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OEUVRES
COMPLETES
DE J. J. ROUSSEAU.
TOME VIL
ON SOUSCRIT A PARIS,
CHEZ p. DUPONT, LIBRAIRE,
ÉDITEUR DES OEUVRES COMPLÈTES DE VOLTAIRE ET DE RACINE,
RUE DU BOULOT, HOTEL DES FERMES, COUR DES MESSAGERIES.
ET CHEZ BOSSANGE PFIRE,
LIBRAIRE DE S. A. S. MONSEtGffEUR LE DUC d'oRLÉANS ,
HUE DE RICHELIEU , w" 6o.
ŒUVRES
COMPLÈTES
DE J.J.ROUSSEAU,
MISES DANS UN NOUVEI. ORDRE,
AVEC DES NOTES HISTORIQUES ET DES ÉCLAIRCISSEMENTS;
Par V. D. MUSSET-PATHAY.
PHILOSOPHIE.
LETTRES SUR LA BOTANIQUE,
SUIVIES
D UNE INTRODUCTION A L ETUDE DE CETTE SCIENCE, ET DE FRAGMENTS
POUR UN DICTIONNAIRE DES TERMES d'uSAGE EN BOTANIQUE.
PARIS,
CHEZ P. DUPONT, LIBRAIRE-EDITEUR.
1824,
Université^
WBUOTHECA
OtUvieosi»
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in 2011 witii funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/uvrescompltesd07rous
LETTRES
SUK
LA BOTANIQUE.
AVERTISSEMENT.
La botanique fit les délices de Jean-Jacques et le consola des
chagrins que lui causèrent les hommes ou lui-même ; car il
seiSble faire cette distinction lorsqu'il s'exprime ainsi : « J'avais
«à craindre, dit-il, que mon imagination, effarouchée par mes
(1 malheurs, ne tournât enfin de ce côté son activité, et que le
« continuel sentiment de mes peines ne m'accablât enfin de leur
« poids. Dans cet état, un instinct qui m'est naturel, me faisant
« fuir toute idée attristante, imposa silence à mon imagination, et
« me fit, pour la première fois, détailler le spectacle de la nature,
" que je n'avais guère contemplé jusqu'alors qu'en masse et dans
<■ son ensemble. Les arbres, les arbrisseaux, les plantes, sont la
« parure et le vêtement de la terie. Rien n'est si triste que l'as-
« pcct d'une campagne nue et pelée; mais, vivifiée par la nature
« et revêtue de sa l'obe de noces, la terre offre à l'homme un
« spectacle plein de vie , d'intérêt et de charmes, le seul au monde
" dont ses yeux et son cœur ne se lassent jamais.»
S'élevant contre ceux qui ne cherchent dans les plantes que
des drogues et des remèdes, il combat ce préjugé dégoûtant ,
« qui flétrit l'émail des prés, l'éclat des fleurs, dessèche la fraî-
« cheur des bocages, rend la verdure et l'ombrage insipides.
« Toutes ces structures charmantes, ajoute-t-il , intéressent fort
«peu quiconque ne veut que piler tout cela dans un mortier,
« et l'on n'ira pas chercher des guirlandes pour les bergères
« parmi des herbes pour les lavements '. Pour moi.... attiré par
« les riants objets qui m'entourent, je les considère , je les con-
« temple, je les compare, j'apprends enfin à les classer, et me voilà
« tout d'un coup aussi botaniste qu'a besoin de l'être celui qui ne
« veut étudier la nature que pour trouver sans cesse de nouvelles
<< raisons de V aimer... Je n'ai ni dépense à faire ni peine à pren-
« dre pour errer nonchalamment d'herbe en herbe, de plante en
« plante , pour observer l'organisation végétale de manière à
' vvf promenade.
O AVERTISSEMENT.
« suivre la marche et le jeu de ces machines vivantes, à chercher
a quelquefois avec succès leurs lois générales, la raison et la fin
« de leurs structures diverses, et à me livrer aux charmes de
« l'admiration reconnaissante pour la main qui me fait jouir de
« tout cela. »
C'est pour faciliter la route à ceux qui, se proposant le même
but , feraient de la botanique un délassement ; c'est pour inspire r
un goût à la fois innocent et impérieux à ceux qui auraient Jae-
soin de distraction, que Rousseau composa les Lettres élémen-
taires qu'il adressa à madame Delessert. A l'élégante clarté des
descriptions, à leur grâce, à leur fraîcheur, on dirait qu'il
voulut en quelque sorte reproduire la fleur de nouveau, voyant
avec dépit qu'elle était flétrie d'une aurore à l'autre.
Le système que Rousseau préférait aux autres était celui de
Linnée. C'est à ce célèbre botaniste qu'il écrivait en ces termes ' :
« Recevez avec bonté l'hommage d'un très-ignare , mais très-
« zélé disciple de vos disciples, qui doit, en grande partie, à la
a. méditation de vos écrits la tranquillité dont il jouit. Seul avec
" la nature et vous, je passe dans mes promenades champêtres
«des heures délicieuses, et je tire un profit plus réel de votre
<c Philosophie botanique que de tous les livres de morale.... J'a-
« muse ma vieille enfance... Continuez d'ouvrir et d'interpréter
« aux hommes le livre de la nature. Pour moi, content d'en dé-
« chiffrer quelques mots à votre suite, dans le feuillet du règne
« végétal, je vous lis, je vous étudie, je vous médite et je vous
« honore. »
C'était donc une idée heureuse que de compléter les lettres
de Jean-Jacques en présentant, sous la même forme , le système
de Linnée. Ce travail fut fait en Angleterre par M. Martyn, pro-
fesseur à l'université de Cambridge, qui publia vingt-quatre
lettres sur la méthode linnéenne. Elles ont été traduites dans
notre langue par 31. de La Montagne.
Ces lettres sont suivies de celles de Jean- Jacques soit à ma-
dame la duchesse de Portland, soit à 3Ï. de la Tourette. Enfin des
fragments d'un dictionnaire des termes de botanique terminent
ce volimie, destiné bien moins aux botanistes qu'à ceux qui vou-
draient le devenir.
' Lettre datée de Paris, le 21 septembre Ï771.
LETTRES ELEMENTAIRES
SUR
LA BOTANIQUE,
A MADAME DELESSERT.
LETTRE I.
Du 2 3 août 1771.
Votre idée d'amuser un peu la vivacité de votre
fille, et de l'exercer à l'attention sur des objets
agréables et variés comme les plantes, me paraît
excellente, mais je n'aurais osé vous la proposer,
de peur de faire le monsieur Josse. Puisqu'elle
vient de vous, je l'approuve de tout mon cœur,
et j'y concourrai de même, persuadé qu'à tout âge
l'étude de la nature émousse le goût des amuse-
ments frivoles, prévient le timniîte des passions,
et porte à l'ame une nourriture qui lui profite en
la remplissant du plus digne objet de ses contem-
plations.
Vous avez commencé par apprendre à la petite
les noms d'autant de plantes que vous en aviez
de communes sous les yeux : c'était précisément
ce qu'il fallait faire. Ce petit nombre de plantes
qu'elle connaît de vue sont les j)ièces de compa-
raison pour étendre ses connaissances : mais elles
lO LETTRES ÉLÉMENTAIRES
ne suffisent pas. Vous me demandez un petit ca-
talogue des plantes les plus coimues avec des mar- .
ques pour les reconnaître. Je trouve à cela quel-
que embarras : c'est de vous donner par écrit ces
marques ou caractères d'une manière claire et ce-
pendant peu diffuse. Cela me paraît impossible
sans employer la langue de la chose ; et les termes
de cette langue forment un vocabulaire à part que
vous ne sauriez entendre , s'il ne vous est préala-
blement expliqué.
D'ailleurs, ne connaître simplement les plantes
que de vue, et ne savoir que leurs noms, ne peut
être qu'une étude trop insipide pour des esprits
comme les vôtres; et il est à présumer que votre
fille ne s'en amuserait pas long-temps. Je vous pro-
pose de prendre quelques notions préliminaires
de la structure végétale ou de l'organisation des
plantes, afin, dussiez-vous ne faire que quelques
pas dans le plus beau, dans le plus riche des trois
règnes de la nature, d'y. marcher du moins avec
quelques lumières. Il ne s'agit donc pas encore de
la nomenclature, qui n'est qu'un savoir d'herbo-
riste. J'ai toujours cru qu'on pouvait être un très-
grand botaniste sans connaître une seule plante
par son nom; et, sans vouloir faire de votre fille
un très-grand botaniste, je crois néanmoins qu'il
lui sera toujours utile d'apprendre à bien voir ce
qu'elle regarde. Ne vous effarouchez pas au reste
de l'entreprise. Vous connaîtrez bientôt qu'elle
n'est pas grande. Il n'y a rien de compliqué ni de
difficile à suivre dans ce que j'ai à vous proposer
SUR LA BOTANIQUE. II
Il ne s'agit que d'avoir la patience de commencer
par le commencement. Après cela on n'avance
qu'autant qu'on veut.
Nous touchons à l'arrière-saison , et les plantes
dont la structure a le plus de simplicité sont déjà
passées. D'ailleurs je vous demande quelque temps
pour mettre un peu d'ordre dans vos observations.
Mais , en attendant que le printemps nous mette
à portée de commencer et de suivre le cours de
la nature, je vais toujours vous donner quelques
mots du vocabulaire à retenir.
Une plante parfaite est composée de racine , de
tige , de branches , de feuilles , de fleurs et de fruits
(car on appelle fruit en botanique, tant dans les
herbes que dans les arbres , toute la fabrique de
la semence). Vous connaissez déjà tout cela, du
moins assez pour entendre le mot : mais il y a une
partie principale qui demande un plus grand exa-
men; c'est X-A fructification ^ c'est-à-dire hi fleur et
\e fruit. Commençons par la fleur, qui vient la pre-
mière. C'est dans cette partie que la nature a ren-
fermé le sommaire de son ouvrage : c'est par elle
qu'elle le perpétue , et c'est aussi de toutes les par-
ties du végétal la plus éclatante pour l'ordinaire ,
toujours la moins sujette aux variations.
Prenez un lis. Je pense que vous en trouverez
encore aisément en pleine fleur. Avant qu'il s'ou-
vre, vous voyez à l'extrémité de Iji tige un bouton
oblpng, verdâtre, c[ui blanchit à mesure qu'il est
prêt à s'épanouir; et, quand il est tout-à-fait ou-
vert, vous y^y^z son enveloppe blanche prendre
12 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
la forme d'un vase divisé en plusieurs segments.
Cette partie enveloppante et colorée qui est blan-
che dans le lis , s'appelle la corolle , et ûon pas la
fleur comme chez le vulgaire , parce que la fleur
est un composé de plusieurs parties dont la corolle
est seulement la principale.
La corolle du lis n'est pas d'une seule pièce,
comme il est facile à voir. Quand elle se fane et
tombe, elle tombe en six pièces bien séparées, qui
s'appellent des pétales. Ainsi la corolle du lis est
composée de six pétales. Toute corolle de fleur qui
est ainsi de plusieurs pièces s'appelle corolle poli-
pétale. Si la corolle n'était que d'une seule pièce ,
comme par exemple dans le liseron, appelé clo-
chette des champs, elle s'appellerait monopétale.
Revenons à notre lis.
Dans la corolle vous trouverez , précisément au
milieu, une espèce de petite colonne attachée
tout au fond et qui pointe directement vers le
haut. Cette colonne , prise dans son entier , s'ap-
pelle \e pistil; prise dans ses parties, elle se divise
en trois: i° sa base renflée en cylindre avec trois
angles arrondis tout autour; cette base s'appelle
le germe : i^ un filet posé sur le germe ; ce filet
s'appelle stjie : 3*^ le style est couronné par une
espèce de chapiteau avec trois échancrures : ce
chapiteau s'appelle le stigmate. Voilà en quoi con-
sistent le pistil et ses trois parties.
Entre le pistil et la corolle vous trouvez six autres
corps bien distincts, qui s'appellent les étamines.
Chaque étamine est composée de deux parties; sa-
SUR LA BOTANIQUE. l3
voir , une plus mince par laquelle l'étamine tient
au fond de la corolle , et qui s'appelle lejîlet; une
plus grosse qui tient à l'extrémité supérieure du
filet, et qui s'appelle anthère. Chaque anthère est
une boîte qui s'ouvre quand elle est mûre, et
verse une poussière jaune très - odorante , dont
nous parlerons dans la suite. Cette poussière jus-
qu'ici n'a point de nom français ; chez les bota-
nistes on l'appelle le pollen y mot qui signifie pous-
sière.
Voilà l'analyse grossière des parties de la fleur.
A mesure que la corolle se fane et tombe , le germe
grossit, et devient une capsule triangulaire allon-
gée , dont l'intérieur contient des semences plates
distribuées en trois loges. Cette capsule , considé-
rée comme l'enveloppe des graines , prend le nom
à.e péricarpe. Mais je n'entreprendrai pas ici l'ana-
lyse du fruit. Ce sera le sujet d'une autre lettre.
Les parties que je viens de vous nommer se
trouvent également dans les fleurs de la plupart
des autres plantes, mais à divers degrés de pro-
portion , de situation , et de nombre. C'est par l'a-
nalogie de ces parties , et par leurs diverses com-
binaisons , que se déterminent les diverses familles
du règne végétal; et ces analogies des parties de
la fleur se lient avec d'autres analogies des parties
de la plante qui semblent n'avoir aucun rapport
à celles-là. Par exemple, ce nombre de six éta-
mines , quelquefois seulement trois , de six pétales
ou divisions de la corolle , et cette forme triangu-
laire à trois loges de l'ovaire , déterminent toute
l4 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
l;i famille des liliacées; et dans toute cette même
famille, qui est très -nombreuse, les racines sont
toutes des ognons ou bulbes, plus ou moins mar-
quées , et variées quant à lein- figure ou composi-
tion. L'ognon du lis est composé d'écaillés en re-
couvremefit; dans l'asphodèle, c'est une liasse de
navets allongés; dans le safran, ce sont deux bul-
bes l'une sur l'autre ; dans le colchique , à côté
l'une de l'autre, mais toujours des bulbes.
Le lis, que j'ai choisi parce qu'il est de la sai-
son , et aussi à caiise de la grandeur de sa fleur et
de ses parties qui les rend plus sensibles , manque
cependant d'une des parties constitutives d'une
fleur parfaite , savoir le calice. Le calice est cette
partie verte et divisée communément en cinq fo-
lioles, qui soutient et embrasse par le bas la co-
rolle, et qui l'enveloppe tout entière avant son
épanouissement, comme vous aurez pu le remar-
quer dans la rose. Le calice , qui accompagne pres-
que toutes les autres fleurs , manque à la plupart
des liliacées, comme la tulipe, la jacinthe, le nar-
cisse , la tubéreuse , etc. , et même l'ognon , le poi-
reau, l'ail, qui sont aussi de véritables liliacées,
quoiqu'elles paraissent fort différentes au pre-
mier coup d'oeil. Vous verrez encore que , dans
toute cette même famille, les tiges sont simples
et peu rameuses, les feuilles entières et jamais dé-
coupées; observations qui confirment , dans cette
famille, l'analogie de la fleur et du fruit par celle
des autres parties de la plante. Si vous suivez
ces détails av.ec quelque attention, et que vous
SUR LA BOTANIQUE. 13
VOUS les rendiez familiers par des observations
fréquentes , vous voilà déjà en état de déterminer
par l'inspection attentive et suivie d'une plante,
si elle est ou non de la famille des liliacées , et cela,
sans savoir le nom de cette plante. Vous voyez
que ce n'est plus ici un simple travail de la mé-
moire , mais une étude d'observations et de faits ,
vraiment digne d'un naturaliste. Vous ne commen-
cerez pas par dire tout cela à votre fille , et encore
moins dans la suite , quand vous serez initiée dans
les mystères de la végétation; mais vous ne lui
développerez par degrés cpie ce qui peut conve-
nir à son âge et à son sexe, en la guidant pour
trouver les choses par elle-même plutôt qu'en les
lui apprenant. Bonjour, chère cousine; si tout ce
fatras vous convient, je suis à vos ordres.
LETTRE II.
Du i8 octobre 1771-
Puisque vous saisissez si bien , chère cousine ,
les premiers linéaments des plantes , quoique si
légèrement marqués , que votre œil clairvoyant sait
déjà distinguer un air de famille dans les liliacées ,
et que notre chère petite botaniste s'amuse de co-
rolles et de pétales, je vais vous proposer une autre
famille sur laquelle elle pourra derechef exercer
son petit savoir; avec un peu plus de difficultés
pourtant, je l'avoue, à cause des fleurs beaucoup
îG LETTRES ÉLÉMEJVTAlllES
plus petites, du feuillage plus varié; mais avec le
inerrie plaisir de sa part et de la vôtre , du moins
si vous en prenez autant à suivre cette route fleu-
rie que j'en trouve à vous la tracer.
Quand les premiers rayons du printemps auront
éclairé vos progrès en vous montrant dans les jar-
dins les jacinthes, les tulipes, les narcisses, les
jonquilles et les muguets, dont l'analyse vous est
déjà connue , d'autres fleurs arrêteront bientôt vos
regards , et vous demanderont un nouvel examen.
Telles seront les giroflées ou violiers ; telles les ju-
liennes ou girardes. Tant que vous les trouverez
doubles, ne vous attachez pas à leur examen; elles
seront défigurées, ou, si vous voulez, parées à
notre mode; la nature ne s'y trouvera plus : elle re-
fuse de se reproduire par des monstres ainsi mu-
tilés; car si la partie la plus brillante, savoir la
corolle, s'y multiplie, c'est aux dépens des parties
plus essentielles qui disparaissent sous cet.éclat.
Prenez donc une giroflée simple , et procédez à
l'analyse de sa fleur. Vous y trouverez d'abord une
partie extérieure qui manque dans les liliacées ,
savoir le calice. Ce calice est de quatre pièces,
qu'il faut bien appeler feuilles ou folioles, puisque
nous' n'avons point de mot propre pour les ex-
prinier , comme le mot pétales pour les pièces de
la corolle. Ces quatre pièces, pour l'ordinaire, sont
inégales de deux en deux , c'est-à-dire deux folioles
opposées l'une à l'autre, égales entre elles, plus
petites ; et les deux autres , aussi égales entre elles
et opposées, plus grandes, et surtout par le bas
SUR LA BOTANIQUE. I7
où leur arrondissement fait en dehors une bosse
assez sensible.
Dans ce calice vous trouverez une corolle com-
posée de quati-e pétales dont je laisse à part la
couleur, parce qu'elle ne fait point caractère. Cha-
cun de ces pétales est attaché au réceptacle ou
fond du calice par une partie étroite et pâle qu'on
appelle Vonglet^ et déborde le calice par une partie
plus large et plus colorée , qu'on appelle la lame.
Au centre de la corolle, est un pistil allongé,
cylindrique ou a peu près , terminé par un style
très-court, lequel est terminé lui-même par un stig-
mate oblong, bi/ide , c'est-à-dire partagé en deux
l^arties qui se réfléchissent de part et d'autre.
Si vous examinez avec soin la position respec-
tive du calice et de la corolle, vous verrez que
chaque pétale, au lieu de correspondre exactement
à chaque foliole du calice , est posé au contraire
entre les deux, de sorte qu'il répond à l'ouver-
ture qui les sépare , et cette position alternative
a lieu dans toutes les espèces de fleurs qui ont un
nombre égal de pétales à la corolle et de folioles
au calice.
Il nous reste à parler des étamines. Vous les
trouverez dans la giroflée au nombre de six, comme
dans les liliacées, mais non pas de même égales
entre elles, ou alternativement inégales; car vous
en verrez seulement deux en opposition l'une de
l'autre, sensiblement plus courtes que les quatre
autres qui les séparent , et qui en sont aussi sépa-
rées de deux en deux.
R. vn.
l8 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
Je n'entrei^i pas ici dans le détail de leur struc-
ture et de leur position ; mais je vous préviens que,
si vous y regardez bien , vous trouverez la raison
pourquoi ces deux étamines sont plus courtes que
les autres, et pourquoi deux folioles du calice
sont plus bossues , ou , pour parler en termes de
botanique , plus gibbeuses , et les deux autres plus
aplaties.
Pour achever l'histoire de notre giroflée , il ne
faut pas l'abandonner après avoir analysé sa fleur ,
mais il faut attendre que la corolle se flétrisse et
tombe , ce qu'elle fait assez promptement , et re-
marquer alors ce que devient le pistil, composé,
comme nous l'avons dit ci-devant, de l'ovaire ou
péricarpe , du style, et du stigmate. L'ovaire s'al-
longe beaucoup et s'élargit un peu à mesure que
le fruit mûrit : quand il est mùr , cet ovaire ou
fruit devient une espèce de gousse plate appelée
silique.
Cette silique est composée de deux valvules po-
sées l'une sur l'autre , et séparées par une cloison
fort mince appelée médias tin.
Quand la semence est tout-à-fait mûre , les val-
vules s'ouvrent de bas en haut pour lui donner pas-
sage , et restent attachées au stigmate par leur
partie supérieure.
Alors on voit des graines plates et circulaires po-
sées siir les deux faces du médiastin ; et si l'on re-
garde avec soin comment elles y tiennent , on
trouve que c'est par un court pédicule qui attache
chaque graine alternatiA^ementà droite et à gauche
SUR LA BOTANIQUE. I9
aux sutures du médiastin , c'est-à-dire à ses deux
bords, par lesquels il était comme cousu avec les
valvules avant leur séparation.
Je crains fort , chère cousine , de vous avoir un
peu fatiguée par cette longue description, mais elle
était nécessaire pour vous donner le caractère es-
sentiel de la nombreuse famille des crucij'eres ou
fleurs en croix, laquelle compose une classe entière
dans presque tous les systèmes des botanistes ; et
cette description, difficile à entendre ici sans fi-
gure, vous deviendra plus claire, j'ose l'espérer,
quand vous la suivrez avec quelque attention, ayant
l'objet sous les yeux.
Le grand nombre d'espèces qui composent la
famille des crucifères a déterminé les botanistes à
la diviser en deux sections qui , quant à la fleur ,
sont parfaitement semblables , mais diffèrent sen-
siblement quant au fruit.
La première section comprend les crucifères a
siliqiie , comme la giroflée dont je viens de parler,
la julienne, le cresson de fontaine, les choux, les
raves, les navets, la moutarde , etc.
La seconde section comprend les crucifères à
silicule, c'est-à-dire dont la silique en diminutif est
extrêmement courte , presque aussi large que
longue , et autrement divisée en dedans ; comme
entre autres le cresson alenois , dit jiasitort ou na-
lou, le thlaspi , appelé taraspi^^2L\• les jardiniers, le
cochléaria, la lunaire, qui, quoique la gousse en
soit fort grande , n'est pourtant qu'une silicule ,
j)arce que sa longueur excède peu sa largeur. Si
•^O LETTRES lÉLÉMENTAlRES
VOUS ne connaissez ni le cresson alenois ^ ni le co-
chléaria , ni le thlaspi , ni la lunaire , vous connais-
sez, du moins jeie présume, la bourse-à-pasteur,
si commune parmi les mauvaises herbes des jar-
dins. Hé bien , cousine , la bourse-à-pasteur est
une crucifère à silicule , dont la silicule est trian-
gulaire. Sur celle-là vous pouvez vous former une
idée des autres, jusqu'à ce qu'elles vous tombent
sous la main.
Il est temps de vous laisser respirer, d'autant
plus que cette lettre , avant que la saison vous per-
mette d'en faire usage, sera, j'espère, suivie de
plusieurs autres , où je pourrai ajouter ce qui reste
à dire de nécessaire sur les crucifères, et que je
n'ai pas dit dans celle-ci. Mais il est bon peut-être
de vous prévenir dès à présent que dans cette fa-,
mille , et dans beaucoup d'autres , vous trouverez
souvent des fleurs beaucoup plus petites que la gi-
roflée , et quelquefois si petites , que vous ne pour-
rez guère examiner leurs parties qu'à la faveur
d'une loupe, instrument dont un botaniste ne peut
se passer, non plus que d'une pointe, d'une lan-
cette , et d'une paire de bons ciseaux fins à décou-
per. En pensant que votre zèle maternel peut vous
mener jusque-là, je me fais un tableau charmant
de ma belle cousine empressée avec son verre à
éplucher des monceaux de fleurs , cent fois moins
fleuries, moins fraîches et moins agréables qu'elle.
Bonjour, cousine , jusqu'au chapitre suivant.
SUR LA BOTANIQUE. 21
LETTRE III.
Du 1 6 mai 1772.
Je suppose , chère cousine, que vous avez bien
reçu ma précédente réponse, quoique vous ne m'en
parliez point dans votre seconde lettre. Répondant
maintenant à celle-ci , j'espère , sur ce que vous
m'y marquez , que la maman , bien rétablie , est
partie en bon état pour la Suisse , et je compte que
vous n'oublierez pas de me donner avis de l'effet
de ce voyage et des eaux qu'elle va prendre. Comme
tante Julie a dû partir avec elle, j'ai chargé M. G.,
qui retourne au Val-de-Travers , du petit herbier
qui lui est destiné, et je l'ai mis à votre adresse,
afin qu'en son absence vous puissiez le recevoii-
et vous en servir, si tant est que parmi ces échan-
tillons informes il se trouve quelque chose à votre
usage. Au reste , je n'accorde pas que vous ayez
des droits sur ce chiffon. Yœis en avez sur celui qui
l'a fait, les plus forts et les plus chers que je con-
naisse ; mais pour l'herbier , il fut promis à votie
sœur , lorsqu'elle herborisait avec moi dans nos
promenades à la Croix-de- Vague , et que vous ne
songiez à rien moins dans celles où mon cœur et
mes pieds vous suivaient avec grand'maman en
Vaise. Je rougis de lui avoir tenu parole si tard et
si mal ; mais enfin elle avait sur vous, à cet égard,
ma parole et l'antériorité. Poiu- vous , chère cou-
22 LETTRES ^LlÉMElYTA IREb
sine , si je ne vous promets pas un herbier de ma
main , c'est pour vous en procurer un plus pré-
cieux de la main de votre fille , si vous continuez
à suivre avec elle cette douce et charmante étude
qui remplit d'intéressantes observations sur la na-
ture ces vides du temps que les autres consacrent
à l'oisiveté ou à pis. Quant à présent, reprenons le
fil interrompu de nos familles végétales.
Mon intention est de vous décrire d'abord six de
ces familles pour vous familiariser avec la structure
générale des parties caractéristiques des plantes.
Vous en avez déjà deux; reste à quatre qu'il faut
encore avoir la patience de suivre : après quoi, lais-
sant pour un temps les autres branches de cette
nombreuse lignée, et passant à l'examen des par-
ties différentes de la fructification , nous ferons en
sorte que, sans peut-être connaître beaucoup de
plantes , vous ne serez du moins jamais en terre
étrangère parmi les productions du règne végétal.
Mais je vous préviens que si vous voulez prendre
des livres et suivre la nomenclature ordinaire, avec
beaucoup de noms vous aurez peu d'idées ; celles
que vous aurez se brouilleront , et vous ne suivrez
bien ni ma marche ni celle des autres , et n'aurez
tout au plus qu'une connaissance de mots. Chère
cousine , je suis jaloux d'être votre seul guide dans
cette partie. Quand il en sera temps je vous indi-
querai les livres que vous pourrez consulter. En
attendant , ayez la patience de ne lire que dans ce-
lui de la nature et de vous en tenir à mes lettres.
Les pois sont à présent en pleine fructification.
SUR LA BOTANIQUE. ^3
Saisissons ce moment pour observer leur caractère.
Il est un des plus curieux que puisse offrir la bo-
tanique. Toutes les fleurs se divisent généralement
en régulières et irrégulières. Les premières sont
celles dont toutes les parties s'écartent uniformé-
ment du centre de la fleur, et aboutiraient ainsi
par leurs extrémités extérieures à la circonférence
d'un cercle. Cette uniformité fait qu'en présentant
à l'œil les fleurs de cette espèce, il n'y distingue
ni dessus ni dessous, ni droite ni gauche; telles
sont les deux familles ci-devant examinées. Mais,
au premier coup d'œil, vous verrez qu'une fleur
de pois est irrégulière , qu'on y distingue aisément
dans la corolle la partie plus longue , qui doit être
en haut, de la plus courte, qui doit être en bas,
et qu'on connaît fort bien , en présentant la fleur
vis-à-vis de l'œil, si on la tient dans sa situation
naturelle ou si on la renverse. Ainsi toutes les fois
qu'examinant une fleur irrégulière on parle du haut
et du bas , c'est en la plaçant dans sa situation na-
turelle.
Comme les fleurs de cette famille sont d'une
construction fort particulière , non - seulement il
faut avoir plusieurs fleurs de pois et les disséquer
successivement, pour observer toutes leurs parties
l'une après l'autre , il faut même suivre le progrès
de la fructification depuis la première floraison jus-
qu'à la maturité du fruit.
Vous trouverez d'abord un calice monophjlle ,
c'est-à-dire d'une seule pièce terminée en cinq
pointes bien distinctes , dont deux un peu plus
1^ LETTRES ÉLÉMENTAIRES
larges sont en haut, et les trois plus étroites en
bas. Ce calice est recourbé vers le bas , de même
que le pédicule qui le soutient, lequel pédicule est
très -délié, très -mobile; en sorte que la fleur suit
aisément le courant de l'air , et présente ordinaire-
ment son dos au vent et à la pluie.
Le calice examiné, on l'ote, en le déchirant dé-
licatement de manière que le reste de la fleur de-
meure entier , et alors vous voyez clairement que
la corolle est poiypétale.
Sa première pièce est un grand et large pétale
qui couvre les autres, et occupe la partie supé-
rieure de la corolle , à cause de quoi ce grand pé-
tale a pris le nom de pai^il/on. On l'appelle aussi
Yétendard. Il faudrait se boucher les yeux et l'es-
prit pour ne pas voir que ce pétale est là comme
un parapluie pour garantir ceux qu'il couvre des
principales injures de l'air.
En enlevant le pavillon comme vous avez fait
le calice, vous remarquerez qu'il est emboîté de
chaque côté par une petite oreillette dans les pièces
latérales, de manière que sa situation ne puisse être
dérangée par le vent.
Le pavillon ôté laisse à découvert ces deux pièces
latérales auxquelles il était adhérent par ses oreil-
lettes : ces pièces latérales s'appellent les ai/es. Vous
trouverez en les détachant qu'emboîtées encore
plus fortement avec celle qui reste , elles n'en peu-
vent être séparées sans quelque effort. Aussi les
ailes ne sont guère moins utiles pour garantir les
CJtés de la fleur que le pavillon pour la couvrir.
SUR LA BOTANIQUE. 13
Les ailes otées vous laissent voir la dernière pièce
de la corolle ; pièce qui couvre et défend le centre
de la fleur, et l'enveloppe, surtout par -dessous,
aussi soigneusement que les trois autres pétales en-
veloppent le dessus et les côtés. Cette dernière
pièce , qu'à cause de sa forme on appelle la nacelle,
est comme le coffre-fort dans lequel la nature a mis
son trésor à l'abri des atteintes de l'air et de l'eau.
Après avoir bien examiné ce pétale , tirez-le dou-
cement par -dessous en le pinçant légèrement par
la quille , c'est-à-dire par la prise mince qu'il vous
présente , de peur d'enlever avec lui ce qu'il enve-
loppe : je suis sur qu'au moment où ce dernier pé-
tale sera forcé de lâcher prise et de déceler le mys-
tère qu'il cache, vous ne pourrez en l'apercevant
vous abstenir de faire un cri de surprise et d'ad-
miration.
Le jeune fruit qu'enveloppait la nacelle est con-
struit de cette manière : Une membrane cylin-
drique terminée par dix filets bien distincts en-
toure l'ovaire , c'est-à-dire l'embryon de la gousse.
Ces dix filets sont autant d'étamines qui se réu-
nissent par le bas autour du germe, et se termi-
nent par le haut en autant d'anthères jaunes dont
la poussière va féconder le stigmate qui termine le
pistil , et qui , quoique jaune aussi par la poussière
fécondante qui s'y attache , se distingue aisément
des étamines par sa figure et par sa grosseur. Ainsi
ces dix étamines forment encore autour de l'ovaire
une dernière cuirasse pour le préserver des injures
du dehors.
af) LETTRES ÉLÉMENTAIRES
Si VOUS y regardez de bien près , vous trouverez
que ces dix étamines ne font par leur base un seul
corps qu'en apparence : car , dans la partie supé-
rieure de ce cylindre , il y a une pièce ou étamine
qui d'abord paraît adhérente aux autres, mais qui,
à mesure que la fleur se fane et que le fruit gros-
sit, se détache, et laisse une ouverture en dessus
par laquelle ce fruit grossissant peut s'étendre en
entr'ouvrant et écartant de plus en plus le cihndre
qui, sans cela, le comprimant et l'étranglant tout
autour, l'empêcherait de grossir et de profiter. Si
la fleur n'est pas assez avancée , vous ne verrez pas
cette étamine détachée du cylindre; mais passez un
camion dans deux petits trous que vous trouverez
près du réceptacle à la base de cette étamine, et
bientôt vous verrez l'étamine avec son anthère
suivre l'épingle et se détacher des neuf autres qui
continueront toujours de faire ensemble im seul
corps , jusqu'à ce qu'elles se flétrissent et dessè-
chent quand le germe fécondé devient gousse et
qu'il n'a plus besoin d'elles.
Cette gousse, dans laquelle l'ovaire se change en
mûrissant, se distingue de la silique des crucifères,
en ce que dans la silique les graines sont attachées
alternativement aux deux sutures , au lieu que dans
la gousse elles ne sont attachées que d'un côté, c'est-
à-dire à une seulement des deux sutures, tenant
alternativement à la vérité aux deux valves qui la
composent , mais toujours du même côté. Vous sai-
sirez parfaitement cette différence si vous ouvrez
en même temps la gousse d'un pois et la silique
SUR LA BOTA.NIQTJE. '1']
d'une giroflée, ayant attention de ne les prendre ni
l'une ni l'autre en parfaite maturité , afin qu'après
l'ouverture du fruit les graines restent attachées par
leurs ligaments à leurs sutures et à leurs valvules.
Si je me suis bien fait entendre , vous compren-
drez, chère cousine, quelles étonnantes précautions
ont été cumulées par la nature pour amener l'em-
bryon du pois à maturité, et le garantir surtout,
au milieu des plus grandes pluies, de l'humidité
qui lui est funeste, sans cependant l'enfermer dans
ime coque dure qui en eût fait une autre sorte de
fruit. Le suprême ouvrier , attentif à la conserva-
tion de tous les êtres , a mis de grands soins à ga-
rantir la fructification des plantes des atteintes qui
lui peuvent nuire; mais il paraît avoir redoublé
d'attention pour celles qui servent à la nourriture
de l'homme et des animaux , comme la plupart des
légumineuses. L'appareil de la fructification du
pois est , en diverses proportions , le même dans
toute cette famille. Les fleurs y portent le nom de
papilionacées , parce qu'on a cru y voir quelque
chose de semblable à la figure d'un papillon : elles
ont généralement un paçillon , deux aï/es , une na-
celle, ce qui fait communément quatre pétales ir-
réguliers. Mais il y a des genres où la nacelle se
divise dans sa longueur en deux pièces presque
adhérentes par la quille, et ces fleurs-là ont réelle-
ment cinq pétales ; d'autres , comme le treffle des
prés , ont toutes leurs parties attachées en une
seule pièce , et , quoique papilionacées , ne laissent
pas d'être monopétales.
ao LETTRES ÉLÉMENTAIRES
Les papilionacées ou légumineuses sont une des
familles des plantes les plus nombreuses et les plus
utiles. On y trouve les fèves, les genêts , les luzernes ,
sainfoins , lentilles , vesces , gesses , les haricots , dont
le caractère est d'avoir la nacelle contournée en spi-
rale, ce qu'on prendrait d'abord pour un accident;
il y a des arbres , entre autres celui qu'on appelle
vulgairement acacia, et qui n'est pas le véritable
acacia ; l'indigo , la réglisse , en sont aussi : mais
nous parlerons de tout cela plus en détail dans la
suite. Bonjour , cousine. J'embrasse tout ce que
vous aimez.
LETTRE IV.
Du 19 juin 1772.
Vous m'avez tiré de peine , chère cousine ; mais
il me reste encore de l'inquiétude siu' ces maux
d'estomac appelés maux de cœur , dont votre ma-
man sent les retours dans l'attitude d'écrire. Si c'est
seulement l'effet d'une plénitude de bile ,1e voyage
et les eaux suffiront pour l'évacuer; mais je crains
bien qu'il n'y ait à ces accidents quelque cause lo-
cale qui ne sera pas si facile à détruire , et qui de-
mandera toujours d'elle un grand ménagement,
même après son rétidjlissement. J'attends de vous
des nouvelles de ce voyage , aussitôt que vous en
aurez; mais j'exige que la maman ne songe à m'é-
crirc que pour m'apprendre son entière guérison.
SUR LA BOTANIQUE. ig
Je ne puis comprendre pourquoi vous n'avez pas
reçu l'herbier. Dans la persuasion que tante Julie
était déjà partie, j'avais remis le paquet à M. G.
pour vous l'expédier en passant à Dijon. Je n'ap-
prends d'aucun côté qu'il soit parvenu ni dans vos
mains , ni dans celles de votre sœur , et je n'imagine
plus ce qu'il peut être devenu.
Parlons de plantes, taudis que la saison de les
observer nous y invite. Votre solution de la ques-
tion que je vous avais faite sur les étamines des
crucifères est parfaitement juste , et me prouve
bien que vous m'avez entendu, ou plutôt que vous
m'avez écouté ; car vous n'avez besoin que d'écou-
ter pour entendre. Vous m'avez bien rendu raison
de la gibbosité de deux folioles du calice , et de la
brièveté relative de deux étamines , dans la giro-
flée, par la courbure de ces deux étamines. Cepen-
dant, un pas de plus vous eût menée jusqu'à la
cause première de cette structure : car si vous re-
cherchez encore pourquoi ces deux étamines sont
ainsi recourbées et par conséquent raccourcies ,
vous trouverez une petite glande implantée sur le
réceptacle, entre l'étamine et le germe, et c'est
cette glande qui, éloignant l'étamine , et la forçant
à prendre le contour, la raccourcit nécessairement.
Il y a encore sur le même réceptacle deux autres
glandes, une au pied de chaque paire des grandes
étamines ; mais ne leur faisant point faire de con-
tour , elles ne les raccourcissent pas parce que ces
glandes ne sont pas, comme les deux premières , en
dedans, c'est-à-dire entre l'étamine et le germe,
3o LETTRES ÉLÉMEJVTAIRES
mais en dehors, c'est-à-dire entre la paire d'éta-
mines et le calice. Ainsi ces quatre étaniines , sou-
tenues et dirigées verticalement en droite ligne ,
débordent celles qui sont recourbées , et semblent
plus longues parce qu'elles sont plus droites. Ces
quatre, glandes se trouvent , ou du moins leurs
vestiges , plus ou moins visiblement dans presque
toutes les fleurs crucifères, et dans quelques-unes
bien plus distinctes que dans la giroflée. Si vous
demandez encore pourquoi ces glandes , je vous
répondrai qu'elles sont un des instruments desti-
nés par la nature à unir le règne végétal au règne
animal, et les faire circuler l'un dans l'autre : mais,
laissant ces recherches un peu trop anticipées , re-
venons , quant à présent , à nos familles.
Les fleurs que je vous ai décrites jusqu'à pré-
sent sont toutes polypétales. J'aurais dû commen-
cer peut-être par les monopétales régulières dont la
structure est beaucoup plus simple : cette grande
simplicité même est ce qui m'en a empêché. Les
monopétales régulières constituent moins une fa-
mille qu'une grande nation dans laquelle on compte
plusieurs familles bien distinctes; en sorte que,
pour les comprendre toutes sous une indication
commune, il faut employer des caractères si géné-
raux et si vagues , que c'est paraître dire quelque
chose en ne disant en effet presque rien du tout.
Il vaut mieux se renfermer dans des bornes plus
étroites, mais qu'on puisse assigner avec plus de
précision.
Parmi les monotépales irrégulières il y a une fa-
SUR LA BOTANIQUE. 3l
mille dont la physionomie est si marquée qu'on en
distingue aisément les membres à leur air. C'est
celle à laquelle on donne le nom de fleurs en gueule,
parce que ces fleurs sont fendues en deux lèvres,
dont l'ouverture , soit naturelle , soit produite par
une légère compression des doigts , leur donne l'air
d'une gueule béante. Cette famille se subdivise en
deux sections ou lignées : l'une des fleurs en lèvres ,
ou labiées; l'autre, des fleurs en masque, on per-
sonnées; car le mot \^\in persoiia signifie un masque,
nom très-convenable assurément à la plupart des
gens qui portent parmi nous celui à^ personnes. Le
caractère commun à toute la famille est non-seu-
lement d'avoir la corolle monopétale, et , comme je
l'ai dit , fendue en deux lèvres ou babines , l'une
supérieure , appelée casque , l'autre inférieure , ap-
pelée barbe j mais d'avoir quatre étamines presque
sur un même rang , distinguées en deux paires ,
l'une plus longue , et l'autre plus courte. L'inspec-
tion de l'objet vous expliquera mieux Ces carac-
tères que ne peut faire le discours.
Prenons d'abord les labiées. Je vous en donne-
rais volontiers pour exemple la sauge, qu'on trouve
dans presque tous les jardins. Mais la construction
particulière et bizarre de ses étamines qui l'a fait
retrancher par quelques botanistes du nombre des
labiées , quoique la nature ait semblé l'y inscrire,
me porte à chercher un autre exemple dans les or-
ties mortes , et particulièrement dans l'espèce ap-
pelée vulgairement ortie blanche, mais que les bota-
nistes appellent plutôt lamier blanc , parce qu'elle
32 LETTRES ELEMENTAIRES
n'a nul rapport à l'ortie par sa fructification , quoi-
qu'elle en ait beaucoup par son feuillage. L'ortie
blanche , si commune partout , durant très - long-
temps en fleur , ne doit pas vous être difficile à
trouver. Sans m'arrèter ici à l'élégante situation
des fleurs, je me borne à leur structure. L'ortie
blanche porte une fleur monopétale labiée, dont le
casque est concave et recourbé en forme de voûte ,
pour recouvrir le reste de la fleur , et particulière-
ment ses étamines , qui se tiennent toutes quatre
assez serrées sous l'abri de son toit. Vous discer-
nerez aisément la paire plus longue et la paire plus
courte, et, au milieu des quatre, le stjle de la même
couleur, mais qui s'en distingue en ce qu'il est sim-
plement fourchu par son extrémité, au lieu d'y
porter une anthère comme font les étamines. La
barbe , c'est-à-dire la lèvre inférieure , se replie et
pend en -bas, et, par cette situation ,, laisse voir
presque jusqu'au fond le dedans de la corolle.
Dans les lamiers cette barbe est refendue en lon-
gueur , dans son milieu , mais cela n'arrive pas de
même aux autres labiées.
Si vous arrachez la corolle, vous arracherez avec
elle les étamines qui y tiennent par leurs filets , et
non pas au réceptacle , où le style restera seul at-
taché. En examinant comment les étamines tien-
nent à d'autres fleurs , on les trouve généralement
attachées à la corolle quand elle est monopétale',
et au réceptacle ou au calice quand la corolle est
polypétale : en sorte qu'on peut, en ce dernier cas,
arracher les pétales sans arracher les étamines. De
su R L A B () T A M Q U E . 3 ' )
cette observation l'on tire une règle belle , facile ,
et même assez siire, pour savoir si une corolle est
d'une seule pièce ou de plusieurs, lorsqu'il est dif-
ficile , comme il l'est quelquefois , de sVn assurer
immédiatement.
La corolk^ arrachée reste percée à son fond ,
parce qu'elle était attachée au réceptacle , laissant
une ouverture circulaire par laquelle le pistil et ce
qui l'entoure pénétrait au-dedans du tul)e et de la
corolle. Ce qui entoiu'e ce pistil dans le lamier et
dans toutes les labiées, ce sont quatre embryons
qui deviennent quatre graines nues, c'est-à-dire
sans aucune enveloppe ; en sorte que ces graines ,
quand elles sont mures, se détachent, et tombent
à terre séparémAt. Voilà le caractère des labiées.,
L'autre lignée ou section , qui est celle des per~
sonnées , se distingue des labiées ; preixiièrement
par sa corolle, dont les deux lèvres ne sont pas or-
dinairement ouvertes et béantes ,, mais fermées et
jointes , comme vous le pourrez voir dans la fleur
de jardin appelée muflaude ou mufle de veau, ou
bien , à son défaut , dans la linaire , cette fleur jaune
à éperon , si commune en cette saison dans la cam-
pagne. Mais un caractère plus précis et plus sûr est
qu'au lieu d'avoir quatre graines nues au fond du
caHce, comme les labiées, les personnées y ont
toutes une capsule qui renferme les graines , et ne
s'ouvre qu'à leur maturité pour les répandre. J'a-
joute à ces caractères qu'un grand nombre de la-
biées sont ou des plantes odorantes et aromatiques,
telles que l'origan , la marjolaine , le thym , le serpo-
R. VI r. 3
34 LETTRES ÉL:éMENTAIRES
let , le basilic , la menthe , l'hysope , la lavande , etc. ,
ou des plantes odorantes et puantes , telles que di-
verses espèces d'orties mortes , staquis , crapau-
dines , marrube ; quelques-unes seulement, telles
que la bugle , la brunelle , la toque , n'ont pas d'o-
deur , au lieu que les personnées sont pour la plu-
part des plantes sans odeur, comme la muflaude,
la linaire , l'euphraise , la pédiculaire , la crête de
coq, l'orobanche, la cimbalaire, la velvote, la di-
gitale; je ne connais guère d'odorantes dans cette
branche que la scrophulaire , qui sente et qui pue ,
sans être aromatique. Je ne puis guère vous citer
ici que des plantes qui vraisemblablement ne vous
sont pas connues, mais que peu à peu vous ap-
prendrez à connaître , et dont au fiioins à leur ren-
contre vous pourrez par vous-même déterminer la
famille. Je voudrais même que vous tâchassiez d'en
déterminer la lignée ou section par la physionomie ,
et que vous vous exerçassiez à juger, au simple
coup d'œil , si la fleur en gueule que vous voyez
est une labiée , ou une personnée. La figure exté-
rieure de la corolle peut suffire pour vous guider
dans ce choix, que vous pourrez vérifier ensuite
en ôtant la corolle , et regardant au fond du calice ;
car , si vous avez bien jugé , la fleur que vous au-
rez nommée labiée vous montrera quatre graines
nues , et celle que vous aurez nommée personnée
vous montrera un péricarpe : le contraire vous
prouverait que vous vous êtes trompée ; et , par un
second examen de la même plante , vous prévien-
drez une erreur semblable pour une autre fois.
SUR LA BOTAKIQUE. 35
Voilà, chère cousine, de l'occupation pour quel-
ques promenades. Je ne tarderai pas à vous en pré-
parer pour celles qui suivront.
LETTRE V.
Du i6 juillet 1772.
Je VOUS remercie , chère cousine , des bonnes
nouvelles que vous m'avez données de la maman.
J'avais espéré le bon effet du changement d'air, et
je n'en attends pas moins des eaux , et surtout
du régime austère prescrit durant leur usage. Je
suis touché du souvenir de cette bonne amie, et
je vous prie de l'en remercier pour moi. Mais je
ne veux pas absolument qu'elle m'écrive durant
son séjour en Suisse; et, si elle veut me donner
directement de ses nouvelles, elle a près d'elle un
bon secrétaire * qui s'en acquittera fort bien. Je
suis plus charmé que surpris qu'elle réussisse en
Suisse : indépendamment des grâces de son âge,
et de sa gaieté vive et caressante , elle a dans le ca-
ractère un fonds de douceur et d'égalité dont je
l'ai vue donner quelquefois à la grand'maman
l'exemple charmant qu'elle a reçu de vous. Si votre
sœur s'établit en Suisse, vous perdrez l'une et
l'autre une grande douceur dans la vie , et elle
surtout des avantages difficiles à remplacer. Mais
votre pauvre maman qui , porte à porte , sentait
La sœur de madame Delessert, que Rousseau appelait tante Julie.
3.
3G LETTRES ÉLÉMENTAIRES
pourtant si cruellement sa séparation d'avec vous,
comment supportera- t-elle la sienne à une si grande
distance ? C'est de vous encore qu'elle tiendra ses
dédommagements et ses ressources. Vous lui en
ménagez une bien précieuse en assouplissant dans
vos douces mains la bonne et forte étoffe de votre
favorite, qui, je n'en doute point, deviendra par
vos soins aussi pleine de grandes qualités que de
charmes. Ah! cousine, l'heureiise mère que la vôtre!
Savez -vous que je commence à être en peine
du petit herbier? Je n'en ai d'aucune part aucune
nouvelle , quoique j'en aie eu de M. G. depuis son
retour , par sa femme , qui ne me dit pas de sa part
un seul mot sur cet herbier. Je lui en ai demandé
des nouvelles ; j'attends sa réponse. J'ai grand'-
peur que , ne passant pas à Lyon , il n'ait confié
le paquet à quelque quidam qui , sachant que c'é-
taient des herbes sèches, aura pris tout cela pour
du foin. Cependant, si , comme je l'espère encore,
il parvient enfin à votre sœur Julie ou à vous,
vous trouverez que je n'ai pas laissé d'y prendre
quelque soin. C'est une perte qui , quoique pe-
tite, ne me serait pas facile à réparer prompte-
ment, surtout à cause du catalogue, accompagné
de divers petits éclaircissements écrits sur-le-
champ, et dont je n'ai gardé aucun double.
Consolez "VOUS, bonne cousine, de n'avoir pas
vu les glandes des crucifères. De grands bota-
nistes très-bien oculés ne les ont pas mieux vues.
Tournefort lui-même n'en fait aucune mention.
Elles sont bien claires dans peu de genres, quoi-
SUR LA BOTANIQUE. ?)n
qu'on en trouve des vestiges presque dans tous,
et c'est à force d'analyser des fleurs en croix, et
d'y voir toujours des inégalités au réceptacle, qu'en
les examinant en particuliex on a trouvé que ces
glandes appartenaient au plus grand nombre des
genres, et qu'on les suppose, par analogie, dans
ceux même où on ne les distingue pas.
Je comprends qu'on est fâché de prendre tant
de peine sans apprendre les noms des plantes qu'on
examine. M?.is je vous avoue de bonne foi qu'il
n'est pas entré dans mon plan de vous épargner ce
petit chagrin. On prétend que la botanique n'est
qu'une science de mots qui n'exerce que la mé-
moire , et n'apprend qu'à nommer des plantes :
pour moi, je ne connais point d'étude raisonnable
qui ne soit qu'une science de mots ; et auquel des
deux, je vous prie, accorderai-je le nom de bota-
niste , de celui qui sait cracher un nom ou une
phrase à l'aspect d'une plante , sans rien connaître
à sa structure , ou de celui qui , connaissant très-
bien cette structure, ignore néanmoins le nom très-
arbitraire qu'on donne à cette plante en tel ou en
tel pays? Si nous ne donnons à vos enfants qu'une
occupation amusante , nous manquons la meilleure
moitié de notre but, qui est, en les amusant, d'exer-
cer leur intelligence et de les accoutumer à l'atten-
tion. Avant de leur apprendre à nommer ce qu'ils
voient , commençons par leur apprendre à le voir.
Cette science , oubliée dans toutes les éducations,
doit faire la plus importante partie de la leur. Je
ne le redirai jamais assez ; apprenez-leur à ne ja-
38 LETTRES lÉLÉMENTAIRES
mais se paver de mots , et à croire né rien savoir
de ce qui n'est entré que dans leur mémoire.
Au reste , pour ne pas trop faire le méchant , je
vous nomme pourtant des plantes sur lesquelles ,
en vous les faisant montrer, vous pouvez aisément
vérifier mes descriptions. Vous n'aviez pas, je le
suppose, sous vos yeux une ortie blanche en lisant
l'analyse des lal^iées ; mais vous n'aviez qu'à en-
voyer chez l'herboriste du coin chercher de l'ortie
blanche fraîchement cueillie , vous appliquiez à sa
fleur ma description , et ensuite , examinant les
autres parties de la plante de la manière dont nous
traiterons ci-après , vous connaissiez l'ortie blanche
infiniment mieux que l'herboriste qui la fournit ne
la connaîtra de ses jours ; encore trouverons-nous
dans peu le moyen de nous passer d'herboriste :
mais il faut premièrement achever l'examen de nos
familles. Ainsi je viens à la cinquième, qui, dans
ce moment, est en pleine fructification.
Représentez-vous une longue tige assez droite ,
garnie alternativement de feuilles pour l'ordinaire
découpées assez menu , lesquelles embrassent par
leur base des branches qui sortent de leurs aisselles.
De l'extrémité supérieure de cette tige partent,
comme d'un centre, plusieurs pédicules ou rayons ,
qui, s'écartant circulairement et régulièrement
comme les côtes d'un parasol, couronnent cette
tige en forme d'un vase plus ou moins ouvert. Quel-
quefois ces rayons laissent un espace vide dans leur
milieu, et représentent alors plus exactement le
creux du vase; quelquefois aussi ce milieu est fourni
SUR LA BOTANIQUE. 89
d'autres rayons plus courts, qui, montant moins
obliquement, garnissent le vase, et forment con-
jointement avec les premiers , la figure à peu près
d'un demi-globe, dont la partie convexe est tournée
en-dessus.
Chacun de ces rayons ou pédicules est terminé
à son extrémité non pas encore par une fleur, mais
par un autre ordre de rayons plus petits c[ui cou-
ronnent chacun des premiers, précisément comme
ces premiers couronnent la tige.
Ainsi , voilà deux ordres pareils et successifs : l'un ,
de grands rayons qui terminent la tige , l'autre , de
petits rayons semblables qui terminent chacun des
grands.
Les rayons des petits parasols ne se subdivisent
plus , mais chacun d'eux est le pédicule d'une petite
fleur dont nous parlerons tout-à-l'heure.
Si vous pouvez vous former l'idée de la figure
que je viens de vous décrire , vous aurez celle de
la disposition des fleurs dans la famille des ombel-
liferes ow porte-parasols , car le mot latin umbella
signifie un parasol.
Quoique cette disposition régulière de la fructifi-
cation soit frappante, et assez constante dans toutes
les ombellifères,ce n'est pourtant pas elle qui con-
stitue le caractère de la famille : ce caractère se tire
de la structure même de la fleur, qu'il faut main-
tenant vous décrire.
Mais il convient, pour plus de clarté, de vous
donner ici une distinction générale sur la disposi-
tion relative de la fleur et du fruit dans toutes les
4o LKTTRES ÉLÉMENTAIRES
plantes, distinction qui facilite extrêmement leur
arrangement méthodique, quelque système qu'on
veuille choisir pour cela.
Il y a des plantes, et c'est le plus grand nombre,
par exemple l'œillet , dont Fovaire est évidemment
enfermé dans la corolle. Nous donnerons à celles-là
le nom àe fleurs infères ^ parce que les pétales em-
brassant l'ovaire prennent leur naissance au-des-
sous de lui.
Dans d'autres plantes en assez grand nombre,
l'ovaire se trouve placé, non dans les pétales, mais
au-dessous d'eux : ce que vous pouvez voir dans la
rose; car le gratte-cul, qui en est le fruit, est ce
corps vert et renflé que vous voyez au-dessous du
calice, par conséquent aussi au-dessous de la co-
rolle, qui, de cette manière, couronne cet ovaire
et ne l'enveloppe pas. J'appellerai celles-ci/Ze^/'j- su-
peres, parce que la corolle est au-dessus du fruit. On
pourrait faire des mots plus francisés, mais il me
paraît avantageux de vous tenir toujours le plus près
qu'il se pourra des termes admis dans la botanique,
afin que , sans avoir besoin d apprendre ni latin
ni grec, vous puissiez néanmoins entendre passa-
blement le vocabulaire de cette science , pédantes-
quement tiré de ces deux langues, comme si, pour
connaître les plantes, il fallait commencer par être
un savant grammairien.
ïournefort exprimait la même distinction en
d'autres termes : dans le cas de la fleur ùi/ere, il
disait que lé pistil devenait fruit; dans le cas de
le fleur supere, il disait que le calice devenait fruit.
SUR LA BOTANIQUE. /| I
C-ette manière de s'ex}3rimer pouvait être aussi
claire , mais elle n'était certainement pas aussi juste.
Quoi qu'il en soit , voici une occasion d'exercer ,
quand il en sera temps, vos jeunes élèves à savoir
démêler les mêmes idées, rendues j^ar des termes
tout différents.
Je vous dirai maintenant que les plantes ombel-
lifères ont la fleur supere^ ou posée sur le fruit,
[.a corolle de cette fleur est à cinq pétales appe-
lés réguliers, quoique souvent les deux pétales,
qui sont tournés en -dehors dans les fleurs qui
bordent l'ombelle, soient plus grands cpie les trois
autres.
La figure de ces pétales varie selon les genres,
mais le plus communément elle est en cœur ; l'on-
glet qui porte sur l'ovaire est fort mince ; la lame va
en s'élargissant; son bord est èmargùié (légèrement
échancré) ^ ou bien il se termine en une pointe cjui,
se repliant en-dessus, donne encore au pétale l'air
d'être émarginé, quoiqu'on le vît pointu s'il était
déplié.
Entre chaque pétale est une étamine dont l'an-
thère, débordant ordinairement la corolle, rend
les cinq étamines plus visiijles que les cinq pétales.
Je ne fais pas ici mention du calice, parce que
les ombellifères n'en ont aucun bien distinct.
Du centre de la fleur partent deux styles garnis
chacun de leur stigmate, et assez apparents aussi,
lesquels, après la chute des pétales et des étamines,
restent pour couronner le fruit.
lia figiue la plus commime de ce fruit est im
[\1 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
ovale un peu allongé , qui , dans sa maturité , s'ouvre
par la moitié , et se partage en deux semences nues
attachées au pédicule, lequel, par un art admi-
rable, se divise en deux, ainsi que le fruit, et tient
les graines séparément suspendues, jusqu'à leur
chute.
Toutes ces proportions varient selon les genres,
mais en voilà l'ordre le plus commun. Il faut, je l'a-
voue, avoir l'œil très-attentif pour bien distinguer
sans loupe de si petits objets ; mais ils sont si dignes
d'attention , qu'on n'a pas regret à sa peine.
Voici donc le caractère propre de la famille des
ombellifères. Corolle supère à cinq pétales , cinq
étamines, deux styles portés sur un fruit nu dis-
perme, c'est-à-dire composé de deux graines ac-
colées.
Toutes les fois que vous trouverez ces caractères
réunis dans une fructification , comptez que la
plante est une ombellifère , quand même elle n'au-
rait d'ailleurs, dans son arrangement , rien de l'ordre
ci-devant marqué. Et quand vous trouveriez tout
cet ordre de parasols conforme à ma description,
comptez qu'il vous trompe, s'il est démenti par
l'examen de la fleur. •
S'il arrivait, par exemple, qu'en sortant de lire
ma lettre vous trouvassiez, en vous promenant,
un sureau encore en tleur, je suis presque assuré
qu'au premier aspect vous diriez, Voila une ombel-
lifère. En y regardant , vous trouveriez grande om-
belle , petite ombelle , petites fleurs blanches , co-
rolle supère , cinq étamines : c'est une ombellifère
SUR LA BOTANIQUE. '4^
assurément ; mais voyons encore : je prends une
fleur.
D'abord au lieu de cinq pétales, je trouve une
corolle à cinq divisions, il est vrai , mais néanmoins
d'une seule pièce : or, les fleurs des ombellifères
ne sont pas monopétales. Voilà bien cinq étamines ;
mais je ne vois point de styles , et je vois plus
souvent trois stigmates que deux; plus souvent
trois graines que deux : or , les ombellifères n'ont
jamais ni plus ni moins de deux stigmates, ni plus
ni moins de deux graines pour chaque fleur. En-
fin , le fruit du sureau est une baie molfe ; et ce-
lui des ombellifères est sec et nu. Le sureau n'est
donc pas une ombellifère.
Si vous revenez maintenant sur vos pas en re-
gardant de plus près à la disposition des fleurs,
vous verrez que cette disposition n'est qu'en ap-
parence celle des ombellifères. Les grands rayons ,
au lieu de partir exactement du même centre,
prennent leur naissance les uns plus haut, les
autres plus bas; les petits naissent encore moins
régulièrement : tout cela n'a point l'ordre inva-
riable des ombellifères. L'arranoement des fleurs
du sureau est en corjmbe, ou bouquet, plutôt
qu'en ombelles. Voilà comment, en nous trom-
pant quelquefois, nous finissons par apprendre à
mieux voir.
Le chcudoii-roland , au contraire , n'a guère le
port d'une ombellifère, et néanmoins c'en est une,
puisqu'il en a tous les caractères dans sa fructifi-
cation. Où trouver, me direz-vous, le chardon-ro-
44 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
laiitl ? par toute la campagne ; tous les grands che-
mins en sont tapissés à droite et à gauche; le pre-
mier paysan peut vous le montrer , et vous le re-
connaîtrez presque vous-même à la couleur bleuâtre
ou vert-de-mer de ses feuilles , à leurs durs piquants ,
et à leur consistance lisse et coriace comme du
parchemin. Mais on peut laisser une plante aussi
intraitable; elle n'a pas assez de beauté pour dé-
dommager des blessures qu'on se fait en l'exami-
nant : et fùt-elle cent fois plus jolie, ma petite
cousine , avec ses petits doigts sensibles , serait
bientôt rebutée de caresser une plante de si mau-
vaise humeur.
La famille des ombellifères est nombreuse, et
si naturelle , que ses genres sont très-difficiles à
distinguer; ce sont des frères que la grande res-
semblance fait souvent prendre l'un pour l'autre.
Pour aider à s'y reconnaître , on a imaginé des dis-
tinctions principales qui sont quelquefois utiles,
mais sur lesquelles il ne faut pas non plus trop comp-
ter. Le foyer d'où partent les rayons , tant de la
grande que de la petite ombelle , n'est pas toujours
nu ; il est quelquefois entouré de folioles , comme
d'une manchette. On donne à ces folioles le nom
tVùwoIucre (enveloppe). Quand la grande ombelle
a une manchette, on donne à cette manchette le
nom de grand involuci'e : on si^^eWe petits invohicres
ceux qui entourent quelquefois les petites ombelles.
Cela donne lieu à trois sections des ombellifères.
1° Celles qui ont grand involucre et petits invo-
hicres.
s LU LA. cor .UNIQUE. 4^
■20 exiles qui n'ont que les petits invoUicres
seulement;
3° Celles qui n'ont ni grand ni petits involucres.
Il semblerait manquer une quatrième division
de celles qui ont un grand involucre et point de
petits, mais on ne connaît aucun genre qui soit
constamment dans ce cas.
Vos étonnants progrès , chère cousine , et votre
patience m'ont tellement enhardi que, comptant
pour rien votre peine , j'ai osé vous décrire la fa-
mille des ombellifères sans fixer vos yeux sur au-
cun modèle; ce qui a rendu nécessairement votre
attention beaucoup plus fatigante. Cependant
j'ose douter , lisant conmie vous savez faire, qu'a-
près une ou deux lectures de ma lettre, une om-
bellifère en fleurs échappe à votre esprit en frap-
pant vos yeux; et dans cette saison, vous ne
pouvez manquer d'en trouver plusieurs dans les
jardins et dans la campagne.
Elles ont, la plupart, les fleurs blanches. Telles
sont la carotte , le cerfeuil , le persil , la ciguë, l'an-
gélique , la berce , la berle , la boucage , le chervis
ou girole, la percepierre, etc.
Quelques-unes, comme le fenouil, l'anet, le
panais, sont à fleurs jaunes : il y en a peu à fleurs
rougeâtres, et point d'aucune autre couleur.
Voilà, me direz-vous , une belle notion générale
<les ombellifères : mais comment tout ce vague sa-
voir me garantira-t-il de confondre la ciguë avec
le cerfeuil et le persil , que vous venez de nommer
avec elle ? La moindre cuisinière en saura là-des-
46 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
SUS plus que nous avec toute notre doctriçe. Vous
avez raison. Mais cependant , si nous commençons
par les observations de détails, bientôt, accablés
par le nombre , la mémoire nous abandonnera, et
nous nous perdrons dès le premier pas dans ce
règne immense : au lieu que, si nous commen-
çons par bien reconnaître les grandes routes, nous
nous éfi^arerons rarement dans les sentiers , et nous
nous retrouverons partout sans beaucoup de peine.
Donnons cependant quelque exception à l'utilité
de l'objet, et ne nous exposons pas, tout en ana-
lysant le règne végétal, à manger par ignorance
une omelette à la ciguë.
La petite ciguë des jardins est une ombellifère,
ainsi que le persil et le cerfeuil. Elle a la fleur
blanche comme l'un et l'autre '^ ; elle est avec le
dernier dans la section qui a la petite enveloppe et
qui n'a pas la grande ; elle leur ressemble assez par
son feuillage , pour qu'il ne soit pas aisé de vous en
marquer par écrit les différences. Mais voici des ca-
ractères suffisants pour ne vous y pas tromper.
Il faut commencer par voir en fleurs ces diverses
plantes, car c'est en cet état que la ciguë a son
' caractère propre. C'est d'avoir sous chaque petite
ombelle un petit involucre composé de trois pe-
tites folioles pointues, assez longues, et toutes
trois tournées en- dehors; au lieu que les folioles
des petites ombelles du cerfeuil l'enveloppent tout
" La fleur du persil est un peu jaunâtre; mais plusieurs fleurs
d'ombellifères paraissent jaunes, à cause de l'ovaire et des anthères,
et ne laissent pas d'avoir les pétales blancs.
SUR LA BOTANIQUE. 47
autour, et sont tournées également de tous les cô-
tés. A l'égard du persil, à peine a-t-il quelques
courtes folioles, fines comme des cheveux , et dis-
tribuées indifféremment , tant dans la grande om-
belle que dans les petites , qui toutes sont claires
et maigres.
Quand vous vous serez bien assurée de la ciguë
en fleurs , vous vous confirmerez dans votre juge-
ment en froissant légèrement et flairant son feuil-
lage; car son odeur puante et vireuse ne vous la
laissera pas confondre avec le persil ni avec le cer-
feuil , qui , tous deux , ont des odeurs agréables.
Bien sûre enfin de ne pas faire de quiproquo , vous
examinerez ensemble et séparément ces trois
plantes dans tous leurs états et par toutes leurs
parties , surtout par le feuillage , qui les ac-
compagne plus constamment que la fleur; et par
cet examen, comparé et répété jusqu'à ce que
vous ayez acquis la certitude du coup d'œil , vous
parviendrez à distinguer et connaître imperturba-
blement la ciguë. L'étude nous mène ainsi jusqu'à
la porte de la pratique, après quoi celle-ci fait la
facilité du savoir.
Prenez haleine , chère cousine , car voilà une
lettre excédante; je n'ose même vous promettre
plus de discrétion dans celle qui doit la suivre,
mais après cela nous n'aurons devant nous qu'un
chemin bordé de fleurs. Vous en méritez une cou-
ronne pour la douceur et la constance avec la-
quelle vous daignez me suivre à travers ces brous-
sailles , sans vous rebuter de leurs épines.
^S LETTRES ELEMEIVTAIRES
LETTRE Vî.
Du 2 mai 1773.
Quoiqu'il vous reste, chère cousine, bien des
choses à désirer dans les notions de nos cinq pre-
mières familles , et que je n'aie pas toujours su
mettre mes descriptions à la portée de notre petite
bntanophile (amatrice de la botanique), je crois
néanmoins vous en avoir donné une idée suffisante
pour pouvoir , après quelques mois d'herborisation ,
vous familiariser avec l'idée générale du port de
chaque famille : en sorte qu'à l'aspect d'une plante
vous puissiez conjecturer à peu près si elle appar-
tient à quelqu'une des cinq familles, et à laquelle,
sauf à vérifier ensuite, par l'analyse de la fructi-
fication , si vous vous êtes trompée ou non dans
votre conjecture. Les ombellifères, par exemple,
vous ont jetée dans quelque embarras , mais dont
vous pouvez sortir quand il vous plaira , au moyen
des indications que j'ai jointes aux descriptions;
car enfin les carottes, les panais, sont choses si
communes, que rien n'est plus aisé, dans le milieu
de l'été, que de se faire montrer l'une ou l'autre
en ffetirs dans un potager. Or , au simple aspect de
l'ombelle et de la plante qui la porte, on doit
prendre une idée si nette des ombellifères, qu'à
la rencontre d'une plante de cette famille, on s'y
trompera rarement au premier coup-d'œil. Voilà
SUR LA BOTANIQUE. 49
tout ce que j'ai prétendu jusqu'ici; car il ne sera
pas question si tôt des genres et des espèces; et,
encore une fois, ce n'est pas une nomenclature de
perroquet qu'il s'agit d'acquérir , mais une science
réelle, et l'une des sciences les plus aimables qu'il
soit possible de cultiver. Je passe donc à notre
sixième famille avant de prendre une route plus mé-
thodique : elle pourra vous embarrasser d'abord ,
autant et plus que les ombellifères. Mais mon but
n'est, quanta présent, que de vous en donner une
notion générale , d'autant plus que nous avons bien
du temps encore avant celui de la pleine floraison ,
et que ce temps , bien employé , pourra vous apla-
nir des difficultés contre lesquelles il ne faut pas
lutter encore.
Prenez une de ces petites fleurs qui , dans cette
saison , tapissent les pâturages , et qu'on appelle
ici pâquerettes ^ petites marguerites^ ou marguerites
tout court. Regardez-la bien , car, à son aspect , je
suis sûr de vous surprendre en vous disant que
cette fleur , si petite et si mignonne , est réellement
composée de deux ou trois cents autres fleurs
toutes parfaites , c'est-à-dire ayant chacune sa co-
rolle, son germe , son pistil , ses étamines , sa graine ,
en un mot aussi parfaite en son espèce qu'une fleur
de jacynthe ou de lis. Chacune de ses folioles ,
blanches en-dessus, roses en-dessous, qui forment
comme une couronne autour de la marguerite , et
qui ne vous paraissent tout au plus qu'autant de
petits pétales , sont réellement autant de véri-
tables fleurs; et chacun de ces petits brins jaunes
II. VII. 4
5o LETTRES ÉLÉMENTAIRES
que VOUS voyez dans le centre , et que d'abord vous
n'avez peut-être, pris que pour des étamines, sont
encore autant de véritables fleurs. Si vous aviez
déjà les doigts exercés aux dissections botaniques,
que vous vous armassiez d'une bonne loupe et de
beaucoup de patience, je pourrais vous convaincre
de cette vérité par vos propres yeux ; mais , pour
le présent, il faut commencer, s'il vous plaît, par
m'en croire sur ma parole, de peur de fatiguer
votre attention sur des atomes. Cependant, pour
vous mettre au moins sur la voie , arrachez une
des folioles blanches de la couronne , vous croirez
d'abord cette foliole plate d'un bout à l'autre ; mais
re<^ardez-la bien par le bout qui était attaché à la
fleur , vous verrez que ce bout n'est pas plat , mais
rond et creux en forme de tube, et que de ce tube
sort un petit filet à deux cornes : ce filet est le style
fourchu de cette fleur , qui , comme vous voyez ,
n'est plate que par le haut.
Regardez maintenant les brins jaunes qui sont
au milieu de la fleur, et que je vous ai dit être au-
tant de fleurs eux-mêmes : si la fleur est assez avan-
cée , vous en verrez plusieurs tout a4.itour , lesquels
sont ouverts dans le milieu , et même découpés en
plusieurs parties. Ce sont des corolles monopé-
tales qui s'épanouissent , et dans lesquelles la loupe
vous ferait aisément distinguer le pistil et même
les anthères dont il est entouré : ordinairement les
fleurons jaunes, qu'on voit au centre, sont encore
arrondis et non percés ; ce sont des fleurs comme les
autres , mais qui ne sont pas encore épanouies ; car
SUR LA BOTANIQUE. 5l
elles ne s'épanouissent que successivement en
avançant des bords vers le centre. En voilà assez
pour vous montrer à l'œil la possibilité que tous
ces brins, tant blancs que jaunes, soient réelle-
ment autant de fleurs parfaites; et c'est un fait
très-constant : vous voyez néanmoins que toutes
ces petites fleurs sont pressées et renfermées dans
un calice qui leur est commun, et qui est celui de
la marguerite. En considérant toute la marguerite
comme une seule fleur , ce sera donc lui donner
un nom très-convenable que de l'appeler une fleur
composée; or il y a un grand nombre d'espèces et
de genres de fleurs formées comme la marguerite
d'un assemblage d'autres fleurs plus petites , con-
tenues dans un calice commun. Voilà ce qui con-
stitue la sixième famille dont j'avais à vous parler,
savoir celle àesjîeurs composées.
Commençons par ôter ici l'équivoque du mot
de fleur, en restreignant ce nom dans la présente
famille à la fleur composée, et donnant celui de
fleurons aux petites fleurs qui la composent ; mais
n'oublions pas que, dans la précision du mot, ces
fleurons eux-mêmes sont autan t de véritables fleurs.
Vous avez vu dans la marguerite deux sortes de
fleurons, savoir, ceux de couleur jaune qui rem-
plissent le milieu de la fleur, et les petites lan-
guettes blanches qui les entourent : les premiers
sont, dans leiu' petitesse, assez semblables de fi-
gure au fleurs du muguet ou de la jacynthe , et les
seconds ont quelque rapport aux fleurs du chèvre-
feuille. Nous laisserons aux premiers le nom de
4-
$ti LETTRES ^L:ÉME]VTAIRES
fleurons, et, pour distinguer les autres, nous les
appellerons demi-Jîeurons ; car, en effet, ils ont as-
sez l'air de fleurs monopétales qu'on aurait rognées
par un côté en n'y laissant qu'une languette qui fe
rait à peine la moitié de la corolle.
Ces deux sortes de fleurons se combinent dans
les fleurs composées de manière à diviser toute la
faiTiille en trois sections bien distinctes.
La première section est formée de celles qui ne
sont composées que de languettes ou demi-fleurons ,
tant au milieu qu'à la circonférence, on les ap-
"oe^ie fleurs demifleuronnèes; et la fleur entière dans
cette section est toujours d'une seule couleur, le
plus souvent jaune. Telle est la fleur appelée
dent-de-lion ou pissenlit ; telles sont les fleurs de
laitues, de chicorée (celle-ci est bleue), de scor-
sonère , de salsifis ^ etc.
La seconde section comprend \é% fleurs fleuron-
nées , c'est-à-dire qui ne sont composées que de
fleurons, tous pour l'ordinaire aussi d'une seule
couleur : telles sont les fleurs d'immortelle , de
bardane , d'absy nthe , d'armoise , de chardon , d'arti-
chaut, qui est un chardon lui-même, dont on
mange le calice et le réceptacle encore en bouton
avant que la fleur soit éclose, et même formée.
Cette bourre, qu'on ôte du milieu de l'artichaut,
n'est autre chose que l'assemblage des fleurons
qui commencent à se former, et qui sont séparés
les uns des autres par de longs poils implantés sur
le réceptacle.
La troisième section est celle des fleurs qui ras-
SUR LA BOTANIQUE. 53
semblent les deux sortes de fleurons. Cela se fait
toujours de manière que les fleurons entiers oc-
cupent le centre de la fleur, et les demi-fleurons
forment le contour ou la circonférence, comme
vous avez vu dans la pâquerette. Les fleurs de cette
section s'appellent radiées, les botanistes ayant
donné le nom de rajoii au contour d'une fleur
composée, quand il est formé de languettes ou
demi-fleurons. A l'égard de l'aire ou du centre de
la fleur occupé par les fleurons, on l'appelle le
disque, et on donne aussi quelquefois ce même
nom de disque à la surface du réceptacle où sont
plantés tous les fleurons et demi-fleurons. Dans les
fleurs radiées, le disque est souvent d'une cou-
leur et le rayon d'une autre : cependant il y a aussi
des genres et des espèces où tous les deux sont de
la même couleur.
Tâchons à présent de bien déterminer dans votre
esprit l'idée ai wne Jleu?^ composée. Le trèfle ordinaire
fleurit en cette saison ; sa fleur est pourpre : s'il
vous en tombait une sous la main , vous pourriez,
en voyant tant de petites fleurs rassemblées, être
tentée de prendre le tout pour une fleur composée.
Vous vous tromperiez ; en quoi ? en ce que , pour
constituer une fleur composée , il ne suffit pas
d'une agrégation de plusieurs petites fleurs , mais
qu'il faut de plus qu'une ou deux des parties de la
fructification leur soient communes, de manière
que toutes aient part à la même , et qu'aucune n'ait
la sienne séparément. Ces deux parties communes
sont le calice et le réceptacle. Il est vrai que la fleur
54 LETTRES jtL^MENTAIRES
de trèfle , ou plutôt le groupe de fleurs qui n'en
semblent qu'une , paraît d'abord portée sur une
espèce de calice ; mais écartez un peu ce prétendu
calice , et vous verrez qu'il ne tient point à la fleur,
mais qu'il est attaché au-dessous d'elle au pédicule
qui la porte. Ainsi ce calice apparent n'en est
point un ; il appartient au feuillage et non pas à là
fleur; et cette prétendue fleur n'est en effet qu'un
assemblage de fleurs légumineuses fort petites, dont
chacune a son calice particulier, et qui n'ont abso-
lument rien de commun entre elles que leur at-
tache au même pédicule. L'usage est pourtant de
prendre tout cela pour une seule fleur ; mais c'est
une fausse idée, ou, si l'on veut absolument re-
garder comme une fleur un bouquet de cette es-
pèce, il ne faut pas du moins l'appeler une fleur
composée, mais une fleur agrégée on une tête (Jhs
aggregatus ^ fias capitatus, capituluiii). Et ces déno-
minations sont en effet quelquefois employées en
ce sens par les botanistes.
Voilà, chère cousine, la notion la plus simple
et la plus naturelle que je puisse vous donner de la
famille , ou plutôt de la nombreuse classe des com-
posées , et des trois sections ou familles dans les-
quelles elles se subdivisent. Il faut maintenant vous
parler de la structure des fructifications particu-
lières à cette classe , et cela nous mènera peut-être
à en déterminer le caractère avec plus de précision.
La partie la plus essentielle d'une fleur compo-
sée est le réceptacle sur lequel sont plantés , d'a-
bord les fleurons et demi-fleurons, et ensuite les
SUR LA BOTAJVIQUJÏ. 55
graines qui leur succèdent. Ce réceptacle, qui
forme un disque d'une certaine étendue, fait le
centre du calice, comme vous pouvez voir dans le
pissenlit, que nous prendrons ici pour exemple.
Le calice , dans toute cette famille , est ordinai-
rement découpé jusqu'à la base en plusieurs pièces,
afin qu'il puisse se fermer, se rouvrir, et se ren-
verser , comme il arrive dans le progrès de la fruc-
tification , sans y causer de déchirure. Le calice du
pissenlit est formé de deux rangs de folioles insérés
l'un dans l'autre , et les folioles du rang extérieur
qui soutient l'autre se recourbent et replient en bas
vers le pédicule , tandis que les folioles du rang inté-
rieur restent droites pour entourer et contenir les
demi-fleurons qui composent la fleur.
Une forme encore des plus communes aux ca-
lices de cette classe est d'être imbriqués, c'est-à-dire
formés de plusieurs rangs de folioles en recouvre-
ment, les unes sur les joints des autres, comme
les tuiles d'un toit. L'artichaut, le bluet, la jacée,
la scorsonère , vous offrent des exemples de ca-
lices imbriqués.
Les fleurons et demi - fleurons enfermés dans le
calice sont plantés fort dru sur son disque ou ré-
ceptacle en quinconce, ou comme les cases d'un
damier. Quelquefois ils s'entretouchent à nu sans
rien d'intermédiaire, quelquefois ils sont séparés
par des cloisons de poils ou de petites écailles qui
restent attachées au réceptacle quand les graines
sont tombées. Vous voilà sur la voie d'observer les
différences de calices et de réceptacles ; parlons à
56 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
présent de la structure des fleurons et demi-fleu-
rons, en commençant par les premiers.
Un fleuron est une fleur monopétale, régulière,
pour l'ordinaire , dont la corolle se fend dans le
haut en quatre ou cinq parties. Dans cette corolle
sont attachés , à son tube , les filets des étamines
au nombre de cinq : ces cinq filets se réunissent
par le haut en un petit tube rond qui entoure le
pistil, et ce tube n'est autre chose que les cinq
anthères ou étamines réunies circulairement en un
seul corps. Cette réunion des étamines forme, aux
yeux des botanistes, le caractère essentiel des fleurs
composées , et n'appartient qu'à leurs fleurons ex-
clusivement à toutes sortes de fleurs. Ainsi vous
aurez beau trouver plusieurs fleurs portées sur
un même disque , comme dans les scabieuses et le
chardon à foulon , si les anthères ne se réunissent
pas en un tube autour du pistil , et si la corolle ne
porte pas sur une seule graine nue , ces fleurs ne
sont pas des fleurons et ne forment pas une fleur
composée. Au contraire , quand vous trouveriez
dans une fleur unique les anthères ainsi réunies
en un seul corps, et la corolle supère posée sur
une seule graine , cette fleur , quoique seule , serait
un vrai fleuron , et appartiendrait à la famille des
composées , dont il vaut mieux tirer ainsi le carac-
tère d'une structure précise, que d'une apparence
trompeuse.
Le pistil porte im style plus long d'ordinaire
que le fleuron au-dessus duquel on le voit s'élever
à travers le tube formé par les anthères. Il se ter-
SUR r.A BOTANIQUE. 57
mine le plus souvent, dans le haut, par un stig-
mate fourchu dont on voit aisément les deux pe-
tites cornes. Par son pied, le pistil ne porte pas
immédiatement sur le réceptacle, non plus que le
fleuron ; mais l'un et l'autre y tiennent par le germe
qui leur sert de base, lequel croît et s'allonge à
mesure que le fleuron se dessèche , et devient en-
fin une graine longuette qui reste attachée au ré-
ceptacle , jusqu'à ce qu'elle soit mûre. Alors elle
tombe si elle est nue, ou bien le vent l'emporte
au loin si elle est couronnée d'une aigrette de
plumes, et le réceptacle reste à découvert tout
nu dans des genres, ou garni d'écaillés ou de poils
dans d'autres.
. La structure des demi-fleurons est semblable à
celle des fleurons; les étamines, le pistil et la graine
y sont arrangés à peu près de même : seulement
dans les fleurs radiées il y a plusieurs genres où les
demi-fleurons du contour sont sujets à avorter, soit
parce qu'ils manquent d'étamines, soit parce que
celles qu'ils ont sont stériles , et n'ont pas la force
de féconder le germe ; alors la fleur ne graine que
par les fleurons du milieu.
Dajis toute la classe des composées , la graine
est toujours sessile, c'est-à-dire qu'elle porte immé-
diatement sur le réceptacle sans aucun pédicule in-
termédiaire. Mais il y a des graines dont le sommet
est couronné par une aigrette quelquefois sessile,
et quelquefois attachée à la graine par un pédicule.
Vous comprenez que l'usage de cette aigrette est
«l'éparpiller au loin les semences, en donnant plus de
*
58 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
prise à l'air pour les emporter et semer à distance.
A ces descriptions informes et tronquées , je
dois ajouter que les calices ont , pour l'ordinaire ,
la propriété de s'ouvrir quand la fleur s'épanouit,
de se refermer quand les fleurons se sèment et
tombent, afin de contenir la jeune graine et l'ém-
pécher de se répandre avant sa maturité ; enfin de
se rouvrir et de se renverser tout-à-fait pour offrir
dans leur centre une aire plus large aux graines
qui grossissent en mûrissant. Vous avez dû souvent
voir le pissenlit dans cet état , quand les enfants
le cueillent pour souffler dans ses aigrettes , qui
forment un globe autour du calice renversé.
Pour bien connaître cette classe, il faut en suivre
les fleurs dès avant leur épanouissement jusqu'à
la pleine maturité du fruit, et c'est dans cette suc-
cession qu'on voit des métamorphoses et un en-
chaînement de merveilles qui tiennent tout esprit
sain qui les observe dans une continuelle admi-
ration. Une fleur commode pour ces observations
est celle des soleils, qu'on rencontre fréquemment
dans les vignes et dans les jardins. Le soleil, comme
vous voyez , est une radiée. La reine-marguerite ,
qui, dans l'automne , fait l'ornement des parterres,
en est une aussi. Les chardons *" sont des fleuron-
nées : j'ai déjà dit que la scorsonère et le pissenlit
sont des demi-fleuronnées. Toutes ces fleurs sont
assez grosses pour pouvoir être disséquées et étu-
diées à l'œil nu sans le fatiguer beaucoup.
Il faut prendre garde de n'y pas mêler le chardon-à-foulon ou
des bonnetiers , qui n'est pas un vrai chardon.
SUR LA BOTANIQUE. .^9
Je ne vous en dirai pas davantage aujourd'hui
sur la famille ou classe des composées. Je tremble
déjà d'avoir trop abusé de votre patience par des
détails que j'aurais rendus plus clairs si j'avais su
les rendre plus courts , mais il m'est impossible de
sauver la difficulté qui naît de la petitesse des ob-
jets. Bonjour, chère cousine.
LETTRE VIL
Sur les arbres fruitiers.
J'attendais de vos nouvelles, chère cousine , sans
impatience , parce que M. T. , que j'avais vu depuis
la réception de votre précédente lettre , m'avait
dit avoir laissé votre maman et toute votre famille
en bonne santé. Je me réjouis d'en avoir la confir-
mation par vous-même, ainsi que des bonnes et
fraîches nouvelles que vous me donnez de ma tante
Gonceru. Son souvenir et sa bénédiction ont épa-
noui de joie un cœur à qui, depuis long -temps,
on ne fait plus guère éprouver de ces sortes de
mouvements. C'est par elle que je tiens encore à
quelque chose de bien précieux sur la terre ; et
tant que je la conserverai, je continuerai, quoi
qu'on fasse , à aimer la vie. Voici le temps de pro-
fiter de vos bontés ordinaires pour elle et pour
moi; il me semble que ma petite offrande prend
un prix réel en passant par vos mains. Si votre
cher époux vient bientôt à Paris , comme vous me
6o LETTP.es ÉLliMENTA.IRES
le faites espérer, je le prierai de vouloir bien se
charger de mon tribut annuel * ; mais s'il tarde un
peu, je vous prie de lue marquer à qui je dois le
remettre , afin qu'il n'y ait point de retard, et que
vous n'en fassiez pas l'avance comme l'année der-
nière, ce que je sais que vous faites avec plaisir,
mais à quoi je ne dois pas consentir saps nécessité.
Voici , chère cousine , les noms des plantes que
vous m'avez envoyées en dernier lieu. J'ai ajouté
un point d'interrogation à ceux dont je suis en
doute, parce que vous n'avez pas eu soin d'y mettre
des feuilles avec la fleur, et que le feuillage est
souvent nécessaire pour déterminer l'espèce à un
aussi mince botaniste que moi. En arrivant à Four-
rière, vous trouverez la plupart des arbres frui-
tiers en fleur, et je me souviens que vous aviez
désiré quelques directions sur cet article. Je ne
puis en ce luoment vous tracer là-dessus que quel-
ques mots très à la hâte , étant très-pressé , et afin
que vous ne perdiez pas encore une saison pour
cet examen.
Il ne faut pas , chère amie , donner à la bota-
nique une importance qu'elle n'a pas; c'est une
étude de pure curiosité , et qui n'a d'autre utilité
réelle que celle que peut tirer un être pensant et
sensible de l'observation de la nature et des mer-
veilles de l'univers. L'homme a dénaturé beaucoup
de choses pour les mieux convertir à son usage :
en cela il n'est point à blâmer ; mais il n'en est
pas moins vrai qu'il les a souvent défigurées, et que,
La rente de loo liv. qu'il faisait à sa tante Goncerii.
SUR LA BOTANIQUE. 6l
quand dans les œuvres de ses mains il croit étu-
dier vraiment la nature , il se trompe. Cette erreur
a lieu surtout dans la société civile ; elle a lieu de
même dans les jardins. Ces fleurs doubles , qu'on
admire dans les parterres , sont des monstres dé-
pourvus de la faculté de produire leur semblable ,
dont la nature a doué tous les êtres organisés. Les
arbres fruitiers sont à peu près dans le même cas
par la greffe : vous aurez beau planter des pépins
de poires et de pommes des meilleures espèces , il
n'en naîtra jamais que des sauvageons. Ainsi, pour
connaître la poire et la pomme de la nature, il
faut les chercher, non dans les potagers, mais dans
les forêts. La chaire n'en est pas si grosse et si
succulente , mais les semences en mûrissent mieux,
en multiplient davantage , et les arbres en sont
infiniment plus grands et plus vigoureux. Mais
j'entame ici un article qui me mènerait trop loin;
revenons à nos potagers.
Nos arbres fruitiers , quoique greffés , gardent
dans leur fructification tous les caractères bota-
niques qui les distinguent ; et c'est par l'étude at-
tentive de ces caractères, aussi bien que par les
transformations de la greffe, qu'on s'assure qu'il
n'y a , par exemple , qu'une seule espèce de poire
sous mille noms divers, par lesquels la forme et la
saveur de leurs fruits les a fait distinguer en autant
de prétendues espèces qui ne sont, au fond, que
des variétés. Bien plus, la poire et la pomme ne
sont que deux espèces du même genre, et lepr
unique différence bien caractéristique est que le
6-i LETTHES ÉLÉMENTAIRES
pédicule de la pomme entre dans un enfoncement
du fruit , et celui de la poire tient à un prolonge-
ment du fruit im peu allongé. De même toutes les
sortes de cerises , guignes, griottes, bigarreaux, ne
sont que des variétés d'une même espèce : toutes
les prunes ne sont qu'une espèce de prunes ; le
genre de la prune contient trois espèces princi-
pales, savoir : la prune proprement dite, la cerise,
et l'abricot, qui n'est aussi qu'une espèce de prune.
Ainsi , quand le savant Linnœus , divisant le genre
dans ses espèces , a dénommé la prune prune , la
prune cerise, et la prune abricot, les ignorants se
sont moqués de lui ; mais les observateurs ont ad-
miré la justesse de ses réductions, etc. Il faut cou-
^ rir, je me hâte.
Les arbres fruitiers entrent presque tous dans
une famille nombreuse , dont le caractère est facile
à saisir , en ce que les étamines , en grand nombre,
au lieu d'être attachées au réceptacle, sont atta-
chées au calice par les intervalles que laissent les
pétales entre eux; toutes leurs fleurs sont polypé-
tales et à cinq communément. Voici les principaux
caractères génériques.
Le genre de la poire , qui comprend aussi la
pomme et le coin. Calice monophylle à cinq
pointes. Corolle à cinq pétales attachés au calice,
une vingtaine d'étamines toutes attachées au ca-
lice. Germe ou ovaire infère , c'est-à-dire au-des-
sous de la corolle, cinq styles. Fruits* charnus à cinq
logettes, contenant des graines, etc.
Le genre de la prune, qui comprend l'abricot,
SDH LA BOTAiNlQUE. G3
la cerise et le laurier cerise. Calice , corolles et an-
thères à peu près comme. la poire; mais le germe
est siipère, c'est-à-dire dans la corolle, et il n'y a
qu'un stj le. Fruit plus aqueux que charnu , conte-
nant un noyau , etc.
Le genre de l'amande, qui comprend aussi la
pèche. Presque comme la prune , si ce n'est que le
germe est velu , et que le fruit, mou dans la pèche,
sec dans l'amande , contient un noyau dur , rabo-
teux, parsemé de cavités, etc.
Tout ceci n'est que bien grossièrement ébauché ,
mais c'en est assez pour vous amuser cette année.
Bonjour, chère cousine. •
LETTRE VlII.
Sur les Herbiers.
Du 1 1 avril iyy3.
Grâce au ciel , chère cousine, vous voilà rétablie.
Mais ce n'est pas sans que votre silence et celui
de M. G., que j'avais instamment prié de m'écrire
un mot à son arrivée, ne m'ait causé bien des
alarmes. Dans des inquiétudes de cette espèce ,
rien n'est plus cruel que le silence, parce qu'il fait
tout porter au pis ; mais tout cela est déjà oublié
et je ne sens plus que le plaisir de votre rétablis-
sement. Le retour de la belle saison , la vie moins
sédentaire de Fourrière , et le plaisir de remplir
avec succès la plus douce ainsi que la plus respec-^
64 LETTRES ELEMENTAIRES
table des fonctions, achèveront bientôt de l'affer-
mir , et vous en sentirez moins tristement l'ab-
sence passagère de votre mari, au milieu des chers
gages de son attachement , et des soins continuels
qu'ils vous demandent.
