  urne  avec  son  pédicule  est  une  éta- 
mine  dont  le  pédicule  est  le  filet,  dont  l'urne  est 
l'anthère,  et  dont  la  poudre  qu'elle  contient  et 
qu'elle  verse  est  la  poussière  fécondante  qui  va 
fertiliser  la  fleur  femelle  :  en  conséquence  de  ce 
système  on  donne  communément  le  nom  d'an- 
thère à  la  capsule  dont  nous  parlons.  Cependant , 
comme  la  fructification  des  mousses  n'est  pas  jus- 
qu'ici parfaitement  connue,  et  qu'il  n'est  pas  d'une 
certitude  invincible  que  l'anthère  dont  nous  par- 


•a -2  4  ^Tll 

Ions  soit  véritablement  une  anthère,  je  crois  qu'en 
attendant  une  plus  grande  évidence,  sans  se  pres- 
ser d'adopter  un  nom  si  décisif ,  que  de  plus 
grandes  lumières  pourraient  forcer  ensuite  d'a- 
bandonner, il  vaut  mieux  conserver  celui  d'urne 
donné  par  Vaillant ,  et  qui ,  quelque  système  qu'on 
adopte,  peut  subsister  sans  inconvénient. 

Utricules.  Sortes  de  petites  outres  percées  par 
les  deux  bouts,  et  communiquant  successivement 
de  l'une  à  l'autre  par  leurs  ouvertures,  comme  les 
aludels  d'un  alambic.  Ces  vaisseaux  sont  ordinai- 
rement pleins  de  sève.  Ils  occupent  les  espaces  ou 
mailles  ouvertes  qui  se  trouvent  entre  les  fibres 
longitudinales  et  le  bois. 


FIN   DU    DICTIONNAIRE   DE   BOTANIQUE. 


LETTRES 


ELEMENTAIRES 


SUR  LA  BOTANIQUE, 

PAR  M.  MARTYN, 

PROFESSEUR  DE  BOTANIQUE  A   l'uNIVEHSITÉ  DE  CAMBRIDGE. 


R.    VU. 


AVIS  DE  L'ÉDITEUR. 


Un  professeur  de  botanique  en  l'université  de  Cambridge , 
fils  et  successeur  du  célèbre  William  Martyn,  mort  en  1768, 
frappé  de  l'élégante  clarté  avec  laquelle  Rousseau  avait  décrit 
les  plantes  dans  les  lettres  qu'on  vient  de  lire,  et  convaincu  que 
cette  manière  devait  faire  aimer  la  botanique  et  rendre  agréable 
et  facile  l'étude  de  cette  branche  de  l'histoire  naturelle,  entre- 
prit d'achever  l'ouvrage  de  Jean-Jacques.  Le  succès  qu'il  obtint 
lui  fit  voir  qu'il  ne  s'était  point  trompé.  Les  lettres  suivantes  ap- 
partiennent donc  à  M.  Thomas  Martyn.  Elles  ont  été  traduites 
par  M.  de  la  Montagne  :  nous  les  reproduisons  parce  qu'en 
complétant  le  travail  de  Rousseau,  elles  diminuent  les  regrets 
qu'on  éprouvait  de  voir  ce  travail  imparfait. 


LETTRES 


ELEMENTAIRES 


SUR  LA  BOTANIQUE. 


LETTRE  I.' 

A    MADAME    DE    L**' 


lo  juin  1774. 


Enfin,  ma  chère  cousine,  je  vais  vous  donner  la  facilité  d'exa- 
miner les  plantes  par  vous-même,  et  de  déterminer  le  genre  et 
l'espèce,  comme  vous  l'avez  déjà  fait  relativement  à  la  classe  et 
à  l'ordre.  Vous  êtes  déjà  initiée  dans  ces  connaissances  par  mes 
premières  lettres;  mais  aujourd'hui  je  procéderai  plus  en  for- 
me, et  je  vous  présenterai  une  ou  plusieurs  plantes  de  chaque 
classe,  vous  expliquant,  à  mesure  que  nous  avancerons,  quel- 
ques autres  plantes  des  classes  naturelles,  lesquelles  forment 
les  classes  artificielles,  ou  s'y  trouvent  comprises. 

La  première  classe,  la  Monandrie ,  est  fort  peu  nombreuse 
dans  le  système  de  Linnée;  elle  ne  comprend  que  deux  ordres, 
comme  vous  l'avez  déjà  vu  dans  la  seconde  table  que  je  vous  ai 
envoyée.  On  n'y  trouve  aussi  que  dix-huit  genres  et  quarante- 
quatre  espèces.  Fort  peu  de  ces  plantes  croissent  en  Europe ,  et 
l'on  a  de  la  peine  à  rencontrer,  dans  les  serres  chaudes,  les 

'  Cette  lettre  et  les  suivantes  appartiennent  à  M.  Martyn  ,  professeur  de  bo- 
tanique en  l'université  de  Cambridge  ,  comme  nous  l'avons  annoncé  dans  notre 
avis  placé  à  la  tète  de  cet  ouvrage;  la  manière  dont  elles  ont  été  traduites  de 
l'anglais  par  M.  de  la  Montagne  nous  a  paru  exacte,  et  ne  laisse  rien  à  désirer. 
Nous  avons  cru  que  nos  lecteurs  verraient  avec  plaisir  ces  lettres  vraiment  di- 
gnes d'être  mises  à  côté  de  celles  de  Jean-Jacques ,  et  dont  le  mérite  principal 
est  de  parfaire  un  ouvrage  que  la  mort  n'a  pas  permis  à  ce  grand  homme  de 
mettre  à  sa  fin. 

i5. 


2^8  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

espèces  de  plantes  indiennes;  au  moins  il  est  bien  rare  qu'un 
les  voie  en  fleurs. 

Il  y  a  cependant  une  plante  qu'on  trouve  assez  souvent  dans 
les  étangs,  les  fossés,  et  les  eaux  bourbeuses  et  stagnantes;  on 
la  nomme  Hippuris^  elle  est  de  cette  classe  et  du  premier  or- 
dre. Sa  tige  est  simple  et  distinguée  par  des  jointures.  A  cha- 
cune de  ces  jointures,  il  y  a  une  douzaine  de  feuilles  et  même 
davantage,  dans  cette  espèce  de  forme  que  Linnée  appelle  ver- 
ticillée.  A  chacune  de  ces  feuilles  ,  près  de  la  tige ,  appartient 
une  petite  fleur  consistant  en  une   seule  étamine   et  un  pistil, 
une  semence,  et  rien  de  plus;  car  elle  n'a  ni  calice  ni  corolle. 
Vous  trouverez  l'étamine  située  ^ur   le  germe,  terminée  par 
une  anthère  ^  à  deux  pointes.  Derrière  l'anthère  se  trouve  le 
style,  qui  est  fort  court,  et  terminé  par  un   stigmate  qui  s'a- 
longe  eu  pointe.  Ces  indices  seront  suffisants  pour  vous  faire 
reconnaître  VHippuiii%  qui,  peut-être,  ne  croît  pas  dans  votre 
voisinage.  Si  cette  plante  s'y  trouve,  il  ne  faut  pas  que  vous    1 
vous  exposiez,  en  l'allant  chercher,  à  vous  mouiller  et  à  vous 
crotter  dans  un  fossé  bourbeux.  Comme  on  en  peut  ramasser 
beaucoup  dans  les  fossés  de  l'abbaye  voisine  ,  j'en  ai  niis  quel-    ■ 
ques-unes  dans  ma  boîte  de  poche,  qui  est  très-commode  pour 
tenir  les  plantes  fraîches;  c'est  un  meuble  qui  vous  servira  en- 
suite à  porter  au  logis  les  plantes  dans  un  état  de  fraicheur  , 
si  vous  n'en  êtes  pas  déjà  pourvue.  Si  vous  n'êtes  pas  frappée  de 
la  beauté  de  X hijipiuis ,  au  moins  vous  l'estimerez  poiu"  sa  m,o- 
destie  et  sa  simplicité,   .l'ai  une    faveur  à  vous  demandée'  en 
retour  de  ma  boîte  d'étain  et  de  ce  qu'elle  contient.  C'est  que, 
lorsque  vous  prononcerez  le  nom  de  cette  plante,   vous  ayez 
attention  à  faire  la  svllabe  du  milieu  longue  et  non  pas  brève, 

'  l^hippiiris,  en  français  pesse  commune ,  a  les  tiges  droites,  feuillées,  et  s'é- 
lùve  au-deibus  de  la  surface  de  l'eau  ,  à  la  hauteur  de  huit  ou  dix  pouces.  Les 
tiges  sout  garnies  ,  dans  leur  longueur  ,  de  feuilles  verticillées  ,  étroites  et  li- 
néaires. Les  verticiUes  sont  nombreux  et  très-rapproclics.  Les  fleurs  sont  axil- 
laires,  sessiles  ,  et  n'ont  qu'une  étamine.  On  la  trouve  dans  les  fossés  aquatiques, 
et  sur  le  bord  des  étangs. 

2  En  latin  anthera  ,  du  mot  '■<^„y'.<,,Jluridiis.  Th,  à.%^u,flos.  C'est  le  sommet 
de  l'étamiae ,  où  est  la  poussière  fécondante. 

3  On  eu  voit  la  figure  dans  Curtis,  Flora  Londinensls ;  Fascic.  tv,  plan- 
che I. 


SUR   l.X   BOTANIQUE.  U'IC) 

ainsi  que  plusieurs  la  prononcent;  car  je  suis  jaloux  de  pro- 
noncer et  de  penser  de  la  même  manière  que  vous.  Je  n'ai  rien 
dit  ici  touchant  la  distinction  du  yenre  et  de  l'espèce,  parce  qu'il 
n'y  a  qu'une  espèce  àhippuris.  Cependant  il  faut  que  je  vous 
apprenne  ,  une  fois  pour  toutes,  que  nous  désignons  toujours 
les  caractères  du  genre  par  les  parties  de  la  fructification ,  et 
ceux  de  l'espèce  par  les  autres  parties  de  la  plante,  et  en  parti- 
culier parles  feuilles. 

Il  y  a  une  autre  plante  de  cette  classe,  que  votre  jardinier  peut 
avoir  dans  la  serre  chaude.  Je  suis  sûr  que  vous  la  connaissez, 
et  que  vous  avez  remarqué  sa  tige  droite,  la  promptitude  de  sa 
croissance,  et  ses  belles  fleurs  couleur  d'écarlate.  Peut-être 
vous  avez  déjà  éprouvé  quelque  difficulté  pour  en  déterminei 
la  classe  et  l'ordre;  car  il  n'y  a  point  de  (ilets,  et  l'anthère  se 
irouve  au  bord  d'une  espèce  de  pétale.  Le  calice  est  formé  de 
liois  feuilles;  la  corolle  est  découpée  en  six  portions,  cinq 
droites  et  la  sixième  courbée.  Les  semences  sont  contenues  dans 
une  capsule  ou  vaisseau  de  trois  cellules.  Elles  sont  rondes  et 
fort  dures ,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  balles  indiennes. 
Linnée  l'appelle  canna.  Voilà  ce  qui  regarde  le  genre  dont  il  y 
a  au  moins  trois  espèces  ;  quelques-uns  en  comptent  cintj.  Lin 
née  a  distingué  ainsi  ses  trois  espèces  :  i"  la  canna  indien  ',  ])ar 
ses  feuilles  en  ovale,  se  terminant  en  pointe  aigiie  par  les  deux 
extrémités  ,  et  marquées  de  nervures;  2"  canna  angusti/olia, 
halle  i n die tjt ne  ix  feuilles  étroites,  par  ses  feuilles  pétiolées  en 
forme  de  lance,  marquées  aussi  par  des  nervures;  3°  canna 
glaiica,  balle  indienne  vert-de-mer,  par  ses  feuilles  pétiolées  en 
forme  de  lance,  unies  ou  sans  nervures.  La  vôtre  sera  vraisem- 
blablement une  des  deux  premières  espèces,  car  la  dernière  a 
des  fleins  jaunes.  Cet  ordre  renferme  plusieurs  plantes  intéres- 
santes, telles  que  le  gingembre,  le  cardamome,  la  graine  de  pa- 
radis, le  costus  arabicas ,  le  turinerich  ,  le  ^alans^a,  etc.,  toutes 
lesquelles  |)lantes,  ainsi  que  la  canna,  apparliennent  à  une  fa- 
mille naturelle,  que  Linnée  adésignéesoiis  li'  nom  A^iscitaminea, 
du  n)Ot  latin  scitian,  qui ,  étant  jointe  au  mot  eduliuin ,  renferme 
tous  les  comestibles  d'un  goût  agréable.  Non-seulcmcnt  elles 

'  JoLu  Miller  ou  a  donne  la  fij^ure  dans  sou  cxpliintiou  du  système  sexuel. 


23o  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

occupent  la  nid-me  place  dans  le  système  artificiel,  mais  encore 
elles  s'accordent  en  cela ,  que  leurs  semences  sont  renfermées 
dans  un  vaisseau  au-dessous  du  réceptacle,  comme  vous  le  dé- 
couvrez manifestement  dans  la  canna.  Les  divisions  du  calice, 
de  la  corolle  et  de  la  capsule  aux  graines,  sont  aussi  ordinai- 
rement au  nombre  de  trois, 

Avant  de  prendre  l'essort ,  il  faut  voler  à  de  petites  distances. 
Je  vous  écrirai  la  prochaine  fois  plus  au  long  ,  si  vous  voulez 
bien  me  le  permettre.  Adieu ,  pour  quelques  jours. 


LETTRE  II. 


17  juin,  1774. 


Il  a  fallu ,  ma  chère  cousine,  vous  contenter,  pendant  une  se- 
maine, du  peu  d'instruction  que  contenait  ma  dernière  lettre. 
Je  peux  aujourd'hui  vous  promettre  plus  de  variété,  ayant  un 
plus  vaste  champ  à  parcourir,  et  pouvant  faire  un  choix  plus 
agréable.  La  seconde  classe  des  plantes ,  la  diandric  ,  a  trente- 
cinq  genres  et  deux  cent  soixante-cinq  espèces. 

Linnée  a  fait  tout  ce  qu'il  a  pu  pour  faciliter  la  connaissance 
des  plantes.  Rien  n'y  contribue  davantage  que  la  clarté  et  l'ordre 
qu'il  a  mis  dans  sa  nomenclature ,  et  la  manière  dont  il  conduit 
ses  élèves  méthodiquement,  en  les  faisant  commencer  par  les 
généralités,  et  descendre  ensuite  dans  les  détails. 

Ainsi,  après  avoir  déterminé  la  classe  et  l'ordre  de  cette 
plante ,  vous  apercevez  que  chaque  ordre ,  quand  il  est  nom- 
breux ,  se  partage  en  plusieurs  grandes  divisions  ,  et  cette  pre- 
mière vue  s'offre  à  vous  avant  qu'il  soit  question  des  caractères 
génériques.  Cela  abrège  beaucoup  vos  recherches;  car,  dans 
le  premier  ordre  de  cette  classe,  au  lieu  d'avoir  à  reconnaître 
les  caractères  de  trente-cinq  genres,  vous  n'en  avez  que  huit 
ou  neuf,  ou  peut-être  pas  plus  de  trois,  et  même  rien  qu'un 
seul.  Pour  que  vous  puissiez  mieux  conq)rendre  ceci,  je  vous 


SUR  LA   BOTANIQUE.  l'dx 

donnerai  la  subdivision  de  Linnée ,  dans  le  prcniier  ordre  de 
cette  classe. 


DIANDRIE   MONOGYNIE. 

I.  Fleurs  inférieures,  monopétales,  régulières  :  8  genres. 

II.  rieurs  inférieures,  monopétales,  irrégulières,  avec  les 
semences  renfermées  dans  une  capsule  :  9  genres. 

III.  Fleurs  inférieures ,  monopétales  ,  irrégulières  ,  avec 
les  semences  à  nu  :  9  genres.  • 

IV.  Fleurs  inférieures  ,  pentapétales  :  i  genre. 

V.  Fleurs  supérieures  :  3  genres. 

En  sorte  que  si  votre  plante  appartient  à  la  quatrième  divi- 
sion, vous  la  mettez  à  sa  place  dans  le  même  moment ,  et  pour 
toutes  les  autres  ,  vous  avez  beaucoup  de  facilité. 

Vous  ne  serez  point  embarrassée  à  vous  procurer  des  plantes 
dans  cette  classe,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  des  plus  nombreuses. 
Votre  jardin  et  les  champs  d'alentour  vous  fourniront  assez 
d'exemples. 

Vous  connaissez  plusieiu'S  espèces  de  jasmin.  Prenez- en 
un  au  hasard.  Vous  apercevrez  tout  de  suite  qu'il  appartient  à 
la  première  division  du  premier  ordre.  Comparez  autant  d'es- 
pèces que  vous  pourrez  en  rencontrer,  lorsqu'elles  sont  en 
fleurs,  et  vous  trouverez  qu'elles  s'accordent  toutes  dans  leurs 
caractères. 

Mais  on  y  trouve  encore  d'autres  particularités  qu'on  nomme 
caractères  génériques.  Celles  qu'on  remarque  dans  le  cas  pré- 
sent sont,  que  la  corolle  est  monopétale,  en  forme  de  sou- 
coupe, et  que  son  bord  est  partagé  en  cinq  segmens.  Les  an- 
thères sont  petites ,  et  cachées  dans  le  tube  de  la  corolle.  La 
capsule  aux  semences  est  une  baie  qui  a  deux  cellules,  et  les 
semences  sont  couvertes  d'une  peau  ou  tunique  propi'e  qui  se 
détache  d'elle-même. 

Ayant  vu  en  quoi  toutes  les  espèces  de  jasmin  se  ressemblent, 
afin  de  déterminer  la  classe ,  l'ordre  ,  ses  divisions,  et  le  genre, 
maintenant  il  faut  voir  les  particularités  par  lesquelles  ils  dif- 
fèrent,  pour  arranger  les  six  espèces.  Pou^  cet  effet,  il  nou? 
suffira  d'observer  les  feuilles  ainsi: 


2^2  LÊTTRÊ8  ÉLÉMENTAIRES 

I.  Feuilles  dentelées,  opposées,  lobes  distincts:  jasmin  of- 

riClNAL. 

II.  Feuilles  dentelées,  opposées,  lobes  confluens  :  jasmin 
DE  Catalogne. 

III.  Feuilles  ternées  ,  opposées  :  jasmin  azorien. 

IV.  Feuilles  ternées  et  simples  ,  alternes  ,  branches  angu- 
leuses :  jasmin  arbrisseau. 

V.  Feuilles  ternées  et  dentelées ,  alternes ,  aiguës ,  branches 
anguleuses  :  jasmin  nain. 

VI.  Feuilles  ternées  et  dentelées,  alternes,  obtuses,  branches 
rondes;  jasmin  odoriférant. 

Les  trois  premières  espèces  ont  la  corolle  blanche.  Dans  les 
trois  dernières  elle  est  jaune.  Si  vous  voulez  avoir  des  ren- 
seignements concernant  votre  plante  ïaworite  ,\e  jasmin  d'Ara- 
bie, vous  saurez  qu'il  appartient  à  un  autre  genre,  nyctanthes , 
parce  qu'il  a  le  calice  et  la  corolle  divisés  en  huit  segments.  Le 
jasmin  du  Cap  appartient  à  une  autre  classe,  la  cinquième,  et 
en  conséquence  il  a  un  autre  nom ,  gardénia . 

Plusieurs  autres  arbres  et  arbrisseaux  sont  compris  dans 
cette  même  première  division;  le  troène,  \q phillyrea,  l'olivier 
et  le  lilas  sont  de  ce  nombre.  Toutes  ces  plantes  ont  une  corolle 
partagée  en  quatre  pointes.  Elles  sont  distinguées  l'une  de 
l'autre  par  leur  fruit,  qui,  dans  le  troène,  est  une  baie  avec 
quatre  semences;  dans  le  phillyrea,  une  baie  avec  une  seule 
semence;  dans  l'olivier,  un  fruit  charnu  à  noyau;  dans  le  lilas, 
une  capsule  à  deux  loges.  Le  lilas  commun  a  des  feuilles  en 
forme  de  cœur,  ce  qui  suffit  pour  le  faire  distinguer  du  lilas 
de  Perse,  dont  les  feuilles  sont  en  forme  de  lance.  Quant  aux 
différentes  couleurs  des  fleurs  dans  le  lilas  de  la  première  es- 
pèce, elles  ne  forment  que  des  variétés,  la  couleur  étant  rare- 
ment assez  permanente  pour  constituer  des  différences  spéci- 
fiques. 

Dans  la  seconde  division,  est  un  genre  qui  a  pris  son  nom 
d'une  sainte,  la  véronique.  Il  est  fort  nombreux,  ne  contenant 
pas  moins  de  quarante  espèces.  Ici  Linnée  a  fait  pour  le  genre 
ce  qu'il  a  fait  auparavant  pour  l'ordre.  Il  l'a  séparé  en  trois 
principales  divisimis,  d'après  la  manière  dont  elles  portent  leurs 
flciu's.  La  première ,  celle  dont  les  fleurs  sont  en  épi  ;  la  seconde , 


SUll   LA   BOTAJVIQUi:.  ^33 

ayant  les  fleurs  en  grappe;  la  troisième,  où  les  fleurs  sont  sé- 
parées. 

Ce  genre  est  connu  aisément  par  la  corolle  monopétale  et 
circulaire,  ou  en  forme  de  roue,  divisée  en  quatre  segments, 
dont  le  plus  bas  est  plus  étroit  que  les  autres,  et  par  la  cap- 
sule, en  forme  de  cœur  et  aplatie. 

Une  de  ses  espèces  est  fort  commune  dans  les  buissons  et  au 
bord  des  pâturages.  Ses  belles  fleurs  bleues  ont  sans  doute  at- 
tiré votre  attention  ;  et  en  tombant  trop  aisément,  elles  vous 
ont  peut-être  donné  lieu  de  faire  des  leçons  à  votre  aimable  fille , 
sur  le  peu  de  durée  de  nos  plaisirs,  ou  sur  l'existence  passa- 
gère des  charmes  qui  embellissent  le  sexe.  Si  le  temps  de  sa 
floraison  n'est  pas  déjà  passé,  car  c'est  en  mai  qu'elle  fleurit, 
vous  verrez  qu'elle  appartient  à  la  seconde  division.  Si  elle  n'est 
pas  actuellement  en  fleurs,  ses  feuilles  ovales,  ridées ,  dentelées 
vers  les  bords,  et  collées  contre  la  tige  avec  ses  branches  faibles 
et  traînantes ,  à  moins  qu'elles  ne  soient  soutenues  par  des  buis- 
sons, vous  feront  bientôt  reconnaître  cette  humble  plante  de 
façon  à  ne  pouvoir  vous  y  méprendre. 

Cependant  si  cette  espèce  n'est  plus  en  fleur ,  vous  en  trou- 
verez certainement  une  autre  dans  les  pâturages  secs  ou  bruyè- 
res, particulièrement  sur  d'anciennes  fourmilières.  Peut-être 
a-t-elle  échappé  à  votre  vue,  les  fleurs  étant  petites  et  d'une 
couleur  pâle.  Cependant,  en  les  examinant  de  près,  on  y  trouve 
quelque  beauté.  Celle-ci  appartient  à  la  première  division ,  ayant 
des  fleurs  qui  croissent  en  épi,  et  qui  sortent  particulièrement 
des  côtés  delà  plante,  à  quelque  distance  de  la  tige  principale. 
Les  feuilles  sont  opposées,  et  les  tiges  traînent  sur  la  terre.  On 
lui  a  donné  le  nom  trivial  de  véronique  des  boutiques,  ou  of- 
ficinale, parce  qu'on  s'en  sert  quelquefois  en  infusion  dans  la 
médecine. 

Les  antres  espèces  se  trouvent  fréquemment  au  bord  des  fos- 
sés et  des  ruisseaux,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  riéro- 
niques  d'eau.  Ces  espèces  appartiennent  à  la  seconde  division. 
Les  trois  espèces  comprises  dans  la  troisième  division  se  trou- 
vent en  abondance  dans  les  terres  labourées  et  les  jachères,  pen- 
dant le  cours  du  printem])S. 

.le  ne  sais  comment  cela   se  fait;  mais  il  existe  un  rapport 


234  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

entre  cette  classé  et  la  quatorzième.  'Lapinguicula,  gvassetle,  ou 
herbe-au-beurre  fbuttcr-wortj,  a  une  fleur  en  masque.  Quel- 
ques espèces  de  verveine  ont  deux  étamines,  d'autres  quatre, 
de  longueur  inégale.  Parmi  ces  dernières  est  une  verveine  com- 
mune ou  officinale.  Quelques  auteurs  rangent  celle-ci  dans  la 
classe  de  la  didynamie.  La  sauge,  le  romarin,  et  d'autres,  ont  des 
fleurs  labiées,  et  ressemblent  si  fort,  en  tout  point,  aux  plantes 
de  la  quatorzième  classe,  qu'on  doit  naturellement  les  y  placer  : 
mais  comme  elles  n'ont  que  deux  étamines ,  le  système  artificiel 
les  range  dans  la  classe  qui  renferme  les  plantes  de  ce  caractère. 
La  sauge  pai-aît  former  le  chaînon  qui  unit  les  deux  classes  ; 
car,  dans  ce  genre,  on  trouve  les  rudiments  d'un  autre  couple 
d'étamines,  mais  sans  anthères.  La  structure  des  étamines,  dans 
la  sauge  ,  est  singulière  et  mérite  votre  observation.  Les  deux 
filets  sont  fort  courts;  mais  les  deux  autres  sont  attachés  à  ceux- 
ci  transversalement  par  le  milieu.  A  l'extrémité  de  ceux-ci  on 
trouve  ime  glande ,  et  aux  autres  une  anthère.  Cette  particu- 
larité distingue  ce  genre  de  tous  les  autres ,  et  on  l'appelle 
.son  caractère  essentiel.  Si  vous  comparez  ensemble  les  fleurs  de 
la  sauge  et  du  romarin,  vous  trouverez  qu'elles  se  ressemblent 
en  plusieurs  autres  points;  mais  le  romarin  n'a  pas  ce  carac- 
tère, il  a  de  très-longs  filets  qui  se  recourbent  vers  le  casque 
ou  lèvre  supérieure  de  la  corolle. 

Le  genre  de  la  sauge  ne  renferme  pas  moins  de  cinquante- 
deux  espèces.  Notre  sauge  commune  des  jardins,  dont  il  y  a 
plusieurs  variétés  ,  a  des  fleurs  qui  croissent  en  épi  ;  les  seg- 
ments du  calice  sont  aigus  ,  les  feuilles  d'une  forme  oblongue, 
ovale,  entières,  et  fort  légèrement  crénelées  sur  les  bords.  Il  y  a 
deux  sortes  de  sauge  sauvage  communes  en  Europe  ',  qui  ne 
diffèrent  pas  beaucoup  l'une  de  l'autre;  mais  ce  sont  plutôt 
des  orvales  que  des  sauges.  Vous  ne  serez  point  embarrassée 
pour  les  connaître  quand  vous  les  verrez.  Pour  les  distinguer 
l'une  de  l'autre ,  observez  que  la  sauge  des  prés  a  les  feuilles 
oblongues,  en  forme  de  cœur  ,  et  crénelées  sur  les  bords.  Les 
feuilles  supérieures  embrassent  les  tiges  :  les  fleurs  croissent 

I  Salvia  pratensis ,  et  verhenaca  j  mais  cette  dernière  seule  est  commune  en 
Angleterre. 


SUR  LA    BOTANIQUE.  ^35 

presque  à  nu ,  et  la  lèvre  supérieure  de  la  corolle  est  glutineusc. 
La  sauge  verbénacée  a  les  feuilles  dentelées  en  forme  de  scie , 
sinueuses  et  unies.  Le  tube  de  la  corolle  est  fort  petit  en  com- 
paraison du  calice  ,  qui  a  une  large  ouverture. 

Mais  en  voilà  assez  pour  notre  seconde  excursion,  en  atten- 
dant la  troisième,  que  je  me  propose  de  faire  avec  vous  dans 
peu  de  temps. 


LETTRE   IIÏ. 

24  juin,  1774- 

Je  me  suis  hâté  de  prendre  la  plume,  ma  chère  cousine,  de 
crainte  que  l'infatigable  faucheur  n'eût  abattu  notre  récolte  de 
plantes.  Peut-être  la  beauté  de  la  saison  aura  hâté  ses  pas  ;  mais , 
au  pis  aller,  il  vous  aura  laissé  quelque  chose  cà  glaner  le  long 
des  haies. 

La  famille  des  plantes  que  je  recommande  aujourd'hui  à  votre 
attention,  est  la  plus  connue  et  la  plus  agréable  de  toutes.  Elle 
est  la  plus  agréable  aux  yeux,  et  de  l'usage  le  plus  étendu,  puis- 
qu'elle fournit  à  l'homme  fe  meilleure  portion  de  sa  nourriture, 
et  qu'en  même  temps  elle  est  le  seul  aliment  de  plusieurs  ani- 
maux et  d'un  grand  nombre  d'oiseaux.  Les  censeurs  les  plus 
rigides  ne  peuvent  nous  accuser  d'employer  mal  notre  temps, 
lorsque  nous  nous  arrêtons  à  contempler  une  famille  de  plantes 
aussi  utile  que  l'est  celle  qui  contient  toutes  les  différentes  es- 
pèces de  blé  et  d'herbes  des  prés,  nonmiées  graincn. 

Les  premières  étant  en  plus  grand  nombre,  demandant  plus 
de  soin  et  de  culture,  parce  qu'elles  sont  annuelles,  et  étant  de 
première  nécessité  pour  la  nourriture  de  l'homme,  et  des  ani- 
maux domestiques,  dont  il  est  environné  dans  ce  pays  et  dans 
plusieurs  autres,  sont  universellement  connues  et  distinguées 
les  unes  des  autres.  Mais  ce  n'est  pas  le  cas  des  dernières.  L'herbe 
«jui  croît  dans  les  champs ,  destinée  aux  pâturages ,  se  représente 
ordinairement  à  l'esprit  sous  une  seule  idée.  Le  cultivateur  qui 


236  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

promène  ses  yeux  sur  son  enclos,  ne  songe  pas  qu'il  y  a  plus 
de  trois  cents  espèces  d'herbes  des  prairies,  dont  pour  le  mo- 
ment il  ])eut  y  en  avoir  plus  de  trente  ou  quarante  exposées  à 
sa  vue.  Il  n'y  a  pas  plus  de  vingt  ans  qu'on  leur  donnait  à  toutes 
le  même  nom.  Les  noms  particuliers  dont  on  s'est  servi  pour 
en  distinguer  les  espèces,  ne  sont  pas  encore  d'un  usage  bien 
général.  Nous  pouvons  donc  assurer  que  la  connaissance  de 
cette  famille,  la  plus  répandue  et  la  plus  utile,  est  encore  dans 
son  enfance  '. 

Ne  donnons  point  plus  d'importance  à  la  botanique  qu'elle 
n'en  a  réellement;  mais  avançons  tranquillement  dans  la  car- 
rière que  nous  parcourons.  La  plus  grande  partie  des  gens  du 
monde  sait  à  peine  que  l'herbe  des  champs  a  une  fleur,  et  si  on 
la  leur  montre,  ils  vous  demanderont  froidement  :  est-ce  là  tout? 
Cependant,  non-seulement  cette  plante  a  ime  fleur,  mais  en- 
core elle  a  tout  ce  qui  constitue  cette  partie.  Ce  qu'on  ne  peut 
pas  dire  de  b  tulipe  et  de  quelques  autres  qui  ont  fixé  l'atten- 
tion de  tous  les  hommes.  Il  y  a  même  une  telle  variété  dans  les 
parties  et  la  disposition  des  fleurs  de  cette  plante,  et  dans  la  ma- 
nière dont  elle  fleurit,  que  nous  avons  assez  de  marques  dans 
la  fructification,  pour  distinguer  plus  de  quarante  genres. 

Si  vous  prenez  un  épi  de  gazon,  vous  pourrez  peut-être  voir 
cette  attente  trompée,  et  ne  pas  discerner  les  étamines  et  les 
autres  parties.  Soyez  assurée  que  la  fleur  n'est  pas  encore  ou- 
verte, et  continuez  vos  l'echerches  jusqu'à  ce  que  vous  en  trou- 
viez une  dont  les  parties  soient  développées,  les  filets  déliés, 
pendants  en  dehors,  avec  des  anthères  doubles,  larges  etoblon- 
gues,  jouant  librement  au  tour  au  moindre  mouvement.  Vous 
Vous  apercevrez  tout  de  suite  que  votre  plante,  ayant  trois  de 
ces  filets,  doit  être  rangée  dans  la  troisième  classe  f  triandrie , 
pourvu  que  la  fleur  ait  un  pistil  aussi-bien  que  des  étamines. 
En  portant  vos  recherches  un  peu  plus  loin,  vous  découvrirez 
aisément  deux  styles,  garnis  de  plumes  et  courbés,  chacun  ter- 
miné par  un  stigmate  garni  de  plumes  :  alors  vous  n'aurez  plus 

'  Feu  M.  SliUiiigfleet ,  zélé  citoyen  ,  a  le  premier  dirigé  l'attcution  du  pu- 
blic vers  les  herbes  des  prairies.  En  France ,  la  Société  d'Agriculture  n'a  rien 
négligé  pour  en  étendre  la  culture ,  et  ses  efforts  ont  eu  le  p-lus  grand  succès. 


SUR  L4   BOTANIQUE.  2^7 

d'ombanas ,  et  vous  prononcerez  que  votre  plante  a[)paitient 
au  second  ordre,  la  dlj;;ynie  de  cette  troisième  classe. 

Avant  ainsi  déterminé  la  classe  et  l'ordre,  vous  examinerez 
les  autres  parties  de  la  fleur.  Vous  verrez  que  celte  fleur  a  aussi 
un  calice  et  une  corolle.  I.e  calice  nommé  balle ,  est  générale- 
ment composé  de  deux,  petites  feuilles,  l'une  grande  et  courbé»- 
en  bosse,  l'autre  plus  petite  et  aplatie.  La  corolle  est  aussi  for- 
mée de  deux  parti(;s  ou  valves ,  que  vous  pouvez  appeler  pétales. 
Il  y  a  plus;  cette  fleur,  qu'on  méprise,  a  même  son  nectaire,  qui 
est  un  petit  corps  oblong,  composé  de  deux  feuifles,  mais  si 
petites ,  qu'il  faut  une  loupe  pour  les  apercevoir.  Les  grameii 
ou  herbes  des  prairies ,  n'ont  point  de  péricarpe ,  mais  une  se- 
mence nue,  dont  nous  connaissons  bien  quelle  est  la  forme.  Elle 
est  oblongue,  et  finit  en  pointe  à  chaque  extrémité.  Vous  trou- 
verez que  ces  caractères  sont  communs  à  toutes  les  plantes  de 
ce  genre,  et  aussi  à  toutes  les  espèces  de  blé,  au  moins  avec  très- 
peu  d'exceptions.  On  nomme  cela  le  caractère  classique.  Comme 
ces  petites  fleurs  viennent  souvent  deux  à  deux,  et  se  touchent 
de  très-près,  vous  n'avez  qu'à  séparer  une  fleur,  pour  éviter  la 
confusion. 

Mais  cette  famille  de  plantes  ne  s'accorde  pas  seulement  dans 
les  parties  de  la  fructification,  comme  on  vient  de  les  décrite  ; 
l'apparence  extérieure,  la  manière  de  croître,  sont  les  mêmes 
dans  toutes.  Une  simpliclt»*  de  structure  se  fait  remarquer  dans 
cette  classe.  Chacun  des  individus  a  une  tige  simple,  sans  bran- 
ches, droite  et  creuse,  fortifiée  par  des  nœuds,  à  de  certains  in- 
tervalles '.  11  n'y  en  a  point  qui  n'ait  une  feuille  isolée  à  chaque 
nreud,  laquelle  revêt  et  engaîne  la  tige,  jusqu'à  quelque  dis- 
tance, et  présentant  ensuite  une  surface  étroite  à  mesure  qu'elle 
s'alonge,  se  termine  enfin  par  degrés  en  pointe-.  Elle  est  aussi 
toujours  entière  dans  toutes  les  espè(;es  sans  veines  ou  vais- 
seaux branchus  ,  étant  seulement  marquée  longitudinalement 
par  des  lignes  parallèles  aux  côtés,  et  a  un  filet  qui  parcoint 
toute  la  longueur.  Il  y  a  une  autre  particularité  curieuse,  (|u'on 
ne  trouve  presque  que  dans  cette  famille,  et  qui  est  comnume 

*  Linnée  nomme  cette  tige  culmus  ,  eu  français  chaume. 
2  Le  même  auteur  apjieUe  cette  sorte  de  feuille  linéaire. 


238  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

à  tous  les  individus  qui  la  composent,  savoir,  que  le  corps  de 
la  semence  ne  se  fend  pas  en  deux  lobes ,  mais  demeure  entier  ' , 
jusqu'à  ce  qu'il  ait  rempli  la  fonction  à  laquelle  il  est  destiné, 
qui  est  de  donner  à  la  jeune  plante  sa  première  nourriture, 
et  ensuite  il  se  pourrit.  Vous  pouvez  observer  cela  aisément^ 
à  mesure  que  le  blé  sort  de  terre  ;  ou  bien  vous  pouvez  semer 
quelques-unes  des  {^raines  du  phalaris ,  appelé  graine  de  ca- 
narie,  dont  vous  nourrissez  vos  oiseaux,  dans  un  pot  à  fleurs, 
sur  votre  fenêtre,  et  faire  ainsi  votre  observation  chez  vous. 
Je  n'aurai  qu'une  fois  cette  indulgence  pour  vous;  car  vous 
savez  que  je  n'encourage  point  cette  manière  paresseuse  d'ob- 
server ainsi  la  nature,  sans  sortir  de  sa  maison.  Il  faut  l'aller 
chercher  dans  les  champs  et  la  voir  assise  sur  son  trône.  Quand 
vous  serez  dans  son  palais ,  vous  aurez  cet  avantage  qu'on  ne 
trouvée  point  dans  les  cours  des  autres  souverains,  c'est  qu'en 
lui  rendant  vos  hommages  v  ous  acquerrez  de  la  santé. 

Connaissant  parfaitement  toutes  les  particularités  par  les- 
quelles cette  famille  de  plantes  offre  des  rapports  communs  à 
tous  les  individus  qui  la  composent ,  vous  pouvez  procéder  à 
l'examen  de  celles  qui  établissent  des  différences  entre  ces  mêmes 
plantes.  De  cette  manière  vous  les  séparerez,  premièrement 
dans  leurs  genres,  et  ensuite  dans  leurs  espèces.  Mais,  les  genres 
étant  nombreux,  il  sera  à  propos, comme  nous  l'avons  déjà  fait, 
de  partager  toute  cette  famille  en  quelques  subdivisions  géné- 
rales; c'est  ce  que  nous  pouvons  faire  aisément,  en  faisant  atten- 
tion à  la  manière  dont  elles  produisent  leurs  fleurs,  soit  dans  un 
pauicule  ou  épi ,  et  séparées  ou  plusieurs  ensemble.  De  là  nous 
formerons  quatre  subdivisions. 

I.  Fleurs  simples  :  i/,  genres. 

II.  Deux  fleurs  ensemble  :  2  genres. 

III.  Plusieurs  fleurs  réunies  :  7  genres. 

Celles-ci  sont  la  plupart  en  panicule;  dans  toutes,  les  fleurs 
sont  disposées  d'une  manière  irrégulière  ou  errante,  comme 
Linnée  les  appelle. 

IV.  Les  fleurs  en  épi,  avec  un  réceptacle  subulé'^  :  6  genres, 

*  On  appelle  les  plantes  de  ce  genre  ?»o/îoco(^/e«fo/ief,  et  les  autres  dicotylédones. 
»  Ou  en  alêne  ,  du  mot  suhula  ,  alêne  de  cordonnier. 


SUR   LA   BOTAINIQUE.  289 

renfermant  le  froment,  le  riz  et  l'orj^e.  L'avoine  est  dans  la  troi- 
sième division. 

Le  pot  où  vous  aurez  semé  vos  graines,  si  vous  n'eti  arrachez 
pas  toutes  les  plantes,  pour  vérifier  ce  que  je  vous  ai  dit 
ci- dessus,  servira  à  vous  donner  un  exemple  de  la  première 
division.  Quand  la  plante  arrivera  à  son  état  de  perfection,  vous 
observerez  que  les  deux  feuilles  du  calice  sont  plates,  et  l'ex- 
trémité relevée  en  nacelle.  La  corolle  est  plus  petite  que  le  calice, 
et  y  est  renfermée  ;  c'est  le  caractère  de  ce  genre.  Il  est  parti- 
culièrement distingué  par  la  forme  du  panicule,  qui  ressemble 
à  un  épi,  et  est  ovale,  garni  de  poils  ,  mais  la  quille  est  unie. 
C'est  une  herbe  des  prés  annuelle.  On  la  trouve  sauvage  dans 
les  îles  Canaries;  de  là  vient  son  nom  àc phalaiis  canariensîs : 
on  la  cultive  en  Europe,  pour  servir  de  nourriture  aux  serins  et 
autres  petits  oiseaux. 

Tandis  que  votre  herbe  de  Canaric  croît,  il  faut  que  vous 
alliez  dans  les  champs,  povir  chercher  d'autres  exemples  de 
cette  première  division;  car  je  veux  absolument  que  vous  four- 
ragiez toutes  les  prairies  du  voisinage ,  ainsi  que  les  pâturages , 
avant  que  la  faux  impitoyable  ait  moissonné  tous  leurs  honneurs. 

Les  prairies  d'une  bonne  qualité  abondent  en  cette  espèce  de 
plante  qu'on  nomme  queue  de  renard  ' ,  qui  est  certainement 
une  des  herbes  qui  croît  la  première,  et  qui  est  très-bonne  pour 
faire  du  foin  et  nourrir  lés  bestiaux.  Ce  genre  forme  une  ex- 
ception à  un  des  caractères  généraux;  car  quoique  le  calice  ait 
deux  valves  ou  feuilles,  la  corolle  n'en  a  qu'une.  Vous  en  re- 
connaîtrez les  espèces  bien  aisément  par  la  forme  cylindrique , 
et  la  couleur  blanche  du  poil  qui  recouvre  le  panicule,  que, 
d'après  sa  forme,  vous  prendrez  pour  un  épi,  la  tige  étant  droite 
et  la  corolle  n'ayant  point  de  barbe. 

L'herbe  appelée  queue  de  chat  ^  est  une  autre  de  ces  plantes. 
La  fleur  n'est  pas  imie  et  couverte  de  poils  blancs  comme  la 
dernière  dont  nous  venons  de  parler;  elle  paraît  rude,  et  on  la 
connaît  à  la  première  vue  par  son  calice,  qui  est  tronqué  et 

'  Alopecurus  pratensis.  LiNN.  En  franraLs,  vulpin  des  prés. 

*  Phleum pratense.  LiNN.  En  françab  fléau  des  prés,  plante  graminée. 


24o  LETTRES   EL  ÉM  ENT  AIlî  ES 

fourchu  à  son  extrémité.  Ce  calice  est  aussi  linéaire,  et  est  collé 
à  la  tige.  La  corolle  est  renfermée  dans  le  calice.  I,a  forme  de 
l'épi,  est  cylindrique;  la  quille  des  feuilles  est  ciliée^,  et  la  tige 
droite  :  l'épi  de  la  queue  de  chat  est  quelquefois  long  de  quatre 
ponces,  dans  les  prairies  humides.  Dans  les  terrains  arides  il 
diminue  de  longueur,  et  décroît  enfin,  jusqu'à  n'avoir  que  demi- 
pouce,  et  encore  moins  dans  les  terres  dures  et  stériles,  telles 
que  celles  qui  sont  le  long  des  chemins ,  ou  celles  qu'on  nomme 
landes.  Dans  ces  dernières  plantes,  la  tige  ne  peut  pas  se  tenir 
droite;  et  les  racines,  ne  pouvant  point  s'étendre  librement,  de- 
viennent noueuses  et  bulbeuses.  Je  fais  mention  de  ces  eircon- 
stances  afin  que  vous  soyez  en  garde  contre  les  altérations  que 
la  diversité  du  sol  et  de  la  situation  produit  dans  les  plantes,  et 
que  vous  n'imaginiez  pas  voir  une  nouvelle  espèce  de  plantes  , 
toutes  les  fois  que  vous  en  trouverez  qui  vous  offriront  ces  légè- 
res différences.  Si  vous  transplantez  des  landes  dans  votre  jar- 
din une  de  ces  plantes  naines,  courbées  et  à  racines  novieuses, 
j'ose  assurer  que  la  tige  deviendra  droite  ,  que  l'épi  s'alongera, 
et  que  la  racine ,  de  bulbeuse  qu'elle  était ,  deviendra  fibreuse.  Ce- 
pendant il  n'est  pas  toujours  aisé  de  dire  ce  qui  est  une  espèce  et 
ce  qui  n'est  qu'une  variété.Il  faut,  dans  plusieurs  cas,  beaucoup 
d'observations  et  d'expérience  pour  déterminer  la  question  avec 
précision.  A  la  vérité,  beaucoup  de  variétés  sont  produites  par 
la  culture  ou  par  un  changement  du  sol  natal  et  de  la  situation; 
et,  quand  elles  reprennent  leur  état  naturel,  elles  recouvrent  en 
même  temps  leur  ancienne  forme.  Si  cela  était  généralement 
ainsi ,  il  n'y  aurait  point  de  difficulté  à  distinguer  les  espèces  des 
variétés  :  mais  il  arrive  quelquefois  que ,  lorsque  l'accident  a 
produit  une  variété,  elle  demeure  permanente  ,  et,  qu'ayant  été 
mise  en  culture ,  elle  refuse  de  retourner  à  son  état  de  simple 
nature.  Cette  épreuve  n'est  donc  pas  infaillible. 

La  seconde  division  des  herbes  des  prés  n'ayant  que  deux 
genres,  il  est  aisé  de  les  distinguer.  On  les  reconnaît  parmi  les 
autres,  en  ce  qu'ils  ont  deux  fleurs  qui  croissent  ensemble,  et  on 
les  distingue  l'un  de  l'autre  par  le  rudiment  d'une  troisième  fleur 

'  Garnie  de  petits  poils  ,  comme  les  paupières. 


SUR    LA    BOTANIQUE.  '  ^l[l 

entre  les  deux  autres,  dans  la  meUca\  dont  il  n'v  a  poinî  de 
marque  dans  \aira  ,  le  foin. 

Dans  la  troisième  division ,  vous  trouverez  une  grande  quan- 
tité de  grhmen ,  ou  herbes  des  prés ,  ou  herbes  à  foin  ;  la  brize , 
ou  la  chevelure  des  dames;  le  paturin,  ou  herbe  des  prairies  ; 
\e  festuca"',  ou  fétuque,  l'herbe  à  balai;  les  avoines  et  les  ro- 
seaux. Les  genres  sont  ainsi  distingués. 

Corolle  en  cœur,  valves  enflées briza. 

ovale,  valves  pointues poa. 

oblongue,  valves  en  pointes festuca. 

oblongue,  valves  barbues  au-dessous  de  la 

pointe BROMCs. 

oblongue,  barbe  entortillée,  courbée.  .  .  .  avoine. 
lanugineuse  à  la  base arundo. 

Les  brizes ,  dont  il  y  a  cinq  espèces ,  sont  de  fort  jolies  plantes  ; 
ce  qui  fait  qu'on  en  cultive  une  espèce  dans  nos  jai-dins ,  dont  la 
beauté  et  l'apparence  sont  remarquables.  Elles  fleurissent  seu- 
lement dans  le  mois  de  mai  ;  elles  croissent  en  formant  un  pa- 
nicule  lâche,  dont  les  tiges  sont  si  déliées  que  le  moindre  vent 
les  agite ,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  à' amourettes  trem- 
blqn f es  '.  D'après  ces  lemarques,  et  leur  aspect  général,  qui 
diffère  de  celui  de  leurs  voisines,  vous  ne  pouvez  manquer  de 
les  reconnaître.  Les  trois  espèces  que  vous  rencontrerez,  selon 
les  apparences ,  sont  ainsi  distinguées  : 

I.  Épilets^  triangulaires,  calice  plus  lon^,  que  le  fleuron  :  pe- 
tite   liRIZA. 

II.  Epilets  ovales,  calice  plus  court  que  le  fleuron  :  moyenne 

BRIZA. 

III.  Epilets  en  cœur,  17  fleurons  :  grande  briza. 

La  seconde  est  l'espèce  qui  est  commune  dans  les  prés,  et  la 

'  En  français  mélique  ,  de  la  famille  des  graminées. 

-  En  anglais  fescue.  C'est  proprement  la  touche  que  le  maître  d'école  tient 
à  la  main  ,  pour  montrer  les  lettres  aux  enfants  qui  épèlent. 

3  Ce  surnom  ne  se  donne  qu'à  une  espèce  de  ce  genre ,  qui  est  la  hriza  era- 
grostis. 

4  Ou  petits  épis.  Ce  sont  les  petits  assemblages  de  fleurs  ,  ou  les  dernières 
Subdivisions  du  panicule, 

R.  VIT.  lO 


'l[\-2.  LETTRES   ÉLÉM  KIV  T  A  1  RES 

troisième  est  celle  qui  est  cultivée  dans  les  jardins.  Dans  celle- 
ci  les  fleurs  croissent  en  gi'appe  plutôt  qu'en  panicule. 

Les  herbes  des  prairies  sont  nombreuses.  Il  n'y  en  a  pas 
moins  de  33  espèces,  dont  Linnée  a  fait  la  nomenclature.  La 
na'  eii  répand  plusieurs,  d'une  main  libérale,  sur  le  sein  de 
la  VoM  '.  Ce  sont  peut-être  les  meilleures  de  toutes  les  herbes 
qui  croissent  dans  les  pâturages.  Elles  multiplient  beaucoup  ; 
leur  qualité  est  excellente ,  soit  lorsqu'elles  sont  vertes,  ou  lors- 
qu'elles sont  desséchées.  Leur  verdure  est  très-fraîche  et  très- 
agréable.  Mais  nous  ne  sommes  pas  des  agriculteurs,  ma  chère 
cousine;  nous  ne  nous  attachons  ici  qu'à  la  botanique. 

Il  y  a  quatre  espèces  de  poa  fort  communes  dans  la  plupart 
des  prairies  '  ,  je  les  distinguerai  par  les  noms  de  grande,  de 
moyenne,  de  celle  à  feuilles  étroites,  et  d'annuelle.  Elles  fleu- 
rissent toutes  daiis  un  pauicule  lâche  et  branchu.  Les  tiges  de 
la  première  espèce  sont  en  général  droites  et  jettent  des  branches. 
Les  feuilles  sont  émoussées  à  l'extrémité,  et  la  membrane  du 
fond  est  courte  et  aussi  émoussée.  Les  épis  sont  ovales  et  portés 
sur  de  courtes  tiges  ;  les  fleurs ,  qui  croissent  les  unes  près  des 
autres,  sont  ordinairement  au  nombre  de  cinq.  Chaque  partie 
de  cette  plante  est  unie.  La  seconde  espèce  est  distinguée  par 
es  feuilles  qui  sont  plus  aiguës  à  leur  extrémité,  et  qui  ont  la 
membrane  du  fond  longue  et  pointue.  Les  épis  consistent  en 
deux  ou  trois  fleurs.  Rarement  ils  sont  composés  de  quatre. 
Toutes  les  parties  de  la  plante  sont  rudes.  La  troisième  a  les 
tiges  plus  droites;  les  feuilles  sont  aiguës  et  un  peu  rudes,  mais 
unies  dans  l'endroit  où  elles  engaînent  la  tige.  Le  panicule  est 
plus  droit  que  dans  les  autres.  Les  épis  sont  portés  sur  des  tiges 
plus  longues,  et  sont  composés,  ou  d'une  seule  fleur,  ou  suc- 
cessivement elles  en  ont  jusqu'à  six ,  qui  sont  garnies  de  poilsl 
à  leur  base.  Ces  trois  espèces  durent  toute  Tannée.  La  quatrièmej 
est  annuelle  et  plus  petite  que  les  autres.  Elle  est  très-généra-j 
lement  répandue,  et  on  la  trouve  en  fleur  la  plus  grande  partie 
de  l'année.  Elle  a  un  panicule  très-étendu  et  fort  lâche,  qui  croîtl 
tout  d'un  côté^,  les  branches  les  plus  basses  sortant  souvent! 

'  Poa,   en  français  paturin,  plante  de   la  famille  des  graminées. 
*  C'est  ce  que  Linnée  appelle ^««/cw^a  secunda. 


SUR   LA   BOTAIViQUJ;.  24^ 

vn  couple.  Les  épis  produisent  trois  ou  quatre  Heurs.  La  ti^e 
est  oblique  et  aplatie. 

Je  dois  vous  donner  lui  avis  pour  vous  précautionner  quand 
vous  examinerez  ces  sortes  de  plantes  et  les  autres  herbes  qui 
ont  un  panicule;  c'est  que  vous  les  preniez  lorsqu'elles  ont  at- 
teint leur  entière  maturité,  c'est-à-dire  lorsque  le  panicule  est 
totalement  développé,  et  que  les  îlciirs  montrent  leurs  étamines. 
Car,  dans  diverses  périodes  de  leur  existence,  ces  plantes  pren- 
nent des  apparences  si  variées  qu'elles  ont  trompé  môme  les 
plus  savants  botanistes ,  qui  d'une  seule  espèce  en  ont  formé  plu- 
sieurs. Pour  avoir  l'histoire  complète  d'une  plante ,  il  faut  l'exa- 
miner chaque  jOTir,  pendant  tout  le  temps  de  sa  croissance.  Quel 
ouvrage  immense  formerait  l'histoire  de  dix  mille  plantes  !  Mais 
le  livre  de  la  nature  est  inépuisable. 

Le  ^enve  fextuca ,  quoique  moins  nombreux  que  le  dernier, 
contient  toutefois  dix-neuf  espèces.  hvLfestucn  des  troupeaux  est 
une  herbe  bien  connue,  qu'on  trouve  toujours  dans  les  pâturages 
secs  et  dans  les  communes.  Elle  a  un  panicule  serré,  qui  croît 
d'uncôté;lesépis  ont  depuis  trois  jusqu'à  six  fleurs;  les  valvules 
des  flcui^s  sont  fort  aiguës.  Le  tuyau  est  plutôt  carré  que  rond, 
presque  nu,  et  les  feuilles  sont  garnies  de  soies  dures  \ 

Une  AUtre/estnca  ', fort  différente  de  la  première,  croît  dans 
les  lieux  humides ,  les  étangs  et  les  fossés.  Elle  a  un  panicule  lâ- 
che, d'une  longueur  considérable,  un  peu  branchu,  croissant 
d'un  côté.  Les  branches  du  panicule  sont  quelquefois  simples,  et 
quelquefois  doubles.  Les  épis  sont  ronds,  linéaires,  presque 
d'un  pouce  de  longueur,  et  collés  à  la  tige.  Ils  varient  dans  le 
nombre  des  fleurs ,  depuis  neuf  jusqu'à  douze.  Les  feuilles  iiesont 
pas  rondes,  comme  celles  de  la  dernière  espèce,  mais  aplaties. 
Le  tuyau  est  fortlong,  tombant, branchu  et  aplati.  Les  semences 
étant  grosses,  et  d'un  goût  assez  doux,  on  les  recueille  pour  les 
servir  sur  table  ,  en  Pologne  et  dans  quelques  autres  pays.  On 
leur  donne  alors  le  nom  de  Manne. 

C(;tte  dernière  plante  nous  offre  un  autre  exemple  deschange- 

1  Fort  étroites  comme  celles  des  joues. 

'  En  français  fétiique  flottante.  Elle  est  de  la  famille  des  graminées.  Ou  la 
trouve  sur  les  bords  des  ruisseaux  et  dans  les  fossés  aquatiques. 

i6. 


244  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

ments  que  lesol  et  ia  situation  produisent  dans  les  plantes.  D'une 
espèce,  on  en  a  fait  trois,  jusqu'à  ce  que  l'expérience  ait  fait 
découvrir  la  vérité,  et  nous  ait  appris  que  les  semences  de  la 
festuca  Jluitans,  semées  dans  un  terrain  sec,  produisent  la  pre- 
mière année,  \a  festuca  en  épi,  et  la  seconde,  la  festuca  des 
prairies.  Bien  plus,  la  q^vânàe festuca ,  quatrième  espèce,  a  tant 
de  marques  communes  avec  la  dernière,  qu'il  y  a  lieu  de  douter 
si  elle  n'est  pas  autre  chose  qu'une  simple  variété. 

Les  herbes  à  balai  tiennent  de  très-près  au  genre  Aes  festuca. 
Cependant  on  les  distingue  en  ce  qu'elles  sont  toutes  baibues  , 
et  que  la  barbe  sort  du  dos,  ou  du  bas  de  l'épi  des  fleurs;  au 
lieu  que  les  festuca  sont  souvent  sans  barbe  :  quand  les  fleurs 
en  ont  une,  ce  n'est  qu'un  prolongement  du  tuvau. 

Il  nV  a  point  d'herbe  plus  commune  dans  plusieurs  pâturages, 
que  Y  herbe  à  balai  des  champs.  Elle  a  un  panicule  lâche,  et 
qui  n'est  point  branchu.  Les  épis  sont  ovales ,  les  fleurs  obtuses, 
et  les  barbes  droites.  C'est  une  plante  annuelle.  Elle  varie  si 
fort,  qu'on  lui  a  donné  le  nom  à& polymorphus  ^  ou  à  plusieurs 
formes.  Les  deux  principales  variétés  '  sont  :  i"  Celle  qui  a  un 
duvet  léger  sur  tout  le  panicule,  les  feuilles  et  les  tiges  avec 
des  épis  plus  grands  et  plus  pesants.  2°  Celle  qui  est  unie  par- 
tout, avec  les  épis  plus  minces,  et  qui  ne  pendent  pas  autant, 
mais  sont  plutôt  droits.  Entre  celles-ci  il  y  a  deux  autres  va- 
riétés :  1°  celle  qui  a  des  feuilles  garnies  de  duvet,  et  le  pani- 
cule presque  uni  ;  2°  celle  qui  a  les  feuilles  inférieures  seulement 
garnies  de  duvet ,  et  le  panicule  tout-à-fait  uni.  Les  autres  chaî- 
nons qui  réunissent  ces  espèces,  peuvent  être  aisément  remar- 
qués par  ceux  qui  s'attachent  à  la  recherche  des  variétés. 

Il  y  a  trois  grandes  espèces  de  ce  genre  qu'on  trouve  dans 
les  bois,  les  haies,  et  rarement  dans  les  pâturages.  Elles  ont  de 
grands  panicules  branchus  et  mobiles.  L'herbe  à  balai  ou  bro- 
mus  stérilis,  n'est  pas  fort  grande;  mais  le  bromus  géant  et  le 
bromus  des  bois  ont  trois  pieds  de  hauteur.  Leur  hauteur,  jointe 
au  caractère  et  à  l'apparence  du  genre ,  les  distingue  si  bien  que 

^Bromus  mollis  et  secalinus ,  en  français  brome  seglin,  plante  de  la  famille 
des  graminées  ,  commune  sur  le  bord  des  chemins ,  sur  les  murs.  M.  Hudson, 
après  Scopoli,  a  fort  judiriensement  réduit  ces  deux  espèces  à  nue,  sous  le  titre 
àe  poliformus. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  '^4^ 

VOUS  ne  pourrez  guère  vous  y  méprendre  quand  vous  les  ren- 
contrerez. 

Vous  aurez  une  idée  des  herbes  du  genre  des  avoines,  en  exa- 
minant la  plante  qui  produit  la  graine  à  laquelle  on  donne  par- 
ticulièrement ce  nom.  Comme  elle  a  trois  parties  de  la  fructi- 
fication ,  plus  grandes  qu'elles  ne  le  sont  dans  les  autres  herbes 
des  champs,  cela  vous  donnera  un  grand  avantage  pour  les 
distinguer.  L'avoine  barbue ,  appelée  ordinairement  avoine  sau- 
vage, est  aussi  très-bien  connue  comme  une  herbe  dangereuse 
parmi  les  blés.  L'avoine  jaune  est  commune  dans  les  prairies  et 
les  pâturages.  C'est  ime  jolie  plante;  vous  la  découvrirez  aisé- 
ment par  la  beauté  et  la  couleur  jaune  de  son  panicule.  Voici 
les  caractères  des  espèces  qu'on  vient  de  citer  : 

I.  Deux  fleurs  dans  un  calice,  les  semences  unies,  et  une 
d'elles  barbue  :  avoine  cultivée. 

IL  Trois  fleurs  dans  im  calice,  garnies  de  poils  à  la  base,  et 
toutes  barbues  :  avoine  sauvage. 

IIL  Panicule  lâche  ;  trois  fleurs  dans  un  calice  court,  et  toutes 
barbues  :  avoine  jaune. 

La  laine  dont  les  fleurs  sont  garnies  dans  le  roseau ,  vous  fera 
distinguer  ce  genre  aussitôt  que  le  panicule  est  développé.  C'est 
une  herbe  des  prés,  quoiqu'on  ne  la  mette  pas  ordinairement 
dans  ce  genre,  parce  qu'elle  ne  sert  pas  aux  mêmes  usages.  Ce- 
pendant cela  ne  fait  pas  une  différence  pour  nous,  qui  ne  con- 
sidérons pas  l'usage  qu'on  fait  des  plantes,  mais  leur  structure. 
Si  les  agriculteurs  n'admettent  pas  le  roseau  au  nombre  des 
herbes  des  prés,  ils  rangent  dans  cette  classe  plusieurs  herbes 
que  nous  en  excluons,  telles  que  le  trèfle,  la  luzerne,  le  sain- 
foin, etc.  La  raison  est  qu'ils  considèrent  les  herbes  des  prés 
comme  des  plantes  propres  à  nourrir  les  bestiaux,  au  lieu  que 
les  naturalistes  les  définissent  comme  ayant  en  général  trois  éta- 
mines  et  deux  pistils,  avec  une  tige  creuse,  noueuse  et  sans 
branches,  et  des  feuilles  linéaires  simples. 

Quoique  vous  connaissiez  fort  bien  le  roseau  ' ,  c'est  peut-être 
seulement  pour  l'avoir  vu  balancer  ses  grands  panicules  sur  l'eau, 
ou  par  l'usage  qu'en  fait  votre  jardinier,  lorsqu'il  en  taille  de 

'  Roseau  des  marais. 


ll\Ç)       '  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

longues  perches  pour  en  faire  des  haies,  et  garantir  les  jeunes 
plantes.  Vous  ne  le  connaissez  point  vraisemblablement  d'après 
les  parties  qui  servent  à  la  fructification.  Vous  ne  serez  donc  pas 
fiîchée  d'apprendre  qu'on  les  distingue  des  autres  espèces,  qui 
sont  au  nombre  de  six,  par  son  panicule  lâche,  et  par  ses  fleurs, 
qui  sont  au  nombre  de  cinq,  et  croissent  ensemble. 

Vous  voilà  maintenant  arrivée  à  la  dernière  division  du  blé 
et  des  herbes  des  prés  ,  qui  renferment  les  plantes  dont  la  fruc- 
tification est  toujours  dans  un  épi  proprement  dit. 

Le  «eigle  a  deux  fleurs  renfermées  dans  le  même  calice. 

Le  froment  a  plusieurs  fleurs  dans  un  calice. 

L'orge  a  une  enveloppe  à  six  feuilles,  qui  contient  trois  fleurs 
lesquelles  sont  simples. 

-L'ivroie  a  une  enveloppe  d'une  seule  feuille,  qui  ne  contient 
qu'une  fleur  composée. 

La  cynosure  en  crête  '  a  une  enveloppe  latérale  et  une  fleiu 
composée. 

Dans  le  seigle  la  valvule  extérieure  de  la  corolle  se  termine 
par  une  longue  barbe.  Les  fleurs  sont  sessiles,  et  il  y  on  a  sou- 
vent une  troisième  entre  celles-ci,  qui  est  plus  petite,  et  a  un 
pédicule.  Les  filets  pendent  hors  de  la  fleur.  IVotre  espèce  cul- 
tivée est  connue  par  les  poils  rudes  qui  sont  sur  la  valvule  de  la 
corolle. 

Dans  l'orge  aussi  la  valvule  extérieure  de  la  corolle  se  ter- 
mine par  une  longue  barbe.  Les  fleurs  sont  sessiles.  Les  filets, 
étant  beaucoup  plus  courts  que  la  coroUe ,  ne  pendent  point  en 
dehors.  C'est  pourquoi  l'orge  n'est  point  exposée  à  recevoir  du 
dommage  de  la  pluie ,  ainsi  que  le  seigle  et  le  froment. 

Il  y  a  quatre  sortes  d'orge  : 

I.  L'orge  connnune ,  distinguée  par  ses  deux  rangs  de  barbes 
droites,  toutes  les  fleurs  étant  parfaites  et  barbues. 

IL  L'orge  à  longues  oreilles  %  ayant  les  grains  rangés  régu- 
lièrement dans  un  long  et  double  rang,  très-serrés  l'un  contre 
l'autre,  avec  des  fleurs  sur  les  côtés,  sans  pistil  ni  barbe.  Ces 
deux  espèces  ont  la  valvule  de  la  corolle  fort  mince. 

'  Cjnosiinis  cristatus  ,  genre  de  la  famille  des  graminées. 
'  Orge  distique. 


SUR    LA    BOT, V  INI  QUE.  ll\': 

III.  La  giaude  orge  avec  des  épis  plus  coujts  el  plus  laitues, 
des  barbes  plus  longues ,  les  grains  placés  plus  près  à  près ,  et 
la  paille  plus  courte  et  plus  rude.  Cette  espèce  a  aussi  des  fleurs 
imparfaites  sur  les  côtés  des  épis. 

IV.  L'orge  d'hiver  ou  carrée,  distinguée  deo  autres  par  six 
rangées  de  grains  parfaitement  égales ,  tous  fournis  d'épis ,  et 
j;)arfaits.  Le  grain  de  celui-ci  est  large. 

Outre  ces  espèces  de  blé,  le  genre  contient  plusieurs  sortes 
d'herbes.  Uorge  de  muraille  est  fort  commune  sur  les  côtés  des 
chemins  et  sous  les  murailles.  Uorge  després  lui  ressemble  beau- 
coup; seulement  sa  tige  est  plus  longue,  et  son  épi  plus  court. 
On  la  trouve  dans  les  pâturages  humides.  Le  nom  qu'on  donne 
ordinairement  à  cette  dernière  est  celui  d'herbe  de  seigle ,  et 
vraiment  elle  ressemble  plus  au  seigle  qu'à  l'orge.  J'ai  vu  celle- 
ci  seule  cultivée  ;  mais  l'espèce  qu'on  sème  le  plus  ordinairement 
et  qu'on  nomme  hcrhe  à  seigle ,  est  différente,  et  je  vais  tout 
à  l'heure  vous  la  décrire. 

Ces  deux  espèces ,  quoique  en  apparence  les  mêmes ,  et  re- 
gardées par  plusieurs  comme  des  variétés ,  sont  cependant  très- 
aisées  à  distinguer.  Uorge  des  murailles  a  les  fleius  latérales 
imparfaites,  garnies  de  barbe,  et  les  enveloppes  intermédiaires 
garnies  de  cils;  au  lieu  que  l'orge  des  prairies  aies  même  fleurs 
sans  barbe,  et  les  enveloppes  fort  étroites,  et  rudes  comme  des 
soies  de  sanglier. 

Dans  le  froment,  la  valvule  extérieure  de  la  corolle  est  quel- 
quefois garnie  de  barbe,  mais  non  pas  toujours.  Il  y  a  en  géné- 
ral trois  ou  quatre  fleurs  dans  le  même  calice,  et  celle  du  milieu 
est  souvent  imparfaite.  Les  filets  pendent  en  dehors ,  mais  non 
pas  autant  que  dans  le  seigle. 

I.  Le  froment  commun  a  quatre  fleurs  dans  un  calice;  les  val- 
vules de  la  corolle  sont  unies,  enflées,  creusées  en  forme  degou- 
tière.  Quelquefois  il  a  des  barbes  courtes  ,niais  plus  souvent  il 
n'en  a  pas.  Cette  circonstance  et  la  diversité  de  couleurs  font 
que  les  cultivateurs  en  distinguent  plusieurs  variétés,  mais  qui 
ne  sont  pas  de  notre  ressort. 

IL  Le  froment  d'été  ou  de  printemps  a  aussi  quatre  fleurs  en- 
semble, et  ressemble  au  précédent  par  les  autres  caractères, 
excepté  qu'il  est  toujours  barbu. 


248  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

III.  Le  froment  gris  '  a  la  valvule  de  la  corolle  garnie  de  poils, 
enflée ,  creusée  en  gouttière ,  obtuse ,  contenant  quatre  fleurs. 
Les  épis  sont  grands,  pesants  et  mobiles.  Les  barbes  sont  fort 
longues ,  et  tombent  quand  le  grain  est  parvenu  à  sa  maturité. 
La  valvule  de  la  corolle ,  étant  toute  garnie  de  poils ,  donne  à 
l'épi  une  apparence  grise. 

IV.  Le  froment  conique  "^  a  la  valvule  de  la  corolle  garnie  de 
poils,  enflée,  creusée  en  gouttière.  L'épi  a  une  forme  pyrami- 
dale ,  se  terminant  en  une  pointe  déliée.  ;  les  barbes  sont  longues 
et  rudes. 

V.  Le  froment  de  Pologne  n'a  que  deux  fleurs  dans  chaque 
calice,  qui  sont  nus,  et  ont  des  barbes  fort  longues.  Les  dents 
de  rachis,  ou  réceptacle  de  l'épi,  sont  barbues;  les  épis  sont 
longs  et  pesants. 

VI.  L'épeautre  a  quatre  fleurs  ;  mais  il  n'y  en  a  que  deux  qui 
produisent  du  grain.  Les  fleiu's  extérieures  sont  imparfaites, 
comme  les  inférieures  le  sont  dans  chaque  épi.  La  valvule  inté- 
rieure des  fleurs  parfaites  a  une  barbe  d'un  pouce  de  long  en- 
viron ;  les  fleurs  sont  plus  coniques ,  et  le  grain  est  plus  petit 
que  dans  le  froment.  La  valvule  aussi  est  adhérente. 

Il  y  a  peu  déplantes  aussi  généralement  répandues  que  l'est  le 
chien-dent ,  que  les  agriculteurs  détestent  si  fort.  Ils  lui  donnent 
un  nom  qui  signifiait  autrefois  -vivace  ;  cette  plante  mérite  bien 
ce  nom, car  ses  racines  se  propagent  d'une  manière  prodigieuse; 
et  semblable  à  l'hidre  que  combattit  Hercule ,  plus  vous  la  coupez 
et  plus  vite  elle  repousse.  On  la  distingue  de  plusieus  espèces 
de  blé ,  par  la  petitesse  de  l'épi  et  du  grain ,  et  aussi  en  ce 
qu'elle  est  permanente ,  au  iieu  que  toutes  les  espèces  de  blé  sont 
annuelles.  Un  caractère  qui  empêche  de  la  confondre  avec  les 
autres  herbes  comprises  dans  cette  classe,  c'est  qu'elle  a  plu- 
sieurs fleurs,  en  général  près  de  cinq  pour  un  calice ,  et  ces  fleurs 
n'ont  point  de  barbe,  mais  se  terminent  par  un  épi  fort  aigu.  Il 
y  en  a  une  autre  espèce  quia  environ  quatre  fleurs  dans  un  ca- 
lice et  qui  est  barbue.  Celle-ci  croît  dans  les  bois  et  le  long  des 
haies. 

'   Appelé  aussi  froment  de  foulon. 
3  Linuée  u'en  a  pas  parlé. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  'il\C) 

Avant  de  quitter  ce  genre  ,  je  dois  faire  observer  comme  une 
singiilai'té,  qu'on  ne  sait  point  avec  certitude  de  quel  pays 
on  nous  a  apporté ,  dans  l'origine  ,  les  diverses  espèces  de  blé , 
ou  s'il  y  a  quelque  contrée  actuellement  qui  en  produise  de  sau- 
vage. Les  uns  disent  que  le  froment  est  originaire  d'Afrique. 
D'autres  affirment,  avec  plus  de  vraisemblance,  qu'on  l'a  trans- 
porté d'Europe  dans  le  Levant.  Linnée  dit,  d'une  manière  po- 
sitive ,  que  le  seigle  croît  naturellement  dans  l'île  de  Crète  ' ,  et 
que  le  froment  de  printemps ,  avec  l'orge  à  deux  rangs  (  hor- 
deum  distichon  ) ,  viennent  aussi  d'eux-mêmes  dans  la  Tartarie; 
mais  j'ignoresur  quelle  autorité  il  se  fonde.  Un  voyageur  moderne 
a  aussi  trouvé  l'orge  et  l'avoine  croissant  en  Sicile  parmi  les  buis- 
sons, comme  l'herbe  des  champs.  Mais  il  n'ose  pas  décider  si, 
dans  l'origine,  ces  plantes  venaient  ainsi  naturellement,  comme 
des  herbes  sauvages ,  ou  si  elles  tiraient  leur  origine  de  celles 
qu'on  cultive  dans  les  champs  labourés  ". 

L'ivroie  [lolium)  forme  une  exception  au  caractère  général , 
car  elle  n'a  qu'une  feuille  à  son  calice.  La  raison  en  est ,  que 
les  épilets  (^spiculce  )  sont  sessiles  et  dans  le  même  plan  que  le 
tuyau,  qui,  par  cette  position,  peut  faire  l'office  de  la  feuille 
qui  manque  au  calice,  et  protéger  la  semence.  Cette  seule  feuille 
contient  plusieurs  fleurs.  Des  deux  espèces  communes  de  ce 
genre,  l'une  est  permanente  %  et  l'autre  annuelle.  On  trouve 
ordinairement  la  première  dans  les  prairies,  les  pâturages,  et 

1  On  dit  qu'on  en  trouve  de  sauvage  en  Sibérie. 

2  Voyage  en  Sicile,  etc.  Lausanne  1773.  Diodore  de  Sicile  affirme,  d'après 
le  témoignage  de  plusieurs  personnes,  ainsi  que  Pline ,  que  le  blé  croissait  de 
lui-même  dans  les  champs  de  Leontia  et  dans  plusieurs  autres  parties  de  la  Si- 
cile ,  mais  ce  fut  seulement  pendant  le  règne  de  Cérès.  Aristote  dit  aussi  (  de 
Mirabil.  Auscult.  )  qu'il  y  a  im  froment  sauvage  dans  le  voisinage  du  mont 
Etna.  Ce  passage  de  l'Odissée  d'Homère  est  bien  connu  : 

«  La  terre ,  sans  être  cidtivée ,  produit  de  riches  moissons.  Le  froment  et 
«  l'orge  couvrent  les  champs  de  leurs  épis  dorés.  » 

Berose  dit  que  le  froment  ,  l'orge  ,  la  vesce  ,  le  sésame  ,  etc. ,  sont  des  plante» 
sauvages  dans  le  pays  de  Babylone,  entre  le  Tigre  et  l'Euphrate. 

3  C'est  une  espèce  qui  a  long-temps  été  cultivée  en  Angleterre ,  sous  le  nom 
Ôl  herbe  de  seigle  friegrassj,  qui  est  une  corruption  du  mot  ray-grass ,  dérivé 
du  mot  français  ivraie ,  nom  qu'on  donne  à  la  seconde  espèce ,  à  cause  de  son 
action  sur  les  nerfs  ,  qui  ressemble  aux  symptômes  de  l'ivresse.  C'est  ce  qui  fait 
qu'on  la  regarde  comme  une  herbe  dangereuse  parmi  le  froment. 


l5o  LETTRES    JÉLÉMENT  A  1RES 

sur  les  boids  des  chemins.  Les  marques   distinctives  de  l'es- 
pèce sont  que,  dans  la  première,  les  épilets  sont  plus  longs  que 
le  calice,  et  les  fleurs  sans  barbe;  au  lieu  que,  dans  la  seconde, 
qui  est  une  herbe  qui  croît  parnod  les  blés,  les  épilets  sont  seu- 
lement d'une  longueur  égale  au  calice,  et  les  fleurs  ont  des 
barbes  courtes.  Quelquefois  cependant  il  arrive  que  les  fleurs 
de  l'espèce  permanente  ont  de  petites  barbes ,  et  que  celles  de 
l'espèce  annuelle  n'en  ont  pas  ;  mais  vous  pouvez  toujours  les 
connaître,  non-seulement  par  leur  durée  et  la  place  où  elles 
croissent,  mais  encore  parce  que  la  seconde  espèce  est  plus 
grande  à  tons  égards.  La  tige  est  plus  haute  et  l'épi  est  plus 
long.  Les  épilets  sont  aussi  plus  éloignés ,  de  façon  qu'ils  ne  se 
touchent  pas  l'un  l'autre,  comme  ils  le  font  dans  la  première. 
La  cynosure  '  ,  ou  queue  de  chien ,  a  été  la  dernière  dont  on 
a  l'ait  mention  dans  cette  di^ision.  Le  caractère  du  genre  est 
pris  d'une  feuille  latérale  qui  est  à  chaque  calice,  que  Linnée 
appelle  le  réceptacle ,  l'enveloppe  ou  bractea.  Cela  donne  à  l'épi 
une  apparence  qui  fait  aisément  distinguer  la  plante  de  toutes 
les  autres.  Il  y  en  a  une  espèce  d'une  forme  très-élégante  '  qu'on 
trouve  en  abondance  dans  les  parcs  et  dans  les  communes.  On 
en  voit  aussi  dans  les  autres  pâturages.  Elle  a  son  réceptacle 
dentelé  ,  comme  un  peigne.  La  corolle  ne  s'ouvre  pas,  mais  en- 
veloppe de  près  la  semence,  qui,  pour  cette  raison  ,  ne  tombe 
pas.  Les  épilets  ont  depuis  trois  jusqu'à  cinq  fleurs.  Elles  sont 
toutes  tournées  du  même  côté,  et  ne  sont  point  près  du  ré- 
ceptacle ou  de  la  tige  commune  de  l'épi.  Un  pédicule  suppoite 
quelquefois  deux  ou  trois  de  ces  épilets.  La  tige  est  fort  droite 
et  déliée;  les  feuilles  sont  étroites  et  unies. 

Il  y  a  encore  quelques  herbes  des  champs  qui  ne  s'accoident 
pas  avec  le  système  artificiel,  et  que  ,  pour  cette  raison,  on  ne 
trouve  point  dans  la  troisième  classe  de  Linnée.  Mais  comme 
nous  ne  sommes  pas  obligés  de  le  suivre  servilement,  nous 
suivrons  plutôt  la  nature  ,  qui  est  un  meilleur  guide. 

Il  y  a  une  hei'be  qui  fleurit  plutôt  que  toutes  les  autres ,  et 
que,  pour  cette  raison,  on  nomme  herbe  du  printemps.  Lin- 

'  Genre  de  la  famille  des  grairiiuées. 
3  Queue  de  cbicu  à  crête. 


1 


SUR  LA   I30TAI^*IQL!E.  23  S 

jicc  l'a  noiDiiiée  anthoxanthum  '  ,  de;  la  couleui"  jaune  dé  soa 
épi.  (^e  caractère  vous  servira  à  présont  peur  faire  une  première 
connaissance  avec  cette  plante ,  jusqu'à  ce  que  vous  ayez  l'occa- 
sion, au  printemps  prochain,  d'examiner  les  fleurs  plus  en  détail, 
fille  a  obtenu  l'épithète  à' odoriférante ,  à  cavise  de  la  douce 
odeur  qu'elle  communique  au  foin.  Ce  genre  est  seul  dans  le 
second  ordre  de  la  seconde  classe.  Chaque  calice  ne  soutien c 
qu'une  fleur;  chaque  valvule  de  la  corolle  a  une  barbe  ,  l'une 
courbée,  et  qui  part  de  la  basse,  l'autre  qui  vient  presque  du 
sommet.  Les  deux  filets  sont  fort  longs,  et  les  deux  styles  sont 
eu  forme  de  fil.  La  valvule  de  la  corolle  est  adhérente  à  la  se- 
mence. Il  y  a  trois  espèces  dans  ce  genre.  La  nôtre  est  distin- 
guée par  l'épi,  qui  est  d'une  forme  oblongue.  Les  fleurs  crois- 
sent sur  des  pédicules  courts,  et  sont  plus  longues  que  let, 
barbes. 

Il  y  a  encore  une  autre  espèce  d'herbe  des  champs  ,  appelée 
cinna,  et  qui  est  dans  le  second  ordre  de  la  première  classe. 

Mais  dans  le  piemier  ordre  de  la  vingt  -  troisième  classe, 
il  y  a  plusieurs  genres,  dont  la  houque  molle  des  champs  est 
vraisemblablement  celle  que  vous  aurez  le  plus  d'occasion 
d'observer.  Celle-ci,  et  toutes  les  autres,  ont  des  fleurs  impar- 
faites plus  petites,  parmi  les  fleurs  parfaites,  circonstance  qui 
les  range  dans  cette  classe.  Elles  ont  toutes  une  double  valvule 
pour  calice  et  pour  corolle ,  trois  étamines ,  deux  pistils  et  une 
semence.  Elles  joignent  à  ces  caractères  tout  le  port  et  toute 
la  ressemblance  des  plantes  que  nous  venons  d'observer,  ce 
qui  les  met  évidemment  au  nombre  des  herbes  des  prés.  La 
liou(|ue  diffère  des  plantes  ses  voisines  ,  en  ce  qu'elle  a  deux 
(leurs  renfermées  dans  un  calice  qui  est  sans  barbe,  au  lieu  que 
la  valvule  extérieure  de  la  corolle  en  général  est  barbue.  Les 
fleurs  imparfaites  n'ont,  ni  corolle,  ni  pistil,  ni  semence;  elles 
ont  seulement  trois  étamines,  avec  la  double  valvule  du  calice. 
Les  deux  espèces  sauvages  communes  sont  ainsi  distinguées  ;  la 
houque  molle  des  prés  a  des  valvules  garnies  de  poils  ;  les 
(leurs  parfaites  sont  sans  barbe  ;  les  fleurs  imparfaites  ont  une 

'  Eu  français  flouve  odorante.  C'est  encore  un  genre  de  la  famille  des  gra- 
minées. 


232  LETTRES  ELEMENTAIRES 

barbe  recourbée.  La  houque  laineuse  rampante  a  des  valvules 
assez  unies;  les  fleurs  parfaites  sont  sans  barbe  ;  mais  les  fleurs 
imparfaites  ont  une  barbe  coupée  par  jointures.  Ces  deux  plan- 
tes se  ressemblent  beaucoup;  mais  le  calice  est  plus  aigu  dans 
celle-ci  que  dans  la  précédente ,  et  même  que  dans  aucune  autre 
de  cette  espèce.  La  première  croît  dans  des  pâturages  ;  la  se- 
conde dans  des  champs  de  blé  et  dans  des  haies. 

Puisqu'il  est  assez  ordinaire  de  trouver  des  fleurs  incom- 
plettes  ou  imparfaites  parmi  celles  qui  sont  parfaites ,  dans 
beaucoup  d'herbe  des  champs ,  que  Linnée  range  dans  sa  troi- 
sième classe ,  vous  me  demanderez  peut-être  pourquoi  il  ne 
les  a  pas  mises  aussi  dans  la  vingt-troisième,  ou  bien  ren- 
fermées toutes  ensemble  dans  la  ti'oisième.  Je  ne  puis  faire  à 
cette  question  une  meilleure  réponse  que  de  dire  qu'il  ne  pa- 
raît pas  que  les  fleurs  imparfaites  soient  aussi  constantes  et  aussi 
régulières  dans  une  espèce  que  dans  l'autre ,  ou  que  peut-être 
on  ne  les  trouve  que  dans  une  espèce  du  genre. 

Nous  avons  maintenant  parcouru  toutes  les  herbes  des 
champs.  Il  y  a  plusieurs  autres  plantes  qui  touchent  de  près 
à  celles-ci,  comme  le  choin  ou  jonc  des  marais,  le  cyperus  ou 
souchet,  le  scirpus  ou  gros  jonc;  ces  trois  genres  sont  fort 
nombreux.  On  peut  y  ajouter  la  plante  nommée  eriophorum  ou 
herbe  à  coton,  qu'on  rangera  dans  le  premier  ordre  de  la  troi- 
sième classe;  la  queue  de  chat,  et  tous  les  glaïeuls  ,  ou  herbes 
des  marais ,  qui  sont  dans  le  troisième  ordre  de  la  vingt-unième. 
Ces  plantes  ressemblent  beaucoup  aux  herbes  des  prés  par  leur 
manière  de  croître ,  leurs  feuilles  et  toute  leur  apparence.  Elles 
ont  aussi  trois  étamines;  mais  la  tige  est  remplie  d'une  sub- 
stance spongieuse ,  et  la  fleur  est  dénuée  de  pétales.  Enfin  les 
joncs  et  quelques  autres  en  petit  nombre,  dans  le  premier 
ordre  de  la  sixième  classe,  ont  un  calice  à  six  feuilles,  une  co- 
rolle à  six  pétales,  ou  n'en  ont  pas;  six  étamines,  et  les  se- 
mences l'enfermées  dans  une  capsule  triangulaire. 

Je  ne  vous  ai  pas  encore  dit  que  la  canne  à  sucre  est  une 
plante  renfei'mée  dans  la  première  division  des  herbes  des  prés, 
à  quoi  peut-être  vous  ne  vous  attendiez  point;  mais  si  vous 
n'êtes  pas  lasse  de  me  lire,  je  suis  las  de  tenir  la  plume,  ainsi, 
ma  chère  cousine,  adieu  jusqu'à  la  prochaine  fois. 


1 


SUR   LA    BOTAMQTJE.  253 


LETTRE   IV. 


i^""  juillet,  1774. 

Vous  ne  devez  pas  supposer  que,  parce  que  ma  tlernière  lettre 
a  été  entièrement  employée  à  décrire  les  herbes  des  prés ,  la 
troisième  classe  du  système  botanique  ne  contient  point  d'autres 
plantes.  Dans  le  fait  il  n'y  a  pas  moins  de  soixante-seize  genres, 
et  six  cent  dix-huit  espèces,  dans  les  trois  ordres  de  cette 
classe,  pris  ensemble.  Vous  voyez  cependant  que,  quoiqu'elle 
ne  soit  pas  seulement  composée  des  herbes  des  prés,  c'est  le 
genre  qui  s'y  trouve  le  plus  en  abondance. 

Il  y  a  des  genres  d'une  grande  beauté  dans  le  premier  ordre 
de  cette  classe ,  particulièrement  Yixia,  l'iris  et  le  lis.  Ces  plan- 
tes, ainsi  que  le  safran,  le  glaïeul,  l'antolyza,  et  quelques 
autres  qu'on  ne  trouve  pas  aisément ,  s'accordent  ensemble  en 
ce  qu'elles  ont  une  gaîne  au  lieu  de  calice,  une  corolle  de  six 
pétales ,  ou  au  moins  taillée  en  six  parties.  Elles  ont  en  général 
trois  stigmates,  ou  un  qui  est  divisé  en  trois  parties,  et  une 
capsule  triangulaire  à  trois  valvules  et  à  trois  loges ,  pour  ren- 
fermer les  semences  :  on  observe  aussi  qu'elles  ont  des  feuilles 
longues  et  étroites  ,  qui  ressemblent  un  peu  à  celles  des  herbes 
des  prés.  Linnée  les  appelle  cnsif ormes ,  ou  en  forme  d'épée  ' . 
Ces  plantes  se  rapprocTient  beaucoup  de  la  famille  des  liliacées, 
et  pour  cette  raison ,  elles  ont  été  rangées  dans  cette  famille 
par  le  plus  grand  nombre  des  auteurs  qui  visent  à  former  un 
arrangement  naturel. 

Prenez  quelque  espèce  d'iris  que  vous  voudrez  ,  soit  le  bleu 
ou  le  blanc,  que  vous  avez  en  si  grande  abondance  sur  les  bords 
de  vos  plantaticms,  ou  bien  le  jaune,  très-commun  dans  les 
endroits  humides.  Premièrement,  vous  observerez  que,  soit 

'  C'est  pour  cela  qtie ,  dans  ses  ordres  naturels  ,  il  les  a  mises  ensemble ,  en 
V  en  ajoutant  quelques  autres  sous  le  titre  de  ensatœ. 


-J!54  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES, 

que  les  fleurs  se  trouvent  ouvertes  ou  fermées  ,  chacune  d'elles 
a  sa  gaine  qui  la  sépare  des  autres.  La  corolle  premièrement 
semble  être  composée  de  six  pétales  ;  mais  vous  verrez  bientôt 
que  les  parties  sont  toutes  unies  îi  la  base.  Les  trois  qui  sont  les 
plus  extérieures  sont  courbées  en  en-bas,  et  pour  cette  raison 
on  les  appelle  tombantes  ;  des  trois  qui  sont  à  l'intérieur,  l'une 
est  droite,  et  a  le  nom  d'étendard.  Dans  le  centre  de  ces  pé- 
tales, il  semble  qu'il  y  en  a  trois  autres;  mais  ce  n'est  que  le 
stigmate  qui  est  divisé  en  trois  parties.  Sous  chacune  de  ces 
divisions,  vous  découvrirez  une  seule  étamine  cachée  avec  le 
fdet  courbé  le  long  du  stigmate,  et  terminée  par  une  anthère 
longue,  large  et  aplatie.  Il  vous  faudra  chercher  le  germe 
sous  la  fleur.  C'est-là  où  vous  le  trouverez  formant  un  corps 
vert  et  oblong,  qui,  lorsque  la  fleur  est  flétrie  et  tombée,  de- 
vient, dans  plusieurs  espèces,  une  capsule  à  trois  loges,  qui 
s'ouvre  par  trois  valvules,  et  qui  a  les  semences  rangées  en 
trois  cellules.  Nous  n'avons  pas  encore  remarqué  une  rangée 
de  petits  corps  qui  forment  ime  ligne  garnie  de  poils  sur  le 
milieu  des  pétales  courbés;  mais  vous  vous  apercevez  que  ce 
caractère  n'est  pas  commun  à  toute  l'espèce ,  votre  iris  bleu 
amsi  que  le  blanc  l'ayant ,  mais  non  pas  l'iris  jaune.  Il  ne  peut 
donc  pas  servir  à  caractériser  le  genre.  Cependant  il  peut  servir 
à  le  subdiviser  ou  à  fournir  un  caractère  spécifique.  Quand 
vous  aurez  achevé  d'observer  les  parties  de  la  fructification  ; 
vous  l'emarquerez  que  les  feuilles  sont  fort  étroites ,  en  pro- 
portion de  leur  longueur,  et  que  ce  n'est  pas  à  tort  qu'on  les 
a  nommées  ensif ormes ^  d'après  la  ressemblance  qu'elles  ont 
avec  une  épée.  Si  vous  pouvez  vous  résoudre  à  arracher  de  la 
terre  une  de  ces  belles  plantes,  vous  verrez  que  les  racines  ne 
sont  pas  fibreuses,  mais  oblongues  et  charnues.  J'imagine  ce- 
pendant que  vous  vous  en  rapporterez  à  ce  que  je  dis,  jusqu'à 
l'automne  prochain  ,  quand  votre  jardinier  en  arrachera  quel- 
ques-unes, ou  du  moins  découvrira  leurs  racines,  en  creusant 
les  bords  de  la  plantation. 

Vous  pouvez  distinguer  l'iris  bleu  ou  d'Allemagne,  le  blanc 
ou  celui  de  Florence,  et  le  jaune  ou  l'iris  des  marais,  par  les 
caractères  suivants.  Les  deux  premiers  ont  la  corolle  barbue; 
le  premier  et  le  troisième  ont  plusieurs  fleurs  sur  la  tige.  Le 


SUR   LA    lîOTAMQUK.  '203 

second  n'a  qu'une  ou  deux  fleurs,  et  les  pédicules  ne  sont  pas 
si  longs  que  dans  le  premier.  ï,e  troisième  a  les  corolles  sans 
barbe,  et  les  pétales  intérieurs  plus  petits  que  les  divisions  du 
stigmate  '.  Mais  pourquoi  tout  ce  détail,  direz-vous,  puisque 
nous  les  connaissons  par  leurs  couleurs,  le  bleu,  le  blanc  et  le 
jaune?  Ne  vous  fiez  pas  trop  à  la  couleur,  ma  chère  cousine. 
Quoi!  si  un  iris  se  présentait  à  vous  avec  des  fleurs  bleues, 
mais  n'en  ayant  qu'une  ou  deux  sur  la  tige ,  ou  n'ayant  point 
de  barbe ,  ou  bien  si  la  tige  qui  porte  la  fleur  était  plus  courte 
que  les  feuilles ,  tous  ces  divers  iris  vous  paraîtraient-  ils  de  la 
même  espèce,  uniquement  parce  que  la  corolle  serait  bleue? 
Non,  sûrement  ;  nous  faisons  plus  d'attention  à  ces  circonstances 
qu'à  la  couleur,  non  parce  que  nous  les  estimons  davantage  , 
mais  parce  qu'elles  sont  plus  certaines  et  plus  permanentes. 

L'iris  de  Chalcédoine  a  des  tiges  de  deux  pieds  et  demi  de 
haut,  qui  soutiennent  une  fort  grande  fleur.  Les  trois  étendards 
sont  fort  larges  et  minces,  avec  des  raies  noires  et  blanches. 
Les  trois  pétales  tombants  sont  d'une  couleur  plus  sombre. 
C'est  une  des  espèces  qui  a  de  la  barbe. 

Parmi  ces  jolies  plantes,  n'oublions  pas  l'humble  iris  de  Perse , 
qui  s'élève  rarement  à  trois  pouces  du  terrain,  mais  dont  les 
couleurs  sont  fort  belles ,  et  qui  a  un  parfum  très-agréable. 
Cette  plante  fleurit  lorsque  les  autres  n'osent  pas  encore  se  fier 
à  un  ciel  incertain  dont  elles  redoutent  les  inclémences.  Une 
ou  deux  fleurs  sortent  ensemble.  Les  étendards  sont  d'un  bleu 
céleste  pâle.  Les  pétales  tombants  sont  de  la  même  couleur  à 
l'extérieur,  mais  la  lèvre  a  une  raie  jaune  qui  la  traverse  par  le 
milieu  ;  et ,  de  chaque  côté ,  il  y  a  plusieurs  taches  sombres ,  avec 
une  grande  tache  au  fond,  de  couleur  de  poui-pre,  très-foncée. 
Elles  n'ont  point  de  barbe.  Les  feuilles  sont  creusées  comme 
la  quille  d'un  bateau,  et  ont  environ  six  pouces  de  longueur. 
Vous  aurez  plaisir  à  prendre  soin  de  ce  petit  nain,  lorsque 
vous  ne  trouverez  plus ,  pour  vous  amuser ,  sur  votre  chemin , 
que  des  safrans  et  des  snoerdrops  ^. 

'  Toutes  les  trois  espèces  sont  distinguées  des  antres  par  la  tige  de  la  fleur 
tjui  est  plus  élevée  que  la  poiute  des  feuilles. 

2  II  faut  entendre  par  là  la  perce-ucige  fleiicoitiiu  a'^rnnm  J,  ou  le  "alant 
d'hiver  f  galanthus  n-walix  J . 


256     •  LETTRES  ÉLÉMEKT^IHES 

Je  vous  ai  envoyé  ce  petit  bouquet  de  jolies  fleurs,  pour 
vous  dédommager  de  tout  le  foin  et  de  toute  la  paille  dont  je 
vous  ai  fatiguée  dans  ma  dernière  lettre. 


LETTRE   V. 

8  juillet  1774. 

Sachant  bien,  ma  chère  cousine,  que  le  bouquet  que  je  vous 
ni  envoyé  dans  ma  dernière  lettre  était  trop  petit  pour  vous 
occuper  long-temps ,  je  me  suis  hâté  de  vous  envoyer  la  qua- 
trième classe,  qui  est  plus  nombreuse  que  la  troisième  en  genres, 
puisqu'elle  en  contient  quatre-vingt-cinq;  mais  elle  n'a  pas  , 
à  beaucoup  près,  autant  d'espèces ,  n'en  ayant  pas  plus  de  trois 
cent  quatre-vingt-dix. 

Vous  trouverez ,  dans  cette  classe ,  quelques  exemples  de 
fleurs  agrégées ,  dont  je  vous  ai  expliqué  ci  -  devant  la  na- 
ture en  général.  Mais  vous  la  connaîtrez  à  fond,  j'en  suis  sûr, 
quand  vous  aurez  considéré  la  structure  du  chardon  et  de  la 
scabieuse.  Ces  plantes-ci,  et  toutes  les  autres  de  cet  ordre  natu- 
rel, ont  des  corolles  monopétales  auxquelles  succède  une  se- 
mence qui  est  au-dessous.  Un  certain  nombre  de  ces  corolles  est 
renfermé  dans  un  calice  commun  ,  comme  dans  les  fleuis  com- 
posées ,  dont  elles  diffèrent  en  ce  qu'elles  ont  quatre  étamines 
tout-à-fait  distinctes ,  avec  un  calice  propre  à  chaque  petite 
fleur.  Cependant  on  pourrait  aisément  les  confondre  avec  des 
fleurs  composées ,  si  on  ne  faisait  attention  qu'à  leur  forme  et 
leur  apparence  générale. 

Les  deux  genres  du  chardon  et  de  la  scabieuse  s'accordent 
en  ce  qu'ils  ont  le  calice  commun  polyphylle  ou  formé  de  plu- 
sieurs feuilles.  Le  premier  a  des  valvules  entre  les  fleurs  sur 
le  réceptacle ,  ou  sur  la  base  qui  leur  est  commune  à  toutes  ; 
leur  forme  est  conique.  Le  second  a  ces  valvules  dans  quelques 
espèces,  mais  en  d'autres ,  le  réceptacle  est  nu  ;  la  forme  en  est 
convexe.  Elle  est  remarquable ,  en  ce  qu'il  y  a  un  doube  calice 


SUR  LA   BOTANIQUE.  237 

pour  chaque  petite  fleur,  outre  celui  qui  leur  est  commun  à 
toutes.  Les  feuilles  du  calice  sout  fort  lougues  dans  le  char- 
don ,  et  forment  plusieurs  rangées  dans  la  scabieuse. 

Telles  sont  les  principales  distinctions  qui  concernent  les 
genres.  Le  chardon  commun  est  distingué  de  ses  congénères 
par  ses  feuilles  sessiles,  qui  sont  garnies.de  dents  sur  les  bords. 
La  tête  conique  du  chardon  est  garnie  de  barbes  dures,  qui, 
dans  l'espèce  sauvage' ,  sont  droites ,  mais  courbées^  dans  l'es- 
pèce cultivée.  Cette  différence  ne  paraît  pas  assez  considérable 
à  Linnée  pour  en  faire  deux  espèces  distinctes.  Haller ,  Jac- 
quin  et  quelques  autres  sont  d'une  opinion  différente  ;  aujour- 
d'hui l'on  convient  généralement  que  le  chardon  cultivé  forme 
une  espèce  distincte  du  chardon  sauvage. 

Il  n'v  a  pas  moins  de  trente-quatre  espèces  de  scabieuse.  Le 
genre  se  divise  convenablement  en  celles  qui  ont  les  corolles 
des  petites  fleius  partagées  en  quatre ,  et  celles  qui  les  ont 
partagées  en  cinq  segments.  Dans  la  première  classe ,  il  y  a  qua- 
torze espèces,  et  dans  la  seconde,  vingt.  De  nos  trois  espèces 
sauvages ,  il  y  en  a  deux  dans  la  première  division  ,  et  une  dans 
la  dernière.  La  scabieuse  commune  des  champs  est  une  plante 
grande  et  élevée;  la  tige  est  garnie  de  poils;  les  feuilles  infé- 
rieures sont  quelquefois  presque  entières  ;  quelquefois,  aussi- 
bien  que  les  feuilles  qui  sont  sur  la  tige,  elles  sont pinnatifides. 
Les  fleurs  extérieures  sont  plus  grandes ,  et  ont  la  corolle  taillée 
plus  profondément  que  celle  du  milieu  ;  les  segments  extérieurs 
sont  aussi  les  plus  grands.  Ils  sont  d'une  couleur  pourpre  pâle. 