La terre commence à verdir, les arbres à bour-
geonner , les fleurs à s'épanouir : il y en a déjà de
passées; un moment de retard pour la botanique
nous reculerait d'une année entière : ainsi j'y passe
sans autre préambule.
Je crains que nous ne l'ayons traitée jusqu'ici
d'une manière trop abstraite, en n'appliquant point
nos idées sur des objets déterminés; c'est le défaut
dans lequel je suis tombé , principaleiTient à l'égard
.des ombellifères. Si j'avais commencé par vous en
mettre une sous les yeux, je vous aurais épargné une
application très-fatigante sur un objet imaginaire ,
et à moi des descriptions difficiles , auxquelles
im simple coup d'œil aurait suppléé. Malheureu-
sement, à la distance où la loi de la nécessité me
tient de vous , je ne suis pas à portée de vous mon-
trer du doigt les objets ; mais si , chacun de notre
côté , nous en pouvons avoir sous les yeux de
semblables, nous nous entendrons très -bien l'un
l'autre en parlant de ce que nous voyons. Toute la
difficulté est qu'il faut que l'indication vienne de
vous ; car vous envoyer d'ici des plantes sèches se-
rait ne rien faire. Pour bien reconnaître une plante ,
il faut commencer par la voir sur pied. Les herbiers
servent de mémoratif pour celles qu'on a déjà con-
nues , mais ils font mal connaître celles qu'on n'a
SUR LA BOÏAJNlQtlE. 65
pas vues auparavant. C'est donc à vous de m'en-
voyer des plantes que vous voudrez connaître et
que vous aurez cueillies sur pied ; et c'est à moi de
vous les nommer, de les classer, de les décrire,
jusqu'à ce que , par des idées comparatives , deve-
nues familières à vos yeux et à votre esprit, vous
parveniez à classer , ranger et nommer vous-même
celles que vous verrez pour la première fois; science
qui seule distingue le vrai botaniste de l'herboriste
ou nomenclateur. Il s'agit donc ici d'apprendre à
préparer, dessécher et conserver les plantes, ou
échantillons de plantes, de manière à les rendre
faciles à reconnaître et à déterminer ; c'est , en un
mot, un herbier que je vous propose de commen-
cer. Voici une grande occupation qui, de loin, se
prépare pour notre petite amatrice; car, quant à
présent, et pour quelque temps encore, il faudra
que l'adresse de vos doigts supplée à la faiblesse
des siens.
Il y a d'abord une provision à faire ; savoir , cinq
ou six mains de papier gris , et à peu près autant
de papier blanc , de même grandeur , assez fort et
bien collé , sans quoi les plantes se pourriraient
dans le papier gris , ou du moins les fleurs y per-
draient leur couleur ; ce qui est une des parties
qui les rendent reconnaissables , et par lesquelles
un herbier est agréable à voir. Il serait encore à
désirer que vous eussiez une presse de la grandeur
de votre papier , ou du moins deux bouts de plan-
ches bien unies , de manière qu'en plaçant vos
feuilles entre deux , vous les y puissiez tenir près-
R. vir. 5
66 LETTRES JÉLÉMENTA.IRES
sées par les pierres ou autres corps pesants dont
vous chargerez la planche supérieure. Ces prépa-
ratifs faits , voici ce qu'il faut observer pour pré-
parer vos plantes de manière à les conserver et les
reconnaître.
Le moment à choisir pour cela est celui où la
plante est en pleine fleur , et où même quelques
fleurs commencent à tomber pour faire place au
fruit qui commence à paraître. C'est dans ce point
où toutes les parties de la fructification sont sen-
sibles, qu'il faut tâcher de prendre la plante pour
la dessécher dans cet état.
Les petites plantes se prennent tout entières
avec leurs racines , qu'on a soin de bien nettoyer
avec une brosse , afin qu'il n'y reste point de terre.
Si la terre est mouillée , on la laisse sécher pour
la brosser , ou bien on lave la racine ; mais il faut
avoir alors la plus çrrande attention de la bien es-
suyer et dessécher avant de la mettre entre les pa-
piers, sans quoi elle s'y pourrirait infailliblement,
et communiquerait sa pourriture aux autres plantes
voisines. Il ne faut cependant s'obstiner à conser-
ver les racines qu'autant qu'elles ont quelques sin-
gularités remarquables ; car , dans le plus grand
nombre , les racines ramifiées et fibreuses ont des
formes si semblables , que ce n'est pas la peine de
les conserver, La nature, qui a tant fait pour l'élé-
gance et l'ornement dans la figure et la couleur
des plantes en ce qui frappe les yeux , a destiné les
racines uniquement aux fonctions utiles, puisqu'é-
tant cachées dans la terre , leur donner une struc-
SUR LA BOTANIQUE. 67
ture agréable eût été cacher la lumière sous le
boisseau.
Les arbres et toutes les grandes plantes ne se
prennent que par échantillon ; mais il faut que cet
échantillon soit si bien choisi, qu'il contienne toutes
les parties constitutives du genre et de l'espèce,
afin qu'il puisse suffire pour reconnaître et déter-
miner la plante qui l'a fourni. Il ne suffit pas que
toutes les parties de la fructification y soient sen-
sibles, ce qui ne servirait qu'à distinguer le genre,
il faut qu'on y voie bien le caractère de la folia-
tion et de la ramification , c'est-à-dire la naissance
et la forme des feuilles et des branches, et même,
autant qu'il se peut , quelque portion de la tige ;
car , comme vous verrez dans la suite , tout cela
sert à distinguer les espèces différentes des mêmes
genres qui sont parfaitement semblables par la
fleur et le fruit. Si les branches sont trop épaisses,
on les amincit avec un couteau ou canif, en dimi-
nuant adroitement par-dessous de leur épaisseur ,
autant que cela se peut, sans couper et mutiler les
feuilles. Il y a des botanistes qui ont la patience
de fendre l'écorce de la branche et d'en tirer adroi-
tement le bois , de façon que l'écorce rejointe pa-
raît vous montrer encore la branche entière, quoi-
que le bois n'y soit plus : au moyen de quoi l'on
n'a point entre les papiers des épaisseurs et bosses
trop considérables, qui gâtent, défigurent l'her-
bier , et font prendre une mauvaise forme aux
plantes. Dans les plantes où les fleurs et les feuilles
ne viennent pas en même temps , ou naissent trop
68 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
loin les unes des autres , on prend une petite
branche à fleurs et une petite branche à feuilles ;
et, les plaçant ensemble dans le même papier, on
offre ainsi à l'œil les diverses parties de la même
plante, suffisantes pour la faire reconnaître. Quant
aux plantes où l'on ne trouve que des feuilles , et
dont la fleur n'est pas encore venue ou est déjà
passée , il les faut laisser , et attendre , pour les
reconnaître , qu'elles montrent leur visage. Une
plante n'est pas plus sûrement reconnaissable à
son feuillage qu'un homme à son habit.
Tel est le choix qu'il faut mettre dans ce qu'on
cueille : il en faut mettre aussi dans le moment
qu'on prend pour cela. Les plantes cueillies le
matin à la rosée , ou le soir à l'humidité , ou le
jour durant la pluie , ne se conservent point. Il
faut absolument choisir un temps sec , et même ,
dans ce temps-là , le moment le plus sec et le plus
chaud de la journée, qui est en été entre onze
heures du matin et cinq ou six heures du soir.
Encore alors, si l'on y trouve la moindre humidité,
faut -il les laisser, car infailliblement elles ne se
conserveront pas.
Quand vous avez cueilli vos échantillons , vous
les apportez au logis, toujours bien au sec, pour
les placer et arranger dans vos papiers. Pour cela
vous faites votre premier lit de deux feuilles au
moins de papier gris, sur lesquelles vous placez
une feuille de papier blanc , et sur cette feuille
vous arrangez votre plante, prenant grand soin
que toutes ses parties, surtout les feuilles et les
SUR LA BOTANIQUE. 69
fleurs, soient bien ouvertes et bien étendues dans
leur situation naturelle. La plante un peu flétrie ,
mais sans l'être trop , se prête mieux pour l'ordi-
naire à l'arrangement qu'on lui donne sur le pa-
pier avec le pouce et les doigts. Mais il y en a de
rebelles qui se grippent d'un côté , pendant qu'on
les arrange de l'autre. Pour prévenir cet inconvé-
nient, j'ai des plombs, des gros sous, des liards ,
avec lesquels j'assujettis les parties que je viens
d'arranger, tandis que j'arrange les autres, de fa-
çon que , quand j'ai fini , ma plante se trouve pres-
que toute couverte de ces pièces qui la tiennent
en état. Après cela on pose une seconde feuille
blanche sur la première , et on la presse avec la
main , afin de tenir la plante assujettie dans la si-
tuation qu'on lui a donnée, avançant ainsi la main
gauche qui presse à mesure qu'on retire avec la
droite les plombs et les gros sous qui sont entre
les papiers : on met ensuite deux autres feuilles de
papier gris sur la seconde feuille blanche , sans ces^
ser un seul moment de tenir la plante assujettie ,
de peur qu'elle ne perde la situation qu'on lui a
donnée. Sur ce papier gris on met une autre feuille
blanche ; sur cette feuille une plante qu'on arrange
et recouvre comme ci-devant, jusqu'à ce qu'on ait
placé toute la moisson qu'on a apportée, et qui ne
doit pas être nombreuse pour chaque fois, tant
pour éviter la longueur du travail, que de peur que,
durant la dessiccation des plantes, le papier ne con-
tracte ([uelque humidité par leur grand nombre ,
ce qui gâterait infailliblement vos plantes , si vous
r-O LETTRES ÉLÉMENTAIRES
ne VOUS hâtiez de les changer de papier avec les
mêmes attentions; et c'est même ce qu'il faut faire
de temps en temps jusqu'à ce qu'elles aient bien
pris leur pli, et qu'elles soient toutes assez sèches.
Votre pile de plantes et de papiers ainsi arran-
gée doit être mise en presse , sans quoi les plantes
se gripperaient : il y en a qui veulent être plus
pressées , d'autres moins ; l'expérience vous ap-
prendra cela, ainsi qu'à les changer de papier à
propos , et aussi souvent qu'il faut , sans vous don-
ner un travail inutile. Enfin, quand vos plantes se-
ront bien sèches , vous les mettrez bien propre-
ment chacune dans une feuille de papier, les unes
sur les autres, sans avoir besoin de papiers inter-
médiaires, et vous aurez ainsi un herbier com-
mencé, qui s'augmentera sans cesse avec vos con-
naissances , et contiendra enfin l'histoire de toute
la végétation du pays : au reste , il faut toujours
tenir un herbier bien serré et un peu en presse;
sans quoi les plantes, quelque sèches qu'elles fus-
sent , attireraient l'humidité de l'air et se grippe-
raient encore.
Voici maintenant l'usage de tout ce travail pour
parvenir à la connaissance particulière des plantes ,
et à nous bien entendre lorsque nous en parlerons.
Il faut cueillir deux échantillons de chaque
plante : l'un , plus grand , pour le garder ; l'autre ,
plus petit, pour me l'envoyer. Vous les numéro-
terez avec soin , de façon que le grand et le petit
échantillon de chaque espèce aient toujours le
même numéro. Quand vous aurez une douzaine
SUR LA BOTANIQUE. yi
OU deux d'espèces ainsi desséchées, vous me les
enverrez dans un petit cahier par quelque occa-
sion. Je vous enverrai le nom et la description des
mêmes plantes ; par le moyen des numéros , vous
les reconnaîtrez dans votre herbier, et de là sur
la terre, où je suppose que vous aurez commencé
de les bien examiner. Voilà un moyen sûr de faire
des progrès aussi sûrs et aussi rapides qu'il est
possible loin de votre guide.
JY. B. J'ai oublié de vous dire que les mêmes papiers peu-
vent servir plusieurs fois, pourvu qu'on ait soin de les bien
aérer et dessécher auparavant. Je dois ajouter aussi que l'her-
bier doit être tenu dans le lieu le plus sec de la maison, et
plutôt au premier qu'au rez-de-chaussée*.
Dans le Dictionnaire élémentaire de Botanique de Bulliard , revu
par Richard ( in-8°, Paris, 1802 ) , au mot Herbier, se trouve uue
assez longue citation que l'auteur de cet article annonce être extraite
d'un manuscrit de Rousseau. Cette citation ne peut mieux trouver sa
place qu'ici, et nous la ferons précéder de ce que dit Bulliard ou
Richard à cette occasion.
" On sait que J. J- Rousseau aimait passionnément la botanique,
et qu'il travaillait même à faire dans cette science quelques réformes
avantageuses. Il s'est long-temps occupé de l'art de la dessiccation des
plantes; il nous a laissé plusieurs herbiers de différents formats,
l'armi les livres rares et précieux qui composent la bibliothèque du
savant Malesherbes , on trouve deux petits herbiers de Jean-Jacques,
faits avec tout le soin et tout l'art possibles : l'un est de format in-8°,
et ne renferme que des cryptogames ; et l'autre , de format in- 4" > est
composé de plantes à fleurs distinctes.
« M. Tourmevel ayant appris que j'étais sur le point de faire im-
primer cet ouvrage , a bien voulu concourir de la manière la plus
obligeante k en augmenter l'utilité , en me communiquant un ma-
nuscrit du Philosophe genevois, sur la nécessité d'un herbier, et sur
les moyens les plus simples et les plus avantageux en même temps
de travailler à s'en faire un.
« Jean-Jacques, après avoir montré la nécessité d'un herbier;
après s'être élevé contre ces prétendus botanistes qui ont des herbiers
LETTRES ELEMENT'ATRES
LETTRE IX.
A M. DE MALESHERBES
Sur le format des Herbiers et sur la Synonymie.
Si j'ai tardé si long-temps, monsieur , à répondre
en détail à la lettre que vous avez eu la bonté de
m'écrire le 3 janvier , c'a été d'abord dans l'idée
du voyage dont vous m'aviez prévenu , et auquel
je n'ai appris que dans la suite que vous aviez re-
noncé, et ensuite par mon travail journalier, qui
de huit à dix mille plantes étrangères , et qui ne connaissent pas
celles qu'ils foulent continuellement aux pieds, dit :
« On peut se faire un très- bon herbier sans savoir un mot de
« botanique ; tous ceux qui se disposent à étudier la botanique de-
« vraient commencer par là. Quand ils auraient desséché un assez
o bon nombre de plantes , et qu'il ne s'agirait plus que d'y ajouter
« les noms, il y a des gens qui leur rendraient ce service pour de
« l'argent, ou pour quelque chose d'équivalent; d'ailleurs , n'avons-
« nous pas dans presque toutes les villes un peu considérables des
« jardins botaniques où les plantes sont disposées dans un ordre
« méthodique, marquées d'un étiquet, sur lequel leur nom est in-
« scrit ? Pour peu que l'on ait une idée de la méthodK-î adoptée , et
« les premières notions de l'A, B, C de la botanique, c'est-à-dire
« les premiers éléments de cette science, on y trouve les plantes
« que l'on cherche ; on les compare ; on en prend les noms , et c'en
« est assez; l'usage fait le reste, et nous rend botanistes. Mais ne
« comptez guère sur les meilleurs livres de botanique , pour nom-
« mer, d'après eux , des plantes que vous ne connaîtriez pas: si
« ces livres ne sont pas accompagnés de bonnes figures , ils vous
<« fatigueront sans succès ; à chaque pas ils vous offriront de nou-
« velles difficultés, et ne vous apprendront rien.... Ne vous attendez
« point à conserver une plante dans tout son éclat : celles qui se
o dessèchent le mieux, perdent encore beaucoup de leur fraîclvur...
« De tous les moyens employés à la dessiccation des plantes, le plus
« simple, celui de la pression , est le préférable pour un herbier. Les
« couleurs peuvent être conservées aussi bien que par la dessiccation
SUR LA BOTANIQUE. 73
m'est venu tout d'un coup en si grande abondance,
que , pour ne rebuter personne , j'ai été obligé de
m'y livrer tout entier ; ce qui a fait à la botanique
une diversion de plusieurs mois. Mais enfin voilà
la saison revenue , et je me prépare à recommencer
mes courses champêtres, devenues, par une longue
habitude , nécessaires à mon humeur et à ma santé.
En parcourant ce cpii me restait en plantes
sèches, je n'ai guère trouvé hors de mon herbier,
auquel je ne veux pas toucher , que quelques dou-
bles de ce que vous avez déjà reçu; et cela ne va-
lant pas la peine d'être rassemblé pour un premier
« au sable , et les plantes desséchées y sont moins volumineuses et
« moins fragiles.... Ayez une bonne provision de quatre sortes de
« papiers; i° du papier gris , épais et peu collé ; 2° du papier gris ,
« épais et collé ; 3" du gros papier blanc sur lequel on puisse écrire;
« et 4° du papier blanc sur lequel vous fixerez vos plantes , lorsque la
« dessiccation sera complète.... Lorsque vous voudrez dessécher une
« plante, il faut la cueillir par un beau temps ; et lorsque ses fleurs
« seront épanouies, laissez-là quelques heures se faner à l'air libre...
« Dès que ses parties seront amollies, étendez-la avec soin sur une
« feuille de papier gris de la première espèce dont j'ai parlé; mettez
« dessous cette feuille une feuille de carton , et dessus , douze à
« quinze doubles de papier de la première espèce ; mettez le tout
« entre deux ais de bois, ou deux planches bien unies, que vous
" chargerez d'abord médiocrement, et dont vous augmenterez peu
« à peu la pression , à mesure que la dessiccation s'opérera. 11 est plus
« avantageux de se servir de ces petites presses de brocheuses, parce
« que l'on serre si peu et autant qu'on le veut ; au bout d'une heure
« ou deux , serrez-la davantage, et laissez-la ainsi vingt-quatre heures
« an plus; retirez-la ensuite; changez-la.de papier, et mettez des-
« sous une autre feuille de carton bien sèche , ainsi que les feuilles
« de papier que vous allez mettre dessus; remettezle tout en presse;
« serrez plus que la première fois ; laissez ainsi deux jours votre
« plante sans y toucher ; changez-la encore une troisième fois de
« papier ; mais prenez du papier gris collé ; serrez encore davantage
« la presse, et ne mettez dessus que trois ou quatre doubles de pa-
" piers, on seulement une feuille de carton dessus et une dessons;
"74 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
envoi, je trouverais convenable de me faire, du-
rant cet été, de bonnes fournitures, de les prépa-
rer, coller et ranger durant l'hiver; après quoi je
pourrais continuer de même, d'année en année,
jusqu'à ce que j'eusse épuisé tout ce que je pour-
rais fournir. Si cet arrangement vous convient,
monsieur, je m'y conformerai avec exactitude; et
dès à présent je commencerai mes collections. Je
désirerais seulement savoir quelle forme vous pré-
férez. Mon idée serait de faire le fond de chaque
herbier sur du papier à lettre tel que celui-ci ; c'est
ainsi que j'en ai commencé un pour mon usage ,
et je sens chaque jour mieux que la commodité de
ce format compense amplement l'avantage qu'ont
• laissez-la ainsi en presse deux ou trois fois vingt-quatre heures;
« si , lorsque vous retirerez votre plante , elle ne vous paraît pas as-
« sez privée de son humidité, vous la changerez encore plusieurs
« fois de papiers. ( I! y a des plantes qu'il suffit de changer deux fois
« de papiers, et d'autres qu'il faut changer jusqu'à six fois : celles
« qui sont de nature aqueuse exigent qu'on en accélère la dessiccation.)
« Mais si , au contraire , les parties qui la composent ont déjà perdu
• de leur flexibilité , il faut la mettre dans une feuille de gros papier
■ blanc, où on la laissera en presse jusqu'à ce que la dessiccation
« soit parfaitement achevée ; ce sera alors qu'il faudra songer à as-
« surer pour long-temps la conservation de votre plante ; elle pourra
« être employée à la formation de votre herbier ; il ne s'agit plus
« que de la fixer, de la nommer et de la mettre en place Pour
« garantir votre herbier des ravages qu'y feraient les insectes, il faut
« tremper le papier sur lequel vous voulez fixer vos plantes dans
•« un,e forte dissolution d'alun, le faire bien sécher, et y attacher vos
« plantes avec de petites isandelettes de papier , que vous collerez
« avec de la colle à bouche ; c'est avec cette colle que vous pourrez
K aussi assujettir les organes de la fructification des plantes, lorsque
« vous aurez eu la patience de les dessécher à part Il serait bon
« d'avoir plusieurs échantillons de la même plante, surtout si elle
« est sujette à varier Il faut renfermer vos plantes dans des boîtes
« de tilleul que vous étiqueterez ; il faut qu'elles soient en un lieu
« sec, etc. •
SUR LA BOTAMQUE. 7-5
de plus les grands herbiers. Le papier sur lequel
sont les plantes que je vous ai envoyées vaudrait
encore mieux , mais je ne puis retrouver du même ;
et l'impôt sur les papiers a tellement dénaturé leur
fabrication , que je n'en puis plus trouver pour
noter qui ne perce pas. J'ai le projet aussi d'une
forme de petits herbiers à mettre dans la poche
pour les plantes en miniature , qui ne sont pas les
moins curieuses, et je n'y ferais entrer néanmoins
t[ue des plantes qui pourraient y tenir entières,
racine et tout; entre autres, la plupart des mousses,
les glaux, peplis , montia, sagina , passe-pierre, etc.
Il me semble que ces herbiers mignons pourraient
devenir charmants et précieux en même temps.
Enfin, il y a des plantes d'une certaine grandeur
qui ne peuvent conserver leur port dans un petit
espace, et des échantillons si parfaits, que ce se-
rait dommage de les mutiler. Je destine à ces belles
plantes du papier grand et fort; et j'en ai déjà
quelques-unes qui font ini fort bel effet dans cette
forme.
Il y a long-temps que j'éprouve les difficultés de
la nomenclature, et j'ai souvent été tenté d'aban-
donner tout-à-fait cette partie. Mais il faudrait en
même temps renoncer aux livres et à profiter des
observations d'autrui; et il me semble qu^m des
plus grands charmes de la botanique est , après
celui de voir par soi-même, celui de vérifier ce
qu'ont vu les autres : donner, sur le témoignage
de mes propres yeux, mon assentiment aux ob-
servations fines et justes d'un auteur me paraît
'j6 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
une véritable jouissance ; au lieu que, quand je ne
trouve pas ce qu'il dit, je suis toujours en inquié-
tude si ce n'est point moi qui vois mal. D'ailleurs ,
ne pouvant voir par moi-même que si peu de
chose , il faut bien sur le reste me fier à ce que
d'autres ont vu ; et leurs différentes nomenclatures
me forcent pour cela de percer de mon mieux le
chaos de la synonymie. Il a fallu , pour ne pas m'y
perdre , tout rapporter à une nomenclature parti-
culière ; et j'ai choisi celle de Lihnœus , tant par la
préférence que j'ai donnée à son système , que
parce que ces noms , composés seulement de deux
mots, lïie délivrent des longues phrases des autres.
Pour y rapporter sans peine celles de Tournefort ,
il me faut très -souvent recourir à l'auteur com-
mun que tous deux citent assez constamment , sa-
voir, Gaspard Cauhin. C'est dans son Piiiax que
je cherche leur concordance : car Ijnnœusme pa-
raît faire une chose convenable et juste , quand
Tournefort n'a fait que prendre la phrase de
Bauhin , de citer l'auteur original , et non pas ce-
lui qui l'a transcrit, comme on fait très -injuste-
ment en France. De sorte que , quoique presque
toute la nomenclature de Tournefort soit tirée mot
à mot du pi/iax, on croirait, à lire les botanistes
français, qu'il n'a jamais existé ni Bauhin mpiiiax^
au monde ; et , pour comble , il font encore un
crime à Linnœus de n'avoir pas imité leur partialité.
A l'égard des plantes dont Tournefort n^a pas tiré
les noms àupùiax, on en trouve aisément la con-
cordance dans les auteurs français linn?eistes, tels
SUR LA BOTANIQUE. 77
que Sauvages, Gouau, Gérard, Guettard, et d'Ali -
hard, qui l'a presque toujours suivi.
J'ai fait cet hiver une seule herborisation dans
le bois de Boulogne , et j'en ai rapporté quelques
mousses. Mais il ne faut pas s'attendre qu'on puisse
compléter tous les genres , même par une espèce
imique. Il y en a de bien difficiles à mettre dans
un herbier, et il y en a de si rares, qu'ils n'ont ja-
mais passé et vraisemblablement ne passeront ja-
mais sous mes yeux. Je crois que, dans cette famille
et celle des algues, il faut se tenir aux genres, dont
on rencontre assez souvent des espèces, pour avoir
le plaisir de s'y reconnaître , et négliger ceux dont
la vue ne nous reprochera jamais notre ignorance^
ou dont la figure extraordinaire nous fera faire ef-
fort pour la vaincre. J'ai la vue fort courte, mes
yeux deviennent mauvais, et je ne puis plus es-
pérer de recueillir que ce qui se présentera fortui-
tement dans les lieux à peu près où je saurai qu'est
ce que je cherche. A l'égard de la manière de cher-
cher, j'ai suivi M. de Jussieu dans sa dernière her-
borisation, et je la trouvai si tumultueuse et si peu
utile pour moi, que, quand il en aurait encore fait,
j'aurais renoncé à l'y suivre. J'ai accompagné son
neveu l'année dernière , moi vingtième, à Montmo-
rency, et j'en ai rapporté quelques jolies plantes,
entre autres la Jisimachia terieïla^ que je crois vous
avoir envoyée. Mais j'ai trouvé dans cette herbo-
risation que les indications de Tournefort et de
Vaillant sont très -fautives, ou que, depuis eux,
bien des plantes ont changé de sol. J'ai cherché
•yO LETTRES ELEMENTAIRES
entre autres, et j'ai engagé tout le monde à cher-
cher avec soin \e plantago monanthos à la queue de
l'étang de Montmorency, et dans tous les endroits
où Tournefort et Vaillant l'indiquent, et nous n'en
avons pu trouver un seul pied : en revanche, j'ai
trouvé plusieurs plantes de remarque, et même tout
près de Paris, dans des lieux où elles ne sont point
indiquées. En général j'ai toujours été inalheureux
en cherchant d'après les autres. Je trouve encore
mieux mon compte à chercher de mon chef.
J'oubliais , monsieur, de vous parler de vos livres.
Je n'ai fait encore qu'y jeter les yeux; et comme
ils ne sont pas de taille à porter dans la poche , et
que je ne lis guère l'été dans la chambre, je tar-
derai peut-être jusqu'à la fin de l'hiver prochain
à vous rendre ceux dont vous n'aurez pas affaire
avant ce temps-là. J'ai commencé de lire \ Antho-
logie de Pontedera , et j'y trouve contre le système
sexuel des objections qui me paraissent bien fortes,
et dont je ne sais pas comment Linnoeus s'est tiré.
Je suis souvent tenté d'écrire dans cet auteur et
dans les autres les noms de Linnaeus à côté des leurs
pour me reconnaître. J'ai déjà même cédé à cette
tentation pour quelques-unes, n'imaginant à cela
rien que d'avantageux pour l'exemplaire. Je sens
pourtant que c'est une liberté que je n'aurais pas
dû prendre sans votre agrément, et je l'attendrai
pour continuer.
Je vous dois des remerciements, monsieur, pour
l'emplacement que vous avez la bonté de m'offrir
poTH' la dessiccation des plantes : mais tpioique ce
SUR LA BOTANIQUE. 79
soit un avantage dont je sens bien de l^Éfcrivation,
la nécessité de les visiter souvent, et l'éîoignement
des lieux, qui me ferait consumer beaucoup de
temps en courses, m'empêchent de me prévaloir de
cette offre.
La fantaisie m'a pris de faire une collection de
fruits et de graines de toute espèce, qui devraient,
avec un herbier , faire la troisième partie d'un ca-
binet d'histoire naturelle. Quoique j'aie encore ac-
quis très-peu de chose, et que je ne puisse espérer
de rien acquérir que très-lentement et par hasard,
je sens déjà pour cet objet le défaut de place : mais
le plaisir de parcourir et de visiter incessamment
ma petite collection peut seul me payer la peine de
la faire; et si je la tenais loin de mes yeux, je ces-
serais d'en jouir. Si par hasard vos gardes et jar-
diniers trouvaient quelquefois sous leurs pas des
faînes de hêtres , des fruits d'aunes , d'érables , de
bouleau, et généralement de tous les fruits secs des
arbres des forêts ou d'autres, qu'ils en ramassassent,
en passant quelques-uns dans leurs poches, et que
vous voulussiez bien m'en faire parvenir quelques
échantillons par occasion, j'aurais un double plaisir
d'en orner ma collection naissante.
Excepté V Histoire des Mousses par Dillenius, j'ai
à moi les autres livres de botanique dont vous m'en-
voyez la note : mais , quand je n'en aurais aucun ,
je me garderais assurément de consentira vous pri-
ver, pour mon agrément, du moindre des amuse-
ments qui sont à votre portée. Je vous prie , mon-
sieur, d'agréer mon respect.
8o LETTRES ÉLÉMENTAIRES
M
LETTRE X.
A M. DE MALESHERBES.
Sur les Mousses.
A Paris, le ig décembre 1771.
Voici, monsieur, quelques échantillons de mousses
que j'ai rassemblés à la fiâte , pour vous mettre à
portée au moins de distinguer les principaux genres
avant que la saison de les observer soit passée. C'est
une étude à laquelle j'employai délicieusement l'hi-
ver que j'ai passé à Wootton, où je me trouvais
environné de montagnes, de bois et de rochers
tapissés de capillaires et de mousses des plus cu-
rieuses. Mais, depuis lors, j'ai si bien perdu cette
famille de vue, que ma mémoire éteinte ne me
fournit presque plus rien de ce que j'avais acquis
en ce genre ; et n'ayant point l'ouvrage de Dillenius,
guide indispensable dans ces recherches, je ne suis
parvenu qu'avec beaucoup d'effort , et souvent avec
doute , à déterminer les espèces que je vous envoie.
Plus je m'opiniâtre à vaincre les difficultés par moi-
même et sans le secours de personne, plus je me
confirme dans l'opinion que la botanique, telle
qu'on la cultive, est une science qui ne s'acquiert que
par tradition: on montre la plante, on la nomme;
sa figure et son nom se gravent ensemble dans la
mémoire. H y a peu de peine à retenir ainsi la no-
SUR LA LOTAN IQUE. Si
mericlatuie d'un grand nombre de plantes : mais,
quand on se croit pour cela botaniste, on se trompe,
on n'est qu'herboriste; et quand il s'agit de dé-
terminer par soi-même et sans guide les plantes
qu'on n'a jamais vues, c'est alors qu'on se trouve
arrêté tout court, et cju'on est au bout de sa doc-
trine. Je suis resté plus ignorant encore en prenant
la route contraire. Toujours seul et sans autre maître
que la nature , j'ai mis des efforts incroyables à de
très-faibles progrès. Je suis parvenu à pouvoir , en
bien travaillant, déterminer à peu près les genres;
mais pour les espèces, dont les différences sont sou-
vent très-peu marquées par la nature , et plus mal
énoncées par les auteurs, je n'ai pu parvenir à en
distinguer avec certitude qu'un très-petit nombre,
surtout dans la famille des mousses, et surtout dans
les genres difficiles, tels que les hypnum, les jun-
germania,les lichens. Je crois pourtant être sûr de
celles que je vous envoie , à une ou deux près que
j'ai désignées par un point interrogant, afin que
vous puissiez vérifier, dans Vaillant et dans Dille-
nius, si je me suis trompé ou non. Quoi qu'il en
soit, je crois qu'il faut commencer à connaître em-
piriquement un certain nombre d'espèces pour par-
venir à déterminer les autres , et je crois que celles
que je vous envoie peuvent suffire , en les étudiant
bien , à vous familiariser avec la famille et à en dis-
tinguer au moins les genres au premier coup d'œil
par le/àcies propre à chacun d'eux. Mais il y a une
autre difficulté, c'est que les mousses ainsi dispo-
sées par brins n'ont point sur le papier le même
R. vif. G
8a LETTRES ÉI.^MF.VTAIRES
coup d'œil qu'elles ont sur la terre rassemblées par
touffes ou gazons serrés. Ainsi l'on herborise inu-
tilement clans un herbier et surtout clans un mous-
sier, si l'on n'a commencé par herboriser sur la terre.
Ces sortes de recueils doivent servir seulement de
mémoratifs , mais non pas d'instruction première.
Je cloute cependant , monsieur , que vous trou-
viez aisément le temps et la patience de vous appe-
santir à l'examen de chaque touffe d'herbe ou de
mousse que vous trouverez en votre chemin. Mais
Voici le moyen qu'il me semble que vous pourriez
prendre pour analyser avec succès toutes les pro-
ductions végétales de vos environs, sans vous en-
nuyer à des détails minutieux, insupportables pour
les esprits accoutumés à généraliser les idées et à
regarder toujours les objets en grand. Il faudrait
inspirer à quelqu'un de vos laquais , garde ou gar-
çon jardinier, un peu de goût pour l'étude des
plantes, et le mener à votre suite dans vos prome-
nades, lui faire cueillir les plantes que vous ne con-
naîtriez pas, particulièrement les mousses et les
graminées, deux familles difficiles et nombreuses.
Il faudrait cju'il tâchât de les prendre dans l'état de
floraison où leurs caractères déterminants sont les
plus marqués. En prenant deux exemplaires de cha-
cun, il en mettrait un à part pour me l'envoyer,
sous le même numéro que le semblable cpii vous
resterait, et sur lequel vous feriez mettre ensuite
le nom de la plante, quand je vous l'aurais envoyé.
Vous vous éviteriez ainsi le travail de cette déter-
mination , et ce travail ne serait qu'un plaisir pour
SUR LA BOTArfIQUE. 83
moi , qui en ai l'habitude et qui m'y livre avec pas-
sion. 11 me semble, monsieur, que de cette manière
vous auriez fait en peu de temps le relevé des pro-
ductions végétales de vos terres et des environs; et
que, vous livrant sans fatigue au plaisir d'observer,
vous pourriez encore, au moyen d'une nomencla-
ture assurée, avoir celui de comparer vos observa-
tions avec celles des auteurs. Je ne me fais pour-
tant pas fort de tout déterminer. Mais la longue
habitude de fureter des campagnes m'a rendu fa-
milières la plupart des plantes indigènes. Il n'y a
que les jardins et productions exotiques où je me
trouve en pays perdu. Enfin ce que je n'aurai pu
déterminer sera pour vous, monsieur, un objet de
recherche et de curiosité qui rendra vos amuse-
ments plus piquants. Si cet arrangement vous plaît,
je suis à vos ordres, et vous pouvez être sûr de me
prociu'er im amusement très-intéressant pour moi.
J'attends la note que vous m'avez promise pour
travailler à la remplir autant qu'il dépendra de moi.
L'occupation de travailler à des herbiers remplira
très -agréablement mes beaux jours d'été. Cepen-
dant je ne prévois pas d'être jamais bien riche en
plantes étrangères; et, selon moi, le plus grand
agrément de la botanique est de pouvoir étudier
et connaître la nature autour de soi plutôt qu'aux
Indes. J'ai été pourtant assez heureux pour pouvoir
insérer dans le petit-recueil que j'ai eu l'honneur
de vous envoyer, quelques plantes curieuses, et
entre autres le vrai papier, qui jusqu'ici n'était point
connu en France, pas même de M. de Jussieu. Il
6.
84 LETTRES lÎLJÉMEIVTAIRES, etC.
est vrai que je n'ai pu vous en envoyer qu'un brin
bien misérable, mais c'en est assez pour distinguer
ce rare et précieux souchet. Voilà bien du bavar-
dage; mais la botanique m'entraîne, et j'ai le plaisir
d'en parler avec vous: accordez-moi , monsieur, un
peu d'indulgence.
Je ne vous envoie que de vieilles mousses ; j'en ai
vainement cherché de nouvelles dans la campagne.
Il n'y en aura guère qu'au mois de février, parce
que l'automne a été trop sec; encore faudra-t-il les
chercher au loin. On n'en trouve guère autour de
Paris que les mêmes répétées.
LETTRES
ADRESSÉES
A M"^* LA DUCHESSE DE PORTLAND.
LETTRE L
AWoottoiijle ao octobre 1766.
Vous avez raiso|i , madame la duchesse , de com-
mencer la correspQndance,que vous me faites l'hon-
neur de me proposer, par m'envoyer des livres pour
me mettre en état de la soutenir : mais je crains que
ce ne soit peine perdue ; je ne retiens plus rien
de ce que je lis; je n'ai plus de mémoire pour les
livres, il ne m'en reste que pour les personnes,
pour les bontés qu'on a pour moi ; et j'espère à
ce titre profiter plus avec vos lettres qu'avec tous
les livres de l'univers. Il en est un, madame, où
vous savez si bien lire, et où je voudrais bien ap-
prendre à épeler quelques mots après vous. Heu-
reux qui sait prendre assez de goût à cette intéres-
sante lecture pour n'avoir besoin d'aucune autre ,
et qui, méprisant les instructions des hommes, qui
sont menteurs , s'attache à celles de la nature , qui
ne ment point! Vous l'étudiezavec autant de plaisir
que de succès ; vous la suivez dans tous ses règnes ;
aucune de ses productions ne vous est étrangère;
86 LETTRES
VOUS savez assortir les fossiles , les minéraux , les
coquillages, cultiver les plantes, apprivoiser les oi-
seaux: et que n'apprivoiseriez-vous pas? Je connais
un animal un peu sauvage qui vivrait avec grand
plaisir dans votre ménagerie, en attendant l'hon-
neur d'être admis un jour en momie dans votre
cabinet.
J'aurais bien les mêmes goûts si j'étais en état de
les satisfaire; mais un solitaire et vm commençant
de mon âge doit rétrécir beaucoup l'univers , s'il
veut le connaître; et moi, qui me perds comme un
insecte parmi les herbes d'un pré, je n'ai garde
d'aller escalader les palmiers de l'Afrique ni les cè-
dres du Liban. Le temps presse, et, loin d'aspirer
à savoir un jour la botanique, j'ose à peine espérer
d'herboriser aussi bien que les moutons qui pais-
sent sous ma fenêtre, et de savoir comme eux trier
mon foin.
J'avoue pourtant, comme les hommes ne sont
guère conséquents, et que les tentations viennent
par la facilité d'y succomber, que le jardin de mon
excellent voisin, M. de Granville, m'a donné le projet
ambitieux d'en connaître les richesses : mais voilà
précisément ce qui prouve. que, ne sachant rien,
je ne suis fait pour rien apprendre. Je vois les plan-
tes, il me les nomme, je les oubhe; je les revois,
il me les renomme, je les oublie encore; et il ne
résulte de tout cela que l'épreuve que nous faisons
sans cesse , moi de sa complaisance , et lui de mon
incapacité. Ainsi, du coté de la botanique, peu d'a-
vantage; mais un très- grand ipour le bonheur de
SUR LA BOTANIQUi:. 87
la vie, dans celui de cultiver la société d'un voisin
bienfaisant, obligeant, aimable, et, pour dire en-
core plus, s'il est possible, à qui je dois l'honneur
d'être connu de vous.
Voyez donc , madame la duchesse , quel ignare
correspondant vous vous choisissez, et ce qu'il
pourra mettre du sien contre vos lumières. Je suis
en conscience obligé de vous avertir de la mesure
des miennes; après cela, si vous daignez vous en
contenter, à la bonne heure; je n'ai garde de re-
fuser un accord si avantageux pour moi. Je vous
rendrai de l'herbe pour vos plantes , des rêveries
pour vos observations; je m'instruirai cependant
par vos bontés: et puissé-je un jour, devenu meil-
leur herboriste, orner de quelques fleurs la cou-
ronne que vous doit la botanique, pour 1 honneur
que vous lui faites de la cultiver.
J'avais apporté de Suisse quelques plantes sèches
qui se sont pourries en chemin : c'est un herbier
à recommencer , et je n'ai plus pour cela les mêmes
ressources. Je détacherai toutefois de ce qui me
reste quelques échantillons des moins gâtés, aux-
quels j'en joindrai quelques uns de ce pays en fort
petit nombre, selon l'étendue de mon savoir, et je
prierai M. Granville de vous les faire passer quand
il en aura l'occasion ; mais il faut auparavant les
trier, les démoisir, et surtout retrouver les noms à
moitié perdus; ce qui n'est pas pour moi une petite
affaire. Et, à propos des noms, comment parvien-
drons-nous , madame , à nous entendre ? Je ne con-
nais point les noms anglais; ceux que je connais
88 LETTRES
sont tous du Pinax de Gaspard Bauhin ou du Spe-
cies platitarum de M. Linnœus,et je ne puis en faire
la synonymie avec Gérard, qui leur est antérieur
à l'un et à l'autre , ni avec le Sj/iopsis^ qui est an-
térieur au second, et qui cite rarement le premier;
en sorte que mon Species me devient inutile pour
vous nommer l'espèce de plante que j'y connais, et
pour y rapporter celle que vous pouvez me faire
connaître. Si par hasard , madame la duchesse, vous
aviez aussi le Species plantanim ou le Pinax, ce point
de réunion nous serait très -commode pour nous
entendre , sans quoi je ne sais pas trop comment
nous ferons.
J'avais écrit à milord Maréchal deux jours avant
de recevoir la lettre dont vous m'avez honoré. Je
lui en écrirai bientôt une autre pour m'acquitter
de votre commission , et pour lui demander ses fé-
licitations sur l'avantage que son nom m'a procuré
près de vous. J'ai renorrcé à tout commerce de let-
tres, hors avec lui seul et un autre ami. Vous serez
la troisième, madame la duchesse, et vous me ferez
chérir toujours plus la botanique à qui je dois cet
honneur. Passé cela, la porte est fermée aux cor-
respondances. Je deviens de jour en jour plus pa-
resseux; il m'en coûte beaucoup d'écrire à cause de
mes incommodités; et content d'un si bon choix je
m'y borne, bien sûr que, si je l'étendais davan-
tage , le même bonheur ne m'y suivrait pas.
Je vous supplie , madame la duchesse , d'agréer
mon profond respect.
SUR LA BOTANIQUE. 89
LETTRE II.
A Wootton, le 13 février 1767.
Je n'aurais pas , madame la duchesse , tardé iiii
seul instant de calmer , si je l'avais pu , vos inquié-
tudes sur la santé de milord Maréchal ; mais je crai-
gnis de ne faire , en vous écrivant , qu'augmenter
ces inquiétudes, qui devinrent pour moi des alar-
mes. La seule chose qui me rassurât était que j'avais
de lui une lettre du 22 novembre ; et je présumais
que ce qu'en disaient les papiers publics ne pou-
vait guère être plus récent que cela. Je raisonnai
là-dessus avec M. Granville , qui devait partir dans
peu de jours, et qui se chargea de vous rendre
compte de ce que nous avions pensé , en attendant
que je pusse, madame, vous marquer quelque chose
de plus positif: dans cette lettre du 22 novembre,
milord Maréchal me marquait qu'il se sentait vieillir
et affaiblir, qu'il n'écrivait plus qu'avec peine, qu'il
avait cessé d'écrire à ses parents et amis, et qu'il
m'écrirait désormais fort rarement à moi - même.
Cette résolution, qui peut-être était déjà l'effet de
sa maladie , fait que son silence depuis ce temps-là
me surprend moins , mais il me chagrine extrême-
ment. J'attendais quelque réponse aux lettres que
je lui ai écrites; je la demandais incessamment, et
j'espérais vous en faire part aussitôt ; il n'est rien
venu. J'ai aussi écrit à son banquier à Londres, qui
go LETTRES
ne savait rien non plus , mais qui , ayant fait des
informations , m'a marqué qu'en effet milord Ma-
réchal avait été fort malade , mais qu'il était beau-
coup mieux. Voilà tout ce que j'en sais, madame la
duchesse. Probablement vous en savez davantage
à présent vous-même; et, cela supposé , j'oserais
vous supplier de vouloir bien me faire écrire un
mot pour me tirer du trouble où je suis. A moins
que les amis charitables ne m'instruisent de ce qu'il
m'importe de savoir, je ne suis pas en position de
pouvoir l'apprendre par moi-même.
Je n'ose presque plus vous parler de plantes, de-
puis que, vous ayant trop annoncé les chiffons que
j'avais apportés de Suisse, je n'ai pu encore vous
rien envoyer. Il faut , madame , vous avouer toute
ma misère : outre que ces débris valaient peu la
peine de vous être offerts , j'ai été retardé par la
difficulté d'en trouver les noms , qui manquaient
à la plupart; et cette difficulté mal vaincue m'a fait
sentir que j'avais fait une entreprise trop pénible
à mon âge , en voulant m'obstiner à connaître les
plantes tout seul. Il faut, en botanique, commencer
par être guidé ; il faut du moins apprendre empi-
riquement les noms d'un certain nombre de plantes
avant de vouloir les étudier méthodiquement : il
faut premièrement être herboriste , et puis devenir
botaniste après, si l'on peut. J'ai voulu faire le con-
traire,et je m'en suis mal trouvé. Les livres des bo-
tanistes modernes n'instruisent que les botanistes ,
ils sont inutiles aux ignorants. Il nous manque un
livre vraiment élémentaire , avec lequel un homme
SUR LA BOTANIQUE. QI
qui n'aurait jamais vu de plantes pût parvenir à
les étudier seul. Voilà le livre qu'il me faudrait au
défaut d'instructions verbales; car où les trouver?
Il n'y a point autoiu' de ma demeure d'autres her-
boristes que les moutons. Une difficulté plus grande
est que j'ai de très-mauvais yeux pour analyser les
plantes par les parties de la fructification. Je vou-
drais étudier les mousses et les gramens qui sont
à ma portée; je m'éborgne, et je ne vois rien. Il
semble , madame la duchesse , que vous ayez exac-
tement deviné mes besoins en m'envoyant les deux
livres qui me sont les plus utiles. Le Sjnopsis com-
prend des descriptions à ma portée et que je suis
en état de suivre sans m'arracher les yeux, et le
Petiver m'aide beaucoup par ses figures, qui prêtent
à mon imagination autant qu'un objet sans couleur
peut y prêter. C'est encore un grand défaut des
botanistes modernes de l'avoir négligée entière-
ment. Quand j'ai vu dans mon Linnœus la classe
et l'ordre d'une plante qui m'est inconnue, je vou-
drais me figurer cette plan te, savoir si elle est grande
ou petite, si la fleur est bleue ou rouge, me repré-
senter son port. Rien. Je lis ime description carac-
téristique, d'après laquelfe je ne puis rien me re-
présenter. Cela n'est-il pas désolant?
Cependant, madame la duchesse, je suis assez
fou pour m'obstiner , ou plutôt je suis assez sage ;
car ce goût est pour moi une affaire de raison. J'ai
quelquefois besoin d'art pour me conserver dans
ce calme précieux au milieu des agitations qui
troublent ma vie , pour tenir au loin ces passions
qg, LETTRES
haineuses que vous ne connaissez pas, que je
n'ai guère connues que dans les autres, et que je
ne veux pas laisser approcher de moi. Je ne veux
pas , s'il est possihle , que de tristes souvenirs vien-
nent troubler la paix de ma solitude. Je veux ou-
blier les hommes et leurs injustices. Je veux m'at-
tendrir chaque jour sur les merveilles de celui qui
les fit pour être bons , et dont ils ont si indigne-
ment dégradé l'ouvrage. Les végétaux dans nos
bois et dans nos montagnes sont encore tels qu'ils
sortirent originairement de ses mains, et c'est là
que j'aime à étudier la nature ; car je vous avoue
que je ne sens plus le même charme à herboriser
dans un jardin. Je trouve qu'elle n'y est plus la
même ; elle y a plus d'éclat , mais elle n'y est pas
si touchante. Les hommes disent qu'ils l'embellis-
sent, et moi je trouve qu'ils la défigurent. Pardon,
madame la duchesse; en parlant des jardins j'ai
peut-être un peu médit du vôtre; mais, si j'étais à
portée , je lui ferais bien réparation. Que n'y puis-je
faire seulement cinq ou six herborisations à votre
suite,- sous M. le docteur Solander! Il me semble
que le petit fonds de connaissances que je tâche-
rais de rapporter de ses Instructions et des vôtres
suffirait pour ranimer mon courage , souvent prêt
à succomber sous le poids de mon ignorance. Je
vous annonçais du bavaixlage et des rêveries ; en
voilà beaucoup trop. Ce sont des herborisations
d'hiver ; quand il n'y a plus rien sur la terre , j'her-
borise dans ma tête, et malheureusement je n'y
trouve que de mauvaise herbe. Tout ce que j'ai de
SUR Là BOTANIQUE. 93
bon s'est réfugié dans mon cœur, madame la du-
chesse , et il est plein des sentiments qui vous sont
dus.
Mes chiffons de plantes sont prêts ou à peu près;
mais, faute de savoir les occasions pour les en-
voyer, j'attendrai le retour de M. Granville pour
le prier de vous les faire parvenir.
LETTRE III.
Wootton, a 8 février 1767.
Madame la duchesse,
. Pardonnez mon importunité : je suis trop tou-
ché de la bonté que vous avez eue de me tirer de
peine sur la santé de milord Maréchal , pour diffé-
rer à vous en remercier. Je suis peu sensible à
mille bons offices où ceux qui veulent me les rendre
à toute force consultent plus leur goût que le mien.
Mais les soins pareils à celui que vous avez bien
voulu prendre en cette occasion m'affectent vérita-
blement, et me trouveront toujours plein de re-
connaissance. C'est aussi , madame la duchesse , im
sentiment qui sera joint désormais à tous ceux
que vous m'avez inspirés.
Pour dire à présent un petit mot de botanique ,
voici l'échantillon d'une plante que j'ai trouvée
attachée à un rocher, et qui peut-être vous est
très-connue, mais que pour moi je ne connaissais
94 LETTRES
point du tout. Par sa figure et par sa fructification ,
elle paraît appartenir aux fougères; mais, par sa
substance et par sa stature , elle semble être de la
famille des mousses. J'ai de trop mauvais yeux , un
trop mauvais microscope, et trop peu de savoir
pour rien décider là-dessus. Il faut , madame la du-
chesse, que vous acceptiez les hommages de
mon ignorance et de ma bonne volonté; c'est tout
ce que je puis mettre de ma part dans notre cor-
respondance , après le tribut de mon profond res-
pect.
LETTRE IV.
A Wootton, le 29 avril 1767.
Je reçois , madame la duchesse , avec une nou-
velle reconnaissance, les nouveaux témoignasses
de votre souvenir et de vos bontés dans le livre que
M. Granville m'a remis de votre part , et dans l'in-
struction que vous avez bien voulu me donner
sur la petite plante qui m'était inconnue. Vous avez
trouvé un très-bon moyen de ranimer ma mémoire
éteinte, et je suis très-sûr de n'oublier jamais ce
que j'aurai le bonheur d'apprendre de vous. Ce
petit adiantwn n'est pas rare sur nos rochers; et
j'en ai même vu plusieurs pieds sur des racines
d'arbres, qu'il sera facile d'en détacher pour le
transplanter siu' vos murs.
Vous aurez occasion, madame, de redresser
SUR Ï.A BOTANIQUE. 9.5
bien des erreurs dans le petit misérable débris de
plantes que M. Granville veut bien se charger de
vous faire tenir. J'ai hasardé de donner des noms
du Species de Linn?cus à celles qui n'en avaient
point; mais je n'ai eu cette confiance qu'avec celle
que vous voudriez bien marquer chaque faute , et
prendre la peine de m'en avertir. Dans cet espoir,
j'y ai même joint une petite plante qui me vient
de vous , madame la duchesse , par M. Granville ,
et dont n'ayant pu trouver le nom par moi-même ,
j'ai pris le parti de le laisser en blanc. Cette plante
me paraît approcher de l'ornithogale [Star of Beth-
leJiem) plus que d'aucune que je connaisse; mais»
sa fleur étant close, et sa racine n'étant pas bul-
beuse, je ne puis imaginer ce que c'est. Je ne vous
envoie cette plante que pour vous supplier de vou-
loir bien me la nommer.
De toutes les grâces que vous m'avez faites , ma-
dame la duchesse, celle à laquelle je suis le plus
sensible, et dont je suis le plus tenté d'abuser, est
d'avoir bien voulu me donner plusieurs fois des
nouvelles delà santé de milord Maréchal. Ne pour-
rais-je point encore, par votre obligeante entre-
mise , parvenir à savoir si mes lettres lui parvien-
nent? Je fis partir , le i6 de ce mois , la quatrième
que je lui ai écrite depuis sa dernière. Je neTle-
mande point qu'il y réponde, je désirerais seule-
ment d'apprendre s'il les reçoit. Je prends bien
toutes les précautions qui sont en mon pouvoir
pour qu'elles lui parviennent ; mais les précautions
qui sont en mon pouvoir à cet égard , comme à
C^6 LETTRES
beaucoup d'autres , SDnt bien peu de chose dans la
situation où je suis.
Je vous supplie , madame la duchesse , d'agréer
avec bonté mon profond respect.
LETTRE V.
Ce lo juillet 1767.
Permettez , madame la duchesse, que, quoique
habitant hors de l'Angleterre , je prenne la liberté
de me rappeler à votre souvenir. Celui de vos bon-
tés m'a suivi dans mes voyages et contribue à em-
bellir ma retraite. J'y ai apporté le dernier livre
que vous m'avez envoyé; et je m'amuse à faire la
comparaison des plantes de ce canton avec celles
de votre île. Si j'osais me flatter , madame la du-
chesse , que mes observations pussent avoir pour
votis le moindre intérêt, le désir de vous plaire me
les rendrait plus importantes , et l'ambition de vous
appartenir me fait aspirer au titre de votre herbo-
riste , comme si j 'avais les connaissances qui me ren-
draient digne de le porter. Accordez-moi , madame ,
je vous en supplie , la permission de joindre ce titre
auiiouveaunom que je substitue à celui sous lequel
j'ai vécu si malheureux. Je dois cesser de l'être sous
vos auspices; et l'herboriste de madame la duchesse
de Portland se consolera sans peine de la mort de
J. J. Rousseau. Au reste , je tâcherai bien que ce
ne soit pas là un titre purement honoraire; je sou-
SUR LA. BOTANIQUE. 97
haite qu'il m'attire aussi l'honneur de vos ordres ,
et je le mériterai du moins par mon zèle à les
remplir.
Je ne signe point ici mon nouveau nom , et je
ne date point du lieu de ma retraite*, n'ayant pu
demander encore la permission que j'ai besoin d'ob-
tenir pour cela. S'il vous plaît, en attendant , m'ho-
norer d'une réponse, vous pourrez , madame la du-
chesse, l'adresser sous mon ancien nom, à Mess...,
qui me la feront parvenir. Je finis par remplir un
devoir qui m'est bien précieux, en vous suppliant,
madame la duchesse , d'agréer ma très-humble re-
connaissance et les assurances de mon profond
respect.
LETTRE VI.
12 septembre 1767.
Je suis d'autant plus touché, madame la du-
chesse, des nouveaux témoignages de bonté dont
il vous a plu m'iîonorer , que j'avais quelque
crainte que l'éloignement ne m'eût fait oublier de
vous. Je tâcherai de mériter toujours par mes
sentiments les mêmes grâces , et les mêmes sou-
venirs par mon assiduité à vous les rappeler. Je
suis comblé de la permission que vous voulez bien
m'accorder, et très-fier de l'honneur de vous iip-
Le château de Trye , où Rousseau était sous le nom de Renou,
P.. VH. 7
q8 LETTRES
partenir en quelque chose. Poiu' commencer, ma-
dame, à remplir des fonctions que vous me ren-
dez précieuses, je vous envoie ci-joints deux petits
échantillons de plantes que j'ai trouvées à mon voi-
sinage, parmi les bruyères qui bordent un parc,
dans un terrain assez humide , où croissent aussi
la camomille odorante, le Sagina procumbens,
XHieraciiim wnbeUotum de Linnaeus, et d'autres
plantes que je ne puis vous nommer exactement,
n'ayant point encore ici mes livres de botanique ^
excepté le Flora Britannica, qui ne m'a pas quitté
im seul moment.
De ces deux plantes, l'une , n"' 2 , me paraît être
une petite gentiane, appelée, dans le Sjnopsis y
Centaurium palustre luteum minimum nostras. Flor.
Brit. i3i.
Pour l'autre, n°, i , je ne saurais dire ce que
c'est , à moins que ce ne soit peut-être une élatine
de Linnœus, appelée par Vaillant Alsinastrum ser-
pjllifolium , etc. La phrase s'y rapporte assez bien ;
mais V élatine doit avoir huit étamines, et je n'en ai
jamais pu découvrir que quatre. La fleur est très-
petite; et mes yeux, déjà faibles naturellement,
ont tant pleuré, que je les perds avant le temps :
ainsi je ne me fie plus à eux. Dites-moi de grâce
ce qu'il en est , madame la duchesse ; c'est moi
qui devrais, en vertu de mon emploi, vous in-
struire; et c'est vous qui m'instruisez. Ne dédai-
gnez pas de continuer, je vous en supplie; et per-
mettez que je vous rappelle la plante à fleur jaune
que vous envoyâtes l'année dernière à M. Gran-
SUR LA BOTANIQUE. 99
ville, ot dont je vous ai renvoyé un exemplaire
pour en apprendre le nom.
Et à propos de M. Granville , mon borf voisin ,
permettez, madame, que je vous témoigne l'in-
quiétude que son silence me cause. Je lui ai écrit ,
et il ne m'a point répondu , lui qui est si exact.
Serait-il malade ? J'en suis véritablement en peine.
Mais je le suis plus encore de Milord Maréchal,
mon ami , mon protecteur , mon père , qui m'a to-
talement oublié. Non , madame , cela ne saurait
être. Quoi qu'on ait pu faire, je puis être dans sa
disgrâce, mais je suis sûr qu'il m'aiiTie toujours.
Ce qui m'afflige de ma position , c'est qu'elle m'ôte
les moyens de lui écrire. J'espère pourtant en
avoir dans peu l'occasion , et je n'ai pas besoin de
vous dire avec quel empressement je la saisirai. En
attendant, j'implore vos bontés pour avoir de ses
nouvelles, et, si j'ose ajouter, pour lui faire dire
lui mot de moi.
J'ai l'honneur d'être avec un profond respect.
Madame la duchesse ,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur ,
Herboriste.
P. S. J'avais dit au jardinier de M. Davenport
que je lui montrerais les rochers où croissait le
'^çXxX. adiaritam ^ pour que vous pussiez, madame,
en emporter des plantes. Je ne me pardonne point
lOO LETTRES
de l'avoir oublié. Ces rochers sont au midi de la
maison et regardent le nord. Il est très-aisé d'en
détacher des plantes , parce qu'il y en a qui crois-
sent sur des racines d'arbres.
Le long retard, madame, du départ de cette
lettre , causé par des difficultés qui tiennent à ma
situation , me met à portée de rectifier avant qu'elle
parte ma balourdise sur la plante ci-jointe n" i ;
car ayant dans l'intervalle reçu mes livres de bo-
tanique, j'y ai trouvé, à l'aide des figures, que
Michelius avait fait un genre de cette plante sous
le nom de Linocarpoii , et que Linna^us l'avait mise
parmi les espèces du lin. Elle est aussi dans le Sj-
iiopsis sous le nom de Radiola , et j'en aurais trouvé
la figure dans le Flora Britaïuiica que j'avais avec
moi; mais précisément la planche i5, où est cette-
figure, se trouve omise dans mon exemplaire et
n'est que dans le Synopsis , que je n'avais pas. Ce
long verbiage a pour but, madame la duchesse,
de vous expliquer comment ma bévue tient à mon
ignorance , à la vérité , mais non pas à ma néç^li-
gence. Je n'en mettrai jamais dans la correspon-
dance que vous me permettez d'avoir avec vous ,
ni dans mes efforts pour mériter un titre dont je
m'honore : mais, tant que dureront les incommo-
<:lités de ma position présente , l'exactitude de mes
lettres en souffrira, et je prends le parti de fermer
celle-ci sans être sûr encore du jour où je la pour-
rai faire partir.
SUiî L.V BOtllVlOlji:. lOF
LETTRE VIL
Ce 4 janvier 1768.
.le n'aurais pas tardé si long-temps, madame la
duchesse , à vous faire mes très-humbles remer-
ciements pour la peine que vous avez prise d'é-
crire en ma faveur à Miloi'd Maréchal et à
M. Granville , si je n'avais été détenu près de trois
mois dans la chambre d'nn ami qui est tombé ma-
lade chez moi , et dont je n'ai pas quitté le chevet
durant tout ce temps, sans pouvoir donner un
moment à nul autre soin. Enfin la Providence a
béni mon zèle; je l'ai guéri presque malgré lui. Il
est parti hier bien rétabli; et le premier moment
que son départ me laisse est employé, madame, à
remplir auprès de vous im devoir que je mets au
nombre de mes plus grands plaisirs.
Je n'ai reçu aucune nouvelle de Milord Maré-
chal; et, ne pouvant lui écrire directement d'ici,
j'ai profité de l'occasion de l'ami qui vient de par-
tir, poiu' lui faire passer une lettre : puisse-t-elle
le trouver dans cet état de santé et de bonheur
que les plus tendres vœux de mon cœur deman-
dent au ciel pour lui tous les jours! J'ai reçu de
mon excellent voisin, M. Granville, une lettre qui
m'a tout réjoui le cœur. Je compte de lui écrire
dans peu de jours.
Permettrez-vous , madame la tluchesse, que je
lUJ. LETTRES
prenne la liberté de disputer avec \ous sur la
plante sans nomque vous aviez envoyée à M. Gran-
ville , et dont je vous ai renvoyé un exemplaire
avec les plantes de Suisse, pour vous supplier de
vouloir bien me la nommer? Je ne crois pas que
ce soit le vio/a liitea , comme vous me le marquez ;
ces deux plantes n'ayant rien de commun , ce me
semble, que la couleur jaune de la fleur. Celle en
question me parait être de la famille des liliacées ,
à six pétales, six étamines en plumasseau : si la
racine était bulbeuse, je la prendrais pour un or-
nithogale ; ne l'étant pas , elle me paraît ressem-
bler fort à un anthericuin ossifragum de Linna:us ,
appelé par Gaspard Bauhin pseudo asphodelus aii-
glicus ou scoticus. Je vous avoue, madame, que je
serais très-aise de m'assurer du vrai nom de cette
plante; car je ne peux être indifférent sur rien de
ce qui me vient de vous.
Je ne croyais pas qu'on trouvât en Angleterre
plusieurs des nouvelles plantes dont vous venez
d'orner vos jardins de Rullstrode ; mais, pour trou-
ver la nature riche partout , il ne faut que des
yeux qui sachent voir ses richesses. Voilà, ma-
dame la duchesse , ce que vous avez et ce qui me
manque; si j'avais vos connaissances, en herbori-
sant dans mes environs, je suis sûr que j'en tire-
rais beaucoup de choses qui pourraient peut-être
avoir leur place à Bullstrode. Au retour de la belle
saison, je prendrai note des plantes que j'observe-
rai, à mesure que je pourrai les connaître; et, s'il
s'en trouvait quelqu'une qui vous convînt, je trou-
SLR LA BOT A rv I QUE. I O J
verais les moyens de vous l'envoyer , soit en na-
ture, soit en graines. Si, par exemple, madame,
vous voidiez faire semer X^genticuKifili/brinis, j'en
recueillerais facilement de la graine l'automne pro-
chain ; car j'ai découvert un canton où elle est en
abondance. De grâce, madame la duchesse , puis-
que j'ai l'honneur de vous appartenir , ne laissez
pas sans fonction un titre où je mets tant de gloire.
Je n'en connais point, je vous proteste, qui me
flatte davantage que celle d'être toute ma vie, avec
un profond respect, madame la duchesse, votre
ïrès-humble et très-obéissant serviteur.
Herboriste.
LETTRE VI ÎL
A Lyon, le 3 juillet 1768.
S'il était eri mon pouvoir, madame la duchesse,
de mettre de l'exactitude dans quelque corres-
pondance, ce serait assurément dans celle dont
vous m'honore? ; mais , outre l'indolence et le dé-
couragement qui me subjuguent chaque jour da-
vantage, les tracas secrets dont on me tourmente
absorbent malgré moi le peu d'activité qui me
reste , et me voilà maintenant embarqué dans un
grand voyage, qui seul sei'ait une terrible affaire
pour un paresseux tel que moi. Cependant, comme
la botanique en est le principal objet, je tâcherai
de l'approprier à l'honneur que j'ai de vous apparie-
lo4 LETTRES
ilir, en vous rendant compte de mes herborisations,
an risque de vou's ennuyer, madame, de détails tri-
viaux qui n'ont rien de nouveau pour vous. Je pour-
rais vous en faire d'intéressants sur le jardin de l'E-
cole vétérinaire de cette ville, dont les directeurs,
naturalistes, botanistes, et de plus très-aimables,
sont en même temps très-comnîunicatifs; mais les
ricliesses exotiques de ce jardin m'accablent, me
troublent, par leur multitude; et,. à force de voir
à la fois trop de choses, je ne discerne et ne re-
tiens rien du tout. J'espère me trouver un peu plus
à l'aise dans les montagnes de la grande Chartreuse ,
où je compte aller herboriser la semaine prochaine
avec deux de ces messieurs, qui veulent bien
faire cette course, et dont les lumières me la ren-
dront très-utile. Si j'eusse été à portée de consulter
plus souvent les vôtres, madame la duchesse, je
serais plus avancé que je ne suis.
Quelque riche que soit le jardin de l'Ecole vé-
térinaire, je n'ai cependant pu y trouver le ge/i-
tiaiia campestris ni le swertia pereiinis ; et comme
le gejitianajili/brmis n'était pas même encore sorti
de terre avant mon départ de Trye, il m'a par
conséquent été impossible d'en recueillir de la
graine , et il se trouve qu'avec le plus grand zèle
pour faire les commissions dont vous avez bien
voulu m'honorer , je n'ai pu encore en exécuter
aucune. J'espère être à l'avenir moins malheureux,
et pouvoir porter avec plus de succès lui titre
dont je me glorifie.
•l'ai commencé le catalogue d\m herbier dont
SUR LA JJOTANlQlJli:. lOJ
on m'a fait présent, et que je compte augmenter
dans mes courses. J'ai pensé, madame la duchesse ,
qu'eir vous envoyant ce catalogue, ou du moins
celui des plantes que je puis avoir à double , si
vous preniez la peine d'y marquer celles qui vous
manquent , je pourrais avoir l'honneur de vous
les envoyer fraîches ou sèches, selon la manière
que vous le voudriez , pour l'augmentation de votre
jardin ou de votre herbier. Donnez-moi vos ordres,
madame, pour les Alpes, dont je vais parcourir
quelques-unes; je vous demande en grâce de pou-
voir ajouter au plaisir que je trouve à mes herbo-
risations celui d'en faire quelques-unes pour votre
service. Mon adresse fixe, durant mes courses, sera
celle-ci :
SI inunsieur Pœ/iou, chez Mess....
J'ose vous supplier , madame la duchesse , de
vouloir bien me donner des nouvelles de Milord
Maréchal , toutes les fois que vous me ferez l'hon-
neur de m'écrire. Je crains bien que tout ce qui se
passe à Neuchâtel n'afflige son excellent cœur :
car je sais qu'il aime toujours ce pays-là, malgré
l'ingratitude de ses habitants. Je suis affligé aussi
de n'avoir plus de nouvelles de M. Gran ville : je lui
serai toute ma vie attaché.
Je vous supplie, madame la duchesse, d'agréer
avec bonté mon profond respect.
lob LETTRES
LETTRE IX.
A Bourgoiii en Dauphiaé, le ai août 1769.
Madame LA dlicjiesse,
Deux voyages consécutifs immédiatement après
la réception de la lettre dont vous m'avez honoré
le 5 juin dernier ,. m'ont empêché de vous témoi-
gner plus tôt ma joie, tant pour la conservation
de votre santé que pour le rétablissement de celle
du cher fils dont vous étiez en alafmes, et ma gra-
titude pour les inarques de souvenir qu'il vous a
plu m'accorder. Le second de ces voyages a été
fait à votre intention; et, voyant passer la saison
de l'herborisation que j'avais en vue, j'ai préféré
dans cette occasion le plaisir de vous servir à
riionneiu" de vous répondre. Je suis donc parti
avec quelques amateurs pour aller sur le mont Pila,
à douze ou quinze lieues' d'ici, dans l'espoir, ma-
dame la duchesse, d'y trouver quelques plantes
ou quelques graines qui méritassent de trouver
place dans votre herbier ou dans vos jardins : je
n'ai pas eu le bonheur de remplir à mon gré mon
attente. Il était trop tard pour les fleurs et pour les
graines; la pluie et d'autres accidents nous ayant
sans cesse contrariés, m'ont fait faire un voyage
aussi peu utile qu'agréable; et je n'ai pres([ue rien
rapporté. Voici pourtant, madame la thichesse,
SUR LA liOTAr-i IQL E. tO'^
une note des débris de ma chétive collecte. C'est
une courte liste des plantes dont j'ai pu conserver
quelque chose en nature, et j'ai ajouté une étoile
à chacune de celles dont j'ai recueilli quelques
graines , la plupart en bien petite quantité. Si
parmi les plantes ou parmi les graines il se trouve
quelque chose ou le tout qui puisse vous agréer,
daignez , madame , m'iionorer de vos ordres, et me
marquer à qui je pourrais envoyer le paquet, soit
à Lyon , soit à Paris , pour vous le faire parvenir.
Je tiens prêt le tout pour partir immédiatement
après la réception de votre note; mais je crains bien
qu'il ne se trouve rien là digne d'y entrer , et que
je ne continue d'être à votre égard un serviteur inu-
tile malgré son zèle.
J'ai la mortification de ne pouvoir, quanta pré-
sent, vous envover, madame la duchesse, de la
^rsàwe genlianajili/oj'iiiis ^ laplante étant très-petite,
très-fugitive , difficile à remarquer pour les yeux qui
ne sont pas botanistes, un curé, à qui j'avais compté
m'adresser pour cela, étant mort dans l'intervalle,
et ne connaissant personne dans le pavs à qui pou-
voir donner ma comnlission.
Une foulure que je me suis faite à la main droite
par une chute , ne me permettant d'écrire qu'a-
vec beaucoup de peine, me force à finir cette
lettre plus tôt que je n'aurais désiré. Daignez, ma-
dame le duchesse, agréer avec bonté le zèle et le
profond respect de votre très-humble et très-obéis-
s;mt s(M^viteur ,
Herboriste.
lo8 LETTRES
LETTRE X.
A Monquin, le 21 décembre 17^9.
C'est , madame la duchesse , avec bien de la
honte et du regret que je.m'acquitte si tard du pe-
tit envoi r|ue j'avais eu l'honneur de vous annoncer ,
et qui ne valait assurément pas la peine d'éjre at-
tendu. Enlin, puisque mieux vaut tard que jamais,
je fis partir jeudi dernier, pour Lyon, une boîte à
l'adresse de M. le chevalier Lambert, contenant
les plantes et graines dont je joins ici la note. Je
désire extrêmement que le tout vous parvienne en
bon état ; mais comme je n'ose espérer que la
boîte ne soit pas ouverte en route , et même plu-
sieurs fois, je crains fort que ces herbes, fragiles
et déjà gâtées par l'humidité, ne vous arrivent ab-
solument détruites ou méconnaissables. Les «raines
au inoins pourraient, madame la duchesse, vous
dédommager des plantes , si elles étaient plus abon-
dantes ; mais vous pardoniferez leur misère aux
divers accidents qui ont , là-dessus , contrarié mes
soins. Quelques-uns de ces accidents ne laissent
pas d'être risibles , quoiqu'ils m'aient donné bien
du chagrin. Par exemple, les rats ont mangé sur
ma table presque toute la graine de bistorte que
j'y avais étendue pour la faire sécher; et, ayant
mis d'autres graines sur ma fenêtre pour le même
effet, un cou]) de veni a fait voler dans la chamljre
SUR LA BOT AMQUE. I OC)
tous Oies papiers, et j'ai été condamné à la péni-
tence tle Psyché ; mais il a fallu la faire moi-même ,
et les fourmis ne sont point venues m'aider. Toutes
ces contrariétés m'ont d'autant plus fiiché, que
j'aurais bien voulu qu'il piit aller jusqu'à Callwich
un peu du superflu de Bidlstrode; mais je tâcherai
d'être mieux fourni une autre fois; car, quoi-
que les honnêtes gens qui disposent de moi ,
fâchés de me voir trouver des douceurs dans la
botanique, cherchent à me rebuter de cet inno-
cent amusement en y versant le poison de leurs
viles âmes, ils ne me forceront jamais à y renoncer
volontairement. Ainsi , madame la duchesse , veuil-
lez bien m'honorer de vos ordres et me faire mé-
riter le titre que vous m'avez permis de prendre ;
je tâcherai de suppléer à mon ignorance à force
de zèle pour exécuter vos commissions.
Vous trouverez , madame , une ombellifère à la-
quelle j'ai pris la liberté de donner le nom desesetl
Halle fi, faute de savoir la trouver dans le Specîes ^
au lieu qu'elle est bien décrite dans la dernière
édition des Plantes de Suisse de M. Haller, n^ '762.
C'est une très-belle plante, qui est plus belle encore
en ce pays que dans les contrées plus méridionales,
parce que les premières atteintes du froid lavent
son vert foncé d'un beau pourpre, et surtout la
couronne des graines , car elle ne fleurit que dans
l'arrière-saison , ce qui fait aussi que les graines
ont peine à mûrir et qu'il est difficile d'e;i recueil-
lir. J'ai cependant trouvé le moyen d'en ramasser
quelques-unes que vous trouverez, madame la
I lO , LETTRES
duchesse, avec les autres. Vous aurez la bonté de
les recommander à votre jardinier, car, encore
un coup, la plante est belle , et si peu commune,
qu'elle n'a pas même encore un nom parmi les
botanistes. Malheureusement le spécimen que j'ai
l'honneur de vous envoyer est mesquin et en fort
mauvais état; mais les graines y suppléeront.
Je vous suis extrêmement obligé, madame, de
la bonté que vous avez eue de me donner des nou-
velles de mon excellent voisin M. Granville, et
des témoignages du souvenir de son aimable nièce
miss Dewes, J'espère qu'elle se rappelle assez les
traits de son vieux berger pour convenir qu'il ne
ressemble guère à la figure de cyclope qu'il a plu
à M. Hume de faire graver sous mon nom. Son
graveur a peint mon visage comme sa plume a
peint mon caractère. Il n'a pas vu qiie la seule
chose que tout cela peint fidèlement est lui-même.
Je vous supplie , madame la duchesse , d'agréer
avec bonté mon profond respect.
LETTRE XL
A Paris, le ly avril 1772.
J'ai reçu , madame la duchesse , avec bien de la
reconnaissance, et la lettre dont vous m'avez ho-
noré le 1.7 mars , et le nombreux envoi de graines
dont vous avez bien voulu enrichir ma petite col-
lection. Cet envoi en fera de toutes manières la
SUR LA BOTANIQUE. IJ (
plus considérable partie , et réveille déjà mon zélé
pour la compléter autant cju'il se peut. Je suis bien
sensible aussi à la bonté qu'a M. le docteur Solan-
der d'y vouloir contribuer pour quelque chose;
mais comme je n'ai rien trouvé, dans le paquet ^
qui m'indiquât ce qui pouvait venir de lui, je reste
en doute si le petit nombre de graines ou fruits
que vous me marquez qu'il m'envoie était joint au
même paquet , ou s'il en a fait un autre à part qui,
cela supposé, ne m'est pas encore parvenu.
Je vous remercie aussi , madame la duchesse , de la
borité que vous avez de m'apprendre l'heureux ma-
riage de miss Dewes et de M. SparoAv; je m'en ré-
jouis de tout mon cœur, et pour elle, si bien faite
pour rendre un honnête homme heureux et pour
l'être, et pour son digne oncle, que l'heureux succès
de ce mariage comblera de joie dans ses vieux jours.
Je suis bien sensible au souvenir de milord
Nuncham ; j'espère qu'il ne doutera jamais de mes
sentiments , comme je ne doute point de ses bon-
tés. Je me serais flatté durant l'ambassade de mi-
lord Harcourt du plaisir de le voir à Paris , mais
on m'assure qu'il n'y est point venu, et ce n'est
pas une mortification pour moi seul.
Avez-vous pu douter un instant, madame la
duchesse, que je n'eusse reçu avec autant d'em-
pressement que de respect le livre des jardins an-
glais que vous avez bien voulu penser à m'en-
voyer? Quoique son plus grand prix fût venu pour
moi de la main dont je l'aurais reçu, je n'ignore
pas celui qu'il a par lui-même, puisqu'il est es-
l 12 ^(JÎTTRES
timé et traduit dans ce pays; et d'ailleurs j'en dois
aimer le sujet, ayant été le premier en terre ferme
à célébrer et faire connaître ces mêmes jardins.
Mais celui de BuUstrode, où toutes les richesses
de la nature sont rassemblées et assorties avec au-
tant de savoir que de goût , mériterait bien un
chantre particulier.
Pour faire une diversion de mon goût à mes oc-
cupations , je me suis proposé de faire des herbiers
pour les naturalistes et amateurs qui voudront en
acquérir. Le règne végétal , le plus riant des trois ,
et peut-être le plus riche, est très -négligé et
presque oublié dans les cabinets d'histoire natu-
relle , où il devrait briller par préférence. J'ai pensé
que de petits herbiers , bien choisis et faits avec
soin , pourraient favoriser le goût de la botanique ,
et je vais travailler cet été à des collections que je
mettrai, j'espère, en état d'être distribuées dans
un an d'ici. Si par hasard il se trouvait parmi vos
connaissances quelqu'un qui voulût acquérir de
pareils herbiers , je les servirais de mon mieux , et
je continuerai de même s'ils sont contents de mes
essais. Mais je souhaiterais particulièrement, ma-
dame la duchesse, que vous m'honorassiez quel-
quefois de vos ordres , et de mériter toujours , par
des actes de mon zèle , l'honneur que j'ai de vous
appartenir.
SUR LA BOTANIQUE. Il3
LETTRE XII.
A Paris, le 19 mai 1772.
Je dois , madame la duchesse , le principal plai-
sir que m'ait fait le poème sur les jardins anglais ,
que vous avez eu la bonté de m'envoyer, à la main
dont il me vient. Car mon ignorance dans la langue
anglaise , qui m'empêche d'en entendre la poésie ,
ne me laisse pas partager le plaisir que l'on prend
à le lire. Je croyais avoir eu l'honneur de vous
marquer , madame, que nous avons cet ouvrage
traduit ici; vous avez supposé que je préférais l'o-
riginal , et cela serait très-vrai si j'étais en état de
le lire , mais je n'en comprends tout au plus que
les notes , qui ne sont pas , à ce qu'il me semble, la
partie la plus intéressante de l'ouvrage. Si mon
étourderie m'a fait oublier mon incapacité, j'en
suis puni par mes vains efforts pour la surmonter.
Ce qui n'empêche pas que cet envoi ne me soit pré-
cieux comme un nouveau témoignage de vos bon-
tés et une nouvelle marque de votre souvenir. Je
vous supplie , madame la duchesse , d'agréer mon
remerciement et mon respect.
Je reçois en ce moment, madame, la lettre que
vous me fîtes l'honneur de m'écrire l'année der-
nière en date du 20 mars 1771. Celui qui me l'en-
voie de Genève (M. Moultou) ne me dit point les
raisons de ce long retard : il me marque seulement
qu'il n'y a pas de sa faute ; voilà tout ce que j'en sais.
R. VII. 8
Il/Î LETTRES
LETTRE XIÏÏ.
Paris, le 19 juillet 1772.
C'est, madame la duchesse ,. par mi quiproquo
bien inexcusable , mais bien involontaire , que j'ai si
tard l'honneur de vous remercier des fruits rares
que vous avez eu la bonté de m'envoyer de la part de
M. le docteur Solander, et de la lettre du 24 juin ,
par laqu elle vous avez bien voulu me donner avis
de cet envoi. Je dois aussi à ce savant naturaliste
des remerciements , qui seront accueillis bien plus
favorablement, si vous daignez, madame la du-
chesse, vous en charger, comme vous avez fait l'en-
voi , que venant directement d'un homme qui n'a
point l'honneur d'être connu de lui. Pour comble
de grâce, vous voulez bien encore me promettre
les noms des nouveaux genres lorsqu'il leur en
aura donné : ce qui suppose aussi la description
du genre; car les noms dépourvus d'idées ne sont
que des mots , qui servent moins à orner la mé-
moire qu'à la charger. A tant de bontés de votre
part, je ne puis vous offrir, madame, en signe de
reconnaissance , que le plaisir que j'ai de vous
être obligé.
Ce n'est point sans un vrai déplaisir que j'ap-
prends que ce grand voyage, sur lequel toute l'Eu-
rope savante avait les yeux , n'aura pas lieu. C'est
une grande perte pour la cosmographie, pour la na-
SUR LA BOTANIQUE. ]l5
vigation, et pour l'histoire naturelle en général, et
c'est, j'en suis très-sûr, un chagrin pour cet homme
illustre que le zèle de l'instruction publique ren-
dait insensible aux périls^et aux fatigues dont l'ex-
périence l'avait déjà si parfaitement instruit. Mais
je vois chaque jour mieux que les hommes sont
partout les mêmes, et que le progrès de l'envie et
de la jalousie fait plus <le mal aux âmes, que celui
des lumières , qui en est la cause , ne peut faire de
bien aux esprits.
Je n'ai certainement j)as oublié, madame la du-
chesse , que vous aviez désiré de la graine du geji-
tiana Jili/onnis ; mais ce souvenir n'a fait qu'au-
gmenter mon regret d'avoir perdu cette plante,
sans me fournir aucun moyen de; la recouvrer. Sur
le lieu même où je la trouvai , qui est à Trye , je la
cherchai vainement l'année suivante, et soit que
je n'eusse pas bien retenu la place ou le temps de
sa florescence, soit qu'elle n'eût point grené , et
qu'elle ne se fût pas renouvelée, il me fut impossible
d'en retrouver le moindre vestige. J'ai éprouvé
souvent la même mortification au sujet d'autres
plantes que j'ai trouvées disparues cfès lieux où au-
paravant on les rencontrait abondamment; par
exemple, \q plantago uniflora, qui jadis bordait l'é-
tang de Montmorency et dont j'ai fait en vain l'an-
née dernière la recherche avec de meilleurs bota-
nistes et qui avaient de meilleurs yeux que moi; je
vous proteste , madame la duchesse , que je ferais
de tout mon cœur le voyage de Trye pour y cueil-
lir cette petite gentiane et sa graine, et vous faire
8.
I l6 LETTRES
parvenir ruiie et l'autre , si j'avais le moindre es-
poir de succès. Mais ne l'ayant pas trouvée l'an-
née suivante, étant encore sur les lieux , quelle ap-
parence qu'au bout de plusieurs années, où tous
les renseignements qui me restaient encore se sont
effacés, je puisse retrouver la trace de cette petite
et fugace plante? Elle n'est point ici au Jardin du
Roi, ni, que je sache, en aucun autre jardin, et
très-peu de gens même la connaissent. A l'égard
du carthamus lauatus, j'enjoindrai de la graine aux
échantillons d'herbiers que j'espère vous envoyer
à la fin de l'hiver.
J'apprends , madame la duchesse , avec une bien
douce joie , le parfait rétablissement de mon an-
cien et bon voisin M. Gran ville. Je suis très -tou-
ché de la peine que vous avez prise de m'en in-
struire, et vous avez par là redoublé le prix d'une
si bonne nouvelle.
Je vous supplie, madame la duchesse, d'agréer,
avec mon respect , mes vifs et vrais remerciements
de toutes vos bontés.
LETTRE XIV.
A Paris, le a a octobre 177 3.
J'ai reçu , dans son temps , la lettre dont m'a ho-
noré madame la duchesse, le 7 octobre; quant à
celle dont il y est fait mention , écrite quinze jours
auparavant , je ne l'ai point reçue : la quantité de
SUR LA BOTANIQLH. II7
sottes lettres qui me venaient de toutes paris par
la poste nie force à rebuter toutes celles dont l'é-
critiu'e ne m'est pas connue , et il se peut qu'en
mon absence la lettre de madame la duchesse n'ait
pas été distinguée des autres. J'irais la réclamer à
la poste, si l'expérience ne m'avait appris que mes
lettres disparaissaient aussitôt qu'elles sont ren-
dues, et qu'il ne m'est plus possible de les ravoir.
C'est ainsi que j'en ai perdu une de M. Linnaeus
que je n'ai jamais pu ravoir, après avoir appris
qu'elle était de lui, quoique j'aie employé pour
cela le crédit d'une personne qui en a beaucoup
dans les postes.
Le témoignage du souvenir de M. Gran ville ,
que madame la duchesse a eu la bonté de me trans-
mettre , m'a fait un plaisir auquel rien n'eût man-
qué , si j'eusse appris en même temps que sa santé
était meilleure.
M. de Saint-Paul doit avoir fait passer à madame
la duchesse deux échantillons d'herbiers portatifs
qui me paraissaient plus commodes et presque aussi
utiles que les grands. Si j'avais le bonheur que l'un
ou l'autre, ou tous les deux, fussent du goût de
madame la duchesse , je me ferais un vrai plaisir
de les continuer , et cela me conserverait pour la
botanique un reste de goût presque éteint, et que
je regrette. J'attends là-dessus les ordres de ma-
dame la duchesse, et je la supplie d'agréer mon
respect.
Il8 LETTRES
LETTRE XV.
A Paris, le i x juillet 1776.
Le témoignage de souvenir et de bonté dont
m'honore madame la duchesse de Portland , est un
cadeau bien jjrécieux que je reçois avec autant de
reconnaissance que de respect. Quant à l'autre ca-
deau qu'elle m'annonce, je la supplie de permettre
que je ne l'accepte pas. Si la magnificence en est
digne d'elle , elle n'est proportionnée ni à ma si-
tuation ni à mes besoins. Je me suis défait de tous
mes livres de botanique, j'en ai quitté l'agréable
amusement, devenu trop fatigant pour mon âge.
Je n'ai pas un pouce de terre pour y mettre du
persil ou des œillets , à plus forte raison des plantes
d'Afrique ; et , dans ma plus grande pas-sion pour
la botanique, content du foin que je trouvais sous
mes pas, je n'eus jamais de goût pour les plantes
étrangères qu'on ne trouve parmi nous qu'en exil
et dénaturées dans les jardins des curieux. Celles
que veut bien m'envoyer madame la duchesse se-
raient donc perdues entre mes mains ; il en serait
de même et par la même raison de Vherbarium am-
boïnense ^ et cette perte serait regrettable à pro-
portion du prix de ce livre et de l'envoi. Voilà la
raison qui m'empêche d'accepter ce superbe ca-
deau; si toutefois ce n'est pas l'accepter que d'en
garder le souvenir et la reconnaissance, en dési-
rant qu'il soit employé plus utilement.
SUR I-A BOTANIQLIK. IIQ
Je supplie très-liiimblement madame la diichesso
diaa;réer mon profond respect.
On vient de m'envoyer la caisse ; et , quoique
j'eusse extrêmement désiré d'en retirer la lettre de
madanje la duchesse, il m'a paru plus convenable,
puisque j'avais à la rendre, de la renvoyer sans
l'ouvrii'.
LETTRE
A M. DU PEYROU.
lo octobre 1764-
Traité historique des plantes qui croissent dans la
Lorraine et les Trois - Évêchés , par M. P. J. Bucfioz,
avocat auparlement de Metz, docteur en médecine, etc.
Cet ouvrage, dont deux volumes ont déjà, paru,
en aura vingt m-8°, avec des planches gravées.
• J'en étais ici , monsieur , quand j'ai reçu votre
docte lettre; je suis charmé de vos progrès. Je vous
exhorte à continuer ; vous serez notre maître , et
vous aurez tout l'honneur de notre futur savoir.
Je vous conseille pourtant de consulter M. Marais
sur les noms des plantes, plus que sur leur éty-
mologie ; car asphodehs , et non pas asphodeilos ,
n'a pour racine aucun mot qui signifie ni mort ni
herbe, mais tout au plus un verbe qui signifie yÉ-
tue , parce que les pétales de l'asphodèle ont quel-
que ressemblance à des fers de pique. Au reste ,
j'ai connu des asphodèles qui avaient de longues
tiges et des feuilles semblables à celles des lis.
Peut-être faut-il dire correctement du genre des as-
phodèles. La plante aquatique est bien nénuphar,
autrement nymphœa, comme je disais. Il faut re-
dresser ma faute sur le calament, qui ne s'appelle
pas en latin ccdamentum , mais calamintha , comme
qui dirait belle menthe.
LETTRKS SUR LA B(3TAN1QUE. 12 1
Le temj3s ni mon état présent ne m'en laissent
pas dire davantage. Puisque mon silence doit par-
ler pour moi, vous savez, monsieur, combien j'ai
à me taire.
LETTRE
A M. LIOTARD, LE NEVEU,
HERBORISTE A GRENOBLE.
Bourgoin, le 7 novembre 1768.
J'ai reçu , monsieur , les deux lettres que vous
m'avez fait l'amitié de m'écrire. Je n'ai point fait
de réponse à la première , parce qu'elle était une
réponse elle-même , et qu'elle n'en exigeait pas. Je
vous envoie ci-joint le catalogue qui était avec la
seconde, et sur lequel j'ai marqué les plantes que
je serais bien aise d'avoir. Les dénominations de
plusieurs d'entre elles ne sont pas exactes , ou du
moins ne sont pas dans mon Species de l'édition
de 1762. Vous m'obligerez de vouloir bien les y
rapporter, avec le secours de M. Clappier , que je
remercie , et que je salue. J'accepte l'offre de quel-
ques mousses que vous voulez bien y joindre ,
pourvu que vous ayez la bonté d'y mettre aussi
très-exactement les noms; car je serais peut-être
fort embarrassé pour les déterminer sans le se-
cours de mon DiUenius , que je n'ai plus. A l'égard
du prix, je le réglerais de bon cœur si je pouvais
n'écouter que la libéralité que j'y voudrais mettre ;
mais , ma situation me forçant de me borner en
toutes choses aux prix communs, je vous prie de
vouloir bien régler celui-là de façon que vous y
LETTRES SUR LA BOTANIQUE. 12^
houviez honnêtement votre compte , sans oublier
(le joindre à cette note celle des ports, et autres
menus trais cpii doivent vous être remlDoursés; et,
comme je n'ai aucune correspondance à Grenoble,
je vous enverrai le montant par le courrier , à moins
que vous ne m'indiquiez quelque autre voie. L'offre
de venir vous-même est obligeante; mais je ne l'ac-
cepte pas, attendu que je n'en pourrais profiter ,
qu'il ne fait plus le temps d'herboriser, et que je
ne suis pas en état de sortir pour cela. Portez-vous
bien, mon cher M. Liotard; je vous salue de tout
mon cœur.
Renou.
PoiuM'iez-vous me dire si le pistacia therebbillius
et Xosiris alha croissent auprès de Grenoble? Je
crois avoir trouvé l'un et l'autre au-dessus de la
Bastille", mais je n'en suis pas sur.
" Montagne auprès de laquelle Grenoble est situé.
LETTRES
ADRESSEES
A M. DE LA TOURETTE,
CONSEILLER EN LA COUR DES MONNAIES DE LYON
LETTRE I.
A Monquin , le iy{^6g. **.
J'ai différé, monsieur , de quelques jours à vous
accuser la réception du livre que vous avez eu la
bonté de m'envoyer de la part de M. Gouan , et à
vous remercier , pour me débarrasser auparavant
d'un envoi que j'avais à faire, et me ménager le
plaisir de m'entretenir un peu plus long -temps
avec vous.
Je ne suis pas surpris que vous soyez revenu
dltalie plus satisfait de la nature que des hommes ;
c'est ce qui arrive généralement aux bons obser-
vateurs , même dans les climats où elle est moins
* Il était en outre secrétaire de l'Académie des Sciences et Belles-
Lettres de cette ville.
Pour l'explication de cette manière de dater , comme pour
connaître le motif du quatrain placé en tête de chacune des lettres
qui vont suivre , voyez dans la Correspondance la note qui se rap-
porte à la lettre à l'abbé M , du y février 1770.
LETTRES SUR LA BOTANIQUF. 1^5
belle. Je sais qu'on trouve peu de penseurs dans
ce pays-là ; mais je ne conviendrais pas tout-à-fait
qu'on n'y trouve à satisfaire que les yeux, j'y vou-
drais ajouter les oreilles. Au reste, quand j'appris
votre voyage , je craignis, monsieur, que les autres
parties de l'histoire naturelle ne fissent quelque
tort à la botanique , et que vous ne rapportassiez
de ce pays -là plus de raretés pour votre cabinet
que de plantes pour votre herbier. Je présume ,
au ton de votre lettre , que je ne me suis pas beau-
coup trompé. Ah! monsieur, vous feriez grand tort
à la botanique de l'abandonner après lui avoir si
bien montré, par le bien que vous lui avez déjà
fait, celui que vous pouvez encore lui faire.
Vous me faites bien sentir et déplorer ma mi-
sère , en me demandant compte de mon herbori-
sation de Pila. J'y allai dans une mauvaise saison ,
par un très -mauvais temps, comme vous savez,
avec de très-mauvais yeux, et avec des compagnons
de voyage encore plus ignorants que moi , et privé
par conséquent de la ressource pour y suppléer
que j'avais à la grande Chartreuse. J'ajouterai qu'il
n'y a point , selon moi, de comparaison à faire entre
les deux herborisations, et que celle de Pila me pa-
rait aussi pauvre que celle de la Chartreuse est
abondante et riche. Je n'aperçus pas une astran-
tia, pas ime pirola , pas une soldanelle , pas luie
ombellifère , excepté le ineum ; pas une saxifrage ,
pas une gentiane, pas une légumineuse, pas une
belle didyname, excepté la mélisse à grandes fleurs.
J'avoue aussi que nous errions sans guides, et sans
laÔ LETTRES
savoir où chercher les places riches , et je ne suis
pas étonné qu'avec tous les avantages qui me man-
quaient, vous ayez trouvé dans cette triste et vi-
laine montagne des richesses que je n'y ai pas vues.
Quoi qu'il en soit, je vous envoie, monsieur, la
courte liste de ce que j'y ai vu , plutôt que de ce
que j'en ai rapporté; car la pluie et ma maladresse
ont fait que presque tout ce que j'avais recueilli
s'est trouvé gâté et pourri à mon arrivée ici. Il n'y
a dans tout cela que deux ou trois plantes qui
m'aient fait un grand plaisir. Je mets à leur tète le
sonchus alpiiius , plante de cinq pieds de haut, dont
lé feuillage et le port sont admirables , et à qui ses
grandes et belles fleurs bleues donnent un éclat
qui la rendrait digne d'entrer dans votre jardin.
J'aurais voulu, pour tout au monde, en avoir des
graines; mais cela ne me fut pas possible, le seul
pied que nous trouvâmes étant tout nouvellement
en fleurs; et , vu la grandeur de la plante , et qu'elle
est extrêmement aqueuse, à peine en ai-je pu con-
server quelques débris à demi pourris. Comme j'ai
trouvé en route quelques autres plantes assez jo-
lies , j'en ai ajouté séparément la note, pour ne pas
la confondre avec ce que j'ai trouvé sur la mon-
tagne. Quant à la désignation particulière des lieux ,
il m'est impossible de vous la donner; car, outre
la difficulté de la faire intelligiblement, je ne m'en
ressouviens pas moi-même; ma mauvaise vue et
mon étourderie font que je ne sais presque ja-
mais où je suis; je ne puis venir à bout de m'o-
rienter, et je me perds à chaque instant quand je
SUR LA BOTAJVigUli. 1^7
suis seul, sitùt que je j)erds mon reiiseigneineut
de vue.
Vous souvenez-vous, monsieur , d'un petit sou-
chet que nous trouvâmes en assez grande abon-
dance auprès de la grande Chartreuse , et que je
crus d'abord être le cj'penisjUscus , Lui? Ce n'est
point lui, et il n'en est l'ait aucune mention , que je
sache , ni dans le Species , ni dans aucun auteur de
!)otanique , hors le seul Miclieliiis , dont voici la
jihrase : Cjperus indice repente , odord , locustis iiii-
ciani longis et lineatn latis. Tab. 3i,y." i. Si vous
;ivez , monsieur , quelque renseignement plus pré-
( is ou plus sûr dudit souchet, je vous serais très-
obligé de vouloir bien m'en faire part.
La botanique devient un tracas si embarrassant
et si dispendieux quand on s'en occupe avec au-
tant de passion , qne, poiu- y mettre de la réforme ,
je suis tenté de me défaire tle mes livres de plantes.
La nomenclature et la synonymie forment une
étude immense et pénible : quand on ne veut
qu'observer, s'instruire, et s'amuser entre la na-
ture et soi, l'on n'a pas besoin de tant de livres.
Il en faut peut-être pour prendre quelque idée du
système végétal , et apprendre à observer ; mais ,
quand une fois on a les yeux ouverts, quelque ii^no-
rant d'ailleurs qu'on puisse être, on n'a plus besoin
de livres pour voir et admirer sans cesse. Pour moi ,
du moins , en qui l'opiniâtreté a mal suppléé à la
mémoire , et qui n'ai fait que bien peu de progrès ,
je sens néanmoins qu'avec les gramens d'une cour
ou d'un pré j'aurais de quoi m'occuper tout le reste
laS LETTRKS
de ma vie, sans jamais m'ennuyer un moment. Par-
don, monsieur, de tout ce long bavardage. Le su-
jet fera mon excuse auprès de vous. Agréez , je
vous supplie , mes très-humbles salutations.
LETTRE IL
Monquin, le 17^70.
Pauvres aveugles que nous sommes!
Ciel . démasque les imposteurs ,
Et force leurs barbares cœurs
A s'ouvrir aux regards des hommes.
C'en est fait, monsieur, pour moi de la bota-
nique; il n'en est plus question quant à présent,
et il y a peu d'apparence que je sois dans le cas d'y
revenir. D'ailleurs je vieillis , je ne suis plus in-
gambe pour herboriser ; et des incommodités qui
m'avaient laissé d'assez longs relâches menacent
de me faire payer cette trêve. C'est bien assez dé-
sormais pour mes forces des courses de nécessité ;
je dois renoncer à celles d'agrément, ou les bor-
ner à des promenades qui ne satisfont pas l'avidité
d'un botanophile. Mais, en renonçant à une étude
charmante , qui pour moi s'était transformée en
passion, je ne renonce pas aux avantages qu'elle
m'a procurés, et surtout, monsieur, à cultiver votre
connaissance et vos bontés , dont j'espère aller dans
peu vous remercier en personne. C'est à vous qu'il
faut renvoyer toutes les exhortations que vous me
SUR LA BOTANIQUE. I a()
-faites sur l'entreprise d'un dictionnaire de bota-
nique, dont il est étonnant que ceux qui cultivent
cette science sentent si peu la nécessité. Votre âge,
monsieur, vos talents, vos connaissances, vous dou-
aient les moyens de former, diriger et exécuter su-
périeurement cette entreprise ; et les applaudisse-
ments avec lesquels vos premiers essais ont été
reçus du public vous sont garants de ceux avec
lesquels il accueillerait un travail plus considé-
rable. Pour moi, qui ne suis dans cette étude,
ainsi que dans beaucoup d'autres, qu'un écolier
radoteur, j'ai songé plutôt, en herborisant, à me
distraire et m'amuser qu'à m'instruire, et n'ai point
eu , dans mes observations tardives , la sotte idée
d'enseigner au public ce que je ne savais pas moi-
même. Monsieur, j'ai vécu quarante ans heureux
sans faire des livres ; je me suis laissé entraîner
dans cette carrière tard et malgré moi : j'en suis
«iorti de bonne heure. Si je ne retrouve pas , après
l'avoir quittée, le bonheur dont je jouissais avant
d'y entrer , je retrouve au moins assez de bon sens
pour sentir que je n'y étais pas propre , et pour
perdre à jamais la tentation d'y rentrer.
J'avoue pourtant que les difficultés que j'ai trou-
vées dans l'étude des plantes m'ont donné quelques
idées sur le moyen de la faciliter et de la rendre
utile aux autres , en suivant le fil du système vé-
gétal par une méthode plus graduelle et moins
abstraite que celle de Tournefort et de tous ses
successeurs, sans en excepter Linnacus lui-même.
Peut-être mon idée est-elle impraticable. Nous en
II. vu. 9
l3o LETTRES
causerons, si vous voulez, quand j'aurai l'honneur
de vous voir. Si vous la trouviez digne d'être adop-
tée, et qu'elle vous tentât d'entreprendre sur ce
plan des institutions botaniques, je croirais avoir
beaucoup plus fait en vous excitant à ce travail ,
que si je l'avais entrepris moi-même.
Je vous dois des remerciements, monsieur, pour
les plantes que vous avez eu la bonté de m'en-
voyer dans votre lettre, et bien plus encore pour
les éclaircissements dont vous les avez accompa-
pagnées. \^% papyrus m'a fait grand plaisir , et je l'ai
mis bien précieusement dans mon herbier. Votre
antirrhinuin puipureum m'a bien prouvé que le mien
n'était pas le vrai, quoiqu'il y ressemble beaucoup;
je penche à croire avec vous que c'est une variété
de \aivensc ; et je vous avoue que j'en trouve plu-
sieurs dans le Species, dont les phrases ne suffisent
point pour me donner des différences spécifiques
bien claires. Voilà , ce me semble , un défaut que
n'aurait jamais la méthode que j'imagine, parce
qu'on aurait toujours un objet fixe et réel de com-
paraison, sur lequel on pourrait aisément assigner
les différences.
Parmi les plantes dont je vous ai précédemment
envoyé la liste, j'en ai omis une dont Linnaeus n'a
pas marqué la patrie, et que j'ai trouvée à Pila,
c'est le riihia peregrina; je ne sais si vous l'avez
aussi remarquée ; elle n'est pas absolument rare
dans la Savoie et dans le Dauphiné.
Je suis ici dans im grand embarras pour le trans-
port de mon bagage, consistant, en grande partie.
SUR LA KOTAJYIQUE. IJI
îlans lin attirail de botanique. J'ai surtout , dans
des papiers épars , un grand nombre de plantes
sèches en assez mauvais ordre , et communes pour
la plupart, mais dont cependant quelques-unes
sont plus curieuses : mais je n'ai ni le temps ni le
courage de les trier, puisque ce travail me devient
désormais inutile. Avant de jeter au feu tout ce
fatras de paperasses, j'ai voulu prendre la liberté
de vous en parler à tout hasard ; et si vous étiez
tenté de parcourir ce foin, qui véritablement n'en
vaut pas la peine, j'en pourrais faire une liasse qui
vous parviendrait par M. Pasquet ; car, pour moi,
je ne sais comment emporter tout cela, ni qu'en
faire. Je crois me rappeler, par exemple, qu'il s'y
trouve quelques fougères , entre autres le poljpo-
diumfirtgrans ^qae. yà\\iQYhoY\séQ% en Angleterre,
et qui ne sont pas communes partout. Si même la
revue de mon herbier et de mes livres de botanique
pouvait vous amuser quelques moments, le tout
pourrait être déposé chez vous , et vous le visite-
riez à votre aise. Je ne doute pas que vous n'ayez
la plupart de mes livres. Il peut cependant s'en
trouver d'anglais, comme Parkinson , et le Gérard
émacidé ., que peut-être n'avez -vous pas. Le Fale-
lius Cordus est assez rare ; j'avais aussi Tragiis, mais
je l'ai donné à M. Clappier.
Je suis surpris de n'avoir aucune nouvelle de
M. Gouan , à qui j'ai envoyé les carex ' de ce pays
qu'il paraissait désirer, et quelques autres petites
' Je me souviens d'avoir mis par mégarde un nom pour un
autre , carex vulpina , pour carejc leporina.
9-
l32 LETTRES
plantes, le tout à l'adresse de M. de Saint-Priest,
qu'il m'avait donnée. Peut-être le paquet ne lui
est-il pas parvenu : c'est ce que je ne saurais véri-
fier, vu que jamais un seul mot de vérité ne pé-
nètre à travers l'édifice de ténèbres qu'on a pris
soin d'élever autour de moi. Heureusement les
ouvrages des hommes sont périssables comme eux ,
mais la vérité est éternelle : post tenebras lux.
Agréez, monsieur, je vous supplie, mes plus
sincères salutations.
LETTRE III.
Monquin, le 17^70.
Pauvres aveugles que nous sommes! etc.
Ne faites, monsieur, aucune attention à la bi-
zarrerie de ma date; c'est une formule générale
qui n'a nul trait à ceux à qui j'écris, mais seule-
ment aux honnêtes gens qui disposent de moi avec
autant d'équité que de bonté. C'est , pour ceux qui
se laissent séduire par la puissance et tromper
par l'imposture , un avis qui les rendra plus inex-
cusables, si, jugeant sur des choses que tout de-
vrait leur rendre suspectes , ils s'obstinent à se re-
fuser aux moyens que prescrit la justice pour
s'assurer de la vérité.
C'est avec regret que je vois reculer, par mon
état et par la mauvaise saison , le moment de me
rapprocher de vous. J'espère cependant ne pas
SUR LA BOTANIQUE. l33
tarder beaucoup encore. Si j'avais quelques graines
qui valussent la peine de vous être présentées, je
prendrais le parti de vous les envoyer d'avance ,
pour ne pas laisser passer le temps de les semer;
mais j'avais fort peu de chose, et je le joignis avec
des plantes de Pila , dans un envoi que je fis il y a
quelques mois à madame la duchesse de Portland ,
et qui n'a pas été! plus heureux , selon toute appa-
rence, que celui que j'ai fait à M. Gouan , puisque
je n'ai aucune nouvelle ni de l'un ni de l'autre.
Comme celui de madame de Portland était plus
considérable, et que j'y avais mis plus de soin et
de temps, je le regrette davantage; mais il faut
bien que j'apprenne à me consoler de tout. J'ai
pourtant encore quelques graines d'un fort beau
seseli de ce pays , que j'appelle seseli Hallcri, parce
que je ne le trouve pas dans Liiiiiœus. J'en ai aussi
d'une plante d'Amérique , que j'ai fait semer dans
ce pays avec d'autres graines qu'on m'avait don-
nées , et qui seule à réussi. Elle s'appelle gombaut
dans les îles, et j'ai trouvé que c'était Y hibiscus es-
calentus ; il a bien levé, bien fleuri; et j'en ai tiré
d'une capsule quelques graines bien mûres , que
je vous porterai avec le seseli, si vous ne les avez
pas. Comme l'une de ces plantes est des pays
chauds, et que l'autre grène fort tard dans nos
campagnes , je présume que rien ne presse pour
les mettre en terre , sans quoi je prendrais le parti
de vous les envoyer.
Votre galiiun rotaiidijolium , monsieur, est hier
lui-même à mon avis , quoiqu'il doive avoir la fleun
l34 LETTRES
blanche , et que le vôtre l'ait flave; inais comme il
arrive à beaucoup de fleurs blanches de jaunir en
séchant, je pense que les siennes sont dans le même
caSc Ce n'est point du tout mon nibia pcregiitia,
plante beaucoup plus grande , plus rigide , plus
âpre , et de la consistance tout au moins de la ga-
rance ordinaire , outre que je suis certain d'y
avoir vu des baies que n'a pas votre galium , et
qui sont le caractère générique des ruhia. Cepen-
dant je suis, je vous l'avoue, hors d'état de vous
en envoyer un échantillon. Voici, là-dessus , mon
histoire.
J'avais souvent vu en Savoie et en Dauphiné
la garance sauvage , et j'en avais pris quelques
échantillons. L'année dernière , à Pila , j'en vis en-
core ; mais elle me parut différente des autres , et
il me semble que j'en mis un spécimen dans inon
portefeuille. Depuis mon retour , lisant , par ha-
sard , dans l'article rubia peregrina , que sa feuille
n'avait point de nervure en dessus , je me rappe-
lai ou crus me rappeler que mon rabia de Pila n'en
avait point non plus; de là je conclus que c'était
le rubia peregnna. En m'échauffant sur cette idée,
je vins à conclure la même chose des autres ga-
rances que j'avais trouvées dans ces pays, parce
qu'elles n'avaient d'ordinaire que quatre feuilles;
pour que cette conclusion fut raisonnable , il au-
rait fallu chercher les plantes et vérifier; voilà ce
que ma paresse ne me permit point de faire, vu le'
désordre de mes paperasses , et le temps qu'il aurait
fallu mettre à cette recherche. Depuis la réception ,
SUR LA BOTANIQUE. l35
nioiisieur, de votre lettre, j'ai mis plus de huit
jours à feuilleter tous mes livres et papiers l'un
après l'autre , sans pouvoir retrouver ma plante
de Pila, que j'ai peut-être jetée avec tout ce qui
est arrivé poinri. J'en ai retrouvé quelques-iuies
des autres; mais j'ai eu la mortification d'y trou-
ver la nervure bien marquée , qui m'a désabusé ,
du moins sur celles-là. Cependant ma mémoire,
qui me trompe si souvent , me retrace si bien celle
de Pila, que j'ai peine encore à en démordre, et
je ne désespère pas qu'elle ne se retrouve dans
mes papiers ou dans mes livres. Quoi qu'il en soit,
figurez-vous dans l'échantillon ci-joint les feuilles
un peu plus larges et sans nervure; voilà ma
plante de Pila.
Quelqu'un de ma connaissance a souhaité d'ac-
quérir mes livres de botanique en entier, et me
demande même la préférence; ainsi je ne me pré-
vaudrai point sur cet article de vos obligeantes
offres. Quant au fourrage épars dans des chif-
fons, puisque vous ne dédaignez pas de le par-
courir, je le ferai remettre à M. Pasquet; mais
il faut auparavant que je feuillette et vide mes
livres dans lesquels j'ai la mauvaise habitude de
fourrer, en arrivant, les plantes que j'apporte,
parce que cela est plus tôt fait. J'ai trouvé le se-
cret de gâter, de cette façon, presque tous mes
livres , et de perdre presque toutes mes plantes ,
parce qu'elles tombent et se brisent sans que j'\
fasse attention, tandis que je feuillette et parcours
le livre, uniquement occupé de ce que j'y cherche.
l36 LETTRES
Je VOUS prie, monsieur, de faire agréer mes re-
merciements et salutations à monsieur votre frère.
Persuadé de ses bontés et des vôtres , je me pré-
vaudrai volontiers de vos offres dans l'occasion.
Je finis, sans façon, en vous saluant, monsieur,
de tout mon cœur.
LETTRE IV.
Monquin, le t'J^'jo.
Pauvres aveugles que nous sommes! etc.
Voici , morfSieur , mes misérables herbailles , où
j'ai bien peur que vous ne trouviez rien qui mé-
rite d'être ramassé , si ce n'est des plantes que vous
m'avez données vous-même, dont j'avais quelques-
unes à double, et dont, après en avoir mis plu-
sieurs dans mon herbier, je n'ai pas eu le temps
de tirer le même parti des autres. Tout l'usage que
je vous conseille d'en faire est de mettre le tout
au feu. Cependant, si vous avez la patience de
feuilleter ce- fatras, vous y trouverez, je crois,
quelques plantes qu'un officier obligeant a eu la
bonté de m'apporter de Corse , et que je ne con-
nais pas.
Voici aussi quelques graines du seseli Halleri.
Il y en a peu, et je ne l'ai recueilli qu'avec beau-
coup de peine, parce qu'il grène fort tard et mû-
rit difficilement en ce pays : mais il y devient , en
revanche , une très-belle plante , tant par son beau
SUR LA BOTANIQUE. iZ'J
port que par la teinte de pourpre que les premières
atteintes du froid donnent à ses ombelles et à ses
tiges. Je hasarde aussi d'y joindre quelques graines
de gomhaut , quoique vous ne m'en ayez rien dit,
et que peut-être vous l'ayez ou ne vous en souciiez
pas, et quelques graines de Ylieptapliilloii, qu'on
ne s'avise guère de ramasser ; et qui peut-être ne
lève pas dans les jardins, car je ne me souviens
pas d'y en avoir jamais vu.
Pardon , monsieur , de la hâte extrême avec la-
quelle je vous écris ces deux mots, et qui m'a fait
presque oublier de vous remercier de Yaspenda
tauriiia^ qui m'a fait bien grand plaisir. Si nos
chemins étaient praticables pour les voitures, je
serais déjà» près de vous. Je vous porterai le ca-
talogue de mes livres, nous y marquerons ceux
qui peuvent vous convenir ; et si l'acquéreur veut
s'en défaire, j'aurai soin de vous les procurer. Je
ne demande pas mieux , monsieur, je vous assure,
que de cultiver vos bontés ; et si jamais j'ai le bon-
heur d'être un peu mieux connu de vous que de
monsieur**, qui dit si bien me connaître, j'espère
que vous ne m'en trouverez pas indigne. Je vous
salue de tout mon cœur.
Avez-vous le dianthus siiperhus ? Je vous l'envoie
à tout hasard. C'est réellement un bien bel oeillet,
et d'une odeur bien suave, quoique faible. J'ai pu
recueillir de la graine bien aisément, car il croît
en abondance dans un pré qui est sous mes fe-
nêtres. Il ne devrait être permis qu'aux chevaux
du soleil de se nourrir d'un pareil foin.
l38 LETTRES
LETTRE V.
A Paris, le 17770.
Pauvres aveugles que nous sommes! etc.
Je voulais, monsieur, vous rendre compte de
mon voyage en arrivant à Paris ; mais il m'a fallu
quelques jours pour m'arranger et me remettre
au courant avec mes anciennes connaissances. Fa-
tigué d'un voyage de deux jours, j'en séjournai
trois ou quatre à Dijon , d'où , par la même raison ,
j'allai faire un pareil séjour à Auxerre , après avoir
eu le plaisir de voir en passant M. de Buffon , qui
me fit l'accueil le plus obligeant. Je vis aussi à
Montbar M. Daubenton le subdélégué , lequel ,
après une heure ou deux de promenade ensemble
dans le jardin, me dit que j'avais déjà des com-
mencements, et qu'en continuant de travailler je
pourrais devenir un peu botaniste. JNIais , le len-
demain l'étant allé voir avant mon départ, je par-
courus avec lui sa pépinière , malgré la pluie qui
nous incommodait fort; et n'y connaissant presque
rien , je démentis si bien la bonne opinion qu'il
avait eue de moi la veille, cju'il rétracta son éloge
et ne me dit plus rien du tout. IMalgré ce mauvais
succès, je n'ai pas laissé d'herboriser un peu du-
rant ma route , et de me trouA^er en pays de con-
naissance dans la campagne et dans les bois. Dans
SUR LA BOTANIQUE. 109
I presque toute la Bourgogne j'ai vu la terre cou-
verte, à droite et à gauche, de cette même grande
! gentiane jaune que je n'avais pu trouver à Pila.
Les champs, entre Montbar et Chably, sont pleins
de bulbocastanum , mais la bulbe en est beaucoup
plus acre qu'en Angletene, et presque imman-
. geable; V œnante Jîstiilosa et la coquelourde {pul-
satillci ) y sont aussi en quantité : mais n'ayant tra-
versé la foret de Fontainebleau que très à la hâte,
je n'y ai rien vu du tout de remarquable que le
gcranium grandiflorum , que je trouvai sous mes
pieds par hasard une seule fois.
J'allai hier voir M. Daubenton au Jardin du
Roi; j'y rencontrai en me promenant , M. Richard,
jardinier de Trianon , avec lequel je m'empressai ,
comme vous jugez bien , de faire connaissance. Il
me promit de me faire voir son jardin^ qui est
beaucoup plus riche que celui du roi à Paris :
ainsi me voilà à portée de faire, dans l'un et dans
l'autre, quelque connaissance avec les plantes exo-
tiques, sur lesquelles, comme vous avez pu voir,
je suis parfaitement ignorant. Je prendrai, pour
voir Trianon plus à mon aise, quelque moment
oli la cour ne sera pas à Versailles, et je tâcherai
de me fournir à double de tout ce qu'on me per-
mettra de prendre , afin de pouvoir vous envoyer
ce que vous pourriez ne pas avoir. J'ai aussi vu le
jardin de M. Cochin, qui m'a paru fort beau ; mais ,
en l'absence du maître, je n'ai osé toucher à rien.
Je suis , depuis mon arrivée , tellement accablé de
visites et de dîners , que si ceci dure , \\ est impossible
l4o LETTRES
que j'y tienne, et malheureusement je manque de
force pour me défendre. Cependant, si je ne prends
bien vite un autre train de vie, mon estomac et
ma botanique sont en grand péril. Tout ceci n'est
pas le moyen de reprendre la copie de musique
d'une façon bien lucrative; et j'ai peur qu'à force
de dîner en ville je ne finisse par mourir de faim
chez moi. Mon ame navrée avait besoin de quel-
que dissipation, je le sens; mais je crains de n'en
pouvoir ici régler la mesure , et j'aimerais encore
mieux être tout en moi que tout hors de moi. Je
n'ai point trouvé , monsieur, de société mieux
tempérée et qui me convînt mieux que la vôtre ;
point d'accueil plus selon mon cœur que celui que,
sous vos auspices, j'ai reçu de l'adorable Mélanie.
S'il m'était donné de me choisir une vie égale et
douce , j e voudrais , tous les j ours de la mienne , pas-
ser la matinée au travail , soit à ma copie , soit sur
mon herbier; dîner avec vous et Mélanie; nour-
rir ensuite , une heure ou deux , mon oreille et
mon cœur, des sons de sa voix et de ceux de sa
harpe ; puis me promener téte-à-téte avec vous le
reste de la journée, en herborisant et philoso-
phant selon notre fantaisie. Lyon m'a laissé des
regrets qui m'en rapprocheront quelque jour peut-
être : si cela m'arrive , vous ne serez pas oublié ,
monsieur, dans mes projets : puissiez-vous con-
courir à leur exécution ! Je suis fâché de ne savoir
pas ici l'adresse de monsieur votre frère , s'il y est
encore : je n'aurais pas tardé si long-temps à l'al-
ler voir, me rappeler à son souvenir, et le prier
SUR LA BOTANIQUE. l/^l
(le vouloir bien me rappeler quelquefois au vôtre
et à celui de M**.
Si mon papier ne finissait pas, si la poste n'al-
lait pas partir, je ne saurais pas finir moi-même.
Mon bavardage n'est pas mieux ordonné sur le pa-
pier que dans la conversation. Veuillez supporter
l'un comme vous avez supporté l'autre. Fale , et
me ama.
LETTRE VI.
A Paris, le 17^70.
Pauvres aveugles que nous sommes ! etc.
Je ne voulais , monsieur, m'accuser de mes torts
qu'après les avoir réparés ; mais le mauvais temps
qu'il fait et la saison qui se gâte me punissent d'a-
voir négligé le Jardin du Roi tandis qu'il faisait
beau , et me mettent hors d'état de vous rendre
compte, quanta présent, du yy/flî/zto^o unifloray et des
autres plantes curieuses dont j'aurais pu vous par-
ler si j'avais su mieux profiter des bontés de M. de
Jussieu. Je ne désespère pas pourtant de profiter
encore de quelque beau jour d'automne pour faire
ce pèlerinage , et aller recevoir , pour cette année ,
les adieux de la syngénésie : mais , en attendant ce
moment, permettez , monsieur , que je prenne ce-
lui-ci pour vous remercier, quoique tard, de la con-
tinuation de vos bontés et de vos lettres, qui me
l42 LETTRES
feront toujours le plus vrai plaisir , quoique je sois
peu exact à y répondre. J'ai encore à m'accuser
de beaucoup d'autres omissions pour lesquelles
je n'ai pas moins besoin de pardon. Je voulais al-
ler remercier monsieur votre frère de l'honneur
de son souvenir, et lui rendre sa visite; j'ai tardé
d'abord, et puis j'ai oublié son adresse. Je le revis
une fois à la comédie italienne ; mais nous étions
dans des loges éloignées, je ne pus l'aborder, et
maintenant j'ignore même s'il est encore à Paris.
Autre tort inexcusable ; je me suis rappelé de ne
vous avoir point remercié de la connaissance de
M. Robinet, et de l'accueil obligeant que vous
m'avez attiré de lui. Si vous comptez avec votre
serviteur , il restera trop insolvable ; mais puisque
nous sommes en usage , moi de faillir , vous de par-
donner, couvrez encore cette fois mes fautes de
votre indulgence , et je tâcherai d'en avoir moins
besoin dans la suite, pourvu toutefois que vous
n'exigiez pas de l'exactitude dans mes réponses :
car ce devoir est absolument au-dessus de mes
forces, surtout dans ma position actuelle. Adieu,
monsieur ; souvenez-vous quelquefois, je vous sup-
plie , d'un homme qui vous est bien sincèrement
attaché, et qui ne se rappelle jamais sans plaisir
et sans regret les promenades charmantes qu'il a
eu le bonheur de faire avec vous.
On a représenté Pygmalion à Montigny ; je n'y
étais pas, ainsi je n'en puis parler. Jamais le sou-
venir de ma première Galathée ne me laissera le
désir d'en voir une autre.
SUR LA BOT A INIQUE. l4^
LETTRE VIL
A Paris, le 177770.
Pauvres aveugles que nous sommes ! etc.
Je ne sais presque plus, monsieur, comment
oser vous écrire, après avoir tardé si long-temps
à vous remercier du trésor de plantes sèches que
vous avez eu la bonté de m'envoyer en dernier
lieu. N'ayant pas encore eu le temps de les placer,
je ne les ai pas extrêmement examinées; mais je
vois à vue de pays qu'elles sont belles et bonnes ;
je ne doute pas qu'elles ne soient bien dénommées,
et que toutes les observations que vous me de-
mandez ne se réduisent à des approbations. Cet
envoi me remettra, je l'espère, un peu dans le
train de la botanique, que d'autres soins m'ont
fait extrêmement négliger dejDuis mon'arrivée ici ;
et le désir de vous témoigner ma bien impuissante ,
mais bien sincère reconnaissance , me fournira
peut-être avec le temps quelque chose à vous en-
voyer. Quant à présent je me présente tout-à-fait à
vide, n'ayant des semences dont vous m'envoyez
la note que le seul doronicum pardidianches que je
crois vous avoir déjà donné , et dont je vous en-
voie mon misérable reste. Si j'eusse été prévenu
quand j'allai à Pila l'année dernière, j'aurais pu
vous apporter aisément un litron des semences du
l44 LETTRES
prenant lies purpurea, et il y en a quelques autres
comme le tamus, et la gentiane perfoliée que vous
devez trouver aisément autour de vous. Je n'ai pas
oublié le plantago monantJios , mais on n'a pu me
le donner au Jardin du Roi , où il n'y en avait
qu'un seul pied sans fleur et sans fruit; j'en ai de-
puis recouvré un petit vilain échantillon que je
vous enverrai avec autre chose, si je ne trouve pas
mieux ; mais comme il croît en abondance autour
de l'étang de Montmorency, j'y compte aller her-
boriser le printemps prochain, et vous envoyer,
s'il se peut, plantes et graines. Depuis que je suis
à Paris, je n'ai été encore que trois ou quatre fois
au Jardin du Roi; et quoiqu'on m'y accueille avec
la plus grande honnêteté et qu'on m'y donne vo-
lontiers des échantillons déplantes, je vous avoue
c{ue je n'ai pu m'enhardir encore à demander dés
graines. Si j'en viens là, c'est pour vous servir que
j'en aurai le courage , mais cela ne peut venir tout
d'un coup. J'ai parié à M. de Jussieu du papyrus
que vous avez i^pporté de Naples ; il doute que ce
soit le vrai papier nilotica. Si vous pouviez lui en
envoyer, soit plante, soit graines, soit par moi,
soit par d'autres, j'ai vu que cela lui ferait grand
plaisir , et ce serait peut-être un excellent moyen
d'obtenir de lui beaucoup de choses qu'alors nous
aurions bonne grâce à demander, quoique je
sache bien par expérience qu'il est charmé d'obli-
ger gratuitement; mais j'ai besoin de quelque chose
pour m'enhardir, quand il faut demander.
Je remets avec cette lettre à MM. Boy de La Tour
SUR LA BOTANIQUE. 1 45
qui s'en retournent, une boîte contenant une arai-
gnée de mer, qui vient de bien loin; car on me l'a
envoyée du golfe du Mexique. Comme cependant
ce n'est pas luie pièce bien rare et qu'elle a été
fort endommagée dans le trajet, j'hésitais à vous
l'envoyer; mais on me dit qu'elle peut se raccom-
moder et trouver place encore dans un cabinet :
cela supposé, je vous prie de lui en donner une
dans le votre , en considération d'un homme qui
vous sera toute sa vie bien sincèrement attaché.
3'ai mis dans la même boîte les deux ou trois se-
mences de doronic et autres que j'avais sous la main.
Je compte l'été prochain me remettre au courant
de la botanique pour tâcher de mettre un peu du
mien dans une correspondance qui m'est précieuse ,
et dont j'ai eu jusqu'ici seul tout le profit. Je crains
d'avoir poussé Tétourderie au point de ne vous
avoir pas remercié de la complaisance de M. Ro-
binet, et des honnêtetés dont il m'a comblé. J'ai
aussi laissé repartir d'ici M. de Fleurieu sans aller
lui rendre mes devoirs, comme je le devais et voulais
faire. Ma volonté, monsieur, n'aura jamais de tort
auprès de vous ni des vôtres ; mais ma négligence
m'en donne souvent de bien inexcusables que je
vous prie toutefois d'excuser dans votre miséri-
corde. Ma femme a été très-sensible à l'honneur de
votre souvenir, et nous vous prions l'un et l'autre
d'agréer nos très-humbles salutations.
R. vu. JO
r46 LFTTRFS
LETTRE VIII.
A Paris , le iy~yi.
Pauvres aveugles que nous sommes! etc.
J'ai reçu, monsieur, avec grand plaisir, de vos
nouvelles, des témoignages de votre souvenir, et
des détails de vos intéressantes occupations. Mais
vous me parlez d'un envoi de plantes par M. l'abbé
Rosier, que je n'ai point reçu. Je me souviens
bien d'en avoir reçu un de votre part, et de vous
en avoir remercié, quoiqu'un peu tard, avant votre
voyage de Paris ; mais depuis votre retour à Lyon ,
votre lettre a été pour moi votre premier signe de
vie; et j'en ai été d'autant plus charmé, que j'avais
presque cessé de m'y attendre.
En apprenant les changements survenus à JjTOu ,
j'avais si bien préjugé que vous vous regarderiez
comme affranchi d'un dur esclavage , et que , dé-
gagé de devoirs , respectables assurément , mais
qu'un homme de goût mettra difficilement au
nombre de ses plaisirs , vous en goûteriez un très-
vif à vous livrer tout entier à l'étude de la «ature,
que j'avais résolu de vous en féliciter. Je suis fort
aise de pouvoir du moins exécuter après coup , et
sur votre propre témoignage , une résolution que
ma paresse ne m'a pas permis d'exécuter d'avance,
quoique très-sûr que cette félicitation ne viendrait
pas mal à propos.
SUR LA BOTAiNlQUE. l47
Les détails de vos herborisations et de vos dé-
couvertes m'ont fait battre le cœur d'aise. Il me
semblait que j'étais à votre suite, et que je parta-
geais vos plaisirs ; ces plaisirs si purs , si doux , que
si peu d'hommes savent goûter, et dont, parmi ce
peu-là, moins encore sont dignes, puisque je vois,
avec autant de surprise que de chagrin, que la bota-
nique elle-même n'est pas exempte de ces jalousies,
de ces haines couvertes et cruelles qui empoi-
sonnent et déshonorent tous les autres genres d'é-
tudes. Ne me soupçonnez point, monsieur, d'avoir
abandonné ce goût délicieux; il jette un charme
toujours nouveau sur ma vie solitaire. Je m'y livre
pour moi seul , sans succès, sans progrès, presque
sans communication , mais chaque jour plus con-
vaincu que les loisirs livrés à la contemplation de
la nature sont les moments de la vie où l'on jouit
le plus délicieusement de soi. J'avoue pourtant que ,
depuis votre départ, j'ai joint un petit objet d'a-
mour propre à cehii d'amuser innocemment et
agréablement mon oisiveté. Quelques fruits étran-
gers, quelques graines qui me sont par hasard tom-
bées entre les mains , m'ont inspiré la fantaisie de
commencer une très-petite collection en ce genre.
Je dis commencer, car je serais bien fâché de tenter
de l'achever, quand la chose me serait possible,
n'ignorant pas que , tandis qu'on est pauvre , on ne
sent que le plaisir d'acquérir; et que, quand on
est riche , au contraire , on ne sent que la privation
de ce qui nous manque , et l'inquiétude inséparable
du désir de compléter ce qu'on a. Vous devez depuis
lO.
l48 LETTRES
long-temps en être à cette inquiétude, vous, mon-
sieur , dont la riche collection rassemble en petit
presque toutes les productions de la nature, et
prouve, par son bel assortiment, combien M, l'abbé
Rosier a eu raison de dire qu'elle est l'ouvrage du
choix et non du hasard. Pour moi , qui ne vais que
tâtonnant dans un petit coin de cet immense laby-
rinthe, je rassemble fortuitement et précieusement
tout ce qui me tombe sous la main, et non-seule-
ment j'accepte avec ardeur et reconnaissance les
plantes que vous voulez bien m'offrir ; mais, si vous
vous trouviez avec cela quelques fruits ou graines
surnuméraires et de rebut dont vous voulussiez bien
m'enrichir, j'en ferais la gloire de ma petite collec-
tion naissante. Je suis confus de ne pouvoir, dans
ma misère, rien vous offrir en échange, au moiris
pour le moment. Car, quoique j'eusse rassemblé
quelques plantes depuis mon arrivée à Paris , ma
négligence et l'humidité de la chambre que j'ai
d'abord habitée ont tout laissé pourrir. Peut-être
serai -je plus heureux cette année, ayant résolu
d'employer plus de soin dans la dessiccation de mes
plantes, et surtout de les coller à mesure qu'elles
sont sèches ; moyen qui m'a paru le meilleur pour
les conserver. J'aurai mauvaise grâce , ayant fait
une recherche vaine , de vous faire valoir une her-
borisation que j'ai faite à INIontmorency l'été der-
nier avec la Caterve du Jardin du Roi; mais il est
certain qu'elle ne fut entreprise de ma part que
pour trouver le plant ago monanthos , que j'eus le
chagrin d'y chercher inutilement. M. de Jussieu
SUR LA BOTANIQUE. 1 49
le jeune , qui vous a vu sans doute à Lyon , aiua
pu vous dire avec quelle ardeur je priai tous ces
messieurs, sitôt que nous approchâmes de la queue
de l'étang, de m'aidera la recherche de cette plante;
ce qu'ils firent, et entre autres M. Thouin, avec
une complaisance et un soin qui méritaient lui
meilleur succès.
Nous ne trouvâmes rien ; et après deux heures
d'une recherche inutile, au fort de la chaleur, et
le jour le plus chaud de l'année, nous fûmes res-
pirer et faire la halte sous des arbres qui n'étaient
pas loin , concluant unanimement que le plantago
uniflora ^ïi\ôi(\u.é par ïournefort et M. de Jussieu
aux environs de l'étang de Montmorency, en avait
absolument disparu. L'herborisation au surplus fut
assez riche en plantes communes ; mais tout ce qui
vaut la peine d'être mentionné se réduit à Vosinuiide
royale, le Ijthrum liyssopifolia, le Ijsimachia tciiella,
\e peplis portulay le drosera rotundi/blia , le cjperus
JliscuSy le schœnus nigricans, et V hjdrocotjle , nais-
santes avec quelques feuilles petites et rares , sans
aucune fleur.
Le papier me manque pour prolonger ma lettre.
Je ne vous parle point de moi , parce que je n'ai
plus rien de nouveau à vous en dire, et que je ne
prends plus aucun intérêt à ce que disent, publient,
impriment, inventent, assurent, et prouvent, à ce
qu'ils prétendent, mes contemporains, de l'être
imaginaire et fantastique auquel il leur a plu de
donner mon nom. Je finis donc mon bavardage avec
ma feuille , vous priant d'excuser le désordre et le
l5o LETTRES
griffonnage d'un homme qui a perdu toute habi-
tude d'écrire, et qui ne la reprend presque que
pour vous. Je vous sahie, monsieur, de tout mon
cœur , et vous prie de ne pas m'oublier auprès de
monsieur et madame de Fleurieu.
LETTRE IX.
A Paris, ]e 17773.
Pauvres aveugles que nous sommes! etc.
Votre seconde lettre , monsieur , m'a fait sentir
bien vivement le tort d'avoir tardé si long-temps à
répondre à la précédente , et à vous remercier des
plantes qui l'accompagnaient. Ce n'est pas que je
n'aie été bien sensible à votre souvenir et à votre
envoi ; mais la nécessité d'une vie trop sédentaire
et l'inhabitude d'écrire des lettres en augmentent
journellement la difficulté , et je sens qu'il faudra re-
noncer bientôt à tout commerce épistolaire,méme
avec les personnes qui, comme vous, monsieur,
me l'ont toujours rendu instructif et agréable.
Mon occupation principale et la diminution de
mes forces ont ralenti mon goût pour la botani-
que, au point de craindre de le perdre tout-à-fait.
Vos lettres et vos envois sont bien propres à le ra-
nimer. Le retour de la belle saison y contribuera
peut-être : mais je doute qu'en aucun temps ma
paresse s'accommode long-temps de la fantaisie des
collections. Celle de graines qu'a faite M. Thouin
SLR LA BOTANIQUE. l5l
avait excité mon émulation, et j'avais tenté de ras-
sembler en petit autant de diverses semences et de
fruits , soit indigènes , soit exotiques qu'il en pour-
rait tomber sous ma main : j'ai bien fait des courses
dans cette intention. J'en suis revenu avec des mois-
sons assez raisonnables , et beaucoup de personnes
obligeantes ayant contribué à les augmenter, je me
suis bientôt senti, dans ma pauvreté, l'embarras
des richesses; car, quoique je n'aie pas en tout un
millier d'espèces, l'effroi m'a pris en tentant de
ranger tout cela; et la place d'ailleurs me manquant
pour y mettre une espèce d'ordre, j'ai presque re-
noncé à cette entreprise; et j'ai des paquets de
graines qui m'ont été envoyés d'Angleterre et d'ail-
leurs , depuis assez long-temps , sans que j'aie en-
core été tenté de les ouvrir. Ainsi, à moins que
cette fantaisie ne se ranime, elle est, quant à pré-
sent, à peu près éteinte.
Ce qui pourra contribuer avec le goût de la pro-
menade qui ne me quittera jamais , à me conserver
celui d'un peu d'herborisation, c'est l'entreprise
des petits herbiers en miniature que je me suis
chargé de faire pour quelques personnes, et qui,
quoique uniquement composés de plantes des en-
virons de Paris, me tiendront toujours un peu en
haleine pour les ramasser et les dessécher.
Quoi qu'il arrive de ce goût attiédi , il me laissera
toujours des souvenirs agréables des promenades
champêtres dans lesquelles j'ai eu l'honneur de
vous suivre, et dont la botanique a été le sujet;
et, s'il me reste de tout cela quelque part dans
j52 lettres SLR la botanique.
votre bienveillance, je ne croirai pas avoir cultivé
sans fruit la botanique , même quand elle aura perdu
pour moi ses attraits. Quant à l'admiration dont
vous me parlez, méritée ou non, je ne vous en re-
mercie pas, parce que c'est im sentiment qui n'a
jamais flatté mon cœur. J'ai promis à M. de Châ-
teaubourg que je vous remercierais de m'avoir pro-
curé le plaisir d'apprendre par lui de vos nouvelles,
et je m'acquitte avec plaisir de ma promesse. Ma
femme est très-sensible à l'honneur de votre sou-
venir, et nous vous prions, monsieur, l'un et l'autre ,
d'agréer nos remerciements et nos salutations.
LETTRE
A M. L'ABBÉ DE PRAMONT.
N. B L'abbé de Pramont avait confié à Rousseau une
collection de planches gravées représentant des plantes , et ac-
compagnées d'un texte explicatif pour chaque plante. Rous-
seau les a rangées suivant la méthode de Linnée , et a joint au
texte des notes en assez grand nombre. Ce recueil en deux vo-
lumes grand in-folio contenant 398 planches, et ayant pour
titre la Botanique mise à la portée de tout le monde par les
sieur et dame Regnault, Paris, 1774*, est actuellement dé-
posé à la bibliothèque de la Chambre des Députés. En tète est,
avec l'original de la lettre qu'on va lire , une Table raisonnée
et méthodique faite par Rousseau avec beaucoup de soin.
A Paris, le i3 avril 1778.
Vos planches gravées , monsieur , sont revues et
arrangées comme vous l'avez désiré. Vous êtes prié
de vouloir bien les faire retirer. Elles pourraient
se gâter dans ma chambre, et n'y feraient plus qu'un
embarras, parce que la peine que j'ai eue à les ar-
ranger me fait craindre d'y toucher derechef. Je
dois vous prévenir, monsieur, qu'il y a quelques
feuilles du discours extrêmement barbouillées et
Il forme maintenant trois volumes ; mais à l'époque où Rous-
seau l'eut entre les mains , on n'avait encore publié que les deux
premiers.
l54 LJiTTRES
presque inlisibles ; difficiles même à relier sans ro-
gner de l'écriture que j'ai quelquefois prolongée
étourdiment sur la marge. Quoique j'aie assez ra-
rement succombé à la tentation de faire des re-
marques, l'amour de la botanique et le désir de
vous complaire m'ont quelquefois emporté. Je ne
puis écrire lisiblement que quand je copie, et j'a-
voue que je n'ai pas eu le courage de doubler mon
travail en faisant des brouillons. Si ce griffonnage
vous dégoûtait de votre exemplaire , après l'avoir
parcouru, je vous offre, monsieur, le rembourse-
ment, avec l'assurance qu'il ne restera pas à ma
charge. Agréez , monsieur , mes très-humbles salu-
tations.
La Table méthodique dont il vient d'être parlé, est précédée
d'un court préliminaire et terminée par cette observation :
« La méthode de Linnaeus n'est pas , à la vérité
« parfaitement naturelle. Il est impossible de ré-
« duire en un ordre méthodique et en même temps
te vrai et exact les productions de la nature , qui
« sont si variées et qui ne se rapprochent que par
« des gradations insensibles. Mais un système de
« botanique n'est point une histoire naturelle : c'est
«une table, une méthode qui, à l'aide de quel-
le ques caractères remarquables et à peu près con-
« stants , apprend à rassembler les végétaux connus
u et à y ramener les nouveaux individus qu'on dé-
« couvre. Ce moyen est nécessaire pour en faciliter
« l'étude et fixer la mémoire. Ainsi aucun système
« botanique n'est véritablement naturel. Le meil-
SUR LA BOTANIQUE. l55
« leur est celui qui se trouve fondé sur les carac-
« tères les plus fixes et les plus aisés à connaître. »
Quant aux notes qu'on trouve presque sur chaque feuille
du Recueil en qivestion , elles prouvent une profonde connais-
sance de la matière , et sont quelquefois rédigées d'une manière
piquante. En voici deux prises au hasard.
SUR LA GRANDE CAPUCINE, N** I28.
« Madame de Linnée a remarqué que ses fleurs
« rayonnent et jettent une sorte de lueur avant le
« crépuscule. Ce que je vois de plus sur dans cette
ce observation , c'est que les dames dans ce pays-là
« se lèvent plus matin que dans celui-ci. »
SUR LA MÉLISSE OU CITRONELLE , N° 2l4-
« Chaque auteur la gratifie d'une vertu. C'est
« comme les fées marraines , dont chacune douait
< la filleule de quelque beauté ou qualité particu-
«( Hère. »
FRAGMENT
POUR
UN DICTIONNAIRE
DES TERMES
D'USAGE EN BOTANIQUE.
INTRODUCTION.
■ Le prcmiei' malheur de la botanique est d'avoir été rcf;aidéc
'dès sa naissance comme une partie de la médecine. Cela fit
qu'on ne s'attacha qu'à trouver ou supposer des vertus aux
plantes, et qu'on négligea la connaissance des plantes mêmes;
car comment se livrer aux courses immenses et continuelles
qu'exige cette recherche , et en même temps aux travaux sé-
dentaires du laboratoire, et aux traitements des malades, par
lesquels on parvient à s'assurer de la nature des substances vé-
gétales, et de leurs effets dans le corps humain? Cette fausse
manièi'e d'envisager la botanique en a long-temps rétréci l'é-
tude , au point de la borner presque aux plantes usuelles, cl
de réduire la chaîne végétale à un petit nombre de chaînons
interrompus ; encore ces chaînons mêmes ont-ils été très-mal
étudiés, parce qu'on y regardait seulement la matière, et non
pas l'organisation. Comment se serait- on beaucoup occupé de
la structure organique d'une substance , ou plutôt d'une masse
ramifiée, qu'on ne songeait qu'à piler dans un mortier? On ne
cherchait des plantes que pour trouver des remèdes; on ne
cherchait pas des plantes , mais des simples. C'était fort bien
fait, dira-t-on ; soit : mais il n'en a pas moins résulté que, si
l'on connaissait fort bien les remèdes, on ne laissait pas de con-
naître fort mal les plantes et c'est tout ce que j'avance ici.
La botanique n'était rien : il n'y avait point d'étude de la bo-
tanique, et ceux qui se piquaient le plus de connaître lesprantes
n'avaient aucune idée, ni do leur structure, ni de l'économie
végétale. Chacun connaissait de vue cinq ou six plantes de son
canton, auxquelles il donnait des noms au hasard, enrichis de
vertus merveilleuses qu'il lui plaisait de leur supposer; et cha-
cune de ces plantes chan.gée en panacée universelle suffisait
seule pour immortaliser tout le genre luunain. Ces plantes,
l6o INTHODUCTIOJN'.
transfoi-mées en baume et en emplâtres , disparaissaient pnomp-
tement, et faisaient bientôt place à d'autres, auxquelles de nou-
veaux venus, pour se distinguer, attribuaient les mêmes ef-
fets. Tantôt c'était une plante nouvelle qu'on décorait d'an-
ciennes vertus , et tantôt d'anciennes plantes proposées sous de
nouveaux noms suffisaient pour enrichir de nouveaux charla-
tans. Ces plantes avaient des noms vulgaires , différents dans
chaque canton ; et ceux qui les indiquaient pour leurs drogues
ne leur donnaient que des noms connus tout au plus dans le
lieu qu'ils habitaient; et, quand leurs récipés couraient dans
d'autres pays, on ne savait plus de quelle plante il y était parlé;
chacun en substituait une à sa fantaisie, sans autre soin qiie de
lui donner le même nom. Voilà tout l'art que les Myrepsus,
les Hildegardes, les Suardus, les Villauova, et les autres doc-
teurs de ces temps-là , mettaient à l'étude des plantes dont ils
ont parlé dans leurs livres ; et il serait difficile peut-être au
peuple d'en reconnaître une seule sur leurs noms ou sur leui's
descriptions.
A la renaissance des lettres tout disparut pour faire place aux
anciens livres : il n'y eut plus rien de bon et de vi'ai que ce
qui était dans Aristote et dans Gallien. Au lieu d'étudier les
plantes sur la terre, on ne les étudiait plus que dans Pline et
Dioscoride ; et il n'y a rien si fréquent dans les auteurs de ces
temps-là que d'y voir nier l'existence d'une plante par l'unique
raison que Dioscoride n'en a pas pai'lé. Mais ces doctes plantes ,
il fallait pourtant les trouver en nature pour les employer selon
les préceptes du maître. Alors on s'évertua ; l'on se mit à cher-
cher, à observer, à conjecturer; et chacun ne manqua pas de
faire tous ses efforts pour trouver dans la plante qu'il avait
choisie les caractères décrits dans son auteur; et, comme les
li'aducteurs , les commentateurs, les praticiens, s'accordaient
rarement sur le choix , on donnait vingt noms à la même plante,
et à vingt plantes le même nom , chacun soutenant que la sienne
était la véritable, et que toutes les autres n'étant pas celles
dont Dioscoride avait parlé , devaient être proscrites de dessus
la terre. De ce conflit résultèrent enfin des recherches , à la
INTRODUCTION. l6l
vérité plus attentives, et quelques bonnes observations qui
méritèrent d'être conservées , mais en même temps un tel chaos
de nomenclature , que les médecins et les herboristes avaient
absolument cessé de s'entendre entre eux. Il ne pouvait plus
y avoir communication de lumières , il n'y avait plus que des
disputes de mots et de noms , et même toutes les recherches et
descriptions utiles étaient perdues, faute de pouvoir décider
de quelle plante chaque auteur avait parlé.
Il commença pourtant à se former de vrais botanistes, tels que
Clusius , Cordus, Césalpin , Gesner , et à se faire de bons livres,
et instructifs , sur cette matière , dans lesquels même on trouve
déjà quelques traces de méthode. Et c'était certainement une
perte que ces pièces devinssent inutiles et inintelligibles par la
seule discordance des noms. Mais de cela même que les au-
teurs commençaient à réunir les espèces , et à séparer les genres,
chacun selon sa manière d'observer le jiort et la structure ap-
parente, il résulta de nouveaux inconvénients et une nouvelle
obscurité , parce que chaque auteur , réglant sa nomenclature
sur sa méthode, créait de nouveaux genres, ou séparait les an-
ciens, selon que le requérait le caractère des siens : de sorte
qu'espèces et gemmes tout était tellement mêlé, qu'il n'y avait
presque pas de plante qui n'eût autant de noms différents qu'il
y avait d'auteurs qui l'avaient décrite; ce qui rendait l'étude
de la concordance aussi longue et souvent plus difficile que
celle des plantes mêmes.
Enfin parurent ces deux illustres frères qui ont plus fait eux
seuls pour le progrès de la botanique que tous les avitres en-
semble qui les ont précédés et même suivis, jusqu'à Tourne-
fort : hommes rares, dont le savoir immense, et les solides
travaux , consacrés à la botanique, les rendent dignes de l'im-
mortalité qu'ils leur ont acquise; car, tant que cette science
naturelle ne tombera pas dans l'oubli , les noms de Jean et de
Gaspar Bauhin vivront avec elle dans la mémoire des hommes.
Ces deux hommes entreprirent , chacun de son côté, une his-
toire universelle des plantes; et, ce qui se rapporte plus im-
médiatement à cet article, ils entreprirent l'un et l'autre d'y
II. VII. I I
]6'2 IJNTRODUmîOIV.
joindre une synonymie, c'est-à-dire une liste exacte des noms
que chacune d'elles portait dans tous les auteurs qui les avaient
précédés. Ce travail devenait absolument nécessaire pour
qu'on put profiter des observations de chacun d'eux; car, sans
cela, il devenait presque impossible de suivre et démêler cha-
que plante à travers tant de noms différents.
L'aîné a exécuté à peu près cette entreprise, dans les trois
volumes in-folio qu'on a imprimés après sa mort, et il y a joint
une critique si juste , qu'il s'est rarement trompé dans ses sy-
nonymies.
Le plan de son frère était encore plus vaste , comme il pai^aît
par le premier volume qu'il en a donné, et qui peut faire
juger de l'immensité de tout l'ouvrage, s'il eût eu le temps de
l'exécuter : mais , au volume près dont je viens de parler , nous
n'avons que les titres du reste dans son pinax ; et ce pinax
fruit de quarante ans de travail, est encore aujourd'hui le
guide de tous ceux qui A^eulent travailler sur cette matière , et
consulter les anciens auteurs.
Comme la nomenclature des Bauhin n'était formée que des
titres de leurs chapitres, et que ces titres comprenaient or-
dinairement plusieurs mots, de là vient l'habitude de n'em-
ployer pour noms de plantes que des phrases louches assez
longues , ce qui rendait cette nomenclature non-seulement traî-
nante et embarrassante; mais pédantesque et ridicule. Il y au-
rait à cela , je l'avoue , quelque avantage , si ces phrases avaient
été mieux faites ; mais, composées indifféremment des noms
des lieux d'oii venaient ces plantes, des noms des gens qui les
avaient envoyées, et même des noms d'autres plantes avec les-
quelles on leur trouvait quelque similitude, ces phrases étaient
des sources de nouveaux embarras et de nouveaux doutes ,
puisque la connaissance d'une seule plante exigeait celle de plu-
sieurs autres, auxquelles sa phrase renvoyait, et dont les noms
n'étaient pas plus déterminés que le sien.
Cependant les voyages de long cours enrichissaient incessam-
ment la botanique de nouveaux trésors; et tandis que les an-
ciens noms accablaient déjà la mémoire, il en fallait inventer
INTIlOI>Lr.l lOiV. l(")3
de nouveaux sans cesse pour les plantes nouvelles qu'on dé-
couvrait. Perdus dans ce labyrinthe immense, les botanistes,
forcés de chercher un fil pour s'en tirer, s'attachèrent enfin
sérieusement à la méthode. Herman , Ri vin , Ray, proposèrent
chacun la sienne; mais l'immortel Tournefort l'emporta sur
eux tous : il rangea le premier, systématiquement, tout le règne
végétal, et réformant en partie la nomenclature, la combina
par ses nouveaux genres avec celle de Gaspar Bauhin. Mais
loin de la débarrasser de ses longues phrases , ou il en ajouta de
nouvelles , ou il chargea les anciennes des additions que sa mé-
thode le forçait d'y faire. Alors s'introduisit l'usage barbare de
lier les nouveaux noms aux anciens par un qui quœ quod con-
tradictoire , qui d'une même plante faisait deux genres tout
différents.
Dens leonis qui pilo s alla folio minus villoso : Doria quae ja-
cobœa oricntalis liinonii folio : Titanohcratophyton quod lito-
phyton rnaiinum albicans.
Ainsi la nomenclature se chargeait ; les noms des plantes de-
venaient non-seulement des phrases , mais des périodes. Je
n'en citerai qu'un seul, de Plukenet , qui prouvera que je n'exa-
gère pas. « Gramen myloicophorum carolinianum , seii gramen
n altissimum ^ panicula viaxima speciosa, e spicis rnajoribus
« compressiusculis iitrinquc pinnatix hlattam niolendariam
« quodamrnodb referentibus , composita , foliis convolutus mu-
<i crondtis pungendbus. ^> Almag. 137.
C'en était fait de la botanique si ces pratiques eussent été
suivies. Devenue absolument insupportable, la nomenclature
ne pouvait plus subsister dans cet état , et il fallait de toute né-
cessité qu'il s'y fit une réforme , ou que la plus riche , la plus
aimable , la plus facile des trois parties de l'histoii'e naturelle
fût abandonnée.
Enfin M. Linnaeus , plein de son système sexuel , et des vastes
idées qu'il lui avait suggérées , forma le projet d'une refonte gé-
nérale dont tout le monde sentait le besoin , mais dont nul n'o-
sait tenter l'entreprise. Il fit plus, il l'exécuta; et, après avoir
préparé , dans son Critica botanica , les règles sur lesquelles
I T.
l64 INTRODUCTION.
ce travail devait être conduit, il détermina, dans son Gênera
plantai uni , ces genres des plantes, ensuite les espèces dans
son Sj)ecies ; de sorte que, gardant tous les anciens noms qui
pouvaient s'accorder avec ces nouvelles règles , et refondant
tous les autres , il établit enfin une nomenclature éclairée,
fondée siu' les vrais principes de l'art, qu'il avait lui-même ex-
posés. Il conserva tous ceux des anciens genres qui étaient
vraiment naturels; il corrigea, simplifia, réunit, ou divisa les
autres, selon que le requéraient les vrais caractères; et, dans
la confection des noms , il suivait , quelquefois même un peu
trop sévèrement, ses propres règles.
A l'égard des espèces, il fallait bien, pour les déterminer,
des descriptions et des différences ; ainsi les phrases restaient
toujours indispensables, mais s'y bornant à un petit nombre
de mots techniques bien choisis et bien adaptés, il s'attacha à
faire de bonnes et brèves définitions tirées des vrais caractères
de lî? plante, bannissant rigoureusement tout ce qui lui était
étranger. Il fallut pour cela créer, poiu' ainsi dire, à la bota-
nique une nouvelle langue qui épargnât ce long circuit de pa-
roles qu'on voit dans les anciennes descriptions.'On s'est plaint
que les mots de cette langue n'étaient pas tous dans Cicéron.
Cette plainte aurait un sens raisonnable, si Cicéron eût fait un
traité complet de botanique. Ces mots cependant sont tous grecs
ou latins, expressifs, courts, sonores, et forment même des
constructions élégantes par leur extrême précision. C'est dans
la pratique journalière de l'art qu'on sent tout l'avantage de
cette nouvelle langue, aussi commode et nécessaire aux bota-
nistes qu'est celle de l'algèbre aux géomètres.
Jusque-là M. Linnaeus avait déterminé le plus gi'and nom-
bre des plantes connues, mais il ne les avait pas nommées; car
ce n'est pas nommer une chose que de la définir : une phrase
ne sera jamais un vrai mot*, et n'en saui'ait avoir l'usage. Il
pourvut à ce défaut par l'invention des noms triviaux qu'il joi-
* Cette leçon est conforme à l'édition de Genève, 17S2, et à l'édition de Paris
en 3S vol. in- 8°. Dans quelques autres, on lit : une phrase ne sera jamais un
irai KOM.
INTRODUCTION. l65
j^iiit à ceux des j^enres pour distinguer les csj3èces. De cette
manière le nom de chaque plante n'est composé jamais que de
deux mois; et ces deux mots seuls, choisis avec discernement
et appliqués avec justesse, font souvent mieux connaître la
plante que ne faisaient les longues phrases de P/ïichcli et de
Plukenet. Pour la connaître mieux encore et plus régulièrement,
on a la phrase qu'il faut savoir sans doute; mais qu'on n'a plus
besoin de répéter à tout propos lorsqu'il ne faut que nommer
l'objet.
Rien n'était plus maussade et plus ridicule, lorsqu'une femme
ou quelqu'un de ces hommes qui leur ressemblent, vous de-
mandait le nom d'une herbe ou d'une fleur dans vm jardin, que
la nécessité de cracher en réponse une longue enfilade de mots
latins, qui ressemblaient à des évocations magiques; inconvé-
nient suffisant pour rebuter ces personnes frivoles d'une étude
charmante offerte avec un appareil aussi pédantesque.
Quelque nécessaire , quelque avantageuse que fût cette ré-
fuiuie, il ne fallait pas moins que le profond savoir de M. Lin-
naeus pour la faii-e avec succès , et que la célébrité de ce grand
naturaliste pour la faire universellement adopter. Elle a d'abord
éprouvé de la résistance, elle en éprouve encore ; cela ne sau-
rait être autrement : ses rivaux dans la même carrière regardent
cette adoption comme un aveu d'infériorité qu'ils n'ont garde
de faire ; sa nomenclature paraît tenir tellement à son système
qu'on ne s'avise guère de l'en séparer; et les botanistes du pre-
mier ordre , qui se croient obligés, par hauteur, de n'adopter le
système de personne, et d'avoir chacun le sien , n'iront pas sacri-
fier leurs prétentions aux progrès d'un art dont l'amour dans
ceux qui le pi'ofessent est rarement désintéressé.
Les jalousies nationales s'opposent encoi'e à l'admission d'un
système étranger. On se croit obligé de soutenir les illustres de
son pays, surtout lorsqu'ils ont cessé de vivre; car même l'a-
mour-propre, qui faisait souffrir avec peine leur supériorité
durant leur vie, s'honoie de leur gloire après leur mort.
Malgré tout cela, la grande commodité de cette nouvelle no-
menclature, et son utilité , que l'usage a fait connaître, l'ont fait
l66 li\ TilODLlCTlOiV.
adopter presque universellement dans toute l'Europe, plus tôt
ou plus tard à la vérité, mais enfin à peu près partout, et
même à Paris. M. de Jussieu vient de l'établir au jardin du
Roi, préférant ainsi l'utilité publique à la gloire d'une nouvelle
refonte, que semblait demander la méthode des familles natu-
relles, dont son illustre oncle est l'auteur. Ce n'est pas que
cette nomenclature linnéenue n'ait encore ses défaixts, et ne
laisse de grandes prises à la critique; mais, en attendant qu'on
en trouve une plus parfaite, à qui rien ne manque , il vaut cent
fois mieux adopter celle-là que de n'en avoir aucune, ou de
r jtomber dans les phrases de ïournefort et de Gaspar Bauhin.
J'ai même peine à croire qu'une meilleure nomenclature pût
avoir désormais assez de succès pour proscrire celle-ci, à la-
quelle les botanistes 4p l'Europe sont déjà tout accoutumés ;
et c'est par la double chaîne de l'habitude et de la commodité
qu'ils y l'énonceraient avec plus de peine encore qu'ils n'en
eurent à l'adopter. Il faudrait, pour opérer ce changement, un
auteur dont le crédit effaçât celui de M. Linnaeus, et à l'autorité
duquel l'Europe entière voulût se soumettre une seconde fois,
ce qui me parait difficile à espérer; car si son système, quel-
que excellent qu'il puisse être, n'est adopté que par une seule
nation, il jettera la botanique dans un nouveau labyrinthe, et
nuira plus qu'il ne servira.
Le travail même de M. Linna;us, bien qu'inimense, reste
encore imparfait, tant qu'il ne comprend pas toutes les plantes
connues, et tant qu'il n'est pas adopté par tous les botanistes
sans exception ; car les livres de ceux qui ne s'y soumettent pas
exigent de la part des lecteurs le même travail pour la con-
cordance auquel ils étaient forcés poiu" les livres qui ont pré-
cédé. On a obligation à M. Crantz, malgré sa passion contre
M. Linnœus , d'avoir, en rejetant son système, adopté sa no-
menclature. Mais M. Haller, dans son grand et excellent Traité
des plantes alpines, rejette à la fois l'un et l'autre, et M. Adan-
son fait encore plus ; il prend une nomenclature toute nou-
velle , et ne fournit aucun renseignement pour v rapporter
celle de M. Limifeus. M. Haller cite to ujours les genres et quel
INTllODUCTION. 16-7
quefois les phrases des espèces de M. Linnaeus, mais M. Adan-
son n'en cite jamais ni genre ni phrase. M. Haller s'attache à
une synonymie exacte, par laquelle, quand il n'y joint pas la
phrase de M. Linnaeus, on peut du moins la trouver indirecte-
ment par le rapport des synonymes. ?vlais M. Linna;us et ses
livres sont tout-à-fait nuls pour M. Adauson et pour ses lec-
teurs; il ne laisse aucun renseignement par lequel on s'y puisse
reconnaître : ainsi il faut opter entre M. Linnaeus et M. Adan-
son , qui l'exclut sans miséricorde, et jeter tous les livres de
l'un ou de l'autre au feu, ou bien il faut entreprendre un nou-
veau travail , qui ne sera ni couit ni facile, pour faire accorder
deux nomenclatures qui n'offrent aucun point de réimion.
De plus , M. Linnaeus n'a point donné une synonymie com-
plète. Il s'est contenté, pour les plantes anciennement connues,
de citer les Bauhin et Clusius, et une figure de chaque plante.
Pour les plantes exotiques découvertes récemment, il a cité un
ou deux auteurs modernes , et les figures de Rheedi, de Rum-
phius, et quelques autres, et s'en est tenu là. Son entreprise
n'exigeait pas de lui une compilation plus étendue , et c'était
assez qu'il donnât un seul renseignement sur pour chaque plante
dont il parlait.
Tel est l'état actuel des choses. Or, sur cet exposé, je de-
mande à tout lecteur sensé comment il est possible de s'atta-
cher à l'étude des plantes en rejetant celle de la nomenclature.
C'est comme si l'on voulait se l'endre savant dans une langue
sans vouloir en apprendre les mots. Il est vrai que les noms
sont arbitraires , que la connaissance des plantes ne tient point
nécessairement à celle de la nomenclature, et qu'il est aisé de
supposer qu'un homme intelligent pourrait être un excellent
botaniste, quoiqu'il ne connût pas une seule plante par son
nom; mais qu'un homme, seul, sans livres et sans aucun se-
cours des lumières communiquées, parvienne à devenir de
lui-même un très-médiocre botaniste , c'est une assertion ridi-
cule à faire, et une entreprise impossible à exécuter. Il s'agit
de savoir si trois cents ans d'études et d'observations doivent
être perdus pour la botanique , si trois cents volumes de figures
ibo INTRODLCTIOIV.
et de descriptions doivent être jetés au feu, si les connais-
sances acquises par tous les savants qui ont consacré leur bourse,
leur vie et leurs veilles, à des voyages immenses, coûteux, pé-
nibles et périlleux, doivent être inutiles à leurs successeurs, et
si chacun, partant toujouis de zéro pour son premier point,
pourra parvenir de lui-même aux mêmes connaissances qu'une
longue suite de recherches et d'études a répandues dans la
masse du genre humain. Si cela n'est pas, et que la troisième
et plus aimable partie de l'histoire naturelle mérite l'attention
des curieux , qu'on me dise comment on s'y prendra pour faire
usage des connaissances ci-devant acquises , si l'on ne commence
par apprendre la langue des auteurs , et par savoir à quels ob-
jets se rapportent les noms employés par chacun d'eux. Ad-
mettre l'étude de la botanique , et rejeter celle de la nomen-
clature, c'est donc tomber dans la plus absurde contradiction.
'^Uf&'&Q'mmmMm,-
FRAGMENT
POUR
UN DICTIONNAIRE
DES TERMES
D'USAGE EN BOTANIQUE.
Abrupte. On donne l'épithète ^abrupte aux
feuilles pinnées, au sommet desquelles manque la
foliole impaire terminale qu'elles ont ordinaire-
ment.
Abreuvoirs, ou gouttières. Trous qui se forment
dans le bois pouri des chicots, et qui, retenant
l'eau des pluies, pourissent enfin le reste du tronc.
AcAULis , sans tige.
Aigrette. Touffe de filaments simples ou plu-
meux qui couronnent les semences dans plusieurs
genres de composées et d'autres fleurs. L'aigrette
est ou sessile , c'est-à-dire immédiatement attachée
autour de l'embryon qui la porte, ou pédiculée,
c'est-à-dire portée par un pied appelé en latin stipes,
qui la tient élevée au-dessus de l'embryon. L'ai-
grette sert d'abord de calice au fleuron, ensuite
elle le pousse et le chasse à mesure qu'il se fane ,
I^O APH
pour qu'il ne reste pas sous lu semence et ne l'em-
pêche pas de mûrir ; elle garantit cette même se-
mence nue de l'eau de la pluie qui pourrait la pou-
rir; et lorsque la semence est mûre, elle lui sert
d'aile pour être portée et disséminée au loin par
les vents.
Ailée. Une feuille composée de deux folioles
opposées sur le même pétiole s'appelle feuille ailée.
Aisselle. Angle aigu ou droit, formé par une
branche sur une autre branche , ou sur la tige, ou
par une feuille sur une branche.
Ama.ni)e. Semence enfermée dans un noyau.
AiNDROGYNE. Qui portc des fleurs mâles et des
fleurs femelles sur le même pied. Ces mots andro-
gjne et monoïque signifient absolument la même
chose : excepté que dans le premier on fait plus
d'attention au différent sexe des fleurs ; et dans le
second, à leur assemblage stir le même individu.
Angiosperme , à semences enveloppées. Ce terme
d'angiosperme convient également aux fruits à cap-
sule et aux fruits à baie.
Anthère. Capsule ou boîte portée par le filet de
l'étamine, et qui, s'ouvrant au moment de la fé-
condation , répand la poussière prolifique.
Anthologie. Discours sur les fleurs. C'est le titre
d'un livre de Pontedera , dans lequel il combat de
toute sa force le système sexuel, qu'il eût sans
doute adopté lui-même, si les écrits de Vaillant et
de Linnœus avaient précédé le sien.
Aphrodites. m. Adanson donne ce nom à des
anirnaux dont chaque indiviçlu reproduit son sem-
A R B 171
blable par la génération, mais sans aucun acte ex-
térieur de copulation ou de fécondation , tels que
quelques pucerons, les conques, la plupart des vers
sans sexe , les insectes qui se reproduisent sans gé-
nération, mais par la section d'une partie de leur
corps. En ce sens , les plantes qui se multiplient
par boutures et par caïeux peuvent être appelées
aussi aphrodites. Cette irrégularité, si contraire à
la marche ordinaire de la nature , offre bien des
tlilïicultés à la définition de l'espèce: est-ce qu'à
proprement parler il n'existerait point d'espèces
dans la nature, mais seulement des individus? Mais
on peut douter, je crois, s'il est des plantes abso-
lument aphrodites, c'est-à-dire qui n'ont réellement
point de sexe et ne peuvent se multiplier par co-
pulation. Au reste, il y a cette différence entre ces
tleux mots aphrodite et asexe^ que le premier s'ap-
plique aux plantes qui , n'ayant point de sexe , ne
laissent pas de multiplier, au lieu que l'autre ne
convient qu'à celles qui sont neutres ou stériles ,
et incapables de reproduire leur semblable.
Aphylle. On pourrait dire effeuillé ; mais e/Jeuillé
signifie dont on a ôté les feuilles, et apIijUe , qui
n'en a point.
Arbre. Plante d'une grandeur considérable, qui
n'a qu'un seul et principal tronc divisé en mai-
tresses branches.
Arbrisseau. Plante ligneuse de moindre taille que
l'arbre , laquelle se divise ordinairement dès la ra-
cine en plusieurs tiges. Les arbres et les arbris-
seaux poussent , en automne , des boutons dans les
aisselles des feuilles, qui se développent dans
le printemps et s'épanouissent en fleurs et en
fruits : différence qui les distingue des sous -ar-
brisseaux.
Articulé. Tige, racines, feuilles, silique : se dit
lorsque quelqu'une de ces parties de la plante se
trouve coupée par des nœuds distribués de distance
en distance.
AxiLLAiRE. Qui sort d'une aisselle.
Baie. Fruit charnu ou succulent à une ou plu-
sieurs loges.
Balle. Calice dans les graminées.
Boulon. Groupe de fleurettes amassées en tête.
Bourgeois'. Germe des feuilles et des branches.
BouToiN'. Germe des fleurs.
Bouture. Est une jeune branche que l'on coupe
à certains arbres moelleux , tels que le figuier , le
saule, le cognassier, laquelle reprend en terre sans
racine. La réussite des boutures dépend plutôt de
leur facilité à produire des racines, que de l'abon-
dance de la moelle des branches; car l'oranger, le
bouis , l'if et la sabine , qui ont peu de moelle , re-
prennent facilement de bouture.
Brawches. Bras pliants et élastiques du corps de
l'arbre: ce sont elles qui lui donnent la figure ; elles
sont ou alternes , ou opposées , ou verticillées. Le
bourgeon s'étend peu à peu en branches posées
cpllatéralement et composées des mêmes parties de
la tige; et l'on prétend que l'agitation des branches
causée par le vent est aux arbres ce qu'est aux ani-
maux l'impulsion du cœur. On distingue ,
CAL 173
i'* Les maîtresses branches, qui tiennent immé-
diatement au tronc , et d'où partent toutes les
autres.
2°Les branches à bois, qui, étant les jdIus grosses
et pleines de boutons plats, donnent la forme à un
arbre fruitier, et doivent le conserver en partie.
3° Les branches à fruit sont plus faibles et ont
des boutons ronds.
4*^ Les chiffonnes sont courtes et menues.
5° Les gourmandes sont grosses , droites et lon-
oues.
6^ Les veules sont longues et ne promettent au-
cune fécondité.
7° Jja branche aoûtée est celle qui, après le mois
d'août, a pris naissance, s'endurcit, et devient noi-
râtre.
8° Enfin, la branche de faux-bois est grosse à
l'endroit où elle devrait être menue, et ne donne
aucune marque de fécondité.
Bulbe. Est une racine orbiculaire composée de
plusieurs peaux ou tuniques emboîtées les unes
dans les autres. Les bulbes sont plutôt des boutons
sous terre que des racines, ils en ont eux-mêmes
de véritables, généralement presque cylindriques
et rameuses.
Calice. Enveloppe extérieure, ou soutien des
autres parties de la fleur, etc. Comme il y a des
plantes qui n'ont point de calice, il y en a aussi
dont le calice se métamorphose peu à peu en feuilles
de la plante, et réciproquement il y en a dont les
feuilles de la plante se changent en calice: c'est ce
\'jl\ CAP
qui se voit dans la famille de quelques renoncules,
comme l'anémone, la pidsatille, etc.
Campais iFORME, ou Campainulée, (V. Cloche.)
Capillaires. On appelle feuilles capillaires, dans
la famille des mousses, celles qui sont déliées comme
des cheveux. C'est ce qu'on trouve souvent exprimé
dans le Synopsis de Ray , et dans l'histoire des
mousses de Dillen , par le mot grec de trichodes.
On donne aussi le nom de capillaires à une
branche de la famille des fougères, qui porte comme
elle sa fructification sur le dos des feuilles, et ne
s'en distingue que par la stature des plantes qui la
composent , beaucoup plus petite dans les capil-
laires que dans les fougères.
Caprificatiozn". Fécondation des fleurs femelles
d'une sorte de figuier dioïque par la poussière des
étamines de l'individu mâle appelé caprifiguier. Au
moyen de cette opération de la nature, aidée en
cela de l'industrie humaine , les figues ainsi fécon-
dées grossissent , mûrissent , et donnent une ré-
colte meilleure et plus abondante qu'on ne l'ob-
tiendrait sans cela.
La merveille de cette opération consiste en ce
que, dans le genre du figuier, les fleurs étant en-
closes dans le fruit, il n'y a que celles qui sont
hermaphrodites ou androgynes qui semblent pou-
voir être fécondées; car, quand les sexes sont tout-
à-fait séparés, on ne voit pas comment la pous-
sière des fleurs mâles pourrait pénétrer sa propre
enveloppe et celle du fruit femelle jusqu'aux pis-
tils qu'elle doit féconder. C'est un insecte qui se
nK
CAY
charge de ce transport: une sorte de moucheron
particuhère au caprifiguier y pond, y éclôt, s'y
couvre de la poussière des étamines, la porte par
l'œil de la figue à travers les écailles qui en gar-
nissent l'entrée, jusque dans l'intérieur du fruit ^
et là, cette poussière, ne trouvant plus d'obstacle,
se dépose sur l'organe destiné à la recevoir.
L'histoire de cette opératioii a été détaillée en
premier lieu par Théophraste , le premier , le plus
savant, ou, pour mieux dire, l'unique et vrai bo-
taniste de l'antiquité; et, après lui, par Pline chez
les anciens; chez les modernes par Jean Bauhin;
puis par Tournefort, sur les lieux mêmes ; après lui,
par Pontedera , et par tous les compilateurs de bo-
tanique et d'histoire naturelle, qui n'ont fait que
transcrire la relation de Tournefort.
Capsulairk. Les plantes capsulaires sont celles
dont le fruit est à capsules. Ray a fait de cette di-
vision sa dix-neuvième classe , Herba vasculifera.
Capsule. Péricarpe sec d'un fruit sec; car on ne
donne point, par exemple, le nom de capsule à
l'écorce de la grenade , quoique aussi sèche et dure
que beaucoup d'autres capsules , parce qu'elle en-
veloppe un fruit mou.
Capuchon {Caljptrd). Coiffe pointue qui couvre
ordinairement l'urne des mousses. Le capuchon est
d'abord adhérent à l'urne, mais ensuite il se détache
et tombe quand elle approche de la maturité.
Caryophyllée. Fleur caryophyllée ou en œillet.
Cayeux. Bulbes par lesquelles plusieurs liliacées
et autres plantes se reproduisent.
J']6 COR
Chaton. Assemblage de fleurs mâles ou femelles
spiralement attachées à un axe , ou réceptacle com-
mun , autour duquel ces fleurs prennent la figure
d'une queue de chat. H y a plus d'arbres à chatons
mâles qu'il n'y en a qui aient aussi des chatons
femelles.
Chaume ( Culmus). l^om particulier dont on dis-
tingue la tige des graminées de celles des autres
plantes, et à qui l'on donne pour caractère propre
d'être géniculée et fistuleuse , quoique beaucoup
d'autres plantes aient ce même caractère, et que
les laîches et divers gramens des Indes ne l'aient
pas. On ajoute que le chaume n'est jamais rameux,
ce qui néanmoins souffre encore exception dans
Yai'undo calamagrostis , et dans d'autres.
Cloche. Fleurs en cloche , ou campaniformes.
Coloré. Les calices^ les balles, les écailles, les
enveloppes , les parties extérieures des plantes qui
sont vertes ou grises, communément sont dites co-
lorées lorsqu'elles ont une couleur plus éclatante
et plus vive que leurs semblables; tels sont les ca-
lices de la circée, de la moutarde, de la carline,
les enveloppes de l'astrantia : la corolle des orni-
thogales blancs et jaunes est verte au-dessous, et
colorée en-dessus; les écailles du xeran thème sont
si colorées qu'on les prendrait pour des pétales ;
et le calice du polygala, d'abord très-coloré, perd
sa couleur peu à peu, et prend enfin celle d'un
calice ordinaire.
Cordon ombilical dans les capillaires et fougères.
Cornet. Sorte de nectaire infundibuliforme.
COS lyy
CoRYMBE. Disposition de tleiir qui tient le milieu
entre l'ombelle et la panicule; les pédicules sont
gradués le long de la tige comme dans la panicule,
et arrivent tous à la même hauteur, formant à leur
sommet ime surface plane.
Le corymbe diffère de l'ombelh^ en ce que les
pédicules qui le forment, au lieu de partir du
même centre, partent, à différentes hauteurs, de
divers points sur le même axe.
CoRYMBiFÈiREs. Ce mot Semblerait dcvoir désigner
les plantes à fleurs en corymbe, comme celui (ïoni-
hdliferes désigne les plantes à fleurs en parasol.
Mais l'usage n'a pas autorisé cette analogie, l'ac-
ception dont je vais parler n'est pas même fort
usitée; mais comme elle a été employée par Ray
et par d'autres botanistes, il la faut connaître pour
les entendre.
Les plantes coiymbijeres sont donc dans la classe
des composées, et dans la section des discoïdes
celles qui portent leurs semences nues, c'est-à-dire
sans aigrettes ni filets qui les couronnent ; tels sont
les bidens, les armoises, la tanaisie, etc. On obser-
vera que les demi-fleuronnées , à semences nues,
comme la lampsane, l'hioseris, la catanance, etc. ,
ne s'appellent pas cependant corymbifères, parce
qu'elles ne sont pas du nombre des discoïdes.
Cosse. Péricarpe des fruits légiuTiineux. La cosse
est composée ordinairement de deux valvules, et
quelquefois n'en a qu'une seide.
CossoN. Nouveau sarment qui croît sur la vigne
après qu'elle est taillée.
R. vu. \'l
T'jH COT
Cotylédon. Foliole, ou jiartie de l'embryon,
dans laquelle s'élaborent et se préparent les sucs
nutritifs de la nouvelle plante.
Les cotylédons, autrement appelés feuilles sé-
minales , sont les premières parties de la plante
qui paraissent Ifbrs de terre lorsqu'elle commence
à végéter. Ces premières feuilles sont très-souvent
d'une autre forme que celles qui les suivent, et
qui sont les véritables feuilles de la plante. Car,
pour l'ordinaire, les cotylédons ne tardent pas à
se flétrir et à tomber peu après que la plante est
levée, et qu'elle reçoit par d'autres parties une
nourriture plus abondante que celle qu'elle tirait
par eux de la substance même de la semence.
Il y a des plantes qui n'ont qu'un cotylédon, et
qui , pour cela , s'appellent monocotyledones, tels
sont les palmiers, les liliacées, les graminées, et
d'autres plantes ; le plus grand nombre en ont
deux, et s'appellent dicotylédones; si d'autres en
ont davantage, elles s'appelleront polycotyledones.
Les acotyledones sont celles qui n'ont pas de co-
tylédons, telles que les fougères, les mousses, les
champignons, et toutes les cryptogames.
Ces différences de la germination ont fourni à
Ray, à d'autres botanistes, et en dernier lieu à
messieurs de Jussieu et Haller , la première ou plus
grande division naturelle du règne végétal.
Mais , poiu^ classer les plantes suivant cette mé-
thode, il faut les exr.miner sortant de terre dans
leur première germination , et jusque dans la se-
mence même; ce qui est souvent fort difficile,
DEM 179
siutout pour les plantes marines et aquatiques, et
pour les arbres et plantes étrangères ou alpines
qui refusent de germer et naître dans nos jar-
dins.
Crucifère, ou Cruciforme, disposé en forme de
croix. On donne spécialement le nom de crucifère
à une famille de plantes dont le caractère est d'a-
voir des fleurs composées de quatre pétales dispo-
sés en croix, sur lui calice composé d'autant de
folioles, et, autour du pistil, six étamines, dont
deux, égales entre elles, sont plus courtes que les
(juatre autres, et les divisent également.
Cupules. Sortes de petites calottes ou coupes
qui naissent le plus souvent sur plusieius lichens
et algues , et dans le creux desquelles on voit les
semences naître et se former , surtout dans le
genre appelé jadis hépatique des fontaines, et au-
jourd'hui marchantia.
Cyme, ou Omier. Sorte d'ombelle , qui n'a rien
de régulier, quoique tous ses rayons partent du
même centre, telles sont les fleurs de l'obier, du
chèvrefeuille, etc.
Demi-fleuron. C'est le nom donné par Tourne-
fort, dans les fleurs composées, aux fleurons échan-
crés qui garnissent le disque des lactucées, et à
ceux qui forment le contour des radiées. Quoique
ces deux sortes de demi-fleurons soient exactement
de même figure , et pour cela confondus sous le
même nom par les botanistes, ils diffèrent pour-
tant essentiellement en ce que les premiers ont
toujours des étamines, et (pie les autres n'en ont
[8o nRA
jamais. Les demi-fleurons , de même que les fleu-
rons, sont toujours supères, et portés par la se-
mence, qui est portée à son tour par le disque, ou
réceptacle de la fleur. Le demi-fleuron est Tormé
de deux parties , l'inférieure , qui est un tube ou
cylindre très-court, et la supérieure, qui est plane,
taillée en languette, et à qui l'on en donne le nom.
( Voyez Fleuron , Fleur. )
DiÉciE, ou DioÉciE, habitation séparée. On donne
le nom de Diécie à une classe de plantes compo-
sées de toutes celles qui portent leurs fleurs mâles
sur un pied, et les fleurs femelles sur un autre
pied.
DiGiTÉ. Une feuille est digitée lorsque ses folioles
partent toutes du sommet de son pétiole comme
d'un centre commun. Telle est, par exemple, la
feuille du maronnier d'Inde.
DioiQUE. Toutes les plantes de la diécie sont
dioïques.
Disque. Corps intermédiaire qui tient la fleur ou
quelques-unes de ses. parties élevées au-dessus du
vrai réceptacle.
Quelquefois on appelle disque le réceptacle même,
comme dans les composées ; alors on distingue la
surface du réceptacle, ou le disque, du contour
qui le borde, et qu'on nomme rayon.
Disque est aussi un corps charnu qui se trouve
dans quelques genres de plante au fond du calice,
dessous l'embryon; quelquefois les étamines sont
attachées autour de ce disque.
Drageons. Branches enracinées qui tiennent au
Eco i8i
pied d'un arbre, ou au Irouc, dont on ne peut les
arracher sans l'éclater.
Écailles, ou Paillettes. Petites languettes pa-
léacées , qui , dans plusieurs genres de fleurs com-
posées, implantées sur le réceptacle, distinguent
et séparent les fleurons : quand les paillettes sont de
simples filets , on les appelle des poils ; mais quand
elles ont quelque largeur , elles prennent le nom
d'écaillés.
Il est singulier dans le xéran thème à fleur double ,
que les écailles autour du disque s'allongent, se co-
lorent, et prennent l'apparence de vrais demi-fleu-
rons, au point de tromper à l'aspect quiconque
n'y regarderait pas de bien près.
On donne très -souvent le nom d'écaillés aux
calices des chatons et des cônes : on le donne aussi
aux folioles des calices imbriqués des fleurs en tète,
tels que les chardons, les jacées, et à celles des
calices de substance sèche et scarieuse du xéran-
thème et de la catananche.
La tige des plantes dans quelques espèces est
aussi chargée d'écaillés : ce sont des rudiments co-
riaces de feuilles qui quelquefois en tiennent lieu ,
comme dans l'orobanche et le tussilage.
Enfin on appelle encore écailles les enveloppes
imbriquées des balles de plusieurs liliacées , et les
balles ou calices aplatis des schœnus, et d'autres
graminacées..
ÉcoRCE. Vêtement ou partie enveloppante du
tronc et des branches d'un arbre. L'écorce est
moyenne entre Fépiderme à l'extérieur, et le liber
uSa ÉPI
à l'intérieur ; ces trois enveloppes se réunissent sou-
vent d'ans l'usage vulgaire , sous le nom commun
d'écorce.
Édule ( Edulis ) , bon à manger. Ce mot est du
nombre de ceux qu'il est à désirer qu'on fasse pas-
ser du latin dans la langue universelle de la bo-
tanique.
Entre-noeuds. Ce sont , dans les chaumes des
graminées , les intervalles qui séparent les nœuds
d'où naissent les feuilles. Il y a quelques gramens,
mais en bien petit nombre , dont le chaume , nu
d'un bout à l'autre, est sans nœud, et, par con-
séquent, sans entre-nœuds, tel , par exemple, que
Caira cœrulea.
, Enveloppe. Espèce de calice qui contient plu-
sieurs fleurs, comme dans le pied-de-veau, le fi-
guier, les fleurs à fleurons. Les fleurs garnies
d'une enveloppe ne sont pas pour cela dépour-
vues de calice.
Éperon. Protubérance en forme de cône droit
ou recourbé, faite dans plusieurs sortes de fleurs
par le prolongement du nectaire ; tels sont les épe-
rons des orchis , des linaires , des ancolies , des
pieds- d'alouettes , de plusieurs géranium, et de
beaucoup d'autres plantes.
Épi. Forme de bouquet dans laquelle les fleurs
sont attachées autour d'un axe ou réceptacle com-
mun formé par l'extrémité du chaume ou de la
tige unique. Quand les fleurs sont pédiculées ,
pourvu que tous les pédicules soient simples et
attachés immédiatement à l'axe , le bouquet s'ap-
FKIJ i83
pellf toujours épi; mais clans Tépi, rigoureuse-
ment pris, les fleurs sont sessiles.
Épiderme (!'). Est la peau fine extérieure qui
enveloppe les couches corticales; c'est une mem-
brane très -fine, transparente, ordinairement sans
couleur, élastique, et un peu poreuse.
Espèce. Réunion de plusieurs variétés ou indivi-
dus sous un caractère commun qui les distingue
de toutes les autres plantes du même genre.
Étamines. Agents masculins de la fécondation :
leur forme est ordinairement celle d'un filet qui
supporte une tète appelée anthère ou sommet.
Cette anthère est une espèce de capsule qui con-
tient la poussière prolifique : cette poussière s'é-
chappe , soit par explosion , soit par dilatation , et
va s'introduire dans le stigmate pour être portée
jusqu'aux ovaires qu'elle féconde. Les étamines
varient par la forme et par le nombre.
Etendard. Pétale supérieur des fleurs légumi-
neuses.
Fane. La fane d'une plante est l'assemblage des
feuilles d'en-bas.
FÉCONDATION. Opération naturelle par laquelle
les étamines portent , au moyen du pistil , jusqu'à
l'ovaire le principe de vie nécessaire à la matura-
tion des semences et à leur germination.
Feuilles. Sont des organes nécessaires aux plantes
pour pomper l'humidité de l'air pendant la nuit
et faciliter la transpiration durant le jour : elles
suppléent encore dans les végétaux au mouvement
progressif et spontané des animaux, en donnant
l84 FLE
prise au vent pour agiter les plantes et les rendre
plus robustes. Les plantes alpines , sans cesse bat-
tues du vent et des ouragans, sont toutes fortes et
vigoureuses : au contraire , celles qu'on élève dans
un jardin ont un air trop calme , y prospèrent
moins, et souvent languissent et dégénèrent.
Filet. Pédicule qui soutient l'étamine. On donne
aussi le nom de filets aux poils qu'on voit sur la
surface des tiges, des feuilles, et même des fleurs
de plusieurs plantes.
Fleur. Si je livrais mon imagination aux douces
sensations que ce mot semble appeler, je pourrais
faire un article agréable peut-être aux bergers,
mais fort mauvais pou ries botanistes : écartons donc
un moment les vives couleurs , les odeurs suaves ,
les formes élégantes , pour chercher premièrement
à bien connaître l'être organisé qui* les rassemble.