L'autre  espèce,  avec  des  corolles  qviadrifides,  est  appelée 
inors  du  diable,  parce  qu'elle  a  vme  racine  courte  et  cernée, 
dont  le  bout  semble  comme  rongé.  Les  tiges  de  celle-ci  ne  sout 
pas  si  hautes ,  et  ne  sont  pas  branchues  comme  dans  la  pre- 
mière. En  général  elles  poussent  deux  petits  pédicules  à  la 
jointure  supérieure,  lesquels  sont  opposés  l'un  à  l'autre;  et 
terminés  chacun  par  une  petite  fleur  bleue ,  comme  la  princi- 
pale tige  l'est  par  une  plus  grande.  Les  petites  fleurs  ne  sont 
pas  irrégulières  comme  dans  la  précédente.  Les  feuilles  sont 
simples  et  entières  (  excepté  quelques  -  imes  du  milieu  de  la 

'  Dipsacus  sjlvestris.  En  français  cardère  velue. 
'  Dipsacus fullonum.  Chardon  à  foulon. 

R.    VIT.  17 


5?58  LETTRES  ELEMENTAIRES 

tige,  qui  ont  un  petit  nombre  de  dents  ) ,  oblongues  et  finissant 
en  pointe  à  chaque  extrémité.  Cette  espèce  croît  dans  les  pâ- 
turages et  dans  les  bois.  Elle  fleurit  plus  tard  que  la  première, 
qui  est  fort  commune  dans  les  champs  de  blé ,  et  se  trouve 
aussi  en  assez  grande  quantité  dans  les  prairies. 

La  petite  scabieuse,  outre  qu'elle  a  des  corolles  quinquifides, 
est  distinguée  des  deux  autres ,  en  ce  qu'elle  a  des  feuilles  qui 
sont  voisines  de  la  terre,  ovales,  et  entaillées  sur  les  bords, 
tandis  que  celles  qui  sont  sur  la  tige  sont  pinnées;  vers  le  bas, 
les  folioles  sont  plus  larges;  mais  vers  le  sommet  de  la  tige, 
elles  sont  fort  étroites.  Il  y  en  a  environ  huit  paires  ,  et  le  lobe 
qui  les  termine  est  grand.  La  fleur  agrégée  vient  d'abord, 
comme  une  fleur  simple,  sur  un  long  pédicule.  Les  petites  fleurs 
extérieures  sont  plus  grandes  et  fort  irrégulières,  comme  dans 
la  première  espèce,  et  d'un  bleu  pâle.  Cette  plante  est  com- 
mune dans  les  pâturages ,  particulièrement  dans  les  endroits  où 
le  terrain  est  crayeux. 

Avant  d'en  être  venue  jusqu'en  cet  endroit  de  ma  lettre, 
je  suis  persuadé  que  vous  vous  êtes  figuré  déjà  qu'une  certaine 
plante  ,  qui  a  des  fleurs  d'une  couleur  de  pourpre  sombre ,  et 
une  odeur  douce,  assez  forte,  que  votre  jardinier  sème  tous 
les  ans  sur  les  bords  de  votre  enclos ,  est  une  plante  de  ce 
genre.  Ce  n'est  pas  le  nom  qu'on  lui  donne  de  scabieuse  douce , 
qui  vous  a  portée  à  le  penser  ;  ce  ne  sont  pas  les  noms  qui 
vous  en  imposent ,  vous  ne  jugez  que  d'après  une  ressemblance 
évidente  dans  la  structure.  Un  examen  attentif  de  la  fleur  vous 
confirmera  dans  votre  idée.  Vous  verrez  qu'elle  est  du  genre 
de  celles  qui  ont  des  corolles  quinquifides.  Leur  réceptacle  est 
oblong;  le  calice  commun  consiste  en  douze  foHoles  linéaires, 
de  la  longueur  de  la  fleur  agrégée ,  et  courbée  en  arrière.  Les 
feuilles  sont  joliment  taillées.  La  coulevir  de  la  corolle  varie, 
étant  quelquefois  d'un  pourpre  sombre  ou  pâle ,  quelquefois  . 
rouge  et  bariolée.  Souvent  la  fleur  principale  est  entourée  d'une 
rangée  de  petites  fleurs  portées  sur  des  pédicules  très-minces , 
comme  dans  la  marguerite  des  poules  ;  mais  toutes  ces  variétés 
ne  viennent  que  de  la  semence.  Quoique  cette  plante  soit  au- 
jourd'hui très-commune  dans  ce  pays ,  elle  vient  originaire- 
ment de  l'Inde. 


SUR   L/V   BOTANIQUE.  2DC) 

Cette  classe  comprend  un  ordre  naturel  de  plantes ,  qu'on 
nomme  verticiilées,  à  cause  de  la  manière  dont  les  feuilles  crois- 
sent sur  la  tige.  Elles  viennent  plusieurs  ensemble,  rangées 
l'une  au-dessous  de  l'autre ,  comme  les  rayons  d'une  étoile , 
comme  on  a  coutume  de  les  représenter.  Je  dois  vous  faire  ob- 
server que,  quoique  dans  ce  cas  et  dans  plusieurs  autres ,  une 
classe  ou  un  ordre  prend  son  nom  d'une  circonstance  frappante 
que  la  plante  offre  dans  sa  structure  ,  cependant  il  ne  s'ensuit 
pas  qu'il  faille  chercher  dans  cette  classe  toutes  les  plantes  dont 
la  structure  est  semblable  à  celles-ci,  ou  que  ce  soit  la  seule 
et  principale  raison  pour  laquelle  on  les  range  dans  cette  classe. 
Quand  une  plante  s'offre  à  vous  avec  cette  apparence  géné- 
rale ,  vous  pouvez  présumer  raisonnablement  qu'elle  doit  cire 
mise  dans  tel  ou  tel  ordre  ;  mais  cette  apparence  extérieure 
ne  doit  pas  vous  porter  au-delà  d'une  simple  conjecture.  C'est 
l'examen  attentif  des  parties  de  la  fructilication  qui  doit  enfin 
vous  déterminer 

Voici  quelle  est  la  structure  des  plantes  verticiilées.  Le  ca- 
lice est  fort  mince,  partagé  en  quatre  parties,  et  permanent. 
La  corolle  est  monopétale,  partagée  en  quatre  segments.  Les 
étamines  sont  au  nombre  de  quatre.  Le  germe  est  double  et 
placé  au-dessous  de  la  fleur.  Le  style  est  bifide.  Le  fruit  est 
d'une  forme  globuleuse ,  et  contient  deux  semences.  La  tige 
est  quadrangulaire. 

Tous  les  genres  de  cet  ordre  se  ressemblent  si  fort  l'un  à 
l'autre,  que  quelques  auteurs  les  ont  réduits  à  un.  'L^i garance 
a  une  corolle  en  forme  de  cloche ,  à  laquelle  succèdent  deux 
baies  qui  contiennent  chacune  une  semence.  La  sherard  des 
champs ,  l'aspérule  odorante  ont  des  corolles  en  forme  d'en- 
tonnoir. La  première  a  une  petite  couronne  sur  les  semences; 
la  seconde  les  a  en  forme  globuleuse ,  sans  aucune  couronne. 
Le  galium  (caille-lait)  a  une  corolle  en  forme  de  soucoupe, 
et  deux  semences  arrondies.  Ce  dernier  genre  a  vingt-six  es- 
pèces, dont  vingt  ont  le  fruit  uni;  dans  les  six  autres  ,  le  fruit 
a  des  aspérités.  Le  nombre  et  la  forme  des  feuilles ,  dans  tous 
les  verticilles,  donnent  la  principale  distinction  spécifique. 

Le  caille-lait  des  marais  a  quatre  feuilles  qui  forment  une 
étoile  vers  le  bas  de  la  tige  ,  et  six  plus  étroites  vers  le  haut.  Le 

17. 


9.6o  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

caille-lait  blanc  a  huit  feuilles  un  peu  entaillées  sur  les  bords , 
de  forme  ovale  ,  et  se  terminant  en  pointe  ou  en  petit  crochet. 
Le  caille  -  lait  jaune  a  aussi  huit  feuilles;  mais  elles  sont  fort 
étroites  et  sillonnées.  Les  tiges  qui  portent  les  fleui's  sont  fort 
courtes ,  et  les  corolles  sont  jaunes.  La  première  espèce  croît 
dans  les  prairies  humides  et  sur  le  bord  des  rivières  ;  la  se- 
conde le  long  des  haies  ,  et  dans  les  bruyères  parmi  les  buis- 
sons ;  la  troisième  est  fort  commune  dans  les  pâturages ,  sur  les 
sillons  et  aux  bords  des  chemins.  Ces  trois  espèces  ont  toutes 
des  semences  imies.  La  valence  grateron ,  connue  sous  le  nom 
à'herbe  des  oies ,  a ,  comme  on  le  sait ,  des  semences  pleines  d'as- 
pérités et  de  pointes  qui  accrochent  nos  vêtements  lorsque  nous 
passons  près  des  haies.  Les  feuilles  aussi  sont  rudes ,  en  forme 
de  lance,  et  au  nombre  de  huit.  Les  feuilles ,  dans  toute  cette  es- 
pèce et  même  dans  tonte  la  famille,  sont  fort  petites  ;  mais  on 
connaît  ces  plantes  au  premier  coup-d'œil  par  leur  appai'ence 
extérieure. 

Les  plantains  sont  aussi  du  premier  ordre  de  cette  classe , 
qu'on  nomme  la  têtrandrie.  Il  y  en  a  un  grand  nombre;  car  on 
en  compte  vingt-quatre  espèces.  Comme  un  grand  nombre  de 
petites  fleurs  croissent  ensemble  dans  une  pointe  ou  tête  ob- 
longue ,  il  faut  que  vous  en  mettiez  une  à  part  pour  examiner 
avec  soin  les  parties  de  la  fructification.  Vous  verrez  alors  que 
chacune  de  ces  petites  fleurs  a  un  calice  et  une  corolle  quadri- 
fide  ,  cette  dernière  ayant  son  boi'd  recourbé.  Les  filets  sont 
remarquablement  longs,  et  le  vaisseau  qui  renferme  les  semen- 
ces est  une  capsule  à  deux  loges,  qui  s'ouvre  horizontalement, 
et  placée  au-dessus  du  réceptacle. 

Le  grand  plantain  et  le  plantain  lancéolé  vous  sont  vrai- 
semblablement très- connus  ,  la  première  espèce  étant  très-com- 
mune sur  les  bords  des  chemins,  et  la  seconde  dans  les  pâtu- 
rages. Le  grand  plantain  est  distingué  par  ses  feuilles  ovales , 
unies ,  et  sa  tige  ronde  ^ ,  nue ,  qui  se  termine  par  une  longue 
pointe  de  fleurs  qui  croissent  fort  près  l'une  de  l'autre  ^.  Le 
plantain  moyen  est  une  espèce  très- voisine  de  celle-ci;  mais 

'  Linnée  appelle  cette  tige  Scapus ,  qui  signifie  en  latin  le  ftit  d'une  co- 
lonne. 

2  Taillée*  en  gouttière. 


I 


I 


SUR    LA    BOTAiNlQLlE.  0^6  i 

les  feuilles  sont  plus  longues,  et  garnies  de  poils  blancs.  L'épi 
est  cylindrique,  mais  plus  court  et  plus  épais  que  dans  la  pre- 
mière. Le  plantain  lancéolé  a  des  feuilles  en  forme  de  lance ,  et 
un  épi  ovale,  nu  et  court.  Celle-ci  et  les  autres  espèces  ont  les 
feuilles  marquées  en  long  avec  des  côtes  ou  nervures  fort  proé- 
minentes. 

En  examinant  de  près  ces  plantes,  qui  vous  sont  déjà  con- 
nues, vous  acquerrez  une  grande  facilité  pour  connaître  celles 
qui  vous  sont  étrangères  ;  car  vous  avez  trop  de  bon  sens  pour 
les,  mépriser ,  parce  qu'elles  sont  communes  et  qu'elles  n'ont 
pas  de  beauté.  Bien  persuadé  de  cela,  je  me  suis  attaché  à 
choisir  les  plantes  que  vous  pouvez  rencontrer  aisément ,  et 
qu'il  faut  examiner  avec  soin ,  plutôt  que  celles  qui  sont  rares 
et  d'un  grand  pi^x.  Si  vous  étiez  dans  le  voisinage  d'un  fameux 
jardin  botanique,  je  serais  plus  délicat  dans  mon  choix ,  et  en 
même  temps  je  vous  en  présenterais  une  plus  grande  variété  ; 
mais  peut-être,  après  tout,  je  ne  vous  offriiais  rien  de  plus  utile 
ni  de  plus  récréatif.  Je  me  flatte  au  moins  que  vous  m'accor- 
derez un  peu  plus  long-temps  la  continuation  de  cette  indul- 
gence dont  vous  m'avez  honoré  jusqu'à  présent. 

Mais,  pour  revenir  à  notre  sujet ,  il  y  a  une  plante  de  cette 
quatrième  classe  et  du  preftiier  ordre,  que  je  ne  dois  pas  omettre 
de  vous  présenter  ,  quand  ce  ne  serait  qu'à  cause  du  nom 
qu'elle  porte.  Le  pied-de-lion  a  un  calice  d'une  feuille  perma- 
nente ,  partagé  en  huit  segments ,  dont  quatre  sont  plus  grands , 
et  quatre  plus  petits.  Il  n'a  point  de  corolle,  et  n'a  qu'une  pe- 
tite semence  à  chaque  fleur.  Il  y  a  trois  espèces  de  pied-de- 
lion  :  1°  la  commune  ,  i"  celle  des  Alpes  ,  et  3°  celle  qui  a  cinq 
feuilles.  La  première  est  distinguée  par  ses  feuilles  simples  en 
lobe  ,  délicatement  dentelées  sur  les  bords  ,  et  partagées  en 
huit  ou  douze  parties.  Avant  que  la  feuille  s'étende,  elle  est 
pliée  ou  plissée  à  chacune  de  ces  divisions  :  c'est  de  là  que  lui 
vient  son  nom.  Les  fleurs  croissent  en  grappes,  et  ne  sont  re- 
marquables, ni  pour  la  grandeur ,  ni  pour  la  couleur  ;  car  , 
n'ayant  point  de  corolles ,  elles  sont  seulement  vertes ,  ou  , 
comme  les  botanistes  les  appellent,  herbacées.  C'est  une  plante 
humble ,  mais  élégante ,  qui  croît  dans  les  pàtuiages  élevés  , 
mais  qui  n'est  pas  commune. 


26-2  LKTïRliS   ÉLifllENTAÎKES 

Le  pieil-de-lion  des  Alpes  est  une  plante  beaucoup  plus  élé- 
gante que  celle-ci.  Elle  a  des  feuilles  soyeuses ,  brillantes ,  qui 
sont  digitées  et  dentelées  à  leur  extrémité.  Les  folioles  ou  feuilles 
composantes  varient  en  nombre  depuis  cinq  jusqu'à  neuf.  La 
troisième  espèce  est  fort  i-are;  c'est  une  petite  plante  tout-à- 
fait  unie,  avec  des  feuilles  digitées  ;  mais  chacune  de  ses  cinq 
folioles  est  partagée  à  demi  en  plusieurs  autres  plus  petites. 

Le  second  ordre  de  cette  classe  a  une  plante  singulière ,  la 
cuscute  ou  Xéplthyme.  Elle  est  sans  feuilles  ,  et  a  une  tige  plus 
mince  qu'un  fil ,  qui  traînerait  sur  la  terre  ,  si  elle  ne  s'accro- 
chait à  quelque  plante  plus  forte  pour  se  sortenir.  Ne  se  con- 
tentant pas  de  cet  appui ,  auquel  elle  se  tient  ferme ,  elle  en 
tire  sa  nourriture  ;  et  enfin  ,  pour  reconnaissance  des  services 
qu'elle  reçoit  de  la  plante  qui  la  supporte  et*  l'alimente  ,  elle 
finit  par  suffoquer  sa  bienfaitrice  ^.  J'imagine  que  ce  détail  ne 
vous  inspirera  pas  beaucoup  d'affection  pour  la  cuscute  *.  Si 
vous  voulez  vous  donner  la  peine  de  débarrasser  quelque  mal- 
heureuse fève  de  la  tige  chevelue  de  cette  pJante  ,  vous  verrez 
que  les  fleurs  sortent  en  nœuds  sessiles  ;  que  chacune  d'elles  a 
un  calice  à  demi  partagé  en  quatre  parties  ;  que  la  corolle  est 
formée  par  im  pétale  partagé  en  quatre  segments  sur  le  bord  , 
et  que  le  vaisseau  qui  renferme  les  semences  est  une  capsule  à 
deux  loges.  Cette  plante  parasite,  comme  Linnée  appelle  avec 
raison  toutes  les  plantes  de  ce  genre,  s'attache  aux  fèves,  aux 
orties ,  à  la  luzerne,  au  lin,  etc. ,  et  se  nourrit  par  le  moyen  d'un 
nombre  infini  de  mammelons  ou  de  glandes  qu'elle  insère  dans 
les  pores  de  l'écorce  de  la  plante  qui  la  supporte. 

Les  herbes  des  étangs,  qui  sont  en  grand  nombre  et  assez 
communes ,  serviront  d'exemple  pour  le  troisième  ordre.  Si  vos 
étangs  sont  tenus  trop  propres  pour  vous  fournir  ces  plantes, 
vous  pourrez  vraisemblablement  vous  les  procurer  en  faisant 
visiter  les  étangs  de  vos  voisins.  Si  elles  méritaient  les  frais  du 

I  J'ai  vu  un  pied  de  vigae  presque  entièrement  couvert  par  la  chevelure  de 
cette  plante  parasite.  On  y  voyait  quelques  raisins  ,  mais  secs,  et  qui  n'avaient 
que  la  peau,. tant  cette  plante  gourmande  avait  épuisé  le  cep. 

»  Les  divisions  du  calice ,  de  la  corolle  et  des  étamines ,  sont  quelquefois  au 
nombre  de  cinq.  C'est  pour  cela  que  quelques-uns  la  placent  dans  la  classe 
voisine. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  l65 

transport,  je  vous  en  enverrais  en  abondance,  pouvant  les  re- 
cueillir dans  nos  fossés.  Vous  les  reconnaîtrez  par  leurs  feuilles 
qui  sont  couchées  à  plat  sur  l'eau;  et  par  leur  tige  qui  pousse 
un  épi  composé  de  petites  fleurs ,  qui  n'ont  point  de  calice , 
mais  une  corolle  formée  de  quatre  pétales  tombants,  avec  quatre 
germes  terminés  par  des  stigmates  obtus ,  sans  l'interposition 
d'aucun  style ,  et  qui  deviennent  avec  le  temps  quatre  semences 
arrondies. 

L'épi  d'eau  flottant  est  une  des  plus  communes.  On  la  con- 
naît par  ses  feuilles  oblongues  et  ovales.  L'épi  d'eau  perfeuillé 
a  des  feuilles  en  forme  de  cœur,  embrassant  la  tige,  et  croît 
dans  les  eaux  courantes.  L'épi  d'eau  denté  a  des  feuilles  en 
forme  de  lance,  ondées,  entaillées  sur  les  bords,  et  qui  sont 
alternes  sur  la  tige  :  on  trouve  celle-ci  dans  les  eaux  courantes 
ainsi  que  dans  les  eaux  dormantes. 

Mais  en  voilà  assez  sur  ces  sortes  de  plantes.  Ne  vous  exposez 
point  à  vous  mouiller  et  à  vous  enrhumer  en  allant  les  cher- 
cher. Si  quelques-unes  de  ces  plantes,  que  j'ai  recommandées 
à  votre  examen ,  éludent  votre  recherche ,  ou  bien  ont  passé 
le  temps  de  leur  floraison ,  marquez-les  pour  l'année  prochaine. 
Adieu ,  ma  chère  cousine. 


LETTRE  VI. 


25  mars  1775. 

Mon  indisposition  pendant  le  dernier  automne  vous  a  donné 
tout  le  loisir  convenable,  ma  chère  cousine,  pour  acquérir  la 
parfaite  connaissance  du  système  général  des  plantes  et  des 
quatre  premières  classes  en  particulier.  Puisque  vous  le  désirez 
avec  ardeur ,  je  vais  reprendre  notre  première  correspondance, 
et  je  m'y  prends,  pour  cela  ,  d'aussi  bonne  heure  qu'il  est 
possible,  afin  que  rien  ne  puisse  nous  échapper  dans  cette 
saison.  Wous  avons  maintenant  une  grande  classe  à  parcourir, 
qui  contient  plus  de  la  dixième  partie  du  monde  végétal  ;  car 


264  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

elle  renfernie  deux  cent  soixante-un  genres,  et  mille  cinq  cent 
cinq  espèces.  Elle  doit  contenir,  comme  vous  pouvez  l'ima- 
giner ,  plusieurs  ordres  naturels ,  et  quelques  espèces  qui  , 
dès- à-présent,  sont  en  état  d'être  examinées. 

Avec  votre  permission ,  nous  ouvrirons  l'année  par  la  des- 
cription de  la  prime -vère  ,  qu'on  a  nommée  ainsi  parce  qu'elle 
est  une  des  premières  plantes  qui  fleurit  dans  le  printemps. 
Celle-ci,  avec  quelques  autres  plantes  qui  lui  ressemblent, 
forme  un  ordre  naturel  qu'on  a  désigné  ,  par  cette  i-aison ,  sous 
le  nom  àe  preciœ  (précoces).  Ces  plantes  s'accordent  toutes 
en  ce  qu'elles  ont  un  calice  monophylle ,  quinquifide ,  perma- 
nent ,  et  une  capsule  pour  contenir  les  semences,  qui  est  supé- 
rieure ou  renfermée  dans  le  calice.  Les  caractères  du  genre 
sont, une  enveloppe  sous  la  fleur,  ou  un  nœud  de  fleurs;  la  co- 
rolle est  en  forme  d'entonnoir  ou  de  soucoupe,  avec  le  tube 
cylindrique,  et  ouvert  au  sonnuet.  Le  stigmate  est  globuleux, 
et  la  capsule  n'a  qu'une  loge.  L'espèce  est  distinguée  par  son 
calice  pentagone,  sa  capsule  oblongue  et  cylindrique,  et  la 
surface  ridée  des  feuilles  dont  le  bord  est  dentelé.  Les  trois 
principales  variétés ,  si  ce  ne  sont  que  des  variétés ,  sont  dis- 
tinguées de  cette  manière.  La  prime-vère  a  une  fleur  portée 
par  une  tige  nue ,  et  la  corolle  en  forme  de  soucoupe.  La  prime- 
vère commune  a  plusieurs  fleurs  sur  une  tige  nue ,  et  la  corolle 
en  forme  de  soucoupe.  La  prime-vère  ofiicinale  a  plusieurs 
fleurs  sur  une  tige  nue,  et  la  corolle  en  forme  d'entonnoir.  La 
couleur  jaune  dans  les  deux  premières  est  fort  pâle  ;  la  corolle 
de  la  prime-vère  est  de  beaucoup  plus  grande  que  celle  des  au- 
tres. Celle  de  la  prime-vère  commune  est  moyenne.  La  tige 
à  fleur  de  la  prime-vère  est  simple ,  sans  branche ,  faible  ,  et 
ressemble  plutôt  à  un  pédicule  qu'à  une  tige.  La  tige  de  la 
prime-vère  coipmune  a  quelquefois  près  d'un  pied  de  haut ,  et 
elle  est  forte.  Celle  de  la  prime-vère  officinale  est  généralepient 
plus  petite  et  plus  faible.  J'ai  quelque  peine  à  vous  dire  que 
toutes  les  belles  espèces  de  polyanthus ,  que  vous  estimez  si 
fort,  ne  sont  que  des  variétés  accidentelles  de  cette  espèce, 
qui  certainement  est  très-disposée  à  varier,  même  dans  son  état 
sauvage.  C'est  ainsi  que  la  prime-vère  a  quelquefois  deux  fleurs 
ensemble  ,  ou  bien  prend  une  couleur  verte ,  et  souvent  rouge  , 


SUR    LA    UOTAJNIQUJÏ.  265 

et  une  corolle  double.  La  prime-vère  commune  a  quelquefois 
fort  peu  de  fleurs ,  et  elles  sont  alors  aussi  grandes  que  celles 
de  la  prime-vère.  La  prime-vère  officinale  a  souvent  des  fleurs 
louges ,  et  alors  elle  ressemble  beaucoup  à  un  petit  polyanthus. 

Vous  voj^ez  maintenant  par  combien  de  degrés  vous  parve- 
nez à  la  parfaite  connaissance  de  ces  plantes.  Premièrement 
vous  déterminez  leur  classe  et  leur  ordre,  en  voyant  qu'elles 
ont  cinq  étamines  et  un  pistil.  Ayant  alors  à  choisir  entre  cent 
cinquante-cinq  genres ,  vous  établissez  ensuite  dans  quelle  sub- 
division de  l'ordre  il  faut  les  ranger.  Voyant  que  la  corolle  est 
monopétale,  inférieure,  et  qu'elle  est  remplacée  par  un  vais- 
seau qui  renferme  les  semences  ,  vous  n'avez  plus  à  choisir 
qu'entre  soixante-treize  genres.  Vous  découvx'ez  ensuite  qu'elles 
sont  de  l'ordre  naturel  des  précoces  ,  ce  qui  ne  vous  laisse  plus 
que  dix  genres.  Vous  êtes  maintenant  l'éduitc  dans  un  cercle  si 
étroit,  qu'il  ne  peut  pas  vous  être  fort  difficile  de  fixer  le  genre, 
ainsi  qup  les  espèces  qui  sont  au  nombre  de  dix ,  et  les  varié- 
tés qui  y  sont  subordonnées.  Je  ne  fais  pas  toute  cette  récapi- 
tulation pour  vous  mettre  en  état  de  nommer  luie  plante  que 
vous  connaissiez  très-bien  auparavant ,  mais  pour  vous  mon- 
trer comment  vous  devez  vous  y  prendre  pour  mettre  en  son 
rang  une  plante  que  vous  ne  connaissez  pas,  par  l'exemple 
d'une  plante  qui  vous  est  connue. 

Vous  pouvez  encore  vous  y  prendre  de  cette  manière.  Vous 
avez  une  plante  en  fleur,  que ,  pour  le  moment,  nous  suppose- 
ions  vous  être  inconnue.  Vous  examinez  d'abord  les  étamines 
ot  les  pistils,  et,  par  le  nombre  de  ces  parties,  vous  déterminez 
que  votre  plante  appartient  à  la  cinquième  classe  et  au  premier 
ordre.  Vous  consultez  ensuite  les  subdivisions  de  cet  ordre  ,  et 
vous  voyez  que  la  plante  appartient  à  celle  qui  a  des  corolles 
monopétales  inférieures,  avec  les  semences  renfermées  dans  un 
vaisseau.  Voyant  en  outre  que  votre  plante  a  un  calice  mono- 
phylle  partagé  en  cinq  segments  ,  que  la  corolle  est  divisée  de 
la  même  manière,  ces  circonstances  ajoutées  aux  précédentes 
vous  montrent  qu'elle  se  range  dans  l'ordre  naturel  des  pré- 
coces. Alors  reraarqiiant  une  enveloppe  sous  les  fleurs,  voyant 
que  le  tube  de  la  corolle  est  cylindrique  et  ouvert  au  sommet, 
et  que  la  capsule  n'a  qu'une  loge  ou  une  cellule,  vous  êtes  en- 


'266  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

fin  assurée  que  votre  plante  est  du  genre  des  prime -véres. 
L'examinant  de  plus  près ,  vous  voyez  que  les  feuilles,  au  lieu 
d'être  ridées,  sont  parfaitement  unies,  charnues  et  entières,  ou 
bien  entaillées  sur  les  bords;  vous  êtes  sûre  alors  que  c'est  une 
espèce  distincte.  Enfin  vous  découvrez  que  c'est  la  prime-vère 
oreille  d'ours,  cette  jolie  plante  dont  les  fleuristes  estiment  si 
fort  la  fleur  ,  et  qui  produit  tant  de  variétés  distinguées  par  la 
diversité  de  la  taille  et  les  diverses  couleurs  de  la  corolle ,  lors- 
quelle  est  cultivée. 

Toutes  les  autres  plantes  de  cet  ordre  naturel  sont  agréables, 
si  elles  ne  sont  pas  jolies.  La  meadia,  que  Linnée  a  nommée 
mal  à  propos  dodecatheon ,  est  une  plante  d'Amérique ,  mais 
qui  fleurit  bien  et  de  bonne  heure  dans  nos  climats.  Elle  a  une 
corolle  en  forme  de  roue ,  réfléchie.  Les  étamines  sont  placées 
sur  le  tube ,  et  la  capsule  n'a  qu'une  cellule,  et  est  oblongue. 
Ces  caractères  suffisent  pour  faire  connaître  la  plante ,  puis- 
qu'il n'y  a  qu'une  espèce  connue.  Les  feuilles  cependant  sont 
imies.  Les  tiges  à  fleurs  sont  nues,  hautes  de  huit  ou  neuf  pouces, 
et  supportent  plusieurs  fleurs  dont  chacune  a  un  pédicule  dé- 
lié ,  qui  est  recourbé  de  manière  que  la  fleur  est  pendante.  La 
corolle  est  d'un  beau  pourpre  clair.  Si  vous  n'avez  pas  cette 
plante  dans  votre  jardin  ,  procurez-vous-la  pour  le  printemps 
prochain.  La  structure  et  l'apparence  de  cette  plante  vous 
feront  plaisir. 

Le  cyclamen^  ressemble  à  la  meadia  par  sa  corrolle  en  forme 
de  roue,  et  réfléchie;  mais  le  tube  est  globuleux  et  très-court, 
avec  un  cou  proéminent.  Le  stigmate,  qui  était  obtus  dans  la 
meadia,  est  aigu  dans  le  cyclamen.  Le  vaisseau  qui  renferme 
les  semences  est  arrondi  et  charnu,  contenant  plusieurs  se- 
mences anguleuses.  Linnée  l'appelle  une  baie  couverte  d'une 
cosse  capsulaire.  Il  y  a  plusieurs  espèces  ou  variétés  de  cycla- 
men ;  car  il  est  douteux  si  ce  sont  des  espèces  distinctes.  La 
plus  commune  a  des  feuiUes  angulaires  en  forme  de  lance, 
marquées  de  noir  au  milieu.  Les  fleurs  paraissent  seules  avant 
les  feuilles,  et  sortent  immédiatement  de  la  racine.  Quand  elles 
tombent ,  les  pédicules  se  tordent  comme  une  vis ,  renfermant 

'  Pain  de  pourceau. 


SUIî    LA    liOTAlNlQUE.  267 

le  germe  dans  le  centre  ,  et  se  tiennent  serrés  contre  la  terre 
parmi  les  feuilles  qui  croissent  en  grand  nombre,  et  les  garan- 
tissent du  froid  de  l'hiver.  La  corolle  est  ordinairement  rouge; 
mais  elle  est  quelquefois  blanche ,  ou  de  couleur  pourpre.  Il  y 
en  a  une  espèce  qui  a  les  feuilles  de  couleur  pourpre  en  dessous. 
Une  autre  a  seulement  des  veines  pourpre  ,  et  le  côté  supérieur 
est  veiné  et  marbré  de  blanc  ;  les  fleurs  sont  blanches  et  de 
couleur  pourpre  à  leur  base.  L'espèce  qui  vient  de  Perse  a  des 
feuilles  qui  ressemblent  à  la  dernière  pour  la  couleur,  mais  qui 
sont  tout-à-fait  entières  sur  les  bords;  les  fleurs  sont  grandes, 
tl'une  couleur  de  pourpre  pâle  ,  avec  une  base  d'un  rouge  bril- 
lant, ou  colorée  en  pourpre.  Toutes  ces  différences  et  beaucoup 
d'autres,  soit  qu'elles  forment  des  espèces  ou  seulement  des 
variétés,  produisent  un  grand  nombre  de  plantes  très-agréables. 

Il  y  a  deux  plantes  sauvages  dans  cet  ordre  naturel ,  que  je 
recommande  à  votre  attention  à  cause  de  leur  beauté  particu- 
lière. Elles  croissent  dans  l'eau  ;  et  il  faudra  par  conséquent 
que  vous  employiez  une  main  étrangère  pour  les  recueillir. 

Le  ménianthe,  grand  trèfle  de  marais ,  se  fera  d'abord  con- 
naître à  vous  par  la  corolle,  qui  est  frangée  tout  autour.  Elle 
est  en  forme  d'entonnoir  avec  un  tube  court ,  et  le  bord  par- 
tagé au-delà  du  milieu.  L'intérieur  de  la  corolle  est  blanc  et 
le  dehors  rouge.  Le  stigmate  a  deux  pointes,  et  le  vaisseau  aux 
semences  est  une  capsule  qui  n'a  qu'une  loge.  L'espèce  est  dis- 
tinguée par  ses  feuilles  ternaires.  C'est  de  là ,  et  à  cause  du  lieu 
où  cette  plante  croît ,  qu'on  la  nomme  trèfle  de  marais.  Comme 
chacune  des  feuilles  composantes  est  de  la  grandeur  et  de  la 
forme  d'une  feuille  de  fève  ,  on  l'appelle  aussi /eVe  de  marais. 
Les  fleurs  croissent  au  sommet  de  la  tige  ,  qui  est  une  hampe 
lâche. 

Le  plumeau  aquatique  a  une  corolle  en  forme  de  soucoupe 
qui  n'est  pas  frangée  ;  le  tube  est  plus  long  que  dans  la  dernière: 
elle  est  blanche  ou  d'un  pourpre  pâle,  avec  une  teinte  jau- 
nâtre; les  étamines  sont  placées  sur  le  tube  de  la  corolle  ;  le 
stigmate  a  la  forme  globuleuse ,  et  le  vaisseau  aux  semences  est 
une  capsule  qui  n'a  qu'une  cellule ,  comme  dans  la  dernière. 
Les  feuilles  sont  tout-à-fait  plongées  dans  l'eau,  et  pinnées 
d'une  manière  élégante.  La  tige  à  fleurs  est  nue ,  et  s'élève  de 


268  LETTRES   ELÉMEIVXMRES 

cinq  à  six  pouces  au-dessus  de  l'eau.  Vers  le  sommet  il  y  a  deux 
ou  trois  groupes  de  fleurs,  et  on  en  voit  un  peloton  au  bout; 
le  tout  forme  une  espèce  de  pointe  conique. 

Un  autre  ordre  naturel  de  cette  classe  contient  les  plantes  nom- 
mées asperifoliœ  ou  h  feuilles  rudes.  Celles-ci  ne  sont  pas  aussi 
belles  que  les  précédentes;  mais  vous  êtes  devenue  une  trop  bonne 
naturaliste  pour  vous  laisser  séduire  par  des  couleurs  brillantes 
et  une  belle  apparence.  Quoique  la  rudesse  des  feuilles  et  de  la 
tige  soit  le  caractère  général  de  cet  ordre  ,  cependant  il  est  plus 
nécessaire  de  trouver  le  caractère  suivant  dans  les  parties  de  la 
fructification.  Le  calice  est  formé  par  une  feuille  divisée  en  cinq 
segments ,  et  il  est  permanent.  La  corolle  est  monopétale ,  divisée 
aussi  en  cinq  segments,  tubulée ,  et  s'étcndant  jusqu'au-dessous 
des  germes.  Les  cinq  étamines  sortent  du  tube  de  la  corolle  ,  et 
on  trouve  là  quatre  semences  nues  auxquelles  le  calice  sert 
de  capsule.  Nous  pouvons  remarquer  en  outre  que  les  feuilles 
sont  placées  alternativement,  ousans  ordre,  sur  la  tige,  et  que 
la  pointe  de  fleur  est  réfléchie  avant  qu'elles  viennent  à  s'ou- 
vrir. Avec  un  si  grand  nombre  de  circonstances  pour  vous  di- 
riger ,  vous  ne  pouvez  trouver  beaucoup  de  difficultés  pour 
reconnaître  une  plante  de  cette  famille  à  feuilles  rudes,  d'au- 
tant qu'elles  portent  le  même  habit ,  et  ont  une  ressemblance 
frappante  les  unes  avec  les  autres. 

De  quatre-vingt-trois  espèces  que  cet  ordre  contient,  vous  con- 
naîtrez peut-être  quelques-unes  des  plantes  suivantes,  et  celles-ci 
vous  donneront  une  idée  des  autres.  L'héliotrope  ou  le  tournesol, 
l'oreille  de  souris  ou  l'herbe  de  scorpion,  le  gremil,  l'orcanète, 
la  langue  de  chien ,  la  pulmonaire ,  la  consoude  ,  la  pàquette,  la 
bourrache,  la  buglose  et  la  vipérine.  Si  vous  examinez  la  corolle 
de  ces  plantes,  vous  observerez  que  quelques-unes  d'elles  ont 
cinq  enveloppes  ou  étuis  au  tube  de  la  corolle,  tandis  que  les 
autres  n'en  ont  point.  Cette  circonstance,  ainsi  que  la  forme 
de  la  corolle,  vous  fournira  les  principales  distinctions  géné- 
riques. Ainsi  le  gremil,  la  pulmonaire,  la  pàquette,  et  la  vi- 
périne, ont  le  tube  de  la  corolle  nu;  les  autres  ont  le  tube 
garni  de  cinq  enveloppes.  L'héliotrope ,  l'oreille  de  souris  ou 
l'herbe  de  scorpion  ,  ont  des  fleurs  en  forme  de  soucoupe  ;  le 
gremil,  l'orcanète,  la  langue  de  chien,  la  pulmonaire  et  la  bu- 


SUR  LA   BOTANIQUE.  269 

glose ,  ont  des  fleurs  en  forme  d'entonnoir.  Dans  la  consoude 
«it  la  puquette  la  corolle  est  ventrue  ;  elle  s'enfle  et  s'élargit  vers 
le  sommet.  La  bourache  a  une  corolle  en  forme  de  roue,  et 
dans  la  vipérine  c'est  une  espèce  irrégulière  de  corolle  campa- 
niforme.  L'héliotrope  a  les  enveloppes;  mais  elles  n'entourent 
pas  le  sommet  du  tube,  comme  dans  l'oreille  de  souris  ou 
l'herbe  de  scorpion,  l'orcanète,  la  langue  de  chien,  la  con- 
soude et  la  bourache.  La  langue  de  chien  a  des  semences  ap- 
platies,  fixées  à  leur  style,  seulement  par  leur  côté  intérieur. 
La  pulmonaire  a  un  calice  pentagone  ou  prismatique.  La  pâ- 
quette  a  seulement  deux  semences  dures ,  luisantes  et  à  deux 
loges.  La  buglose  a  le  tube  de  la  corolle  courbé. 

L'héliotrope  commun  a  ses  feuilles  ovales,  entières,  ridées 
et  couvertes  de  poil  ;  les  pointes  inférieures  des  fleurs  sont  sim- 
ples ,  et  les  supérieures  doubles.  La  couleur  de  la  corolle  est 
blanche  avec  une  teinte  verdàtre,  et  quelquefois  d'un  rouge 
pâle.  C'est  une  plante  annuelle. 

L'héliotrope  du  Pérou  a  une  tige  semblable  à  celle  d'un  ar- 
brisseau ;  les  feuilles  sont  d'une  forme  longue  et  ovale,  ridées 
et  rudes,  portées  par  des  pétioles  courts.  Les  fleurs  sont  pla- 
cées à  l'extrémité  des  branches  dans  des  pointes  courtes;  elles 
croissent  en  grappes  ;  les  pédicules  sont  partagés  en  deux  ou 
trois  autres ,  et  ceux-ci  se  divisent  encore  en  de  plus  petits  ;  cha- 
cun de  ces  pédicules  supporte  une  pointe  de  fleurs  d'un  bleu 
pâle,  qui  ont  une  odeur  particulière. 

La  scorpionne  est  une  plante  commune  dans  les  pâturages 
secs  et  dans  les  bruyères  ,  ainsi  qu'aux  bords  des  fossés  et  des 
ruisseaux  ;  dans  les  pâturages  on  la  trouve  avec  des  feuilles 
velues  ,  et ,  près  des  fossés ,  elle  les  a  tout  unies  ,  avec  des  fleurs 
beaucoup  plus  grandes  et  extrêmement  belles  pour  celui  qui 
les  observe  de  près.  Elles  ont  une  couleur  bleue  très-agréable  , 
avec  une  teinte  javme.  Linnée  distingue  cette  espèce  par  les 
semences  qui  sont  unies ,  et  par  le  bout  des  feuilles  qui  est 
calleux. 

Il  y  a  deux  espèces  de  grémil  sauvage.  Le  véritable  grémil , 
dont  le  nom  est  formé  par  corruption  de  gray  millet,  n'est 
pas  fort  commun.  Il  se  plaît  dans  les  terrains  secs  ,  et  particu- 
lièrement dans  les  sols  qui  abondent  en  craie.  On  le  trouve  prin- 


Qi'JO  LETTRES  ELEMENTAIRES 

cipaleraent  dans  les  pays  de  forêts ,  ou  parmi  les  buissons.  Vous 
le  connaîtrez  par  ses  semences  blanchâtres,  luisantes,  ovales 
et  dures.  C'est  cette  dernière  qualité  qui  a  donné  lieu  au  nom 
latin  de  cette  plante,  lithosperrnum ,  lequel  est  dérivé  du  grec. 
Si  la  plante  n'est  pas  encore  assez  avancée  pour  montrer  les 
semences ,  observez  qu'elle  est  plus  grande  et  plus  branchue 
que  la  suivante  ;  les  feuilles  sont  en  forme  de  lance.  Les  fleurs 
sont  petites,  et  sortent  une  à  une  des  ailes  des  feuilles  portées 
par  des  pédicules  courts  ;  la  corolle  est  blanche  ou  d'une  teinte 
jaune ,  avec  un  tube  verdâtre. 

Le  grémil  des  blés  est  une  herbe  très-commune  dans  les 
champs  destinés  à  produire  les  grains  ;  elle  diffère  de  la  pré- 
cédente par  ses  semences  ridées  et  coniques  ;  les  feuilles  aussi 
sont  ovales  et  ont  une  pointe  aiguë  :  les  fleurs  se  trouvent  prin- 
cipalement au  sommet  de  la  tige,  parmi  les  feuilles.  La  corolle 
est  blanche,  avec  un  tube  qui  s'enfle  au  sommet.  Ces  deux  es- 
pèces ont  des  corolles  qui  s'étendent  à  peine  au-delà  des  seg- 
ments du  calice.  Elles  ont  l'une  et  l'autre  leur  racine  teinte  de 
rouge  j  ce  qui  a  fait  donner  à  la  dernière  le  nom  d'orcanète  bâ- 
tarde. 

La  langue  de  chien  est  une  grande  plante  qui  croît  en  abon- 
dance le  long  des  haies ,  et  aux  bords  des  chemins.  Elle  a  une 
odeur  forte,  comme  celle  des  souris  dans  une  souricière.  La 
corolle  est  d'un  rouge  sale,  ou  de  la  couleur  du  sang  qu'on  a 
tiré  des  veines  depuis  quelque  temps.  On  la  distingue  des  au- 
tres espèces  par  les  étamines  qui  sont  plus  courtes  que  la  co- 
rolle, et  les  feuilles  qui  sont  larges ,  en  forme  de  lance ,  velues , 
et  qui  sont  attachées  à  la  tige  sans  pétioles. 

La  consoude  se  trouve  ordinairement  au  bord  de  l'eau;  les 
feuilles  sont  grandes ,  velues ,  et  finissent  en  pointe  :  depuis  leur 
base ,  de  chaque  côté ,  elles  ont  une  bordure  qui  descend  le 
long  de  la  tige.  De  la  partie  supérieure  de  la  tige  on  voit  sortir 
quelques  branches  latérales  avec  deux  feuilles  plus  petites ,  les- 
quelles se  terminent  par  une  grappe  de  fleurs  qui  se  balancent 
sur  la  tige.  La  corolle  est  d'un  blanc  jaunâtre  ,  et  en  quelques 
endroits  pourpre. 

Il  n'y  a  que  deux  espèces  de;  mélinet,  qu'on  distingue  en  ce 
que  l'espèce  la  plus  grande  a  des  corolles  ouvertes  et  obtuses. 


SUR   L.\   BOTANIQUE.  2'y  l 

La  moindre  a  des  corolles  aiguës  et  ouvertes.  Les  feuilles  de 
la  première  espèce  sont  d'un  vert  de  mer ,  marquées  de  taches 
blanches.  Les  variétés  sont  formées  par  des  feuilles  unies  ou 
hérissées  de  piquants,  et  par  des  corolles  jaunes,  de  couleur 
pourpre,  ou  rouges.  On  la  trouve  dans  l'état  de  plante  sauvage 
en  Italie,  dans  le  midi  de  la  France ,  en  Allemagne  et  en  Suisse. 
La  seconde  espèce  a  les  tiges  plus  déliées ,  le  calice  large ,  la 
corolle  petite  et  jaune.  On  trouve  celle-ci  dans  les  Alpes.  L'une 
et  l'autre  se  cultivent  dans  les  jardins. 

La  bourrache  est  une  plante  annuelle  qui  vient  d'elle-même 
dans  votre  jardin  potager  sans  le  soin  de  votre  jardinier.  Toute 
la  plante  est  rude.  Les  feuilles  sont  grandes,  larges,  en  forme 
de  lance.  Les  fleurs  croissent  en  grappes  nues ,  sans  être  ser- 
rées, au  bout  des  tiges,  et  sont  portées  par  de  longs  pédicules. 
Le  calice  ,  ainsi  que  la  corolle,  s'évase  et  s'applatit  tout-à-fait. 
La  couleur  delà  corolle  est  d'un  beau  bleu,  qui  quelquefois  se 
change  en  blanc  ,  ou  devient  rouge. 

La  petite  buglose  sauvage  '  est  commune  parmi  les  blés  ,  et 
sur  les  bords  des  chemins.  C'est  une  plante  fort  rude  ,  avec  des 
corolles  bleues,  marquées  de  veines  blanches. 

La  vipérine  est  une  plante  beaucoup  plus  grande  que  celle-ci, 
avec  une  grande  pointe  de  fleurs  bleues  fort  jolies.  La  tige  est 
fort  droite  et  tachetée  ;  les  feuilles  sont  en  forme  de  lance  ;  les 
inférieures  sont  pétiolées ,  et  les  supérieures  sessiles.  Elle  est 
commune  parmi  les  blés  dans  certains  pays  ;  on  la  trouve  aussi 
dans  quelques  pâturages,  aux  bords  des  chemins,  et  sur  les 
murailles. 

Vous  trouverez  quelques  plantes  dans  cette  cinquième  classe 
et  du  premier  ordre,  qui  ont  une  corolle  en  forme  de  cloche  , 
formée  par  un  seul  pétale.  Si  elles  ont  un  calice  permanent  divisé 
en  cinq  parties ,  et  une  capsule  pour  vaisseau  à  semence  ,  elles 
appartiennent  à  l'ordre  naturel  des  campanacées.  Trois  genres 
fort  étendus ,  outre  quelques  autres  ^ ,  appartiennent  à  cet 
ordre. 

I  Grippe  des  champs. 

'  Le  convolvulus ,  Vipomcea  et  la  campanula.  La  première  a  soixante-qiiatr'e, 
1,1  seconde  vingt-deux,  et  la  troisième  soixaate-six  espèces. 


a'y2  LETTllES  liLEMF.NTAIRES 

Le  genre  des  convolvulus  ' ,  Userons  ,  est  distingué  de  tons 
les  autres  par  sa  corolle,  qui  est  grande ,  plissée  ,  et  va  en  s'é- 
panouissant;  elle  a  le  bord  marqué  de  dix  échancrures,  ou  bien 
elle  est  un  peu  quiiiqitifîdc  ^.  On  observe  deux  stigmates  et  une 
capsule  enveloppée  dans  le  calice  ,  qui  en  général  a  deux  loges, 
et  renferme  deux  semences  arrondies. 

De  ce  genre  j'en  choisirai  deux  espèces  sauvages  et  deux 
cultivées  ,  pour  les  soumettre  à  votre  examen. 

Le  petit  liseron  des  champs ,  qui  est  une  herbe  si  commune 
parmi  les  blés ,  a  des  feuilles  sagittées ,  ou  en  forme  de  flèche , 
aiguës  des  deux  côtés,  et  une  fleur  portée  sur  un  pédicule  long 
et  arrondi  ;  les  tiges  sont  frêles  et  rampantes  ,  à  moins  qu'elles 
ne  rencontrent  quelqu'autre  plante  pour  les  supporter.  La  co- 
rolle est  blanche  ,  ou  rouge  ,  ou  bien  marquetée  de  diverses 
couleurs  ^  ;  si  cette  plante  nous  venait  de  l'Inde ,  on  la  culti- 
verait pour  la  beauté  de  sa  fleur.  Je  ne  vous  exhorte  pourtant 
pas  à  vous  attacher  à  cette  plante  ;  car  elle  devient  insuppor- 
table par  la  multiplication  et  l'étendue  de  ses  racines. 

Le  grand  liseron  a  des  feuilles  sagittées  aussi-bien  que  le 
petit  ;  mais  elles  sont  tronquées  ou  coupées  par  derrière.-  Les 
fleurs  viennent  simples  aussi;  mais  elles  sont  portées  sur  des 
pédicules  carrés.  C'est  une  plante  beaucoup  plus  grande  et 
plus  forte  que  l'autre,  qui  croît  dans  les  haies,  ou  parmi  les 
buissons  et  les  arbrisseaux ,  à  la  hauteur  de  dix  ou  douze  pieds. 
La  corolleest  fort  grande,  et  toujours  d'un  blanc  pur.  Immédia- 
tement au-dessous  du  calice  il  y  a  une  grande  enveloppe  en  forme 
de  cœur,  composée  de  deux  feuilles.  L'espèce  précédente  a  ces 
deux  feuilles;  mais  elles  sont  fort  étroites  ,  et  au  milieu  du  pé- 
dicule. 

Le  liseron  de  couleur  pourpre  est  une  espèce  annuelle  qu'on 
cultive  dans  les  jardins  à  fleurs  sous  le  nom  de  corn'oh'ulus 
major.  Il  a  des  feuilles  en  forme  de  cœur ,  qui  ne  sont  point 
partagées  ;  les  vaisseaux  à  semence  pendent  en  bas  ,  après  que 

I  Cette  dénomination  lui  vient  de  la  faculté  qu'a  cette  plante  de  s'entortiller 
autour  de  tout  ce  dont  elle  s'approche,  propriété  qui  n'est  pourtant  pas  com- 
mune à  toute  l'espèce. 

'  A  cinq  pointes. 

3  Elle  est  surtout  remarquable  par  une  odeur  d'amande  assez  suave. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  'l^'^ 

la  fleur  est  passée  ,  et  les  pédicules  sont  enflés.  Quand  cette 
plante  est  soutenue ,  elle  monte  à  la  hauteur  de  dix  ou  douze 
pieds.  Quoique  la  couleur  la  plus  ordinaire  de  la  corolle  soit 
le  pourpre,  cependant  il  y  a  des  variétés  de  blanc ,  de  rouge  , 
et  d'un  bleu  tii'ant  sur  le  blanc. 

Le  liseron  panaché  ' ,  ou,  comme  on  l'appelle  vulgairement, 
com'oh'ulus  minor^  a  des  feuilles  unies,  en  forme  de  lance,  une 
tige  faible  et  tombante  ,  qui  ne  monte  jamais ,  et  une  fleur  sim- 
ple. La  corolle  est  d'un  beau  bleu ,  avec  une  teinte  de  blanc  ; 
quelquefois  elle  est  toute  blanche  ou  bariolée.  Celle-ci  est  aussi 
annuelle;  le  Portugal  est  son  pays  natal.  La  précédente  est 
sauvage  en  Asie  et  en  Amérique. 

Ce  genre  contient  plusieurs  plantes  remarquables,  comme  la 
scamonée,  le  turbith  et  le  jalap. 

\]ipomœa  a  plutôt  une  corolle  en  forme  d'entonnoir  qu'en, 
forme  de  cloche,  un  stigmate  globuleux,  et  une  capsule  à  trois 
loges.  Mais  les  plantes  que  ce  genre  renferme  étant  originaires 
des  Indes  occidentales  ,  et  demandant  en  conséquencebeaucoup 
de  chaleur  pour  être  conservées  et  se  développer,  elles  ne 
pourront  pas  vraisemblablement  être  connues  de  vous;  c'est 
pourquoi  je  ne  m'étendrai  pas  sur  ce  sujet. 

Dans  la  campanule  vous  vous  attendez  sans  doute  à  trouver 
une  corolle  en  forme  de  cloche;  mais  il  faut  que  vous  remarquiez 
que  le  fond  de  la  corolle  est  fermé  par  cinq  valvules  qui  cachent 
le  réceptacle,  et  que  les  étamines  naissent  de  ces  valvules.  Le 
stigmate  est  à  trois  pointes  ;  le  vaisseaxi  aux  semences  est  une 
capsule  au-dessous  de  la  fleur ,  ayant  trois  ou  cinq  cellules ,  et 
au  sommet  de  chacune  un  trou  par  lequel  les  semences  se  ré- 
pandent eu-dehors  quand  elles  sont  mûres.  Vous  voyez  main- 
tenant combien  de  différences  offre  la  structure  des  parties  de 
la  fructification.  En  les  examinant  ainsi  avec  attention ,  et  les 
comparant  les  unes  aux  autres  dans  les  diverses  plantes,  vous 
deviendrez  avec  le  temps  une  habile  botaniste,  et  vous  ac- 
querrez la  facilité  de  déterminer  le  genre ,  l'espèce ,  l'analogie 
et  la  connection  des  végétaux.  i 

Il  y  a  une  petite  campanule  qui  croît  souvent  dans  les  pâtu- 

'  La  belle-dc-joiir.  l^ 

R.   VH.  18 


2'74  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

rages  secs,  et  presque  dans  toutes  les  bruyères  et  les  communes, 
qui  a  la  coi'oUe  bleue,  dont  la  forme  répond  fort  bien  à  son 
nom.  Les  botanistes  se  sont  réunis  pour  l'appeler  campanule  à 
feuilles  l'ondes.  Peut-être  vous  demanderez  pour  quelle  raison, 
puisque  vous  ne  découvrirez  sur-  la  tige  que  des  feuilles  li- 
néaires ,  ou  fort  longues  et  étroites  en  forme  de  lance.  Cepen- 
dant si  vous  prenez  une  jeune  plante  ,  ou  du  moins  une  plante 
qui  soit  dans  toute  sa  vigueur  ,  en  examinant  la  partie  de  la 
plante  qui  est  voisine  de  la  terre  ,  vous  verrez  ces  feuilles  qui 
sont  plutôt  en  forme  de  cœur  que  rondes.  Cette  espèce  fleurit 
à  la  fin  de  l'été,  et  pendant  tout  l'automne,  jusqu'à  ce  que  la 
gelée  fasse  tomber  la  fleur;  cette  plante  a  souvent  la  corolle 
blanche.  La  raiponce ,  qu'on  cultivait  autrefois  pour  manger 
ses  racines  en  salade,  est  maintenant  si  fort  négligée,  que 
peut-être  votre  jardin  potager  ne  pourra  pas  vous  l'offrir.  Elle 
est  assez  rare  dans  l'état  de  plante  sauvage.  Elle  a  des  tiges 
droites  de  deux  pieds  de  haut;  ses  feuilles  sont  ondoyantes; 
celles  qui  sont  près  de  la  racine  sont  courtes  ,  en  forme  de 
lance ,  et  approchant  d'une  figure  ovale.  Vers  la  partie  supé- 
rieure de  la  tige ,  et  tout  contre ,  on  voit  de  petites  fleurs  en 
cloche ,  avec  une  corolle  bleue  ou  blanche. 

La  campanule  à  fleur  de  pêcher  vient  abondamment  dans  les 
bordures  de  vos  parterres.  On  en  voit  de  bleues  et  de  blan- 
ches ;  mais  voti'e  jardinier  s'en  étant  procuré  de  doubles  ,  il 
aura  vraisemblablement  mépiisé  les  simples,  et  les  ayant  dé- 
truites ,  il  vous  aura  privée  de  l'avantage  que  vous  auriez  eu  de 
pouvoir  déterminer  le  genre.  Cependant  vous  conuaîtrez  que 
c'est  une  campanule ,  par  son  apparence  ;  et  vous  déterminerez 
l'espèce  par  les  feuilles ,  qui  sont  ovales  près  de  la  racine  ,  et 
sur  la  tige  sont  fort  étroites ,  en  forme  de  lance ,  approchant 
de  la  forme  linéaire  ,  légèrement  dentelées  sur  le  bord,  collées 
contre  la  tige,  et  distantes  l'une  de  l'autre. 

Je  me  ressouviens  que  la  cheminée  de  votre  salle  avait  cou- 
tume d'être  ornée,  pendant  l'été,  avec  plusieurs  bouquets  de 
campanules  pyramidales  en  forme  de  clocher,  qui  formaient 
comme  im  grand  éventail,  par  le  moyen  de  plusieurs  petits  bâ- 
tons. Cette  espèce  a  des  feuilles  unies  ,  en  forme  de  cœur ,  den- 
telées sur  les  bords;  celles  qui  sont  sur  la  tige  sont  en  forme  de 


SUR   LA  BOTANIQUE.  2'- 3 

lance;  les  tiges  sont  simples  et  comme  des  joncs.  Les  fleurs 
forment  des  ombelles  sessiles  de  chaque  côté  de  la  tige.  Tels 
sont  les  caractères  spécifiques  de  Linnée. 

Il  y  a  la  grande  gantelée  sauvage,  qui  vient  dans  les  buissons 
et  dans  les  haies ,  et  qui  n'est  pas  commune.  On  la  connaît  par 
ses  tiges  qui  sont  fortes ,  rondes  et  simples  ;  elle  a  de  longues 
feuilles  ovales ,  approchant  de  la  forme  d'une  lance ,  légère- 
ment entaillées  ou  dentelées  comme  une  scie  sur  les  bords.  Vers 
la  partie  supérieure  de  la  tige  les  fleurs  viennent  simples  ,  et 
portées  sur  de  courts  pédicules.  Remarquez ,  je  vous  prie, 
qu'après  que  ces  flevu's  se  sont  fléti^ies  ,  les  vaisseaux  à  semence 
se  courbent  en  en-bas,  jusqu'à  ce  que  les  semences  soient  mûres, 
et  alors  elles  se  relèvent." 

La  grande  campanule,  qu'on  appelle  vulgairement  cloches 
de  Canterbury ,  est  beaucoup  plus  commune  dans  les  mêmes 
endroits.  Celle-ci  a  des  tiges  roides  ,  garnies  de  poils  et  angu- 
laires. Elle  pousse  par  les  côtés  quelques  branches  courtes  ;  les 
feuilles  sont  comme  celles  des  orties ,  velues  et  profondément 
dentelées  sur  les  bords.  Vers  la  partie  supérieure  de  la  tige  ,  les 
fleurs  sortent  portées  sur  de  courts  pédicules  à  trois  pointes,  et 
ont  des  calices  velus. 

La  petite  cloche  de  Canterbury  est  commiine  dans  les  pâtu- 
rages ,  et  particulièrement  dans  les  terrains  où  il  y  a  de  la  craie. 
Dans  les  endroits  secs,  elle  est  fort  petite;  mais  dans  les  ter- 
rains humides ,  elle  croît  à  la  hautevu-  de  deux  pieds.  La  tige  est 
velue,  anguleuse  et  sans  branches.  Les  feuilles  inférieures  sont 
larges,  et  sont  portées  par  un  pédicule;  celles  qui  sont  sur  la 
tige  sont  longues,  étroites,  collées  à  la  tige,  et  même  l'em- 
brassant. Vers  le  sommet  de  la  tige,  on  voit  sortir  des  ailes  des 
feuilles  deux  où  trois  fleius  ensemble,  et  elle  est  terminée  par 
un  peloton  de  fleurs  beaucoup  plus  grand  ;  les  fleurs  sont  ses- 
siles. 

Le  miroir  de  Vénus  est  ime  campanule  qui  a  lUie  tige  faible, 
basse  et  fort  branchue  ;  les  feuilles  sont  oblongiies  et  un  peu 
entaillées;  les  fleurs  sont  solitaires  ,  et  les  vaisseaux  à  semence 
d'une  forme  prismatique.  'Lii  campanule  des  biés  reisseinble  fort 
à  celle-ci;  mais  la  tige  est  rO^sIe,  et  un  peu  branchue  :  les  feuilles 
sont  plus  pi'ofondément"  entaillées,   et  ondoyantes.  Les  fleurs 

18. 


276  LETTRES   ÉLÉMF.NTAIRFS 

sortent  en  paquets,  et  le  calice  est  plus  lonj^  que  la  corolle. 
C'est  une  herbe  commune  parmi  les  blés.  Ces  deux  espèces  ont 
une  corolle  qui  à  peine  a  la  forme  d'une  cloche ,  ainsi  qu'une 
autre  plante  de  cet  ordre  des  campanacées ,  qu'on  nomme  va- 
lénane  grecque,  ou  échelle  de  Jacob,  qui  a  la  corolle  plutôt 
en  forme  de  roue,  avec  le  tube  plus  court  que  le  calice,  mais 
qui  est  fermé  par  cinq  valvules  dans  lesquelles  les  étamines 
sont  insérées,  comme  dans  la  campanule.  Le  stigmate  est  aussi 
à  ti'ois  pointes,  et  le  vaisseau  à  semence  est  une  capsule  à 
trois  loges,  mais  renfermée  dans  la  fleur.  Les  circonstances 
qui  distinguent  cette  espèce  des  deux  autres ,  sont  que  les 
feuilles  sont  pinnées  ,  les  fleurs  droites  ,  et  le  calice  aussi 
long  que  le  tube  de  la  corolle,  en  quoi  vous  vovez  qu'elle  s'é- 
carte un  peu  du  cariactère  du  genre.  Elle  est  bleue  et  coupée 
en  cinq  segments  arrondis.  Je  ne  crois  pas  fort  nécessaire  de 
vous  avertir  de  ne  pas  vous  laisser  tromper  par  les  noms,  qui 
ordinairement  ,  étant  donnés  par  des  personnes  ignorantes, 
n'ont  pas  un  rapport  bien  juste.  C'est  ainsi  qu'en  cette  occa- 
sion vous  pouvez  imaginer  que  le  polemoniuin  a  une  ressem- 
blance avec  une  échefle  aussi-bien  qu'avec  la  valériane  :  c'est 
vraisemblablement  la  même  circonstance  des  feuilles  pinnées 
qui  a  occasionné  ces  deux  noms. 

J'ai  peine  a  me  déterminer  à  vous  présenter  une  classe  de 
plantes,  que,  d'après  leur  apparence  sombre,  triste  et  hor- 
rible, on  nomme  luridœ.  La  plupart  de  ces  plantes  ont  aussi 
une  odeur  désagréable;  ce  qui,  joint  à  leur  aspect  repoussant, 
empêchera  notre  jeune  cousine  de  les  examiner,  n'ayant  pas- 
encore  assez  d'enthousiasme  pour  la  botanique  pour  vaincre  la 
répugnance  des  sens  dans  l'examen  des  objets  aussi  désa- 
gréables. Véritablement  je  ne  voudrais  pas  qu'elle  s'occupât 
trop  à  recueillir  ces  racines,  qui  exhalent  une  odeur  dont  moi- 
même  je  ne  puis  m'empècher  d'avoir  la  tète  affectée.  Considé- 
rez, je  vous  prie,  que  la  nature,  veillant  toujours  à  notre 
conservation,  nous  avertit  du  danger  qui  nous  menace  par 
l'entremise  des  sens.  Quelques-unes  de  ces  plantes ,  nommées 
luridœ ,  sont  des  poisons  très-dangereux  ;  d'autres  le  sont  à  un 
moindre  degré,  et  le  sol  ainsi  que  le  climat  peuvent  diminuer 
leur  qualité  vénéneuse ,  et  même  la  changer  de  façon  à  les 


SUR   LA   BOTANIQUE.  ^77 

rentlrosalntaiies  pour  le  corps.  J'en  choisiraiquelques-unesdont 
l'odeur  et  Taspeci:  sont  le  moins  désagréables  ,  et ,  dans  le  cas 
opposé  ,  je  vous  en  préviendrai.  Outre  que  ces  plantes  ont  cinq 
étaminés  et  un  pistil,  elles  se  ressemblant  en  ce  qu'elles  ont  un 
calice  permanent,  divisé  plus  ou  moins  profondément  en  cinq 
segments.  Elles  ont  aussi  une  corolle  monopétale  divisée  en 
cinq  segments,  tubulée  et  irrégulière.  Le  vaisseau  à  semence 
a  deux  loges,  et  une  capsule  ou  une  baie  renfermée  dans  la 
fleur. 

11  y  a  plusieurs  espèces  sauvages  de  bouillon  blanc,  l'une  fort 
commune,  et  l'autre  qui  n'est  pas  rare.  Leurs  caractères  géné- 
raux sont  que  la  corolle  est  en  forme  de  roue  ,  et  légèrement  ir- 
régulière. Les  étaminés  sont  inégales  en  longueur  ,  recourbées 
en  en-bas  j  et  en  général,  revêtues  au  fond  d'une.frange  colorée;  le 
stigmate  est  obtus,  et  la  capsule  bivalve,  et  s'ouvrant  au  sommet. 

L'espèce  commune  est  le  grand  bouillon  blanc ,  qui  croît 
principalement  le  long  des  haies  et  aux  bords  des  chemins. 
C'est  une  plante  qui  dure  deux  ans.  La  première  année  elle 
forme  sa  racine,  et  une  rangée  de  grandes  et  larges  feuilles, 
garnies  de  laine  des  deux  côtés ,  et  qui  se  l'épandent  sur  la 
terre  ,  ayant  à  peine  des  pétioles.  La  seconde  année  elle  pousse 
une  tige  seule  ,  qui  a  quelquefois  cinq  pieds  de  haut,  avec  des 
feuilles  décurrentes,  garnies  de  laine  comme  celles  qui  sont 
à  la  racine.  Au  sommet  il  y  a  une  pointe  de  fleurs  jaunes  ,  qui 
ont  une  odeur  qu'on  ne  peut  pas  dire  désagréable. 

L'autre  espèce ,  qui  est  le  bouillon  noir,  croît  dans  les  mêmes 
lieux  que  l'espèce  précédente,  mais  non  pas  avec  autant  d'a- 
bondance. Elle  n'a  pas  une  tige  si  élevée.  La  forme  des  feuilles 
basses  est  celle  d'un  cœur  allongé ,  et  elles  ont  des  pétioles  ;  les 
feuilles  qui  sont  sur  la  tige  sont  ovales,  pointues  et  sessiles. 
Elles  ont  toutes  une  couleur  vert  pâle  à  la  surface  supérieux'e, 
et  sont  blanchâtres  à  la  surface  inférieure.  Elles  sont  dentelées 
sur  les  bords;  la  tige  est  terminée  par  une  Ipngue  pointe  de 
fleurs  jaunes,  formée  par  de  petites  grappes  de  fleurs  sur  les 
côtés  de  la  tige  principale.  La  corolle  est  jaune  ,  avec  des  iilets 
frangés  ou  boidés  de  pourpre.  Je  présume  qu'on  a  donné  à 
cette  plante  le  nom  de  bouillon  noir,  uniquement  parce  qu'elle 
n'est  pas  blanche  comme  l'autre. 


278  LETTRES  ÉLÉMEJVTAIRES 

La  datura  ,  le  stramonium,  ou  la  pomme  épineuse,  a  le  ca- 
lice tubuleux,  enflé  vers  le  milieu  ,  à  cinq  angles,  et  tombant. 
La  corolle  est  en  forme  d'entonnoir,  s'épanouissant  fort  au 
large  en  sortant  d'un  long  tube  cylindrique ,  et  formant  une 
bordure  pentagone  avec  cinq  plis  ;  la  capsule  a  quatre  valvules, 
ou  s'ouvre  en  quatre  parties.  Les  fleurs  sont  grandes  et  assez 
belles  ;  les  capsules  sont  remarquables  pour  leur  grandeur. 

La  pomme  épineuse  commune  a  des  feuilles  unies  ,  irrégu- 
lièrement anguleuses,  et  d'une  odeur  désagréable.  Les  fleurs 
sortent  des  premières  divisions ,  et  près  des  extrémités  des 
branches;  la  corolle  est  blanche,  et  chacun  de  ses  angles  se 
termine  en  une  longue  pointe  ;  la  capsule  est  ovale  ,  couverte 
de  fortes  épines ,  et  croît  toute  droite. 

Une  autre  espèce,  qu'on  cultive  quelquefois  dans  les  par- 
terres, a  des  fleurs  pourpre;  elle  a  aussi  des  tiges  pourpre,  qui 
sont  beaucoup  plus  fortes  et  plus  grandes  que  celles  de  la  der- 
nière espèce.  Les  feuilles  sont  aussi  beaucoup  plus  grandes, 
plus  anguleuses  et  plus  dentelées  ;  la  capsule  est  plus  grande  , 
mais  ressemble  beaucoup  à  celle  de  l'espèce  ordinaire.  Une 
plante  de  cette  espèce,  ayant  la  capsule  armée  d'épines  très- 
fortes  ,  a  reçu  l'épithète  de  sauvage  ou  féroce. 

Le  henbane  ou  la  jusquiame  est  une  plante  fort  commune  , 
et  a  souvent  été  funeste  à  ceux  dont  l'appétit  n'écoute  pas  le 
témoignage  des  sens.  Vous  conviendrez  avec  moi  que  l'odeur 
seule  est  suffisante  pour  empêcher  une  personne  d'en  manger. 
Je  ne  peux  pas  cependant  me  dispenser  de  vous  en  faire  exa- 
miner la  fleur ,  qui  est  réellement  très-belle  quand  elle  est  vue 
de  près.  La  corolle  est  en  forme  d'entonnoir  et  obtuse,  d'une 
couleur  jaune  pâle  ,  marquée  de  belles  veines  de  couleur  pour 
pré.!  Lés  étamines  sont  de  différentes  longueurs,  et  courbées. 
La  capsule  est  enveloppée  dans  le  calice  ;  elle  est  dune  forme 
ovale,  et  couverte  d'un  couvercle  hémisphérique,  qui,  en  tom- 
bant ,  annonce  que  les  semences  sont  mûres. 

L'espèce  commune  sauvage  est  distinguée  des  autres  par  ses 
feuilles  sinueuses  qui  embrassent  la  tige,  et  par  les  fleurs  qui  y 
sont  collées.  Toute  la  plante  est  couverte  de  longs  poils ,  des- 
quels il  exsude  un  jus  gluant  et  fétide.  Les  feuilles  sont  fort 
larges,  et  remarquables  pour  leur  douceur.  Les  fleurs  croissent 


SUR  LA   BOTAJN  IQLE.  279 

dans  une  pointe  fort  longue,  et  plus  d'un  côté  que  de  l'autre. 
Elle  croît  aux  bords  des  chemins  ,  près  des  fumiers  et  des  vil- 
lages, et  c'est  une  plante  qui  dure  deux  années.  Il  y  a  d'autres 
espèces,  mais  qui  ne  sont  ni  sauvages,  ni  fort  cultivées. 

Vous  qui  avez  tant  d'aversion  pour  le  tabac,  de  quelque 
manière  qu'il  soit  mis  en  usage ,  ne  serez  pas  fâchée  de  le 
trouver  dans  cet  ordre  des  luridœ.  Quoique  presqiie  tout  le 
monde  en  prenne,  l'huile  qu'on  en  retire  ne  laisse  pas. d'être 
un  des  plus  forts  poisons  végétaux.  Cependant  c'est  une  plante 
qui  peut  servir  d'ornement  à  votre  jardin ,  et  dont  l'examen 
n'est  ni  dangereux ,  ni  désagréable.  Les  caractères  génériques 
essentiels  du  tabac  sont  que  la  corolle  est  en  forme  d'entonnoir, 
et  la  bordure  plissée.  Les  étamines  sont  un  peu  inclinées  ;  le 
stigmate  est  entaillé  ;  la  capsule  ovale,  marquée  d'un  sillon  de 
chaque  côté  ,  à  deux  valvules  ,  et  s'ouvrant  depuis  le  sommet. 

Le  tabac  commun  ou  à  large  feuille  est  distingué  par  ses 
feuilles  larges  en  forme  de  lance  ,  qui  ont  environ  dix  pouces 
de  longueur  ,  et  sont  larges  de  trois  pouces  et  demi;  elles  sont 
unies,  se  terminent  en  pointes  aiguës,  et  sont  collées  à  la  tige. 
Les  corolles  sont  d'un  povupre  très^vif ,  et  se  terminent  en  cinq 
pointes  aiguës.  Il  y  en  a  une  espèce,  ou  peut-être  une  variété 
qu'on  nomme  tabac  cV  Oroonofio,  qui  est  une  plante*plus  grande; 
les  feuilles  ont  plus  d'un  pied  et  demi  de  long,  et  sont  larges 
d'un  pied.  Elles  sont  fort  rudes  et  glutineuses;  leur  base  em- 
brasse la  tige  ;  les  corolles  sont  d'un  pourpre  pâle. 

Une  autre  espèce  qu'on  nomme  tabac  anglais  '  pourrait  ai- 
sément être  prise  pour  une  jusquiame  ,  si  Tonne  faisait  atten- 
tion à  la  forme  régulière  de  la  corolle  et  au  défaut  de  cou- 
vercle dans  la  capsule.  C'est  une  plante  qui  ne  s'élève  pas  aussi 
haut  que  les  autres  ;  les  feuilles  sont  ovales,  cntièi'es,  et  portées 
sur  de  courts  pétioles.  Les  fleurs  sortent  en  grappes  lâches ,  au 
sommet  des  tiges;  la  corolle  a  un  tube  court,  qui  s'épanouit  en 
cinq  segments  obtus ,  d'un  jaune  verdâtre.  Quoiqu'on  donne 
à  ce  tabac  l'épithète  d'anglais ,  vous  ne  devez  pas  imaginer  que 
ce  soit  une  plante  d'Europe,  car  elle  est  originaire  d'Améri- 
que ,  aussi -bien  que  les  autres  espèces,  qui  sont  au  moins  au 
nombre  de  sept. 

'  Nicotiane  rustique  (  herbe  à  la  reine). 


aSo  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

Comment  la  même  plante  a-t-elle  pu  recevoir  le  nom  agréable 
de  bella  doua  et  le  terrible  nom  d'Atropos?  C'est  ce  qui  paraît 
surprenant,  jusqu'à  ce  qu'on  sache  que  les  dames  d'Italie  s'en 

servaient  pour  composer  une  eau  propre  à  faire  passer  les  bou- 
tons et  les  autres  élevures  de  la  peau,  et  que  c'est  en  même 
temps  un  ]X)ison  terrible.  Linnée  a  joint  ces  deux  noms ,  en 
nommant  atropos  le  genre,  et  bella  dona  l'espèce.  Les  prin- 
cipaux caractères  qu'il  donne  du  genre,  sont  les  suivants  :  La  co- 
rolle est  en  forme  de  cloche  ;  les  filets  sortent  de  la  base  et  sont 

fort  près-à-près  dans  le  fond  ;  mais ,  au  sommet ,  ils  deviennent 
divergents,  et  sont  courbés  en  arc.  Le  vaisseau  à  semence  est 

une  baie  globuleuse,  placée  sur  le  calice  ,  qui  est  grand. 

Notre  espèce,  car  il  y  en  a  six  dans  le  genre ,  est  une  grande 
plante  branchue,  avec  des  feuilles  ovales,  entières,  et  de  grandes 
fleurs  qui  croissent  parmi  les  feuilles,  et  sont  séparées  l'une 
de  l'autre;  elles  sont  portées  sur  de  longs  pédicules;  la  corolle 
est  d'une  couleur  brune,  sombre  à  l'extérieur,  et  d'un  pourpre 
sombre  au-dedans.  Les  tiges  ont  une  teinte  de  la  même  cou- 
leur ainsi  que  les  feuilles,  vers  l'automne.  La  baie  est  ronde  et 
d'un  noir  luisant  quand  elle  est  mûre;  elle  ne  ressemble  pas  mal 
à  ime  cerise  noire  pour  la  grosseur  et  la  couleur.  Elle  renferme 
un  suc  de  couleur  pourpre  et  d'une  douceur  fade;  quelquefois 
elle  tente  les  enfants,  qui  en  mangent  à  leur  grand  péril.  J'ai 
appris  par  l'expérience  que  les  mêmes  symptômes  de  poison  se 
manifestent  après  qu'on  a  mangé  les  jeunes  rejetons  du  prin- 
temps, qu'on  a  fait  bouillir,  comme  après  avoir  pris  des  baies 
crues  d'automne.  La  vightshade  mor\^Q  est  rarement  cultivée, 
et  on  la  trouve  rarement  dans  l'état  de  plante  sauvage.  Elle  se 
cache  dans  les  sentiers  obscurs  et  dans  les  terrains  incultes; 
mais  elle  n'est  que  trop  répandue  dans  certains  pays  auprès 
des  villages. 

Yoils  avez  entendu  parler  des  gémissements  de  la  mandra- 
gore, et  des  cris  que  jette  cette  plante  lorsqu'on  l'arrache  de 
terre.  La  superstition  attribuait  à  cette  plante  une  espèce  de 
vie  animale  fatale  à  quiconque  osait  la  détruire  en  coupant  ses 
racines.  Elle  était  fameuse,  comme  l'opium  l'est  maintenant , 
par  la  propriété  de  provoquer  le  sommeil.  Cléopâtre  '  demande 

I  Dau$  la  tragikJic  de  Marc- Antoine,  par  Shakespeare. 


SLR   LA    iîOTAIMQUE.  IaSî 

de  la  niandragoi'e  ,  «  pour  pouvoir  passer  dans  le  sommeil  tout 
«  le  temps  qu'elle  est  séparée  de  sou  cher  Antoine.  »  Et  le  per- 
fide lago  '  se  vante  que  «  ni  le  pavot,  ni  la  mandragore,  ni 
«  toutes  les  potions  somnifères  du  monde ,  ne  pourront  jamais 
«  rendre  à  Othello  ce  doux  sommeil  qu'il  a  goûté  hier  si  paisi- 
«  blement.  »  Puisque  la  mandragore  gémit  et  crie  quand  on  la 
blesse,  elle  doit  nécessairement  avoir  une  forme  humaine. 
En  conséquence  on  en  vend  qui  ont  cette  forme ,  malgré  le 
danger  auquel  on  s'expose  pour  les  avoir  ;  mais  on  évite 
le  péril  adroitement ,  en  attachant  un  ,chien  à  la  racine  de 
cette  plante  :  de  cette  manière  la  mandragore  décharge  toute 
sa  fureur  sur  ce  pauvre  animal ,  et  ne  fait  aucun  mal  à  celui 
qui  veut  la  prendre.  Voilà  les  rêveries  qu'on  débite  à  ce  sujet. 
Ces  prétendues  mandragores  sont,  dit-on,  des  racines  de  brion- 
née  ou  d'angélique ,  qu'on  taille  suivant  la  forme  humaine  ,  ou 
bien  qu'on  force  de  croître  dans  des  moules  de  terre  qui  leur 
donnent  cette  figure.  On  s'en  servait  pour  les  enchantements 
magiques;  et,  quoiqu'elles  soient  à  présent  tout-à-fait  décriées, 
on  m'a  proposé  fort  gravement  de  m'en  vendre.  Linnée  en  avait 
d'abord  fait  un  genre  distinct  de  la  dernière  ;  mais ,  après  y 
avoir  réfléchi ,  il  en  a  fait  une  espèce  de  Yatropa,  la  distinguant 
des  autres  en  ce  qu'elle  n'a  point  d'autres  tiges  que  celles  qui 
supportent  une  seule  fleur.  La  racine  est  comme  celle  d'un 
panais,  quelquefois  fourchue;  près  de  la  terre,  elle  a  un  cercle 
de  grandes  et  larges  feuilles;  les  tiges  nues,  qui  supportent  les 
fleurs,  n'ont  qu'environ  trois  pouces  de  longueur  ;  les  corolles 
ont  cinq  angles ,  et  sont  d'un  blanc  verdâtre  ,  ou  d'une  couleur 
tirant  sur  le  pourpre.  La  baie  est  aussi  grosse  qu'une  muscade, 
et  d'un  vert  jaunâtre.  La  l'acine  et  les  feuilles  ont  une  odeur 
fétide,  et  toute  la  plante  est  vénéneuse,  quoiqu'on  s'en  serve 
en  médecine  à  petites  doses. 

Un  autre  genre  de  cet  ordre  naturel  est  le  coqueret ,  dont 
voici  les  caractères  :  La  corolle  est  en  forme  de  roue  ;  les  fi- 
lets et  les  anthères  sont  connivents,  ou  courbés  l'un  vers  l'autre. 
Le  vaisseau  à  semence  est  une  baie  renfermée  dans  le  calice  , 
qui  croît  en  formant  une  grande  vessie  enflée  et  colorée.  La 

'  Daus  Othello ,  par  Shakespeare. 


28-2  LETTRES   ELEMENTAIRES 

plante  qui  croît  en  abondance  sous  vos  arbrisseaux  est  une  es- 
pèce de  ce  genre.  Les  marques  distinctives  sont  que  les  feuilles 
viennent  doubles  et  conjuguées,  c'est-à-dire,  sortent  en  paires, 
sont  entières  sur  les  bords ,  ou  très-légèrement  dentelées  et 
aiguës;  la  tige  est  herbacée,  et  un  peu  branchue  au  bas;  les 
racines  rampent  de  manière  à  devenir  incommodes  ;  les  tiges 
n'ont  qu'environ  \\n  pied  de  haut;  les  feuilles  ont  différentes 
formes  et  de  longs  pétioles  :  les  Heurs  sortent  seules  des  ailes 
des  tiges  portées  sur  des  pédicules  minces;  elles  ont  une  co- 
rolle blanche ,  qui ,  ainsi  que  le  calice  ,  les  feuilles  et  les  tiges  , 
est  velue.  Cette  plante  ,  qui  est  si  humble  et  de  si  peu  d'appa.- 
rence  pendant  tout  l'été,  attire  notre  attention  pendant  l'au- 
tomne, par  son  grand  calice  enflé  qui  devient  rouge ,  et  qui  dé- 
couvre les  baies  rouges  et  rondes  qui  sont  au-dedans ,  et  ont 
la  grosseur  d'une  petite  cerise. 

Mais  le  principal  genre  de  cet  ordre  naturel  est  l'ombre  de  la 
nuit,  ou  solanum,  d'où  quelques  auteurs  ont  nommé  ces  plantes 
solanacées.  Il  n'y  en  a  pas  moins  de  quarante-six  espèces.  Je 
n'en  choisirai,  comme  à  mon  ordinaire,  que  quelques-unes  des 
espèces  sauvages  et  de  celles  qui  sont  cultivées,  surtout  celles 
qu'il  est  le  plus  essentiel  de  connaître,  et  qui  sont  le  plus  à  votre 
portée. 

Vous  connaîtrez  aisément  le  genre  par  sa  corolle  en  forme 
de  roue  ,  par  ses  grandes  anthères  renfermées  au  milieu  de  la 
corolle,  et  qui  paraissent  ne  former  qu'un  corps  ,  enfin  par  sa 
baie  qui  a  deux  loges.' 

Quelques-unes  des  plantes  de  cette  espèce  ont  des  tiges  et 
des  feuilles  garnies  de  piquants;  d'autres  ne  sont  point  armées  : 
cette  circonstance  fournit  une  division  commode  du  genre  en 
deux  subdivisions. 

Une  autre  espèce  du  genre  des  arbrisseaux ,  qui  est  fort 
grande,  et  vient  de  l'île  de  Madère  ,  n'a  point  d'épines  ou  de 
piquants  ;  elle  a  fait  long-temps  le  plus  bel  ornement  des  serres 
par  ses  baies,  qui  sont  du  plus  beau  rouge  pendant  l'hiver. 
Les  jardiniers  la  connaissent  sous  le  nom  d'amome  de  Pline  ; 
on  l'appelle  souvent  cerise  d'hiver.  Telle  est  la  disette  de  noms 
distinctifs,  et  telle  est  la  confusion  que  fait  naître  le  défaut  d'une 
nomenclature  régulière  ,  comme  celle  que  Linnée  a  le  premier 


SUR   LA    BOTANIQUE.  9.8H 

introduite  clans  la  botanique.  Les  feuilles  sont  en  forme  île 
lance ,  et  ont  leur  bord  ondoyant;  les  fleiu's  croissent  en  petites 
ombelles  ,  près  des  branches;  la  corolle  est  blanche,  et  les  baies 
sont  aussi  grandes  qu'une  petite  cerise  :  elles  sont  en  général 
rouges,  mais  quelquefois  jaunes. 

Une  autre  espèce  de  genre  des  arbrisseaux  est  la  morelle 
grimpante,  ou  douce-amère,  qui  est  ordinairement  sauvage 
dans  les  haies  humides  :  elle  a  une  tige  pliante,  et  qui  monte; 
les  feuilles  inférieures  sont  en  forme  de  lance  ;  les  supérieures 
sont  quelquefois  à  trois  pointes  ;  les  fleurs  sont  en  grappes  ,  et 
sortent  des  aisselles  des  feuilles  ;  la  corolle  est  roulée  ,  pourpre, 
et  marquée  de  deux  taches  vertes,  luisantes  ,  au  bas  de  chaque 
segment ,  et  les  baies  sont  rouges. 

La  morelle  noire  des  jardins  est  aussi  sans  piquants;  mais  elle 
n'est  pas  de  la  nature  des  arbrisseaux  :  c'est  imc  plante  annuelle. 
Les  feuilles  sont  portées  par  de  longs  pétioles;  et ,  étant  d'une 
texture  molle,  elles  pendent  souvent  en  en-bas  :  elles  sont  d'une 
forme  ovale  ou  rhomboïde,  avec  de  longues  pointes,  anguleuses 
et  dentelées  sur  les  bords.  Les  fleius  croissent  sur  une  espèce 
d'ombelle  qui  se  balance  ;  la  corolle  est  blanche,  et  la  baie  noire. 
C'est  une  herbe  commune  sur  les  fumiers,  dans  les  jardins  et 
autres  terrains  bien  cultivés  ;  elle  varie  par  ses  baies  ,  qui  sont 
tantôt  jaunes  et  tantôt  rouges,  et  par  la  forme  de  ses  feuilles. 

La  patate  ou  pomme  de  terre,  morelle  tubéreuse  ,  est  de  ce 
genre ,  comme  vous  en  serez  convaincue  si  vous  comparez  la 
structure  de  la  fleur  avec  celle  des  autres  espèces.  Linnée  la 
distingue  par  les  caractères  suivants  :  savoir;  la  tige  qui  est 
herbacée  et  sans  piquants,  les  feuilles  qui  sont  pinnées  et  tout- 
à-fait  entières,  et  les  pédicules  subdivisées;  les  corolles  sont 
ou  de  couleur  pourpre  ou  blanche,  et  la  baie  est  large. 

Le  tomalos ,  ou  la  pomrtie  d'amour ,  est  lyie  autre  espèce 
de  solaiiurn  ,  qui  est  aussi  âdinise  sur  nos  laJjles ,  et  qu'on 
mange  avec  impunité  ,  en  dépit  du  voisinage  où  l'on  la  trouve. 
Cette  plante  a  une  tige  herbacée  et  sans  piquants  ,  qui  est  fort 
garnie  de  poils;  les  feuilles  aussi  sont  pinnées,  mais  fendues; 
les  fleurs  sont  portées  sur  de  simples. grappes  sans  branches; 
la  corolle  est  jaune ,  et  le  fruit  ou  la  baie  est  grande,  aplatie, 
et  profondément  sillonnée. 


5l84  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

La  melongena  ' ,  ou  la  pomme  folle ,  est  aussi  de  ce  génie; 
elle  est  cultivée  comme  une  plante  curieuse  pour  sa  grandeur 
et  la  forme  de  son  fruit.  Quand  ce  fruit  est  blanc,  on  lui  donne 
le  nom  Ae plante-œuf ,  et  à  la  vérité  il  ressemble  alors  parfaite- 
ment à  un  œuf  de  poule  pour  la  grosseur,  la  forme  et  la  cou- 
leur. La  tige  de  cette  plante  est  herbacée  et  sans  piquants  ;  les 
feuilles  sont  ovales  et  velues ,  les  pédicules  pendants  et  crois- 
sant plus  épais  vers  le  sommet,  et  les  calices  sont  désarmés  de 
piquants;  la  couleur  des  corolles  est  pourpre,  et  celle  du  fruit 
varie  beaucoup.  Les  trois  dernières  espèces  s'écartent  im  peu 
du  caractère  de  l'ordre  ;  car  la  patate  et  le  tomatos  ont  plu- 
sieurs cellules  au  fruit,  et  cette  plante-ci  n'en  a  qu'une. 

Les  espèces  de  soldnum  qui  sont  garnies  de  piquants  sont 
originaires  des  pays  chauds,  et  la  plupart  nous  sont  apportées 
de  l'Amérique  espagnole.  Pour  cette  raison,  vous  n'aurez  pas 
souvent  occasion  de  les  observer. 

Le  capsicum ,  ou  poivre  de  Guinée ,  est  aussi  de  cet  ordre 
des  suspectes.  Toute  sa  beauté  et  son  usage  consistent  dans  le 
fruit,  que  Linnée  appelle  une  baie  sèche  ou  sans  jus  ,  et  d'au- 
tres une  cosse  ou  capsule.  Cette  circonstance ,  ainsi  que  la 
forme  de  la  corolle  qui  ressemble  à  une  roue,  et  les  anthères 
qui  sont  conniventes ,  font  les  caractères  essentiels  de  ce  genre. 
Linnée  n'en  compte  que  cinq  espèces,  dont  une  est  annuelle, 
avec  ime  tige  herbacée  ;  les  autres  sont  permanentes ,  avec  des 
tiges  ligneuses.  D'autres  en  font  plusieurs  espèces  d'après  la 
différente  figure  du  fruit,  qui  à  la  vérité  varie  beaucoup  pour 
la  forme  et  la  couleur,  et  qui,  mêlé  avec  les  fleurs  blanches  et 
les  feuilles  vertes  ,  fait  ime  variété  très-agréable  ^  mais  Linnée 
n'accorde  pas  que  la  forme  du  fruit  dans  ce  genre  soit  assez 
permanente  pour  constituer  des  différences  spécifiques.  Elles 
sont  toutes  fort  chaudes  ;  et  de  là  les  noms  àepoisre  en  cloche, 
poivre  de  poule,  poivre  épinevinette  e\. poivre  d'oiseau.  T.e poi- 
vre en  cloche,  qui  a  un  fruit  large,  enflé  et  l'idé,  avec  une  peau 
tendre,  d'une  couleur  rouge  quand  il  est  mùr,  est  la  seule  es- 
pèce propre  à  confire.  Le  poivre  de  Cayenne  est  tiré  de  la 
dernière  espèce,  dont  le  fruit  est  petit,  ovale,  d'un  rouge  vif, 
et  beaucoup  plus  piquant  que  celui  des  autres  espèces.  Plu- 

t  En  français  l'aubergine. 


SUR   LA   BOTA  JXIQUE.  u85 

sieurs  espèces  de  capsicum   viennent  des  Indes  orientales  et 
occidentales.  Quoique  les  habitants  des  pays  chauds  en  fassent 
un  !:îrand  usage  dans  leurs  aliments,  cependant  les  fruits,  lors- 
qu'ils sont  mûrs,  étant  jetés  sur  le  feu,  exhalent  des  vapeurs 
nuisibles,  qui   occasionnent  des  éternuements  violents  et  des 
toux  convulsivcs ,  et  souvent  le  vomissement ,  lorsqu'on  en  est 
trop  près.  Mêlé  avec  le  tabac ,  il  produit  les  mêmes  effets  dans 
un  degré  violent  et  dangereux  :  de  sorte  que  ces  plantes,  quoi- 
qu'elles no  soient  pas  à  la  rigueur  des  poisons ,  doivent  cepen- 
dant être  comptées  dans  la  famille  des  vénéneuses  ou  suspectes. 
Dans  le  premier  ordre  de  la  cinquième  classe  on  trouve 
plusieurs  arbrisseaux  qui  sont  très- connus,  parmi  lesquels  le 
chèvre-feuille  occupe  un  rang  distingué.  Dans  ce  genre,  le  chè- 
vre-feuille d'Italie  et  le  chèvre-feuille  sauvage  forment  les  es- 
pèces principales.  Elles  sont  distinguées  l'une  de  l'autre  en  ce 
que  la  première  a  les  paires  de  feuilles  supérieures,  comme 
les  botanistes  les  appellent  connatœ  ,  c'est-à-dire,  jointes  de 
façon  qu'il  semble  que  les  deux  feuilles  n'en  forment  qu'une  , 
et  la  tige  traverse  au  milieu  des  feuilles;  au  lieu  que ,  dans  le 
chèvre-feuille  sauvage ,  les  feuilles  sont  toutes  distinctes.  Le 
chèvre-feuille  hollandais  ou  allemand  des  jardins  passe  pour 
n'être  qu'une  variété  de  cette  espèce-ci,  quoiqu'il  soit  beaucoup 
plus  fort,  et  ne  soit  pas  si  propre  à  monter.  Le  chèvre-feuille 
a  véritablement  des  branches  traînantes  fort  déliées  ,  qui  s'en- 
tortillent autour  des  branches  des  arbres  ,  et  montent  jusqu'à 
leur  sommet. 

Le  chèvre-feuille  de  trompette  vient  de  l'Améiique  septen- 
trionale ;  il  ressemble  au  chèvre-feuille  d'Italie,  en  ce  qu'il  a 
les  feuilles  supérieures  connées  ,  ou  conjointes,  et  avec  le 
chèvre-feuille  ordinaire,  en  ce  qu'il  a  des  branches  minces  et 
traînantes:  mais  il  diffère  de  l'un  et  de  l'autre  par  ses  bouquets 
de  fleurs,  lesquelles  sont  nues  ou  sans  feuilles,  et  par  les  co- 
rolles qui  sont  presque  régulières.  Les  feuilles  sont  aussi  tou- 
jours vertes,  et  les  corolles  sont  d'une  écarlate  brillante  à  l'ex- 
térieur, et  jaune  au-dedans. 

Il  y  a  d'autres  espèces  que  vous  trouverez  parmi  les  arbris- 
seaux, qui  diffèrent  pour  l'apparence ,  et  s'éloignent  un  peu  du 
caractère  des  chèvre-feuilles  proprement  dits.  Ceux-ci  ont  tou- 


u86  LETTRES   ÉLÉMEjN'TAIRES 

jours  deux  fleurs  seules  qui  viennent  ensemble;  au  lieu  que, 
dans  l'espèce  précédente ,  les  fleurs  viennent  en  ijjrappes  ou 
bouquets  ,  plusieurs  ensemble.  Le  chèvre-feuille  mouche  a  les 
deux  baies,  qui  succèdent  aux  deux  fleurs  voisines ,  distinctes 
les  feuilles  sont  entières  et  blanchâtres  ,  et  les  corolles  blan- 
ches. Le  chèvre-feuille  droit  à  baies  rouges  a  les  deux  baies 
jointes  ensemble;  les  feuilles  sont  en  forme  de  lance,  et  unies; 
les  corolles  sont  rouges  à  l'extérieur,  mais  pâles  au-dedans  :  ce 
n'est  pas  une  plante  qui  s'élève  aussi  haut  que  l'autre. 

Les  cinq  espèces  qu'on  vient  de  citer  s'accordent  en  ce  qu'elles 
ont  une  corolle  monopétale  irrégulière,  excepté  que,  dans  le 
chèvre-feuiUe  de  trompette,  elle  est  presque  régulière.  Dans  les 
véritables  chèvre-feuilles  le  tube  est  d'une  longueur  remar- 
quable ;  le  vaisseau  à  semence  dans  toutes  ces  espaces  est  une 
baie  qui  croît  au-dessous  de  la  fleur,  et  qui  renferme  plusieurs 
semences,  quoique  la  dernière  n'en  ait  que  deux. 

Le  nombreux  genre  du  rhamnus  (  le  nerprun  ) ,  qui  con- 
tient vingt-sept  espèces,  est  aussi  du  premier  ordre  dans  la 
c\AS?>e  pentandrie.  Ces  espèces  sont  ou  épineuses,  ou  piquantes, 
ou  désarmées.  Le  nerprun  purgatif  est  une  des  premières  ; 
il  a  des  épines  qui  terminent  les  branches ,  la  tige  droite , 
les  feuilles  ovales ,  et  le  calice  partagé  en  quatre  segments. 
Les  baies  renferment  quatre  semences;  et  si  vous  les  mouillez 
et  les  frottez  sur  du  papier  blanc  ,  elles  lui  donneront  une  cou- 
leur verte.  Je  fais  mention  de  ces  deux  circonstances,  parce 
que  ceux  qui  recueillent  ces  baies  pour  les  vendre  en  mêlent 
souvent  d'autres  avec.  Je  sais  que  ce  détail  ne  peut  manquer  de 
vous  intéresser ,  quand  vous  saurez  que  le  beau  vert  '  ,  dont 
vous  faites  usage  quand  vous  peignez  en  miniature  ,  est  com- 
posé avec  ces  baies.  Si  vous  avez  la  curiosité  de  les  chercher 
dans  les  haies  pour  faire  cette  couleur  vous  -  même  ,  vous  ne 
devez  pas  être  surprise  si  vous  ne  les  trouvez  pas  à  chaque 
nerprun  ;  car  toutes  les  fleurs  sont  incomplètes  ,  quelques-unes 
de  ces  plantes  les  ayant  avec  des  étamines  ,  et  d'autres  seule- 
ment avec  un  pistil ,  et  les  premières  n'ont  jamais  de  fruit. 

Le  sureau  qui  porte  des  baies  est  une  de  ces  espèces  qui 

I  Vert  de  vessie. 


SUR   LA   JÎOTAJNIQUE.  ^,8^ 

n'ont  point  de  piquants  ;  il  f;ioît  dans  les  forêts,  (l'est  un  ar- 
brisseau d'une  couleur  sombre ,  avec  des  {grappes  de  petites 
Heurs  herbacées  ,  et  une  corolle  à  cinq  pointes  ,  à  laquelle  suc- 
(îèdent  des  baies  noires  qui  contiennent  quatre  semences  ;  les 
Icuilles  sont  ovales,  unies,  et  tout-à-fait  entières. 

Une  autre  espèce  encore  de  cette  division  de  plantes  sans  pi- 
quants est  l'alaterne  ,  qu'autrefois  on  tondait  avec  tant  de  soin 
dans  les  haies  et  aux  palissades  des  murailles  ;  maintenant  on 
le  voit  parmi  d'autres  arbrisseaux  toujours  verts,  conservant  sa 
forme  naturelle.  Les  feuilles  sont  extrêmement  luisantes  ,  en 
général  dentelées  sur  les  bords  ;  les  fleurs  ont  un  stigmate  à  trois 
pointes  ,  et  sont  incomplètes  comme  celles  du  chèvre-feuille  ; 
la  corolle  est  à  cinq  pointes  ,  et  la  baie  à  trois  semences.  Il  y 
a  plusieurs  variétés  de  l'alaterne  ,  qui  diffèrent  pour  la  forme 
des  feuilles,  et  en  ce  qu'elles  sont  plus  ou  moins  profondément 
dentelées  ;  elles  sont  aussi  quelquefois  tachetées  ou  bariolées. 
On  confond  souvent  cet  arbrisseau  avec  \e phillyrea  ,  duquel 
on  peut  le  distinguer  en  tous  les  temps  par  la  position  des 
feuilles,  qui  est  alterne  dans  \e phillyrea  et  opposé  dans  l'au- 
tre. Quand  les  deux  arbrisseaux  sont  en  fleurs,  vous  apercevez 
des  distinctions  plus  essentielles. 