Rien ne parait d'abord plus facile : qui est-ce qui
croit avoir besoin qu'on lui apprenne ce qn.e c'est
qu'une fleur? Quand on ne me demande pas ce
que c'est que le temps, disait saint Augustin , je le
sais fort bien ; je ne le sais plus quand on me le
demande. On en pourrait dire autant de la fleur
et peut-être de la beauté même, qui , comme elle ,
est la rapide proie du temps. En effet, tous les bo-
tanistes qui ont voulu donner jusqu'ici des défini-
tions de la fleur ont échoué dans cette entreprise,
et les plus illustres , tels que MM. Linnœus , Haller ,
Adanson, qui sentaient mieux la difficulté que les
autre?, n'ont pas même tenté de la surmonter, et
ont laissé la fleur à définir. Le premier a bien
FLE i8:)
donné dans sa Pliilosop/iie botanique les définitions
de Jungins , de Ray, de Tournefort , de Pontedera ,
de Ludwig, mais sans en adopter aucune et sans en
proposer de son chef.
Avant lui Pontedera avait bien senti et bien ex-
posé cette difficulté ; mais il ne put résister à la
tentation de la vaincre. Le lecteur pourra bientôt
juger du succès. Disons maintenant en quoi cette
difficulté consiste, sans néanmoins compter, si je
tente à mon tour de lutter contre elle, de réussir
mieux qu'on n'a fait jusqu'ici.
On me présente une rose , et l'on me dit : Voilà
une fleur. C'est me la montrer, je l'avoue , mais ce
n'est pas la définir, et cette inspection ne me suf-
fira pas pour décider sur toute autre plante si ce
que je vois est ou n'est pas la fleur; car il y a une
multitude de végétaux qui n'ont, dans aucune de
leurs parties , la couleur apparente que Ray , Tour-
nefort , Jungins , font entrer dans la définition de
la fleur , et qui pourtant portent des fleurs non
moins réelles que celles du rosier , quoique bien
moins apparentes.
On prend généralement pour la fleur "la partie
colorée de la fleur qui est la corolle , mais on s'y
trompe aisément: il y a des bractées et d'autres
organes autant et plus colorés que la fleur même
et qui n'en font point partie , comme on le voit
dans l'ormin , dans le blé-de-vache , dans plusieurs
amaranthes et chenopodium; il y a des multitudes
de fleurs qui n'ont point du tout de corolle , d'au-
tres qui l'ont sans couleur , si petite et si peu ap-
l86 F LE
parente, qu'il n'y a qu'une recherche bien soi-
gneuse qui puisse l'y faire trouver. Lorsque les
blés sont en fleur , y voit-on des pétales colorés ?
en voit-on clans les mousses , dans les graminées ?
en voit-on dans les chatons du noyer , du hêtre et
du chêne , dans l'aune, dans le noisetier, dans le
pin , et dans ces multitudes d'arbres et d'herbes
qui n'ont que des fleurs à étamines ? Ces fleurs
néanmoins n'en portent pas moins le nom de fleur :
l'essence de la fleur n'est donc pas dans la corolle.
Elle n'est pas non plus séparément dans aucune
des autres parties constituantes de la fleur, puis-
qu'il n'y a aucune de ces parties qui ne manque à
quelques espèces de fleurs : le calice manque , par
exemple, à presque toute la famille des liliacées, et
l'on ne dira pas qu'une tulipe ou un lis ne sont pas
une fleur. S'il y a quelques parties plus essentielles
que d'autres à une fleur, ce sont certainement le
pistil et les étamines : or , dans toute la famille des
cucurbitacées , et même dans toute la classe des
monoïques, la moitié des fleurs sont sans pistil,
l'autre moitié sans étamines , et cette privation
n'empêche pas qu'on ne les nomme et qu'elles ne
soient les unes et les autres de véritables fleurs.
L'essence de la fleur ne consiste donc ni séparé-
ment dans quelques-unes de ses parties dites con-
stituantes , ni même dans l'assemblage de toutes
ces parties. En quoi donc consiste proprement
cette essence ? Voilà la question, voilà la difficidté ,
et voici la solution par laquelle Pontedera a tâché
<le s'en tirer.
l'LJ: 187
La {leur , dit-il , est une partie dans la plante , dif-
férente dçs autres par sa nature et par sa forme ,
toujours adhérente et utile à l'embryon , si la
fleur a un pistil; et, si le pistil manque, ne tenant
à nul embryon.
Cette définition pèche , ce me semble , en ce
qu'elle embrasse trop ; car, lorsque le pistil manque ,
la fleur n'ayant plus d'autres caractères que de dif-
férer des autres parties de la plante par sa nature
et par sa forme, on pourra donner ce nom aux
bractées , aux stipules, aux nectarium , aux épines ,
et à tout ce qui n'est ni feuilles ni branches; et
quand la corolle est tombée et que le fruit approche
de sa maturité , on pourrait encore donner le nom
de fleur au calice et au réceptacle, quoique réel-
lement il n'y ait alors plus de fleur. Si donc cette
définition convient omni, elle ne convient pas soli^
et manque par là d'une des deux principales condi-
tions requises : elle laisse d'ailleurs un vide dans l'es-
prit , qui est le plus grand défaut qu'une définition
puisse avoir ; car , après avoir assigné l'usage de la
fleur au profit de l'embryon quand elle y adhère ,
elle fait supposer totalement inutile celle qui n'y
adhère pas, et cela remplit mal l'idée que le bo-
taniste doit avoir du concours des parties et de
leur emploi dans le jeu de la machine organique.
Je crois que le défaut général vient ici d'avoir
trop considéré la fleur comme une substance ab-
solue, tandis qu'elle n'est, ce me semble, qu'un
être collectif et relatif; et d'avoir trop raffiné sur
les idées, tandis qu'il fallait se borner à celle qui
l88 FLE
se présentait naturellement. Selon cette idée, la
fleur ne me parait être que l'état passager des par-
ties de la fructification durant la fécondation du
germe : de là suit que , quand toutes les parties de
la fructification seront réunies, il n'y aura qu'une
fleur ; quand elles seront séparées , il y en aura au-
tant qu'il y a de parties essentielles à la féconda-
tion; et, comme ces parties essentielles ne sont
qu'au nombre de deux, savoir, le pistil et les éta-
mines , il n'y aura par conséquent que deux fleurs ,
l'une mâle et l'autre femelle , qui soient nécessaires
à la fructification. On en peut cependant supposer
une troisième qui réunirait les sexes séparés dans
les deux autres; mais alors, si toutes ces fleurs
étaient également fertiles , la troisième rendrait les
deux autres superflues et pourrait seule suffire à
l'œuvre, ou bien il y aurait réellement deux féconda-
tions ; et nous n'examinons ici la fleur que dans une.
La fleur n'est donc que le foyer et l'instrument
de la fécondation : une seule suffit quand elle est
hermaphrodite ; quand elle n'est que mâle ou fe-
melle, il en faut deux : savon', une de chaque sexe;
et si l'on fait entrer d'autres parties, comme le ca-
lice et la corolle , dans la composition de la fleur ,
ce ne peut être comme essentielles, mais seulement
comme nutritives et conservatrices de celles qui
le sont. Il y a des fleurs sans calice ; il y en a sans
corolle; il y en a même sans l'un et sans l'autre:
mais il n'y en a point, et il n'y en saurait avoir qui
soient en même temps sans pistil et sans étamines.
La fleur est une partie locale et passagère de la
plante qui précède la fécondation du germe , et dans
laquelle ou par laquelle elle s'opère.
Je ne m'étendrai pas à justifier ici tous les termes
de cette définition qui peut-être n'en vaut pas la
peine; je dirai seulement que le mot précède m'y
paraît essentiel , parce que le plus souvent la co-
rolle s'ouvre et s'épanouit avant que les anthères
s'ouvrent à leur tour; et, dans ce cas, il est incon-
testable que la fleur préexiste à l'œuvre de la fé-
condation. J'ajoute que cette fécondation s'opère
dans elle ou par elle, parce que, dans les fleurs
mâles des plantes androgynes et dioïques, il ne
s'opère aucune fructification , et qu'elles n'en sont
pas moins des fleurs pour cela.
Voilà, ce me semble , la notion la plus juste qu'on
puisse se faire de la fleur, et la seule qui ne laisse
aucune prise aux objections qui renversent toutes
les autres définitions qu'on a tenté d'en donner jus-
qu'ici : il faut seulement ne pas prendre trop stric-
tement le mot durant, que j'ai employé dans la
mienne ; car même avant que la fécondation du
germe soit commencée, on peut dire que la fleur
existe aussitôt que les organes sexuels sont en évi-
dence, c'est-à-dire aussitôt que la corolle est épa-
nouie; et d'ordinaire les anthères ne s'ouvrent pas
à la poussière séminale, dès l'instant que la corolle
s'ouvre aux anthères, dépendant la fécondation ne
peut commencer avant que les anthères soient ou-
vertes : de même l'œuvre de la fécondation s'achève
souvent avant que la corolle se flétrisse et tombe;
or, jusqu'à cette chute, on peut dire que la fleur
I{)0 FLE
existe encore. Il laiit donc donner nécessairement
lin peu d'extension au mot durant , pour pouvoir
tlire que la fleur et l'oeuvre de la fécondation com-
mencent et finissent ensemble.
Comme ajénéralement la fleur se fait remarquer
j^ar sa corolle , partie bien plus apparente que les
autres par la vivacité de ses couleurs , c'est dans
cette corolle aussi qu'on fait machinalement con-
sister l'essence de la fleur, et les botanistes eux-
mêmes ne sont pas toujours exempts de cette petite
illusion , car souvent ils emploient le mot de fleur
pour celui de corolle; mais ces petites improprié-
tés d'inadvertance importent peu quand elles ne
changent rien aux idées qu'on a des choses quand
on y pense. De là ces mots de fleurs monopétales ,
polypétales , de fleurs labiées , personnées , de fleurs
régulières, irrégulières, etc. , qu'on trouve fréquem-
ment dans les livres même d'institution. Cette pe-
tite impropriété était non-seulement pardonnable,
mais persque forcée à Tournefcrrt et à ses contem-
porains, qui n'avaient pas encore le mot de corolle ,
et l'usage s'en est conservé depuis eux par l'habi-
tude, sans grand inconvénient; mais il ne serait
pas permis à moi qui remarque cette incorrection
de l'imiter ici ; ainsi je renvoie au mot Corolle à
parler de ses formes diverses et de ses divisions.
Mais je dois parler ici des fleurs composées et
simples, parce que c'est la fleur même et non la
corolle qui se compose, comme on le va voir après
l'exposition des parties de la fleur simple.
On divise cette fleur en complète et incomplète.
F L K I tj ï
La fleur complète est celle qui contient toutes les
parties essentielles ou concourantes à la fructifl-
[^ation , et ces pai-ties sont au nombre de quatre :
ieux essentielles, savoir, le pistil et Tétamine, ou
ies étamines;et deux accessoires ou concourantes,
savoir, la corolle et le calice; à quoi l'on doit ajouter
le disque ou réceptacle qui porte le tout.
La fleur est complète quand elle est composée
lie toutes ces parties; quand il lui en manque quel-
qu'une , elle est incomplète. Or , la fleur incomplète
peut manquer non-seulement de corolle et de ca-
lice , mais même de pistil ou d'étamines ; et dans
ce dernier cas, il y a toujours une autre fleur, soit
sur le même individu, soit sur un différent, qui
porte l'autre partie essentielle qui manque à celle-
ci; de là la division en fleurs hermaphrotlites, qui
peuvent être complètes ou ne l'être pas, et en fleurs
purement mâles ou femelles, qui sont toujours in-
complètes.
La fleur hermaphrodite incomplète n'en est pas
moins parfaite pour cela, puisqu'elle se sufflt à elle-
même pour opérer la fécondation ; mais elle ne peut
être appelée complète, puisqu'elle manque de quel-
qu'une des parties de celles qu'on appelle ainsi.
Une rose, un œillet, soiit, par exemple, des fleuis
parfaites et complètes, parce qu'elles sont pourvues
de toutes ces parties. Mais une tulipe, un lis, ne
sont point des fleurs complètes, quoique parfaites,
parce qu'elles n'ont point de calice; de même la
jolie petite fleur appelée paronychia est parfaite
comme hermaphrodite; mais elle est incomplète.
\^J. F LE
parce que , malgré sa riante couleur, il lui manque
une corolle.
Je pourrais , sans sortir encore de la section des
fleurs simples , parler ici des fleurs régulières , et
des fleurs appelées irrégulières. Mais , comme ceci
se rapporte principalement à la corolle , il vaut
mieux sur cet article renvoyer le lecteur à ce mot.
Reste donc à parler des oppositions que peut souf-
frir ce nom de fleur simple.
Toute fleur d'où résulte une seule fructification
est une fleur simple. Mais si d'une seule fleur ré-
sultent plusieurs fruits , cette fleur s'appellera com-
posée, et cette pluralité n'a jamais lieu dans les
fleurs qui n'ont qu'une corolle. Ainsi toute fleur
composée a nécessairement non -seulement plu-
sieurs pétales, mais plusieurs corolles; et, pour que
la fleur soit réellement composée , et non pas une
seule agrégation de plusieurs fleurs simples , il faut
que quelqu'ime des parties de la fructification soit
commune à tous les fleurons composants , et man-
que à chacun d'eux en particulier.
Je prends , par exemple , une fleur de laitron , la
voyant remplie de plusieurs petites fleurettes, et
je me demande si c'est une fleur composée. Pour
savoir cela, j'examine toutes les parties de la fruc-
tification l'une après l'autre, et je trouve que cha-
que fleurette a des étamines, un pistil, une corolle,
mais qu'il n'y a qu'un seul réceptacle en forme de
disque qui les reçoit toutes, et qu'il n'y a qu'un
seul grand calice qui les environne; d'où je conclus,
que la fleur est composée , puisque deux parties de
F LE I9J
la fructification, savoir le calice et le réceptacle,
sont communes à toutes et manquent à chacune
en particulier.
Je prends ensuite une fleur de scabieuse où je
distingue aussi plusieurs fleurettes; je l'examine de
même , et je trouve que chacune d'elles est pourvue
en son particulier de toutes les parties de la fruc-
tification , sans en excepter le calice et même le
réceptacle , puisqu'on peut regarder comme tel le
second calice qui sert de base à la semence. Je con-
clus donc que la scabieuse n'est point une fleur
composée , quoiqu'elle rassemble comme elle plu-
sieurs fleurettes sur un même disque et dans un
même calice.
Comme ceci pourtant est sujet à dispute, surtout
à cause du réceptacle , on tire des fleurettes mêmes
un caractère plus sur, qui convient à toutes celles
qui constituent proprement une fleur composée et
qui ne convient qu'à elles ; c'est d'avoir cinq éta-
mines réunies en tube ou cylindre par leurs an-
thères autour du style , et divisées par leurs cinq
filets au bas de la corolle : toute fleur dont les fleu-
rettes ont leurs anthères ainsi disposées est donc
une fleur composée , et toute fleur où l'on ne voit
aucune fleurette de cette espèce n'est point une
fleur composée, et ne porte même au singulier
qu'improprement le nom de fleur, puisqu'elle est
î'éellement une agrégation de plusieurs fleurs.
Ces fleurettes partielles qui ont ainsi leurs an-
thères réunies, et dont l'assemblage forme une
fleur véritablement composée , sont de deux es-
R. VII. i3
194 I"LE
pèces : les unes , qui sont régulières et tubulées ,
s'appellent proprement fleurons; les autres, qui
sont échancrées et ne présentent par le haut qu'une
languette plane et le plus souvent dentelée, s'ap-
pellent demi-fleurons; et des combinaisons de ces
deux espèces dans la fleur totale résultent trois
sortes principales de fleurs composées, savoir,
celles qui ne sont garnies que de fleurons , celles
qui ne sont garnies que de demi-fleurons , et celles
qui sont mêlées des uns et des autres.
Les fleurs à fleurons ou fleurs fleuronnées se
divisent encore en deux espèces, relativement à.
leur forme extérieure. Celles qui présentent une
figure arrondie en manière de tète , et dont le ca-|
lice approche de la forme hémisphérique , s'appel-
lent fleurs en tète, capitati: tels sont, par exemple
les chardons , les artichauts , la chaussetrape.
Celles dont le réceptacle est plus aplati , en sorte
que leurs fleurons forment avec le calice une fi-
gure à peu près cylindrique , s'appellent fleurs en
disque , r/wcoiV/ez : la saiitoline , par exemple, et Veu-
patoire, offrent des fleurs en disque ou discoïdes.
Les fleurs à demi-fleurons s'appellent demi-fleu-
ronnées, et leur figure extérieure ne varie pas
assez régulièrement pour offrir une division sem-
blable à la précédente. Le salsifis , la scorsonère ,
]e pissenlit y la chicorée^ ont des fleurs demi-fleuron-
nées.
A l'égard des fleurs mixtes, les demi -fleurons
ne s'y mêlent pas parmi les fleurons en confusion,
sans ordre; mais les fleurons occupent le centre
du disque , les demi-fleurons en garnissent la cir-
conférence et forment une couronne à la fleur , et
ces fleurs ainsi couronnées \)ortent]e nom de f/ears
radiées. Les veines marguerites et tous les asters, le
souci, les soleils, la poire-de-terre , portent tous des
fleurs radiées.
Toutes ces sections forment encore dans les
fleurs composées, et relativement au sexe des fleu-
rons, d'autres divisions dont il sera parlé dans l'ar-
ticle Fleuron.
Les fleurs simples ont une autre sorte d'oppo-
sition dans celles qu'on appelle fleurs doubles ou
pleines.
La fleur double est celle dont quelqu'une des
parties est multipliée au-delà de son nombre na-
turel, mais sans que cette multiplication nuise à
la fécondation du germe.
Les fleurs se doublent rarement par le calice ,
presque jamais par les étamines. Leur multiplica-
tion la plus commune se fait par la corolle. Les
exemples les plus fréquents en sont dans les fleurs
polypétales , comme oeuillets, anémones, renon-
cules ; les fleurs monopétales doublent moins com-
munément. Cependant on voit assez souvent des
campanules , des primevères , des auricules , et
surtout des jacinthes à fleur double.
Ce mot de fleur double ne marque pas dans le
nombre des pétales une simple duplication, mais
une multiplication quelconque. Soit que le nombre
des pétales devienne double, triple , quadruple, etc.,
tant qu'ils ne multiplient pas au point d'étouffer
i3.
\Ç)6 F LE
la fructification , la fleur garde toujours le nom de
fleur double ; mais, lorsque les pétales trop mul-
tipliées font disparaître les étamines et avorter le
germe, alorsla fleur perd le nom de fleur double et
prend celui de fleur pleine.
On voit par là que la fleur double est encore
dans l'ordre de la nature, mais que la fleur pleine
n'y est plus et n'est qu'un véritable monstre.
Quoique la plus commune plénitude des fleurs
se fasse par les pétales , il y en a néanmoins qui se
remplissent par le calice, et nous eh avons un
exemple bien remarquable dans V immortelle , ap-
pelée xerantheme. Cette fleur, qui paraît radiée
et qui réellement est discoïde, porte ainsi que la
carline un calice imbriqué , dont le rang intérieur
a ses folioles longues et colorées ; et cette fleur ,
quoique composée, double et multiplie tellement
par ses brillantes folioles, qu'on les prendrait, gar-
nissant la plus grande partie du disque, pour au-
tant de demi-fleurons.
Ces fausses apparences abusent souvent, les
yeux de ceux cpii ne sont pas botanistes ; mais
quiconque est initié dans l'intime structure des
fleurs ne peut s'y tromper un moment. Une fleur
demi-fleuronnée ressemble e^^térieiu^ement à une
flem^ polypétale pleine ; mais il y a toujours cette
différence essentielle, que dans la première chaque
demi-fleuron est une fleiu^ parfaite qui a son em-
bryon, son pistil et ses étamines , au lieu que , dans
la fleur pleine , chaque pétale multiplié n'est tou-
jours qu'un pétale qui ne porte aucune des parties
FLE 197
essentielles à la fructification. Prenez l'un après
l'autre les pétales d'une renoncule simple , ou
double , ou pleine , vous ne trouverez dans aucun
nulle autre chose que le pétale même ; mais dans
le pissenlit chaque demi -fleuron garni d'un style
entouré d'étamines n'est pas im simple pétale ,
mais une véritable fleur.
On me présente une fleur de nymphéa jaune, et
Ton me demande si c'est une composée ou une
fleur double. Je réponds que ce n'est ni l'un ni
l'autre. Ce n'est pas une composée , puisque les
folioles qui l'entourent ne sont pas des demi-fleu-
sf ons ; et ce n'est pas une fleur doidjle , parce que
la duplication n'est l'état naturel d'aucune fleur ,
et que l'état naturel de lu fleur de nymphéa jainie
est d'avoir plusieurs enceintes de pétales autour de
son embryon. x\insi cette multiplicité ri'empéche
pas le nymphéa jaune d'être une fleur simple.
La constitution commune au plus grand nombre
des fleurs est d'être hermaphrodites ; et cette con-
stitution paraît en effet la plus convenable au règne
végétal , où les individus dépourvus de tout mou-
vement progressif et spontané ne peuvent s'aller
chercher l'un l'autre quand les sexes sont séparés.
Dans les arbres et les plantes où ils le sont, la na-
ture, qui sait varier ses moyens, a pourvu à cet
obstacle : mais il n'en est pas moins vrai générale-
ment que des êtres immobiles doivent , pour per-
pétuer leur espèce, avoir en eux-mêmes tous les
instruments propres à cette fin.
Fleur MUTILÉE. Est celle qui, pour l'ordinaire,
198 FLE
par défaut de chaleur, perd ou ne produit point la
corolle qu'elle devrait naturellement avoir. Quoi-
que cette mutilation ne doive point faire espèce ,
les plantes où elle a lieu se distinguent néanmoins
dans la nomenclature de celles de même espèce qui
sont complètes , comme on peut le voir dans plu
sieurs espèces de qaainoclit , de cucubales , de tus-
silages ^ de campanules ^ etc.
Fleurette. Petite fleur complète qui entre dans
la structure d'une fleur agrégée.
Fleuron. Petite fleur incomplète qui entre dans
la structure d'une fleur composée. ( Voy. Fleur.)
Voici quelle est la structure naturelle des fleu*
rons composants.
1. Corolle monopétale tubulée à cinq dents , su-
père.
2. Pistil alongé , terminé par deux stigmates ré-
fléchis.
3. Cinq étamines dont les filets sont séparés par
le bas, mais formant, par l'adhérence de leurs an-
thères, un tube autour du pistil.
4. Semence nue , alongée , ayant pour base le
réceptacle commun , et servant elle-même, par son
sommet, de réceptacle à la corolle.
5. Aigrette de poils ou d'écaillés couronnant la se-
mence, et figurant un calice à la base de la corolle.
Cette aigrette pousse de bas en haut la corolle ,
la détache et la fait tomber lorsqu'elle est flétrie ,
et que la semence accrue approche de sa maturité.
Cette structure commune et générale des fleu-
rons souffre des exceptions dans plusieurs genres
F RU 199
de comjDosées , et ces différences constituent même
des sections qui forment autant de branches dans
cette nombreuse famille.
Celles de ces différences qui tiennent à la struc-
ture même des fleurons ont été ci-devant expli-
quées au mot fleur. J'ai maintenant à parler de
celles qui ont rapport à la fécondation.
L'ordre commun des fleurons dont je viens de
parler est d'être hermaphrodites, et ils se fécondent
par eux-mêmes. Mais il y en a d'autres qui ayant des
étamines et n'ayant point de germe, portent le nom
de mâles ; d'autres qui ont un germe et n'ont point
d'étamines s'appellent fleurons femelles ; d'autres
qui n'ont ni germe ni étamines, ou dont le germe im-
parfait avorte toujours, portent le nom de neutres.
Ces diverses espèces de fleurons ne sont pas in-
différemment entremêlées dans les fleurs compo-
sées ; mais leurs combinaisons méthodiques et ré-
gulières sont toujours relatives ou à la plus sure
fécondation, ou à la plus abondante fructification ,
ou à la plus pleine maturification des graines.
Fructification. Ce mot se prend toujours dans
un sens collectif, et comprend non -seulement
l'œuvre de la fécondation du germe et de la ma-
turification du fruit, mais l'assemblage de tous les
instruments naturels destinés à cette opération.
Fruit. Dernier produit de la végétation dans l'in-
dividu, contenant les semences qui doivent la re-
nouveler par d'autres individus. La semence n'est ce
dernier produit que quand elle est seule et nue.
Quand elle ne l'est pas, elle n'est que partie du fruit.
•200 GER
Fruit. Ce mot a, clans la botanique, un sens
beaucoup plus étendu que dans l'usage ordinaire.
Dans les arbres , et même dans d'autres plantes ,
toutes les semences , ou leurs enveloppes bonnes à
manger, portent en général le nom de fruit. Mais,
en botanique , ce même nom s'applique plus géné-
ralement encore à tout ce qui résulte , après la
fleur , de la fécondation du germe. Ainsi le fruit
n'est proprement autre chose que l'ovaire fécondé,
et cela, soit qu'il se mange ou ne se mange pas,
soit que la semence soit déjà mûre ou qu'elle ne le
soit pas encore.
Genre. Réunion de plusieurs espèces sous un
caractère commun qui les distingue de toutes les
autres plantes.
Germe. Embryon, ovaire, fruit. Ces termes sont
si près d'être synonymes , qu'avant d'en parler sé-
parément dans leurs articles je crois devoir les
unir ici. Le germe est le premier rudiment de la
nouvelle plante , il devient embryon ou ovaire au
moment de la fécondation , et ce même embryon
devient fruit en mûrissant : voilà les différences
exactes. Mais on n'y fait pas toujours attention
dans l'usage, et l'on prend souvent ces mots l'un
pour l'autre indifféremment.
Il y a deux sortes de germes bien distincts , l'un
contenu dans la semence, lequel en se développant
devient plante, et l'autre contenu dans la fleur,
lequel par la fécondation devient fruit. On voit
par quelle alternative perpétuelle chacun de ces
deux germes se produit , et en est produit.
GRK ^Ol
On peut encore donner le nom de germe aux
rudiments des feuilles enfermées dans les bour-
geons, et à ceux des fleurs enfermées dans les bou-
tdns.
Germination . Premier développement des par-
ties de la plante contenue en petit dans le germe.
Glandes. Organes qui servent à la sécrétion des
sucs de la plante.
Gousse. Fruit d'une plante légumineuse. La
gousse , qui s'appelle aussi légume , est ordinaire-
ment composée de deux panneaux nommés cosses ,
aplatis ou convexes , collés l'un sur l'autre par deux
sutures longitudinales , et qui renferment des se-
mences attachées alternativement par la suture
aux deux cosses , lesquelles se séparent par la ma-
turité.
Grappe, racemus. Sorte d'épi dans lequel les
fleurs ne sont ni sessiles ni toutes attachées à la
râpe, mais à des pédicules partiels dans lesquels
les pédicules principaux.se divisent. La grappe
n'est autre chose qu'une panicule dont les rameaux
sont plus serrés, plus courts, et souvent plus gros
que dans la panicule proprement dite.
Lorsque l'axe d'une panicule ou d'un épi pend
en bas au lieu de s'élever vers le ciel , on lui donne
alors le nom de grappe ; tel est l'épi du groseil-
1er, telle est la grappe de la vigne.
Greffe. Opération par laquelle on force les sucs
d'un arbre à passer par les couloirs d'un autre
arbre , d'où il résulte que les couloirs de ces deux
plantes n'étant pas de même figure et dimension ,
20-2 FNF
ni placés exactement les luis vis-à-vis des autres,
les sucs forcés de se subtiliser, en se divisant,
donnent ensuite des fruits meilleurs et plus sa-
voureux.
Greffer. Est engager l'œil ou le bourgeon d'une
saine branche d'arbre dans l'écorce d'un autre
arbre, avec les précautions nécessaires et dans la
saison favorable , en sorte que ce bourgeon reçoive
le suc du second arbre, et s'en nourrisse comme
il aurait fait de celui dont il a été détaché. On
donne le nom de greffe à la portion qui s'unit, et
de sujet à l'arbre auquel il s'unit.
Il y a diverses manières de greffer. La greffe par
approche , en fente, en couronne, en flûte, en
écusson.
Gymnosperme. a semences nues.
Hampe. Tige sans feuilles , destinée uniquement _
à tenir la fructification élevée au-dessus de la racine. ^
Infère, Supf.re. Quoique ces mots soient pure-
ment latins, on est obligé de les employer en fran-
çais dans le langage de la botanique, sous peine
d'être diffus , lâche et louche , pour vouloir par-
ler purement. La même nécessité doit être sup-
posée , et la même excuse répétée dans tous les
mots latins que je serai forcé de franciser ; car c'est
ce que je ne ferai jamais que pour dire ce que je
ne pourrais aussi bien faire entendre dans un
français plus correct.
Il y a dans les fleurs deux dispositions diffé-
rentes du calice et de la corolle , par rapport au
germe , dont l'expression revient si souvent , qu'il
LIB -203
iaut absolument créer un mot pour elle. Quand
le calice et la corolle portent sur le germe , la fleur
est dite siipere. Quand le germe porte sur le ca-
lice et la corolle, la fleur est dite injere. Quand de
la corolle on transporte le mot au germe, il faut
prendre toujours l'opposé. Si la corolle est infère , le
germe est supère ; si la corolle est supère , le germe
est infère : ainsi l'on a le choix de ces deux ma-
nières d'exprimer la même chose.
Comme il y a beaucoup plus de plantes où la
fleur est infère que de celles où elle est supère,
quand cette disposition n'est point exprimée , on
doit toujours sous-entendre le premier cas , parce
qu'il est le plus ordinaire ; et si la description ne
parle point de la disposition relative de la corolle
et du germe, il faut supposer la corolle injere :
car si elle était supère, l'auteur de la description
l'aurait expressément dit.
LÉGtJME. Sorte de péricarpe composé de deux
panneaux, dont les bords sont réunis par deux
sutures longitudinales. Les semences sont atta-
chées alternativement à ces deux valves par la su-
ture supérieure ; l'inférieure est nue. L'on appelle
de ce nom en général le fruit des plantes légumi-
neuses.
LÉGUMINEUSES. (Voycz Fleurs. Plantes.)
Liber (le). Est composé de pellicules qui repré-
sentent les feuillets d'un livre ; elles touchent im-
médiatement au bois. Le liber se détache tous les
ans des deux autres parties de l'écorce, et, s'unis-
sant avec l'aubier , il produit , sur la circonférence
204 MON
de l'aibrc une nouvelle couche qui en augmente
Je diamètre.
Ligneux. Qui a la consistance de bois.
LiLiACÉEs. Fleurs qui portent le caractère du lis.
Limbe. Quand une corolle monopétale régulière
s'évase et s'élargit par le haut , la partie qui forme
cet évasement s'appelle le limbe , et se découpe of-
dinairement en quatre, cinq, ou plusieurs segments.
Diverses campanules , primevères , liserons , et autres
fleurs monopétales, offrent des exemples de ce
limbe, qui est, à l'égard de la corolle, à peu près
ce qu'est, à l'égard d'une cloche, la partie qu'on
nomme le pavillon : le différent degré de l'angle ,
que forme le limbe avec le tube , est ce qui fait
donner à la corolle le nom d'infundibuliforme , de
campaniforme , ou d'hypocratériforme.
Lobes des semences sont deux corps réunis , apla-
tis d'un côté, convexes de l'autre : ils sont dis-
tincts dans les semences légumineuses.
Lobes des feuilles.
Loge. Cavité intérieure du fruit : il est à plu-
sieurs loges quand il est partagé par des cloisons.
Maillet. Branche de l'année à laquelle on laisse
pour la replanter deux chicots du vieux bois sail-
lants des deux côtés. Cette sorte de bouture se
pratique seulement sur la vigne et même assez ra-
rement.
Masque. Fleur en masque est une fleur monopé-
tale irrégulière.
MoNÉciE ou Monoecie. Habitation commune aux
deux sexes. On donne le nom de monoecie à une
NUI ao5
classe de plantes composée de toutes celles qui
portent des fleurs mâles et des fleurs femelles sur
le même pied.
Monoïques. Toutes les plantes de la monœcie
sont monoïques. On appelle plantes monoïques
celles dont les fleurs ne sont pas hermaphrodites,
mais séparément mâles et femelles sur le même
individu : ce mot , formé de celui de monœcie ,
vient du grec, et signifie ici que les deux sexes oc-
cupent bien le même logis , ma*is sans habiter
la même chambre. Le concombre, le melon,' et
toutes les cucurbitacées , sont des plantes mo-
noïques.
Mufle (fleur en). (Voyez Masque.)
Noeuds. Sont les articulations des tiges et des ra-
cines.
Nomenclature. Art de joindre aux noms qu'on
impose aux plantes Tidée de leur structure et de
leiu' classification.
Noyau. Semence osseuse qui renferme une
amande.
Nu. Dépourvu des vêtements ordinaires à ses
semblables.
On appelle graines nues celles qui n'ont point
de péricarpe ; ombelles nues , celles qui n'ojit point
d'involucre; tiges nues, celles qui ne sont point
garnies de feuilles, etc.
NuiT-DE-FER. Noctes Jeireœ. Ce sont , en Suède ,
celles dont la froide température, arrêtant la vé-
gétation de plusieurs plantes , produit leur dépé-
rissement insensible , leur pom^riture , et enfin lein- .
!ioO ONG
mort. Leurs premières atteintes avertissent de ren-
trer dans les serres les plantes étrangères qui pé-
riraient par ces sortes de froids.
Œil. ( Voyez O^ibilic. ) Petite cavité qui se
trouve en certains fruits à l'extrémité opposée an
pédicule : dans les fruits infères ce sont les divi-
sions du calice qui forment l'ombilic, comme le
coin , la poire , la pomme , etc. ; dans ceux qui sont
supères , l'ombilic est la cicatrice laissée par l'in-
sertion du pistiT.
OEILLETONS. Bourgeons qui sont à côté des ra-
cines des artichauts et d'autres plantes , et qu'on
détache afin de multiplier ces plantes.
Ombelle. Assemblage de rayons qui , partant
d'un même centre, divergent comme ceux d'un
parasol. L'ombelle universelle porte sur la tige ou
sur une branche ; l'ombelle partielle sort d'un rayon
de l'ombelle universelle.
Ombilic. C'est , dans les baies et autres fruits
mous et infères, le réceptacle de la fleur dont,
après qu'elle est tombée, la cicatrice reste sur le
fruit, comme on peut le voir dans les airelles. Sou-
vent le calice reste et couronne l'ombilic , qui
s'appelle alors vulgairement œil : ainsi l'œil des
poires et des pommes n'est autre chose que l'om-
bilic autour duquel le calice persistant s'est des-
séché.
Otvgle. Sorte de tache sur les pétales ou sur
les feuilles, qui a souvent la figure d'un ongle, et
d'autres figures différentes , comme on peut le voir
•aux fleurs des pavots, des roses, des anémones.
PAN aoy
des cistes, et aux feuilles des renoncules, des per-
sicaires, etc.
Onglet. Espèce de pointe crochue par laquelle
le pétale de quelques corolles est fixé sur le calice
ou sur le réceptacle; l'onglet des œillets est plus
long que celui des roses.
Opposées. Les feuilles opposées sont juste au
nombre de deux , placées, l'une vis-à-vis de l'autre,
des deux côtés de la tige ou des branches. Les
feuilles opposées peuvent être pédiculées ou ses-
siles; s'il y avait plus de deux feuilles attachées à
la même hauteur autour de la tige , alors cette
pluralité dénaturerait l'opposition , et cette dispo-
sition des Veuilles prendrait un nom différent.
( Voyez VÉTl CILLÉES. )
Ovaire. C'est le nom qu'on donne à l'embryon
du fruit , ou c'est le fruit même avant la féconda-
tion. Après la fécondation l'ovaire perd ce nom,
et s'appelle simplement fruit, ou en particulier
péricarpe, si la plante est engiosperme; semence
ou graine, si la plante est gymnosperme.
Palmée. Une feuille est palmée lorsqu'au lieu
d'être composée de plusieurs folioles, comme la
feuille digitée, elle est seulement découpée en
plusieurs lobes dirigés en rayons vers le sommet du
pétiole, mais se réunissant avant que d'y arriver.
Panicule. Épi rameux et pyramidal. Cette figure
lui vient de ce que les rameaux du bas , étant l(\s
plus larges , forment entre eux un plus large es-
pace, qui se rétrécit en montant, à mesure que
ces rameaux deviennent plus courts^ moins nom-
•lo8 PÉD
breux , en sorte qu'une panicule parfaitement ré-
gulière se terminerait enfin par une fleur sessile.
Parasites. Plantes qui naissent ou croissent sur
d'autres plantes , et se nourrissent de leur sub-
stance. La cuscute, le gui, plusieurs mousses et
lichens, sont des plantes parasites.
Parenchyme, Substance pulpeuse , ou tissu cel-
lulaire qui forme le corps de la feuille ou du pétale :
il est couvert dans l'une et dans l'autre d'un épi-
derme.
Partielle. ( Voyez Ombelle. )
^Parties de l#. Fructification. («Toy. Etamines.
Pistil. )
Pavillon. Synonyme d'étendard. ,
Pédicule. Base alongée , qui porté le fruit. On
dit pedunculus en latin, mais je crois qu'il faut
dire pédicule en français: c'est l'ancien usage, et il
n'y a aucime bonne raison pour le changer. Pe-
dunculus sonne mieux en latin , et il évite l'équi-
voque du nom pediculus ; mais le mot pédicule est
net , et plus doux en français ; et , dans le choix
des mots , il convient de consulter l'oreille , et d'a-
voir égard à l'accent de la langue.
V^à]ec\.\i pédicule me paraît nécessaire par op-
position à l'autre adjectif sessile. La botanique est
si embarrassée de termes, qu'on ne saurait trop
s'attacher à rendre clairs et courts ceux qui lui
sont spécialement consacrés.
Le pédicule est le lien qui attache la fleur ou
!e fruit à la branche, ou à la tige. Sa substance
est d'ordinaire plus solide que celle du fruit qu'il
PÉT 209
porte par un de ses bouts , et moins que celle du
bois auquel il est attaché par l'autre. Pour l'ordi-
naire, quand le fruit est mûr, il se détache, et
tombe avec son pédicule. Mais quelquefois , et sur-
tout dans les plantes herbacées, le fruit tombe et
le pédicule reste, comme on peut le voir dans le
i^enre des ruinex. On y peut remarquer encore une
autre particularité; c'est que les pédicules, qui tous
sont verlicillés autour de la tige, sont aussi tous
articulés vers leur milieu. 11 semble qu'en ce cas
le fruit devrait se détacher à l'articulation, tom^
ber avec une moitié du pédicide , et laisser l'autre
moitié seulement attachée à la plante. Voilà néan^
moins ce qui n'arrive pas. Le fruit se détache, et
tombe seul. Le pédicule tout entier reste, et il
faut une action expresse pour le diviser en deux
au point de l'articulation.
Perfoliée. La feuille perfoliée est celle que la
branche enfile, et qui entoure celle-ci de tous
côtés.
PÉRiAivTHE. Sorte de calice qui touche immédia-
tement la fleur ou le fruit.
Perruque. Nom donné par Vaillant aux racines
garnies d'un chevelu touffu de fibrilles entrelacées
comme des cheveux emmêlés.
PÉTALE. On donne le nom de pétale à chaque
pièce entière de la corolle. Quand la corolle n'est
que d'une seule pièce , il n'y a aussi qu'un pétale ;
le pétale et la corolle ne sont alors qu'une seule et
même chose, et cette sorte de corolle se désigne
par l'épithète de monopétale. Quand la corolle est
R. vir. 14
2IO PIS
de plusieurs pièces, ces pièces sont autant de pé-
tales, et la corolle qu'elles composent se désigne
par leur nombre tiré du grec, parce que le mot
de pétale en vient aussi, et qu'il convient, quand
on veut composer un mot , de tirer les deux racines
de la même langue. Ainsi , les mots de monopétale,
de dipétale, de tripétale, de tétrapétale, de pen-
tapétale, et enfin de polypétale, indiquent luie
corolle d'une seule pièce, ou de deux, de trois,
de quatre , de cinq , etc. ; enfin , d'une multitude
indéterminée de pièces.
Pétaloïde. Qui a des pétales. Ainsi la ûeurpéta-
loïcle est l'opposé de la fleur apétale. '
Quelquefois ce mot entre comme seconde racine
dans la composition d'un autre mot , dont la pre-
mière racine est un nom de nombre : alors il signifie
une corolle monopétale profondément divisée en
autant de sections qu'en indique la première ra-
cine. Ainsi la corolle tripétaloïde est divisée en trois
segments ou demi-pétales, la pentapétaloïde en
cinq, etc.
PÉTIOLE. Base alongée qui porte la feuille. Le
mot pétiole est opposé à sessile, à l'égard des feuilles ,
comme le mot pédicule l'est à l'égard des fleurs et
des fruits. (Voyez Pédiclle, Sessile. )
PiNNÉE. Une feuille ailée à plusieurs rangs s'ap-
pelle feuille pinnée.
Pistil. Organe femelle de la fleur qui surmonte
le germe , et par lequel celui-ci reçoit l'intromis-
sion fécondante de la poussière des anthères : le
pistil se prolonge ordinairement par un ou plu-
PL A. 211
sieurs styles, quelquefois aussi il est couronné im-
médiatement par un ou plusieurs stigmates, sans
aucun style intermédiaire. Le stigmate reçoit la
poussière prolifique du sommet des étamines , et
la transmet par le pistil dans l'intérieur du ^erme,
pour féconder l'ovaire. Suivant le système sexuel,
la fécondation des plantes ne peut s'opérer que
par le concours des deux sexes; et l'acte de la
fructification n'est plus que celui de la génération.
Les filets des étamines sont les vaisseaux sper-
ma tiques , les anthères sont les testicules, la pous-
sière qu'elles répandent est la liqueur séminale,
le stigmate devient la vulve, le style est la trompe
ou le vagin , et le germe fait l'office d'utérus ou de
matrice.
Placenta. Réceptacle des semences. C'est le
corps auquel elles sont immédiatement attachées.
M. Linnœus n'admet point ce nom de Placenta, et
emploie toujours celui de réceptacle. Ces mots ren-
dent pourtant des idées fort différentes. Le récep-
tacle est la partie par où le fruit tient à la plante :
le placenta est la partie par où les semences tien-
nent au péricarpe. Il est vrai que quand les se-
mences sont nues , il n'y a point d'autre placenta
que le réceptacle ; mais toutes les fois que le fruit
est angiosperme, le réceptacle et le placenta sont
différents.
Les cloisons {cUssepimentd) de toutes les capsules
à plusieurs loges sont de véritables placentas, et
dans des capsules uniloges, il ne laisse pas d'y avoir
souvent des placentas autres que le péricarpe.
14.
2 12 POI
Plante. Production végétale composée de deux
parties principales , savoir , la racine par laquelle
elle est attachée à la terre ou à un autre corps dont
elle tire sa nourriture, et l'herbe par laquelle elle
inspire et respire l'élément dans lequel elle vit. De
tous les végétaux connus , la truffe est presque le
seul qu'on puisse dire n'être pas plante.
Plantes. Végétaux disséminés sur la surface de
la terre , pour la vêtir et la parer. Il n'y a point
d'aspect aussi triste que celui de la terre nue; il
n'y en a point d'aussi riant que celui des mon-
tagnes couronnées d'arbres, des rivières bordées de
bocages , des plaines tapissées de verdure , et des
vallons émail lés de fleurs.
On ne peut disconvenir que les plantes ne soient
des corps organisés et vivants , qui se nourrissent
et croissent par intussusception, et dont chaque
partie possède en elle-même une vitalité isolée et
indépendante des autres , puisqu'elles ont la fa-
culté de se reproduire*.
Poils ou Sûtes. Filets plus ou moins solides et
fermes qui naissent sur certaines parties des plantes ;
ils sont carrés ou cylindriques , droits ou couchés ,
fourches ou simples , subulés ou en hameçons ; et
ces diverses figures sont des caractères assez cons-
tants pour pouvoir servir à classer ces plantes. Voyez
l'ouvrage de M. Guettard, intitulé Observations sur
les plantes.
* Cet article ne paraît pas achevé , non plus que beaucoup d'au-
tres, quoiqu'on ait rassemblé clans les trois paragraphes ci-dessus,
qui composent celui-ci, trois morceaux de l'auteur, tous sur autant
de chiffons. ( Note des Editeurs de Genève. )
POL 2l3
Polygamie. Pluralité d'habitation. Une classe de
plantes porte le nom de polygamie, et renferme
toutes celles qui ont des fleurs hermaphrodites sur
un pied, et des fleurs d'un seul sexe, mâles ou
femelles , sur un autre pied.
Ce mot de polygamie s'applique encore à plu-
sieurs ordres de la classe des fleurs composées ; et
alors on y attache ime idée un peu différente.
Les fleurs composées peuvent toutes être regar-
dées comme polygames, puisqu'elles renferment
toutes plusieurs fleurons qui fructifient séparé-
ment, et qui par conséquent ont chacun sa propre
habitation, et pour ainsi dire sa propre lignée.
Toutes ces habitations séparées se conjoignent de
différentes manières, et par là forment plusieurs
sortes de combinaisons.
Quand tous les fleurons d'une fleur composée
sont hermaphrodites , l'ordre qu'ils forment porte
le nom de polygamie égale.
Quand tous ces fleurons composants ne sont pas
hermaphrodites, ils forment entre eux, pour ainsi
dire , une polygamie bâtarde , et cela de plusieurs
façons.
i** Poljgamie superflue^ lorsque les fleiu'ons du
disque étant tous hermaphrodites fructifient , et que
les fleurons du contour étant femelles fructifient
aussi.
2» Polygamie inutile , quand les fleurons du dis-
([ue étant hermaphrodites fructifient, et que ceux
du contour sont neutres et ne fructifient point,
3*^ Polygamie nécessaire ^ quand les fleurons du
2l4 liA.C
disque étant mâles, et ceux du contour étant fe-
melles, ils ont besoin les uns des autres pour fruc-
tifier.
4° Polygamie séparée^ lorsque les fleurons com-
posants sont divisés entre eux , soit un à un , soit
plusieurs ensemble , par autant de calices partiels
renfermés dans celui de toute la fleur.
On pourrait imaginer encore de nouvelles com-
binaisons, en supposant, par exemple, des fleurons
mâles au contour, et des fleurons hermaphrodites
ou femelles au disque; mais cela n'arrive point.
Poussière prolifique. C'est une multitude de
petits corps sphériques enfermés dans chaque an-
thère, et qui, lorsque celle-ci s'ouvre et les verse
dans le stigmate , s'ouvrent à leur tour , imbibent
ce même stigmate d'une humeur qui, pénétrant à
travers le pistil, va féconder l'embryon du fruit.
Provin. Branche de vigne couchée et coudée en
terre. Elle pousse des chevelus par les nœuds qui
se trouvent enterrés. On coupe ensuite le bois qui
tient au cep, et le bout opposé qui sort de terre
devient un nouveau cep.
Pulpe. Substance molle et charnue de plusieurs
fruits et racines.
Racine, Partie de la plante par laquelle elle tient
à la terre on au corps qui la nourrit. Les plantes
ainsi attachées par la racine à leur matrice ne peu-
vent avoir de mouvement local; le sentiment leur
serait inutile, puisqu'elles ne peuvent chercher ce
qui leur convient, ni fuir ce qui Içur nuit : or la
nature ne fait rien en vain.
RÉC 21 5
Radica-LEs. .Se dit des feuilles qui sont les plus
près de la racine. Ce mot s'étend aussi aux tiges
dans le même sens.
Radicule. Racine naissante.
Radiée. (Voyez Fleur.)
Réceptacle. Celle des parties de la fleur et du
ti'uit qui sert de siège à toutes les autres, et par
où leur sont transmis de la plante les sucs nutritifs
([u'elles en doivent tirer.
Il se divise le plus généralement en réceptacle
propre, qui ne soutient qu'une seule fleur et un seul
fruit, et qui par conséquent n'appartient qu'aux
plus simples, et en réceptacle commun, qui porte
et reçoit plusieurs fleurs.
Quand la fleur est infère , c'est le même récep-
tacle qui porte toute la fructification. Mais quand
la fleur est supère, le réceptacle propre est double;
et celui qui porte la fleur n'est pas le même que
celui qui porte le fruit. Ceci s'entend de la construc-
tion la plus commune; mais on peut proposer à ce
sujet le problème suivant, dans la solution duquel la
nature a mis une de ses plus ingénieuses inventions.
Quand la fleur est sur le fruit, comment se peut-il
faire que la fleur et le fruit n'aient cependant qu'un
seul et même réceptacle?
Le réceptacle commun n'appartient proprement
qu'aux fleiu's composées, dont il porte et imit tous
les fleurons en une fleur régulière; ensorte que le
retranchement de quelques-uns causerait l'irrégu-
larité de tous; mais, outre les fleurs agrégées dont
on peut dire à peu près la même chose, il y a d'au-
'2l6 SIL
très sortes de réceptacles communs qui méritent
encore le même nom , comme ayant le même usage :
tels sont V ombelle , Y épi, \3i panicule , le thjrse, la
cyme, le spadixy dont on trouvera les articles chacun
à sa place.
Régulières (Fleurs). Elles sont symétriques dans
toutes les parties, comme les crucifères, les liliof
cées , etc.
RÉNiFORaiE. De la figure d'un rein.
Rosacée. Poly pétale régulière comme est la rose.
Rosette. Fleur en rosette est une fleur monopé-
tale dont le tube est nul ou très-court , et le limbe
très-aplati.
Semence. Germe ou rudiment simple d'une nou-
velle plante, uni à une substance propre à sa con-
servation avant qu'elle germe, et qui la nourrit
durant la première germination jusqu'à ce qu'elle
puisse tirer son aliment immédiatement de la terre.
Sessile. Cet adjectif marque privation de récep-
tacle. Il indique que la feuille , la fleur ou le fruit
auxquels on l'applique tiennent immédiatement à
la plante j sans l'entremise d'aucun pétiole ou pé^
dicule.
Sexe. Ce mot a été étendu au règne végétal , et
y est devenu familier depuis l'établissement du sys-
tème sexueL
SiLïQUE. Fruit composé de deux panneaux re-
tenus par deux sutures longitudinales auxquelles
les graines sont attachées des deux côtés.
La silique est ordinairement biloculaire, et par-
tagée par une cloison à laquelle est attachée une
STI 217
partie des graines. Cependant cette cloison ne lui
étant pas essentielle ne doit pas entrer dans sa dé-
finition, comme on peut le voir dans le cléomc ,
dans la chélidoine, etc.
Soies. ( Voyez Poils. )
Solitaire. Une fleur solitaire est seule sur son
pédicule.
Sous-Arbrisseau. Plante ligneuse, ou petit buis-
son moindre que l'arbrisseau , mais qui ne pousse
point en automne de boutons à fleurs ou à fruits :
tels sont le thjm , le romarin , le groseiller , les
bruyères^ etc.
Spadix, ou Régime. C'est le rameau floral dans
la famille des palmiers ; il est le vrai réceptacle de
la fructification , entouré d'un spathe qui lui sert
de voile.
Spathe. Sorte de calice membraneux qui sert
d'enveloppe aux fleurs avant leur épanouissement ,
et se déchire pour leur ouvrir le passage aux ap-
proches de la fécondation.
Le spathe est caractéristique dans la famille des
palmiers et dans celle des liliacées.
Spirale. Ligne qui fait plusieurs tours en s'é-
cartant du centre, ou en s'en approchant.
Stigmate. Sommet du pistil , qui s'humecte au
moment de la fécondation , pour que la poussière
prolifique s'y attache.
Stipule. Sorte de foliole ou d'écaillé , qui naît à
la base du pétiole, du pédicule , ou de la branche.
Les stipules sont ordinairement extérieures à la
partie qu'elles accompagnent, et leur servent en
2l8 SYA^
quelque manière de console : mais quelquefois
aussi elles naissent à côté, vis-à-vis, ou au-dedans
même de l'angle d'insertion.
?.î. Adanson dit qu'il n'y a de vraies stipules que
celles qui sont attachées aux tiges, comme dans
les airelles , les apocins , les jujubiers , les titymales ,
les châtaigniers ,^ les tilleuls , les mauves , les câ-
priers : elles tiennent lieu de feuilles dans les plan-
tes qui ne les ont pas verticillées. Dans les plantes
légumineuses la situation des stipules varie. Les
rosiers n'en ont pas de vraies , mais seulement un
prolongement ou appendice dé feuille , ou une ex-
tension du pçtiole. 11 y a aussi des stipules mem-
braneuses comme dans l'espargoutte.
Style. Partie du pistil qui tient le stigmate élevé
au-dessus du germe.
Suc ivouRRiciER. Partie de la sève qui est propre
à nourrir là plante.
SupÈRE. ( Voyez Infère. )
Supports. Falcra. Dix espèces , savoir , la stipule ,
la bractée, la vrille, l'épine, l'aiguillon, le pédi-
cule, le pétiole, la hampe, la glande, et Técaille.
SuRGEolv. Surculus. Nom donné aux jeunes bran-
ches de l'œillet, etc. , auxquelles on fait prendre
racine en' les buttant en terre lorsqu'elles tiennent
encore à la tige : cette opération est une espèce de
marcotte.
SY\o:yTMrE. Concordance de divers noms donnés
par différents auteurs aux mêmes plantes.
La synonymie n'est point une étude oiseuse et
inutile.
TRA 2I()
Taloxx. Oreillette qui se trouve à la base des
feuilles d'orangers. C'est aussi l'endroit où tient
l'œilleton qu'on détache d'un pied d'artichaut, et
cet endroit a un peu de racine.
Terminal. Fleur terminale est celle qui vient au
sommet de la tige , ou d'une branche,
Ternée. Une feuille ternée est composée de
trois folioles attachées au même pétiole.
TÊTE. Fleur en tête ou capitée est une fleur
agrégée ou composée, dont les fleurons sont dis-
posés sphériquement ou à peu près.
Thtrse. Epi rameux et cylindrique; ce terme
n'est pas extrêmement usité , parce que les exem-
ples n'en sont pas fréquents.
Tige. Tronc de la plante d'où sortent toutes
ses autres parties qui sont hors de terre; elle a du
rapport avec la cote en ce que celle-ci est quelque-
fois unique , et se ramifie comme elle , par exem-
ple , dans la fougère : elle s'en distingue aussi en
ce qu'uniforme dans son contour elle n'a ni face ,
ni dos, ni côté déterminés, au lieu que tout cela
se trouve dans la côte.
Plusieurs plantes n'ont point de tige, d'autres
n'ont qu'une tige nue et sans feuilles, qui pour
cela change de nom. ( Voyez Hampe. )
La tige se ramifie en branches de différentes
manières.
Toque. Figure de bonnet cylindrique avec une
marge relevée en manière cle chapeau. Le fruit du
paliurus a la forme d'une toque.
Tracer. Courir horizontalement entre deux
•J20 VEG
terres, comme fait le chiendent. Ainsi le mot tra-
cer ne convient qu'aux racines. Quand on dit donc
que le fraisier trace , on dit mal ; il rampe , et c'est
autre chose.
TrA-CHÉes des plantes. Sont, selon Malpighi,
certains vaisseaux formés par les contours spiraux
d'une lame mince, plate, et assez large, qui se
loulant et contournant ainsi en tire-bourre , forme
un tuyau étranglé , et comme divisé en sa longueur
en plusieurs cellules, etc.
Traînasse, ou Traînée. Longs filets qui, dans
certaines plantes, rampent sur la terre, et qui,
d'espace en espace , ont des articulations par les-
quelles elles jettent en terre des radicviles qui
produisent de nouvelles plantes.
Tuniques. Ce sont les peaux ou enveloppes con-
centriques des oignons.
Végétal. Corps organisé , doué de vie et privé
de sentiment.
On ne me passera pas cette définition, je le sais.
On veut que les minéraux vivent , que les végétaux
sentent, et que la matière même informe soit douée
de sentiment. Quoi qu'il en soit de cette nouvelle
physique, jamais je n'ai pu, je ne pourrai jamais
parler d'après les idées d'autrui, quand ces idées
ne sont pas les miennes. J'ai souvent vu mort un
arbre que je voyais auparavant plein de vie; mais
la mort d'une pierre est une idée qui ne saurait
m'entrer dans l'esprit. Je vois un sentiment exquis
tlans mon chien, mais je n'en aperçois aucun dans
un chou. liCs paradoxes de Jean-Jacques sont fort
VÉG 321
célèbres. J'ose demander s'il en avança jamais
«l'aiissi fou que celui que j'aïu^ais à combattre si
j'entrais ici dans cette discussion , et qui pourtant
ne choque personne. Mais je m'arrête, et rentre
dans mon sujet.
Puisque les végétaux naissent et vivent, ils se
détruisent et meurent; c'est l'irrévocable loi à la-
quelle tout corps est soumis : par conséquent ils
se reproduisent ; mais comment se fait cette repro-
duction ? En tout ce qui est soumis à nos sens dans
le régne végétal, nous la voyons se faire par la
voie de la fructification; et l'on peut présumer que
cette loi de la nature est également suivie dans
les parties du même régne, dont l'organisation
échappe à nos yeux. Je ne vois ni fleurs lii fruits
dans les bjssus^ dans \es.con/hva , dans les truffes ;
mais je vois ces végétaux se perpétuer, et l'ana-
logie sur laquelle je me fonde pour leur attribuer
les mêmes moyens qu'aux autres de tendre à la
même fin, cette analogie, dis-je, me paraît si sûre,
que je ne puis lui refuser mon assentiment.
Il est vrai que la plupart des plantes ont d'autres
manières de se reproduire , comme par caïeux ,
par boutures , par drageons enracinés. Mais ces
moyens sont bien plutôt des suppléments que des
principes d'institution; ils ne sont point communs
à toutes ; il n'y a que la fructification qui le soit ,
et qui , ne souffrant aucune exception dans celles
qui nous sont bien connues, n'en laisse point sup-
poser dans les autres substances végétales qui le
sont moins.
110. VUL
Velu. Surface tapissée de poils.
Verticillé, Attache circulaire sur le même plan,
et en nombre de plus de deux autour d'un axe
commun.
VivACE. Qui vit plusieurs années ; les arbres , les
arbrisseaux, les sous-arbrisseaux, sont tous vivaces, i
Plusieurs herbes même le sont, mais seulement
par leurs racines. Ainsi le chèvrefeuille et le hou-
blon, tous deux vivaces, le sont différemment: le
premier conserve pendant l'hiver ses tiges en sorte
qu'elles bourgeonnent et fleurissent le printemps
suivant ; mais le houblon perd les siennes à la fin de
chaque automne, et recommence toujours chaque
année à en pousser de son pied de nouvelles. 1
I^es plantes transportées hors de leur climat sont
sujettes à varier sur cet article. Plusieurs plantes
vivaces dans les pays chauds deviennent parmi
nous annuelles , et ce n'est pas la seule altération
qu'elles subissent dans nos jardins.
De sorte que la botanique exotique étudiée en
Europe donne souvent de bien fausses observa-
tions.
Vrilles ou Matns. Espèce de filets qui terminent
les branches dans certaines plantes, et leur four-
nissent les moyens de s'attacher à d'autres corps.
Les vrilles sont simples ou rameuses ; elles prennen t,
étant libres, toutes sortes de directions, et lors-
qu'elles s'accrochent à un corps étranger , elles
l'embrassent en spirale.
Vulgaire. On désigne ordinairement ainsi l'es-
pèce principale de chaque genre la plus ancienne-
URN '-iy3
ment connue dont il a tiré son nom, et qu'on re-
gardait d'abord comme une espèce unique.
Urne. Boite ou capsule remplie de poussière,
que portent la plupart des mousses en fleur. La
construction la plus commune de ces .urnes est
d'être élevées au-dessus de la plante par un pé-
dicule plus ou moins long; de porter à leur som-
met une espèce de coiffe ou de capuchon pointu
qui les couvre, adhérent d'abord à l'urne, mais
qui s'en détache ensuite, et tombe lorsqu'elle est
prête à s'ouvrir ; de s'ouvrir ensuite aux deux
tiers de leur hauteur, comme ime boîte à savon-
nette, par im couvercle qui s'en détache et tombe
à son tour après la chute de la coiffe; d'être dou-
blement ciliée autour de sa jointure, afin que
l'humidité ne puisse pénétrer dans l'intérieur de
l'urne tant qu'elle est ouverte; enfin, .de pencher
et se courber en en-bas aux approches de la ma-
turité pour verser à terre la poussière qu'elle con-
tient.
L'opinion générale des botanistes sur cet article
est que cette urne avec son pédicule est une éta-
mine dont le pédicule est le filet, dont l'urne est
l'anthère, et dont la poudre qu'elle contient et
qu'elle verse est la poussière fécondante qui va
fertiliser la fleur femelle : en conséquence de ce
système on donne communément le nom d'an-
thère à la capsule dont nous parlons. Cependant ,
comme la fructification des mousses n'est pas jus-
qu'ici parfaitement connue, et qu'il n'est pas d'une
certitude invincible que l'anthère dont nous par-
•a -2 4 ^Tll
Ions soit véritablement une anthère, je crois qu'en
attendant une plus grande évidence, sans se pres-
ser d'adopter un nom si décisif , que de plus
grandes lumières pourraient forcer ensuite d'a-
bandonner, il vaut mieux conserver celui d'urne
donné par Vaillant , et qui , quelque système qu'on
adopte, peut subsister sans inconvénient.
Utricules. Sortes de petites outres percées par
les deux bouts, et communiquant successivement
de l'une à l'autre par leurs ouvertures, comme les
aludels d'un alambic. Ces vaisseaux sont ordinai-
rement pleins de sève. Ils occupent les espaces ou
mailles ouvertes qui se trouvent entre les fibres
longitudinales et le bois.
FIN DU DICTIONNAIRE DE BOTANIQUE.
LETTRES
ELEMENTAIRES
SUR LA BOTANIQUE,
PAR M. MARTYN,
PROFESSEUR DE BOTANIQUE A l'uNIVEHSITÉ DE CAMBRIDGE.
R. VU.
AVIS DE L'ÉDITEUR.
Un professeur de botanique en l'université de Cambridge ,
fils et successeur du célèbre William Martyn, mort en 1768,
frappé de l'élégante clarté avec laquelle Rousseau avait décrit
les plantes dans les lettres qu'on vient de lire, et convaincu que
cette manière devait faire aimer la botanique et rendre agréable
et facile l'étude de cette branche de l'histoire naturelle, entre-
prit d'achever l'ouvrage de Jean-Jacques. Le succès qu'il obtint
lui fit voir qu'il ne s'était point trompé. Les lettres suivantes ap-
partiennent donc à M. Thomas Martyn. Elles ont été traduites
par M. de la Montagne : nous les reproduisons parce qu'en
complétant le travail de Rousseau, elles diminuent les regrets
qu'on éprouvait de voir ce travail imparfait.
LETTRES
ELEMENTAIRES
SUR LA BOTANIQUE.
LETTRE I.'
A MADAME DE L**'
lo juin 1774.
Enfin, ma chère cousine, je vais vous donner la facilité d'exa-
miner les plantes par vous-même, et de déterminer le genre et
l'espèce, comme vous l'avez déjà fait relativement à la classe et
à l'ordre. Vous êtes déjà initiée dans ces connaissances par mes
premières lettres; mais aujourd'hui je procéderai plus en for-
me, et je vous présenterai une ou plusieurs plantes de chaque
classe, vous expliquant, à mesure que nous avancerons, quel-
ques autres plantes des classes naturelles, lesquelles forment
les classes artificielles, ou s'y trouvent comprises.
La première classe, la Monandrie , est fort peu nombreuse
dans le système de Linnée; elle ne comprend que deux ordres,
comme vous l'avez déjà vu dans la seconde table que je vous ai
envoyée. On n'y trouve aussi que dix-huit genres et quarante-
quatre espèces. Fort peu de ces plantes croissent en Europe , et
l'on a de la peine à rencontrer, dans les serres chaudes, les
' Cette lettre et les suivantes appartiennent à M. Martyn , professeur de bo-
tanique en l'université de Cambridge , comme nous l'avons annoncé dans notre
avis placé à la tète de cet ouvrage; la manière dont elles ont été traduites de
l'anglais par M. de la Montagne nous a paru exacte, et ne laisse rien à désirer.
Nous avons cru que nos lecteurs verraient avec plaisir ces lettres vraiment di-
gnes d'être mises à côté de celles de Jean-Jacques , et dont le mérite principal
est de parfaire un ouvrage que la mort n'a pas permis à ce grand homme de
mettre à sa fin.
i5.
2^8 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
espèces de plantes indiennes; au moins il est bien rare qu'un
les voie en fleurs.
Il y a cependant une plante qu'on trouve assez souvent dans
les étangs, les fossés, et les eaux bourbeuses et stagnantes; on
la nomme Hippuris^ elle est de cette classe et du premier or-
dre. Sa tige est simple et distinguée par des jointures. A cha-
cune de ces jointures, il y a une douzaine de feuilles et même
davantage, dans cette espèce de forme que Linnée appelle ver-
ticillée. A chacune de ces feuilles , près de la tige , appartient
une petite fleur consistant en une seule étamine et un pistil,
une semence, et rien de plus; car elle n'a ni calice ni corolle.
Vous trouverez l'étamine située ^ur le germe, terminée par
une anthère ^ à deux pointes. Derrière l'anthère se trouve le
style, qui est fort court, et terminé par un stigmate qui s'a-
longe eu pointe. Ces indices seront suffisants pour vous faire
reconnaître VHippuiii% qui, peut-être, ne croît pas dans votre
voisinage. Si cette plante s'y trouve, il ne faut pas que vous 1
vous exposiez, en l'allant chercher, à vous mouiller et à vous
crotter dans un fossé bourbeux. Comme on en peut ramasser
beaucoup dans les fossés de l'abbaye voisine , j'en ai niis quel- ■
ques-unes dans ma boîte de poche, qui est très-commode pour
tenir les plantes fraîches; c'est un meuble qui vous servira en-
suite à porter au logis les plantes dans un état de fraicheur ,
si vous n'en êtes pas déjà pourvue. Si vous n'êtes pas frappée de
la beauté de X hijipiuis , au moins vous l'estimerez poiu" sa m,o-
destie et sa simplicité, .l'ai une faveur à vous demandée' en
retour de ma boîte d'étain et de ce qu'elle contient. C'est que,
lorsque vous prononcerez le nom de cette plante, vous ayez
attention à faire la svllabe du milieu longue et non pas brève,
' l^hippiiris, en français pesse commune , a les tiges droites, feuillées, et s'é-
lùve au-deibus de la surface de l'eau , à la hauteur de huit ou dix pouces. Les
tiges sout garnies , dans leur longueur , de feuilles verticillées , étroites et li-
néaires. Les verticiUes sont nombreux et très-rapproclics. Les fleurs sont axil-
laires, sessiles , et n'ont qu'une étamine. On la trouve dans les fossés aquatiques,
et sur le bord des étangs.
2 En latin anthera , du mot '■<^„y'.<,,Jluridiis. Th, à.%^u,flos. C'est le sommet
de l'étamiae , où est la poussière fécondante.
3 On eu voit la figure dans Curtis, Flora Londinensls ; Fascic. tv, plan-
che I.
SUR l.X BOTANIQUE. U'IC)
ainsi que plusieurs la prononcent; car je suis jaloux de pro-
noncer et de penser de la même manière que vous. Je n'ai rien
dit ici touchant la distinction du yenre et de l'espèce, parce qu'il
n'y a qu'une espèce àhippuris. Cependant il faut que je vous
apprenne , une fois pour toutes, que nous désignons toujours
les caractères du genre par les parties de la fructification , et
ceux de l'espèce par les autres parties de la plante, et en parti-
culier parles feuilles.
Il y a une autre plante de cette classe, que votre jardinier peut
avoir dans la serre chaude. Je suis sûr que vous la connaissez,
et que vous avez remarqué sa tige droite, la promptitude de sa
croissance, et ses belles fleurs couleur d'écarlate. Peut-être
vous avez déjà éprouvé quelque difficulté pour en déterminei
la classe et l'ordre; car il n'y a point de (ilets, et l'anthère se
irouve au bord d'une espèce de pétale. Le calice est formé de
liois feuilles; la corolle est découpée en six portions, cinq
droites et la sixième courbée. Les semences sont contenues dans
une capsule ou vaisseau de trois cellules. Elles sont rondes et
fort dures , ce qui leur a fait donner le nom de balles indiennes.
Linnée l'appelle canna. Voilà ce qui regarde le genre dont il y
a au moins trois espèces ; quelques-uns en comptent cintj. Lin
née a distingué ainsi ses trois espèces : i" la canna indien ', ])ar
ses feuilles en ovale, se terminant en pointe aigiie par les deux
extrémités , et marquées de nervures; 2" canna angusti/olia,
halle i n die tjt ne ix feuilles étroites, par ses feuilles pétiolées en
forme de lance, marquées aussi par des nervures; 3° canna
glaiica, balle indienne vert-de-mer, par ses feuilles pétiolées en
forme de lance, unies ou sans nervures. La vôtre sera vraisem-
blablement une des deux premières espèces, car la dernière a
des fleins jaunes. Cet ordre renferme plusieurs plantes intéres-
santes, telles que le gingembre, le cardamome, la graine de pa-
radis, le costus arabicas , le turinerich , le ^alans^a, etc., toutes
lesquelles |)lantes, ainsi que la canna, apparliennent à une fa-
mille naturelle, que Linnée adésignéesoiis li' nom A^iscitaminea,
du n)Ot latin scitian, qui , étant jointe au mot eduliuin , renferme
tous les comestibles d'un goût agréable. Non-seulcmcnt elles
' JoLu Miller ou a donne la fij^ure dans sou cxpliintiou du système sexuel.
23o LETTRES ÉLÉMENTAIRES
occupent la nid-me place dans le système artificiel, mais encore
elles s'accordent en cela , que leurs semences sont renfermées
dans un vaisseau au-dessous du réceptacle, comme vous le dé-
couvrez manifestement dans la canna. Les divisions du calice,
de la corolle et de la capsule aux graines, sont aussi ordinai-
rement au nombre de trois,
Avant de prendre l'essort , il faut voler à de petites distances.
Je vous écrirai la prochaine fois plus au long , si vous voulez
bien me le permettre. Adieu , pour quelques jours.
LETTRE II.
17 juin, 1774.
Il a fallu , ma chère cousine, vous contenter, pendant une se-
maine, du peu d'instruction que contenait ma dernière lettre.
Je peux aujourd'hui vous promettre plus de variété, ayant un
plus vaste champ à parcourir, et pouvant faire un choix plus
agréable. La seconde classe des plantes , la diandric , a trente-
cinq genres et deux cent soixante-cinq espèces.
Linnée a fait tout ce qu'il a pu pour faciliter la connaissance
des plantes. Rien n'y contribue davantage que la clarté et l'ordre
qu'il a mis dans sa nomenclature , et la manière dont il conduit
ses élèves méthodiquement, en les faisant commencer par les
généralités, et descendre ensuite dans les détails.
Ainsi, après avoir déterminé la classe et l'ordre de cette
plante , vous apercevez que chaque ordre , quand il est nom-
breux , se partage en plusieurs grandes divisions , et cette pre-
mière vue s'offre à vous avant qu'il soit question des caractères
génériques. Cela abrège beaucoup vos recherches; car, dans
le premier ordre de cette classe, au lieu d'avoir à reconnaître
les caractères de trente-cinq genres, vous n'en avez que huit
ou neuf, ou peut-être pas plus de trois, et même rien qu'un
seul. Pour que vous puissiez mieux conq)rendre ceci, je vous
SUR LA BOTANIQUE. l'dx
donnerai la subdivision de Linnée , dans le prcniier ordre de
cette classe.
DIANDRIE MONOGYNIE.
I. Fleurs inférieures, monopétales, régulières : 8 genres.
II. rieurs inférieures, monopétales, irrégulières, avec les
semences renfermées dans une capsule : 9 genres.
III. Fleurs inférieures , monopétales , irrégulières , avec
les semences à nu : 9 genres. •
IV. Fleurs inférieures , pentapétales : i genre.
V. Fleurs supérieures : 3 genres.
En sorte que si votre plante appartient à la quatrième divi-
sion, vous la mettez à sa place dans le même moment , et pour
toutes les autres , vous avez beaucoup de facilité.
Vous ne serez point embarrassée à vous procurer des plantes
dans cette classe, quoiqu'elle ne soit pas des plus nombreuses.
Votre jardin et les champs d'alentour vous fourniront assez
d'exemples.
Vous connaissez plusieiu'S espèces de jasmin. Prenez- en
un au hasard. Vous apercevrez tout de suite qu'il appartient à
la première division du premier ordre. Comparez autant d'es-
pèces que vous pourrez en rencontrer, lorsqu'elles sont en
fleurs, et vous trouverez qu'elles s'accordent toutes dans leurs
caractères.
Mais on y trouve encore d'autres particularités qu'on nomme
caractères génériques. Celles qu'on remarque dans le cas pré-
sent sont, que la corolle est monopétale, en forme de sou-
coupe, et que son bord est partagé en cinq segmens. Les an-
thères sont petites , et cachées dans le tube de la corolle. La
capsule aux semences est une baie qui a deux cellules, et les
semences sont couvertes d'une peau ou tunique propi'e qui se
détache d'elle-même.
Ayant vu en quoi toutes les espèces de jasmin se ressemblent,
afin de déterminer la classe , l'ordre , ses divisions, et le genre,
maintenant il faut voir les particularités par lesquelles ils dif-
fèrent, pour arranger les six espèces. Pou^ cet effet, il nou?
suffira d'observer les feuilles ainsi:
2^2 LÊTTRÊ8 ÉLÉMENTAIRES
I. Feuilles dentelées, opposées, lobes distincts: jasmin of-
riClNAL.
II. Feuilles dentelées, opposées, lobes confluens : jasmin
DE Catalogne.
III. Feuilles ternées , opposées : jasmin azorien.
IV. Feuilles ternées et simples , alternes , branches angu-
leuses : jasmin arbrisseau.
V. Feuilles ternées et dentelées , alternes , aiguës , branches
anguleuses : jasmin nain.
VI. Feuilles ternées et dentelées, alternes, obtuses, branches
rondes; jasmin odoriférant.
Les trois premières espèces ont la corolle blanche. Dans les
trois dernières elle est jaune. Si vous voulez avoir des ren-
seignements concernant votre plante ïaworite ,\e jasmin d'Ara-
bie, vous saurez qu'il appartient à un autre genre, nyctanthes ,
parce qu'il a le calice et la corolle divisés en huit segments. Le
jasmin du Cap appartient à une autre classe, la cinquième, et
en conséquence il a un autre nom , gardénia .
Plusieurs autres arbres et arbrisseaux sont compris dans
cette même première division; le troène, \q phillyrea, l'olivier
et le lilas sont de ce nombre. Toutes ces plantes ont une corolle
partagée en quatre pointes. Elles sont distinguées l'une de
l'autre par leur fruit, qui, dans le troène, est une baie avec
quatre semences; dans le phillyrea, une baie avec une seule
semence; dans l'olivier, un fruit charnu à noyau; dans le lilas,
une capsule à deux loges. Le lilas commun a des feuilles en
forme de cœur, ce qui suffit pour le faire distinguer du lilas
de Perse, dont les feuilles sont en forme de lance. Quant aux
différentes couleurs des fleurs dans le lilas de la première es-
pèce, elles ne forment que des variétés, la couleur étant rare-
ment assez permanente pour constituer des différences spéci-
fiques.
Dans la seconde division, est un genre qui a pris son nom
d'une sainte, la véronique. Il est fort nombreux, ne contenant
pas moins de quarante espèces. Ici Linnée a fait pour le genre
ce qu'il a fait auparavant pour l'ordre. Il l'a séparé en trois
principales divisimis, d'après la manière dont elles portent leurs
flciu's. La première , celle dont les fleurs sont en épi ; la seconde ,
SUll LA BOTAJVIQUi:. ^33
ayant les fleurs en grappe; la troisième, où les fleurs sont sé-
parées.
Ce genre est connu aisément par la corolle monopétale et
circulaire, ou en forme de roue, divisée en quatre segments,
dont le plus bas est plus étroit que les autres, et par la cap-
sule, en forme de cœur et aplatie.
Une de ses espèces est fort commune dans les buissons et au
bord des pâturages. Ses belles fleurs bleues ont sans doute at-
tiré votre attention ; et en tombant trop aisément, elles vous
ont peut-être donné lieu de faire des leçons à votre aimable fille ,
sur le peu de durée de nos plaisirs, ou sur l'existence passa-
gère des charmes qui embellissent le sexe. Si le temps de sa
floraison n'est pas déjà passé, car c'est en mai qu'elle fleurit,
vous verrez qu'elle appartient à la seconde division. Si elle n'est
pas actuellement en fleurs, ses feuilles ovales, ridées , dentelées
vers les bords, et collées contre la tige avec ses branches faibles
et traînantes , à moins qu'elles ne soient soutenues par des buis-
sons, vous feront bientôt reconnaître cette humble plante de
façon à ne pouvoir vous y méprendre.
Cependant si cette espèce n'est plus en fleur , vous en trou-
verez certainement une autre dans les pâturages secs ou bruyè-
res, particulièrement sur d'anciennes fourmilières. Peut-être
a-t-elle échappé à votre vue, les fleurs étant petites et d'une
couleur pâle. Cependant, en les examinant de près, on y trouve
quelque beauté. Celle-ci appartient à la première division , ayant
des fleurs qui croissent en épi, et qui sortent particulièrement
des côtés delà plante, à quelque distance de la tige principale.
Les feuilles sont opposées, et les tiges traînent sur la terre. On
lui a donné le nom trivial de véronique des boutiques, ou of-
ficinale, parce qu'on s'en sert quelquefois en infusion dans la
médecine.
Les antres espèces se trouvent fréquemment au bord des fos-
sés et des ruisseaux, ce qui leur a fait donner le nom de riéro-
niques d'eau. Ces espèces appartiennent à la seconde division.
Les trois espèces comprises dans la troisième division se trou-
vent en abondance dans les terres labourées et les jachères, pen-
dant le cours du printem])S.
.le ne sais comment cela se fait; mais il existe un rapport
234 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
entre cette classé et la quatorzième. 'Lapinguicula, gvassetle, ou
herbe-au-beurre fbuttcr-wortj, a une fleur en masque. Quel-
ques espèces de verveine ont deux étamines, d'autres quatre,
de longueur inégale. Parmi ces dernières est une verveine com-
mune ou officinale. Quelques auteurs rangent celle-ci dans la
classe de la didynamie. La sauge, le romarin, et d'autres, ont des
fleurs labiées, et ressemblent si fort, en tout point, aux plantes
de la quatorzième classe, qu'on doit naturellement les y placer :
mais comme elles n'ont que deux étamines , le système artificiel
les range dans la classe qui renferme les plantes de ce caractère.
La sauge pai-aît former le chaînon qui unit les deux classes ;
car, dans ce genre, on trouve les rudiments d'un autre couple
d'étamines, mais sans anthères. La structure des étamines, dans
la sauge , est singulière et mérite votre observation. Les deux
filets sont fort courts; mais les deux autres sont attachés à ceux-
ci transversalement par le milieu. A l'extrémité de ceux-ci on
trouve ime glande , et aux autres une anthère. Cette particu-
larité distingue ce genre de tous les autres , et on l'appelle
.son caractère essentiel. Si vous comparez ensemble les fleurs de
la sauge et du romarin, vous trouverez qu'elles se ressemblent
en plusieurs autres points; mais le romarin n'a pas ce carac-
tère, il a de très-longs filets qui se recourbent vers le casque
ou lèvre supérieure de la corolle.
Le genre de la sauge ne renferme pas moins de cinquante-
deux espèces. Notre sauge commune des jardins, dont il y a
plusieurs variétés , a des fleurs qui croissent en épi ; les seg-
ments du calice sont aigus , les feuilles d'une forme oblongue,
ovale, entières, et fort légèrement crénelées sur les bords. Il y a
deux sortes de sauge sauvage communes en Europe ', qui ne
diffèrent pas beaucoup l'une de l'autre; mais ce sont plutôt
des orvales que des sauges. Vous ne serez point embarrassée
pour les connaître quand vous les verrez. Pour les distinguer
l'une de l'autre , observez que la sauge des prés a les feuilles
oblongues, en forme de cœur , et crénelées sur les bords. Les
feuilles supérieures embrassent les tiges : les fleurs croissent
I Salvia pratensis , et verhenaca j mais cette dernière seule est commune en
Angleterre.
SUR LA BOTANIQUE. ^35
presque à nu , et la lèvre supérieure de la corolle est glutineusc.
La sauge verbénacée a les feuilles dentelées en forme de scie ,
sinueuses et unies. Le tube de la corolle est fort petit en com-
paraison du calice , qui a une large ouverture.
Mais en voilà assez pour notre seconde excursion, en atten-
dant la troisième, que je me propose de faire avec vous dans
peu de temps.
LETTRE IIÏ.
24 juin, 1774-
Je me suis hâté de prendre la plume, ma chère cousine, de
crainte que l'infatigable faucheur n'eût abattu notre récolte de
plantes. Peut-être la beauté de la saison aura hâté ses pas ; mais ,
au pis aller, il vous aura laissé quelque chose cà glaner le long
des haies.
La famille des plantes que je recommande aujourd'hui à votre
attention, est la plus connue et la plus agréable de toutes. Elle
est la plus agréable aux yeux, et de l'usage le plus étendu, puis-
qu'elle fournit à l'homme fe meilleure portion de sa nourriture,
et qu'en même temps elle est le seul aliment de plusieurs ani-
maux et d'un grand nombre d'oiseaux. Les censeurs les plus
rigides ne peuvent nous accuser d'employer mal notre temps,
lorsque nous nous arrêtons à contempler une famille de plantes
aussi utile que l'est celle qui contient toutes les différentes es-
pèces de blé et d'herbes des prés, nonmiées graincn.
Les premières étant en plus grand nombre, demandant plus
de soin et de culture, parce qu'elles sont annuelles, et étant de
première nécessité pour la nourriture de l'homme, et des ani-
maux domestiques, dont il est environné dans ce pays et dans
plusieurs autres, sont universellement connues et distinguées
les unes des autres. Mais ce n'est pas le cas des dernières. L'herbe
«jui croît dans les champs , destinée aux pâturages , se représente
ordinairement à l'esprit sous une seule idée. Le cultivateur qui
236 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
promène ses yeux sur son enclos, ne songe pas qu'il y a plus
de trois cents espèces d'herbes des prairies, dont pour le mo-
ment il ])eut y en avoir plus de trente ou quarante exposées à
sa vue. Il n'y a pas plus de vingt ans qu'on leur donnait à toutes
le même nom. Les noms particuliers dont on s'est servi pour
en distinguer les espèces, ne sont pas encore d'un usage bien
général. Nous pouvons donc assurer que la connaissance de
cette famille, la plus répandue et la plus utile, est encore dans
son enfance '.
Ne donnons point plus d'importance à la botanique qu'elle
n'en a réellement; mais avançons tranquillement dans la car-
rière que nous parcourons. La plus grande partie des gens du
monde sait à peine que l'herbe des champs a une fleur, et si on
la leur montre, ils vous demanderont froidement : est-ce là tout?
Cependant, non-seulement cette plante a ime fleur, mais en-
core elle a tout ce qui constitue cette partie. Ce qu'on ne peut
pas dire de b tulipe et de quelques autres qui ont fixé l'atten-
tion de tous les hommes. Il y a même une telle variété dans les
parties et la disposition des fleurs de cette plante, et dans la ma-
nière dont elle fleurit, que nous avons assez de marques dans
la fructification, pour distinguer plus de quarante genres.
Si vous prenez un épi de gazon, vous pourrez peut-être voir
cette attente trompée, et ne pas discerner les étamines et les
autres parties. Soyez assurée que la fleur n'est pas encore ou-
verte, et continuez vos l'echerches jusqu'à ce que vous en trou-
viez une dont les parties soient développées, les filets déliés,
pendants en dehors, avec des anthères doubles, larges etoblon-
gues, jouant librement au tour au moindre mouvement. Vous
Vous apercevrez tout de suite que votre plante, ayant trois de
ces filets, doit être rangée dans la troisième classe f triandrie ,
pourvu que la fleur ait un pistil aussi-bien que des étamines.
En portant vos recherches un peu plus loin, vous découvrirez
aisément deux styles, garnis de plumes et courbés, chacun ter-
miné par un stigmate garni de plumes : alors vous n'aurez plus
' Feu M. SliUiiigfleet , zélé citoyen , a le premier dirigé l'attcution du pu-
blic vers les herbes des prairies. En France , la Société d'Agriculture n'a rien
négligé pour en étendre la culture , et ses efforts ont eu le p-lus grand succès.
SUR L4 BOTANIQUE. 2^7
d'ombanas , et vous prononcerez que votre plante a[)paitient
au second ordre, la dlj;;ynie de cette troisième classe.
Avant ainsi déterminé la classe et l'ordre, vous examinerez
les autres parties de la fleur. Vous verrez que celte fleur a aussi
un calice et une corolle. I.e calice nommé balle , est générale-
ment composé de deux, petites feuilles, l'une grande et courbé»-
en bosse, l'autre plus petite et aplatie. La corolle est aussi for-
mée de deux parti(;s ou valves , que vous pouvez appeler pétales.
Il y a plus; cette fleur, qu'on méprise, a même son nectaire, qui
est un petit corps oblong, composé de deux feuifles, mais si
petites , qu'il faut une loupe pour les apercevoir. Les grameii
ou herbes des prairies , n'ont point de péricarpe , mais une se-
mence nue, dont nous connaissons bien quelle est la forme. Elle
est oblongue, et finit en pointe à chaque extrémité. Vous trou-
verez que ces caractères sont communs à toutes les plantes de
ce genre, et aussi à toutes les espèces de blé, au moins avec très-
peu d'exceptions. On nomme cela le caractère classique. Comme
ces petites fleurs viennent souvent deux à deux, et se touchent
de très-près, vous n'avez qu'à séparer une fleur, pour éviter la
confusion.
Mais cette famille de plantes ne s'accorde pas seulement dans
les parties de la fructification, comme on vient de les décrite ;
l'apparence extérieure, la manière de croître, sont les mêmes
dans toutes. Une simpliclt»* de structure se fait remarquer dans
cette classe. Chacun des individus a une tige simple, sans bran-
ches, droite et creuse, fortifiée par des nœuds, à de certains in-
tervalles '. 11 n'y en a point qui n'ait une feuille isolée à chaque
nreud, laquelle revêt et engaîne la tige, jusqu'à quelque dis-
tance, et présentant ensuite une surface étroite à mesure qu'elle
s'alonge, se termine enfin par degrés en pointe-. Elle est aussi
toujours entière dans toutes les espè(;es sans veines ou vais-
seaux branchus , étant seulement marquée longitudinalement
par des lignes parallèles aux côtés, et a un filet qui parcoint
toute la longueur. Il y a une autre particularité curieuse, (|u'on
ne trouve presque que dans cette famille, et qui est comnume
* Linnée nomme cette tige culmus , eu français chaume.
2 Le même auteur apjieUe cette sorte de feuille linéaire.
238 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
à tous les individus qui la composent, savoir, que le corps de
la semence ne se fend pas en deux lobes , mais demeure entier ' ,
jusqu'à ce qu'il ait rempli la fonction à laquelle il est destiné,
qui est de donner à la jeune plante sa première nourriture,
et ensuite il se pourrit. Vous pouvez observer cela aisément^
à mesure que le blé sort de terre ; ou bien vous pouvez semer
quelques-unes des {^raines du phalaris , appelé graine de ca-
narie, dont vous nourrissez vos oiseaux, dans un pot à fleurs,
sur votre fenêtre, et faire ainsi votre observation chez vous.
Je n'aurai qu'une fois cette indulgence pour vous; car vous
savez que je n'encourage point cette manière paresseuse d'ob-
server ainsi la nature, sans sortir de sa maison. Il faut l'aller
chercher dans les champs et la voir assise sur son trône. Quand
vous serez dans son palais , vous aurez cet avantage qu'on ne
trouvée point dans les cours des autres souverains, c'est qu'en
lui rendant vos hommages v ous acquerrez de la santé.
Connaissant parfaitement toutes les particularités par les-
quelles cette famille de plantes offre des rapports communs à
tous les individus qui la composent , vous pouvez procéder à
l'examen de celles qui établissent des différences entre ces mêmes
plantes. De cette manière vous les séparerez, premièrement
dans leurs genres, et ensuite dans leurs espèces. Mais, les genres
étant nombreux, il sera à propos, comme nous l'avons déjà fait,
de partager toute cette famille en quelques subdivisions géné-
rales; c'est ce que nous pouvons faire aisément, en faisant atten-
tion à la manière dont elles produisent leurs fleurs, soit dans un
pauicule ou épi , et séparées ou plusieurs ensemble. De là nous
formerons quatre subdivisions.
I. Fleurs simples : i/, genres.
II. Deux fleurs ensemble : 2 genres.
III. Plusieurs fleurs réunies : 7 genres.
Celles-ci sont la plupart en panicule; dans toutes, les fleurs
sont disposées d'une manière irrégulière ou errante, comme
Linnée les appelle.
IV. Les fleurs en épi, avec un réceptacle subulé'^ : 6 genres,
* On appelle les plantes de ce genre ?»o/îoco(^/e«fo/ief, et les autres dicotylédones.
» Ou en alêne , du mot suhula , alêne de cordonnier.
SUR LA BOTAINIQUE. 289
renfermant le froment, le riz et l'orj^e. L'avoine est dans la troi-
sième division.
Le pot où vous aurez semé vos graines, si vous n'eti arrachez
pas toutes les plantes, pour vérifier ce que je vous ai dit
ci- dessus, servira à vous donner un exemple de la première
division. Quand la plante arrivera à son état de perfection, vous
observerez que les deux feuilles du calice sont plates, et l'ex-
trémité relevée en nacelle. La corolle est plus petite que le calice,
et y est renfermée ; c'est le caractère de ce genre. Il est parti-
culièrement distingué par la forme du panicule, qui ressemble
à un épi, et est ovale, garni de poils , mais la quille est unie.
C'est une herbe des prés annuelle. On la trouve sauvage dans
les îles Canaries; de là vient son nom àc phalaiis canariensîs :
on la cultive en Europe, pour servir de nourriture aux serins et
autres petits oiseaux.
Tandis que votre herbe de Canaric croît, il faut que vous
alliez dans les champs, povir chercher d'autres exemples de
cette première division; car je veux absolument que vous four-
ragiez toutes les prairies du voisinage , ainsi que les pâturages ,
avant que la faux impitoyable ait moissonné tous leurs honneurs.
Les prairies d'une bonne qualité abondent en cette espèce de
plante qu'on nomme queue de renard ' , qui est certainement
une des herbes qui croît la première, et qui est très-bonne pour
faire du foin et nourrir lés bestiaux. Ce genre forme une ex-
ception à un des caractères généraux; car quoique le calice ait
deux valves ou feuilles, la corolle n'en a qu'une. Vous en re-
connaîtrez les espèces bien aisément par la forme cylindrique ,
et la couleur blanche du poil qui recouvre le panicule, que,
d'après sa forme, vous prendrez pour un épi, la tige étant droite
et la corolle n'ayant point de barbe.
L'herbe appelée queue de chat ^ est une autre de ces plantes.
La fleur n'est pas imie et couverte de poils blancs comme la
dernière dont nous venons de parler; elle paraît rude, et on la
connaît à la première vue par son calice, qui est tronqué et
' Alopecurus pratensis. LiNN. En franraLs, vulpin des prés.
* Phleum pratense. LiNN. En françab fléau des prés, plante graminée.
24o LETTRES EL ÉM ENT AIlî ES
fourchu à son extrémité. Ce calice est aussi linéaire, et est collé
à la tige. La corolle est renfermée dans le calice. I,a forme de
l'épi, est cylindrique; la quille des feuilles est ciliée^, et la tige
droite : l'épi de la queue de chat est quelquefois long de quatre
ponces, dans les prairies humides. Dans les terrains arides il
diminue de longueur, et décroît enfin, jusqu'à n'avoir que demi-
pouce, et encore moins dans les terres dures et stériles, telles
que celles qui sont le long des chemins , ou celles qu'on nomme
landes. Dans ces dernières plantes, la tige ne peut pas se tenir
droite; et les racines, ne pouvant point s'étendre librement, de-
viennent noueuses et bulbeuses. Je fais mention de ces eircon-
stances afin que vous soyez en garde contre les altérations que
la diversité du sol et de la situation produit dans les plantes, et
que vous n'imaginiez pas voir une nouvelle espèce de plantes ,
toutes les fois que vous en trouverez qui vous offriront ces légè-
res différences. Si vous transplantez des landes dans votre jar-
din une de ces plantes naines, courbées et à racines novieuses,
j'ose assurer que la tige deviendra droite , que l'épi s'alongera,
et que la racine , de bulbeuse qu'elle était , deviendra fibreuse. Ce-
pendant il n'est pas toujours aisé de dire ce qui est une espèce et
ce qui n'est qu'une variété.Il faut, dans plusieurs cas, beaucoup
d'observations et d'expérience pour déterminer la question avec
précision. A la vérité, beaucoup de variétés sont produites par
la culture ou par un changement du sol natal et de la situation;
et, quand elles reprennent leur état naturel, elles recouvrent en
même temps leur ancienne forme. Si cela était généralement
ainsi , il n'y aurait point de difficulté à distinguer les espèces des
variétés : mais il arrive quelquefois que , lorsque l'accident a
produit une variété, elle demeure permanente , et, qu'ayant été
mise en culture , elle refuse de retourner à son état de simple
nature. Cette épreuve n'est donc pas infaillible.
La seconde division des herbes des prés n'ayant que deux
genres, il est aisé de les distinguer. On les reconnaît parmi les
autres, en ce qu'ils ont deux fleurs qui croissent ensemble, et on
les distingue l'un de l'autre par le rudiment d'une troisième fleur
' Garnie de petits poils , comme les paupières.
SUR LA BOTANIQUE. ' ^l[l
entre les deux autres, dans la meUca\ dont il n'v a poinî de
marque dans \aira , le foin.
Dans la troisième division , vous trouverez une grande quan-
tité de grhmen , ou herbes des prés , ou herbes à foin ; la brize ,
ou la chevelure des dames; le paturin, ou herbe des prairies ;
\e festuca"', ou fétuque, l'herbe à balai; les avoines et les ro-
seaux. Les genres sont ainsi distingués.
Corolle en cœur, valves enflées briza.
ovale, valves pointues poa.
oblongue, valves en pointes festuca.
oblongue, valves barbues au-dessous de la
pointe BROMCs.
oblongue, barbe entortillée, courbée. . . . avoine.
lanugineuse à la base arundo.
Les brizes , dont il y a cinq espèces , sont de fort jolies plantes ;
ce qui fait qu'on en cultive une espèce dans nos jai-dins , dont la
beauté et l'apparence sont remarquables. Elles fleurissent seu-
lement dans le mois de mai ; elles croissent en formant un pa-
nicule lâche, dont les tiges sont si déliées que le moindre vent
les agite , ce qui leur a fait donner le nom à' amourettes trem-
blqn f es '. D'après ces lemarques, et leur aspect général, qui
diffère de celui de leurs voisines, vous ne pouvez manquer de
les reconnaître. Les trois espèces que vous rencontrerez, selon
les apparences , sont ainsi distinguées :
I. Épilets^ triangulaires, calice plus lon^, que le fleuron : pe-
tite liRIZA.
II. Epilets ovales, calice plus court que le fleuron : moyenne
BRIZA.
III. Epilets en cœur, 17 fleurons : grande briza.
La seconde est l'espèce qui est commune dans les prés, et la
' En français mélique , de la famille des graminées.
- En anglais fescue. C'est proprement la touche que le maître d'école tient
à la main , pour montrer les lettres aux enfants qui épèlent.
3 Ce surnom ne se donne qu'à une espèce de ce genre , qui est la hriza era-
grostis.
4 Ou petits épis. Ce sont les petits assemblages de fleurs , ou les dernières
Subdivisions du panicule,
R. VIT. lO
'l[\-2. LETTRES ÉLÉM KIV T A 1 RES
troisième est celle qui est cultivée dans les jardins. Dans celle-
ci les fleurs croissent en gi'appe plutôt qu'en panicule.
Les herbes des prairies sont nombreuses. Il n'y en a pas
moins de 33 espèces, dont Linnée a fait la nomenclature. La
na' eii répand plusieurs, d'une main libérale, sur le sein de
la VoM '. Ce sont peut-être les meilleures de toutes les herbes
qui croissent dans les pâturages. Elles multiplient beaucoup ;
leur qualité est excellente , soit lorsqu'elles sont vertes, ou lors-
qu'elles sont desséchées. Leur verdure est très-fraîche et très-
agréable. Mais nous ne sommes pas des agriculteurs, ma chère
cousine; nous ne nous attachons ici qu'à la botanique.
Il y a quatre espèces de poa fort communes dans la plupart
des prairies ' , je les distinguerai par les noms de grande, de
moyenne, de celle à feuilles étroites, et d'annuelle. Elles fleu-
rissent toutes daiis un pauicule lâche et branchu. Les tiges de
la première espèce sont en général droites et jettent des branches.
Les feuilles sont émoussées à l'extrémité, et la membrane du
fond est courte et aussi émoussée. Les épis sont ovales et portés
sur de courtes tiges ; les fleurs , qui croissent les unes près des
autres, sont ordinairement au nombre de cinq. Chaque partie
de cette plante est unie. La seconde espèce est distinguée par
es feuilles qui sont plus aiguës à leur extrémité, et qui ont la
membrane du fond longue et pointue. Les épis consistent en
deux ou trois fleurs. Rarement ils sont composés de quatre.
Toutes les parties de la plante sont rudes. La troisième a les
tiges plus droites; les feuilles sont aiguës et un peu rudes, mais
unies dans l'endroit où elles engaînent la tige. Le panicule est
plus droit que dans les autres. Les épis sont portés sur des tiges
plus longues, et sont composés, ou d'une seule fleur, ou suc-
cessivement elles en ont jusqu'à six , qui sont garnies de poilsl
à leur base. Ces trois espèces durent toute Tannée. La quatrièmej
est annuelle et plus petite que les autres. Elle est très-généra-j
lement répandue, et on la trouve en fleur la plus grande partie
de l'année. Elle a un panicule très-étendu et fort lâche, qui croîtl
tout d'un côté^, les branches les plus basses sortant souvent!
' Poa, en français paturin, plante de la famille des graminées.
* C'est ce que Linnée appelle ^««/cw^a secunda.
SUR LA BOTAIViQUJ;. 24^
vn couple. Les épis produisent trois ou quatre Heurs. La ti^e
est oblique et aplatie.
Je dois vous donner lui avis pour vous précautionner quand
vous examinerez ces sortes de plantes et les autres herbes qui
ont un panicule; c'est que vous les preniez lorsqu'elles ont at-
teint leur entière maturité, c'est-à-dire lorsque le panicule est
totalement développé, et que les îlciirs montrent leurs étamines.
Car, dans diverses périodes de leur existence, ces plantes pren-
nent des apparences si variées qu'elles ont trompé môme les
plus savants botanistes , qui d'une seule espèce en ont formé plu-
sieurs. Pour avoir l'histoire complète d'une plante , il faut l'exa-
miner chaque jOTir, pendant tout le temps de sa croissance. Quel
ouvrage immense formerait l'histoire de dix mille plantes ! Mais
le livre de la nature est inépuisable.
Le ^enve fextuca , quoique moins nombreux que le dernier,
contient toutefois dix-neuf espèces. hvLfestucn des troupeaux est
une herbe bien connue, qu'on trouve toujours dans les pâturages
secs et dans les communes. Elle a un panicule serré, qui croît
d'uncôté;lesépis ont depuis trois jusqu'à six fleurs; les valvules
des flcui^s sont fort aiguës. Le tuyau est plutôt carré que rond,
presque nu, et les feuilles sont garnies de soies dures \
Une AUtre/estnca ', fort différente de la première, croît dans
les lieux humides , les étangs et les fossés. Elle a un panicule lâ-
che, d'une longueur considérable, un peu branchu, croissant
d'un côté. Les branches du panicule sont quelquefois simples, et
quelquefois doubles. Les épis sont ronds, linéaires, presque
d'un pouce de longueur, et collés à la tige. Ils varient dans le
nombre des fleurs , depuis neuf jusqu'à douze. Les feuilles iiesont
pas rondes, comme celles de la dernière espèce, mais aplaties.
Le tuyau est fortlong, tombant, branchu et aplati. Les semences
étant grosses, et d'un goût assez doux, on les recueille pour les
servir sur table , en Pologne et dans quelques autres pays. On
leur donne alors le nom de Manne.
C(;tte dernière plante nous offre un autre exemple deschange-
1 Fort étroites comme celles des joues.
' En français fétiique flottante. Elle est de la famille des graminées. Ou la
trouve sur les bords des ruisseaux et dans les fossés aquatiques.
i6.
244 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
ments que lesol et ia situation produisent dans les plantes. D'une
espèce, on en a fait trois, jusqu'à ce que l'expérience ait fait
découvrir la vérité, et nous ait appris que les semences de la
festuca Jluitans, semées dans un terrain sec, produisent la pre-
mière année, \a festuca en épi, et la seconde, la festuca des
prairies. Bien plus, la q^vânàe festuca , quatrième espèce, a tant
de marques communes avec la dernière, qu'il y a lieu de douter
si elle n'est pas autre chose qu'une simple variété.
Les herbes à balai tiennent de très-près au genre Aes festuca.
Cependant on les distingue en ce qu'elles sont toutes baibues ,
et que la barbe sort du dos, ou du bas de l'épi des fleurs; au
lieu que les festuca sont souvent sans barbe : quand les fleurs
en ont une, ce n'est qu'un prolongement du tuvau.
Il nV a point d'herbe plus commune dans plusieurs pâturages,
que Y herbe à balai des champs. Elle a un panicule lâche, et
qui n'est point branchu. Les épis sont ovales , les fleurs obtuses,
et les barbes droites. C'est une plante annuelle. Elle varie si
fort, qu'on lui a donné le nom à& polymorphus ^ ou à plusieurs
formes. Les deux principales variétés ' sont : i" Celle qui a un
duvet léger sur tout le panicule, les feuilles et les tiges avec
des épis plus grands et plus pesants. 2° Celle qui est unie par-
tout, avec les épis plus minces, et qui ne pendent pas autant,
mais sont plutôt droits. Entre celles-ci il y a deux autres va-
riétés : 1° celle qui a des feuilles garnies de duvet, et le pani-
cule presque uni ; 2° celle qui a les feuilles inférieures seulement
garnies de duvet , et le panicule tout-à-fait uni. Les autres chaî-
nons qui réunissent ces espèces, peuvent être aisément remar-
qués par ceux qui s'attachent à la recherche des variétés.
Il y a trois grandes espèces de ce genre qu'on trouve dans
les bois, les haies, et rarement dans les pâturages. Elles ont de
grands panicules branchus et mobiles. L'herbe à balai ou bro-
mus stérilis, n'est pas fort grande; mais le bromus géant et le
bromus des bois ont trois pieds de hauteur. Leur hauteur, jointe
au caractère et à l'apparence du genre , les distingue si bien que
^Bromus mollis et secalinus , en français brome seglin, plante de la famille
des graminées , commune sur le bord des chemins , sur les murs. M. Hudson,
après Scopoli, a fort judiriensement réduit ces deux espèces à nue, sous le titre
àe poliformus.
SUR LA BOTANIQUE. '^4^
VOUS ne pourrez guère vous y méprendre quand vous les ren-
contrerez.
Vous aurez une idée des herbes du genre des avoines, en exa-
minant la plante qui produit la graine à laquelle on donne par-
ticulièrement ce nom. Comme elle a trois parties de la fructi-
fication , plus grandes qu'elles ne le sont dans les autres herbes
des champs, cela vous donnera un grand avantage pour les
distinguer. L'avoine barbue , appelée ordinairement avoine sau-
vage, est aussi très-bien connue comme une herbe dangereuse
parmi les blés. L'avoine jaune est commune dans les prairies et
les pâturages. C'est ime jolie plante; vous la découvrirez aisé-
ment par la beauté et la couleur jaune de son panicule. Voici
les caractères des espèces qu'on vient de citer :
I. Deux fleurs dans un calice, les semences unies, et une
d'elles barbue : avoine cultivée.
IL Trois fleurs dans im calice, garnies de poils à la base, et
toutes barbues : avoine sauvage.
IIL Panicule lâche ; trois fleurs dans un calice court, et toutes
barbues : avoine jaune.
La laine dont les fleurs sont garnies dans le roseau , vous fera
distinguer ce genre aussitôt que le panicule est développé. C'est
une herbe des prés, quoiqu'on ne la mette pas ordinairement
dans ce genre, parce qu'elle ne sert pas aux mêmes usages. Ce-
pendant cela ne fait pas une différence pour nous, qui ne con-
sidérons pas l'usage qu'on fait des plantes, mais leur structure.
Si les agriculteurs n'admettent pas le roseau au nombre des
herbes des prés, ils rangent dans cette classe plusieurs herbes
que nous en excluons, telles que le trèfle, la luzerne, le sain-
foin, etc. La raison est qu'ils considèrent les herbes des prés
comme des plantes propres à nourrir les bestiaux, au lieu que
les naturalistes les définissent comme ayant en général trois éta-
mines et deux pistils, avec une tige creuse, noueuse et sans
branches, et des feuilles linéaires simples.
Quoique vous connaissiez fort bien le roseau ' , c'est peut-être
seulement pour l'avoir vu balancer ses grands panicules sur l'eau,
ou par l'usage qu'en fait votre jardinier, lorsqu'il en taille de
' Roseau des marais.
ll\Ç) ' LETTRES ÉLÉMENTAIRES
longues perches pour en faire des haies, et garantir les jeunes
plantes. Vous ne le connaissez point vraisemblablement d'après
les parties qui servent à la fructification. Vous ne serez donc pas
fiîchée d'apprendre qu'on les distingue des autres espèces, qui
sont au nombre de six, par son panicule lâche, et par ses fleurs,
qui sont au nombre de cinq, et croissent ensemble.
Vous voilà maintenant arrivée à la dernière division du blé
et des herbes des prés , qui renferment les plantes dont la fruc-
tification est toujours dans un épi proprement dit.
Le «eigle a deux fleurs renfermées dans le même calice.
Le froment a plusieurs fleurs dans un calice.
L'orge a une enveloppe à six feuilles, qui contient trois fleurs
lesquelles sont simples.
-L'ivroie a une enveloppe d'une seule feuille, qui ne contient
qu'une fleur composée.
La cynosure en crête ' a une enveloppe latérale et une fleiu
composée.
Dans le seigle la valvule extérieure de la corolle se termine
par une longue barbe. Les fleurs sont sessiles, et il y on a sou-
vent une troisième entre celles-ci, qui est plus petite, et a un
pédicule. Les filets pendent hors de la fleur. IVotre espèce cul-
tivée est connue par les poils rudes qui sont sur la valvule de la
corolle.
Dans l'orge aussi la valvule extérieure de la corolle se ter-
mine par une longue barbe. Les fleurs sont sessiles. Les filets,
étant beaucoup plus courts que la coroUe , ne pendent point en
dehors. C'est pourquoi l'orge n'est point exposée à recevoir du
dommage de la pluie , ainsi que le seigle et le froment.
Il y a quatre sortes d'orge :
I. L'orge connnune , distinguée par ses deux rangs de barbes
droites, toutes les fleurs étant parfaites et barbues.
IL L'orge à longues oreilles % ayant les grains rangés régu-
lièrement dans un long et double rang, très-serrés l'un contre
l'autre, avec des fleurs sur les côtés, sans pistil ni barbe. Ces
deux espèces ont la valvule de la corolle fort mince.
' Cjnosiinis cristatus , genre de la famille des graminées.
' Orge distique.
SUR LA BOT, V INI QUE. ll\':
III. La giaude orge avec des épis plus coujts el plus laitues,
des barbes plus longues , les grains placés plus près à près , et
la paille plus courte et plus rude. Cette espèce a aussi des fleurs
imparfaites sur les côtés des épis.
IV. L'orge d'hiver ou carrée, distinguée deo autres par six
rangées de grains parfaitement égales , tous fournis d'épis , et
j;)arfaits. Le grain de celui-ci est large.
Outre ces espèces de blé, le genre contient plusieurs sortes
d'herbes. Uorge de muraille est fort commune sur les côtés des
chemins et sous les murailles. Uorge després lui ressemble beau-
coup; seulement sa tige est plus longue, et son épi plus court.
On la trouve dans les pâturages humides. Le nom qu'on donne
ordinairement à cette dernière est celui d'herbe de seigle , et
vraiment elle ressemble plus au seigle qu'à l'orge. J'ai vu celle-
ci seule cultivée ; mais l'espèce qu'on sème le plus ordinairement
et qu'on nomme hcrhe à seigle , est différente, et je vais tout
à l'heure vous la décrire.
Ces deux espèces , quoique en apparence les mêmes , et re-
gardées par plusieurs comme des variétés , sont cependant très-
aisées à distinguer. Uorge des murailles a les fleius latérales
imparfaites, garnies de barbe, et les enveloppes intermédiaires
garnies de cils; au lieu que l'orge des prairies aies même fleurs
sans barbe, et les enveloppes fort étroites, et rudes comme des
soies de sanglier.
Dans le froment, la valvule extérieure de la corolle est quel-
quefois garnie de barbe, mais non pas toujours. Il y a en géné-
ral trois ou quatre fleurs dans le même calice, et celle du milieu
est souvent imparfaite. Les filets pendent en dehors , mais non
pas autant que dans le seigle.
I. Le froment commun a quatre fleurs dans un calice; les val-
vules de la corolle sont unies, enflées, creusées en forme degou-
tière. Quelquefois il a des barbes courtes ,niais plus souvent il
n'en a pas. Cette circonstance et la diversité de couleurs font
que les cultivateurs en distinguent plusieurs variétés, mais qui
ne sont pas de notre ressort.
IL Le froment d'été ou de printemps a aussi quatre fleurs en-
semble, et ressemble au précédent par les autres caractères,
excepté qu'il est toujours barbu.
248 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
III. Le froment gris ' a la valvule de la corolle garnie de poils,
enflée , creusée en gouttière , obtuse , contenant quatre fleurs.
Les épis sont grands, pesants et mobiles. Les barbes sont fort
longues , et tombent quand le grain est parvenu à sa maturité.
La valvule de la corolle , étant toute garnie de poils , donne à
l'épi une apparence grise.
IV. Le froment conique "^ a la valvule de la corolle garnie de
poils, enflée, creusée en gouttière. L'épi a une forme pyrami-
dale , se terminant en une pointe déliée. ; les barbes sont longues
et rudes.
V. Le froment de Pologne n'a que deux fleurs dans chaque
calice, qui sont nus, et ont des barbes fort longues. Les dents
de rachis, ou réceptacle de l'épi, sont barbues; les épis sont
longs et pesants.
VI. L'épeautre a quatre fleurs ; mais il n'y en a que deux qui
produisent du grain. Les fleiu's extérieures sont imparfaites,
comme les inférieures le sont dans chaque épi. La valvule inté-
rieure des fleurs parfaites a une barbe d'un pouce de long en-
viron ; les fleurs sont plus coniques , et le grain est plus petit
que dans le froment. La valvule aussi est adhérente.
Il y a peu déplantes aussi généralement répandues que l'est le
chien-dent , que les agriculteurs détestent si fort. Ils lui donnent
un nom qui signifiait autrefois -vivace ; cette plante mérite bien
ce nom, car ses racines se propagent d'une manière prodigieuse;
et semblable à l'hidre que combattit Hercule , plus vous la coupez
et plus vite elle repousse. On la distingue de plusieus espèces
de blé , par la petitesse de l'épi et du grain , et aussi en ce
qu'elle est permanente , au iieu que toutes les espèces de blé sont
annuelles. Un caractère qui empêche de la confondre avec les
autres herbes comprises dans cette classe, c'est qu'elle a plu-
sieurs fleurs, en général près de cinq pour un calice , et ces fleurs
n'ont point de barbe, mais se terminent par un épi fort aigu. Il
y en a une autre espèce quia environ quatre fleurs dans un ca-
lice et qui est barbue. Celle-ci croît dans les bois et le long des
haies.
' Appelé aussi froment de foulon.
3 Linuée u'en a pas parlé.
SUR LA BOTANIQUE. 'il\C)
Avant de quitter ce genre , je dois faire observer comme une
singiilai'té, qu'on ne sait point avec certitude de quel pays
on nous a apporté , dans l'origine , les diverses espèces de blé ,
ou s'il y a quelque contrée actuellement qui en produise de sau-
vage. Les uns disent que le froment est originaire d'Afrique.
D'autres affirment, avec plus de vraisemblance, qu'on l'a trans-
porté d'Europe dans le Levant. Linnée dit, d'une manière po-
sitive , que le seigle croît naturellement dans l'île de Crète ' , et
que le froment de printemps , avec l'orge à deux rangs ( hor-
deum distichon ) , viennent aussi d'eux-mêmes dans la Tartarie;
mais j'ignoresur quelle autorité il se fonde. Un voyageur moderne
a aussi trouvé l'orge et l'avoine croissant en Sicile parmi les buis-
sons, comme l'herbe des champs. Mais il n'ose pas décider si,
dans l'origine, ces plantes venaient ainsi naturellement, comme
des herbes sauvages , ou si elles tiraient leur origine de celles
qu'on cultive dans les champs labourés ".
L'ivroie [lolium) forme une exception au caractère général ,
car elle n'a qu'une feuille à son calice. La raison en est , que
les épilets (^spiculce ) sont sessiles et dans le même plan que le
tuyau, qui, par cette position, peut faire l'office de la feuille
qui manque au calice, et protéger la semence. Cette seule feuille
contient plusieurs fleurs. Des deux espèces communes de ce
genre, l'une est permanente % et l'autre annuelle. On trouve
ordinairement la première dans les prairies, les pâturages, et
1 On dit qu'on en trouve de sauvage en Sibérie.
2 Voyage en Sicile, etc. Lausanne 1773. Diodore de Sicile affirme, d'après
le témoignage de plusieurs personnes, ainsi que Pline , que le blé croissait de
lui-même dans les champs de Leontia et dans plusieurs autres parties de la Si-
cile , mais ce fut seulement pendant le règne de Cérès. Aristote dit aussi ( de
Mirabil. Auscult. ) qu'il y a im froment sauvage dans le voisinage du mont
Etna. Ce passage de l'Odissée d'Homère est bien connu :
« La terre , sans être cidtivée , produit de riches moissons. Le froment et
« l'orge couvrent les champs de leurs épis dorés. »
Berose dit que le froment , l'orge , la vesce , le sésame , etc. , sont des plante»
sauvages dans le pays de Babylone, entre le Tigre et l'Euphrate.
3 C'est une espèce qui a long-temps été cultivée en Angleterre , sous le nom
Ôl herbe de seigle friegrassj, qui est une corruption du mot ray-grass , dérivé
du mot français ivraie , nom qu'on donne à la seconde espèce , à cause de son
action sur les nerfs , qui ressemble aux symptômes de l'ivresse. C'est ce qui fait
qu'on la regarde comme une herbe dangereuse parmi le froment.
l5o LETTRES JÉLÉMENT A 1RES
sur les boids des chemins. Les marques distinctives de l'es-
pèce sont que, dans la première, les épilets sont plus longs que
le calice, et les fleurs sans barbe; au lieu que, dans la seconde,
qui est une herbe qui croît parnod les blés, les épilets sont seu-
lement d'une longueur égale au calice, et les fleurs ont des
barbes courtes. Quelquefois cependant il arrive que les fleurs
de l'espèce permanente ont de petites barbes , et que celles de
l'espèce annuelle n'en ont pas ; mais vous pouvez toujours les
connaître, non-seulement par leur durée et la place où elles
croissent, mais encore parce que la seconde espèce est plus
grande à tons égards. La tige est plus haute et l'épi est plus
long. Les épilets sont aussi plus éloignés , de façon qu'ils ne se
touchent pas l'un l'autre, comme ils le font dans la première.
La cynosure ' , ou queue de chien , a été la dernière dont on
a l'ait mention dans cette di^ision. Le caractère du genre est
pris d'une feuille latérale qui est à chaque calice, que Linnée
appelle le réceptacle , l'enveloppe ou bractea. Cela donne à l'épi
une apparence qui fait aisément distinguer la plante de toutes
les autres. Il y en a une espèce d'une forme très-élégante ' qu'on
trouve en abondance dans les parcs et dans les communes. On
en voit aussi dans les autres pâturages. Elle a son réceptacle
dentelé , comme un peigne. La corolle ne s'ouvre pas, mais en-
veloppe de près la semence, qui, pour cette raison , ne tombe
pas. Les épilets ont depuis trois jusqu'à cinq fleurs. Elles sont
toutes tournées du même côté, et ne sont point près du ré-
ceptacle ou de la tige commune de l'épi. Un pédicule suppoite
quelquefois deux ou trois de ces épilets. La tige est fort droite
et déliée; les feuilles sont étroites et unies.
Il y a encore quelques herbes des champs qui ne s'accoident
pas avec le système artificiel, et que , pour cette raison, on ne
trouve point dans la troisième classe de Linnée. Mais comme
nous ne sommes pas obligés de le suivre servilement, nous
suivrons plutôt la nature , qui est un meilleur guide.
Il y a une hei'be qui fleurit plutôt que toutes les autres , et
que, pour cette raison, on nomme herbe du printemps. Lin-
' Genre de la famille des grairiiuées.
3 Queue de cbicu à crête.
1
SUR LA I30TAI^*IQL!E. 23 S
jicc l'a noiDiiiée anthoxanthum ' , de; la couleui" jaune dé soa
épi. (^e caractère vous servira à présont peur faire une première
connaissance avec cette plante , jusqu'à ce que vous ayez l'occa-
sion, au printemps prochain, d'examiner les fleurs plus en détail,
fille a obtenu l'épithète à' odoriférante , à cavise de la douce
odeur qu'elle communique au foin. Ce genre est seul dans le
second ordre de la seconde classe. Chaque calice ne soutien c
qu'une fleur; chaque valvule de la corolle a une barbe , l'une
courbée, et qui part de la basse, l'autre qui vient presque du
sommet. Les deux filets sont fort longs, et les deux styles sont
eu forme de fil. La valvule de la corolle est adhérente à la se-
mence. Il y a trois espèces dans ce genre. La nôtre est distin-
guée par l'épi, qui est d'une forme oblongue. Les fleurs crois-
sent sur des pédicules courts, et sont plus longues que let,
barbes.
Il y a encore une autre espèce d'herbe des champs , appelée
cinna, et qui est dans le second ordre de la première classe.
Mais dans le piemier ordre de la vingt - troisième classe,
il y a plusieurs genres, dont la houque molle des champs est
vraisemblablement celle que vous aurez le plus d'occasion
d'observer. Celle-ci, et toutes les autres, ont des fleurs impar-
faites plus petites, parmi les fleurs parfaites, circonstance qui
les range dans cette classe. Elles ont toutes une double valvule
pour calice et pour corolle , trois étamines , deux pistils et une
semence. Elles joignent à ces caractères tout le port et toute
la ressemblance des plantes que nous venons d'observer, ce
qui les met évidemment au nombre des herbes des prés. La
liou(|ue diffère des plantes ses voisines , en ce qu'elle a deux
(leurs renfermées dans un calice qui est sans barbe, au lieu que
la valvule extérieure de la corolle en général est barbue. Les
fleurs imparfaites n'ont, ni corolle, ni pistil, ni semence; elles
ont seulement trois étamines, avec la double valvule du calice.
Les deux espèces sauvages communes sont ainsi distinguées ; la
houque molle des prés a des valvules garnies de poils ; les
(leurs parfaites sont sans barbe ; les fleurs imparfaites ont une
' Eu français flouve odorante. C'est encore un genre de la famille des gra-
minées.
232 LETTRES ELEMENTAIRES
barbe recourbée. La houque laineuse rampante a des valvules
assez unies; les fleurs parfaites sont sans barbe ; mais les fleurs
imparfaites ont une barbe coupée par jointures. Ces deux plan-
tes se ressemblent beaucoup; mais le calice est plus aigu dans
celle-ci que dans la précédente , et même que dans aucune autre
de cette espèce. La première croît dans des pâturages ; la se-
conde dans des champs de blé et dans des haies.
Puisqu'il est assez ordinaire de trouver des fleurs incom-
plettes ou imparfaites parmi celles qui sont parfaites , dans
beaucoup d'herbe des champs , que Linnée range dans sa troi-
sième classe , vous me demanderez peut-être pourquoi il ne
les a pas mises aussi dans la vingt-troisième, ou bien ren-
fermées toutes ensemble dans la ti'oisième. Je ne puis faire à
cette question une meilleure réponse que de dire qu'il ne pa-
raît pas que les fleurs imparfaites soient aussi constantes et aussi
régulières dans une espèce que dans l'autre , ou que peut-être
on ne les trouve que dans une espèce du genre.
Nous avons maintenant parcouru toutes les herbes des
champs. Il y a plusieurs autres plantes qui touchent de près
à celles-ci, comme le choin ou jonc des marais, le cyperus ou
souchet, le scirpus ou gros jonc; ces trois genres sont fort
nombreux. On peut y ajouter la plante nommée eriophorum ou
herbe à coton, qu'on rangera dans le premier ordre de la troi-
sième classe; la queue de chat, et tous les glaïeuls , ou herbes
des marais , qui sont dans le troisième ordre de la vingt-unième.
Ces plantes ressemblent beaucoup aux herbes des prés par leur
manière de croître , leurs feuilles et toute leur apparence. Elles
ont aussi trois étamines; mais la tige est remplie d'une sub-
stance spongieuse , et la fleur est dénuée de pétales. Enfin les
joncs et quelques autres en petit nombre, dans le premier
ordre de la sixième classe, ont un calice à six feuilles, une co-
rolle à six pétales, ou n'en ont pas; six étamines, et les se-
mences l'enfermées dans une capsule triangulaire.
Je ne vous ai pas encore dit que la canne à sucre est une
plante renfei'mée dans la première division des herbes des prés,
à quoi peut-être vous ne vous attendiez point; mais si vous
n'êtes pas lasse de me lire, je suis las de tenir la plume, ainsi,
ma chère cousine, adieu jusqu'à la prochaine fois.
1
SUR LA BOTAMQTJE. 253
LETTRE IV.
i^"" juillet, 1774.
Vous ne devez pas supposer que, parce que ma tlernière lettre
a été entièrement employée à décrire les herbes des prés , la
troisième classe du système botanique ne contient point d'autres
plantes. Dans le fait il n'y a pas moins de soixante-seize genres,
et six cent dix-huit espèces, dans les trois ordres de cette
classe, pris ensemble. Vous voyez cependant que, quoiqu'elle
ne soit pas seulement composée des herbes des prés, c'est le
genre qui s'y trouve le plus en abondance.
Il y a des genres d'une grande beauté dans le premier ordre
de cette classe , particulièrement Yixia, l'iris et le lis. Ces plan-
tes, ainsi que le safran, le glaïeul, l'antolyza, et quelques
autres qu'on ne trouve pas aisément , s'accordent ensemble en
ce qu'elles ont une gaîne au lieu de calice, une corolle de six
pétales , ou au moins taillée en six parties. Elles ont en général
trois stigmates, ou un qui est divisé en trois parties, et une
capsule triangulaire à trois valvules et à trois loges , pour ren-
fermer les semences : on observe aussi qu'elles ont des feuilles
longues et étroites , qui ressemblent un peu à celles des herbes
des prés. Linnée les appelle cnsif ormes , ou en forme d'épée ' .
Ces plantes se rapprocTient beaucoup de la famille des liliacées,
et pour cette raison , elles ont été rangées dans cette famille
par le plus grand nombre des auteurs qui visent à former un
arrangement naturel.
Prenez quelque espèce d'iris que vous voudrez , soit le bleu
ou le blanc, que vous avez en si grande abondance sur les bords
de vos plantaticms, ou bien le jaune, très-commun dans les
endroits humides. Premièrement, vous observerez que, soit
' C'est pour cela qtie , dans ses ordres naturels , il les a mises ensemble , en
V en ajoutant quelques autres sous le titre de ensatœ.
-J!54 LETTRES ÉLÉMENTAIRES,
que les fleurs se trouvent ouvertes ou fermées , chacune d'elles
a sa gaine qui la sépare des autres. La corolle premièrement
semble être composée de six pétales ; mais vous verrez bientôt
que les parties sont toutes unies îi la base. Les trois qui sont les
plus extérieures sont courbées en en-bas, et pour cette raison
on les appelle tombantes ; des trois qui sont à l'intérieur, l'une
est droite, et a le nom d'étendard. Dans le centre de ces pé-
tales, il semble qu'il y en a trois autres; mais ce n'est que le
stigmate qui est divisé en trois parties. Sous chacune de ces
divisions, vous découvrirez une seule étamine cachée avec le
fdet courbé le long du stigmate, et terminée par une anthère
longue, large et aplatie. Il vous faudra chercher le germe
sous la fleur. C'est-là où vous le trouverez formant un corps
vert et oblong, qui, lorsque la fleur est flétrie et tombée, de-
vient, dans plusieurs espèces, une capsule à trois loges, qui
s'ouvre par trois valvules, et qui a les semences rangées en
trois cellules. Nous n'avons pas encore remarqué une rangée
de petits corps qui forment ime ligne garnie de poils sur le
milieu des pétales courbés; mais vous vous apercevez que ce
caractère n'est pas commun à toute l'espèce , votre iris bleu
amsi que le blanc l'ayant , mais non pas l'iris jaune. Il ne peut
donc pas servir à caractériser le genre. Cependant il peut servir
à le subdiviser ou à fournir un caractère spécifique. Quand
vous aurez achevé d'observer les parties de la fructification ;
vous l'emarquerez que les feuilles sont fort étroites , en pro-
portion de leur longueur, et que ce n'est pas à tort qu'on les
a nommées ensif ormes ^ d'après la ressemblance qu'elles ont
avec une épée. Si vous pouvez vous résoudre à arracher de la
terre une de ces belles plantes, vous verrez que les racines ne
sont pas fibreuses, mais oblongues et charnues. J'imagine ce-
pendant que vous vous en rapporterez à ce que je dis, jusqu'à
l'automne prochain , quand votre jardinier en arrachera quel-
ques-unes, ou du moins découvrira leurs racines, en creusant
les bords de la plantation.
Vous pouvez distinguer l'iris bleu ou d'Allemagne, le blanc
ou celui de Florence, et le jaune ou l'iris des marais, par les
caractères suivants. Les deux premiers ont la corolle barbue;
le premier et le troisième ont plusieurs fleurs sur la tige. Le
SUR LA lîOTAMQUK. '203
second n'a qu'une ou deux fleurs, et les pédicules ne sont pas
si longs que dans le premier. ï,e troisième a les corolles sans
barbe, et les pétales intérieurs plus petits que les divisions du
stigmate '. Mais pourquoi tout ce détail, direz-vous, puisque
nous les connaissons par leurs couleurs, le bleu, le blanc et le
jaune? Ne vous fiez pas trop à la couleur, ma chère cousine.
Quoi! si un iris se présentait à vous avec des fleurs bleues,
mais n'en ayant qu'une ou deux sur la tige , ou n'ayant point
de barbe , ou bien si la tige qui porte la fleur était plus courte
que les feuilles , tous ces divers iris vous paraîtraient- ils de la
même espèce, uniquement parce que la corolle serait bleue?
Non, sûrement ; nous faisons plus d'attention à ces circonstances
qu'à la couleur, non parce que nous les estimons davantage ,
mais parce qu'elles sont plus certaines et plus permanentes.
L'iris de Chalcédoine a des tiges de deux pieds et demi de
haut, qui soutiennent une fort grande fleur. Les trois étendards
sont fort larges et minces, avec des raies noires et blanches.
Les trois pétales tombants sont d'une couleur plus sombre.
C'est une des espèces qui a de la barbe.
Parmi ces jolies plantes, n'oublions pas l'humble iris de Perse ,
qui s'élève rarement à trois pouces du terrain, mais dont les
couleurs sont fort belles , et qui a un parfum très-agréable.
Cette plante fleurit lorsque les autres n'osent pas encore se fier
à un ciel incertain dont elles redoutent les inclémences. Une
ou deux fleurs sortent ensemble. Les étendards sont d'un bleu
céleste pâle. Les pétales tombants sont de la même couleur à
l'extérieur, mais la lèvre a une raie jaune qui la traverse par le
milieu ; et , de chaque côté , il y a plusieurs taches sombres , avec
une grande tache au fond, de couleur de poui-pre, très-foncée.
Elles n'ont point de barbe. Les feuilles sont creusées comme
la quille d'un bateau, et ont environ six pouces de longueur.
Vous aurez plaisir à prendre soin de ce petit nain, lorsque
vous ne trouverez plus , pour vous amuser , sur votre chemin ,
que des safrans et des snoerdrops ^.
' Toutes les trois espèces sont distinguées des antres par la tige de la fleur
tjui est plus élevée que la poiute des feuilles.
2 II faut entendre par là la perce-ucige fleiicoitiiu a'^rnnm J, ou le "alant
d'hiver f galanthus n-walix J .
256 • LETTRES ÉLÉMEKT^IHES
Je vous ai envoyé ce petit bouquet de jolies fleurs, pour
vous dédommager de tout le foin et de toute la paille dont je
vous ai fatiguée dans ma dernière lettre.
LETTRE V.
8 juillet 1774.
Sachant bien, ma chère cousine, que le bouquet que je vous
ni envoyé dans ma dernière lettre était trop petit pour vous
occuper long-temps , je me suis hâté de vous envoyer la qua-
trième classe, qui est plus nombreuse que la troisième en genres,
puisqu'elle en contient quatre-vingt-cinq; mais elle n'a pas ,
à beaucoup près, autant d'espèces , n'en ayant pas plus de trois
cent quatre-vingt-dix.
Vous trouverez , dans cette classe , quelques exemples de
fleurs agrégées , dont je vous ai expliqué ci - devant la na-
ture en général. Mais vous la connaîtrez à fond, j'en suis sûr,
quand vous aurez considéré la structure du chardon et de la
scabieuse. Ces plantes-ci, et toutes les autres de cet ordre natu-
rel, ont des corolles monopétales auxquelles succède une se-
mence qui est au-dessous. Un certain nombre de ces corolles est
renfermé dans un calice commun , comme dans les fleuis com-
posées , dont elles diffèrent en ce qu'elles ont quatre étamines
tout-à-fait distinctes , avec un calice propre à chaque petite
fleur. Cependant on pourrait aisément les confondre avec des
fleurs composées , si on ne faisait attention qu'à leur forme et
leur apparence générale.
Les deux genres du chardon et de la scabieuse s'accordent
en ce qu'ils ont le calice commun polyphylle ou formé de plu-
sieurs feuilles. Le premier a des valvules entre les fleurs sur
le réceptacle , ou sur la base qui leur est commune à toutes ;
leur forme est conique. Le second a ces valvules dans quelques
espèces, mais en d'autres , le réceptacle est nu ; la forme en est
convexe. Elle est remarquable , en ce qu'il y a un doube calice
SUR LA BOTANIQUE. 237
pour chaque petite fleur, outre celui qui leur est commun à
toutes. Les feuilles du calice sout fort lougues dans le char-
don , et forment plusieurs rangées dans la scabieuse.
Telles sont les principales distinctions qui concernent les
genres. Le chardon commun est distingué de ses congénères
par ses feuilles sessiles, qui sont garnies.de dents sur les bords.
La tête conique du chardon est garnie de barbes dures, qui,
dans l'espèce sauvage' , sont droites , mais courbées^ dans l'es-
pèce cultivée. Cette différence ne paraît pas assez considérable
à Linnée pour en faire deux espèces distinctes. Haller , Jac-
quin et quelques autres sont d'une opinion différente ; aujour-
d'hui l'on convient généralement que le chardon cultivé forme
une espèce distincte du chardon sauvage.
Il n'v a pas moins de trente-quatre espèces de scabieuse. Le
genre se divise convenablement en celles qui ont les corolles
des petites fleius partagées en quatre , et celles qui les ont
partagées en cinq segments. Dans la première classe , il y a qua-
torze espèces, et dans la seconde, vingt. De nos trois espèces
sauvages , il y en a deux dans la première division , et une dans
la dernière. La scabieuse commune des champs est une plante
grande et élevée; la tige est garnie de poils; les feuilles infé-
rieures sont quelquefois presque entières ; quelquefois, aussi-
bien que les feuilles qui sont sur la tige, elles sont pinnatifides.
Les fleurs extérieures sont plus grandes , et ont la corolle taillée
plus profondément que celle du milieu ; les segments extérieurs
sont aussi les plus grands. Ils sont d'une couleur pourpre pâle.
L'autre espèce, avec des corolles qviadrifides, est appelée
inors du diable, parce qu'elle a vme racine courte et cernée,
dont le bout semble comme rongé. Les tiges de celle-ci ne sout
pas si hautes , et ne sont pas branchues comme dans la pre-
mière. En général elles poussent deux petits pédicules à la
jointure supérieure, lesquels sont opposés l'un à l'autre; et
terminés chacun par une petite fleur bleue , comme la princi-
pale tige l'est par une plus grande. Les petites fleurs ne sont
pas irrégulières comme dans la précédente. Les feuilles sont
simples et entières ( excepté quelques - imes du milieu de la
' Dipsacus sjlvestris. En français cardère velue.
' Dipsacus fullonum. Chardon à foulon.
R. VIT. 17
5?58 LETTRES ELEMENTAIRES
tige, qui ont un petit nombre de dents ) , oblongues et finissant
en pointe à chaque extrémité. Cette espèce croît dans les pâ-
turages et dans les bois. Elle fleurit plus tard que la première,
qui est fort commune dans les champs de blé , et se trouve
aussi en assez grande quantité dans les prairies.
La petite scabieuse, outre qu'elle a des corolles quinquifides,
est distinguée des deux autres , en ce qu'elle a des feuilles qui
sont voisines de la terre, ovales, et entaillées sur les bords,
tandis que celles qui sont sur la tige sont pinnées; vers le bas,
les folioles sont plus larges; mais vers le sommet de la tige,
elles sont fort étroites. Il y en a environ huit paires , et le lobe
qui les termine est grand. La fleur agrégée vient d'abord,
comme une fleur simple, sur un long pédicule. Les petites fleurs
extérieures sont plus grandes et fort irrégulières, comme dans
la première espèce, et d'un bleu pâle. Cette plante est com-
mune dans les pâturages , particulièrement dans les endroits où
le terrain est crayeux.
Avant d'en être venue jusqu'en cet endroit de ma lettre,
je suis persuadé que vous vous êtes figuré déjà qu'une certaine
plante , qui a des fleurs d'une couleur de pourpre sombre , et
une odeur douce, assez forte, que votre jardinier sème tous
les ans sur les bords de votre enclos , est une plante de ce
genre. Ce n'est pas le nom qu'on lui donne de scabieuse douce ,
qui vous a portée à le penser ; ce ne sont pas les noms qui
vous en imposent , vous ne jugez que d'après une ressemblance
évidente dans la structure. Un examen attentif de la fleur vous
confirmera dans votre idée. Vous verrez qu'elle est du genre
de celles qui ont des corolles quinquifides. Leur réceptacle est
oblong; le calice commun consiste en douze foHoles linéaires,
de la longueur de la fleur agrégée , et courbée en arrière. Les
feuilles sont joliment taillées. La coulevir de la corolle varie,
étant quelquefois d'un pourpre sombre ou pâle , quelquefois .
rouge et bariolée. Souvent la fleur principale est entourée d'une
rangée de petites fleurs portées sur des pédicules très-minces ,
comme dans la marguerite des poules ; mais toutes ces variétés
ne viennent que de la semence. Quoique cette plante soit au-
jourd'hui très-commune dans ce pays , elle vient originaire-
ment de l'Inde.
SUR L/V BOTANIQUE. 2DC)
Cette classe comprend un ordre naturel de plantes , qu'on
nomme verticiilées, à cause de la manière dont les feuilles crois-
sent sur la tige. Elles viennent plusieurs ensemble, rangées
l'une au-dessous de l'autre , comme les rayons d'une étoile ,
comme on a coutume de les représenter. Je dois vous faire ob-
server que, quoique dans ce cas et dans plusieurs autres , une
classe ou un ordre prend son nom d'une circonstance frappante
que la plante offre dans sa structure , cependant il ne s'ensuit
pas qu'il faille chercher dans cette classe toutes les plantes dont
la structure est semblable à celles-ci, ou que ce soit la seule
et principale raison pour laquelle on les range dans cette classe.
Quand une plante s'offre à vous avec cette apparence géné-
rale , vous pouvez présumer raisonnablement qu'elle doit cire
mise dans tel ou tel ordre ; mais cette apparence extérieure
ne doit pas vous porter au-delà d'une simple conjecture. C'est
l'examen attentif des parties de la fructilication qui doit enfin
vous déterminer
Voici quelle est la structure des plantes verticiilées. Le ca-
lice est fort mince, partagé en quatre parties, et permanent.
La corolle est monopétale, partagée en quatre segments. Les
étamines sont au nombre de quatre. Le germe est double et
placé au-dessous de la fleur. Le style est bifide. Le fruit est
d'une forme globuleuse , et contient deux semences. La tige
est quadrangulaire.
Tous les genres de cet ordre se ressemblent si fort l'un à
l'autre, que quelques auteurs les ont réduits à un. 'L^i garance
a une corolle en forme de cloche , à laquelle succèdent deux
baies qui contiennent chacune une semence. La sherard des
champs , l'aspérule odorante ont des corolles en forme d'en-
tonnoir. La première a une petite couronne sur les semences;
la seconde les a en forme globuleuse , sans aucune couronne.
Le galium (caille-lait) a une corolle en forme de soucoupe,
et deux semences arrondies. Ce dernier genre a vingt-six es-
pèces, dont vingt ont le fruit uni; dans les six autres , le fruit
a des aspérités. Le nombre et la forme des feuilles , dans tous
les verticilles, donnent la principale distinction spécifique.
Le caille-lait des marais a quatre feuilles qui forment une
étoile vers le bas de la tige , et six plus étroites vers le haut. Le
17.
9.6o LETTRES ÉLÉMENTAIRES
caille-lait blanc a huit feuilles un peu entaillées sur les bords ,
de forme ovale , et se terminant en pointe ou en petit crochet.
Le caille - lait jaune a aussi huit feuilles; mais elles sont fort
étroites et sillonnées. Les tiges qui portent les fleui's sont fort
courtes , et les corolles sont jaunes. La première espèce croît
dans les prairies humides et sur le bord des rivières ; la se-
conde le long des haies , et dans les bruyères parmi les buis-
sons ; la troisième est fort commune dans les pâturages , sur les
sillons et aux bords des chemins. Ces trois espèces ont toutes
des semences imies. La valence grateron , connue sous le nom
à'herbe des oies , a , comme on le sait , des semences pleines d'as-
pérités et de pointes qui accrochent nos vêtements lorsque nous
passons près des haies. Les feuilles aussi sont rudes , en forme
de lance, et au nombre de huit. Les feuilles , dans toute cette es-
pèce et même dans tonte la famille, sont fort petites ; mais on
connaît ces plantes au premier coup-d'œil par leur appai'ence
extérieure.
Les plantains sont aussi du premier ordre de cette classe ,
qu'on nomme la têtrandrie. Il y en a un grand nombre; car on
en compte vingt-quatre espèces. Comme un grand nombre de
petites fleurs croissent ensemble dans une pointe ou tête ob-
longue , il faut que vous en mettiez une à part pour examiner
avec soin les parties de la fructification. Vous verrez alors que
chacune de ces petites fleurs a un calice et une corolle quadri-
fide , cette dernière ayant son boi'd recourbé. Les filets sont
remarquablement longs, et le vaisseau qui renferme les semen-
ces est une capsule à deux loges, qui s'ouvre horizontalement,
et placée au-dessus du réceptacle.
Le grand plantain et le plantain lancéolé vous sont vrai-
semblablement très- connus , la première espèce étant très-com-
mune sur les bords des chemins, et la seconde dans les pâtu-
rages. Le grand plantain est distingué par ses feuilles ovales ,
unies , et sa tige ronde ^ , nue , qui se termine par une longue
pointe de fleurs qui croissent fort près l'une de l'autre ^. Le
plantain moyen est une espèce très- voisine de celle-ci; mais
' Linnée appelle cette tige Scapus , qui signifie en latin le ftit d'une co-
lonne.
2 Taillée* en gouttière.
I
I
SUR LA BOTAiNlQLlE. 0^6 i
les feuilles sont plus longues, et garnies de poils blancs. L'épi
est cylindrique, mais plus court et plus épais que dans la pre-
mière. Le plantain lancéolé a des feuilles en forme de lance , et
un épi ovale, nu et court. Celle-ci et les autres espèces ont les
feuilles marquées en long avec des côtes ou nervures fort proé-
minentes.
En examinant de près ces plantes, qui vous sont déjà con-
nues, vous acquerrez une grande facilité pour connaître celles
qui vous sont étrangères ; car vous avez trop de bon sens pour
les, mépriser , parce qu'elles sont communes et qu'elles n'ont
pas de beauté. Bien persuadé de cela, je me suis attaché à
choisir les plantes que vous pouvez rencontrer aisément , et
qu'il faut examiner avec soin , plutôt que celles qui sont rares
et d'un grand pi^x. Si vous étiez dans le voisinage d'un fameux
jardin botanique, je serais plus délicat dans mon choix , et en
même temps je vous en présenterais une plus grande variété ;
mais peut-être, après tout, je ne vous offriiais rien de plus utile
ni de plus récréatif. Je me flatte au moins que vous m'accor-
derez un peu plus long-temps la continuation de cette indul-
gence dont vous m'avez honoré jusqu'à présent.
Mais, pour revenir à notre sujet , il y a une plante de cette
quatrième classe et du preftiier ordre, que je ne dois pas omettre
de vous présenter , quand ce ne serait qu'à cause du nom
qu'elle porte. Le pied-de-lion a un calice d'une feuille perma-
nente , partagé en huit segments , dont quatre sont plus grands ,
et quatre plus petits. Il n'a point de corolle, et n'a qu'une pe-
tite semence à chaque fleur. Il y a trois espèces de pied-de-
lion : 1° la commune , i" celle des Alpes , et 3° celle qui a cinq
feuilles. La première est distinguée par ses feuilles simples en
lobe , délicatement dentelées sur les bords , et partagées en
huit ou douze parties. Avant que la feuille s'étende, elle est
pliée ou plissée à chacune de ces divisions : c'est de là que lui
vient son nom. Les fleurs croissent en grappes, et ne sont re-
marquables, ni pour la grandeur , ni pour la couleur ; car ,
n'ayant point de corolles , elles sont seulement vertes , ou ,
comme les botanistes les appellent, herbacées. C'est une plante
humble , mais élégante , qui croît dans les pàtuiages élevés ,
mais qui n'est pas commune.
26-2 LKTïRliS ÉLifllENTAÎKES
Le pieil-de-lion des Alpes est une plante beaucoup plus élé-
gante que celle-ci. Elle a des feuilles soyeuses , brillantes , qui
sont digitées et dentelées à leur extrémité. Les folioles ou feuilles
composantes varient en nombre depuis cinq jusqu'à neuf. La
troisième espèce est fort i-are; c'est une petite plante tout-à-
fait unie, avec des feuilles digitées ; mais chacune de ses cinq
folioles est partagée à demi en plusieurs autres plus petites.
Le second ordre de cette classe a une plante singulière , la
cuscute ou Xéplthyme. Elle est sans feuilles , et a une tige plus
mince qu'un fil , qui traînerait sur la terre , si elle ne s'accro-
chait à quelque plante plus forte pour se sortenir. Ne se con-
tentant pas de cet appui , auquel elle se tient ferme , elle en
tire sa nourriture ; et enfin , pour reconnaissance des services
qu'elle reçoit de la plante qui la supporte et* l'alimente , elle
finit par suffoquer sa bienfaitrice ^. J'imagine que ce détail ne
vous inspirera pas beaucoup d'affection pour la cuscute *. Si
vous voulez vous donner la peine de débarrasser quelque mal-
heureuse fève de la tige chevelue de cette pJante , vous verrez
que les fleurs sortent en nœuds sessiles ; que chacune d'elles a
un calice à demi partagé en quatre parties ; que la corolle est
formée par im pétale partagé en quatre segments sur le bord ,
et que le vaisseau qui renferme les semences est une capsule à
deux loges. Cette plante parasite, comme Linnée appelle avec
raison toutes les plantes de ce genre, s'attache aux fèves, aux
orties , à la luzerne, au lin, etc. , et se nourrit par le moyen d'un
nombre infini de mammelons ou de glandes qu'elle insère dans
les pores de l'écorce de la plante qui la supporte.
Les herbes des étangs, qui sont en grand nombre et assez
communes , serviront d'exemple pour le troisième ordre. Si vos
étangs sont tenus trop propres pour vous fournir ces plantes,
vous pourrez vraisemblablement vous les procurer en faisant
visiter les étangs de vos voisins. Si elles méritaient les frais du
I J'ai vu un pied de vigae presque entièrement couvert par la chevelure de
cette plante parasite. On y voyait quelques raisins , mais secs, et qui n'avaient
que la peau,. tant cette plante gourmande avait épuisé le cep.
» Les divisions du calice , de la corolle et des étamines , sont quelquefois au
nombre de cinq. C'est pour cela que quelques-uns la placent dans la classe
voisine.
SUR LA BOTANIQUE. l65
transport, je vous en enverrais en abondance, pouvant les re-
cueillir dans nos fossés. Vous les reconnaîtrez par leurs feuilles
qui sont couchées à plat sur l'eau; et par leur tige qui pousse
un épi composé de petites fleurs , qui n'ont point de calice ,
mais une corolle formée de quatre pétales tombants, avec quatre
germes terminés par des stigmates obtus , sans l'interposition
d'aucun style , et qui deviennent avec le temps quatre semences
arrondies.
L'épi d'eau flottant est une des plus communes. On la con-
naît par ses feuilles oblongues et ovales. L'épi d'eau perfeuillé
a des feuilles en forme de cœur, embrassant la tige, et croît
dans les eaux courantes. L'épi d'eau denté a des feuilles en
forme de lance, ondées, entaillées sur les bords, et qui sont
alternes sur la tige : on trouve celle-ci dans les eaux courantes
ainsi que dans les eaux dormantes.
Mais en voilà assez sur ces sortes de plantes. Ne vous exposez
point à vous mouiller et à vous enrhumer en allant les cher-
cher. Si quelques-unes de ces plantes, que j'ai recommandées
à votre examen , éludent votre recherche , ou bien ont passé
le temps de leur floraison , marquez-les pour l'année prochaine.
Adieu , ma chère cousine.
LETTRE VI.
25 mars 1775.
Mon indisposition pendant le dernier automne vous a donné
tout le loisir convenable, ma chère cousine, pour acquérir la
parfaite connaissance du système général des plantes et des
quatre premières classes en particulier. Puisque vous le désirez
avec ardeur , je vais reprendre notre première correspondance,
et je m'y prends, pour cela , d'aussi bonne heure qu'il est
possible, afin que rien ne puisse nous échapper dans cette
saison. Wous avons maintenant une grande classe à parcourir,
qui contient plus de la dixième partie du monde végétal ; car
264 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
elle renfernie deux cent soixante-un genres, et mille cinq cent
cinq espèces. Elle doit contenir, comme vous pouvez l'ima-
giner , plusieurs ordres naturels , et quelques espèces qui ,
dès- à-présent, sont en état d'être examinées.
Avec votre permission , nous ouvrirons l'année par la des-
cription de la prime -vère , qu'on a nommée ainsi parce qu'elle
est une des premières plantes qui fleurit dans le printemps.
Celle-ci, avec quelques autres plantes qui lui ressemblent,
forme un ordre naturel qu'on a désigné , par cette i-aison , sous
le nom àe preciœ (précoces). Ces plantes s'accordent toutes
en ce qu'elles ont un calice monophylle , quinquifide , perma-
nent , et une capsule pour contenir les semences, qui est supé-
rieure ou renfermée dans le calice. Les caractères du genre
sont, une enveloppe sous la fleur, ou un nœud de fleurs; la co-
rolle est en forme d'entonnoir ou de soucoupe, avec le tube
cylindrique, et ouvert au sonnuet. Le stigmate est globuleux,
et la capsule n'a qu'une loge. L'espèce est distinguée par son
calice pentagone, sa capsule oblongue et cylindrique, et la
surface ridée des feuilles dont le bord est dentelé. Les trois
principales variétés , si ce ne sont que des variétés , sont dis-
tinguées de cette manière. La prime-vère a une fleur portée
par une tige nue , et la corolle en forme de soucoupe. La prime-
vère commune a plusieurs fleurs sur une tige nue , et la corolle
en forme de soucoupe. La prime-vère ofiicinale a plusieurs
fleurs sur une tige nue, et la corolle en forme d'entonnoir. La
couleur jaune dans les deux premières est fort pâle ; la corolle
de la prime-vère est de beaucoup plus grande que celle des au-
tres. Celle de la prime-vère commune est moyenne. La tige
à fleur de la prime-vère est simple , sans branche , faible , et
ressemble plutôt à un pédicule qu'à une tige. La tige de la
prime-vère coipmune a quelquefois près d'un pied de haut , et
elle est forte. Celle de la prime-vère officinale est généralepient
plus petite et plus faible. J'ai quelque peine à vous dire que
toutes les belles espèces de polyanthus , que vous estimez si
fort, ne sont que des variétés accidentelles de cette espèce,
qui certainement est très-disposée à varier, même dans son état
sauvage. C'est ainsi que la prime-vère a quelquefois deux fleurs
ensemble , ou bien prend une couleur verte , et souvent rouge ,
SUR LA UOTAJNIQUJÏ. 265
et une corolle double. La prime-vère commune a quelquefois
fort peu de fleurs , et elles sont alors aussi grandes que celles
de la prime-vère. La prime-vère officinale a souvent des fleurs
louges , et alors elle ressemble beaucoup à un petit polyanthus.
Vous voj^ez maintenant par combien de degrés vous parve-
nez à la parfaite connaissance de ces plantes. Premièrement
vous déterminez leur classe et leur ordre, en voyant qu'elles
ont cinq étamines et un pistil. Ayant alors à choisir entre cent
cinquante-cinq genres , vous établissez ensuite dans quelle sub-
division de l'ordre il faut les ranger. Voyant que la corolle est
monopétale, inférieure, et qu'elle est remplacée par un vais-
seau qui renferme les semences , vous n'avez plus à choisir
qu'entre soixante-treize genres. Vous découvx'ez ensuite qu'elles
sont de l'ordre naturel des précoces , ce qui ne vous laisse plus
que dix genres. Vous êtes maintenant l'éduitc dans un cercle si
étroit, qu'il ne peut pas vous être fort difficile de fixer le genre,
ainsi qup les espèces qui sont au nombre de dix , et les varié-
tés qui y sont subordonnées. Je ne fais pas toute cette récapi-
tulation pour vous mettre en état de nommer luie plante que
vous connaissiez très-bien auparavant , mais pour vous mon-
trer comment vous devez vous y prendre pour mettre en son
rang une plante que vous ne connaissez pas, par l'exemple
d'une plante qui vous est connue.
Vous pouvez encore vous y prendre de cette manière. Vous
avez une plante en fleur, que , pour le moment, nous suppose-
ions vous être inconnue. Vous examinez d'abord les étamines
ot les pistils, et, par le nombre de ces parties, vous déterminez
que votre plante appartient à la cinquième classe et au premier
ordre. Vous consultez ensuite les subdivisions de cet ordre , et
vous voyez que la plante appartient à celle qui a des corolles
monopétales inférieures, avec les semences renfermées dans un
vaisseau. Voyant en outre que votre plante a un calice mono-
phylle partagé en cinq segments , que la corolle est divisée de
la même manière, ces circonstances ajoutées aux précédentes
vous montrent qu'elle se range dans l'ordre naturel des pré-
coces. Alors reraarqiiant une enveloppe sous les fleurs, voyant
que le tube de la corolle est cylindrique et ouvert au sommet,
et que la capsule n'a qu'une loge ou une cellule, vous êtes en-
'266 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
fin assurée que votre plante est du genre des prime -véres.
L'examinant de plus près , vous voyez que les feuilles, au lieu
d'être ridées, sont parfaitement unies, charnues et entières, ou
bien entaillées sur les bords; vous êtes sûre alors que c'est une
espèce distincte. Enfin vous découvrez que c'est la prime-vère
oreille d'ours, cette jolie plante dont les fleuristes estiment si
fort la fleur , et qui produit tant de variétés distinguées par la
diversité de la taille et les diverses couleurs de la corolle , lors-
quelle est cultivée.
Toutes les autres plantes de cet ordre naturel sont agréables,
si elles ne sont pas jolies. La meadia, que Linnée a nommée
mal à propos dodecatheon , est une plante d'Amérique , mais
qui fleurit bien et de bonne heure dans nos climats. Elle a une
corolle en forme de roue , réfléchie. Les étamines sont placées
sur le tube , et la capsule n'a qu'une cellule, et est oblongue.
Ces caractères suffisent pour faire connaître la plante , puis-
qu'il n'y a qu'une espèce connue. Les feuilles cependant sont
imies. Les tiges à fleurs sont nues, hautes de huit ou neuf pouces,
et supportent plusieurs fleurs dont chacune a un pédicule dé-
lié , qui est recourbé de manière que la fleur est pendante. La
corolle est d'un beau pourpre clair. Si vous n'avez pas cette
plante dans votre jardin , procurez-vous-la pour le printemps
prochain. La structure et l'apparence de cette plante vous
feront plaisir.
Le cyclamen^ ressemble à la meadia par sa corrolle en forme
de roue, et réfléchie; mais le tube est globuleux et très-court,
avec un cou proéminent. Le stigmate, qui était obtus dans la
meadia, est aigu dans le cyclamen. Le vaisseau qui renferme
les semences est arrondi et charnu, contenant plusieurs se-
mences anguleuses. Linnée l'appelle une baie couverte d'une
cosse capsulaire. Il y a plusieurs espèces ou variétés de cycla-
men ; car il est douteux si ce sont des espèces distinctes. La
plus commune a des feuiUes angulaires en forme de lance,
marquées de noir au milieu. Les fleurs paraissent seules avant
les feuilles, et sortent immédiatement de la racine. Quand elles
tombent , les pédicules se tordent comme une vis , renfermant
' Pain de pourceau.
SUIî LA liOTAlNlQUE. 267
le germe dans le centre , et se tiennent serrés contre la terre
parmi les feuilles qui croissent en grand nombre, et les garan-
tissent du froid de l'hiver. La corolle est ordinairement rouge;
mais elle est quelquefois blanche , ou de couleur pourpre. Il y
en a une espèce qui a les feuilles de couleur pourpre en dessous.
Une autre a seulement des veines pourpre , et le côté supérieur
est veiné et marbré de blanc ; les fleurs sont blanches et de
couleur pourpre à leur base. L'espèce qui vient de Perse a des
feuilles qui ressemblent à la dernière pour la couleur, mais qui
sont tout-à-fait entières sur les bords; les fleurs sont grandes,
tl'une couleur de pourpre pâle , avec une base d'un rouge bril-
lant, ou colorée en pourpre. Toutes ces différences et beaucoup
d'autres, soit qu'elles forment des espèces ou seulement des
variétés, produisent un grand nombre de plantes très-agréables.
Il y a deux plantes sauvages dans cet ordre naturel , que je
recommande à votre attention à cause de leur beauté particu-
lière. Elles croissent dans l'eau ; et il faudra par conséquent
que vous employiez une main étrangère pour les recueillir.
Le ménianthe, grand trèfle de marais , se fera d'abord con-
naître à vous par la corolle, qui est frangée tout autour. Elle
est en forme d'entonnoir avec un tube court , et le bord par-
tagé au-delà du milieu. L'intérieur de la corolle est blanc et
le dehors rouge. Le stigmate a deux pointes, et le vaisseau aux
semences est une capsule qui n'a qu'une loge. L'espèce est dis-
tinguée par ses feuilles ternaires. C'est de là , et à cause du lieu
où cette plante croît , qu'on la nomme trèfle de marais. Comme
chacune des feuilles composantes est de la grandeur et de la
forme d'une feuille de fève , on l'appelle aussi /eVe de marais.
Les fleurs croissent au sommet de la tige , qui est une hampe
lâche.
Le plumeau aquatique a une corolle en forme de soucoupe
qui n'est pas frangée ; le tube est plus long que dans la dernière:
elle est blanche ou d'un pourpre pâle, avec une teinte jau-
nâtre; les étamines sont placées sur le tube de la corolle ; le
stigmate a la forme globuleuse , et le vaisseau aux semences est
une capsule qui n'a qu'une cellule , comme dans la dernière.
Les feuilles sont tout-à-fait plongées dans l'eau, et pinnées
d'une manière élégante. La tige à fleurs est nue , et s'élève de
268 LETTRES ELÉMEIVXMRES
cinq à six pouces au-dessus de l'eau. Vers le sommet il y a deux
ou trois groupes de fleurs, et on en voit un peloton au bout;
le tout forme une espèce de pointe conique.
Un autre ordre naturel de cette classe contient les plantes nom-
mées asperifoliœ ou h feuilles rudes. Celles-ci ne sont pas aussi
belles que les précédentes; mais vous êtes devenue une trop bonne
naturaliste pour vous laisser séduire par des couleurs brillantes
et une belle apparence. Quoique la rudesse des feuilles et de la
tige soit le caractère général de cet ordre , cependant il est plus
nécessaire de trouver le caractère suivant dans les parties de la
fructification. Le calice est formé par une feuille divisée en cinq
segments , et il est permanent. La corolle est monopétale , divisée
aussi en cinq segments, tubulée , et s'étcndant jusqu'au-dessous
des germes. Les cinq étamines sortent du tube de la corolle , et
on trouve là quatre semences nues auxquelles le calice sert
de capsule. Nous pouvons remarquer en outre que les feuilles
sont placées alternativement, ousans ordre, sur la tige, et que
la pointe de fleur est réfléchie avant qu'elles viennent à s'ou-
vrir. Avec un si grand nombre de circonstances pour vous di-
riger , vous ne pouvez trouver beaucoup de difficultés pour
reconnaître une plante de cette famille à feuilles rudes, d'au-
tant qu'elles portent le même habit , et ont une ressemblance
frappante les unes avec les autres.
De quatre-vingt-trois espèces que cet ordre contient, vous con-
naîtrez peut-être quelques-unes des plantes suivantes, et celles-ci
vous donneront une idée des autres. L'héliotrope ou le tournesol,
l'oreille de souris ou l'herbe de scorpion, le gremil, l'orcanète,
la langue de chien , la pulmonaire , la consoude , la pàquette, la
bourrache, la buglose et la vipérine. Si vous examinez la corolle
de ces plantes, vous observerez que quelques-unes d'elles ont
cinq enveloppes ou étuis au tube de la corolle, tandis que les
autres n'en ont point. Cette circonstance, ainsi que la forme
de la corolle, vous fournira les principales distinctions géné-
riques. Ainsi le gremil, la pulmonaire, la pàquette, et la vi-
périne, ont le tube de la corolle nu; les autres ont le tube
garni de cinq enveloppes. L'héliotrope , l'oreille de souris ou
l'herbe de scorpion , ont des fleurs en forme de soucoupe ; le
gremil, l'orcanète, la langue de chien, la pulmonaire et la bu-
SUR LA BOTANIQUE. 269
glose , ont des fleurs en forme d'entonnoir. Dans la consoude
«it la puquette la corolle est ventrue ; elle s'enfle et s'élargit vers
le sommet. La bourache a une corolle en forme de roue, et
dans la vipérine c'est une espèce irrégulière de corolle campa-
niforme. L'héliotrope a les enveloppes; mais elles n'entourent
pas le sommet du tube, comme dans l'oreille de souris ou
l'herbe de scorpion, l'orcanète, la langue de chien, la con-
soude et la bourache. La langue de chien a des semences ap-
platies, fixées à leur style, seulement par leur côté intérieur.
La pulmonaire a un calice pentagone ou prismatique. La pâ-
quette a seulement deux semences dures , luisantes et à deux
loges. La buglose a le tube de la corolle courbé.
L'héliotrope commun a ses feuilles ovales, entières, ridées
et couvertes de poil ; les pointes inférieures des fleurs sont sim-
ples , et les supérieures doubles. La couleur de la corolle est
blanche avec une teinte verdàtre, et quelquefois d'un rouge
pâle. C'est une plante annuelle.
L'héliotrope du Pérou a une tige semblable à celle d'un ar-
brisseau ; les feuilles sont d'une forme longue et ovale, ridées
et rudes, portées par des pétioles courts. Les fleurs sont pla-
cées à l'extrémité des branches dans des pointes courtes; elles
croissent en grappes ; les pédicules sont partagés en deux ou
trois autres , et ceux-ci se divisent encore en de plus petits ; cha-
cun de ces pédicules supporte une pointe de fleurs d'un bleu
pâle, qui ont une odeur particulière.
La scorpionne est une plante commune dans les pâturages
secs et dans les bruyères , ainsi qu'aux bords des fossés et des
ruisseaux ; dans les pâturages on la trouve avec des feuilles
velues , et , près des fossés , elle les a tout unies , avec des fleurs
beaucoup plus grandes et extrêmement belles pour celui qui
les observe de près. Elles ont une couleur bleue très-agréable ,
avec une teinte javme. Linnée distingue cette espèce par les
semences qui sont unies , et par le bout des feuilles qui est
calleux.
Il y a deux espèces de grémil sauvage. Le véritable grémil ,
dont le nom est formé par corruption de gray millet, n'est
pas fort commun. Il se plaît dans les terrains secs , et particu-
lièrement dans les sols qui abondent en craie. On le trouve prin-
Qi'JO LETTRES ELEMENTAIRES
cipaleraent dans les pays de forêts , ou parmi les buissons. Vous
le connaîtrez par ses semences blanchâtres, luisantes, ovales
et dures. C'est cette dernière qualité qui a donné lieu au nom
latin de cette plante, lithosperrnum , lequel est dérivé du grec.
Si la plante n'est pas encore assez avancée pour montrer les
semences , observez qu'elle est plus grande et plus branchue
que la suivante ; les feuilles sont en forme de lance. Les fleurs
sont petites, et sortent une à une des ailes des feuilles portées
par des pédicules courts ; la corolle est blanche ou d'une teinte
jaune , avec un tube verdâtre.
Le grémil des blés est une herbe très-commune dans les
champs destinés à produire les grains ; elle diffère de la pré-
cédente par ses semences ridées et coniques ; les feuilles aussi
sont ovales et ont une pointe aiguë : les fleurs se trouvent prin-
cipalement au sommet de la tige, parmi les feuilles. La corolle
est blanche, avec un tube qui s'enfle au sommet. Ces deux es-
pèces ont des corolles qui s'étendent à peine au-delà des seg-
ments du calice. Elles ont l'une et l'autre leur racine teinte de
rouge j ce qui a fait donner à la dernière le nom d'orcanète bâ-
tarde.
La langue de chien est une grande plante qui croît en abon-
dance le long des haies , et aux bords des chemins. Elle a une
odeur forte, comme celle des souris dans une souricière. La
corolle est d'un rouge sale, ou de la couleur du sang qu'on a
tiré des veines depuis quelque temps. On la distingue des au-
tres espèces par les étamines qui sont plus courtes que la co-
rolle, et les feuilles qui sont larges , en forme de lance , velues ,
et qui sont attachées à la tige sans pétioles.
La consoude se trouve ordinairement au bord de l'eau; les
feuilles sont grandes , velues , et finissent en pointe : depuis leur
base , de chaque côté , elles ont une bordure qui descend le
long de la tige. De la partie supérieure de la tige on voit sortir
quelques branches latérales avec deux feuilles plus petites , les-
quelles se terminent par une grappe de fleurs qui se balancent
sur la tige. La corolle est d'un blanc jaunâtre , et en quelques
endroits pourpre.
Il n'y a que deux espèces de; mélinet, qu'on distingue en ce
que l'espèce la plus grande a des corolles ouvertes et obtuses.
SUR L.\ BOTANIQUE. 2'y l
La moindre a des corolles aiguës et ouvertes. Les feuilles de
la première espèce sont d'un vert de mer , marquées de taches
blanches. Les variétés sont formées par des feuilles unies ou
hérissées de piquants, et par des corolles jaunes, de couleur
pourpre, ou rouges. On la trouve dans l'état de plante sauvage
en Italie, dans le midi de la France , en Allemagne et en Suisse.
La seconde espèce a les tiges plus déliées , le calice large , la
corolle petite et jaune. On trouve celle-ci dans les Alpes. L'une
et l'autre se cultivent dans les jardins.
La bourrache est une plante annuelle qui vient d'elle-même
dans votre jardin potager sans le soin de votre jardinier. Toute
la plante est rude. Les feuilles sont grandes, larges, en forme
de lance. Les fleurs croissent en grappes nues , sans être ser-
rées, au bout des tiges, et sont portées par de longs pédicules.
Le calice , ainsi que la corolle, s'évase et s'applatit tout-à-fait.
La couleur delà corolle est d'un beau bleu, qui quelquefois se
change en blanc , ou devient rouge.
La petite buglose sauvage ' est commune parmi les blés , et
sur les bords des chemins. C'est une plante fort rude , avec des
corolles bleues, marquées de veines blanches.
La vipérine est une plante beaucoup plus grande que celle-ci,
avec une grande pointe de fleurs bleues fort jolies. La tige est
fort droite et tachetée ; les feuilles sont en forme de lance ; les
inférieures sont pétiolées , et les supérieures sessiles. Elle est
commune parmi les blés dans certains pays ; on la trouve aussi
dans quelques pâturages, aux bords des chemins, et sur les
murailles.
Vous trouverez quelques plantes dans cette cinquième classe
et du premier ordre, qui ont une corolle en forme de cloche ,
formée par un seul pétale. Si elles ont un calice permanent divisé
en cinq parties , et une capsule pour vaisseau à semence , elles
appartiennent à l'ordre naturel des campanacées. Trois genres
fort étendus , outre quelques autres ^ , appartiennent à cet
ordre.
I Grippe des champs.
' Le convolvulus , Vipomcea et la campanula. La première a soixante-qiiatr'e,
1,1 seconde vingt-deux, et la troisième soixaate-six espèces.
a'y2 LETTllES liLEMF.NTAIRES
Le genre des convolvulus ' , Userons , est distingué de tons
les autres par sa corolle, qui est grande , plissée , et va en s'é-
panouissant; elle a le bord marqué de dix échancrures, ou bien
elle est un peu quiiiqitifîdc ^. On observe deux stigmates et une
capsule enveloppée dans le calice , qui en général a deux loges,
et renferme deux semences arrondies.
De ce genre j'en choisirai deux espèces sauvages et deux
cultivées , pour les soumettre à votre examen.
Le petit liseron des champs , qui est une herbe si commune
parmi les blés , a des feuilles sagittées , ou en forme de flèche ,
aiguës des deux côtés, et une fleur portée sur un pédicule long
et arrondi ; les tiges sont frêles et rampantes , à moins qu'elles
ne rencontrent quelqu'autre plante pour les supporter. La co-
rolle est blanche , ou rouge , ou bien marquetée de diverses
couleurs ^ ; si cette plante nous venait de l'Inde , on la culti-
verait pour la beauté de sa fleur. Je ne vous exhorte pourtant
pas à vous attacher à cette plante ; car elle devient insuppor-
table par la multiplication et l'étendue de ses racines.
Le grand liseron a des feuilles sagittées aussi-bien que le
petit ; mais elles sont tronquées ou coupées par derrière.- Les
fleurs viennent simples aussi; mais elles sont portées sur des
pédicules carrés. C'est une plante beaucoup plus grande et
plus forte que l'autre, qui croît dans les haies, ou parmi les
buissons et les arbrisseaux , à la hauteur de dix ou douze pieds.
La corolleest fort grande, et toujours d'un blanc pur. Immédia-
tement au-dessous du calice il y a une grande enveloppe en forme
de cœur, composée de deux feuilles. L'espèce précédente a ces
deux feuilles; mais elles sont fort étroites , et au milieu du pé-
dicule.
Le liseron de couleur pourpre est une espèce annuelle qu'on
cultive dans les jardins à fleurs sous le nom de corn'oh'ulus
major. Il a des feuilles en forme de cœur , qui ne sont point
partagées ; les vaisseaux à semence pendent en bas , après que
I Cette dénomination lui vient de la faculté qu'a cette plante de s'entortiller
autour de tout ce dont elle s'approche, propriété qui n'est pourtant pas com-
mune à toute l'espèce.
' A cinq pointes.
3 Elle est surtout remarquable par une odeur d'amande assez suave.
SUR LA BOTANIQUE. 'l^'^
la fleur est passée , et les pédicules sont enflés. Quand cette
plante est soutenue , elle monte à la hauteur de dix ou douze
pieds. Quoique la couleur la plus ordinaire de la corolle soit
le pourpre, cependant il y a des variétés de blanc , de rouge ,
et d'un bleu tii'ant sur le blanc.
Le liseron panaché ' , ou, comme on l'appelle vulgairement,
com'oh'ulus minor^ a des feuilles unies, en forme de lance, une
tige faible et tombante , qui ne monte jamais , et une fleur sim-
ple. La corolle est d'un beau bleu , avec une teinte de blanc ;
quelquefois elle est toute blanche ou bariolée. Celle-ci est aussi
annuelle; le Portugal est son pays natal. La précédente est
sauvage en Asie et en Amérique.
Ce genre contient plusieurs plantes remarquables, comme la
scamonée, le turbith et le jalap.
\]ipomœa a plutôt une corolle en forme d'entonnoir qu'en,
forme de cloche, un stigmate globuleux, et une capsule à trois
loges. Mais les plantes que ce genre renferme étant originaires
des Indes occidentales , et demandant en conséquencebeaucoup
de chaleur pour être conservées et se développer, elles ne
pourront pas vraisemblablement être connues de vous; c'est
pourquoi je ne m'étendrai pas sur ce sujet.
Dans la campanule vous vous attendez sans doute à trouver
une corolle en forme de cloche; mais il faut que vous remarquiez
que le fond de la corolle est fermé par cinq valvules qui cachent
le réceptacle, et que les étamines naissent de ces valvules. Le
stigmate est à trois pointes ; le vaisseaxi aux semences est une
capsule au-dessous de la fleur , ayant trois ou cinq cellules , et
au sommet de chacune un trou par lequel les semences se ré-
pandent eu-dehors quand elles sont mûres. Vous voyez main-
tenant combien de différences offre la structure des parties de
la fructification. En les examinant ainsi avec attention , et les
comparant les unes aux autres dans les diverses plantes, vous
deviendrez avec le temps une habile botaniste, et vous ac-
querrez la facilité de déterminer le genre , l'espèce , l'analogie
et la connection des végétaux. i
Il y a une petite campanule qui croît souvent dans les pâtu-
' La belle-dc-joiir. l^
R. VH. 18
2'74 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
rages secs, et presque dans toutes les bruyères et les communes,
qui a la coi'oUe bleue, dont la forme répond fort bien à son
nom. Les botanistes se sont réunis pour l'appeler campanule à
feuilles l'ondes. Peut-être vous demanderez pour quelle raison,
puisque vous ne découvrirez sur- la tige que des feuilles li-
néaires , ou fort longues et étroites en forme de lance. Cepen-
dant si vous prenez une jeune plante , ou du moins une plante
qui soit dans toute sa vigueur , en examinant la partie de la
plante qui est voisine de la terre , vous verrez ces feuilles qui
sont plutôt en forme de cœur que rondes. Cette espèce fleurit
à la fin de l'été, et pendant tout l'automne, jusqu'à ce que la
gelée fasse tomber la fleur; cette plante a souvent la corolle
blanche. La raiponce , qu'on cultivait autrefois pour manger
ses racines en salade, est maintenant si fort négligée, que
peut-être votre jardin potager ne pourra pas vous l'offrir. Elle
est assez rare dans l'état de plante sauvage. Elle a des tiges
droites de deux pieds de haut; ses feuilles sont ondoyantes;
celles qui sont près de la racine sont courtes , en forme de
lance , et approchant d'une figure ovale. Vers la partie supé-
rieure de la tige , et tout contre , on voit de petites fleurs en
cloche , avec une corolle bleue ou blanche.
La campanule à fleur de pêcher vient abondamment dans les
bordures de vos parterres. On en voit de bleues et de blan-
ches ; mais voti'e jardinier s'en étant procuré de doubles , il
aura vraisemblablement mépiisé les simples, et les ayant dé-
truites , il vous aura privée de l'avantage que vous auriez eu de
pouvoir déterminer le genre. Cependant vous conuaîtrez que
c'est une campanule , par son apparence ; et vous déterminerez
l'espèce par les feuilles , qui sont ovales près de la racine , et
sur la tige sont fort étroites , en forme de lance , approchant
de la forme linéaire , légèrement dentelées sur le bord, collées
contre la tige, et distantes l'une de l'autre.
Je me ressouviens que la cheminée de votre salle avait cou-
tume d'être ornée, pendant l'été, avec plusieurs bouquets de
campanules pyramidales en forme de clocher, qui formaient
comme im grand éventail, par le moyen de plusieurs petits bâ-
tons. Cette espèce a des feuilles unies , en forme de cœur , den-
telées sur les bords; celles qui sont sur la tige sont en forme de
SUR LA BOTANIQUE. 2'- 3
lance; les tiges sont simples et comme des joncs. Les fleurs
forment des ombelles sessiles de chaque côté de la tige. Tels
sont les caractères spécifiques de Linnée.
Il y a la grande gantelée sauvage, qui vient dans les buissons
et dans les haies , et qui n'est pas commune. On la connaît par
ses tiges qui sont fortes , rondes et simples ; elle a de longues
feuilles ovales , approchant de la forme d'une lance , légère-
ment entaillées ou dentelées comme une scie sur les bords. Vers
la partie supérieure de la tige les fleurs viennent simples , et
portées sur de courts pédicules. Remarquez , je vous prie,
qu'après que ces flevu's se sont fléti^ies , les vaisseaux à semence
se courbent en en-bas, jusqu'à ce que les semences soient mûres,
et alors elles se relèvent."
La grande campanule, qu'on appelle vulgairement cloches
de Canterbury , est beaucoup plus commune dans les mêmes
endroits. Celle-ci a des tiges roides , garnies de poils et angu-
laires. Elle pousse par les côtés quelques branches courtes ; les
feuilles sont comme celles des orties , velues et profondément
dentelées sur les bords. Vers la partie supérieure de la tige , les
fleurs sortent portées sur de courts pédicules à trois pointes, et
ont des calices velus.
La petite cloche de Canterbury est commiine dans les pâtu-
rages , et particulièrement dans les terrains où il y a de la craie.
Dans les endroits secs, elle est fort petite; mais dans les ter-
rains humides , elle croît à la hautevu- de deux pieds. La tige est
velue, anguleuse et sans branches. Les feuilles inférieures sont
larges, et sont portées par un pédicule; celles qui sont sur la
tige sont longues, étroites, collées à la tige, et même l'em-
brassant. Vers le sommet de la tige, on voit sortir des ailes des
feuilles deux où trois fleius ensemble, et elle est terminée par
un peloton de fleurs beaucoup plus grand ; les fleurs sont ses-
siles.
Le miroir de Vénus est ime campanule qui a lUie tige faible,
basse et fort branchue ; les feuilles sont oblongiies et un peu
entaillées; les fleurs sont solitaires , et les vaisseaux à semence
d'une forme prismatique. 'Lii campanule des biés reisseinble fort
à celle-ci; mais la tige est rO^sIe, et un peu branchue : les feuilles
sont plus pi'ofondément" entaillées, et ondoyantes. Les fleurs
18.
276 LETTRES ÉLÉMF.NTAIRFS
sortent en paquets, et le calice est plus lonj^ que la corolle.
C'est une herbe commune parmi les blés. Ces deux espèces ont
une corolle qui à peine a la forme d'une cloche , ainsi qu'une
autre plante de cet ordre des campanacées , qu'on nomme va-
lénane grecque, ou échelle de Jacob, qui a la corolle plutôt
en forme de roue, avec le tube plus court que le calice, mais
qui est fermé par cinq valvules dans lesquelles les étamines
sont insérées, comme dans la campanule. Le stigmate est aussi
à ti'ois pointes, et le vaisseau à semence est une capsule à
trois loges, mais renfermée dans la fleur. Les circonstances
qui distinguent cette espèce des deux autres , sont que les
feuilles sont pinnées , les fleurs droites , et le calice aussi
long que le tube de la corolle, en quoi vous vovez qu'elle s'é-
carte un peu du cariactère du genre. Elle est bleue et coupée
en cinq segments arrondis. Je ne crois pas fort nécessaire de
vous avertir de ne pas vous laisser tromper par les noms, qui
ordinairement , étant donnés par des personnes ignorantes,
n'ont pas un rapport bien juste. C'est ainsi qu'en cette occa-
sion vous pouvez imaginer que le polemoniuin a une ressem-
blance avec une échefle aussi-bien qu'avec la valériane : c'est
vraisemblablement la même circonstance des feuilles pinnées
qui a occasionné ces deux noms.
J'ai peine a me déterminer à vous présenter une classe de
plantes, que, d'après leur apparence sombre, triste et hor-
rible, on nomme luridœ. La plupart de ces plantes ont aussi
une odeur désagréable; ce qui, joint à leur aspect repoussant,
empêchera notre jeune cousine de les examiner, n'ayant pas-
encore assez d'enthousiasme pour la botanique pour vaincre la
répugnance des sens dans l'examen des objets aussi désa-
gréables. Véritablement je ne voudrais pas qu'elle s'occupât
trop à recueillir ces racines, qui exhalent une odeur dont moi-
même je ne puis m'empècher d'avoir la tète affectée. Considé-
rez, je vous prie, que la nature, veillant toujours à notre
conservation, nous avertit du danger qui nous menace par
l'entremise des sens. Quelques-unes de ces plantes , nommées
luridœ , sont des poisons très-dangereux ; d'autres le sont à un
moindre degré, et le sol ainsi que le climat peuvent diminuer
leur qualité vénéneuse , et même la changer de façon à les
SUR LA BOTANIQUE. ^77
rentlrosalntaiies pour le corps. J'en choisiraiquelques-unesdont
l'odeur et Taspeci: sont le moins désagréables , et , dans le cas
opposé , je vous en préviendrai. Outre que ces plantes ont cinq
étaminés et un pistil, elles se ressemblant en ce qu'elles ont un
calice permanent, divisé plus ou moins profondément en cinq
segments. Elles ont aussi une corolle monopétale divisée en
cinq segments, tubulée et irrégulière. Le vaisseau à semence
a deux loges, et une capsule ou une baie renfermée dans la
fleur.
11 y a plusieurs espèces sauvages de bouillon blanc, l'une fort
commune, et l'autre qui n'est pas rare. Leurs caractères géné-
raux sont que la corolle est en forme de roue , et légèrement ir-
régulière. Les étaminés sont inégales en longueur , recourbées
en en-bas j et en général, revêtues au fond d'une.frange colorée; le
stigmate est obtus, et la capsule bivalve, et s'ouvrant au sommet.
L'espèce commune est le grand bouillon blanc , qui croît
principalement le long des haies et aux bords des chemins.
C'est une plante qui dure deux ans. La première année elle
forme sa racine, et une rangée de grandes et larges feuilles,
garnies de laine des deux côtés , et qui se l'épandent sur la
terre , ayant à peine des pétioles. La seconde année elle pousse
une tige seule , qui a quelquefois cinq pieds de haut, avec des
feuilles décurrentes, garnies de laine comme celles qui sont
à la racine. Au sommet il y a une pointe de fleurs jaunes , qui
ont une odeur qu'on ne peut pas dire désagréable.
L'autre espèce , qui est le bouillon noir, croît dans les mêmes
lieux que l'espèce précédente, mais non pas avec autant d'a-
bondance. Elle n'a pas une tige si élevée. La forme des feuilles
basses est celle d'un cœur allongé , et elles ont des pétioles ; les
feuilles qui sont sur la tige sont ovales, pointues et sessiles.
Elles ont toutes une couleur vert pâle à la surface supérieux'e,
et sont blanchâtres à la surface inférieure. Elles sont dentelées
sur les bords; la tige est terminée par une Ipngue pointe de
fleurs jaunes, formée par de petites grappes de fleurs sur les
côtés de la tige principale. La corolle est jaune , avec des iilets
frangés ou boidés de pourpre. Je présume qu'on a donné à
cette plante le nom de bouillon noir, uniquement parce qu'elle
n'est pas blanche comme l'autre.
278 LETTRES ÉLÉMEJVTAIRES
La datura , le stramonium, ou la pomme épineuse, a le ca-
lice tubuleux, enflé vers le milieu , à cinq angles, et tombant.
La corolle est en forme d'entonnoir, s'épanouissant fort au
large en sortant d'un long tube cylindrique , et formant une
bordure pentagone avec cinq plis ; la capsule a quatre valvules,
ou s'ouvre en quatre parties. Les fleurs sont grandes et assez
belles ; les capsules sont remarquables pour leur grandeur.
La pomme épineuse commune a des feuilles unies , irrégu-
lièrement anguleuses, et d'une odeur désagréable. Les fleurs
sortent des premières divisions , et près des extrémités des
branches; la corolle est blanche, et chacun de ses angles se
termine en une longue pointe ; la capsule est ovale , couverte
de fortes épines , et croît toute droite.
Une autre espèce, qu'on cultive quelquefois dans les par-
terres, a des fleurs pourpre; elle a aussi des tiges pourpre, qui
sont beaucoup plus fortes et plus grandes que celles de la der-
nière espèce. Les feuilles sont aussi beaucoup plus grandes,
plus anguleuses et plus dentelées ; la capsule est plus grande ,
mais ressemble beaucoup à celle de l'espèce ordinaire. Une
plante de cette espèce, ayant la capsule armée d'épines très-
fortes , a reçu l'épithète de sauvage ou féroce.
Le henbane ou la jusquiame est une plante fort commune ,
et a souvent été funeste à ceux dont l'appétit n'écoute pas le
témoignage des sens. Vous conviendrez avec moi que l'odeur
seule est suffisante pour empêcher une personne d'en manger.
Je ne peux pas cependant me dispenser de vous en faire exa-
miner la fleur , qui est réellement très-belle quand elle est vue
de près. La corolle est en forme d'entonnoir et obtuse, d'une
couleur jaune pâle , marquée de belles veines de couleur pour
pré.! Lés étamines sont de différentes longueurs, et courbées.
La capsule est enveloppée dans le calice ; elle est dune forme
ovale, et couverte d'un couvercle hémisphérique, qui, en tom-
bant , annonce que les semences sont mûres.
L'espèce commune sauvage est distinguée des autres par ses
feuilles sinueuses qui embrassent la tige, et par les fleurs qui y
sont collées. Toute la plante est couverte de longs poils , des-
quels il exsude un jus gluant et fétide. Les feuilles sont fort
larges, et remarquables pour leur douceur. Les fleurs croissent
SUR LA BOTAJN IQLE. 279
dans une pointe fort longue, et plus d'un côté que de l'autre.
Elle croît aux bords des chemins , près des fumiers et des vil-
lages, et c'est une plante qui dure deux années. Il y a d'autres
espèces, mais qui ne sont ni sauvages, ni fort cultivées.
Vous qui avez tant d'aversion pour le tabac, de quelque
manière qu'il soit mis en usage , ne serez pas fâchée de le
trouver dans cet ordre des luridœ. Quoique presqiie tout le
monde en prenne, l'huile qu'on en retire ne laisse pas. d'être
un des plus forts poisons végétaux. Cependant c'est une plante
qui peut servir d'ornement à votre jardin , et dont l'examen
n'est ni dangereux , ni désagréable. Les caractères génériques
essentiels du tabac sont que la corolle est en forme d'entonnoir,
et la bordure plissée. Les étamines sont un peu inclinées ; le
stigmate est entaillé ; la capsule ovale, marquée d'un sillon de
chaque côté , à deux valvules , et s'ouvrant depuis le sommet.
Le tabac commun ou à large feuille est distingué par ses
feuilles larges en forme de lance , qui ont environ dix pouces
de longueur , et sont larges de trois pouces et demi; elles sont
unies, se terminent en pointes aiguës, et sont collées à la tige.
Les corolles sont d'un povupre très^vif , et se terminent en cinq
pointes aiguës. Il y en a une espèce, ou peut-être une variété
qu'on nomme tabac cV Oroonofio, qui est une plante*plus grande;
les feuilles ont plus d'un pied et demi de long, et sont larges
d'un pied. Elles sont fort rudes et glutineuses; leur base em-
brasse la tige ; les corolles sont d'un pourpre pâle.