Le  nerprun  porte-chapeau  est  une  plautp  de  la  division  dv 
celles  qui  ont  des  piquants.  Il  a  des  épines  doubles  ;  les  infé- 
rieures sont  recourbées,  et  c'est  im  autre  exemple  d'irrégu- 
larité dans  ce  genre,  le  germe  ayant  trois  loges  ,  étant  entouré 
par  une  bordure  membraneuse  ,  et  couronné  par  trois  styles. 
Il  a  une  tige  pliante ,  faible  ,  et  qui  a  besoin  d'appui  ;  les  fleurs 
croissent  en  grappes;  leur  couleur  est  d'un  jaune  verdàtre;  les 
corolles  sont  à  cinq  pointes.  Comme  il  est  fort  commun  dans  la 
Palestine ,  on  a  imaginé  que  c'était  l'arbrisseau  qu'on  employa 
pour  faire  la  couronne  d'épines  de  notre  Sauveur. 

Le  caractère  commun  à  toutes  ces  plantes  est  qu'elles  n'ont 
qu'un  calice  ou  une  corolle,  avec  cinq  petites  écailles,  une  à 
la  base  de  chaque  division  ,  se  courbant  l'une  vers  l'autre ,  et 
défendant  les  étamines.  Le  vaisseau  à  semence  est  une  baie 
A>nde,  divisée  en  moins  de  parties  que  la  corolle  ou  le  calice. 
Le  groseiller ,  le  lierre  et  la  vigne  sont  aussi  de  cet  ordre 
des monogj'rtcv;  mais,  comme  ces  plantesvous  sont  connues  ainsi 


Îi88  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

qu'à  tout  le  monde  ,  je  ne  m'y  arrêterai  pas,  ma  lettre  étant 
déjà  fort  longue. 

Quelques  autres  arbres  et  arbrisseaux  sont  moins  connus, 
parce  qu'ils  viennent  dans  des  climats  plus  chauds.  Tel  est  le 
café,  qui  tire  son  origine  de  l'Arabie,  quoiqu'il  soit  aujourd'hui 
commvm  dans  les  deux  Indes.  On  le  connaît  par  sa  corolle  en 
forme  de  soucoupe,  avec  les  étamines  qui  croissent  sur  le  tube, 
ainsi  que  par  son  vaisseau  à  semence  qui  est  une  baie  au-des- 
sous de  la  fleur  5  contenant  deux  semences  couvertes  d'une  tu- 
nique détachée.  Cet  arbre  ne  croît  pas  au-dessus  de  seize  ou 
dix-huit  pieds  de  haut;  ses  feuilles  sont  grandes  et  d'un  vert 
luisant,  en  forme  de  lance,  et  ondoyantes  sur  les  bords.  Les 
fleurs  viennent  en  grappes ,  serrées  contre  les  branches  ;  les 
corolles  sont  à  cinq  pointes,  d'une  couleur  blanche,  pure,  et 
d'une  odeur  très  -  agréable.  Cet  arbre  est  toujours  vert ,  et  fait 
dans  tous  les  temps  une  belle  apparence. 

Le  cestrum  ou  jasmin  bâtard  est  un  arbrisseau  des  Indes  oc- 
cidentales ,  et  par  conséquent  demande  une  serre  chaude  pour 
être  conservé  dans  ces  contrées  septentrionales.  11  a  une  corolle 
en  forme  d'entonnoir;  les  filets  ont  un  petit  alongement  au  mi- 
lieu, et  le  vaisseau  à  semence  est  une  baie  qui  n'a  qu'une  loge , 
et  qui  contient  plusieurs  semences.  Une  des  espèces  de  cette 
plante  a  des  grappes  de  fleurs  herbacées,  portées  sur  de  courts 
pédicules ,  et  qui  donnent  une  bonne  odeur  pendant  la  nuit. 
Une  autre  a  des  feuilles  d'un  vert  très-vif  et  d'une  grande  con- 
sistance; elle  a  des  grappes  de  fleurs  blanches,  serrées  contre 
la  tige ,  et  qui  répandent  un  parfum  agréable  pendant  le  jour. 

Le  diosma  est  un  genre  d'arbrisseau  qui  croît  au  cap  de 
Bonne  -  Espérance.  Ceux-ci  appartiennent  à  une  autre  classe, 
ayant  cinq  pétales  à  la  corolle  qui  est  inférieure ,  ou  qui  ren- 
ferme le  vaisseau  à  semence  ;  le  germe  est  aussi  couronné  par 
cinq  nectaires  ,  et  se  change  en  trois  ou  cinq  capsules  unies  en- 
semble ,  contenant  chacune  une  semence  avec  une  tunique  élas- 
tique qui  les  enveloppe  ;  les  fleurs  sont  petites ,  mais  d'une 
forme  élégante ,  et  d'une  agréable  odeur  aromatique. 

Les  autres  arbres  et  arbi'isseaux  étrangers  appartenant  à 
cette  classe  et  à  cet  ordre  ,  sont  l'arbre  bois  de  fer  ,  le  phy- 
licas  ,  le  mangle,  et  quelques  autres;  mais,  puisqu'il  n'est  pas 


SITU   LA    liOTANIQUJ:.  ^8y 

vraisiMTiblable  que  vous  les  rencontiiez,  je  n'entrerai  clans  au- 
(Miti  clélail  là-dessus. 

Il  reste  à  prendre  notice  de  quelques  belles  plantes  qu'on 
cultive  ordinairement  dans  les  jardins  ,  à  cause  de  leur  beauté. 
Telles  sont  les  espèces  de  la  lychnidcii.  Vous  les  connaîtrez 
par  leur  corolle  en  forme  de  soucoupe,  avec  un  tube  plié; 
leurs  fdets  sont  d'une  longueur  inégale  ;  leur  stigmate"  est  à  trois 
pointes,  leur  calice  prismatique  ,  leur  capsule  à  trois  cellules  , 
avec  ime  semence  dans  chaque  cellule  :  ce  sont  des  plantes 
permanentes.  Les  corolles  de  la  plupart  de  ces  espèces  sont 
grandes  et  d'une  couleur  pourpre,  et  les  feuilles  sont  en  forme 
de  lance  ;  elles  naissent  dans  l'Amérique  septentrionale. 

A  l'époque  de  la  découverte  du  Nouveau-  Monde,  comme 
on  appelait  pompeusement  l'Amérique  ,  tout  ce  qifon  y  trou- 
vait était  leprésenté  comme  ime  merveille  ;  on  faisait  les  his- 
toires les  plus  étranges  des  plantes  et  des  animaux  que  pro- 
duisait cette  partie  du  monde.  Ceux  qu'on  envoyait  en  Europe 
étaient  décorés  des  noms  les  plus  pompeux.  Une  de  ces  plantes 
est  la  merveille  du  Pérou,  qui  n'offre  d'autre  merveille  qu'une 
fleur  distinguée  par  la  variété  de  ses  couleurs  ;  elle  appartient 
à  cette  classe ,  et  à  cet  ordre,  et  a  les  marques  génériques  sui- 
vantes :  La  corolle  est  en  forme  d'entonnoir  ,  le  stigmate  glo- 
buleux ;  il  y  a  vm  nectaire  globuleux  ,  renfermant  le  genre,  qui 
s'endurcit  ensuite,  et  forme  une  espèce  de  noix.  Il  y  en  a  trois 
espèces;  la  première  est  la  merveille  commune  du  Pérou  ,  qui 
a  une  si  grande  variété  de  couleurs  dans  les  fleurs  de  la  même 
plante  :  ces  fleurs  naissent  en  abondance  aux  extrémités  des 
branches  ,  et,  dans  le  temps  chaud,  elles  ne  s'ouvrent  que  vers 
le  soir;  mais  quand  il  fait  un  temps  froid  et  couvert,  elles  de- 
meurent ouvertes  la  plus  grande  partie  du  jour.  Secondement, 
celle  dont  on  suppose  à  faux  que  la  racine  donne  le  jalap.  Les 
tiges  de  celle-ci  sont  enflées  aux  jointures  ;  les  feuilles  sont 
plus  petites,  et  les  fleurs  sont  séparées  et  serrées  dans  les  ailes 
des  feuilles:  elles  ne  varient  pas  pour  la  couleur,  étant  toutes 
d'un  rouge  pourpre,  et  n'étant  guère,  pour  la  grandeur,  que  la 
moitié  des  autres;  le  fruit  est  aussi  fort  rude.  Dans  les  îles  de  l'A- 
mérique,  oii  elle  est  fort  commune,  on  l'appelle  \vijleiirde  quatre 
heures.  La  troisième  espèce  est  la  merveille  du  Pérou  à  longues 
R.  VII.  19 


agO  LETTRES   ]éLÉMENTA.IRES 

fleurs  ,  dont  les  corolles  sont  blanches,  et  ont  de  très -longs 
tubes  ;  elles  donnent  une  odeur  de  musc ,  et  se  tiennent  fer- 
mées tout  le  jour,  s'épanouissant  à  mesure  que  le  soleil  baisse; 
elles  croissent  en  grappes  comme  la  première  espèce,  et  les 
semences  sont  rudes  comme  celles  de  la  seconde.  Celle-ci  dif- 
fère des  deux  autres,  en  ce  qu'elle  a  des  tiges  faibles,  qui 
demandent  quelque  appui,  et  qui  sont  garnies  de  poils,  et  vis- 
queuses ainsi  que  les  feuilles  :  cette  espèce  vient  dans  le  Mexi- 
que, et  n'est  pas  cxtnnue  depuis  long-temps. 

L'amaranthe  à  crête  doit  être  avissi  rangée  ici.  On  l'appelle 
communément  crête  de  coq,  à  cause  de  la  forme  qu'offre  la 
tête  des  fleurs.  Elle  se  classe  dans  la  division  des  fleurs  infé- 
rieures ,  incomplètes.  Les  caractères  génériques  sont  les  sui- 
vants :  Le  calice  extérieur  est  composé  de  trois  feuilles  sèches 
et  colorées  ,  au-dedans  desquelles  il  y  a  une  corolle  ou  second 
calice  formé  par  cinq  feuilles  roides  et  pointues.  Il  y  a  un  petit 
bord  qui  entoure  le  germe ,  duquel  bord  naissent  les  filets. 
Enfin  le  vaisseau  à  semence  est  une  capsule  ronde  ,  qui  s'ouvre 
horizontalement ,  et  qui  contient  trois  semences. 

Il  y  a  plusieurs  espèces  ;  mais  celle  qui  est  si  fort  estimée 
pour  la  variété  des  formes  et  des  couleurs ,  dans  ses  beaux 
bouquets  de  fleurs  ,  est  distinguée  des  autres  par  des  feuilles 
oblongues  et  ovales,  ses  pédicules  ronds  et  striés,  et  ses  pointes 
de  fleurs  oblongues.  Les  couleurs  sont  le  rouge,  le  pourpre, 
le  jaune,  le  blanc  et  le  bigarré.  Quelques-unes  de  ces  plantes 
ont  des  bouquets  de  fleurs  semblables  à  des  panaches  de  pliimes 
rouges.  Il  ne  faut  pas  pourtant  que  vous  confondiez  ces  plantes 
avec  l'amaranthe  ou  la  plume  du  prince ,  que  vous  trouverez 
dans  une  classe  très-éloignée  de  celle-ci. 

Je  vais  terminer  cette  longue  lettre  par  la  description  d'un 
ordre  naturel ,  dont  il  me  reste  à  vous  entretenir  pour  le  mo- 
ment. Son  nom  lui  vient  d'une  particularité  que  présente  la  co- 
l'olle  dont  les  divisions  se  courbent  dans  la  même  direction  que 
le  mouvement  apparent  du  soleil.  Mais  en  outre  de  cette  sin- 
gidarité,  les  fleurs  de  cet  ordre  ont  un  calice  d'une  seule  feuille, 
divisé  en  cinq  segments  ,  une  corolle  d'un  seul  pétale  ,  et  un 
fruit  qui  consiste  en  deux  vaisseaux  qui  contiennent  plusieurs 
semences.  Dans  la  plupart  de  ces  genres ,  ces  fruits  sont  des 


SUR   LA    BOTANIQUE.  29  I 

follicules'.  Les  corolles,  pour  la  plus  grande  partie ,  sont  en 
forme  d'entonnoir,  et  ont  un  nectaire  très-i'emarquable. 

La  pervanchc  commune,  qui  couvre  la  terre  et  rampe  dans 
les  haies,  aux  bords  de  vos  plantations,  peut  vous  servir 
d'exemple  pour  vous  donner  une  idée  de  cet  ordre.  Elle  a  une 
corolle  en  forme  d'entonnoir ,  à  laquelle  succèdent  deux  folli- 
cules droits  ,  qui  contiennent  des  semences  qu'on  appelle  nues 
ou  simples ,  pour  les  distinguer  de  celles  de  quelques  autres 
genres ,  qui  sont  ailées.  Vous  observerez  aussi  que  le  tube  de 
la  corolle  forme  un  pentagone  au  sommet  ;  et  vous  ne  man- 
querez pas  d'observer  qu'il  y  a  deux  grands  stigQiates  l'un  sur 
l'autre. 

Linnée  ne  veut  point  que  la  petite  espèce  qui  rampe  sur  la 
terre,  et  celle  qui  est  droite ,  avec  des  fleurs  plus  grandes,  soient 
des  espèces  distinctes.  Sans  entrer  dans  aucvme  dispute  sur  un 
point  qui  n'est  pas,  vous  les  distinguerez  l'une  de  l'autre,  non- 
seulement  par  leur  grandeur ,  mais  encore  parce  que  les  tiges 
de  la  première  rampent  sur  le  terrain.  Elle  a  aussi  les  feuilles 
beaucoup  plus  étroites,  et  pointues  vers  les  deux  bouts,  c'est- 
à-dire  ,  en  forme  de  lance  ,  et  portées  par  des  pétioles  fort 
courts;  au  lieu  cjue  les  tiges  de  la  seconde  sont  droites,  et  grim- 
pent un  peu.  Les  feuillas  sont  creuses  à  la  base  et  ovales  ,  plus 
pomtues  au  bout,  et  portées  sur  de  plus  longs  pétioles. 

Il  Y  a  une  troisième  espèce  de  pervanche  droite ,  qui  nous 
vient  de  l'île  de  Madagascar,  et  en  conséquence  elle  demande 
à  être  tenue  dans  une  serre  chaude ,  pour  être  conservée  dans 
nos  chmats.  Elle  a  une  tige  roide  ,  droite  ,  branchue,  ligneuse 
au  bas  ;  les  feuilles  sont  d'une  forme  oblongue  et  ovale ,  unies 
et  succulentes ,  et  assez  serrées  contre  les  branches.  Des  ailes 
de  ces  feuilles  sortent  les  fleurs  portées  sur  des  pédicules  fort 
courts  ;  en  général  elles  viennent  seules  ;  mais  quelquefois  il  v 
en  a  deux  ensemble.  Le  tube  de  la  corolle  est  long  et  mince. 
Le  bord  en  est  fort  plat.  La  surface  supérieure  est  d'un  rouge 
brillant  ou  de  couleur  de  pèche.  L'inférieure  est  d'une  couleur 
de  chair  pâle.  Il  se  fait  une  succession  constante  de  ces  belles 

I  C'est  un  vaisseau  à  semence  sec  ,  qui  n'a  qu'une  cellule  et  une  valvule. 
Les  semences  sont  couchées  sur  un  duvet  sacs  être  attachées ,  et  la  cosse  s'ouvre 
d'un  côté  pour  les  laisser  sortir. 

»9- 


2Q2  LETTRES  ÉLi!:MENTA  IR  ES 

fleurs  depuis  le  mois  de  février  jusqu'en  octobre  ;  la  corolle  est 

quelquefois  blanche. 

Voleander,  ou  laurier  rose  ,  est  une  des  plus  belles  plantes 
de  cette  famille.  Le  genre  a  deux  follicules  droits ,  comme  le 
dernier  ;  mais  les  semences  qui  y  sont  renfermées  sont  garnies 
d'un  duvet  ;  il  y  a  aussi  une  jietite  couronne  qui  termine  le 
tube  de  la  corolle  ,  et  qui  est  coupée  en  segments  étroits.  Les 
divisions  de  la  corolle  sont  dans  une  direction  oblique  avec  le 
tube.  Cet  arbrisseau  croît  jusqu'à  la  hauteur  de  huit  à  dix  pieds; 
les  branches  sortent  au  nombre  de  trois  de  la  principale  tige  ; 
les  feuilles  sortent  aussi,  au  nombre  de  trois,  des  branches 
portées  sur  des  pétioles  fort  courts  ;  elles  sont  dirigées  en  haut , 
sont  fort  roides ,  et  se  terminent  en  pointe  aiguë.  Les  fleurs 
sortent  en  grappes  au  bout  des  branches.  La  corolle  est  d'un 
pourpre  brillant ,  qui  varie  du  roug£  au  blanc.  Cet  arbrisseau 
naît  sauvage  dans  plusieurs  contrées  voisines  de  la  mer  Mé- 
diterranée ;  mais  ,  dans  nos  climats  ,  on  le  tient  en  serre  , 
cet  arbuste  n'étant  point  en  état  de  soutenir  la  rigueur  de  nos 
hivers. 

Mais  la  plante  la  plus  admirée  de  cette  famille,  c'est  le  jas- 
min du  Cap,  qui  a  été  premièrement  découvert  près  du  Cap 
de  Bonne-Espérance ,  par  l'odeur  extrêmement  aromatique  de 
ses  fleurs.  Les  divisions  du  calice  sont  uniformes  et  verticales, 
et  le  vaisseau  à  semence  est  ime  baie  à  deux  ou  à  quatre  cel- 
lules au-dessous  de  la  fleur.  Les  branches  sortent  par  paires  ; 
les  feuilles  sont  opposées  aux  branches,  d'un  vert  luisant,  et 
d'une  consistance  épaisse.  Les  fleurs  naissent  au  bout  des  bran- 
ches; la  corolle  n'est  formée  que  d'un  pétale,  mais  qui  est  dé- 
coupé en  plusieurs  segments,  dont  il  y  a  quelquefois  trois  ou 
quatre  rangées ,  et  alors  la  corolle  est  aussi  grande  et  aussi 
double  qu'une  rose.  Les  anthères  sont  insérées  sur  le  tube, 
sans  filets;  la  corolle  est  blanche;  mais  à  mesure  qu'elle  se 
fane ,  elle  prend  une  couleur  de  bufle;  l'odeur  ressemble  à  celle 
des  fleurs  d'orange  ou  du  narcisse. 

Il  y  a  aussi  une  autre  plante  de  cet  ordre  de  corolles  en- 
tortillées ,  qu'on  appelle  aussi  Jasmin,  avec  l'épithète  de  rouge, 
mais  d'un  genre  fort  différent  de  celui  des  jasmins  proprement 
dits.  IjH phuneiia  ,  ou  le  jasmin  rouge,  a  deux  follicules  ré- 


SUR   LA    BOTANIQUE.  1^'^ 

Héchis,  avec  les  semences  aplaties,  ailées,  et  creusées  en  tuile. 
On  en  connaît  quatre  un  cinq  espèces,  toutes  originaires  des 
Indes  occidentales ,  excepté  une  qui  vient  du  Sénégal.  L'es- 
pèce la  plus  connue  a  des  feuilles  oblongues ,  ovales,  avec 
deux  glands  sur  les  pétioles.  Elle  croît  à  la  hauteur  de  dix-huit 
ou  vingt  pieds;  les  tiges  ont  en  abondance  un  suc  laiteux,  et 
vers  le  sommet  ,  elles  poussent  quelques  branches  épaisses  et 
pleines  de  suc.  Au  bout  de  ces  branches  naissent  les  fleurs  en 
grappes  ,  taillées  comme  celles  de  Yoleander,  d'un  rouge  pâle, 
et  ayant  une  odeur  agréable.  Comme  dans  nos  chmats  les  fruits 
ne  succèdent  jamais  aux  fleurs  ,  sur  cet  arbrisseau ,  vous  ne 
serez  pas  à  portée  d'en  distinguer  les  cai-actères  génériques. 

La  fameuse  écorce  des  jésuites  appartient  à  un  arbre  de 
cette  classe  et  de  cet  ordre,  qui  se  rapproche  par  les  caractères 
de  la  famille  naturelle  des  conto/-tœ,  à  laquelle  appartiennent 
aussi  quelques  plantes  du  second  ordre  de  cette  cinquième 
classe  ,  parce  qu'elles  ont  deux  pistils.  Tels  sont  la  scamonée  de 
Montpeflier ,  et  le  geni'e  nombreux  des  asclépias  ,  qui  con- 
tient vingt -sept  espèces.  Dans  ce  dernier  genre  ,  vous  avez 
l'herbe  d'hirondelle  ,  ou  dompte-venin  ,  dont  on  prétend  que 
la  racine  est  un  puissant  antidote  contre  les  poisons.  Cette  plante 
a  une  tige  courte  et  droite  ,  des  feuilles  ovales,  barbues  à  la 
base  ;  des  fleurs  blanches  qui  forment  des  ombelles  prolifères'. 
Il  leur  succède  deux  follicules  longs  et  joints  ,  qui  renferment 
plusieurs  semences  aplaties  ,  couronnées  d'un  duvet  doux  et 
blanc.  Cette  plante  croît  dans  les  contrées  méridionales  de 
l'Europe,  et  est  fort  vivace.  Les  autres  espèces  sont  beaucoup 
plus  grandes,  et  s'élèvent  quelquefois  jusqu'à  la  hauteur  de 
six  ou  sept  pieds.  Quelques-unes  ont  des  racines  qui  rampent 
et  s'étendent  fort  loin  ,  ce  qui  rend  cette  plante  fort  incom- 
mode dans  un  jaidin.  D'autres  espèces  ,  qui  nous  viennent  du 
Cap  ,  ou  des  parties  méridionales  de  l'Amérique  ,  demandent 
de  la  chaleur  et  du  soin  ,  pour  être  conservées.  Il  y  en  a 
qui  ont  des  corolles  blanches,  d'autres  de  couleur  pourpre, 
orange  ou  rouge.  Dans  certaines  espèces ,  les  feuilles  sont  op- 
posées; dans  d'autres,  elles  sont  alternes.  Quelques-unes  ont 
les  feuilles  aplaties  ,  d'autres  ont  des  feuilles  dont  les  bords 

'  C'est-à-ilirc ,  que  les  giaudes  ombelles  en  laissent  sortir  de  plus  petites. 


294  LETTRES  ELEMENTAIRES 

sont  roulés  en  arrière.  Plusieurs  de  ces  espèces  sont  très-agréa- 
bles. Elles  se  ressemblent  toutes  par  le  caractère  suivant,  qui 
par  conséquent  forme  le  caractère  générique.  C'est  que  les 
segments  de  la  corolle  sont  courbés  en  arrièi'e  ;  qu'il  y  a  cinq 
nectaires  ovales ,  creux  ,  qui  se  terminent  à  la  base  par  un 
éperon  aigu ,  et  qui  enveloppent  les  étamines  et  les  pistils  ;  et 
qu'enfin  à  chaque  fleur  succèdent  deux  follicules  qui  l'enfer- 
ment plusieurs  semences  garnies  de  duvet. 

La  stapcUa  est  une  plante  si  remarquable  dans  cette  famille, 
que  je  ne  dois  pas  omettre  d'en  faire  mention.  Elle  a  une  fort 
grande  corolle,  en  forme  de  roue,  partagée  au-delà  de  la 
moitié  en  cinq  segments  ,  qui  sont  larges  ,  aplatis  et  pointus. 
Le  nectaire  est  une  double  étoile ,  dont  une  entoure  et  l'autre 
couvre  les  étamines  et  les  pistils.  Deux  follicules  ,  renfermant 
plusieurs  semences  aplaties  et  garnies  de  duvet ,  suivent  cha- 
que fleur. 

Il  y  en  a  trois  espèces  connues ,  qui  croissent  naturellement 
au  Cap  de  Bonne-Espérance,  qui  ont  toutes  des  branches  pleines 
de  suc  ,  aussi  grosses  au  moins  que  le  doigt  d'un  homme.  Les 
trois  espèces  sont  distinguées  par  les  dentelures  qui  sont  sur  les 
côtés  de  ces  branches,  sans  feuilles,  et  qui,  dans  la  j^remière 
espèce,  s'étendent  horizontalement,  se  terminant  en  pointes 
aiguës;  dans  la  seconde,  elles  ont  leurs  pointes  droites  ,  et  dans 
la  troisième,  obtuses. 

Dans  la  première  espèce,  les  fleurs  sortent  seules  des  côtés  de 
la  branche ,  vers  le  bas ,  portées  sur  de  courts  pédicules  ;  la  co- 
rolle est  verdâti'e  à  l'extérieur,  mais  jaune  au-dedans  ,  ayant  un 
cercle  pourpre  autour  des  nectaires  ;  le  tout  est  marqueté,  d'une 
manière  fort  agréable  ,  de  taches  de  pourpre,  comme  le  ventre 
d'une  grenouille.  Les  branches  de  la  seconde  espèce  sont  beau- 
coup plus  grandes  et  plus  droites  ;  elles  ont  quatre  sillons,  qui 
les  parcoui'ent  dans  leur  longueur,  et  les  dentelures  sont  placées 
sur  les  boi'ds  de  ces  sillons.  Les  fleurs  sont  beaucoup  plus 
grandes  que  celles  de  la  dernière  espèce,  et  d'une  substance 
beaucoup  plus  épaisse.  Elles  sont  couvertes  de  beaux  cheveux 
de  couleur  pourpre.  Le  fond  en  est  d'un  jaune  verdâtre,  rayé  et 
marqueté  de  lignes  de  pourpre.. 

Mais  la  grande  singularité  de  ces  plantes  ,  c'est  que  la  fleur 


SUR   LA   B()TAJ\IQU£.  ti^S 

quand  elle  est  bien  épanouie ,  a  une  odeur  fétide  ,  si  fort  res- 
semblante à  celle  d'une  charogne  ,  que  les  mouches,  qui  s'at- 
tachent à  la  chair,  y  vont  déposer  leurs  œufs,  qui  viennent  sou- 
vent à  éclore  et  produisent  de  petits  vers;  mais  la  génération  de 
ces  vers  ne  va  pas  plus  loin,  et  ils  ne  se  transforment  jamais  en 
mouches.  C'est  un  exemple  rare  d'un  animal  trompé  par  son 
instinct. 

Je  crois  maintenant,  ma  chère  cousine  ,  vous  avoir  assez  fati- 
guée par  la  longueur  de  cette  lettre.  Je  vous  laisse  méditer  sur 
cette  irrégularité  de  la  nature ,  et  vous  dis  adieu  de  tout  mon 
cœur. 


LETTRE  VIL 

lei  mai,  177.5. 

Je  ne  suis  point  surpris,  ma  chère  cousine,  que  vous  ayez  été 
curieuse  de  savoir  ce  que  c'est  que  le  nectaire,  dont  je  vous  ai 
iait  mention  plusieurs  fois  dans  ma  dernière  lettre;  mais  je  ne 
suis  point  disposé  à  présent  à  satisfaire  votre  curiosité  par  une 
longue  explication.  Je  vous  dirai  seulement  que  c'est  un  ap- 
pendice de  la  corolle,  et  qu'il  contient  un  suc  qui  probablement 
sert  à  la  plante.  Toujours  est-il  vrai  qu'il  sert  de  nourriture  aux 
abeilles  et  à  plusieurs  autres  insectes.  C'est  un  véritable  Protée, 
et  qui  prend  beaucoup  plus  de  formes  différentes  que  cet  en- 
fant de  Neptune.  Une  autre  fois  je  pourrai  peut-être  appro- 
fondir davantage  ce  sujet;  maintenant  il  nous  faut  suivre  les 
divers  genres  de  plantes  qu'il  nous  reste  à  examiner. 

Vous  aurez  bien  du  plaisir,  quand  vous  saurez  que  le  se- 
cond ordre  de  la  cinquième  classe  est  entièrement  composé  de 
la  famille  des  ombellifères  ,  que  vous  connaissez  déjà  si  bien. 
11  y  en  a  cependant  quelques  -  unes ,  que  la  circonstance  d'a- 
voir cinq  étamines  et  deux  pistils  ramène  dans  la  même  di- 
vision du  système  arbitraire,  quoiqu'elles  n'y  aient  pas  un 
rapport  naturel.  Nous  examinerons  un  petit  nombre  de  ces 
plantes,  avant  d'entrer  dans  un  détail  sur  les  ombellifères. 


•2^6  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

Plusieurs  de  ces  plantes  ont  des  fleurs  incomplètes ,  ou  n'ont 
pas  de  corolle.  On  en  trouve  plusieurs  parn*i  les  légumineuses  , 
dans  les  ordres  naturels  de  feinuée,  appelés,  par  d'autres  au- 
teurs, apétales. 

Telles  sont  toutes  les  pattes  d'oie ,  dont  il  n'y  a  pas  moins 
de  vingt  espèces,  et  qui  la  plupart  croissent  sur  les  fumiers 
et  dans  des  lieux  incultes  ,  n'ayant  d'ailleurs  aucune  beauté 
qui  puisse  attirer  vos  yeux.  On  les  connaît  par  leur  calice  à 
cinq  feuilles  et  à  cinq  angles,  qui  renferme  une  semence  ronde 
et  aplatie,  de  la  forme  d'une  lentille.  Une  des  espèces  les 
plus  remarquables  est  la  mercuriale  anglaise  ,  ou  la  toute- 
bonne,  qui  vient  communément  dans  des  lieux  incultes,  le  long 
des  murailles,  et  sur  les  bords  des  chemins.  On  la  cultive  en 
quelques  endroits  à  la  place  de  l'épinard.  Les  feuilles  de  celle- 
ci  sont  triangulaires,  tout-à-fait  entières,  ondoyantes,  et  avant 
la  surface  inférieure  couverte  d'une  espèce  de  farine.  Les  fleurs 
croissent  en  pointes  composées ,  qui  sont  privées  de  feuilles  , 
et  sortent  des  ailes. 

La  bette  ressemble  beaucoup  à  ces  plantes  ,  pour  les  carac- 
tères principaux  ;  mais  on  la  distingue  en  ce  qu'elle  a  une  se- 
mence en  forme  de  rognon,  enveloppée  dans  la  substance  du 
calice.  Dans  son  état  de  plante  sauvage  ,  sur  la  côte  de  la  mer , 
et  dans  les  mai'ais  salants,  elle  a  deux  fleurs  qui  sortent  en- 
semble ;  les  tiges  sont  faibles ,  et  sont  la  plupart  couchées  sur 
la  terre;  les  feuilles  sont  triangulaires  et  obliques,  ou  verti- 
cales ;  les  divisions  du  calice  sont  égales ,  et  ne  sont  pas  den- 
telées au  bas  :  cette  plante  fleimt  la  première  année  qu'elle 
est  sortie  de  la  semence.  L'espèce  potagère  a  plusieurs  fleurs 
qui  sortent  ensemble.  Les  tiges  sont  droites ,  les  feuilles  oblon- 
gues ,  en  forme  de  lance,  épaisses  et  remplies  de  suc.  Les  di- 
visions du  calice  sont  dentelées  à  la  base  ,  et  la  plante  ne  fleurir 
que  la  seconde  année. 

Quelquefois  elle  a  des  feuilles  d'un  vert  pâle ,  et  de  petites 
racines  ;  quelquefois  les  feuilles  sont  d'un  rouge  sombre,  avec 
de  grandes  racines  de  couleur  pourpre,  ayant  la  forme  d'une 
carotte  ;  mais  on  ne  croit  pas  ,  en  général ,  qu'elles  forment 
des  espèces  distinctes. 

Les  herbes  qui  servent  à  finie  le  verre  appartiennent  aussi  à 


SUR   LA    BOTANIQUE.  297 

cette  famille  des  légumineuses.  On  les  distingue  par  leurs  gran- 
des semences  ,  en  forme  de  spirale,  comme  une  vis ,  couvertes 
d'une  espèce  de  capsule  ,  qui  est  enveloppée  dans  un  calice.  Il 
V  en  a  une  espèce  qui  est  sauvage  et  croît  dans  les  marais 
salants,  qui  a  une  tige  herbacée  qui  est  couchée  à  terre,  en 
forme  d'alêne  ;  elle  a  des  feuilles  rudes  qui  se  terminent  en 
épines  ;  les  calices  sont  bordés  ,  et  le  style  est  à  trois  pointes. 

Une  autre  espèce  qui  croît  en  état  de  plante  sauvage  dans 
les  pays  plus  chauds,  a  aussi  des  tiges  herbacées,  qui  se  ré- 
pandent sur  la  terre  ;  mais  c'est  une  plante  beaucoup  plus 
grande  que  l'autre ,  et  les  feuilles  n'ont  point  d'épines.  Ces 
plantes,  et  toutes  celles  de  cette  espèce,  donnent  le  sel  caus- 
tique alkalin  ,  dont  on  se  sert  dans  les  verreries  pour  la  com- 
position du  verre. 

L'amaranthe  en  globe  appartient  à  cette  classe  et  à  cet  ordre; 
sa  belle  tète  ronde  est  composée  de  plusieurs  fleurs,  qui  ont  un 
grand  calice  de  deux  feuilles,  en  forme  de  bateau,  aplati  et 
coloré  ;  la  corolle  est  divisée  en  cinq  segments  rudes  et  garnis 
de  poils  ;  le  nectaire  est  cylindrique  ,  divisé  en  cinq  parties  au 
sommet  ;  le  style  est  coupé  ,  jusqu'à  la  moitié ,  en  deux  parties  ; 
il  y  a  une  capsule  qui  s'ouvre  horizontalement ,  et  qui  contient 
une  semence.  L'Inde  est  son  pays  natal;  la  tige  est  droite  et 
annuelle  ;  les  feuilles  sont  en  forme  de  lance  ,  comme  les  bran- 
ches et  les  pédicules  qui  sont  nus  et  longs,  excepté  qu'il  y  a  une 
couple  de  feuilles  courtes  ,  qui  croît  sous  chaque  tète  de  fleurs, 
et  qui  vient  toujours  seule.  Le  calice  et  la  corolle  étant  sèches  , 
gardent  leur  couleur  pendant  plusieurs  années,  et  de  là  vient 
le  nom  qu'on  a  donné  à  cette  plante ,  amaranthe  ou  incorrup- 
tible :  sa  couleur  ordinaire  est  d'un  pourpre  brillant;  mais 
(pielquefois  les  tètes  sont  d'un  blanc  très-brillant ,  ou  de  cou- 
leur d'argent.  Le  nom  ne  doit  pas  vous  porter  à  ranger  cette 
j)lante  dans  la  classe  des  véritables  amaranthes  ,  pas  plus  que 
l'amaranthe  à  crête.  Quand  on  vous  dit  que  l'orme  est  de  la 
même  classe  et  du  même  oidre,  et  appartient  aussi  à  la  famille 
des  incomplètes,  comme  n'ayant  point  de  corolle,  vous  ferez 
réflexion  vraisemblablement  qu'un  système  artificiel  est  fort 
différent  d'un  arrangement  naturel.  En  cela  vous  ne  commet- 
trez point  de  méprise  ;  mais  il  faut  aussi  que  vous  considériez 


298  LETTRES  ÉLIÉMENTAIRES 

qu'un  système  artiilciel  est  le  seul  qui  puisse  vous  mettre  en 
état  de  trouver  les  genres  et  les  espèces  des  plantes ,  qui  est 
l'art  dont  je  me  propose  de  vous  instruire.  Peu  de  personnes 
savent  que  l'ormeau  a  une  fleur  ,  parce  qu'elle  n'est  remarqua- 
ble ,  ni  pour  la  grandeur  ,  ni  pour  l'apparence,  et  qu'elle  vient 
pendant  que  la  saison  est  encore  rigoureuse.  Cependant  la  vé- 
rité est  que  cet  arbre  abonde  en  fleurs  ,  avant  que  les  feuilles 
fassent  leur  apparition.  Elles  n'ont  pomt  de  corolle ,  mais  un 
calice  à  cinq  pointes  ;  la  fleur  passe  promptement,  et  il  lui  suc- 
cède une  semence,  couverte  et  entourée  d'une  membrane  aplatie. 
Les  différentes  espèces  connues  sous  le  nom  à'onne  des  sor- 
cières à  feuilles  rudes  ,  orrrte  des  sorcières  à  feuilles  unies  , 
le  noisetier  des  sorcières  ,  l'orme  anglais,  tonne  hollandais, 
l'orme  droit ,  etc. ,  passent  pour  être  des  variétés  de  la  même 
espèce  ;  et  toutes  ont  des  feuilles  doublement  dentelées  ,  et  iné- 
gales à  leur  base. 

Les  gentianes  sont  aussi  de  cette  classe  et  de  cet  ordre  ,  ainsi 
que  de  la  subdivision  qui  renferme  des  corolles  monopétales 
inférieures.  On  les  distingue  des  autres  genres  de  cette  subdi- 
vision ,  par  la  capsule  qui  est  oblongue  ,  ronde  et. aiguë  ;  elle  a 
une  cellule  et  s'ouvre  par  deux  valvules ,  ayant  au-dedans  deux 
réceptacles  ,  chacun  adhérent  en  longueur  à  une  des  valvules. 
La  forme  du  fruit  est  constante,  au  lieu  que  la  ligure  et  le 
nombre  des  parties ,  dans  la  fleur  ,  varient  dans  les  différentes 
espèces  qui  sont  nombreuses  '^  Une  grande  partie  de  la  science 
et  de  la  sagacité  du  botaniste  consiste  à  saisir  les  parties  qui 
sont  constantes  dans  toutes  les  espèces  ,  et  d'en  former  les  ca- 
ractères génériques.  C'est  en  cela  que  consiste  le  grand  mérite 
<le  Linnée.  Ceux  qui  ont  écrit  sur  la  botanique  avant  lui ,  ou 
bien  ont  pris  toutes  les  parties  sans  distinction  ,  ou  se  sont 
servis  invariablement  de  la  même  pour  cet  effet. 

Les  espèces  ont,  ou  quatre  ,  ou  cinq  pétales.  Les  dernières 
ont,  ou  des  corolles  en  forme  d'entonnoir  ,  ou  approchant  de 
la  forme  d'une  cloche  ;  de  là  naît  une  triple  division  du  genre. 

La  principale  plante  de  ce  genre  est  la  grande  gentiane  jaune, 
qui  a  une  seule  tige  ,  haute  de  trois  pieds ,  couverte  de  feuilles, 
qui  sont  grandes,  ovales,  marquées  en-dessous,  avec  des  ner- 

I  Trcutc-Dcuf. 


SLR  LA    BOTANIQUE.  299 

vures  qui  se  rencontrent  h  la  pointe.  Les  plus  basses  sont  pé- 
tiolées ,  et  les  supérieures  sont  sessiles.  Il  n'y  a  qu'iuie  fleur 
pour  chaque  pédicule  ,  mais  elles  croissent  un  bouquet  autour 
de  la  tige  ;  le  calice  ressemble  à  une  double  gaine;  la  corolle  est 
en  forme  de  roue ,  coupée  en  cinq  segments'  ;  la  couleur  jaune 
est  marquée  par  des  taches  irrégulières.  La  racine  est  fort 
grande  ,  et  d'une  grande  amertume.  Cette  amertume  se  com- 
munique tellement  à  toute  la  plante,  que  le  bétail  n'y  touche 
jamais  lorsqu'il  paît  dans  les  pâturages  montagneux  de  l'Alle- 
magne et  de  la  Suisse ,  où  cette  plante  croît  naturellement. 

La  petite  centaurée  est  une  plante  de  ce  genre;  on  la  dis- 
tingue par  sa  tige  ,  divisée  en  deux ,  et  ses  coi'olles  en  forme 
d'entonnoir,  partagées  en  cinq  segments;  elles  sont  d'une  cou- 
leur de  pourpre  brillant ,  qui  souvent  se  fane  et  devient  blanc. 
Cette  plante  est  annuelle,  et  varie  beaucoup  pour  la  hauteur, 
suivant  le  sol ,  depuis  trois  ou  quatre  pouces  jusqu'à  un  pied. 
Celle-ci  est  extrêmement  amère  ,  comme  l'autre. 

Il  y  a  plusieurs  belles  petites  gentianes  ,  avec  des  fleurs  du 
plus  beau  bleu  qu'on  puisse  imaginer  ,  qui  croissent  en  état  de 
plantes  sauvages  dans  les  Alpes.  Une  de  ces  espèces  est  souvent 
cultivée  dans  les  jardins,  sous  le  nom  de  gentia/iel/a  ,  et  offre 
une  singularité,  en  ce  qu'elle  a  de  belles  fleurs  couleur  d'azur , 
en  forme  de  cloche  ,  plus  grandes  que  toute  la  plante. 

La  centaurée  jaune  se  range  aussi  naturellement  dans  ce 
genre  ;  mais  on  l'a  mise  dans  la  huitième  classe ,  premièrement 
sous  le  nom  de  blackstonia,  et  maintenant  sous  celui  de  chlora. 

Mais  il  me  semble  qu'il  vous  tarde  de  parcourir  un  pays  qui 
vous  soit  plus  connu.  En  effet,  vous  êtes  déjà  si  bien  versée  dans 
la  connaissance  de  la  famille  des  ombellifères,  que  vous  trouverez, 
j'en  suis  persuadé,  peu  de  difficultés  à  déterminer  les  genres 
et  les  espèces.  Plusieurs  de  ces  plantes  sont  fort  généi'alement 
connues  ,  soit  par  leur  usage  en  médecine ,  ou  dans  la  cui- 
sine, ou  bien  pour  leurs  qualités  vénéneuses.  Plusieurs  de  ces 
plantes ,  qui  croissent  sur  des  terrains  secs ,  ont  des  racines 
dont  l'odeur  et  le  goût  sont  aromatiques  et  piquants  ,  tandis 
que  celles  qui  croissent  dans  les  endroits  hunjides ,  ou  dans 

•  Quelquefois  il  y  a  jusqu'à  iiiiit  scgmeuls. 


3oO  LKTTJIES   ÉLIÎMENTAIRES 

IV-au  ,  comme  le  font  plusieurs  ,  ont  ces  qualités  dans  un  beau- 
coup nioiiiche  degré. 

Il  y  a  long-  temps  que  vous  êtes  en  ^-tat  de  distinguer  le  vé- 
ritable persil  et  le  cerfeuil  du  persil  des  fous.   Il  y  a  une  autre 
plante  sauvage  qui  croît  sur  les  rivages  et  aux  bords  des  che- 
mins, qu'on  appelle  ciguë-cerfeuil,  qui  a  souvent  été  prise  pour 
le  cerfeuil  de  jardin  ,  et  a  produit  de  mauvais  effets  ,  ayant  été 
mis  dans  la  soupe.  H  n'est  pourtant  pas  si  dangereux ,  parce 
qu'il  ne  croît  point  en  état  de  plante  sauvage  dans  les  jardins , 
et  qu'il  faut  aller  dehors  pour  s'empoisonner  avec  ce  végétal. 
Cependant ,  à  d'autres  égards  ,  il  est  plus  dangereux  ,  parce 
que  non-seulement  il  appartient  à  la  même  division ,  comme 
ayant  seulement  des  enveloppes  partielles  ,  mais  encore  parce 
qu'il  est  du  même  genre.  C'est  pour  cette  raison  qu'on  peut  le 
prendre  facilement  pour  le  véritable  cerfeuil ,  même  quand 
il  est  en  fleur ,  ce  qui  n'a  pas  lieu  à  l'égard  du  persil  des  fous. 
Ces  deux  plantes  ont  une  corolle  radiée ,  des  pétales  entaillés 
au  bout ,  les  fleurs  du  milieu  souvent  incomplètes  ,  et  ne  pro- 
duisant point  de  semence,  et  les  fiuits  d'une  forme  oblongue. 
Néanmoins  ,  malgré  toute  cette  ressemblance  de  caractère  ,  on 
les  distingue  aisément  ,  soit  lorsqu'elles  sont  en  fleurs,  ou  lors- 
que la  fleur  est  passée.  La  ciguë-persil  est  une  plante  beaucoup 
plus  petite  ;  à  la  vérité,  les  tiges  sont  unies,  et  les  feuilles  joli- 
ment taillées,  mais   elles  sont  garnies  de  poils;  les  divisions 
sont  beaucoup  plus  petites,  et  placées  près-à-près;  le  vert  en 
est  beaucoup  plus  foucé  que  dans  le  cerfeuil  de  jardin;  les  co- 
rolles aussi  sont  uniformes,  les  semences  ovales,  et  fort  rudes. 
Le  cerfeuil  de  jardin  est  une  plante  grande,  jolie,  et  dont  les 
feuilles  sont  unies.  Les  ombelles  sortent  des  côtés  des  branches, 
et  sont  très-serrées  contre  elles;  les  semences  sont  longues, 
étroites  et  luisantes.  Après  tout,  je  suis  persuadé  que  quand  vous 
aurez  l'occasion  de  comparer  ces  deux  plantes  ensemble,  comme 
vous  pouvez  le  faire  aisément,  le  jardinier  vous  en  fournissant 
une,  et  l'autre  étant  si  commune  dans  un  état  sauvage,  vous 
serez  étonnée  qu'on  les  ait  jamais  prises  l'une  pour  l'autre.  Ici 
vous  voyez  que  nous  avons  un   exemple  d'une  plante  ombel- 
lifère,  qui  croît  dans  un  terrain  sec,  et  qui  est  vénéneuse.  Vous 
ne  devez  donc  pas  conclure  que  toutes  celles  qui  croissent  sur  t\v 


SUR   LA    BOTANIQUE.  3o  I 

pareils  terrains  sont  salutaires,  et  que  toutes  celles  qui  viennent 
dans  des  terrains  humides  sont  vénéneuses. 

Nous  avons  un  autre  exemple  de  cette  ressemblance  fatale, 
non  pas  dans  deux  plantes  de  cette  famille ,  mais  dans  un€  de 
celle-ci,  avec  une  autre  d'une  classe  différente,  savoir,  le  pa- 
nais d'eau  rampant  avec  le  cresson  d'eau,  qui  appartient  aux 
crucifères.  Vous  connaissez  si  parfaitement  ces  deux  familles , 
qu'il  est  impossible  que  vous  les  confondiez  l'une  avec  l'autre, 
quand  elles  sont  en  fleur  ;  mais  ce  n'est  pas  alors  qu'on  mange 
le  cresson  d'etiu,  et  cette  plante  est  si  différente  pendant  sa  flo- 
raison, que  je  suis  persuadé  que  celui  qui  est  accoutumé  à  en 
manger  croirait  qu'on  lui  en  impose,  si  on  le  lui  présentait  alors 
comme  du  cresson  d'eau.  Quand  l'une  et  l'autre  de  ces  plantes 
sont  jeunes,  elles  se  ressemblent  véritablement  beaucoup;  et 
comme  elles  viennent  ensemble  très-souvent,  on  peut  quelque- 
fois prendre  l'une  pour  l'autre.  Cependant  je  dois  avouer  que 
je  n'ai  commis  cette  méprise  que  deux  fois,  et  seulement  en 
rencontrant  une  de  ces  plantes  parmi  un  ti'ès-grand  nombre 
des  autres.  Ce  qui  peut  les  faire  distinguer,  c'est  que  les  feuilles 
du  panais  d'eau  sont  d'un  vert  qui  n'est  pas  foncé.  Les  lobes 
ou  petites  feuilles,  qui  composent  toute  la  feuille  qui  est  ailée 
ou  pinnée,  sont  plus  longs  etplus  étroits,  dentelés  sur  les  bords, 
et  pointus  à  l'extrémité;  au  lieu  que  les  feuilles  du  cresson  d'eau 
ont  une  teinte  de  couleur  brune.  Les  lobes  sont  arrondis,  et 
particulièrement  le  lobe  impair,  qui  est  au  bout,  est  fort  grand 
et  émoussé.  Aucun  de  ces  lobes  n'est  régulièrement  dentelé;  ils 
ont  seulement  quelques  dentelures  sur  les  bords. 

Les  caractères  par  lesquels  vous  connaîtrez  le  panais  d'eau 
quand  il  est  en  fleurs,  sont  les  suivants  :  il  a  une  enveloppe  univer- 
selle et  partielle;  les  fleurs  sont  toutes  fécondes,  les  pétales  sont 
en  forme  de  cœur ,  les  semences  ovales  et  rayées.  Cette  espèce 
est  distinguée  des  autres  par  ses  feuilles  pinnées  et  les  ombelles 
de  fleurs  qui  sont  collées  contre  la  tige  dans  les  ailes. 

Une  autre  plante  vénéneuse  d'une  grande  réputation  est  la 
ciguë.  C'est  une  plante  qui  s'élève  à  la  hauteur  de  trois  pieds,  et 
même  davantage;  on  la  reconnaît  aisément  par  sa  tige  tachetée 
de  pourpre;  elles  a  les  deux  enveloppes,  l'universelle,  composée 
de  trois,  quatre,  cinq  ou  sept  feuilles  recourbées  et  assez  larges  ; 


3oa  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

l'enveloppe  partielle  est  seulement  de  trois  ou  quatre  feuilles 
larges  sur  un  côté  de  l'ombelle  ;  les  deux  sont  fort  courtes  ;  les 
fleurs  sont  toutes  fécondes,  irrégulières  en-dehors,  régulières 
en-dedans  ;  les  pétales  sont  en  forme  de  cœur;  le  fruit  est  presque 
sphérique ,  marqué  de  cinq  sillons.  L'espèce  commune  est  dis- 
tinguée par  ses  semences  unies  et  rayées;  les  feuilles  sont  gran- 
des, nombreuses,  d'un  vert  sombre,  mais  luisant,  triplement 
pinnées,  et  les  dernières  divisions  obtusément  dentelées  ;  elle  a 
plusieurs  ombelles  de  fleurs  blanches,  avec  des  rayons  nom- 
breux; elle  croît  naturellement  sur  les  bords  des  fossés ,  dans 
des  sentiers  étroits  et  ombragés ,  près  des  fumiers  et  des  cime- 
tières. C'est  une  plante  qui  dure  deux  ans. 

Les  eaux  fournissent  d'autres  herbes  vénéneuses,  comme  la 
ciguë  aquatique,  la  cigué  aquatique  à  longues  feuilles  ,  la  ciguè 
aquatique  filipcndule  et  la  tilipendule  d'eau  commune;  mais 
quittons  ces  plantes  de  mauvais  présage,  et  examinons  celles 
qui  ne  sont  pas  nuisibles,  et  qui  sont  à  votre  portée. 

Il  y  a  deux  plantes  ombellifères  que  vous  êtes  sûre  de  ren- 
contrer auprès  de  chaque  haie  ;  on  les  nomme  cerfeuil  sauvage 
et  cerfeuil  rude.  Elles  sont  l'une  et  l'autre  du  même  genre , 
mais  d'un  genre  différent  du  cerfeuil  de  jardin;  elles  ont  des  en- 
veloppes partielles ,  mais  non  pas  universelles;  ces  enveloppes 
sont  composées  de  cinq  feuilles  concaves ,  et  pliées  en  arrière  ; 
quelques-unes  des  fleurs  du  milieu  tombent  sans  laisser  de  se- 
mences ;  les  pétales  sont  courbés  et  en  foi^me  de  cœur  ;  le  fruit 
est  oblong  et  uni.  La  première,  qu'on  appelle  vulgairement 
herbe  de  vache  on  persil  de  vache^  a  une  tige  unie  et  rayée,  et 
les  jointures  un  peu  enflées.  La  seconde  a  une  tige  rude,  et 
les  jointures  plus  enflées.  La  première ,  est  remarquable  par  la 
quantité  de  ses  feuilles,  qui  sont  foi't  grandes,  et  en  général 
unies,  excepté  les  nervures.  La  seconde  a  des  feuilles  garnies 
de  poils,  mais  non  aussi  grandes,  ni  autant  divisées;  les  om- 
belles se  balancent  ordinairement,  et  les  semences  sont  profon- 
dément ravées  ;  l'une  et  l'autre  ont  quelquefois  une  feuille  à 
l'origine  de  l'ombelle  universelle;  elles  ont  toutes  deux  une 
odeur  forte ,  et  ont  des  quaUtés  approchantes  de  celles  qu'on 
remarque  dans  les  classes  précédentes,  mais  non  pas  à  un  degré 
qui  doive  les  faire  regarder  comme  vénéneuses. 


SUR  LA.   BOTANIQUE.  3o3 

Quelques-unes  des  plantes  de  cette  famille  sont  employées 
généralement  pour  la  nourriture;  ce  qui  fait  qu'elles  sont  con- 
nues de  tout  le  monde.  Il  semble  donc  au  premier  coup-d'œil 
qu'il  est  inutile  de  vous  en  parler.  Cependant  vous  pouvez  avoir 
mangé  les  racines  des  carottes  et  des  panais,  les  tiges  de  l'an- 
gélique,  du  céleri  et  du  fenouil,  les  feuilles  du  persil  et  de  la 
crête  marine,  ou  fenouil  marin,  les  semences  de  la  coriandre  et 
du  carvi,  sans  pouvoir  connaître  aucune  de  ces  plantes  lorsqu'on 
vous  les  présente  ;  néanmoins,  lorsque  vous  les  trouvez  en  fleurs, 
vous  les  rangez  aussitôt  dans  la  famille  des  ombellifères.  La 
carotte,  le  cai'vi  et  l'angélique  se  classent  parna  celles  qui  ont 
les  deux  enveloppes.  La  coriandre  a  seulement  une  enveloppe 
partielle,  et  les  autres  n'ont  ni  l'une  ni  l'autre.  La  carotte  '  a  une 
grande  enveloppe  ailée;  quelques-unes  des  fleurs  du  milieu 
tombent  sans  laisser  de  semence,  et  le  fruit  est  hérissé  de  soies 
rudes;  les  fleurs  extérieures  sont  fort  irrégulières;  toute  l'om- 
belle, lorsqu'elle  approche  de  son  état  de  maturité,  prend  une 
forme  creuse  fort  semblable  à  un  nid  d'oiseau;  les  feuilles  sont 
rudes  et  garnies  de  poils.  La  carotte  de  jardin  diffère  peu  de  la 
CiU'otte  sauvage ,  excepté  dans  le  volume  et  la  mollesse  de  la 
racine. 

Le  fenouil  marin  a  une  ombelle  qui  n'est  pas  aplatie  ou 
creuse  comme  celle  de  la  précédente,  njais  qui  est  hémisphé- 
rique ;  les  fleurs  sont  toutes  fécondes  et  semblables,  les  pétales 
aplatis,  le 'fruit  ovale  et  plat;  les  tiges  sont  remplies  de  suc, 
les  feuilles  pinnées  ,  composées  de  trois  ou  cinq  divisions ,  dont 
chacune  a  trois  ou  cinq  petites  feuilles  épaisses  en  forme  de 
lance  ;  les  corolles  sont  jaunes.  Cette  herbe  enfonce  ses  racines 
profondément  dans  les  crevasses  des  rochers,  et  pend  en  en-bas  ; 
elle  croît  surtout  dans  les  lieux  d'un  accès  difficile.  Ceux  qui 
recueillent  des  plantes  sont  tentés  d'y  substituer  une  auti'e 
plante,^  qu'ils  ramassent  sans  fatigue  sur  le  rivage,  mais  qui  n'a 
pas  les  qualités  chaudes  et  aromatiques  du  fenouil  marin.  Ceux 
qui  vivent  sur  la  côte  orientale  doivent  être  étonnés  lorsqu'ils 
entendent  dire  que  c'est  un  dangereux  métier  de  l'ecueillir 
le,  fenouil  marin  tandis  qu'ils  le  ramassent  tout  à  leur  aise  en  se 

'  Dans  l'espèce  cultivée  toutes  les  fleurs  sont  fécondes. 
*  Fenouil  marin  doré. 


3o4  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

promenant  sur  un  rivage  plat  et  sablonneux  :  mais  le  leur  est 
une  tige  arrondie ,  avec  des  jointures ,  et  qui  n'a  point  de  goût; 
elle  est  traversée  par  le  milieu  dans  sa  longeur  d'une  espèce  de 
cordon  rude ,  '  en  place  d'une  feuille  aplatie ,  lequel  cordon  a 
un  goût  piquant.  Ce  fenouil  marin  qui  vient  dans  les  marais  se 
range  dans  le  premier  ordre  de  la  première  classe,  et  on  le  bnile 
pour  faire  de  la  soude,  qui  sert  aux  ouvrages  de  verrerie.  Vous 
voyez  ici  dans  quel  embarras  jette  la  confusion  des  noms,  et  com- 
bien il  est  difficile  de  se  procurer  la  plante  qu'on  désire,  si  l'on  n'en 
connaît  pas  autre  chose  que  le  nom.  Demandez  à  un  herboriste, 
ou  à  celui  qui  vend  des  drogues,  une  plante  ou  quelque  sub- 
stance des  trois  règnes  qu'il  n'a  point ,  il  ne  se  fera  pas  de  scru- 
pule de  vous  donner  une  plante  à  la  place  d'une  autre.  Si  cette 
supercherie  ne  devient  pas  nuisible  à  ceux  à  qui  ces  plantes 
doivent  servir  de  i"eraède,  elle  induit  toujours  en  erreur  le  na- 
turaliste qui  n'est  pas  en  garde  contre  de  pareilles  erreurs. 

L'angéliquc  a  de  grandes  ombelles  globuleuses;  toutes  les 
fleurs  de  cette  plante  sont  fécondes  et  régulières  ;  les  pétales 
sont  courbés  ou  réfléchis  en  en-hatit  vers  le  bout  ;  le  fruit  est 
arrondi ,  avec  des  angles  ou  des  sillons  et  terminé  par  deux 
styles  recourbés. 

L'angéliquc  cidtivéectl'angélique  sauvage  sonti'econnues  uni- 
versellement pour  deux  espèces  distinctes.  Elles  ont  l'une  et 
l'autre  des  feuilles  pinnées  ;  mais  la  première  a  le  lobe  impair, 
qui  est  au  bout ,  généralement  divisé  en  trois  parties  ;  la  seconde 
a  tous  les  lobes  égaux ,  eu  forme  de  lance ,  et  dentelés  sur 
les  bords.  La  première  est  une  plante  beaucoup  plus  grande, 
les  lobes  des  feuilles  sont  plus  larges  ,  plutôt  ovales  qu'en  forme 
de  lance  ,  et  les  corolles  verdâtres.  La  seconde  a  une  tige 
plus  mince  et  moins  remplie  de  suc;  à  peine  a- 1- elle  une  en- 
veloppe universelle  ,  et  les  corolles  sont  teintes  de  rouge. 

La  coriandre  n'a  point  d'enveloppe  universelle  ,  quoiqu'elle 
ait  quelquefois  une  feuille ,  comme  dans  l'angéliquc  sauvage. 
L'enveloppe  partielle  est  composée  de  trois  feuilles ,  et  est 
courte;les  fleurs  du  milieu  ne  pi'oduisentpointde  semences.  Les 
pétales  sont  plies  en-dedans  ,  et  en  forme  de  cœur  ;  les  pétales 

ï  Fenouil  marin  de  marais  ,  qu'on  appelle  aussi  herbe  de  verre  ou  herbe  de 
sel  à  jointures. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  3o5 

extérieurs  sont  grands  ;  le  fruit  est  sphéritjue ,  comme  vous 
savez  ;  le  calice  de  chaque  petite  fleur  est  plus  apparent  dans 
celle-ci  que  dans  les  autres  plantes  ombellifères.  Les  divisions 
des  feuilles  près  de  la  terre  sont  larges  ;  celles  des  feuilles  su- 
périeures sont  étroites.  Toute  la  plante  est  douce  au  toucher  , 
et  elle  exhale  une  mauvaise  odeur,  comme  celle  des  pimaises. 

Le  panais  a  toutes  les  fleurs  fécondes  et  régulières ,  les  pé- 
tales entiers,  et  plies  en-dedans  ;  le  fruit  est  oblong,  aplati,  ot 
entouré  d'une  membrane;  les  feuilles  sont  simplement  pinnées. 
Le  panais  de  jardin  ne  diffère  pas  essentiellement  du  panais 
sauvage ,  qui  a  les  feuilles  garnies  de  poils,  au  lieu  que  celles  du 
panais  cultivé  sont  lisses  ;  mais  cet  effet  est  ordinairement  pro- 
duit par  la  culture.  La  plante  cultivée  est  aussi  plus  grande, 
et  les  racines  pleines  de  suc ,  et  bonnes  à  manger.  L'un  et  l'au- 
tre ont  des  corolles  jaunes. 

Le  fenouil  apareillement  toutes  les  fleurs  fécondes  et  régulières, 
et  les  pétales  entiers,  et  plies  en-dedans,  comme  dans  la  dernière 
plante  que  nous  avons  examinée;  le  fruit  approche  de  la  forme 
ovale;  il  est  aplati  et  rayé.  L'aneth,  qui  appartient  aussi  à  ce 
genre ,  a  le  fruit  entouré  d'une  membrane  ,  et  plus  aplati  que 
celui  du  fenouil.  Le  fenouil  doux  n'est  qu'une  variété  de  l'espèce 
commune ,  quoique  les  lobes  des  feuilles  soient  plus  longs,  plus 
déliés  ,  et  n'aient  pas  autant  de  densité  que  dans  l'autre.  Les 
semences  sont  plus  longues  et  beaucoup  plus  douces.  La  fi- 
nochia  est  probablement  une  autre  variété,  quoique  ce  soit  une 
plante  beaucoup  plus  petite,  devenant  fort  large  et  fort  épaisse 
quand  elle  est  sortie  de  la  terre.  Les  feuilles  de  toutes  ces  es- 
pèces sont  élégamment  taillées. 

Le  carvi  n'a  pas  d'enveloppe  propre;  il  a  seulement  une 
feuille  à  l'origine  de  l'ombelle  universelle;  les  fleurs  du  milieu 
tombent  sans  semences;  les  pétales  sont  quilles,  plies  en- de- 
dans ,  et  entaillés  au  bout.  Les  semences  sont  de  forme  oblon- 
gue,  ovale  et  rayée. 

Le  persil  et  l'ache  sont  du  même  genre.  Ils  ont  une  espèce 
d'enveloppe  généralement  composée  d'une  feuille;  toutes  les 
fleurs  sont  fécondes,  les  pétales  égaux,  et  plies  en-dedans;  le 
fruit  est  petit,  ovale  et  rayé.  Ils  ont,  l'un  et  l'autre,  des  feuilles 
ailées,  avec  les  lobes  linéaires  sur  la  tige  ,  dans  le  persil,  et  en 
R.   VÎT.  ■  9.0 


3o6  LETTRES  jéLÉMENTAIRES 

forme  de  oœur ,  dans  Tache.  I^  céleri  n'est  qu'une  améliora- 
tion dans  cette  plante  ,  qu'on  doit  aux  pays  chauds.  Cependant 
notre  ache  sauvage,  qui  vient  communément  aux  bords  des 
fossés  et  des  ruisseaux,  quoique  cultivée,  ne  peut  servir  d'a- 
liment. 

La  terre-noix  bulbeuse ,  dont  les  racines  l'essemblent  à  une 
petite  patate  ,  et  qui  est  mangeable  ,  a  les  deux  enveloppes;  la 
plus  mince  est  de  l'épaisseur  d'un  cheveu  ;  les  fleurs  sont  dans 
une  ombelle  serrée,  toutes  fécondes;  les  corolles  sont  régu- 
lières, avec  des  pétales  en  forme  de  cœur,  et  le  fruit  est  ovale. 
Cette  plante  se  trouve  fréquemment  dans  les  pâturages  secs. 

La  férule ,  dont  Prométhée  a  employé  la  tige  sèche  à  porter 
le  feu  du  Ciel ,  a  les  deux  enveloppes;  toutes  les  fleurs  sont  fé- 
condes, les  pétales  en  forme  de  cœur  ;  le  fruit  est  ovale,  aplati, 
et  marqué  de  trois  raies  de  chaque  côté.  C'est  une  plante  si 
grande,  et  qui  s'élève  si  haut,  qu'on  lui  a  donné  le  nom  àe  fe- 
nouil géant.  Les  feuilles  inférieures  se  répandent  jusqu'à  la 
longueur  de  deux  pieds  ,  et  sont  subdivisées  en  des  lobes  sim- 
ples fort  longs  et  fort  étroits  ;  la  tige  est  creuse,  avec  des  join- 
tures ,  et  s'élève  à  la  hauteur  de  dix  ou  douze  pieds.  Quand 
ces  parties  sont  desséchées,  elles  ont  une  moelle  sèche  et  lé- 
gère ,  qui  prend  feu  promptement.  Les  habitants  de  la  Sicile 
s'en  servent  comme  de  mèche.  C'est  une  espèce  de  férule  qui 
produit  Yassafœtida. 

Le  panais  de  vache  est  ime  fort  grande  plante  ,  mais  elle 
ne  s'élève  pas  aussi  haut  que  la  précéc^ente  :  elle  a  deux  envelop- 
pes; mais  comme  elles  sont  fort  sujettes  à  tomber,  vous  pouvez 
aisément  être  trompée  à  cet  égard.  La  corolle  est  fort  irrégu- 
lière, pliée  en-dedans,  et  entaillée;  le  fruit  est  ovale,  entaillé, 
aplati  ,  rayé,  et  avec  une  membrane  autour  du  bord.  Dans 
plusieurs  des  espèces,  les  fleurs  du  milieu  tombent  sans  se- 
mences ;  mais  dans  notre  espèce  commune,  toutes  les  fleurs 
sont  fécondes;  les  feuilles  sont  ailées,  et  les  lobes  pinnatifides. 
Cette  plante  est  commune  dans  les  prairies  et  dans  les  pâtu- 
rages. 

U aiguille  de  beiger,  ou  \epcigne  de  Vénus ,  est  remarquable 
par  les  longs  appendices  qui  terminent  les  semences ,  et  qui 
lui   donnent  l'apparence  du  géranium  ,  quand  il  est  en  fruit. 


SUR   LA.   BOTANIQUE.  '5o'] 

Cette  plante  est  du  même  genre  que  le  cerfeuil ,  et  c'est  une 
iierbe  qui  croît  parmi  les  blés.  Mais  c'est  assez  parler  de  ces 
plantes  onibellifères. 

Dans  le  troisième  ordre  de  cette  cinquième  classe,  nous  avons 
plusieurs  arbres  et  arbrisseaux ,  tels  que  les  arbres  qui  donnent 
le  vernis  ,  le  sumac  ,  la  viorne  et  le  laurustinus  ,  le  sureau ,  etc. 
Les  premiers  sont  connus  par  leurs  fleurs  inférieures,  leur  ca- 
lice à  cinq  feuilles,  leur  corolle  de  cinq. 

he  sumac  de  Virginie  est  commun  parmi  vos  arbrisseaux, 
et  vous  le  connaissez  par  ses  jeunes  branches,  qui  sont  cou- 
vertes d'un  duvet  semblable  à  du  velours,  et  qui  ressemblent, 
pour  la  couleur  et  la  structure,  au  bois  d'un  cerf,  quand  il 
commence  à  bourgeonner.  Ces  branches  sont  courbées  et  dif- 
formes ;  les  feuilles  sont  ailées ,  avec  six  ou  sept  couples  de 
lobes  en  forme  de  lance,  qui  ont  des  dentelures  très-aiguës,  et 
sont  garnies  de  poils  en-dessous.  Les  fleurs  sont  produites  en 
touffes  serrées  au  bout  des  branches  ;  elles  sont  suivies  par 
des  semences  renfermées  dans  des  couvertures  de  couleur 
pourpre  ,  garnies  de  laine  et  pleines  de  suc  ,  qui  leur  donnent 
la  couleur  qu'elles  prennent  en  automne ,  lorsque  les  feuilles 
se  desséchant  prennent  d'abord  la  couleur  pourpre ,  et  en- 
suite la  couleur  feuille-morte. 

La  viorne,  le  sureau  de  marais,  et  le  laurustinus  ,  sont  tous 
du  même  genre  ,  ayant  des  fleurs  supérieures  ,  un  calice  à  cinq 
feuilles ,  une  corolle  partagée  en  cinq  segments ,  et  une  baie 
qui  renferme  une  semence. 

Le  premier  a  des  feuilles  en  forme  de  cœur,  fort  veinées  , 
dentelées  sur  lés  bords,  et  blanches  en- dessous.  Le  second  a 
des  feuilles  en  lobes  ,  avec  des  glandes  sur  les  pétioles  ;  les  fleurs 
qui  sont  autour  de  l'extérieur  du  germe  sont  infécondes,  avec 
les  corolles  beaucoup  plus  grandes  que  les  autres.  Le  rosier 
hongre  est  une  variété  remarquable  de  cette  espèce  ;  les  fleurs 
croissent  dans  une  boule  ,  et  sont  toutes  infécondes.  Le  troi- 
sième a  les  feuilles  ovales  et  entières  ,  avec  les  veines  en-des- 
sous ,  garnies  de  poils.  Cette  espèce  est  toujours  verte. 

Le  quatrième  ordre  est  peu  étendu ,  ne  comprenant  que  deux 
genres  ,  dont  la.  parnassia  en  forme  vm.  Celle-ci  croît  naturel- 
lement dans  les  prairies  humides  et  sur  les  bord  des  marais , 

20. 


3o8  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

mais  n'est  pas  fort  commune.  On  la  connaît  aisément  par  son 
calice,  partagé  en  cinq  parties.  Sa  coi'oUe  est  de  cinq  pétales  ; 
elle  a  cinq  nectaires ,  en  forme  de  cœur ,  garnis  de  poils ,  sur 
le  sommet  desquels  il  y  a  de  petites  boules.  Le  germe  est  grand 
et  oVfile ,  sans  aucun  style.  Il  n'y  a  que  quatre  stigmates ,  une 
capsule  d'une  cellule,  et  quatre  valvules.  Elle  a  une  tige  simple, 
avec  une  feuille  en  forme  de  cœur  ,  qui  embrasse  la  tige ,  et 
une  seule  fleur  ;  la  corolle  est  blanche. 

Dans  le  cinquième  ordre,  la  pentagvnie,  on  trouve  Varmeria, 
le  lin,  etc.  iJarmeria'  aie  calice  d'une  feuille,  entier,  plissé 
et  sec  ;  la  corolle  est  de  cinq  pétales ,  et  elle  a  ime  semence  cou- 
ronnée du  calice.  Ce  sont  les  caractères  du  genre  qui  a  vingt- 
deux  espèces.  \] armeria  commune  a  une  triple  enveloppe ,  ou 
un  calice  conmiun,  et  des  fleurs  qui  croissent  en  formant  une 
tète  ronde  ,  sur  le  sommet  d'une  tige  nue  ;  les  feuilles,  qui  for- 
ment une  touffe  serrée,  près  de  la  terre,  sont  linéaires  ;  les  corolles 
sont  rouges ,  avec  différentes  nuances ,  depuis  la  couleur  de 
chair  pâle  jusqu'à  l'écarlate  biillante;  ces  variétés  sont  occasion- 
nées parle  sol  et  la  situation  ;  car  on  trouve  cette  plante  dans 
les  marais  salants  et  sur  les  montagnes.  'Varmeria  était  fort 
employée  autrefois,  pour  garnir  les  bordures  des  parterres; 
mais  elle  est  aujourd'hui  tout-à-fait  hors  de  mode. 

Le  lin  a  aussi  une  corolle  de  cinq  pétales  ;  mais  le  calice  est 
de  cinq  feuilles  ;  la  capsule  s'ouvre  par  cinq  valvules ,  ayant 
au-dedans  dix  cellules  ,  dans  chacune  desquelles  il  y  a  une  se- 
mence. Il  n'y  a  pas  moins  de  vingt-deux  espèces  de  lin  :  celle 
dont  l'usage  est  si  étendu  est  distinguée  des  autres  par  le 
calice  et  la  capsule  ,  qui  sont  en  pointe.  Les  pétales  sont  entail- 
lés, les  feuilles  en  forme  de  lance  et  alternes  sur  la  tige  ,  qui 
est  sans  branches.  Sur  le  sommet  de  celle-ci  il  y  a  quatre  ou 
cinq  fleurs  ,  avec  de  belles  corolles  bleues  ,  qui  sont  fort  su- 
jettes à  tomber.  C'est  une  plante  annuelle  d'environ  un  pied  et 
demi  de  haut,  dans  les  champs.  Dans  les  jardins  elle  croît  plus 
haut  de  six  pouces,  et  jette  quelques  branches  dans  les  en- 
droits où  elle  est  détachée. 

L'usage  et  la  beauté  du  lin  sont  faits  pour  vous  intéresser; 
ainsi  je  vous    laisse  méditer  sur  cet  article,  et  vous  dis  adieu. 

i  Statice  capitée  ,  ga/.ou  d'Ol  ympp. 


SUR   LA   BOTANIQUE. 


30(J 


LETTRE   VÏII. 


10  mai  177D. 


Nous  sommes  retournés,  ma  chère  cousine,  au  point  d'où 
nous  sommes  partis,  la  famille  des  liliacées  étant  renfermée 
dans  le  premier  ordre  de  la  sixième  classe,  dans  le  système  de 
Linnée.  Ces  belles  et  superbes  fleurs  ont  tellement  gagné  l'es- 
time des  curieux  de  l'Europe,  qu'ils  n'ont  épargné  ni  peine  ni 
dépense  pour  les  faire  venir  des  pays  les  plus  éloignés  de 
l'Orient,  ni  pour  les  cultiver  chez  eux.  C'est  ce  qui  fait  qu'elles 
sont  en  général  si  connues,  que  des  personnes  qui  ne  sont  pas 
du  tout  versées  dans  la  botanique,  voient  tout  de  suite  qu'elles 
appartiennent  à  la  même  famille.  Vous  n'êtes  certainement  pas 
embarrassée  pour  déterminer  leur  rapport  général  et  leur  ana- 
logie, d'après  les  notions  préliminaires  qui  ont  été  données  dans 
la  première  lettre,  et  l'expérience  que  vous  avez  acquise  de- 
puis. Ilreste  donc  seulement  à  vous  instruire  deleurs  caractères 
génériques  et  spécifiques  ;  et  pour  cet  effet,  je  vous  présenterai 
quelques-unes  de  ces  plantes  qui  peuvent  le  plus  être  à  votre 
portée.  Si  je  voulais  mettre  sous  vos  yeux  chacune  des  plantes 
liliacées,  qui  mérite  votre  attention,  par  sa  beauté ,  il  faudrait 
que  j'épuisasse  toute  la  famille.  Il  y  a  premièrement  deux  pré- 
cautions à  prendre.  D'abord  on  doit  observer  que  la  famille  des 
liliacées  n'est  pas  bornée  à  la  classe  de  Vhe.xandne ,  quoique 
la  plus  grande  partie  y  soit  contenue;  ensuite  on  doit  savoir 
que  d'autres  plantes ,  en  petit  nombre  '  à  la  vérité,  doivent  être 
rangées  dans  le  même  ordre. 

Vous  vous  ressouvenez  que  le  lis  n'a  point  de  calice  ;  cepen- 
dant vous  ne  devez  pas  supposer  que  toute  la  famille  manque 
de  cette  partie  si  importante  dans  la  fleur.  C'est  une  circon- 
stance qui  occasionne  une  subdivision  triple  dans  cet  ordre.  La 
première  est  de  celles  qui  ont  un  calice  ;  la  seconde,  de  celles  qui 

•  Dix-huit  genres  de  soixante-cinq.  Toute  la  classe  a  quatre-vingt-un  genres, 
l't  quatre  cent  soixante  treize  espèces. 


3lO  LETTRES  l^LÉM  ENT  AIRES 

ont  une  gaînc  qui  couvre  la  corolle,  tandis  qu'elle  est  en  bouton, 
mais  qui  est  déchirée  et  abandonnée  par  la  corolle  quand  elle 
est  épanouie;  erifin  de  celles  qui  ont  la  corolle  tout-à-fait  nue. 

Vous  n'auriez  pas  soupçonné  peut-être,  à  la  première  vue, 
que  Vananas,  ou  la  pomme  de  pin,  fût  de  cette  famille.  C'est 
presque  le  seul  genre  qui  soit  capable  de  vous  égarer.  La  fleur 
a  un  calice  supérieur  à  trois  pointes,  une  corolle  de  trois  pé- 
tales, une  écaille  attachée  à  la  base  de  chaque  pétale  ;  le  fruit 
est  une  espèce  de  baie.  L'espèce  est  distinguée  par  ses  feuilles 
longues,  étroites  et  pointues,  comme  celles  de  l'aloès,  dentelées 
sur  les  bords,  et  garnies  d'épines  tendres.  Elle  se  fait  recon- 
naître aussi  par  son  fruit,  qui  est  terminé  par  une  touffe  de 
feuilles,  qu'on  appelle  ordinairement  la  couronne;  ce  fruit,  lors- 
qu'il est  planté,  prend  racine  et  produit  un  autre  fruit.  Il  y  a 
des  différences  dans  le  fruit,  que  ceux  qui  cultivent  cet  objet 
de  luxe  peuvent  remarquer;  mais  ce  ne  sont  que  des  variétés  de 
la  même  espèce,  et  qui  ne  sont  nullement  intéressantes  pour 
le  botaniste. 

La  tradescantia ,  ou  l'herbe  d'araignée  de  la  Virginie  ' ,  est 
une  autre  plante  de  la  famille  des  liliacées  qui  est  fouraie  d'un 
calice,  lequel,  dans  cette  espèce,  est  composé  de  trois  feuilles; 
la  corolle  aussi  a  trois  pétales ,  et  la  capsule  a  trois  cellules.  Elle 
se  fait  remarquer  en  ce  qu'elle  a  des  filets  garnis  de  franges 
de  cheveux,  dont  la  couleur  est  pourpre.  L'espèce  commune 
dans  les  jardins  est  distinguée  des  sept  autres  par  sa  tige  unie  et 
droite  ,  et  par  les  fleurs  qui  croissent  en  grappes  au  sommet.  Ces 
fleurs  sont  d'une  belle  couleui"  pourpre  et  épanouissent  par  suc- 
cession pendant  la  plus  grande  partie  de  l'été  ,  quoique  chaque 
fleur  ne  continue  d'être  ouverte  qu'un  seul  jour.  D'après  le 
nombre  des  parties  de  la  fructification  et  les  feuilles  en  forme 
d'épée,  cette  plante  doit  être  l'angée  dans  la  classe  des  iris  et 
des  autres  plantes  de  ce  genre. 

Parmi  les  plantes  qui  ont  une  gaine  en  place  de  calice,  ou 
compte  la  modeste,  l'humble,  la  précoce  goutte  déneige  qui 
vient  une  des  premières  nous  saluer  avant  le  retour  du  prin- 
tems  ;  elle  est  aussi  blanche  que  la  neige,  dont  elle  se  trouve 
souvent  couverte.  On  la  distingue  par  sa  corolle  supérieure  de 

•  Herbe  bonae  pour  la  moi>ure  îles  araiguées  venimeuses. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  3ll 

six  pétales,  dont  ceux  qui  sont  intérieurs  sont  plus  courts  de 
moitié  que  les  autres  et  entaillés  au  bout.  On  n'a  pas  besoin 
d'en  dire  davantage  d'une  fleur  qui  est  si  généralement  connue. 

Le  narcisse  est  une  autre  plante  qui  appartient  à  cette  divi- 
sion. Il  y  en  a  plusieurs  espèces,  qui  ont  toutes  les  caractères  sui- 
vants :  une  corolle  supérieure  de  six  pétales  égaux,  et  un  nectaire 
en  forme  d'entonnoir,  d'une  seule  pièce,  qui  renferme  les  éta- 
mihes.  Les  espèces  les  plus  connues  sont  :  le  narcisse  blanc  com- 
mun, le  narcisse  sauvage,  le  narcisse  multiflore  et  la  jonquille. 
La  première  et  là  seconde  de  ces  plantes,  dans  leur  état  naturel, 
n'ont  qu'une  fleur  qui  sort  de  la  même  gaine;  la  troisième  et  la 
quatrième  en  ont  plusieurs.  La  première  a  le  nectaire  au  milieu 
de  la  fleur;  il  est  en  forme  de  roue ,  fort  court  et  un  peu  entaiUé 
sur  le  bord.  La  seconde  a  un  grand  nectaire  droit ,  frisé,  et  en 
forme  de  cloche  ',  quelquefois  aussi  long  que  les  pétales  ovales 
de  la  corolle.  La  troisième  a  un  nectaire  tronqué  au  bout,  et 
faisant  le  tiers  de  la  longueur  des  pétales  ;  celle-ci  a  des  feuilles 
plates,  au  lieu  que  la  quatrième  les  a  subulées,  longues  et 
étroites,  comme  celles  d'un  jonc.  Elle  a  aussi  un  nectaire  court, 
en  forme  de  cloche.  L'estime  qu'on  a  toujours  eue  pour  ces  fleurs 
est  cause  qu'on  a  su  tirer  un  grand  nombre  des  variétés  des 
plantes  mères.  Les  catalogues  hollandais  ne  contiennent  pas 
moins  de  trente  variétés  du  narcisse  multiflore  ;  dans  les  ti'ois 
autres,  le  nectaire  se  change  entièrement  en  pétales,  par  l'effet 
de  la  culture.  Les  pétales  de  la  première  sont  blancs,  et  le  nec- 
taire jaune  ;  les  pétales  de  la  seconde  sont  naturellement  de 
«ouleur  de  soufre  pâle  ,  et  le  nectaire  jaune;  les  pétales  de  la 
troisième  sont,  ou  blancs  ou  jaunes,  avec  des  nectaires  de  cou- 
leur orange ,  et  la  quatrième  est  toute  jaune. 

Il  n'y  a  point,  dans  tout  le  système  végétal,  de  plante  plus 
belle,  et  qui  ait  des  fleurs  plus  superbes  que  V amaryllis ,  connue 
par  sa  coi'olle  supérieure,  en  forme  de  cloche,  composée  de  six 
pétales ,  ses  étamines  de  longueur  inégale ,  et  son  stigmate  à 
trois  pointes.  Outre  plusieurs  autres  espèces  qui  se  présentent 
moins  fréquemment ,  ou  qui  sont  moins  belles  ,  vous  trouverez 
ici  le  lis  de   Saint-Jacques,  qui  ne  produit  qu'une  ou  tout  au 

Jî  Les  narcisses  remplissent  leurs  nectaires  ou  calices  de  fleurs;  les  narcisses 
devancent  le  retou  r  de  l'iiirondelle,  et  soutiennent  les  vents  du  mois  de  mars. 


5l'2  LKTTIIES   ELEMENTAIRES 

plus  deux  de  ses  fleurs,  grandes  et  d'un  lou^e  foncé,  qui  soiteuÈ 
du  même  fourreau.  Les  trois  pétales  inférieurs  sont  plus 
grands  que  les  autres,  et  sont  courbés  en  en-bas,  ainsi  que 
les  étamines  et  le  pistil.  Toute  la  fleur  se  balance  sur  un  côté 
de  la  tige,  et  fait  une  très-belle  apparence,  particulièrement  au 
soleil,  et  il  semble  alors  qu'elle  est  parsemée  de  poudre  d'or. 

Le  lis  du  Mexique  a  plusieurs  fleurs  en  général,  depuis  deux 
jusqu'à  quatre,  qui  sortent  du  même  fourreau;  la  corolle  est  eu 
forme  de  cloche,  et  régulière;  les  trois  pétales  extérieurs  sont 
recourbés  au  bout;  les  trois  intérieurs  sont  ciliés  à  la  base;  les 
étamines  et  le  pistil  sont  plies  en  en-bas.  Les  fleurs  sont  grandes, 
d'une  couleur  de  cuivre  brillant,  qui  s'approche  du  rouge;  le 
style  est  rouge ,  ce  qui  n'est  pas  ordinaire;  la  base  de  la  corolle 
est  d'un  vert  blanchâtre. 

Le  lis  de  Grenesey  a  aussi'plusieurs  fleurs  dans  la  même  gaine, 
les  corolles  roulées  en  arrière,  et  l'étamine  et  le  pistil  droits. 
Les  corolles  sont  de  la  couleur  rouge  la  plus  riche,  poudrées 
d'or.  On  croit  que  cette  belle  fleur  vient  originairement  du 
Japon. 

La  tulipe,  et  quelques  autres  que  je  vais  maintenant  vous 
présenter,  ressemblent  au  lis,  en  ce  qu'elles  ont  des  corolles 
nues  et  qui  n'ont  point  d'enveloppe'.  La  tulipe,  dont  les  variétés 
sont  inlinies  dans  l'état  cultivé,  et  ayant  les  fleurs  les  plus  pom- 
peuses, offre  une  corolle  inférieure,  çn  forme  de  cloche,  de 
six  pétales;  point  de  style,  mais  seulement  un  stigmate  trian- 
gulaire, qui  est  collé  contre  un  long  germe  prismatique.  L'es- 
pèce est  distinguée  par  ses  feuilles  courtes,  en  forme  de  lance, 
et  ses  fleurs  droites,  de  la  tulipe  d'Italie,  dont  les  fleurs  se 
balancent  un  peu,  et  ont  des  feuilles  plus  longues  et  plus  étroites, 
en  forme  de  lance,  des  corolles  jaunes,  qui  ne  varient  jamais 
pour  la  couleur,  se  terminant  en  pointes  aiguës,  et  ayant  une 
douce  odeur.  La  couleur  commune  de  la  tulipe  orientale,  dans 
l'état  de  nature  est  rouge.  Quand  cette  couleur  est  interrom- 
pue par  des  raies,  effet  que  produit  la  culture,  des  fleuristes 

^  Lianée ,  dans  son  ordre  naturel ,  a  divisé  la  famille  des  liljacées  en  ensatie  , 
eusiformes  ,  dont  on  a  déj.\  fait  mention;  en  spalhacees ,  ou  en  gaînc,  qu'on 
vient  de  décrire,  et  en  coronaires ,  qu'on  va  exposer.  Quelques-unes  aussi  de 
ses  sarmenUicées  appartiennent  à  cette  famille. 


SUR   LA    BOÏAJVIQUE.  3l3 

hollandais  achètent,  au  prix  de  cent  ducats,  im  seul  oignon  d'une 
pareille  tulipe. 

Combien  différent  de  ces  plantes  superbes  est  le  modeste 
mais  élégant  lis  des  vallées',  muguet  de  mai,  dont  l'odeur  est 
si  douce!  La  corolle  pure,  en  forme  de  cloche,  est  partagée 
au  sommet  en  six  segments ,  qui  sont  un  peu  courbés  en  ar- 
rière. Le  vaisseau  à  semence  n'est  pas  une  capsule  ,  comme 
dans  la  plupart  des  plantes  de  cette  classe ,  mais  une  baie  qui 
cependant  est  divisée  en  trois  cellules,  dans  chacune  desquelles 
est  logée  une  semence  ;  cette  baie,  avant  de  mûrir,  est  parsemée 
de  taches.  Je  ne  doute  pas  que  vous  ne  l'ayez  cherchée  en  vain  ,< 
parce  que  cette  plante  produit  rarement  son  fruit.  La  raison  en 
est  que  sa  racine  s'étend  beaucoup,  et  augmente  si  fort  de  ce 
côté,  qu'elle  oublie  de  faire  croître  l'autre  extrémité.  J'ai  vu 
de  grandes  étendues  de  terrain  qui  en  étaient  couvertes,  dans 
les  endroits  les  plus  profonds  des  bois,  sans  que  je  pusse  trouver 
des  baies  sur  aucime  de  ces  plantes.  Le  moven  de  s'en  procu- 
rer est  d'emprisonner  la  plante  dans  l'espace  étroit  d'un  pot  ; 
de  cette  manière,  la  racine  ne  pouvant  plus  ramper,  on  fera 
développer  la  baie.  Cette  espèce  est  distinguée  du  sceau  de  Sn- 
lomon,  et  des  autres  de  ce  genre,  par  les  fleurs  qui  croissent 
sur  une  tige  nue.  Elle  a  seulement  deux  feuilles  qui  prennent 
leur  naissance  immédiatement  de  la  racine. 

La  jacinthe  est  une  des  plantes  les  plus  chéries  des  fleuristes. 
Dans  l'état  naturel  où  vous  la  trouvez  rarement,  la  corolle  est 
simple  et  taillée  en  six  segments.  Il  y  a  trois  pores  ou  glandes 
au  sommet  du  germe,  d'où  il  transude  du  miel.  L'espèce  d'où 
toutes  les  belles  variétés  prennent  leur  origine  ,  a  la  corolle  en 
forme  d'entonnoir,  à  demi  partagée  en  six  segments,  et  s'en- 
flant  au  bas.  Il  ne  faut  pas  confondre  cette  espèce  avec  la  ja- 
cinthe des  prés,  ou  la  plante  aux  cloches  bleues  des  forêts,  de 
l'Europe,  qui  a  des  fleurs  plus  longues,  plus  étroites,  qui  ne 
s'enflent  point  par  le  bas ,  et  sont  roulées  en  arrière,  à  leur  ex- 
trémité. La  touffe  de  fleurs  est  aussi  plus  longue,  et  le  sommet 
se  penche  en  en-bas.  On  trouve  souvent  cette  plante  avec  des 
corolles  blanches. 

L'aloès  forme  un  genre  remarquable,  pour  la  beauté  des 

'  C'est  une  des  sarmeutacées  daus  les  ordres  naturels. 


Hl4  LETTRES   :ÉLÉMENTA1RES 

plantes  et  le  nombre  des  individus  qui  composent  ce  ijenie, 
qui  est  distingué  par  ses  corolles  droites,  évasées,  et  partagées 
en  six  segments.  Il  en  exsude  un  suc  fort  doux;  les  filets  sont 
insérés  dans  le  réceptacle.  Linnée  réduit  ce  genre  à  dix  es- 
pèces; mais  elles  renferment  des  variétés  bien  distinctes,  si  ce 
ne  sont  pas  des  espèces.  Elles  ont  toutes  des  feuilles  épaisses, 
remplies  de  suc.  On  peut  distinguer  les  espèces  ou  par  les 
formes  diverses  des  feuilles ,  ou  par  la  forme  des  fleurs  et  la 
manière  dont  elles  croissent. 

Si  vous  entendez  dire  que  le  grand  aloès  d'Amérique  fleurit 
quelque  part  dans  votre  voisinage ,  v'ous  trouverez  qu'il  diffère 
de  l'aloès  proprement  dit,  par  la  corolle  qui  est  supéiieure,  ou 
placée  sur  le  haut  du  germe ,  et  les  filets  qui  sont  plus  longs 
que  la  corolle.  Dans  la  première  circonstance  ,  cette  plante  dif- 
fère de  presque  tous  les  individus  de  la  famille  des  liliacées , 
qui  ont  le  germe  renfermé  dans  la  corolle.  Je  dois  vous  avertir 
qu'il  faudra  que  vous  montiez  sur  une  échelle  ou  sur  un  écha- 
faud  pour  examiner  les  fleurs,  car  elles  croissent  sur  une  tige 
qui  sélève  quelquefois  à  la  hauteur  de  vingt  pieds.  Vous  savez 
que  c'est  une  erreur  vulgaire  de  croire  que  cette  plante  ne  fleurit 
que  tous  les  cent  ans.  La  vérité  est  que ,  dans  son  pays  natal , 
elle  fleurit  peu  d'années  après  sa  naissance  ;  mais,  dans  nos  cli- 
mats glacés  ,  elle  emploie  plusieurs  années  à  produire  sa  haute 
tige  et  ses  nombreuses  fleurs.  Le  terme  de  sa  vie,  dans  notre 
pays,  est  incertain.  Après  avoir  fleuri ,  elle  produit  im  certain 
nombre  de  rejetons ,  et  meurt.  Cela  n'arrive  pas  à  l'aloès  pi'O- 
prement  dit.  Dans  celle-ci ,  la  tige  qui  fleurit  est  produite  par 
le  côté  du  cœur,  ou  par  les  feuilles  centrales;  au  lieu  que,  dans 
l'autre,  la  tige  qui  fleurit  sort  du  centre  même  ,  dans  l'endroit 
où  vous  observez  que  les  feuilles  spnt  fort  voisines  l'une  de 
l'autre  avant  de  s'étendre. 

Parmi  les  plantes  non  liliacées,  qui  appartiennent  à  ce  pre- 
mier ordre  de  la  sixième  classe,  ou  trouve  un  arbiisseau  ,  l'é- 
pine-vinette,  et  plusieurs  plantes  qui  n'ont  point  de  corolle  , 
«omme  le  calamus  aromadcus ,  ou  roseau  aromatique,  le  rat- 
-can,  et  toutes  les  espèces  de  joncs. 

Le  riz  est  presque  la  seule  plante  qu'où  trouve  dans  le  second 
ordre  de  cette  classe  ;  il  a  exactement  la  forme  et  la  structure  des 


SUR  LA   BOTANIQUE.  3l5 

lieibes  des  champs;  il  diffère  d'elles  seulement  par  le  nombre 
des  étamines. 

Le  troisième  ordre  comprend  toutes  les  espèces  d'oseille , 
genre  très  -  nombreux  ,  qui  contient  trente  -  une  espèces.  Les 
plantes  de  cet  ordre  se  font  connaître  par  le  calice,  qui  est 
composé  de  trois  feuilles  ,  la  corolle  qui  est  de  trois  pétales 
connivents,  et  une  semence  triangulaire.  Ces  plantes  ne  vous 
attireront  pas  par  leur  beauté;  leurs  fleurs  sont  plus  nom- 
breuses que  remarquables.  L'oseille  sanguine  a  les  valvules  des 
fleurs  tout-à-fait  entières  ;  une  d'elles  porte  une  semence ,  et 
les  feuilles  sont  en  forme  de  lance  ,  et  creusées  près  du  pétiole. 
L'oseille  frisée  a  les  valvules  entières  et  portant  des  graines; 
les  feuilles  sont  en  forme  de  lance,  ondoyantes  sur  les  bords, 
et  pointues  au  bout.  L'oseille  sinuée  a  les  valvules  entaillées 
sur  les  bords,  dont  une  porte  ordinairement  des  graines,  et  les 
feuilles ,  qui  sont  près  de  la  terre ,  formées  comme  le  corps 
d'un  violon.  La  grande  oseille  d'eau  a  les  valvules  entières  et 
■portant  des  graines,  les  feuilles  en  forme  de  lance  et  pointues. 
L'oseille  émoussée  commune  a  les  valvules  entaillées  et  portant 
des  graines;  les  feuilles  sont  oblongues,  creusées  à  la  base, 
près  de  laquelle  elles  sont  entaillées,  et  obtuses  au  bout.  L'o- 
seille aiguë  commune  a  les  valvules  oblongues,  entièi'cs ,  fort 
petites,  dont  les  extérieures  portent  des  graines  ;  les  feuilles  sont 
oblongues  et  creusées  à  la  base  ;  mais  elles  s'allongent  en  pointe. 
Les  deux  espèces  communes  diffèrent  de  toutes  les  autres,  dans 
une  circonstance  remarquable  ;  car  elles  ont  les  fleurs  qui  por- 
tent les  étamines,  et  celles  qui  poitent  les  pistils,  sur  des 
plantes  séparées;  pour  cette  raison,  elles  appartiennent  stric- 
tement à  la  vingt -deuxième  classe;  mais  elles  ne  sont  évidem- 
ment, comme  vous  le  reconnaîtrez  après  l'examen  du  même  genre 
naturel ,  ([ue  les  diverses  autres  espèces  d'oseille.  Il  y  a  l'oseille 
commune,  et  l'oseille  de  mouton;  la  première  croît  dans  les  prai- 
ries  et  les  pâturages  ;  la  seconde  sur  des  terrains  secs  et  sa- 
blonneux; la  première  a  des  feuilles  oblongues,  qui  ressemblent 
à  la  pointe  d'une  flèche;  la  seconde  a  des  feuilles  faites  comme 
la  pointe  d'une  hallebarde.  Ainsi  vous  avez  les  movens  de  dis- 
tinguer huit  espèces  doseille. 

Le  colchique  d'automne  appartient  aussi  à  cet  ordre,  et  doit. 


3l6  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

être  rangé  évidemment  dans  la  famille  des  liliacées.  Sa  ressem- 
blance avec  le  crocus,  ou  le  safran,  est  manifeste.  Comme  celui- 
ci  ,  il  a  un  spathe  pour  calice  ;  la  corolle  est  divisée  en  six  par- 
ties, avec  un  tube  qui  s'étend  en  bas  jusqu'au  bulbe  ;  la  capsule 
est  de  trois  lobes  ,  avec  trois  valvules  et  trois  cellules;  en  sorte 
que  si  ce  n'était  que  l'une  a  trois  étamines  avec  un  style,  et  l'au- 
tre six  étamines  avec  trois  styles  ,  ces  deux  plantes  seraient  du 
même  genre.  Le  colchique  des  prairies  a  des  feuilles  plates  ,  en 
forme  de  lance,  et  droites;  les  fleurs  sont  d'un  pourpre  clair; 
les  premières  s'épanouissent  dans  le  printemps  et  les  dernières 
dans  l'automne. 

Dans  le  dernier  ordre  de  cette  sixième  classe  sont  les  flù- 
teaux,  qu'on  reconnaît  aisément  par  le  calice  de  trois  feuilles,  et 
la  corolle  de  trois  pétales,  à  laquelle  succèdent  plusieurs  cap- 
sules comprimées  ,  dont  chacune  contient  une  semence.  Le  flû- 
teau  plantaginé  est  assez  commun  dans  les  endroits  humides  , 
sur  les  bords  des  rivières  et  des  ruisseaux.  On  le  distingue  de 
ses  autres  espèces  ,  par  ses  feuilles  qui  sont  ovales  et  aiguës, 
et  ses  fruits  triangulaires  et  obtus.  C'est  une  des  plantes  sur  les- 
quelles vous  ne  pouvez  vous  tromper  :  si  les  différences  de 
toutes  les  plantes  étaient  si  fortement  marquées ,  cela  vous 
exempterait  de  beaucoup  de  peine ,  ma  chère  cousine  ;  mais 
alors  vous  n'auriez  plus  autant  de  sujet  d'exercer  votre  talent 
et  votre  sagacité. 


LETTRE  IX. 

i^rjuin  1775. 

La  nature  parait  ne  pas  se  plaire  dans  le  nombre  sept,  la  sep- 
tième classe  étant  la  moins  nombreuse  de  toutes.  Elle  ne  con- 
tient pas  plus  de  sept  genres  et  de  dix  espèces.  Dans  le  nombre 
de  ces  plantes  ,  j'en  choisirai  seulement  une,  pour  vous  la  faire 
observer,  et  ce  sera  le  marronier  d'Inde.  Cette  plante  appar- 
tient au  premier  ordre  ,  et  voici  quels  sont  les  principaux  ca- 
ractères du   genre.   Un  petit  calice  monopliylle,  légèrement 


SUR  LA  BOTANIQUE.  .^17 

partagé  au  sommet  en  cinq  segments ,  et  enflé  à  la  base  ;  une 
corolle  de  cinq  pétales  insérés  dans  le  calice  et  diversement 
colorés  ;  une  capsule  de  trois  cellules ,  dans  une  ou  deux  des- 
quelles il  n'y  a  qu'une  semence.  Linnée  dit  que  ,  quoique  en 
général  il  n'y  ait  pas  plus  d'une  semence  qui  atteigne  le  point 
de  perfection  ,  cependant  il  y  en  a  deux  dans  la  jeune  capsule  ; 
mais  certainement  la  troisième  cellule  n'est  pas  faite  pour  rien. 
Pour  cette  raison,  je  soupçonnerais  que,  dans  l'Asie,  le  cli- 
mat naturel  de  ce  bel  arbre,  la  capsule  contient  tiois  noix.  La 
forme  du  marronier  d'Inde  est  grande;  les  pyramides  de  fleurs 
sont  belles ,  et  avec  les  grandes  feuilles  digitées  ,  elles  forment 
un  bel  ensemble. 