Une autre espèce qu'on nomme tabac anglais ' pourrait ai-
sément être prise pour une jusquiame , si Tonne faisait atten-
tion à la forme régulière de la corolle et au défaut de cou-
vercle dans la capsule. C'est une plante qui ne s'élève pas aussi
haut que les autres ; les feuilles sont ovales, cntièi'es, et portées
sur de courts pétioles. Les fleurs sortent en grappes lâches , au
sommet des tiges; la corolle a un tube court, qui s'épanouit en
cinq segments obtus , d'un jaune verdâtre. Quoiqu'on donne
à ce tabac l'épithète d'anglais , vous ne devez pas imaginer que
ce soit une plante d'Europe, car elle est originaire d'Améri-
que , aussi -bien que les autres espèces, qui sont au moins au
nombre de sept.
' Nicotiane rustique ( herbe à la reine).
aSo LETTRES ÉLÉMENTAIRES
Comment la même plante a-t-elle pu recevoir le nom agréable
de bella doua et le terrible nom d'Atropos? C'est ce qui paraît
surprenant, jusqu'à ce qu'on sache que les dames d'Italie s'en
servaient pour composer une eau propre à faire passer les bou-
tons et les autres élevures de la peau, et que c'est en même
temps un ]X)ison terrible. Linnée a joint ces deux noms , en
nommant atropos le genre, et bella dona l'espèce. Les prin-
cipaux caractères qu'il donne du genre, sont les suivants : La co-
rolle est en forme de cloche ; les filets sortent de la base et sont
fort près-à-près dans le fond ; mais , au sommet , ils deviennent
divergents, et sont courbés en arc. Le vaisseau à semence est
une baie globuleuse, placée sur le calice , qui est grand.
Notre espèce, car il y en a six dans le genre , est une grande
plante branchue, avec des feuilles ovales, entières, et de grandes
fleurs qui croissent parmi les feuilles, et sont séparées l'une
de l'autre; elles sont portées sur de longs pédicules; la corolle
est d'une couleur brune, sombre à l'extérieur, et d'un pourpre
sombre au-dedans. Les tiges ont une teinte de la même cou-
leur ainsi que les feuilles, vers l'automne. La baie est ronde et
d'un noir luisant quand elle est mûre; elle ne ressemble pas mal
à ime cerise noire pour la grosseur et la couleur. Elle renferme
un suc de couleur pourpre et d'une douceur fade; quelquefois
elle tente les enfants, qui en mangent à leur grand péril. J'ai
appris par l'expérience que les mêmes symptômes de poison se
manifestent après qu'on a mangé les jeunes rejetons du prin-
temps, qu'on a fait bouillir, comme après avoir pris des baies
crues d'automne. La vightshade mor\^Q est rarement cultivée,
et on la trouve rarement dans l'état de plante sauvage. Elle se
cache dans les sentiers obscurs et dans les terrains incultes;
mais elle n'est que trop répandue dans certains pays auprès
des villages.
Yoils avez entendu parler des gémissements de la mandra-
gore, et des cris que jette cette plante lorsqu'on l'arrache de
terre. La superstition attribuait à cette plante une espèce de
vie animale fatale à quiconque osait la détruire en coupant ses
racines. Elle était fameuse, comme l'opium l'est maintenant ,
par la propriété de provoquer le sommeil. Cléopâtre ' demande
I Dau$ la tragikJic de Marc- Antoine, par Shakespeare.
SLR LA iîOTAIMQUE. IaSî
de la niandragoi'e , « pour pouvoir passer dans le sommeil tout
« le temps qu'elle est séparée de sou cher Antoine. » Et le per-
fide lago ' se vante que « ni le pavot, ni la mandragore, ni
« toutes les potions somnifères du monde , ne pourront jamais
« rendre à Othello ce doux sommeil qu'il a goûté hier si paisi-
« blement. » Puisque la mandragore gémit et crie quand on la
blesse, elle doit nécessairement avoir une forme humaine.
En conséquence on en vend qui ont cette forme , malgré le
danger auquel on s'expose pour les avoir ; mais on évite
le péril adroitement , en attachant un ,chien à la racine de
cette plante : de cette manière la mandragore décharge toute
sa fureur sur ce pauvre animal , et ne fait aucun mal à celui
qui veut la prendre. Voilà les rêveries qu'on débite à ce sujet.
Ces prétendues mandragores sont, dit-on, des racines de brion-
née ou d'angélique , qu'on taille suivant la forme humaine , ou
bien qu'on force de croître dans des moules de terre qui leur
donnent cette figure. On s'en servait pour les enchantements
magiques; et, quoiqu'elles soient à présent tout-à-fait décriées,
on m'a proposé fort gravement de m'en vendre. Linnée en avait
d'abord fait un genre distinct de la dernière ; mais , après y
avoir réfléchi , il en a fait une espèce de Yatropa, la distinguant
des autres en ce qu'elle n'a point d'autres tiges que celles qui
supportent une seule fleur. La racine est comme celle d'un
panais, quelquefois fourchue; près de la terre, elle a un cercle
de grandes et larges feuilles; les tiges nues, qui supportent les
fleurs, n'ont qu'environ trois pouces de longueur ; les corolles
ont cinq angles , et sont d'un blanc verdâtre , ou d'une couleur
tirant sur le pourpre. La baie est aussi grosse qu'une muscade,
et d'un vert jaunâtre. La l'acine et les feuilles ont une odeur
fétide, et toute la plante est vénéneuse, quoiqu'on s'en serve
en médecine à petites doses.
Un autre genre de cet ordre naturel est le coqueret , dont
voici les caractères : La corolle est en forme de roue ; les fi-
lets et les anthères sont connivents, ou courbés l'un vers l'autre.
Le vaisseau à semence est une baie renfermée dans le calice ,
qui croît en formant une grande vessie enflée et colorée. La
' Daus Othello , par Shakespeare.
28-2 LETTRES ELEMENTAIRES
plante qui croît en abondance sous vos arbrisseaux est une es-
pèce de ce genre. Les marques distinctives sont que les feuilles
viennent doubles et conjuguées, c'est-à-dire, sortent en paires,
sont entières sur les bords , ou très-légèrement dentelées et
aiguës; la tige est herbacée, et un peu branchue au bas; les
racines rampent de manière à devenir incommodes ; les tiges
n'ont qu'environ \\n pied de haut; les feuilles ont différentes
formes et de longs pétioles : les Heurs sortent seules des ailes
des tiges portées sur des pédicules minces; elles ont une co-
rolle blanche , qui , ainsi que le calice , les feuilles et les tiges ,
est velue. Cette plante , qui est si humble et de si peu d'appa.-
rence pendant tout l'été, attire notre attention pendant l'au-
tomne, par son grand calice enflé qui devient rouge , et qui dé-
couvre les baies rouges et rondes qui sont au-dedans , et ont
la grosseur d'une petite cerise.
Mais le principal genre de cet ordre naturel est l'ombre de la
nuit, ou solanum, d'où quelques auteurs ont nommé ces plantes
solanacées. Il n'y en a pas moins de quarante-six espèces. Je
n'en choisirai, comme à mon ordinaire, que quelques-unes des
espèces sauvages et de celles qui sont cultivées, surtout celles
qu'il est le plus essentiel de connaître, et qui sont le plus à votre
portée.
Vous connaîtrez aisément le genre par sa corolle en forme
de roue , par ses grandes anthères renfermées au milieu de la
corolle, et qui paraissent ne former qu'un corps , enfin par sa
baie qui a deux loges.'
Quelques-unes des plantes de cette espèce ont des tiges et
des feuilles garnies de piquants; d'autres ne sont point armées :
cette circonstance fournit une division commode du genre en
deux subdivisions.
Une autre espèce du genre des arbrisseaux , qui est fort
grande, et vient de l'île de Madère , n'a point d'épines ou de
piquants ; elle a fait long-temps le plus bel ornement des serres
par ses baies, qui sont du plus beau rouge pendant l'hiver.
Les jardiniers la connaissent sous le nom d'amome de Pline ;
on l'appelle souvent cerise d'hiver. Telle est la disette de noms
distinctifs, et telle est la confusion que fait naître le défaut d'une
nomenclature régulière , comme celle que Linnée a le premier
SUR LA BOTANIQUE. 9.8H
introduite clans la botanique. Les feuilles sont en forme île
lance , et ont leur bord ondoyant; les fleiu's croissent en petites
ombelles , près des branches; la corolle est blanche, et les baies
sont aussi grandes qu'une petite cerise : elles sont en général
rouges, mais quelquefois jaunes.
Une autre espèce de genre des arbrisseaux est la morelle
grimpante, ou douce-amère, qui est ordinairement sauvage
dans les haies humides : elle a une tige pliante, et qui monte;
les feuilles inférieures sont en forme de lance ; les supérieures
sont quelquefois à trois pointes ; les fleurs sont en grappes , et
sortent des aisselles des feuilles ; la corolle est roulée , pourpre,
et marquée de deux taches vertes, luisantes , au bas de chaque
segment , et les baies sont rouges.
La morelle noire des jardins est aussi sans piquants; mais elle
n'est pas de la nature des arbrisseaux : c'est imc plante annuelle.
Les feuilles sont portées par de longs pétioles; et , étant d'une
texture molle, elles pendent souvent en en-bas : elles sont d'une
forme ovale ou rhomboïde, avec de longues pointes, anguleuses
et dentelées sur les bords. Les fleius croissent sur une espèce
d'ombelle qui se balance ; la corolle est blanche, et la baie noire.
C'est une herbe commune sur les fumiers, dans les jardins et
autres terrains bien cultivés ; elle varie par ses baies , qui sont
tantôt jaunes et tantôt rouges, et par la forme de ses feuilles.
La patate ou pomme de terre, morelle tubéreuse , est de ce
genre , comme vous en serez convaincue si vous comparez la
structure de la fleur avec celle des autres espèces. Linnée la
distingue par les caractères suivants : savoir; la tige qui est
herbacée et sans piquants, les feuilles qui sont pinnées et tout-
à-fait entières, et les pédicules subdivisées; les corolles sont
ou de couleur pourpre ou blanche, et la baie est large.
Le tomalos , ou la pomrtie d'amour , est lyie autre espèce
de solaiiurn , qui est aussi âdinise sur nos laJjles , et qu'on
mange avec impunité , en dépit du voisinage où l'on la trouve.
Cette plante a une tige herbacée et sans piquants , qui est fort
garnie de poils; les feuilles aussi sont pinnées, mais fendues;
les fleurs sont portées sur de simples. grappes sans branches;
la corolle est jaune , et le fruit ou la baie est grande, aplatie,
et profondément sillonnée.
5l84 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
La melongena ' , ou la pomme folle , est aussi de ce génie;
elle est cultivée comme une plante curieuse pour sa grandeur
et la forme de son fruit. Quand ce fruit est blanc, on lui donne
le nom Ae plante-œuf , et à la vérité il ressemble alors parfaite-
ment à un œuf de poule pour la grosseur, la forme et la cou-
leur. La tige de cette plante est herbacée et sans piquants ; les
feuilles sont ovales et velues , les pédicules pendants et crois-
sant plus épais vers le sommet, et les calices sont désarmés de
piquants; la couleur des corolles est pourpre, et celle du fruit
varie beaucoup. Les trois dernières espèces s'écartent im peu
du caractère de l'ordre ; car la patate et le tomatos ont plu-
sieurs cellules au fruit, et cette plante-ci n'en a qu'une.
Les espèces de soldnum qui sont garnies de piquants sont
originaires des pays chauds, et la plupart nous sont apportées
de l'Amérique espagnole. Pour cette raison, vous n'aurez pas
souvent occasion de les observer.
Le capsicum , ou poivre de Guinée , est aussi de cet ordre
des suspectes. Toute sa beauté et son usage consistent dans le
fruit, que Linnée appelle une baie sèche ou sans jus , et d'au-
tres une cosse ou capsule. Cette circonstance , ainsi que la
forme de la corolle qui ressemble à une roue, et les anthères
qui sont conniventes , font les caractères essentiels de ce genre.
Linnée n'en compte que cinq espèces, dont une est annuelle,
avec ime tige herbacée ; les autres sont permanentes , avec des
tiges ligneuses. D'autres en font plusieurs espèces d'après la
différente figure du fruit, qui à la vérité varie beaucoup pour
la forme et la couleur, et qui, mêlé avec les fleurs blanches et
les feuilles vertes , fait ime variété très-agréable ^ mais Linnée
n'accorde pas que la forme du fruit dans ce genre soit assez
permanente pour constituer des différences spécifiques. Elles
sont toutes fort chaudes ; et de là les noms àepoisre en cloche,
poivre de poule, poivre épinevinette e\. poivre d'oiseau. T.e poi-
vre en cloche, qui a un fruit large, enflé et l'idé, avec une peau
tendre, d'une couleur rouge quand il est mùr, est la seule es-
pèce propre à confire. Le poivre de Cayenne est tiré de la
dernière espèce, dont le fruit est petit, ovale, d'un rouge vif,
et beaucoup plus piquant que celui des autres espèces. Plu-
t En français l'aubergine.
SUR LA BOTA JXIQUE. u85
sieurs espèces de capsicum viennent des Indes orientales et
occidentales. Quoique les habitants des pays chauds en fassent
un !:îrand usage dans leurs aliments, cependant les fruits, lors-
qu'ils sont mûrs, étant jetés sur le feu, exhalent des vapeurs
nuisibles, qui occasionnent des éternuements violents et des
toux convulsivcs , et souvent le vomissement , lorsqu'on en est
trop près. Mêlé avec le tabac , il produit les mêmes effets dans
un degré violent et dangereux : de sorte que ces plantes, quoi-
qu'elles no soient pas à la rigueur des poisons , doivent cepen-
dant être comptées dans la famille des vénéneuses ou suspectes.
Dans le premier ordre de la cinquième classe on trouve
plusieurs arbrisseaux qui sont très- connus, parmi lesquels le
chèvre-feuille occupe un rang distingué. Dans ce genre, le chè-
vre-feuille d'Italie et le chèvre-feuille sauvage forment les es-
pèces principales. Elles sont distinguées l'une de l'autre en ce
que la première a les paires de feuilles supérieures, comme
les botanistes les appellent connatœ , c'est-à-dire, jointes de
façon qu'il semble que les deux feuilles n'en forment qu'une ,
et la tige traverse au milieu des feuilles; au lieu que , dans le
chèvre-feuille sauvage , les feuilles sont toutes distinctes. Le
chèvre-feuille hollandais ou allemand des jardins passe pour
n'être qu'une variété de cette espèce-ci, quoiqu'il soit beaucoup
plus fort, et ne soit pas si propre à monter. Le chèvre-feuille
a véritablement des branches traînantes fort déliées , qui s'en-
tortillent autour des branches des arbres , et montent jusqu'à
leur sommet.
Le chèvre-feuille de trompette vient de l'Améiique septen-
trionale ; il ressemble au chèvre-feuille d'Italie, en ce qu'il a
les feuilles supérieures connées , ou conjointes, et avec le
chèvre-feuille ordinaire, en ce qu'il a des branches minces et
traînantes: mais il diffère de l'un et de l'autre par ses bouquets
de fleurs, lesquelles sont nues ou sans feuilles, et par les co-
rolles qui sont presque régulières. Les feuilles sont aussi tou-
jours vertes, et les corolles sont d'une écarlate brillante à l'ex-
térieur, et jaune au-dedans.
Il y a d'autres espèces que vous trouverez parmi les arbris-
seaux, qui diffèrent pour l'apparence , et s'éloignent un peu du
caractère des chèvre-feuilles proprement dits. Ceux-ci ont tou-
u86 LETTRES ÉLÉMEjN'TAIRES
jours deux fleurs seules qui viennent ensemble; au lieu que,
dans l'espèce précédente , les fleurs viennent en ijjrappes ou
bouquets , plusieurs ensemble. Le chèvre-feuille mouche a les
deux baies, qui succèdent aux deux fleurs voisines , distinctes
les feuilles sont entières et blanchâtres , et les corolles blan-
ches. Le chèvre-feuille droit à baies rouges a les deux baies
jointes ensemble; les feuilles sont en forme de lance, et unies;
les corolles sont rouges à l'extérieur, mais pâles au-dedans : ce
n'est pas une plante qui s'élève aussi haut que l'autre.
Les cinq espèces qu'on vient de citer s'accordent en ce qu'elles
ont une corolle monopétale irrégulière, excepté que, dans le
chèvre-feuiUe de trompette, elle est presque régulière. Dans les
véritables chèvre-feuilles le tube est d'une longueur remar-
quable ; le vaisseau à semence dans toutes ces espaces est une
baie qui croît au-dessous de la fleur, et qui renferme plusieurs
semences, quoique la dernière n'en ait que deux.
Le nombreux genre du rhamnus ( le nerprun ) , qui con-
tient vingt-sept espèces, est aussi du premier ordre dans la
c\AS?>e pentandrie. Ces espèces sont ou épineuses, ou piquantes,
ou désarmées. Le nerprun purgatif est une des premières ;
il a des épines qui terminent les branches , la tige droite ,
les feuilles ovales , et le calice partagé en quatre segments.
Les baies renferment quatre semences; et si vous les mouillez
et les frottez sur du papier blanc , elles lui donneront une cou-
leur verte. Je fais mention de ces deux circonstances, parce
que ceux qui recueillent ces baies pour les vendre en mêlent
souvent d'autres avec. Je sais que ce détail ne peut manquer de
vous intéresser , quand vous saurez que le beau vert ' , dont
vous faites usage quand vous peignez en miniature , est com-
posé avec ces baies. Si vous avez la curiosité de les chercher
dans les haies pour faire cette couleur vous - même , vous ne
devez pas être surprise si vous ne les trouvez pas à chaque
nerprun ; car toutes les fleurs sont incomplètes , quelques-unes
de ces plantes les ayant avec des étamines , et d'autres seule-
ment avec un pistil , et les premières n'ont jamais de fruit.
Le sureau qui porte des baies est une de ces espèces qui
I Vert de vessie.
SUR LA JÎOTAJNIQUE. ^,8^
n'ont point de piquants ; il f;ioît dans les forêts, (l'est un ar-
brisseau d'une couleur sombre , avec des {grappes de petites
Heurs herbacées , et une corolle à cinq pointes , à laquelle suc-
(îèdent des baies noires qui contiennent quatre semences ; les
Icuilles sont ovales, unies, et tout-à-fait entières.
Une autre espèce encore de cette division de plantes sans pi-
quants est l'alaterne , qu'autrefois on tondait avec tant de soin
dans les haies et aux palissades des murailles ; maintenant on
le voit parmi d'autres arbrisseaux toujours verts, conservant sa
forme naturelle. Les feuilles sont extrêmement luisantes , en
général dentelées sur les bords ; les fleurs ont un stigmate à trois
pointes , et sont incomplètes comme celles du chèvre-feuille ;
la corolle est à cinq pointes , et la baie à trois semences. Il y
a plusieurs variétés de l'alaterne , qui diffèrent pour la forme
des feuilles, et en ce qu'elles sont plus ou moins profondément
dentelées ; elles sont aussi quelquefois tachetées ou bariolées.
On confond souvent cet arbrisseau avec \e phillyrea , duquel
on peut le distinguer en tous les temps par la position des
feuilles, qui est alterne dans \e phillyrea et opposé dans l'au-
tre. Quand les deux arbrisseaux sont en fleurs, vous apercevez
des distinctions plus essentielles.
Le nerprun porte-chapeau est une plautp de la division dv
celles qui ont des piquants. Il a des épines doubles ; les infé-
rieures sont recourbées, et c'est im autre exemple d'irrégu-
larité dans ce genre, le germe ayant trois loges , étant entouré
par une bordure membraneuse , et couronné par trois styles.
Il a une tige pliante , faible , et qui a besoin d'appui ; les fleurs
croissent en grappes; leur couleur est d'un jaune verdàtre; les
corolles sont à cinq pointes. Comme il est fort commun dans la
Palestine , on a imaginé que c'était l'arbrisseau qu'on employa
pour faire la couronne d'épines de notre Sauveur.
Le caractère commun à toutes ces plantes est qu'elles n'ont
qu'un calice ou une corolle, avec cinq petites écailles, une à
la base de chaque division , se courbant l'une vers l'autre , et
défendant les étamines. Le vaisseau à semence est une baie
A>nde, divisée en moins de parties que la corolle ou le calice.
Le groseiller , le lierre et la vigne sont aussi de cet ordre
des monogj'rtcv; mais, comme ces plantesvous sont connues ainsi
Îi88 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
qu'à tout le monde , je ne m'y arrêterai pas, ma lettre étant
déjà fort longue.
Quelques autres arbres et arbrisseaux sont moins connus,
parce qu'ils viennent dans des climats plus chauds. Tel est le
café, qui tire son origine de l'Arabie, quoiqu'il soit aujourd'hui
commvm dans les deux Indes. On le connaît par sa corolle en
forme de soucoupe, avec les étamines qui croissent sur le tube,
ainsi que par son vaisseau à semence qui est une baie au-des-
sous de la fleur 5 contenant deux semences couvertes d'une tu-
nique détachée. Cet arbre ne croît pas au-dessus de seize ou
dix-huit pieds de haut; ses feuilles sont grandes et d'un vert
luisant, en forme de lance, et ondoyantes sur les bords. Les
fleurs viennent en grappes , serrées contre les branches ; les
corolles sont à cinq pointes, d'une couleur blanche, pure, et
d'une odeur très - agréable. Cet arbre est toujours vert , et fait
dans tous les temps une belle apparence.
Le cestrum ou jasmin bâtard est un arbrisseau des Indes oc-
cidentales , et par conséquent demande une serre chaude pour
être conservé dans ces contrées septentrionales. 11 a une corolle
en forme d'entonnoir; les filets ont un petit alongement au mi-
lieu, et le vaisseau à semence est une baie qui n'a qu'une loge ,
et qui contient plusieurs semences. Une des espèces de cette
plante a des grappes de fleurs herbacées, portées sur de courts
pédicules , et qui donnent une bonne odeur pendant la nuit.
Une autre a des feuilles d'un vert très-vif et d'une grande con-
sistance; elle a des grappes de fleurs blanches, serrées contre
la tige , et qui répandent un parfum agréable pendant le jour.
Le diosma est un genre d'arbrisseau qui croît au cap de
Bonne - Espérance. Ceux-ci appartiennent à une autre classe,
ayant cinq pétales à la corolle qui est inférieure , ou qui ren-
ferme le vaisseau à semence ; le germe est aussi couronné par
cinq nectaires , et se change en trois ou cinq capsules unies en-
semble , contenant chacune une semence avec une tunique élas-
tique qui les enveloppe ; les fleurs sont petites , mais d'une
forme élégante , et d'une agréable odeur aromatique.
Les autres arbres et arbi'isseaux étrangers appartenant à
cette classe et à cet ordre , sont l'arbre bois de fer , le phy-
licas , le mangle, et quelques autres; mais, puisqu'il n'est pas
SITU LA liOTANIQUJ:. ^8y
vraisiMTiblable que vous les rencontiiez, je n'entrerai clans au-
(Miti clélail là-dessus.
Il reste à prendre notice de quelques belles plantes qu'on
cultive ordinairement dans les jardins , à cause de leur beauté.
Telles sont les espèces de la lychnidcii. Vous les connaîtrez
par leur corolle en forme de soucoupe, avec un tube plié;
leurs fdets sont d'une longueur inégale ; leur stigmate" est à trois
pointes, leur calice prismatique , leur capsule à trois cellules ,
avec ime semence dans chaque cellule : ce sont des plantes
permanentes. Les corolles de la plupart de ces espèces sont
grandes et d'une couleur pourpre, et les feuilles sont en forme
de lance ; elles naissent dans l'Amérique septentrionale.
A l'époque de la découverte du Nouveau- Monde, comme
on appelait pompeusement l'Amérique , tout ce qifon y trou-
vait était leprésenté comme ime merveille ; on faisait les his-
toires les plus étranges des plantes et des animaux que pro-
duisait cette partie du monde. Ceux qu'on envoyait en Europe
étaient décorés des noms les plus pompeux. Une de ces plantes
est la merveille du Pérou, qui n'offre d'autre merveille qu'une
fleur distinguée par la variété de ses couleurs ; elle appartient
à cette classe , et à cet ordre, et a les marques génériques sui-
vantes : La corolle est en forme d'entonnoir , le stigmate glo-
buleux ; il y a vm nectaire globuleux , renfermant le genre, qui
s'endurcit ensuite, et forme une espèce de noix. Il y en a trois
espèces; la première est la merveille commune du Pérou , qui
a une si grande variété de couleurs dans les fleurs de la même
plante : ces fleurs naissent en abondance aux extrémités des
branches , et, dans le temps chaud, elles ne s'ouvrent que vers
le soir; mais quand il fait un temps froid et couvert, elles de-
meurent ouvertes la plus grande partie du jour. Secondement,
celle dont on suppose à faux que la racine donne le jalap. Les
tiges de celle-ci sont enflées aux jointures ; les feuilles sont
plus petites, et les fleurs sont séparées et serrées dans les ailes
des feuilles: elles ne varient pas pour la couleur, étant toutes
d'un rouge pourpre, et n'étant guère, pour la grandeur, que la
moitié des autres; le fruit est aussi fort rude. Dans les îles de l'A-
mérique, oii elle est fort commune, on l'appelle \vijleiirde quatre
heures. La troisième espèce est la merveille du Pérou à longues
R. VII. 19
agO LETTRES ]éLÉMENTA.IRES
fleurs , dont les corolles sont blanches, et ont de très -longs
tubes ; elles donnent une odeur de musc , et se tiennent fer-
mées tout le jour, s'épanouissant à mesure que le soleil baisse;
elles croissent en grappes comme la première espèce, et les
semences sont rudes comme celles de la seconde. Celle-ci dif-
fère des deux autres, en ce qu'elle a des tiges faibles, qui
demandent quelque appui, et qui sont garnies de poils, et vis-
queuses ainsi que les feuilles : cette espèce vient dans le Mexi-
que, et n'est pas cxtnnue depuis long-temps.
L'amaranthe à crête doit être avissi rangée ici. On l'appelle
communément crête de coq, à cause de la forme qu'offre la
tête des fleurs. Elle se classe dans la division des fleurs infé-
rieures , incomplètes. Les caractères génériques sont les sui-
vants : Le calice extérieur est composé de trois feuilles sèches
et colorées , au-dedans desquelles il y a une corolle ou second
calice formé par cinq feuilles roides et pointues. Il y a un petit
bord qui entoure le germe , duquel bord naissent les filets.
Enfin le vaisseau à semence est une capsule ronde , qui s'ouvre
horizontalement , et qui contient trois semences.
Il y a plusieurs espèces ; mais celle qui est si fort estimée
pour la variété des formes et des couleurs , dans ses beaux
bouquets de fleurs , est distinguée des autres par des feuilles
oblongues et ovales, ses pédicules ronds et striés, et ses pointes
de fleurs oblongues. Les couleurs sont le rouge, le pourpre,
le jaune, le blanc et le bigarré. Quelques-unes de ces plantes
ont des bouquets de fleurs semblables à des panaches de pliimes
rouges. Il ne faut pas pourtant que vous confondiez ces plantes
avec l'amaranthe ou la plume du prince , que vous trouverez
dans une classe très-éloignée de celle-ci.
Je vais terminer cette longue lettre par la description d'un
ordre naturel , dont il me reste à vous entretenir pour le mo-
ment. Son nom lui vient d'une particularité que présente la co-
l'olle dont les divisions se courbent dans la même direction que
le mouvement apparent du soleil. Mais en outre de cette sin-
gidarité, les fleurs de cet ordre ont un calice d'une seule feuille,
divisé en cinq segments , une corolle d'un seul pétale , et un
fruit qui consiste en deux vaisseaux qui contiennent plusieurs
semences. Dans la plupart de ces genres , ces fruits sont des
SUR LA BOTANIQUE. 29 I
follicules'. Les corolles, pour la plus grande partie , sont en
forme d'entonnoir, et ont un nectaire très-i'emarquable.
La pervanchc commune, qui couvre la terre et rampe dans
les haies, aux bords de vos plantations, peut vous servir
d'exemple pour vous donner une idée de cet ordre. Elle a une
corolle en forme d'entonnoir , à laquelle succèdent deux folli-
cules droits , qui contiennent des semences qu'on appelle nues
ou simples , pour les distinguer de celles de quelques autres
genres , qui sont ailées. Vous observerez aussi que le tube de
la corolle forme un pentagone au sommet ; et vous ne man-
querez pas d'observer qu'il y a deux grands stigQiates l'un sur
l'autre.
Linnée ne veut point que la petite espèce qui rampe sur la
terre, et celle qui est droite , avec des fleurs plus grandes, soient
des espèces distinctes. Sans entrer dans aucvme dispute sur un
point qui n'est pas, vous les distinguerez l'une de l'autre, non-
seulement par leur grandeur , mais encore parce que les tiges
de la première rampent sur le terrain. Elle a aussi les feuilles
beaucoup plus étroites, et pointues vers les deux bouts, c'est-
à-dire , en forme de lance , et portées par des pétioles fort
courts; au lieu cjue les tiges de la seconde sont droites, et grim-
pent un peu. Les feuillas sont creuses à la base et ovales , plus
pomtues au bout, et portées sur de plus longs pétioles.
Il Y a une troisième espèce de pervanche droite , qui nous
vient de l'île de Madagascar, et en conséquence elle demande
à être tenue dans une serre chaude , pour être conservée dans
nos chmats. Elle a une tige roide , droite , branchue, ligneuse
au bas ; les feuilles sont d'une forme oblongue et ovale , unies
et succulentes , et assez serrées contre les branches. Des ailes
de ces feuilles sortent les fleurs portées sur des pédicules fort
courts ; en général elles viennent seules ; mais quelquefois il v
en a deux ensemble. Le tube de la corolle est long et mince.
Le bord en est fort plat. La surface supérieure est d'un rouge
brillant ou de couleur de pèche. L'inférieure est d'une couleur
de chair pâle. Il se fait une succession constante de ces belles
I C'est un vaisseau à semence sec , qui n'a qu'une cellule et une valvule.
Les semences sont couchées sur un duvet sacs être attachées , et la cosse s'ouvre
d'un côté pour les laisser sortir.
»9-
2Q2 LETTRES ÉLi!:MENTA IR ES
fleurs depuis le mois de février jusqu'en octobre ; la corolle est
quelquefois blanche.
Voleander, ou laurier rose , est une des plus belles plantes
de cette famille. Le genre a deux follicules droits , comme le
dernier ; mais les semences qui y sont renfermées sont garnies
d'un duvet ; il y a aussi une jietite couronne qui termine le
tube de la corolle , et qui est coupée en segments étroits. Les
divisions de la corolle sont dans une direction oblique avec le
tube. Cet arbrisseau croît jusqu'à la hauteur de huit à dix pieds;
les branches sortent au nombre de trois de la principale tige ;
les feuilles sortent aussi, au nombre de trois, des branches
portées sur des pétioles fort courts ; elles sont dirigées en haut ,
sont fort roides , et se terminent en pointe aiguë. Les fleurs
sortent en grappes au bout des branches. La corolle est d'un
pourpre brillant , qui varie du roug£ au blanc. Cet arbrisseau
naît sauvage dans plusieurs contrées voisines de la mer Mé-
diterranée ; mais , dans nos climats , on le tient en serre ,
cet arbuste n'étant point en état de soutenir la rigueur de nos
hivers.
Mais la plante la plus admirée de cette famille, c'est le jas-
min du Cap, qui a été premièrement découvert près du Cap
de Bonne-Espérance , par l'odeur extrêmement aromatique de
ses fleurs. Les divisions du calice sont uniformes et verticales,
et le vaisseau à semence est ime baie à deux ou à quatre cel-
lules au-dessous de la fleur. Les branches sortent par paires ;
les feuilles sont opposées aux branches, d'un vert luisant, et
d'une consistance épaisse. Les fleurs naissent au bout des bran-
ches; la corolle n'est formée que d'un pétale, mais qui est dé-
coupé en plusieurs segments, dont il y a quelquefois trois ou
quatre rangées , et alors la corolle est aussi grande et aussi
double qu'une rose. Les anthères sont insérées sur le tube,
sans filets; la corolle est blanche; mais à mesure qu'elle se
fane , elle prend une couleur de bufle; l'odeur ressemble à celle
des fleurs d'orange ou du narcisse.
Il y a aussi une autre plante de cet ordre de corolles en-
tortillées , qu'on appelle aussi Jasmin, avec l'épithète de rouge,
mais d'un genre fort différent de celui des jasmins proprement
dits. IjH phuneiia , ou le jasmin rouge, a deux follicules ré-
SUR LA BOTANIQUE. 1^'^
Héchis, avec les semences aplaties, ailées, et creusées en tuile.
On en connaît quatre un cinq espèces, toutes originaires des
Indes occidentales , excepté une qui vient du Sénégal. L'es-
pèce la plus connue a des feuilles oblongues , ovales, avec
deux glands sur les pétioles. Elle croît à la hauteur de dix-huit
ou vingt pieds; les tiges ont en abondance un suc laiteux, et
vers le sommet , elles poussent quelques branches épaisses et
pleines de suc. Au bout de ces branches naissent les fleurs en
grappes , taillées comme celles de Yoleander, d'un rouge pâle,
et ayant une odeur agréable. Comme dans nos chmats les fruits
ne succèdent jamais aux fleurs , sur cet arbrisseau , vous ne
serez pas à portée d'en distinguer les cai-actères génériques.
La fameuse écorce des jésuites appartient à un arbre de
cette classe et de cet ordre, qui se rapproche par les caractères
de la famille naturelle des conto/-tœ, à laquelle appartiennent
aussi quelques plantes du second ordre de cette cinquième
classe , parce qu'elles ont deux pistils. Tels sont la scamonée de
Montpeflier , et le geni'e nombreux des asclépias , qui con-
tient vingt -sept espèces. Dans ce dernier genre , vous avez
l'herbe d'hirondelle , ou dompte-venin , dont on prétend que
la racine est un puissant antidote contre les poisons. Cette plante
a une tige courte et droite , des feuilles ovales, barbues à la
base ; des fleurs blanches qui forment des ombelles prolifères'.
Il leur succède deux follicules longs et joints , qui renferment
plusieurs semences aplaties , couronnées d'un duvet doux et
blanc. Cette plante croît dans les contrées méridionales de
l'Europe, et est fort vivace. Les autres espèces sont beaucoup
plus grandes, et s'élèvent quelquefois jusqu'à la hauteur de
six ou sept pieds. Quelques-unes ont des racines qui rampent
et s'étendent fort loin , ce qui rend cette plante fort incom-
mode dans un jaidin. D'autres espèces , qui nous viennent du
Cap , ou des parties méridionales de l'Amérique , demandent
de la chaleur et du soin , pour être conservées. Il y en a
qui ont des corolles blanches, d'autres de couleur pourpre,
orange ou rouge. Dans certaines espèces , les feuilles sont op-
posées; dans d'autres, elles sont alternes. Quelques-unes ont
les feuilles aplaties , d'autres ont des feuilles dont les bords
' C'est-à-ilirc , que les giaudes ombelles en laissent sortir de plus petites.
294 LETTRES ELEMENTAIRES
sont roulés en arrière. Plusieurs de ces espèces sont très-agréa-
bles. Elles se ressemblent toutes par le caractère suivant, qui
par conséquent forme le caractère générique. C'est que les
segments de la corolle sont courbés en arrièi'e ; qu'il y a cinq
nectaires ovales , creux , qui se terminent à la base par un
éperon aigu , et qui enveloppent les étamines et les pistils ; et
qu'enfin à chaque fleur succèdent deux follicules qui l'enfer-
ment plusieurs semences garnies de duvet.
La stapcUa est une plante si remarquable dans cette famille,
que je ne dois pas omettre d'en faire mention. Elle a une fort
grande corolle, en forme de roue, partagée au-delà de la
moitié en cinq segments , qui sont larges , aplatis et pointus.
Le nectaire est une double étoile , dont une entoure et l'autre
couvre les étamines et les pistils. Deux follicules , renfermant
plusieurs semences aplaties et garnies de duvet , suivent cha-
que fleur.
Il y en a trois espèces connues , qui croissent naturellement
au Cap de Bonne-Espérance, qui ont toutes des branches pleines
de suc , aussi grosses au moins que le doigt d'un homme. Les
trois espèces sont distinguées par les dentelures qui sont sur les
côtés de ces branches, sans feuilles, et qui, dans la j^remière
espèce, s'étendent horizontalement, se terminant en pointes
aiguës; dans la seconde, elles ont leurs pointes droites , et dans
la troisième, obtuses.
Dans la première espèce, les fleurs sortent seules des côtés de
la branche , vers le bas , portées sur de courts pédicules ; la co-
rolle est verdâti'e à l'extérieur, mais jaune au-dedans , ayant un
cercle pourpre autour des nectaires ; le tout est marqueté, d'une
manière fort agréable , de taches de pourpre, comme le ventre
d'une grenouille. Les branches de la seconde espèce sont beau-
coup plus grandes et plus droites ; elles ont quatre sillons, qui
les parcoui'ent dans leur longueur, et les dentelures sont placées
sur les boi'ds de ces sillons. Les fleurs sont beaucoup plus
grandes que celles de la dernière espèce, et d'une substance
beaucoup plus épaisse. Elles sont couvertes de beaux cheveux
de couleur pourpre. Le fond en est d'un jaune verdâtre, rayé et
marqueté de lignes de pourpre..
Mais la grande singularité de ces plantes , c'est que la fleur
SUR LA B()TAJ\IQU£. ti^S
quand elle est bien épanouie , a une odeur fétide , si fort res-
semblante à celle d'une charogne , que les mouches, qui s'at-
tachent à la chair, y vont déposer leurs œufs, qui viennent sou-
vent à éclore et produisent de petits vers; mais la génération de
ces vers ne va pas plus loin, et ils ne se transforment jamais en
mouches. C'est un exemple rare d'un animal trompé par son
instinct.
Je crois maintenant, ma chère cousine , vous avoir assez fati-
guée par la longueur de cette lettre. Je vous laisse méditer sur
cette irrégularité de la nature , et vous dis adieu de tout mon
cœur.
LETTRE VIL
lei mai, 177.5.
Je ne suis point surpris, ma chère cousine, que vous ayez été
curieuse de savoir ce que c'est que le nectaire, dont je vous ai
iait mention plusieurs fois dans ma dernière lettre; mais je ne
suis point disposé à présent à satisfaire votre curiosité par une
longue explication. Je vous dirai seulement que c'est un ap-
pendice de la corolle, et qu'il contient un suc qui probablement
sert à la plante. Toujours est-il vrai qu'il sert de nourriture aux
abeilles et à plusieurs autres insectes. C'est un véritable Protée,
et qui prend beaucoup plus de formes différentes que cet en-
fant de Neptune. Une autre fois je pourrai peut-être appro-
fondir davantage ce sujet; maintenant il nous faut suivre les
divers genres de plantes qu'il nous reste à examiner.
Vous aurez bien du plaisir, quand vous saurez que le se-
cond ordre de la cinquième classe est entièrement composé de
la famille des ombellifères , que vous connaissez déjà si bien.
11 y en a cependant quelques - unes , que la circonstance d'a-
voir cinq étamines et deux pistils ramène dans la même di-
vision du système arbitraire, quoiqu'elles n'y aient pas un
rapport naturel. Nous examinerons un petit nombre de ces
plantes, avant d'entrer dans un détail sur les ombellifères.
•2^6 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
Plusieurs de ces plantes ont des fleurs incomplètes , ou n'ont
pas de corolle. On en trouve plusieurs parn*i les légumineuses ,
dans les ordres naturels de feinuée, appelés, par d'autres au-
teurs, apétales.
Telles sont toutes les pattes d'oie , dont il n'y a pas moins
de vingt espèces, et qui la plupart croissent sur les fumiers
et dans des lieux incultes , n'ayant d'ailleurs aucune beauté
qui puisse attirer vos yeux. On les connaît par leur calice à
cinq feuilles et à cinq angles, qui renferme une semence ronde
et aplatie, de la forme d'une lentille. Une des espèces les
plus remarquables est la mercuriale anglaise , ou la toute-
bonne, qui vient communément dans des lieux incultes, le long
des murailles, et sur les bords des chemins. On la cultive en
quelques endroits à la place de l'épinard. Les feuilles de celle-
ci sont triangulaires, tout-à-fait entières, ondoyantes, et avant
la surface inférieure couverte d'une espèce de farine. Les fleurs
croissent en pointes composées , qui sont privées de feuilles ,
et sortent des ailes.
La bette ressemble beaucoup à ces plantes , pour les carac-
tères principaux ; mais on la distingue en ce qu'elle a une se-
mence en forme de rognon, enveloppée dans la substance du
calice. Dans son état de plante sauvage , sur la côte de la mer ,
et dans les mai'ais salants, elle a deux fleurs qui sortent en-
semble ; les tiges sont faibles , et sont la plupart couchées sur
la terre; les feuilles sont triangulaires et obliques, ou verti-
cales ; les divisions du calice sont égales , et ne sont pas den-
telées au bas : cette plante fleimt la première année qu'elle
est sortie de la semence. L'espèce potagère a plusieurs fleurs
qui sortent ensemble. Les tiges sont droites , les feuilles oblon-
gues , en forme de lance, épaisses et remplies de suc. Les di-
visions du calice sont dentelées à la base , et la plante ne fleurir
que la seconde année.
Quelquefois elle a des feuilles d'un vert pâle , et de petites
racines ; quelquefois les feuilles sont d'un rouge sombre, avec
de grandes racines de couleur pourpre, ayant la forme d'une
carotte ; mais on ne croit pas , en général , qu'elles forment
des espèces distinctes.
Les herbes qui servent à finie le verre appartiennent aussi à
SUR LA BOTANIQUE. 297
cette famille des légumineuses. On les distingue par leurs gran-
des semences , en forme de spirale, comme une vis , couvertes
d'une espèce de capsule , qui est enveloppée dans un calice. Il
V en a une espèce qui est sauvage et croît dans les marais
salants, qui a une tige herbacée qui est couchée à terre, en
forme d'alêne ; elle a des feuilles rudes qui se terminent en
épines ; les calices sont bordés , et le style est à trois pointes.
Une autre espèce qui croît en état de plante sauvage dans
les pays plus chauds, a aussi des tiges herbacées, qui se ré-
pandent sur la terre ; mais c'est une plante beaucoup plus
grande que l'autre , et les feuilles n'ont point d'épines. Ces
plantes, et toutes celles de cette espèce, donnent le sel caus-
tique alkalin , dont on se sert dans les verreries pour la com-
position du verre.
L'amaranthe en globe appartient à cette classe et à cet ordre;
sa belle tète ronde est composée de plusieurs fleurs, qui ont un
grand calice de deux feuilles, en forme de bateau, aplati et
coloré ; la corolle est divisée en cinq segments rudes et garnis
de poils ; le nectaire est cylindrique , divisé en cinq parties au
sommet ; le style est coupé , jusqu'à la moitié , en deux parties ;
il y a une capsule qui s'ouvre horizontalement , et qui contient
une semence. L'Inde est son pays natal; la tige est droite et
annuelle ; les feuilles sont en forme de lance , comme les bran-
ches et les pédicules qui sont nus et longs, excepté qu'il y a une
couple de feuilles courtes , qui croît sous chaque tète de fleurs,
et qui vient toujours seule. Le calice et la corolle étant sèches ,
gardent leur couleur pendant plusieurs années, et de là vient
le nom qu'on a donné à cette plante , amaranthe ou incorrup-
tible : sa couleur ordinaire est d'un pourpre brillant; mais
(pielquefois les tètes sont d'un blanc très-brillant , ou de cou-
leur d'argent. Le nom ne doit pas vous porter à ranger cette
j)lante dans la classe des véritables amaranthes , pas plus que
l'amaranthe à crête. Quand on vous dit que l'orme est de la
même classe et du même oidre, et appartient aussi à la famille
des incomplètes, comme n'ayant point de corolle, vous ferez
réflexion vraisemblablement qu'un système artificiel est fort
différent d'un arrangement naturel. En cela vous ne commet-
trez point de méprise ; mais il faut aussi que vous considériez
298 LETTRES ÉLIÉMENTAIRES
qu'un système artiilciel est le seul qui puisse vous mettre en
état de trouver les genres et les espèces des plantes , qui est
l'art dont je me propose de vous instruire. Peu de personnes
savent que l'ormeau a une fleur , parce qu'elle n'est remarqua-
ble , ni pour la grandeur , ni pour l'apparence, et qu'elle vient
pendant que la saison est encore rigoureuse. Cependant la vé-
rité est que cet arbre abonde en fleurs , avant que les feuilles
fassent leur apparition. Elles n'ont pomt de corolle , mais un
calice à cinq pointes ; la fleur passe promptement, et il lui suc-
cède une semence, couverte et entourée d'une membrane aplatie.
Les différentes espèces connues sous le nom à'onne des sor-
cières à feuilles rudes , orrrte des sorcières à feuilles unies ,
le noisetier des sorcières , l'orme anglais, tonne hollandais,
l'orme droit , etc. , passent pour être des variétés de la même
espèce ; et toutes ont des feuilles doublement dentelées , et iné-
gales à leur base.
Les gentianes sont aussi de cette classe et de cet ordre , ainsi
que de la subdivision qui renferme des corolles monopétales
inférieures. On les distingue des autres genres de cette subdi-
vision , par la capsule qui est oblongue , ronde et. aiguë ; elle a
une cellule et s'ouvre par deux valvules , ayant au-dedans deux
réceptacles , chacun adhérent en longueur à une des valvules.
La forme du fruit est constante, au lieu que la ligure et le
nombre des parties , dans la fleur , varient dans les différentes
espèces qui sont nombreuses '^ Une grande partie de la science
et de la sagacité du botaniste consiste à saisir les parties qui
sont constantes dans toutes les espèces , et d'en former les ca-
ractères génériques. C'est en cela que consiste le grand mérite
<le Linnée. Ceux qui ont écrit sur la botanique avant lui , ou
bien ont pris toutes les parties sans distinction , ou se sont
servis invariablement de la même pour cet effet.
Les espèces ont, ou quatre , ou cinq pétales. Les dernières
ont, ou des corolles en forme d'entonnoir , ou approchant de
la forme d'une cloche ; de là naît une triple division du genre.
La principale plante de ce genre est la grande gentiane jaune,
qui a une seule tige , haute de trois pieds , couverte de feuilles,
qui sont grandes, ovales, marquées en-dessous, avec des ner-
I Trcutc-Dcuf.
SLR LA BOTANIQUE. 299
vures qui se rencontrent h la pointe. Les plus basses sont pé-
tiolées , et les supérieures sont sessiles. Il n'y a qu'iuie fleur
pour chaque pédicule , mais elles croissent un bouquet autour
de la tige ; le calice ressemble à une double gaine; la corolle est
en forme de roue , coupée en cinq segments' ; la couleur jaune
est marquée par des taches irrégulières. La racine est fort
grande , et d'une grande amertume. Cette amertume se com-
munique tellement à toute la plante, que le bétail n'y touche
jamais lorsqu'il paît dans les pâturages montagneux de l'Alle-
magne et de la Suisse , où cette plante croît naturellement.
La petite centaurée est une plante de ce genre; on la dis-
tingue par sa tige , divisée en deux , et ses coi'olles en forme
d'entonnoir, partagées en cinq segments; elles sont d'une cou-
leur de pourpre brillant , qui souvent se fane et devient blanc.
Cette plante est annuelle, et varie beaucoup pour la hauteur,
suivant le sol , depuis trois ou quatre pouces jusqu'à un pied.
Celle-ci est extrêmement amère , comme l'autre.
Il y a plusieurs belles petites gentianes , avec des fleurs du
plus beau bleu qu'on puisse imaginer , qui croissent en état de
plantes sauvages dans les Alpes. Une de ces espèces est souvent
cultivée dans les jardins, sous le nom de gentia/iel/a , et offre
une singularité, en ce qu'elle a de belles fleurs couleur d'azur ,
en forme de cloche , plus grandes que toute la plante.
La centaurée jaune se range aussi naturellement dans ce
genre ; mais on l'a mise dans la huitième classe , premièrement
sous le nom de blackstonia, et maintenant sous celui de chlora.
Mais il me semble qu'il vous tarde de parcourir un pays qui
vous soit plus connu. En effet, vous êtes déjà si bien versée dans
la connaissance de la famille des ombellifères, que vous trouverez,
j'en suis persuadé, peu de difficultés à déterminer les genres
et les espèces. Plusieurs de ces plantes sont fort généi'alement
connues , soit par leur usage en médecine , ou dans la cui-
sine, ou bien pour leurs qualités vénéneuses. Plusieurs de ces
plantes , qui croissent sur des terrains secs , ont des racines
dont l'odeur et le goût sont aromatiques et piquants , tandis
que celles qui croissent dans les endroits hunjides , ou dans
• Quelquefois il y a jusqu'à iiiiit scgmeuls.
3oO LKTTJIES ÉLIÎMENTAIRES
IV-au , comme le font plusieurs , ont ces qualités dans un beau-
coup nioiiiche degré.
Il y a long- temps que vous êtes en ^-tat de distinguer le vé-
ritable persil et le cerfeuil du persil des fous. Il y a une autre
plante sauvage qui croît sur les rivages et aux bords des che-
mins, qu'on appelle ciguë-cerfeuil, qui a souvent été prise pour
le cerfeuil de jardin , et a produit de mauvais effets , ayant été
mis dans la soupe. H n'est pourtant pas si dangereux , parce
qu'il ne croît point en état de plante sauvage dans les jardins ,
et qu'il faut aller dehors pour s'empoisonner avec ce végétal.
Cependant , à d'autres égards , il est plus dangereux , parce
que non-seulement il appartient à la même division , comme
ayant seulement des enveloppes partielles , mais encore parce
qu'il est du même genre. C'est pour cette raison qu'on peut le
prendre facilement pour le véritable cerfeuil , même quand
il est en fleur , ce qui n'a pas lieu à l'égard du persil des fous.
Ces deux plantes ont une corolle radiée , des pétales entaillés
au bout , les fleurs du milieu souvent incomplètes , et ne pro-
duisant point de semence, et les fiuits d'une forme oblongue.
Néanmoins , malgré toute cette ressemblance de caractère , on
les distingue aisément , soit lorsqu'elles sont en fleurs, ou lors-
que la fleur est passée. La ciguë-persil est une plante beaucoup
plus petite ; à la vérité, les tiges sont unies, et les feuilles joli-
ment taillées, mais elles sont garnies de poils; les divisions
sont beaucoup plus petites, et placées près-à-près; le vert en
est beaucoup plus foucé que dans le cerfeuil de jardin; les co-
rolles aussi sont uniformes, les semences ovales, et fort rudes.
Le cerfeuil de jardin est une plante grande, jolie, et dont les
feuilles sont unies. Les ombelles sortent des côtés des branches,
et sont très-serrées contre elles; les semences sont longues,
étroites et luisantes. Après tout, je suis persuadé que quand vous
aurez l'occasion de comparer ces deux plantes ensemble, comme
vous pouvez le faire aisément, le jardinier vous en fournissant
une, et l'autre étant si commune dans un état sauvage, vous
serez étonnée qu'on les ait jamais prises l'une pour l'autre. Ici
vous voyez que nous avons un exemple d'une plante ombel-
lifère, qui croît dans un terrain sec, et qui est vénéneuse. Vous
ne devez donc pas conclure que toutes celles qui croissent sur t\v
SUR LA BOTANIQUE. 3o I
pareils terrains sont salutaires, et que toutes celles qui viennent
dans des terrains humides sont vénéneuses.
Nous avons un autre exemple de cette ressemblance fatale,
non pas dans deux plantes de cette famille , mais dans un€ de
celle-ci, avec une autre d'une classe différente, savoir, le pa-
nais d'eau rampant avec le cresson d'eau, qui appartient aux
crucifères. Vous connaissez si parfaitement ces deux familles ,
qu'il est impossible que vous les confondiez l'une avec l'autre,
quand elles sont en fleur ; mais ce n'est pas alors qu'on mange
le cresson d'etiu, et cette plante est si différente pendant sa flo-
raison, que je suis persuadé que celui qui est accoutumé à en
manger croirait qu'on lui en impose, si on le lui présentait alors
comme du cresson d'eau. Quand l'une et l'autre de ces plantes
sont jeunes, elles se ressemblent véritablement beaucoup; et
comme elles viennent ensemble très-souvent, on peut quelque-
fois prendre l'une pour l'autre. Cependant je dois avouer que
je n'ai commis cette méprise que deux fois, et seulement en
rencontrant une de ces plantes parmi un ti'ès-grand nombre
des autres. Ce qui peut les faire distinguer, c'est que les feuilles
du panais d'eau sont d'un vert qui n'est pas foncé. Les lobes
ou petites feuilles, qui composent toute la feuille qui est ailée
ou pinnée, sont plus longs etplus étroits, dentelés sur les bords,
et pointus à l'extrémité; au lieu que les feuilles du cresson d'eau
ont une teinte de couleur brune. Les lobes sont arrondis, et
particulièrement le lobe impair, qui est au bout, est fort grand
et émoussé. Aucun de ces lobes n'est régulièrement dentelé; ils
ont seulement quelques dentelures sur les bords.
Les caractères par lesquels vous connaîtrez le panais d'eau
quand il est en fleurs, sont les suivants : il a une enveloppe univer-
selle et partielle; les fleurs sont toutes fécondes, les pétales sont
en forme de cœur , les semences ovales et rayées. Cette espèce
est distinguée des autres par ses feuilles pinnées et les ombelles
de fleurs qui sont collées contre la tige dans les ailes.
Une autre plante vénéneuse d'une grande réputation est la
ciguë. C'est une plante qui s'élève à la hauteur de trois pieds, et
même davantage; on la reconnaît aisément par sa tige tachetée
de pourpre; elles a les deux enveloppes, l'universelle, composée
de trois, quatre, cinq ou sept feuilles recourbées et assez larges ;
3oa LETTRES ÉLÉMENTAIRES
l'enveloppe partielle est seulement de trois ou quatre feuilles
larges sur un côté de l'ombelle ; les deux sont fort courtes ; les
fleurs sont toutes fécondes, irrégulières en-dehors, régulières
en-dedans ; les pétales sont en forme de cœur; le fruit est presque
sphérique , marqué de cinq sillons. L'espèce commune est dis-
tinguée par ses semences unies et rayées; les feuilles sont gran-
des, nombreuses, d'un vert sombre, mais luisant, triplement
pinnées, et les dernières divisions obtusément dentelées ; elle a
plusieurs ombelles de fleurs blanches, avec des rayons nom-
breux; elle croît naturellement sur les bords des fossés , dans
des sentiers étroits et ombragés , près des fumiers et des cime-
tières. C'est une plante qui dure deux ans.
Les eaux fournissent d'autres herbes vénéneuses, comme la
ciguë aquatique, la cigué aquatique à longues feuilles , la ciguè
aquatique filipcndule et la tilipendule d'eau commune; mais
quittons ces plantes de mauvais présage, et examinons celles
qui ne sont pas nuisibles, et qui sont à votre portée.
Il y a deux plantes ombellifères que vous êtes sûre de ren-
contrer auprès de chaque haie ; on les nomme cerfeuil sauvage
et cerfeuil rude. Elles sont l'une et l'autre du même genre ,
mais d'un genre différent du cerfeuil de jardin; elles ont des en-
veloppes partielles , mais non pas universelles; ces enveloppes
sont composées de cinq feuilles concaves , et pliées en arrière ;
quelques-unes des fleurs du milieu tombent sans laisser de se-
mences ; les pétales sont courbés et en foi^me de cœur ; le fruit
est oblong et uni. La première, qu'on appelle vulgairement
herbe de vache on persil de vache^ a une tige unie et rayée, et
les jointures un peu enflées. La seconde a une tige rude, et
les jointures plus enflées. La première , est remarquable par la
quantité de ses feuilles, qui sont foi't grandes, et en général
unies, excepté les nervures. La seconde a des feuilles garnies
de poils, mais non aussi grandes, ni autant divisées; les om-
belles se balancent ordinairement, et les semences sont profon-
dément ravées ; l'une et l'autre ont quelquefois une feuille à
l'origine de l'ombelle universelle; elles ont toutes deux une
odeur forte , et ont des quaUtés approchantes de celles qu'on
remarque dans les classes précédentes, mais non pas à un degré
qui doive les faire regarder comme vénéneuses.
SUR LA. BOTANIQUE. 3o3
Quelques-unes des plantes de cette famille sont employées
généralement pour la nourriture; ce qui fait qu'elles sont con-
nues de tout le monde. Il semble donc au premier coup-d'œil
qu'il est inutile de vous en parler. Cependant vous pouvez avoir
mangé les racines des carottes et des panais, les tiges de l'an-
gélique, du céleri et du fenouil, les feuilles du persil et de la
crête marine, ou fenouil marin, les semences de la coriandre et
du carvi, sans pouvoir connaître aucune de ces plantes lorsqu'on
vous les présente ; néanmoins, lorsque vous les trouvez en fleurs,
vous les rangez aussitôt dans la famille des ombellifères. La
carotte, le cai'vi et l'angélique se classent parna celles qui ont
les deux enveloppes. La coriandre a seulement une enveloppe
partielle, et les autres n'ont ni l'une ni l'autre. La carotte ' a une
grande enveloppe ailée; quelques-unes des fleurs du milieu
tombent sans laisser de semence, et le fruit est hérissé de soies
rudes; les fleurs extérieures sont fort irrégulières; toute l'om-
belle, lorsqu'elle approche de son état de maturité, prend une
forme creuse fort semblable à un nid d'oiseau; les feuilles sont
rudes et garnies de poils. La carotte de jardin diffère peu de la
CiU'otte sauvage , excepté dans le volume et la mollesse de la
racine.
Le fenouil marin a une ombelle qui n'est pas aplatie ou
creuse comme celle de la précédente, njais qui est hémisphé-
rique ; les fleurs sont toutes fécondes et semblables, les pétales
aplatis, le 'fruit ovale et plat; les tiges sont remplies de suc,
les feuilles pinnées , composées de trois ou cinq divisions , dont
chacune a trois ou cinq petites feuilles épaisses en forme de
lance ; les corolles sont jaunes. Cette herbe enfonce ses racines
profondément dans les crevasses des rochers, et pend en en-bas ;
elle croît surtout dans les lieux d'un accès difficile. Ceux qui
recueillent des plantes sont tentés d'y substituer une auti'e
plante,^ qu'ils ramassent sans fatigue sur le rivage, mais qui n'a
pas les qualités chaudes et aromatiques du fenouil marin. Ceux
qui vivent sur la côte orientale doivent être étonnés lorsqu'ils
entendent dire que c'est un dangereux métier de l'ecueillir
le, fenouil marin tandis qu'ils le ramassent tout à leur aise en se
' Dans l'espèce cultivée toutes les fleurs sont fécondes.
* Fenouil marin doré.
3o4 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
promenant sur un rivage plat et sablonneux : mais le leur est
une tige arrondie , avec des jointures , et qui n'a point de goût;
elle est traversée par le milieu dans sa longeur d'une espèce de
cordon rude , ' en place d'une feuille aplatie , lequel cordon a
un goût piquant. Ce fenouil marin qui vient dans les marais se
range dans le premier ordre de la première classe, et on le bnile
pour faire de la soude, qui sert aux ouvrages de verrerie. Vous
voyez ici dans quel embarras jette la confusion des noms, et com-
bien il est difficile de se procurer la plante qu'on désire, si l'on n'en
connaît pas autre chose que le nom. Demandez à un herboriste,
ou à celui qui vend des drogues, une plante ou quelque sub-
stance des trois règnes qu'il n'a point , il ne se fera pas de scru-
pule de vous donner une plante à la place d'une autre. Si cette
supercherie ne devient pas nuisible à ceux à qui ces plantes
doivent servir de i"eraède, elle induit toujours en erreur le na-
turaliste qui n'est pas en garde contre de pareilles erreurs.
L'angéliquc a de grandes ombelles globuleuses; toutes les
fleurs de cette plante sont fécondes et régulières ; les pétales
sont courbés ou réfléchis en en-hatit vers le bout ; le fruit est
arrondi , avec des angles ou des sillons et terminé par deux
styles recourbés.
L'angéliquc cidtivéectl'angélique sauvage sonti'econnues uni-
versellement pour deux espèces distinctes. Elles ont l'une et
l'autre des feuilles pinnées ; mais la première a le lobe impair,
qui est au bout , généralement divisé en trois parties ; la seconde
a tous les lobes égaux , eu forme de lance , et dentelés sur
les bords. La première est une plante beaucoup plus grande,
les lobes des feuilles sont plus larges , plutôt ovales qu'en forme
de lance , et les corolles verdâtres. La seconde a une tige
plus mince et moins remplie de suc; à peine a- 1- elle une en-
veloppe universelle , et les corolles sont teintes de rouge.
La coriandre n'a point d'enveloppe universelle , quoiqu'elle
ait quelquefois une feuille , comme dans l'angéliquc sauvage.
L'enveloppe partielle est composée de trois feuilles , et est
courte;les fleurs du milieu ne pi'oduisentpointde semences. Les
pétales sont plies en-dedans , et en forme de cœur ; les pétales
ï Fenouil marin de marais , qu'on appelle aussi herbe de verre ou herbe de
sel à jointures.
SUR LA BOTANIQUE. 3o5
extérieurs sont grands ; le fruit est sphéritjue , comme vous
savez ; le calice de chaque petite fleur est plus apparent dans
celle-ci que dans les autres plantes ombellifères. Les divisions
des feuilles près de la terre sont larges ; celles des feuilles su-
périeures sont étroites. Toute la plante est douce au toucher ,
et elle exhale une mauvaise odeur, comme celle des pimaises.
Le panais a toutes les fleurs fécondes et régulières , les pé-
tales entiers, et plies en-dedans ; le fruit est oblong, aplati, ot
entouré d'une membrane; les feuilles sont simplement pinnées.
Le panais de jardin ne diffère pas essentiellement du panais
sauvage , qui a les feuilles garnies de poils, au lieu que celles du
panais cultivé sont lisses ; mais cet effet est ordinairement pro-
duit par la culture. La plante cultivée est aussi plus grande,
et les racines pleines de suc , et bonnes à manger. L'un et l'au-
tre ont des corolles jaunes.
Le fenouil apareillement toutes les fleurs fécondes et régulières,
et les pétales entiers, et plies en-dedans, comme dans la dernière
plante que nous avons examinée; le fruit approche de la forme
ovale; il est aplati et rayé. L'aneth, qui appartient aussi à ce
genre , a le fruit entouré d'une membrane , et plus aplati que
celui du fenouil. Le fenouil doux n'est qu'une variété de l'espèce
commune , quoique les lobes des feuilles soient plus longs, plus
déliés , et n'aient pas autant de densité que dans l'autre. Les
semences sont plus longues et beaucoup plus douces. La fi-
nochia est probablement une autre variété, quoique ce soit une
plante beaucoup plus petite, devenant fort large et fort épaisse
quand elle est sortie de la terre. Les feuilles de toutes ces es-
pèces sont élégamment taillées.
Le carvi n'a pas d'enveloppe propre; il a seulement une
feuille à l'origine de l'ombelle universelle; les fleurs du milieu
tombent sans semences; les pétales sont quilles, plies en- de-
dans , et entaillés au bout. Les semences sont de forme oblon-
gue, ovale et rayée.
Le persil et l'ache sont du même genre. Ils ont une espèce
d'enveloppe généralement composée d'une feuille; toutes les
fleurs sont fécondes, les pétales égaux, et plies en-dedans; le
fruit est petit, ovale et rayé. Ils ont, l'un et l'autre, des feuilles
ailées, avec les lobes linéaires sur la tige , dans le persil, et en
R. VÎT. ■ 9.0
3o6 LETTRES jéLÉMENTAIRES
forme de oœur , dans Tache. I^ céleri n'est qu'une améliora-
tion dans cette plante , qu'on doit aux pays chauds. Cependant
notre ache sauvage, qui vient communément aux bords des
fossés et des ruisseaux, quoique cultivée, ne peut servir d'a-
liment.
La terre-noix bulbeuse , dont les racines l'essemblent à une
petite patate , et qui est mangeable , a les deux enveloppes; la
plus mince est de l'épaisseur d'un cheveu ; les fleurs sont dans
une ombelle serrée, toutes fécondes; les corolles sont régu-
lières, avec des pétales en forme de cœur, et le fruit est ovale.
Cette plante se trouve fréquemment dans les pâturages secs.
La férule , dont Prométhée a employé la tige sèche à porter
le feu du Ciel , a les deux enveloppes; toutes les fleurs sont fé-
condes, les pétales en forme de cœur ; le fruit est ovale, aplati,
et marqué de trois raies de chaque côté. C'est une plante si
grande, et qui s'élève si haut, qu'on lui a donné le nom àe fe-
nouil géant. Les feuilles inférieures se répandent jusqu'à la
longueur de deux pieds , et sont subdivisées en des lobes sim-
ples fort longs et fort étroits ; la tige est creuse, avec des join-
tures , et s'élève à la hauteur de dix ou douze pieds. Quand
ces parties sont desséchées, elles ont une moelle sèche et lé-
gère , qui prend feu promptement. Les habitants de la Sicile
s'en servent comme de mèche. C'est une espèce de férule qui
produit Yassafœtida.
Le panais de vache est ime fort grande plante , mais elle
ne s'élève pas aussi haut que la précéc^ente : elle a deux envelop-
pes; mais comme elles sont fort sujettes à tomber, vous pouvez
aisément être trompée à cet égard. La corolle est fort irrégu-
lière, pliée en-dedans, et entaillée; le fruit est ovale, entaillé,
aplati , rayé, et avec une membrane autour du bord. Dans
plusieurs des espèces, les fleurs du milieu tombent sans se-
mences ; mais dans notre espèce commune, toutes les fleurs
sont fécondes; les feuilles sont ailées, et les lobes pinnatifides.
Cette plante est commune dans les prairies et dans les pâtu-
rages.
U aiguille de beiger, ou \epcigne de Vénus , est remarquable
par les longs appendices qui terminent les semences , et qui
lui donnent l'apparence du géranium , quand il est en fruit.
SUR LA. BOTANIQUE. '5o']
Cette plante est du même genre que le cerfeuil , et c'est une
iierbe qui croît parmi les blés. Mais c'est assez parler de ces
plantes onibellifères.
Dans le troisième ordre de cette cinquième classe, nous avons
plusieurs arbres et arbrisseaux , tels que les arbres qui donnent
le vernis , le sumac , la viorne et le laurustinus , le sureau , etc.
Les premiers sont connus par leurs fleurs inférieures, leur ca-
lice à cinq feuilles, leur corolle de cinq.
he sumac de Virginie est commun parmi vos arbrisseaux,
et vous le connaissez par ses jeunes branches, qui sont cou-
vertes d'un duvet semblable à du velours, et qui ressemblent,
pour la couleur et la structure, au bois d'un cerf, quand il
commence à bourgeonner. Ces branches sont courbées et dif-
formes ; les feuilles sont ailées , avec six ou sept couples de
lobes en forme de lance, qui ont des dentelures très-aiguës, et
sont garnies de poils en-dessous. Les fleurs sont produites en
touffes serrées au bout des branches ; elles sont suivies par
des semences renfermées dans des couvertures de couleur
pourpre , garnies de laine et pleines de suc , qui leur donnent
la couleur qu'elles prennent en automne , lorsque les feuilles
se desséchant prennent d'abord la couleur pourpre , et en-
suite la couleur feuille-morte.
La viorne, le sureau de marais, et le laurustinus , sont tous
du même genre , ayant des fleurs supérieures , un calice à cinq
feuilles , une corolle partagée en cinq segments , et une baie
qui renferme une semence.
Le premier a des feuilles en forme de cœur, fort veinées ,
dentelées sur lés bords, et blanches en- dessous. Le second a
des feuilles en lobes , avec des glandes sur les pétioles ; les fleurs
qui sont autour de l'extérieur du germe sont infécondes, avec
les corolles beaucoup plus grandes que les autres. Le rosier
hongre est une variété remarquable de cette espèce ; les fleurs
croissent dans une boule , et sont toutes infécondes. Le troi-
sième a les feuilles ovales et entières , avec les veines en-des-
sous , garnies de poils. Cette espèce est toujours verte.
Le quatrième ordre est peu étendu , ne comprenant que deux
genres , dont la. parnassia en forme vm. Celle-ci croît naturel-
lement dans les prairies humides et sur les bord des marais ,
20.
3o8 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
mais n'est pas fort commune. On la connaît aisément par son
calice, partagé en cinq parties. Sa coi'oUe est de cinq pétales ;
elle a cinq nectaires , en forme de cœur , garnis de poils , sur
le sommet desquels il y a de petites boules. Le germe est grand
et oVfile , sans aucun style. Il n'y a que quatre stigmates , une
capsule d'une cellule, et quatre valvules. Elle a une tige simple,
avec une feuille en forme de cœur , qui embrasse la tige , et
une seule fleur ; la corolle est blanche.
Dans le cinquième ordre, la pentagvnie, on trouve Varmeria,
le lin, etc. iJarmeria' aie calice d'une feuille, entier, plissé
et sec ; la corolle est de cinq pétales , et elle a ime semence cou-
ronnée du calice. Ce sont les caractères du genre qui a vingt-
deux espèces. \] armeria commune a une triple enveloppe , ou
un calice conmiun, et des fleurs qui croissent en formant une
tète ronde , sur le sommet d'une tige nue ; les feuilles, qui for-
ment une touffe serrée, près de la terre, sont linéaires ; les corolles
sont rouges , avec différentes nuances , depuis la couleur de
chair pâle jusqu'à l'écarlate biillante; ces variétés sont occasion-
nées parle sol et la situation ; car on trouve cette plante dans
les marais salants et sur les montagnes. 'Varmeria était fort
employée autrefois, pour garnir les bordures des parterres;
mais elle est aujourd'hui tout-à-fait hors de mode.
Le lin a aussi une corolle de cinq pétales ; mais le calice est
de cinq feuilles ; la capsule s'ouvre par cinq valvules , ayant
au-dedans dix cellules , dans chacune desquelles il y a une se-
mence. Il n'y a pas moins de vingt-deux espèces de lin : celle
dont l'usage est si étendu est distinguée des autres par le
calice et la capsule , qui sont en pointe. Les pétales sont entail-
lés, les feuilles en forme de lance et alternes sur la tige , qui
est sans branches. Sur le sommet de celle-ci il y a quatre ou
cinq fleurs , avec de belles corolles bleues , qui sont fort su-
jettes à tomber. C'est une plante annuelle d'environ un pied et
demi de haut, dans les champs. Dans les jardins elle croît plus
haut de six pouces, et jette quelques branches dans les en-
droits où elle est détachée.
L'usage et la beauté du lin sont faits pour vous intéresser;
ainsi je vous laisse méditer sur cet article, et vous dis adieu.
i Statice capitée , ga/.ou d'Ol ympp.
SUR LA BOTANIQUE.
30(J
LETTRE VÏII.
10 mai 177D.
Nous sommes retournés, ma chère cousine, au point d'où
nous sommes partis, la famille des liliacées étant renfermée
dans le premier ordre de la sixième classe, dans le système de
Linnée. Ces belles et superbes fleurs ont tellement gagné l'es-
time des curieux de l'Europe, qu'ils n'ont épargné ni peine ni
dépense pour les faire venir des pays les plus éloignés de
l'Orient, ni pour les cultiver chez eux. C'est ce qui fait qu'elles
sont en général si connues, que des personnes qui ne sont pas
du tout versées dans la botanique, voient tout de suite qu'elles
appartiennent à la même famille. Vous n'êtes certainement pas
embarrassée pour déterminer leur rapport général et leur ana-
logie, d'après les notions préliminaires qui ont été données dans
la première lettre, et l'expérience que vous avez acquise de-
puis. Ilreste donc seulement à vous instruire deleurs caractères
génériques et spécifiques ; et pour cet effet, je vous présenterai
quelques-unes de ces plantes qui peuvent le plus être à votre
portée. Si je voulais mettre sous vos yeux chacune des plantes
liliacées, qui mérite votre attention, par sa beauté , il faudrait
que j'épuisasse toute la famille. Il y a premièrement deux pré-
cautions à prendre. D'abord on doit observer que la famille des
liliacées n'est pas bornée à la classe de Vhe.xandne , quoique
la plus grande partie y soit contenue; ensuite on doit savoir
que d'autres plantes , en petit nombre ' à la vérité, doivent être
rangées dans le même ordre.
Vous vous ressouvenez que le lis n'a point de calice ; cepen-
dant vous ne devez pas supposer que toute la famille manque
de cette partie si importante dans la fleur. C'est une circon-
stance qui occasionne une subdivision triple dans cet ordre. La
première est de celles qui ont un calice ; la seconde, de celles qui
• Dix-huit genres de soixante-cinq. Toute la classe a quatre-vingt-un genres,
l't quatre cent soixante treize espèces.
3lO LETTRES l^LÉM ENT AIRES
ont une gaînc qui couvre la corolle, tandis qu'elle est en bouton,
mais qui est déchirée et abandonnée par la corolle quand elle
est épanouie; erifin de celles qui ont la corolle tout-à-fait nue.
Vous n'auriez pas soupçonné peut-être, à la première vue,
que Vananas, ou la pomme de pin, fût de cette famille. C'est
presque le seul genre qui soit capable de vous égarer. La fleur
a un calice supérieur à trois pointes, une corolle de trois pé-
tales, une écaille attachée à la base de chaque pétale ; le fruit
est une espèce de baie. L'espèce est distinguée par ses feuilles
longues, étroites et pointues, comme celles de l'aloès, dentelées
sur les bords, et garnies d'épines tendres. Elle se fait recon-
naître aussi par son fruit, qui est terminé par une touffe de
feuilles, qu'on appelle ordinairement la couronne; ce fruit, lors-
qu'il est planté, prend racine et produit un autre fruit. Il y a
des différences dans le fruit, que ceux qui cultivent cet objet
de luxe peuvent remarquer; mais ce ne sont que des variétés de
la même espèce, et qui ne sont nullement intéressantes pour
le botaniste.
La tradescantia , ou l'herbe d'araignée de la Virginie ' , est
une autre plante de la famille des liliacées qui est fouraie d'un
calice, lequel, dans cette espèce, est composé de trois feuilles;
la corolle aussi a trois pétales , et la capsule a trois cellules. Elle
se fait remarquer en ce qu'elle a des filets garnis de franges
de cheveux, dont la couleur est pourpre. L'espèce commune
dans les jardins est distinguée des sept autres par sa tige unie et
droite , et par les fleurs qui croissent en grappes au sommet. Ces
fleurs sont d'une belle couleui" pourpre et épanouissent par suc-
cession pendant la plus grande partie de l'été , quoique chaque
fleur ne continue d'être ouverte qu'un seul jour. D'après le
nombre des parties de la fructification et les feuilles en forme
d'épée, cette plante doit être l'angée dans la classe des iris et
des autres plantes de ce genre.
Parmi les plantes qui ont une gaine en place de calice, ou
compte la modeste, l'humble, la précoce goutte déneige qui
vient une des premières nous saluer avant le retour du prin-
tems ; elle est aussi blanche que la neige, dont elle se trouve
souvent couverte. On la distingue par sa corolle supérieure de
• Herbe bonae pour la moi>ure îles araiguées venimeuses.
SUR LA BOTANIQUE. 3ll
six pétales, dont ceux qui sont intérieurs sont plus courts de
moitié que les autres et entaillés au bout. On n'a pas besoin
d'en dire davantage d'une fleur qui est si généralement connue.
Le narcisse est une autre plante qui appartient à cette divi-
sion. Il y en a plusieurs espèces, qui ont toutes les caractères sui-
vants : une corolle supérieure de six pétales égaux, et un nectaire
en forme d'entonnoir, d'une seule pièce, qui renferme les éta-
mihes. Les espèces les plus connues sont : le narcisse blanc com-
mun, le narcisse sauvage, le narcisse multiflore et la jonquille.
La première et là seconde de ces plantes, dans leur état naturel,
n'ont qu'une fleur qui sort de la même gaine; la troisième et la
quatrième en ont plusieurs. La première a le nectaire au milieu
de la fleur; il est en forme de roue , fort court et un peu entaiUé
sur le bord. La seconde a un grand nectaire droit , frisé, et en
forme de cloche ', quelquefois aussi long que les pétales ovales
de la corolle. La troisième a un nectaire tronqué au bout, et
faisant le tiers de la longueur des pétales ; celle-ci a des feuilles
plates, au lieu que la quatrième les a subulées, longues et
étroites, comme celles d'un jonc. Elle a aussi un nectaire court,
en forme de cloche. L'estime qu'on a toujours eue pour ces fleurs
est cause qu'on a su tirer un grand nombre des variétés des
plantes mères. Les catalogues hollandais ne contiennent pas
moins de trente variétés du narcisse multiflore ; dans les ti'ois
autres, le nectaire se change entièrement en pétales, par l'effet
de la culture. Les pétales de la première sont blancs, et le nec-
taire jaune ; les pétales de la seconde sont naturellement de
«ouleur de soufre pâle , et le nectaire jaune; les pétales de la
troisième sont, ou blancs ou jaunes, avec des nectaires de cou-
leur orange , et la quatrième est toute jaune.
Il n'y a point, dans tout le système végétal, de plante plus
belle, et qui ait des fleurs plus superbes que V amaryllis , connue
par sa coi'olle supérieure, en forme de cloche, composée de six
pétales , ses étamines de longueur inégale , et son stigmate à
trois pointes. Outre plusieurs autres espèces qui se présentent
moins fréquemment , ou qui sont moins belles , vous trouverez
ici le lis de Saint-Jacques, qui ne produit qu'une ou tout au
Jî Les narcisses remplissent leurs nectaires ou calices de fleurs; les narcisses
devancent le retou r de l'iiirondelle, et soutiennent les vents du mois de mars.
5l'2 LKTTIIES ELEMENTAIRES
plus deux de ses fleurs, grandes et d'un lou^e foncé, qui soiteuÈ
du même fourreau. Les trois pétales inférieurs sont plus
grands que les autres, et sont courbés en en-bas, ainsi que
les étamines et le pistil. Toute la fleur se balance sur un côté
de la tige, et fait une très-belle apparence, particulièrement au
soleil, et il semble alors qu'elle est parsemée de poudre d'or.
Le lis du Mexique a plusieurs fleurs en général, depuis deux
jusqu'à quatre, qui sortent du même fourreau; la corolle est eu
forme de cloche, et régulière; les trois pétales extérieurs sont
recourbés au bout; les trois intérieurs sont ciliés à la base; les
étamines et le pistil sont plies en en-bas. Les fleurs sont grandes,
d'une couleur de cuivre brillant, qui s'approche du rouge; le
style est rouge , ce qui n'est pas ordinaire; la base de la corolle
est d'un vert blanchâtre.
Le lis de Grenesey a aussi'plusieurs fleurs dans la même gaine,
les corolles roulées en arrière, et l'étamine et le pistil droits.
Les corolles sont de la couleur rouge la plus riche, poudrées
d'or. On croit que cette belle fleur vient originairement du
Japon.
La tulipe, et quelques autres que je vais maintenant vous
présenter, ressemblent au lis, en ce qu'elles ont des corolles
nues et qui n'ont point d'enveloppe'. La tulipe, dont les variétés
sont inlinies dans l'état cultivé, et ayant les fleurs les plus pom-
peuses, offre une corolle inférieure, çn forme de cloche, de
six pétales; point de style, mais seulement un stigmate trian-
gulaire, qui est collé contre un long germe prismatique. L'es-
pèce est distinguée par ses feuilles courtes, en forme de lance,
et ses fleurs droites, de la tulipe d'Italie, dont les fleurs se
balancent un peu, et ont des feuilles plus longues et plus étroites,
en forme de lance, des corolles jaunes, qui ne varient jamais
pour la couleur, se terminant en pointes aiguës, et ayant une
douce odeur. La couleur commune de la tulipe orientale, dans
l'état de nature est rouge. Quand cette couleur est interrom-
pue par des raies, effet que produit la culture, des fleuristes
^ Lianée , dans son ordre naturel , a divisé la famille des liljacées en ensatie ,
eusiformes , dont on a déj.\ fait mention; en spalhacees , ou en gaînc, qu'on
vient de décrire, et en coronaires , qu'on va exposer. Quelques-unes aussi de
ses sarmenUicées appartiennent à cette famille.
SUR LA BOÏAJVIQUE. 3l3
hollandais achètent, au prix de cent ducats, im seul oignon d'une
pareille tulipe.
Combien différent de ces plantes superbes est le modeste
mais élégant lis des vallées', muguet de mai, dont l'odeur est
si douce! La corolle pure, en forme de cloche, est partagée
au sommet en six segments , qui sont un peu courbés en ar-
rière. Le vaisseau à semence n'est pas une capsule , comme
dans la plupart des plantes de cette classe , mais une baie qui
cependant est divisée en trois cellules, dans chacune desquelles
est logée une semence ; cette baie, avant de mûrir, est parsemée
de taches. Je ne doute pas que vous ne l'ayez cherchée en vain ,<
parce que cette plante produit rarement son fruit. La raison en
est que sa racine s'étend beaucoup, et augmente si fort de ce
côté, qu'elle oublie de faire croître l'autre extrémité. J'ai vu
de grandes étendues de terrain qui en étaient couvertes, dans
les endroits les plus profonds des bois, sans que je pusse trouver
des baies sur aucime de ces plantes. Le moven de s'en procu-
rer est d'emprisonner la plante dans l'espace étroit d'un pot ;
de cette manière, la racine ne pouvant plus ramper, on fera
développer la baie. Cette espèce est distinguée du sceau de Sn-
lomon, et des autres de ce genre, par les fleurs qui croissent
sur une tige nue. Elle a seulement deux feuilles qui prennent
leur naissance immédiatement de la racine.
La jacinthe est une des plantes les plus chéries des fleuristes.
Dans l'état naturel où vous la trouvez rarement, la corolle est
simple et taillée en six segments. Il y a trois pores ou glandes
au sommet du germe, d'où il transude du miel. L'espèce d'où
toutes les belles variétés prennent leur origine , a la corolle en
forme d'entonnoir, à demi partagée en six segments, et s'en-
flant au bas. Il ne faut pas confondre cette espèce avec la ja-
cinthe des prés, ou la plante aux cloches bleues des forêts, de
l'Europe, qui a des fleurs plus longues, plus étroites, qui ne
s'enflent point par le bas , et sont roulées en arrière, à leur ex-
trémité. La touffe de fleurs est aussi plus longue, et le sommet
se penche en en-bas. On trouve souvent cette plante avec des
corolles blanches.
L'aloès forme un genre remarquable, pour la beauté des
' C'est une des sarmeutacées daus les ordres naturels.
Hl4 LETTRES :ÉLÉMENTA1RES
plantes et le nombre des individus qui composent ce ijenie,
qui est distingué par ses corolles droites, évasées, et partagées
en six segments. Il en exsude un suc fort doux; les filets sont
insérés dans le réceptacle. Linnée réduit ce genre à dix es-
pèces; mais elles renferment des variétés bien distinctes, si ce
ne sont pas des espèces. Elles ont toutes des feuilles épaisses,
remplies de suc. On peut distinguer les espèces ou par les
formes diverses des feuilles , ou par la forme des fleurs et la
manière dont elles croissent.
Si vous entendez dire que le grand aloès d'Amérique fleurit
quelque part dans votre voisinage , v'ous trouverez qu'il diffère
de l'aloès proprement dit, par la corolle qui est supéiieure, ou
placée sur le haut du germe , et les filets qui sont plus longs
que la corolle. Dans la première circonstance , cette plante dif-
fère de presque tous les individus de la famille des liliacées ,
qui ont le germe renfermé dans la corolle. Je dois vous avertir
qu'il faudra que vous montiez sur une échelle ou sur un écha-
faud pour examiner les fleurs, car elles croissent sur une tige
qui sélève quelquefois à la hauteur de vingt pieds. Vous savez
que c'est une erreur vulgaire de croire que cette plante ne fleurit
que tous les cent ans. La vérité est que , dans son pays natal ,
elle fleurit peu d'années après sa naissance ; mais, dans nos cli-
mats glacés , elle emploie plusieurs années à produire sa haute
tige et ses nombreuses fleurs. Le terme de sa vie, dans notre
pays, est incertain. Après avoir fleuri , elle produit im certain
nombre de rejetons , et meurt. Cela n'arrive pas à l'aloès pi'O-
prement dit. Dans celle-ci , la tige qui fleurit est produite par
le côté du cœur, ou par les feuilles centrales; au lieu que, dans
l'autre, la tige qui fleurit sort du centre même , dans l'endroit
où vous observez que les feuilles spnt fort voisines l'une de
l'autre avant de s'étendre.
Parmi les plantes non liliacées, qui appartiennent à ce pre-
mier ordre de la sixième classe, ou trouve un arbiisseau , l'é-
pine-vinette, et plusieurs plantes qui n'ont point de corolle ,
«omme le calamus aromadcus , ou roseau aromatique, le rat-
-can, et toutes les espèces de joncs.
Le riz est presque la seule plante qu'où trouve dans le second
ordre de cette classe ; il a exactement la forme et la structure des
SUR LA BOTANIQUE. 3l5
lieibes des champs; il diffère d'elles seulement par le nombre
des étamines.
Le troisième ordre comprend toutes les espèces d'oseille ,
genre très - nombreux , qui contient trente - une espèces. Les
plantes de cet ordre se font connaître par le calice, qui est
composé de trois feuilles , la corolle qui est de trois pétales
connivents, et une semence triangulaire. Ces plantes ne vous
attireront pas par leur beauté; leurs fleurs sont plus nom-
breuses que remarquables. L'oseille sanguine a les valvules des
fleurs tout-à-fait entières ; une d'elles porte une semence , et
les feuilles sont en forme de lance , et creusées près du pétiole.
L'oseille frisée a les valvules entières et portant des graines;
les feuilles sont en forme de lance, ondoyantes sur les bords,
et pointues au bout. L'oseille sinuée a les valvules entaillées
sur les bords, dont une porte ordinairement des graines, et les
feuilles , qui sont près de la terre , formées comme le corps
d'un violon. La grande oseille d'eau a les valvules entières et
■portant des graines, les feuilles en forme de lance et pointues.
L'oseille émoussée commune a les valvules entaillées et portant
des graines; les feuilles sont oblongues, creusées à la base,
près de laquelle elles sont entaillées, et obtuses au bout. L'o-
seille aiguë commune a les valvules oblongues, entièi'cs , fort
petites, dont les extérieures portent des graines ; les feuilles sont
oblongues et creusées à la base ; mais elles s'allongent en pointe.
Les deux espèces communes diffèrent de toutes les autres, dans
une circonstance remarquable ; car elles ont les fleurs qui por-
tent les étamines, et celles qui poitent les pistils, sur des
plantes séparées; pour cette raison, elles appartiennent stric-
tement à la vingt -deuxième classe; mais elles ne sont évidem-
ment, comme vous le reconnaîtrez après l'examen du même genre
naturel , ([ue les diverses autres espèces d'oseille. Il y a l'oseille
commune, et l'oseille de mouton; la première croît dans les prai-
ries et les pâturages ; la seconde sur des terrains secs et sa-
blonneux; la première a des feuilles oblongues, qui ressemblent
à la pointe d'une flèche; la seconde a des feuilles faites comme
la pointe d'une hallebarde. Ainsi vous avez les movens de dis-
tinguer huit espèces doseille.
Le colchique d'automne appartient aussi à cet ordre, et doit.
3l6 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
être rangé évidemment dans la famille des liliacées. Sa ressem-
blance avec le crocus, ou le safran, est manifeste. Comme celui-
ci , il a un spathe pour calice ; la corolle est divisée en six par-
ties, avec un tube qui s'étend en bas jusqu'au bulbe ; la capsule
est de trois lobes , avec trois valvules et trois cellules; en sorte
que si ce n'était que l'une a trois étamines avec un style, et l'au-
tre six étamines avec trois styles , ces deux plantes seraient du
même genre. Le colchique des prairies a des feuilles plates , en
forme de lance, et droites; les fleurs sont d'un pourpre clair;
les premières s'épanouissent dans le printemps et les dernières
dans l'automne.
Dans le dernier ordre de cette sixième classe sont les flù-
teaux, qu'on reconnaît aisément par le calice de trois feuilles, et
la corolle de trois pétales, à laquelle succèdent plusieurs cap-
sules comprimées , dont chacune contient une semence. Le flû-
teau plantaginé est assez commun dans les endroits humides ,
sur les bords des rivières et des ruisseaux. On le distingue de
ses autres espèces , par ses feuilles qui sont ovales et aiguës,
et ses fruits triangulaires et obtus. C'est une des plantes sur les-
quelles vous ne pouvez vous tromper : si les différences de
toutes les plantes étaient si fortement marquées , cela vous
exempterait de beaucoup de peine , ma chère cousine ; mais
alors vous n'auriez plus autant de sujet d'exercer votre talent
et votre sagacité.
LETTRE IX.
i^rjuin 1775.
La nature parait ne pas se plaire dans le nombre sept, la sep-
tième classe étant la moins nombreuse de toutes. Elle ne con-
tient pas plus de sept genres et de dix espèces. Dans le nombre
de ces plantes , j'en choisirai seulement une, pour vous la faire
observer, et ce sera le marronier d'Inde. Cette plante appar-
tient au premier ordre , et voici quels sont les principaux ca-
ractères du genre. Un petit calice monopliylle, légèrement
SUR LA BOTANIQUE. .^17
partagé au sommet en cinq segments , et enflé à la base ; une
corolle de cinq pétales insérés dans le calice et diversement
colorés ; une capsule de trois cellules , dans une ou deux des-
quelles il n'y a qu'une semence. Linnée dit que , quoique en
général il n'y ait pas plus d'une semence qui atteigne le point
de perfection , cependant il y en a deux dans la jeune capsule ;
mais certainement la troisième cellule n'est pas faite pour rien.
Pour cette raison, je soupçonnerais que, dans l'Asie, le cli-
mat naturel de ce bel arbre, la capsule contient tiois noix. La
forme du marronier d'Inde est grande; les pyramides de fleurs
sont belles , et avec les grandes feuilles digitées , elles forment
un bel ensemble.
La huitième classe a quarante -quatre genres , et deux cent
soixante-treize espèces. La capucine est une de ce nombre. Le
calice est inférieur , d'une feuille coupée en cinq segments , et
terminée par un éperon. La corolle a cinq pétales inégaux, et
il lui succède trois baies sèches, dans chacune desquelles il y a
une semence. La plus grande espèce ' est très-commune dans les
jardins, et elle est connue par ses feuilles, qui sont divisées au
bord en cinq lobes, et que le pétiole est attaché au milieu de
la surface delà feuille. Les pétales sont émoussés au bout dans
celui - ci , au lieu que , dans la plus petite espèce , les pétales
sont pointus.Les corolles de l'un et de l'autre sont grandes , et
d'une belle couleur orange.
L'onagre, ou herbe aux ânes, plante de Virginie , maintenant
si commune dans les jardins de l'Europe, a un calice mono-
phyle, coupé en quatre segments, une corolle de quatre pé-
tales, et une capsule cylindrique de quatre cellules, qui con-
tient des semences nues. L'onagre bis annuelle^, qui est très-
commune, a des feuilles plates en forme de lance, et une tige
velue ; la corolle est d'un beau jaune , fermée ordinairement
pendant le jour , mais qui s'épanouit le soir, d'où quelques-uns
la nomment primevère de nuit.
Nos herbes de saule européennes touchent de très -près à
cette dernière plante. Elles en diffèrent seulement en ce qu'elles
ont un calice de quatre feuilles, et des semences garnies de
• Grande capuciue.
* Kpilaubes, on herbes de saint Antoine, petit laurier rose.
3l8 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
duvet. Il y en a une espèce, commune dans les vieux jardins,
qu'on appelle épilaube à feuilles étroites , qui a les feuilles en
forme de lance , approchant des linéaires , placées irrégulière-
ment sur la tige, des fleurs irrégulières et des étamines pliées en
en-bas. L'épilaube velue, devenant commune dans les lieux hu-
mides , le long des fossés , des haies et des ruisseaux , et qu'on
nomme vulgairement fausse groseille, à cause de l'odeur des
feuilles quand on les froisse légèrement, a des feuilles en forme
de lance , dentelées sur les bords , qui courent en bas de la tige ;
les inférieures sont opposées. Les étamines de celle-ci, et de
toutes nos espèces communes , sont droites , et les pétales bi-
fides. Quatre des filets sont courts, et les autres quatre s'élè-
vent au sommet du tube de la corolle , chacun des quatre for-
mant un carré régulier. Je ne sais pas si c'est généralement
ainsi, mais cette année j'ai eu peine de trouver une seule de ces
plantes , qui ne fût pas rongée par les insectes ; de sorte que ,
si je n'eusse bien connu cette plante, j'aurais été fort embar-
rassé à déterminer même la classe. Les fleurs sont grandes ,
d'une belle forme , et d'une couleur de pourpre.
Le genre des bruyères ne contient pas moins de soixante-
quatorze espèces d'arbrisseaux, qui ne s'élèvent pas fort haut,
et qui ne sont pas sans beauté , quoique l'abondance avec la-
quelle cette classe est répandue la rende méprisable'. Toutes
ces espèces ont en commun les caractères suivants : un calice
de quatre feuilles, qui renferme le germe; une corolle d'un pé-
tale coupé en quatre segments ; les filets sont insérés dans le
l'éceptacle , les anthères bifides , et il y a une capsule de quatre
cellules.
La bruyère commune , qui est une plante si généralement
répandue , qu'il y a de vastes terrains qui en prennent leurs
noms, est distinguée par les anthères qui sont terminées par
une barbe , et qui sont couchées dans la fleur, le style parais-
sant au-delà. Les corolles sont en forme de cloches , et non pas
tout-à-fait régulières ; les calices sont doubles , les feuilles op-
posites et formées comme le fer d'ime flèche. La bruyère cen-
drée a des anthères terminées par une crête , et couchées dans
la corolle ; le style à peine en sort ; le stigmate est capité ; les
1 La bruyère sauvage elle-même étale «ne txès-belle couleur pourpre.
SUR LA BOTANIQUE, 3l9
fleui-s croissent en grand noml)re , et près l'une de l'autre ; les
corolles sont ovales , et d'une couleur bleue; les feuilles sortent
par trois, et l'écorce est de couleur de cendre. La bruyère
quaternée a les anthères comme dans la première ; le style est
an-dedans de la corolle; les fleurs croissent en tètes; les co-
rolles sont ovales , et les feuilles sortent par quatre : cette es-
pèce-ci croît dans les endroits des landes qui sont marécageux ,
et c'est une très-belle espèce. Les espèces étrangères ne se ren-
contrent pas fréquemment; je ne vous en parlerai pas.
Le mézéreon % que vous estimez beaucoup en ce qu'il vient
vous rendre visite de bonne heure , et dans un temps où vous
ne jouissez pas de beaucoup de plantes, et qui est aussi recom-
mandable pour sa bonne odeur, est de cette classe et du pre-
mier ordre , ainsi que toutes les plantes précédentes. Il n'a
point de calice; la corolle est monopétale, en forme d'enton-
noir, renfermant les étamines, et ayant le bord partagé en
quatre segments; le fruit est une baie arrondie contenant une
semence. Cette espèce est distinguée des autres lauréoles par
ses fleurs qui sont sessiles , sortant par trois de la même join-
ture, et par ses feuilles en forme de lance et tombantes; les
corolles sont de couleur de pèche , d'un rouge foncé , ou
blanches, et les baies des deux pi^mières sont rouges; celles
de la dernière sont jaunes. Il y a une espèce de ces plantes qui
croît nalui'ellement dans les bois et le long des haies, qui est
toujours verte , et a des fleurs qui sortent par cinq des ailes ;
les corolles sont d'un vert jaunâtre , et les feuilles en forme de
lance. C'est une plante désagréable à voir par sa situation , le
temps qu'elle fleurit , et la couleur des corolles ; elle n'a point
l'agréable odeur du mézéreon ; elle n'est cependant pas sans
quelque prix , comme plante toujours verte, et fleurissant à
l'ombi'e des arbres les plus touffus. Les deux espèces sont fort
chaudes et fort caustiques de leur nature; malgré cela, les oi-
seaux aiment beaucoup à manger de ses baies.
La gentiane jaune perfoliée est maintenant ùtée de la classe
des autres gentianes, pour être mise dans le second ordre de
la classe présente, attendu que le nombre huit prévaut dans
1 Lauréole gentille , l)ois fçentil.
320 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
les étaraines, le calice et la coi'olle; par rapport aux autres circon-
stances , elle s'accorde avec le genre dans lequel on l'avait pre-
mièrement renfermée. On la trouve dans les pâturages, sur un
terrain rempli de craie, et on la reconuiiît aisément par ses co-
rolles jaunes et ses tiges droites, unies et perfoliées.
Le troisième ordre a un genre nombreux qui renferme vingt-
sept espèces parmi lesquelles, outre plusieurs autres plantes
communes, sont la bistorte , la sanguinaire, le blé sarrasin
et le convôhulus noir.
La bistorte a une tige simple et qui n'est point partagée,
terminée par une pointe de fleurs; les feuilles sont en forme de
lance, et en général creusées à la base, courant le long du pé-
tiole, ou formant une membrane le long de chaque côté, et
ondoyantes ; la racine est grande relativement à la hauteur de
la plante ; elle tourne et s'entrelace dans la terre.
La sanguinaire ' est une herbe fort commune dans les che-
mins; les petites fleurs sont produites par les ailes des tiges ,
qui sont herbacées, et traînent sur la terre; les feuilles sont en
forme de lance ; et étant de différente forme et largeur dans les
divers sols, elle a donné lieu à former des distinctions qui ne
sont que des variétés.
La renouée liseronne, qui fait une jolie apparence quand
elle est cultivée, a des feuilles en forme de flèches, la tige
droite, quoique faible et unie , et les angles des semences égaux.
La renouée sarrasine, blé sarrasin, ne diffère pas beaucoup
de cette dernière ; mais les feuilles sont en forme de cœur ; la
tige est angulaire et s'entrelace, et les fleurs sont obtuses; les
anthères sont aussi de couleur pourpre ; la base des pétioles
est perforée en-dessous par un pore; cette heibe se ti'ouve as-
sez souvent parmi les blés.
Toutes les espèces s'accordent en ce qu'elles n'ont point de
calice ; la corolle est divisée en cinq segments et l'on pourrait
aisément la prendre pour un calice ; il n'y a qu'une semence
nue et angulaire.
La neuvième classe n'a pas autant de genres que la septième ;
mais elle a beaucoup plus d'espèces , parmi lesquelles on en
i Anpelée vulgairement oentinaudp , traînasse, rcnoiiée.
SUR LA. BOTANIQUE. '6ll
trouve de fort remarquables, comme le laurier, le cannelier,
la casse, le camphre, le benjoin et le sassafras, tous compris
dans le même genre , ainsi que l'acajou et la rhubarbe. Le
genre du laurier a les caractères suivants : Il n'y a point de
calice; mais la corolle ressemble à un calice, et est divisée en
six parties dans la plupart des individus de cette espèce; on
remarque un nectaire de trois glandes , chacune terminée par
deux soies dures qui entourent le germe ; les filets sont en trois
rangées , avec deux glandes rondes près de la base des trois
qui forment la rangée intérieure ; le fruit est un drupe ovale qui
renferme une noix.
Le véritable laurier ' est connu par ses feuilles toujours
vertes, veinées, et en forme de lance; la corolle s'éloigne du
caractère général en ce qu'elle est quadrifide, ou coupée en
quatre segments. Le laurier diffère aussi par le nombre des
étamines, depuis hiiit jusqu'à quatorze ; il s'éloigne aussi de la
classe, ayant des fleurs incomplètes sur des plantes séparées.
Linnée cependant l'a gardé dans celte classe , parce qu'il a les
caractères essentiels du genre, en particuHer les glandes sur les
filets intérieurs. Vous aurez peine à trouver les autres espèces,
au moins en fleur.
Nous connaissons principalement l'acajou par la noix, qui
croît à l'extrémité d'un corps charnu, aussi gros qu'une orange ,
et plein d'un jus acide; Linnée l'appelle le réceptacle* Entre
les deux coquilles est une huile épaisse, noire, et inflammable,
avec laquelle vous pouvez marquer votre linge, et cette mar-
que ne s'en ira point au blanchissage : cette huile fait aussi le
plus beau vernis noir. Je n'ai pas besoin de vous avertir de ne
pas mettre cette noix dan^ votre bouche. Cette huile est fort
caustique, et fait venir de^ ampoules sur la langue. S'il vous ar-
rive de voir cet arbre en fleurs , vous observerez que le calice
a cinq feuilles, que la corolle consiste en cinq pétales réfléchis,
et qu'il y a dix filets. C'est ce qui a fait que Linnée l'a d'abord
mis dans la dixième classe; mais un de ces filets se trouvant
constamment sans anthère , il l'a ensuite rangé dans la neu-
I Le vrai laurier n'a été connu que dans les temps modernes; on le range
dans la classe nommée icosandrie sous le prunier. Le laurier d'Alexandrie est
tm ruscns dans la classe vingt-deuxième.
R. vir. 2 1
322 LETTRES ÉLÉ JI ENTA I R ES
vième. Ce-pendant des observations plus récentes ont fait re-
connaître que XanacardLum a des fleurs parfaites et à étamines
sur des individus distincts. Il appartient donc au second ordre
de la vingt-troisième classe, la polygamie , diœcia.
Ces dernières plantes sont du premier ordre; la rhubarbe
est du second , la trigyuie , n'y ayant point de plantes connues
de cette classe qui aient deux pistils. Les caractères de ce genre
sont une fleur sans calice , une corolle d'un pétale divisé en six
segments , et une grande semence triangulaire fort semblable
à celle de l'oseille'. Il n'y a pas eu moins de quatre espèces,
qui ont été envoyées, et qu'on a cultivées en différents temps,
dans l'idée où l'on était d'avoir en elles la véritable rhubarbe
de Tartai'ie. Parmi ces espèces se trouve le rhapontic, qui de
la boutique de l'apothicaire s'est introduit dans la cuisine :
on estime beaucoup ses pétioles pour faire des tartes ; les
feuilles sont unies, en forme de cœur arrondi , avec les pétioles
épais, rougeâtres, un peu cannelés sur leur partie inférieure,
mais plats au sommet ; les tiges à fleurs sont rouges , et montent
depuis deux jusqu'à trois pieds de hauteur; elles sont termi-
nées par des pointes de fleurs blanches, épaisses, serrées et
obtuses, qui sortent en juin. Cette plante croît naturellement
près du Pont-Euxin, autrement dit la mer Noire.
Il y a de bonnes raisons pour assurer que les trois autres
espèces sont la vraie rhubarbe. Je pense qu'il est vraisemblable
qu'on les cultive en Tartarie à cause de leurs racines. L'ime
de celles-ci a des feuilles plus longues que le rhapontic, et
plus pointues; elles sont aussi plus ondoyantes sur les bords,
un peu velues sur la surface supérieure , et elles paraissent de
beaucoup meilleure heure. Les pétioles ne sont pas autant can-
nelés à leur surface inférieure, et. ils sont unis à la surface
supérieure : ils ne sont également ni aussi rouges, ni aussi'
épais. La tigeàfleurs est d'une couleur tirant sur le brun, etpâle;
elle s'élève environ à la hauteur de quatre pieds, se partageant
en plusieurs panicules de fleurs blanches, qui paraissent en mai.
Une autre a des feuilles fort unies, luisantes, et en forme de
cœur, ne formant pas la pointe autant que celles de la seconde,
I On les place l'une et l'autre dans le même ordre naturel; savoir, la cin-
quième division des légumineuses , oleraceœ.
^VR LA BOTAMQUK.
---" X.A iiOTAlVlnTTr
-- '» base, 0. „„ peu o„d„ : ™7 ' T '°"' f°'' '-ï»
i« pH,„los son, à pei„, j, ;, J ='-'«-l«s s,,,- fe bords,
l»ce supérieure ; iU son, d' û ";! ,"' '''P'"'" * '<■"■■ ™r-
g™ds,„eceuxde.apre„u-,:;: Pf' « presque ..ussi
^"' pale, de cinq ou six pieds XT t'^" '' «'="'^ «' d'un
">™fe de fleurs Uauches „,„;„, ■"™"'' """'<'" "n „a
"«eu, vers la fi„ de ,„" ' ' '" "™"^"' <'™ites, e, ,„! ^^
«-:nixxrx;r,:;pr'','*"'^-''^p^'"-^e,d,f.
par ses feuille,, p,|„.^.^ e forî """'■'" '"»" de uite
™«?e de si. ou^^ep, p ed de rT^n^" '''' ' ''™-
Pan.cules Uches. Quoi qu'il eu so , I ' '""' ''''"' des
»«.;.épar des preuves Ivdlmês' ' '""'■^ "P'^«'. on est
'"jWe rhubarbe de Tartario ' '"" """ «P'^^-i es, la vt
f-;^e:^^---£-rz:':;
fleurs „a,sse„, J iv,,,.,,,,;, ^neZl """ "'"""«»"'■ I-es
" ou, po,„. de ealice ; „ai, „„ "2^,. ' "" ""'"'"'^ ^ ^"e.
<n--vin,,-q„iu.;;:t'' :--P^Pb;-.o„sid«.ab,e, a,a„,
prem.er ordre é,a„, for, „o,;b e'? lI ""? "P^«^ ^e
"S.OU eommode eu celles qui ^^Z !i """■» ' '=''' ™e subdi-
Pe'aies, celles dou, la corX" X' t„ ™™ '" '' P'""^"-
1". nou, poiu, de corolle; il aêûco.l ^J *' "' ""'» «"es
" eelles qui „„. ,,„ coro les ir" ! ,;'"'"''""' ''' P'e">.eres
des corolles égales. La plupar, de° 7' ! " ''"'' 1"' «"«
P"Wé,ales irréguliéres ,iuï m deZ " ?' '^^ "^"^ »" "
Pl-ouacecs, que vous couua.sl !, T '■■"'''■"'""'es pa-
Plus eouuues son, l-arbre de Judée ri'- ■"'"' "^""^-ei, fe,
P-;u, ,ou,es les nombreuses 'te t"'" ''" ^''''' ''^''"^
-™'^--.M..par,croisser:ri:tr;::-:;:
3a4 LETTRES ÉLIÉMENTAIRES
et dans l'Amérique méridionale. Le dictame blanc, ou ta fraxi-
nelle , est aussi de cette subdivision ; mais elle n'appartient pas
à la famille des papilionacées.
Cette fleur élégante est connue par son calice à cinq feuilles ,
et sa corolle de cinq pétales qui s'effeuillent ; les filets sont gar-
nis de points glanduleux : à cette corolle succèdent cinq cap-
sules liées, contenant deux semences couvertes d'une enve-
loppe commune.
Il n'y a qu'une espèce de fraxinelle qui varie pour la couleur
des fleurs, qui sont ou d'un rouge pâle rayé de pourpre, ou
blanches ; elle a des feuilles pinnées assez semblables à celles
du frêne ; toute la plante exhale une odeur d'écorce de citron ;
mais , quand on la froisse , elle a une odeur balsamique.
Parmi les plantes qui ont des corolles polypétales régulières
ou égales, vous trouverez le campéche, le gayac, la rue, et
la gobbe - mouche , si curieuse pour la qualité sensitive des
feuilles qui Se resserrent et emprisonnent les insectes qui vien-
nent se reposer sur elles.
La rue est distinguée par les caractères génériques suivants ;
le calice est divisé en cinq parties ; les pétales sont concaves; il
y a dix pores pleins de miel à la base du germe , qui est élevé
sur un réceptacle percé du même nombre de pores, et enfin une
capsule coupée à demi en cinq parties, consistant en cinq cel-
ules au-dedaus , et contenant plusieurs semences. Si je ne vous
donne pas un avis relativement à la rue ordinaire des jardins,
vous serez vraisemblablement embarrassée en examinant ses
fleurs ; car il n'y a qu'une fleur sur une branche qui vous of-
frira les caractères génériques. Dans toutes les atitres, il faudra
que vous fassiez la soustraction d'un cinquième de chaque par-
tie de la fructification. Cette circonstance n'est pas particulière
à la rue ; ou la trouve dans plusieurs autres plantes , et quel-
ques personnes en ont tiré une objection contre le système de
Linnée. Cet illustre auteur s'est tiré de cette difficulté en for-
mant son caractère sur la première fleur, comme il l'appelle, et
annonçant cette anomalie. Il y a d'autres plantes qui , dans tout
le reste , ajoutent une cinquième partie au nombre de celles
qui constituent la première fleur.
La rue des jardins est distinguée spécialement en partie
SUR LA BOtAKIQUK. 3^5
parce qu'elle a les fleurs latérales quadrifides , et en partie par
les feuilles qui sont décomposées. Il y a quelques différences
dans cette espèce ; la rue commune des jardins a les lobes qui
composent les feuilles en forme de coin , et les étamines plus
longues que la corolle: une autre espèce, qu'on cultive sou-
vent , a les lobes plus étroits, les fleurs en grappes plus
longues et plus étroites , et les étamines égales en langueur aux
pétales j le vaisseau à semences est aussi plus petit : une troi-
sième espèce a les lobes d'une forme linéaire.
L'andromédas, le bois de Rhodes, le kalraias et l'arbousier,
ainsi que quelques autres , ont des-coroUes monopétales Tégu.-
lières. Les caractères de ces derniers arbrisseaux sont un fort
petit calice divisé en cinq parties, une corolle ovale transpa-
rente à la base ; le fruit est une baie avec les semences logées
dans cinq cellules.
L'arbousier est connu par sa tige boiseuse , les feuilles unies,,
dentelées sur les bords , et les cellules des baies qui ont plu-
sieurs semences. Quelques-unes des autres espèces ont des
tiges faibles, tombantes, et quelques autres ont simplement
une semence dans chaque cellule. Vous connaissez bien l'ar-
bousier par l'ornement qu'il fournit à vos plantations dans
les derniers mois, avec ses feuilles épaisses et luisantes et ses
grappes de fleurs de la présente année accompagnées de baies
rouges et rondes de la dernière.
Mais il ne faut pas que le premier ordre de la dixième
classe prenne trop de votre temps, puisqu'il en renferme quatre
autres. Dans le second vous avez toutes les saxifrages , au
nombre de quarante-deux. Elles s'accordent en ce qu'elles ont
un calice divisé en cinq parties ; la corolle est de cinq pétales ; il y
aune capsule d'unecellule rempliede plusieurs petites semences,
et terminée par deux becs de style permanents. Dans cette es-
pèce on trouve la saxifrage pyramidale, qui sert d'ornement
aux salons et aux cheminées par ses belles pyramides de fleurs
blanches. Il y en a plusieurs variétés; elles ont toutes des
feuilles roides en forme de langue , avec une bordure cartilagi-
neuse dentelée, et ramassée en plusieurs rangées près de la
terre; du milieu de ces feuilles sort la tige qui soutient les pa-
nicules de fleurs.
3^6 LETTilES liLIiMEJNTAinES
Une autre espèce était autrefois foit vantée, et on la montrait
aux fenêtres et aux balcons des villes. C'est de là, et parce qu'elle
est réellement belle , qu'on la nomme l'ornement de Londres ,
et la plus jolie dans un temps où. l'on connaissait peu de plantes.
Celle-ci a des feuilles oblongues ou arrondies , entaillées sur
les bords , et qui sortent de pétioles larges , aplatis et sillon-
nés, de la longueur de près de deux pouces; elles entourent la
tige àfleurs, qui elle-même est privée de feuilles; elles sont de cou-
leur rouge, roides, minces et velues ; les corolles sont blanches,
marquées de rouge.
La saxifrage commune blanche fleurit de bonne heure, et a
des fleurs en grande quantité ; les feuilles radicales sont en forme
d'une fève de haricot, velues, et portées par des pétioles assez
longs; les tiges sont velues, et dans un bon terrain elles s'élèvent
à im pied de hauteur, et se divisent en branches; elles sont
garnies d'un petit nombre de feuilles formées comme les autres,
mais qui sont collées à la tige; les fleurs terminent la tige en pe-
tites grappes; les corolles sont blanches et grandes, relativement
à la hauteur de la plante. S'il vous reste quelque doute au sujet
de cette plante , arrachez-là de terre , et vous trouverez' que
les racines sont comme des grains de blé, et d'une couleur rou-
geâtre. Dans les terrains maigres cette plante est fort petite ,
et n'a seulement que deux ou trois fleurs, et quelquefois qu'une,
sur une tige qui n'a point de branches.
Ces espèces, ainsi que la plupart des autres, ont des tiges
droites; mais il y en a trois qui ont des tiges faibles et traî-
nantes. Parmi celles-ci il y en a ime qui a beaucoup de ressem-
blance avec une mousse, quand elle n'est plus en fleur : à cause
de la manière dont elle croît en touffe épaisse, on lui a donné
le nom anglais àe ladies'cushion. Les feuilles sont linéaires,
quelques-unes entières, et d'autres à trois pointes; les petites
tiges à fleurs sont hautes de trois ou quatre pouces, minces,
droites , et presque nues, terminées par de petites fleurs d'un
blanc sale.
Le genre dianthusde ce second ordre est nombreux ainsi que
le dernier, comprenant vingt-deux espèces, qui s'accordent
en ce qu'elles ont un calice cylindrique d'une feuille, entouré
à la base par quatre écailles, une corolle de cinq pétales, et une
SUR LA BOTANIQUE. 3'2'J
capsule cylindrique d'une seule cellule, en place de vaisseau
pour les semences. Plusieurs de ces espèces sont belles comme
l'œillet barbu, l'œillet carné, l'œillet avec toutes ses nombreuses
variétés , l'œillet de la Chine, distinct des précédents. Plusieurs
aussi de ces espèces, qui sont sauvages dans diverses parties de
l'Europe, quoique ornées de fleurs moins brillantes, et plus
modestes dans leurs prétentions, ne sont pas cependant sans
leur beauté. L'œillet carné est universellement l'econnu pour le
digne chef d'un des plus beaux ordres naturels , auquel on
donne , à cause de cette fleur, dont l'odeur est si suave , le nom
de plantes caryophyllécs. Quand nous considérons la grandeur
de la fleur, la beauté de ses couleurs, l'arrangement de ses par-
ties, et surtout l'odeur aromatique et si agréable qu'elle exhale,
nous ne pouvons nous empêcher de lui payer le tribut d'ad-
miration qui lui est dû, et qu'on lui paiera toujours , à moins
<ju'en se présentant trop souvent à nos yeux il ne rende ses
agréments trop communs pour être estimés.
Le trait caractéristique qui distingue les espèces de ce genre
est dans la floraison. L'œillet barbu et quelques autres ont des
fleurs agrégées ; l'œillet carné, l'œillet de la Chine, etc., ont plu-
sieurs fleurs sur la même tige , non pas cependant en grouppes,
mais solitaires ou séparées. Quelques-unes en petit nombre
ont une fleur seule sur la tige, et deux ou trois ont des tiges
de la nature des arbrisseaux. Les autres particularités qui dis-
tinguent les espèces, sont que les écailles, à la base du calice
dans l'œillet barbu, sont d'une forme ovale etsubulée, et aussi
longues que le tube de la corolle ; dans l'œillet carné et l'œillet
des fleuristes, elles sont subovales et fort courtes; dans l'œillet
de la Chine elles sont subulées, aussi longues que le tube, et
sont pendantes. L'œillet barbu a aussi des feuilles en forme de
lance; l'œillet carné et l'œillet de la Chine ont les pétales entail-
lés ; l'œillet des fleuristes a les corolles pubescentes à la base,
et les pétales profondément coupés. Pour l'ornement et la beauté
des fleurs, vous recueillerez ces sortes d'œillets dans votre par-
terre; mais, comme botaniste, vous les prendrez sur ime mu-
raille , ou sur un terrain sec et inculte ^ où leur simplicité et
l'évidence des caractères naturels vous dédommageront ample-
ment du peu de beauté des fleurs. Vous ne vous plaisez pas
3^8 LETTRES ÈLIÉMENTAlIRES
toujours à être dans un bal ou dans une assemblée parmi des
personnes richement vêtues ; vous aimez quelquefois à vous
trouver parmi de simples villageois couverts d'humbles vête-
ments , et dont les manières sont analogues à leurs habits.
Dans le troisième ordre , outre quelques autres genres , il y en
a quatre contenant plusieurs espèces, qui ont beaucoup de res-
semblance les unes avec les autres; cependant on les distingue
aisément par les caractères suivants : La sabline et la stellaire
ont une capsule d'une seule cellule; le carnillet et le silène ont
une capsule de trois cellules. Des deux précédentes , la pre-
mière a les pétales entiers, la seconde les a à deux pointes.
Des deux dernières , qui ont toutes les deux des pétales à deux
pointes , la seconde a une couronne composée d'une rangée de
deux pétales fort minces dans le centre, au lieu que la première
n'a rien de cela, et se trouve nue. Les sablines et les stellaires
ont aussi un calice à cinq feuilles ; dans le carnillet il est fort
eriflé , et dans le silène il ne l'est pas autant ; toutes les quatre
ont cinq pétales à la corolle.
Le carnillet béhen n'est pas une herbe rare parmi les blés
et dans les prairies ; vous le connaîtrez par son calice qui est
presque rond et fort enflé , agréablement veiné , en sorte qu'il
semble entouré d'un beau réseau qu'on y aurait mis dessus;
il est tout-à-fait uni; les corolles ne sont pas entièrement nues
et sont d'un blanc pur.
On trouve les orpins dans le cjuatrième ordre , la pentagy-
nie; on les connaît en ce que le nombre cinq prévaut généra-
lement dans toutes les parties de la fleur; le calice est partagé
en cinq segments ; la corolle est de cinq pétales avec cinq
écailles nectarifères à la base du germe , et cinq capsules. Il faut
aussi faire mention de deux fois cinq étamines et de cinq styles ,
qui forment hîs caractères de la classe et de l'ordre. Plusieurs de
ces plantes se trouvent souvent dans un état sauvage , parti-
culièrement une petite espèce traînante avec des fleurs jaunes
qui croissent dans une triple pointe , et des feuilles unies ,
émoussées et ovales , creusées en gouttière, et adhérant alter-
nativement à la tige; les autres espèces ont des corolles blan-
ches, et quelques-unes des corolles rouges; elles croissent
principalement sur les murs, ou dans des terrains fort secs.
SUR LA. BOTANIQUE. 829
La nielle qui est une herbe si commune parmi les blés , a un
calice membraneux et monophylle ; la corolle est de cinq pé-
tales obtus non divisés , et il y a une capsule oblongue d'une
cellule. L'espèce est distinguée par la rudesse de la plante ,
la longueur des segments du calice , et par les pétales qui sont
entiers et nus.
Il y a plusieurs espèces de lychnis ' qui s'accordent dans les
caractères suivants : un calice oblong, uni et d'une feuille ;
une corolle de cinq pétales légèrement bifides*, et une capsule
d'une seule cellule et de cinq valvules.
Le lychnis écarlate, qu'on cultive communément dans les
jardins, a des fleurs qui croissent en grappes, en sorte que
tout l'ensemble forme presque une surface plate au sommet;
la couleur de la corolle est d'une écarlate très-foncée.
La lampette visqueuse , ou attrape -mouche, ainsi nommée
à cause du suc visqueux qui exsude des tiges sous chaque paire
de feuilles, et qui est assez glutineux pour embarrasser les
petites mouches , est connue par les pétales qui sont presque
entiers; leur couleur est rouge; les feuilles sont longues, étroites,
et ressemblantes aux herbes des champs, surtout les plus basses.
Les fleurs de cette plante et de la précédente sont ordinaire-
ment doubles dans les jardins , et par conséquent vous sont
inutiles dans vos recherches botaniques.
Il y a une espèce de lychnis comumnéraent sauvage, au bord
des ruisseaux et dans les prairies humides , appelée lampette dé-
chirée, ou fleur de coucou, qui a des pétales dentelés rouges, gé-
néralement coupés en quatre parties, et des capsules arrondies ,
dont la bouche est armée de cinq dents, qui tournent en arrière.
Il y en a encore une autre espèce non moins commune dans les
pâturages , appelée lampette dioïque, qui diffère essentiellement
des autres , en ce qu'elle a des pistils séparés des étamines et
sur des plantes distinctes. Je vous laisse , ma chère cousine ,
réfléchir sur cette irrégularité , et j'attends un jour de loisir
pour continuer de parcourir notre carrière botanique.
» En français lampette.
î A deux pointes.
33o LETTRES liLÉMENT Al RES
LETTRE X.
10 juin 1775.
Vous n'avez trouvé jusqu'à présent, ma chère cousine, au-
cune difficulté pour déterminer les classes; le nombre des éta-
mines vous a suffi tout seul pour cela. Comme on n'a point en-
core découvert de plantes avec onze étamines parmi celles qui
ont des étamines distinctes, on doit s'attendre que la onzième
classe contiendra les plantes qui ont douze étamines ; mais ici
on trouve que le nombre n'est point constant , et Linnée est
obligé de mettre dans sa classe, la dodécandrie , toutes les
plantes qui ont depuis douze jusqu'à dix-neuf étamines inclu-
sivement. La onzième classe , malgré toute cette étendue , n'en
est pas moins difficile à déterminer pour un étudiant encore
novice en botanique, le nombre des étamines , en quelques cas,
étant au-dessous de douze , et , en d'autres, au-dessus de dix-
neuf, ou bien sortant par paquets séparés à diverses périodes.
Cette classe n'est pas fort nombreuse, ne contenant que trente-
trois genres et cent soixante-quatre espèces.
Dans le premier ordre , les plus connues ou les plus re-
marquables sont le cabaret, le mangosteen, le pourpier et la
salicaire.
Le cabaret a un calice coupé jusqu'à la moitié en trois seg-
ments , et placé sur le sommet du style ; il n'a point de co-
rolle; la capsule a six cellules au-dedans, et est couronnée au
sommet. Il y en a trois espèces; celle de Canada, celle de Vir-
ginie , et celle d'Europe. Cette dernière est distinguée par
deux feuilles en forme de fève de haricot , qui se terminent en
pointe émoussée.
Le pompier a un calice bifide qui renferme le genre , une
corolle de cinq pétales, et une capsule d'une cellule, dans la-
quelle le réceptacle est lâche : dans quelques espèces elle s'ou-
vre horizontalement ; dans d'autres elle a trois valvules ; le
nombre des étamines varie dans les différentes espèces. Le
SUR LA BOTANIQUE. 33 I
pourpier qu'on cultive pour les salades est originaire des par-
ties méridionales de l'Amérique ; on le connaît par ses feuilles
en forme de coin , et par les fleurs qui sont collées à la tige :
c'est une des plantes dont la capsule s'ouvre horizontalement.
La salicaire a le calice coupé au bord en douze portions , et
renfermant le germe ; la corolle est de six pétales insérés dans
le calice ; la capsule est à deux cellules , et contient plusieurs
semences. La salicaire pourpre est une jolie plante qui orne les
bords des rivières , des étangs et des fossés , avec ses belles
pointes de fleurs pourpre; les feuilles croissent en paires, et
sont en forme de lance; elles sont creusées à leur base. Quel-
quefois trois feuilles sortent ensemble du même point, et la tige
est hexangulaire ; mais ce n'est qu'une variété accidentelle.
Notre espèce répond au caractère de la classe, en ce qu'elle a
douze étamiues; mais il y en a qui n'en ont que dix, et même six.
Dans le second ordre, il n'y a que deux ti^enras-.rheliocarpus,
plante originaire d'Amérique, peu connue, et l'aigremoine ,
plante d'Europe assez commune. Celle-ci a un petit calice à
cinq pointes , posé sur le sommet du germe , et fortifié par un
autre , une corolle de cinq pétales insérés dans le calice , et
une ou deux semences arrondies au fond du calice. Le nom-
bre des étamines est fort incertain dans ce genre ; quelques es-
pèces en ont douze , d'autres dix, et d'autres sept. L'aigremoine
commune , qu'on trouve dans les bois et au bord des haies , a
sur sa tige des feuilles pinuées inteiTompues , avec le lobe im-
pair qui est au bout pétiole ; les semences sont fortifiées
par des soies dures; le cahce extérieur est seiTé contre l'inté-
rieur, et les étamines varient en nombre, depuis douze jusqu'à
vingt.
Le troisième ordre n'a aussi que deux genres ; mais ils sont
nombreux, le réséda ayant douze espèces, et Xeuphorhia n'en
ayant pas moins de soixante-neuf. Il n'y a point de genres plus
difficiles à déterminer que ceux-ci, le nombre et la forme des
parties variant dans les différentes espèces. Le caractère essen-
tiel de la première consiste dans les pétales trifides , dont l'un
est meUifère à la base , et dans une capsule d'une ceUule qui
n'est jamais fermée ; le calice aussi est d'une feuille, coupé en
plusieurs segments étroits , dont deux sont plus entr'ouverts
33a LETTRES JÉLÉMENTA.IRËS
que les autres , à cause du pétale inellifère ; le nombre des éta-
mines est depuis onze jusqu'à quinze.
La gaude est commune dans les pâturages stériles , sur les
bords de rivière quisontsecs, et sur les murailles : on la cultive
aussi pour servir à la teinture '. Les feuilles sont en forme de
lance et entières, excepté qu'elles ont une dentelure sur chaque
côté à la base , et que le calice est coupé en quatre segments ;
la corolle aussi a trois pétales ; le supérieur est mellifère , et di-
visé jusqu'à la moitié en six parties ; les pétales opposés laté-
raux sont à ti'ois pointes ; quelquefois il y a deux petits pé-
tales entiers ajoutés au-dessous. La gaude est une plante qui
dure deux ans, produisant la première année un cercle de
feuilles voisines de la terre , et la seconde année une lige ter-
minée par une longue pointe de fleurs jaunâtres.
Le réséda odorant ou la mignonnette a des feuilles oblon-
gues, dont quelques-unes sont entières, et d'autres à trois
pointes ; le calice de la fleur est grand, égalant la grandeur de
la corolle ; les fleurs sont produites en pointes lâches , portées
sur de longs pédicules ; elles sont d'une couleur herbacée , et
fort estimées pour leur odeur agréable , semblable à celle des
framboises sèches.
Ueuphorbia aune corolle de quatre et quelquefois de cinq pé-
tales, quelquefois glanduleux, quelquefois en forme décroissant,
ou dentelés sur les bords : dans quelques espèces, ils sont minces
comme une membrane; ils sont ordinairement placés, pour ainsi
dire, à la partie extérieure du calice , qui estd'une feuille divisée
au bord en quatre , et même en cinq parties dans certaines es-
pèces , et formant une protubérance ; les étamines sont au
nombre de douze , et même plus , sortant à diverses époques ;
le vaisseau à semence est une capsule de trois cellules unies et
distinctes , avec une semence arrondie dans chaque cellule, et
unie à l'extérieur , laquelle est raboteuse dans les différentes
espèces. Ce genre étant si nombreux , il est nécessaire d'établir
quelques distinctions subordonnées ; et en conséquence , Lin-
née l'a divisé en sept sections. La première contient les eu-
phorbia proprement dits , ou celles qui ont une tige de la
ï On croit que c'est cette plante dont les anciens Bretons se servaient pour se
peindre le corps.
SUn LA BOTANIQUE. 333
nature des arbrisseaux , angulaire , épineuse , et générale-
ment dénuée de feuilles ; la seconde contient les espèces de na-
ture d'arbrisseaux , et qui n'ont pas d'épines ; dans toutes
les autres sections les tiges sont dichotomes , ou se divisent
toujours en paires ; les fleurs sont portées sur une espèce d'om-
belle , qui, dans la troisième section, est ordinairement bi-
fide , dans la quatrième, trifide , dans la cinquième, quadrifide,
dans la sixième , quinquifide , et dans la septième , raultifide.
Plusieurs espèces de la première section donnent indiffé-
remment ce suc laiteux et acre , qui , quand il est épaissi ,
nous est envoyé sous le nom d'euphorbe ; les fleurs sont de
peu de beauté, et ces plantes ont été remarquées plutôt pour
la singularité de leur forme, et leur structure différente de celle
des plantes d'Europe, que pour le peu d'agrément qu'elles peu-
vent avoir. L'espèce qu'on prétend être celle d'où les anciens
tiraient leur euphorbe, est connue par une tige triangulaire
avec des jointures. L'espèce dont on dit que nous tirons main-
tenant ce suc, a une tige quadrangulairo, et des épines doubles.
L'espèce dont Linnée pense qu'on doit se servir , est multan-
gulaire , avec des épines doubles.
La tète de Méduse est de la seconde section ; les tiges sont
couvertes de tubercules couchés les uns sur les autres , et des
côtés de ces tubercules sortent plusieurs branches qui sont
ordinairement si fort entrelacées, qu'elles donnent l'idée d'un
assemblage de serpents; les bouts des branches ont des feuilles
étroites pleines de suc, qui tombent aisément, et un groupe
de fleurs blanches.
Les plantes des autres sections sont ordinairement connues
par le nom d'épurges, et sont la plupart sauvages dans les
diverses contrées de l'Europe. Il y en a deux espèces qui sont
communes parmi les herbes potagères; l'une d'elles' appartient
à la quatrième section, ou à celles qui ont des ombelles trifides.
Les subdivisions de celles-ci sont dichotomes ; les petites en-
veloppes ou bractées sont ovales; les feuilles sont tout-à-
fait entières , ou sans aucune entaille sur le bord ; elles sont
de forme ovale , et attachées à la tige par des pétioles courts :
chaque pétale a aussi deux petites cornes. L'autre appartient
' Petite épur};e , ou tltbymale auriculé.
334 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
à la sixième section, ayant des ombelles quinquifides : chaque
principale division se subdivise en trois ; les petites enveloppes
sont de la même forme que celles de la précédente ; les feuilles
sont en forme de coin, et dentelées sur les bords; les pétales
sont ronds et entiers. Une troisième espèce, commune dans les
bois ' , appartient à la dernière section ; elle a des ombelles
multifides ; c'est une plante plus grande, et permanente, au
lieu que les autres sont annuelles ; les petites enveloppes sont
rondes et perfoliées , les feuilles sont fort émoussées à la
pointe.
Les épurges ayant peu de beauté , on les cultive rarement
dans les jardins. Parmi les plus communes il v en a ime qui est
du nombre des herbes qui durent deux ans ; elle est de la cîn-
ipiièmc section , avec les feuilles opposées et tout-à-fait entières.
On la nomme thytiraale épurge ; son pays naturel est l'Italie et le
midi de la France. Elle s'élève à la hauteur de trois ou quatre
pieds; les fleurs sont d'un jaune verdàtre, et les capsules étant
fort élastiques, les semences sont jetées à une distance consi-
dérable. Une seconde espèce est permanente, et de la dernière
section ; les petites enveloppes sont en forme de cœur ; les pé-
tales sont formés conanae un croissant ; les capsules sont unies ;
quelques-unes des branches sont stériles , et d'autres portent
des fleurs et de la semence. Sur la première les feuilles sont
étroites et sétacées; sur la seconde elles sont en forme de
lance.
Il y a un genre de cette classe dans lequel le nombre douze
prévaut dans toutes les parties: ayant douze styles, il est de
l'ordre Dodecagjnia. Le calice est divisé en douze parties; la
corolle consiste en douze pétales ; la fleur est remplacée par
douze capsules contenant plusieurs petites semences. La jou-
barbe commune est une de celles-ci , qui , quoiqu'elle soit une
plante pleine de suc, fleurit sur les murs et sur les toits; les
bords des feuilles sont garnis de cheveux fins, très-courts ; elles
ne croissent point en forme globuleuse , comme quelques
I Vraisemblablement les bois d'Angleterre sont plus humides que ceux de
France , car on ne rencontre l'espèce dont il est ici question que dans les lieux
humides.
I Joubarbe.
SUR LA. BOTANIQUE. 335
autres espèces, mais elles s'étendent en largeur. Du centre des
têtes des feuilles s'élève une tige à fleur, ronde , rouge et pleine
de suc, d'environ un pied de hauteur; cette tige a vers le
bas, un petit nombre de feuilles étroites, et au sommet, elle
se divise en deux ou trois parties, dont chacune porte une ran-
gée de fleurs recourbées avec des corolles rouges. Quoique le
nombre naturel de ce genre soit douze, cependant vous trou-
verez que ce nombre varie beaucoup , la nature étan t moins
constante dans les grands que dans les petits nombres. Avec
cette courte esquisse pour vous amuser, je vous dis adieu,
ma chère cousine.
LETTRE XI.
21 juin 1775.
Vous avez déjà, ma chère cousine, jeté un coup d'oeil généi'al
sur la douzième classe , quant à ce qui regarde les arbres frui-
tiers ; vous ne devez cependant pas vous figurer, ou que ces
arbres se rangent tous dans la classe nommée icosandrie , ou
qu'il n'y en a point d'autres que dans cette classe; elle ne
renferme pas moins de vingt-neuf genres , et de deux cent qua-
tre-vingt-quatorze espèces, dont une portion considérable est
formée par des arbres et des arbrisseaux. Cependant on y ren-
contre plusieurs hei'bes.
Pour distinguer cette classe et la suivante des autres, sou-
venez-vous toujours que ce n'est pas le nombre, mais la situa-
tion des étamines , qui fournit le caractère classique. Dans les
plantes de la classe suivaftte, les étamines sortent, comme en
général dans les autres classes, du réceptacle ; mais dans celle-ci
elles sortent ou directement, ou avec les parties de lacorofle , du
calice, qui est d'une feuifle, et non pas aplati, mais creux : la
corolle est très-fréquemment de cinq pétales.
' Dans le premier ordre, on trouve le cactier, qui forme un
genre fort considérable , comprenant les cactiers à melon, les
cactiers à torche et les opuntia , ou figuiers d'Inde. Toutes ces
336 LETT.R1ÎS lÉL ÉMENTAIRES
plantes se ressemblent en ce qu'elles ont un calice tout entier
dans le bas , mais cependant consistant en plusieurs rangées de
feuilles, et placées sur le sommet du germe ; la corolle est dou-
ble, ou formée de plusieurs rangées de pétales, et il y a une
baie qui contient plusieurs semences dans une cellule.
Les cactiers à melon sont des corps arrondis , sans feuilles et
sans tige. Les cactiers à torche ont une longue tige sans feuilles>
laquelle , dans plusieurs espèces , est assez forte pour se sup-
porter elle-même; mais, dans quelques-unes, elle traîne le
long de la terre , ou bien elle est soutenue par des arbres. Ces
dernières espèces sont nommées cierges rampants. Les opuntia
sont composés de jointures plates unies ensemble.
Toutes ces plantes sont remarquables par une structure dif-
férente de celle des autres; mais quelques-uns des cierges sont
fort estimés pour la beauté des fleurs, qui frappe peut-être
d'autant plus , que le peu d'apparence de ces plantes semblait
ne devoir pas annoncer des fleurs aussi belles. Celles du cierge
rampant à grandes fleurs , ont près d'un pied de diamètre ;
l'intérieur du calice est d"un jaune brillant, et les nombreux
pétales d'un blanc pur. On voit à peine une fleur qui ait une si
belle apparence pendant le temps fort court de sa durée , qui
n'est que d'une nuit; car elle ne commence à s'ouvrir qu'à sept
ou huit heures du soir, et se ferme avant que le soleil se lève,
à moins qu'on ne la tienne à l'ombre ; c'est par ce moyen que
j'ai empêché qu'elle ne se fermât jusque vers dix heures du
matin. Cette noble fleur ne s'ouvre qu'une fois; mais quant à
la grandeur magnifique de sa corolle, j'ajouterai le doux par-
fum qu'elle répand ; c'est assez vous dire combien cette plant .•
mérite votre admiration. Quand la fleur n'est pas épanouie,
vous connaîtrez la plante par la tige rampante , marquée longi-
tudinalement d'environ cinq proéminences.
Une autre espèce de cactier, ou cierge rampant est beaucoup
plus commune, et mérite presque autant d'admiration pour Ijr
beauté de ses fleurs qui ont la couleur des œillets , et que la
plante produit en plus grande quantité : elles sont aussi de
plus longue durée; car non-seulement elles montrent hardiment
leurs feuilles au soleil , mais encore elles demeurent ouvertes
trois ou quatre jours. Quand elle n'est pas en fleur, cette es-
SUR LA BOTANIQUE. 33^
est distinguée par ses branches fort déliées, couvertes d'épines
et marquées de dix proéminences ; mais vous connaissez fort
bien cette belle plante qui, demandant très-peu de chalenr,
forme un des principaux ornements de votre cabinet de toilette
au mois de mai.
Il y a plusieurs espèces d'opuntia, figuier d'Inde, ou poirier
piquant, toutes natives de l'Amérique, et qu'on garde plutôt
pour leur singularité que pour leur beauté, d'autant qu'elles
n'ont point de feuilles , mais seulement une tige plate à join-
tures, garnie de nœuds, de piquants, de soies, ou l'une et l'autre.
Le figuier d'Inde, qui produit la cochenille, et sert de nourri-
ture à l'insecte de ce nom, est la seule plante de cette espèce
qui ne soit pas armée. Celle-ci a des jointures oblongues ; l'es-
pèce commune a des jointures arrondies avec des pinceaux de
soies , mais non pas des piquants.
Dans ce même ordre vous trouverez le seringat. Le nombre
naturel dans ie calice, la corolle et la capsule, est quatre; mais
quelquefois il est cinq; le goût des feuilles, semblable à celui
du concombre , et l'odeur de ses fleurs blanches, la même que
celle des fleurs d'orange, distinguent assez cet aibrisseau fort
connu de tous les autres; les légères dentelures sur le bord de
la feuille le séparent d'une autre espèce qui n'en a pas.
Vous trouverez aussi parmi ces plantes votre myrte favori ,
qui a im calice placé sur le sommet du germe, et en général
taillé en cinq segments, une corolle de cinq pétales, et une
baie pour fruit. Quelques espèces cependant ont un calice qua-
drifide , et alors la corolle a quatre pétales; d'autres ont un
calice entier et sans division. Le myrte commun dont il y a
plusieurs variétés, a des fleurs qui sortent séparément, et une
enveloppe de deux feuilles sur le pédicule.
Dans le second ordre il n'y a que l'alizier, genre qui com-
prend plusieurs espèces d'épines, et aussi deux arbres; l'alizier
commun , l'alizier toiniinal. Les caractères génériques sont un
calice coupé en cinq segments et placé sur le sommet du germe,
une corolle de cinq pétales, et une baie contenant deux se-
mences. Le premier de ces arbres est connu bien aisément
par la forme ovale de ses feuilles , qui ont des veines transver-
sales fort proéminentes , et des dentelures inégales sur les
338 LETTRES ^LÉMEJVTAIRES
bords, mais j>articulièremcnt par la couleur blanchâtre de
leurs surfaces inférieures. On connaît le second par ses feuilles
taillées en plusieurs angles aigus comme celles de l'érable; les
divisions sont au nombre de cinq ou de sept , et les lobes in-
férieurs , qui sont plus larges que les autres. L'aube-épine à
épei'on de coq a les feuilles ovales, et si profondément dente-
lées , qu'elles sont presque lobées. L'azerolier de Virginie a
des feuilles ovales , en forme de coin à la base , luisantes , et
profondément dentelées. L'aube-épine commime , ou l'épine
blanche , dont la fleur a obtenu le nom de mai à cause du mois
où elle paraît, a des feuilles obtuses, coupées en trois parties
principales, et qui sont dentelées. Le véi'itable azerolier a des
feuilles semblables à celles des précédents , mais plus grandes ,
plus pâles, et avec des lobes larges; les fleurs et les fruits sont
aussi beaucoup plus grands. Vous trouverez tous ces arbres
dans vos domaines; vous y trouvei'ez aussi deux arbres qui
sont dans le troisième ordre sous le genre des sorbiers : savoir,
le sorbier des oiseleurs, et le sorbier domestique. Tous les
deux ont des feuilles pinnées ou ailées comme le frêne; dans le
premier elles sont unies des deux côtés; mais elles sont garnies
de poils à hi siuface inférieure dans le second; ils ont aussi les
lobes plus larges, et non pas autant dentelés , leurs caractères
communs sont un calice quinquifide, une corolle à cinq pé-
tales, et une baie inférieure avec trois semences.
Le quatrième ordre, la pentagjTiie, outre le pommier, le
poirier et le cognassier, tous compris sous un genre, le poi-
rier, a le néflier avec plusieurs autres espèces d'arbres et d'ar-
brisseaux compiis dans un second genre, et tous les arbris-
seaux appelés spirœa dans un troisième. Ces genres s'accordent
en ce qu'ils ont un calice quinquifide , et une corolle à cinq
pétales. Dans le dernier le germe se trouve enfermé dans la
fleur ; mais dans les autres il est au-dessous : le fruit forme la
principale distinction. Dans 1© poirier c'est ce qu'on nomme en
\?X\x\. pomum; dans le néflier, c'est ime baie; dans le spirœa
une l'angée de capsules.
Cet ordre contient un genre nombreux et magnifique de
plantes herbacées, et qui ont du suc, nommées ficoîdes^ ou
figuiers soucis. Cinquante espèces s'accordent toutes en ce
SUR LA BOTANIQUE. SSq
qu'elles ont un calice quinquifide siu* le somiTiet du gerrae,
une corolle multifide de pétales étroits et linéaires, et une
capsule charnue divisée en cellules correspondant avec le
nombre des styles, et contenant plusieurs semences; quoique
la plupart des espèces ont cinq styles, cependant quelques-unes
en ont seulement quatre, et d'autres dix. Ce grand genre est
subdivisé en trois sections , à cause de la couleur des fleurs ,
qui, étant frappante et durable, peut fort bien ici fournir
une telle distinction, quoique dans le plus grand nombre des
plantes de ce genre il ne faille pas faire grand fond sur cette
circonstance; on observe ensuite les corolles, qui sont belles,
fort grandes et doubles. Dans la première section elles sont
blanches, dans la seconde rouges, et dans la troisième jaunes.
Les diverses formes des feuilles pleines de suc fournissent pres-
que d'elles-mêmes des distinctions spécifiques suffisantes.
L'espèce la plus connue est celle qui est appelée ficoïdes
adamas , ficoïde diamant, ou plus ordinairement plante-glace.
Celle-ci a des feuilles ovales, alternes , ondoyantes , avec des
corolles blanches ; mais on la remarque principalement pour
la singularité qu'elle offre, étant couverte de boutons transpa-
rents, qui paraissent au soleil comme des bulles crystallines.
Le kali égyptien , estimé pour faire la meilleure potasse , est
• aussi de ce genre. Il a des feuilles alternes, arrondies et obtuses,
ciliées à la base, et des corolles blanches.
Dans le dernier ordre de cette classe, le rosier est un genre
universellement connu; et, quand il le serait moins, il tiendrait
le premier rang dans l'admiration des hommes. Les caractères
distinctifs de ce genre sont : un calice quinquifide, une corolle à
cinq pétales, et une espèce de baie charnue en forme de cruche
laquelle est formée par le calice, terminée par ses divisions,
et contenant plusieurs semences oblongues, rudes, et croissant
de chaque côté auprès du calice. Les espèces sont distinguées
par la forme globuleuse ou ovale du fruit, par la situation des
épines sur les diverses parties de l'arbrisseau, la floraison, etc.
L'églantier a des fruits globuleux entourés d'épines crochues,
et les feuilles l'ubigineuses en-dessoHS. La rose de chien, ou
ronce sauvage, a un fruit ovale, mais uni, comme le sont
aussi les pédicules ; cependant la tige et les pétioles sont épV
22.
34o LETTRES ÉLÉMEISTAIRES
neux , les pétales sont de couleur vermeille, et à deux lobes;
il y a deux biactées cUiées, opposées l'une à l'autre à chaque
fleur.
Le fraisier , avec tous ses fruits différents , constituant seu-
lement une espèce, appartient à cet ordre. Ici, quoique la co-
rolle n'ait que cinq pétales, le calice est coupé en dix seg-
ments, alternativement plus grands et plus petits, et les semences
sont dispersées sur la surface d'un réceptacle arrondi et pul-
peux, qu'on appelle vulgairement une baie: voilà les caractères
génériques. Tous les fraisiers qui donnent des fruits dont on
mange, se multiplient par des rejetons; cette circonstance les
distingue suffisamment de l'espèce stérile, qui non -seulement
a un réceptacle sec et sans suc, mais encore qui ne jette jamais
de ces lejetons.
La treizième classe , la polyandrie , a plusieurs étamiues aux
fleurs", ainsi que la précédente, mais qui sortent du récep-
tacle avec le pistil. Ces deux classes réunies auraient formé une
classe trop considérable pour qu'on put l'examiner commodé-
ment; difficulté qu'il faut éviter autant qu'il est possible dans
tous les cas. En outre , les plantes contenues dans l'une de ces
classes sont en général si différentes, soit pour la forme, soit
pour les qualités de celles qui sont renfermées dans l'autre,
qu'il aurait paru très-étrange de mêler des êtres qui ont si peu
d'analogie, ou de réunir dans la même des fruits qui sont si
agréables au goût et si salutaires au corps , avec des plantes
si nuisibles à l'homme par leurs qualités vénéneuses, comme le
sont plusieurs des végétaux appartenant à cette classe, nom-
mée la polyandrie.
Dans le premier ordre , la monogynie, vous trouverez le pa-
vot, qu'on distingue fort aisément par un calice de deux
feuilles =', une corolle de quatre pétales, et une capsule d'une
cellule, couronnée par le stigmate, sous lequel elle s'ouvre par
plusieurs trous pour laisser sortir un nombre considérable de
petites semences. Dans ce genre quatre espèces ont des cap-
sules pleines d'aspérités, et cinq ont des capsules unies. Le
coquelicot, ou pavot commun des blés, l'espèce dont on se
» Depuis vingt jusqu'à mille.
2 Ce calice tombe de lui-même qiiaud la fleur s' épanouit.
SUR LA BOTANIQUE. 34 I
sert en médecine, et qui donne l'opium, le pavot gallois, et
l'espèce orientale, qu'on a introduite maintenant dans le par-
terre pour lui servir de parure, appartiennent tous à cette der-
nière division. Le premier a les capsules presque globuleuses,
la tige couverte de poils, et supportant plusieurs fleurs d'une
belle écarlate , et les feuilles pinnatifides et coupées ; le se-
cond a le calice uni, aussi-bien que la capsule ; les feuilles sont
coupées, et embrassent la tige. Celui qui est cultivé dans les
champs a des corolles blanches, et des tètes sphéroïdes aussi
grosses qu'une orange, avec des semences blanches. L'espèce
des jai'dins a des corolles de couleur pourprée, fort sombres à
la base, avec des têtes oblongues plus petites , et des semences
noires. Cette espèce-ci varie beaucoup pour la couleur , et a
fjuelquefois des fleurs fort grandes et doubles ; elles ressem-
blent alors à un très-grand œillet carné. Quelques personnes
pensent que le pavot des champs et celui des jardins sont des
espèces différentes. Linnée n'en fait qu'une. Je vous ai donné
les différences ; mais je ne prends pas sur moi de décider la
question. Les capsules du pavot jaune sont oblongues; la tige
est unie; les feuilles sont ailées et coupées; les corolles sont
grandes et jaunes. Le pavot oriental a des tiges rudes, garnies
de feuilles qui soutiennent une fleur grande, simple, et rouge ;
les feuilles sont ailées, et dentelées sur le bord. Toutes les
espèces de pavots ont une odeur forte et désagréable.
Le câprier est de ce premier ordre , ainsi que l'arbre à thé
et le tilleul , les lis d'eau, le jaune et le blanc, qui répandent
leurs larges feuilles sur la surface des ruisseaux qui coulent
lentement , et des étangs dont les eaux sont stagnantes , et qui
élèvent au - dessus des eaux leurs larges corolles à plusieurs
pétales. On trouve aussi dans ce même ordre le beau et nom-
breux genre des cistes , connu par un calice de cinq feuilles ,
dont deux sont moindres que les trois autres , une corolle de
cinq pétales , et une capsule pour vaisseau à semence. Il y a
quarante -neuf espèces de ces dernières plantes , dont la plupart
sont des arbrisseaux, et quelques-unes herbacées; lés corolles
sont de couleur pourpre , blanche ou jaune dans les diverses
espèces. La pivoine est du second ordre qui n'est pas nom-
breux ; les caractères du genre sont un calice de cinq feuilles ,
3^1 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
une corolle de cinq pétales, et deux ou trois germes, couron-
nés immédiatement par des stigmates , sans l'interposition
d'aucun style.
Ces plantes , et quelques autres de l'ordre suivant , sont
imies étroitement par un lien naturel, sous le nom de tnultisili-
qiiœ , ou de plantes à plusieurs siliques, ou cosses, ayant un
fruit composé de plusieurs péricarpes joints ensemble. Elles
s'accordent encoi'e en ce qu'elles n'ont point de calice, ou que,
si elles en ont un , il est très-sujet à tomber , une corolle poly-
pétale , et des étamines qui excèdentles pétalesen nombre. Parmi
celles-ci, vous connaissez le dclphiniuin et l'aconit, apparte-
nant au ti'oisième ordre, les colombines au cinquième, et l'ellé-
bore au dernier. Aucune deces plantes n'a de calice , et elles ont
toutes une corolle de cinq pétales; les nectaires forment la prin-
cipale distinction des genres. Cette partie , dans le delphinium ,
est bifide, sessile, et se continue en arrière par une corne ou
éperon. L'aconit a deux nectaires pédicules et recourbés. L'an-
colie a cinq de ses nectaires cornus , entre les pétales. L'ellé-
bore a plusieurs nectaires tubuleux , courts , placés en cercle
autour de l'extérieur des étamines, divisés chacun en deux lè-
vres au sommet. Le pied- d'alouette a aussi ou une capsule, ou
bien trois , et l'espèce qu'on cultive dans les jardins est dis-
tinguée par sa tige simple et sans branches, de l'espèce sau-
vage, qui a sa tige divisée. Dans ces deux espèces, le nectaire
n'est que d'une feuille; dans le pied -d'alouette des abeilles et
dans les autres, le nectaire a deux feuilles. L'aconit a le pétale
supérieur voûté, et trois ou cinq capsules. Vous en avez une
espèce qui est commune dans vos parterres , et qui a de lon-
gues pointes , de grandes fleurs bleues nommées capuchon de
moine. Celle-ci est une des espèces qui ont trois capsules à une
fleur; les feuilles sont multifides, avec des divisions linéaires,
très-larges au sommet , et marquées d'une ligne qui court tout
le long. L'aconit salutaire , comme on le nomme , a cinq cap-
sules , cinq styles , et les fleurs sont de couleur de soufre.
L'ancolie a cinq capsules distinctes; l'espèce commune a des
nectaires courbés : dans son état sauvage les fleurs sont bleues,
les pétales courts , et les nectaires fort proéminents. Celles des
jardins offrent non -seulement une variété de couleurs, mais
• SUR LA BOTANIQUE. 343
encore elles se font distinguer en ce que les pétales leur man-
quent , et que leurs nectaires sont fort multipliés. L'ellébore
a quelquefois plus de cinq pétales à la corolle, et il a toujours
plusieurs capsules qui succèdent à chaque fleur ; celles-ci con-
tiennent plusieurs semences rondes , fixées à la suture de la
capsule. L'espèce qui fleurit en hiver, appelée ordinairement
ellébore d'hiver , est la seule qui laisse tomber ses pétales ; elle
ne porte qu'une seule fleur jaune placée sur la feuille. Le véri-
table ellébore noii- , ou rose de Noël , a une ou deux grandes
fleurs blanches sur une tige nue , et des feuilles charnues à
long pétiole. L'ellébore noir puant , ou pied-de-griffon , porte
plusieurs fleurs verdâtres sur une tige, et des feuilles pé-
tiolées sur la tige , et n'en a aucune vers la l'acine. Celle-ci est
ordinairement sauvage , et vous la trouverez en fleur pendant
l'hiver , sous les arbres , dans vos plantations. Avertissez vos
pauvres voisins de ne pas trop donner de cette plante à leurs en-
fants pour les guérir des vers ; car , à ime trop forte dose ,
elle est certainement dangereuse. Dans le fait, toutes les plantes
qu'on vient de décrii'e sont plus ou moins vénéneuses ; l'af-
conit est connu pour l'être au suprême degré.
Le dernier ordre de cette classe, la polyandrie, contient
aussi le tulipier, qui a un calice à trois feuilles , six pétales à
la corolle, et plusieurs semences en forme de lance couchées
les unes sur les autres, et formant une espèce de strobile. Cet
arbre est remarquable pour la forme de ses feuilles, qui ont le
lobe du milieu des trois tronqué ou coupé transversalement au
bout ; les fleurs sont grandes et en forme de cloche , et les pé-
tales marqués de taches vertes, jaunes et rouges. On trouve
aussi dans cet ordre les magnolia, qui ont un calice de trois
feuilles comme le dernier , mais dont la corolle a neuf pétales.
Le fruit est un strobile , o« cône écaillé de capsules à deux val-
vules, couvrant un réceptacle en forme de trèfle, chaque cap-
sule contenant une semence arrondie semblable à une baie, et
suspendue en-dehors par un fil. C'est bien dommage que ces
beaux arbres, si remarquables pour leurs feuilles et pour leurs
fleurs, ne puissent supporter la rigueur de notre climat.
Cet ordre contient deux genres nombreux, très-estimés parmi
les fleuristes, l'anémone et la renoncule. La première de ces
344 LP: TIRES ÉLÉMENTA.IRES
plantes n'a point de calice; elle a une corolle de deux ou trois
rangs , avec trois pétales à chaque rang , et plusieurs semences
nues qui retiennent chacune leur style. Vous êtes maintenant
trop avancée dans l'étude de la botanique pour avoir besoin
qu'on vous avertisse de ne pas prendre ces belles fleurs dans
vos parterres, pour examiner leurs corolles ; elles sont le produit
de l'art, et non de la nature que vous étudiez. L'hépatique,
qui vient de bonne heiu-e, appartient à ce genre, et on la con-
naît par ses feuilles entières à trois lobes. C'est la seule espèce
qui a quelque chose de ressemblant à un calice; car elle a un
périanthe de trois feuilles, qui, étant écarté de la fleur, est
plutôt une enveloppe qu'un calice. La fleur de Pâques , ainsi
nommée parce qu'elle fleurit vers Pâques, est aussi de ce
genre. Elle orne quelques-unes de nos collines , sèches et rem-
plies de craie, par ses belles fleurs de couleur poiupre, en
forme de cloche ; quoiqu'elle n'ait point de calice proprement
dit, cependant la tige à fleurs a une enveloppe à feuilles, etmul-
tifide; les feuilles sont doublement ailées , ou bipinnées; chaque
plante ne porte qu'une fleur vacillante; et, après qu'elle est
passée, le sommet de la plante est blanchàtie, à cause des
queues qui adhèrent aux. semences. Une autre espèce sauvage
est l'anémone des bois, qui ne porte qu'une fleur blanche ou
pourpre sur une plante. Les feuiUes sont composées avec des
lobes coupés, et les semences sont pointues, mais sans queues.
Les anémones de jardin, qui font un si bel ornement pour les
parterres, dans le printemps, ne sont que de deux espèces, malgré
^a grande variété de leurs couleurs rouges, blanches , pourpre,
bleues, avec toutes les nuances intermédiaires et d'innom-
brables variétés. L'art, pour augmenter leur beauté, les a ren-
dues fort grandes et doubles; mais nous pouvons encorde dis-
tinguer les espèces par leurs feuilles, qui, dans l'une, sont
décomposées, se divisant par trois, et dans l'autre sont digi-
tées. La tige est garnie de feuilles, et les semences ont des
queues dans les deux espèces. Le genre rival de l'anémone est
celui de la renoncule, qui en diffère en ce qu'elle a un calice de
cinq feuilles et une corolle de cinq pétales ; mais la marque dis-
tinctive de ce genre est une glande remplie de miel, précisé-
ment sur la hase de chaque pétale à l'intérieur. De quarante-
I
SUR LA BOTANIQUE. 34^
(juatre espèces, plusieurs sont sauvages, et quelques-unes fort
communes dans plusieurs parties de l'Europe , sous le nom de
tleurs de beurre, tasses de beurre, et coupes de roi. Trois es-
pèces en particulier qui dans la môme saison jettent un voile
jaune sur nos prairies, sont généralement confondues, et on
les regarde comme ne formant qu'une espèce. Cependant la re-
noncule bulbeuse a le calice courbé en arrière vers la tige à
fleur , au lieu que dans la renoncule rampante et dans la renon-
cule acre , il est ouvert ou épanoui ; dans la première et dans la
seconde, le pédicule est sillonné ; dans la troisième, il est rond
sans aucune cannelure. En outre, les feuilles sont bien diffé-
rentes à l'inspection ; la première a une racine bulbeuse, la se-
conde jette beaucoup de rejetons, qui prennent racine comme
ceux du fraisier; la troisième est une plante plus grande, plus
agréable , et qui fleurit plus tard. Mais les prairies seules ne
sont pas remplies de renoncules; les bois, les cliamps de blé,
les eaux, ont pareillement l'avantage d'en produire. Une espèce
qui fleurit dans les prairies humides de très-bonne heure, au
printemps, est si différente des autres, que les botanistes n'ont
jias hésité à la tirer de ce genre pour en former un genre parti-
culier, car elle a un calice seulement de trois feuilles; mais,
pour compenser ce défaut, elle a une corolle de plus de cinq
pétales ; elle a des feuilles en forme de cœur, angulaires, pétio-
lées , une fleur sur une tige , et des i\'icines nouées. Mais la
renoncule de Perse est la grande rivale de l'anémone, dans le
parterre, pour la beauté et la variété des corolles qui sont
grandes et doubles; elles sont tellement changées par l'art,
qu'il faut que vous ayez recours aux feuilles pour la distinction
spécifique; celles-ci sont alternes et biternes, les lobes triftdes
et coupés. La tige est droite , ronde, garnie de poils, et bran-
chue au bas ; les feuilles radicales sont simples. Voilà de quoi
vous occuper comme botaniste et comme fleuriste, ma chère
cousine; ainsi je vous laisse pour le moment.
346 LETTRES liLÉMENTAIRES
LETTRE XIÏ.
ler juillet 1775.
Ayant maintenant parcouru plus de la moitié de notre car-
rière, nous voilà arrivés à un ordre de classes naturelles,
que vous connaissez si parfaitement, que vous ne trouverez
point de difficulté à assigner la place convenable ;\ chacune
des plantes qui appartiennent à ces classes.
La structure des fleurs, dans la quatorzième classe, a été
expliquée au long dans la quatrième lettre; mais le caractère
propre et essentiel est d'avoir quatre étaraines, toutes dans un
rang, et en paires. La paire intérieure est plus longue que
l'autre, d'où on lui a donné le nom de didynamie. Enfin il n'y
a qu'un style. Toutes ces parties sont renfermées dans une co-
rolle irrégulière, nionopétale ou plissée.
Cette classe n'a que deux ordres , qui ne sont pas fondés sur
la forme de la fleur , comme vous pourriez l'imaginer par ce
qui a été dit dans une lettre précédente, ni sur le nombre des
styles, comme dans les classes précédentes, parce qu'aucune
des fleurs n'en a plus d'un; mais sur ce qu'ils ont quatre se-
mences nues, enfermées dans le calice; ou bien qu'ils en ont
plusieurs, fixées à un réceptacle, dans le milieu d'un péri-
carpe. Le premier de ces ordres est nommé gymnospermie; le
second angiospei'mie.
Cette classe contient cent deux genres, et six cent quarante-
trois espèces. Chaque ordre forme une classe naturelle. Le
premier renferme les plantes verticillées , ainsi nommées de la
manière dont les fleurs croissent, en verticilles ou sommités;
elles se ressemblent encore, en ce qu'elles produisent les feuilles
par paires, et en ce qu'elles ont les tiges carrées. Le second
renferme les fleurs à masque, ou celles qui ont généralement
une corolle à masque, et toujours un péricarpe ou vaisseau
enfermant les semences.
Le caractère générique essentiel du lierre rampant , est en
SUR LA BOTANIQUE. 347
même temps beau , et forme une distinction très-remarquable.
Chaque couple d'anthères forme une petite croix élégante ,
l'une au-dessus de l'autre. Les feuilles sont en forme de fève de
haricot, et entaillées sur les bords. Dans ce genre dans l'hy-
sope, la menthe, la lavande, la bugle, la bétoine, l'ortie morte,
la menthe de chat, la sariette, le marrube, etc., les calices sont
assez régulièrement quinquifides. Dans le thym, le basilic, la
sanicle, la marjolaine, le baume, etc., ils sont bilabiés. Dans
la menthe, les corolles sont à peine plissées, les filets sont
droits et distants. La lavande a les corolles, pour ainsi dire,
tournées sans dessus dessous, ce qui fait la partie supérieure
dans la plupart des autres, étant l'inférieure dans cette plante,
et vice versa. Les calices sont aussi soutenus par ime bractée ;
les étamines sont dans le tube. Le teucrium n'a pas proprement
de lèvre supérieure; mais la corolle est fendue presque en en-
tier , pour laisser passer les étamines ; la bugle a la lèvre supé-
rieure de la corolle très-courte , et beaucoup plus que les filets.
Notre espèce commune sauvage est connue, en ce qu'elle est
très-unie, et qu'elle se propage par des rejetons. La bétoine a
la lèvre supérieure de la corolle aplatie, et s'élevant ensuite
avec im tube cylindrique; les segments du calice sont prolon-
gés en pointes déliées comme des barbes , et les filets ne s'é-
tendent pas au-delà du cou ou de l'ouverture du tube. La
bétoine des bois est distinguée par une pointe de fleurs inter-
rompue, et par les segments qui sont au milieu de la lèvre ,
lesquels sont rognés , ou ayant ime entaillure. La chataire a
les divisions du milieu de la lèvre inférieure crénelées, ou lé-
gèrement entaillées; les bords des lèvres sont i-ecourbés , et
les étamines serrées l'une contre l'autre. Les fleurs de l'espèce
sauvage sont dans une pointe, consistant en une rangée de courts
pédicules ; les feuilles sont en forme de cœur , avec des dente-
lures émoussées et pétiolées. Si vous avez des doutes concer-
nant cette plante , présentez-là à votre chatte , et efle vous la
fera connaître par les caresses qu'elle lui prodiguera , et qu'elle
accorde aussi au marum et à la valériane. La première de ces
plantes n'étant pas sauvage , et la seconde étant si différente ,
vous ne pourrez vous y méprendre. Le marrube noir et le
marrube blanc ont l'un et l'autre un calice marqué de dix
34^> LKTTRES ÉLÉMENTAIRES
raies ; mais la lèvre supérieure de la corolle , dans le premier ,
est en forme d'arc et crénelée; dans le dernier, il est droit , li-
néaire et bifide. Le marrube commun noir est connu par ses
feuilles entières, en forme de cœur, et dentelées, et par ses
calices très-pointus ; les corolles sont rouges. Le marrube
commun blanc a les divisions du calice qui se terminent en
pointes sétacées, crochues ; les corolles sont blanches , et
toute la plante a un air de blancheur, à cause du poil qui
couvre les tiges et les feuilles.
Dans la seconde division, où les calices sont bilabiés, le
thym a l'ouverture du tube fermée par des poils. Le thym
sauvage, qui a une si agréable odeur , et qui orne les pâturages
secs, par ses fleurs rouges , est connu par ces mêmes fleurs qui
croissent en tète , par les divisions du cahce, qui sont ciliées,
les feuilles ovales , plates , émoussées au bout , pointillées de
petites glandes, et ciliées à la base , ainsi quç par ses tiges ram-
pantes. Le thvm" de jardin est une plante droite , avec des
feuilles ovales, rephées, et les fleurs en groupes, formant
toutes ensemble une pointe. Dans cette espèce , il y a beau-
coup de variétés , comme dans l'autre. Le basilic a une enve-
loppe de plusieurs feuilles étroites, immédiatement sous le
groupe de fleurs. La marjolaine est distinguée par une enve-
loppe composée de bractées ovales , colorées , et creusées en
gouttière, formant toutes ensemble une espèce de pointe car-
rée, ou de strobile. L'origan commim a les pointes arrondies
vers les angles, conglomérées, et formant toutes ensemble un
panicule; les bractées sont plus longues que les calices. Vous
trouverez cette plante sauvage sous les haies et parmi les buis-
sons. Celle qu'on cultive dans le potager, sous le nom de mar-
jolaine du pot, ne diffère pas beaucoup de la suivante. Les
pointes sont oblongues , agrégées , et garnies de poils ; les
feuilles sont en foi'me de cœur, et garnies de duvet; la tige est
ligneuse , et les fleurs blanches. La marjolaine douce a des
feuilles ovales , émoussées au bout, et des pointes aiTondies,
compactes et pubescentes. La marjolaine douce d'hiver a des
pointes longues, agrégées et pédiculées, et les bractées sont de
la longueur des calices ; les corofles de celle-ci sont blanches ,
et celles de l'autre sont ronges. Le dictame de Crète a les pe-
SUR L V BOTANIQUE. 349
titcs fleurs pourpre, ramassées en tètes vacillantes , avec des
bractées creusées en gouttière; les tiges sont pubescentes, de
couleur tirant sur le pourpre, et poussent de petites branches
par paires, sur les côtés. Les feuilles sont rondes , épaisses, et
si garnies de laine , qu'elles en sont tout-à-fait blanches. Toute
la plante a une odeur aromatique perçante, et un goût mor-
dant. C'est la plante si célèbre, avec laquelle Vénus giiéiùt la
blessure d'Énée. La mélisse a un calice sec, angulaire, aplati
au sommet; la lèvre supérieure est élevée; le casque de la co-
rolle est un peu voûté, et profondément entaillé ou bifide; la
lèvre inférieure est Irifide, avec le lobe du milieu en forme de
cœur.
La mélisse officinale a des fleurs qui croissent en petites
grappes lâches, sortant des ailes de la tige, et les pédicules sont
simples, c'est-à-dire sans branches. Il y a deux plantes de ce
genre qui croissent naturellement, et qui ont le nom de cala-
meut. La moldavique est distingué(; principalement par la
grande enflure, ou l'ouverture considérable des mâchoires de
la corolle; la lèvre supérieure est aussi courbée en arc, pliée
et obtuse. Dans ce genre on trouve la plante qui a un par-
fum si agréable, et qu'on nomme vulgairement mélisse de Ca-
narie. Cette plante a des feuilles composées consistant en trois
ou cinq lobes oblongs, pointus et dentelés; les fleurs sortent
en pointes épaisses et courtes , les corolles sont d'un bleu pâle.
La sanicle est connue d'abord par ses filets fourchus, avec les
anthères insérées au-dessous du sommet ; le stigmate est aussi
rogné ou bifide. La brunelle commune, si commune dans les
pâturages, a toutes les feuilles d'une forme oblongue et ovale,
dentelées sur le bord, et pétiolées. La toque se fait distinguer
aisément de tous les autres genres de cet ordre par les parties
de la fructification; car le calice est entier à son embouchure,
j et, après que la fleur est passée, il se ferme avec une espèce
de couvercle , de sorte que le tout ressemble à un casque ; de
là viennent les noms qu'on lui a donnés , cassida , heaume ,
herbe à capuchon ; les semences se trouvant ainsi renfermées
dans une espèce de capsule, ce germe forme le chaînon qui unit
cet ordre au suivant. L'espèce commune sur les bords des ri-
vières, près des fossés et autres lieux humides , a des feuilles
35o LFTÏRES ÉLÉMENTAIRES
pn forme de lance, creusées à la base, entaillées sur le bord, et
ridées sur la surface ; les fleurs sont bleues, et sortent des ailes
ou angles formés par les feuilles ou subdivisions avec la tige
principale.
Les corolles dans tous les genres du premier ordre, à quel-
ques exceptions près, ont l'embouchure ouverte, labiée. Dans
le second ordre, que vous allez maintenant examiner, plusieurs
de ces plantes ont des corolles à masque, ou labiées, avec les
lèvres fermées. Quelques-unes cependant ont des corolles ou-
vertes, en forme de cloche, ou en forme de roue, et irrégu-
lières. Toutes ces plantes ont également des semences renfer-
mées dans vm péricarpe; et de là vient le nom qu'on donne à
cet ordre : angiospermia. Dans la plupart des genres les calices
sont quinquihdes; cependant, dans quelques-uns, ils sont bi-
fides; dans un, trifides; dans plusieurs, quadrilides, et dans
deux multifides.
Parmi les plantes de cet ordre , qui ont le calice bifide , vous
trouverez l'orobanche, qui a une corolle ouverte, divisée au
sommet en quatre segments, et presque réguhère; il y a une
"lande à la base , et la capsule est à une loge et à deux valvules.
L'espèce commune a une tige pubescente, absolument sans
division. La couleur feuille-morte de cette plante suffit seule
pour vous la faire connaître à la première vue.
Parmi celles qui ont des calices quadrifides, on trouve le rhi~
nanthiis, ou la crête de coq , et l'euphraise. Ces plantes ont des
corolles à masque. La première a le calice enflé , et une capsule
obtuse, comprimée, et à deux loges. L'espèce sauvage du rhinan-
thus ' , commune dans les prairies humides, est connue parla
forme de la lèvre supérieure de la corolle, qui est courte et apla-
tie- la couleur est jaune; le calice est fort large ; et, comme c'est
une plante qui fleurit de bonne heure , cette partie devient
sèche avant que le temps de la fenaison soit venu; elle craque
sous la faux. L'euphraise, jadis célèbre , comme propre à pur-
ger le rayon visuel , a le calice cylindrique , les anthères épi-
neuses à la base d'un de leurs lobes , et les capsules d'une forme
oblongue , ovale et biloculaire , ou à deux loges. L'espèce qu'on
tient dans les boutiques a des feuilles moitié ovales et linéaires,
I Cocriste glabre.
SUR LA BOTANIQUE. 35l
avec des dentelures aiguës sur les bords. C'est une plante
huniLle , propre, croissant dans des pâturages secs et parmi des
bruyères ; la corolle, à l'examiner de près, est fort élégante.
Dans la plus grande section , où sont les plantes qui ont des
calices quinquifides, vous trouverez les mufliers, genre qui
comprend quarante-sept espèces ; la corolle est à masque, pro-
longée à la base par un sac ou éperon, et le vaisseau à se-
mence est une capsule à deux loges. Des deux espèces dont je
\ eus ai précédemment fait mention , la linaire ' a des feuilles
linéaires qui approchent de la forme des lances , et croissent
plusieurs ensemble sur une tige droite; les fleurs naissent l'une
près de l'autre en pointes sessiles, qui terminent la tige; la
lèvre inférieure de la corolle est velue en -dedans; les bords
de l'ouvertiu'e sont de couleur orange; mais le reste est d'un
jaune pâle, et se teimine en un long éperon. Il est maintenant
en fleur, ou y sera bientôt. Le hasard a produit d'éti^anges
variétés dans cette plante , en changeant la corolle , qui était
à masque, avec quatre étamines didynamiques , en une corolle
régulièrement pentapétale , avec cinq étammes , le reste de la
plante demeurant le même. On trouve fréquemment des va-
riétés qui participent de la nature des deux espèces *;mais,
comme on les trouve , en général , parmi les plantes annuelles ,
et qu'elles ne produisent jamais de semence , elles sont per-
dues presque aussitôt qu'elles sont parvenues à la peifection ,
au lieu que celle-ci étant permanente et foit rampante par les
racines , on l'a conservée comme un exemple de monstre dans
la nature végétale. Le mufle de veau a les feuilles du calice ai-
rondies au sommet, les fleurs croissant en pointe, et les corolles
sans éperon; la couleur de ces corolles est rouge, avec les bords
de l'ouverture blancs ou jaunes, ou entièrement blancs, ou bien
blancs avec des boi'ds jaunes. Les feuilles sont en forme de lance,
et pétiolées. Plusieurs espèces à^ antirrhinum sont sauvages sur
les murs et dans les champs de blé. Plusieurs autres ne sont pas
rares dans les jardins, comme la linaire à trois feuilles, plante
annuelle, quia des feuilles ovales, unies et grises, générale-
ment ternaires , comme le nom le signifie ; mais aussi quelque-
» Lia de crapaud.
^ On uomme ces plantes personnées , ou fleurs en gueule.
35u LETTRES ÉLÉMENTAIRES
fois croissant par paires. 'Les fleurs viennent en pointes courtes
au sommet des tiges, et sont formées comme celles de la linaire
commune : seulement les tubes ne sont pas si longs ; ils sont
jaunes , avec des mâchoires de couleur de safran. Deux ou trois
espèces permanentes , avec de jolies pointes de fleurs bleues ,
et quelques-unes d'elles, sentant fort bon , se trouvent ordi-
nairement parmi les arbrisseaux en fleurs , et autres plantes
permanentes.
La scrophulaire est une autre de ces plantes ; la corolle est
de l'espèce qui est sens dessus dessous , presque globuleuse
dans sa forme ; les deux divisions supérieures sont les plus
grandes et droites ; les deux latérales se répandent en s'ou-
vrant, et la cinquième, qui est au-dessous, est recourbée.
Dans plusieurs espèces , sous la division qui est au sommet ,
dans l'ouverture dé la corolle, il y a un petit bout qui ressem-
ble aune lèvre; à la fleur succède une capsule à deux cellules.
Il y en a deux espèces assez communes , une dans les bois et le
long des espaliers , avec les angles de la tige émoussés , et des
feuilles en forme de cœur, fort prolongées au sommet , et mar-
quées de trois nervures élevées ; l'autre vient au bord des ri-
vières , et dans d'autres lieux humides '; elle a une membrane
qui court le long de la tige aux angles , et des feuilles en forme
de cœur, émoussées au bout. Ces plantes ont une teinte noi-
râtre, mêlée à leur couleur verte, et leurs fleurs sont d'un rouge
sombre.
La digitale, une des plantes sauvages qui a le plus d'appa-
rence, a une corolle ouverte, divisée en quatre segments au
sommet , ets'enflant au-dessous , formée comme les doigts d'un
gant, la capsule ovale et à deux cellules. La digitale , sauvage
ou pourpre, se fait distinguer, en ce qu'elle a les feuilles du
calice ovales et aiguës , avec les segments de la corolle obtus ,
et la lèvre supérieure entière ; l'intérieur de la corolle est mar-
qué de belles taches qui ressemblent à des yeux , et les feuilles
sont grandes et ridées; le rouge est la couleur de la fleur,
dans son état sauvage , quand elle est cultivée dans les jardins ,
elle varie du blanc au jaune.
I Seroplmlaire aquatique.
SUR LA BOTANIQUE. 353
La ])ignone a un calice cyathiformc ', étroit au fond , et fort
évasé au sommet , ime corolle en forme de cloche , s'enflant
beaucoup au - dessous , et partagée au sommet en cinq seg-
ments. Elle a une silique à deux, cellules , pour vaisseau à se-
mence , qui contiennent des semences ailées qui sont rangées
les unes sur les autres , et fort serrées. Le jasmin de Virginie,
avec les branches traînantes , qui jettent des racines par les
jointures pour acquérir du support et de la nourriture en
s'attachant aux arbres, d<ms la Virginie et dans le Canada,
pays dont cette plante est oi'iginairc , a les feuilles pinnées ,
dont les lobes sont coupés ; les grandes fleurs , en forme de
trompette , sont de couleur orange. Le catalpa est un grand
arbre, avec des feuilles d'une simplicité remarquable et en
forme de cœur. Les fleurs sont produites en grands panicules
branchus; elles sont d'un blanc sale, avec un petit nombre de
taches pourpre, et de légères raies de jaune ; mais, ce qu'il y a
de plus remarquable , elles ont seulement deux étamines par-
faites , avec de petits rudiments de trois autres ; le calice aussi
n'est pas simplement quinquifide , mais il est presque divisé
jusqu'au fond.
L'acanthe , dont ou dit que les feuilles ont donné la première
idée de l'élégant chapiteau corinthien, est aussi de cet ordre,
mais il appartient à la section qui a des calices bifides ; il a
une corolle irrégulière, sans aucune lèvre supérieure; l'infé-
rieure a trois lobes ; les anthères sont garnies de poils , et la
capâule est à deux cellules.
Je ne puis m'empècher de vous faire remarquer, puisque
c'est une observation dont j'ai été frappé, que la plus grande
partie des genres de la section principale de cet ordre est dé-
diée à la mémoire des célèbres botanistes. Ici on trouve le grand
Linnée lui-même; le célèbre arabe Avicenne; ces pères de la
science botanique, Gesner et Columna. En Italie, Crescentiiis ,
Tozzi , Vandelli , Durante ; les illustres français Bignon , Bar-
relier, Ruellius , Cornutus, Dodart; les suédois Celsius Toren
et Broval ; Buchner , Bontius , Besler , allemands ; en Angle-
terre , le vénérable Gérard , Millington; et dans des temps plus
modernes , le lord Petre , et deux professeurs contemporains
' En forme de verre à boire
R. VII. 23
354 LETTRES ÉLÉMIINTVIRES
tk- Cambridge ot d'Oxford ; rilkistrc et infiitigable baron de
Haller occupe lui seul une section comme il le mérite. Cette
manière de consacrer les plantes nouvellement décovivertes
à la mémoire des personnes qui se sont distinguées dans cette
science , me paraît très-bien imaginée. Des dames ont eu cet
honneur aussi - bien que les hommes , et je ne doute pas , ma
chère cousine, que vous ne méritiez un jour d'avoir une niche
dans ce temple.
LETTRE XIIL
4 août 1770.
Avant qu'il se fût répandu auciuie idée de svstèmc et d'ar-
l'angement , les yeux éclairés par la science apercevant une res-
semblance entre le chou et le navet , le giroflier et la rave ,
dans les parties de la fructification , les auteurs s'accordèrent
universellement à placer ces plantes , et autres semblables,
dans la même section ou division de leurs livres , et à les dé-
crire toutes ensemble. Vous avez déjà vu la nature de cette
ressemblance , et n'avez point été embarrassée à classer la
famille des cruciformes; vous n'avez maintenant besoin que
d'apprendre que la quinzième classe , la tétradynamic , dans le
système de Linnée, contient les mêmes plantes que vous avez été
accoutumée à nommer cruciformes. Il faut vous ressouvenir
qu'on lui donne ce nom grec de tétradynamic , à cause de
quatre étamines , qui sont plus fécondes ou plus longues que
les deux qui restent , circonstance sur laquelle Linnée fonde
le caractère de cette classe ; c'est ce qui la distingue de la
sixième , dans laquelle les six étamines sont d'une longueur égale ,
ou du moins ne sont pas régulièrement de cette inégalité qu'on
observe dans la classe qui s'offre maintenant à votre examen.
Il suffira d'examiner un petit nombre des genres et des es-
pèces qui ne sont pas fort nombreux'. En conséquence ma lettre
ne sera pas de la longueur effrayante dont quelques-unes de mes
précédentes ont été.
I 11 y a trente-deux genres et deux cent quatre-vingt-sept espèces.
s L H 1, V 11 O T A \ 1 n V IL 355
Nous commencerons par l'ordie siiiculeiix , ou qui a des cos-
ses courtes , et qui est subdivisé en deux sections. La première
contient les légumes qui ont la silique entière, et la seconde
ceux qui ont la silique entaillée au soinniet. le choisirai , dans
la première subdivision, la lunaire, parce qu'elle est commune
dans'les jardins, et qu'elle a des parties plus grandes que la plupart
des fleurs des autres crucifères. La silique est ovale, entière, pres-
que plate, et est portée par un pédicule. Les valvides sont égales
aux cloisons; elles sont parallèles et plates; les petites feuilles
du calice ont un sac. La blancheur brillante de ces siliques a
fait nommer cette plante satin blanc; et, à cause de leur forme,
on lui a donné le nom de lunaire , ou d'herbe de la lune. Linnée
ne fait mention que de deux espèces ; l'annuelle, qui diffère de
celle qui dure deux ans, en ce qu'elle a des fleurs plus grandes,
d'un pourpre plus clair, et les siliques plus longues et plus
étroites; elles ont l'une et l'autre des feuilles en forme de cœur ,
dentelées sur les bords, un peu garnies de poils, et qui se ter-
minent en pointes aiguës; les feuilles inférieures sont portées
par de longs pétioles; mais celles qui sont supérieures sont
collées à la tige.
Dans la seconde division est ril)ér!de, connue jiar sa co-
rolle irrégulière , avec les deux pétales extérieurs plus grands
que les deux autres. L'ibéride rouge est une plante annuelle,
herbacée, avec des fleurs rouges qui croissent en espèce d'om-
belle; votre jardinier la sème sur les bordures de voire parterre.
Cette plante a des feuilles en forme de lance, qui se terminent
en pointes ; les inférieures sont dentelées, et les supérieures tout-
à-fait entières ; les fleurs de celle-ci sont quelquefois blanches,
et alors on la confond avec l'espèce amère , qui cependant n'a
pas les feuilles si pointues, et n'a qu'un petit nombre de dente-
lures. Les fleurs aussi croissent en grappe, et la plante est plus
branchue.
Dans cette subdivision, on range aussi la cuillerée ou coch-
léaria,et le raifort, qui s'accordent en ce qu'ils ont une si-
lique en forme de cœur, enflée et laboteuse, dont les valvules
sont' gibbeuses et obtuses. Le coehléaria des boutiques et des
I Bossues.
356 LETTRES ÉL^MENTAIR'ES
jardinsa une tige branchue ; les feuilles inférieures sonlarrondies
et creusées près du pétiole; les feuilles de la tige sont oblon-
gues et sinueuses; les fleurs, qui sont blanches, croissent en
grappes au sommet des tiges. Le cochléaria de mer anglais a
des feuilles plus longues, etelles sont toutes sinueuses. Le raifort
sauvage, dont il n'y a guère que les botanistes qui voient la
fleur, a les feuilles de la racine en forme de lance, et entaillées
sur les bords ; les feuilles de la tige sont balafrées.
Le second ordre, qui contient les fleurs cruciformes aux-
quelles succèdent une silique ou longue cosse, est aussi subdi-
visé en deux sections. Dans la première , les petites feuilles
sont convergentes au sommet; dans la seconde elles sont
entrouvertes. La rave, Vénsimum, le giroflier, la violette jaune,
la roquette , Varabis, le chou, le navet, etc., se rangent dans
la première section : la guède ou pastel, le chou de mer, la
cardamine , le sénevé , le cresson d'eau , etc., dans la seconde.
La rave a une silique cylindrique avec des jointures et en-
flée ; on observe deux glandes entre les étamincs les plus
courtes et le pistil , avec deux autres entre les étamines plus
longues et le calice. 'iJerysimum a une silique en forme de co-
lonne avec quatre côtés égaux. Il y en a plusieurs espèces sau-
vages : premièrement l'espèce commune, qui croît au bord des
chemins , qu'on distingue très-bien par ses feuilles raboteuses
et ses siliques collées contre la tige: secondement, le cresson
d'hiver, avec des feuilles en forme de lyre, le lobe extérieur
arrondi , et des pointes de fleurs jaunes ; cette plante croît aux
bords des fossés: troisièmement, celle qui a l'odeur de l'ail,
et qu'on appelle, à cause de cela, herbe à la sauce; elle a des
feuilles en forme de cœur; les fleurs sont blanches, et l'odeur
fait aisément découvrir cette plante.
Le giroflier a deux petites feuilles du calice gibbeuses à la
base. Le germe a une petite dent glanduleuse de chaque côté,
et les semences sont plates. On distingue ainsi les deux espèces.
Le giroflier jaune a des feuilles aiguës et unies, avec des bran-
ches anguleuses. Le giroflier des jai'dins a des feuilles blan-
châtres, obtuses, avec des siliques aplaties, tronquées au
sommet ; l'une et l'autre ont des tiges de la nature des arbris-
seaux, et des feuilles entières en forme de lance. Le giroflier
&uR LA BOTANIQUE. SSy
annuel ou de dix semaines diffère en ce qu'il a une tige her-
bacée; les feuilles sont un peu dentelées, les pétales entaillés,
et les siliques cylindriques et aiguës au bout. La julienne a les
pétales courbés obliquement, et une glande de chaque côté, au-
dedans des étamines les plus courtes. Le stigmate est fourchu,
avec les parties convergentes au sommet, et la silique roide et
droite.
L'arabette a quatre glandes, au-dedans des petites feuilles du
calice, comme des écailles réfléchies. Quelques-unes des es-
pèces sont sauvages, et celle qui vient des Alpes est maintenant
commune dans plusievirs jardins : les feuilles de cette espèce
embrassent la tige, et sont dentelées sur les bords; elle porte
des fleurs blanches en bouquets lâches '. Le chou, le na-
vet, la rave, etc., s'accordent tous dans la disposition des
glandes ; les petites feuilles du calice sont droites ; les queues
des corolles sont à peine aussi longues que le calice; la silique
est arrondie, un peu aplatie de chaque côté, avec les valvules
plus courtes que la cloison , et l'emplies de plusieurs semences
globuleuses.
Dans la seconde section, la guede ou pastel a une silique en
forme de lance, à deux valwiles et à une seule cellule, qui ne con-
tient qu'une semence qui tombe ; les valvules sont en forme de
bateau. L'espèce cultivée pour la teinture'' a les feuilles radi-
cales entaillées et pétiolées ; les feuilles de la tige sont sagittées
ou formées comme la tète d'ime flèche , et embrassent la tige ;
les siliques sont oblongues. C'est une grande plante, avec des
bouquets de petites fleurs jaunes. Le chou de mer a une silique
globuleuse, ou plutôt une baie sèche, qui tombe et contient
une semence ; mais son caractère le plus remarquable est que
les quatre longs filets sont fourchus au bout, et que les anthères
sont portées sur les fourches extérieures. Notre espèce a la tige
et les feuiUes unies.