La  huitième  classe  a  quarante -quatre  genres  ,  et  deux  cent 
soixante-treize  espèces.  La  capucine  est  une  de  ce  nombre.  Le 
calice  est  inférieur ,  d'une  feuille  coupée  en  cinq  segments  ,  et 
terminée  par  un  éperon.  La  corolle  a  cinq  pétales  inégaux,  et 
il  lui  succède  trois  baies  sèches,  dans  chacune  desquelles  il  y  a 
une  semence.  La  plus  grande  espèce  '  est  très-commune  dans  les 
jardins,  et  elle  est  connue  par  ses  feuilles,  qui  sont  divisées  au 
bord  en  cinq  lobes,  et  que  le  pétiole  est  attaché  au  milieu  de 
la  surface  delà  feuille.  Les  pétales  sont  émoussés  au  bout  dans 
celui  -  ci ,  au  lieu  que ,  dans  la  plus  petite  espèce ,  les  pétales 
sont  pointus.Les  corolles  de  l'un  et  de  l'autre  sont  grandes  ,  et 
d'une  belle  couleur  orange. 

L'onagre,  ou  herbe  aux  ânes,  plante  de  Virginie ,  maintenant 
si  commune  dans  les  jardins  de  l'Europe,  a  un  calice  mono- 
phyle,  coupé  en  quatre  segments,  une  corolle  de  quatre  pé- 
tales, et  une  capsule  cylindrique  de  quatre  cellules,  qui  con- 
tient des  semences  nues.  L'onagre  bis  annuelle^,  qui  est  très- 
commune,  a  des  feuilles  plates  en  forme  de  lance,  et  une  tige 
velue  ;  la  corolle  est  d'un  beau  jaune ,  fermée  ordinairement 
pendant  le  jour ,  mais  qui  s'épanouit  le  soir,  d'où  quelques-uns 
la  nomment  primevère  de  nuit. 

Nos  herbes  de  saule  européennes  touchent  de  très -près  à 
cette  dernière  plante.  Elles  en  diffèrent  seulement  en  ce  qu'elles 
ont  un  calice  de  quatre  feuilles,  et  des  semences  garnies  de 

•  Grande  capuciue. 

*  Kpilaubes,  on  herbes  de  saint  Antoine,  petit  laurier  rose. 


3l8  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

duvet.  Il  y  en  a  une  espèce,  commune  dans  les  vieux  jardins, 
qu'on  appelle  épilaube  à  feuilles  étroites ,  qui  a  les  feuilles  en 
forme  de  lance  ,  approchant  des  linéaires  ,  placées  irrégulière- 
ment sur  la  tige,  des  fleurs  irrégulières  et  des  étamines  pliées  en 
en-bas.  L'épilaube  velue,  devenant  commune  dans  les  lieux  hu- 
mides ,  le  long  des  fossés ,  des  haies  et  des  ruisseaux ,  et  qu'on 
nomme  vulgairement  fausse  groseille,  à  cause  de  l'odeur  des 
feuilles  quand  on  les  froisse  légèrement,  a  des  feuilles  en  forme 
de  lance ,  dentelées  sur  les  bords ,  qui  courent  en  bas  de  la  tige  ; 
les  inférieures  sont  opposées.  Les  étamines  de  celle-ci,  et  de 
toutes  nos  espèces  communes ,  sont  droites ,  et  les  pétales  bi- 
fides. Quatre  des  filets  sont  courts,  et  les  autres  quatre  s'élè- 
vent au  sommet  du  tube  de  la  corolle  ,  chacun  des  quatre  for- 
mant un  carré  régulier.  Je  ne  sais  pas  si  c'est  généralement 
ainsi,  mais  cette  année  j'ai  eu  peine  de  trouver  une  seule  de  ces 
plantes  ,  qui  ne  fût  pas  rongée  par  les  insectes  ;  de  sorte  que , 
si  je  n'eusse  bien  connu  cette  plante,  j'aurais  été  fort  embar- 
rassé à  déterminer  même  la  classe.  Les  fleurs  sont  grandes  , 
d'une  belle  forme ,  et  d'une  couleur  de  pourpre. 

Le  genre  des  bruyères  ne  contient  pas  moins  de  soixante- 
quatorze  espèces  d'arbrisseaux,  qui  ne  s'élèvent  pas  fort  haut, 
et  qui  ne  sont  pas  sans  beauté ,  quoique  l'abondance  avec  la- 
quelle cette  classe  est  répandue  la  rende  méprisable'.  Toutes 
ces  espèces  ont  en  commun  les  caractères  suivants  :  un  calice 
de  quatre  feuilles,  qui  renferme  le  germe;  une  corolle  d'un  pé- 
tale coupé  en  quatre  segments  ;  les  filets  sont  insérés  dans  le 
l'éceptacle ,  les  anthères  bifides  ,  et  il  y  a  une  capsule  de  quatre 
cellules. 

La  bruyère  commune ,  qui  est  une  plante  si  généralement 
répandue ,  qu'il  y  a  de  vastes  terrains  qui  en  prennent  leurs 
noms,  est  distinguée  par  les  anthères  qui  sont  terminées  par 
une  barbe  ,  et  qui  sont  couchées  dans  la  fleur,  le  style  parais- 
sant au-delà.  Les  corolles  sont  en  forme  de  cloches ,  et  non  pas 
tout-à-fait  régulières  ;  les  calices  sont  doubles  ,  les  feuilles  op- 
posites  et  formées  comme  le  fer  d'ime  flèche.  La  bruyère  cen- 
drée a  des  anthères  terminées  par  une  crête ,  et  couchées  dans 
la  corolle  ;  le  style  à  peine  en  sort  ;  le  stigmate  est  capité  ;  les 

1  La  bruyère  sauvage  elle-même  étale  «ne  txès-belle  couleur  pourpre. 


SUR   LA    BOTANIQUE,  3l9 

fleui-s  croissent  en  grand  noml)re ,  et  près  l'une  de  l'autre  ;  les 
corolles  sont  ovales ,  et  d'une  couleur  bleue;  les  feuilles  sortent 
par  trois,  et  l'écorce  est  de  couleur  de  cendre.  La  bruyère 
quaternée  a  les  anthères  comme  dans  la  première  ;  le  style  est 
an-dedans  de  la  corolle;  les  fleurs  croissent  en  tètes;  les  co- 
rolles sont  ovales ,  et  les  feuilles  sortent  par  quatre  :  cette  es- 
pèce-ci croît  dans  les  endroits  des  landes  qui  sont  marécageux , 
et  c'est  une  très-belle  espèce.  Les  espèces  étrangères  ne  se  ren- 
contrent pas  fréquemment;  je  ne  vous  en  parlerai  pas. 

Le  mézéreon  %  que  vous  estimez  beaucoup  en  ce  qu'il  vient 
vous  rendre  visite  de  bonne  heure  ,  et  dans  un  temps  où  vous 
ne  jouissez  pas  de  beaucoup  de  plantes,  et  qui  est  aussi  recom- 
mandable  pour  sa  bonne  odeur,  est  de  cette  classe  et  du  pre- 
mier ordre ,  ainsi  que  toutes  les  plantes  précédentes.  Il  n'a 
point  de  calice;  la  corolle  est  monopétale,  en  forme  d'enton- 
noir, renfermant  les  étamines,  et  ayant  le  bord  partagé  en 
quatre  segments;  le  fruit  est  une  baie  arrondie  contenant  une 
semence.  Cette  espèce  est  distinguée  des  autres  lauréoles  par 
ses  fleurs  qui  sont  sessiles  ,  sortant  par  trois  de  la  même  join- 
ture, et  par  ses  feuilles  en  forme  de  lance  et  tombantes;  les 
corolles  sont  de  couleur  de  pèche ,  d'un  rouge  foncé  ,  ou 
blanches,  et  les  baies  des  deux  pi^mières  sont  rouges;  celles 
de  la  dernière  sont  jaunes.  Il  y  a  une  espèce  de  ces  plantes  qui 
croît  nalui'ellement  dans  les  bois  et  le  long  des  haies,  qui  est 
toujours  verte ,  et  a  des  fleurs  qui  sortent  par  cinq  des  ailes  ; 
les  corolles  sont  d'un  vert  jaunâtre  ,  et  les  feuilles  en  forme  de 
lance.  C'est  une  plante  désagréable  à  voir  par  sa  situation  ,  le 
temps  qu'elle  fleurit ,  et  la  couleur  des  corolles  ;  elle  n'a  point 
l'agréable  odeur  du  mézéreon  ;  elle  n'est  cependant  pas  sans 
quelque  prix ,  comme  plante  toujours  verte,  et  fleurissant  à 
l'ombi'e  des  arbres  les  plus  touffus.  Les  deux  espèces  sont  fort 
chaudes  et  fort  caustiques  de  leur  nature;  malgré  cela,  les  oi- 
seaux aiment  beaucoup  à  manger  de  ses  baies. 

La  gentiane  jaune  perfoliée  est  maintenant  ùtée  de  la  classe 
des  autres  gentianes,  pour  être  mise  dans  le  second  ordre  de 
la  classe  présente,  attendu  que  le  nombre  huit  prévaut  dans 

1  Lauréole  gentille  ,  l)ois  fçentil. 


320  LETTRES    ÉLÉMENTAIRES 

les  étaraines,  le  calice  et  la  coi'olle;  par  rapport  aux  autres  circon- 
stances ,  elle  s'accorde  avec  le  genre  dans  lequel  on  l'avait  pre- 
mièrement renfermée.  On  la  trouve  dans  les  pâturages,  sur  un 
terrain  rempli  de  craie,  et  on  la  reconuiiît  aisément  par  ses  co- 
rolles jaunes  et  ses  tiges  droites,  unies  et  perfoliées. 

Le  troisième  ordre  a  un  genre  nombreux  qui  renferme  vingt- 
sept  espèces  parmi  lesquelles,  outre  plusieurs  autres  plantes 
communes,  sont  la  bistorte  ,  la  sanguinaire,  le  blé  sarrasin 
et  le  convôhulus  noir. 

La  bistorte  a  une  tige  simple  et  qui  n'est  point  partagée, 
terminée  par  une  pointe  de  fleurs;  les  feuilles  sont  en  forme  de 
lance,  et  en  général  creusées  à  la  base,  courant  le  long  du  pé- 
tiole, ou  formant  une  membrane  le  long  de  chaque  côté,  et 
ondoyantes  ;  la  racine  est  grande  relativement  à  la  hauteur  de 
la  plante  ;  elle  tourne  et  s'entrelace  dans  la  terre. 

La  sanguinaire  '  est  une  herbe  fort  commune  dans  les  che- 
mins; les  petites  fleurs  sont  produites  par  les  ailes  des  tiges , 
qui  sont  herbacées,  et  traînent  sur  la  terre;  les  feuilles  sont  en 
forme  de  lance  ;  et  étant  de  différente  forme  et  largeur  dans  les 
divers  sols,  elle  a  donné  lieu  à  former  des  distinctions  qui  ne 
sont  que  des  variétés. 

La  renouée  liseronne,  qui  fait  une  jolie  apparence  quand 
elle  est  cultivée,  a  des  feuilles  en  forme  de  flèches,  la  tige 
droite,  quoique  faible  et  unie ,  et  les  angles  des  semences  égaux. 

La  renouée  sarrasine,  blé  sarrasin,  ne  diffère  pas  beaucoup 
de  cette  dernière  ;  mais  les  feuilles  sont  en  forme  de  cœur  ;  la 
tige  est  angulaire  et  s'entrelace,  et  les  fleurs  sont  obtuses;  les 
anthères  sont  aussi  de  couleur  pourpre  ;  la  base  des  pétioles 
est  perforée  en-dessous  par  un  pore;  cette  heibe  se  ti'ouve  as- 
sez souvent  parmi  les  blés. 

Toutes  les  espèces  s'accordent  en  ce  qu'elles  n'ont  point  de 
calice  ;  la  corolle  est  divisée  en  cinq  segments  et  l'on  pourrait 
aisément  la  prendre  pour  un  calice  ;  il  n'y  a  qu'une  semence 
nue  et  angulaire. 

La  neuvième  classe  n'a  pas  autant  de  genres  que  la  septième  ; 
mais  elle  a  beaucoup  plus  d'espèces ,  parmi  lesquelles  on  en 

i   Anpelée  vulgairement  oentinaudp  ,  traînasse,  rcnoiiée. 


SUR  LA.  BOTANIQUE.  '6ll 

trouve  de  fort  remarquables,  comme  le  laurier,  le  cannelier, 
la  casse,  le  camphre,  le  benjoin  et  le  sassafras,  tous  compris 
dans  le  même  genre  ,  ainsi  que  l'acajou  et  la  rhubarbe.  Le 
genre  du  laurier  a  les  caractères  suivants  :  Il  n'y  a  point  de 
calice;  mais  la  corolle  ressemble  à  un  calice,  et  est  divisée  en 
six  parties  dans  la  plupart  des  individus  de  cette  espèce;  on 
remarque  un  nectaire  de  trois  glandes ,  chacune  terminée  par 
deux  soies  dures  qui  entourent  le  germe  ;  les  filets  sont  en  trois 
rangées ,  avec  deux  glandes  rondes  près  de  la  base  des  trois 
qui  forment  la  rangée  intérieure  ;  le  fruit  est  un  drupe  ovale  qui 
renferme  une  noix. 

Le  véritable  laurier  '  est  connu  par  ses  feuilles  toujours 
vertes,  veinées,  et  en  forme  de  lance;  la  corolle  s'éloigne  du 
caractère  général  en  ce  qu'elle  est  quadrifide,  ou  coupée  en 
quatre  segments.  Le  laurier  diffère  aussi  par  le  nombre  des 
étamines,  depuis  hiiit  jusqu'à  quatorze  ;  il  s'éloigne  aussi  de  la 
classe,  ayant  des  fleurs  incomplètes  sur  des  plantes  séparées. 
Linnée  cependant  l'a  gardé  dans  celte  classe ,  parce  qu'il  a  les 
caractères  essentiels  du  genre,  en  particuHer  les  glandes  sur  les 
filets  intérieurs.  Vous  aurez  peine  à  trouver  les  autres  espèces, 
au  moins  en  fleur. 

Nous  connaissons  principalement  l'acajou  par  la  noix,  qui 
croît  à  l'extrémité  d'un  corps  charnu,  aussi  gros  qu'une  orange , 
et  plein  d'un  jus  acide;  Linnée  l'appelle  le  réceptacle*  Entre 
les  deux  coquilles  est  une  huile  épaisse,  noire,  et  inflammable, 
avec  laquelle  vous  pouvez  marquer  votre  linge,  et  cette  mar- 
que ne  s'en  ira  point  au  blanchissage  :  cette  huile  fait  aussi  le 
plus  beau  vernis  noir.  Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  avertir  de  ne 
pas  mettre  cette  noix  dan^  votre  bouche.  Cette  huile  est  fort 
caustique,  et  fait  venir  de^  ampoules  sur  la  langue.  S'il  vous  ar- 
rive de  voir  cet  arbre  en  fleurs ,  vous  observerez  que  le  calice 
a  cinq  feuilles,  que  la  corolle  consiste  en  cinq  pétales  réfléchis, 
et  qu'il  y  a  dix  filets.  C'est  ce  qui  a  fait  que  Linnée  l'a  d'abord 
mis  dans  la  dixième  classe;  mais  un  de  ces  filets  se  trouvant 
constamment  sans  anthère ,  il  l'a  ensuite  rangé  dans  la  neu- 

I  Le  vrai  laurier  n'a  été  connu  que  dans  les  temps  modernes;  on  le  range 
dans  la  classe  nommée  icosandrie  sous  le  prunier.  Le  laurier  d'Alexandrie  est 
tm  ruscns  dans  la  classe  vingt-deuxième. 

R.  vir.  2  1 


322  LETTRES   ÉLÉ  JI  ENTA  I  R  ES 

vième.  Ce-pendant  des  observations  plus  récentes  ont  fait  re- 
connaître que  XanacardLum  a  des  fleurs  parfaites  et  à  étamines 
sur  des  individus  distincts.  Il  appartient  donc  au  second  ordre 
de  la  vingt-troisième  classe,  la  polygamie ,  diœcia. 

Ces  dernières  plantes  sont  du  premier  ordre;  la  rhubarbe 
est  du  second ,  la  trigyuie ,  n'y  ayant  point  de  plantes  connues 
de  cette  classe  qui  aient  deux  pistils.  Les  caractères  de  ce  genre 
sont  une  fleur  sans  calice ,  une  corolle  d'un  pétale  divisé  en  six 
segments ,  et  une  grande  semence  triangulaire  fort  semblable 
à  celle  de  l'oseille'.  Il  n'y  a  pas  eu  moins  de  quatre  espèces, 
qui  ont  été  envoyées,  et  qu'on  a  cultivées  en  différents  temps, 
dans  l'idée  où  l'on  était  d'avoir  en  elles  la  véritable  rhubarbe 
de  Tartai'ie.  Parmi  ces  espèces  se  trouve  le  rhapontic,  qui  de 
la  boutique  de  l'apothicaire  s'est  introduit  dans  la  cuisine  : 
on  estime  beaucoup  ses  pétioles  pour  faire  des  tartes  ;  les 
feuilles  sont  unies,  en  forme  de  cœur  arrondi ,  avec  les  pétioles 
épais,  rougeâtres,  un  peu  cannelés  sur  leur  partie  inférieure, 
mais  plats  au  sommet  ;  les  tiges  à  fleurs  sont  rouges ,  et  montent 
depuis  deux  jusqu'à  trois  pieds  de  hauteur;  elles  sont  termi- 
nées par  des  pointes  de  fleurs  blanches,  épaisses,  serrées  et 
obtuses,  qui  sortent  en  juin.  Cette  plante  croît  naturellement 
près  du  Pont-Euxin,  autrement  dit  la  mer  Noire. 

Il  y  a  de  bonnes  raisons  pour  assurer  que  les  trois  autres 
espèces  sont  la  vraie  rhubarbe.  Je  pense  qu'il  est  vraisemblable 
qu'on  les  cultive  en  Tartarie  à  cause  de  leurs  racines.  L'ime 
de  celles-ci  a  des  feuilles  plus  longues  que  le  rhapontic,  et 
plus  pointues;  elles  sont  aussi  plus  ondoyantes  sur  les  bords, 
un  peu  velues  sur  la  surface  supérieure  ,  et  elles  paraissent  de 
beaucoup  meilleure  heure.  Les  pétioles  ne  sont  pas  autant  can- 
nelés à  leur  surface  inférieure,  et.  ils  sont  unis  à  la  surface 
supérieure  :  ils  ne  sont  également  ni  aussi  rouges,  ni  aussi' 
épais.  La  tigeàfleurs  est  d'une  couleur  tirant  sur  le  brun,  etpâle; 
elle  s'élève  environ  à  la  hauteur  de  quatre  pieds,  se  partageant 
en  plusieurs  panicules  de  fleurs  blanches,  qui  paraissent  en  mai. 

Une  autre  a  des  feuilles  fort  unies,  luisantes,  et  en  forme  de 
cœur,  ne  formant  pas  la  pointe  autant  que  celles  de  la  seconde, 

I  On  les  place  l'une  et  l'autre  dans  le  même  ordre  naturel;  savoir,  la  cin- 
quième division  des  légumineuses ,  oleraceœ. 


^VR  LA  BOTAMQUK. 


---"   X.A   iiOTAlVlnTTr 

--  '»  base,  0.  „„  peu  o„d„  :  ™7  '  T  '°"'  f°''  '-ï» 
i«  pH,„los  son,  à  pei„,  j,  ;,  J  ='-'«-l«s  s,,,-  fe  bords, 
l»ce  supérieure  ;  iU  son,  d'  û  ";!  ,"'  '''P'"'"  *  '<■"■■  ™r- 
g™ds,„eceuxde.apre„u-,:;:  Pf'  «  presque  ..ussi 
^"'  pale,  de  cinq  ou  six  pieds  XT         t'^" ''  «'="'^  «'  d'un 

">™fe  de  fleurs  Uauches  „,„;„,         ■"™"''  """'<'"    "n  „a 
"«eu,  vers  la  fi„  de  ,„"  '  '  '"  "™"^"'  <'™ites,  e,  ,„!  ^^ 

«-:nixxrx;r,:;pr'','*"'^-''^p^'"-^e,d,f. 

par  ses  feuille,,  p,|„.^.^  e   forî  """'■'"  '"»"  de   uite 

™«?e    de  si.  ou^^ep,  p  ed   de    rT^n^"  ''''  '  ''™- 
Pan.cules  Uches.  Quoi  qu'il  eu  so  ,    I  '  '""'  ''''"'  des 

»«.;.épar  des  preuves  Ivdlmês'      '  '""'■^  "P'^«'.  on  est 
'"jWe  rhubarbe  de  Tartario     '  '""  """  «P'^^-i  es,  la  vt 

f-;^e:^^---£-rz:':; 

fleurs  „a,sse„,  J  iv,,,.,,,,;,    ^neZl    """  "'"""«»"'■  I-es 
"  ou,  po,„.  de  ealice  ;  „ai,  „„  "2^,.       '  ""  ""'"'"'^  ^  ^"e. 

<n--vin,,-q„iu.;;:t'' :--P^Pb;-.o„sid«.ab,e,  a,a„, 
prem.er ordre é,a„, for, „o,;b  e'? lI         ""?  "P^«^  ^e 
"S.OU  eommode  eu  celles  qui  ^^Z  !i    """■»  ' '=''' ™e  subdi- 
Pe'aies,  celles  dou,  la  corX"  X'  t„  ™™  '"  ''  P'""^"- 
1".  nou,  poiu,  de  corolle;  il  aêûco.l      ^J  *'  "'  ""'»  «"es 
"  eelles  qui  „„.  ,,„  coro  les  ir"  !  ,;'"'"''""'  '''  P'e">.eres 
des  corolles  égales.  La  plupar,  de°     7' !  "  ''"''  1"'  «"« 
P"Wé,ales  irréguliéres  ,iuï  m  deZ  "     ?'  '^^  "^"^  »"  " 

Pl-ouacecs,  que  vous  couua.sl  !,  T '■■"'''■"'""'es  pa- 
Plus  eouuues  son,  l-arbre  de  Judée  ri'-  ■"'"'  "^""^-ei,  fe, 
P-;u,   ,ou,es  les  nombreuses    'te  t"'"  ''"  ^'''''  ''^''"^ 

-™'^--.M..par,croisser:ri:tr;::-:;: 


3a4  LETTRES  ÉLIÉMENTAIRES 

et  dans  l'Amérique  méridionale.  Le  dictame  blanc,  ou  ta  fraxi- 
nelle  ,  est  aussi  de  cette  subdivision  ;  mais  elle  n'appartient  pas 
à  la  famille  des  papilionacées. 

Cette  fleur  élégante  est  connue  par  son  calice  à  cinq  feuilles , 
et  sa  corolle  de  cinq  pétales  qui  s'effeuillent  ;  les  filets  sont  gar- 
nis de  points  glanduleux  :  à  cette  corolle  succèdent  cinq  cap- 
sules liées,  contenant  deux  semences  couvertes  d'une  enve- 
loppe commune. 

Il  n'y  a  qu'une  espèce  de  fraxinelle  qui  varie  pour  la  couleur 
des  fleurs,  qui  sont  ou  d'un  rouge  pâle  rayé  de  pourpre,  ou 
blanches  ;  elle  a  des  feuilles  pinnées  assez  semblables  à  celles 
du  frêne  ;  toute  la  plante  exhale  une  odeur  d'écorce  de  citron  ; 
mais ,  quand  on  la  froisse ,  elle  a  une  odeur  balsamique. 

Parmi  les  plantes  qui  ont  des  corolles  polypétales  régulières 
ou  égales,  vous  trouverez  le  campéche,  le  gayac,  la  rue,  et 
la  gobbe  -  mouche ,  si  curieuse  pour  la  qualité  sensitive  des 
feuilles  qui  Se  resserrent  et  emprisonnent  les  insectes  qui  vien- 
nent se  reposer  sur  elles. 

La  rue  est  distinguée  par  les  caractères  génériques  suivants  ; 
le  calice  est  divisé  en  cinq  parties  ;  les  pétales  sont  concaves;  il 
y  a  dix  pores  pleins  de  miel  à  la  base  du  germe ,  qui  est  élevé 
sur  un  réceptacle  percé  du  même  nombre  de  pores,  et  enfin  une 
capsule  coupée  à  demi  en  cinq  parties,  consistant  en  cinq  cel- 
ules  au-dedaus ,  et  contenant  plusieurs  semences.  Si  je  ne  vous 
donne  pas  un  avis  relativement  à  la  rue  ordinaire  des  jardins, 
vous  serez  vraisemblablement  embarrassée  en  examinant  ses 
fleurs  ;  car  il  n'y  a  qu'une  fleur  sur  une  branche  qui  vous  of- 
frira les  caractères  génériques.  Dans  toutes  les  atitres,  il  faudra 
que  vous  fassiez  la  soustraction  d'un  cinquième  de  chaque  par- 
tie de  la  fructification.  Cette  circonstance  n'est  pas  particulière 
à  la  rue  ;  ou  la  trouve  dans  plusieurs  autres  plantes  ,  et  quel- 
ques personnes  en  ont  tiré  une  objection  contre  le  système  de 
Linnée.  Cet  illustre  auteur  s'est  tiré  de  cette  difficulté  en  for- 
mant son  caractère  sur  la  première  fleur,  comme  il  l'appelle,  et 
annonçant  cette  anomalie.  Il  y  a  d'autres  plantes  qui ,  dans  tout 
le  reste ,  ajoutent  une  cinquième  partie  au  nombre  de  celles 
qui  constituent  la  première  fleur. 

La  rue  des    jardins  est  distinguée  spécialement  en  partie 


SUR   LA   BOtAKIQUK.  3^5 

parce  qu'elle  a  les  fleurs  latérales  quadrifides ,  et  en  partie  par 
les  feuilles  qui  sont  décomposées.  Il  y  a  quelques  différences 
dans  cette  espèce  ;  la  rue  commune  des  jardins  a  les  lobes  qui 
composent  les  feuilles  en  forme  de  coin ,  et  les  étamines  plus 
longues  que  la  corolle:  une  autre  espèce,  qu'on  cultive  sou- 
vent ,  a  les  lobes  plus  étroits,  les  fleurs  en  grappes  plus 
longues  et  plus  étroites ,  et  les  étamines  égales  en  langueur  aux 
pétales j  le  vaisseau  à  semences  est  aussi  plus  petit  :  une  troi- 
sième espèce  a  les  lobes  d'une  forme  linéaire. 

L'andromédas,  le  bois  de  Rhodes,  le  kalraias  et  l'arbousier, 
ainsi  que  quelques  autres  ,  ont  des-coroUes  monopétales  Tégu.- 
lières.  Les  caractères  de  ces  derniers  arbrisseaux  sont  un  fort 
petit  calice  divisé  en  cinq  parties,  une  corolle  ovale  transpa- 
rente à  la  base  ;  le  fruit  est  une  baie  avec  les  semences  logées 
dans  cinq  cellules. 

L'arbousier  est  connu  par  sa  tige  boiseuse  ,  les  feuilles  unies,, 
dentelées  sur  les  bords ,  et  les  cellules  des  baies  qui  ont  plu- 
sieurs semences.  Quelques-unes  des  autres  espèces  ont  des 
tiges  faibles,  tombantes,  et  quelques  autres  ont  simplement 
une  semence  dans  chaque  cellule.  Vous  connaissez  bien  l'ar- 
bousier par  l'ornement  qu'il  fournit  à  vos  plantations  dans 
les  derniers  mois,  avec  ses  feuilles  épaisses  et  luisantes  et  ses 
grappes  de  fleurs  de  la  présente  année  accompagnées  de  baies 
rouges  et  rondes  de  la  dernière. 

Mais  il  ne  faut  pas  que  le  premier  ordre  de  la  dixième 
classe  prenne  trop  de  votre  temps,  puisqu'il  en  renferme  quatre 
autres.  Dans  le  second  vous  avez  toutes  les  saxifrages ,  au 
nombre  de  quarante-deux.  Elles  s'accordent  en  ce  qu'elles  ont 
un  calice  divisé  en  cinq  parties  ;  la  corolle  est  de  cinq  pétales  ;  il  y 
aune  capsule  d'unecellule  rempliede  plusieurs  petites  semences, 
et  terminée  par  deux  becs  de  style  permanents.  Dans  cette  es- 
pèce on  trouve  la  saxifrage  pyramidale,  qui  sert  d'ornement 
aux  salons  et  aux  cheminées  par  ses  belles  pyramides  de  fleurs 
blanches.  Il  y  en  a  plusieurs  variétés;  elles  ont  toutes  des 
feuilles  roides  en  forme  de  langue ,  avec  une  bordure  cartilagi- 
neuse dentelée,  et  ramassée  en  plusieurs  rangées  près  de  la 
terre;  du  milieu  de  ces  feuilles  sort  la  tige  qui  soutient  les  pa- 
nicules  de  fleurs. 


3^6  LETTilES  liLIiMEJNTAinES 

Une  autre  espèce  était  autrefois  foit  vantée,  et  on  la  montrait 
aux  fenêtres  et  aux  balcons  des  villes.  C'est  de  là,  et  parce  qu'elle 
est  réellement  belle ,  qu'on  la  nomme  l'ornement  de  Londres , 
et  la  plus  jolie  dans  un  temps  où.  l'on  connaissait  peu  de  plantes. 
Celle-ci  a  des  feuilles  oblongues  ou  arrondies ,  entaillées  sur 
les  bords ,  et  qui  sortent  de  pétioles  larges ,  aplatis  et  sillon- 
nés, de  la  longueur  de  près  de  deux  pouces;  elles  entourent  la 
tige  àfleurs,  qui  elle-même  est  privée  de  feuilles;  elles  sont  de  cou- 
leur rouge,  roides,  minces  et  velues  ;  les  corolles  sont  blanches, 
marquées  de  rouge. 

La  saxifrage  commune  blanche  fleurit  de  bonne  heure,  et  a 
des  fleurs  en  grande  quantité  ;  les  feuilles  radicales  sont  en  forme 
d'une  fève  de  haricot,  velues,  et  portées  par  des  pétioles  assez 
longs;  les  tiges  sont  velues,  et  dans  un  bon  terrain  elles  s'élèvent 
à  im  pied  de  hauteur,  et  se  divisent  en  branches;  elles  sont 
garnies  d'un  petit  nombre  de  feuilles  formées  comme  les  autres, 
mais  qui  sont  collées  à  la  tige;  les  fleurs  terminent  la  tige  en  pe- 
tites grappes;  les  corolles  sont  blanches  et  grandes,  relativement 
à  la  hauteur  de  la  plante.  S'il  vous  reste  quelque  doute  au  sujet 
de  cette  plante ,  arrachez-là  de  terre ,  et  vous  trouverez'  que 
les  racines  sont  comme  des  grains  de  blé,  et  d'une  couleur  rou- 
geâtre.  Dans  les  terrains  maigres  cette  plante  est  fort  petite  , 
et  n'a  seulement  que  deux  ou  trois  fleurs,  et  quelquefois  qu'une, 
sur  une  tige  qui  n'a  point  de  branches. 

Ces  espèces,  ainsi  que  la  plupart  des  autres,  ont  des  tiges 
droites;  mais  il  y  en  a  trois  qui  ont  des  tiges  faibles  et  traî- 
nantes. Parmi  celles-ci  il  y  en  a  ime  qui  a  beaucoup  de  ressem- 
blance avec  une  mousse, quand  elle  n'est  plus  en  fleur  :  à  cause 
de  la  manière  dont  elle  croît  en  touffe  épaisse,  on  lui  a  donné 
le  nom  anglais  àe  ladies'cushion.  Les  feuilles  sont  linéaires, 
quelques-unes  entières,  et  d'autres  à  trois  pointes;  les  petites 
tiges  à  fleurs  sont  hautes  de  trois  ou  quatre  pouces,  minces, 
droites  ,  et  presque  nues,  terminées  par  de  petites  fleurs  d'un 
blanc  sale. 

Le  genre  dianthusde  ce  second  ordre  est  nombreux  ainsi  que 
le  dernier,  comprenant  vingt-deux  espèces,  qui  s'accordent 
en  ce  qu'elles  ont  un  calice  cylindrique  d'une  feuille,  entouré 
à  la  base  par  quatre  écailles,  une  corolle  de  cinq  pétales,  et  une 


SUR   LA   BOTANIQUE.  3'2'J 

capsule  cylindrique  d'une  seule  cellule,  en  place  de  vaisseau 
pour  les  semences.  Plusieurs  de  ces  espèces  sont  belles  comme 
l'œillet  barbu,  l'œillet  carné,  l'œillet  avec  toutes  ses  nombreuses 
variétés ,  l'œillet  de  la  Chine,  distinct  des  précédents.  Plusieurs 
aussi  de  ces  espèces,  qui  sont  sauvages  dans  diverses  parties  de 
l'Europe,  quoique  ornées  de  fleurs  moins  brillantes,  et  plus 
modestes  dans  leurs  prétentions,  ne  sont  pas  cependant  sans 
leur  beauté.  L'œillet  carné  est  universellement  l'econnu  pour  le 
digne  chef  d'un  des  plus  beaux  ordres  naturels ,  auquel  on 
donne ,  à  cause  de  cette  fleur,  dont  l'odeur  est  si  suave ,  le  nom 
de  plantes  caryophyllécs.  Quand  nous  considérons  la  grandeur 
de  la  fleur,  la  beauté  de  ses  couleurs,  l'arrangement  de  ses  par- 
ties, et  surtout  l'odeur  aromatique  et  si  agréable  qu'elle  exhale, 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  lui  payer  le  tribut  d'ad- 
miration qui  lui  est  dû,  et  qu'on  lui  paiera  toujours ,  à  moins 
<ju'en  se  présentant  trop  souvent  à  nos  yeux  il  ne  rende  ses 
agréments  trop  communs  pour  être  estimés. 

Le  trait  caractéristique  qui  distingue  les  espèces  de  ce  genre 
est  dans  la  floraison.  L'œillet  barbu  et  quelques  autres  ont  des 
fleurs  agrégées  ;  l'œillet  carné,  l'œillet  de  la  Chine,  etc.,  ont  plu- 
sieurs fleurs  sur  la  même  tige  ,  non  pas  cependant  en  grouppes, 
mais  solitaires  ou  séparées.  Quelques-unes  en  petit  nombre 
ont  une  fleur  seule  sur  la  tige,  et  deux  ou  trois  ont  des  tiges 
de  la  nature  des  arbrisseaux.  Les  autres  particularités  qui  dis- 
tinguent les  espèces,  sont  que  les  écailles,  à  la  base  du  calice 
dans  l'œillet  barbu,  sont  d'une  forme  ovale  etsubulée,  et  aussi 
longues  que  le  tube  de  la  corolle  ;  dans  l'œillet  carné  et  l'œillet 
des  fleuristes,  elles  sont  subovales  et  fort  courtes;  dans  l'œillet 
de  la  Chine  elles  sont  subulées,  aussi  longues  que  le  tube,  et 
sont  pendantes.  L'œillet  barbu  a  aussi  des  feuilles  en  forme  de 
lance;  l'œillet  carné  et  l'œillet  de  la  Chine  ont  les  pétales  entail- 
lés ;  l'œillet  des  fleuristes  a  les  corolles  pubescentes  à  la  base, 
et  les  pétales  profondément  coupés.  Pour  l'ornement  et  la  beauté 
des  fleurs,  vous  recueillerez  ces  sortes  d'œillets  dans  votre  par- 
terre; mais,  comme  botaniste,  vous  les  prendrez  sur  ime  mu- 
raille ,  ou  sur  un  terrain  sec  et  inculte  ^  où  leur  simplicité  et 
l'évidence  des  caractères  naturels  vous  dédommageront  ample- 
ment du  peu  de  beauté  des  fleurs.  Vous  ne  vous  plaisez  pas 


3^8  LETTRES  ÈLIÉMENTAlIRES 

toujours  à  être  dans  un  bal  ou  dans  une  assemblée  parmi  des 
personnes  richement  vêtues  ;  vous  aimez  quelquefois  à  vous 
trouver  parmi  de  simples  villageois  couverts  d'humbles  vête- 
ments ,  et  dont  les  manières  sont  analogues  à  leurs  habits. 

Dans  le  troisième  ordre  ,  outre  quelques  autres  genres  ,  il  y  en 
a  quatre  contenant  plusieurs  espèces,  qui  ont  beaucoup  de  res- 
semblance les  unes  avec  les  autres;  cependant  on  les  distingue 
aisément  par  les  caractères  suivants  :  La  sabline  et  la  stellaire 
ont  une  capsule  d'une  seule  cellule;  le  carnillet  et  le  silène  ont 
une  capsule  de  trois  cellules.  Des  deux  précédentes ,  la  pre- 
mière a  les  pétales  entiers,  la  seconde  les  a  à  deux  pointes. 
Des  deux  dernières ,  qui  ont  toutes  les  deux  des  pétales  à  deux 
pointes ,  la  seconde  a  une  couronne  composée  d'une  rangée  de 
deux  pétales  fort  minces  dans  le  centre,  au  lieu  que  la  première 
n'a  rien  de  cela,  et  se  trouve  nue.  Les  sablines  et  les  stellaires 
ont  aussi  un  calice  à  cinq  feuilles  ;  dans  le  carnillet  il  est  fort 
eriflé ,  et  dans  le  silène  il  ne  l'est  pas  autant  ;  toutes  les  quatre 
ont  cinq  pétales  à  la  corolle. 

Le  carnillet  béhen  n'est  pas  une  herbe  rare  parmi  les  blés 
et  dans  les  prairies  ;  vous  le  connaîtrez  par  son  calice  qui  est 
presque  rond  et  fort  enflé ,  agréablement  veiné ,  en  sorte  qu'il 
semble  entouré  d'un  beau  réseau  qu'on  y  aurait  mis  dessus; 
il  est  tout-à-fait  uni;  les  corolles  ne  sont  pas  entièrement  nues 
et  sont  d'un  blanc  pur. 

On  trouve  les  orpins  dans  le  cjuatrième  ordre  ,  la  pentagy- 
nie;  on  les  connaît  en  ce  que  le  nombre  cinq  prévaut  généra- 
lement dans  toutes  les  parties  de  la  fleur;  le  calice  est  partagé 
en  cinq  segments  ;  la  corolle  est  de  cinq  pétales  avec  cinq 
écailles  nectarifères  à  la  base  du  germe  ,  et  cinq  capsules.  Il  faut 
aussi  faire  mention  de  deux  fois  cinq  étamines  et  de  cinq  styles , 
qui  forment  hîs  caractères  de  la  classe  et  de  l'ordre.  Plusieurs  de 
ces  plantes  se  trouvent  souvent  dans  un  état  sauvage  ,  parti- 
culièrement une  petite  espèce  traînante  avec  des  fleurs  jaunes 
qui  croissent  dans  une  triple  pointe ,  et  des  feuilles  unies , 
émoussées  et  ovales ,  creusées  en  gouttière,  et  adhérant  alter- 
nativement à  la  tige;  les  autres  espèces  ont  des  corolles  blan- 
ches, et  quelques-unes  des  corolles  rouges;  elles  croissent 
principalement  sur  les  murs,  ou  dans  des  terrains  fort  secs. 


SUR  LA.   BOTANIQUE.  829 

La  nielle  qui  est  une  herbe  si  commune  parmi  les  blés  ,  a  un 
calice  membraneux  et  monophylle  ;  la  corolle  est  de  cinq  pé- 
tales obtus  non  divisés  ,  et  il  y  a  une  capsule  oblongue  d'une 
cellule.  L'espèce  est  distinguée  par  la  rudesse  de  la  plante , 
la  longueur  des  segments  du  calice  ,  et  par  les  pétales  qui  sont 
entiers  et  nus. 

Il  y  a  plusieurs  espèces  de  lychnis  '  qui  s'accordent  dans  les 
caractères  suivants  :  un  calice  oblong,  uni  et  d'une  feuille  ; 
une  corolle  de  cinq  pétales  légèrement  bifides*,  et  une  capsule 
d'une  seule  cellule  et  de  cinq  valvules. 

Le  lychnis  écarlate,  qu'on  cultive  communément  dans  les 
jardins,  a  des  fleurs  qui  croissent  en  grappes,  en  sorte  que 
tout  l'ensemble  forme  presque  une  surface  plate  au  sommet; 
la  couleur  de  la  corolle  est  d'une  écarlate  très-foncée. 

La  lampette  visqueuse ,  ou  attrape -mouche,  ainsi  nommée 
à  cause  du  suc  visqueux  qui  exsude  des  tiges  sous  chaque  paire 
de  feuilles,  et  qui  est  assez  glutineux  pour  embarrasser  les 
petites  mouches ,  est  connue  par  les  pétales  qui  sont  presque 
entiers;  leur  couleur  est  rouge;  les  feuilles  sont  longues,  étroites, 
et  ressemblantes  aux  herbes  des  champs,  surtout  les  plus  basses. 
Les  fleurs  de  cette  plante  et  de  la  précédente  sont  ordinaire- 
ment doubles  dans  les  jardins ,  et  par  conséquent  vous  sont 
inutiles  dans  vos  recherches  botaniques. 

Il  y  a  une  espèce  de  lychnis  comumnéraent  sauvage,  au  bord 
des  ruisseaux  et  dans  les  prairies  humides ,  appelée  lampette  dé- 
chirée, ou  fleur  de  coucou,  qui  a  des  pétales  dentelés  rouges,  gé- 
néralement coupés  en  quatre  parties,  et  des  capsules  arrondies  , 
dont  la  bouche  est  armée  de  cinq  dents,  qui  tournent  en  arrière. 
Il  y  en  a  encore  une  autre  espèce  non  moins  commune  dans  les 
pâturages  ,  appelée  lampette dioïque,  qui  diffère  essentiellement 
des  autres ,  en  ce  qu'elle  a  des  pistils  séparés  des  étamines  et 
sur  des  plantes  distinctes.  Je  vous  laisse ,  ma  chère  cousine , 
réfléchir  sur  cette  irrégularité ,  et  j'attends  un  jour  de  loisir 
pour  continuer  de  parcourir  notre  carrière  botanique. 

»  En  français  lampette. 
î  A  deux  pointes. 


33o  LETTRES  liLÉMENT  Al  RES 


LETTRE  X. 

10  juin  1775. 

Vous  n'avez  trouvé  jusqu'à  présent,  ma  chère  cousine,  au- 
cune difficulté  pour  déterminer  les  classes;  le  nombre  des  éta- 
mines  vous  a  suffi  tout  seul  pour  cela.  Comme  on  n'a  point  en- 
core découvert  de  plantes  avec  onze  étamines  parmi  celles  qui 
ont  des  étamines  distinctes,  on  doit  s'attendre  que  la  onzième 
classe  contiendra  les  plantes  qui  ont  douze  étamines  ;  mais  ici 
on  trouve  que  le  nombre  n'est  point  constant ,  et  Linnée  est 
obligé  de  mettre  dans  sa  classe,  la  dodécandrie  ,  toutes  les 
plantes  qui  ont  depuis  douze  jusqu'à  dix-neuf  étamines  inclu- 
sivement. La  onzième  classe  ,  malgré  toute  cette  étendue  ,  n'en 
est  pas  moins  difficile  à  déterminer  pour  un  étudiant  encore 
novice  en  botanique,  le  nombre  des  étamines  ,  en  quelques  cas, 
étant  au-dessous  de  douze ,  et ,  en  d'autres,  au-dessus  de  dix- 
neuf,  ou  bien  sortant  par  paquets  séparés  à  diverses  périodes. 
Cette  classe  n'est  pas  fort  nombreuse,  ne  contenant  que  trente- 
trois  genres  et  cent  soixante-quatre  espèces. 

Dans  le  premier  ordre ,  les  plus  connues  ou  les  plus  re- 
marquables sont  le  cabaret,  le  mangosteen,  le  pourpier  et  la 
salicaire. 

Le  cabaret  a  un  calice  coupé  jusqu'à  la  moitié  en  trois  seg- 
ments ,  et  placé  sur  le  sommet  du  style  ;  il  n'a  point  de  co- 
rolle; la  capsule  a  six  cellules  au-dedans,  et  est  couronnée  au 
sommet.  Il  y  en  a  trois  espèces;  celle  de  Canada,  celle  de  Vir- 
ginie ,  et  celle  d'Europe.  Cette  dernière  est  distinguée  par 
deux  feuilles  en  forme  de  fève  de  haricot ,  qui  se  terminent  en 
pointe  émoussée. 

Le  pompier  a  un  calice  bifide  qui  renferme  le  genre ,  une 
corolle  de  cinq  pétales,  et  une  capsule  d'une  cellule,  dans  la- 
quelle le  réceptacle  est  lâche  :  dans  quelques  espèces  elle  s'ou- 
vre horizontalement  ;  dans  d'autres  elle  a  trois  valvules  ;  le 
nombre  des  étamines  varie  dans  les  différentes  espèces.  Le 


SUR   LA   BOTANIQUE.  33  I 

pourpier  qu'on  cultive  pour  les  salades  est  originaire  des  par- 
ties méridionales  de  l'Amérique  ;  on  le  connaît  par  ses  feuilles 
en  forme  de  coin  ,  et  par  les  fleurs  qui  sont  collées  à  la  tige  : 
c'est  une  des  plantes  dont  la  capsule  s'ouvre  horizontalement. 

La  salicaire  a  le  calice  coupé  au  bord  en  douze  portions  ,  et 
renfermant  le  germe  ;  la  corolle  est  de  six  pétales  insérés  dans 
le  calice  ;  la  capsule  est  à  deux  cellules  ,  et  contient  plusieurs 
semences.  La  salicaire  pourpre  est  une  jolie  plante  qui  orne  les 
bords  des  rivières ,  des  étangs  et  des  fossés ,  avec  ses  belles 
pointes  de  fleurs  pourpre;  les  feuilles  croissent  en  paires,  et 
sont  en  forme  de  lance;  elles  sont  creusées  à  leur  base.  Quel- 
quefois trois  feuilles  sortent  ensemble  du  même  point,  et  la  tige 
est  hexangulaire  ;  mais  ce  n'est  qu'une  variété  accidentelle. 
Notre  espèce  répond  au  caractère  de  la  classe,  en  ce  qu'elle  a 
douze  étamiues;  mais  il  y  en  a  qui  n'en  ont  que  dix,  et  même  six. 

Dans  le  second  ordre,  il  n'y  a  que  deux  ti^enras-.rheliocarpus, 
plante  originaire  d'Amérique,  peu  connue,  et  l'aigremoine  , 
plante  d'Europe  assez  commune.  Celle-ci  a  un  petit  calice  à 
cinq  pointes ,  posé  sur  le  sommet  du  germe  ,  et  fortifié  par  un 
autre ,  une  corolle  de  cinq  pétales  insérés  dans  le  calice ,  et 
une  ou  deux  semences  arrondies  au  fond  du  calice.  Le  nom- 
bre des  étamines  est  fort  incertain  dans  ce  genre  ;  quelques  es- 
pèces en  ont  douze ,  d'autres  dix,  et  d'autres  sept.  L'aigremoine 
commune ,  qu'on  trouve  dans  les  bois  et  au  bord  des  haies  ,  a 
sur  sa  tige  des  feuilles  pinuées  inteiTompues ,  avec  le  lobe  im- 
pair qui  est  au  bout  pétiole  ;  les  semences  sont  fortifiées 
par  des  soies  dures;  le  cahce  extérieur  est  seiTé  contre  l'inté- 
rieur, et  les  étamines  varient  en  nombre,  depuis  douze  jusqu'à 
vingt. 

Le  troisième  ordre  n'a  aussi  que  deux  genres  ;  mais  ils  sont 
nombreux,  le  réséda  ayant  douze  espèces,  et  Xeuphorhia  n'en 
ayant  pas  moins  de  soixante-neuf.  Il  n'y  a  point  de  genres  plus 
difficiles  à  déterminer  que  ceux-ci,  le  nombre  et  la  forme  des 
parties  variant  dans  les  différentes  espèces.  Le  caractère  essen- 
tiel de  la  première  consiste  dans  les  pétales  trifides  ,  dont  l'un 
est  meUifère  à  la  base ,  et  dans  une  capsule  d'une  ceUule  qui 
n'est  jamais  fermée  ;  le  calice  aussi  est  d'une  feuille,  coupé  en 
plusieurs  segments  étroits  ,   dont  deux  sont  plus  entr'ouverts 


33a  LETTRES  JÉLÉMENTA.IRËS 

que  les  autres ,  à  cause  du  pétale  inellifère  ;  le  nombre  des  éta- 
mines  est  depuis  onze  jusqu'à  quinze. 

La  gaude  est  commune  dans  les  pâturages  stériles  ,  sur  les 
bords  de  rivière  quisontsecs,  et  sur  les  murailles  :  on  la  cultive 
aussi  pour  servir  à  la  teinture  '.  Les  feuilles  sont  en  forme  de 
lance  et  entières,  excepté  qu'elles  ont  une  dentelure  sur  chaque 
côté  à  la  base  ,  et  que  le  calice  est  coupé  en  quatre  segments  ; 
la  corolle  aussi  a  trois  pétales  ;  le  supérieur  est  mellifère ,  et  di- 
visé jusqu'à  la  moitié  en  six  parties  ;  les  pétales  opposés  laté- 
raux sont  à  ti'ois  pointes  ;  quelquefois  il  y  a  deux  petits  pé- 
tales entiers  ajoutés  au-dessous.  La  gaude  est  une  plante  qui 
dure  deux  ans,  produisant  la  première  année  un  cercle  de 
feuilles  voisines  de  la  terre  ,  et  la  seconde  année  une  lige  ter- 
minée par  une  longue  pointe  de  fleurs  jaunâtres. 

Le  réséda  odorant  ou  la  mignonnette  a  des  feuilles  oblon- 
gues,  dont  quelques-unes  sont  entières,  et  d'autres  à  trois 
pointes  ;  le  calice  de  la  fleur  est  grand,  égalant  la  grandeur  de 
la  corolle  ;  les  fleurs  sont  produites  en  pointes  lâches  ,  portées 
sur  de  longs  pédicules  ;  elles  sont  d'une  couleur  herbacée ,  et 
fort  estimées  pour  leur  odeur  agréable ,  semblable  à  celle  des 
framboises  sèches. 

Ueuphorbia  aune  corolle  de  quatre  et  quelquefois  de  cinq  pé- 
tales, quelquefois  glanduleux,  quelquefois  en  forme  décroissant, 
ou  dentelés  sur  les  bords  :  dans  quelques  espèces,  ils  sont  minces 
comme  une  membrane;  ils  sont  ordinairement  placés,  pour  ainsi 
dire,  à  la  partie  extérieure  du  calice ,  qui  estd'une  feuille  divisée 
au  bord  en  quatre  ,  et  même  en  cinq  parties  dans  certaines  es- 
pèces ,  et  formant  une  protubérance  ;  les  étamines  sont  au 
nombre  de  douze  ,  et  même  plus ,  sortant  à  diverses  époques  ; 
le  vaisseau  à  semence  est  une  capsule  de  trois  cellules  unies  et 
distinctes  ,  avec  une  semence  arrondie  dans  chaque  cellule,  et 
unie  à  l'extérieur ,  laquelle  est  raboteuse  dans  les  différentes 
espèces.  Ce  genre  étant  si  nombreux ,  il  est  nécessaire  d'établir 
quelques  distinctions  subordonnées  ;  et  en  conséquence  ,  Lin- 
née  l'a  divisé  en  sept  sections.  La  première  contient  les  eu- 
phorbia  proprement  dits  ,  ou  celles  qui  ont  une  tige  de    la 

ï  On  croit  que  c'est  cette  plante  dont  les  anciens  Bretons  se  servaient  pour  se 
peindre  le  corps. 


SUn  LA    BOTANIQUE.  333 

nature  des  arbrisseaux  ,  angulaire ,  épineuse ,  et  générale- 
ment dénuée  de  feuilles  ;  la  seconde  contient  les  espèces  de  na- 
ture d'arbrisseaux  ,  et  qui  n'ont  pas  d'épines  ;  dans  toutes 
les  autres  sections  les  tiges  sont  dichotomes ,  ou  se  divisent 
toujours  en  paires  ;  les  fleurs  sont  portées  sur  une  espèce  d'om- 
belle ,  qui,  dans  la  troisième  section,  est  ordinairement  bi- 
fide ,  dans  la  quatrième,  trifide  ,  dans  la  cinquième,  quadrifide, 
dans  la  sixième ,  quinquifide ,  et  dans  la  septième  ,  raultifide. 

Plusieurs  espèces  de  la  première  section  donnent  indiffé- 
remment ce  suc  laiteux  et  acre  ,  qui  ,  quand  il  est  épaissi  , 
nous  est  envoyé  sous  le  nom  d'euphorbe  ;  les  fleurs  sont  de 
peu  de  beauté,  et  ces  plantes  ont  été  remarquées  plutôt  pour 
la  singularité  de  leur  forme,  et  leur  structure  différente  de  celle 
des  plantes  d'Europe,  que  pour  le  peu  d'agrément  qu'elles  peu- 
vent avoir.  L'espèce  qu'on  prétend  être  celle  d'où  les  anciens 
tiraient  leur  euphorbe,  est  connue  par  une  tige  triangulaire 
avec  des  jointures.  L'espèce  dont  on  dit  que  nous  tirons  main- 
tenant ce  suc,  a  une  tige  quadrangulairo,  et  des  épines  doubles. 
L'espèce  dont  Linnée  pense  qu'on  doit  se  servir ,  est  multan- 
gulaire  ,  avec  des  épines  doubles. 

La  tète  de  Méduse  est  de  la  seconde  section  ;  les  tiges  sont 
couvertes  de  tubercules  couchés  les  uns  sur  les  autres ,  et  des 
côtés  de  ces  tubercules  sortent  plusieurs  branches  qui  sont 
ordinairement  si  fort  entrelacées,  qu'elles  donnent  l'idée  d'un 
assemblage  de  serpents;  les  bouts  des  branches  ont  des  feuilles 
étroites  pleines  de  suc,  qui  tombent  aisément,  et  un  groupe 
de  fleurs  blanches. 

Les  plantes  des  autres  sections  sont  ordinairement  connues 
par  le  nom  d'épurges,  et  sont  la  plupart  sauvages  dans  les 
diverses  contrées  de  l'Europe.  Il  y  en  a  deux  espèces  qui  sont 
communes  parmi  les  herbes  potagères;  l'une  d'elles'  appartient 
à  la  quatrième  section,  ou  à  celles  qui  ont  des  ombelles  trifides. 
Les  subdivisions  de  celles-ci  sont  dichotomes  ;  les  petites  en- 
veloppes ou  bractées  sont  ovales;  les  feuilles  sont  tout-à- 
fait  entières ,  ou  sans  aucune  entaille  sur  le  bord  ;  elles  sont 
de  forme  ovale ,  et  attachées  à  la  tige  par  des  pétioles  courts  : 
chaque  pétale  a  aussi  deux  petites  cornes.  L'autre  appartient 

'  Petite  épur};e  ,  ou  tltbymale  auriculé. 


334  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

à  la  sixième  section,  ayant  des  ombelles  quinquifides  :  chaque 
principale  division  se  subdivise  en  trois  ;  les  petites  enveloppes 
sont  de  la  même  forme  que  celles  de  la  précédente  ;  les  feuilles 
sont  en  forme  de  coin,  et  dentelées  sur  les  bords;  les  pétales 
sont  ronds  et  entiers.  Une  troisième  espèce,  commune  dans  les 
bois  ' ,  appartient  à  la  dernière  section  ;  elle  a  des  ombelles 
multifides  ;  c'est  une  plante  plus  grande,  et  permanente,  au 
lieu  que  les  autres  sont  annuelles  ;  les  petites  enveloppes  sont 
rondes  et  perfoliées  ,  les  feuilles  sont  fort  émoussées  à  la 
pointe. 

Les  épurges  ayant  peu  de  beauté ,  on  les  cultive  rarement 
dans  les  jardins.  Parmi  les  plus  communes  il  v  en  a  ime  qui  est 
du  nombre  des  herbes  qui  durent  deux  ans  ;  elle  est  de  la  cîn- 
ipiièmc  section ,  avec  les  feuilles  opposées  et  tout-à-fait  entières. 
On  la  nomme  thytiraale  épurge  ;  son  pays  naturel  est  l'Italie  et  le 
midi  de  la  France.  Elle  s'élève  à  la  hauteur  de  trois  ou  quatre 
pieds;  les  fleurs  sont  d'un  jaune  verdàtre,  et  les  capsules  étant 
fort  élastiques,  les  semences  sont  jetées  à  une  distance  consi- 
dérable. Une  seconde  espèce  est  permanente,  et  de  la  dernière 
section  ;  les  petites  enveloppes  sont  en  forme  de  cœur  ;  les  pé- 
tales sont  formés  conanae  un  croissant  ;  les  capsules  sont  unies  ; 
quelques-unes  des  branches  sont  stériles ,  et  d'autres  portent 
des  fleurs  et  de  la  semence.  Sur  la  première  les  feuilles  sont 
étroites  et  sétacées;  sur  la  seconde  elles  sont  en  forme  de 
lance. 

Il  y  a  un  genre  de  cette  classe  dans  lequel  le  nombre  douze 
prévaut  dans  toutes  les  parties:  ayant  douze  styles,  il  est  de 
l'ordre  Dodecagjnia.  Le  calice  est  divisé  en  douze  parties;  la 
corolle  consiste  en  douze  pétales  ;  la  fleur  est  remplacée  par 
douze  capsules  contenant  plusieurs  petites  semences.  La  jou- 
barbe commune  est  une  de  celles-ci ,  qui ,  quoiqu'elle  soit  une 
plante  pleine  de  suc,  fleurit  sur  les  murs  et  sur  les  toits;  les 
bords  des  feuilles  sont  garnis  de  cheveux  fins,  très-courts  ;  elles 
ne  croissent   point    en  forme  globuleuse ,   comme  quelques 

I  Vraisemblablement  les  bois  d'Angleterre  sont  plus  humides  que  ceux  de 
France  ,  car  on  ne  rencontre  l'espèce  dont  il  est  ici  question  que  dans  les  lieux 
humides. 

I  Joubarbe. 


SUR   LA.  BOTANIQUE.  335 

autres  espèces,  mais  elles  s'étendent  en  largeur.  Du  centre  des 
têtes  des  feuilles  s'élève  une  tige  à  fleur,  ronde  ,  rouge  et  pleine 
de  suc,  d'environ  un  pied  de  hauteur;  cette  tige  a  vers  le 
bas,  un  petit  nombre  de  feuilles  étroites,  et  au  sommet,  elle 
se  divise  en  deux  ou  trois  parties,  dont  chacune  porte  une  ran- 
gée de  fleurs  recourbées  avec  des  corolles  rouges.  Quoique  le 
nombre  naturel  de  ce  genre  soit  douze,  cependant  vous  trou- 
verez que  ce  nombre  varie  beaucoup ,  la  nature  étan  t  moins 
constante  dans  les  grands  que  dans  les  petits  nombres.  Avec 
cette  courte  esquisse  pour  vous  amuser,  je  vous  dis  adieu, 
ma  chère  cousine. 


LETTRE  XI. 

21  juin  1775. 

Vous  avez  déjà,  ma  chère  cousine,  jeté  un  coup  d'oeil  généi'al 
sur  la  douzième  classe ,  quant  à  ce  qui  regarde  les  arbres  frui- 
tiers ;  vous  ne  devez  cependant  pas  vous  figurer,  ou  que  ces 
arbres  se  rangent  tous  dans  la  classe  nommée  icosandrie ,  ou 
qu'il  n'y  en  a  point  d'autres  que  dans  cette  classe;  elle  ne 
renferme  pas  moins  de  vingt-neuf  genres ,  et  de  deux  cent  qua- 
tre-vingt-quatorze espèces,  dont  une  portion  considérable  est 
formée  par  des  arbres  et  des  arbrisseaux.  Cependant  on  y  ren- 
contre plusieurs  hei'bes. 

Pour  distinguer  cette  classe  et  la  suivante  des  autres,  sou- 
venez-vous toujours  que  ce  n'est  pas  le  nombre,  mais  la  situa- 
tion des  étamines ,  qui  fournit  le  caractère  classique.  Dans  les 
plantes  de  la  classe  suivaftte,  les  étamines  sortent,  comme  en 
général  dans  les  autres  classes,  du  réceptacle  ;  mais  dans  celle-ci 
elles  sortent  ou  directement,  ou  avec  les  parties  de  lacorofle ,  du 
calice,  qui  est  d'une  feuifle,  et  non  pas  aplati,  mais  creux  :  la 
corolle  est  très-fréquemment  de  cinq  pétales. 
'  Dans  le  premier  ordre,  on  trouve  le  cactier,  qui  forme  un 
genre  fort  considérable  ,  comprenant  les  cactiers  à  melon,  les 
cactiers  à  torche  et  les  opuntia ,  ou  figuiers  d'Inde.  Toutes  ces 


336  LETT.R1ÎS  lÉL   ÉMENTAIRES 

plantes  se  ressemblent  en  ce  qu'elles  ont  un  calice  tout  entier 
dans  le  bas ,  mais  cependant  consistant  en  plusieurs  rangées  de 
feuilles,  et  placées  sur  le  sommet  du  germe  ;  la  corolle  est  dou- 
ble, ou  formée  de  plusieurs  rangées  de  pétales,  et  il  y  a  une 
baie  qui  contient  plusieurs  semences  dans  une  cellule. 

Les  cactiers  à  melon  sont  des  corps  arrondis  ,  sans  feuilles  et 
sans  tige.  Les  cactiers  à  torche  ont  une  longue  tige  sans  feuilles> 
laquelle ,  dans  plusieurs  espèces  ,  est  assez  forte  pour  se  sup- 
porter elle-même;  mais,  dans  quelques-unes,  elle  traîne  le 
long  de  la  terre  ,  ou  bien  elle  est  soutenue  par  des  arbres.  Ces 
dernières  espèces  sont  nommées  cierges  rampants.  Les  opuntia 
sont  composés  de  jointures  plates  unies  ensemble. 

Toutes  ces  plantes  sont  remarquables  par  une  structure  dif- 
férente de  celle  des  autres;  mais  quelques-uns  des  cierges  sont 
fort  estimés  pour  la  beauté  des  fleurs,  qui  frappe  peut-être 
d'autant  plus ,  que  le  peu  d'apparence  de  ces  plantes  semblait 
ne  devoir  pas  annoncer  des  fleurs  aussi  belles.  Celles  du  cierge 
rampant  à  grandes  fleurs ,  ont  près  d'un  pied  de  diamètre  ; 
l'intérieur  du  calice  est  d"un  jaune  brillant,  et  les  nombreux 
pétales  d'un  blanc  pur.  On  voit  à  peine  une  fleur  qui  ait  une  si 
belle  apparence  pendant  le  temps  fort  court  de  sa  durée ,  qui 
n'est  que  d'une  nuit;  car  elle  ne  commence  à  s'ouvrir  qu'à  sept 
ou  huit  heures  du  soir,  et  se  ferme  avant  que  le  soleil  se  lève, 
à  moins  qu'on  ne  la  tienne  à  l'ombre  ;  c'est  par  ce  moyen  que 
j'ai  empêché  qu'elle  ne  se  fermât  jusque  vers  dix  heures  du 
matin.  Cette  noble  fleur  ne  s'ouvre  qu'une  fois;  mais  quant  à 
la  grandeur  magnifique  de  sa  corolle,  j'ajouterai  le  doux  par- 
fum qu'elle  répand  ;  c'est  assez  vous  dire  combien  cette  plant  .• 
mérite  votre  admiration.  Quand  la  fleur  n'est  pas  épanouie, 
vous  connaîtrez  la  plante  par  la  tige  rampante ,  marquée  longi- 
tudinalement  d'environ  cinq  proéminences. 

Une  autre  espèce  de  cactier,  ou  cierge  rampant  est  beaucoup 
plus  commune,  et  mérite  presque  autant  d'admiration  pour  Ijr 
beauté  de  ses  fleurs  qui  ont  la  couleur  des  œillets ,  et  que  la 
plante  produit  en  plus  grande  quantité  :  elles  sont  aussi  de 
plus  longue  durée;  car  non-seulement  elles  montrent  hardiment 
leurs  feuilles  au  soleil ,  mais  encore  elles  demeurent  ouvertes 
trois  ou  quatre  jours.  Quand  elle  n'est  pas  en  fleur,  cette  es- 


SUR   LA   BOTANIQUE.  33^ 

est  distinguée  par  ses  branches  fort  déliées,  couvertes  d'épines 
et  marquées  de  dix  proéminences  ;  mais  vous  connaissez  fort 
bien  cette  belle  plante  qui,  demandant  très-peu  de  chalenr, 
forme  un  des  principaux  ornements  de  votre  cabinet  de  toilette 
au  mois  de  mai. 

Il  y  a  plusieurs  espèces  d'opuntia,  figuier  d'Inde,  ou  poirier 
piquant,  toutes  natives  de  l'Amérique,  et  qu'on  garde  plutôt 
pour  leur  singularité  que  pour  leur  beauté,  d'autant  qu'elles 
n'ont  point  de  feuilles ,  mais  seulement  une  tige  plate  à  join- 
tures, garnie  de  nœuds,  de  piquants,  de  soies,  ou  l'une  et  l'autre. 
Le  figuier  d'Inde,  qui  produit  la  cochenille,  et  sert  de  nourri- 
ture à  l'insecte  de  ce  nom,  est  la  seule  plante  de  cette  espèce 
qui  ne  soit  pas  armée.  Celle-ci  a  des  jointures  oblongues  ;  l'es- 
pèce commune  a  des  jointures  arrondies  avec  des  pinceaux  de 
soies  ,  mais  non  pas  des  piquants. 

Dans  ce  même  ordre  vous  trouverez  le  seringat.  Le  nombre 
naturel  dans  ie  calice,  la  corolle  et  la  capsule,  est  quatre;  mais 
quelquefois  il  est  cinq;  le  goût  des  feuilles,  semblable  à  celui 
du  concombre ,  et  l'odeur  de  ses  fleurs  blanches,  la  même  que 
celle  des  fleurs  d'orange,  distinguent  assez  cet  aibrisseau  fort 
connu  de  tous  les  autres;  les  légères  dentelures  sur  le  bord  de 
la  feuille  le  séparent  d'une  autre  espèce  qui  n'en  a  pas. 

Vous  trouverez  aussi  parmi  ces  plantes  votre  myrte  favori , 
qui  a  im  calice  placé  sur  le  sommet  du  germe,  et  en  général 
taillé  en  cinq  segments,  une  corolle  de  cinq  pétales,  et  une 
baie  pour  fruit.  Quelques  espèces  cependant  ont  un  calice  qua- 
drifide ,  et  alors  la  corolle  a  quatre  pétales;  d'autres  ont  un 
calice  entier  et  sans  division.  Le  myrte  commun  dont  il  y  a 
plusieurs  variétés,  a  des  fleurs  qui  sortent  séparément,  et  une 
enveloppe  de  deux  feuilles  sur  le  pédicule. 

Dans  le  second  ordre  il  n'y  a  que  l'alizier,  genre  qui  com- 
prend plusieurs  espèces  d'épines,  et  aussi  deux  arbres;  l'alizier 
commun  ,  l'alizier  toiniinal.  Les  caractères  génériques  sont  un 
calice  coupé  en  cinq  segments  et  placé  sur  le  sommet  du  germe, 
une  corolle  de  cinq  pétales,  et  une  baie  contenant  deux  se- 
mences. Le  premier  de  ces  arbres  est  connu  bien  aisément 
par  la  forme  ovale  de  ses  feuilles ,  qui  ont  des  veines  transver- 
sales  fort  proéminentes ,  et    des  dentelures    inégales  sur  les 


338  LETTRES  ^LÉMEJVTAIRES 

bords,  mais  j>articulièremcnt  par  la  couleur  blanchâtre  de 
leurs  surfaces  inférieures.  On  connaît  le  second  par  ses  feuilles 
taillées  en  plusieurs  angles  aigus  comme  celles  de  l'érable;  les 
divisions  sont  au  nombre  de  cinq  ou  de  sept ,  et  les  lobes  in- 
férieurs ,  qui  sont  plus  larges  que  les  autres.  L'aube-épine  à 
épei'on  de  coq  a  les  feuilles  ovales,  et  si  profondément  dente- 
lées ,  qu'elles  sont  presque  lobées.  L'azerolier  de  Virginie  a 
des  feuilles  ovales ,  en  forme  de  coin  à  la  base ,  luisantes ,  et 
profondément  dentelées.  L'aube-épine  commime ,  ou  l'épine 
blanche  ,  dont  la  fleur  a  obtenu  le  nom  de  mai  à  cause  du  mois 
où  elle  paraît,  a  des  feuilles  obtuses,  coupées  en  trois  parties 
principales,  et  qui  sont  dentelées.  Le  véi'itable  azerolier  a  des 
feuilles  semblables  à  celles  des  précédents ,  mais  plus  grandes  , 
plus  pâles,  et  avec  des  lobes  larges;  les  fleurs  et  les  fruits  sont 
aussi  beaucoup  plus  grands.  Vous  trouverez  tous  ces  arbres 
dans  vos  domaines;  vous  y  trouvei'ez  aussi  deux  arbres  qui 
sont  dans  le  troisième  ordre  sous  le  genre  des  sorbiers  :  savoir, 
le  sorbier  des  oiseleurs,  et  le  sorbier  domestique.  Tous  les 
deux  ont  des  feuilles  pinnées  ou  ailées  comme  le  frêne;  dans  le 
premier  elles  sont  unies  des  deux  côtés;  mais  elles  sont  garnies 
de  poils  à  hi  siuface  inférieure  dans  le  second;  ils  ont  aussi  les 
lobes  plus  larges,  et  non  pas  autant  dentelés ,  leurs  caractères 
communs  sont  un  calice  quinquifide,  une  corolle  à  cinq  pé- 
tales, et  une  baie  inférieure  avec  trois  semences. 

Le  quatrième  ordre,  la  pentagjTiie,  outre  le  pommier,  le 
poirier  et  le  cognassier,  tous  compris  sous  un  genre,  le  poi- 
rier, a  le  néflier  avec  plusieurs  autres  espèces  d'arbres  et  d'ar- 
brisseaux compiis  dans  un  second  genre,  et  tous  les  arbris- 
seaux appelés  spirœa  dans  un  troisième.  Ces  genres  s'accordent 
en  ce  qu'ils  ont  un  calice  quinquifide  ,  et  une  corolle  à  cinq 
pétales.  Dans  le  dernier  le  germe  se  trouve  enfermé  dans  la 
fleur  ;  mais  dans  les  autres  il  est  au-dessous  :  le  fruit  forme  la 
principale  distinction.  Dans  1©  poirier  c'est  ce  qu'on  nomme  en 
\?X\x\. pomum;  dans  le  néflier,  c'est  ime  baie;  dans  le  spirœa 
une  l'angée  de  capsules. 

Cet  ordre  contient  un  genre  nombreux  et  magnifique  de 
plantes  herbacées,  et  qui  ont  du  suc,  nommées  ficoîdes^  ou 
figuiers  soucis.  Cinquante  espèces  s'accordent  toutes   en   ce 


SUR  LA    BOTANIQUE.  SSq 

qu'elles  ont  un  calice  quinquifide  siu*  le  somiTiet  du  gerrae, 
une  corolle  multifide  de  pétales  étroits  et  linéaires,  et  une 
capsule  charnue  divisée  en  cellules  correspondant  avec  le 
nombre  des  styles,  et  contenant  plusieurs  semences;  quoique 
la  plupart  des  espèces  ont  cinq  styles,  cependant  quelques-unes 
en  ont  seulement  quatre,  et  d'autres  dix.  Ce  grand  genre  est 
subdivisé  en  trois  sections ,  à  cause  de  la  couleur  des  fleurs , 
qui,  étant  frappante  et  durable,  peut  fort  bien  ici  fournir 
une  telle  distinction,  quoique  dans  le  plus  grand  nombre  des 
plantes  de  ce  genre  il  ne  faille  pas  faire  grand  fond  sur  cette 
circonstance;  on  observe  ensuite  les  corolles,  qui  sont  belles, 
fort  grandes  et  doubles.  Dans  la  première  section  elles  sont 
blanches,  dans  la  seconde  rouges,  et  dans  la  troisième  jaunes. 
Les  diverses  formes  des  feuilles  pleines  de  suc  fournissent  pres- 
que d'elles-mêmes  des  distinctions  spécifiques  suffisantes. 

L'espèce  la  plus  connue  est  celle  qui  est  appelée  ficoïdes 
adamas  ,  ficoïde  diamant,  ou  plus  ordinairement  plante-glace. 
Celle-ci  a  des  feuilles  ovales,  alternes ,  ondoyantes ,  avec  des 
corolles  blanches  ;  mais  on  la  remarque  principalement  pour 
la  singularité  qu'elle  offre,  étant  couverte  de  boutons  transpa- 
rents, qui  paraissent  au  soleil  comme  des  bulles  crystallines. 
Le  kali  égyptien ,  estimé  pour  faire  la  meilleure  potasse  ,  est 
•  aussi  de  ce  genre.  Il  a  des  feuilles  alternes,  arrondies  et  obtuses, 
ciliées  à  la  base,  et  des  corolles  blanches. 

Dans  le  dernier  ordre  de  cette  classe,  le  rosier  est  un  genre 
universellement  connu;  et,  quand  il  le  serait  moins,  il  tiendrait 
le  premier  rang  dans  l'admiration  des  hommes.  Les  caractères 
distinctifs  de  ce  genre  sont  :  un  calice  quinquifide,  une  corolle  à 
cinq  pétales,  et  une  espèce  de  baie  charnue  en  forme  de  cruche 
laquelle  est  formée  par  le  calice,  terminée  par  ses  divisions, 
et  contenant  plusieurs  semences  oblongues,  rudes,  et  croissant 
de  chaque  côté  auprès  du  calice.  Les  espèces  sont  distinguées 
par  la  forme  globuleuse  ou  ovale  du  fruit,  par  la  situation  des 
épines  sur  les  diverses  parties  de  l'arbrisseau,  la  floraison,  etc. 
L'églantier  a  des  fruits  globuleux  entourés  d'épines  crochues, 
et  les  feuilles  l'ubigineuses  en-dessoHS.  La  rose  de  chien,  ou 
ronce  sauvage,  a  un  fruit  ovale,  mais  uni,  comme  le  sont 
aussi  les  pédicules  ;  cependant  la  tige  et  les  pétioles  sont  épV 

22. 


34o  LETTRES   ÉLÉMEISTAIRES 

neux  ,  les  pétales  sont  de  couleur  vermeille,  et  à  deux  lobes; 
il  y  a  deux  biactées  cUiées,  opposées  l'une  à  l'autre  à  chaque 
fleur. 

Le  fraisier ,  avec  tous  ses  fruits  différents ,  constituant  seu- 
lement une  espèce,  appartient  à  cet  ordre.  Ici,  quoique  la  co- 
rolle n'ait  que  cinq  pétales,  le  calice  est  coupé  en  dix  seg- 
ments, alternativement  plus  grands  et  plus  petits,  et  les  semences 
sont  dispersées  sur  la  surface  d'un  réceptacle  arrondi  et  pul- 
peux, qu'on  appelle  vulgairement  une  baie:  voilà  les  caractères 
génériques.  Tous  les  fraisiers  qui  donnent  des  fruits  dont  on 
mange,  se  multiplient  par  des  rejetons;  cette  circonstance  les 
distingue  suffisamment  de  l'espèce  stérile,  qui  non -seulement 
a  un  réceptacle  sec  et  sans  suc,  mais  encore  qui  ne  jette  jamais 
de  ces  lejetons. 

La  treizième  classe ,  la  polyandrie ,  a  plusieurs  étamiues  aux 
fleurs",  ainsi  que  la  précédente,  mais  qui  sortent  du  récep- 
tacle avec  le  pistil.  Ces  deux  classes  réunies  auraient  formé  une 
classe  trop  considérable  pour  qu'on  put  l'examiner  commodé- 
ment; difficulté  qu'il  faut  éviter  autant  qu'il  est  possible  dans 
tous  les  cas.  En  outre ,  les  plantes  contenues  dans  l'une  de  ces 
classes  sont  en  général  si  différentes,  soit  pour  la  forme,  soit 
pour  les  qualités  de  celles  qui  sont  renfermées  dans  l'autre, 
qu'il  aurait  paru  très-étrange  de  mêler  des  êtres  qui  ont  si  peu 
d'analogie,  ou  de  réunir  dans  la  même  des  fruits  qui  sont  si 
agréables  au  goût  et  si  salutaires  au  corps ,  avec  des  plantes 
si  nuisibles  à  l'homme  par  leurs  qualités  vénéneuses,  comme  le 
sont  plusieurs  des  végétaux  appartenant  à  cette  classe,  nom- 
mée la  polyandrie. 

Dans  le  premier  ordre ,  la  monogynie,  vous  trouverez  le  pa- 
vot, qu'on  distingue  fort  aisément  par  un  calice  de  deux 
feuilles  =',  une  corolle  de  quatre  pétales,  et  une  capsule  d'une 
cellule,  couronnée  par  le  stigmate,  sous  lequel  elle  s'ouvre  par 
plusieurs  trous  pour  laisser  sortir  un  nombre  considérable  de 
petites  semences.  Dans  ce  genre  quatre  espèces  ont  des  cap- 
sules pleines  d'aspérités,  et  cinq  ont  des  capsules  unies.  Le 
coquelicot,  ou   pavot  commun  des  blés,  l'espèce   dont  on  se 

»  Depuis  vingt  jusqu'à  mille. 

2  Ce  calice  tombe  de  lui-même  qiiaud  la  fleur  s' épanouit. 


SUR   LA    BOTANIQUE.  34  I 

sert  en  médecine,  et  qui  donne  l'opium,  le  pavot  gallois,  et 
l'espèce  orientale,  qu'on  a  introduite  maintenant  dans  le  par- 
terre pour  lui  servir  de  parure,  appartiennent  tous  à  cette  der- 
nière division.  Le  premier  a  les  capsules  presque  globuleuses, 
la  tige  couverte  de  poils,  et  supportant  plusieurs  fleurs  d'une 
belle  écarlate ,  et  les  feuilles  pinnatifides  et  coupées  ;  le  se- 
cond a  le  calice  uni,  aussi-bien  que  la  capsule  ;  les  feuilles  sont 
coupées,  et  embrassent  la  tige.  Celui  qui  est  cultivé  dans  les 
champs  a  des  corolles  blanches,  et  des  tètes  sphéroïdes  aussi 
grosses  qu'une  orange,  avec  des  semences  blanches.  L'espèce 
des  jai'dins  a  des  corolles  de  couleur  pourprée,  fort  sombres  à 
la  base,  avec  des  têtes  oblongues  plus  petites  ,  et  des  semences 
noires.  Cette  espèce-ci  varie  beaucoup  pour  la  couleur ,  et  a 
fjuelquefois  des  fleurs  fort  grandes  et  doubles  ;  elles  ressem- 
blent alors  à  un  très-grand  œillet  carné.  Quelques  personnes 
pensent  que  le  pavot  des  champs  et  celui  des  jardins  sont  des 
espèces  différentes.  Linnée  n'en  fait  qu'une.  Je  vous  ai  donné 
les  différences  ;  mais  je  ne  prends  pas  sur  moi  de  décider  la 
question.  Les  capsules  du  pavot  jaune  sont  oblongues;  la  tige 
est  unie;  les  feuilles  sont  ailées  et  coupées;  les  corolles  sont 
grandes  et  jaunes.  Le  pavot  oriental  a  des  tiges  rudes,  garnies 
de  feuilles  qui  soutiennent  une  fleur  grande,  simple,  et  rouge  ; 
les  feuilles  sont  ailées,  et  dentelées  sur  le  bord.  Toutes  les 
espèces  de  pavots  ont  une  odeur  forte  et  désagréable. 

Le  câprier  est  de  ce  premier  ordre ,  ainsi  que  l'arbre  à  thé 
et  le  tilleul ,  les  lis  d'eau,  le  jaune  et  le  blanc,  qui  répandent 
leurs  larges  feuilles  sur  la  surface  des  ruisseaux  qui  coulent 
lentement ,  et  des  étangs  dont  les  eaux  sont  stagnantes  ,  et  qui 
élèvent  au  -  dessus  des  eaux  leurs  larges  corolles  à  plusieurs 
pétales.  On  trouve  aussi  dans  ce  même  ordre  le  beau  et  nom- 
breux genre  des  cistes ,  connu  par  un  calice  de  cinq  feuilles  , 
dont  deux  sont  moindres  que  les  trois  autres  ,  une  corolle  de 
cinq  pétales ,  et  une  capsule  pour  vaisseau  à  semence.  Il  y  a 
quarante -neuf  espèces  de  ces  dernières  plantes ,  dont  la  plupart 
sont  des  arbrisseaux,  et  quelques-unes  herbacées;  lés  corolles 
sont  de  couleur  pourpre ,  blanche  ou  jaune  dans  les  diverses 
espèces.  La  pivoine  est  du  second  ordre  qui  n'est  pas  nom- 
breux ;  les  caractères  du  genre  sont  un  calice  de  cinq  feuilles , 


3^1  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

une  corolle  de  cinq  pétales,  et  deux  ou  trois  germes,  couron- 
nés immédiatement  par  des  stigmates ,  sans  l'interposition 
d'aucun  style. 

Ces  plantes ,  et  quelques  autres  de  l'ordre  suivant ,   sont 
imies  étroitement  par  un  lien  naturel,  sous  le  nom  de  tnultisili- 
qiiœ ,  ou  de  plantes  à  plusieurs  siliques,  ou  cosses,  ayant  un 
fruit  composé  de  plusieurs  péricarpes  joints  ensemble.  Elles 
s'accordent  encoi'e  en  ce  qu'elles  n'ont  point  de  calice,  ou  que, 
si  elles  en  ont  un ,  il  est  très-sujet  à  tomber ,  une  corolle  poly- 
pétale ,  et  des  étamines  qui  excèdentles  pétalesen  nombre.  Parmi 
celles-ci,  vous  connaissez  le  dclphiniuin  et  l'aconit,  apparte- 
nant au  ti'oisième  ordre,  les  colombines  au  cinquième,  et  l'ellé- 
bore au  dernier.  Aucune  deces  plantes  n'a  de  calice ,  et  elles  ont 
toutes  une  corolle  de  cinq  pétales;  les  nectaires  forment  la  prin- 
cipale distinction  des  genres.  Cette  partie  ,  dans  le  delphinium , 
est  bifide,  sessile,  et  se  continue  en  arrière  par  une  corne  ou 
éperon.  L'aconit  a  deux  nectaires  pédicules  et  recourbés.  L'an- 
colie  a  cinq  de  ses  nectaires  cornus ,  entre  les  pétales.  L'ellé- 
bore a  plusieurs  nectaires  tubuleux ,  courts ,  placés  en  cercle 
autour  de  l'extérieur  des  étamines,  divisés  chacun  en  deux  lè- 
vres au  sommet.  Le  pied- d'alouette  a  aussi  ou  une  capsule,  ou 
bien  trois ,  et  l'espèce  qu'on  cultive  dans  les  jardins  est  dis- 
tinguée par  sa  tige  simple  et  sans  branches,  de  l'espèce  sau- 
vage, qui  a  sa  tige  divisée.  Dans  ces  deux  espèces,  le  nectaire 
n'est  que  d'une  feuille;  dans  le  pied -d'alouette  des  abeilles  et 
dans  les  autres,  le  nectaire  a  deux  feuilles.  L'aconit  a  le  pétale 
supérieur  voûté,  et  trois  ou  cinq  capsules.  Vous  en  avez  une 
espèce  qui  est  commune  dans  vos  parterres ,  et  qui  a  de  lon- 
gues pointes ,  de  grandes  fleurs  bleues  nommées  capuchon  de 
moine.  Celle-ci  est  une  des  espèces  qui  ont  trois  capsules  à  une 
fleur;  les  feuilles  sont  multifides,  avec  des  divisions  linéaires, 
très-larges  au  sommet ,  et  marquées  d'une  ligne  qui  court  tout 
le  long.  L'aconit  salutaire ,  comme  on  le  nomme ,  a  cinq  cap- 
sules ,  cinq  styles  ,  et  les  fleurs  sont  de  couleur  de  soufre. 
L'ancolie  a  cinq  capsules  distinctes;  l'espèce  commune  a  des 
nectaires  courbés  :  dans  son  état  sauvage  les  fleurs  sont  bleues, 
les  pétales  courts  ,  et  les  nectaires  fort  proéminents.  Celles  des 
jardins  offrent  non -seulement  une  variété  de  couleurs,  mais 


•  SUR  LA   BOTANIQUE.  343 

encore  elles  se  font  distinguer  en  ce  que  les  pétales  leur  man- 
quent ,  et  que  leurs  nectaires  sont  fort  multipliés.  L'ellébore 
a  quelquefois  plus  de  cinq  pétales  à  la  corolle,  et  il  a  toujours 
plusieurs  capsules  qui  succèdent  à  chaque  fleur  ;  celles-ci  con- 
tiennent plusieurs  semences  rondes ,  fixées  à  la  suture  de  la 
capsule.  L'espèce  qui  fleurit  en  hiver,  appelée  ordinairement 
ellébore  d'hiver  ,  est  la  seule  qui  laisse  tomber  ses  pétales  ;  elle 
ne  porte  qu'une  seule  fleur  jaune  placée  sur  la  feuille.  Le  véri- 
table ellébore  noii- ,  ou  rose  de  Noël ,  a  une  ou  deux  grandes 
fleurs  blanches  sur  une  tige  nue ,  et  des  feuilles  charnues  à 
long  pétiole.  L'ellébore  noir  puant ,  ou  pied-de-griffon ,  porte 
plusieurs  fleurs  verdâtres  sur  une  tige,  et  des  feuilles  pé- 
tiolées  sur  la  tige  ,  et  n'en  a  aucune  vers  la  l'acine.  Celle-ci  est 
ordinairement  sauvage ,  et  vous  la  trouverez  en  fleur  pendant 
l'hiver ,  sous  les  arbres ,  dans  vos  plantations.  Avertissez  vos 
pauvres  voisins  de  ne  pas  trop  donner  de  cette  plante  à  leurs  en- 
fants pour  les  guérir  des  vers  ;  car ,  à  ime  trop  forte  dose , 
elle  est  certainement  dangereuse.  Dans  le  fait,  toutes  les  plantes 
qu'on  vient  de  décrii'e  sont  plus  ou  moins  vénéneuses  ;  l'af- 
conit  est  connu  pour  l'être  au  suprême  degré. 

Le  dernier  ordre  de  cette  classe,  la  polyandrie,  contient 
aussi  le  tulipier,  qui  a  un  calice  à  trois  feuilles ,  six  pétales  à 
la  corolle,  et  plusieurs  semences  en  forme  de  lance  couchées 
les  unes  sur  les  autres,  et  formant  une  espèce  de  strobile.  Cet 
arbre  est  remarquable  pour  la  forme  de  ses  feuilles,  qui  ont  le 
lobe  du  milieu  des  trois  tronqué  ou  coupé  transversalement  au 
bout  ;  les  fleurs  sont  grandes  et  en  forme  de  cloche ,  et  les  pé- 
tales marqués  de  taches  vertes,  jaunes  et  rouges.  On  trouve 
aussi  dans  cet  ordre  les  magnolia,  qui  ont  un  calice  de  trois 
feuilles  comme  le  dernier ,  mais  dont  la  corolle  a  neuf  pétales. 
Le  fruit  est  un  strobile ,  o«  cône  écaillé  de  capsules  à  deux  val- 
vules, couvrant  un  réceptacle  en  forme  de  trèfle,  chaque  cap- 
sule contenant  une  semence  arrondie  semblable  à  une  baie,  et 
suspendue  en-dehors  par  un  fil.  C'est  bien  dommage  que  ces 
beaux  arbres,  si  remarquables  pour  leurs  feuilles  et  pour  leurs 
fleurs,  ne  puissent  supporter  la  rigueur  de  notre  climat. 

Cet  ordre  contient  deux  genres  nombreux,  très-estimés  parmi 
les  fleuristes,  l'anémone  et  la  renoncule.  La  première  de  ces 


344  LP: TIRES  ÉLÉMENTA.IRES 

plantes  n'a  point  de  calice;  elle  a  une  corolle  de  deux  ou  trois 
rangs ,  avec  trois  pétales  à  chaque  rang  ,  et  plusieurs  semences 
nues  qui  retiennent  chacune  leur  style.  Vous  êtes  maintenant 
trop  avancée  dans  l'étude  de  la  botanique  pour  avoir  besoin 
qu'on  vous  avertisse  de  ne  pas  prendre  ces  belles  fleurs  dans 
vos  parterres,  pour  examiner  leurs  corolles  ;  elles  sont  le  produit 
de  l'art,  et  non  de  la  nature  que  vous  étudiez.  L'hépatique, 
qui  vient  de  bonne  heiu-e,  appartient  à  ce  genre,  et  on  la  con- 
naît par  ses  feuilles  entières  à  trois  lobes.  C'est  la  seule  espèce 
qui  a  quelque  chose  de  ressemblant  à  un  calice;  car  elle  a  un 
périanthe  de  trois  feuilles,  qui,  étant  écarté  de  la  fleur,  est 
plutôt  une  enveloppe  qu'un  calice.  La  fleur  de  Pâques ,  ainsi 
nommée  parce  qu'elle  fleurit  vers  Pâques,  est  aussi  de  ce 
genre.  Elle  orne  quelques-unes  de  nos  collines  ,  sèches  et  rem- 
plies de  craie,  par  ses  belles  fleurs  de  couleur  poiupre,  en 
forme  de  cloche  ;  quoiqu'elle  n'ait  point  de  calice  proprement 
dit,  cependant  la  tige  à  fleurs  a  une  enveloppe  à  feuilles,  etmul- 
tifide;  les  feuilles  sont  doublement  ailées ,  ou  bipinnées;  chaque 
plante  ne  porte  qu'une  fleur  vacillante;  et,  après  qu'elle  est 
passée,  le  sommet  de  la  plante  est  blanchàtie,  à  cause  des 
queues  qui  adhèrent  aux.  semences.  Une  autre  espèce  sauvage 
est  l'anémone  des  bois,  qui  ne  porte  qu'une  fleur  blanche  ou 
pourpre  sur  une  plante.  Les  feuiUes  sont  composées  avec  des 
lobes  coupés,  et  les  semences  sont  pointues,  mais  sans  queues. 
Les  anémones  de  jardin,  qui  font  un  si  bel  ornement  pour  les 
parterres,  dans  le  printemps,  ne  sont  que  de  deux  espèces,  malgré 
^a  grande  variété  de  leurs  couleurs  rouges,  blanches ,  pourpre, 
bleues,  avec  toutes  les  nuances  intermédiaires  et  d'innom- 
brables variétés.  L'art,  pour  augmenter  leur  beauté,  les  a  ren- 
dues fort  grandes  et  doubles;  mais  nous  pouvons  encorde  dis- 
tinguer les  espèces  par  leurs  feuilles,  qui,  dans  l'une,  sont 
décomposées,  se  divisant  par  trois,  et  dans  l'autre  sont  digi- 
tées.  La  tige  est  garnie  de  feuilles,  et  les  semences  ont  des 
queues  dans  les  deux  espèces.  Le  genre  rival  de  l'anémone  est 
celui  de  la  renoncule,  qui  en  diffère  en  ce  qu'elle  a  un  calice  de 
cinq  feuilles  et  une  corolle  de  cinq  pétales  ;  mais  la  marque  dis- 
tinctive  de  ce  genre  est  une  glande  remplie  de  miel,  précisé- 
ment sur  la  hase  de  chaque  pétale  à  l'intérieur.  De  quarante- 


I 


SUR   LA   BOTANIQUE.  34^ 

(juatre  espèces,  plusieurs  sont  sauvages,  et  quelques-unes  fort 
communes  dans  plusieurs  parties  de  l'Europe  ,  sous  le  nom  de 
tleurs  de  beurre,  tasses  de  beurre,  et  coupes  de  roi.  Trois  es- 
pèces en  particulier  qui  dans  la  môme  saison  jettent  un  voile 
jaune  sur  nos  prairies,  sont  généralement  confondues,  et  on 
les  regarde  comme  ne  formant  qu'une  espèce.  Cependant  la  re- 
noncule bulbeuse  a  le  calice  courbé  en  arrière  vers  la  tige  à 
fleur ,  au  lieu  que  dans  la  renoncule  rampante  et  dans  la  renon- 
cule acre ,  il  est  ouvert  ou  épanoui  ;  dans  la  première  et  dans  la 
seconde,  le  pédicule  est  sillonné  ;  dans  la  troisième,  il  est  rond 
sans  aucune  cannelure.  En  outre,  les  feuilles  sont  bien  diffé- 
rentes à  l'inspection  ;  la  première  a  une  racine  bulbeuse,  la  se- 
conde jette  beaucoup  de  rejetons,  qui  prennent  racine  comme 
ceux  du  fraisier;  la  troisième  est  une  plante  plus  grande,  plus 
agréable ,  et  qui  fleurit  plus  tard.  Mais  les  prairies  seules  ne 
sont  pas  remplies  de  renoncules;  les  bois,  les  cliamps  de  blé, 
les  eaux,  ont  pareillement  l'avantage  d'en  produire.  Une  espèce 
qui  fleurit  dans  les  prairies  humides  de  très-bonne  heure,  au 
printemps,  est  si  différente  des  autres,  que  les  botanistes  n'ont 
jias  hésité  à  la  tirer  de  ce  genre  pour  en  former  un  genre  parti- 
culier, car  elle  a  un  calice  seulement  de  trois  feuilles;  mais, 
pour  compenser  ce  défaut,  elle  a  une  corolle  de  plus  de  cinq 
pétales  ;  elle  a  des  feuilles  en  forme  de  cœur,  angulaires,  pétio- 
lées  ,  une  fleur  sur  une  tige  ,  et  des  i\'icines  nouées.  Mais  la 
renoncule  de  Perse  est  la  grande  rivale  de  l'anémone,  dans  le 
parterre,  pour  la  beauté  et  la  variété  des  corolles  qui  sont 
grandes  et  doubles;  elles  sont  tellement  changées  par  l'art, 
qu'il  faut  que  vous  ayez  recours  aux  feuilles  pour  la  distinction 
spécifique;  celles-ci  sont  alternes  et  biternes,  les  lobes  triftdes 
et  coupés.  La  tige  est  droite ,  ronde,  garnie  de  poils,  et  bran- 
chue  au  bas  ;  les  feuilles  radicales  sont  simples.  Voilà  de  quoi 
vous  occuper  comme  botaniste  et  comme  fleuriste,  ma  chère 
cousine;  ainsi  je  vous  laisse  pour  le  moment. 


346  LETTRES   liLÉMENTAIRES 


LETTRE  XIÏ. 

ler  juillet  1775. 

Ayant  maintenant  parcouru  plus  de  la  moitié  de  notre  car- 
rière, nous  voilà  arrivés  à  un  ordre  de  classes  naturelles, 
que  vous  connaissez  si  parfaitement,  que  vous  ne  trouverez 
point  de  difficulté  à  assigner  la  place  convenable  ;\  chacune 
des  plantes  qui  appartiennent  à  ces  classes. 

La  structure  des  fleurs,  dans  la  quatorzième  classe,  a  été 
expliquée  au  long  dans  la  quatrième  lettre;  mais  le  caractère 
propre  et  essentiel  est  d'avoir  quatre  étaraines,  toutes  dans  un 
rang,  et  en  paires.  La  paire  intérieure  est  plus  longue  que 
l'autre,  d'où  on  lui  a  donné  le  nom  de  didynamie.  Enfin  il  n'y 
a  qu'un  style.  Toutes  ces  parties  sont  renfermées  dans  une  co- 
rolle irrégulière,  nionopétale  ou  plissée. 

Cette  classe  n'a  que  deux  ordres ,  qui  ne  sont  pas  fondés  sur 
la  forme  de  la  fleur ,  comme  vous  pourriez  l'imaginer  par  ce 
qui  a  été  dit  dans  une  lettre  précédente,  ni  sur  le  nombre  des 
styles,  comme  dans  les  classes  précédentes,  parce  qu'aucune 
des  fleurs  n'en  a  plus  d'un;  mais  sur  ce  qu'ils  ont  quatre  se- 
mences nues,  enfermées  dans  le  calice;  ou  bien  qu'ils  en  ont 
plusieurs,  fixées  à  un  réceptacle,  dans  le  milieu  d'un  péri- 
carpe. Le  premier  de  ces  ordres  est  nommé  gymnospermie;  le 
second  angiospei'mie. 

Cette  classe  contient  cent  deux  genres,  et  six  cent  quarante- 
trois  espèces.  Chaque  ordre  forme  une  classe  naturelle.  Le 
premier  renferme  les  plantes  verticillées ,  ainsi  nommées  de  la 
manière  dont  les  fleurs  croissent,  en  verticilles  ou  sommités; 
elles  se  ressemblent  encore,  en  ce  qu'elles  produisent  les  feuilles 
par  paires,  et  en  ce  qu'elles  ont  les  tiges  carrées.  Le  second 
renferme  les  fleurs  à  masque,  ou  celles  qui  ont  généralement 
une  corolle  à  masque,  et  toujours  un  péricarpe  ou  vaisseau 
enfermant  les  semences. 

Le  caractère  générique  essentiel  du  lierre  rampant ,  est  en 


SUR  LA  BOTANIQUE.  347 

même  temps  beau ,  et  forme  une  distinction  très-remarquable. 
Chaque  couple  d'anthères  forme  une  petite  croix  élégante , 
l'une  au-dessus  de  l'autre.  Les  feuilles  sont  en  forme  de  fève  de 
haricot,  et  entaillées  sur  les  bords.  Dans  ce  genre  dans  l'hy- 
sope,  la  menthe,  la  lavande,  la  bugle,  la  bétoine,  l'ortie  morte, 
la  menthe  de  chat,  la  sariette,  le  marrube,  etc.,  les  calices  sont 
assez  régulièrement  quinquifides.  Dans  le  thym,  le  basilic,  la 
sanicle,  la  marjolaine,  le  baume,  etc.,  ils  sont  bilabiés.  Dans 
la  menthe,  les  corolles  sont  à  peine  plissées,  les  filets  sont 
droits  et  distants.  La  lavande  a  les  corolles,  pour  ainsi  dire, 
tournées  sans  dessus  dessous,  ce  qui  fait  la  partie  supérieure 
dans  la  plupart  des  autres,  étant  l'inférieure  dans  cette  plante, 
et  vice  versa.  Les  calices  sont  aussi  soutenus  par  ime  bractée  ; 
les  étamines  sont  dans  le  tube.  Le  teucrium  n'a  pas  proprement 
de  lèvre  supérieure;  mais  la  corolle  est  fendue  presque  en  en- 
tier ,  pour  laisser  passer  les  étamines  ;  la  bugle  a  la  lèvre  supé- 
rieure de  la  corolle  très-courte ,  et  beaucoup  plus  que  les  filets. 
Notre  espèce  commune  sauvage  est  connue,  en  ce  qu'elle  est 
très-unie,  et  qu'elle  se  propage  par  des  rejetons.  La  bétoine  a 
la  lèvre  supérieure  de  la  corolle  aplatie,  et  s'élevant  ensuite 
avec  im  tube  cylindrique;  les  segments  du  calice  sont  prolon- 
gés en  pointes  déliées  comme  des  barbes ,  et  les  filets  ne  s'é- 
tendent pas  au-delà  du  cou  ou  de  l'ouverture  du  tube.  La 
bétoine  des  bois  est  distinguée  par  une  pointe  de  fleurs  inter- 
rompue, et  par  les  segments  qui  sont  au  milieu  de  la  lèvre , 
lesquels  sont  rognés ,  ou  ayant  ime  entaillure.  La  chataire  a 
les  divisions  du  milieu  de  la  lèvre  inférieure  crénelées,  ou  lé- 
gèrement entaillées;  les  bords  des  lèvres  sont  i-ecourbés ,  et 
les  étamines  serrées  l'une  contre  l'autre.  Les  fleurs  de  l'espèce 
sauvage  sont  dans  une  pointe,  consistant  en  une  rangée  de  courts 
pédicules  ;  les  feuilles  sont  en  forme  de  cœur ,  avec  des  dente- 
lures émoussées  et  pétiolées.  Si  vous  avez  des  doutes  concer- 
nant cette  plante ,  présentez-là  à  votre  chatte ,  et  efle  vous  la 
fera  connaître  par  les  caresses  qu'elle  lui  prodiguera ,  et  qu'elle 
accorde  aussi  au  marum  et  à  la  valériane.  La  première  de  ces 
plantes  n'étant  pas  sauvage ,  et  la  seconde  étant  si  différente  , 
vous  ne  pourrez  vous  y  méprendre.  Le  marrube  noir  et  le 
marrube  blanc  ont  l'un  et  l'autre  un  calice  marqué  de  dix 


34^>  LKTTRES  ÉLÉMENTAIRES 

raies  ;  mais  la  lèvre  supérieure  de  la  corolle ,  dans  le  premier , 
est  en  forme  d'arc  et  crénelée;  dans  le  dernier,  il  est  droit ,  li- 
néaire et  bifide.  Le  marrube  commun  noir  est  connu  par  ses 
feuilles  entières,  en  forme  de  cœur,  et  dentelées,  et  par  ses 
calices  très-pointus  ;  les  corolles  sont  rouges.  Le  marrube 
commun  blanc  a  les  divisions  du  calice  qui  se  terminent  en 
pointes  sétacées,  crochues  ;  les  corolles  sont  blanches  ,  et 
toute  la  plante  a  un  air  de  blancheur,  à  cause  du  poil  qui 
couvre  les  tiges  et  les  feuilles. 

Dans  la  seconde  division,  où  les  calices  sont  bilabiés,  le 
thym    a   l'ouverture  du  tube  fermée  par  des  poils.  Le  thym 
sauvage,  qui  a  une  si  agréable  odeur  ,  et  qui  orne  les  pâturages 
secs,  par  ses  fleurs  rouges ,  est  connu  par  ces  mêmes  fleurs  qui 
croissent  en  tète  ,  par  les  divisions  du  cahce,  qui  sont  ciliées, 
les  feuilles  ovales  ,  plates ,  émoussées  au  bout ,  pointillées  de 
petites  glandes,  et  ciliées  à  la  base ,  ainsi  quç  par  ses  tiges  ram- 
pantes. Le  thvm"  de  jardin   est   une  plante    droite ,  avec  des 
feuilles    ovales,  rephées,  et  les   fleurs  en  groupes,  formant 
toutes  ensemble  une  pointe.  Dans  cette  espèce  ,  il  y  a  beau- 
coup de  variétés ,  comme  dans  l'autre.  Le  basilic  a  une  enve- 
loppe  de  plusieurs    feuilles    étroites,  immédiatement  sous  le 
groupe  de  fleurs.  La  marjolaine  est  distinguée  par  une  enve- 
loppe composée  de  bractées  ovales  ,  colorées  ,  et  creusées  en 
gouttière,  formant  toutes  ensemble  une  espèce  de  pointe  car- 
rée, ou  de  strobile.  L'origan  commim  a  les  pointes  arrondies 
vers  les  angles,  conglomérées,  et  formant  toutes  ensemble  un 
panicule;  les  bractées  sont  plus  longues  que  les  calices.  Vous 
trouverez  cette  plante  sauvage  sous  les  haies  et  parmi  les  buis- 
sons. Celle  qu'on  cultive  dans  le  potager,  sous  le  nom  de  mar- 
jolaine du  pot,  ne  diffère  pas  beaucoup  de  la  suivante.  Les 
pointes   sont  oblongues  ,  agrégées ,  et  garnies  de  poils  ;  les 
feuilles  sont  en  foi'me  de  cœur,  et  garnies  de  duvet;  la  tige  est 
ligneuse ,  et  les  fleurs  blanches.  La  marjolaine  douce  a  des 
feuilles  ovales ,   émoussées  au  bout,  et  des  pointes  aiTondies, 
compactes  et  pubescentes.  La  marjolaine  douce  d'hiver  a  des 
pointes  longues,  agrégées  et  pédiculées,  et  les  bractées  sont  de 
la  longueur  des  calices  ;  les  corofles  de  celle-ci  sont  blanches  , 
et  celles  de  l'autre  sont  ronges.  Le  dictame  de  Crète  a  les  pe- 


SUR   L  V   BOTANIQUE.  349 

titcs  fleurs  pourpre,  ramassées  en  tètes  vacillantes  ,  avec  des 
bractées  creusées  en  gouttière;  les  tiges  sont  pubescentes,  de 
couleur  tirant  sur  le  pourpre,  et  poussent  de  petites  branches 
par  paires,  sur  les  côtés.  Les  feuilles  sont  rondes  ,  épaisses,  et 
si  garnies  de  laine  ,  qu'elles  en  sont  tout-à-fait  blanches.  Toute 
la  plante  a  une  odeur  aromatique  perçante,  et  un  goût  mor- 
dant. C'est  la  plante  si  célèbre,  avec  laquelle  Vénus  giiéiùt  la 
blessure  d'Énée.  La  mélisse  a  un  calice  sec,  angulaire,  aplati 
au  sommet;  la  lèvre  supérieure  est  élevée;  le  casque  de  la  co- 
rolle est  un  peu  voûté,  et  profondément  entaillé  ou  bifide;  la 
lèvre  inférieure  est  Irifide,  avec  le  lobe  du  milieu  en  forme  de 
cœur. 

La  mélisse  officinale  a  des  fleurs  qui  croissent  en  petites 
grappes  lâches,  sortant  des  ailes  de  la  tige,  et  les  pédicules  sont 
simples,  c'est-à-dire  sans  branches.  Il  y  a  deux  plantes  de  ce 
genre  qui  croissent  naturellement,  et  qui  ont  le  nom  de  cala- 
meut.  La  moldavique  est  distingué(;  principalement  par  la 
grande  enflure,  ou  l'ouverture  considérable  des  mâchoires  de 
la  corolle;  la  lèvre  supérieure  est  aussi  courbée  en  arc,  pliée 
et  obtuse.  Dans  ce  genre  on  trouve  la  plante  qui  a  un  par- 
fum si  agréable,  et  qu'on  nomme  vulgairement  mélisse  de  Ca- 
narie.  Cette  plante  a  des  feuilles  composées  consistant  en  trois 
ou  cinq  lobes  oblongs,  pointus  et  dentelés;  les  fleurs  sortent 
en  pointes  épaisses  et  courtes ,  les  corolles  sont  d'un  bleu  pâle. 
La  sanicle  est  connue  d'abord  par  ses  filets  fourchus,  avec  les 
anthères  insérées  au-dessous  du  sommet  ;  le  stigmate  est  aussi 
rogné  ou  bifide.  La  brunelle  commune,  si  commune  dans  les 
pâturages,  a  toutes  les  feuilles  d'une  forme  oblongue  et  ovale, 
dentelées  sur  le  bord,  et  pétiolées.  La  toque  se  fait  distinguer 
aisément  de  tous  les  autres  genres  de  cet  ordre  par  les  parties 
de  la  fructification;  car  le  calice  est  entier  à  son  embouchure, 
j  et,  après  que  la  fleur  est  passée,  il  se  ferme  avec  une  espèce 
de  couvercle ,  de  sorte  que  le  tout  ressemble  à  un  casque  ;  de 
là  viennent  les  noms  qu'on  lui  a  donnés ,  cassida ,  heaume , 
herbe  à  capuchon  ;  les  semences  se  trouvant  ainsi  renfermées 
dans  une  espèce  de  capsule,  ce  germe  forme  le  chaînon  qui  unit 
cet  ordre  au  suivant.  L'espèce  commune  sur  les  bords  des  ri- 
vières, près  des  fossés  et  autres  lieux  humides  ,  a  des  feuilles 


35o  LFTÏRES   ÉLÉMENTAIRES 

pn  forme  de  lance,  creusées  à  la  base,  entaillées  sur  le  bord,  et 
ridées  sur  la  surface  ;  les  fleurs  sont  bleues,  et  sortent  des  ailes 
ou  angles  formés  par  les  feuilles  ou  subdivisions  avec  la  tige 
principale. 

Les  corolles  dans  tous  les  genres  du  premier  ordre,  à  quel- 
ques exceptions  près,  ont  l'embouchure  ouverte,  labiée.  Dans 
le  second  ordre,  que  vous  allez  maintenant  examiner,  plusieurs 
de  ces  plantes  ont  des  corolles  à  masque,  ou  labiées,  avec  les 
lèvres  fermées.  Quelques-unes  cependant  ont  des  corolles  ou- 
vertes, en  forme  de  cloche,  ou  en  forme  de  roue,  et  irrégu- 
lières. Toutes  ces  plantes  ont  également  des  semences  renfer- 
mées dans  vm  péricarpe;  et  de  là  vient  le  nom  qu'on  donne  à 
cet  ordre  :  angiospermia.  Dans  la  plupart  des  genres  les  calices 
sont  quinquihdes;  cependant,  dans  quelques-uns,  ils  sont  bi- 
fides; dans  un,  trifides;  dans  plusieurs,  quadrilides,  et  dans 
deux  multifides. 

Parmi  les  plantes  de  cet  ordre  ,  qui  ont  le  calice  bifide  ,  vous 
trouverez  l'orobanche,  qui  a  une  corolle  ouverte,  divisée  au 
sommet  en  quatre  segments,  et  presque  réguhère;  il  y  a  une 
"lande  à  la  base ,  et  la  capsule  est  à  une  loge  et  à  deux  valvules. 
L'espèce  commune  a  une  tige  pubescente,  absolument  sans 
division.  La  couleur  feuille-morte  de  cette  plante  suffit  seule 
pour  vous  la  faire  connaître  à  la  première  vue. 

Parmi  celles  qui  ont  des  calices  quadrifides,  on  trouve  le  rhi~ 
nanthiis,  ou  la  crête  de  coq  ,  et  l'euphraise.  Ces  plantes  ont  des 
corolles  à  masque.  La  première  a  le  calice  enflé ,  et  une  capsule 
obtuse,  comprimée,  et  à  deux  loges.  L'espèce  sauvage  du  rhinan- 
thus  ' ,  commune  dans  les  prairies  humides,  est  connue  parla 
forme  de  la  lèvre  supérieure  de  la  corolle,  qui  est  courte  et  apla- 
tie- la  couleur  est  jaune;  le  calice  est  fort  large  ;  et,  comme  c'est 
une  plante  qui  fleurit  de  bonne  heure ,  cette  partie  devient 
sèche  avant  que  le  temps  de  la  fenaison  soit  venu;  elle  craque 
sous  la  faux.  L'euphraise,  jadis  célèbre  ,  comme  propre  à  pur- 
ger le  rayon  visuel ,  a  le  calice  cylindrique ,  les  anthères  épi- 
neuses à  la  base  d'un  de  leurs  lobes  ,  et  les  capsules  d'une  forme 
oblongue ,  ovale  et  biloculaire ,  ou  à  deux  loges.  L'espèce  qu'on 
tient  dans  les  boutiques  a  des  feuilles  moitié  ovales  et  linéaires, 

I  Cocriste  glabre. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  35l 

avec  des  dentelures  aiguës  sur  les  bords.  C'est  une  plante 
huniLle ,  propre,  croissant  dans  des  pâturages  secs  et  parmi  des 
bruyères  ;  la  corolle,  à  l'examiner  de  près,  est  fort  élégante. 
Dans  la  plus  grande  section ,  où  sont  les  plantes  qui  ont  des 
calices  quinquifides,  vous  trouverez  les  mufliers,  genre  qui 
comprend  quarante-sept  espèces  ;  la  corolle  est  à  masque,  pro- 
longée à  la  base  par  un  sac  ou  éperon,  et  le  vaisseau  à  se- 
mence est  une  capsule  à  deux  loges.  Des  deux  espèces  dont  je 
\  eus  ai  précédemment  fait  mention  ,  la  linaire  '  a  des  feuilles 
linéaires  qui  approchent  de  la  forme  des  lances  ,  et  croissent 
plusieurs  ensemble  sur  une  tige  droite;  les  fleurs  naissent  l'une 
près  de  l'autre  en  pointes  sessiles,  qui  terminent  la  tige;  la 
lèvre  inférieure  de  la  corolle  est  velue  en -dedans;  les  bords 
de  l'ouvertiu'e  sont  de  couleur  orange;  mais  le  reste  est  d'un 
jaune  pâle,  et  se  teimine  en  un  long  éperon.  Il  est  maintenant 
en  fleur,  ou  y  sera  bientôt.  Le  hasard  a  produit  d'éti^anges 
variétés  dans  cette  plante ,  en  changeant  la  corolle ,  qui  était 
à  masque,  avec  quatre  étamines  didynamiques  ,  en  une  corolle 
régulièrement  pentapétale  ,  avec  cinq  étammes  ,  le  reste  de  la 
plante  demeurant  le  même.  On  trouve  fréquemment  des  va- 
riétés qui  participent  de  la  nature  des  deux  espèces  *;mais, 
comme  on  les  trouve ,  en  général ,  parmi  les  plantes  annuelles , 
et  qu'elles  ne  produisent  jamais  de  semence ,  elles  sont  per- 
dues presque  aussitôt  qu'elles  sont  parvenues  à  la  peifection  , 
au  lieu  que  celle-ci  étant  permanente  et  foit  rampante  par  les 
racines  ,  on  l'a  conservée  comme  un  exemple  de  monstre  dans 
la  nature  végétale.  Le  mufle  de  veau  a  les  feuilles  du  calice  ai- 
rondies  au  sommet,  les  fleurs  croissant  en  pointe,  et  les  corolles 
sans  éperon;  la  couleur  de  ces  corolles  est  rouge,  avec  les  bords 
de  l'ouverture  blancs  ou  jaunes,  ou  entièrement  blancs,  ou  bien 
blancs  avec  des  boi'ds  jaunes.  Les  feuilles  sont  en  forme  de  lance, 
et  pétiolées.  Plusieurs  espèces  à^ antirrhinum  sont  sauvages  sur 
les  murs  et  dans  les  champs  de  blé.  Plusieurs  autres  ne  sont  pas 
rares  dans  les  jardins,  comme  la  linaire  à  trois  feuilles,  plante 
annuelle,  quia  des  feuilles  ovales,  unies  et  grises,  générale- 
ment ternaires ,  comme  le  nom  le  signifie  ;  mais  aussi  quelque- 

»  Lia  de  crapaud. 

^  On  uomme  ces  plantes  personnées ,  ou  fleurs  en  gueule. 


35u  LETTRES    ÉLÉMENTAIRES 

fois  croissant  par  paires. 'Les  fleurs  viennent  en  pointes  courtes 
au  sommet  des  tiges,  et  sont  formées  comme  celles  de  la  linaire 
commune  :  seulement  les  tubes  ne  sont  pas  si  longs  ;  ils  sont 
jaunes ,  avec  des  mâchoires  de  couleur  de  safran.  Deux  ou  trois 
espèces  permanentes  ,  avec  de  jolies  pointes  de  fleurs  bleues  , 
et  quelques-unes  d'elles,  sentant  fort  bon  ,  se  trouvent  ordi- 
nairement parmi  les  arbrisseaux  en  fleurs ,  et  autres  plantes 
permanentes. 

La  scrophulaire  est  une  autre  de  ces  plantes  ;  la  corolle  est 
de  l'espèce  qui  est  sens  dessus  dessous ,  presque  globuleuse 
dans  sa  forme  ;  les  deux  divisions  supérieures  sont  les  plus 
grandes  et  droites  ;  les  deux  latérales  se  répandent  en  s'ou- 
vrant,  et  la  cinquième,  qui  est  au-dessous,  est  recourbée. 
Dans  plusieurs  espèces  ,  sous  la  division  qui  est  au  sommet  , 
dans  l'ouverture  dé  la  corolle,  il  y  a  un  petit  bout  qui  ressem- 
ble aune  lèvre;  à  la  fleur  succède  une  capsule  à  deux  cellules. 
Il  y  en  a  deux  espèces  assez  communes ,  une  dans  les  bois  et  le 
long  des  espaliers  ,  avec  les  angles  de  la  tige  émoussés ,  et  des 
feuilles  en  forme  de  cœur,  fort  prolongées  au  sommet ,  et  mar- 
quées de  trois  nervures  élevées  ;  l'autre  vient  au  bord  des  ri- 
vières ,  et  dans  d'autres  lieux  humides  ';  elle  a  une  membrane 
qui  court  le  long  de  la  tige  aux  angles  ,  et  des  feuilles  en  forme 
de  cœur,  émoussées  au  bout.  Ces  plantes  ont  une  teinte  noi- 
râtre, mêlée  à  leur  couleur  verte,  et  leurs  fleurs  sont  d'un  rouge 
sombre. 

La  digitale,  une  des  plantes  sauvages  qui  a  le  plus  d'appa- 
rence,  a  une  corolle  ouverte,  divisée  en  quatre  segments  au 
sommet ,  ets'enflant  au-dessous ,  formée  comme  les  doigts  d'un 
gant,  la  capsule  ovale  et  à  deux  cellules.  La  digitale  ,  sauvage 
ou  pourpre,  se  fait  distinguer,  en  ce  qu'elle  a  les  feuilles  du 
calice  ovales  et  aiguës  ,  avec  les  segments  de  la  corolle  obtus  , 
et  la  lèvre  supérieure  entière  ;  l'intérieur  de  la  corolle  est  mar- 
qué de  belles  taches  qui  ressemblent  à  des  yeux  ,  et  les  feuilles 
sont  grandes  et  ridées;  le  rouge  est  la  couleur  de  la  fleur, 
dans  son  état  sauvage  ,  quand  elle  est  cultivée  dans  les  jardins , 
elle  varie  du  blanc  au  jaune. 

I  Seroplmlaire  aquatique. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  353 

La  ])ignone  a  un  calice  cyathiformc  ',  étroit  au  fond  ,  et  fort 
évasé  au  sommet ,  ime  corolle  en  forme  de  cloche ,  s'enflant 
beaucoup  au  -  dessous ,  et  partagée  au  sommet  en  cinq  seg- 
ments. Elle  a  une  silique  à  deux,  cellules  ,  pour  vaisseau  à  se- 
mence ,  qui  contiennent  des  semences  ailées  qui  sont  rangées 
les  unes  sur  les  autres  ,  et  fort  serrées.  Le  jasmin  de  Virginie, 
avec  les  branches  traînantes  ,  qui  jettent  des  racines  par  les 
jointures  pour  acquérir  du  support  et  de  la  nourriture  en 
s'attachant  aux  arbres,  d<ms  la  Virginie  et  dans  le  Canada, 
pays  dont  cette  plante  est  oi'iginairc  ,  a  les  feuilles  pinnées , 
dont  les  lobes  sont  coupés  ;  les  grandes  fleurs ,  en  forme  de 
trompette ,  sont  de  couleur  orange.  Le  catalpa  est  un  grand 
arbre,  avec  des  feuilles  d'une  simplicité  remarquable  et  en 
forme  de  cœur.  Les  fleurs  sont  produites  en  grands  panicules 
branchus;  elles  sont  d'un  blanc  sale,  avec  un  petit  nombre  de 
taches  pourpre,  et  de  légères  raies  de  jaune  ;  mais,  ce  qu'il  y  a 
de  plus  remarquable ,  elles  ont  seulement  deux  étamines  par- 
faites ,  avec  de  petits  rudiments  de  trois  autres  ;  le  calice  aussi 
n'est  pas  simplement  quinquifide  ,  mais  il  est  presque  divisé 
jusqu'au  fond. 

L'acanthe  ,  dont  ou  dit  que  les  feuilles  ont  donné  la  première 
idée  de  l'élégant  chapiteau  corinthien,  est  aussi  de  cet  ordre, 
mais  il  appartient  à  la  section  qui  a  des  calices  bifides  ;  il  a 
une  corolle  irrégulière,  sans  aucune  lèvre  supérieure;  l'infé- 
rieure a  trois  lobes  ;  les  anthères  sont  garnies  de  poils ,  et  la 
capâule  est  à  deux  cellules. 

Je  ne  puis  m'empècher  de  vous  faire  remarquer,  puisque 
c'est  une  observation  dont  j'ai  été  frappé,  que  la  plus  grande 
partie  des  genres  de  la  section  principale  de  cet  ordre  est  dé- 
diée à  la  mémoire  des  célèbres  botanistes.  Ici  on  trouve  le  grand 
Linnée  lui-même;  le  célèbre  arabe  Avicenne;  ces  pères  de  la 
science  botanique,  Gesner  et  Columna.  En  Italie,  Crescentiiis , 
Tozzi ,  Vandelli ,  Durante  ;  les  illustres  français  Bignon  ,  Bar- 
relier,  Ruellius  ,  Cornutus,  Dodart;  les  suédois  Celsius  Toren 
et  Broval  ;  Buchner  ,  Bontius ,  Besler ,  allemands  ;  en  Angle- 
terre ,  le  vénérable  Gérard  ,  Millington;  et  dans  des  temps  plus 
modernes ,  le  lord  Petre ,  et  deux  professeurs  contemporains 

'  En  forme  de  verre  à  boire 

R.    VII.  23 


354  LETTRES  ÉLÉMIINTVIRES 

tk-  Cambridge  ot  d'Oxford  ;  rilkistrc  et  infiitigable  baron  de 
Haller  occupe  lui  seul  une  section  comme  il  le  mérite.  Cette 
manière  de  consacrer  les  plantes  nouvellement  décovivertes 
à  la  mémoire  des  personnes  qui  se  sont  distinguées  dans  cette 
science ,  me  paraît  très-bien  imaginée.  Des  dames  ont  eu  cet 
honneur  aussi  -  bien  que  les  hommes  ,  et  je  ne  doute  pas ,  ma 
chère  cousine,  que  vous  ne  méritiez  un  jour  d'avoir  une  niche 
dans  ce  temple. 


LETTRE  XIIL 


4  août  1770. 


Avant  qu'il  se  fût  répandu  auciuie  idée  de  svstèmc  et  d'ar- 
l'angement ,  les  yeux  éclairés  par  la  science  apercevant  une  res- 
semblance entre  le  chou  et  le  navet ,  le  giroflier  et  la  rave  , 
dans  les  parties  de  la  fructification ,  les  auteurs  s'accordèrent 
universellement  à  placer  ces  plantes  ,  et  autres  semblables, 
dans  la  même  section  ou  division  de  leurs  livres  ,  et  à  les  dé- 
crire toutes  ensemble.  Vous  avez  déjà  vu  la  nature  de  cette 
ressemblance  ,  et  n'avez  point  été  embarrassée  à  classer  la 
famille  des  cruciformes;  vous  n'avez  maintenant  besoin  que 
d'apprendre  que  la  quinzième  classe  ,  la  tétradynamic  ,  dans  le 
système  de  Linnée,  contient  les  mêmes  plantes  que  vous  avez  été 
accoutumée  à  nommer  cruciformes.  Il  faut  vous  ressouvenir 
qu'on  lui  donne  ce  nom  grec  de  tétradynamic  ,  à  cause  de 
quatre  étamines  ,  qui  sont  plus  fécondes  ou  plus  longues  que 
les  deux  qui  restent ,  circonstance  sur  laquelle  Linnée  fonde 
le  caractère  de  cette  classe  ;  c'est  ce  qui  la  distingue  de  la 
sixième ,  dans  laquelle  les  six  étamines  sont  d'une  longueur  égale  , 
ou  du  moins  ne  sont  pas  régulièrement  de  cette  inégalité  qu'on 
observe  dans  la  classe  qui  s'offre  maintenant  à  votre  examen. 

Il  suffira  d'examiner  un  petit  nombre  des  genres  et  des  es- 
pèces qui  ne  sont  pas  fort  nombreux'.  En  conséquence  ma  lettre 
ne  sera  pas  de  la  longueur  effrayante  dont  quelques-unes  de  mes 
précédentes  ont  été. 

I  11  y  a  trente-deux  genres  et  deux  cent  quatre-vingt-sept  espèces. 


s  L  H    1,  V    11  O  T  A  \  1  n  V  IL  355 

Nous  commencerons  par  l'ordie  siiiculeiix  ,  ou  qui  a  des  cos- 
ses courtes  ,  et  qui  est  subdivisé  en  deux  sections.  La  première 
contient  les  légumes  qui  ont  la  silique  entière,  et  la  seconde 
ceux  qui  ont  la  silique  entaillée  au  soinniet.  le  choisirai ,  dans 
la  première  subdivision,  la  lunaire,  parce  qu'elle  est  commune 
dans'les  jardins,  et  qu'elle  a  des  parties  plus  grandes  que  la  plupart 
des  fleurs  des  autres  crucifères.  La  silique  est  ovale,  entière,  pres- 
que plate,  et  est  portée  par  un  pédicule.  Les  valvides  sont  égales 
aux  cloisons;  elles  sont  parallèles  et  plates;  les  petites  feuilles 
du  calice  ont  un  sac.  La  blancheur  brillante  de  ces  siliques  a 
fait  nommer  cette  plante  satin  blanc;  et,  à  cause  de  leur  forme, 
on  lui  a  donné  le  nom  de  lunaire ,  ou  d'herbe  de  la  lune.  Linnée 
ne  fait  mention  que  de  deux  espèces  ;  l'annuelle,  qui  diffère  de 
celle  qui  dure  deux  ans,  en  ce  qu'elle  a  des  fleurs  plus  grandes, 
d'un  pourpre  plus  clair,  et  les  siliques  plus  longues  et  plus 
étroites;  elles  ont  l'une  et  l'autre  des  feuilles  en  forme  de  cœur , 
dentelées  sur  les  bords,  un  peu  garnies  de  poils,  et  qui  se  ter- 
minent en  pointes  aiguës;  les  feuilles  inférieures  sont  portées 
par  de  longs  pétioles;  mais  celles  qui  sont  supérieures  sont 
collées  à  la  tige. 

Dans  la  seconde  division  est  ril)ér!de,  connue  jiar  sa  co- 
rolle irrégulière ,  avec  les  deux  pétales  extérieurs  plus  grands 
que  les  deux  autres.  L'ibéride  rouge  est  une  plante  annuelle, 
herbacée,  avec  des  fleurs  rouges  qui  croissent  en  espèce  d'om- 
belle; votre  jardinier  la  sème  sur  les  bordures  de  voire  parterre. 
Cette  plante  a  des  feuilles  en  forme  de  lance,  qui  se  terminent 
en  pointes  ;  les  inférieures  sont  dentelées,  et  les  supérieures  tout- 
à-fait  entières  ;  les  fleurs  de  celle-ci  sont  quelquefois  blanches, 
et  alors  on  la  confond  avec  l'espèce  amère ,  qui  cependant  n'a 
pas  les  feuilles  si  pointues,  et  n'a  qu'un  petit  nombre  de  dente- 
lures. Les  fleurs  aussi  croissent  en  grappe,  et  la  plante  est  plus 
branchue. 

Dans  cette  subdivision,  on  range  aussi  la  cuillerée  ou  coch- 
léaria,et  le  raifort,  qui  s'accordent  en  ce  qu'ils  ont  une  si- 
lique en  forme  de  cœur,  enflée  et  laboteuse,  dont  les  valvules 
sont'  gibbeuses  et  obtuses.  Le  coehléaria  des  boutiques  et  des 

I  Bossues. 


356  LETTRES  ÉL^MENTAIR'ES 

jardinsa  une  tige  branchue  ;  les  feuilles  inférieures  sonlarrondies 
et  creusées  près  du  pétiole;  les  feuilles  de  la  tige  sont  oblon- 
gues  et  sinueuses;  les  fleurs,  qui  sont  blanches,  croissent  en 
grappes  au  sommet  des  tiges.  Le  cochléaria  de  mer  anglais  a 
des  feuilles  plus  longues,  etelles  sont  toutes  sinueuses.  Le  raifort 
sauvage,  dont  il  n'y  a  guère  que  les  botanistes  qui  voient  la 
fleur,  a  les  feuilles  de  la  racine  en  forme  de  lance,  et  entaillées 
sur  les  bords  ;  les  feuilles  de  la  tige  sont  balafrées. 

Le  second  ordre,  qui  contient  les  fleurs  cruciformes  aux- 
quelles succèdent  une  silique  ou  longue  cosse,  est  aussi  subdi- 
visé en  deux  sections.  Dans  la  première ,  les  petites  feuilles 
sont  convergentes  au  sommet;  dans  la  seconde  elles  sont 
entrouvertes.  La  rave,  Vénsimum,  le  giroflier,  la  violette  jaune, 
la  roquette ,  Varabis,  le  chou,  le  navet,  etc.,  se  rangent  dans 
la  première  section  :  la  guède  ou  pastel,  le  chou  de  mer,  la 
cardamine  ,  le  sénevé ,  le  cresson  d'eau  ,  etc.,  dans  la  seconde. 
La  rave  a  une  silique  cylindrique  avec  des  jointures  et  en- 
flée ;  on  observe  deux  glandes  entre  les  étamincs  les  plus 
courtes  et  le  pistil ,  avec  deux  autres  entre  les  étamines  plus 
longues  et  le  calice.  'iJerysimum  a  une  silique  en  forme  de  co- 
lonne avec  quatre  côtés  égaux.  Il  y  en  a  plusieurs  espèces  sau- 
vages :  premièrement  l'espèce  commune,  qui  croît  au  bord  des 
chemins  ,  qu'on  distingue  très-bien  par  ses  feuilles  raboteuses 
et  ses  siliques  collées  contre  la  tige:  secondement,  le  cresson 
d'hiver,  avec  des  feuilles  en  forme  de  lyre,  le  lobe  extérieur 
arrondi ,  et  des  pointes  de  fleurs  jaunes  ;  cette  plante  croît  aux 
bords  des  fossés:  troisièmement,  celle  qui  a  l'odeur  de  l'ail, 
et  qu'on  appelle,  à  cause  de  cela,  herbe  à  la  sauce;  elle  a  des 
feuilles  en  forme  de  cœur;  les  fleurs  sont  blanches,  et  l'odeur 
fait  aisément  découvrir  cette  plante. 

Le  giroflier  a  deux  petites  feuilles  du  calice  gibbeuses  à  la 
base.  Le  germe  a  une  petite  dent  glanduleuse  de  chaque  côté, 
et  les  semences  sont  plates.  On  distingue  ainsi  les  deux  espèces. 
Le  giroflier  jaune  a  des  feuilles  aiguës  et  unies,  avec  des  bran- 
ches anguleuses.  Le  giroflier  des  jai'dins  a  des  feuilles  blan- 
châtres, obtuses,  avec  des  siliques  aplaties,  tronquées  au 
sommet  ;  l'une  et  l'autre  ont  des  tiges  de  la  nature  des  arbris- 
seaux, et  des  feuilles  entières  en  forme  de  lance.  Le  giroflier 


&uR  LA   BOTANIQUE.  SSy 

annuel  ou  de  dix  semaines  diffère  en  ce  qu'il  a  une  tige  her- 
bacée; les  feuilles  sont  un  peu  dentelées,  les  pétales  entaillés, 
et  les  siliques  cylindriques  et  aiguës  au  bout.  La  julienne  a  les 
pétales  courbés  obliquement,  et  une  glande  de  chaque  côté,  au- 
dedans  des  étamines  les  plus  courtes.  Le  stigmate  est  fourchu, 
avec  les  parties  convergentes  au  sommet,  et  la  silique  roide  et 
droite. 

L'arabette  a  quatre  glandes,  au-dedans  des  petites  feuilles  du 
calice,  comme  des  écailles  réfléchies.  Quelques-unes  des  es- 
pèces sont  sauvages,  et  celle  qui  vient  des  Alpes  est  maintenant 
commune  dans  plusievirs  jardins  :  les  feuilles  de  cette  espèce 
embrassent  la  tige,  et  sont  dentelées  sur  les  bords;  elle  porte 
des  fleurs  blanches  en  bouquets  lâches  '.  Le  chou,  le  na- 
vet, la  rave,  etc.,  s'accordent  tous  dans  la  disposition  des 
glandes  ;  les  petites  feuilles  du  calice  sont  droites  ;  les  queues 
des  corolles  sont  à  peine  aussi  longues  que  le  calice;  la  silique 
est  arrondie,  un  peu  aplatie  de  chaque  côté,  avec  les  valvules 
plus  courtes  que  la  cloison  ,  et  l'emplies  de  plusieurs  semences 
globuleuses. 

Dans  la  seconde  section,  la  guede  ou  pastel  a  une  silique  en 
forme  de  lance,  à  deux  valwiles  et  à  une  seule  cellule,  qui  ne  con- 
tient qu'une  semence  qui  tombe  ;  les  valvules  sont  en  forme  de 
bateau.  L'espèce  cultivée  pour  la  teinture''  a  les  feuilles  radi- 
cales entaillées  et  pétiolées  ;  les  feuilles  de  la  tige  sont  sagittées 
ou  formées  comme  la  tète  d'ime  flèche ,  et  embrassent  la  tige  ; 
les  siliques  sont  oblongues.  C'est  une  grande  plante,  avec  des 
bouquets  de  petites  fleurs  jaunes.  Le  chou  de  mer  a  une  silique 
globuleuse,  ou  plutôt  une  baie  sèche,  qui  tombe  et  contient 
une  semence  ;  mais  son  caractère  le  plus  remarquable  est  que 
les  quatre  longs  filets  sont  fourchus  au  bout,  et  que  les  anthères 
sont  portées  sur  les  fourches  extérieures.  Notre  espèce  a  la  tige 
et  les  feuiUes  unies. 

Le  cresson  a  le  calice  un  peu  entr'ouvert;  il  y  a  deux  glandes 
de  chaque  côté,  entre  les  étamines  les  plus  courtes  et  le  calice  ; 
une  silique  élastique  ,  dont  les  valvules  se  roulent  avec  force  en 
arrière,  quand  les  semences  sont  miires,  et  les  jettent  à  quelque 

■  Ses  feuilles  ressemhlent  à  celloe  du  réséda. 
*  Pastel  des  teinturiers. 


358  LhTTKKS   lÏLÉMEJVTAlKES 

distance.  Il  y  a  plusieurs  espèces  sauvages ,  mais  celle  qui  est 
commune  dans  les  prés  humides  '  et  sur  les  bords  des  ruisseaux 
a  les  feuilles  piunées,  les  folioles  des  feuilles  radicales  arrondies, 
et  sur  les  feuilles  de  la  tige  en  forme  de  lance.  Les  corolles  ne 
sont  pas  toujours  blanches  ;  on  les  trouve  pourpre  dans  quel- 
ques pays. 

La  moutarde,  qui  porte  la  graine  dont  on  fait  la -moutarde, 
a  les  queues  des  corolles  droites,  et  les  glandes  comme  dans  le 
genre  du  chou,  avec  qui  cette  plante  a  beaucoup  d'affinité; 
elle  diffère  seulement  du  chou  par  la  circonstance  dont  on  a  fait 
déjà  mention,  et  en  ce  qu'elle  a  les  petites  feuilles  du  calice  épa- 
nouies ;  à  la  vérité  la  silique  est  différente,  étant  enflée  et  rude, 
avec  la  cloison  ordinairement  fort  longue;  mais  ce  caractère 
est  réservé  j>our  la  marque  distinctive.  L'espèce  sauvage,  herbe 
si  commune  parmi  les  blés,  et  qu'on  nomme  en  général  mou- 
tarde des  champs,  a  des  siliques  à  plusieurs  angles,  enflées, 
plus  longues  que  le  bec  à  deux  tranchants.  La  moutarde  noire  a 
des  siliques  unies  pressées  contre  la  grappe  des  parties  de  la 
fructiiication.  La  moutarde  blanche  a  les  siliques  couvertes  de 
j)oils,  terminées  par  un  bec  fort  long,  oblique  et  en  forme 
d'épée.  Si  vous  laissez  croître  et  flewrir  quelques-unes  de  ces 
plantes,  que  votre  jardinier  sème  pour  servir  en  petite  salade, 
vous  trouverez  que  c'est  la  dernière  espèce  que  je  viens  de 
nommer.  La  moutarde  commune  est  ime  plante  beaucoup  plus 
grande,  croissant  à  la  hauteur  de  quatre  à  cinq  pieds  ;  les  feuilles 
inférieures  sont  grandes  et  rudes  ,  comme  celles  du  navet.  La 
moutarde  des  champs  ne  s'élève  pas  à  plus  de  deux  pieds  de 
hauteur;  les  feuilles,  qui  sont  aussi  rudes,  sont  quelquefois 
dentelées  et  quelquefois  entières. 

Le  cresson  d'eau  forme  un  genre  nombreux,  y  ayant  vingt- 
neuf  espèces  de  sisymbrium.  La  corolle  est  C'panouie  aussi-bien 
que  le  calice,  dans  ce  genre,  et  la  silique  s'ouvre  avec  des  val- 
vules droites.  Les  caractères  spécifiques  du  cresson  d'eau  sont 
des  siliques  courtes  et  abaissées ,  et  des  feuilles  pinnées  avec  des 
lobes  un  peu  en  forme  de  cœur.  Les  fleurs  sont  blanches  et 
croissent  en  grappe.  Il  y  en  a  ime  autre  espèce,  appelée  science 

'  Cre.s60!i  dw  prc.--. 


SUll   L  V    liOTAJVlQUE.  55ç) 

du  diirmt;ieii,  qui  est  assoa  commune  sur  les  fumiers,  dans  les 
endroits  où  l'on  a  jeté  dos  déeonibres,  au  bord  des  chemins,  et 
dans  les  lieux  incultes  ;  celle-ci  a  des  feuilles  <lécomposées, 
pinnées,  et  des  corolles  fort  petites  ,  les  pétales  étant  plus  pe- 
tits que  le  calice;  la  silique  est  fort  longue  et  mince,  remplie 
de  petites  semences  arrondies  ;  les  feuilles  sont  aussi  éléganx- 
ment  taillées  que  celles  de  l'absinthe  ;  les  petites  fleurs  jaunes 
sont  produites  eu  grappes  ,  làclies  au  sommet  des  tiges. 

La  saison,  ma  chère  cousine,  est  maintenant  sur  son  déclin  , 
et  un  voyage,  que  je  suis  obligé  d'entreprendre  pour  mes  affaires, 
m'oblige  de  remettre  jusqu'à  l'été  prochain  ce  qu'il  me  l'este  à 
vous  dire  pour  achever  mon  plan.  Si  j'ai  assez  de  santé  et  de 
loisir,  je  iepren<lrai  avec  joie  une  corres})ondanee  que  vous 
voulez  bien  honorer  de  votre  attention.  En  attendant,  vous  en 
avez  assez,  vous  et  votre  charmante  fille,  pour  vous  amuser 
pendant  l'automne,  et  même  jusqu'à  ce  que  l'hiver  vous  oblige 
<le  garder  la  maison,  et  d'arranger  vos  travaux  pour  l'été  pro- 
chain. 


LETTRE  XIV. 


I''   juin  €77(1. 


Quelques  occupations  indispensables  m'ont  empêché,  ma 
chère  cousine,  de  reprendre  la  tâche  agréable  que  je  me  suis 
imposée,  aussitôt  que  je  l'aurais  désiré;  mais  vous  avez  employé 
le  printemps  utilement  à  examiner  les  plantes  qui  ne  sont  plus 
en  fleur,  avant  que  vous  eussiez  reçu  mes  premières  lettres.  Vous 
avez  bien  fait  de  marquer,  dans  votre  portefeuille,  les  noms  de 
toutes  celles  qui  ont  échappé  à  vos  recherches ,  ou  qui  se  sont 
présentées  à  vous  dans  un  état  qui  n'était  pas  convenable 
pour  un  examen  complet.  Vous  n'êtes  pas  assez  déraisonnable 
pour  vous  attendre  à  découvrir  tous  les  secrets  de  la  nature  à 
la  fols.  Je  suis  même  très-satisfait  de  votre  patience  et  de  votre 
attention  à  saisir  le  moment  de  la  saison  où  les  fleurs  et  les 


36o  LETTRES  lÉLÉMENT AIRES 

fruits  paraissent,  marquant  le  temps  que  les  auteurs  ont  fixé. 
Vous  renouvelez  même  votre  examen  pour  observer  les  plantes 
dans  leurs  divers  états,  quand  elles  offrent  un  aspect  si  diffé- 
rent, qu'un  œil  moins  exercé  que  le  vôtre  les  prendrait  pour 
des  espèces  distinctes. 

Nous  sommes  maintenant  pai'venus  à  une  classe  dont  vous 
n'avez  point  reçu  une  connaissance  préliminaire  dans  les  lettres 
servant  d'introduction ,  où  il  s'agissait  de  vous  faire  connaître 
les  classes  les  plus  naturelles.  La  monadelphie  est  cependant  une 
classe  naturelle  et  fort  belle. L'union  des  filets,  au  fond,  formant 
un  seul  corps,  et,  pour  ainsi  dire,  une  fraternité,  est  le  caractère 
distinctif  qui  a  donné  lieu  à  ce  nom.  Vous  vous  rappellerez 
que  jusqu'ici  les  étamines  ont  été  toujours  libres  et  distinctes 
l'une  de  l'autre,  quelque  nombre  que  vous  en  ayez  trouvé  dans 
une  seule  fleur.  Vous  vous  ressouviendrez  aussi  qu'on  vous  a 
dit  que,  dans  la  seizième  classe  et  dans  les  suivantes,  elles  sont 
unies,  soit  au  sommet  ou  au  fond  ,  dans  un  seul  corps ,  ou  da- 
vantage. Dans  la  classe  présente,  comme  je  l'ai  observé  précé- 
demment, tous  les  filets  se  joignent  au-dessous,  près  du  récep- 
tacle, quelques-uns  étant  plus  hauts  que  les  autres;  mais  tous 
ces  filets ,  ensemble  avec  les  anthères,  sont  entièrement  séparés 
au  sommet. 

D'après  cela,  si  vous  rencontrez  une  plante  qui  ait  cinq,  dix, 
ou  même  plusieurs  étamines,  et  que  vous  ne  puissiez  pas  lui 
assigner  une  place  dans  la  cinquième,  dixième,  ou  treizième 
classe,  examinez-la  un  peu  jjlus  attentivement,  et  remarquez 
si  elle  n'a  pas  un  port  ou  une  structure  particulière  qui  an- 
nonce qu'elle  appartient  à  une  famille  naturelle.  Peut-être  elle 
aura  un  calice  permanent;  mais ,  s'il  est  double,  vous  pouvez 
presque  être  assurée  que  cette  plante  doit  être  rangée  dans  la 
classe  dont  il  est  question  ici.  La  corolle  de  votre  fleur  aura 
peut-être  cinq  pétales  en  forme  de  cœur,  dont  un  côté  em- 
brassera, ou  du  moins  touchera  celui  du  pétale  voisin,  dans  une 
direction  contraire  au  mouvement  apparent  du  soleil.  Peut-être 
les  filets,  vmis  seulement  au  fond,  soit  légèrement,  soit  dans 
une  portion  considérable  de  leur  longueur,  deviennent  par  de- 
grés plus  courts,  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  du  milieu,  et  les 
anthères  sont  incombentes ,  ou  reposent  sur  le  sommet  des  fi- 


SUR  LA   BOTANIQUE.  36l 

Icts.  Vous  trouvez  le  réceptacle  de  la  fructification  proémi- 
nent dans  le  centre  de  la  fleur;  le  sommet  de  ce  réceptacle  est 
entouré  par  des  germes  droits,  formant  un  anneau  à  jointures; 
tous  les  styles  sont  unis  en  bas  en  un  seul  corps  avec  le  récep- 
tacle ,  mais  distingués  au  sommet  en  autant  de  filets  qu'il  y  a  de 
germes.  Ces  germes  deviennent  une  capsule  qui  consiste  en  au- 
tant de  cellules  qu'il  y  a  de  pistils  dans  la  fleur,  et  qui  ont  or- 
dinairement autant  à'arifs  unis  ;  dans  chacune  de  ces  celhdes 
est  cachée  une  semence  en  foi'me  de  fève  de  haricot. 

Si  vous  n'avez  pas  déjà  deviné  cette  énigme,  prenez  la  fleur 
d'une  mauve  sauvage,  de  la  guimauve,  delà  lavatère,  ou  autre 
plante  semblable  à  celle-ci,  examinez -là  relativement  aux 
caractèfes  que  je  viens  d'exposer,  et  vous  aurez  une  idée  par- 
faite de  la  classe  nommée  monadelphie.  Une  circonstance  qu'on 
observe,  qui  est  que  le  réceptacle  est  élevé  au  milieu  de  la  fleur, 
comme  une  colonne,  a  fait  donner  aussi  à  cette  classe  le  nom 
de  plantescolonnifères. 

Il  y  a  dans  cette  classe  cinq  ordres,  d'après  le  nombre  des 
étamines  qui  servait ,  comme  vous  vous  en  souvenez ,  à  dé- 
terminer la  classe  dans  les  treize  premières  classes;  mais  comme 
jnaintenaut  on  ne  l'emploie  plus  pour  cet  objet ,  il  peut  servir 
utilement  pour  l'autre. 

On  employait  autrefois  le  fruit  pour  séparer  les  genres:  comme 
on  s'aperçut  que  cette  partie  ne  suffisait  pas  ,  les  nomenclateurs 
eurent  ensuite  recoins  aux  feuilles;  mais  Linnée  a,  pour  cet 
effet ,  sagement  adopté  le  calice,  qui  est  toujours  présent ,  et  est 
remarquable  par  sa  structure  dans  cette  classe.  Cet  illustre  Sué- 
dois a  toujours  montré  une  grande  sagacité ,  en  saisissant  la 
partie  de  la  plante,  qui  est  la  plus  constante ,  et  qui  fournit  le 
plus  grand  nombre  de  variétés  permanentes  ,  sur  lesquelles  on 
puisse  établir  les  cai'actères  essentiels  de  son  genre  et  de  son 
espèce  '. 

Comme  nous  n'avons  pas  encore  fait  usage  du  pistil  pour 
distinguer  les  ordres,  cette  partie  va  nous  aider  à  caractériser 
les  genres.  En  conséquence,  dans  le  premier  ordre  de  cette 
classe,  où  les  fleurs  ont  cinq  étamines,  deux  genres  n'ont  qu'un 
pistil ,  et  deux  en  ont  cinq.  Le  nombre  des  cellules  dans  les 

I  II  y  a  ti'ente-ci!iq  genres  et  deux  ceut  einqiiantc-si\  es|)èeeR  daus  eette  classe. 


362  LETTUF.S  ÉLÉM  EATAIRES 

capsules  sert  à  compléter  le  caractère  générique.  C'est  ainsi 
que  Xhermannia  a  cinq  styles  ,  et  une  capsule  à  cinq  cellules; 
vous  pouvez  ajouter  à  ces  caractères  que  les  cinq  pétales  de  la 
coi'oUe  sont  roulés  spiralement  dans  une  direction  contraire  au 
mouvement  apparent  du  soleil,  et  que  leurs  queues  ont  ime 
jîetite  membrane  sur  cliaque  côté,  dont  l'une  s'unit  à  l'autre  pour 
former  un  tube  à  capuchon.  Quoiqu'il  y  ait  plusieurs  espèces  de 
ce  genre,  cependant  il  se  peut  qu'aucune  ne  s'offre  à  votre  vue. 
Nous  allons  donc  passer  à  un  genre  favori  qui  se  range  dans 
le  second  ordre,  et  qui  a  dix  étamines  ;  je  veux  parler  du  gé- 
ranium bcc-de-grue,  qui,  dans  ses  quatre-vingt-deux  espèces , 
vous  fournira  une  ample  matière  pour  votre  examen,  d'autant 
que  je  sais  que  vous  en  cultivez  plusieurs.  Avant  de  vous  mon- 
trer les  caiactères  dans  lesquels  elles  diffèrent,  voyons  quels  sont 
ceux  dans  lesquels  elles  s'accordent  toutes;  c'est  qu'elles  ont 
im  style  terminé  par  cinq  stigmates,  et  un  fruit  composé  de 
cinq  graines ,  et  terminé  par  uu  bec  ,  ce  qui  a  fait  donner  à 
cette  plante  le  nom  de  bec-de-grue  et  de  géranium.  Nous  pou- 
vons ajouter  que  le  calice  est  simple  et  à  cinq  feuilles,  aussi- 
bien  que  la  corolle;  que  les  filets  sont  alternativement  plus 
longs  et  plus  courts ,  mais  tous  plus  courts  que  la  corolle , 
et  qu'ils  sont  fort  faiblement  unis  dans  les  espèces  qui  ont 
la  corolle  régulière  ;  que  le  style  est  plus  long  que  les  éta- 
mines ,  et  qu'il  est  permanent  ;  enfin  que  chacune  des  cinq 
semences  est  terminée  par  une  queue  qui  concourt  à  former  le 
bec ,  et  qui ,  lorsque  la  semence  est  mûre ,  devient  spirale  ,  et 
détache  ainsi  la  semonce  de  la  plante. 

L'espèce  d'Afrique ,  dont  nous  avons  un  si  grand  nombre 
qui  viennent  du  cap  de  Bonne-Espérance,  ont  les  cinq  parties  du 
calice  miies  au  bas  ;  les  pétales  sont  inégaux  ;  seulement  sept 
iilets  sont  fournis  d'anthères;  les  fleurs  croissent  en  grand  nom- 
bre dans  luie  espùce  d'ombelle  ;  les  semences  sont  nues  j  avec 
une  queue  garnie  de  plumes  ;  les  feuilles  croissent  alternes  sur 
la  lige ,  qui  est  de  la  nature  des  arbrisseaux. 

Dans  cette  troisième  section,  vous  trouvei'ez,  parmi  plusieurs 
autres  ,  le  bec-de-grue  brillant,  avec  une  tige  chai'nue,  qui  ne 
jette  qu'un  petit  nombre  de  branches.  Les  feuilles  sont  séparées 
en  trois  ,  et  balafrées;  le  segment  du  milieu  est  beaucoup  plus 


SUR   LV   BOTANIQUE.  363 

grand  que  les  autres;  elles  sont  sujettes  à  tomber  pendant  l'été, 
et  font  prendre  les  tiges  pour  des  branches  mortes.  Les  fleurs 
sont  portées  par  de  courtes  tiges  ,  dans  une  espèce  de  double 
ombelle  ,  dont  chacune  soutient  deux  ou  trois  fleurs  au  plus,  les- 
quelles sontreniarquables  pour  leur  couleard'écarlate  très-vive. 

L'écarlate  '  est  une  espèce  de  géranium  très-connue ,  qui 
serait  au  moins  autant  estimée  que  le  bec-de-gi'ue  brillant ,  si 
elle  n'était  pas  plus  commune.  Les  feuilles  sont  presque  orbi- 
culaires,  excepté  qu'elles  sont  creuses  près  du  pétiole;  elles  sont 
entaillées  sur  le  bord ,  mais  elles  ne  sont  pas  balafrées  ou  lo- 
bées ;  leur  surface  est  garnie  d'un  duvet  ;  elles  tachent  le  doigt 
si  on  les  manie  rudement ,  d'où  on  a  donné  à  cette  plante  le 
nom  à'inqidnans,  ou  de  tachante.  Elle  est  beaucoup  plus  haute 
que  le  bec-de-grue  brillant,  croissant  jusqu'à  la  hauteur  de  huit 
ou  dix  pieds;  elle  pousse  beaucoup  de  branches  droites;  les 
fleurs,  qui  sont  en  ombelles  ,  sont  nombreuses  ,  et  sont  portées 
par  des  pédicules  foit  longs. 

La  papilionacée ,  ainsi  nommée  parce  que  les  coi-olles  ont 
quelque  ressemblance  avec  un  papillon ,  ou  avec  les  fleurs  de 
pois,  les  deux  pétales  supérieurs ,  qui  sont  grands  ,  se  tournant 
en  haut ,  comme  la  bannière  ou  étendard  qu'on  observe  sur 
ces  fleurs.  Les  fleurs  de  celle-ci  sont  joliment  variées  ;  mais  les 
trois  pétales  inférieurs  étant  recourbés  et  petits  ,  sont  à  peine 
remarqués  ,  et  il  faut  les  examiner  de  fort  près.  Il  y  a  plusieurs 
fleurs  à  chaque  ombelle  ;  les  feuilles  sont  grandes  ,  angideuses , 
rudes,  et  portées  par  de  longs  pétioles. 

Le  bec -de -grue  à  feuilles  creuses  a  des  feuilles  arrondies, 
qui  se  resserrent  sur  les  côtes,  de  façon  à  paraître  creuses  ;  les 
bords  ont  des  dentelures  très-aiguës;  les  fleurs  sont  grandes, 
et  croissent  en  ombelles  fort  grands  et  lâches;  les  corolles  sont 
pourpres  :  c'est  une  plante  qui  s'élève  très-haut,  et  qui  est  fort 
garnie  de  poils. 

Il  y  en  a  une  auti'e  espèce  ou  variété  fort  semblable  à  celle- 
ci;  mais  elle  a  des  feuilles  d'une  substance  plus  épaisse,  et  di- 
visées en  plusieurs  angles  aigus.  Les  branches  no  sont  pas  si 
irrégulières  ,  et  les  grappes  de  fleurs  ne  sont  pas  si  grandes. 

Le  bec-de-grue  à  zone  est  peut-être  l'espèce  la  plus  connue 

'  Bec-ile-gnic  salissant. 


364  LETTRES  ÉLÉMENTAiii£S 

(le  toutes  celles  qui  viennent  d'Afrique.  La  marque  noirâtre , 
ou  tirant  sur  le  pourpre,  en  forme  de  fer  à  cheval,  qui  est  sur  les 
feuilles,  fait  connaître  ce  bec-de-grue  à  la  première  vue;  mais 
cette  mai-que  n'est  pas  absolument  permanente  ,  car  nous  avons 
des  variétés  sur  lesquelles  on  ne  l'observe  pas  :  il  faut  donc 
avoir  recours  à  la  forme  des  feuilles  ,  comme  une  marque  dis- 
tinctive  plus  certaine  ;  elles  sont  orbiculaires  ,  creuses  près  du 
pétiole,  divisées  sur  la  circonférence  en  plusieurs  segments 
obtus ,  dont  chacun  est  légèrement  dentelé.  Cette  espèce  est 
fort  branchue  ;  les  fleurs  croissent  en  grandes  ombelles  serrées, 
portées  par  de  longs  pédicules ,  et  varient  depuis  la  couleur 
d'un  pourpre  clair,  jusqu'à  l'écarlate  la  plus  vive. 

Le  bec-de-grue  à  feuilles  de  vigne  a  des  feuilles  ovales  , 
montantes  et  pubescentes,  qui  ont  l'odeur  du  baume,  quand 
on  les  frotte.  Les  fleurs  croissent  en  tète  fort  serrée,  sur  de 
longs  pédicules  ,  qui  s'élèvent  beaucoup  plus  haut  que  les 
branches  ;  elles  sont  petites  et  d'un  bleu  pâle. 
,  Le  bec-de-grue  à  l'odeur  de  rose  a  aussi  les  feuilles  lobées, 
ondoyantes,  et  garnies  de  poils ,  comme  dans  la  précédente  ; 
les  fleurs  de  cette  plante  croissent  en  formant  une  tète  serrée; 
elles  sont  d'un  bleu  tirant  sur  le  pourpre  ;  les  branches  sont 
fort  irrégulières  et  faibles  ;  toute  la  plante  est  plus  faible ,  et 
devient  plus  grande  que  la  précédente.  Les  feuilles ,  quand  on 
les  frotte  ,  ont  l'odeur  des  roses  sèches. 

Les  plantes  de  la  seconde  section  ont  plusieurs  choses  eu 
commun  avec  celles  de  la  première  ;  mais  elles  diffèrent  en  ce 
qu'elles  sont  herbacées  et  ont  les  feuilles  opposées.  Parmi  celles- 
ci,  le  bec-de-grue  odoriférant  est  remarquable  par  son  odeur 
très-forte  ,  qui  approche  beaucoup  de  celle  de  l'anis.  Cette 
plante  a  une  tige  fort  courte  et  charnue,  avec  de  longues  bran- 
ches et  des  feuilles  en  forme  de  cœur  ,  extrêmement  courtes. 
Les  fleurs  missent  sur  le  côté  de  longues  tiges  couchées,  por- 
tées par  des  pédicules  minces  ,  au  nombre  de  quatre  ou  cinq 
ensemble;  elles  sont  blanches  et  fort  petites. 

Le  bcc-de-grue  triste  a  les  calices  monophylles  ,  ou  d'une 
seule  pièce.  Les  feuilles  sont  velues  ,  et  presque  aussi  élégam- 
ment divisées  que  celles  de  la  carote  ;  les  tiges  sont  environ 
dun  pied  de  haut ,  et  ont  deux  ou  trois  feuilles  plus  petites , 


SUR   LA.  BOTANIQUE.  365 

(jui  sont  sessiles  '.  De  ces  tiges  s'élèvent  deux  ou  trois  pédi- 
cules nus,  terminés  par  une  ombelle  de  fleurs  jaimâtrcs,  mar- 
quées de  taches  d'un  pourpre  obscur,  qui  répandent  une  odeur 
4;rès- suave,  après  le  soleil  couché.  Linnée  lui  a  donné  1  epi- 
thète  de  triste ,  à  raison  de  la  couleur  sombre  qu'offre  la 
fleur. 

La  troisième  section  contient  tous  les  becs-de-grue,  qui  ont 
seulement  cinq  des  étamines  qui  portent  des  anthères  ,  des  ca- 
lices à  cinq  feuilles  ,  et  des  fruits  qui  pendent  en  en-bas.  Leurs 
corolles  sont  moins  irrégulières ,  et  les  semences  sont  nues  , 
terminées  par  une  touffe  de  poils. 

On  trouve  dans  cette  section  quelques  espèces  qui  croissent 
en  Europe ,  tel  que  le  bcc-de-grue  à  feuilles  de  ciguë ,  commiui 
dans  les  terrains  sablonneux  ;  celle-ci  a  une  tige  branchue ,  des 
feuilles  pinnées,  et  plusieurs  fleurs  portées  sur  un  pédicule.  Le 
bcc-de-grue  musqué  ressemble  beaucoup  à  celui-ci;  mais  c'est 
une  plante  beaucoup  plus  grande,  moins  commune,  et  qu'on 
connaît  aisément  par  son  odeur  de  musc.  Les  divisions  des 
feuilles  sont  pinnatilides.  Quelques  espèces  de  cette  section 
sont  remarquables  pour  la  grandeur  de  leurs  becs  ,  et  répon- 
dent parfaitement  au  nom  qu'on  a  donné  à  ce  genre. 

Dans  les  trois  sections  qui  restent,  tous  les  dix  filets  ont  des 
anthères  à  leur  sommet  ;  les  calices  sont  à  cinq  feuilles  ;  les  co- 
rolles sont  régulières  ;  les  semences  sont  couvertes  d'une  cap- 
sule à  cinq  coques ,  et  terminée  par  une  houppe  unie.  Dans  la 
quatrième  section,  les  fleurs  sont  conjuguées,  c'est-à-dire  qu'il 
y  eu  a  toujours  deux  sur  chaque  pédicule  ;  les  plantes  sont  per- 
manentes. 

Quelques-unes  des  espèces  d'Europe,  les  plus  grandes  et  les 
plus  belles ,  se  rangent  dans  cette  section ,  comme  le  bec-de-grue 
livide,  qui  a  les  pédicules  et  les  feuilles  alternes ,  les  calices  un 
peu  terminés  en  houppe,  les  pétales  ondoyants,  et  la  tige 
droite.  Les  feuilles  sont  partagées  en  cinq  ou  six  lobes,  laci- 
niées  sur  leurs  bords  :  celles  qui  sont  voisines  de  la  racine  sont 
portées  par  de  longs  pétioles;  mais,  sur  la  partie  supérieure  de 
la  tige  elles  sont  sessiles;  les  fleurs  sont  d'un  pourpre  sombre. 

ï  Cett  espèce  répand  une  odeur  particulière  pend<int  la  nuit,  ce  qui  fait  qu'où 
la  nomme  aussi  parfum  de  nuit. 


3à()  LETTRES   £LE3IK>'TA1Rj:S 

Il  y  aune  varictc  de  cette  espèce  avec  des  corolles  d'un  pouipre 
clair. 

Le  bec-de-grue  des  prés  a  les  feuilles  divisées  en  six  ou  sept 
lobes,  coupées  en  plusieurs  segments  aiij^is.  Elles  sont  ridées, 
les  pétales  entiers  et  d'un  beau  bleu. 

Les  becs-de-grue  de  la  cinquième  section  ne  diffèrent  de  ceux 
de  la  quatrième  qu'en  ce  qu'ils  sont  annuels.  Le  ])lus  grand 
nombre  des  espèces  communes  de  l'Europe  appartient  à  cette 
division ,  comme  l'herbe  à  Robert  ,  connue  par  ses  calices 
velus,  pointus,  et  à  dix  angles;  les  feuilles  sont  doublement 
pinnées  avec  les  lobes  de  l'extrémité  confluents  ;  elles  sont  en 
général  velues,  les  liges  rouges;  toute  la  plante  a  une  forte 
odeur  de  bouc.  Le  bec-de-grue  luisant  a  les  calices  pyrami- 
daux, anguleux,  élevés  et  ridés.  Les  feuilles  sont  arrondies 
et  à  cinq  lobes;  toute  la  plante  est  unie  et  luisante;  les  tiges 
sont  rouges. 

Le  pied  de  colombe  commun ,  ou  le  bec-de-grue  tendre  a  les 
pédiculeset  les  feuilles  florales  alternes,  les  pétales  bifides  ou  plu- 
tôt obcordés  ;  les  calices  sans  barbe,  et  terminés  par  une  pointe 
courte,  et  la  tige  presque  droite.  Les  stipules  sont  aussi  bifides; 
les  feuilles  sont  fort  douces,  en  forme  de  fève  de  haricot,  par- 
tagées jusqu'à  la  moitié  en  cinq  ou  sept  parties ,  et  chacun  de 
ces  lobes  est  trifide  et  émoussé.  Cette  plante  est  fort  commune, 
particulièrement  dans  les  terrains  sablonnenx.  Une  autre,  qui 
lui  ressemble  à  beaucoup  d'égards ,  mais  qui  ne  se  trouve  pas  si 
généralement,  a  des  pétales  entiers,  qui  à  peine  sont  plus  longs 
que  le  calice,  et  sa  tige  est  plus  couchée.  Le  bec-de-grue  co- 
lombin  a  les  pédicules  plus  longs  que  les  feuilles,  qui  sont 
partagées  en  cinq  lobes  multifides,  aigus  au  bout;  les  calices 
sont  garnis  de  barbe,  et  les  capsules  sont  unies;  le  pédicule  est 
fort  long,  et  les  lobes  des  feuilles  sont  doublement  bifides. 
Le  bec-de-grue  disséqué  a  les  feuilles  partagées  eu  cinq  par- 
ties, et  chacmie  de  ces  parties  en  trois  segments  aigus  et  en- 
taillés ;  les  pétales  sont  de  la  longueur  du  calice ,  et  les  cap- 
sules sont  garnies  de  poils.  Cette  espèce  a  le  feuilles  plus  dé- 
coupées ,  et  plus  élégamment  que  les  autres. 

Dans  la  dernière  section,  qui  n'a  qu'un  pédicule  fleuri, 
nous  avons  une  espèce  sauvage  fort  jolie ,  mais  qui  n'est  pas 


SUR   LA    iiO  I' A  N  lOlfii.  3(3/ 

comimme,  avec  des  fouilles  oibiculaires  partagées  en  cinq  ou 
sept  partitis,  et  chacune  de  ces  parties  en  trois.  Les  fleurs  sont 
portées  par  de  longs  pédicules  garnis  de  poils  ;  les  corolles  sont 
grandes,  et  d'un  pourpre  sombre'.  Il  y  en  a  plusieurs  autres 
espèces  qui  ne  sont  connues  que  des  curieux;  mais  j'ai  choisi 
seulement  celles  que  vos  champs,  votre  jardin  et  votre  serre 
pourront  vous  fournir. 

Dans  cette  classe,  nous  trouvons  une  plante  singulière,  qui 
a  naturellement  onze  étamines,  nombre  que  vous  n'avez  pas  en- 
core trouvé  dans  les  classes.  Ayant  le  caractère  de  la  monadcl- 
phie,  elle  forme  ici  l'ordre  nommé  endéeandrie,  et  elle  est 
seule.  Comme  cette  plante  est  peu  connue,  je  ne  m'y  arrêterai 
pas  davantage. 

Le  dernier  ordre ,  la  polyandrie,  est  beaucoup  plus  considé- 
l'able  pour  le  nombre  des  genres  et  des  espèces.  Vous  trouve- 
rez ici  le  coton-soie ,  le  véritable  coton  dont  on  fait  un  si  grand 
usage  dans  nos  manufactures,  ies  nombreux  genres  de  sida 
ou  de  mauve  indienne,  l'althéa  ou  mauve  des  marais  (la 
guimauve),  le  houx,  la  mauve,  la  lavatèrc,  la  ketmie,  etc. 
Les  deux  premières,  avec  la  mauve  des  Indes,  et  la  ketmie, 
n'ont  qu'un  seul  pistil;  les  autres  en  ont  plusieurs.  La  sida 
et  \eboinbix  ont  un  calice  simple,  mais  toutes  les  autres  l'ont 
double.  Le  calice  extérieur,  dans  le  coton  et  la  lavatèrc,  esttri- 
lide.  Dans  la  mauve,  il  est  composé  de  trois  petites  feuilles; 
dans  l'alcée,  il  est  de  six  feuilles;  dans  la  ketmie,  il  en  a  huit  ; 
dans  l'althéa,  neuf.  La  lavatère,  la  mauve,  l'alcée  et  l'althéa, 
s'accordent  en  ce  qu'elles  ont  plusieurs  semences  en  cercle  au- 
tour d'une  colonne ,  chacune  couverte  de  sa  capsule  propre.  Le 
vaisseau  à  semence  de  la  ketmie  est  une  capsule  composée  de 
cellules  vmies  ensemble,  renfermant  plusieurs  semences. 

L'espèce  officinale*  de  la  mauve  de  marais  est  connue  par  ses 
feuilles  simples  couvertes  d'un  duvet ,  blanchâtres  à  la  vue,  et 
fort  douces  au  loucher;  elles  sont  angulaires,  mais  non  pas  di- 
visées jusqu'au  bas  ,  et  en  conséquence  simples  ;  les  fleurs  sont 
comme  celles  de  la  mauve ,  mais  plus  petites  et  plus  pâles. 

'  Bee-de-grue  sauguin. 
^  Guimauve  des  Loutiques. 


368  LETTR't;S  ÉLÉMEj\TAinES 

Il  y  a  plusieurs  espùces  de  mauve.  Celle  qui  est  si  commune'  a 
ime  tige  herbacée,  droite,  des  feuilles  aiguës  à  cinq  ou  sept 
lobes,  avec  les  pétioles  et  les  pédicules  garnis  de  poils.  La 
mauve  naine  a  une  tige  couchée,  des  feuilles  orbiculaires  creu- 
sées près  du  pétiole,  et  à  cinq  lobules  peu  distincts;  les  pé- 
dicules qui  portent  le  fruit  sont  déclinants  :  c'est  une  plante  en 
tout  plus  petite.  La  mauve  alcée  a  une  tige  droite ,  hérissée  de 
touffes  de  poils;  les  feuilles  sont  un  peu  rudes,  divisées  en 
plusieurs  parties  ;  leurs  lobes  sont  obtus  et  dentelés;  les  fleurs 
grandes  et  d'un  pourpre  clair.  Une  autre  espèce  sauvage,  qu'on 
nomme  mauve  musquée  ,  est  fort  semblable  à  celle-ci  ;  mais 
elle  a  les  feuilles  radicales  en  forme  de  liaricot,  et  balafrées;  les 
feuilles  de  la  tige  sont  divisées  en  cinq  parties,  et  les  divisions 
•  sont  joliment  découpées  en  segments  étroits  ;  les  fleurs  ont  une 
odeur  de  musc,  et  la  tige  a  des  poils  droits  et  séparés,  placés 
sur  une  pointe  proéminente.  La  mauve  du  cap  a  une  tige  ar- 
borescente, de  dix  ou  douze  pieds  de  hauteur;  les  feuilles  sont 
<à  cinq  lobules,  et  creusées  à  la  base;  toute  la  plante  est  garnie 
de  poils,  et  de  ces  poils  il  exsude  un  suc  aromatique  visqueux; 
Les  fleurs  sont  d'un  rouge  foncé,  et  plus  petites  que  celles  de  la 
mauve  ordinaire.  Le  nom  trivial  nous  informe  de  son  pays ,  et 
conséquemment  vous  montre  que  cette  plante  a  besoin  de  votre 
protection. 

Le  houx,  qui  s'élève  si  haut,  et  qui  a  une  si  belle  apparence, 
est  du  genre  de  Valcea.  Il  y  en  a  plusieurs  variétés  avec  des 
fleurs  doubles  ,  et  différentes  couleurs ,  comme  blanc  ,  rouge , 
de  toutes  les  teintes,  depuis  la  carnation  la  plus  pâle,  jus- 
qu'au rouge  le  plus  sombre,  et  jaune  de  diverses  nuances. 
Mais  il  n'y  a  que  deux  espèces  ;  la  première  ayant  des  feuilles 
arrondies ,  coupées  en  angle  à  l'extrémité  seulement  ;  la  se- 
conde palmée,  coupée  profondément  en  six  ou  sept  segments', 
comme  la  feuille  de  figuier.  Dans  la  première  espèce  on  trouve 
une  variété,  qui  est  une  plante  fort  petite  avec  des  fleurs  va- 
riées, fort  estimée  et  nommée  houx  chinois. 

L'arbrisseau  qu'on  nomme  vulgairement  althaeafrutex,  gui- 
mauve arbrisseau  ,  est  un  hibiscus;  c'est  un  genre  fort  nom- 

*  Mauve  sauvage. 


SUR  LA  BOTANIQUE.  '56g 

breux ,  qui  ne  comprend  pas  moins  de  trente-six  espèces ,  dont 
la  plupart  sont  originaires  des  deux  Indes  ,  et  qui  ne  sont  pas 
généralement  connues  ici.  \J althaea frutex  cependant  est  natif 
de  Syrie  ,  et  supporte  la  rigueur  de  notre  climat,  quoiqu'il  ne 
fleurisse  que  bien  tard.  Les  caractères  spécifiques  sont  une  tige 
arborescente  ou  ligneuse,  et  des  feuilles  en  forme  de  coin,  par- 
tagées au  sommet  en  trois  lobes  ,  et  portées  par  de  courts  pé- 
tioles ;  les  fleurs  sont  en  forme  de  cloche ,  et  de  différentes 
couleurs.  Elles  sont  tantôt  d'un  pourpre  pâle  ou  brillant ,  avec 
le  fond  sombre,  tantôt  blanches,  avec  le  fond  pourpre,  ou  bi- 
garrées, avec  le  fond  sombre,  ou  jaunes,  avec  le  fond  de  la  même 
couleur.  Ces  fleurs  étant  grandes  ,  agréables  à  la  vue  ,  et  nom- 
breuses, ont  une  jolie  apparence,  et  donnent  l'idée  la  plus  com- 
plète du  caractère  classique. 

Le  rosier  de  la  Chine,  malgré  le  nom  que  porte  cette  plante, 
n'est  pas  un  rosier,  mais  un  hibiscus,  avec  une  tige  ligueuse, 
et  des  feuilles  ovales  ,  très  -  pointues,  dentelées  sur  les  bords  ; 
la  couleur,  l'apparence  et  la  grandeur  des  fleurs,  quand  elles 
sont  doubles,  est  ce  qui  a  fait  donner  à  cette  plante  le  nom 
de  rosier  de  la  Chine.  On  voit  souvent  ces  fleurs  représentées 
dans  les  peintures  chinoises  et  sur  les  papiers  de  la  Chine ,  où 
elles  font  un  très-bel  ornement.  La  plante  du  musc  des  Indes 
occidentales  est  une  autre  espèce  A' hibiscus;  ses  semences ,  en 
forme  de  fève  de  haricot ,  ont  une  forte  odeur  de  musc.  L'é- 
corce  de  quelques-unes  des  espèces  est  formée  de  fibres  assez 
fortes  pour  en  faire  des  cordages.  L'une  de  ces  espèces  est  cul- 
tivée dans  les  Indes  occidentales  à  cause  de  ses  cosses,  que  les 
habitants  mettent  dans  leurs  soupes  ;  mais ,  comme  botanistes , 
les  usages  des  plantes  ne  nous  concernent  pas. 


LETTRE  XV. 

4  juin  1776. 

Après  une  courte  excursion  ,  nous  voilà  revenus ,  ma  chère 
cousine,  parmi  vos  anciennes  connaissances,  et  vous  n'avez 

R.  VII.  24 


370  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

qu'à  appliquer  au  nom  de  diadelplile,  qui  est  le  nom  de  la  dix- 
septiùme  classe  du  système  de  Linnéc ,  tout  le  savoir  que  vous 
avez  déjà  acquis  en  lisant  la  lettre  sur  les  fleurs  papilionacées, 
et  auquel  vous  ajoutez  tant  de  nouvelles  connaissances  par 
votre  observation  et  votre  expérience.  Vous  avez  admiré  la 
belle  et  singulière  structure  de  ces  fleurs ,  en  quoi  toutes  les 
plantes  de  cette  classe  s'accordent  :  vous  ne  serez  maintenant 
pas  hichée'de  m'accompagner  dans  l'examen  que  je  vais  faire 
de  leius  différences  génériques  et  spécifiques.  Le  nombre  des 
genres  dans  cette  classe  est  de  cinquante-sept,  et  des  espèces, 
six  cent  quatre-vingt-quinze.  Il  y  a  quatre  ordres  tirés  du 
nombre  des  étamines,  qui,  dans  le  piemier  ordre,  sont  au 
nombre  de  cinq,  dans  le  second,  de  six,  dans  le  troisième, 
de  huit,  et  dans  le  quatrième  ,  de  dix.  Cependant,  dans  l'ordre 
nommé  pentandrie,  il  n'y  a  qu'un  genre;  dans  l'ordre  hexan- 
drie,  il  y  en  a  deux,  et  dans  l'ordre  octandrie,  trois  ;  de  sorte 
que  vous  voyez  que  le  dernier  ordre,  la  décandrie,  absorbe  la 
plus  gi'ande  partie  de  cette  classe ,  et  que  ce  que  vous  avez  ap- 
pris des  fleurs  papilionacées  appartient  principalement  à  cet 
ordre.  Dans  les  trois  premiers  ordres,  il  n'y  a  que  deux  genres 
que  vous  aurez  occasion  d'observer,  et  c'est  par  eux  que  nous 
allons  commencer. 

La  fumeterre  a  deux  (llets  dont  chacun  est  terminé  par 
trois  anthères  ;  elle  a  par  conséquent  le  caractère  classique,  et 
doit  être  rangée  dans  l'ordre  hexandrie.  Ce  genre  a  en  outre 
un  calice  à  deux  feuilles ,  une  corolle  plissée  plutôt  que  papi- 
lionacée,  la  lèvre  supérieure,  toutefois,  répondant  à  l'éten- 
dard, la  lèvre  inférieure  à  la  carène,  et  les  mâchoires  bifides 
aux  ailes;  la  base  de  chaque  lèvre  est  pi'oéminente ,  mais  la 
supérieure  l'est  davantage,  et  chacune  renferme  un  filet.  La 
fumeterre  commune,  que  vous  trouverez  aisément  dans  votre 
jardin  potager,  a  une  lige  faible,  branchue  et  traînante,  des 
feuilles  multifides  qui  se  partagent  en  trois,  et  les  lobes  trifides  : 
les  fleurs  croissent  en  grappes,  et  à  chacune  d'elles  succède  un 
péricarpe  rond,  ou  plutôt  en  forme  de  cœur,  renfermant  une 
semence. 

L'herbe  au  lait,  ou  le  poljgala,  a  huit  filets  dont  chacun, 
est  terminé  par  vme  anthère,  et  qui  sont  tous  unis  au  fond.j 


SUR  LA  BOTANIQUE.  37  1 

Elle  appartient  en  conséquence ,  à  l'ordre  octandrie  compris 
dans  cette  classe.  Les  caractères  du  genre  sont  un  calice  à  cinq 
feuilles,  avec  deux  des  petites  feuilles  semblables  aux  ailes  de  la 
fleur  papilionacée,  et  colorées.  L'étendard  de  la  corolle  est; 
cylindrique;  la  cosse  est  en  forme  de  cœur  renversé,  et  à  deux 
cellules.  Plusieurs  des  espèces  ont  une  barbe,  crête  ou  appen- 
dice en  forme  de  pinceau,  à  la  carène;  celles  qui  n'en  ont  pas 
sont  appelées  sans  barbe;  delà  on  forme  une  subdivision  com- 
mode de  ce  ,genre  nombreux.  Les  dernières  sont  subdivisées 
en  arbrisseaux  et  en  plantes  herbacées;  les  herbacées  se  sub- 
divisent encore  en  simples  et  en  branches.  Detrente-huit  espèces 
nous  en  avons  seulement  une  de  sauvage,  et  celle-là  est  com- 
mune dans  les  pâturages  secs  et  dans  les  bruyères  ',  elle  appar- 
tient à  la  division  qui  a  une  crête,  et  porte  les  fleurs  en  grappe  ; 
la  tige  est  herbacée  ,  simple  et  prooombente  ,  et  les  feuilles 
linéaires.  C'est  une  plante  qui  ne  s'élève  pas  fort  haut;  avec 
de  jolies  fleurs  bleues,  rouges  ou  bianches.  Il  y  en  a  une  belle 
espèce,  qu'on  garde  dans  les  serres,  et  qui  vient  du  (^ap  de 
Bonne-Espérance;  sa  tige  est  de  la  nature  des  arbrisseaux;  ses 
feuilles  sont  oblongues,  imies,  et  émoussées  à  l'extrémité.  Les 
fleurs  sont  fort  jolies,  grandes,  blanclu'S  à  l'extérieur;  mais 
d'un  pourpre  brillant  au-dedans.  La  carène  est  crêtée,  et  a  la 
forme  d'une  demi-lune.  La  racine  de  Scnega,  si  fameuse  parmi 
les  habitants  de  l'Amérique,  comme  un  antidote  contre  la 
morsure  du  serpent  à  sonnettes,  appartient  à  une  espèce  com- 
prise dans  ce  genre. 

Les  plantes  de  l'ordre  que  nous  allons  maintenant  examiner 
se  font  aisément  reconnaître,  non-seulement  par  leurs  fleurs 
papilionacées,  mais  encore  par  leurs  feuilles  composées,  qui 
pour  la  plus  grande  partie  sont  pinnées  et  ailées  ;  mais  dans  les 
autres  elles  sont  tiifoliées  =".  Dans  quelques  genres,  les  feuilles 
pinnées  ont  les  lobes  seulement  en  paires^;  mais  elles  se  termi- 

1  Laitier  commun. 

2  Comme  ilans  le  tr.flo,  qui  en  a  tiré  son  nom  ,  le  lotus ,  le  medicago  ,  ïi^iy- 
thrina ,  le  {<enêt,  la  cytise,  l'onouis,  \e  phaseolus ,  la  trigonrlla ,  le  dolicliux  et 
la  clitoria. 

3  L'orobc,  le  pois,  le  lathynis,  ou  pois  qui  dure  toujours,  la  vesre,  l'cr.s-  et 
Yarachis. 


372  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

nent  plus  ordinairement  par  un  lobe  impair  '.  Plusieurs  plantes 
de  cette  famille  légu mineuse  ont  les  tiges  trop  faibles  pour  pou- 
voir se  soutenir  ;  en  conséquence ,  elles  ont  recours  à  quelque 
plante  plus  forte,  ou  à  quelque  autre  appui.  Elles  ont  tout  ce 
qui  leur  est  nécessaire  pour  cet  objet,  soit  en  entortillant  leur 
tige  autour  de  la  plante  ^  dont  elles  recherchent  le  support,  ou 
bien  en  poussant  de  petits  filets  comme  la  vigne,  lesquels  on 
nomme  tendrons,  et  qui  servent  à  les  attacher  fortement  ^. 

La  plupart  de  ces  plantes  ayant  des  fruits  qui  sont  propres  à 
servir  de  nourriture,  soit  aux  hommes,  soit  aux  animaux,  pro- 
duisent des  fleurs  en  grande  abondance ,  et  en  grappes  serrées. 
Dans  quelques-uns  des  genres  elles  croissent  eu  espèce  d'om- 
belle ^,  fort  semblable  à  celles  du  second  ordre  de  la  cinquième 
classe.  Je  fais  mention  de  ces  circonstances,  non  pas  comme  de 
caractères  classiques,  mais  comme  de  certains  traits  qui  peuvent 
vous  donner  un  soupçon  plutôt  qu'une  entière  assurance.  Quand 
vous  trouverez  une  plante  qui  vous  offrira  quelques-uns  de  ces 
caractères  subordonnés,  je  suis  sur  que  vous  ne  vous  en  servi- 
l'ez  pas  comme  de  marques  essentielles  pour  fixer  la  classe,  le 
genre  ou  l'espèce  de  cette  plante  ;  mais  plutôt ,  que  vous  par- 
tirez de  là  pour  en  faire  un  examen  plus  détaillé.  Des  feuilles 
pinnées  ou  trifoliées,  des  tiges  faibles  et  grimpantes,  ou  même 
des  fleurs  papilionacées  ne  vous  satisferont  pas,  et  il  faudra 
que  vous  ayez  vu  l'union  des  filets  au  fond.  Si  vous  pouvez  vous 
procurer  quelque  espèce  de  la  sophora  ^,  vous  serez  convaincue 
de  la  vérité  des  principes  que  j'établis  ;  car  sans  une  telle  pré- 
caution, vous  vous  égarerez  infailliblement,  ce  genre  s'accor- 
dant  avec  la  famille  des  légumineuses,  t-n  tout,  excepté  qu'elle 
n'a  pas  les  dix  filets  distincts. 

Vous  savez  que  le  caractère  propre  de  cette  classe  est  d'a- 
voir les  filets  en  deux  corps  distincts;  et  que  le  cai'octère  de 
l'ordre  nommé  decandrie  est  d'avoir  neuf  filets  unis  au  fond  par 

•   ■  La  Bissenda ,  Vastragalus,  le  pkaca ,  Yhedysarum ,  la  réglisse ,  l'indigo ,  fe 
galega  ,  la  colutea ,  Vamorp/ia ,  et  la  piscidia. 

^  Le  Phaseolus ,  la  dolichos,  la  clitoria,  la  glycine. 

3  Le  pois,  le  lathjrus,  la  vescCjl'erj. 

4  Le  lotus  ,\a  coronilla,  Vornithopus,  V kippocrepis ,  le  scorpiurus. 

^  Genre  de  la  classe  decandrie,  et  de  l'ordre  monogynie.  Le  pois  puant ,  l'arbre 
de  Judée  ,  ont  aussi  la  même  apparence. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  'i']'^ 

uiio  membrane  qui  entoure  le  germe,  et  un  dixième  qui  est 
simjîle,  remplissant  l'ouverture  laissée  au  germe  pour  se  dégager, 
quand  il  est  parvenu  à  un  état  propre  à  passer  dans  une  cosse.  Je 
dois  cependant  vous  avertir  que  ce  n'est  pas  exactement  vrai 
dans  tous  les  genres.  Dans  cinquante  de  ces  genres  il  n'y  en  a 
pas  moins  de  dix-huit  qui  ont  les  dix  filets  imis,  de  façon  que  le 
germe  ne  peut  croître  en  légume,  sans  déchirer  la  membrane  for- 
mée parles  filets.  Vous  ne  devez  donc  pas  être  détournée  de  ran- 
ger une  plante  dans  la  famille  des  légumineuses,  et  dans  la  classe 
diadelphie,  quand  vous  trouverez  les  dix  filets  unis  en  un  seul, 
renfermés  dans  une  fleur  papilionacée,  et  distinguée  par  les 
autres  marques  de  la  classe.  Parmi  celles  qui  répondent  réguliè- 
rement au  caractère  classique,  quelques-unes  ont  un  stigmate 
pubescent  ' ,  et  les  autres  sont  distinguées  par  leurs  cosses , 
comme  nous  allons  le  voir  maintenant  que  nous  sommes  sur  le 
point  d'examiner  de  plus  près  leurs  caractères  distinclifs. 

Vous  observerez  dans  cette  classe  quelques  arbres  et  plu- 
sieurs arbrisseaux  avec  des  fleurs  papilionacées ,  comme  le  ge- 
nêt commun  et  cekii  d'Espagne.  L'un  et  l'autre  appartiennent  à 
un  genre  où  les  dix  filets  sont  tous  unis,  et  forment  une  mem- 
brane adhérente  de  très-près  au  germe.  Le  stigmate  croît  sur  le 
côté  supérieur  du  soinmet  du  style,  et  est  garni  de  poils.  Le 
calice  se  continue  en  bas,  et  est  marqué  au-dessous  de  cinq  pe- 
tites entailles.  Le  genêt  espagnol,  avec  quelques  autres  espèces, 
a  des  feuilles  simples;  dans  les  autres,  elles  sont  ternaires,  tri- 
foliées, ou  à  trois  lobes.  Cependant,  dans  le  genêt  commun,  il 
V  a  un  mélange  de  l'un  et  de  l'autre.  Dans  le  premier  aussi  les 
feuilles  sont  en  foi'me  de  lance,  et  les  branches,  semblables  à 
du  jonc,  sont  opposées,  rondes,  et  produisent  les  fleurs  au 
sommet  en  pointe  lâche.  Dans  le  second,  les  branches  sont  an- 
guleuses, et  les  fleurs  sortent  séparément  dans  une  longueur 
considérable  vers  le  sommet.  Elles  sont  grandes,  et  d'un  jaune 
brillant  dans  les  deux  espèces.  Il  y  a  aussi  im  genêt  espagnol  à 
fleurs  blanches  qui  a  les  feuilles  comme  l'autre ,  mais  dont  les 
branches  sont  striées,  et  les  fleurs  en  pointes  courtes  ou  en 
grappes  de  chaque  côté  :  à  ces  fleurs  succèdent  de  grandes 

'  La  colutea ,  le  phaseolus  ,  le  dniichos ,  l'orohe,  le  pois,  le  lathjrus,  la 
vcsce. 


?>'][\  LI'TTRES    ÉLÉMEJfTAlRES 

cosses  f)vales  contenant  une  semence  d'où  vient  le  nom  qu'on 
a  donné  en  latin  à  cette  plante.  Les  genêts  de  Portugal  ont  des 
feuilles  trifoliées  et  des  fleurs  jaunes  qui  diffèrent  très-peu  des 
nôtres.  Il  y  en  a  une  espèce  qui  a  des  branches  piquantes,  ce 
qui  fait  qu'on  l'appelle  cytise  piquant. 

Nous  avons  quelques  arbrisseaux  sauvages ,  qui  ne  s'élèvent 
pas  si  haut,  un  peu  ressemblants  à  ceux-ci,  mais  d'un  autre 
genre  aj)pelé  genista;  les  caractères  sont  un  calice  à  deux 
lèvres,  dont  la  lèvre  supérieure  a  deux  dents,  et  l'inférieure 
en  a  trois.  L'étendard  de  la  corolle  est  obîong  et  recourbé  en  en- 
bas,  en  s'éloignant  des  pistils  et  des  étamines.  Le  pistil  abaisse 
la  carène,  et  le  stigmate  est  enveloppé.  Le  genêt  des  teinturiers, 
appelé  aussi  petit  genêt,  qui  croît  dans  les  pâturages  et  sur  les 
pointes  de  terre,  a  des  feuilles  unies  en  forme  de  lance,  et  des 
branches  droites,  rondes,  et  rayées.  Le  genêt  à  aiguilles,  ou 
genêt  anglais,  que  vous  trouverez  dans  les  bruyères,  a  de  pe- 
tites feuilles  en  forme  de  lance,  des  branches  déliées,  armées 
d'épines  longues  et  simples.  Les  branches  à  fleur  sont  courtes, 
n'ont  point  dépines,  et  ont  cinq  ou  six  fleurs  eu  grappes  au 
bout;  la  couleur  de  la  corolle,  dans  les  deux  espèces,  est 
jaune;  et  vous  imagineriez  d'abord  que  la  première  de  ces 
plantes  est  un  sparlium,  et  la  dernière  un  genêt,  ou  du  genre 
nommé  ulex ,  qui  cependant  diffère  de  l'une  et  de  l'autre  en  ce 
qu'il  a  un  calice  à  deux  feuilles  avec  le  légume  si  court,  qu'il  sort 
à  peine  du  calice.  Nous  en  avons  seulement  une  espèce  qui, 
comme  vous  le  savez,  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  commun  dans 
nos  bruvères.  Elle  a  les  trois  différents  noms  de  jonc  marin, 
ajonc,  genêt  épineux,  dans  diverses  parties  du  royaume. 

Les  ononis,  ou  arrête-bœufs,  sont  une  espèce  de  petits  ar- 
brisseaux, ou  plutôt  de  sous  -  arbrisseaux  ,  avec  des  fleurs 
pourpres.  Ces  plantes  croissent  dans  les  communes  et  les  pâ- 
turages secs ,  au  bord  des  champs  de  blé.  On  leur  a  donné  le 
nom  d'arrète-bœufs ,  à  cause  de  leurs  racines,  qui  sont  très- 
fortes  ,  et  qui  s'entortillent  ;  c'est  ce  qui  a  engagé  les  Hollan- 
dais à  les  semer  sur  les  bords  de  leurs  mers.  Le  cylindre  des 
filets  est  tout-à-fait  entier  au  fond ,  sans  aucune  fente  ;  le  ca- 
lice est  séparé  en  cinq  divisions  linéaires  ;  l'étendard  de  la  co- 
rolle est  strié,  et  le  légume,  dont  une  section  est  en  forme  de 


SUR   LA   BOTANIQUE.  SyS 

vlioiubc ,  f>>t  cnilû  et  sessile.  Nous  en  avons  deux  espèees  , 
'une',  qui  a  les  branches  piquantes,  unies,  et  les  fleurs  en 
{j;iappes,  mais  qui  sortent  séparément;  l'autre'  a  des  feuilles 
et  des  branches  garnies  de  poils  ,  mais  sans  épines  ;  les  fleurs 
sont  en  grappes  ;  mais  en  général  elles  croissent  deux  ensemble  j 
l'une  et  l'autre  ont  les  feuilles  ternaires,  excepté  que  vers  le 
sommet  elles  sont  simples. 

Dans  XanthyUis  ,  le  calice  est  enflé  ,  et  renferme  le  légume , 
qui  est  petit  et  arrondi,  et  contenant  une  semence  ou  deux  tout 
au  plus.  La  seule  espèce  que  nous  avons ,  qui  est  sauvage ,  est 
appelée  le  doigt  des  dames  ^,  et  se  trouve  assez  communément 
dans  les  pâturages  abondant  en  craie.  Cette  plante  a  des  feuilles 
inégalement  pinnées,  et  ime  double  tète  de  fleurs  jaunes;  mais 
ce  dernier  caractère  n'est  pas  constant.  Les  feuilles  sont  pu- 
bescentes  ,  et  consistent  en  trois  ou  quatre  paires  de  lobes  , 
excepté  deux  sous  l'ombelle  ,  qui  sont  digités.  Il  y  a  plusieurs 
arbrisseaux  à  fleurs  de  ce  genre ,  comme  celui  qu'on  appelle 
généralement  barbe  de  Jupiter*^,  ou  buisson  argenté,  ;\  cause  de 
la  blancheur  brillante  des  feuilles,  ce  qui  leur  vient  d'un  beau 
duvet  dont  elles  sont  couvertes.  Elles  sont  également  pinnées; 
les  fleurs  croissent  à  l'extrcniité  des  branches  ,  eu  petites 
tètes  ,  et  sont  jaunes. 

Les  lupins,  qu'on  cultive  dans  les  jardins  potagers,  s'accor- 
dent en  ce  qu'ils  ont  un  calice  à  deux  lèvres  ,  cinq  des  anthères 
rondes  et  cinq  oblongues  ,  et  en  ce  que  leurs  cosses  sont  de  la 
naturedu  cuir.  La  commune  espèce  blanche  qu'on  cultive  coimne 
un  légume  dans  la  plupartdes  parties  méridionales  de  l'Europe, 
a  des  fleurs  qui  croissent  alternes ,  sans  appendices.  La  lèvre 
supérieure  de  la  corolle  blanche  est  entière;  l'inférieure  a  trois 
dents;  les  semences  sont  orbiculaires  et  aplaties  ;  il  y  en  a  trois 
espèces  avec  des  fleurs  bleues.  La  permanente,  qui  est  la  seule 
qui  ne  soit  pas  annuelle,  a  des  fleius  alternes  qui  n'ont  point 

'  Bugranc  des  cliamps. 

J-  Il  se  peut  qu'en  Angleterre  il  ue  se  trouve  qu'uue  espèce  fie  ce  j^eure;  mais 
uous  en  avons  quatre  eu  France ,  saus  compter  l'arbrisseau  qui  porte  le  nom  de 
vulnéraire  argentée. 

^  En  France  vulnéraire  rustique. 

4  Vulnéraire  argentée. 


3^6  LETTRES   liLÉMENTAIRES 

d'appendice;  la  lèvre  supérieure  de  la  corolle  est  entaillée;  l'in- 
férieure est  entière  :  c'est  une  plante  d'Amérique  ;  les  feuilles 
digitées  sont  composées  de  dix  ou  onze  lobes  ,  au  lieu  que  celles 
de  la  précédente  n'en  ont  pas  plus  de  sept  ou  huit.  Les  fleurs 
croissent  en  longues  pointes  lâches,  et  sont  d'un  bleu  pâle.  Le 
grand  lupin  bleu,  avec  des  fleurs  alternes  à  appendice,  a  la 
lèvre  supérieure  partagée  en  deux  ;  l'inférieure  a  trois  dents. 
Cette  espèce  a  une  forte  tige  couverte  d'un  duvet  doux  et  bru- 
nâtre. Les  feuilles  ont  neuf,  dix  ou  onze  lobes  spatules  et  gar- 
nis de  poils  ;  les  fleurs  sont  en  touffes ,  formant  une  espèce  de 
pointe  ;  elles  sont  grandes  et  d'un  beau  bleu  ;  les  cosses  sont 
fort  grandes  et  contiennent  trois  semences  arrondies  et  com- 
primées, fort  rudes,  et  d'un  beau  brun  tirant  sur  le  pourpre. 
Le  lupin  à  feuilles  étroites,  ou  grand  lupin  bleu,  a  les  fleurs 
alternes  et  avec  des  appendices,  ou  pédicidées  ;  la  lèvre  supé- 
rieure de  la  corolle  est  divisée  en  deux;  l'inférieure  a  troisdenls; 
les  lobes  des  feuiUes  sont  linéaires.  Le  lupin  varié  n'est  pas  fort 
différent  de  celui-ci  pour  l'apparence.  Les  fleurs  croissent  en  de- 
mi-touffes ,  et  ont  des  appendices;  la  lèvre  supérieure  est  bifide, 
et  l'inférieure  a  trois  petites  dents;  les  corolles  sont  d'un  pourpre 
ou  d'un  bleu  clair.ll  est  plus  court  que  le  dernier;  les  feuillesont 
moins  de  lobes,  et  sont  portées  par  des  pétioles  plus  couits.  Le 
lupin  velu  a  les  fleurs  en  touffes  et  avec  des  appendices,  avec 
la  lèvre  supérieure  divisée  en  deux,  comme  le  grand  lupin  bleu, 
auquel  il  ressemble  beaucoup  pour  la  hauteur  et  l'apparence  ; 
mais  les  corolles  sont  de  couleur  de  chair,  avec  le  milieu  de 
la  bannière  rouge;  la  lèvre  inférieuie  est  entière  ;  la  plante  est 
garnie  de  poils  dans  toute  sa  surface ,  et  les  feuilles  sont  en 
forme  de  lance  ,  et  un  peu  obtuses  au  bout.  Le  lupin  jaune  est 
estimé  pour  l'odeur  agréable  de  ses  fleurs.  Elles  croisseut  en 
grouppes  et  sur  des  pédicules  ;  la  lèvre  supérieure  de  la  co- 
rolle est  divisée  en  deux,  l'inférieure  a  trois  dents.  Ainsi,  vous 
avez  maintenant  luie  histoire  coniplette  de  tous  les  genres  du 
lupin  ;  car  ce  sont  là  toutes  les  espèces  connues  jusqu'à  pré- 
sent. Comme  vous  poftrrez  les  avoir  toutes  ensemble,  croissant 
sous  vos  yeux  ,  vous  pourrez  les  comparer  à  loisir ,  et  juger 
des  caractères  par  lesquels  elles  se  ressemblent ,  et  de  ceux 
par  lesquels  elles  diffèrent.  Si  nous  avions  cette  facilité  pour 


SUR  LA   BOTANIQUE.  377 

chaque  genre ,  avec  quelle  certitude  nous  distinguerions  les 
espèces  !  Mais  souvenez-vous  que  la  culture  peut  produire  des 
cai'actères  factices,  qui  égarent  les  botanistes  qui  ne  se  tiennent 
pas  sur  leurs  gardes. 

Dans  tous  les  genres  que  nous  avons  examinés  jusqu'ici ,  les 
filets  ont  fait  un  corps  au  fond.  Dans  les  autres  qui  vont  s'of- 
frir à  vous,  neuf  seulement  sont  unis  et  le  dixième  est  libre, 
suivant  le  caractère  propre  de  cette  classe.  Nous  allons  com- 
mencer par  quelques  genres  distingués ,  comme  je  vous  en  ai  fait 
mention  ,  par  un  stigmate  pubescent.  Le  haricot  commun  ayant 
la  carène  avec  les  étamines  et  le  style  entortillés  en  spirale , 
offre  par  là  un  caractère  qui  le  fait  aisément  distinguer  de  tous 
les  autres  genres.  Quelques-unes  des  espèces  ont  un  calice  ex- 
térieur, consistant  en  deux  petites  feuilles  arrondies,  qu'on 
peut  appeler  plus  convenablement  bractées.  La  gesse  ou  pois  qui 
dure  toujours,  a  un  style  plat,  garni  de  poils  au-dessus,  et 
s'élargissant  vers  le  haut.  En  ceci  il  diffère  du  pois  qui  a  un  style 
triangulaire  ,  avec  une  carène  au-dessus.  Les  deux  genres  ont 
les  deux  divisions  supérieures  du  calice  plus  courtes  que  les 
autres  trois,  et  à  d'autres  égards  se  touchent  de  fort  près. 
Quelques  espèces  de  gesse  n'ont  qu'une  fleur  portée  sur  un  pé- 
dicule :  il  y  en  a  deux  espèces  sauvages;  l'une  a  des  fleurs 
jaunes,  et  s'attache  aux  blés  par  des  tendrons  sans  feuilles; 
elle  a  des  tuyaux  larges ,  formés  comme  la  pointe  d'une  flèche  ; 
l'autre  a  des  fleurs  d'un  rouge  cramoisi ,  des  feuilles  longues 
et  étroites ,  qu'on  distingue  avec  peine  du  gazon  dont  elle  est 
entourée  ,  et  de  petits  tuyaux  subulés ,  ou  garnis  d'une  alêne. 
La  première  est  appelée  gesse  des  blés;  la  seconde  gesse  nis- 
sole,  ou  gesse  rougeàtre.  La  gesse  odorante  ou  pois  de  sen- 
teur, avec  qvielques  autres  en  petit  nombre,  a  deux  fleurs  sur 
chaque  pédicule  ;  chaque  tendron  a  une  couple  de  feuilles  ob- 
longues,  ovales,  et  les  légumes  sont  rudes.  L'étendard  de  la 
corolle  est  d'un  pourpre  sombre,  la  carène  et  les  ailes  d'un 
bleu  clair  ;  mais  il  y  a  des  variétés.  L'une  a  la  corolle  toute 
blanche,  une  autre  a  un  étendard  de  couleur  d'oeillet,  des  ailes 
d'un  bleu  pâle,  et  une  carène  blanche  :  on  appelle  celle-ci  pois 
de  darne-peint.  La  gesse  de  Tanger,  qui  appartient  à  la  sec- 
tion à  deux  fleurs ,  a  les  deux  feuilles  alternes,  en  forme  de 


378  LKTTRES  ÉLÉMENTAIRES 

lance,  et  unies,  les  stipules  en  forme  de  lune  ;  les  fleurs  croissent 
sur  de  courts  pédicules;  elles  ont  un  étendard  pourpre,  avec  des 
ailes  et  une  carène  d'un  rouge  éclatant;  à  ces  fleurs  succèdent 
de  longues  cosses  à  jointures.  La  gesse  à  feuilles  larges  appar- 
tient à  la  dernière  division,  ayant  plusieurs  fleurs  portées  par  un 
pédicule.  Cette  espèce  a  aussi  des  fleurs  conjuguées,  c'est-à- 
dire  qui  croissent  en  paires  ,  et  munies  d'un  tendron  ;  la  forme 
des  feuilles  est  elliptique  ou  ovale;  les  tiges  qui  grimpent  fort 
haut  ont  des  ailes  membraneuses  de  chaque  côté  entre  les  join- 
tures; les  fleurs  sont  rouges.  Il  y  a  une  variété  de  cette  plante 
dans  les  jardins,  avec  des  feuilles  plus  larges  et  des  fleurs  plus 
grandes  et  d'une  couleur  plus  foncée.  Il  y  en  a  une  autre  espèce 
qui  n'est  pas  fort  différente  de  celle-ci,  avant  des  feuilles  en  forme 
d'épée,  et  une  troisième  qui  croît  dans  les  bois,  les  fondrières 
et  les  prairies  humides,  qui  a  des  tendrons  à  plusieurs  feuilles, 
et  des  stipules  en  forme  de  lance;  les  lobes  sont  au  nombre  de 
six ,  et  il  y  a  depuis  trois  jusqu'à  six  fleurs  sur  chaque  pédi- 
cule ;  la  corolle  est  bleue ,  avec  la  plus  grande  partie  des  ailes 
et  de  la  carène  blanche.  Une  espèce  qui  appartient  à  cette  sec- 
tion a  des  fleurs  jaunes,  des  tendrons  à  deux  feuilles  qui  sont 
fort  simples  et  des  feuilles  en  forme  de  lance  ;  elle  est  fort 
commune  dans  les  pâturages,  au  bord  des  haies,  et  dans  les  bois. 
La  vesce  est  une  plante  qu'on  distingue  aisénjcnt ,  en  ce 
qu'elle  a  isn  stigmate  barbu  transversalement  sur  le  côté  in- 
férieur. Lés  espèces,  qui  sont  ai»  nombre  de  dix-huit  peuvent 
èli"e  rangées  sous  deux  divisions.  La  première  comprend  toutes 
celles  qui  ont  des  fleius  en  grappes  portées  sur  des  pédicules  ; 
la  seconde  renferme  celles  qui  sont  axillaires ,  ou  qui  ont 
\és  fleurs  presque  collées  à  la  tige,  et  sortant  de  l'angle  que 
les  feuilles  forment  avec  elle.  Dans  la  première  division  nous 
avons  la  vesce  touffue  et  la  vesce  sauvage  des  bois  :  l'une  et 
l'autre  ont  des  fleurs  en  grappe ,  plusieurs  ensemble ,  mais  qui , 
dans  la  première,  sont  imbriquées  '  ou  en  gouttière;  dans  celle- 
ci  aussi  les  lobes  ou  feuilles  composantes,  sont  en  forme  de 
lance  et  pubesccntes,  et  les  stipules  entières  :  dans  la  seconde  les 
lobes  sont  ovales  ,  et  les  stipules  légèrement  dentelées.  L'espèce 

I  C'est-à-dire,  disposées  i;railiiellemeut,  de  manière  que  l'inie  recouvre  la 
ïQoitié  de  l'autre  eomme  des  tiiiles. 


SUR  LA   BOTANIQUK.  OyT) 

cultivée  et  plusieurs  de  celles  qui  sont  sauvages,  appartiennent 
à  la  seconde  division .  La  première  '  a  les  légumes  droits  et 
sessiles  ,  et  ordinairementdeux  ensemble  ,  les  feuilles  sont 
émoussées  et  les  stipules^  ont  des  taches.  Parmi  les  autres, 
la  vcsce  du  piintemps,  qui  a  beaucoup  d'aftinité  avec  la  pré- 
cédente, a  cependant  en  général  les  légumes  simples  ;  les 
lobes  inférieurs  sont  émoussés,  et  les  supérieurs  étroits  et 
presque  linéaires  ;  le  nombre  des  lobes  est  depuis  quatre 
jusqu'à  dix ,  et  les  stipules  sont  tachetées  comme  dans  l'espèce 
précédente.  La  vesce  des  buissons  a  environ  quatre  légumes 
droits  qiii  croissent  ensemble  sur  de  courts  pédicules  ;  les 
lobes  des  feuilles  sont  ovales  et  tout-à-fait  entiers;  le  lobe 
va  en  diminuant  vers  le  bout  de  la  feuille  :  cette  plante  croît 
dans  les  haies.  La  fève  est  placée  par  Linnée  dans  le  genre 
des  vesces ,  et  uvec  raison ,  puisqu'elle  s'accorde  avec  ce 
genre  dans  les  caractères  de  la  fructification,  et  qu'elle  en  dif- 
fère seulement  en  ce  qu'elle  a  une  tige  plus  forte  qui  la  sup- 
porte, et  qui,  pour  cette  raison,  n'a  pas  reçu  de  la  nature 
des  liens  pour  s'attacher.  On  pense  qu'elle  est  originaire  des 
pays  voisins  de  la  mer  Caspienne.  Toutes  les  diverses  espèces  de 
fève  ne  sont  réellement  que  des  variétés  de  la  même  plante. 
Vous  comprenez  bien  que  je  ne  parle  ici  que  des  fèves  propre- 
ment dites,  et  non  pas  des  fèves  de  haricot  et  de  plusieurs 
autres,  qui,  non-seulement  diffèrent  pour  l'espèce  ,  mais  en- 
core pour  le  genre. 

Dans  la  même  section,  qui  a  des  stigmates  pubesccnls,  il  y  a 
un  genre  d'arbrisseaux  bien  connus^  qu'on  nomme  colutea. 
Ce  genre  est  distingué  par  un  calice  quinquifidc ,  un  légume 
enflé,  qui  s'ouvre  depuis  la  base  par  la  suture  supérieure. 
Le  nom  anglais  de  séné  à  vessie  est  tiré  de  ce  dernier  caractère. 
Le  baguenaudier  commun  a  une  tige  arborescente,  et  des 
feuilles  en  forme  de  cœur  renversé;  il  croît  à  la  hauteur  de 
douze  ou  quatorze  pieds  de  haut  ;  ses  feuilles  ailées  ont  quatre 
ou  cinq  paires  de  lobes  grisâties.  I-es  fleurs  sortent  des  ailes ,. 

I  La  vesce  cultivée. 

»  Il  fjaut  euteudre  par  stipules  des  petites  productions  membraaeuses  et  folia- 
cées de  la  même  nature,  et  souvent  de  la  même  couleur  que  les  feuilles;  mais 
qui  en  différent  toujours  par  la  forme. 

^  Baguenaudier. 


38o  LETTRES   ELEMENTAIRES 

deux  ou  trois  ensemble,  poitées  sur  des  pédicules  déliés;  elles 
sont  jaunes,  avec  une  marque  de  couleur  sombre  sur  l'éten- 
dard. Cette  espèce  croît  naturellement  dans  les  contrées  méri- 
dionales de  l'Europe.  Il  y  en  a  une  autre  qui  vient  du  Levant , 
et  qui  a  des  fleurs  semblables  à  celles  de  la  précédente ,  à  la 
réserve  qu'elles  sont  d'un  jaune  plus  bi-illant.  Mais  c'est  un  ar- 
brisseau plus  petit  ;  il  diffère  aussi  en  ce  qu'il  a  neuf  paires  de 
petits  lobes  ovales ,  entiers  à  chaque  feuille.  Il  y  en  a  un  troi- 
sième, environ  de  la  même  hauteur  que  la  seconde,  mais  qui  a 
des  branches  encore  plus  déliées ,  et  qui  vient  du  même  pays  ; 
les  feuilles  ont  cinq  ou  six  paires  de  petits  lobes  en  forme  de 
cœur;  les  fleurs  sont  plus  petites,  et  d'un  rouge  sombre  mar- 
qué de  jaune.  Il  y  a  lieu  de  douter  si  ces  dernières  espèces 
sont  véritablement  différentes  de  la  première.  Il  y  en  a  cepen- 
dant une  qui  vient  d'Ethiopie,  qui  a  des  fleurs  éearlates,  et 
qui  est  fort  distincte;  car  c'est  un  arbrisseau  petit ,  faible,  avec 
des  feuifles  composées  de  dix  ou  douze  paires  de  lobes  oblongs, 
ovales,  et  blanchâtres.  Les  fleurs  sont  longues,  ce  qui  est  dû  à 
la  longueur  de  la  carène,  car  l'étendard  est  plus  court,  et  les 
ailes  sont  menues.  Vous  vous  imaginez  bien,  d'après  le  pays 
d'où  elle  tire  son  origine,  qu'elle  ne  peut  résister  au  froid 
d'un  hiver  un  peu  rude  ;  cependant ,  lorsqu'elle  se  trouve 
dans  un  terrain  sec  et  situé  vers  le  midi,  cette  plante  peut  sup- 
porter im  hiver  doux.  Il  y  a  encore  une  espèce  herbacée  , 
dont  les  feuilles  ont  des  lobes  linéaires,  unis;  mais  c'est  une 
plante  annueUe,  de  peu  de  beauté,  et  que,  pour  cette  raison,  on 
cultive  rarement. 

Il  y  a  plusieurs  autres  arbrisseaux  de  la  famille  des  plantes 
à  fleurs  de  pois ,  comme  les  différentes  espèces  de  cytise  ,  dont 
le  laburnwn  en  est  une.  Cet  arbrisseau  est  connu  par  des  fleurs 
jaunes  qui  pendent  en  grappes  grandes  et  simples,  et  trois  lobes 
oblongs  et  ovales  aux  feuilles.  Il  y  en  a  une  variété  avec  des 
feuilles  plus  éti'oites  et  des  grappes  de  fleurs  plus  longues. 
Celle-ci  est  plus  commune  dans  les  pépinières  que  l'autre ,  qui  est 
un  arbre  plus  grand,  et  fournit  de  très-bon  bois  de  charpente; 
mais  comme  l'espèce  précédente  a  plus  d'apparence  quand  elle 
est  en  fleur,  on  la  préfère  pour  les  plantations.  Le  cytise  à  feuilles 

'  Ébcnier  des  alpes. 


SUR  LA    BOTANIQUE.  38  I 

sessilcs  ,  qu'on  nomme  vulgairement  cytise  glabre ,  a  les  fleurs 
en  grappes  courtes,  et  droites  au  bout  des  branches;  chaque 
fleur  a  une  petite  bractée  triple  à  la  base  du  calice;  les  feuilles 
des  branches  à  fleurs  sontsessiles,  mais  les  autres  sontpétiolées. 
Les  fleurs  sont  d'un  jaune  brillant,  et  les  cosses  sont  courtes  , 
larges  et  noires.  Le  cytise  toujours  vert'  a  des  fleurs  qui  sortent 
séparément,  du  côté  de  la  tige,  avec  des  calices  fort  garnis  de 
poils,  trifides,  obtus,  oblongs  et  enflés.  Les  liges  sont  extrême- 
ment velues,  ainsi  que  les  feuilles,  particulièrement  en  des- 
sous; les  fleurs  sont  d'un  jaune  pâle,  et  les  cosses  longues, 
étroites  et  rudes.  Toutes  ces  plantes,  et  les  autres  espèces, 
s'accordent  en  ce  qu'elles  ont  un  calice  à  deux  feuilles,  la  lèvre 
supérieure  bifide,  l'inférieure  à  trois  dents,  et  un  légume  atté- 
nué à  la  base  et  pédicule,  contenant  plusieurs  semences.  Les 
feuilles  sont  ternaires. 

L'acacia  des  jardiniers  a  un  calice  quadrifide,  un  étendard 
déployé,  réfléchi,  et  arrondi.  Le  légume  est  gibbeux,  alongé, 
et  contient  plusieurs  semences.  Cet  arbre,  que  vous  admirez  à 
cause  de  ses  longues  grappes  de  fleurs  blanches ,  d'une  odeur 
suave,  et  pendantes  comme  celles  du  faux  ébénier,  appartient 
à  ce  genre.  Je  veux  parler  de  l'acacia  bâtard,  que,  dans  le  nord 
de  l'Amérique,  qui  est  son  pays  natal,  on  nomme  arbre  des 
sauterelles.  Les  feuilles  sont  pinnées,  consistant  en  huit  ou  dix 
paires  de  lobes  ovales,  terminés  par  im  lobe  impair.  Tous  ces 
lobes  sont  entiers,  et  attachés  de  près  à  la  côte  du  milieu.  Les 
stipules  sont  armées  d'épines  fortes  et  crochues  ;  les  fleurs  sor- 
tent séparément,  ou  seulement  une  à  une,  portées  sur  un  pédi- 
cule dans  les  grappes.  Le  robinier  de  Sibérie  ^ ,  arbrisseau  ori- 
ginaire de  la  Sibérie,  a  les  feuilles  pinnées,  ailées,  et  non  pas 
terminées  par  un  lobe  impair ,  ou  composées  seulement  de 
quatre  ou  cinq  paires  de  lobes  ovales.  Celle-ci  n'a  point  d'é- 
pines, et  les  fleurs  jaunes  sortent  séparément  des  ailes.  Il  y  a 
plusieurs  autres  arbres  et  arbrisseaux  de  ce  genre,  mais  ceux- 
ci  sont  les  plus  connus. 

La  coronille  est  un  autre  genre  d'arbrisseau  ,  qui  cependant 
renferme  quelques  plantes  herbacées.  Elles  s'accordent  toutes 

I  Cytis  velu. 

»  Autre  espèce  de  faux  acacia. 


382  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

en  ce  qu'elles  ont  un  calice  à  deux  lèvres  ;  la  lèvre  supérieure 
a  deux  dents  ,  et  l'inférieure  en  a  trois  petites  ;  les  dents  supé- 
rieures sont  jointes  ;  l'étendard  est  à  peine  plus  long  que  les 
ailes  ;  le  légume  est  fort  long ,  droit ,  contracté  entre  les  se- 
mences ;  et  au  lieu  de  s'ouvrir  par  les  sutures ,  il  s'ouvre  par 
•  des  jointures.  Le  séné  bâtard  ^  est  une  espèce  de  ce  genre  fort 
commune  parmi  les  arbrisseaux  ;  ou  le  connaît  tout  de  suite  , 
en  ce  qu'il  a  les  queues  de  ses  corolles  jaunes,  trois  fois  aussi 
longues  que  le  calice.  Deux  ou  trois  fleurs  sortent  ensemble, 
portées  sur  de  longs  pédicules ,  des  côtés  des  branches  qui  sont 
déliées  et  anguleuses;  les  feuilles  sont  pinnées,  et  composées  do 
trois  paires  de  lobes ,  terminés  par  \\n  lobe  impair.  Les  lé- 
gumes sont  longs,  déliés,  coniques  et  pendants;  les  semences 
sont  cylindriques.  Il  y  a  aussi  plusieurs  beaux  arbrisseaux  de 
ce  genre,  mais  qui  sont  trop  tendres  pour  supporter  l'air  de 
nos  climats. 

Les  plantes  dont  on  fait  l'indigo  appartiennent  à  cette  classe, 
et  plusieurs  des  genres  voisins  leur  ressemblent  pour  la  qua- 
lité aussi-bien  que  pour  la  forme  extérieure  et  le  caractère.  Le 
séné  bâtard  en  particulier  passe  pour  donner  une  teinture  égale 
à  celle  de  l'indigo,  si  l'on  fait  fermenter  les  feuilles  dans  une 
cuve,  de  la  même  manière  qu'on  le  ftiit  à  l'égard  du  véritable 
indigo  :  peut-être  vous  vous  ressouvenez  de  vous  être  plainte 
que  les  fleurs  jaunes  du  lotus  deviennent  bleues  en  se  séchant, 
à  moins  qu'on  ne  prenne  soin  de  les  tenir  séparées  des  autres 
plantes  et  de  les  changer  souvent. 

La  réglisse  est  aussi  de  cette  même  classe;  elle  a  un  calice  à 
deux  lèvres ,  avec  la  lèvre  supérieure  divisée  en  trois  parties  , 
et  l'inférieure  absolument  simple  et  sans  division.  Le  légume 
est  ovale  et  comprimé  avec  un  très-petit  nombre  de  semences , 
en  forme  de  fève  de  haricot.  L'espèce  que  l'on  cultive  à  cause 
de  ses  racines,  a  des  légumes  unis,  point  de  stipules,  et  des 
feuilles  pinnées  ,  consistant  en  quatre  ou  cinq  paires  de  lobes  , 
terminé  par  un  lobe  impair ,  qui  est  pétiole.  C'est  une  plante 
qui  s'élève  assez  haut  pour  une  plante  herbacée  =  ;  les  tiges  ont 

I  Baguenaudiei  des  jardiniers.  ' 

'  Les  tiges  de  la  plante  dont  il  est  ici  question,  sont  soii5-ligne!:ses  et  non  her- 
bacées. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  H8'] 

depuis  quatre  jusqu'à  cinq  pieds  de  hauteur;  les  fleurs  sor- 
tent en  pointes  droites  des  ailes  ,  et  sont  d'un  bleu  pâle. 

Le  sainfoin  est  un  genre  très-nombreux  ,  qui  ne  contient  pas 
moins  de  soixante- sept  espèces,  qui  s'accordent  toutes  en  ce 
(ju'elles  ont  la  carène  transversalement  obtuse,  et  les  légumes 
avec  des  jointures  renfermant  une  semence  dans  chaque  join- 
ture. Le  genre  est  subdivisé  en  quatre  sections ,  par  rapport 
aux  feuilles ,  qui ,  dans  la  première  sont  simples  ,  dans  la  se- 
conde conjuguées  ,  dans  la  troisième  ternaires,  et  dans  la  qua- 
trième ,  pinnées.  Je  ne  vous  présenterai  que  deux  espèces  ,  et 
ces  deux-là  seront  prises  dans  la  dernière  section.  L'une  a  été 
transplantée  d'italie  ,  dans  nos  jardins  ,  et  l'autre  ,  de  plante 
sauvage,  est  devenue  une  plante  cultivée.  La  première  est  le 
sainfoin  d'Espagne  ,  qui  est  distingué  des  autres  ,  en  ce  qu'il  a 
une  tige  couchée,  et  des  légumes  avec  des  jointures  ,  piquants, 
nus    et  droits.    Ses  feuilles  pinnées  montrent  qu'il  est  de  la 
quatrième  section  ;  elles  ont  cinq  ou  six  paires  de  lobes  ,  ter- 
minées par  un  lobe  impair  ;  de  leur  base  sort  un  long  pédi- 
cule ,  qui  soutient  des  pointes  de  belles  fleurs  rouges.  L'autre 
est  le  sainfoin  ordinaire ,  dont  les  caractères   sont    une   tige 
alongée  ,  les  ailes  de   la  corolle  égalant  le  calice  ,  et  des  lé- 
gumes piquants ,  avec  une  semence.  Celle-ci  a  pareillement  des 
feuilles  pinnées  ;  elle  orne  les  collines  de  craie  par  ses  belles 
fleurs  rouges  ,  et  contribue  principalement,  avec  plusieurs  au- 
tres de  cette  classe  ,  à  nourrir  le  bétail.  Le  trèfle  est  une  des 
plantes  les  plus  communes  pour  les  pâturages.  Il  y  en  a  qua- 
rante-six espèces ,  qui  ont  toutes  des  fleurs  qui  croissent  eu 
tète;  le  légume  est^  fort  court,  sortant  à  peine  du  calice,  ne 
s'ouvrant  pas,  mais  tombant  tout  entier,  et  ne  contenant  qu'une, 
ou  tout  au  plus  deux  semences.  Quoiqu'on  distingue  aisément 
ce  génie  par  sa  forme  extérieure ,  cependant  les  caractères  ne 
sont  point  constants;  et  peut-être  il  n'y  en  a  pas  un  de  com- 
mun à  toutes  les  espèces.  Le  trèfle  blanc ,  appelé  communé- 
ment trèfle  de  Hollande  ,  a  une  tige  rampante,  permanente  ; 
les  têtes  sont  en  ombelles  ,  et  les  légumes  couverts  avec  quatre 
semences.  Le  trèfle  pourpre ,  le  trèfle  chevreuil ,  ou  le  trèfle 
rouge  ,  a  des  fleurs  qui  croissent  en  pointes  globuleuses ,  un 
peu  velues  ,  entourées  de  stipules  opposées  ,  membraneuses  ,  et 


384  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

toutes  les  corolles  sont  d'un  pétale.  Il  y  a  dans  ce  genre  plu- 
sieurs espèces  sauvages  ;  mais  le  trèfle  jaune ,  qu'on  cultive 
sous  ce  nom,  ou  celui  de  none  sucli  ',  appartient  à  unautre  genre, 
comme  nous  allons  le  voir  présentement. 

Le  lotier  a  un  calice  tubuleux;  les  ailes  de  la  corolle  se 
touchent  l'une  l'autre  vers  le  haut,  longitudinalement;  le  lé- 
gume est  droit  et  cylindrique.  L'espèce  sauvage  est  appelée 
lotier  corniculé.  On  la  distingue  par  ses  tiges  penchées ,  dont 
plusieurs  fleurs  croissent  ensemble  en  tètes  aplaties;  les  lé- 
gumes sont  exactement  cylindriques  ;  les  corolles  sont  d'un 
jaune  brillant. 

La  luzerne  est  du  genre  nommé  medlcago ,  dont  le  caractère 
est  que  la  cai'ène  de  la  corolle  pend  en  en-bas  de  l'étandard,  et 
que  le  légume  est  aplati,  spirale  ou  contourné,  comme  la 
coquille  d'un  limaçon.  Le  caractère  spécifique  est  que  la  tige 
est  droite  et  unie  ;  les  fleurs  croissent  en  grappes ,  et  les  légumes 
sont  tordus;  la  corolle  est  de  couleur  bleue.  L'espèce  cultivée 
sous  le  nom  de  luzerne  lupuline,  ou  sans  pareille,  a  les  tiges 
couchées  ;  les  fleurs  sont  en  pointes  ovales ,  et  les  légumes  en 
forme  de  fève  de  haricot,  avec  une  semence  seulement  à  chaque 
légume  ;  les  corolles  sont  petites  et  jaunes.  Dans  l'état  de  cul- 
ture, les  tiges  se  tirent  l'une  l'autre  en  haut,  et  perdent  beau- 
coup de  la  pente  qu'elles  ont  à  s'étendre  sur  la  terre  ;  c'est  ce  que 
fait  aussi  le  trèfle  pied  d'oiseau,  quand  il  a  d'autres  plantes 
autour  de  lui,  comme  dans  les  pâturages,  etc.  Il  y  a  une  es- 
pèce de  luzerne  appelée  polymorphe,  ou  à  plusieurs  formes,  à 
cause  de  la  variété  des  formes  qu'il  prend,  ou  du  changement 
de  figure  qui  arrive  dans  le  légume  Nous  en  avons  une  variété 
sauvage  fort  commune,  appelée  luzerne  en  cœur,  à  cause  de  la 
forme  des  feuilles,  qui  sont  généralement  tachetées  ;  chaque 
tète  consiste  en  quatre  ou  cinq  petites  fleurs  jaunes  ;  les  légumes 
sont  globuleux,  spirals,  et  couverts  de  plusieurs  épines  di- 
vergentes. Dans  les  jardins,  vous  avez  l'espèce  nommée  lima- 
çon végétal^,  avec  de  grands  légumes  spirals,  globuleux,  nus, 
ou  sans  épines;  celle  qu'on  nomme  hérisson,  dont  les  légumes 
sont  armés  de  longues  épines  pointues.  Toutes  ces  plantes  ont 

1  Sans  pareil. 

2  Luzerne  à  fmits  nus. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  385 

une  tige  couchée,  les  stipules  dentelées ,  et  les  légumes  spirals. 
Cette  classe  a  aussi  ses  chenilles  végétales;  mais  elles  appar- 
tiennent à  un  autre  genre  ^ 

Je  crains  bien  que  vous  ne  trouviez  déjà  cette  lettre  trop 
longue.  Cependant,  comme  je  pourrai  demeurer  quelque  temps 
sans  vous  écrire ,  et  que  la  classe  qui  suit  n'est  pas  fort  nom- 
breuse, et  qu'elle  complète  l'oidre  des  plantes  dont  les  filets 
sont  unis,  je  vais  vous  en  parler,  au  risque  d'abuser  de  votre 
patience. 

La  classe  nommée  polyadelphie  comprend  toutes  les  fleurs 
qui  ont  les  fdets  unis  au  fond  en  plus  de  deux  paquets.  Les 
lilets  sont  en  faisceaux,  ou,  comme  on  peut  les  appeler,  en  pin- 
ceau, puisqu'ils  sont  rassemblés  en  forme  d'un  pinceau  fait  de 
poils  de  chameau.  Si  vousne  faisiez  pas  attention  à  ce  caractère, 
vous  imagineriez  aisément  que  ces  plantes  appartiennent  à  la 
classe  nommée  polyandrie;  car  elles  n'ont  point  une  forme  frap- 
pante, comme  la  famille  des légumineuseset  quelques  autres,  qui 
puissent  les  faire  ranger  dans  la  classe  nommée  polyadelphie. 

Il  y  en  a  quatre  ordres  formés  d'après  le  nombre  des  éta- 
mines.  La  plante  qui  fournit  le  cacao,  dont  on  fait  le  chocolat, 
est,  dans  le  premier,  nommée  pentandrie.  Un  genre  qu'on 
nomme  monsonia  est  dans  le  second.  Le  citronnier,  qui  ren- 
ferme les  arbres  qui  produisent  les  oranges  et  ceux  qui  donnent 
les  limons,  se  range  dans  le  quatrième.  Le  nombre  des  espèces 
est  de  soixante-cinq. 

Ce  genre  d'arbres  si  connus,  si  beaux,  si  odoriférants  et  si 
justement  estimés,  qu'on  nomme  citronniers,  offre  les  caractères 
suivants  :  un  petit  calice  avec  cinq  dents  au  sommet,  une  co- 
rolle de  cinq  pétales  oblongues,  environ  vingt  étamines  placées 
cylindriquemcnt  autour  du  germe,  avec  les  filets  légèrement 
unis  en  paquets  plus  ou  moins  nombreux,  un  pistil,  et,  en 
place  de  fruit ,  une  baie  généralement  à  neuf  cellules,  avec 
une  pulpe  vésiculaire  dans  laquelle  les  semences  sont  logées. 

Vous  aurez  du  plaisir  à  examiner  en  détail  les  trois  espèces 
élégantes  de  ce  genre  ,  et  à  flatter  délicieuseuient  vos  sens,  tan- 
dis que  votre  esprit  recevra  l'instruction.  Quand  le  fruit  est 
venu  ,    vous  distingue/,    aisément   ces    espèces  ;  mais  ,  quand 

1  Chenille. 

R.    VII.  v).5 


386  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

l'arbre  n'a  point  de  fruit ,  vous  observez  que  le  citronnier  •  a 
les  pétioles  linéaires,  et  tout  d'une  venue,  comme  la  plupart 
des  autres  pétioles  ;  au  lieu  que  l'oranger ,  l'arbre  qui  porte  les 
limons  * ,  et  le  pampelmousier  ^ ,  ont  les  pétioles  ailés  en  forme 
de  cœur ,  de  sorte  que  la  feuille  principale  paraît  sortir  d'une 
plus  petite.  Linnée  ne  forme  qu'une  espèce  de  l'oranger  et  de 
l'arbre  qui  porte  les  limons ,  et  dit  qu'on  les  distingue  du  pam- 
pelmousier par  leurs  feuilles  pointues,  au  lieu  que  le  pampel- 
mousier les  a  obtuses  ,  et  entaillées  au  bout.  Pour  ne  pas  faire 
mention  du  grand  volume  du  fruit '',  je  vous  ferai  remarquer 
seulement  que  les  fleurs  de  cette  dernière  espèce  croissent  plus 
en  grappes,  qui  sont  un  peu  garnies  de  duvet  ou  de  laine. 
J'ose  croire  que  vous  êtes  maintenant  si  avancée  dans  la  bota- 
nique ,  que ,  malgré  que  votre  goût  vous  dise  le  contraire ,  vous 
soutiendrez  que  l'oranger  de  Séville  et  celui  de  la  Chine  sont 
des  variétés  de  la  même  espèce  qui  ne  sont  dues  qu'à  la  diffé- 
rence des  climats.  Peut-être  aussi  n'aurez-vous  pas  beaucoup 
de  difficulté  à  vous  persuader  que  le  grand  limon  appartient  à 
un  arbre  qui  n'est  pas  spécifiquement  différent  de  celui  qui 
porte  le  petit  citron  rond  et  aigre,  malgré  quelques  petites 
différences  dans  les  feuilles ,  et  les  épines  qui  sont  sur  les 
branches  de  ce  dernier.  Mais  je  doute  si  je  pourrai  jamais  per- 
suader à  votre  aimable  fille  que  le  limon  pâle,  long,  et  d'une 
saveur  austère,  n'est  pas  iine  espèce  totalement  distincte  de 
l'orange  ronde,  dont  la  couleur  est  si  vive,  et  dont  le  jus  lui 
paraît  si  délicieux.  Je  consens  qu'elle  demeure  dans  son  incré- 
dulité, pourvu  qu'au  moins  elle  puisse  distinguer  ces  arbres^ 
lorsqu'ils  sont  dépouillés  de  fruits.  La  position  des  étamines 
vous  montre  que  ce  genre  appartient  à  l'ordre  nommé  icosandrie. 
Le  genre  hypericum,  mille-pertuis,  qui  est  dans  le  dernier 
oi'dre,  nommé  polyandrie,  a  beaucoup  plus  d'espèces  que 
tous  les  autres  genres  ensemble.  Plusieurs  de  ces  plantes  sont 

1  Citronnier  ordinaire. 

2  Le  pampelmousier  est  commun  aux  îles  de  France ,  de  Bourbon ,  et  plusieurs 
autres  de  l'Océan-oriental.  On  le  trouve  aussi  à  Cayenne  et  à  Surinam.  Il  porte 
des  oranges  grosses  comme  la  tête,  qu'on  appelle  des  pampelmouses ;  la  chair  de 
ces  fruits  est  excellente ,  et  a  le  goût  de  fraise. 

3  Oranger  de  Surinam 

4  II  a  douze  pouces  de  diamètre.  (  La  pampclmouse.) 


I 


SUR  LA   BOTANIQUE.  38'7 

sauvages,  et  l'on  en  cultive  plusieurs  autres  parmi  les  arbris- 
seaux; elles  ne  sont  pas  cependant  toutes  du  genre  des  ar- 
brisseaux, car  plusieurs  espèces  sont  herbacées.  Toutes  les 
plantes  n'offrent  pas  le  caractère  classique  avec  une  égale  évi- 
dence ,  soit  dans  cette  classe,  soit  dans  toutes  les  autres.  Dans 
ce  genre  les  étamines  qui  sont  nombreuses  se  séparent  aisé- 
ment du  réceptacle,  en  formant  des  pinceaux  ou  des  paquets  , 
et  montrent  ainsi  évidemment  quelle  est  leur  place  dans  le  svs- 
tème.  Étant  ainsi  assurée  que  votre  plante  n'appartient  pas  à  la 
classe  nommée  polyandrie,  mais  à  celle-ci,  vous  la  distinguerez 
aisément  de  ses  congénères  par  son  calice  divisé  en  cinq  par- 
ties,  et  renfermant  le  germe;  la  corolle  est  de  cinq  pétales; 
le^  étamines  sont  très  -  nombreuses ,  et  forment  ordinairement 
cinq  divisions  ;  le  vaisseau  à  semence  est  une  capside  partagée 
en  autant  de  cellules  qu'il  y  a  de  styles  à  la  fleur.  Ceux-ci  sont 
au  nombre  d'un,  de  deux,  de  trois  on  de  cinq.  De  là  naît  une 
division  subordonnée  du  genre  en  quatre  sections.  Il  n'y  a  ce- 
pendant qu'une  seule  espèce  avec  un  style  ;  il  y  en  a  deux  avec 
deux  styles  ;  le  plus  grand  nombre  en  a  trois ,  et  parmi  celles- 
ci  sont  toutes  les  espèces  d'Europe. 

Le  mille-pertuis  commun  a  des  caractères  si  remarquables , 
qu'on  ne  peut  s'y  méprendre  aussitôt  qu'on  en  est  instruit. 
Premièrement,  il  a  une  tige  ambiguë,  ou  à  deux  tranchants, 
c'est-à-dire,  arrondie  ou  un  peu  aplatie  ,  et  s'étendant  longitu- 
dinalement,  pour  former  deux  petits  bords  tranchants  ou  mem- 
branes opposées  l'une  à  l'autre.  Secondement,  ses  feuilles  ob- 
tuses sont  piquées  sur  toute  leur  surface,  de  façon  que  lorsqu'on 
les  oppose  au  jour,  il  semble  qu'on  les  ait  piquées  avec  une 
épingle.  Une  autre  espèce  sauvage  n'est  pas  à  beaucoup  près  si 
commune  ;  elle  croît  dans  les  haies  humides  et  dans  les  bois,  et 
elle  est  nommée  herbe  de  Saint-Pierre".  Ses  tiges  sont  carrées;  elle 
est  à  peu  près  de  la  même  taille  que  l'autre,  mais  elle  ne  pousse 
pas  autant  de  branches  ;  les  feuilles  sont  plus  courtes  et  plus 
larges,  et  n'ont  aucune  des  piqûres  si  remarquables  dans  la  précé- 
dente. Le  mille-pertuis  couché  est  une  petite  jolie  plante,  qu'on 
trouve  dans  les  pâturages  secs  et  dans  les  bruyères.  Elle  a  des 

'  Mille-pertuis  carré. 

2D. 


388  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

tiges  à  deux  tranchants,  couchées,  filiformes,  des  feuilles  unies, 
et  des  fleurs  axillaires,  solitaires.  Le  mille -pertuis  élégant  est 
une  espèce  branchue  qui  ci'oît  dans  les  bois  et  dans  les  bruyères , 
avec  des  tiges  en  forme  de  colonne  ;  les  feuilles  embrassent  la 
tige;  ellçs  sont  unies  et  en  forme  de  cœur;  les  calices  sont 
dentelés ,  avec  des  dents  garnies  de  glandes. 

Les  deux  espèces  les  plus  communes  qu'on  cultive  parmi 
les  autres  arbrisseaux ,  sont  l'herbe  de  bouc ,  ou  mille-pertuis 
puant,  le  mille-pertuis  de  Canarie.  Elles  ont  l'une  et  l'autre 
une  odeur  forte,  qui  ressemble  à  celle  d'un  bouc,  laquelle 
odeur,  cependant,  dans  certaines  circonstances  ,  et  à  une  cer- 
taine distance ,  paraît  agréable  ,  au  moins  à  quelques  per- 
sonnes. L'une  et  l'autre  ont  trois  pistils  ;  mais  la  première  est 
une  plante  beaucoup  plus  petite ,  et  a  les  étamines  plus  lon- 
gues que  la  corolle,  au  lieu  que  dans  la  seconde  elles  sont  plus 
courtes.  La  toute-saine  des  jardins  est  évidemment  de  ce  genre. 
C'est  une  de  celles  qui  ont  cinq  pistils;  les  tiges  son  t  basses,  simples, 
herbacées  et  quadrangulaires;  les  feuilles  sont  unies  et  presque 
entières;  les  racines  sont  fort  rampantes,  et  les  fleurs  sont  fort 
grandes.  La  toute -saine  sauvage,  ou  toute -saine  herbe  de 
Saint-Jean  ,  a  une  tige  de  la  nature  des  arbrisseaux  ,  avec  deux 
tranchants  ;  il  y  a  trois  pistils  et  un  fruit  en  baie ,  ou  avec  un 
péricarpe  d'une  couleur  douce.  Les  fleurs  de  cette  plante  sont 
petites,  et  les  étamines  s'étendent  au-delà  des  corolles.  Elle 
croît  sauvage  dans  les  bois,  et  quelquefois  dans  les  haies  hu- 
mides. Parmi  les  espèces  les  plus  rares  et  les  plus  tendres  est 
le  mille-pertuis  de  l'île  de  Majorque,  qu'on  distingue  facilement 
parles  cicatrices  qu'on  observe  sur  les  branches  qui  sont  rouges 
et  minces.  Les  feuilles  sont  ondées  sur  les  bords;  elles  ont  de  pe- 
tites protubérances  à  leur  surface  inférieure  ,  et  à  leur  base  elles 
embrassent  la  tige,;  les  fleurs  sont  grandes,  avec  les  étamines 
m  peu  plus  courtes  que  la  corolle,  et  cinq  pistils.  Enfin  le  mille- 
pertuis chinois ,  qui  est  seul  ,  comme  n'ayant  qu'un  pistil ,  a 
ime  tige  de  la  natu^re  des  arbrisseaux  ,  des  calices  colorés  ,  les 
étamines  plus  longues  que  la  corolle  ;  et  c'est  une  des  plus 
belles  plantes  de  ce  genre,  qui  est  si  agréable  à  la  vue  par 
ses  corolles  jaunes ,  et  le  grand  nombre  de  ses  étamines. 

Je  vous  laisse  ,  ma  chère  cousine ,  avec  cette  ample  moisson. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  889 

jusqu'à  ce  que  j'aie  trouvé  assez  de  loisir  jjour  préparer  et  sou- 
nietre  à  votre  inspection  la  nombreuse  et  très -embarrassante 
famille  des  fleurs  composées. 


LETTRE  XVI. 

a4  août  1776. 

Quoique  cette  lettre,  ma  chère  cousine,  vous  parviendra 
lard  dans  la  saison ,  cependant  vous  serez  encore  à  temps  d'ejca- 
niiner  la  plus  grande  partie  de  la  classe  nommée  syngénésie, 
ou  famille  des  fleurs  composées  qui  s'épanouissent  principale- 
ment en  automne.  Vous  êtes  bien  prévenue  que  le  caractère  es- 
sentiel de  cette  classe  est  l'union  des  anthères.  Vous  connais- 
sez parfaitement  la  sti'ucture  d'une  fleur  composée,  et  des  di- 
vers fleurons  qui  la  composent.  Enfin  les  ordres  dans  lesquels 
se  divise  cette  classe  vous  sont  familiers;  et  vous  savez  ]:jarfai- 
tement  sur  quels  caractères  essentiels  cette  division  est  fondée. 
Il  me  reste  donc  peu  de  notions  préliminaires  à  établir,  avant 
de  procéder  à  l'examen  des  genres  et  des  espèces. 

Cette  classe  est,  de  beaucoup,  la  plus  nombreus(^  des  classes 
naturelles.  En  conséquence,  il  devrait  être  plus  dilïicile,  selon 
toute  apparence,  de  trouver  suffisamment  des  distinctions  gé- 
nériques et  spécifiques  dansée  genre,  que  dans  tout  autre.  Ce- 
pendant telle  a  été  la  sagacité  et  l'industrie  de  Linnée  ,  que 
j'espère  que  vous  ne  trouverez  pas  beaucoup  de  difficultés, 
même  dans  les  deux  premiers  ordres ,  qui  contiennent  plus  des 
deux  tiers  de  tous  les  genres. 

Pour  faciliter  votre  examen,  dans  le  premier  ordre  nommé 
polygamie  égale  ,  on  l'a  subdivisé  en  trois  divisions ,  qu'on  dis- 
tingue aisément  par  des  caractères  remarquables.  La  première 
contient  les  fleurs  composées  entièrement  de  fleurons  en  lan* 
guette,  qui  sont  les  fleurs  semi-flosculeuses  de  Tournefort.  La 
seconde  contient  les  fleurs  capitées  ou  en  tète,  et  la  troisième 
es  fleurs  discoïdes  ^  ;  de  sorte  qu'il  n'y  a  point  de  fleurs  ra- 

I  Les  fleurs  discoïdes  sont  celles  qui  sont  plusieurs  ensemble  sur  le  même 
disque. 


SgO  LETTRES     ELEMENTAIRES 

diées  dans  cet  ordre.  Les  fleurs  de  la  première  section  sont  cntiù 
rement  formées  de  fleurons  qui  composent  les  rayons.  Dans  les 
deux  autres  sections  ,  il  n'y  a  point  de  ces  corolles  ligulées  ' , 
ou  demi-fleurons;  mais  la  fleur  composée  est  entièrement  faite 
de  corolles  tubulées,  ou  fleurons  proprement  dits.  Dans  la 
seconde  section  ces  fleurons  sont  alongés,  et  le  calice  se 
déjette  au  bas ,  comme  dans  les  chardons.  Dans  la  troisième,  les 
fleurs  ressemblent  à  une  marguerite,  ou  autre  fleur  radiée, 
avec  le  rayon  tiré  en-dehors 

Le  calice,  le  réceptacle,  et  la  couronne  de  la  semence,  suffi- 
ront en  général  pour  fournir  les  distinctions  génériques  dans 
cet  ordre'. 

Ainsi  le  tragopogon ,  ou  barbe  de  bouc ,  est  connu  par  un 
calice  simple ,  le  réceptacle  nu ,  et  un  duvet  stipité  ,  garni  de 
plumes.  Ces  trois  caractères  suffisent  pour  faire  distinguer  ce 
genre  de  tous  les  autres,  pourvu  que  vous  vous  soyez  bien  assu- 
lée,  par  les  règles  qu'on  a  déjà  établies,  que  votre  fleur  est  de 
la  famille  des  fleurs  composées,  que  chaque  fleuron  a  les  anthères 
unies  en  cylindre ,  qui  est  percé  par  le  pistil ,  lequel  est  ter- 
miné par  deux  stigmates  repliés ,  et  que  toutes  les  corolles  sont 
ligulées;  car  c'est  de  cette  manière  que  vous  pouvez  parvenir  à 
fixer  la  classe ,  l'ordre  et  la  section.  Je  ne  puis  croire  que  vous 
ayez  aucune  difficulté  à  distinguer  une  fleur  naturelle  compo- 
sée, d'une  fleur  double,  qui  est  le  produit  de  l'art  et  de  la 
culture,  quoique  la  ressemblance  puisse  égarer  ceux  qui  ne 
sont  pas  accoutumés  à  l'observation.  Je  suis  bien  assuré  que,  si 

'  C'cst-a-dire ,  en  languettes. 

'  Le  calice  est  simple  daus  la  seriolu ,  le  gerofiogon ,  Vandtyala ,  le  tiagoi)f>~ 
son  ,■  il  est  caliculé  ou  garni  d'un  second  rang  de  petites  feuilles  à  la  base  daus 
la  chicorée,  le ^jcrà,  crépis,  cliondrilla ,  prenantlies ,  lapsana,  hyoseris ;  AAi\f. 
le  reste  il  est  imbriqué ,  ou  en  gouttière.  Le  réceptacle  est  velu  dans  le  scolimus, 
cichoreiun,  cataiianche,  seriola,  hypochœris,  geiopogon  ;  daus  les  autres  il  est  nu, 
c'est-à-dire,  qu'il  n'a  point  de  poils  entre  les  fleurons.  Le  scolymus  et  la  lapsana 
n'ont  point  dç  pappits,  ou  duvet  ;  dans  la  seriola,  andrjala,  crépis  ,  prenantlies , 
lactuca ,  hieracium,  sonckus,  le  duvet  est  simple  ;  dans  l'A  ypocAo'm,  geropogon, 
tragopogon,  picris,  leontodon,  scorzonera,  chondrilla,  etc.  le  calice  a  des  plumes. 
Daus  le  ciclioreum  la  couronne  de  la  semence  a  cinq  dents;  dans  la  calananche 
elle  a  cinq  touffes  de  poils;  dans  ïhjoseris  elle  est  surmontée  d'un  calice.  Dans 
quelques  genres  le  duvet  est  collé  à  la  semence  ;  dans  d'autres  il  est  stipité,  c'est- 
à-dire,  qu'il  V  a  une  tigeinterpcsce  entre  le  duvet  et  la  semence. 


SUR  LA  BOTANIQUE.  '5gi 

vous  ave/.  le  moindre  doute  ,  vous  arracherez  un  fleuron  pour 
voir  s'il  a  une  semence ,  des  étamines  et  un  pistil ,  ou  si  c'est 
seulement  un  simple  pétale  aplati.  Mais,  pour  revenir  à  notre 
plante  ,  la  barbe  de  bouc  commune  ou  jaune  ' ,  qui  croît  natu- 
rellement parmi  les  herbes  des  prés,  est  distinguée  par  des 
feuilles  entières  ,  droites,  et  par  les  segments  du  calice ,  qui  éga- 
lent, au  moins  en  longueur,  les  fleurons  extérieurs.  Vers  l'heure 
de  midi,  vous  ne  trouverez  pas  aisément  cette  plante,  parce 
que  les  fleurs  sont  alors  toujours  fermées.  Après  que  la  fleur  est 
passée,  la  barbe  de  boue  se  fait  aisément  reconnaître  par  le 
grand  globe  que  forme  le  duvet  des  semences ,  jusqu'à  ce  que 
le  vent  les  ait  enfin  arrachées  du  réceptacle,  et  les  ait  portées 
séparément  dans  des  lieux  différents. 

Le  salsifis  ^ ,  que  votre  jardinier  cultive   dans  le  jardin  po- 
tager ,  a  les  segments  du  calice  beaucoup  plus  longs  que  les 
fleurons ,  et  les  pédicules  s'enflent  d'une  manière  remarquable 
sous  la  fleur,  qui  est  grande  et  d'un  beau  bleu. 

Une  autre  plante  de  cette  famille  ,  que  vous  pouvez  aussi 
tirer  de  votre  jardin  potager,  c'est  la  scorsonère,  dont  le  genre 
est  fort  voisin  du  précédent.  Il  s'accorde  avec  celui-ci ,  en  ce 
qu'il  a  un  réceptacle  nu,  et  un  duvet  stipité  garni  déplumes; 
mais  il  en  diffère  par  un  calice  imbriqué,  avec  les  écailles  sca- 
rieuses  ou  noires,  comme  si  elles  étaient  brûlées  sur  le  tran- 
chant. L'espèce  cultivée^  a  une  tige  branchue  et  entière,  des 
feuilles  qui  embrassent  la  tige,  légèrement  dentelées  sur  le  bord  j 
les  fleurs  sont  d'un  jaune  brillant. 

Le  laitron  et  la  laitue  s'accordent  en  ce  qu'ils  ont  un  récep- 
tacle nu  ,  un  calice  imbriqué  et  un  duvet  simple  à  la  semence  j 
mais,  dans  la  première  plante,  le  calice  est  gibbeux,  ou  enflé 
à  la  base  ;  dans  la  seconde ,  il  est  cylindrique  ,  avec  des  bords 
membraneux.  La  première  a  un  duvet  sessile  ;  dans  la  seconde, 

est  stipité ,  et  les  semences  sont  polies.  Vous  trouverez  tou- 
ours  de  l'utilité,  lorsque  cela  vous  sera  possible,  à  comparer 
les  plantes  des  genres  qui  sont  voisins  l'un  de  l'autre.  De  cette 
manière,  vous  vous  accoutumerez  à  saisir  les  caractères  qui  se 

•  Salsifis  des  prés. 
>  Salsifis  commun. 
5  Scorsonère  de»  jardius ,  ou  d'Jispague. 


392  LiiïTRKS  ÉLÉMENTAIRES 

ressemblent  et  ceux  qui  diffèrent,  et  à  observer  les  plus  petits 
détails  qui  peuvent  vous  aider  à  faire  la  séparation  des  fa- 
milles naturelles,  qui  paj-aissent  être  les  mêmes  à  un  œil  qui  n'est 
pas  exercé  et  guidé  par  la  science.  C'est  ainsi  que,  dans  un 
troupeau  de  moutons  ,  l'œil  du  voyageur  n'observe  aucune  dif- 
férence, tandis  que  le  bergeries  reconnaît  tous  à  des  marques 
distinctives,  et  les  désigne  par  les  noms  qu'il  leur  a  donnés. 

Il  y  a  plusieurs  variétés  de  laitron,  herbe  très-commune  dans 
les  potagers  ;  il  y  a  le  laitron  à  feuilles  rudes,  et  celui  à  feuilles 
imies  ;  celui  qui  a  des  feuilles  lacérées,  et  celui  qui  les  a  sim- 
ples ,  etc.  Je  vous  cite  seulement  ces  variétés,  pour  que  vous 
ne  les  preniez  pas  pour  des  espèces  distinctes.  Dans  le  fait , 
ces  différences  sont  seulement  l'effet  du  hasard  et  de  la  posi- 
tion de  la  plante. 

L'hieracium  ,  ou  herbe  du  faucon  ,  est  un  genre  très  -  nom- 
breux de  cet  ordre  et  de  cette  section  ;  le  calice  est  ovale  et 
imbriqué ,  le  réceptacle  nu ,  et  le  duvet  simple  et  sessile.  Il 
y  en  a  plusieurs  espèces  sauvages  dans  ce  pays  ;  l'une  de  ces 
espères  ,  qui  est  une  grande  plante  ' ,  se  trouve  sur  les  murs  , 
le  long  des  coteaux  et  dans  les  bois.  Elle  a  une  tige  branchue , 
les  feuilles  radicales  ovales  et  dentelées  ,  et  une  feuille  plus  pe- 
tite sur  la  tige  ;  une  autre ,  qui  est  fort  commune  dans  les  pà- 
tm-ages  secs,  est  nommée  piloselle,  ou  oreille  de  souris,  à  cause 
des  longs  poils  qui  sont  sur  ses  feuilles,  lesquelles  sont  ovales 
et  absolument  entières.  Cette  espèce  pousse  des  rejetons  ,  et  les 
fleurs  sortent  séparément  sur  des  tiges  nues.  Il  y  en  a  d'autres 
espèces,  appelées  vulgairement  épervières  ,  qu'on  range  sous 
d'autres  classes,  telles  que  le  crépis,  qui  diffère  de  l'hiera- 
cium en  ce  qu'il  a  le  calice  seulement  caliculé,  avec  des  écailles 
tombantes. 

Je  terminerai  la  première  section  par  la  chicorée  ou  l'en- 
dive ,  qui  a  le  calice  caliculé ,  et  des  poils  en  petit  nombre  , 
entre  les  fleurons  sur  le  réceptacle  ;  la  couronne  de  la  se- 
mence est  généralement  dentelée  de  cinq  dents  ,  et  un  peu  gar- 
nie de  poils.  La  chicorée  sauvage  a  des  feuilles  runcinées ,  et 
en  général  deux  fleurs  sessiles  ,  qui  sortent  ensemble.  L'endive 
a  des  fleurs  solitaires,  avec  des  pédicules  et  des  feuilles  entières, 

I  Epervière  des  murs ,  ou  pulmonaire  des  Français. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  3c)'5 

seulement  entaillées  sur  les  bords.  L'une  et  l'autre  ont  des  fleurs 
d'un  beau  bleu;  mais  la  première  est  permanente,  et  la  seconde 
ne  dure  que  deux  ans.  L'endive  frisée  ,  quoique  si  différente 
de  l'autre  par  ses  feuilles,  n'en  est  pourtant  qu'une  variété 

La  plus  grande  partie  de  la  seconde  section  ,  dans  ce  premier 
ordre  de  la  dix-neuvième  classe,  est  remplie  par  les  chardons, 
genre  très-intraitable  ,  et  qui  ne  convient  guère  aux  doigts  dé- 
licats de  noire  aimable  Flore.  Le  calice  est  tout  imiîriqué ,  avec 
des  écailles  épineuses.  Coniment  pourra-t-elle  déchirer  ce  ca- 
lice pour  découvrir  que  le  réceptacle  a  des  poils  entre  les  se- 
mences ?  Cependant  ces  deux  circonstances  forment  le  carac- 
tère du  genre  ,  et  il  faut  qu'elle  observe  qu'il  y  a  quelques 
plantes  nommées  communément  chardons,  qui  ne  sont  pas  de 
ce  genre.  Par  exemple,  le  cliardon  ordinaire  des  chemins', 
n'ayant  point  des  épines  aux  écailles  du  calice,  qui  est  aussi 
d'une  forme  cylindrique ,  au  lieu  que  dans  les  chardons  il  est 
enflé  au  bas,  et  le  réceptacle  étant  nu  ,  n'est  pas  un  chardon, 
suivant  Linnée  ,  mais  une  sarrette^.  Pareillement  le  pet-d'âne  , 
ou  épine  blanche ,  ayant  un  réceptacle  en  forme  de  layon  de 
miel ,  forme  un  genre  séparé  à  raison  de  cette  circonstance. 
Véritablement  le  genre  aurait  été  trop  nombreux  et  trop  em- 
barrassant ,  si  Ton  n'avait  pas  fait  attention  à  ces  marques,  qui 
ont  pu  paraître  quelquefois  trop  minutieuses.  Vous  avez  peut- 
être  entendu  dire  que  l'artichaut  n'est  rien  autre  cho5*e  qu'un 
chardon.  Il  en  diffère  véritablement  fort  peu  ,  ayant  un  récep- 
tacle garni  de  poils  ;  seulement  les  poils  sont  plus  roidos,  et  de 
la  nature  des  soies  ;  la  structure  du  duvet  est  aussi  la  même. 
Il  diffère  principalement  par  le  calice  ;  car  les  écailles  dans 
l'artichaut  sont  scarieuses  ou  déchirées,  charnues,  et  termi- 
nées par  un  appendice  cannelé,  rognées  et  pointues,  caractères 
que  vous  pouvez  observer  à  loisir  quand  vous  êtes  à  table. 
Si  vous  voulez  examiner  les  fleurs ,  qui  sont  bleues  et  très- 
grandes  ,  et  peuvent  passer  pour  des  fleurons  ,  il  faut  que  vous 
ordonniez  à  votre  jardinier  de  laisser  les  tètes  sur  pied  long- 
tenii)s  après  l'époque  où  elles  doivent  être  coupées  pour  la 
table.  Ces  fleurs  vous  donneront  un  exemple  remarquable  de 

I  Cbardou  hcmorrbdidal,  ou  sarrette. 
*  Cliardon  odorant. 


394  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

l'ordre  nommé  polygamie  égale  ,  et  de  la  section  qu'on  nomme 
en  latin  capitata ,  ou  à  tête. 

La  bardane ,  dont  les  têtes  s'attachent  quelquefois  à  votre 
robe  lorsque  vous  passez  ,  est  dans  la  même  division  où  sont  les 
chardons.  La  forme  globuleuse  du  calice  et  les  sommets  crochus 
des  écailles  qui  le  composent ,  sont  les  caractères  essentiels  du 
genre.  L'espèce  sauvage  commune  '  a  de  fort  grandes  feuilles 
en  forme  de  cœur,  et  laineuses  ,  pétiolées  et  sans  armes. 

Dans  la  troisième  section  ,  qui  a  des  fleurs  discoïdes  ,  ou  en 
forme  de  disque  ;  il  y  a  peu  de  plantes  qui  soient  à  votre  portée. 
Les  bords  des  rivières  et  des  fossés  vous  fourniront  une  espèce 
d'eupatoire  ' ,  grande  plante  qui  a  les  feuilles  digitées  :  ordi- 
nairement il  y  a  trois  lobes  à  chacune  des  feuilles,  qui  sont 
velues  ,  et  avec  des  dentelures  très  -  aiguës  ;  le  lobe  du  milieu 
est  le  plus  grand  ;  quelquefois  les  lobes  du  côté  manquent  en- 
tièrement ,  et  la  feuille  devient  simple.  Les  tiges  sont  élevées , 
rudeset  quadrangulaires  ;  elles  portent  de  grandes  touffes  de  pe- 
tites fleurs  pourpre  à  leur  sommet,  avec  environ  cinq  fleurons 
à  chaque  calice.  Les  caractères  du  genre  sont  un  calice  oblong  , 
imbriqué ,  et  un  réceptacle  nu  ,  un  duvet  garni  de  plumes ,  et 
un  style  fort  long,  partagé  jusqu'à  la  moitié  de  sa  longueur. 

Les  mêmes  terrains  vous  offriront  le  bidens  ^,  qui  a  aussi  un 
calice  imbriqué;  mais  le  réceptacle  est  garni  de  poils;  la  co- 
rolle a  quelquefois  un  fleuron  alterne  rayonné ,  et  les  semences 
sont  couronnées  par  deux  touffes  de  barbe  droites  et  rudes,  qui, 
étant  crochues ,  font  que  les  semences  s'attachent  à  tout  ce  qui 
est  près  d'elles.  Nous  en  avons  deux  espèces  sauvages  :  latrifide't, 
ainsi  nommée  à  cause  de  ses  feuiUes  à  trois  pointes ,  qui  a  des 
semences  droites  et  des  calices  garnis  de  feuilles;  l'autre  es- 
pèce est  celle  qui  est  penchée  ^ ,  qui  a  des  feuilles  en  forme 
de  lance  ,  embrassant  la  tige ,  et  des  Heurs  penchées  avec  des 
semences  droites.  Les  corolles  de  l'une  et  de  l'autre  sont  jaunes  ; 
mais  celles  de  la  dernière,  qui  est  la  moins  commune,  sont  les 
plus  belles. 

1  Grande  bardane. 

2  Eupatoire  chanvriu,  ou  d'Avicèue. 
î  Eupatoire  aquatique. 

4  Chanvrc-aigremoiue  d'eau. 

3  Chauvre-aigremoine  d'eau  penchée. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  ^C)^ 

Le  second  ordre  de  la  classe  syni,a>nésie ,  nommée  polygamie 
superflue,  étant  presqueaussi  nombreux  cpie  le  premier,  estsub- 
di  visé  en  deux  sections.  La  première  contient  les  fleurs  discoïdes, 
et  la  seconde  !es  fleurs  radiées;  il  n'y  a  qu'un  genre  dans  cet 
ordre,  avec  des  fleurs  à  demi-fleurons. 

Dans  la  première  section,  quia  des  fleurs  discoïdes,  vous 
trouvez  la  tanaisie.  Vous  observerez  qu'elle  a  lui  calice  imbri- 
qué hémisphérique  ;  les  corolles  du  rayon  ou  de  l'extérieur 
sont  trilides;  les  autres  qiiinquifides  ;  les  semences  nues,  étant 
seulement  un  peu  bordées  ;  le  réceptacle  est  pareillement  nu  : 
quelquefois  dans  ce  genre  il  n'y  a  point  de  fleurs  imparfaites. 
Notre  tanaisie  commune,  que  vous  trouverez  non-seulement 
dans  voti'e  jardin  potager,  mais  encore  dans  les  pâturages  secs 
et  sur  les  terrains  élevés ,  a  des  feuilles  bipinnées  ,  qui  sont 
tailladées  et  dentelées  sur  les  boids. 

L'aurone',  l'absinthe  et  l'armoise*,  se  rangent  toutes  sous 
le  genre  de  V artemisia  ,  qui  a  un  calice  imbriqué,  avec  des 
écailles  arrondies  et  convergentes;  le  réceptacle  est  nu,  ou 
garni  d'un  petit  nombre  de  poils  ;  les  fleurs  n'ont  point  de 
l'ayons  ,  mais  sont  absolument  discoïdes.  L'aurone  est  de  la  na- 
ture des  arbrisseaux;  c'est  une  plante  droite,  et  quia  des 
feuilles  sétacées ,  et  est  fort  branchue.  Il  y  a  tme  aurone  sau- 
vage ou  des  champs^,  qui  a  des  tiges  couchées  avec  des  bran- 
ches minces  et  des  feuilles  linéaires  et  multifides.  L'absinthe 
commune'*,  et  la  grande  absinthe,  ainsi  que  l'armoise,  ont  des 
tiges  droites,  herbacées,  et  des  feuilles  composées.  L'espèce 
commune  a  les  feuilles  multifides ,  les  fleurs  approchent  de  la 
forme  globuleuse  ,  et  sont  pendantes ,  avec  un  réceptacle  garni 
de  poils.  L'absinthe  romaine,  ou  grande  absinthe  ,  a  les  feuilles 
partagées  en  plusieurs  parties,  et  garnies  de  duvet  en-dessous; 
les  tètes  des  fleurs  sont  arrondies  et  penchantes  comme  dans 
l'autre;  mais  le  réceptacle  est  nu.  L'armoise  a  des  feuilles  pin- 
natifides,  aplaties  et  tailladées,  garnies  de  duvet  en-dessous;  les 

'  Aurouc  mâle. 

2  Armoise  commune. 

î  Armoise  auroue  des  champs. 

4  Armoise  absinthe. 


396  LETTRES  ÉLÉMEÎNTAIRES 

fleurs  sont  en  grappes  simples,  recourbées,  et  ont  un  rayon 
<le  cinq  fleurs.  L'absinthe  commuue  de  la  mer  a  des  tiges  cou- 
chées, des  feuilles  garnies  de  duvet,  et  partagées  en  plusieurs 
parties ,  des  grappes  de  fleurs  penchantes ,  et  trois  fleurs  au 
rayon. 

Le  gnaphalium  ,  qui  renferme  plusieurs  herbes  des  champs, 
sauvages,  et  les  fleurs  immortelles  ,  ou  les  immortelles  jaunes 
et  blanches,  a  un  oalice  imbriqué,  avec  les  écailles  arrondies, 
scaricuses  et  colorées  ;  un  réceptacle  nu  ,  et  un  duvet  garni  de 
plumes.  Il  y  a  plusieurs  espèces  d'immorteUes  jaunes  et  blan- 
ches. La  plus  connue  d'entre  les  premières  est  commune  en  Por- 
tugal ,  où  l'on  emploie  les  fleurs  de  cette  plante  à  orner  les 
églises,  et  on  les  envoie  aussi  tous  les  ans  en  Angleterre.  On 
pense  qu'elles  sont  originaires  des  Indes  orientales.  Les  feuilles 
sont  en  forme  de  lance,  linéaires  et  sessiles  ;  les  fleurs  sont  en 
grappes  composées ,  portées  par  des  pédicules  alongés ,  et 
la  tige  est  subherbacée.  Une  des  plantes  de  cette  dernière  es- 
pèce est  fort  commune  dans  les  jardins,  et  est  originaire  du 
noid  de  l'Amérique.  Elle  a  des  feuilles  semblables  à  celles  de 
la  précédente,  pointues  et  alternes;  les  tiges  sont  herbacées  et 
branchues  par  le  haut;  les  fleurs  sont  en  grappes  avec  des  som- 
mets aplatis  Cette  plante  a  une  racine  qui  est  très-rampante; 
les  tiges  et  les  feuilles  sont  garnies  de  laine.  Les  calices  argentés 
de  l'une,  et  les  calices  dorés  de  l'autre,  si  on  les  recueille  avant 
qu'ils  soient  trop  ouvertes  ,  se  conserveront  dans  toute  leur 
beauté  pendant  plusieurs  années.  Lexéranthème,  ou  la  grande 
immortelle,  a  un  calice  imbriqué  ,  avec  les  écailles  intérieures 
membraneuses ,  luisantes,  et  formant  une  rangée  de  rayons  co- 
lorés pour  couronner  la  fleiu\  Le  réceptacle  est  généralement 
nu ,  et  le  duvet  est,  ou  garni  de  soies,  ou  de  plumes.  L'immor- 
telle rayonnée  forme  une  exception ,  ou  caractère  général  ,  en 
ce  qu'elle  a  un  réceptacle  avec  des  barbes  ;  elle  est  aussi  la 
seule  qui  ait  un  duvet  avec  cinq  soies;  elle  est  herbacée,  et  a 
des  feuilles  en  forme  de  lance  ,  et  étendues.  Les  fleurons  exté- 
rieurs ont  un  stigmate  simple ,  avec  une  semence  nue  ;  ceux  du 
milieu  ont  un  stigmate  subbifide;  la  couleur  de  la  corolle  est 
ou  pourpre  ou  blanche.  Il  y  en  a  une  espèce  qui  vient  du  Cap, 
et  qui  a  des  fleurs  jaunes. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  '^f)7 

La  seconde  division  de  cet  ordre,  à  fleurs  radiées,  est  de  beau- 
coup plus  considérable  que  les  autres.  Le  tussilage ,  ou  pas- 
d'âne ,  a  un  calice  cylindrique,  avec  des  écailles  égaies,  au 
nombre  de  quinze  ou  vingt,  aussi  longues  que  le  disque  de  la 
fleur,  et  un  peu  membraneuses.  Le  réceptacle  est  nu,  et  le  duvet 
simple  ou  garni  de  poils.  Le  tussilage  commun  sauvage  a  des 
feuilles  anguleuses  ,  à  peu  près  en  forme  de  cœur,  avec  de  lé- 
gères dentelures  sur  les  bords,  et  blanches  en-dessous.  Il  a  une 
fleur  jaune  sur  une  tige  qui  est  imbriquée ,  ou  couverte  d'é- 
caifles.  Letussilagepétasite'  a  de  grandes  feuilles  formées  comme 
celles  du  tussilage  commun.  Il  a  plusieurs  fleurs  de  couleur 
pourpre,  depuis  dix  jusqu'à  vingt;  ces  fleurs  sont  rassemblées 
dans  un  thyrse  ovale,  sur  le  sommet  d'une  tige  de  couleur  poiu'- 
pre ,  garnie  d'écailles  de  la  même  couleur.  Il  y  a  quelquefois 
depuis  deux  jusqu'à  six  fleurons  imparfaits  ,  blancs  et  ligules  , 
qui  n'ont  presque  pas  de  corolle  au  milieu  des  autres.  Vous  ne 
pourrez  pas  examiner  tout  à  la  fois  les  caractères  spécifiques  de 
ces  deux  plantes  ;  car  la  tige  nue,  qui  porte  les  fleurs  ,  pousse 
seule  de  fort  bonne  heure  dans  le  printemps,  et  les  feuilles  ne 
succèdent  aux  fleurs  que  lorsque  celles-ci  sont  passées  ^. 

Le  séneçon  est  un  genre  fort  nombreux^,  qui  a  un  calice  cylin- 
drique caliculé,  avec  les  écailles  sphacéleuses,  ou  qui  paraissent 
mortifiées  au  sommet;  un  réceptacle  nu,  et  un  duvet  simple. 
Le  plus  grand  nombre  des  espèces  a  des  fleins  radiées  ;  cepen- 
dant huit  ou  dix  n'en  ont  pas,  et  parmi  celles-ci  se  trouve  le 
séneçon  commun,  lierbe  que  le  jardin  potager  fournit  en  abon- 
dance. Le  séneçon  puant  ^  est  une  plante  assez  semblable  à  la 
précédente  ;  cependant  elle  a  des  corolles  radiées,  avec  les  de- 
mi-fleurons du  rayon  repliés  ;  les  écailles  du  calice  sont  lâches , 
et  les  feuilles  pinnatifides  et  visqueuses.  Cette  plante  croît  le 
long  des  haies  et  palissades  ,  et  dans  les  bruyères;  elle  s'élève 
beaucoup  plus  que  la  précédente. 

1  Grand  tussilage. 

2  C'est  une  erreur  qre  je  trouve  dans  presque  tous  ks  ouvrages  de  botanique. 
Ce  sont  au  coutraire  les  feuilles  qui  devancent  le»  fleurs  de  huit  mois  dans  le 
tussilage. 

3  II  renferme  cinquante-neuf  espèces. 

4  Séneçon  visqueux. 


3qS  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

La  jacobée  '  a  aussi  des  corolles  radiées,  dont  cependant  le 
rayon  n'est  pas  replié ,  mais  développé.  La  tige  de  cette  plante 
est  droite  ;  les  feuilles  sont  pinnatifides  ,  presque  en  forme  de 
lyre ,  et  les  divisions  un  peu  dentelées.  Elle  est  fort  commune 
sur  les  bords  des  chemins  et  dans  les  pâturages.  On  trouve  dans 
les  jardins  un  séneçon  pourpre  d'Afrique ,  qui  est  originaire  du 
Cap;  c'est  une  plante  annuelle,  qui  a  un  disque  jaune  et  des 
des  rayons  pourpre.  Elle  s'accorde  avec  la  jacobée  séneçone , 
en  ce  qu'elle  a  des  corolles  radiées,  avec  le  rayon  déployé  ;  les 
feuilles  sont  pinnatifides,  égales,  et  étendues,  avec  un  bord 
épaissi  et  recourbé;  les  écailles  du  calice  ont  des  cils  clair- 
semés. Une  plante  singulière,  appartenant  à  ce  genre,  vint  dans 
mon  jardin  ,  il  y  a  quelques  années  ;  je  la  pris  d'abord  pour 
une  nouvelle  espèce  ;  mais  en  l'examinant  avec  plus  d'atten- 
tion,  je  vis  que  c'était  une  plante  hybride,  ou  polygame, 
produite  par  cette  espèce  et  le  séneçon  commun.  Elle  avait  les 
fleurs  radiées  de  l'une,  petites  à  la  vérité,  et  légèrement  teintes 
de  pourpre,  et  la  tige  de  l'autre  :  comme  elle  était  annuelle , 
et  ne  produisait  point  de  semence,  cette  variété  passa  avec  la 
saison.  Les  deux  genres  de  l'aster  et  de  la  verge  d'or  fournis- 
sent une  grande  quantité  de  fleurs  qui  embellissent  l'automne, 
et  durent  jusqu'à  l'époque  des  fortes  gelées.  Ces  deux  plantes 
s'accordent  en  ce  qu'elles  ont  un  calice  imbriqué ,  un  duvet 
simple  ,•  et  un  réceptacle  nu  ;  mais  les  écailles  inférieures  du 
calice  de  l'aster  sont  développées ,  et  ont  l'air  déchiré  ,  au  lieu 
que  dans  la  verge  d'or  elles  sont  serrées.  On  observe  aussi  que 
toutes  les  espèces  de  l'aster  ont  plus  de  dix  demi  -  fleurons  au 
l'ayon  ;  mais  les  espèces  de  la  verge  d'or  en  ont  environ  cinq  à 
six  éloignées.  Quelques-uns  des  asters  sont  de  la  nature  des  ar- 
brisseaux ;  mais  la  plupart  sont  de  grandes  plantes  herbacées , 
qui  languissent  et  tombent  aux  approches  de  l'hiver,  et  re- 
naissent encore  de  la  même  racine ,  au  retour  du  printemps. 
On  confond  plusieurs  de  ces  plantes  sous  le  nom  de  margue- 
rites de  la  Saint-Michel.  L'aniellus  *,  ou  herbe  étoilée  d'Italie,  de 
couleur  pourpre  ,  est  une  des  espèces  les  plus  petites ,  mais 

«  Herbe  de  Saint-Jacques.  Elle  a  reçu  ce  uom  parce  qu'on  la  trouve  abondam- 
meut  en  Galice,  dans  les  environs  de  Saint-Jacques  de  Conipostelle. 
ï  Aster  œil-de-Clirist. 


SUR  LA  BOTANIQUE.  399 

ijiii  a  de  grandes  fleurs  pourpre ,  qui  croissent  en  bouquet 
MU-  des  pédicules  nus ,  avec  les  écailles  du  calice  obtuses  ; 
les  feuilles  sont  en  forme  de  lance ,  obtuses  ,  rudes  ,  entières 
sur  les  bords  ,  et  marquées  en  -  dessous  de  trois  nervures. 
La  plus  grande  partie  des  asters  de  l'Amérique,  qui  sont  perpé- 
tuels ,  ont  des  pédicules  écaillés;  quelques-uns  ont  les  feuilles 
entières,  et  d'autres  les  ont  dentelées ,  ce  qui  donne  lieu  à  une 
division  commode  de  ce  genre.  Il  y  a  cependant  un  petit  nom- 
bre d'espèces,  qui  ont  des  feuilles  dentelées,  et  des  pédicules 
nus  et  unis.  Le  grand  aster  fleurissant,  ou  l'aster  de  Catesby'  , 
est  un  des  plus  beaux,  les  fleurs  étant  grandes,  et  d'un  pourpre 
foncé  ;  le  calice  est  déchiré  ;  les  pédicules  sont  écaillés  et  ne 
supportent  qu'une  fleur,  les  feuilles  sont  tout-à-fait  entières  en 
forn»;  de  langue  ,  et  embrassent  la  tige.  L'aster  chinois  est  une 
plante  annuelle,  avec  des  feuilles  ovales,  anguleuses,  dente- 
lées sur  les  bords,  et  pétiolées  ;  les  fleurs  terminent  les  bran- 
ches ,  et  ont  des  calices  développés  et  garnis  de  feuilles.  La 
variété  des  couleurs  et  la  grandeur  de  la  corolle  ont  rendu  la 
culture  de  cette  espèce  générale.  Lorsqu'elles  se  trouvent  dou  - 
blés  ,  cela  ne  vous  portera  pas  à  prendre  une  fleur  double  ra- 
diée pour  une  fleur  naturelle  ligulée  ,  à  laquelle  elle  ressemble 
beaucoup ,  lorsqu'on  l'observe  sans  attention.  Les  marais  sa- 
lants des  côtes  maritimes  de  l'Europe  fournissent  une  espèce 
nommée  aster  de  mer.  Celui  -  ci  a  des  feuilles  en  forme  de 
lance,  entières,  charnues  et  unies;  les  branches  sont  inégales  et 
les  fleurs  en  bouquet. 

Quant  aux  verges  d'or,  nous  n'en  avons  qu'une  espèce  en 
Europe  %  à  moins  que  nous  ne  fassions  une  distinction  de  la 
verge  d'or  de  la  province  de  Galles,  qui  ne  paraît  être  qu'une 
variété.  La  tige  va  un  peu  en  seipentant ,  et  les  fleurs  croissent 
en  grappes  di'oites  et  paniculées.  La  variété  galloise  a  les 
feuifles  un  peu  blanches  en-dessous,  et  des  pointes  arrondies 
en  grappes  au  sommet  de  la  tige,  avec  des  fleurs  plus  grandes, 
qui  paraissent  de  meilleure  heure  que  l'espèce  commune;  dans 

'  Reine  marguerite. 

2  Nous  avous  en  France,  outre  le  solidago  vulgarù ,  trois  espèces  de  ee 
genre,  communes  dans  les  provinces  méritliouales ;  la  verge  d'or  visqueuse,  .fo- 
lidago  'viscosa ;  la  verge  d'or  odorante,  soUiagn  grai'eoleiix  ,  et  la  verge  d'or 
naine,  solidago  minuta  ? 


400  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

les  terrains  élevés  et  secs,  quelquefois  une  tige  de  cette  plante 
ne  produira  qu'une  fleur.  L'Amérique  septentrionale  a  fourni 
plusieurs  espèces  dont  les  grappes  de  fleurs  dorées  se  mêlent 
agréablement  aux  grappes  pourpre  des  asters;  et  ainsi  elles 
animent ,  en  s'unissant ,  les  plantations  d'arbrisseaux  dans  l'ar- 
rière saison. 

L'année,  ou  énule  campane,  a  les  caractères  suivants  :  un 
réceptacle  nu,  un  simple  duvet,  et  les  anthères  terminées  à  la 
base  par  deux  soies  :  cette  structure  des  anthères  est  unique. 
Le  cylindre  est  composé  de  cinq  plus  petites  anthères  linéaires, 
qui  sont  toutes  terminées  par  deux  soies  de  la  longueur  des  fi- 
lets. La  véritable  énule  campane  est  distinguée  par  ses  grandes 
feuilles ,  qui  embrassent  la  tige;  elles  sont  ovales,  ridées,  et  gar- 
nies de  duvet  en-dessous  ;  la  forme  des  écailles  du  calice  est 
ovale  ;  les  tiges  sont  de  trois  pieds  de  hauteur,  et  se  partagent , 
vers  le  sommet ,  en  plusieurs  branches  plus  petites  ,  dont  cha- 
cune est  terminée  par  une  grande  fleur  jaune.  La  conise 
moyenne  ^  et  la  petite  ^  sont  de  ce  genre  ;  la  première  est  com- 
mune dans  les  prairies  humides,  et  a  des  feuilles  oblongues  qui 
embrassent  la  tige,  creusées  près  du  pétiole  ;  la  tige  est  gar- 
nie de  poils,  et  terminée  par  des  fleurs  jaunes  en  panicules,  et 
les  écailles  du  calice  sont  garnies  de  soies.  La  seconde  a  aussi 
des  feuilles  qui  embrassent  la  tige,  mais  qui  sont  ondoyantes; 
les  tiges  sont  couchées,  les  fleurs  subglobuleuses,  et  qu'on  re- 
connaît aisément  par  le  rayon  ,  qui  est  très-court.  Cette  plante 
croît  sur  les  bords  des  chemins ,  et  dans  les  endroits  où  l'eau 
croupit  en  hiver. 

,  Le  doronic,  ou  poison  de  léopard-*,  plante  sauvage  des 
Alpes ,  aujourd'hui  commune  parmi  les  plantes  permanentes  de 
nos  jardins,  a  les  écailles  du  calice  en  deux  rangées  égales  ,  et 
plus  longues  que  le  disque  ;  les  semences  du  rayon  sont  nues 
ou  privées  de  duvet;  celles  du  disque  sont  couronnées  d'un 
simple  duvet;  le  réceptacle  est  nu.  L'espèce  commune'*  a  des 
feuilles  en  forme  de  cœur,  légèrement  dentelées  sur  le  bord, 

•  Enule  des  près  ,  ou  dysseutérique. 
^  Emile  pulicaire. 

3  II  l'est  aussi  pour  tous  les  quadrupèdes ,  suivant  le  rapport  des  horanistds 
auciens. 

4  Doronic  cordiforme. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  4oi 

et  obtuses  au  bout  ;  celles  de  la  racine  sont  pétiolées  ;  celles  qui 
sont  au-dessus  embrassent  la  tige.  Les  tiges  sont  cannelées  et 
velues,  de  près  de  trois  pieds  de  hauteur.  Elles  poussent  un 
petit  nombre  de  branches  latérales,  dont  chacune  est  terminée 
par  une  grande  fleur  javme.  Une  seconde  espèce  '  a  des  feuilles 
ovales  aiguës,  légèrement  dentelées  ,  et  des  branches  alternes. 
Une  troisième^  a  une  tige  nue,  simple,  qui  est  terminée  par 
une  fleur ,  et  ces  espèces  forment  tout  le  genre. 

Le  tagetcs  a  un  calice  tubuleux,  à  une  feuille  et  à  cinq  dents, 
et  cinq  fleurons  permanents  au  rayon.  Les  semences  sont  cou- 
ronnées par  cinq  barbes  droites ,  et  le  réceptacle  est  nu.  Le 
souci  français  et  le  souci  africain ,  deux  plantes  annuelles  fort 
apparentes,  qu'on  cultive  dans  les  jardins,  sont  de  ce  genre. 
La  première  de  ces  plantes  est  distinguée  par  une  tige  subdi- 
visée, qui  s'étend  sur  le  terrain  ;  la  seconde  a  une  tige  droite, 
simple  ,  avec  des  pédicules  nus ,  qui  n'ont  qu'une  fleur.  L'une 
et  l'autre ,  comme  vous  savez  ,  ont  plusieurs  variétés  pour 
la  couleur,  depuis  le  soufre  pâle  jusqu'à  l'orange  foncé.  Plus 
elles  s'éloignent  d'être  doubles,  plus  votre  jardinier  s'applaudit 
de  son  habileté  ou  de  sa  bonne  fortune. 

Le  chrysanthémum,  ainsi  nommé  à  cause  de  ses  fleurs  de 
couleur  d'or ,  est  connu  par  son  calice  hémisphérique  ,  imbri- 
qué, formé  d'écaillés  serrées,  dont  les  intérieures  sont  graduel- 
lement plus  larges,  et  les  plus  intérieures  membraneuses;  il 
n'y  a  point  de  duvet  sur  les  semences:  elles  sont  seulement 
bordées,  et  le  réceptacle  est  nu.  Quelques-unes  des  espèces  sont 
nommées  improprement  chrysanthèmes ,  ayant  des  rayons 
blancs  aux  fleurs;  nous  en  avons  un  exemple  dans  la  grande 
marguerite,  plante  commune  parmi  les  herbes  des  prés,  et 
qui  a  des  feuilles  oblongues  qui  embrassent  la  tige  ,  découpées 
en  forme  de  scie  au-dessus,  et  en  forme  de  dents  au-dessous. 
La  marguerite  dorée  ^,  qui  est  une  herbe  qu'on  trouve  parmi 
les  blés ,  dans  les  terres  sablonneuses ,  a  des  rayons  jaunes ,  et 
des  feuilles  qui  embrassent  la  tige,  découpées  comme  celles  de 
ia  précédente.  Elles   sont  unies,  et  d'une   couleur  verdâtre. 

'  Doronlcplantagiu*'. 
»  Doronic  pâquerette. 
^  Clirysantlième  des  blé<i, 

R.  VII.  y.6 


402  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

Pour  que  vous  n'attachiez  pas  plus  d'importance  à  la  couleui- 
qu'elle  n'en  mérite  réellement,  je  vous  ferai  souvenir  que  l'es- 
pèce qu'on  cultive  ordinairement  dans  les  partetTes  sous  le 
nom  de  chry^santhemum  crcticum,  a  tout  ensemble  des  rayons 
jaunes  et  blancs.  Ces  fleurs  sont  estimées  en  proportion  qu'elles 
s'écartent  de  la  nature  ;  mais  on  peut  toujours  connaître  la 
plante  par  les  feuilles  pinnées  et  balafrées,  qui  sont  plus  larges 
à  l'extrémité. 

Les  trois  genres  de  la  matricaire,  la  cotula  et  l'anthemis, 
sont  très-voisins  l'un  de  l'autre.  La  première  de  ces  plantes  a 
un  calice  imbriqué,  hémisphérique,  avec  les  écailles  du  bord 
solides,  et  approchant  de  la  forme  pointue  ;  les  semences  n'ont 
point  de  duvet,  et  le  réceptacle  est  nu.  La  seconde  a  un  calice 
convexe,  les  fleurons  du  disque  quadrifides.  Ceux  du  rayon 
ont  seulement  un  germe  avec  son  style  et  ses  stigmates ,  sans 
aucune  corolle;  il  n'y  a  point  de  duvet,  mais  la  semence  est 
bordée,  et  le  réceptacle  est  nu,  ou  à  peu  près.  La  ti'oisième  a 
un  calice  hémisphérique,  avec  les  écailles  presque  égales;  il  y 
a  plus  de  cinq  demi-fleurons  au  rayon,  point  de  duvet ,  et  un 
réceptacle  avec  de  la  barbe.  Il  y  a ,  dans  chacun  de  ces  genres, 
des  plantes  connues  vulgairement  sous  le  nom  d'herbes  de  mai 
ou  de  camomilles.  La  plante  qu'on  nomme  matricaire  odorante 
est  aussi  une  espèce  de  matricaire  ;  les  feuilles  sont  composées 
et  aplaties;  les  lobes  ou  divisions  sont  ovales  et  balafrés,  et  les 
pédicules  branchus.  Elle  croît  sur  les  terrains  élevés,  a  une 
odeur  forte  et  désagréable  ;  les  feuilles  sont  d'un  vert  jau- 
nâtre, et  les  rayons  de  la  fleur  sont  blancs  :  lorsqu'on  la  cultive 
dans  les  jardins,  elle  a  en  général  des  fleurs  doubles.  La  ca~ 
momille  commune  ou  véritable  '  est  un  anthémis.  Elle  a  des 
feuilles  pinnées,  composées,  les  divisionsjlinéaires,  aiguës,  et  un 
peu  garnies  de  poils.  Cette  plante  couvre  quelquefois  une  éten- 
due de  terrain  considérable  dans  les  communes  sèches  et  sa- 
blonneuses, se  prolongeant  beaucoup  et  jetant  des  racines  par 
les  tiges  ;  son  agréable  odeur  la  trahit ,  lorsqu'on  la  foule  aux 
pieds;  celle  qu'on  trouve  communément  dans  les  jardins  a 
perdu  ses  caractères  par  la  culture. 

L'achillée  ou  mille- feuille  a  un  calice  oblong,  ovale  et  imbri- 

'  Camomille  odorante. 


I 


SUR   LA   BOTANIQUE.  40-^ 

que;  elle  a  depuis  cinq  jusqu'à  dix  demi-fleurons  au  rayon, 
point  de  duvet ,  et  un  réceptacle  garni  de  barbes.  La  mille- 
feuilie  commune  sauvage  a  des  feuilles  nues,  bipinnées,  dont 
les  divisions  sont  linéaires  et  dentelées  ;  les  tiges  sont  sillonnées 
au-dessus.  C'est  une  plante  commune  dans  les  pâturages ,  et 
particulièrement  aux  bords  des  chemins;  car  il  semble  qu'elle 
se  plaît  à  être  foulée,  et  dans  ces  endroits  elle  se  répand  avec 
abondance.  La  couleur  ordinaire  de  la  fleur  est  le  blanc,  mais 
quelquefois  elle  est  d'un  beau  pourpre.  Les  autres  espèces 
éti'angères  sont  jaunes. 

Les  quatre  ordres  de  cette  classe,  qui  restent  à  décrire, 
étant  beaucoup  moins  nombreux  que  les  deux  que  nous  avons 
déjà  examinés ,  ils  ne  donnent  pas  également  lieu  aux  subdivi- 
sions, et  en  conséquence  Linnée  n'en  a  point  fait.  Le  troisième 
ordre  de  la  polygamie  inutile  ne  compiend  pas  plus  de  sept 
genres ,  parmi  lesquels  j'en  choisirai  deux ,  Xhelianthus  et  la 
centaurée.  La  première  de  ces  plantes  a  un  calice  imbriqué, 
qui  a  l'air  déchiré ,  à  cause  que  les  sommets  des  écailles  sont 
séparés.  Les  semences  portent  une  couronne  qui  a  deux  feuilles 
ou  deux  barbes;  le  ix'ceptacle  est  plat  et  garni  des  barbes. 
Chaque  espèce  de  ce  genre  vient  de  l'Amérique  seulement,  et, 
lors  de  la  découverte  du  Nouveau-Monde  ,  on  citait  quelques- 
unes  de  ces  plantes  comme  des  merveilles  delà  nature;  mais 
elles  sont  aujourd'hui  si  communes  qu'on  n'en  fait  presque  au- 
cun cas.  La  fleur  du  soleil  annuelle  doit  être  regardée  comme 
une  fleur  de  la  plus  grande  beauté.  Si  elle  est  moins  estimée 
qu'autrefois,  cela  vient  de  la  facilité  qu'on  a  trouvée  à  la  mul- 
tiplier. Les  caractères  spécifiques  sont  des  feuilles  en  forme 
de  cœur ,  marquées  de  trois  nervures  principales.  Les  pédicules 
s'épaississent  immédiatement  sous  le  calice,  et  les  fleurs  sont 
penchées.  Il  n'y  a  point  de  fleur  qui,  à  raison  de  sa  grandeur  , 
puisse  être  plus  propre  que  celle-ci  à  vous  donner  une  idée 
d'une  fleur  composée,  et  des  fleui'ons  et  demi-fleurons  qui 
entrent  dans  sa  composition.  Seulement  vous  devez  vous  sou- 
venir qu'il  ne  faut  pas  vous  attendre  à  trouver  des  semences 
dans  les  fleurons  du  rayon ,  d'autant  que  c'est  le  caractère  de 
cet  ordre.  Cette  plante  tire  son  nom  de  la  forme  de  ses  fleurs , 
et  non  pas  de  la  faculté  de  se  tourner  vers  le  soleil.  Il  n'y  a  or- 

26. 


4o4  LETTRES  liLEMENT  A  IRES 

dinairement  qu'une  fleur  sur  une  tige  ;  mais  j'en  ai  obsen-é 
quatre  sur  la  même  tige  ,  dans  mon  jardin  ,  et  ces  quatre  fleurs 
étaient  tournées  vers  les  quatre  points  cardinaux.  La  fleur  du 
soleil  permanente  est  encore  plus  commune  que  la  précédente, 
parce  qu'elle  s'étend  beaucoup  plus  par  la  racine,  et  qu'elle  n'a  pas 
besoin  qu'on  donne  une  grande  attention  à  sa  culture.  Les  feuilles 
inférieures  de  celle-ci  sont  en  forme  de  cœur  et  à  trois  nervures  ; 
mais  les  supérieures  sont  ovales.  Les  fleurs ,  quoique  beaucoup 
plus  petites  que  celles  de  la  pi'écédentc,  sont  cependant  les  plus 
grandes  et  les  plus  belles  des  espèces  permanentes,  et  la  même 
plante  en  produit  une  grande  abondance.  Il  faut  que  vous  ne 
vous  laissiez  pas  égarer  par  les  doubles  fleurs.  Les  espèces  per- 
manentes produisent  rarement  des  semences  dans  notre  climat, 
au  lieu  que  l'annuelle,  qui  ne  peut  se  propager  d'une  autre 
manière,  en  a  abondamment.  L'artichaut  de  Jérusalem  '  est 
aussi  une  espèce  d'hélianthus.  Les  feuilles  sont  ovales  et  en 
forme  de  cœur,  ou  semblables  à  la  forme  d'un  œuf;  seulement 
elles  sont  creusées  à  la  base;  elles  sont  aussi  marquées  de  trois 
nervures  principales.  Cette  plante  très-souvent  ne  produit  pas 
même  de  fleur  ;  et  ce  n'est  pas  par  rapport  aux  fleurs  qu'on  la 
cultive  ,  mais  pour  ses  racines  tubéreuses  et  noueuses ,  qui 
ressemblent,  pour  la  forme,  à  une  patate,  mais,  pour  le 
goût ,  à  un  artichaut.  Il  y  en  a  une  espèce  qui  porte  le  nom  tri- 
vial de  géant,  ou  gigantesque;  l'artichaut  de  Jérusalem  mérite 
qu'on  le  nomme  ainsi,  car  j'en  ai  mesuré  des  tiges  de  douze 
pieds  de  hauteur. 

La  centaurée  est  un  genre  très-nombreux  de  ce  troisième 
ordre ,  lequel  genre  ne  contient  pas  moins  de  soixante-six  es- 
pèces. Les  corolles  du  rayon  sont  en  forme  d'entonnoir,  ou 
tubuleuses,  plus  longues  que  celles  du  disque,  et  irrégulières  ; 
le  duvet  est  simple,  et  le  réceptacle  a  des  soies  entre  les  fleu- 
rons. Ce  genre,  qui  sans  cela  serait  fort  embarrassant,  se 
subdivise  en  six  sections,  par  les  vai'iaîions  du  calice,  qui, 
comme  vous  l'observerez ,  ne  font  pas  partie  du  caractère  gé- 
nérique. 

A  la  première  section  appartient  le  sultan  odoriférant,  qui 
a  un  calice  arrondi^  avec  des  écailles  ovales ,  et  des  feuilles  en 

I  Le  soleil  topinambour. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  4^^ 

foi  aie  de  lyre,  dentelées  sur  le  bord.  C'est  une  plante  annuelle, 
avec  des  fleurs  pourpre,  dont  le  parfum  a  tant  de  violence, 
qu'il  est  nuisible  à  plusieurs  personnes;  ces  fleurs  naissent  sé- 
parées sur  de  longs  pédicules  nus,  et  varient  souvent  depuis 
la  couleur  de  chair  jusqu'au  blanc.  Il  y  a  un  sultan  odoriférant 
jaune,  qui  diffère  non-seulement  par  la  couleur  des  fleurs,  et 
par  une  odeur  plus  douce,  mais  aussi  en  ce  qu'il  a  les  bords 
des  feuilles  dentelés ,  cependant  il  n'est  pas  bien  sûr  que  ce 
soit  une  espèce  distincte  de  la  précédent*-.  La  grande  centaurée 
appartient  aussi  à  cette  section;  les  écailles  du  calice  sont 
ovales;  les  feuilles  sont  pinnées,  et  les  lobes,  ou  divisions, 
dentelés  et  décurrents.  La  plante  est  grande  et  élevée,  et  les 
Heurs  sont  de  couleur  pourpre. 

Dans  la  seconde  subdivision,  nous  avons  trois  plantes,  qui 
sont  ordinairement  sauvages,  et  une  auti-e  qui  est  un  peu 
moins  commune  dans  les  jardins.  La  jacée  noire  se  trouve  dans 
presque  tous  les  pâturages,  et  fournit  un  exemple,  entre  plu- 
sieurs autres,  de  la  négligence  avec  laquelle  on  laisse  croître, 
dans  les  prairies,  des  plantes  qui  ne  sont  d'aucun  usage;  les 
écailles  sont  ovales,  avec  des  cils  ou  franges  droites  et  capil- 
laires. Les  feuilles  sont  en  forme  de  lyre  et  anguleuses,  et  les 
fleurs  à  fleurons.  La  jacée  scabieuse  a  des  feuilles  pinnatifides, 
avec  les  lobes  lancéolés.  Cette  plante  croît  dans  les  champs  de 
blé,  et  sur  les  endroits  où  la  charrue  n'a  point  passé.  Les  fleurs 
de  l'une  et  de  l'autre  sont  rouges  ;  mais  celles  de  la  dernière 
sont  beaucoup  plus  grandes  et  plus  agréables.  Le  bluet,  oii 
barbeau,  la  troisième  plante  sauvage  de  cette  section,  est  une 
plante  qui  est  généralement  connue,  et  qu'on  trouve  en  abon- 
dance dans  les  champs  de  blé.  La  beUe  couleur  bleue  de  ses 
fleurs  l'aurait  mise  en  grande  estime  si  elle  eût  été  rare.  EUe 
a  des  feuiUes  linéaires,  qui,  sur  la  tige,  sont  tout-à-fait  entières  ; 
vers  la  terre,  elles  sont  plus  larges,  dentelées  sur  les  bords, 
et  quelquefois  pinnées.  La  jacée  ailée ,  qui ,  des  montagnes  de 
la  Suisse  a  passé  dans  nos  jardins,  est  fort  voisine  de  celui-ci , 
mais  ses  fleurs  sont  beaucoup  plus  grandes;  les  feuilles  sont 
pareillement  en  forme  de  lance,  etdécurrentes,  et  la  tige  est  tout- 
à-fait  simple ,  au  lieu  que  l'espèce  sauvage  a  la  tige  branchue.  Le 
cardiius  benedictus ,  pu  chardon  bénit,  est  un  exemple  des 


4o6  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

plantes  de  la  quatrième  section;  il  a  des  calices  à  doubles  épines, 
garnis  de  laines,  fournis  d'une  enveloppe;  les  feuilles  sont  à 
demi  jdécurrentes,  dentelées,  et  garnies  de  piquants;  c'est  une 
petite  plante  annuelle,  avec  des  fleurs  jaunes.  Nous  avons  une 
espèce  sauvage  appartenant  à  cette  section.  Le  chardon  étoile, 
qui  croît  sur  les  bords  des  chemins  et  dans  les  pâturages  secs, 
mais  non  pas  partout,  a  des  fleurs  sessiles,  avec  des  calices  à 
doubles  épines;  les  feuilles  sont  pinnatifides,  linéaires  et  dente- 
telées;  la  tige  est  garnie  de  poils  et  fort  branchue;  les  épines 
du  calice  sont  blanches ,  et  les  fleurs  rouges.  Vous  n'aurez  pas 
occasion,  selon  toutes  les  apparences,  de  voir  aucune  des 
plantes  des  autres  sections.  A  la  vérité ,  la  rudesse  et  la  gros- 
sièreté de  leurs  feuilles  qui  les  fait,  ressembler  aux  chardons , 
est  cause  que  leurs  nombreuses  espèces  sont  peu  cultivées.  Le 
souci  du  jardin  potager  vous  fournira  un  exemple  familier  du 
quatrième  ordre,  la  polygamie  nécessaire.  On  connaît  ce  genre 
par  un  calice  de  plusieurs  feuilles  égales,  par  les  semences  qni 
n'ont  point  de  dilvet,  et  celles  du  disque,  qui  sont  membra- 
neuses; enfin  par  le  réceptacle  ,  qui  est  nu.  L'espèce  commune 
ou  officinale  est  distinguée  en  ce  qu'elle  a  toutes  les  semences 
en  forme  de  bateau,  courbées  en-dedans,  et  muricées. 

Dans  l'ordre  séparé ,  outre  le  calice  et  le  périanthe  commun 
à  toute  la  fleur ,  il  y  en  a  un  secondaire ,  qui  renferme  plusieurs 
fleurons,  ou  quelquefois  un  seul.  Cela  forme  un  caractère  des 
genres.  L'échinops  n'a  qu'une  fleur  à  chaque  calice  partiel  ; 
outre  cela  les  fleurons  sont  tubuleux  et  complets;  les  semences 
ont  un  duvet  obscur,  et  le  réceptacle  est  garni  de  soies.  La 
boulette  multiflore,  ou  chardon  en  globe,  est  ainsi  nommée  à 
cause  de  ses  fleurs,  qui  croissent  en  tètes  globuleuses;  les 
feuilles  sont  sinueuses  et  pubescentes;  les  dentelures  se  ter- 
minent par  des  épines;  les  fleurs  sont  bleues,  et  quelquefois 
blanches. 

Nous  avons  maintenant  achevé  de  décrire  la  famille  des  fleurs 
composées;  mais  il  nous  reste  encore  à  parler  d'un  ordre  de  la 
classesyngénésie ,  dans  lequel  les  fleurs  sont  totalement  diffé- 
rentes, excepté  qu'elles  s'accordent  dans  le  caractère  commun  , 
qui  est  d'avoir  les  cinq  anthères  unies;  elles  sont  simples, 
comme  les  fleurs  des  autres  classes ,  ou  seulement  elles  ont  une 


SUR  LA  BOTANIQUE.  4^7 

corolle  renfermée  dans  le  calice,  sans  aucun  périanthe  commun. 
Le  violier  vous  fournira  beaucoup  d'exemples  connus  de  cet 
ordre.  Toutes  les  espèces ,  qui  sont  au  nombre  de  vingt-huit, 
s'accordent  en  ce  qu'elles  ont  un  calice  à  cinq  feuilles ,  une  co- 
rolle irrégulière  à  cinq  pétales  ,  qui  se  prolonge  en  corne  ou 
éperon  par  derrière ,  et  une  capsule  à  une  cellule ,  avec  trois 
valvules,  placée  sur  le  réceptacle,  ou  enfermée  dans  le  calice. 
La  violette  odorante,  qui  parfume  les  bords  des  ruisseaux  ,  les 
haies  et  les  prairies ,  dans  le  printemps ,  par  l'odeur  de  ses 
fleurs  pourpre,  est  une  de  celles  qui  n'ont  point  de  tige  ,  ex- 
cepté celle  qui  supporte  la  fleur,  et  les  rejetons  par  lesquels 
elle  se  propage  ;  les  feuilles  sont  en  forme  de  cœur.  Les  co- 
rolles sont  quelquefois  blanches,  et  les  jardins  en  ont  une 
grande  espèce  double.  Cette  plante  est  du  petit  nombre  des 
plantes  sauvages  ,  dont  le  mérite  leur  a  fait  trouver  place  dans 
les  terrains  cultivés.  L'espèce  plus  tardive ,  qui  n'a  point  d'o- 
deur, est  appelée  communément  violette  de  chien  '.  C'est  une 
des  espèces  qui  ont  une  tige  ;  les  feuilles  sont  en  forme  de 
pœur ,  mais  elles  se  terminent  en  pointe  au  bout;  la  corolle  est 
plus  pâle  que  celle  de  la  violette  odoriférante  :  comme  elle  a 
des  feuilles  qui  procèdent  d'une  tige  ,  on  ne  peut  la  confondre 
avec  l'autre,  dans  laquelle  les  feuilles  partent  de  la  racine, 
quand  même  on  ne  ferait  pas  attention  à  l'odeur.  La  pensée^, 
cette  fleur  universellement  chérie  pour  son  aimable  simplicité, 
appartient  à  cette  classe  de  plantes  qui  ont  des  stipules  pinnati- 
fides ,  et  un  stigmate  urcéolé ,  ou  en  forme  de  cruche.  Elle  a 
aussi  une  tige  répandue,  à  trois  angles,  et  des  feuilles  oblon- 
gues ,  balafrées.  Tels  sont  les  caractères  de  cette  plante  qu'un 
enfant  connaît  aussitôt  qu'il  peut  se  promener  dans  un  jardin. 
Mais  il  n'est  cependant  pas  inutile  d'en  faire  mention ,  parce 
qu'elle  peut  au  moins  servir  à  vous  expliquer  plusieurs  termes , 
et  vous  aider  dans  l'examen  des  plantes  qui  ne  vous  sont  pas 

I  Violette  sauvage. 

ï  Cette  plante  est  connue  dans  les  provinces  sous  plusieurs  noms  ,  qui  font  tous 
allusion  à  l'Amour. 

«Je  remarquai  l'endroit  où  tomba  la  flèche  de  l'Amour;  elle  tomba  sur  une 
«petite  fleur  de  l'occident.  Elle  était  plus  blanche  que  le  lait;  mais  aujourd'hui 
<•  elle  est  pourpre,  ayant  pris  la  couleur  du  sang  de  l'Amour.  Les  jeiiucs  filles  la 
•<  nomment  l'Amour  dans  la  paresse.  » 


4o8  LETTRES  ELEMENTAIRES 

aussi  bien  connues.  Quand  nous  comparons  la  pensée,  petite  et 
presque  sans  couleur,  telle  qu'elle  vient  naturellement  parmi  les 
blés ,  avec  cette  même  fleur  cultivée  dans  les  jardins  des  curieux, 
dont  la  corolle  alors  est  grande  et  d'une  riche  couleur,  nous  ne 
pouvons  qu'admirer  le  changement  considérable  que  l'art  peut 
produire  dans  les  ouvrages  de  la  nature.  Nous  l'examinons 
avec  d'autant  plus  de  plaisir,  que  cet  embellissement  de  la 
fleur  ne  se  fait  pas  aux  dépens  des  caractères  naturels,  et  que 
vous  pouvez  en  jouir  comme  botaniste  et  comme  fleuriste. 

Cette  belle  fleur ,  qu'on  nomme  balsamine  ,  appartient  aussi 
à  cet  ordre.  Linnée  nomme  ce  genre  impatient,  parce  que  la 
capsule,  quand  elle  est  mûre,  ne  se  laisse  pas  toucher,  mais 
qu'elle  se  crève  aisément,  et  jette  ses  semences.  Elle  a  une  co- 
rolle irrégulière  de  cinq  pétales ,  comme  la  violette ,  lorsque 
la  culture  ne  l'a  pas  rendue  double  ;  le  calice  est  à  deux  feuilles; 
le  nectaire  est  cucullé,  ou  en  forme  de  capuchon,  et  la  capsule 
a  cinq  valvules.  Le  véiitable  baume,  ou,  plus  proprement,  la 
balsamine,  a  les  feuilles  en  forme  de  lance  ;  celles  de  la  partie 
supérieure  de  la  plante  sont  alternes;  les  fleurs  sortent  au 
nombre  de  trois  ou  quatre  ensemble  des  jointures  de  la  tige; 
il  n'y  en  a  qu'une  sur  chaque  pédicule  délié,  et  le  nectaire  est 
plus  court  que  la  fleur  ;  les  variétés  de  la  couleur  sont  le  blanc, 
le  rouge ,  le  pourpre ,  et  le  bariolé.  Celle  qui  vient  des  Indes 
orientales  a  des  fleurs  plus  grandes  et  plus  belles  que  celle  qui 
vient  de  l'Amérique.  Elles  sont  bariolées  d'écarlate  et  de  blanc. 
Nous  en  avons  une  espèce  sauvage,  appelée  balsamine  jaune, 
ou  counue  sous  le  nom  familier,  ne  me  touchez  pas.  Un  pé- 
dicule long  et  délié  sort  des  ailes ,  lequel  se  subdivise  en  plu- 
sieurs autres,  dont  chacun  porte  une  fleur  jaune;  les  feuilles 
sont  ovales  ,  et  la  tige  s'enfle  vers  les  nœuds.  C'est  une  plante 
locale ,  qu'on  trouve  seulement  ou  principalement  dans  West- 
moreland  et  dans  York-shire,  dans  les  lieux  humides,  et  à 
l'ombre,  ou  sur  les  bords  des  lacs  et  des  rivières  '. 

Vous  avez  maintenant  une  provision  d'amusements  pour  vos 
promenades  d'automne  ;  et,  comme  la  saison  convenable  à  l'exa- 
men des  plantes  sera  passée  avant  que  je  puisse  avoir  préparé 
de  nouveaux  sujets  d'occupation  pour  vos  recherches  bota- 

I  Elle  se  trouve  aussi  en  France  dans  les  bois  et  les  lieux  couverts. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  4<^9 

niques  ,  je  prends  congé  de  vous  jusqu'au  printemps  prochain; 
alors,  si  ma  santé  me  le  permet,  et  si  j'ai  assez  de  loisir  pour 
cela ,  nous  parcourrons  le  petit  nombre  de  classes  qu'il  nous 
reste  à  examiner. 


LETTRE   XVII. 

le'inai  1777. 

Je  renouvelle  nos  recherches ,  aussitôt  qu'il  m'est  possible > 
ma  chère  cousine,  pour  pouvoir  être  en  état  de  remplir  le 
plan  que  nous  avons  formé ,  avant  que  la  saison  ne  9oit  écoulée, 

La  vingtième  classe,  que  nous  avons  maintenant  à  parcou- 
rir, est  nommée  gynandrie,  à  cause  d'une  circonstance  qui 
lui  est  particulière,  qui  est  que  les  étamines  sont  placées  sur  le 
style  même.  Vous  avez  remarqué  que ,  dans  toutes  les  classes 
que  nous  avons  examinées  jusqu'à  présent,  ces  deux  parties 
sont  entièrement  indépendantes,  de  sorte  que  nous  pourrons 
en  tout  temps  en  ôter  une  de  la  fleur,  et  y  laisser  l'autre  :  mais , 
dans  la  classe  gynandrie ,  cela  ne  nous  est  pas  possible,  les 
étamines  sortant  ordinairement  du  pistil  même  ;  et ,  dans  quel- 
ques plantes  de  cette  classe,  elles  sont  placées  sur  un  réceptacle 
alongé,  en  forme  de  style,  qui  porte  tout  à  la  fois  le  pistil  et 
les  étamines.  Cette  classe  a  neuf  ordres ,  fondés  sur  le  nombre 
des  étamines  dans  les  fleurs  de  chaque  ordre.  Elle  renferme 
trente-trois  genres,  et  deux  cent  soixante-quinze  espèces. 

Le  premier  ordre,  nommé  diandrie,  à  cause  qu'il  n'y  a  que 
deux  étamines  aux  fleurs,  est  parfaitement  naturel,  c'est-à-dire, 
qu'il  contient  une  famille  de  plantes  qui  sont  regardées  uni- 
versellement comme  très-alliées  les  unes  aux  autres,  de  façon  que 
lorsqu'on  a  bien  examiné  un  individu  de  cette  famille,  lorsqu'il 
5'en  présente  quelque  autre ,  on  le  rapporte  tout  de  suite  à  la 
même  classe.  Véritablement  l'alliance  entre  la  plus  grande  par- 
tie de  ces  plantes  est  si  étroite,  que  quelques  nomenclateurs 
ont  pris  le  parti  de  n'en  faire  qu'un  genre  ou  une  famille  pro- 
prement dite  ;  car  les  genres  ne  diffèrent  presque  en  rien  les 


4lO  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

uns  des  autres,  excepté  dans  la  forme  du  nectaire.  Quelques- 
uns  des  premiers  nomenclateurs  avaient  établi  les  genres  sur 
les  l'acines,  qui  sont  certainement  la  partie  la  moins  convenable 
à  cet  objet,  d'autant  que  vous  ne  pouvez  examiner  le  carac- 
tère sans  détruire  la  plante.  Mais  ce  qui  les  avait  engagés  à 
cela ,  c'est  la  forme  singulière  des  racines  dans  les  plantes  de 
cette  famille.  Dans  quelques  espèces  c'est  une  couple  de  bulbes 
solides,  dans  d'autres,  c'est  une  rangée  de  corps  oblongs  et 
charnus,  allant  en  pointe  aux  extrémités,  et  s'étendant  comme 
des  doigts ,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  racines  palmées. 

Après  ces  détails  préliminaires  sur  cette  famille ,  il  est  temps 
de  vous  faire  connaître  les  individus  qui  la  composent.  Le  plus 
grand  nombre  de  ces  plantes  est  nommé  orcliis.  Je  suis  persuadé 
que  vous  n'ignorez  pas  entièrement  la  signification  de  ce  mot. 

Prenez  une  des  fleurs ,  de  quelque  espèce  que  vous  puissiez 
trouver;  s'il  n'y  a  pas  encore  d'espèce  en  fleurs,  vous  n'aurez 
pas  long-temps  à  attendre;  vous  trouverez  un  germe  oblong, 
entortillé,  placé  au-dessous  de  la  fleur,  lequel  n'a  point  de  ca- 
lice propiement  dit ,  mais  seulement  une  gaîne.  La  corolle  est 
faite  de  cinq  pétales;  les  deux  pétales  intérieurs  se  joignent  or- 
dinairement pour  former  une  arche ,  ou  un  casque ,  sur  le  som- 
met de  la  fleur  ;  la  lèvre  inférieure  de  la  corolle  forme  le  nec- 
taire, prenant  la  place  du  pistil  et  d'un  sixième  pétale.  Le  style 
est  adhérent  au  bord  intérieur  du  nectaire ,  de  sorte  qu'avec 
son  stigmate  on  a  peine  à  le  distinguer.  Les  filets  sont  fort 
courts,  et  chacun  d'eux  est  terminé  par  une  anthère  qui  n'a 
point  de  couverture  ,  mais  qui  a  le  tissu  de  la  pulpe  des  oranges 
et  des  citrons.  Chacun  de  ces  filets  est  logé  dans  une  cellule , 
qui  s'ouvre  vers  le  bas,  et  qui  est  adhérente  au  bord  intérieur 
du  nectaire ,  de  sorte  que  si  vous  n'aviez  pas  été  instruite  de 
cette  particularité,  vous  auriez  été  fort  embarrassée  pour  trou- 
ver les  étamines,  à  moins  qu'elles  n'eussent  crevé  leurs  cellules 
en  votre  présence.  Le  germe,  avec  le  temps,  devient  une  cap- 
sule de  trois  valvules ,  qui  s'ouvre  vers  les  angles ,  sous  les  cô- 
tés, en  forme  de  carène.  Au-dedans,  il  n'y  a  qu'une  cellule  et 
un  grand  nombre  de  petites  semences  irrégulières ,  semblables 
à  de  la  sciure,  lesquelles  sont  attachées  à  un  réceptacle  linéaire 
sur  chaque  valvule.  Je  me  suis  engagé  plus  particulièrement 


SUR  LA.  BOTANIQUE.  4^  ï 

dans  la  description  du  caractère  de  cette  famille  ,  parce  que  les 
fleurs  ont  une  apparence  extraordinaire,  ce  qui  vient  de  la 
position  singulière  des  parties  de  la  fructification.  Il  y  a  une  affi- 
nité entre  cette  famille  et  celle  des  liliacées,  l'une  et  l'autre 
n'ayant  qu'un  lobe  à  la  semence,  des  racines  succvdentes  ,  des 
feuilles  entières ,  et  une  corolle  nue.  Elles  diffèrent  cependant 
par  le  nombre  des  étamines,  la  forme  de  la  corolle  et  du  nec- 
taire, la  situation  du  germe,  le  nombre  des  cellules  dans  la 
capsule ,  la  forme  et  l'arrangement  des  semences.  Cette  famille 
porte  aussi  ses  fleurs  sur  une  tige,  et  a  des  bractées  interposées 
entre  elles.  Les  principaux  genres  de  cette  famille  sont  ainsi 
distingués  : 

Nectaire  en  forme  de  corne orchis. 

—  En  forme  de  sac satyrium. 

—  Légèrement  quille ophrys. 

—  Ovale,  gibbeux  en -dessous serapias. 

—  Pédicellé limodorum. 

Enflé CYPRIPEDIUM. 

—  Turbiné,  ou  en  forme  de  sabot.  .  .  .    epidendrum. 

—  Connate  ,  avec  la  corolle  ringente.  .   aretusa. 

L'orchis  est  le  genre  le  plus  considérable,  puisqu'il  ne  ren- 
ferme pas  moins  de  cinquante  espèces ,  dont  il  y  en  a  onze  qui 
croissent  naturellement  en  Angleterre'.  Le  plus  grand  nombre 
a  des  bulbes  doubles  ;  dans  les  autres ,  les  racines  sont  palmées 
ou  fasciculées. 

Parmi  celles  qui  ont  des  bulbes  doubles ,  on  trouve  l'orchis 
blanc  ,  ou  papillon,  qui  croît  dans  les  bois  et  dans  les  pâturages 
où  il  y  a  beaucoup  de  buissons.  Cette  plante  a  la  lèvre  du  nec- 
taire en  forme  de  lance  et  tout-à-fait  entière,  la  corne  fort 
longue  et  les  pétales  fort  étendus.  Les  fleurs  de  cet  orchis  ont 
une  odeur  suave,  particulièrement  le  soir  et  le  matin  de  bonne 
heure.  Il  n'y  a  que  deux,  ou  tout  au  plus  trois  grandes  feuilles; 
la  tige  s'élève  d'un  pied  ou  de  dix-huit  pouces  ;  la  pointe  est 
longue ,  mais  les  fleurs  y  sont  clair-semées.  Les  bractées  sont 
grandes  et  de  la  longueur  du  germe  ;  les  fleurs  sont  d'un  blanc 
verdâtre;  l'éperon  est  deux  fois  aussi  long  que  le  germe,  fort 

'  On  en  trouve  i6  espèces  en  France. 


4l2  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

délié,  et  assez  transparent  pour  que  vous  puissiez  discerner  le 
nectar  au  travers.  Il  y  a  une  variété  plus  petite,  mais  qui  ne 
diffère  de  l'autre  que  par  la  grandeur. 

L'orchis  pyramidal  se  trouve  dans  les  pâturages  où  le  sol  est 
crayeux  ;  c'est  un  de  ceux  qui  ont  les  bulbes  doubles.  La  lèvre 
supérieure  du  nectaire  a  deux  cornes  et  est  trifide;  les  seg- 
ments sont  presque  égaux,  celui  du  milieu  étant  seulement  un 
peu  plus  étroit.  Ils  sont  tous  absolument  entiers  ;  la  corne  ou 
éperon  est  cylindrique,  déliée,  et  plus  longue  que  le  germe; 
les  pétales  sont  à  peu  près  en  forme  de  lance.  C'est  une  espèce 
élégante ,  ayant  six  feuilles  radicales  ,  ou  même  davantage  ;  la 
tige  a  un  pied  de  hauteur,  ou  dix-huit  pouces;  la  pointe  des 
fleurs  est  courte,  large,  et  d'une  forme  conique;  les  fleurs  y 
sont  nombreuses  ;  les  bractées  sont  au  moins  égales  en  lon- 
gueur aux  germes  ;  elles  sont  en  forme  de  lance  ,  et  se  terminent 
en  pointe  ;  la  corolle  est  d'un  pourpre  brillant. 

Deux  des  espèces  les  plus  communes ,  qui  ont  des  bulbes 
doubles,  sont  nommées  d'une  manière  absurde  orchis  mâle  et 
orchis  femelle  ;  mais  comme  il  n'y  a  point  de  distinction  des 
sexes,  ces  noms-là  ne  sont  faits  que  pour  induire  en  erreur.  Le 
premier^  diffère  du  second  en  ce  qu'il  a  les  pétales  extérieurs 
plus  aigus  et  plus  longs  ;  le  lobe  du  milieu  est  bifide,  et  plus 
long  que  les  lobes  latéraux  ;  c'est  aussi  une  plante  beaucoup 
plus  grande  avec  des  feuilles  plus  larges,  ordinairement  tache- 
tées. Le  second  ^  a  la  lèvre  du  nectaire  crénelée,  ou  légèrement 
dentelée  sur  les  bords,  trifide,  avec  le  lobe  du  milieu  émarginé, 
et  les  pétales  obtus  et  linéaires.  La  hauteur  de  celui-ci  excède 
rarement  sept  ou  huit  pouces  ;  les  feuilles  sont  de  la  largeur 
d'un  demi-pouce  ;  la  pointe  est  cylindrique ,  et  n'a  qu'un  pe- 
tit nombre  de  fleurs;  les  bractées  sont  colorées,  et  un  peu 
plus  longues  que  les  germes;  les  pétales  qui  forment  le  casque 
sont  convergents,  et  marqués  de  lignes  vertes  parallèles  ;  le  mi- 
lieu de  la  lèvre  est  tacheté ,  et  les  côtés  sont  roulés  en  arrière  ; 
la  corne  est  égale  au  germe  ,  avec  le  bout  émarginé  :  la  couleur 
la  plus  ordinaire  de  la  corolle  est  pourpre  foncé  ;  mais  elle  est 
aussi    quelquefois    de   couleur  rose ,  et    même   blanche.   Le 

«  Orchis  mâle. 
-  Oi'chis  bouffou 


SUR  LA    BOTAIVIQUE.  ^l5 

premier  s'élève  à  la  hauteur  tl'un  pied,  ou  même  de  dix-huit 
pouces  ;  les  feuilles  ont  un  pouce  et  demi  de  largeur;  la  pointe 
est  jolie,  longue,  et  porte  des  fleurs  clair-semées.  Les  bractées 
ont  environ  la  même  longr.enr  que  les  germes  ;  elles  sont  pour- 
pre, et  en  forme  de  lance  ;  les  pétales  qui  forment  le  casque 
sont  lâches  et  non  pas  convergents  ;  ils  sont  pourpre  avec  des 
lignes  de  la  même  couleur;  les  bords  de  la  lèvre  sont  plies 
en  en-bas;  la  couleur  est  d'un  pourpre  pâle,  avec  des  taches 
plus  foncées  sur  les  mâchoires;  l'éperon  est  droit,  épais,  aussi 
long  que  le  germe,  ou  plus  long,  dilaté,  et  comprimé  au  bout; 
la  couleur  de  la  corolle  varie  jusqu'à  être  entièrement  blanche. 
Celui-ci  croît  dans  les  prairies,  et  les  racines  font  un  excellent 
salep  ;  le  second  se  plaît  dans  les  pâturages  secs  et  ouvei'ts. 
Ainsi  vous  avez  beaucoup  de  moyens  pour  distinguer  ces  deux 
espèces  d'orchis  l'une  de  l'autre.  Les  racines  sont  des  marques 
suffisantes  poiir  les  distinguer  de  deux  autres  espèces  qui  ne 
sont  pas  moins  communes ,  et  que  nous  allons  examiner.  En  at- 
tendant, il  faut  que  voiis  sachiez  qu'il  y  en  a  une  espèce  pe- 
tite ,  mais  jolie ,  avec  des  bulbes  doubles ,  que  nous  ne  devons 
pas  passer.  Elle  croît  principalement  sur  des  éminences  dont 
le  terrain  est  crayeux;  on  l'appelle  orchis  nain'.  La  lèvre  du 
nectaire  est  quadrifide  et  blanche,  pointillée  de  pourpre;  la 
corne  est  obtuse ,  et  les  pétales  sont  distincts.  Sa  hauteur  est 
depuis  quatre  jusqu'à  sept  pouces  ;  il  y  a  plusieurs  feuilles  voi- 
sines de  la  terre  ;  mais  elles  sont  en  petit  nombre  sur  la  tige  ; 
la  pointe  est  courte ,  et  les  fleurs  sont  rangées  fort  près  à  près  ; 
les  bractées  sont  plus  courtes  que  le  germe;  le  casque  est  pointu 
et  d'un  pourpre  foncé  à  l'extérieur.  Au-dedans,  les  pétales  sont 
marqués  de  lignes  et  de  petits  points  pourpre  ;  la  corne  est 
im  peu  recourbée,  et  n'a  pas  la  moitié  de  la  longueur  du 
germe. 

Il  V  a  deux  espèces  d'orchis  fort  communes  avec  des  bulbes 
palmées  ;  ce  sont  Torchis  à  larges  feuilles  ,  et  l'orchis  tacheté, 
qu'on  trouve  généralement  dans  les  prairies  humides.  Le  pre- 
mier a  les  racines  palmées  et  droites;  la  corne  du  nectaire  est 
conique;  la  lèvre  a  trois  lobes,  et  est  repliée  sur  les  cotés.  Les 
bractées  sont  grandes  et  plus  longues  que  les  fleurs,  de  sorte 

I  Ou  orcliis  pieté. 


4l4  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

que  la  pointe  semble  avoir  des  feuilles.  La  corne  est  plus  courte 
que  le  germe;  elle  est  recourbée  et  obtuse  ;  la  couleur  de  la 
corolle  est  pourpre  ,  variant  du  rose  au  blanc.  Le  second  a  les 
feuilles  plus  étroites ,  et  une  tige  solide ,  au  lieu  que  celle  du 
premier  est  creuse  ;  il  s'élève  aussi  plus  haut ,  et  fleurit  plus 
tard.  Les  feuilles  de  l'un  et  de  l'autre  sont  tachetées  de  noir; 
mais  cette  circonstance  a  lieu  plus  généralement  pour  le  second  ; 
Les  bractées  sont  plus  petites  et  plus  étroites,  la  corolle  est 
d'un  pourpre  plus  pâle  ;  la  lèvre  du  nectaii'e  est  plus  profondé- 
ment entaillée  ;  il  y  a  des  entaillures  dans  les  lobes  latéraux  ; 
celui  du  milieu  est  fort  étroit ,  tout-à-fait  entier,  et  se  terminant 
plus  en  pointe. 

Je  ne  ferai  plus  mention  que  d'une  espèce  d'orchis ,  et  celle- 
là  encore  a  des  racines  palmées.  On  la  trouve  dans  les  pâtu- 
rages, mais  elle  n'est  pas  aussi  commune  que  les  deux  dernières. 
Vous  pouvez  l'appeler  orchis  à  long  éperon,  ou  orchis  odorifé- 
rant, et  vous  le  reconnaîtrez  par  la  grande  longueur  et  la  vis- 
cosité des  éperons;  la  lèvre  est  trihde,  égale,  légèrement  en- 
taillée et  obtuse  ;  les  pétales  latéraux  se  i^épandent  en-dehors  ; 
la  tige  est  gai'uie  de  feuilles,  et  s'élève  à  la  hauteur  de  dix-huit 
pouces;  les  bractées  sont  très -pointues  et  de  la  longueur  du 
cjerme  ;  la  corolle  est  pourpre  et  toute  d'une  couleur  uni- 
forme; l'odeur  est  forte,  mais  agréable  dans  quelques  circon- 
stances. 

Le  second  genre  de  cette  famille  naturelle  est  le  satyrium  , 
qui,  au  lieu  d'une  corne  ou  éperon,  a  un  nectaire  court  et  enflé 
en  forme  de  sac  au  dos  de  la  fleur.  C'est  un  genre  beaucoup 
moins  nombreux  que  le  précédent ,  ayant  seulement  huit  es- 
pèces connues.  Parmi  celles-ci  j'en  choisirai  deux,  le  satyrium 
lézard  '  et  le  satyrium  grenouille  ^ ,  nommé  communément 
orchis  grenouille.  On  trouve  le  premier  dans  les  pâturages 
dont  le  terrain  est  crayeux ,  mais  il  est  rare;  il  l'est  devenu  en- 
core davantage  par  le  soin  qu'on  a  mis  à  le  transplanter  dans 
les  jardins,  où  il  n'est  pas  ordinaire  de  le  voir  durer  long- 
temps ,  cette  espèce  de  plante  n'aimant  point  la  culture.  Il  a  des 
bulbes  doubles  ,  mais  qui  ne  sont  point  séparées ,  et  des  feuilles 

I  Ou  satyrion  bouquin, 
a  âatjTion  verdâtre. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  4^5 

en  forme  de  lance;  la  lèvre  du  nectaire  est  trilide,  le  lobe  du 
milieu  linéaire,  oblique,  extrêmement  long,  bouffant  comme 
un  ruban,  et  ayant  l'air  d'avoir  été  rogné  au  bout.  C'est  une 
plante  fort  grande,  de  dix-huit  pouces  jusqu'à  trois  pieds  de 
hauteur  ;  les  feuilles  aussi  ont  demi-pied  de  longueur ,  et  même 
davantage;  elles  sont  larges  de  trois  pouces;  la  pointe  a  plu- 
sieurs fleurs,  et,  avec  le  temps,  elle  devient  fort  longue  et  re- 
courbée. Les  bractées  sont  déliées  ,  aiguës,  verdâtres,  et  deux 
fois  aussi  longues  que  les  germes  ;  la  couleur  de  la  corolle  est 
verdâtre  en-dehors  et  brune  en-dedans,  avec  des  lignes  et  des 
taches  pourpre.  La  fleur  a  une  forte  odeur  de  bouc. 

L'orchis  grenouille  est  beaucoup  plus  commun  dans  les  prai- 
ries. Les  bulbes  de  celui-ci  sont  palmées ,  les  feuilles  oblongues 
et  obtuses  ;  la  lèvre  du  nectaire  est  trifide,  avec  le  lobe  du  mi- 
lieu usé,  ou  si  petit,  qu'on  le  discerne  à  peine.  C'est  une 
plante  beaucoup  plus  petite  que  la  précédente,  n'ayant  pas  plus 
de  sept  ou  huit  pouces  de  hauteur.  Les  feuilles  radicales  sont 
larges  et  ovales  ;  celles  qui  sont  sur  la  tige,  et  qui  sont  en  pe- 
tit nombre,  ont  la  forme  d'une  lance;  la  pointe  a  des  fleurs 
clair  -  semées  ;  les  bractées  sont  en  forme  de  lance,  et  plus 
longues  que  le  germe  ;  le  casque  est  presque  fermé ,  d'un  vert 
pâle,  avec  une  ligne  pourpre,  qui  divise  les  pétales;  la  lèvre 
est  jaune  ,  et  pend  en  en-bas  ;  elle  est  plus  large  vers  le  bout; 
toute  la  corolle  devient ,  avec  le  temps ,  d'un  rouge  sombre. 

Le  troisième  genre  de  la  famille  des  orchis  est  nommé  ophrys  ; 
il  n'y  a  point  de  corne  ou  de  sac  au  dos  de  la  corolle;  mais  on 
observe  un  pétale  plus  long  que  les  autres,  pendant,  et  marqué 
au-dessous  par  une  éminence  longitudinale  nommée  la  quille. 
C'est  cette  partie  qui,  dans  quelques  espèces,  prend  si  exactement 
la  forme  d'un  insecte,  qu'à  une  certaine  distance  elle  fait  illusion. 

On  trouve  fréquemment ,  dans  les  bois  et  dans  les  pâturages 
pleins  de  buissons ,  une  espèce  d'ophrys  nommée  double  lame 
commune  '  ;  on  lui  a  donné  cenom,  à  cause  qu'elle  a  deux  feuilles, 
tt  qu'on  ne  lui  en  voit  jamais  davantage.  Elle  a  des  racines  fi- 
breuses ,  deux  feuilles  ovales ,  et  la  lèvre  du  nectaire  bifide  ;  la 
tige  a  dix-huit  pouces  de  hauteur  ;  elle  est  un  peu  velue  et 
nue,  à  l'exception  de  deux  grandes  feuilles  qu'elle  a  au  milieu, 

I  Orpbrjs  double-feuille. 


4l6  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

entre  la  racine  et  la  pointe,  qtii  a  quelquefois  six  pouces  de  long, 
et  porte  quarante  fleurs  clair-semées  sur  des  pédicules  courts; 
les  bractées  sont  fort  petites  ,  larges  et  pointues  ;  le  germe  est 
rond,  et  plus  épais  que  dans  aucune  autre  plante  de  cette  es- 
pèce ;  la  corolle  est  d'un  jaune  verdâtre. 

Vers  la  fin  de  l'été ,  et  au  commencement  de  l'automne , 
on  voit  fleurir  l'ophrys  spiral ,  nommé  communément  triple 
vestige  des  dames.  Vous  le  trouverez  parmi  les  bruyères  et 
dans  les  pâturages  secs.  La  racine  est  composée  de  bulbes 
obiongues  et  agrégées  ,  la  tige  est  un  peu  garnie  de  feuilles  ; 
les  fleurs  sont  spirales  et  toutes  d'un  côté  de  la  tige;  la  lèvre  du 
nectaire  n'est  point  partagée  ;  elle  est  légèrement  dentelée. 
C'est  une  petite  plante  rarement  au-dessus  de  cinq  ou  six 
pouces  de  hauteur;  mais,  dans  im  terrain  moins  sec,  elle  s'é- 
lève à  la  hauteur  d'un  pied  ;  elle  a  quatre  ou  cinq  feuilles  voi- 
sines de  la  terre  ;  la  pointe  est  longue  et  déliée ,  ayant  vingt 
fleurs  blanches  au-dedans  et  jaunâtres  en-dehors.  Les  brac- 
tées ne  sont  pas  plates,  mais  creuses,  et  plus  longues  que  le 
germe;  les  trois  pétales  extérieurs  de  la  corolle  sont  collés 
ensemble;  la  lèvre  est  arrondie  et  ciliée;  elle  a  une  odeur 
agréable. 

Mais  les  espèces  les  plus  intéressantes  et  les  plus  admirées 
dans  ce  genre,  sont  Torchis -mouche  et  l'orchis -abeille,  qui 
s'accordent  en  ce  qu'elles  ont  deux  bulbes  arrondies,  et  une  tige 
gainie  de  feuilles.  Linnée  pense  que  Torchis-mouche  et  les  deux 
orchis-abeille  ne  sont  pas  spéciliquement  différentes  ;  mais  je 
ne  puis  être  de  son  opinion  là-dessus.  L'ophrys,  ou  orchis- 
mouche,  a  la  lèvre  du  nectaire  quadrifide  ;  dans  Torchis-abeille 
commun,  elle  est  composée  de  cinq  lobes,  qui  sont  courbés  en 
en-bas  ;  dans  Toi'chis-abeille  à  ailes  vertes  ,  nommée  mainte- 
nant ophrvs- araignée,  la  lèvre  du  nectaire  est  arrondie,  en- 
tière, rognée  et  convexe.  Outre  ces  caractères,  tirés  de  la  lèvre 
du  nectaire,  Torchis-mouche  est  une  plante  plus  roide  et  plus 
droite  que  Torchis  -  abeille ,  et  n'a  pas  autant  de  feuilles  ;  ses 
fleurs  sont  plus  clair-semées;  à  d'autres  égards,  elles  se  res- 
semblent beaucoup,  mais  les  corolles  sont  très  -  différentes  ; 
celle  de  la  mouche  a  les  trois  pétales  extérieurs  ovales,  en- 
tiers ,  unis ,  herbacés ,  et  se  répandent  hors  du  calice.  Les 


SUR   LA   BOTANIQUE.  l^\'J 

<lt'ux  pétales  intérieurs  sont  linéaires ,  et  d'un  pourpre  obscur  ; 
la  lèvre  du  nectaire  est  oblongue ,  d'un  pourpre  sombre  au- 
dessus,  et  lierbacée  en- dessous,  avec  une  tache  ou  bande  bleue 
au-dessous  des  lobes  supérieurs.  L'orchis  abeille  a  les  trois 
pétales  extérieurs,  répandus  hors  du  calice,  oblongs,  et  d'une 
couleur  de  pourpre,  marqués  de  trois  nervures  vertes;  les  deux 
pétales  intérieurs  latéraux  sont  linéaires ,  garnis  de  poils,  et 
verts.  La  lèvre  du  nectaire  est  grande,  arrondie,  pourpre ,  et 
semblable  à  du  velours;  les  lobes  sont  plies,  avec  une  double 
tache  variée,  jaune,  unie,  et  luisante  à  la  base.  L'orchis 
abeille  est  une  plante  plus  petite  ;  la  lèvre  du  nectaire  est  d'une 
couleur  moins  gaie  ,  sans  aucune  des  taches  jaunes  qui  déco- 
rent celle  du  nectaire  de  l'orchis  abeille  ;  le  casque  et  les  ailes 
sont  verts  ;  les  trois  pétales  extérieurs  sont  oblongs,  et  se  ré- 
pandent hors  du  calice;  les  pétales  intérieurs  sont  linéaires,  et 
plus  courts;  la  lèvre  du  nectaire  est  grande,  arrondie,  en- 
tière ,  rognée  et  convexe  ;  elle  ressemble  à  du  velours  ;  elle  est 
d'un  pourpre  sombre  au-dessus,  avec  une  bordure  verte,  et 
une  double  tache  à  la  base  ;  au-dessous ,  elle  est  herbacée.  On 
trouve  ces  trois  belles  plantes  parmi  les  herbes  des  champs  , 
dans  les  terrains  oii  le  sol  est  crayeux.  Elles  se  succèdent  l'une 
à  l'autre  depuis  le  mois  d'avril  jusqu'au  mois  d'août.  L'arai- 
gnée vient  la  première,  en  avril  et  en  mai;  la  mouche  vers  le 
mois  de  juin;  enfin  l'abeille  vient  la  dernière  de  toutes,  aux 
mois  de  juillet  et  d'août. 

Je  suis  entré  dans  un  détail  plus  particulier  en  décrivant 
cette  singulière  famille  de  plantes  ,  parce  que ,  ne  souffrant 
point  la  culture ,  elles  ne  sont  pas  exposées  à  des  changements 
essentiels ,  du  moins  je  ne  leur  coimais  d'autre  variété  que  celle 
de  la  couleur.  Vous  pouvez  les  aller  chercher  dans  la  cam- 
pagne, et,  de  cette  manière,  unir  l'exercice  à  l'étude,  ce  qui  est 
un  des  principaux  avantages  de  la  botanique  ;  car  je  ne  peux 
vous  permettre  de  charger  quelqu'un  de  vous  ramasser  les 
plantes  ;  vous  perdriez  ainsi  la  moitié  du  plaisir  et  de  l'utilité. 
Pourquoi  ne  goûteriez-vous  pas  autant  de  satisfaction  à  cher- 
cher une  belle  plante,  ou  à  trouver  une  jolie  fleur,  que  les 
hommes  en  ressentent  à  chasser  un  lièvre ,  ou  à  tirer  une 
perdrix?  J'ajouterai  seulement  que,  si  vous  êtes  assez  heu- 
R.  VII.  27 


4l8  LETTRES  ELEMENTA^IRES 

reuse  pour  trouver  la  pantoufle  des  dames  ',  vous  aurez  un 
grand  plaisir  à  observer  son  nectaire  singulier,  grand,  creux 
et  enflé,  dont  la  forme  a  donné  lieu  de  nommer  ainsi  cette  plante. 
Haller  cependant  observe  qu'il  a  plus  de  ressemblance  avec  ua 
sabot,  ce  qui  rend  cette  plante  indigne  de  porterie  nom  dont 
elle  a  été  décorée.  Sans  entrer  dans  cette  importante  dis- 
pute, je  vous  ferai  observer  que  la  racine  est  fibreuse,  et  la 
tige  d'environ  un  pied  de  haut ,  et  garnie  de  feuilles  :  les 
deux  premières  feuilles  sont  petites ,  et  se  tiennent  presque 
collées  à  la  tige  ;  les  autres  ,  qui  sont  au  nombre  de  quatre  ,  et 
vont  jusqu'à  sept,  sont  ovales  ,  et  en  forme  de  lance.  Une  ou  tout 
au  plus  deux  fleurs  sortent  de  la  même  tige ,  et  il  y  a  quel- 
quefois plusieurs  tiges  qui  partent  de  la  même  l'acine  ;  la  brac- 
tée est  fort  grande,  ainsi  que  le  germe;  il  n'y  a  que  quatre  pé- 
tales à  la  fleur,  qui  se  répandent  en-dehors,  en  formant  l'un 
avec  l'autre  des  angles  presque  droits ,  et  souvent  ils  sont  rou- 
lés. Leur  couleur  est  pourpre.  Des  deux  pétales  extérieurs ,  il 
y  en  a  un  placé  au-dessous  du  nectaire,  l'autre  est  pendant  à  la 
partie  postérieure;  les  deux  pétalesintérieurs  sortent  de  côté,  et 
sont  plus  étroits.  La  pantoufle  ou  lèvre  du  nectaire  est  jaune,  ta- 
chetée au-dedans,  et  marquée  longitudinalement  par  des  sillons. 
Dans  l'ordre  nonmié  pentandrie,  vous  trouverez  le  genre 
très-beau  et  très-nombreux  de  la  plante  qu'on  nomme  fleur  de 
la  passion^.  Les  fleurs  ont  trois  pistils ,  un  calice  à  cinq  feuilles, 
cinq  pétales  à  la  corolle,  et  une  couronne  radiée  pour  nec- 
taire; le  fruit  est  une  baie  sur  un  pédicule.  Aucune  des  es- 
pèces de  cette  plante  n'est  native  d'Europe  ;  elles  viennent  de 
la  Nouvelle-Espagne,  du  Brésil,  ou  des  îles  de  l'Amérique,  en 
sorte  qu'eUes  ont  besoin  d'être  tenues  dans  un  endroit  clos,  si 
on  ne  les  met  pas  dans  une  serre  chaude.  Il  n'y  en  a  qu'une  ou 
deux  qu'on  pourra  tenir  à  l'air  ,  dans  une  exposition  favorable 
et  un  peu  à  l'abri ,  en  veillant  sur  elles  ,  lorsque  le  froid  est  ri- 
goureux. Je  vais  choisir  l'espèce  qui  se  présentera  à  vous  plus 
facilement ,  et  je  laisserai  à  côté  les  plus  rares.  La  fleur  de  la 
passion  bleue,  quoique  originaire  du  Brésil,  supporte  très- 
bien  l'air  de  notre  climat ,  excepté  dans  les  hivers  très-froids. 

1  Sabot  de  Vénus. 

2  Autrement  grenadille. 


SUR   LA  BOTANIQUE.  4^9 

Appuyée  contre  une  maison ,  cette  plante  peut  monter  à  la 
hauteur  de  quarante  pieds.  Elle  pousse  tous  les  ans  des  reje- 
tons minces,  de  quinze  ou  seize  pieds  de  longueur.  Les  feuilles 
sont  palmées  ,  composées  de  cinq  lobes  unis  ,  entiers  et  obtus; 
celui  du  milieu  est  le  plus  long,  celui  du  dehors  est  le  plus  court, 
et  souvent  il  est  partagé  ;  elles  sont  pétiolées  ;  les  pétioles  ont 
deux  glandes,  et  à  leur  base  il  y  a  un  stipule  en  forme  de  crois- 
sant, avec  une  longue  agrafe  ,  par  laquelle  les  jeunes  rejetons 
se  soutiennent.  La  fleur  sort  à  la  même  jointure  que  la  feuille; 
elle  est  portée  sur  un  pédicule  qui  a  près  de  trois  pouces  de 
longueur.  Autour  du  centre  il  y  a  deux  couronnes  radiées,  dont 
celle  qui  est  intérieure  incline  vers  la  colonne  centrale  ;  celle 
qui  est  extérieure  ou  plus  longue  se  répand  tout  à  plat  sur  les 
pétales.  Elle  est  composée  d'un  nombre  infini  de  filets,  de  cou- 
leur pourpre  à  leur  base ,  au  fond  ,  et  bleus  à  l'extérieur.  Au 
sommet  de  la  colonne  centrale  il  y  a  un  germe  ovale  ;  de  la 
base  du  germe  sorti-nt  horizontalement  cinq  étamines  en  forme 
d'alêne  ;  ces  étamines  sont  terminées  par  des  anthères  oblon- 
gues  ,  larges  et  pendantes ,  qui  sont  fort  mobiles.  De  la  partie 
latérale  du  germe  s'élèvent  trois  styles  déliés,  de  couleur  tirant 
sur  le  pourpre,  divergents,  et  terminés  par  des  stigmates  obtus. 
La  fleur  ne  dure  qu'un  jour;  mais  elle  est  remplacée  par  une 
autre,  et  cela  sans  interruption,  depuis  le  mois  de  juillet  jus- 
qu'à ce  que  les  gelées  de  l'automne  y  mettent  fin.  Le  germe  s'enfle 
et  devient  un  fruit  ovale ,  grand ,  de  la  forme  et  de  la  couleur 
des  prunes  du  Mogol,  renfermant  une  pulpe  douçâtre,mais  dés- 
agréable ,  dans  laquelle  sont  logées  des  semences  oblongues. 

La  fleur  de  la  passion  ,  incarnate  ou  trilobée ,  vient  du 
nord  de  l'Amérique  ,  et  quoique  ce  soit  la  première  espèce 
connue  parmi  nous,  elle  n'est  pas  si  commune  que  la  bleue; 
elle  diffère  de  la  précédente ,  en  ce  qu'elle  a  seulement  trois 
lobes  aux  feuiUes  ,  qui  sont  dentelés  comme  une  scie.  Les  lobes 
latéraux  sont  quelquefois  partagés  en  deux  segments  étroits  ; 
les  pétales  de  la  corolle  sont  blancs,  avec  une  double  frange 
pourpre,  une  étoile  ou  une  gloire;  le  fruit  est  aussi  grand 
qu'une  pomme  moyenne;  lorsqu'il  est  mùr,  il  est  d'une  cou- 
leur orange  pâle. 

Il  y  a  une  espèce  de  ces  plantes  qu'on  nomme  grcnadille ,  dans 


4^0  LETTRES  ÉLÉMENT  A.IRES 

les  Indes  occidentales,  où  le  fruit  sert  d'aliment.  Elle  a  des  feuilles 
oblongues,  non  divisées,  creusées  près  du  pétiole,  qui  a  deux 
glandes.  Les  enveloppes  sont  tout-à-fait  entières ,  ainsi  que  les 
feuilles  qui  sont  sur  le  bord;  la  corolle  est  grande  avec  des  pé- 
tales blancs ,  et  ime  gloire  bleue.  Le  fruit  est  arrondi ,  ayant 
le  volume  d'une  grosse  pomme  ;  il  est  jaune  quand  il  est  mûr. 
Une  autre  espèce  appelée  limon-d'eau' ,  qui  croît  dans  les 
Indes  occidentales ,  a  une  odeur  acide ,  agréable ,  dans  la 
pulpe  du  fruit ,  qui  sert  à  éteindre  la  soif,  et  qu'on  donne  dans 
les  fièvres.  Elle  a  des  feuilles  ovales ,  qui  ne  sont  point  divisées, 
tout-à-fait  entières  sur  le  bord,  deux  pétioles  avec  des  glandes, 
et  des  enveloppes  dentelées.  La  corolle  est  blanche ,  avec  des 
taches  brunes  et  rouges  ;  la  gloire  de  la  corolle  est  de  couleur  vio- 
lette. Le  fruit  est  de  la  forme  et  du  volume  d'un  œuf  de  poule; 
il  devient  jaune  en  mûrissant  ;  mais  puisque  ces  espèces  et 
celles  qui  restent  à  décrire  ne  s'offriront  pas  aisément  à  vos 
regards,  je  m'abstiendrai  d'entrer  dans  des  détails  plus  éten- 
dus sur  un  genre  si  remarquable  et  si  beau  ;  je  vais  passer  à 
une  plante  vulgaire  que  vous  trouverez  dans  le  dernier  ordre  , 
nommé  polyandrie  ;  et  ce  sera  par  cette  plante  que  je  termi- 
nerai l'examen  de  cette  classe  et  la  présente  lettre. 

Cette  plante  est  Yarum  commun*.  De  bonne  heure  ,  au  prin- 
temps ,  elle  pousse  un  spalhe  en  forme  de  capuchon,  avec  une 
feuille  qui  croît  sous  les  haies  et  parmi  les  buissons.  Si  vous 
ouvrez  ce  spathe,  vous  découvrez  un  petit  spadice  nu  à  la  par- 
tie supérieure,  et,  vers  le  bas,  couvert  de  germes,  avec  des 
anthères  au  milieu.  Cette  espèce  est  distinguée  des  autres,  qui 
sont  nombreuses,  en  ce  qu'elle  n'a  point  de  tige  ,  excepté  celle 
qui  porte  les  parties  de  la  fi'uctification  ;  les  feuilles  sont  en 
forme  de  lance,  tout-à-fait  entières,  et  le  spadice  ^  en  forme  de 
massue.  Quoiqu'on  lui  donne  l'épithète  de  tacheté ,  à  cause  des 
taches  noires  qui  sont  sur  les  feuilles ,  cependant  ce  n'est  pas 
un  caractère  constant ,  car  souvent  elles  n'en  ont  point.  A  me- 
sure que  la  plante  approche  de  sa  maturité  ,  le  spathe  s'ouvre 
et  découvre  la  massue,  dont  la  couleur  varie  depuis  le  vert  jau- 

•  Passiflore  à  feuilles  de  laurier. 

2  Pied  de  veau  commun. 

3  Espèce  de  réceptacle  de  la  fleur,  qui  naît  dans  le  spathe. 


SUR  LA    BOTANIQU£.  ^11 

nâtre  jusqu'au  pourpre  et  au  rouge  le  plus  vif.  Ces  parties 
tombent  par  degrés  et  laissent  une  tête  de  baies  rouges  et 
rondes,  qui ,  aussi-bien  que  le  reste  de  la  plante  ,  ont  un  goût 
très-piquant.  Vous  trouverez  peut-être  quelque  difficulté  à  as- 
signer la  classe  convenable  à  cette  plante ,  et  à  quelques  autres 
qui  lui  ressemblent  beaucoup,  à  moins  que  l'apparence  étrange 
des  parties  de  la  fructification  ne  vous  porte  à  la  chercher  dans 
la  classe  que  nous  examinons  actuellement.  Ces  plantes  n'ont 
pas  proprement  les  étamines  placées  sur  le  style,  mais  elles  sont 
portées  sur  un  réceptacle  alongé  en  manière  de  style,  et  fai- 
sant le  même  office  que  le  pistil  dans  les  autres  genres.  Linnée 
observe  qu'il  aurait  pu  et  même  dû  ranger  ces  plantes  sous 
d'autres  classes;  mais  il  en  a  été  détourné  par  la  difficulté  d'as- 
signer le  nombre  des  étamines  à  chaque  pistil.  Puisqu'il  a  trouvé 
fort  difficile  de  leur  assigner  une  autre  place ,  nous  les  laisse- 
l'ons,  vous  et  moi,  ma  chère  cousine,  dans  celle  où  cet  illustre 
naturaliste  les  a  mises. 


LETTRE   XVIII. 

i5inai  1777. 

Nous  nous  sommes  entretenus,  jusqu'à  présent,  ma  chère  cou- 
sine, de  ces  plantes  qui  portent  seulement  des  fleurs  parfaites  et 
complètes ,  excepté  dans  la  classe  nommée  syngénésie,  où  nous 
avons  trouvé  des  fleurons  imparfaits  et  même  neutres,  parmi  les 
fleurons  parfaits.  Maintenant  que  nous  allons  examiner  la  vingt- 
unième  et  la  vingt-deuxième  classe,  je  vous  préviens  que  vous  n'y 
trouverez  jamais  aucune  fleur  complète  ou  parfaite  ;  au  contraire, 
lorsqu'elles  ont  des  étamines,  il  n'y  a  point  de  pistil,  et  quand  il 
V  a  un  pistil,  les  étamines  manquent.  C'est  le  caractère  commun 
de  ces  deux  classes;  la  seule  différence  qui  existe  entre  elles, 
c'est  que,  dans  la  classe  nommée  monoecie,  les  fleurs  à  éta- 
mines et  les  fleurs  à  pistil  sont  placées  sur  la  môme  plante  ,  au 
lieu  que,  dans  la  classe  nommée  dioecie,  elles  sont  toujours  sur 
des  individus  séparés  et  de  la  même  espèce.  Il  n'est  pas  fort 
nécessaire  d'ajouter  que,  dans  l'une  et  dans  l'autre  de    ces 


422  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

classes,  les  fleurs  qui  produisent  les  Otainines  tombent  sans 
être  remplacées  par  la  semence  ou  par  le  fruit ,  et  que  les  au- 
tres fleurs  qui  ont  le  yerme  sont  fécondes. 

La  classe  monoccie,  qui  est  la  vingt-unième  dans  le  système, 
a  onze  ordres  qui  prennent  leurs  titres  et  leurs  caractères  des 
classes  précédentes.  Cette  classe  renferme  quatre-vingts  genres 
et  trois  cent  soixante-dix  espèces. 

Le  troisième  ordre ,  la  triandrie,  contient  plusieurs  genres 
qui  se  rapprochent  beaucoup  des  herbes  des  prés  ,  pour  l'ap- 
parence, les  feuilles  et  la  placentation,  c'est-à-dire,  en  ce  qu'elles 
ont  un  simple  lobe  à  la  semence.  Elles  diffèrent  cependant  en  ce 
que  le  tuyau  n'est  pas  creux ,  mais  rempli  d'une  substance 
spongieuse,  et  en  ce  qu'elles  n'ont  point  de  corolle. 

Depuis  que  Haller  pense  qu'il  y  a  une  connexion  natvu'elle 
entre  Varum,  par  lequel  j'ai  terminé  ma  lettre  précédente,  et  le 
typha^ ,  ou  queue-de-chat,  commençons  notre  examen  par  cette 
plante.  Ayant  trois  étamines ,  elle  appartient  en  conséquence 
à  l'ordre  nommé  triandrie  :  comme  en  même  temps  elle  res- 
semble aux  herbes  des  champs  ,  elle  se  range  dans  la  fa- 
mille naturelle  des  calamariœ ,  dont  on  vient  de  faire  men- 
tion. Les  fleurs  des  deux  côtés  sont  portées  sur  un  spalhe 
cylindrique  ;  les  fleurs  à  étamines  entourent  le  bout  de  la 
tige;  les  fleurs  à  pistil  croissent  au-dessous  des  autres,  et 
sont  fort  près  l'une  de  l'autre.  Toutes  ces  fleurs  n'ont  point  de 
corolle.  Les  pi'emières  ont  un  calice  obscur,  à  trois  feuilles; 
dans  les  secondes  ,  le  calice  est  formé  d'un  tissu  de  poils  ;  celles- 
ci  ont  une  semence  placée  sur  un  duvet  capillaire;  tels  sont  les 
caractères  génériques.  La  queuc-de-chat  à  larges  feuilles  *  est 
connue  par  ses  feuilles  en  forme  d'épée,  et  en  ce  que  les  deux 
spathes  s'approchent  l'un  de  l'autre.  C'est  une  grande  plante , 
ayant  environ  six  pieds  de  hauteur,  avec  des  feuilles  de  trois 
pieds  de  longueur  et  davantage,  mais  qui  n'ont  pas  un  pouce 
de  largeur;  on  la  trouve  communément  dans  l'eau,  sur  les 
bords  des  l'ivières,  mais  principalement  dans  les  fossés,  les 
étangs  et  les  marais.  Il  y  en  auneespèce  plus  petite  ^qui  n'est  pas 

1  En  français  massète. 

2  Massète  à  feuilles  larges. 

3  Massète  à  feuilles  étroites. 


SUR  LA    BOTANIQUE.  ^l'i 

>i  toinimine;  elle  a  des  feuilles  demi- cylindriques,  et  les  deux 
spathes  éloignés  l'un  de  l'autre.  La  tige  de  celle-ci  n'a  pas  plus 
de  trois  pieds  de  hauteur,  et  les  feuilles  sont  beaucoup  plus 
étroites ,  plus  roides,  et  embrassent  davantage  la  tige. 

Le  sparganiu/n ,  ou  bardane  à  roseau  ,  approche  beaucoup 
du  typha,  mais  les  fleurs  de  chaque  espèce  sont  rassemblées 
dans  une  tête  ;  celles  qui  ont  les  étamines  en-dessus ,  et  celles 
qui  ont  les  pistils  en-dessous,  sont  sur  la  même  tige.  Ni  les  unes 
ni  les  autres  n'ont  point  de  corolle;  elles  ont  toutes  un  catice 
à  trois  feuilles  ;  les  fleurs  .\  pistil  ont  un  stigmate  bifide,  et  sont 
remplacées  par  un  drupe  '  simple  ,  sans^jus,  qui  renferme  une 
semence.  Le  rubanier  redressé  se  trouve  communément  dans 
les  mêmes  endroits  que  le  typha.  Peu  de  plantes  montrent  plus 
manifestement  le  caractère  de  la  classe  monœcia.  La  tige  est 
droite,  et  d'environ  trois  pieds  de  hauteur;  les  feuilles  sont 
droites  et  à  trois  côtés.  Le  côté  supérieur  est  plat;  la  tige  en 
général  est  branchue. 

Le  maïs,  nommé  autrement  blé  d'Inde  ou  blé  de  Turquie, 
est  de  la  même  famille.  Les  fleurs  à  étamines  sont  portées  sur 
des  épis  lâches;  leur  calice  est  une  balle^sans  barbe  à  deux 
fleurs;  la  corolle  n'a  point  de  barbe  aussi.  Les  autres  fleurs ,  qui 
ont  seulement  un  pistil,  sont  en  épis  fort  serrés,  au-dessous 
des  précédentes,  et  sont  enfermées  par  des  feuilles.  La  balle  du 
calice  et  de  la  corolle  est  à  deux  valvules;  le  style  est  comme 
un  fil,  très-long,  et  pendant;  chaque  fleur  est  suivie  d'une  se- 
mence; le  réceptacle  est  oblong  ,  et  creusé  de  façon  que  les  se- 
mences y  sont  à  demi  plongées,  formant  un  épi  fort  épais.  Lç 
maïs  de  l'Amérique  a  une  tige  de  dix  ou  douze  pieds  de  hau- 
teur, des  feuilles  longues  et  larges,  et  des  épis  qui  ont  depuis 
neuf  pouces  jusqu'à  un  pied  de  longueur,  formés  de  grains  do- 
rés. Celui  qu'on  cultive  en  Italie,  Espagne  et  Portugal,  a  des 
tiges  plus  déliées ,  qui  n'ont  pas  plus  de  six  ou  sept  pieds  de 
hauteur;  les  feuilles  sont  plus  étroites,  les  épis  plus  courts  et 
plus  déliés,  avec  des  grains  blancs.  Le  maïs  de  l'Amérique  sep- 
tentrionale, qui  est  le  même  qu'on  cultive  en  Allemagne,  ne 
s'élève  pas  à  plus  de  quatre  pieds  de  hauteur.  Les  feuilles  sont 

'  Espèce  de  fruit  à  uoyau. 
^  Petite  peau  ou  mcmbraue. 


424  LETTRES  ^bÉMENTAIRES 

encore  plus  courtes  et  plus  étroites  ;  les  épis  n'ont  pas  plus  de 
quatre  ou  cinq  pouces  de  long,  avec  des  grains  jaunes  et  blancs 
mêlés.  Cependant  la  couleur  de  ces  grains  varie ,  et  ces  trois 
distinctions  ne  sont  que  des  variétés  produites  par  le  sol  et  par 
le  climat. 

Le  caret  '  forme  un  genre  très-nombreux  du  même  ordre  et 
de  la  même  famille  naturelle.  Les  fleurs  des  deux  espèces  sont 
portées  sur  une  chaton,  et  chaque  fleur  a  un  calice  à  une 
feuille ,  mais  n'a  point  de  corolle.  Les  fleurs  à  pistil ,  qui  sont 
généralement  portées  par  des  chatons  distincts ,  placés  au-des- 
sous des  autres,  ont  un  nectaire  enflé,  à  trois  dents,  trois  stig- 
mates ,  et  une  semence  à  trois  côtés,  renfermée  dans  le  nectaire. 
Quelques  espèces  en  petit  nombre  ont  seulement  un  épi.  Plu- 
sieurs ont  un  plus  grand  nombre  d'épis ,  avec  des  fleurs  de 
chaque  espèce  à  chaque  épi;  mais  la  plupart  ont  les  fleurs  à 
étamines,  et  les  fleurs  à  pistil  sur  des  épis  séparés.  Ces  plantes 
croissent  principalement  dans  des  marais,  des  fondrières, 
des  fossés,  des  bois  humides,  et  sur  le  bord  des  l'uisseau.x  et 
des  rivières.  Ce  sont  les  herbes  et  le  fourrage  des  pays  maréca- 
geux, et  des  terrains  bas  et  couverts  d'eau. 

Dans  cette  classe,  monoecia,  ainsi  que  dans  la  suivante, 
vous  trouverez  plusieurs  arbjes.  Dans  l'ordre  tétrandrie,  sont 
le  bouleau,  l'aune,  le  buis,  le  mùiier;  dans  celui  de  la  polyan- 
drie, on  trouve  le  chêne,  le  liège ,  l'yeuse,  le  noyer,  le  hickery 
ou  noyer  blanc,  le  châtaignier,  le  héire,  le  noisetier,  le  pla- 
tane. Enfin ,  dans  celui  de  la  monadelphie,  sont  toutes  les 
espèces  de  pin  et  de  sapin,  cèdre,  mélèse,  arbre  de  vie  et 
cyprès. 

L'aune  est  du  même  genre  que  le  bouleau  ;  leur  caractère 
commun  est  que  les  fleurs  des  deux  espèces  croissent  sur  des 
chatons,  chacune  séparée  de  l'autre. Le  calice  n'a  qu'une  feuille, 
et  il  est  à  trois  pointes.  Chaque  calice  de  la  fleur  à  étamines  ren- 
ferme trois  fleurs,  qui  ont  des  corolles  divisées  en  quatre.  Dans 
les  fleurs  à  pistil,  il  y  a  seulement  deux  fleurs  à  chaque  calice, 
sans  aucune  corolle  ;  ces  fleurs  sont  suivies  par  des  semences 
ailées ,  avec  une  membrane  de  chaque  côté ,  au  lieu  que  les 
autres  tombent  de  l'arbre ,  sans  laisser  aucune  marque  après 

I  Genre  qui  se  rapprorlie  (tes  maiiiinûcs  ,  des  scirpcs  ,  des  soiieliets  et  des  joms 


SUR   LA  BOTANIQUE,  ija^ 

elles.  En  examinant  ces  fleurs  et  celles  de  la  classe  suivante,  je 
dois  vous  informer,  une  fois  pour  toutes,  que,  comme  plusieurs 
de  ces  fleurs  sont  tiès-près  l'une  de  l'autre,  sur  le  même  chaton, 
il  faut  que  vous  les  sépariez  avec  soin,  pour  éviter  la  confusion. 
Il  faut  aussi  que  vous  les  cherchiez  de  bonne  heure,  dans  le 
printemps,  puisque  plusieurs  des  arbres  des  forêts  fleuris- 
sent avant  que  les  boutons  à  feuiUes  se  développent.  Le  bouleau 
blanc  a  les  feuilles  ovales,  alongées  en  pointe  très  -  étroite , 
et  dentelées  autour  des  bords.  Linnée  distingue  l'aune  '  par 
ses  pédicules  branchas.  Les  semences  sont  portées  sur  un  cône 
arrondi ,  plutôt  que  sur  un  chaton  ;  les  feuilles  sont  arrondies  et 
dentelées,  ou  entaillées,  d'une  manière  obtuse,  autour  du  bord  ; 
elles  sont  d'un  vert  sombre ,  avec  des  nervures  fort  proémi- 
nentes au-dessous,  et  de  petites  substances  spongieuses,  dans 
les  endroits  où  elles  se  partagent.  L'écorce  de  l'aune  est  noire, 
au  lieu  que  celle  du  bouleau  est  blanche. 

Dans  le  buis,  les  deux  espèces  de  fleurs  sortent  ensemble  en 
grappes  des  ailes  des  feuilles  ou  branches ,  et  sont  collées  à  la 
tige.  Les  fleurs  à  étaniines  ont  im  calice  à  trois  feuilles ,  avec 
deux  pétales  à  la  corolle,  et  le  rudiment  d'un  germe  ;  les  fleurs 
à  pistil  ont  un  calice  à  quatre  feuilles,  trois  pétales  à  la  corolle , 
trois  styles,  et  une  capsule  à  trois  cellules,  terminée  par  trois 
becs ,  et  ayant  deux  semences  dans  chaque  cellule.  A  propre- 
ment parler,  il  n'y  a  qu'une  espèce  de  buis,  qui  varie  vui  peu 
pour  la  forme  des  feuilles,  et  beaucoup  pour  la  grandeur. 

Le  mûrier  porte  leê  fleurs  à  étamines  sur  un  chaton  ;  les 
autres  fleurs  sont  sur  une  tète  séparée,  arrondie,  qui  devient 
ensuite  une  baie  composée,  avec  une  semence  dans  chaque  pro- 
tubérance. Les  premières  ont  un  calice«divisé  en  quatre  parties. 
Dans  les  fleurs  à  pistil,  il  a  quatre  feuilles,  et  celles-ci  ont  deux 
styles  ;  ni  les  unes  ni  les  autres  n'ont  de  corolle.  Le  mûrier 
blanc,  qui  est  l'espèce  qu'on  cultive  ordinairement  en  Franc(; 
et  en  Italie  pour  nourrir  des  vers  à  soie  ,  a  des  feuilles  unies  en 
forme  de  cœur,  taillées  obliquement ,  et  un  fruit  blanc.  Le  mû- 
rier noir  a  les  feuilles  rudes,  en  forme  de  cœur.  Quoiqu'on  le 
cultive  par  rapport  à  son  fruit,  cependant  ou  préfère  ses  feuilles 
à  celles  des  autres  pour  nourrir  les  vers  à  soie.  On  les  emploie 

'  Bouleau  Tciffiu- 


4'^6  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

à  cet  usage  en  Perse ,  d'où  cet  arbre  a  été  transplanté  dans  les 
parties  méridionales  de  l'Europe.  Le  mûrier  blanc  est  natif  de 
la  Chine.  Il  y  en  a  une  autre  espèce  au  Japon'  ,  dont  on  em- 
ploie l'écorce  à  faire  du  papier.  Celle-ci  a  des  feuilles  palmées 
et  un  fruit  velu.  Le  bois  de  Campèche  appartient  aussi  à  ime  es- 
pèce de  mûrier.  Celui-ci  a  des  épines  axillaires  ;  les  feuilles 
sont  oblongues,  et  plus  étendues  d'un  côté  que  de  l'autre;  il 
croît  dans  les  îles  de  l'Amérique,  mais  en  plus  grande  abon- 
dance à  Campèche.  On  importe  ce  bois  en  Europe  pour  l'u- 
sage de  la  teinture;  mais  l'arbre  est  trop  tendre  pour  supporter 
la  rigueur  de  notre  climat. 

Dans  l'ordre  nommé  polyandrie  le  chêne  se  trouve  à  la  tète. 
Dans  cet  arbre ,  les  fleurs  à  étamines  sont  suspendues  à  un 
chaton  lâche,  tandis  que  celles  à  pistil  sont  sessiles  et  placées 
sur  un  bourgeon.  Le  calice  des  premières  est  le  plus  générale- 
ment quinquifide;  le  nombre  des  étamines  est  depuis  cinq  jus- 
qu'à dix.  Dans  les  fleurs  à  pistil,  le  calice  n'a  qu'une  feuille,  et 
est  tout-à-fait  entier;  il  y  a  un  style  fendu  en  cinq  parties; 
quelquefois  il  ne  l'est  qu'en  deux,  trois,  ou  quatre.  Le  fruit, 
ou  gland,  est  bien  connu  ;  c'est  une  noix  ovale  couverte  d'une 
coque  dure,  et  plongée  par  le  bas  dans  le  calice. 

jN'ous  avons  en  Angleterre  deux  principales  espèces  de 
chêne,  ou  plutôt,  ce  ne  sont  peut-être  que  des  variétés*.  L'une 
a  les  feuilles  sur  de  plus  longs  pétioles,  et  les  glands  sessiles,  ou 
sur  des  pédicules  fort  courts.  L'autre  n'a  pas  les  feuilles  si  pro- 
fondément sinueuses  ;  mais  elles  le  sont  plus  régulièrement,  les 
sinus  étant  opposés.  A  peine  ont  elles  un  pétiole  ;  au  contraire, 
les  glands  croissent  sur  des  pédicules  fort  longs ,  sont  plus 
grands ,  et  sortent  ensemble  en  plus  petit  nombre.  Il  y  a 
quelques  autres  variétés  de  cet  arbi'e  majestueux;  mais, 
comme  elles  sont  moins  considérables,  elles  n'arrêtent  pas  l'at- 
tention des  botanistes.  Plusieurs  espèces  différentes  des  nôtres 
se  trouvent  dans  le  nord  de  l'Amérique,  et  quelques-unes  dans 
les  contrées  méridionales  de  l'Europe. 

'  Mûrier  du  Japon. 

2  Linnée  n'en  fait  qu'un  genre,  sous  le  titre  de  quercus  rolur,  chêne  roure, 
et  décrit  les  espèces  conime  avant  les  feuilles  tombantes,  d'une  forme  ohlongue, 
mais  plus  large  vers  la  partie  supérieure,  les  sinus  aigus  et  les  angles  obtus. 


SUR    LA   lîOTAlVIQUE.  4^7 

L'yeuse,  ou  chêne  vert,  a  des  feuilles  oblongues  et  ovales, 
d'un  vert  luisant  en-dessus,  mais  blanchâtres  en-dessous ,  por- 
tées sur  de  longs  pétioles ,  et  durant  toute  l'année  ;  elles  varient 
beaucoup,  quelques-unes  étant  tout-à-fait  entières,  longues 
et  étroites,  les  autres  étant  larges  ,  avec  les  bords  dentelés  et 
garnis  de  piquants,  presque  comme  celles  du  houx;  les  glands 
sont  de  la  même  forme  que  ceux  du  chêne,  mais  ils  sont  plus 
petits.  Le  chêne  à  cochenille  a  les  feuilles  ovales  ,  dentelées 
sur  les  boi-ds,  et  les  dentelures  sont  armées  de  piquants,  comme 
dans  le  houx  ;  elles  sont  unies  des  deux  côtés.  Cette  espèce  est 
si  petite  qu'on  peut  la  regarder  plutôt  comme  un  arbrisseau 
que  comme  un  arbre.  Le  chêne  liégé  '  est  une  espèce  d'yeuse» 
avec  imc  écorce  crevassée,  fougueuse,  qui  forme  la  principale 
et  la  plus  remarquable  différence.  Pour  l'aspect  et  pour  la 
forme  des  feuilles,  il  ressemble  beaucoup  au  chêne  vert;  ce- 
pendant les  feuilles  tombent  en  mai,  avant  que  celles  qui  sont 
jaunes  sortent,  de  sorte  que  ces  aibres  restent  nus  pendant 
quelque  temps,  ce  qui  n'arrive  pas  au  chêne  vert  commun.  La 
plupart  des  arbres  de  cette  espèce  servent  de  retraite  à  des  in- 
sectes, qui  forment  diverses  noix  de  galle;  mais  ici  nous  nous 
écartons  de  notre  district.  ]Xous  allons  y  rentrer  en  faisant  l'exa- 
men du  nover. 

Ce  genre  a  les  fleurs  à  examines  placées  très-près-à-près ,  et 
en  grand  nombre,  sur  des  chatons  oblongs  et  cvlindriques , 
sous  les  feuilles  inférieures  des  branches.  Elles  sont  formées  par 
des  écailles  qui  ont  cjiacune  une  fleur.  La  corolle  est  divisée  en 
six  parties ,  et  les  étamines  sont  ordinairement  au  nombre  de 
dix-huit,  mais  elles  varient  en  nombre,  depuis  douze  jusqu'à 
vingt-quatre.  Les  fleurs  à  pistil  sortent  près  des  branches,  au- 
dessus  des  autres,  à  la  base  d'un  pétiole,  et  généralement  en 
couples.  Elles  ont  un  calice  quadrifide,  qui  couronne  le  germe, 
une  corolle  divisée  en  quatre  parties,  et  deux  stvles;  le  fruit 
est  un  di'upe  qui  renferme  une  noix  avec  une  écaille  sillonnée, 
au-dedans  de  laquelle  on  trouve  une  amande  partagée  en  quatre 
lobes,  sillonnée  d'une  manière  irrégulière.  Le  nover  commun 
rst  distingué  en  ce  qu'il  a  les  feui lies cofnposantes, ovales,  unies , 
quelquefois  un  peu  dentelées,  et  presque  inégales. Il  y  a  plusieurs 

I  Arbre  à  Hégc. 


^ilS  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

varictés  pour  le  finit ,  et  plusieurs  espèces  distinctes,  dont  une  est 
nommée  le  noyer  blanc.  Toutes  les  espèces  ont  des  feuilles  pinnées, 
avec  un  différent  nombre  de  lobes.  La  nôtre  a  depuis  cinq  jus- 
qu'à neuf  lobes,  et  celui  qui  est  impair  est  le  plus  fi;rand.  Le  noyer 
blanc  a  sept  lobes  en  forme  de  lance ,  et  le  lobe  impair  sessile. 

Linnée  joint  le  châtaignier  et  le  hêtre  dans  un  même  genre 
avec  ce  caractère;  savoir,  que  les  fleurs  àétamines,  qui  sont 
portées  par  des  chatons  ,  ont  un  calice  divisé  en  cinq  parties ,  et 
en  forme  de  cloche ,  et  environ  douze  étamines  ;  les  fleurs  à 
pistil ,  qui  sont  produites  par  des  boutons  sur  le  même  arbre, 
ont  un  calice  à  quatre  dents,  trois  styles,  et  une  capsule  à 
quatre  valvules ,  qui  auparavant  était  lecjilice,  et  contient  deux 
noix.  Linnée  observe  que  les  fleurs  à  étamines  dans  le  châtai- 
gnier, sont  disposées  sur  un  chaton  cvlindrique,  au  lieu  que 
celles  du  hêtre  sont  dans  une  balle:  à  la  vérité ,  les  chatons  dans 
le  châtaignier  sont  fort  longs ,  et  les  nœuds  de  fleurs  en  ont  près 
de  dix  à  chaque,  et  sont  distants  l'un  de  l'autre:  il  y  a  de- 
puis cinq  jusqu'à  dix-huit  étamines,  qui  ont  des  fdets  courts. 
Les  fleurs  à  pistil  sont  à  la  base  de  celles-ci ,  et  elles  sont  rem- 
placées par  deux  ou  trois  fruits  très-près  l'un  de  l'autre.  Leur 
calice  a  plus  ordinairement  six  segments  que  quatre;  le  fruit 
varie  pour  le  nombre  des  amandes  et  des  pistils;  mais  le  nom- 
bre le  plus  ordinaire  est  six;  les  amandes  sont*  convexes  d'un 
côté  et  aplaties  de  l'autre.  Les  chatons  du  hêtre  sont  arrondis 
et  lâches,  avec  un  petit  nombre  de  fleurs;  les  étamines  sont 
au  nombre  de  huit,  portées  sur  de  longs  filets.  Il  y  a  seule- 
ment deux  fleurs  à  pistil  ensemble,  à  chacune  desquelles  suc- 
cède une  noix  arrondie,  qui  contient  trois  ou  quatre  amandes 
dures  à  trois  côtés  ,  qu'on  appelle  communément  faînes. 
La  différence  spécifique  que  Linnée  assigne  entre  le  châtai- 
gnier et  le  hêtre,  est  tirée  des  feuilles  qui,  dans  le  premier, 
sont  en  forme  de  lance,  dentelées,  avec  les  dents  terminées  en 
pointes,  et  nues  ou  unies  à  la  surface  inférieure;  dans  le  se- 
cond, elles  sont  ovales  et  obscurément  dentelées,  ou  plutôt  si- 
nueuses sur  le  bord. 

Dans  le  charme,  les  deux  espèces  de  fleui's  sont  portées  par 
(des  chatons.  Les  unes  et  les  autres  ont  un  calice  formé  par 
line  écaille  ciliée  ou  frangée,   et  n'ont  point  de  corolle;   les 


SLiR  LA   HOTANIQUE.  4-^9 

fleurs  à  étamines  en  ont  depuis  huit  jusqu'à  quatoi"ze  ou  seize; 
les  fleurs  à  pistil  ont  deux  germes ,  avec  doux  styles  à  chaque 
germe,  et,  à  la  base  de  chaque  écaille  du  chaton ,  ou  cône,  il  y 
a  une  semence  qui  est  une  noix  ovale.  Dans  le  charme  com- 
mun, les  écailles  des  cônes  sont  aplaties  ;  mais,  dans  le  charme 
cultivé,  elles  sont  enflées.  Telle  est  la  différence  spécifique  de 
ces  deux  espèces  ,  qui  sont  les  seules  connues  ;  les  feuilles  sont 
ridées,  marquées  de  fortes  nervures,  d'une  forme  ovale,  et 
avec  une  dentelure  très-aiguë  sur  le  bord. 

Le  noisetier  a  les  fleurs  à  étamines  portées  sur  un  long  cha- 
ton cylindrique  ,  avec  une  fleur  à  chaque  écaille  qui  est  tritide; 
il  y  a  depuis  six  jusqu'à  dix  étamines;  généralement  elles  sont 
au  nombre  de  huit.  Les  fleurs  à  pistil  sont  éloignées  des  autres  ; 
elles  sont  sessiles  et  renfermées  dans  un  bouton  ;  le  calice  est  à 
deux  feuilles,  et  déchiré;  chaque  fleura  deux  styles  fort  longs, 
rouges  ;  mais  vous  devez  observer,  qu'il  y  a  plusieurs  fleurs  au 
même  bouton,  et  que  par  conséquent  il  faut  les  séparer  pour 
les  examiner:  le  fruit,  comme  vous  savez,  est  une  noix  ovale  ; 
pour  l'ordinaire ,  aucune  des  fleurs  n'a  de  corolle.  Le  noisetier  • 
commun  et  l'avelinier  ne  sont  pas  regardés  comme  spécifique- 
ment différents  ;  l'espèce  est  caractérisée  par  les  stipules ,  qui 
sont  ovales,  et  se  terminent  d'une  manière  obtuse,  au  lieu  que 
celles  du  coudrier,  que  Linnéc  donne  pour  une  espèce  distincte , 
sont  linéaires ,  et  se  terminent  en  pointe  aiguë.  Ces  végétaux  ne 
parviennent  pas  à  la  hauteur  des  arbres,  et  sont  de  la  classe 
des  ai'brisseaux. 

Le  dernier  arbre  de  cet  ordre,  dont  je  vais  vous  entretenir, 
est  le  platane  ;  il  a  les  fleurs  des  deux  espèces  portées  sur  des 
chatons  globuleux  ;  les  fleurs  à  étamines  ont  un  petit  nombre 
d'écaillés  fort  petites  qui  leur  servent  de  calice  ;  la  corolle  est  à 
peine  apparente  ,  et  les  anthères  entourent  le  filet.  Les  fleurs  à 
pistil  ont  plusieurs  écailles  fort  petites  au  calice,  et  plusieurs 
pétales  à  la  corolle  ;  les  styles  sont  subulés  avec  des  stigmates 
recourbés  ;  les  semences  sont  arrondies ,  terminées  par  un  style 
pointu ,  et  elles  ont  un  duvet  simple  adhérent  à  leur  base.  Les 
deux  espèces  de  cet  arbre ,  car  il  n'y  en  a  pas  davantage ,  sont 
bien  distinguées  par  leurs  feuiUes,  lesquelles,  dans  le  platane 
oriental  ou  asiatique,  sont  palmées,  et,  dans  le  platane  occi- 


43o  LETTRES  ÉLJÉMENTAI  RES 

dental  ou  de  la  Virginie,  sont  lobées.  Le  premier  de  ces  arbres 
fut  apporté  de  bonne  heure  à  Rome ,  et  c'était  l'arbre  favori 
dont  les  Romains  embellissaient  leurs  maisons  de  campagne. 
Tous  ces  arbres  sont  compris  dans  une  famille  naturelle ,  que 
Linnée  appelle  amentacéc,  et  que  Haller,  ainsi  que  plusieurs 
autres,  nomme  julifère;  leur  caractère  est  assez  indiqué  par 
leur  nom  et  par  ce  qui  a  déjà  été  dit  concernant  les  caractères 
des  genres. 

Il  y  a  encore  une  suite  d'arbres  de  la  même  famille ,  et  de 
l'ordre  nommé  monadelphie  ;  c'est  la  famille  naturelle  des  co- 
nifères. Dans  cette  classe ,  le  pin  obtient  le  premier  rang.  Ses 
caractères  génériques  sont  que  les  fleurs  à  étamines  sont  dis- 
posées en  grappes,  ayant  chacune  un  calice  à  quatre  feuilles j 
elles  n'ont  point  de  corolle ,  et  les  étamines ,  qui  sont  en  grand 
nombre,  sont  terminées  par  des  anthères  nues  ;  les  fleurs  à  pis- 
til sont  placées  sur  un  cône  ;  chaque  écaille  ou  calice  a  deux 
fleurs  sans  aucune  corolle  ;  il  y  a  un  pistil  et  une  noix  garnie 
d'une  aile  membraneuse. 

On  peut  faire  deux  divisions  de  ce  genre.  Premièrement,  les 
pins  qui  ont  deux  ou  un  plus  grand  nombre  de  feuilles  sortant 
de  la  même  base,  qui  leur  sert  de  gaine,  et  les  sapins  qui  ont 
les  feuilles  tout-à-fait  distinctes  à  la  base.  Dans  la  première  di- 
vision, le  pin  d'Ecosse'  est  celui  qui  est  le  plus  connu.  Il  a  deux 
feuiUes  dans  une  gaine;  les  feuilles  primordiales  sont  solitaires 
et  unies.  Il  n'est  point  du  tout  particulier  à  l'Ecosse;  on  le 
trouve  dans  le  Danemarck,  la  Norwége,  la  Suisse  et  plusieurs 
autres  parties  de  l'Europe,  même  en  Amérique.  1.6 pineaster, 
ou  pin  sauvage  d'Italie,  du  midi  de  la  France  et  de  la  Suisse? 
ressemble  à  celui-ci  ;  mais  les  branches  sont  beaucoup  plus  dis- 
tinctes et  plus  horizontales.  Les  feuilles  sont  plus  grandes, plus 
épaisses  et  plus  longues  ;  elles  viennent  droites ,  et  sont  d'un 
vert  plus  sombre;  elles  se  terminent  en  pointe  obtuse.  Les  cônes 
sont  longs  de  sept  ou  huit  pouces.  Les  feuilles  du  pin  d'Ecosse 
sont  plus  larges ,  grisâtres  et  entrelacées  ;  les  cônes  sont  petits , 
et  d'une  couleur  claire.  Le  bois  de  charpente  que  fournit  cette 
espèce    est  aussi  préférable  ;  elle  donne  le  meilleur  bois  rouge 

I  Pin  sauvage. 


SUR  LA   BOTANIQUK.  43  I 

OU  jaune  de  ce  genre.  Linnée  cependant  ne  paraît  pas  les 
avoir  distingués.  Le  pin  à  pomme  de  pin  '  a  aussi  des  feuilles 
doubles ,  et  les  feuilles  primordiales  solitaires ,  mais  fran- 
gées ;  elles  sont  d'une  couleur  verdàtre;  les  cônes  sont  épais, 
arrondis,  et  se  terminent  en  pointe  obtuse;  les  écailles  sont 
aplaties  ,  et  les  noix  sont  si  grandes,  qu'on  ne  dédaigne  pas  de 
les  casser,  pour  servir  les  pignons  au  dessert ,  dans  les  provinces 
méridionales  de  la  France.  Le  pin  de  Virginie  a  trois  feuilles 
qui  sortent  de  la  même  gaine,  et  des  cônes  aussi  grands  que 
ceux  du  pin  à  pomme  de  pin  ;  mais  ils  sont  plus  aigus,  avec 
des  écailles  plus  lâches,  qui  s'ouvrent  horizontalement,  et  lais- 
sent tomber  les  semences.  Le  pin  cimbre  a  cinq  feuilles  dans 
une  gaîne  ;  elles  sont  unies,  d'un  vert  clair,  longues  et  étroites  ; 
les  cônes  ont  environ  trois  pouces  de  longueur,  avec  des  écailles 
serrées  et  de  grandes  semences,  dont  on  brise  facilement  les 
enveloppes.  Le  pin  blanc,  ou  du  lord  Weymouth,  a  aussi  cinq 
feuilles  à  chaque  gaîne;  elles  sont  longues  et  déliées,  mais 
raboteuses  sur  le  bord.  Cet  arbre  vient  très-droit,  et  s'élève  à 
une  grande  hauteur;  l'écorce  est  fort  unie.  Dans  le  nord  de  l'A- 
mérique, on  l'appelle  pin  blanc,  et  il  est  excellent  pour  faire 
des  mâts.  Les  feuilles  de  tous  ces  arbres  sont  linéaires  et  per- 
manentes. Linnée  nomme  cette  espèce  de  feuille  acerose. 

Linnée  renferme  le  cèdre  du  Liban  et  le  mélèse  dans  ce  genre. 
D'autres  les  sé[>arent ,  parce  que  les  feuilles  sont  fasciculées,  c'est- 
à-dire,  qu'elles  sortent  en  grappes,  s'étendant  au  sommet,  comme 
une  brosse  de  peintre.  Linnée  donne  cette  circonstance  comme 
la  distinction  spécifique,  ajoutant  que,  dans  le  premier,  elles 
sont  aiguës,  et  dans  le  second,  obtuses  au  bout;  c'est  la  seule 
différence  dont  il  fasse  mention.  Cependant  les  feuilles  du  mé- 
lèse sont  tombantes,  celles  du  cèdre  permanentes,  ou  toujours 
vertes.  Le  caractère  des  deux  arbres  est  aussi  totalement  diffé- 
rent. Le  dernier  répand  ses  branches  horizontalement,  jusqu'à 
ce  que  les  extrémités  pendent  en  en-bas ,  affaissées  par  leur 
propre  poids,  et  son  sommet  est  aplati.  Les  branches  du  pre- 
mier vont  en  diminuant  de  grosseur,  depuis  le  bas  jusqu'en 
haut ,  et  approchent  par  conséquent  de  la  figure  pyramidale. 

Dans  la  classe  des  sapins  proprement  dits,  l'arbre  qui  produit 

I  Pin  cultivé. 


f\?>1  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

la  poix ,  ou  le  sapin  de  Norwégc  '  et  le  pin  sapin,  sont  les  arbres 
les  plus  communs.  Le  premier  a  les  feuilles  émarginées ,  ou  en- 
taillées au  bout;  c'est  de  cet  arbre  qu'on  tire  la  poix,  et  nous 
appelons  son  bois  sapin  blanc.  Le  pin  sapin  a  les  feuilles  en 
forme  d'alêne .  pointues  et  unies,  tournées  de  deux  manières 
différentes.  Le  bois  de  celui-ci  ressemble  à  l'autre,  et ,  quand  il 
est  tailU^  en  planches,  on  lui  donne  le  même  nom.  Le  sapin  ar- 
genté est  ainsi  nommé  à  cause  de  la  blancheur  qu'ont  les  feuilles 
en-dessous;  elles  sont  émarginées  ,  et  leur  forme  ressemble 
beaucoup  à  celle  des  feuilles  de  l'if.  On  tire  beaucoup  de  théré- 
bentine  de  cet  arbre.  Le  sapin  qui  produit  le  baume,  ou  sapin 
bavmiier ,  a  les  feuilles  subémarginécs,  ou  seulement  un  peu  en- 
taillées au  bout.  Elles  sont  un  peu  pointillées  dans  une  double 
ligne,  en-dessous.  Il  y  a  plusieurs  variétés  de  ces  arbres,  parti- 
culièrement du  pin  sapin  ;  mais  leur  description  nous  condui- 
rait trop  loin. 

Je  terminerai  ce  grouppe  d'arbres  par  le  funèbre  cyprès , 
qui  a  ses  fleurs  à  étamincs  recuillies  sur  un  chaton  ovale  ,  avec 
des  écailles  qui  n'ont  qu'une  fleur,  et  quatre  anthères  sessiles, 
sans  filets ,  à  chaque  fleur.  Les  fleurs  à  pistil  sont  sur  un  cône 
arrondi,  au  nombre  de  huit  ou  de  dix,  une  à  chaque  écaille. 
Ces  fleurs  ont  plusieurs  pointes  tronquées,  creuses  au  sommet, 
qui  sont  peut-être  les  styles.  Sous  les  écailles  du  cône,  il  y  a 
une  noix  anguleuse.  Le  cyprès  commun  a  les  feuilles  imbriquées, 
et  les  branches  à  feuilles  quadrangulaires.  Cet  arbre  prend 
naturellement  la  forme  pyramidale  ;  quand  il  est  grand,  il  pro- 
duit le  plus  bel  effet  imaginable ,  auprès  des  édifices.  Le  cyprès 
à  branches  étendues  n'est  qu'une  variété  de  cet  arbre;  il  s'élève 
à  une  hauteur  considérable ,  et  fournit  ce  bois  si  fameux  pour 
sa  durée ,  et  qvii  n'est  jamais  attaqué  par  les  insectes.  Le  cyprès 
tombant  a  les  feuilles  en  deux  rangs,  et  qui  s'étendent.  Cet 
arbre  est  originaire  de  l'Amérique  ,  et  devient  foi^t  haut;  mais 
il  est  temps  de  descendre  des  arbres  aux  herbes,  et  de  termi- 
ner ainsi  cette  longue  lettre. 

On  trouve  les  orties  piquantes  dans  l'ordre  nommé  tétrandrie, 
compris  dans  cette  classe;  mais  ces  plantes  vulgaires  et  incom- 

'      I  Sapin  commuu. 


SUR  LA   BOTxVNIQUK.  4^-^ 

modes  ne  doivent  pas  fixer  votre  attention,  lorsque  vous  en 
avez  un  si  grand  nombre  d'intéressantes  à  examiner. 

L'immortelle  amarantlie,  dont  la  forme  est  si  belle  et  la  cou- 
leur si  agréable ,  s'offre  la  première  à  nos  regards.  Elle  appar- 
tient à  l'ordre  nommé  pentandrie;  et,  n'ayant  point  de  corolle, 
elle  est  rangée  par  quelques  auteurs  dans  la  famille  naturelle 
des  fleurs  à  pétales.  La  môme  grappe  porte  des  fleurs  incom- 
plètes des  deux  genres  ;  chacune  de  ces  fleurs  a  un  calice  à 
trois  ou  à  cinq  feuilles;  l'une  a  trois  ou  cinq  étamincs;  l'autre 
a  trois  styles  et  une  capsule  à  une  cellule  qui  s'ouvre  horizon- 
talement ,  et  où  il  n'y  a  qu'une  semence.  Les  espèces  sont  nom- 
breuses. L'une  des  plus  connues  est  Tamaranthe  panachée, 
qu'on  cidtive  pour  la  beauté  de  ses  feuilles,  qui  sont  bigarrées 
de  vert,  jaune  et  rouge;  c'est  une  des  espèces  qui  ont  trois 
étamines  aux  fleurs,  lesquelles  croissent  en  tètes   arrondies, 
sont  axillaires,  et  entourent  la  tige;  les  feuilles  sont  larges,  et  en 
forme  de  lance.  L'amaranthe  triste  n'a  que  deux  couleurs  à  ses 
feuilles,  un  pourpre  obscur  et  un  rouge  très-vif.  Cette  espèce 
ressemble  à  l'autre;  mais  elle  a  des  feuilles  pointues  en  forme 
de  lance.  La  plume  du  prince,  ou  passe-velours,  a  cinq  éta- 
mines aux  fleurs,  qui  sont  en  grappes  pendantes,  longues,  dé- 
composées et  cylindriques,  d'une  couleur  de  pourpre  vif,  et 
longues  de  deux  pieds ,  ou  davantage.  L'amaranthe  arbre  res- 
semble à  celle-ci;  mais  elle  est  haute  de  sept  ou  huit  pieds. 
Les  grappes  sont  plus  épaisses  ;  mais  elles  ne  sont  pas  si  longues. 
L'amaranthe  sanguine  a  aussi  cinq  étamines;  les  grappes  sont 
composées  et  droites;  celles  du  côté  se  répandent  beaucoup  ; 
les  feuilles  sont  ovales  et  oblongues  ;  celle-ci  a  des  tiges  et  des 
feuilles  de  couleur  pourpre;  les  grappes  sont  courtes,  et  au 
bout  de  la  tige  il  y  en  a  une  grande  placée  en  travers ,  avec 
une  au  milieu  qui  est  droite  ;  les  fleurs  sont  d'abord  d'un  pour- 
pre brillant  ;  mais  elles  deviennent  ensuite  plus  sombres.  Vous 
voyez  que  je  soumets  à  votre  examen  les  plus  belles  plantes 
de  ce  genre,  et  votre  parterre  vous  les  fournira  en  abondance. 
Dans  l'ordre  nommé  polyandrie  je  ne  vous  présenterai  que 
deux  plantes  sauvages  :  la  sagittaire  et  la  pimprenelle.  La  pre- 
mière a  plusieurs  fleurs  à  étamines,  et  un  petit  nombre  avec 
des  pistils  immédiatement  au-dessous.  L'une  et  l'autre  ont  im 
R.    Vit.  28 


434  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

calice  à  trois  feuilles,  et  une  corolle  de  trois  pétales.  L'une  a  en 
viron  vingt-quatre  étamines;  l'autre  a  plusieurs  germes  dans 
une  tête,  lesquels  se  terminent  par  des  styles  fort  courts,  avec 
des  stigmates  aigus  et  permanents.  On  distingue  aisémentnotre 
sagittaire  commune  par  ses  feuilles  qui  imitent  le  fer  d'une 
flèche ,  et  sont  pointues  :  cette  plante  croît  dans  l'eau;  elle  a  des 
pétales  blancs,  arrondis  ,  avec  des  queues  de  couleur  pourpre, 
et  ressemble  très-fort  au  plantain  aquatique. 

La  pimprenelle  a  des  fleurs  incomplètes  des  deux  espèces 
sur  la  même  tige;  celles  qui  ont  des  étamines  sont  placées  au 
dessous  des  autres;  elles  ont  un  calice  à  quatre  feuilles,  et  une 
corolle  divisée  en  quatre.  Les  fleurs  à  étamines  en  ont  depuis 
trente  jusqu'à  quarante;  les  fleurs  à  pistil  en  ont  deux,  et  une 
espèce  de  baie  formée  par  le  tube  de  la  corolle  endurci.  La 
pimprenelle  commune  ou  plus  petite  et  distinguée  des  autres 
espèces  en  ce  qu'elle  n'est  point  armée  d'épines ,  et  que  les  tiges 
sont  un  peu  anguleuses.  Cette  espèce  et  la  grande  pimprenelle, 
quoique  séparées  par  un  grand  intervalle  dans  le  système  arti- 
ficiel, sont  évidemment  du  même  genre  nature.  Le  calice  de 
cette  dernière  est  à  deux  feuilles  ;  le  nombre  des  étamines  est 
seulement  de  quatre  avec  un  pistil,  et  toutes  ces  parties  sont  ren- 
fermées daus  la  même  fleur  :  c'est  aussi  une  plante  beaucoup 
plus  grande,  et  les  feuilles  n'ont  pas  un  si  grand  nombre  de 
lobes.  Cette  plante  croît  dans  les  prairies  humides;  l'autre 
vient  dans  les  pâturages  secs,  et  particulièrement  dans  les  ter- 
rains abondants  en  craie. 

Le  ricin,  ou  palina  Christi ,  se  range  dans  l'ordre  nommé 
monadelphie.  Les  fleurs  n'ont  point  de  corofle;  il  y  en  a  quel- 
ques-unes qui  sont  fournies  de  plusieurs  étamines,  et  celles-ci 
ont  un  calice  divisé  en  cinq  parties  ;  les  autres  ont  trois  styles 
bifides,  avec  une  capsule  à  trois  cellules,  qui  renferme  une 
semence  dans  chaque  cellule;  dans  celles-ci  le  calice  est  divisé 
en  trois.  Le  palma  Christi  commun  a  des  feuilles  échancrées , 
palmées ,  et  dentelées  sur  le  bord ,  d'une  couleur  vei'dâtre  en- 
dessous,  et  avec  des  glandes  sur  les  pétioles.  En  Amérique  il  y 
en  a  plusieurs  autres  espèces  qui  diffèrent  de  celle-ci  et  entre 
elles,  sans  que  pour  cela  on  les  regarde  comme  des  espèces  dis- 
tinctes. On  les  nomme  agnus  castus ,  ou  arbre  à  huile,  et  on 


SUR   LA    BOTANIQUE.  /|35 

tu  tire  de  l'huile  pour  brûler  ;  c'est  l'huile  du  ricin  commun 
dont  on  so  sert  en  médecine.  Cette  espèce  croît  en  Sicile,  dans 
les  Indes,  l'Afrique,  où  elle  est  bisannuelle,  et  se  cultive  fa- 
cilement dans  nos  jardins  ,  mais  devient  annuelle. 

L'ordre  syngénesie  de  cette  classe  l'enferme  une  suite  de 
plantes  qui  appartiennent  évidemment  à  la  famille  naturelle, 
nommée  cucurbitacée,  ou  plantes  à  citrouille.  Elles  s'accordent 
toutes  en  ce  qu'elles  ont  un  calice  à  une  feuille  partagé  en  cinq 
segments,  une  corolle  supérieure,  monopétale,  divisée  aussi 
ordinairement  en  cinq  parties  ,  trois  lilets,  un  style  en  général 
trifide ,  et  vm  fruit  à  pépins. 

Le  concombre  sauvage  se  fait  lemaîquer  principalement  pai- 
la  manièie  dont  son  fruit,  qui  est  élastique,  se  crève  avec 
éclat:  dans  l'espèce  commune,  ce  fruit  est  velu;  les  tiges  de 
cette  plante  n'ont  point  de  tendrons.  La  pi'opriété  qu'a  cette 
plante  de  jeter  ses  semences  avec  le  jus ,  lui  a  fait  donner  le 
nom  de  concombre  à  seringue. 

La  citrouille  a  les  semences  du  fruit  avec  un  bord  enflé.  La 
calebasse,  ou  gourde,  a  les  feuilles  légèrement  anguleuses, 
garnies  de  duvet,  avec  deux  glandes  en-dessous  à  la  base;  les 
fleurs  sont  blanches,  portées  sur  de  longs  pédicules,  et  recour- 
bées vers  le  bord.  Le  fruit  est  crochu,  jaune  qitand  il  est  mûr, 
et  l'écoree  est  dure  et  ligneuse,  de  sorte  qu'elle  peut  contenir 
un  liquide;  c'est  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  citiouille  à 
bouteille,  autrement  bouteille  de  pèlerin. 

La  citrouille  commmune  appartient  à  ce  genre,  et  a  des 
feuilles  lobées,  avec  des  fruits  unis,  qui  croissent  jusqu'à  la 
grosseur  d'un  picotin. 

Le  bonnet  d'électeur  ,  qui  est  aussi  une  autre  espèce,  a  pa- 
reillement des  feuilles  lobées,  des  tiges  droites,  et  le  fruit 
aplati  et  noueux. 

Le  potiron  à  verrue  a  de  même  les  feuilles  lobées ,  et  des 
fruits  noueux ,  couverts  de  verrues.  Ces  espèces  diffèrent  beau- 
coup pour  la  forme  et  le  volume  du  fruit. 

Mais  les  plus  connus  et  les  plus  cultivés  d'entre  ces  fruits 
sont  le  melon  et  le  confcombre,  qui  appartiennent  à  un  autre 
£;enre  nommé  cucumis ,  ayant  les  semences  du  fruit  très-poin- 
tues. Le  melon  a  les  angles  des   feuilles  arrondis ,  et  le  fruit 

28. 


436  LETTRES  liLÉMENTAIRES 

couvert  de  petites  élévations.  Il  varie  beaucoup  ,  comme  vobs 
savez ,  pour  la  forme  du  fruit.  Le  concombre  '  a  les  angles  des 
feuilles  aigus ,  et  les  fruits  oblongs  et  ral>oteus.  Toutes  ces 
plantes  ont  de  grandes  fleurs ,  dont  les  parties  sont  fort  dis- 
tinctes ,  et  propres  à  vous  donner  une  juste  idée  de  cette  classe, 
par  laquelle  je  termine  ma  lettre,  en  vous  disant  adieu,  ma 
chère  cousine. 


LETTRE   XIX. 

I  'juin  1777- 

La  vingt-deuxièmeclasse  ne  diffère  de  la  précédente  que  par 
la  disposition  des  fleurs  incomplètes  sur  les  divers  individus  de 
la  même  espèce.  C'est  là  son  caractère  essentiel ,  et  c'est  ce  qui 
a  donné  occasion  de  la  nommer  dioecie.  Comme  vous  connais- 
sez bien  le  sens  de  ce  mot,  qui  vous  a  été  expliqué  ci-devant , 
je  passerai,  sans  autre  préliminaire,  à  l'examen  des  plantes  qui 
s'offriront  le  plus  souvent  à  vos  regards  ^. 

Tel  est  le  saule  ,  qui  appartient  au  second  ordre,  la  diandrie. 
Les  fleurs  à  élamines  et  à  pistil  sont  soutenues  par  des  chatons, 
et  se  trouvent  sur  des  arbres  différents,  de  sorte  que  vous  au- 
rez une  double  peine  à  examiner  les  fleurs  de  cette  classe;  car 
quand  vous  en  aurez  trouvé  une  espèce,  vous  serez  obligée  de 
chercher  l'autre  ,  et  vous  la  rencontrerez  peut-être  avec  diffi- 
culté; mais,  dans  une  étude  aussi  agréable  que  l'est  celle  de  la 
botanique,  vous  ne  plaindrez  pas  la  peine  que  vous  vous  don- 
nei'cz  pour  cela,  ayant  déjà  éprouvé  des  embarras  plus  pénibles. 
Les  fleurs  du  saule  n'ont  point  de  corolle,  et  leur  calice  n'est 
rien  autre  chose  que  les  écailles  du  chaton.  Il  y  a  une  petite 
clande  remplie  de  miel  au  centre  de  chaque  fleur  à  étamines. 
Vous  connaîtrez  aisément  les  autres  chatons ,  par  le  germe 
ovale  qui  est  à  chaque  petite  fleur ,  lequel  va  en  diminuant  par 
degrés,  pour  se  terminer  par  une  couple  de  styles,  qu'on  a 
peine  à  distinguer  du  germe  autrement  que  par  les  deux  stig- 

I  (Concombre  ordinaire. 

3  11  y  a  dans  cette  classe  ciuquante-cinq  genres  et  deux  cent  dix-neuf  espèces. 


SUR   LA  BOTANIQUE,  4^7 

liiatcs  droits  et  bifides  ,  par  lesquels  ces  deux  styles  sont  termi- 
nés. Ce  germe  devient  une  capsule  à  une  cellule  et  à  deux  val- 
vules, contenant  plusieurs  petites  semences,  couronnées  par 
un  duvet  rude  et  simple.  Il  y  a  des  anomalies  dans  ce  genre  ; 
car  une  espèce  a  trois  étamines  ,  et  une  autre  cinq  ;  une  troi- 
sième a  des  fleurs  complètes.  Parmi  plus  de  trente  espèces ,  je 
choisirai  le  saule  blanc,  qui  est  un  arbre  si  commun  dans  les 
terrains  hmnides.  Vous  le  connaîtrez  par  ses  feuilles  pointues 
et  en  forme  de  lance  ;  elles  sont  dentelées  sur  les  bords ,  pubes- 
centes  ou  garnies  de  poils  sur  les  deux  surfaces;  elles  ont  les 
dentelures  inférieures  foiunies  de  glandes  ;  les  feuilles  sont 
fort  blanches  en-dessous  ;  les  chatons  sont  courts  et  épais.  Cet 
arbre  devient  très-grand,  quand  on  ne  l'élague  pas  jx>ur  l'ar- 
rondir en  tète.  On  en  cultive  communément  plusieurs  espèces 
dans  les  plantations  d'osier;  mais  comme  on  les  tient  toujours 
très-peu  élevées  ,  pour  avoir  des  branches  longues  et  flexibles , 
vous  aurez  peu  d'occasion  d'examiner  les  parties  de  la  fruc- 
tification; mais  une  espèce  qu'on  cultive  pour  sa  beauté, 
laquelle  u'exige  pas  qu'on  dénature  sa  forme,  pourra  vous  don- 
ner tous  les  moyens  de  l'observer  à  loisir;  c'est  le  saule  plieu- 
reiu",  que  l'on  connaît  à  la  première  vue  par  ses  branches 
longues ,  pendantes  et  déliées.  Ses  feuilles  sont  vmies,  éti'oites 
et  linéaires,  approchant  de  la  forme  d'une  lance.  Le  saule  osier 
a  des  feuilles  ovales,  ridées  à  la  surface,  qui  est  garnie  de  poils 
en-dessus,  et  d'un  duvet  en-dessous,  et  légèrement  entaillées  ou 
ondoyantes  sur  les  bords.  Il  y  a  plusieurs  variétés  de  cette  es- 
pèce vulgaire. 

Le  gui  appartient  à  l'ordre  nommé  tétrandrie.  Vous  connais- 
sez très-bien  sa  qualité  de  plante  parasite,  qui  la  fait  aisément 
distinguer  par  tout  le  monde;  cependant  cette  qualité  ne  fait 
pas  partie  de  son  caractère.  Le  genre  est  déterminé  par  un  ca- 
lice divisé  en  quatre  parties,  et  une  anthère  qui  croît  à  cha- 
cune de  ces  parties ,  sans  filet ,  dans  les  fleurs  qui  portent  les 
étamines.  Il  y  a  un  calice  à  quatre  feuilles,  placé  sur  le  germe  ; 
oo  ne  trouve  point  de  style  ;  on  remarque  une  baie  qui  ren- 
ferme une  semence  en  forme  de  cœur  dans  les  fleurs  à  pistil  ;  ni 
les  unes  ni  les  autres  n'ont  de  corolle.  Le  gui  commun,  ou  blanc , 
est  distingué  des  autres  plantes  de  cette  espèce  par  des  feuilles 


438  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

en  forme  de  lance,  qui  se  terminent  d'une  manière  obtuse, 
une  tige  divisée  en  deux ,  et  des  pointes  de  fleurs  axillaires. 

Dans  l'ordre  suivant  nommé  pentandrie,  on  trouve  l'épinard , 
le  chanvre  et  le  houblon.  Le  premier  a  un  calice  divisé  en 
cinq  parties  dans  les  fleurs  à  étamines ,  et  un  calice  partagé  en 
quatre  dans  les  fleurs  à  pistil.  Celles-ci  ont  des  styles  fendus 
aussi  en  quatre  parties,  et  une  semence  dans  le  calice  qui  est 
endurci.  Linnée  distingue  l'épinard  qu'on  cultive  dans  les  jar- 
dins '  de  l'épinard  de  Sibérie ,  par  les  semences  qui  sont  sessiies 
dans  le  premier,  et  avec  des  pédicules  dans  le  second.  Dans 
l'espèce  potagère  on  trouve  plusieurs  variétés  ;  il  y  en  a  deux 
remarquables ,  qui  peut-être  forment  des  espèces  distinctes  :  l'une 
a  les  feuilles  sagittées  et  des  semences  piquantes;  l'autre  a  des 
feuilles  approchant  de  la  forme  ovale  avec  des  semences  unies. 

Le  chanvre  a  un  calice  divisé  en  cinq  parties  dans  les  fleurs 
qui  portent  des  étamines  ;  mais  dans  les  fleurs  à  pistil  le  calice 
n'a  qu'une  feuille;  il  est  entier  et  entr'ouvert  par  le  côté.  Celles- 
ci  ont  deux  styles,  et  la  semence  est  une  noix  bivalve  dans  le 
calice  qui  est  fermé.  Il  n'y  a  qu'une  espèce  de  chanvre  qui  soit 
connue;  ainsi,  jusqu'à  ce  qu'on  découvre  les  autres,  il  n'est 
pas  nécessaire  d'établir  des  distinctions  spécifiques'. 

Le  houblon  a  un  calice  à  cinq  feuilles  dans  les  fleurs  à  éta- 
mines; dans  les  autres  il  n'a  qu'une  feuille;  il  s'étend  oblique- 
ment et  il  est  entier.  Celles-ci  ont  deux  styles  et  une  semence 
dans  un  calice  qui  a  des  feuilles  ;  plusieurs  de  ces  fleurs  sont 
réunies  ensemble  pour  former  ce  qu'on  nomme  le  houblon. 
Dans  les  trois  derniers  genres  les  fleurs  n'ont  point  de  corolle. 

he  ta/nus ,  ou  brionnée  noire,  appartient  à  l'ordre  nommé 
hexandrie.  Les  fleurs  de  cette  plante  ont  un  calice  divisé  en 
six  parties,  et  n'ont  point  de  corolle;  les  fleurs  à  pistil  ont  un 
style  à  trois  pointes  et  une  baie  à  trois  cellules  au-dessous  do 
la  fleur,  laquelle  baie  contient  deux  semences.  Notre  espèce  com- 
mune ^  a  des  feuilles  en  forme  de  cœur  qui  ne  sont  pas  divisées 

Les  peupliers  appartiennent  à  l'ordre  nommé  octandrie.  Ici 

i  Épiaards  potagers. 

*Le  peuple  doune  mal-à-propos  le  uom  de  chanvre  mâle  aux  pieds  qui  portent 
les  semences ,  et  celui  de  chanvre  femelle  à  ceux  qui  sont  stériles ,  et  qui  ne 
portent  que  des  fleurs  à  étamines. 

5  Le  sceau  de  Notre-Dame. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  4^9 

îes  fleurs  des  deux  espèces  sont  portées  sur  des  chatons  sem- 
blables qui  consistent  en  écailles  déchirées  sur  le  bord ,  qui  ont 
chacune  une  fleur  sans  aucun  pétale ,  avec  un  nectaire  formé 
comme  ce  jouet  d'enfant  qu'on  nomme  sabot ,  terminé  oblique- 
ment en-dessus  par  une  bordure  ovale.  Les  fleurs  à  pistil  ont 
un  stigmate  quadrifide,  et  sont  remplacées  par  une  capsule  à 
deux  cellules ,  qui  contient  plusieurs  semences  garnies  de  du- 
vet. Le  peuplier  blanc  a  des  feuilles  arrondies,  dentelées  sur  les 
bords,  et  garnies  de  duvet  en-dessous.  Le  grand  peuplier  blanc 
est  une  variété  de  cette  espèce,  qui  a  des  feuilles  plus  grandes^ 
plus  divisées,  et  d'un  vert  plus  sombre.  Le  tremble,  ou  peu- 
plier tremblant,  a  les  feuilles  semblables  à  celles  du  précédent, 
mais  unies  sur  les  deux  surfaces;  ces  feuilles  ,  étant  placées  sur 
de  longs  pétioles  aplatis  au  bout ,  tremblent  au  moindre  soufle. 
Le  peuplier  noir  a  les  feuilles  rhomboïdes,  pointues,  et  dente- 
lées ;  elles  sont  unies  sur  les  deux  surfaces ,  d'un  vert  léger';  les 
chatons  sont  plus  courts  que  ceux  des  deux  précédents.  Le 
peuplier  baumier  a  de  fort  grandes  feuilles  en  forme  de  cœur, 
dentelées  sur  les  bords  d'une  manière  obtuse ,  et  les  rejetons 
formant  des  angles.  Le  tacamahaca  est  une  espèce  de  peuplier 
avec  des  feuilles  oblongues  et  ovales ,  dentelées  sur  les  bords, 
blanches  en-dessous  >  avec  un  duvet  à  peine  visible,  et  les  veines 
formant  un  bel  ouvrage  de  filet.  Les  stipules  sont  très-rési- 
neuses. 

Dans  l'ordre  nommé  ennéandrie ,  il  y  a  une  plante  qu'on 
trouve  fréquemment  sous  les  haies  et  dans  les  bois  ;  c'est  la 
mercuriale.  Les  fleurs  ont  un  calice  divisé  en  trois  parties,  et 
sont  privées  de  corolle.  Dans  quelques-unes,  il  y  a  neuf  ou 
douze  étamines,  avec  des  anthères  doubles,  globuleuses;  dans 
d'autres ,  sur  une  plante  distincte  on  observe  deux  styles,  et  une 
capsule  à  deux  cellules,  qui  renferme  une  semence  dans  chaque 
cellule.  L'espèce  dont  on  parle  ici  est  distinguée  des  autres 
par  sa  tige  fort  simple  et  sans  branches ,  et  ses  feuilles  qui  sont 
rudes. 

Dans  l'ordre  nommé  monadelphie,  vous  trouverez  un  genre 
d'arbres  sous  la  dénomination  de  genévrier,  qui  renferme  non- 
seulement  le  genévrier  proprement  dit,  qui  est  plutôt  un  ar- 
brisseau qu'un  arbre,  mais  encore  lesavinier  et  les  cèdres  d'Ame- 


44o  LKTTRES  ÉLÉMENTAIRES 

riquc,  ou  odoriférants,  etc.  Les  fleurs  à  étainines,  dans  ce  genre, 
sont  portées  sur  un  chaton  dont  les  écailles  forment  le  calice 
de  chaque  fleur,  qui  n'ont  point  de  corolle,  mais  seulement 
trois  étamines.  Les  fleurs  à  pistil  ont  un  petit  calice  permanent 
divisé  en  trois  parties,  et  le  germe  en-dessous  de  la  fleur;  elles 
ont  une  corolle  de  trois  pétales ,  trois  styles ,  et  une  baie  à  trois 
'semences ,  avec  trois  tubercules  sur  la  partie  inférieure  du  ca- 
lice, qui  est  inégal,  et  trois  petites  dents  au  sommet,  formées 
par  ce  qui  reste  des  pétales.  Le  genévrier  commun  a  trois 
feuifles  étendues ,  pointues ,  sortant  ensemble ,  et  qui  sont  plus 
longues  que  la  baie.  Le  savinier  '  a  des  feuilles  opposées , 
droites,  déourrentes,avec  les  oppositions  qui  courent  l'une  sur 
l'autre  le  long  des  branches;  elles  sont  courtes  et  aiguës.  Cet 
arbrisseau  répand  des  branches  fort  horizontalement,  s'élevant 
très-peu.  Il  y  a  plusieurs  espèces  de  cèdres  originaires  de  l'A- 
mérique, le  cèdre  des  Bermudes,  et  celui  qu'on  importe  pour 
enchâsser  le  plomb  noir  qui  sert  à  faire  des  crayons.  On  l'em- 
ployait autrefois  pour  la  boiserie  des  appartements,  et  au- 
jourd'hui il  sert  à  la  construction  des  vaisseaux  dans  les  Indes- 
occidentales  ,  à  cause  de  la  propriété  qu'il  a  de  n'être  pas  at- 
taqué par  les  vers.  La  distinction  spécifique  se  fait  par  les 
feuilles;  les  infériem-es  sont  pliées  en  trois,  et  les  supérieures 
en  deux*;  elles  sont  décurrentes,  subulées,  et  tendues  et  ai- 
guës. Dans  les  plantations,  on  trouve  aussi  le  cèdre  rouge  de 
Virginie ,  celui  de  la  Caroline  et  celui  des  Barbades.  Il  y  en  a 
d'autres  qui  sont  originaires  des  parties  méridionales  de  l'Eu- 


rope ^. 


L'if,  cet  arbre  funeste ,  appartient  au  même  ordre.  Les  fleurs 
n'ont  point  de  corolle,  ni,  à  proprement  parler,  de  calice,  à 
moins  que  nous  ne  prenions  pour  calice  le  bouton  qui  a  trois 
ou  quatre  feuilles.  Sur  quelques  arbres  de  cette  espèce,  on 
trouve  plusieurs  étamines  terminées  par  des  anthères  fendues 
en  huit  parties;  sur  d'autres,  on  observe  un  germe  pointu, 
ovale ,  qui  se  termine  en  im  stigmate  obtus ,  sans  aucun  style  j 
e  germe  devient  une  espèce  de  baie,  ou  plutôt  de  réceptacle 

1  Genévrier  saLine. 

2  Miller  dit  en  quatre ,  et  qu'elles  sont  imbriquée». 

3  Genévrier  faux  cèdre. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  44  ^ 

l'cmpli  de  suc  qui  renferme  une  semence  dont  le  sommet  est 
nu.  Ces  fleurs  sortent  toutes  des  ailes  des  feuilles ,  qui  sont  li- 
néaires, terminées  en  pointe  aiguë,. et  sont  l'angées  en  un 
double  rang  voisin  l'un  de  l'autre,  et  fort  serré  le  long  de  la 
côte  du  milieu  :  la  baie  est  rouge  et  d'une  douceur  fade.  Ce 
n'est  point  un  poison,  quoique  les  feuilles  le  soient  très-certai- 
nement. 

Je  terminerai  l'examen  des  plantes  de  cette  classe,  et  ma 
lettre,  par  la  desciiption  du  genre  singulier  nommé  ruscus ,  ou 
petit  houx.  Dans  ce  genre,  les  fleurs  ont  un  calice  i\  six  feuilles, 
sans  corolle,  et  un  nectaire  ovale  ,  enflé,  troué  au  sommet  dans 
le  centre  de  la  fleur.  Les  fleurs  à  étamines  n'ont  point  de  filets, 
mais  seulement  trois  anthères  placées  sur  le  sommet  du  nec- 
taire, et  unies  à  la  base,  d'où  l'on  voit  que  ce  genre  appartient 
à  l'ordre  nommé  syngénésie.  Les  fleurs  à  pistil  ont  un  style  et 
un  germe  caché  dans  le  nectaire,  qui  devient  une  baie  globu- 
leuse à  trois  cellules,  contenant  deux  semences  globuleuses. 
L'espèce  commune,  que  nous  appelons  petit  houx  ou  buis  pi- 
quant, porte  ses  fleurs  au  milieu  des  feuilles  ,  à  leur  surface  su- 
périeure. Ces  feuilles  ressemblent,  pour  la  forme  et  pour  la 
grandeur,  à  celles  du  myrthe  ;  mais  elles  sont  plus  roides  ;  et  se 
terminent  en  pointes  aiguës  ;  les  baies  sont  rouges,  et  presque 
aussi  grandes  que  des  cerises.  Dans  une  autre  espèce',  les 
fleurs  sortent  de  la  surface  inférieure  d<'S  feuilles  ;  dans  une 
troisième ,  elles  sortent  aussi  en-dessous  ,  mais  elles  sont  défen- 
dues par  une  petite  feuille  ;  au  lieu  que  dans  l'autre  espèce 
elles  sont  nues.  Une  quatrième  espèce  a  des  fleurs  placées  sur 
le  bord  des  feuilles.  Le  laurier  d'Alexandrie,  qui  est  une  espèce 
de  ruscus,  a  ses  fleurs  en  longues  grappes  au  bout  des  bran- 
ches; les  fleurs  de  cette  espèce  sont  complètes,  et  par  consé- 
quent la  plante  ne  doit  pas  se  trouver  dans  cette  classe  ;  mais 
comme  naturellement  il  est  évident  qu'elle  appartient  à  ce 
genre  ,  Linnée  l'a  laissée  dans  sa  propre  famille ,  aimant  mieux 
violer  les  lois  de  son  système  arbitraire  que  celles  de  la  nature. 
Les  tiges  de  cette  espèce  sont  déliées  et  pliantes  ;  les  feuilles 
sont  arrondies  à  la  base  ,  et  se  terminent  en  pointe  aiguë  ;  elles 
sont  unies,  et  d'un  vert  fort  luisant.  Les  fleurs  sont  d'une  cou- 

'  Laurier  alexandrin  à  feuilles  étroites. 


4^2  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

leur  jaune  herbacée;  il  leur  succède  des  baies  semblables  à 
celles  de  notre  petit  houx ,  mais  plus  petites.  C'est  en  vous  lais- 
sant au  milieu  de  cette  famille  de  plantes  toujours  vertes,  que 
je  prends  congé  de  vous ,  ma  chère  cousine ,  jusqu'à  ma  lettre 
prochaine.' 


LETTRS:   XX. 

i4  juin  1777. 

Il  y  a  quelques  personnes ,  ma  chère  cousine ,  qui  pensent 
que  la  vingt -troisième  classe,  nommée  polygamie,  aurait  pu 
être  omise,  et  que  les  plantes  qu'elle  renferme'  auraient  fort 
bien  pu  être  rangées  dans  les  autres  classes,  suivant  le  nombre, 
la  situation,  la  proportion,  etc.,  des  étamines.  Mais  prenons 
les  choses  telles  que  nous  les  trouvons,  sans  nous  informer  trop 
scrupulusement  de  quelques  points  qui,  après  tout, ne  sont  pas 
d'une  bien  grande  importance.  L'essence  de  cette  classe  consiste 
àavoir  desfleiu's  complètes  accompagnées  d'une  on  de  dtmx  es- 
pèces incomplètes,  soit  sur  la  même  plante,  soit  sur  différents 
individus.  Cette  dernière  circonstance  fournit  le  caractère  des 
trois  ordres. 

Le  premier  ordre  de  cette  classe  ayant  les  fleurs  complè- 
tes, et  les  incomplètes  toujours  sur  la  même  plante,  en  a  reçu 
le  nom  de  monoecia.  Vous  vous  souvenez  peut  -  être  qu'il  a 
été  dit  que  quelques-unes  des  herbes  des  prés  appartiennent 
à  cet  ordre  On  y  trouve  aussi  l'arbre -plantain  et  le  banana, 
la  vale/itia ,  ou  croisette  ,  que  vous  pourront  fournir  en  abon- 
dance les  haies  et  les  endroits  où  croissent  les  buissons.  Il 
vous  paraîtra  évident  que  ces  plantes  appartiennent  à  une  fa- 
mille naturelle  qui  s'est  offerte  à  vous  ci- devant.  Il  y  a  or- 
dinairement une  tleui-  complète  dans  ce  genre,  accompagnée 
de  chaque  côté  d'une  fleur  à  étamines  incomplète  ;  la  première 
a  la  corolle  divisée  en  quatre  parties,  quatre  étamines,  un 
style  bifide,  et  une  semence.  Les  autres  ont  la  corolle  partagée 

î  Treutc-quatre  genres ,  deux  cent  vingt-quatre  espèces. 


SUR  LA  BOTANIQUE.  443 

en  trois  dans  quelques  espèces,  et  en  quatre  dans  d'autres; 
trois  étamines  dans  quelques-unes,  quatre  dans  les  autres,  et  un 
pistil  obscur.  Aucune  de  ces  fleurs  n'a  de  calice.  Assez  souvent 
ces  plantes  produisent  seulement  des  fleurs  incomplètes  ,  et 
par  conséquent  n'ont  point  de  semence,  ce  que  je  pense  qu'il 
faut  attribuer  au  nombre  de  rejetons  qu'elles  poussent  par  les 
lacines.  Notre  espèce  sauvage'  est  une  de  celles  qui  ont  les 
fleurs  incomplètes  partagées  en  quatre ,  et  elle  a  deux  feuilles 
à  chaque  pédicule, qui  supporte  environ  huit  fleurs,  lesquelles 
ont  des  corolles  jaunes.  Il  y  a  quatre  feuilles  à  chaque  grouppe 
de  fleurs  ,  et  ces  feuilles,  ainsi  que  toute  la  plante ,  sont  cou- 
vertes de  duvet. 

La  pariétaire  a  deux  fleurs  complètes,  avec  une  fleur  à 
pistil  entre  les  deux  ,  dans  une  enveloppe  à  six  feuilles;  elles 
ont  un  calice  fendu  en  quatre ,  sans  corolle ,  avec  un  style  et 
une  semence.  Les  fleurs  complètes  se  font  distinguer  en  ce 
qu'elles  ont  quatre  étamines  ;  les  autres  n'en  ont  point.  Notre 
espèce  commune^  a  de  grandes  feuilles  en  forme  de  lance, 
des  pédicules  fourchus,  et  des  calices  à  deux  feuilles.  Les  fleurs 
à  pistil  sont  quadrangulaires  et  pyramidales. 

L'arroche  aune  telle  affinité  avec  le  chenopodium  ,  ou  patte- 
d'oie  ,  que ,  comme  Linnée  l'observe ,  si  l'arroche  avait  seule- 
ment des  fleurs  complètes,  ce  serait  une  patte  d'oie  ;  et  si  cette 
dernière  plante  avait  des  fleurs  à  pistil ,  ce  serait  une  arroche. 
La  plupart  de  ces  plantes  viennent  sur  des  fumiers ,  ou  sur  les 
bords  de  la  mer. 

L'érable  est  un  arbre  qui  vous  fournira  le  moyen  d'examiner 
à  loisir  le  caractère  de  cette  classe.  Les  fleurs  sortent  en  grap- 
pes; les  inférieures  sont  complètes,  et  celles  qui  sont  vers  le 
bout  sont  à  étamines;  elles  ont  un  calice  partagé  en  cinq  par- 
ties ,  une  corolle  de  cinq  pétales.  Les  fleurs  complètes  ont  en 
outre  un  pistil  et  deux  ou  trois  capsules  jointes  à  la  base  ,  apla- 
ties, et  terminées  chacune  par  une  grande  aile  membraneuse, 
et  renfermant  une  semence.  L'érable  de  montagne,  appelé 
communément  sycomore,  a  des  feuilles  à  cinq  lobes,  inégale- 
ment dentelées,  et  des  fleurs  en  grappes  très  grosses.  L'érable 

«  Valence  croisetfe ,  ou  crossette  velue. 
'  Pariétaire  officinale. 


444  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

commun  a  des  feuilles  lobées,  obtuses,  et  rognées  sur  les  bords. 
Elles  sont  généralementdivisées  jusqu'à  la  moitié  en  trois  lobes; 
les  lobes  latéraux  sont  obtusément  semi-bilides;  celui  du  milieu 
est  semi-triûde;  les  feuilles  supérieures  sont  partagées  en  cinq 
lobes  ;  les  grappes  de  fleurs  sont  plus  petites.  Cet  arbre  croît 
principalement  le  long  des  haies. 

La  fameuse  tnimosa,  ou  sensitive,  appartient  à  ce  pre- 
mier ordre  de  la  classe  polygamie.  Les  fleurs  ont  un  calice 
à  cinq  dents,  une  corolle  fendue  en  cinq  parties,  et  cinq 
étamines ,  ou  môme  davantage  ;  les  fleurs  complètes  ont  aussi 
un  pistil  et  un  légume  pour  vaisseau  à  semence.  Ce  genre  est 
foit  nombreux  ;  mais  toutes  les  espèces  ne  sont  pas  douées  de 
la  faculté  sensitive.  Celle  qui  est  la  plus  commune  dans  les  îles 
de  l'Amérique ,  et  dans  nos  serres ,  a  les  tiges  armées  d'épines 
courtes  et  recourbées,  des  feuilles  pinnées,  composées  de  quatre 
ou  cinq  couples  de  lobes ,  dont  la  base  se  joint  vers  le  point 
où  ils  sont  insérés  dans  le  pétiole ,  et  s'étendant  vers  le  haut , 
comme  les  doigts  de  la  main;  les  fleurs  sortent  des  ailes ,  portées 
sur  de  couits  pédicules  ,  en  petites  têtes  globuleuses  ;  les  co- 
rolles sont  jaunes  ;  elles  sont  remplacées  par  des  cosses  courtes, 
aplaties  et  jointes ,  avec  deux  ou  trois  semences  .orbiculaires , 
boi'dées  et  aplaties ,  renfermées  dans  chacune  des  cosses.  Quel- 
ques espèces  se  remuent  plus  promptement  que  les  autres; 
quelques-unes  laissent  tomber  seulement  les  lobes  des  feuilles, 
et  d'autres  abaissent  aussi  les  pétioles  de  toute  la  feuille.  Le 
véritable  acacia  d'Égyj">te,  et  plusieurs  autres  acacias,  ayant 
les  mômes  caractères ,  sont  renfermés  dans  ce  genre  ;  ces  plantes 
sont  trop  délicates  pour  pousser  beaucoup  de  fleurs  dans  nos 
climats. 

L'acacia  à  trois  épines  appartient  à  un  autre  genre ,  et  vrai- 
ment est  d'un  ordre  différent,  la  dioecie;  car  il  a  les  fleui-s  à 
étamines  portées  sur  un  chaton  long,  compacte  et  cylindrique, 
avec  quelques  fleurs  complètes  au  bout  ;  les  fleurs  à  pistil  sont 
sur  une  plante  séparée,  portées  sur  des  chatons  lâches.  Les 
fleurs  complètes  ont  un  calice  quadrifide ,  une  corolle  à  quatre 
pétales ,  six  étamines ,  un  pistil  et  un  légume.  Les  fleurs  à  éta- 
mines ont  un  calice  ;\  trois  feuilles  ,  une  corolle  de  trois  pétales 
et  six  étamines;  les  fleurs  ù  pistil  ont  un  calice  à  cinq  feuilles, 


SUR   LA   BOTANIQUE.  44^ 

une  corolle  à  cinq  pétales,  un  pistil  et  un  légume.  L'espèce 
commune  est  distinguée  de  l'autre  par  ses  grandes  épines ,  qui 
on  ont  généralement  deux  plus  petites,  qui  sortent  du  côté.  Les 
fleurs  sont  axillaires ,  et  sortent  souvent  en  grappes ,  vers  les 
nœuds  de  la  tige  ;  les  feuilles  sont  pinuécs  ,  et  ont  dix  couples 
de  petits  lobes.  En  Amérique,  pays  natal  de  cet  arbre,  on  le 
nomme  honey  locusl  (  caroube  à  miel  ). 

Le  frêne  appartient  aussi  à  ce  second  ordre;  quelques  arbres 
de  cette  espèce  ont  des  fleurs  complètes  ,  et  d'autres  des  fleurs 
à  pistil ,  chacune  de  ces  fleurs  étant  souvent  accompagnée  par 
les  autres.  Elles  ont  un  calice  divisé  en  quatre  parties ,  ou  n'en 
ont  point  du  tout;  elles  n'ont  point  de  corolle,  ou  bien  la  corolle 
est  composée  de  quatre  pétales,  avec  un  pistil.  Les  fleurs  com- 
plètes ont  aussi  deux  étamines ,  et  une  semence  en  forme  de 
lance.  Le  frêne  très-élevé  a  des  feuilles  pinnées,  avec  cinq  couples 
de  lobes,  qui  sont  légèrement  dentelées  sur  les  bords.  Les  fleur.s 
n'ont  ni  calice,  ni  corolle,  et  sortent  en  grappes  lâches  des 
côtés  des  branches.  Le  petit  frêne  ornier  a  les  lobes  de  la  feuille 
dentelés;  les  fleurs  sont  fournies  d'un  calice  et  d'une  corolle; 
elles  sortent  en  grandes  grappes  lâches  aux  bouts  des  branches. 
Le  frêne  d'Amérique,  ou  delà  Caroline,  a  les  lobes  tout-à-fait 
entiers,  et  les  pétioles  ronds. 

Dans  le  troisième  ordre,  la  trioecie,  nous  trouvons  le  figuier, 
qui,  quoiqu'il  porte  des  fleurs  qui  sont  visibles,  cependant  en 
a  de  cachées  dans  le  fruit,  ce  qui  nous  conduit  naturellement 
à  la  classe  nommée  polygamie.  Ce  que  nous  appelons  le  fruit 
du  ûguier,  Linnée  le  nomme  le  réceptacle,  ou  le  calice  commun 
des  fleurs;  il  le  décrit  comme  étant  de  la  forme  d'un  sabot,  qui 
sert  de  jouet  aux  enfants  ,  charnu  ,  convergent ,  terminé,  vers 
le  large  bout,  par  plusieurs  écailles,  et  ayant  l'intérieur  couvert 
de  petites  fleurs  complètes  et  incomplètes,  quelquefois  dans  le 
même  fruit,  et  quelquefois  sur  des  arbres  différents;  les  fleurs 
à  étamines  ont  un  cahce  divisé  en  trois  parties,  un  pistil,  et 
une  semence  arrondie  et  aplatie  ;  ni  les  imes  ni  les  autres  n'ont 
de  corolle.  Notre  liguier  commun  est  distingué  par  ses  feuilles 
palmées  ;  les  divers  fruits  de  ces  arbres  sont  des  variétés  qui 
proviennent  de  la  même  semence.  L'histoire  et  la  culture  de 
cet  arbre  singulier ,  telles  que  vous  les  trouverez  détaillées  dans 


44^  LETTRES    ÉLÉMENTAIRES 

les  onvrat^es  des  naturalistes ,  et  les  récits  des  voyageurs ,  se- 
ront pour  vous  une  récréation  trés-agi'éable,  qui  contribuera  à 
égayer  la  monotonie  de  nos  recherches  botaniques. 


LETTRE  XXI. 

21  juin  1777. 

Ayant  maintenant  parcouru  toutes  les  classes  des  fleurs  vi- 
sibles ,  nous  devrions,  suivant  les  règles,  examiner,  à  cette 
heure,  la  dernière  classe  du  système  où  les  fleurs  ne  sont  pas 
visibles  ;  mais,  comme  depuis  long-temps  nous  avons  tenu  une 
ligne  droite  dans  nos  recherches,  nous  nous  en  écarterons  au- 
jourd'hui ,  pour  observer  les  divers  aspects  sous  lesquels  s'offre 
le  nectaire,  dans  plusieurs  genres  de  plantes  où  il  se  trouve. 

Nous  avons  fait  mention,  en  passant,  de  ces  différentes  formes 
que  prend  le  nectaire,  en  parlant  des  caractères  du  genre;  nous 
avons  même  dit  un  mot  de  l'usage  général  de  cette  partie  de  la 
fructification;  mais  maintenant  nous  irons  plus  loin,  et  nous  di- 
rons que ,  quoique  cette  partie  de  la  fleur  n'ait  pas  été  observée 
dans  deux  cents  genres  ' ,  il  est  pourtant  vraisemblable  qu'elle 
existe  dans  tous.  Si  elle  ne  s'offre  pas  toujours  comme  une  partie; 
visible  et  distincte,  c'est  tantôt  une  glande  ou  un  pore,  tantôt 
une  rangée  de  glandes  et  de  pores  ,  d'où  exsude  ce  suc  doux  et 
visqueux,  utile  en  second  lieu  pour  la  nourriture  d'un  grand 
nombre  de  divers  insectes,  et  premièrement,  sans  doute,  né- 
cessaire à  la  fructification  de  la  plante  elle-même;  car  vous  ob- 
serverez, dans  les  corolles  tubuleuses,  monopétales,  que,  quoi- 
qu'elles n'aient  pas  de  nectaire  visible,  cependant  il  se  sépare 
un  suc  doux  dans  leur  tube  ^ ,  qui  probablement  est  fourni , 
pour  cet  effet,  de  glandes,  lesquelles  sont  trop  petites  pour  être 
aperçues  à  l'œil  nu,  mais  qu'on  pourrait  peut-èti'e  découvrir,  en 
jes  observant  de  près  avec  le  microscope.  Les  fleurs  polypétales, 
qui  ont  des  calices  ouverts,  n'ayant  point  de  tube  ou  de  bassin 

'  '  Outre  les  herbes  des  champs.  ' 

2  C'est  ce  qui  a  lieu  particulièrement  daus  le  chèvre-feuille  et  l'aloès. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  44? 

pour  recevoir  le  suc  du  nectaire ,  ont  en  général  un  corps 
destiné  à  le  préparer  et  aie  contenir,  afin  qu'il  puisse  être  dis- 
tribué aux  parties  environnantes  de  la  fructification  ,  à  mesure 
qu'elles  en  ont  besoin.  Dans  les  familles  composées  et  ombelli- 
fères  des  plantes,  à  la  vérité  on  n'a  point  observé  de  nectaire; 
mais  vous  vous  souvenez  que  dans  ces  familles  toute  la  fleur 
est  si  petite,  qu'on  ne  doit  pas  s'étonner  qu'une  partie,  aussi 
petite  que  l'est  le  nectaire  dans  les  plus  grandes  fleurs,  échappe 
à  la  vue  dans  celles  qui  sont  si  peu  apparentes.  Nous  pouvons 
cependant  présumer  qu'elles  ont  abondamment  ce  suc  doux,  qui 
remplit  le  nectaii'e,  puisque  nous  observons  que  les  insectes 
s'attachent  particulièrement  à  ces  deux  familles.  Aucun  genre 
de  plantes  de  la  classe  nommée  icosandrie  n'a  de  nectaire  dis- 
tinct; mais  alors  le  calice  est  garni  d'une  feuille,  et  forme  un 
réservoir  commode,  pour  contenir  le  suc  mielleux  qu'on  y  re- 
marque souvent  d'une  manière  très-distincte.  La  famille  verti- 
cilléc  n'a  pas  aussi  été  mise  par  Linnée  au  nombre  de  celles  où 
le  nectaire  est  visible.  Peut-être  cette  partie  n'est  pas  bien  né- 
cessaire dans  ces  plantes,  attendu  que  la  corolle  est  monopé- 
tale,  et  (pie  le  calice  monophylle  forme  un  tube  permanent. 
Cependant  plusieurs  genres  ,  appartenant  à  cet  ordre,  ont  une 
.  glande  au  fond  du  calice,  qui  entoure  la  base  du  germe.  Cotte 
glande  est  d'une  certaine  grandeur  dans  la  bugle ,  et  assez 
visible  dans  l'ortie  morte. 

L'apparence  du  nectaire  n'est  pas  aussi  commune  que  celle 
des  glandes.  Vous  avez  déjà  vu  qu'elles  sont  considérables 
dans  plusieurs  genres  de  la  famille  des  cruciformes,  qu'elles 
nous  ont  fourni  des  caractères  généi'iques ,  et  que  nous  nous 
en  sommes  servis  même  pour  fournir  le  caractère  classique.  On 
vient  dans  le  moment  de  faire  mention  qu'on  les  trouve  dans 
la  famille  verticillée  ou  labiée.  Plusieurs  genres  dispersés  dans 
différentes  parties  du  système  ont  ce  nectaire  glanduleux. 
Ainsi  \à plukenetia  (1084)  '  a  quatre  glandes  à  la  base  des  filets, 
comme  dans  la  classe  tétradynamie.  Le  cercis  (5 10)  a  une  glande 
styliformc  sous  le  germe.  La  cassita  (5o5j  a  trois  glandes  ; 
Xechites  (299)  et  la  tabernœmontana  (3oi)  en  ont  cinq,  \llier- 
nandia  (1049)  "'  ^  quatre  ou  six  qui  entourent  le  germe,  et  le 
I  Les  figures  se  rapportent  au  nombre  du  genre  dans  le  système  de  Liuuce 


44^  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

grielum  (i235)  a  une  rangée  de  glandes  oblongues  autour  du 
germe,  lesquelles  s'unissent  pour  former  une  petite  couronne. 
La  malpighia  {^no.)  a  deux  glandes  au  bas  et  sur  l'extérieur  de 
chaque  feuille  du  calice.  Dans  la  banisteria  (573)  le  cas  est  le 
même ,  excepté  qu'une  foliole  du  calice  n'a  point  de  glandes  ; 
et  par  conséquent  le  nombre  total  est  de  huit,  au  lieu  que 
dans  l'autre  il  est  de  dix.  Le  réséda  (608)  a  une  glande  qui  s'é- 
lève du  réceptacle,  entre  les  ctamines  et  le  pétale  supérieur. 
Le  croton  (io83)  en  a  cinq  fixées  au  réceptacle.  \1  astronium 
(mil  a  cinq  glandes  dans  le  disque  de  la  fleur.  La  cucurbita 
(1091I  ,  ou  le  genre  de  la  citrouille,  a  une  glande  simple, 
triangulaire  et  concave   au  centre  de  la  fleur.  Dans   le  saule 
(1098)  la  situation  est  la  même  ,  mais  la  forme  est  cylindrique. 
Une  autre  forme  très-ordinaire  sous  laquelle  se  présente  le 
nectaire,  ce  sont  les  écailles,  qui  ne  sont  dans  la  vérité  que 
des  glandes  aplaties.  La  monnleria  (85o)  et   la  vesce  (873) 
n'ont  qu'une  écaille  à  la  base  du  germe.  La  cuscute,  ou  épi- 
thyme ,  a  quatre  écailles  à  la  base  des  étamines;  mais  plusieurs 
ont  cinq  écailles,  comme  la  parnassia  (384)  •'  elles  sont  à  la 
base  des  filets  dans  la  sclirehera  (319I,  la  quassia  et  la  melas- 
toma  (5/(4);  entre  les  étamines  dans  l'iresiue  (iii3)  ;  à  la  base 
du  germe  dans  la  crassula  (3g2),  le  cotylédon  (578)  et  le  ^e- 
duni  (579)  ;  entourant  le  réceptacle  dans  la  samyda  (543)  ;  ou 
à  la  base  des  pétales  dans  \ erythoxylon  (575),  le  ranunculus 
(699),  la  grcivia  (1026),  et  \sl  fiiggelaria  (1128).  ISainaiyllis 
(406)  et  la  léontice  (424)  t)nt  six  écailles  au-dehors  de  la  base 
des  filets  dans  la  première,  et  insérées  à  la  base  des  pétales 
dans  la  seconde. 

Le  nectaire  parait  souvent  sous  la  forme  de  valvules ,  qui 
sont  généralement  au  nombre  de  cinq.  Dans  \e pliimbago  (21 3) 
elles  sont  placées  au  fond  de  la  corolle,  et  renferment  le  germe. 
Elles  entourent  le  germe  dans  Vacliyranthus  (288),  et  couvrent 
le  réceptacle  dans  la  campanula  (218)  et  la  roella  (219).  L'as- 
phodèle (421)  a  six  de  ces  valvules  insérées  à  la  base  de  la  co- 
rolle, et  qui  forment  une  arche  complète  sur  le  germe;  un  filet 
sort  de  chacune  de  ces  valvules. 

Dans  X erythronium  (4i4)  i'  y  a  deux  tubercules  calleux  à  la 
base  de  chaque  pétale  intérieur.  Dans  le  genre  du  laurier  (5o3) 


SUR  L\   BOTANlQriK.  449 

il  y  a  trois  tubercules  autour  du  germe,  et  deux  glandes 
rondes  sur  une  courte  tige  ,  près  de  la  base  de  chaque 
filet  du  lang  intérieur.  Dans  quelques  espèces  de  l'iris  il  y  a 
trois  points  à  la  base  et  sur  l'extérieur  de  la  corolle.  Dans  le 
tamus  (il  19)  il  y  a  un  point  oblong  qui  croît  à  l'intéiieur  de 
chaque  division  du  calice.  Dans  un  autre  genre,  la  xtvertia 
(Sa  i),  il  y  a  dix  de  ces  points,  deux  à  la  base  de  chaque  divi- 
sion de  la  corolle,  entourés  de  soies  dures.  Dans  l'hyacinthe  ' 
(427)  il  y  a  trois  pores  au  sommet  du  germe;  dans  les  deux 
genres  de  la  fritillaire  et  de  l'uvulaire  (412}  il  y  a  un  creux  à  la 
base  de  chaque  pétale.  Dans  la  couroime  impériale  ce  creux 
est  considérable ,  et  offre  généralement  une  grosse  goutte  du 
suc  dont  le  nectaire  est  rempU.  La  mercuriale  (iiaS)  a  deux 
pointes  subulées,  une  de  chaque  côté  du  germe.  La  vallisncria 
(1097)  a  une  pointe  sur  chaque  pétale. 

Vous  vous  lessouvenez  de  la  beile  apparence  cpi'offre  le  nec- 
taire dans  quelques  espèces  d'iris,  comme  une  ligne  longitu- 
dinale sur  les  pétales ,  laquelle  ligne  est  garnie  de  poils.  Dans 
le  lis  (410)  c'est  un  tuyau ,  ou  ligne  tubvdeuse,  le  long  du  mi- 
lieu de  chaque  pétale.  Dans  \',\franhcnia  (445)  c'est  im  canal 
qui  court  le  long  de  la  queue. 

Dans  quelques  genres  le  nectaiie  prend  la  forme  exacte  des 
pétales,  et  avait  toujours  été  confondu  avec  eux,  jusqu'à  ce 
que  Linnée  en  eût  fait  voir  la  différence.  C'est  le  cas  de  plu- 
sieurs plantes  de  la  première  classe,  et  du  lecythis  (664}  dans 
la  treizième;  dans  toutes  ces  plantes  le  nectaire  n'est  composé 
que  d'un  pétale.  Dans  le  galanthus  (4oi)  il  consiste  en  trois 
petites  feuilles  parallèles,  entaillées,  obtuses,  semblables  à  des 
pétales,  formant  \\w  cylindre  d'environ  la  demi-longueur  de  la 
corolle.  Uillicium  (611)  a  plusieurs  folioles  en  forme  d'alêne 
de  la  même  longueur  que  les  pétales  eux-mêmes.  Le  cardios- 
permurn  (498)  a  un  nectaire  à  quatre  pétales  renfermant  le 
germe;  dans  Vhartogia  (273),  la  sauvngesia  (286),  oxYhelictc- 
res  (loaS) ,  il  est  composé  de  cinq  pétales.  \] andrachne  (1095) 
a  cinq  folioles  herbacées,  bifides,  plus  petites  que  les  pétales, 
et  placées  entre  eux.  Toutes  les  hei'bes  despiés,  le  riz  (448)  et 

I  Notre  liyacintlie  sauvage,  hjacinthus  non  scriptits,  n'a  pas  rcs  pores,  on  du 
moins  ils  ne  sont  pas  visibles  à  l'œil  nu. 

R.  VII.  2C) 


45o  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

le  maïs  (1042) ,  s'accordent  en  ce  qu'elles  ont  un  nectaire  formé 
de  deux  petites  folioles  oblongues.  La  swictenia  (Sai) ,  la  melia 
(527)  et  le  melianthus  (SqS)  ont  un  nectaire  à  une  feuille ,  avec 
une  bouche  à  ])lusieurs  dents  dans  les  deux  premières  ,  et  dans 
la  dernière  au-dedans  de  la  plus  basse  division  du  calice,  près 
duquel  il  croît.  Dans  la  muxa  (ii^i)  aussi  le  nectaire  est  une 
feuille  en  forme  de  bateau  ;  cette  feuille  est  aplatie ,  pointue  ,  et 
insérée  dans  le  pétale.  Dix  petites  feuilles  conniventes ,  renfer- 
mant le  germe,  forment  le  nectaire  du  zigophyllum  (53o) , 
chaque  petite  feuille  étant  fixée  à  la  base  de  chaque  fdet.  La 
dalcchampia  (1081)  a  un  large  nectaire  composé  de  plusieurs 
plaques  ovales,  aplaties,  et  en  plusieurs  rangées. 

Je  vous  ai  fait  observer  ci-dessus  que  ,  dans  les  corolles  tu- 
buleuses,  le  suc  an  nectaire  est  séparé  dans  le  tube.  Dans  plu- 
sieurs genres  il  y  a  une  corne ,  ou  éperon ,  au  dos  de  la  fleur , 
qui  tient  lieu  de  récipient.  Plusieurs  plantes  se  sont  offertes  à 
nos  regards  avec  un  nectaire  de  cette  forme ,  comme  le  tropœo- 
lum  (466),  le  pied  d'alouette  (681),  l'aconit  (682),  la  colom- 
bine  (684  ! ,  X antirrhinum  (75o) ,  la  fumeterre  (849) ,  la  violette 
1^1007),  l'impatiente  (1008)  et  l'orchis  (1009)  ;  nous  pouvons 
ajouter  à  ces  plantes  Xa.  pinguicula  (3o),  ou  herbe  au  beurre  , 
l'utriculaire  (3i)  et  la  valériane  (44)-  Dans  quelques  espèces  de 
\ antirrhinum  la  corne  est  émoussée ,  et  ressemble  plutôt  à  un 
sac;  cette  forme  est  aussi  celle  qu'on  observe  dans  le  genre  du 
satyrium{\o\o)  :  les  genres  de  cette  famille  sont  remarquables 
pour  leurs  neotaires.  Dans  Vophrys  (loii)  le  nectaire  est  sus- 
pendu à  la  corolle  ;  il  est  plus  long  que  les  pétales ,  et  est  quille 
à  la  partie  postérieure.  Dans  le  scrapias  (1012)  il  est  de  la 
même  longueur  que  les  pétales ,  ovale  ,  gibbeux  en-dessous  ,  et 
avec  une  lèvre  ovale.  Dans  le  limodorum  (10 13)  il  est  de  la 
même  longueur  que  les  pétales ,  d'un  feuille ,  concave  ,  porté 
sur  un  pédicule ,  et  au-dedaus  du  pétale  le  plus  bas.  Dans  Xare- 
thuia  (1014)  il  est  d'une  feuille,  tubuleux,  au  fond  de  la  co- 
rolle qui  est  plissée.  Dans  le  cypripedium  (ioi5) ,  ou  pantoufle 
des  dames ,  comme  vous  l'avez  déjà  vu  ,  il  est  fort  grand  et 
enflé.  Dans  Xepidendrwn  (1016)  il  est  tubuleuxà  la  base,  tur- 
biné ou  en  forme  de  sabot,  avec  une  bouche  oblique  et  bifide. 
Ainsi  vous  observerez  que  tous  les  genres  de  cette  famille  ont 


SUR  LA   BOTANIQUE.  4^' 

des  noctairos  singuliers,  au  lieu  que  dans  les  trois  classes  où 
les  filets  sont  joints  à  peine  on  en  peut  trouver  '.  Le  genre  nom- 
breux du  carex  (1046),  ou  glayeul,  a  un  nectaire  enflé,  per- 
manent, qui  se  contracte  en-dessus,  et  dentelé  au  sommet  où 
il  est  entrouvert,  mais  continuant  d'envelopper  la  semence- 
Dans  le  ruscus  (iiBg)  il  est  aussi  enflé  et  ouvert  au  sommet; 
il  est  ovale  ,  droit,  et  de  la  même  grandeur  que  le  calice. 

Dans  plusieurs  genres  le  nectaire  prend  la  forme  de  quelque 
ustensile,  ou  autre  chose  très-connue.  Ainsi  dans  la  slraphylœa 
(374),  le  tinus  (5o4)  ,  la  winterana  (5.98)  et  Xurtica  (io54) 
ou  l'ortie,  il  est  urciolé,  on  en  forme  de  cruche.  Dans  le  nar- 
cissus  (4o3)  et  dans  Xa  pancratiuin  (4o4)  il  est  en  forme  d'en- 
tonnoir. Dans  Xepimedium  (148)  il  est  cyathiforme ,  ou  en 
forme  de  gobelet.  Dans  la  byttneria  (a68) ,  la  theobroma  (900) , 
^'ayenia  (1020)  et  la  kleinhovia  (1024),  il  est  en  forme  de  cloche. 
Dans  le  cissampelos  (i  i38)  il  est  en  forme  de  roue;  dans  Vepi- 
dendrum  (1016)  ,  le  peuplier  (ii23)  et  la  glcditsia  (1159) ,  il 
est  turbiné ,  ou  en  forme  de  sabot  qui  sert  de  jouet  aux  en- 
fants ,  étroit  au  fond ,  et  s'élargissant  vers  le  sommet.  Le  plus 
beau  de  ces  nectaires  est  celui  qui  est  en  forme  de  couronne. 
Dans  le  diosma  un  semblable  nectaire  est  placé  sur  le  germe; 
dans  Xolax  (45),  ïhamamelis  (169)  ,  le  nerium  (297),  ou  Xo- 
leander  ^  \si  periploca  (3o3) ,  la  silène  (567)  et  la  cherleria 
5^570),  il  termine  le  tube  de  la  corolle;  mais  dans  la  fleur  de  la 
passion  (1021)  c'est  une  triple  couronne,  ou  gloire,  dont  l'ex- 
térieure est  la  plus  longue,  et  entoure  le  style. 

Dans  \a  garidella  (571) ,  la  nigella  (685)  et  l'ellébore  (702)  , 
ies  nectaires  sont  bilabiés.  La  première  en  a  cinq,  la  seconde 
huit,  et  la  troisième  en  a  un  nombre  incertain.  Le  trolUus 
(700)  a  neuf  corps  linéaires,  aplatis,  courbés,  perforés  à  la 
base  sur  l'intérieur.  Uisopyrum  (701)  a  cinq  nectaires  égaux , 
tubuleux  et  courts,  avec  une  bouche  trilobée,  insérée  dans  le 
réceptacle ,  au-dedans  des  pétales. 

Dans  Xarum  (1028) ,  les  nectaires  ressemblent  aux  filets  des 
étamines  ;  seulement  ils  deviennent  épais  au  fond.  Ils  sortent 
en  deux  rangées  du  milieu  du  spadLr.  Dans  Xepcganum  (610) , 

I  Dans  la  monadelpbie  et  la  polyadelpliie  i!  n'y  un  a  qu'un  dans  cliaqiie;  dam 
ïa  diadclpbie  il  y  en  a  trois. 

29. 


452  L  KTTRES  JE  1. 1':»!!-:  JV  T  A I R  ES 

les  filcls  tux-mènies  sont  dilatés  en  nectaires  à  la  base.  Dans  la 
fevillca  (^iiiS),  ils  consistent  en  cinq  filets  comprimés,  cour- 
bés, et  placés  alternativement  avec  les  etamlnes.  Dans  la  tti- 
chilia  (5a8) ,  le  nectaire  est  cylindrique  et  tubuleux  ,  formé  de 
dix  filets  plus  courts  que  les  pétales ,  et  avec  une  bouche  à  cinq 
dents. 

Vous  avez  observé  qiw  plusieurs  nectaires ,  dont  on  a  déjà 
fait  mention,  ont  une  connexion  intime  avec  le  germe.  C'est 
une  situation  si  commune,  pour  cette  partie  de  la  fleur,  que 
quelques  personnes  ont  soupçonné  que  son  seul  et  principal 
usage  était  d'alimenter  le  germe.  Il  y  a  plusieurs  autres  genres, 
dans  lesquels  il  est  ainsi  placé.  Dans  la  mirabilis  (242) ,  ou 
merveille  dfu  Pérou,  il  est  glebuleux,  permanent,  et  renferme 
le  germe.  Dans  le  cissus  (147),  la  celosia  (289),  le  limeum 
(463) ,  et  le  phyllanthus  (io5o) ,  c'est  un  anneau  qui  entoure 
le  germe.  Dans  le  cynanchum  (3o4),  il  est  cvlindrique,  avec 
une  bouche  à  cinq  dents.  Dans  Xapocynum  (3o5),  Vasclcpias 
(3o6) ,  et  la  stapelia  (Say) ,  il  est  composé  de  cinq  corps,  qui , 
dans  la  seconde  et  la  troisième  de  ces  plantes,  cachent  leséta- 
niines  et  les. pistils,  et,  dans  la  troisième,  forment  une  double 
étoile.  Tous  ces  nectaires  environnent  le  germe.  Dans  \viguaL- 
theria  (55 1),  il  est  composé  de  dix  corps  en  forme  d'alêne, 
droits  et  entourant  le  germe,  placés  entre  les  étamines. 

Cependant  il  ne  faut  pas  dissimuler,  que,  de  quelque  usage 
que  ces  corps  puissent  être  au  germe,  quand  ils  lui  sont  adhé- 
rents, ou  lorsqu'ils  en  sont  voisins,  on  les  trouve  souvent  pla- 
cés sur  d'autres  parties  de  la  fructification.  Nous  en  avons  déjà 
rencontre  plusieurs  exemples,  et  nous  pouvons  y  ajouter  celui 
de  la  bromelia  (395) ,  où  on  les  trouve  sur  les  pétales,  croissant 
près  de  chacun  des  trois,  au-dessus  de  la  base.  Dans  le  berhe- 
ris  (442),  ou  l'épine- vinette ,  ce  sont  deux  corps  arrondis,  de 
couleur  d'orange  à  la  base  de  chaque  pétale;  dans  Xhcrmannia 
(828) ,  chaque  pétale  a  une  petite  membrane  qui  forme  un 
tube  garni  d'un  capuchon.  Dans  ï hydrophjllum  (204),  et  la 
reaumuria  (686),  ce  sont  des  lames  ou  plaques,  qui  ci'oissent 
près  des  pétales.  Dans  le  myosurux  (394),  il  y  a  cinq  corps  en 
forme  d'alêne.  On  trouve  le  nectaire  sur  le  calice,  dans  le  tj'o- 
pœolum  ,  dont  on  a  fait  mention  ci-dessus;  dans  le  monotropa 


SUR    LA   BOTANIQUE.  4^^ 

(536) ,  dans  queUjues  espèces  de  biscutella  (808) ,  qu'on  a  ci- 
tées aussi  painii  les  plantes  qui  ont  des  nectaires  glanduleux. 
Cette  partie  est  une  glande  globuleuse  sur  le  bout  extérieur 
des  anthères,  dans  \ adcnanthera  (526);  ;\  leur  base,  dans  Xam- 
brosinia  (i238)  ;  et  sur  les  filets  en  forme  de  glandes,  dans  le 
dictame  (Saï)  ;  en  forme  d'écaillés,  dans  le  zygophillum  (53o); 
placées  horizontalement  sur  les  vrais  filets ,  dans  la  commelina 
(G2),  et  dans  le  plurnbago,  la  cainpanula  et  la  roelld,  qu'on  a 
cités  ci- dessus.  Enfin  les  nectaires  sont  placés  assez  souvent 
sur  le  réceptacle,  comme  dans  le  lathrœa  (743),  la  clutia 
(ii/io) ,  le  viellanthus  {']f)^) ,  et  quelques  autres;  mais  ils  sont 
si  voisins  dvi  germe  qui  prend  son  origine  de  la  même  base, 
qu'on  peut  très-bien  conjecturer  qij'ils  sont  placés  \h  pour  son 
ttsage. 

l\Iais  que  dirons-nous,  (juand  nous  trouverons  le  nectaire 
dans  les  fleurs  à  étan)ines  incomplètes,  lesquelles  n'ont  point  de 
germe;  comme  dans  le  saule  (1098) ,  Xastroinuin  (i  1 1 1) ,  l'ire- 
sine  (  1 1 1 3) ,  XAfevillea  (i  1 1 8) ,  le  peuplier  (  1 1 231 ,  la  rhodiola 
(1124),  la  Mggelaria  (1128),  le  cissarnpelos  (ïi38),  le  rnsciis 
\^i  139),  la  clutia  (i  i4o)  et  Xophioxilon  (i  142)?  Dans  toutes  ces 
circonstanciés  il  ne  peut  certainement  être  d'aucun  usage  inuné- 
diat  pour  le  germe,  qui  non-seulement  est  sur  une  fleur  dis- 
tincte ,  mais  encoi'e  sur  une  plante  différente.  Cependant  le 
germe  étant  la  partie  la  plus  im]iortantc  du  végéta! ,  puisqu'il 
est  destiné  par  la  nature  à  produire  ime  nouvelle  plante  du 
même  genre,  et  toutes  les  parties  de  la  Heur  servant  en  quel- 
que sorte  à  cet  objet,  tout  ce  qui  peut  être  utile  à  ces  mêmes 
parties  doit  êtie  regardé  comme  servant  médiatement  au 
germe. 

Mais  retournons  à  notie  histoire  des  faits,  et  finissons  celle 
discussion  aride,  dont  je  ne  vous  aurais  pas  importunée,  si  j'a- 
vais pu  vous  indiquer  quelque  auteiu*  qui  vous  eût  donné  la 
facilité  de  voir  dans  un  même  tableau  les  différentes  formes  et 
situations  du  nectaire. 

Jusqu'ici  vous  avez  observé  que  cette  belle  partie  de  la  fleur 
est  généralement  simple,  quoique  dans  plusieurs  cas  elle  soit 
formée  de  plusieurs  portions.  Cependant,  dans  quelques  genres, 
elle  est  double.  Ainsi,   dans  la   f>mn>eria  '161),  il  v  a  deux 


454  LETTRES   ^LliMENTAIRES 

nectaires  placés  l'un  sur  l'autre;  dans  la  stapelia,  comme  vous 
l'avez  déjà  vu,  il  y  a  une  double  étoile,  aplatie  et  quinquifide; 
l'inférieure  a  les  divisions  linéaires  déchirées  au  bout  ;  elle 
entoure  les  étamines  et  les  germes  ;  l'étoile  supérieure  a  des 
divisions  aiguës ,  entières  ,  qui  couvrent  les  germes  et  les  éta- 
mines. On  observe  quelque  chose  de  semblable  dans  Xasclepias, 
dont  les  fleurs  ont  une  structure  particulière,  qui  mérite  votre 
attention.  \ja.  pauUinia  (49?)  aussi,  et  le  sapindus  (-'199)» 
ont  deux  nectaires  fort  différents  l'un  de  l'autre.  L'un  consiste 
en  quatre  pétales  insérés  dans  les  queues  des  vrais  pétales; 
l'autre  est  formé  par  quatre  glandes,  qui  sont  à  leurs  bases. 
Je  puis  vous  faire  observer  ici  que,  quoique  l'usage  général  du 
nectaire,  comme  le  nom  l'implique,  soit  de  verser  au-dehors 
une  liqueur  mielleuse,  cependant  il  ne  paraît  pas  que  tous  les 
corps  auxquels  Linnée  a  donné  ce  nom  servent  à  cet  effet.  C'est 
j)eut-ètre  le  cas  des  nectaires  qu'on  observe  dans  les  plantes 
que  nous  venons  de  citer,  et  peut-être  dans  celles  où  cette 
partie  est  double.  Enfin  ]aclutia  (ii4o)  a  deux  rangées  de  nec- 
taires, l'une  au-dedans  de  l'autre.  La  rangée  extérieure  est 
composée  de  cinq  corps  oblongs,  partagés  en  trois  parties, 
placés  en  cercle  au-dedans  des  pétales ,  et  de  la  même  lon- 
gueur que  leurs  queues;  la  rangée  intérieure  est  de  cinq  petites 
glandes ,  qui  sont  certainement  pleines  de  miel  au  sommet.  On 
observe  que,  dans  les  fleurs  à  pistil  de  ce  genre,  il  n'y  a  point 
de  glandes  ou  de  nectaires  intérieurs,  et  les  extérieurs  sont  de 
la  même  grandeur,  et  dans  la  même  situation,  mais  diffèrent 
pour  la  forme  ,  étant  arrondis  et  didymcs  ,  ou  jumeaux. 

Pour  ce  qui  concerne  la  forme  et  les  variations  dans  les 
autres  parties  de  la  fructification,  qui  servent  à  établir  le  carac- 
tère générique  des  végétaux,  vous  trouverez  à  vous  contenter 
dans  les  livres  élémentaires.  Vous  ne  manquerez  pas  aussi 
d'instruction  sur  les  feuilles,  et  les  auties  parties  et  circon- 
stances qui  forment  les  différences  de  dix  mille  cent  espèces, 
qui  renferment  toutes  les  plantes  connues  jusqu'à  présent;  vous 
n'aurez  qu'à  lire  les  mêmes  auteurs  qui  ont  traduit  l'ouvrage 
original  de  Linnée.  Je  vous  ferai  senlement  remarquer  qu'une 
attention  plus  exacte,  dans  l'observation  des  végétaux,  a  fait 
découvrir  à  Linnée  des  parties  que  les  botanistes  préct^Jents  n'a- 


SUR   LA   BOTANIQUE.  4^5 

valent  point  aperçues;  et  que  sa  sagacité  et  son  génie  supérieur 
l'ont  mis  en  état  de  faire  un  usage  plus  étendu  des  parties  qui 
avaient  été  connues  avant  lui.  Les  parties  dont  je  veux  vous 
parler  ici  sont  ce  qu'il  appelie/M/cra,  appuis  ou  supports  de  la 
plante.  Parmi  ceux-ci,  les  bras,  c'est-à-dire  les  épines,  les  pi- 
quants, les  agrafes  ou  tendrons,  quelques  sortes  de  pubes- 
cence  ,  et  peut-être  les  glandes,  avaient  été  observés  dans 
quelques  espèces,  mais  d'une  manière  vague  et  imparfaite; 
ma.s  le  stipule,  qui  est  une  écaille  à  la  base  des  pétioles  ,  et  la 
bractée,  qui  est  une  écaille  ou  petite  feuille  près  de  la  fleur, 
n'avaient  pas  même  été  nommés.  On  n'avait  pensé  en  aucime 
manière  à  se  servir  de  ces  sept  parties  importantes ,  quoique 
petites,  pour  distinguer  les  espèces,  ce  à  quoi  elles  sont  si 
propres,  soit  parleur  constance,  soit  parleur  abondante  variété. 
Linnée  a  pris  aussi  fort  heureusement,  dans  d'autres  circon- 
stances, la  pure  forme  pour  établir  les  différences  spécifiques, 
et  pour  d'autres  vues.  Telles  sont  la  manière  dont  les  feuilles 
et  les  branches  se  ramifient;  l'intorsion,  ou  la  manière  dont  les 
tiges  se  tournent  et  se  courbent  ;  la  gemmation  ,  ou  diverses 
constructions  des  bourgeons;  la  foliation  ,  ou  les  divers  plis 
des  feuilles,  avant  qu'elles  soient  étendues  ;  l'inflorescence,  ou 
la  manière  dont  les  fleurs  sont  unies  à  la  base  par  leurs  pé- 
dicules. Toutes  ces  circonstances,  et  quelques  autres  que  j'ai 
omises,  vous  fourniront,  suivant  l'occasion,  des  marques  pour 
distinguer  les  plantes  les  imes  des  autres,  et  ces  marques  se- 
ront même  plus  sûres,  dans  certains  cas,  que  la  forme  elle- 
même.  Efles  méritent  par  conséquent  votre  attention.  Mais  j'ai 
déjà  trop  abusé  de  votre  patience;  et  je  vais  vous  laisser  va-" 
quer  à  des  occupations  plus  importantes. 


LETTRE  XXII. 

4  octobre  1777. 

J'ai  enfin  trouvé  le  temps,  ma  chère  cousine,  de  vous  en- 
vover  ma  dernière  lettre  sur  la  botanique.  .Te  ne  me  suis  pas 


456  LETTRES  JÈLÉMENTAIRES 

presse"  de  vous  écrite,  parce  que  vous  avez  trouvé  assea  d'oc- 
cupation pendant  l'été,  soit  à  examiner  les  plantes  qui  vous 
avaient  échappé  précédemment,  soit  à  tâcher  de  découvrir 
leurs  nectaires  et  les  autres  parties ,  qui ,  par  leur  petitesse ,  se 
dérobent  au  premier  regard. 

Quant  à  la  dernière,  et  à  la  plus  basse  classe  des  végétaux ,  la 
cryptogamie,  je  ne  vous  en  parlerai  que  fort  légèrement ,  pour 
le  présent ,  parce  que  cette  classe ,  quoique  remplie  de  beautés 
lorsqu'on  l'examine  avec  cette  attention  qu'exigent  les  petits 
objets ,  offrirait  trop  de  difiicultés  à  notre  jeune  cousine ,  et 
peut-être  serait  même  peu  intéressante  pour  vous,  à  moins  que 
vous  n'ayez  pris ,  pour  la  botanique,  une  passion  plus  forte  que 
je  ne  le  désire.  Il  faut  aussi  chercher  les  plantes  de  ce  genre 
dans  des  lieux  et  dans  des  saisons  qui  ne  s'accorderaient  pas 
avec  la  délicatesse  de  votre  santé  ;  et  je  ne  veux  pas  que  vous 
risquiez  de  perdre  un  bien  si  précieux,  même  dans  les  re- 
cherches qui  vous  seraient  le  plus  agréables.  Un  exercice  mo- 
déré, tel  que  celui  auquel  vous  engagera  l'étude  de  la  natui'e, 
cette  gaieté,  cette  tempérance  et  cette  régularité  qu'on  remar- 
que en  vous,  vous  assurent  la  jouissance  de  ce  trésor  si  pré- 
cieux, dont  mes  vœux  les  plus  ardents  demanderont  toujours, 
pour  vous,  à  l'Etre  suprême,  qu'il  vous  accorde  la  plus  longue 
possession. 

Vous  savez  déjà  la  signification  de  ce  mot  crvptogamie,  et 
vous  connaissez  le  caractère  de  la  classe  que  désigne  cette  dé- 
nomination ;  on  vous  a  déjà  parlé  des  quatre  ordres  dans  les- 
quels elle  se  divise,  ainsi  que  de  leurs  caractères;  j'ai  donc 
seulement  à  vous  entretenir  du  petit  nombre  d'espèces  qui  s'of- 
frent d'abord  à  nos  recherches,  et  où  les  caractèces  génériques 
et  spécifiques  sont  le  moins  cachés. 

Il  y  a  ,  dans  cette  classe,  cmquante-un  genres,  et  huit  cent  cin- 
quante-huit espèces. 

Les  plantes  du  premier  ordre ,  les  fougères ,  sont  aussi 
grandes,  et  souvent  ont  toutes  leurs  parties  aussi  apparente^ 
que  celles  des  classes  précédentes.  On  voit ,  à  l'œil  nu ,  qu'il  y  a 
une  fructification,  (juoiqu'on  ne  puisse  en  distinguer  les  di- 
verses parties.  On  a  déjà  déci'it  sous  quelle  forme  on  les  dé- 
couvre, en  s'aidant  du  microscope. 


SUR  LA  BOTAÎfIQUE.  4^7 

Eu  général,  ce  qui  constitue  la  fructification  dans  les  fougères , 
se  trouve  sur  le  dos  des  feuilles.  Cependant  cela  n'est  pas  géné- 
ral; par  exemple  ,  dans  le  genre  equisetwn,  ou  queue  de  cheval, 
les  parties  de  la  fruclilication  sont  portées  sur  un  épi ,  chacune 
de  ces  parties  étant  peltée  et  entr'ouverte  à  la  base,  qui  a  plu- 
sieurs valvules.  Hedw  ig  a  décidé  que  les  fleurs  des  queues  de 
cheval  et  des  langues  de  serpent  étaient  hermaphrodites.  La 
queue  de  cheval  des  blés'  a  ses  éjns  sur  une  tige  nue,  et  d'au- 
tres tiges  garnies  de  feuilles  et  infécondes  sortent  les  dernières 
dans  la  saison.  La  queue  de  cheval  des  bois  ^  a  les  feuilles  com- 
posées ou  divisées,  et  les  épis  au  bout  des  mêmes  tiges.  Une  es- 
pèce, qu'on  trouve  communément  dans  les  fossés^,  à  peine  a 
des  feuilles,  et  est  parfaitement  unie.  Elle  diffère  à  cet  égard 
de  la  prêle  ^  dont  on  se  sert  pour  polir,  et  qui  est  rude. 

Uophioglossurn ^  ou  langue  de  serpent,  a  de  même  les  par- 
ties de  la  fructification  sur  un  épi ,  dans  une  rangée,  le  long  de 
chaque  côté,  laquelle  rangée  a  des  jointures.  Dans  l'état  de 
maturité,  ces  jointiues  s'entr 'ouvrent  transversalement.  Notre 
espèce  commune^,  qu'on  trouve  dans  les  prairies  humides, 
peut  être  distinguée  par  sa  feuille  ovale. 

iJosmunda  pareillement  a  un  épi  distinct  de  la  feuille  ;  elle  est 
branchue,  et  chaque  partie  composante  de  la  fruclilication  est 
globuleuse.  L'herbe  de  la  lune  '' ,  qui  croît  dans  les  pâturages 
secs,  a  une  tige  nue  et  une  feuille  pinnée,  qui  forment  l'ensemble 
de  cette  petite  fougère.  La  fougère  fleurie, ou  osmonde  royale, 
est  une  grande  espèce  qu'on"  trouve  dans  les  fondrières  ;  elle  a 
des  feuilles  bipinnées,  qui  portent  à  leur  sommet  les  parties  de  la 
fructification  en  grappes.  L'acrostique  des  bois  a  des  feuilles 
pinnatifîdes ,  avec  les  divisions  conflucntes,  tout-à-fait  entières 
et  parallèles.  Ces  feuilles  sont  de  deux  sortes  ;  les  plus  étroites 
sont  couvertes  des  parties  de  la  fructification  sur  leur  dus ,  et  les 
plus  larges  sont  infécondes.  Cette  plante  s'éloigne  par  consé 

1  Prêle  lies  champs. 

2  Prêle  des  bois. 

3  Prêle  des  marais. 

4  Prêle  d'hiver. 

5  Ophioi'losse  vulgaire. 
'  O[)liioglo.sse  ailée. 


458  LETTRES  lÉLÉMENTAJRES 

quent  du  caractère  du  genre,  ayant  une  feuille  féconde  au 
lieu  d'épi,  laquelle  feuille  est  distincte  de  celle  qui  est  infé- 
conde. 

Les  genres  dont  il  reste  à  parler  ont  les  parties  de  la  fructi- 
fication invariablement  sur  le  dos  des  feuilles.  Dans  Vacrosti- 
chum  elle  couvre  tout  le  disque  ;  dans  le  pteris  on  les  trouve 
seulement  autour  du  bord.  La  fougère  commune  * ,  qui  est  si 
abondante  dans  les  terrains  incultes  et  dans  les  bois,  a  des 
feuilles  sur -décomposées,  ou  triplement  pinnéés;  les  petites 
feuilles  sont  pinnées;  les  lobes  en  forme  de  lance  ;  les  inférieurs 
sont  pinnatitides,  et  les  supérieurs  le  sont  moins. 

Uasplenium  *  a  les  parties  de  la  fructification  en  lignes  qui 
sont  fréquemment  parallèles.  La  langue  de  cerf  ^  a  des  feuilles 
simples,  en  forme  de  cœur  alongé,  et  creusées  près  du  pétiole; 
elles  sont  tout-à-fait  entières ,  et  les  pétioles  velus.  Cette  plante 
croît  sur  les  rochers,  et  dans  les  endroits  qui  sont  à  l'ombre,  il 
y  a  plusieurs  espèces  plus  petites,  avec  des  feuilles  pinnées 
ou  décomposées ,  assez  communes  sur  les  murailles  et  les  ro- 
chers. 

Dans  le  polipode,  les  fructifications  sont  en  petits  points 
distincts,  arrondis,  placés  en  rang,  et  croissant  si  fort  en  vo- 
lume, à  mesure  qu'ils  avancent  en  maturit*;,  qu'ils  occupent 
tout  le  disque  en  quelques  espèces,  et  la  plus  grande  partie  en 
d'autres.  Le  polipode  commun  a  des  feuilles  pinnatifides ,  les 
pinnes  ou  lobes  oblongs  un  peu  dentelés  et  obtus;  la  racine  a 
des  écailles  ;  cette  plante  est  commune  sur  les  arbres  ,  les 
murs  et  les  rochers.  Plusieurs  espèces  qu'on  appelle  générale- 
ment fougères ,  à  cause  de  la  disposition  des  parties  de  la  fruc- 
tification ,  appartiennent  à  ce  genre.  Parmi  celles-ci ,  la  plus 
commune  est  celle  qu'on  nomme  vulgairement  fougère  mâle. 
On  la  trouve  dans  les  bois ,  les  bruyères ,  et  sur  les  rochers. 
Elle  ne  couvre  pas  la  terre,  comme  la  fougère  ordinaire, 
mais  elle  croît  en  parties  détachées.  Les  feuilles,  dans  cette  es- 
pèce, sont  doublement  pinnées;  les  pinnes  ou  lobes  sont  ob- 
tus et  crénelés,  ou  légèrement  entaillés. 

'  Pteris  aquilin ,  oii  fougère  femelle. 
^  En  français  ,  doradille. 
i  Doradille  wolopendre. 


SUR  LA   BOTANIQUE.  4-^9 

Knfin  XatUanthum  ,  ou  capillaire,  a  les  parties  de  la  fx'uctili- 
cation  dans  des  taches  placées  sur  le  bord  de  la  feuille,  qui  est 
pliéc  en  arrière.  Le  véritable  capillaire  ',  qu'on  emploie  pour 
taire  le  sirop  qui  porte  ce  nom ,  appartient  à  ce  genre ,  et  a  des 
feuilles  décomposées,  les  feuilles  composantes  alternes,  et  les 
lobes  en  forme  de  coin ,  lobés  et  pédicules.  Cette  plante  croît , 
mais  rarement,  sur  les  rochers  et  les  murailles  *. 

Les  plantes  du  second  ordre,  les  mousses,  ont  des  feuilles 
semblables  à  celles  des  végétaux  les  plus  parfaits ,  et  distinctes 
de  la  tige.  En  cela,  elles  diffèrent  des  fougères,  dans  lesquelles  la 
tige  et  la  feuille,  et  souvent  les  parties  de  la  fructification,  sont 
mêlées.  Elles  sont  permanentes  ,  et,  quelque  desséchées  qu'elles 
soient,  elles  se  raniment  lorsqu'elles  sont  exposées  à  l'humidité,, 
comme  Haller  eu  a  fait  l'épreuve  dans  quelques  plantes  de  l'her- 
bier de  Gaspar  Bauhin,  qui  avaient  demeuré  plus  d'un  siècle 
dans  l'état  de  dessication.  Vous  les  connaissez  par  leur  appa- 
rence, ou  par  leur  port,  suivant  l'expression  des  botanistes.  On 
vous  a  déjà  donné  une  idée  générale  de  leur  fructification,  au- 
tant qu'on  peut  découvrir  à  l'œil  nu  les  diverses  parties  dont 
elle  est  constituée.  Il  n'y  a  que  des  microscopes  d'une  grande 
force  qui  puissent  nous  en  donner  une  connaissance  parfaite. 

Les  caractères  génériques  des  mousses  sont  tirés  des  tètes 
qui  sont  sessiles,  ou  que  la  plante  pousse  sur  une  tige  nue  et 
déliée.  Linnée  appelle  cette  partie  anthère;  mais,  malgré  l'au- 
torité de  cet  illustre  naturaliste,  je  l'appellerai  l'urne.  Elle  est 
nue  dans  quatre  genres-^,  c'est-à-dire,  qu'elle  n'est  point  cou- 
verte d'un  calj'ptre,  ou  voile;  dans  les  sept  autres  genres,  elle 
en  a  un. 

Le  fycopodium,  ou  mousse-pied-de-loup,  aune  urne  sessile, 
ù  deux  valvules,  sans  aucune  coiïie.J^c  s phagnurn  .,  ou  mousse 
des  marais,  aies  urnes  garnies  d'un  opercule,  avec  une  bouche 
unie.  L'espèce  grise'' est  commune  sur  les  marais,  dont  elle  cou- 
vre une  grande  étendue;  on  la  connaît  non- seulement  par  sa 
couleur  grisâtre,  mais  encore  par  ses  branches,  qui  sont  pliées. 

•  Capillaire  de  Montpellier. 

2  Elle  est  commune  aux  environs  de  Montpellier,  dans  le  Languedoc,  et  l'in- 
térieur de  certains  puits. 

3  En  français,  lycopode,  porellc,  spbaigue  et  phabque. 
•i  Sphaigue  des  marais. 


46o  LETTRES  ^LIÎMBNTAIRES 

Le  polytricum  a  les  unies  garnies  d'un  opercule,  portées 
sur  une  petite  émincnce  ,  (pii  est  une  espèce  de  réceptacle ,  et 
que  Linnée  nomme  l'apophyse,  et  Haller  le  disque.  L'urne  est 
couverte  d'une  coiffe  garnie  de  poils.  Il  y  a  une  étoile  ,  ou 
rose,  sur  un  individu  distinct  qui  a  généralement  été  pris  pour 
la  fleur  à  pistil  ;  Haller  la  regarde  plutck  comme  une  espèce  de 
bouton,  d'où  soi'teut  de  nouvelles  branches. L'espèce  commune, 
appelée  politric  commun  ,  ou  perce-mousse  ,  est  connue  par  sa 
tige,  qui  est  simple,  et  la  forme  parallèle  de  ses  urnes.  C'est 
une  grande  espèce  de  mousse  qu'on  trouve  abondamment  dans 
les  bois,  les  bruyères  et  les  marais. 

Les  trois  genres  de  mousses  qui  restent  à  décrire ,  et  qui 
sont  les  principaux  et  les  plus  nombreux ,  sont  distingués  de 
cette  manière.  Le  mniiun  s'accorde  avec  \e  polytrichum ,  en  ce 
qu'il  a  deux  sortes  de  fructilication  ;  l'une  est  une  urne  à  oper- 
cule, avec  une  coiffe  unie  ,  l'autre  est  une  étoile  ou  rose,  dans 
le  disque  de  laquelle  ii  y  a  quelques  corps  globuleux,  petits  et 
couverts  de  poussière.  Le  hryum  et  Xhypnurn  n'ont  point 
de  ces  étoiles  ou  roses;  elles  ont  l'une  et  l'autre  des  urnes  à 
opercules  ,  avec  une  coiffe  unie ,  et  se  distinguent  entre  elles 
par  la  tige  qui  supporte  l'urne,  laquelle  tige  est  nue,  et  s'élève 
d'un  tubercule  dans  la  première  ,  au  lieu  que  dans  la  seconde , 
elle  sort  du  côté  de  la  branche,  et  est  entourée  au  bas  par 
ime  gaine  écailleuse  ,  ou  réceptacle. 

Il  y  a  une  espèce  de  mniiirn ,  dont  les  filets  ou  tiges  proli- 
fères sont  si  fort  sensibles  à  l'humidité ,  qu'on  lui  a  donné  le 
nom  d'hygromètre'.  Celle-ci  n'a  point  de  tige;  les  urnes  sont 
flottantes,  turbinées,  ou  en  forme  de  poire  ,  avec  des  coiffes 
réfléchies  ,  et  formant  quatre  angles  ;  les  feuilles  ovales  for- 
ment une  tète  ;  elles  sont  d'un  vert  jaunâtre ,  et  les  pédicules 
ont  un  pouce  et  demi  de  hauteur  ;  ils  sont  rouges ,  qu  d'une 
couleur  d'orange. 

L'nc  des  espèces  les  })lus  communes  de  hryum  est  la  cheve- 
lure ',  qui  couvre  les  vieux  toits  de  chaume  des  cabanes.  Celle- 
ci  a  les  urnes  presque  droites ,  et  les  feuilles  terminées  en 
cheveux  et  recourbées.  Le  hryum ,  en  forme  de  pomme  a  de 

'  Mule  hygiomètre. 
»  Bry  rustique. 


SUR   LA   BOTANIQUE.  4^>  ' 

grandes  tètes  sphériques  ,  et  dans  l'espèce  pyriforine ,  elles  ap- 
prochent de  la  forme  ovale  ,  et  sont  couvertes  d'une  coiffe  res- 
semblant  pour  la  figure  à  une  alêne.  Les  rejetons  sont  sans 
lice,  et  les  feuilles  sont  ovales  et  sans  barbe.  Le  hrium  brun  '  a 
des  capsules  droites,  arrondies,  avec  un  opercule  pointu.  C'est 
une  fort  petite  mousse  qui  croît  à  fleur  de  terre,  en  touffes  épais- 
ses; les  tiyes  ont  trois  ou  quatre  lignes  de  hauteur  ,  et  quand  les 
urnes  ont  perdu  leur  opercule  ,  elles  ont  une  apparence  tron- 
quée ,  ce  qui  a  fait  donner  à  cette  mousse  le  nom  de  bryvm 
truncatulum. 

'Vhypnum  soyeux  ,  l'une  des  plus  lielles  mousses  ,  mais  des 
moins  communes  du  genre,  est  connue  par  ses  rejetons  ram- 
pants, ses  branches  droites  et  touliues  ,  ses  feuilles  en  forme 
d'alêne  ,  et  ses  urnes  droites.  Cette  mousse  croît  dans  les  en- 
droits secs  ,  tels  que  les  murs  et  les  ai-bres  ,  et  dans  les  endroits 
humides ,  comme  les  prairies.  Dans  la  première  ,  les  feuilles 
sont  étroites  ,  et  collées  contre  la  tige  ;  dans  la  seconde  ,  elles 
sont  plus  larges,  répandues  et  brillantes  comme  la  soie.  Les  ur- 
nes sont  longues  ,  rondes  ,  et  s'élargissent  un  peu  au  bas.  Elles 
ont  une  bouche  déliée  ,  garnie  de  cils ,  un  opercule  à  bec  et 
de  couleur  d'écarlate ,  avec  une  coiffe  pâle.  Elles  sont  soute- 
nues par  une  tige  pourpre  ,  ou  pédicule,  de  demi -pouce  ou 
d'un  pouce  de  hauteur ,  entouré  à  la  base  par  une  gaîne  écail- 
leuse ,  courte  et  épaisse.  Cette  mousse  peut  donner  une  idée 
des  espèces  nombreuses  d!hypnum  ;  et  nous  allons  maintenant 
passer  au  troisième  ordre  de  la  classe  cryptogamie. 

Cette  classe  contient  les  algues  ,  qui  sont  principalement  les 
lichens  ,  ou  épathiques  et  herbes  de  mer  ,  et  quelques  autres 
en  petit  nombre,  qu'on  appelle  vulgairement  mousses,  mais 
qui  ont  réellement  le  caractère  de  cet  ordre.  Dans  ces  der- 
nières ,  la  marchante  étoilée  peut  servir  d'exemple  ;  elle  croît 
près  des  ruisseaux  et  des  fontaines  ,  dans  des  endroits 
humides  et  à  l'ombre  ,  ou  sur  des  murs ,  le  long  desquels  les 
eaux  s'écoulent.  Il  y  a  deux  fructifications  distinctes  dans  ce 
genre  ;  l'une  qui  est  composée  de  plateaux  convexes  ,  ou 
souvent  découpés  en  leur  bord  ,  portés  chacun  sur  un  pé- 
dicule assez  long ,  et  chargés  en-dessous  de  plusieurs  gio- 

I  Bry  tronqué. 


462  LETTRES   ÉLÉMENTAIRES 

bules  uniloculaires  ,  plurivalves  ,  et  qui  contiennent  une  pous- 
sière fine  ,  attachée  à  des  poils  ;  l'autre  fructification  est  sessile, 
formée  comme  une  tasse  ou  coupe,  et  contenant  plusieurs  pe- 
tits corps  arrondis ,  que  quelques-uns  prennent  pour  des  se- 
mences. L'espèce  désignée  ici  est  distinguée  par  le  calice  com- 
mun ,  qui  est  fendu  en  dix  parties  ;  elle  varie  beaucoup  pour 
son  apparence  ,  et  c'est  de  là  que  lui  vient  le  nom  vulgaire 
qu'on  lui  a  donné  de  multiforme.  Ce  genre  est  évidemment 
l'anneau  qui  sert  à  unir  les  mousses  et  les  lichens  que  nous 
allons  maintenant  examiner. 

Ce  genre  a  un  réceptacle  ou  calice  commun ,  arrondi ,  aplati 
et  luisant ,  qui  raiemeut  est  élevé  ;  les  feuilles  sont  saupoudrées 
d'une  espèce  de  farine.  Comme  le  réceptacle  prend  un  grand 
nombre  de  formes  ,  cela  a  donné  lieu  de  former  ime  subdivision 
de  ce  genre,  qui,  sans  cela,  serait  fort  embarrassant.  Les  li- 
chens couvrent  en  abondance  les  rochers ,  la  terre ,  les  végé- 
taux, particulièrement  les  arbres ,  en  forme  de  farine,  de  croûte , 
de  feuille  ou  de  filet.  L'âge ,  le  sol  et  la  situation  font  une  si 
grande  différence  pour  l'apparence ,  qu'un  grand  nombre  de 
variétés  ont  été  regardées  comme  des  espèces.  Les  sections  du 
genre  des  lichens  sont  :  premièrement  les  tubercules  ,  qui  con- 
sistent en  une  croûte  adhérente  de  très-près  à  l'écorce  des  ar- 
bres ,  ou  à  la  surface  des  pierres  ;  sur  cette  croûte ,  de  petits 
tubercules  arrondis  paraissent  s'élever  un  peu;  ces  tubercules 
.sontirrégidiers ,  un  peu  aplatis  au  sommet,  et  sans  aucun  bord 
autour.  Quelquefois  ces  tubercules  forment  des  figures  régu- 
lières, et  ressemblent  à  l'écriture',  ou  à  une  carte  géogra- 
phique ^.  2"  Les  scutellés,  ou  ceux  qui  ont  de  petits  boucliers, 
ou  réceptacles  arrondis,  avec  un  bord,  et  le  disque  un  peu 
aplati ,  s'élevant  d'une  croûte  granuleuse ,  plus  semblable  à  la 
structure  des  feuilles  que  dans  la  section  précédente ,  et  n'étant 
pas  si  fort  adhérente.  3o  Les  imbriqués  ,  composés  de  plusieurs 
petites  feuilles ,  généralement  d'une  forme  orbiculaire ,  placées 
les  unes  sur  les  autres,  la  plus  petite  au  milieu,  et  la  plus 
grande  à  l'extérieur.  De  quelques-uns  de  ces  lichens  s'élèvent 
de  petits  boucliers,  et  d'autres  ont  de  petits  tubercules  farineux 

1  Licben  écrit. 

2  Licben  géographi(jue. 


SUR  LA    BOTANIQUE.  4^3 

au  bout  des  feuilles.  Il  n'y  a  rien  de  plus  commun  qu'une  es- 
pèce jaune  '  appartenant  à  cette  section,  qui  croît  sur  les  ar- 
bres ,  les  murs  et  les  rochers;  les  petites  feuilles  en  sont  frisées, 
d'un  jaune  foncé  en-dessus,  et  de  couleur  cendrée  en-dessous. 
Les  boucliers  sont  d'un  jaune  plus  clair,  deviennent  bruns  avec 
le  temps,  et  sont  placés  près-à-près  vers  le  milieu  de  la  plante. 
D'autres  lichens,  au  lieu  de  boucliers,  sont  saupoudrés  d'une 
farine  jaune;  les  feuilles  deviennent  verdàtres  avec  le  temps, 
et  ensuite  prennent  une  couleur  de  cendre  brunâtre.  Elles  sont 
pleines  de  verrues ,  et  lépreuses.  40  Les  crustacés  proprement 
dits,  consistant  en  une  substance  crustacée  et  continue,  diffé- 
remment laciniée  ou  déchirée.  Ceux-ci  ont  généralement  de 
grands  boucliers  larges,  souvent  portés  sur  des  pédicules,  soit 
dans  les  divisions  des  feuilles,  ou  sur  leurs  bords.  Le  lichen 
pulmonaire,  ou  lichen  des  arbres,  qui  pend  au  haut  des  vieux 
chênes  et  des  hêtres,  a  de  fort  grandes  feuilles,  dentelées,  unies, 
et  se  terminant  en  pointe  obtuse  ;  la  surface  supérieure  est  ridée 
et  creusée ,  l'inférieure  est  garnie  d'un  duvet  ;   les  boucliers 
sont  de  la  grandeur  d'une  lentille,  et  places  sur  le  bord  des 
feuilles.  5°  Les  coriaces.  Ceux-ci  sont  aussi  crustacés  ,  mais  ils 
diffèrent  de  ceux  de  la  quati  ième  section,  en  ce  qu'ils  consistent 
en  plusieurs  feuilles  d'un  tissu  plus  rude,  plus  lai-ge,  laciniécs 
d'une  manière  moins  aiguë,  qu'ils  ne  sont  pas  branchus,  et  qu'ils 
adhèrent  généralement  de  plus  près  aux  corps  sur  lesquels  ils 
croissent.  Les  réceptacles  sont  fort  grands ,  et  d'après  la  res- 
semblancequ'ilsontaveclesboucliers  desanciens,  on  les  nomme 
peltac-,  ils  sont  généralement  placés  sur  les  bords  des  feuilles, 
et  ne  sont  que  peu  ou  point  du  tout  entaillés  sur  les  bords.  Le 
lichen  de  terre  couleur  de  cendre  *  appartient  à  cette  section  ; 
il  est  rampant,  lobé,  obtus  et  aplati ,  veiné  en-dessous  et  garni 
de  poils,  avec  une  pelte  ou  targe  élevée  sur  le  bord.  Cette  es- 
pèce est  fort  commune  sur  la  terre ,  dans  les  bois  et  dans  les 
bruyères,  particulièrement  sur  les  habitations  des  fourmies;  les 
feuilles  sont  de  couleur  de  cendre  et  blanches  en -dessous. 
60  Les  ombiliqués  ou  creusés  comme  le  nombril ,   et  de  cou- 

i  Lichen  des  murs. 

î  Cette  espèce  est  recommandée  contre  la  morsure  des  cliiens  enragés,  mêlée 
avec  le  poivre  blanc. 


/|64  LETTRES  ÉLÉMENTAIRES 

leur  <ie  suie ,  ou  paraissant  noircis  comme  s'ils  avaient  été 
brûlés.  70  Les  porte-coupes  qui  consistent  en  une  croûte  gra- 
nuleuse ,  qui ,  dans  la  suite  du  temps ,  se  déplie  en  petites 
feuilles  irrégulièrement  laciniées.Deces  feuilles  s'élève  ime  tige 
qui  supporte  des  réceptacles  creux  et  coniques ,  semblables  à 
de  petites  tasses  à  thé,  ou  à  des  verres,  dont  le  bord  est  sou- 
vent garni  de  tubercules  brims,  ou  de  couleur  d'écarlate.  Les 
diverses  apparences  de  la  coupe-mousse  ne  sont  probablement 
que  des  variétés  provenant  des  divers  âges  delà  plante. 8°  Les 
lichens  ai'brisseaux ,  qui  ressemblent  aux  arbrisseaux  ou  au 
corail.  Ces  mousses  consistent  en  une  croûte  feuillue  comme  les 
dernières,  mais  elles  n'ont  point  de  coupes  ;  seulement  on  observe 
des  tubercules  ,  et  elles  sont  branchues.  Le  lichen  des  rennes 
appartient  à  cette  section;  il  est  perforé  ' ,  fort  branchu,  et 
les  branches  sont  tombantes  ;  il  croît  dans  les  bruyères  et  les 
pâturages  des  montagnes.  90  Le  lichen  à  iilets ,  qui  consiste  en 
liges  rondes ,  solides  et  roides ,  ou  filets  souvent  couverts  ou 
incrustés  d'une  farine  qui  est  fort  inflammable,  et  se  termine  en 
globules  secs  ,  un  peu  cretisés  et  sans  aucim  bord.  La  plupart 
de  ces  lichens  sont  suspendus  aux  branches  des  arbres,  et  c'est 
de  là  que  leur  vient  le  nom  de  lichen-arbre;  mais  ce  genre,  fort 
nombreux  et  fort  répandu,  nous  a  déjà  retenu  trop  long-temps. 
Les  herbes  de  la  rner  sont  comprises  en  trois  genres,  Vuà>a  , 
le  fucus  et  la  conferva  ^.  Dans  le  premier,  les  fructifications 
sont  dans  une  membrane  diaphane,  et  la  substance  de  la  plante 
est  membraneuse,  d'abord  vésiculaire,  mais  ensuite  membra- 
neuse. "Le  fucus,  ou  varec  de  mer  proprement  dit,  a  deux  es- 
pèces de  vessie,  l'une  unie,  creuse,  et  entremêlée  de  cheveux; 
l'autre  unie,  et  remplie  d'une  gelée  dans  laquelle  sont  plongés 
de  petits  grains  perforés,  dans  chacun  desquels  on  croit  que  se 
trouve  une  semence.  Le  tissu  de  ces  plantes  est  coriace ,  ou  de 
la  nature  du  cuir;  les  conferves  sont  composées  de  tubercules 
inégaux  en  fibres  fort  longues  et  capillaires,  qui  sont  ou  con- 
tinues ou  jointes.  Les  deux  derniers  genres  vous  fourniront  un 
grand  amusement  toutes  les  fois  que  vous  irez  passer  quelque 

1  C'est-à-dire  qu'il  y  a  de  petits  trous  dans  les  ailes  des  branches,  comme  s'ik 
étaient  faits  avec  une  épingle. 

2  L'ulve ,  le  varec  et  la  conferve. 


SUR  LA  BOTANIQUE.  4^5 

temps  sur  une  cote  maritime  ;  mais  les  espèces  sont  si  nom- 
breuses, que  l'examen  des  différences  spécifiques  me  condui- 
rait trop  loin.  Nous  passerons  donc  au  dernier  ordre  de  cette 
classe  de  végétaux,  hes/ungus,  ou  champignons,  qui  sont  uni- 
versellement connus  par  leur  structure  et  leur  apparence 
singulière,  n'ont  ni  branches,  ni  feuilles,  ni  fleurs,  ni  aucune 
chose  qu'on  puisse  être  autorisé  à  nommer  parties  de  la  fruc- 
tification; à  peine  ont-ils  une  racine.  JJ agaric ,  un  des  princi- 
paux genres  de  cet  ordre ,  est  connu  par  sa  manière  horizon- 
tale de  croître,  et  parce  qu'il  a  des  petites  lames,  ou  des  ouïes 
en-dessous.  L'agaric  des  champs,  ou  mousseron  commun,  ap- 
partient à  un  de  ces  genres,  et  a  les  caractères  suivants  :  la  tète 
est  convexe,  écailleuse  et  blanche;  elle  est  supportée  par  un 
pédicule  ;  les  ouïes  sont  rouges  ;  celui  qui  a  des  ouïes  blanches 
n'est  qu'une  variété,  et  quoique  fort  inférieur  en  qualité  au 
précédent ,  il  n'est  pas  venimeux.  La  chanterelle  ' ,  ou  petit 
champignon  jaune,  si  commun  dans  les  pâturages  secs,  dans 
ces  endroits  pelés  qu'on  appelle  le  cercle  des  fées ,  est  aussi  sli- 
pité,  avec  les  ouïes  branchues  et  décurrentes.  Ce  qu'on  nomme 
communément  agaric,  en  médecine,  et  dont  on  se  sert  pour 
arrêter  le  sang ,  est  un  autre  de  ces  genres. 

Le  bolet ,  qui  croît  horizontalement  comme  le  dernier ,  au 
lieu  d'ouïes  ,  a  des  pores  à  la  stuface  inférieure. 

La  morille  ""  est  nnfungus  qui  est  réticulé  à  l'extérieur  ou  à 
la  surface  supérieure,  et  uni  en -dessous.  L'espèce  bonne  à 
manger  a  la  tête  en  forme  d'œuf,  et  cellulaire;  le  pédicule  est 
nu  et  ridé. 

La  truffe^  est  un y««g^«5' arrondi,  rempli  d'une  substance  fa- 
rineuse qu'on  prend  pour  semence.  Cette  espèce  est  globuleuse, 
solide,  muricée,  ou  rude  à  l'extérieur,  sans  aucune  racine,  et 
croissant  entièrement'sous  terre;  les  autres  espèces  sont  pleines 
de  poussière,  qu'elles  jettent  dehors  quand  elles  sont  mûres,  et. 
sont  entièrement  au-dessus  de  la  terre,  excepté  les  racines.  La 
truffe  commune 'î  est  arrondie ,  et  jette  sa  poussière  par  une  ou- 

I  Agaric  chanterelle. 
'-  Morille  comestible. 

3  Vesse-loup  truffe. 

4  Vessp-loup  commune. 

K.  VII.  3o 


466    LETTRES   ÉLÉMENTAIRES    SUR   LA    BOTANIQUE. 

vciturc  décliii ée  au  sommet  ;  celle-ci  varie  beaucoup  en  foiiues 
et  aussi  en  grandeur,  depuis  la  grosseur  d'une  petite  balle 
jusqu'à  celle  de  la  tête  d'un  homme. 

Après  tout ,  les  individus  de  cet  ordre  ne  sont  pas  reconnus 
universellement  pour  des  plantes  ;  mais  on  soupçonne,  quoique 
sans  beaucoup  de  raison,  que  ce  sont  des  animaux  qui  se  ser- 
vent de  ces  corps  pour  leur  habitation ,  de  la  manière  des 
/oophytes  ou  coraux;  mais  c'est  un  sujet  dont  l'examen  est 
trop  difficile  :  peut-être,  après  tout,  \esfungiis  peuvent  être 
im  des  chaînons  qui,  dans  la  grande  chaîne  de  la  nature,  unit 
le  règne  végétal  au  règne  animal,  quoiqu'il  serve  d'habitation 
à  de  petits  insectes ,  et  qu'il  soit  formé  par  eux  ou  pour  eux.  Ils 
peuvent  cependant  avoir  le  tissu  des  végétaux ,  et  se  dévelop- 
j>er  et  croître  comme  elix.  La  nature  est  remplie  de  ces  mer- 
veilles ;  il  ne  nous  est  permis ,  ma  chère  cousine ,  que  d'en 
avoir  une  fort  petite  portion,  et  nous  avons  très-peu  d'espoir 
de  développer  même  un  fort  petit  nombre  de  ces  mystères ,  et 
et  de  découvrir  une  partie  des  rapports  infinis  qui  unissent  les 
êtres  les  uns  avec  les  autres. 


FIN  DRS    LETTRES    ÉLÉMENTAIRES   SUR    LA    BOTANIQUE. 


TABLE 


DES  LETTRES  SUR  LA   BOTANIQUE, 

CONTENUES  DANS   CE  VOLUME. 


Lettues  sur  la  botanique.  Page   5 

AVEUTISSEMENT.  7 

LETTRES  ÉLÉMENTAIRES  SUR   LA  BOTANIQUE, 

A  MiVDAME  DeLESSERT. 

Lextkk  I,  p.  9.  — Il,  xS.—  lll,    21.  —IV,  38.  -™V,  35.— 

VI,  48. 

Lettre  VII,  sur  les  arbres  fruitiers.  5  y 

Lettre  VIII,  sur  les  herbiers.  63 

Lettres  IX,  à  M.  de  Maleshcrbcs,  sur  le  format  des  herbiers  et  sur 

la  synonymie.  yi 

Lettre  X  ,  au  même,  sur  les  mousses.  80 

LETTRES  A  MADAME  LA  DUCHESSE  DE  PORTLAND. 

Lettre  I,  p.  85.  — II,    89.  —  III,  g3.  —  IV,  g/^  —  V,  96.-- 

VI,  97.— VU,  loi.  — Vm,  io3.  —IX,  106.  — X,  108. — 

XI,  fio.  — XII,  ii3.  — XIII,  114— XIV,  116.— XV,  118. 

Lettre  à  M.  Du  Peyrou.  120 

Lettre  à  M.  Liotard,  le  neveu.  122 

LETTRES  A  M.   DE  LA  TOURETTE. 

Lettre  I,  124.  —  II,  128.  — III,  i32.  —  IV,  i36. —  V,  i38. 

—  VI,  141.  — VII,  143.— VIII,  i46.  — IX,  i5o. 
liETTRE  à  M.  l'abbé  de  Pramont.  i53 

Fragment  pour  un  Dictionnaire  des  termes  d'usage  en  botani- 
que. iS; 


468        TABLE   DES  LETTRES   SUR   LA    BOTANIQUE. 

TjVTnCDUCTIOÎf.  i5q 

I-iîTTHES  ÉrÉMBWTAinEs  SUT  la  botaniquc ,  par  M.  Martyn ,  professeur 
de  botanique  à  l'université  de  Cambridge.  2  a  5 

Avis  de  l'éditeur.  22(5 

Lettre  I,  227.  —  II,  23o. — III,  a35.  — IV,  253.  —  V,  256. 
—VI,  263.  — VII,  295.  — VIII,  309.  — IX,  3i6.  — X,  33o. 
—  XI,  335.  — XII,  346.  —XIII,  354. —XIV,  359.— 
XV,  369.— XVI,  389. —  XVII,  409. —  XVIIl,  421.— 
XTX,  436.  — XX,  442.  — XXI,  446.  —XXII,   455. 


FIN  DE    I.A    T\RLE, 


PARIS,  IxMPRIMERIE  DE  G  AULTIER-L AGUIONIE  , 

RUE  DE  GRENKr.7.E''SAINT-HOI»OBÉ,  V°  55, 


TJôivërâïSj' 
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CE    PQ      2030 

1823    VC07 
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ftCC#    1217827 


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