Le cresson a le calice un peu entr'ouvert; il y a deux glandes
de chaque côté, entre les étamines les plus courtes et le calice ;
une silique élastique , dont les valvules se roulent avec force en
arrière, quand les semences sont miires, et les jettent à quelque
■ Ses feuilles ressemhlent à celloe du réséda.
* Pastel des teinturiers.
358 LhTTKKS lÏLÉMEJVTAlKES
distance. Il y a plusieurs espèces sauvages , mais celle qui est
commune dans les prés humides ' et sur les bords des ruisseaux
a les feuilles piunées, les folioles des feuilles radicales arrondies,
et sur les feuilles de la tige en forme de lance. Les corolles ne
sont pas toujours blanches ; on les trouve pourpre dans quel-
ques pays.
La moutarde, qui porte la graine dont on fait la -moutarde,
a les queues des corolles droites, et les glandes comme dans le
genre du chou, avec qui cette plante a beaucoup d'affinité;
elle diffère seulement du chou par la circonstance dont on a fait
déjà mention, et en ce qu'elle a les petites feuilles du calice épa-
nouies ; à la vérité la silique est différente, étant enflée et rude,
avec la cloison ordinairement fort longue; mais ce caractère
est réservé j>our la marque distinctive. L'espèce sauvage, herbe
si commune parmi les blés, et qu'on nomme en général mou-
tarde des champs, a des siliques à plusieurs angles, enflées,
plus longues que le bec à deux tranchants. La moutarde noire a
des siliques unies pressées contre la grappe des parties de la
fructiiication. La moutarde blanche a les siliques couvertes de
j)oils, terminées par un bec fort long, oblique et en forme
d'épée. Si vous laissez croître et flewrir quelques-unes de ces
plantes, que votre jardinier sème pour servir en petite salade,
vous trouverez que c'est la dernière espèce que je viens de
nommer. La moutarde commune est ime plante beaucoup plus
grande, croissant à la hauteur de quatre à cinq pieds ; les feuilles
inférieures sont grandes et rudes , comme celles du navet. La
moutarde des champs ne s'élève pas à plus de deux pieds de
hauteur; les feuilles, qui sont aussi rudes, sont quelquefois
dentelées et quelquefois entières.
Le cresson d'eau forme un genre nombreux, y ayant vingt-
neuf espèces de sisymbrium. La corolle est C'panouie aussi-bien
que le calice, dans ce genre, et la silique s'ouvre avec des val-
vules droites. Les caractères spécifiques du cresson d'eau sont
des siliques courtes et abaissées , et des feuilles pinnées avec des
lobes un peu en forme de cœur. Les fleurs sont blanches et
croissent en grappe. Il y en a ime autre espèce, appelée science
' Cre.s60!i dw prc.--.
SUll L V liOTAJVlQUE. 55ç)
du diirmt;ieii, qui est assoa commune sur les fumiers, dans les
endroits où l'on a jeté dos déeonibres, au bord des chemins, et
dans les lieux incultes ; celle-ci a des feuilles <lécomposées,
pinnées, et des corolles fort petites , les pétales étant plus pe-
tits que le calice; la silique est fort longue et mince, remplie
de petites semences arrondies ; les feuilles sont aussi éléganx-
ment taillées que celles de l'absinthe ; les petites fleurs jaunes
sont produites eu grappes , làclies au sommet des tiges.
La saison, ma chère cousine, est maintenant sur son déclin ,
et un voyage, que je suis obligé d'entreprendre pour mes affaires,
m'oblige de remettre jusqu'à l'été prochain ce qu'il me l'este à
vous dire pour achever mon plan. Si j'ai assez de santé et de
loisir, je iepren<lrai avec joie une corres})ondanee que vous
voulez bien honorer de votre attention. En attendant, vous en
avez assez, vous et votre charmante fille, pour vous amuser
pendant l'automne, et même jusqu'à ce que l'hiver vous oblige
<le garder la maison, et d'arranger vos travaux pour l'été pro-
chain.
LETTRE XIV.
I'' juin €77(1.
Quelques occupations indispensables m'ont empêché, ma
chère cousine, de reprendre la tâche agréable que je me suis
imposée, aussitôt que je l'aurais désiré; mais vous avez employé
le printemps utilement à examiner les plantes qui ne sont plus
en fleur, avant que vous eussiez reçu mes premières lettres. Vous
avez bien fait de marquer, dans votre portefeuille, les noms de
toutes celles qui ont échappé à vos recherches , ou qui se sont
présentées à vous dans un état qui n'était pas convenable
pour un examen complet. Vous n'êtes pas assez déraisonnable
pour vous attendre à découvrir tous les secrets de la nature à
la fols. Je suis même très-satisfait de votre patience et de votre
attention à saisir le moment de la saison où les fleurs et les
36o LETTRES lÉLÉMENT AIRES
fruits paraissent, marquant le temps que les auteurs ont fixé.
Vous renouvelez même votre examen pour observer les plantes
dans leurs divers états, quand elles offrent un aspect si diffé-
rent, qu'un œil moins exercé que le vôtre les prendrait pour
des espèces distinctes.
Nous sommes maintenant pai'venus à une classe dont vous
n'avez point reçu une connaissance préliminaire dans les lettres
servant d'introduction , où il s'agissait de vous faire connaître
les classes les plus naturelles. La monadelphie est cependant une
classe naturelle et fort belle. L'union des filets, au fond, formant
un seul corps, et, pour ainsi dire, une fraternité, est le caractère
distinctif qui a donné lieu à ce nom. Vous vous rappellerez
que jusqu'ici les étamines ont été toujours libres et distinctes
l'une de l'autre, quelque nombre que vous en ayez trouvé dans
une seule fleur. Vous vous ressouviendrez aussi qu'on vous a
dit que, dans la seizième classe et dans les suivantes, elles sont
unies, soit au sommet ou au fond , dans un seul corps , ou da-
vantage. Dans la classe présente, comme je l'ai observé précé-
demment, tous les filets se joignent au-dessous, près du récep-
tacle, quelques-uns étant plus hauts que les autres; mais tous
ces filets , ensemble avec les anthères, sont entièrement séparés
au sommet.
D'après cela, si vous rencontrez une plante qui ait cinq, dix,
ou même plusieurs étamines, et que vous ne puissiez pas lui
assigner une place dans la cinquième, dixième, ou treizième
classe, examinez-la un peu jjlus attentivement, et remarquez
si elle n'a pas un port ou une structure particulière qui an-
nonce qu'elle appartient à une famille naturelle. Peut-être elle
aura un calice permanent; mais , s'il est double, vous pouvez
presque être assurée que cette plante doit être rangée dans la
classe dont il est question ici. La corolle de votre fleur aura
peut-être cinq pétales en forme de cœur, dont un côté em-
brassera, ou du moins touchera celui du pétale voisin, dans une
direction contraire au mouvement apparent du soleil. Peut-être
les filets, vmis seulement au fond, soit légèrement, soit dans
une portion considérable de leur longueur, deviennent par de-
grés plus courts, à mesure qu'ils s'éloignent du milieu, et les
anthères sont incombentes , ou reposent sur le sommet des fi-
SUR LA BOTANIQUE. 36l
Icts. Vous trouvez le réceptacle de la fructification proémi-
nent dans le centre de la fleur; le sommet de ce réceptacle est
entouré par des germes droits, formant un anneau à jointures;
tous les styles sont unis en bas en un seul corps avec le récep-
tacle , mais distingués au sommet en autant de filets qu'il y a de
germes. Ces germes deviennent une capsule qui consiste en au-
tant de cellules qu'il y a de pistils dans la fleur, et qui ont or-
dinairement autant à'arifs unis ; dans chacune de ces celhdes
est cachée une semence en foi'me de fève de haricot.
Si vous n'avez pas déjà deviné cette énigme, prenez la fleur
d'une mauve sauvage, de la guimauve, delà lavatère, ou autre
plante semblable à celle-ci, examinez -là relativement aux
caractèfes que je viens d'exposer, et vous aurez une idée par-
faite de la classe nommée monadelphie. Une circonstance qu'on
observe, qui est que le réceptacle est élevé au milieu de la fleur,
comme une colonne, a fait donner aussi à cette classe le nom
de plantescolonnifères.
Il y a dans cette classe cinq ordres, d'après le nombre des
étamines qui servait , comme vous vous en souvenez , à dé-
terminer la classe dans les treize premières classes; mais comme
jnaintenaut on ne l'emploie plus pour cet objet , il peut servir
utilement pour l'autre.
On employait autrefois le fruit pour séparer les genres: comme
on s'aperçut que cette partie ne suffisait pas , les nomenclateurs
eurent ensuite recoins aux feuilles; mais Linnée a, pour cet
effet , sagement adopté le calice, qui est toujours présent , et est
remarquable par sa structure dans cette classe. Cet illustre Sué-
dois a toujours montré une grande sagacité , en saisissant la
partie de la plante, qui est la plus constante , et qui fournit le
plus grand nombre de variétés permanentes , sur lesquelles on
puisse établir les cai'actères essentiels de son genre et de son
espèce '.
Comme nous n'avons pas encore fait usage du pistil pour
distinguer les ordres, cette partie va nous aider à caractériser
les genres. En conséquence, dans le premier ordre de cette
classe, où les fleurs ont cinq étamines, deux genres n'ont qu'un
pistil , et deux en ont cinq. Le nombre des cellules dans les
I II y a ti'ente-ci!iq genres et deux ceut einqiiantc-si\ es|)èeeR daus eette classe.
362 LETTUF.S ÉLÉM EATAIRES
capsules sert à compléter le caractère générique. C'est ainsi
que Xhermannia a cinq styles , et une capsule à cinq cellules;
vous pouvez ajouter à ces caractères que les cinq pétales de la
coi'oUe sont roulés spiralement dans une direction contraire au
mouvement apparent du soleil, et que leurs queues ont ime
jîetite membrane sur cliaque côté, dont l'une s'unit à l'autre pour
former un tube à capuchon. Quoiqu'il y ait plusieurs espèces de
ce genre, cependant il se peut qu'aucune ne s'offre à votre vue.
Nous allons donc passer à un genre favori qui se range dans
le second ordre, et qui a dix étamines ; je veux parler du gé-
ranium bcc-de-grue, qui, dans ses quatre-vingt-deux espèces ,
vous fournira une ample matière pour votre examen, d'autant
que je sais que vous en cultivez plusieurs. Avant de vous mon-
trer les caiactères dans lesquels elles diffèrent, voyons quels sont
ceux dans lesquels elles s'accordent toutes; c'est qu'elles ont
im style terminé par cinq stigmates, et un fruit composé de
cinq graines , et terminé par uu bec , ce qui a fait donner à
cette plante le nom de bec-de-grue et de géranium. Nous pou-
vons ajouter que le calice est simple et à cinq feuilles, aussi-
bien que la corolle; que les filets sont alternativement plus
longs et plus courts , mais tous plus courts que la corolle ,
et qu'ils sont fort faiblement unis dans les espèces qui ont
la corolle régulière ; que le style est plus long que les éta-
mines , et qu'il est permanent ; enfin que chacune des cinq
semences est terminée par une queue qui concourt à former le
bec , et qui , lorsque la semence est mûre , devient spirale , et
détache ainsi la semonce de la plante.
L'espèce d'Afrique , dont nous avons un si grand nombre
qui viennent du cap de Bonne-Espérance, ont les cinq parties du
calice miies au bas ; les pétales sont inégaux ; seulement sept
iilets sont fournis d'anthères; les fleurs croissent en grand nom-
bre dans luie espùce d'ombelle ; les semences sont nues j avec
une queue garnie de plumes ; les feuilles croissent alternes sur
la lige , qui est de la nature des arbrisseaux.
Dans cette troisième section, vous trouvei'ez, parmi plusieurs
autres , le bec-de-grue brillant, avec une tige chai'nue, qui ne
jette qu'un petit nombre de branches. Les feuilles sont séparées
en trois , et balafrées; le segment du milieu est beaucoup plus
SUR LV BOTANIQUE. 363
grand que les autres; elles sont sujettes à tomber pendant l'été,
et font prendre les tiges pour des branches mortes. Les fleurs
sont portées par de courtes tiges , dans une espèce de double
ombelle , dont chacune soutient deux ou trois fleurs au plus, les-
quelles sontreniarquables pour leur couleard'écarlate très-vive.
L'écarlate ' est une espèce de géranium très-connue , qui
serait au moins autant estimée que le bec-de-gi'ue brillant , si
elle n'était pas plus commune. Les feuilles sont presque orbi-
culaires, excepté qu'elles sont creuses près du pétiole; elles sont
entaillées sur le bord , mais elles ne sont pas balafrées ou lo-
bées ; leur surface est garnie d'un duvet ; elles tachent le doigt
si on les manie rudement , d'où on a donné à cette plante le
nom à'inqidnans, ou de tachante. Elle est beaucoup plus haute
que le bec-de-grue brillant, croissant jusqu'à la hauteur de huit
ou dix pieds; elle pousse beaucoup de branches droites; les
fleurs, qui sont en ombelles , sont nombreuses , et sont portées
par des pédicules foit longs.
La papilionacée , ainsi nommée parce que les coi-olles ont
quelque ressemblance avec un papillon , ou avec les fleurs de
pois, les deux pétales supérieurs , qui sont grands , se tournant
en haut , comme la bannière ou étendard qu'on observe sur
ces fleurs. Les fleurs de celle-ci sont joliment variées ; mais les
trois pétales inférieurs étant recourbés et petits , sont à peine
remarqués , et il faut les examiner de fort près. Il y a plusieurs
fleurs à chaque ombelle ; les feuilles sont grandes , angideuses ,
rudes, et portées par de longs pétioles.
Le bec -de -grue à feuilles creuses a des feuilles arrondies,
qui se resserrent sur les côtes, de façon à paraître creuses ; les
bords ont des dentelures très-aiguës; les fleurs sont grandes,
et croissent en ombelles fort grands et lâches; les corolles sont
pourpres : c'est une plante qui s'élève très-haut, et qui est fort
garnie de poils.
Il y en a une auti'e espèce ou variété fort semblable à celle-
ci; mais elle a des feuilles d'une substance plus épaisse, et di-
visées en plusieurs angles aigus. Les branches no sont pas si
irrégulières , et les grappes de fleurs ne sont pas si grandes.
Le bec-de-grue à zone est peut-être l'espèce la plus connue
' Bec-ile-gnic salissant.
364 LETTRES ÉLÉMENTAiii£S
(le toutes celles qui viennent d'Afrique. La marque noirâtre ,
ou tirant sur le pourpre, en forme de fer à cheval, qui est sur les
feuilles, fait connaître ce bec-de-grue à la première vue; mais
cette mai-que n'est pas absolument permanente , car nous avons
des variétés sur lesquelles on ne l'observe pas : il faut donc
avoir recours à la forme des feuilles , comme une marque dis-
tinctive plus certaine ; elles sont orbiculaires , creuses près du
pétiole, divisées sur la circonférence en plusieurs segments
obtus , dont chacun est légèrement dentelé. Cette espèce est
fort branchue ; les fleurs croissent en grandes ombelles serrées,
portées par de longs pédicules , et varient depuis la couleur
d'un pourpre clair, jusqu'à l'écarlate la plus vive.
Le bec-de-grue à feuilles de vigne a des feuilles ovales ,
montantes et pubescentes, qui ont l'odeur du baume, quand
on les frotte. Les fleurs croissent en tète fort serrée, sur de
longs pédicules , qui s'élèvent beaucoup plus haut que les
branches ; elles sont petites et d'un bleu pâle.
, Le bec-de-grue à l'odeur de rose a aussi les feuilles lobées,
ondoyantes, et garnies de poils , comme dans la précédente ;
les fleurs de cette plante croissent en formant une tète serrée;
elles sont d'un bleu tirant sur le pourpre ; les branches sont
fort irrégulières et faibles ; toute la plante est plus faible , et
devient plus grande que la précédente. Les feuilles , quand on
les frotte , ont l'odeur des roses sèches.
Les plantes de la seconde section ont plusieurs choses eu
commun avec celles de la première ; mais elles diffèrent en ce
qu'elles sont herbacées et ont les feuilles opposées. Parmi celles-
ci, le bec-de-grue odoriférant est remarquable par son odeur
très-forte , qui approche beaucoup de celle de l'anis. Cette
plante a une tige fort courte et charnue, avec de longues bran-
ches et des feuilles en forme de cœur , extrêmement courtes.
Les fleurs missent sur le côté de longues tiges couchées, por-
tées par des pédicules minces , au nombre de quatre ou cinq
ensemble; elles sont blanches et fort petites.
Le bcc-de-grue triste a les calices monophylles , ou d'une
seule pièce. Les feuilles sont velues , et presque aussi élégam-
ment divisées que celles de la carote ; les tiges sont environ
dun pied de haut , et ont deux ou trois feuilles plus petites ,
SUR LA. BOTANIQUE. 365
(jui sont sessiles '. De ces tiges s'élèvent deux ou trois pédi-
cules nus, terminés par une ombelle de fleurs jaimâtrcs, mar-
quées de taches d'un pourpre obscur, qui répandent une odeur
4;rès- suave, après le soleil couché. Linnée lui a donné 1 epi-
thète de triste , à raison de la couleur sombre qu'offre la
fleur.
La troisième section contient tous les becs-de-grue, qui ont
seulement cinq des étamines qui portent des anthères , des ca-
lices à cinq feuilles , et des fruits qui pendent en en-bas. Leurs
corolles sont moins irrégulières , et les semences sont nues ,
terminées par une touffe de poils.
On trouve dans cette section quelques espèces qui croissent
en Europe , tel que le bcc-de-grue à feuilles de ciguë , commiui
dans les terrains sablonneux ; celle-ci a une tige branchue , des
feuilles pinnées, et plusieurs fleurs portées sur un pédicule. Le
bcc-de-grue musqué ressemble beaucoup à celui-ci; mais c'est
une plante beaucoup plus grande, moins commune, et qu'on
connaît aisément par son odeur de musc. Les divisions des
feuilles sont pinnatilides. Quelques espèces de cette section
sont remarquables pour la grandeur de leurs becs , et répon-
dent parfaitement au nom qu'on a donné à ce genre.
Dans les trois sections qui restent, tous les dix filets ont des
anthères à leur sommet ; les calices sont à cinq feuilles ; les co-
rolles sont régulières ; les semences sont couvertes d'une cap-
sule à cinq coques , et terminée par une houppe unie. Dans la
quatrième section, les fleurs sont conjuguées, c'est-à-dire qu'il
y eu a toujours deux sur chaque pédicule ; les plantes sont per-
manentes.
Quelques-unes des espèces d'Europe, les plus grandes et les
plus belles , se rangent dans cette section , comme le bec-de-grue
livide, qui a les pédicules et les feuilles alternes , les calices un
peu terminés en houppe, les pétales ondoyants, et la tige
droite. Les feuilles sont partagées en cinq ou six lobes, laci-
niées sur leurs bords : celles qui sont voisines de la racine sont
portées par de longs pétioles; mais, sur la partie supérieure de
la tige elles sont sessiles; les fleurs sont d'un pourpre sombre.
ï Cett espèce répand une odeur particulière pend<int la nuit, ce qui fait qu'où
la nomme aussi parfum de nuit.
3à() LETTRES £LE3IK>'TA1Rj:S
Il y aune varictc de cette espèce avec des corolles d'un pouipre
clair.
Le bec-de-grue des prés a les feuilles divisées en six ou sept
lobes, coupées en plusieurs segments aiij^is. Elles sont ridées,
les pétales entiers et d'un beau bleu.
Les becs-de-grue de la cinquième section ne diffèrent de ceux
de la quatrième qu'en ce qu'ils sont annuels. Le ])lus grand
nombre des espèces communes de l'Europe appartient à cette
division , comme l'herbe à Robert , connue par ses calices
velus, pointus, et à dix angles; les feuilles sont doublement
pinnées avec les lobes de l'extrémité confluents ; elles sont en
général velues, les liges rouges; toute la plante a une forte
odeur de bouc. Le bec-de-grue luisant a les calices pyrami-
daux, anguleux, élevés et ridés. Les feuilles sont arrondies
et à cinq lobes; toute la plante est unie et luisante; les tiges
sont rouges.
Le pied de colombe commun , ou le bec-de-grue tendre a les
pédiculeset les feuilles florales alternes, les pétales bifides ou plu-
tôt obcordés ; les calices sans barbe, et terminés par une pointe
courte, et la tige presque droite. Les stipules sont aussi bifides;
les feuilles sont fort douces, en forme de fève de haricot, par-
tagées jusqu'à la moitié en cinq ou sept parties , et chacun de
ces lobes est trifide et émoussé. Cette plante est fort commune,
particulièrement dans les terrains sablonnenx. Une autre, qui
lui ressemble à beaucoup d'égards , mais qui ne se trouve pas si
généralement, a des pétales entiers, qui à peine sont plus longs
que le calice, et sa tige est plus couchée. Le bec-de-grue co-
lombin a les pédicules plus longs que les feuilles, qui sont
partagées en cinq lobes multifides, aigus au bout; les calices
sont garnis de barbe, et les capsules sont unies; le pédicule est
fort long, et les lobes des feuilles sont doublement bifides.
Le bec-de-grue disséqué a les feuilles partagées eu cinq par-
ties, et chacmie de ces parties en trois segments aigus et en-
taillés ; les pétales sont de la longueur du calice , et les cap-
sules sont garnies de poils. Cette espèce a le feuilles plus dé-
coupées , et plus élégamment que les autres.
Dans la dernière section, qui n'a qu'un pédicule fleuri,
nous avons une espèce sauvage fort jolie , mais qui n'est pas
SUR LA iiO I' A N lOlfii. 3(3/
comimme, avec des fouilles oibiculaires partagées en cinq ou
sept partitis, et chacune de ces parties en trois. Les fleurs sont
portées par de longs pédicules garnis de poils ; les corolles sont
grandes, et d'un pourpre sombre'. Il y en a plusieurs autres
espèces qui ne sont connues que des curieux; mais j'ai choisi
seulement celles que vos champs, votre jardin et votre serre
pourront vous fournir.
Dans cette classe, nous trouvons une plante singulière, qui
a naturellement onze étamines, nombre que vous n'avez pas en-
core trouvé dans les classes. Ayant le caractère de la monadcl-
phie, elle forme ici l'ordre nommé endéeandrie, et elle est
seule. Comme cette plante est peu connue, je ne m'y arrêterai
pas davantage.
Le dernier ordre , la polyandrie, est beaucoup plus considé-
l'able pour le nombre des genres et des espèces. Vous trouve-
rez ici le coton-soie , le véritable coton dont on fait un si grand
usage dans nos manufactures, ies nombreux genres de sida
ou de mauve indienne, l'althéa ou mauve des marais (la
guimauve), le houx, la mauve, la lavatèrc, la ketmie, etc.
Les deux premières, avec la mauve des Indes, et la ketmie,
n'ont qu'un seul pistil; les autres en ont plusieurs. La sida
et \eboinbix ont un calice simple, mais toutes les autres l'ont
double. Le calice extérieur, dans le coton et la lavatèrc, esttri-
lide. Dans la mauve, il est composé de trois petites feuilles;
dans l'alcée, il est de six feuilles; dans la ketmie, il en a huit ;
dans l'althéa, neuf. La lavatère, la mauve, l'alcée et l'althéa,
s'accordent en ce qu'elles ont plusieurs semences en cercle au-
tour d'une colonne , chacune couverte de sa capsule propre. Le
vaisseau à semence de la ketmie est une capsule composée de
cellules vmies ensemble, renfermant plusieurs semences.
L'espèce officinale* de la mauve de marais est connue par ses
feuilles simples couvertes d'un duvet , blanchâtres à la vue, et
fort douces au loucher; elles sont angulaires, mais non pas di-
visées jusqu'au bas , et en conséquence simples ; les fleurs sont
comme celles de la mauve , mais plus petites et plus pâles.
' Bee-de-grue sauguin.
^ Guimauve des Loutiques.
368 LETTR't;S ÉLÉMEj\TAinES
Il y a plusieurs espùces de mauve. Celle qui est si commune' a
ime tige herbacée, droite, des feuilles aiguës à cinq ou sept
lobes, avec les pétioles et les pédicules garnis de poils. La
mauve naine a une tige couchée, des feuilles orbiculaires creu-
sées près du pétiole, et à cinq lobules peu distincts; les pé-
dicules qui portent le fruit sont déclinants : c'est une plante en
tout plus petite. La mauve alcée a une tige droite , hérissée de
touffes de poils; les feuilles sont un peu rudes, divisées en
plusieurs parties ; leurs lobes sont obtus et dentelés; les fleurs
grandes et d'un pourpre clair. Une autre espèce sauvage, qu'on
nomme mauve musquée , est fort semblable à celle-ci ; mais
elle a les feuilles radicales en forme de liaricot, et balafrées; les
feuilles de la tige sont divisées en cinq parties, et les divisions
• sont joliment découpées en segments étroits ; les fleurs ont une
odeur de musc, et la tige a des poils droits et séparés, placés
sur une pointe proéminente. La mauve du cap a une tige ar-
borescente, de dix ou douze pieds de hauteur; les feuilles sont
<à cinq lobules, et creusées à la base; toute la plante est garnie
de poils, et de ces poils il exsude un suc aromatique visqueux;
Les fleurs sont d'un rouge foncé, et plus petites que celles de la
mauve ordinaire. Le nom trivial nous informe de son pays , et
conséquemment vous montre que cette plante a besoin de votre
protection.
Le houx, qui s'élève si haut, et qui a une si belle apparence,
est du genre de Valcea. Il y en a plusieurs variétés avec des
fleurs doubles , et différentes couleurs , comme blanc , rouge ,
de toutes les teintes, depuis la carnation la plus pâle, jus-
qu'au rouge le plus sombre, et jaune de diverses nuances.
Mais il n'y a que deux espèces ; la première ayant des feuilles
arrondies , coupées en angle à l'extrémité seulement ; la se-
conde palmée, coupée profondément en six ou sept segments',
comme la feuille de figuier. Dans la première espèce on trouve
une variété, qui est une plante fort petite avec des fleurs va-
riées, fort estimée et nommée houx chinois.
L'arbrisseau qu'on nomme vulgairement althaeafrutex, gui-
mauve arbrisseau , est un hibiscus; c'est un genre fort nom-
* Mauve sauvage.
SUR LA BOTANIQUE. '56g
breux , qui ne comprend pas moins de trente-six espèces , dont
la plupart sont originaires des deux Indes , et qui ne sont pas
généralement connues ici. \J althaea frutex cependant est natif
de Syrie , et supporte la rigueur de notre climat, quoiqu'il ne
fleurisse que bien tard. Les caractères spécifiques sont une tige
arborescente ou ligneuse, et des feuilles en forme de coin, par-
tagées au sommet en trois lobes , et portées par de courts pé-
tioles ; les fleurs sont en forme de cloche , et de différentes
couleurs. Elles sont tantôt d'un pourpre pâle ou brillant , avec
le fond sombre, tantôt blanches, avec le fond pourpre, ou bi-
garrées, avec le fond sombre, ou jaunes, avec le fond de la même
couleur. Ces fleurs étant grandes , agréables à la vue , et nom-
breuses, ont une jolie apparence, et donnent l'idée la plus com-
plète du caractère classique.
Le rosier de la Chine, malgré le nom que porte cette plante,
n'est pas un rosier, mais un hibiscus, avec une tige ligueuse,
et des feuilles ovales , très - pointues, dentelées sur les bords ;
la couleur, l'apparence et la grandeur des fleurs, quand elles
sont doubles, est ce qui a fait donner à cette plante le nom
de rosier de la Chine. On voit souvent ces fleurs représentées
dans les peintures chinoises et sur les papiers de la Chine , où
elles font un très-bel ornement. La plante du musc des Indes
occidentales est une autre espèce A' hibiscus; ses semences , en
forme de fève de haricot , ont une forte odeur de musc. L'é-
corce de quelques-unes des espèces est formée de fibres assez
fortes pour en faire des cordages. L'une de ces espèces est cul-
tivée dans les Indes occidentales à cause de ses cosses, que les
habitants mettent dans leurs soupes ; mais , comme botanistes ,
les usages des plantes ne nous concernent pas.
LETTRE XV.
4 juin 1776.
Après une courte excursion , nous voilà revenus , ma chère
cousine, parmi vos anciennes connaissances, et vous n'avez
R. VII. 24
370 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
qu'à appliquer au nom de diadelplile, qui est le nom de la dix-
septiùme classe du système de Linnéc , tout le savoir que vous
avez déjà acquis en lisant la lettre sur les fleurs papilionacées,
et auquel vous ajoutez tant de nouvelles connaissances par
votre observation et votre expérience. Vous avez admiré la
belle et singulière structure de ces fleurs , en quoi toutes les
plantes de cette classe s'accordent : vous ne serez maintenant
pas hichée'de m'accompagner dans l'examen que je vais faire
de leius différences génériques et spécifiques. Le nombre des
genres dans cette classe est de cinquante-sept, et des espèces,
six cent quatre-vingt-quinze. Il y a quatre ordres tirés du
nombre des étamines, qui, dans le piemier ordre, sont au
nombre de cinq, dans le second, de six, dans le troisième,
de huit, et dans le quatrième , de dix. Cependant, dans l'ordre
nommé pentandrie, il n'y a qu'un genre; dans l'ordre hexan-
drie, il y en a deux, et dans l'ordre octandrie, trois ; de sorte
que vous voyez que le dernier ordre, la décandrie, absorbe la
plus gi'ande partie de cette classe , et que ce que vous avez ap-
pris des fleurs papilionacées appartient principalement à cet
ordre. Dans les trois premiers ordres, il n'y a que deux genres
que vous aurez occasion d'observer, et c'est par eux que nous
allons commencer.
La fumeterre a deux (llets dont chacun est terminé par
trois anthères ; elle a par conséquent le caractère classique, et
doit être rangée dans l'ordre hexandrie. Ce genre a en outre
un calice à deux feuilles , une corolle plissée plutôt que papi-
lionacée, la lèvre supérieure, toutefois, répondant à l'éten-
dard, la lèvre inférieure à la carène, et les mâchoires bifides
aux ailes; la base de chaque lèvre est pi'oéminente , mais la
supérieure l'est davantage, et chacune renferme un filet. La
fumeterre commune, que vous trouverez aisément dans votre
jardin potager, a une lige faible, branchue et traînante, des
feuilles multifides qui se partagent en trois, et les lobes trifides :
les fleurs croissent en grappes, et à chacune d'elles succède un
péricarpe rond, ou plutôt en forme de cœur, renfermant une
semence.
L'herbe au lait, ou le poljgala, a huit filets dont chacun,
est terminé par vme anthère, et qui sont tous unis au fond.j
SUR LA BOTANIQUE. 37 1
Elle appartient en conséquence , à l'ordre octandrie compris
dans cette classe. Les caractères du genre sont un calice à cinq
feuilles, avec deux des petites feuilles semblables aux ailes de la
fleur papilionacée, et colorées. L'étendard de la corolle est;
cylindrique; la cosse est en forme de cœur renversé, et à deux
cellules. Plusieurs des espèces ont une barbe, crête ou appen-
dice en forme de pinceau, à la carène; celles qui n'en ont pas
sont appelées sans barbe; delà on forme une subdivision com-
mode de ce ,genre nombreux. Les dernières sont subdivisées
en arbrisseaux et en plantes herbacées; les herbacées se sub-
divisent encore en simples et en branches. Detrente-huit espèces
nous en avons seulement une de sauvage, et celle-là est com-
mune dans les pâturages secs et dans les bruyères ', elle appar-
tient à la division qui a une crête, et porte les fleurs en grappe ;
la tige est herbacée , simple et prooombente , et les feuilles
linéaires. C'est une plante qui ne s'élève pas fort haut; avec
de jolies fleurs bleues, rouges ou bianches. Il y en a une belle
espèce, qu'on garde dans les serres, et qui vient du (^ap de
Bonne-Espérance; sa tige est de la nature des arbrisseaux; ses
feuilles sont oblongues, imies, et émoussées à l'extrémité. Les
fleurs sont fort jolies, grandes, blanclu'S à l'extérieur; mais
d'un pourpre brillant au-dedans. La carène est crêtée, et a la
forme d'une demi-lune. La racine de Scnega, si fameuse parmi
les habitants de l'Amérique, comme un antidote contre la
morsure du serpent à sonnettes, appartient à une espèce com-
prise dans ce genre.
Les plantes de l'ordre que nous allons maintenant examiner
se font aisément reconnaître, non-seulement par leurs fleurs
papilionacées, mais encore par leurs feuilles composées, qui
pour la plus grande partie sont pinnées et ailées ; mais dans les
autres elles sont tiifoliées =". Dans quelques genres, les feuilles
pinnées ont les lobes seulement en paires^; mais elles se termi-
1 Laitier commun.
2 Comme ilans le tr.flo, qui en a tiré son nom , le lotus , le medicago , ïi^iy-
thrina , le {<enêt, la cytise, l'onouis, \e phaseolus , la trigonrlla , le dolicliux et
la clitoria.
3 L'orobc, le pois, le lathynis, ou pois qui dure toujours, la vesre, l'cr.s- et
Yarachis.
372 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
nent plus ordinairement par un lobe impair '. Plusieurs plantes
de cette famille légu mineuse ont les tiges trop faibles pour pou-
voir se soutenir ; en conséquence , elles ont recours à quelque
plante plus forte, ou à quelque autre appui. Elles ont tout ce
qui leur est nécessaire pour cet objet, soit en entortillant leur
tige autour de la plante ^ dont elles recherchent le support, ou
bien en poussant de petits filets comme la vigne, lesquels on
nomme tendrons, et qui servent à les attacher fortement ^.
La plupart de ces plantes ayant des fruits qui sont propres à
servir de nourriture, soit aux hommes, soit aux animaux, pro-
duisent des fleurs en grande abondance , et en grappes serrées.
Dans quelques-uns des genres elles croissent eu espèce d'om-
belle ^, fort semblable à celles du second ordre de la cinquième
classe. Je fais mention de ces circonstances, non pas comme de
caractères classiques, mais comme de certains traits qui peuvent
vous donner un soupçon plutôt qu'une entière assurance. Quand
vous trouverez une plante qui vous offrira quelques-uns de ces
caractères subordonnés, je suis sur que vous ne vous en servi-
l'ez pas comme de marques essentielles pour fixer la classe, le
genre ou l'espèce de cette plante ; mais plutôt , que vous par-
tirez de là pour en faire un examen plus détaillé. Des feuilles
pinnées ou trifoliées, des tiges faibles et grimpantes, ou même
des fleurs papilionacées ne vous satisferont pas, et il faudra
que vous ayez vu l'union des filets au fond. Si vous pouvez vous
procurer quelque espèce de la sophora ^, vous serez convaincue
de la vérité des principes que j'établis ; car sans une telle pré-
caution, vous vous égarerez infailliblement, ce genre s'accor-
dant avec la famille des légumineuses, t-n tout, excepté qu'elle
n'a pas les dix filets distincts.
Vous savez que le caractère propre de cette classe est d'a-
voir les filets en deux corps distincts; et que le cai'octère de
l'ordre nommé decandrie est d'avoir neuf filets unis au fond par
• ■ La Bissenda , Vastragalus, le pkaca , Yhedysarum , la réglisse , l'indigo , fe
galega , la colutea , Vamorp/ia , et la piscidia.
^ Le Phaseolus , la dolichos, la clitoria, la glycine.
3 Le pois, le lathjrus, la vescCjl'erj.
4 Le lotus ,\a coronilla, Vornithopus, V kippocrepis , le scorpiurus.
^ Genre de la classe decandrie, et de l'ordre monogynie. Le pois puant , l'arbre
de Judée , ont aussi la même apparence.
SUR LA BOTANIQUE. 'i']'^
uiio membrane qui entoure le germe, et un dixième qui est
simjîle, remplissant l'ouverture laissée au germe pour se dégager,
quand il est parvenu à un état propre à passer dans une cosse. Je
dois cependant vous avertir que ce n'est pas exactement vrai
dans tous les genres. Dans cinquante de ces genres il n'y en a
pas moins de dix-huit qui ont les dix filets imis, de façon que le
germe ne peut croître en légume, sans déchirer la membrane for-
mée parles filets. Vous ne devez donc pas être détournée de ran-
ger une plante dans la famille des légumineuses, et dans la classe
diadelphie, quand vous trouverez les dix filets unis en un seul,
renfermés dans une fleur papilionacée, et distinguée par les
autres marques de la classe. Parmi celles qui répondent réguliè-
rement au caractère classique, quelques-unes ont un stigmate
pubescent ' , et les autres sont distinguées par leurs cosses ,
comme nous allons le voir maintenant que nous sommes sur le
point d'examiner de plus près leurs caractères distinclifs.
Vous observerez dans cette classe quelques arbres et plu-
sieurs arbrisseaux avec des fleurs papilionacées , comme le ge-
nêt commun et cekii d'Espagne. L'un et l'autre appartiennent à
un genre où les dix filets sont tous unis, et forment une mem-
brane adhérente de très-près au germe. Le stigmate croît sur le
côté supérieur du soinmet du style, et est garni de poils. Le
calice se continue en bas, et est marqué au-dessous de cinq pe-
tites entailles. Le genêt espagnol, avec quelques autres espèces,
a des feuilles simples; dans les autres, elles sont ternaires, tri-
foliées, ou à trois lobes. Cependant, dans le genêt commun, il
V a un mélange de l'un et de l'autre. Dans le premier aussi les
feuilles sont en foi'me de lance, et les branches, semblables à
du jonc, sont opposées, rondes, et produisent les fleurs au
sommet en pointe lâche. Dans le second, les branches sont an-
guleuses, et les fleurs sortent séparément dans une longueur
considérable vers le sommet. Elles sont grandes, et d'un jaune
brillant dans les deux espèces. Il y a aussi im genêt espagnol à
fleurs blanches qui a les feuilles comme l'autre , mais dont les
branches sont striées, et les fleurs en pointes courtes ou en
grappes de chaque côté : à ces fleurs succèdent de grandes
' La colutea , le phaseolus , le dniichos , l'orohe, le pois, le lathjrus, la
vcsce.
?>'][\ LI'TTRES ÉLÉMEJfTAlRES
cosses f)vales contenant une semence d'où vient le nom qu'on
a donné en latin à cette plante. Les genêts de Portugal ont des
feuilles trifoliées et des fleurs jaunes qui diffèrent très-peu des
nôtres. Il y en a une espèce qui a des branches piquantes, ce
qui fait qu'on l'appelle cytise piquant.
Nous avons quelques arbrisseaux sauvages , qui ne s'élèvent
pas si haut, un peu ressemblants à ceux-ci, mais d'un autre
genre aj)pelé genista; les caractères sont un calice à deux
lèvres, dont la lèvre supérieure a deux dents, et l'inférieure
en a trois. L'étendard de la corolle est obîong et recourbé en en-
bas, en s'éloignant des pistils et des étamines. Le pistil abaisse
la carène, et le stigmate est enveloppé. Le genêt des teinturiers,
appelé aussi petit genêt, qui croît dans les pâturages et sur les
pointes de terre, a des feuilles unies en forme de lance, et des
branches droites, rondes, et rayées. Le genêt à aiguilles, ou
genêt anglais, que vous trouverez dans les bruyères, a de pe-
tites feuilles en forme de lance, des branches déliées, armées
d'épines longues et simples. Les branches à fleur sont courtes,
n'ont point dépines, et ont cinq ou six fleurs eu grappes au
bout; la couleur de la corolle, dans les deux espèces, est
jaune; et vous imagineriez d'abord que la première de ces
plantes est un sparlium, et la dernière un genêt, ou du genre
nommé ulex , qui cependant diffère de l'une et de l'autre en ce
qu'il a un calice à deux feuilles avec le légume si court, qu'il sort
à peine du calice. Nous en avons seulement une espèce qui,
comme vous le savez, est ce qu'il y a de plus commun dans
nos bruvères. Elle a les trois différents noms de jonc marin,
ajonc, genêt épineux, dans diverses parties du royaume.
Les ononis, ou arrête-bœufs, sont une espèce de petits ar-
brisseaux, ou plutôt de sous - arbrisseaux , avec des fleurs
pourpres. Ces plantes croissent dans les communes et les pâ-
turages secs , au bord des champs de blé. On leur a donné le
nom d'arrète-bœufs , à cause de leurs racines, qui sont très-
fortes , et qui s'entortillent ; c'est ce qui a engagé les Hollan-
dais à les semer sur les bords de leurs mers. Le cylindre des
filets est tout-à-fait entier au fond , sans aucune fente ; le ca-
lice est séparé en cinq divisions linéaires ; l'étendard de la co-
rolle est strié, et le légume, dont une section est en forme de
SUR LA BOTANIQUE. SyS
vlioiubc , f>>t cnilû et sessile. Nous en avons deux espèees ,
'une', qui a les branches piquantes, unies, et les fleurs en
{j;iappes, mais qui sortent séparément; l'autre' a des feuilles
et des branches garnies de poils , mais sans épines ; les fleurs
sont en grappes ; mais en général elles croissent deux ensemble j
l'une et l'autre ont les feuilles ternaires, excepté que vers le
sommet elles sont simples.
Dans XanthyUis , le calice est enflé , et renferme le légume ,
qui est petit et arrondi, et contenant une semence ou deux tout
au plus. La seule espèce que nous avons , qui est sauvage , est
appelée le doigt des dames ^, et se trouve assez communément
dans les pâturages abondant en craie. Cette plante a des feuilles
inégalement pinnées, et ime double tète de fleurs jaunes; mais
ce dernier caractère n'est pas constant. Les feuilles sont pu-
bescentes , et consistent en trois ou quatre paires de lobes ,
excepté deux sous l'ombelle , qui sont digités. Il y a plusieurs
arbrisseaux à fleurs de ce genre , comme celui qu'on appelle
généralement barbe de Jupiter*^, ou buisson argenté, ;\ cause de
la blancheur brillante des feuilles, ce qui leur vient d'un beau
duvet dont elles sont couvertes. Elles sont également pinnées;
les fleurs croissent à l'extrcniité des branches , eu petites
tètes , et sont jaunes.
Les lupins, qu'on cultive dans les jardins potagers, s'accor-
dent en ce qu'ils ont un calice à deux lèvres , cinq des anthères
rondes et cinq oblongues , et en ce que leurs cosses sont de la
naturedu cuir. La commune espèce blanche qu'on cultive coimne
un légume dans la plupartdes parties méridionales de l'Europe,
a des fleurs qui croissent alternes , sans appendices. La lèvre
supérieure de la corolle blanche est entière; l'inférieure a trois
dents; les semences sont orbiculaires et aplaties ; il y en a trois
espèces avec des fleurs bleues. La permanente, qui est la seule
qui ne soit pas annuelle, a des fleius alternes qui n'ont point
' Bugranc des cliamps.
J- Il se peut qu'en Angleterre il ue se trouve qu'uue espèce fie ce j^eure; mais
uous en avons quatre eu France , saus compter l'arbrisseau qui porte le nom de
vulnéraire argentée.
^ En France vulnéraire rustique.
4 Vulnéraire argentée.
3^6 LETTRES liLÉMENTAIRES
d'appendice; la lèvre supérieure de la corolle est entaillée; l'in-
férieure est entière : c'est une plante d'Amérique ; les feuilles
digitées sont composées de dix ou onze lobes , au lieu que celles
de la précédente n'en ont pas plus de sept ou huit. Les fleurs
croissent en longues pointes lâches, et sont d'un bleu pâle. Le
grand lupin bleu, avec des fleurs alternes à appendice, a la
lèvre supérieure partagée en deux ; l'inférieure a trois dents.
Cette espèce a une forte tige couverte d'un duvet doux et bru-
nâtre. Les feuilles ont neuf, dix ou onze lobes spatules et gar-
nis de poils ; les fleurs sont en touffes , formant une espèce de
pointe ; elles sont grandes et d'un beau bleu ; les cosses sont
fort grandes et contiennent trois semences arrondies et com-
primées, fort rudes, et d'un beau brun tirant sur le pourpre.
Le lupin à feuilles étroites, ou grand lupin bleu, a les fleurs
alternes et avec des appendices, ou pédicidées ; la lèvre supé-
rieure de la corolle est divisée en deux; l'inférieure a troisdenls;
les lobes des feuiUes sont linéaires. Le lupin varié n'est pas fort
différent de celui-ci pour l'apparence. Les fleurs croissent en de-
mi-touffes , et ont des appendices; la lèvre supérieure est bifide,
et l'inférieure a trois petites dents; les corolles sont d'un pourpre
ou d'un bleu clair.ll est plus court que le dernier; les feuillesont
moins de lobes, et sont portées par des pétioles plus couits. Le
lupin velu a les fleurs en touffes et avec des appendices, avec
la lèvre supérieure divisée en deux, comme le grand lupin bleu,
auquel il ressemble beaucoup pour la hauteur et l'apparence ;
mais les corolles sont de couleur de chair, avec le milieu de
la bannière rouge; la lèvre inférieuie est entière ; la plante est
garnie de poils dans toute sa surface , et les feuilles sont en
forme de lance , et un peu obtuses au bout. Le lupin jaune est
estimé pour l'odeur agréable de ses fleurs. Elles croisseut en
grouppes et sur des pédicules ; la lèvre supérieure de la co-
rolle est divisée en deux, l'inférieure a trois dents. Ainsi, vous
avez maintenant luie histoire coniplette de tous les genres du
lupin ; car ce sont là toutes les espèces connues jusqu'à pré-
sent. Comme vous poftrrez les avoir toutes ensemble, croissant
sous vos yeux , vous pourrez les comparer à loisir , et juger
des caractères par lesquels elles se ressemblent , et de ceux
par lesquels elles diffèrent. Si nous avions cette facilité pour
SUR LA BOTANIQUE. 377
chaque genre , avec quelle certitude nous distinguerions les
espèces ! Mais souvenez-vous que la culture peut produire des
cai'actères factices, qui égarent les botanistes qui ne se tiennent
pas sur leurs gardes.
Dans tous les genres que nous avons examinés jusqu'ici , les
filets ont fait un corps au fond. Dans les autres qui vont s'of-
frir à vous, neuf seulement sont unis et le dixième est libre,
suivant le caractère propre de cette classe. Nous allons com-
mencer par quelques genres distingués , comme je vous en ai fait
mention , par un stigmate pubescent. Le haricot commun ayant
la carène avec les étamines et le style entortillés en spirale ,
offre par là un caractère qui le fait aisément distinguer de tous
les autres genres. Quelques-unes des espèces ont un calice ex-
térieur, consistant en deux petites feuilles arrondies, qu'on
peut appeler plus convenablement bractées. La gesse ou pois qui
dure toujours, a un style plat, garni de poils au-dessus, et
s'élargissant vers le haut. En ceci il diffère du pois qui a un style
triangulaire , avec une carène au-dessus. Les deux genres ont
les deux divisions supérieures du calice plus courtes que les
autres trois, et à d'autres égards se touchent de fort près.
Quelques espèces de gesse n'ont qu'une fleur portée sur un pé-
dicule : il y en a deux espèces sauvages; l'une a des fleurs
jaunes, et s'attache aux blés par des tendrons sans feuilles;
elle a des tuyaux larges , formés comme la pointe d'une flèche ;
l'autre a des fleurs d'un rouge cramoisi , des feuilles longues
et étroites , qu'on distingue avec peine du gazon dont elle est
entourée , et de petits tuyaux subulés , ou garnis d'une alêne.
La première est appelée gesse des blés; la seconde gesse nis-
sole, ou gesse rougeàtre. La gesse odorante ou pois de sen-
teur, avec qvielques autres en petit nombre, a deux fleurs sur
chaque pédicule ; chaque tendron a une couple de feuilles ob-
longues, ovales, et les légumes sont rudes. L'étendard de la
corolle est d'un pourpre sombre, la carène et les ailes d'un
bleu clair ; mais il y a des variétés. L'une a la corolle toute
blanche, une autre a un étendard de couleur d'oeillet, des ailes
d'un bleu pâle, et une carène blanche : on appelle celle-ci pois
de darne-peint. La gesse de Tanger, qui appartient à la sec-
tion à deux fleurs , a les deux feuilles alternes, en forme de
378 LKTTRES ÉLÉMENTAIRES
lance, et unies, les stipules en forme de lune ; les fleurs croissent
sur de courts pédicules; elles ont un étendard pourpre, avec des
ailes et une carène d'un rouge éclatant; à ces fleurs succèdent
de longues cosses à jointures. La gesse à feuilles larges appar-
tient à la dernière division, ayant plusieurs fleurs portées par un
pédicule. Cette espèce a aussi des fleurs conjuguées, c'est-à-
dire qui croissent en paires , et munies d'un tendron ; la forme
des feuilles est elliptique ou ovale; les tiges qui grimpent fort
haut ont des ailes membraneuses de chaque côté entre les join-
tures; les fleurs sont rouges. Il y a une variété de cette plante
dans les jardins, avec des feuilles plus larges et des fleurs plus
grandes et d'une couleur plus foncée. Il y en a une autre espèce
qui n'est pas fort différente de celle-ci, avant des feuilles en forme
d'épée, et une troisième qui croît dans les bois, les fondrières
et les prairies humides, qui a des tendrons à plusieurs feuilles,
et des stipules en forme de lance; les lobes sont au nombre de
six , et il y a depuis trois jusqu'à six fleurs sur chaque pédi-
cule ; la corolle est bleue , avec la plus grande partie des ailes
et de la carène blanche. Une espèce qui appartient à cette sec-
tion a des fleurs jaunes, des tendrons à deux feuilles qui sont
fort simples et des feuilles en forme de lance ; elle est fort
commune dans les pâturages, au bord des haies, et dans les bois.
La vesce est une plante qu'on distingue aisénjcnt , en ce
qu'elle a isn stigmate barbu transversalement sur le côté in-
férieur. Lés espèces, qui sont ai» nombre de dix-huit peuvent
èli"e rangées sous deux divisions. La première comprend toutes
celles qui ont des fleius en grappes portées sur des pédicules ;
la seconde renferme celles qui sont axillaires , ou qui ont
\és fleurs presque collées à la tige, et sortant de l'angle que
les feuilles forment avec elle. Dans la première division nous
avons la vesce touffue et la vesce sauvage des bois : l'une et
l'autre ont des fleurs en grappe , plusieurs ensemble , mais qui ,
dans la première, sont imbriquées ' ou en gouttière; dans celle-
ci aussi les lobes ou feuilles composantes, sont en forme de
lance et pubesccntes, et les stipules entières : dans la seconde les
lobes sont ovales , et les stipules légèrement dentelées. L'espèce
I C'est-à-dire, disposées i;railiiellemeut, de manière que l'inie recouvre la
ïQoitié de l'autre eomme des tiiiles.
SUR LA BOTANIQUK. OyT)
cultivée et plusieurs de celles qui sont sauvages, appartiennent
à la seconde division . La première ' a les légumes droits et
sessiles , et ordinairementdeux ensemble , les feuilles sont
émoussées et les stipules^ ont des taches. Parmi les autres,
la vcsce du piintemps, qui a beaucoup d'aftinité avec la pré-
cédente, a cependant en général les légumes simples ; les
lobes inférieurs sont émoussés, et les supérieurs étroits et
presque linéaires ; le nombre des lobes est depuis quatre
jusqu'à dix , et les stipules sont tachetées comme dans l'espèce
précédente. La vesce des buissons a environ quatre légumes
droits qiii croissent ensemble sur de courts pédicules ; les
lobes des feuilles sont ovales et tout-à-fait entiers; le lobe
va en diminuant vers le bout de la feuille : cette plante croît
dans les haies. La fève est placée par Linnée dans le genre
des vesces , et uvec raison , puisqu'elle s'accorde avec ce
genre dans les caractères de la fructification, et qu'elle en dif-
fère seulement en ce qu'elle a une tige plus forte qui la sup-
porte, et qui, pour cette raison, n'a pas reçu de la nature
des liens pour s'attacher. On pense qu'elle est originaire des
pays voisins de la mer Caspienne. Toutes les diverses espèces de
fève ne sont réellement que des variétés de la même plante.
Vous comprenez bien que je ne parle ici que des fèves propre-
ment dites, et non pas des fèves de haricot et de plusieurs
autres, qui, non-seulement diffèrent pour l'espèce , mais en-
core pour le genre.
Dans la même section, qui a des stigmates pubesccnls, il y a
un genre d'arbrisseaux bien connus^ qu'on nomme colutea.
Ce genre est distingué par un calice quinquifidc , un légume
enflé, qui s'ouvre depuis la base par la suture supérieure.
Le nom anglais de séné à vessie est tiré de ce dernier caractère.
Le baguenaudier commun a une tige arborescente, et des
feuilles en forme de cœur renversé; il croît à la hauteur de
douze ou quatorze pieds de haut ; ses feuilles ailées ont quatre
ou cinq paires de lobes grisâties. I-es fleurs sortent des ailes ,.
I La vesce cultivée.
» Il fjaut euteudre par stipules des petites productions membraaeuses et folia-
cées de la même nature, et souvent de la même couleur que les feuilles; mais
qui en différent toujours par la forme.
^ Baguenaudier.
38o LETTRES ELEMENTAIRES
deux ou trois ensemble, poitées sur des pédicules déliés; elles
sont jaunes, avec une marque de couleur sombre sur l'éten-
dard. Cette espèce croît naturellement dans les contrées méri-
dionales de l'Europe. Il y en a une autre qui vient du Levant ,
et qui a des fleurs semblables à celles de la précédente , à la
réserve qu'elles sont d'un jaune plus bi-illant. Mais c'est un ar-
brisseau plus petit ; il diffère aussi en ce qu'il a neuf paires de
petits lobes ovales , entiers à chaque feuille. Il y en a un troi-
sième, environ de la même hauteur que la seconde, mais qui a
des branches encore plus déliées , et qui vient du même pays ;
les feuilles ont cinq ou six paires de petits lobes en forme de
cœur; les fleurs sont plus petites, et d'un rouge sombre mar-
qué de jaune. Il y a lieu de douter si ces dernières espèces
sont véritablement différentes de la première. Il y en a cepen-
dant une qui vient d'Ethiopie, qui a des fleurs éearlates, et
qui est fort distincte; car c'est un arbrisseau petit , faible, avec
des feuifles composées de dix ou douze paires de lobes oblongs,
ovales, et blanchâtres. Les fleurs sont longues, ce qui est dû à
la longueur de la carène, car l'étendard est plus court, et les
ailes sont menues. Vous vous imaginez bien, d'après le pays
d'où elle tire son origine, qu'elle ne peut résister au froid
d'un hiver un peu rude ; cependant , lorsqu'elle se trouve
dans un terrain sec et situé vers le midi, cette plante peut sup-
porter im hiver doux. Il y a encore une espèce herbacée ,
dont les feuilles ont des lobes linéaires, unis; mais c'est une
plante annueUe, de peu de beauté, et que, pour cette raison, on
cultive rarement.
Il y a plusieurs autres arbrisseaux de la famille des plantes
à fleurs de pois , comme les différentes espèces de cytise , dont
le laburnwn en est une. Cet arbrisseau est connu par des fleurs
jaunes qui pendent en grappes grandes et simples, et trois lobes
oblongs et ovales aux feuilles. Il y en a une variété avec des
feuilles plus éti'oites et des grappes de fleurs plus longues.
Celle-ci est plus commune dans les pépinières que l'autre , qui est
un arbre plus grand, et fournit de très-bon bois de charpente;
mais comme l'espèce précédente a plus d'apparence quand elle
est en fleur, on la préfère pour les plantations. Le cytise à feuilles
' Ébcnier des alpes.
SUR LA BOTANIQUE. 38 I
sessilcs , qu'on nomme vulgairement cytise glabre , a les fleurs
en grappes courtes, et droites au bout des branches; chaque
fleur a une petite bractée triple à la base du calice; les feuilles
des branches à fleurs sontsessiles, mais les autres sontpétiolées.
Les fleurs sont d'un jaune brillant, et les cosses sont courtes ,
larges et noires. Le cytise toujours vert' a des fleurs qui sortent
séparément, du côté de la tige, avec des calices fort garnis de
poils, trifides, obtus, oblongs et enflés. Les liges sont extrême-
ment velues, ainsi que les feuilles, particulièrement en des-
sous; les fleurs sont d'un jaune pâle, et les cosses longues,
étroites et rudes. Toutes ces plantes, et les autres espèces,
s'accordent en ce qu'elles ont un calice à deux feuilles, la lèvre
supérieure bifide, l'inférieure à trois dents, et un légume atté-
nué à la base et pédicule, contenant plusieurs semences. Les
feuilles sont ternaires.
L'acacia des jardiniers a un calice quadrifide, un étendard
déployé, réfléchi, et arrondi. Le légume est gibbeux, alongé,
et contient plusieurs semences. Cet arbre, que vous admirez à
cause de ses longues grappes de fleurs blanches , d'une odeur
suave, et pendantes comme celles du faux ébénier, appartient
à ce genre. Je veux parler de l'acacia bâtard, que, dans le nord
de l'Amérique, qui est son pays natal, on nomme arbre des
sauterelles. Les feuilles sont pinnées, consistant en huit ou dix
paires de lobes ovales, terminés par im lobe impair. Tous ces
lobes sont entiers, et attachés de près à la côte du milieu. Les
stipules sont armées d'épines fortes et crochues ; les fleurs sor-
tent séparément, ou seulement une à une, portées sur un pédi-
cule dans les grappes. Le robinier de Sibérie ^ , arbrisseau ori-
ginaire de la Sibérie, a les feuilles pinnées, ailées, et non pas
terminées par un lobe impair , ou composées seulement de
quatre ou cinq paires de lobes ovales. Celle-ci n'a point d'é-
pines, et les fleurs jaunes sortent séparément des ailes. Il y a
plusieurs autres arbres et arbrisseaux de ce genre, mais ceux-
ci sont les plus connus.
La coronille est un autre genre d'arbrisseau , qui cependant
renferme quelques plantes herbacées. Elles s'accordent toutes
I Cytis velu.
» Autre espèce de faux acacia.
382 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
en ce qu'elles ont un calice à deux lèvres ; la lèvre supérieure
a deux dents , et l'inférieure en a trois petites ; les dents supé-
rieures sont jointes ; l'étendard est à peine plus long que les
ailes ; le légume est fort long , droit , contracté entre les se-
mences ; et au lieu de s'ouvrir par les sutures , il s'ouvre par
• des jointures. Le séné bâtard ^ est une espèce de ce genre fort
commune parmi les arbrisseaux ; ou le connaît tout de suite ,
en ce qu'il a les queues de ses corolles jaunes, trois fois aussi
longues que le calice. Deux ou trois fleurs sortent ensemble,
portées sur de longs pédicules , des côtés des branches qui sont
déliées et anguleuses; les feuilles sont pinnées, et composées do
trois paires de lobes , terminés par \\n lobe impair. Les lé-
gumes sont longs, déliés, coniques et pendants; les semences
sont cylindriques. Il y a aussi plusieurs beaux arbrisseaux de
ce genre, mais qui sont trop tendres pour supporter l'air de
nos climats.
Les plantes dont on fait l'indigo appartiennent à cette classe,
et plusieurs des genres voisins leur ressemblent pour la qua-
lité aussi-bien que pour la forme extérieure et le caractère. Le
séné bâtard en particulier passe pour donner une teinture égale
à celle de l'indigo, si l'on fait fermenter les feuilles dans une
cuve, de la même manière qu'on le ftiit à l'égard du véritable
indigo : peut-être vous vous ressouvenez de vous être plainte
que les fleurs jaunes du lotus deviennent bleues en se séchant,
à moins qu'on ne prenne soin de les tenir séparées des autres
plantes et de les changer souvent.
La réglisse est aussi de cette même classe; elle a un calice à
deux lèvres , avec la lèvre supérieure divisée en trois parties ,
et l'inférieure absolument simple et sans division. Le légume
est ovale et comprimé avec un très-petit nombre de semences ,
en forme de fève de haricot. L'espèce que l'on cultive à cause
de ses racines, a des légumes unis, point de stipules, et des
feuilles pinnées , consistant en quatre ou cinq paires de lobes ,
terminé par un lobe impair , qui est pétiole. C'est une plante
qui s'élève assez haut pour une plante herbacée = ; les tiges ont
I Baguenaudiei des jardiniers. '
' Les tiges de la plante dont il est ici question, sont soii5-ligne!:ses et non her-
bacées.
SUR LA BOTANIQUE. H8']
depuis quatre jusqu'à cinq pieds de hauteur; les fleurs sor-
tent en pointes droites des ailes , et sont d'un bleu pâle.
Le sainfoin est un genre très-nombreux , qui ne contient pas
moins de soixante- sept espèces, qui s'accordent toutes en ce
(ju'elles ont la carène transversalement obtuse, et les légumes
avec des jointures renfermant une semence dans chaque join-
ture. Le genre est subdivisé en quatre sections , par rapport
aux feuilles , qui , dans la première sont simples , dans la se-
conde conjuguées , dans la troisième ternaires, et dans la qua-
trième , pinnées. Je ne vous présenterai que deux espèces , et
ces deux-là seront prises dans la dernière section. L'une a été
transplantée d'italie , dans nos jardins , et l'autre , de plante
sauvage, est devenue une plante cultivée. La première est le
sainfoin d'Espagne , qui est distingué des autres , en ce qu'il a
une tige couchée, et des légumes avec des jointures , piquants,
nus et droits. Ses feuilles pinnées montrent qu'il est de la
quatrième section ; elles ont cinq ou six paires de lobes , ter-
minées par un lobe impair ; de leur base sort un long pédi-
cule , qui soutient des pointes de belles fleurs rouges. L'autre
est le sainfoin ordinaire , dont les caractères sont une tige
alongée , les ailes de la corolle égalant le calice , et des lé-
gumes piquants , avec une semence. Celle-ci a pareillement des
feuilles pinnées ; elle orne les collines de craie par ses belles
fleurs rouges , et contribue principalement, avec plusieurs au-
tres de cette classe , à nourrir le bétail. Le trèfle est une des
plantes les plus communes pour les pâturages. Il y en a qua-
rante-six espèces , qui ont toutes des fleurs qui croissent eu
tète; le légume est^ fort court, sortant à peine du calice, ne
s'ouvrant pas, mais tombant tout entier, et ne contenant qu'une,
ou tout au plus deux semences. Quoiqu'on distingue aisément
ce génie par sa forme extérieure , cependant les caractères ne
sont point constants; et peut-être il n'y en a pas un de com-
mun à toutes les espèces. Le trèfle blanc , appelé communé-
ment trèfle de Hollande , a une tige rampante, permanente ;
les têtes sont en ombelles , et les légumes couverts avec quatre
semences. Le trèfle pourpre , le trèfle chevreuil , ou le trèfle
rouge , a des fleurs qui croissent en pointes globuleuses , un
peu velues , entourées de stipules opposées , membraneuses , et
384 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
toutes les corolles sont d'un pétale. Il y a dans ce genre plu-
sieurs espèces sauvages ; mais le trèfle jaune , qu'on cultive
sous ce nom, ou celui de none sucli ', appartient à unautre genre,
comme nous allons le voir présentement.
Le lotier a un calice tubuleux; les ailes de la corolle se
touchent l'une l'autre vers le haut, longitudinalement; le lé-
gume est droit et cylindrique. L'espèce sauvage est appelée
lotier corniculé. On la distingue par ses tiges penchées , dont
plusieurs fleurs croissent ensemble en tètes aplaties; les lé-
gumes sont exactement cylindriques ; les corolles sont d'un
jaune brillant.
La luzerne est du genre nommé medlcago , dont le caractère
est que la cai'ène de la corolle pend en en-bas de l'étandard, et
que le légume est aplati, spirale ou contourné, comme la
coquille d'un limaçon. Le caractère spécifique est que la tige
est droite et unie ; les fleurs croissent en grappes , et les légumes
sont tordus; la corolle est de couleur bleue. L'espèce cultivée
sous le nom de luzerne lupuline, ou sans pareille, a les tiges
couchées ; les fleurs sont en pointes ovales , et les légumes en
forme de fève de haricot, avec une semence seulement à chaque
légume ; les corolles sont petites et jaunes. Dans l'état de cul-
ture, les tiges se tirent l'une l'autre en haut, et perdent beau-
coup de la pente qu'elles ont à s'étendre sur la terre ; c'est ce que
fait aussi le trèfle pied d'oiseau, quand il a d'autres plantes
autour de lui, comme dans les pâturages, etc. Il y a une es-
pèce de luzerne appelée polymorphe, ou à plusieurs formes, à
cause de la variété des formes qu'il prend, ou du changement
de figure qui arrive dans le légume Nous en avons une variété
sauvage fort commune, appelée luzerne en cœur, à cause de la
forme des feuilles, qui sont généralement tachetées ; chaque
tète consiste en quatre ou cinq petites fleurs jaunes ; les légumes
sont globuleux, spirals, et couverts de plusieurs épines di-
vergentes. Dans les jardins, vous avez l'espèce nommée lima-
çon végétal^, avec de grands légumes spirals, globuleux, nus,
ou sans épines; celle qu'on nomme hérisson, dont les légumes
sont armés de longues épines pointues. Toutes ces plantes ont
1 Sans pareil.
2 Luzerne à fmits nus.
SUR LA BOTANIQUE. 385
une tige couchée, les stipules dentelées , et les légumes spirals.
Cette classe a aussi ses chenilles végétales; mais elles appar-
tiennent à un autre genre ^
Je crains bien que vous ne trouviez déjà cette lettre trop
longue. Cependant, comme je pourrai demeurer quelque temps
sans vous écrire , et que la classe qui suit n'est pas fort nom-
breuse, et qu'elle complète l'oidre des plantes dont les filets
sont unis, je vais vous en parler, au risque d'abuser de votre
patience.
La classe nommée polyadelphie comprend toutes les fleurs
qui ont les fdets unis au fond en plus de deux paquets. Les
lilets sont en faisceaux, ou, comme on peut les appeler, en pin-
ceau, puisqu'ils sont rassemblés en forme d'un pinceau fait de
poils de chameau. Si vousne faisiez pas attention à ce caractère,
vous imagineriez aisément que ces plantes appartiennent à la
classe nommée polyandrie; car elles n'ont point une forme frap-
pante, comme la famille des légumineuseset quelques autres, qui
puissent les faire ranger dans la classe nommée polyadelphie.
Il y en a quatre ordres formés d'après le nombre des éta-
mines. La plante qui fournit le cacao, dont on fait le chocolat,
est, dans le premier, nommée pentandrie. Un genre qu'on
nomme monsonia est dans le second. Le citronnier, qui ren-
ferme les arbres qui produisent les oranges et ceux qui donnent
les limons, se range dans le quatrième. Le nombre des espèces
est de soixante-cinq.
Ce genre d'arbres si connus, si beaux, si odoriférants et si
justement estimés, qu'on nomme citronniers, offre les caractères
suivants : un petit calice avec cinq dents au sommet, une co-
rolle de cinq pétales oblongues, environ vingt étamines placées
cylindriquemcnt autour du germe, avec les filets légèrement
unis en paquets plus ou moins nombreux, un pistil, et, en
place de fruit , une baie généralement à neuf cellules, avec
une pulpe vésiculaire dans laquelle les semences sont logées.
Vous aurez du plaisir à examiner en détail les trois espèces
élégantes de ce genre , et à flatter délicieuseuient vos sens, tan-
dis que votre esprit recevra l'instruction. Quand le fruit est
venu , vous distingue/, aisément ces espèces ; mais , quand
1 Chenille.
R. VII. v).5
386 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
l'arbre n'a point de fruit , vous observez que le citronnier • a
les pétioles linéaires, et tout d'une venue, comme la plupart
des autres pétioles ; au lieu que l'oranger , l'arbre qui porte les
limons * , et le pampelmousier ^ , ont les pétioles ailés en forme
de cœur , de sorte que la feuille principale paraît sortir d'une
plus petite. Linnée ne forme qu'une espèce de l'oranger et de
l'arbre qui porte les limons , et dit qu'on les distingue du pam-
pelmousier par leurs feuilles pointues, au lieu que le pampel-
mousier les a obtuses , et entaillées au bout. Pour ne pas faire
mention du grand volume du fruit '', je vous ferai remarquer
seulement que les fleurs de cette dernière espèce croissent plus
en grappes, qui sont un peu garnies de duvet ou de laine.
J'ose croire que vous êtes maintenant si avancée dans la bota-
nique , que , malgré que votre goût vous dise le contraire , vous
soutiendrez que l'oranger de Séville et celui de la Chine sont
des variétés de la même espèce qui ne sont dues qu'à la diffé-
rence des climats. Peut-être aussi n'aurez-vous pas beaucoup
de difficulté à vous persuader que le grand limon appartient à
un arbre qui n'est pas spécifiquement différent de celui qui
porte le petit citron rond et aigre, malgré quelques petites
différences dans les feuilles , et les épines qui sont sur les
branches de ce dernier. Mais je doute si je pourrai jamais per-
suader à votre aimable fille que le limon pâle, long, et d'une
saveur austère, n'est pas iine espèce totalement distincte de
l'orange ronde, dont la couleur est si vive, et dont le jus lui
paraît si délicieux. Je consens qu'elle demeure dans son incré-
dulité, pourvu qu'au moins elle puisse distinguer ces arbres^
lorsqu'ils sont dépouillés de fruits. La position des étamines
vous montre que ce genre appartient à l'ordre nommé icosandrie.
Le genre hypericum, mille-pertuis, qui est dans le dernier
oi'dre, nommé polyandrie, a beaucoup plus d'espèces que
tous les autres genres ensemble. Plusieurs de ces plantes sont
1 Citronnier ordinaire.
2 Le pampelmousier est commun aux îles de France , de Bourbon , et plusieurs
autres de l'Océan-oriental. On le trouve aussi à Cayenne et à Surinam. Il porte
des oranges grosses comme la tête, qu'on appelle des pampelmouses ; la chair de
ces fruits est excellente , et a le goût de fraise.
3 Oranger de Surinam
4 II a douze pouces de diamètre. ( La pampclmouse.)
I
SUR LA BOTANIQUE. 38'7
sauvages, et l'on en cultive plusieurs autres parmi les arbris-
seaux; elles ne sont pas cependant toutes du genre des ar-
brisseaux, car plusieurs espèces sont herbacées. Toutes les
plantes n'offrent pas le caractère classique avec une égale évi-
dence , soit dans cette classe, soit dans toutes les autres. Dans
ce genre les étamines qui sont nombreuses se séparent aisé-
ment du réceptacle, en formant des pinceaux ou des paquets ,
et montrent ainsi évidemment quelle est leur place dans le svs-
tème. Étant ainsi assurée que votre plante n'appartient pas à la
classe nommée polyandrie, mais à celle-ci, vous la distinguerez
aisément de ses congénères par son calice divisé en cinq par-
ties, et renfermant le germe; la corolle est de cinq pétales;
le^ étamines sont très - nombreuses , et forment ordinairement
cinq divisions ; le vaisseau à semence est une capside partagée
en autant de cellules qu'il y a de styles à la fleur. Ceux-ci sont
au nombre d'un, de deux, de trois on de cinq. De là naît une
division subordonnée du genre en quatre sections. Il n'y a ce-
pendant qu'une seule espèce avec un style ; il y en a deux avec
deux styles ; le plus grand nombre en a trois , et parmi celles-
ci sont toutes les espèces d'Europe.
Le mille-pertuis commun a des caractères si remarquables ,
qu'on ne peut s'y méprendre aussitôt qu'on en est instruit.
Premièrement, il a une tige ambiguë, ou à deux tranchants,
c'est-à-dire, arrondie ou un peu aplatie , et s'étendant longitu-
dinalement, pour former deux petits bords tranchants ou mem-
branes opposées l'une à l'autre. Secondement, ses feuilles ob-
tuses sont piquées sur toute leur surface, de façon que lorsqu'on
les oppose au jour, il semble qu'on les ait piquées avec une
épingle. Une autre espèce sauvage n'est pas à beaucoup près si
commune ; elle croît dans les haies humides et dans les bois, et
elle est nommée herbe de Saint-Pierre". Ses tiges sont carrées; elle
est à peu près de la même taille que l'autre, mais elle ne pousse
pas autant de branches ; les feuilles sont plus courtes et plus
larges, et n'ont aucune des piqûres si remarquables dans la précé-
dente. Le mille-pertuis couché est une petite jolie plante, qu'on
trouve dans les pâturages secs et dans les bruyères. Elle a des
' Mille-pertuis carré.
2D.
388 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
tiges à deux tranchants, couchées, filiformes, des feuilles unies,
et des fleurs axillaires, solitaires. Le mille -pertuis élégant est
une espèce branchue qui ci'oît dans les bois et dans les bruyères ,
avec des tiges en forme de colonne ; les feuilles embrassent la
tige; ellçs sont unies et en forme de cœur; les calices sont
dentelés , avec des dents garnies de glandes.
Les deux espèces les plus communes qu'on cultive parmi
les autres arbrisseaux , sont l'herbe de bouc , ou mille-pertuis
puant, le mille-pertuis de Canarie. Elles ont l'une et l'autre
une odeur forte, qui ressemble à celle d'un bouc, laquelle
odeur, cependant, dans certaines circonstances , et à une cer-
taine distance , paraît agréable , au moins à quelques per-
sonnes. L'une et l'autre ont trois pistils ; mais la première est
une plante beaucoup plus petite , et a les étamines plus lon-
gues que la corolle, au lieu que dans la seconde elles sont plus
courtes. La toute-saine des jardins est évidemment de ce genre.
C'est une de celles qui ont cinq pistils; les tiges son t basses, simples,
herbacées et quadrangulaires; les feuilles sont unies et presque
entières; les racines sont fort rampantes, et les fleurs sont fort
grandes. La toute -saine sauvage, ou toute -saine herbe de
Saint-Jean , a une tige de la nature des arbrisseaux , avec deux
tranchants ; il y a trois pistils et un fruit en baie , ou avec un
péricarpe d'une couleur douce. Les fleurs de cette plante sont
petites, et les étamines s'étendent au-delà des corolles. Elle
croît sauvage dans les bois, et quelquefois dans les haies hu-
mides. Parmi les espèces les plus rares et les plus tendres est
le mille-pertuis de l'île de Majorque, qu'on distingue facilement
parles cicatrices qu'on observe sur les branches qui sont rouges
et minces. Les feuilles sont ondées sur les bords; elles ont de pe-
tites protubérances à leur surface inférieure , et à leur base elles
embrassent la tige,; les fleurs sont grandes, avec les étamines
m peu plus courtes que la corolle, et cinq pistils. Enfin le mille-
pertuis chinois , qui est seul , comme n'ayant qu'un pistil , a
ime tige de la natu^re des arbrisseaux , des calices colorés , les
étamines plus longues que la corolle ; et c'est une des plus
belles plantes de ce genre, qui est si agréable à la vue par
ses corolles jaunes , et le grand nombre de ses étamines.
Je vous laisse , ma chère cousine , avec cette ample moisson.
SUR LA BOTANIQUE. 889
jusqu'à ce que j'aie trouvé assez de loisir jjour préparer et sou-
nietre à votre inspection la nombreuse et très -embarrassante
famille des fleurs composées.
LETTRE XVI.
a4 août 1776.
Quoique cette lettre, ma chère cousine, vous parviendra
lard dans la saison , cependant vous serez encore à temps d'ejca-
niiner la plus grande partie de la classe nommée syngénésie,
ou famille des fleurs composées qui s'épanouissent principale-
ment en automne. Vous êtes bien prévenue que le caractère es-
sentiel de cette classe est l'union des anthères. Vous connais-
sez parfaitement la sti'ucture d'une fleur composée, et des di-
vers fleurons qui la composent. Enfin les ordres dans lesquels
se divise cette classe vous sont familiers; et vous savez ]:jarfai-
tement sur quels caractères essentiels cette division est fondée.
Il me reste donc peu de notions préliminaires à établir, avant
de procéder à l'examen des genres et des espèces.
Cette classe est, de beaucoup, la plus nombreus(^ des classes
naturelles. En conséquence, il devrait être plus dilïicile, selon
toute apparence, de trouver suffisamment des distinctions gé-
nériques et spécifiques dansée genre, que dans tout autre. Ce-
pendant telle a été la sagacité et l'industrie de Linnée , que
j'espère que vous ne trouverez pas beaucoup de difficultés,
même dans les deux premiers ordres , qui contiennent plus des
deux tiers de tous les genres.
Pour faciliter votre examen, dans le premier ordre nommé
polygamie égale , on l'a subdivisé en trois divisions , qu'on dis-
tingue aisément par des caractères remarquables. La première
contient les fleurs composées entièrement de fleurons en lan*
guette, qui sont les fleurs semi-flosculeuses de Tournefort. La
seconde contient les fleurs capitées ou en tète, et la troisième
es fleurs discoïdes ^ ; de sorte qu'il n'y a point de fleurs ra-
I Les fleurs discoïdes sont celles qui sont plusieurs ensemble sur le même
disque.
SgO LETTRES ELEMENTAIRES
diées dans cet ordre. Les fleurs de la première section sont cntiù
rement formées de fleurons qui composent les rayons. Dans les
deux autres sections , il n'y a point de ces corolles ligulées ' ,
ou demi-fleurons; mais la fleur composée est entièrement faite
de corolles tubulées, ou fleurons proprement dits. Dans la
seconde section ces fleurons sont alongés, et le calice se
déjette au bas , comme dans les chardons. Dans la troisième, les
fleurs ressemblent à une marguerite, ou autre fleur radiée,
avec le rayon tiré en-dehors
Le calice, le réceptacle, et la couronne de la semence, suffi-
ront en général pour fournir les distinctions génériques dans
cet ordre'.
Ainsi le tragopogon , ou barbe de bouc , est connu par un
calice simple , le réceptacle nu , et un duvet stipité , garni de
plumes. Ces trois caractères suffisent pour faire distinguer ce
genre de tous les autres, pourvu que vous vous soyez bien assu-
lée, par les règles qu'on a déjà établies, que votre fleur est de
la famille des fleurs composées, que chaque fleuron a les anthères
unies en cylindre , qui est percé par le pistil , lequel est ter-
miné par deux stigmates repliés , et que toutes les corolles sont
ligulées; car c'est de cette manière que vous pouvez parvenir à
fixer la classe , l'ordre et la section. Je ne puis croire que vous
ayez aucune difficulté à distinguer une fleur naturelle compo-
sée, d'une fleur double, qui est le produit de l'art et de la
culture, quoique la ressemblance puisse égarer ceux qui ne
sont pas accoutumés à l'observation. Je suis bien assuré que, si
' C'cst-a-dire , en languettes.
' Le calice est simple daus la seriolu , le gerofiogon , Vandtyala , le tiagoi)f>~
son ,■ il est caliculé ou garni d'un second rang de petites feuilles à la base daus
la chicorée, le ^jcrà, crépis, cliondrilla , prenantlies , lapsana, hyoseris ; AAi\f.
le reste il est imbriqué , ou en gouttière. Le réceptacle est velu dans le scolimus,
cichoreiun, cataiianche, seriola, hypochœris, geiopogon ; daus les autres il est nu,
c'est-à-dire, qu'il n'a point de poils entre les fleurons. Le scolymus et la lapsana
n'ont point dç pappits, ou duvet ; dans la seriola, andrjala, crépis , prenantlies ,
lactuca , hieracium, sonckus, le duvet est simple ; dans l'A ypocAo'm, geropogon,
tragopogon, picris, leontodon, scorzonera, chondrilla, etc. le calice a des plumes.
Daus le ciclioreum la couronne de la semence a cinq dents; dans la calananche
elle a cinq touffes de poils; dans ïhjoseris elle est surmontée d'un calice. Dans
quelques genres le duvet est collé à la semence ; dans d'autres il est stipité, c'est-
à-dire, qu'il V a une tigeinterpcsce entre le duvet et la semence.
SUR LA BOTANIQUE. '5gi
vous ave/. le moindre doute , vous arracherez un fleuron pour
voir s'il a une semence , des étamines et un pistil , ou si c'est
seulement un simple pétale aplati. Mais, pour revenir à notre
plante , la barbe de bouc commune ou jaune ' , qui croît natu-
rellement parmi les herbes des prés, est distinguée par des
feuilles entières , droites, et par les segments du calice , qui éga-
lent, au moins en longueur, les fleurons extérieurs. Vers l'heure
de midi, vous ne trouverez pas aisément cette plante, parce
que les fleurs sont alors toujours fermées. Après que la fleur est
passée, la barbe de boue se fait aisément reconnaître par le
grand globe que forme le duvet des semences , jusqu'à ce que
le vent les ait enfin arrachées du réceptacle, et les ait portées
séparément dans des lieux différents.
Le salsifis ^ , que votre jardinier cultive dans le jardin po-
tager , a les segments du calice beaucoup plus longs que les
fleurons , et les pédicules s'enflent d'une manière remarquable
sous la fleur, qui est grande et d'un beau bleu.
Une autre plante de cette famille , que vous pouvez aussi
tirer de votre jardin potager, c'est la scorsonère, dont le genre
est fort voisin du précédent. Il s'accorde avec celui-ci , en ce
qu'il a un réceptacle nu, et un duvet stipité garni déplumes;
mais il en diffère par un calice imbriqué, avec les écailles sca-
rieuses ou noires, comme si elles étaient brûlées sur le tran-
chant. L'espèce cultivée^ a une tige branchue et entière, des
feuilles qui embrassent la tige, légèrement dentelées sur le bord j
les fleurs sont d'un jaune brillant.
Le laitron et la laitue s'accordent en ce qu'ils ont un récep-
tacle nu , un calice imbriqué et un duvet simple à la semence j
mais, dans la première plante, le calice est gibbeux, ou enflé
à la base ; dans la seconde , il est cylindrique , avec des bords
membraneux. La première a un duvet sessile ; dans la seconde,
est stipité , et les semences sont polies. Vous trouverez tou-
ours de l'utilité, lorsque cela vous sera possible, à comparer
les plantes des genres qui sont voisins l'un de l'autre. De cette
manière, vous vous accoutumerez à saisir les caractères qui se
• Salsifis des prés.
> Salsifis commun.
5 Scorsonère de» jardius , ou d'Jispague.
392 LiiïTRKS ÉLÉMENTAIRES
ressemblent et ceux qui diffèrent, et à observer les plus petits
détails qui peuvent vous aider à faire la séparation des fa-
milles naturelles, qui paj-aissent être les mêmes à un œil qui n'est
pas exercé et guidé par la science. C'est ainsi que, dans un
troupeau de moutons , l'œil du voyageur n'observe aucune dif-
férence, tandis que le bergeries reconnaît tous à des marques
distinctives, et les désigne par les noms qu'il leur a donnés.
Il y a plusieurs variétés de laitron, herbe très-commune dans
les potagers ; il y a le laitron à feuilles rudes, et celui à feuilles
imies ; celui qui a des feuilles lacérées, et celui qui les a sim-
ples , etc. Je vous cite seulement ces variétés, pour que vous
ne les preniez pas pour des espèces distinctes. Dans le fait ,
ces différences sont seulement l'effet du hasard et de la posi-
tion de la plante.
L'hieracium , ou herbe du faucon , est un genre très - nom-
breux de cet ordre et de cette section ; le calice est ovale et
imbriqué , le réceptacle nu , et le duvet simple et sessile. Il
y en a plusieurs espèces sauvages dans ce pays ; l'une de ces
espères , qui est une grande plante ' , se trouve sur les murs ,
le long des coteaux et dans les bois. Elle a une tige branchue ,
les feuilles radicales ovales et dentelées , et une feuille plus pe-
tite sur la tige ; une autre , qui est fort commune dans les pà-
tm-ages secs, est nommée piloselle, ou oreille de souris, à cause
des longs poils qui sont sur ses feuilles, lesquelles sont ovales
et absolument entières. Cette espèce pousse des rejetons , et les
fleurs sortent séparément sur des tiges nues. Il y en a d'autres
espèces, appelées vulgairement épervières , qu'on range sous
d'autres classes, telles que le crépis, qui diffère de l'hiera-
cium en ce qu'il a le calice seulement caliculé, avec des écailles
tombantes.
Je terminerai la première section par la chicorée ou l'en-
dive , qui a le calice caliculé , et des poils en petit nombre ,
entre les fleurons sur le réceptacle ; la couronne de la se-
mence est généralement dentelée de cinq dents , et un peu gar-
nie de poils. La chicorée sauvage a des feuilles runcinées , et
en général deux fleurs sessiles , qui sortent ensemble. L'endive
a des fleurs solitaires, avec des pédicules et des feuilles entières,
I Epervière des murs , ou pulmonaire des Français.
SUR LA BOTANIQUE. 3c)'5
seulement entaillées sur les bords. L'une et l'autre ont des fleurs
d'un beau bleu; mais la première est permanente, et la seconde
ne dure que deux ans. L'endive frisée , quoique si différente
de l'autre par ses feuilles, n'en est pourtant qu'une variété
La plus grande partie de la seconde section , dans ce premier
ordre de la dix-neuvième classe, est remplie par les chardons,
genre très-intraitable , et qui ne convient guère aux doigts dé-
licats de noire aimable Flore. Le calice est tout imiîriqué , avec
des écailles épineuses. Coniment pourra-t-elle déchirer ce ca-
lice pour découvrir que le réceptacle a des poils entre les se-
mences ? Cependant ces deux circonstances forment le carac-
tère du genre , et il faut qu'elle observe qu'il y a quelques
plantes nommées communément chardons, qui ne sont pas de
ce genre. Par exemple, le cliardon ordinaire des chemins',
n'ayant point des épines aux écailles du calice, qui est aussi
d'une forme cylindrique , au lieu que dans les chardons il est
enflé au bas, et le réceptacle étant nu , n'est pas un chardon,
suivant Linnée , mais une sarrette^. Pareillement le pet-d'âne ,
ou épine blanche , ayant un réceptacle en forme de layon de
miel , forme un genre séparé à raison de cette circonstance.
Véritablement le genre aurait été trop nombreux et trop em-
barrassant , si Ton n'avait pas fait attention à ces marques, qui
ont pu paraître quelquefois trop minutieuses. Vous avez peut-
être entendu dire que l'artichaut n'est rien autre cho5*e qu'un
chardon. Il en diffère véritablement fort peu , ayant un récep-
tacle garni de poils ; seulement les poils sont plus roidos, et de
la nature des soies ; la structure du duvet est aussi la même.
Il diffère principalement par le calice ; car les écailles dans
l'artichaut sont scarieuses ou déchirées, charnues, et termi-
nées par un appendice cannelé, rognées et pointues, caractères
que vous pouvez observer à loisir quand vous êtes à table.
Si vous voulez examiner les fleurs , qui sont bleues et très-
grandes , et peuvent passer pour des fleurons , il faut que vous
ordonniez à votre jardinier de laisser les tètes sur pied long-
tenii)s après l'époque où elles doivent être coupées pour la
table. Ces fleurs vous donneront un exemple remarquable de
I Cbardou hcmorrbdidal, ou sarrette.
* Cliardon odorant.
394 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
l'ordre nommé polygamie égale , et de la section qu'on nomme
en latin capitata , ou à tête.
La bardane , dont les têtes s'attachent quelquefois à votre
robe lorsque vous passez , est dans la même division où sont les
chardons. La forme globuleuse du calice et les sommets crochus
des écailles qui le composent , sont les caractères essentiels du
genre. L'espèce sauvage commune ' a de fort grandes feuilles
en forme de cœur, et laineuses , pétiolées et sans armes.
Dans la troisième section , qui a des fleurs discoïdes , ou en
forme de disque ; il y a peu de plantes qui soient à votre portée.
Les bords des rivières et des fossés vous fourniront une espèce
d'eupatoire ' , grande plante qui a les feuilles digitées : ordi-
nairement il y a trois lobes à chacune des feuilles, qui sont
velues , et avec des dentelures très - aiguës ; le lobe du milieu
est le plus grand ; quelquefois les lobes du côté manquent en-
tièrement , et la feuille devient simple. Les tiges sont élevées ,
rudeset quadrangulaires ; elles portent de grandes touffes de pe-
tites fleurs pourpre à leur sommet, avec environ cinq fleurons
à chaque calice. Les caractères du genre sont un calice oblong ,
imbriqué , et un réceptacle nu , un duvet garni de plumes , et
un style fort long, partagé jusqu'à la moitié de sa longueur.
Les mêmes terrains vous offriront le bidens ^, qui a aussi un
calice imbriqué; mais le réceptacle est garni de poils; la co-
rolle a quelquefois un fleuron alterne rayonné , et les semences
sont couronnées par deux touffes de barbe droites et rudes, qui,
étant crochues , font que les semences s'attachent à tout ce qui
est près d'elles. Nous en avons deux espèces sauvages : latrifide't,
ainsi nommée à cause de ses feuiUes à trois pointes , qui a des
semences droites et des calices garnis de feuilles; l'autre es-
pèce est celle qui est penchée ^ , qui a des feuilles en forme
de lance , embrassant la tige , et des Heurs penchées avec des
semences droites. Les corolles de l'une et de l'autre sont jaunes ;
mais celles de la dernière, qui est la moins commune, sont les
plus belles.
1 Grande bardane.
2 Eupatoire chanvriu, ou d'Avicèue.
î Eupatoire aquatique.
4 Chanvrc-aigremoiue d'eau.
3 Chauvre-aigremoine d'eau penchée.
SUR LA BOTANIQUE. ^C)^
Le second ordre de la classe syni,a>nésie , nommée polygamie
superflue, étant presqueaussi nombreux cpie le premier, estsub-
di visé en deux sections. La première contient les fleurs discoïdes,
et la seconde !es fleurs radiées; il n'y a qu'un genre dans cet
ordre, avec des fleurs à demi-fleurons.
Dans la première section, quia des fleurs discoïdes, vous
trouvez la tanaisie. Vous observerez qu'elle a lui calice imbri-
qué hémisphérique ; les corolles du rayon ou de l'extérieur
sont trilides; les autres qiiinquifides ; les semences nues, étant
seulement un peu bordées ; le réceptacle est pareillement nu :
quelquefois dans ce genre il n'y a point de fleurs imparfaites.
Notre tanaisie commune, que vous trouverez non-seulement
dans voti'e jardin potager, mais encore dans les pâturages secs
et sur les terrains élevés , a des feuilles bipinnées , qui sont
tailladées et dentelées sur les boids.
L'aurone', l'absinthe et l'armoise*, se rangent toutes sous
le genre de V artemisia , qui a un calice imbriqué, avec des
écailles arrondies et convergentes; le réceptacle est nu, ou
garni d'un petit nombre de poils ; les fleurs n'ont point de
l'ayons , mais sont absolument discoïdes. L'aurone est de la na-
ture des arbrisseaux; c'est une plante droite, et quia des
feuilles sétacées , et est fort branchue. Il y a tme aurone sau-
vage ou des champs^, qui a des tiges couchées avec des bran-
ches minces et des feuilles linéaires et multifides. L'absinthe
commune'*, et la grande absinthe, ainsi que l'armoise, ont des
tiges droites, herbacées, et des feuilles composées. L'espèce
commune a les feuilles multifides , les fleurs approchent de la
forme globuleuse , et sont pendantes , avec un réceptacle garni
de poils. L'absinthe romaine, ou grande absinthe , a les feuilles
partagées en plusieurs parties, et garnies de duvet en-dessous;
les tètes des fleurs sont arrondies et penchantes comme dans
l'autre; mais le réceptacle est nu. L'armoise a des feuilles pin-
natifides, aplaties et tailladées, garnies de duvet en-dessous; les
' Aurouc mâle.
2 Armoise commune.
î Armoise auroue des champs.
4 Armoise absinthe.
396 LETTRES ÉLÉMEÎNTAIRES
fleurs sont en grappes simples, recourbées, et ont un rayon
<le cinq fleurs. L'absinthe commuue de la mer a des tiges cou-
chées, des feuilles garnies de duvet, et partagées en plusieurs
parties , des grappes de fleurs penchantes , et trois fleurs au
rayon.
Le gnaphalium , qui renferme plusieurs herbes des champs,
sauvages, et les fleurs immortelles , ou les immortelles jaunes
et blanches, a un oalice imbriqué, avec les écailles arrondies,
scaricuses et colorées ; un réceptacle nu , et un duvet garni de
plumes. Il y a plusieurs espèces d'immorteUes jaunes et blan-
ches. La plus connue d'entre les premières est commune en Por-
tugal , où l'on emploie les fleurs de cette plante à orner les
églises, et on les envoie aussi tous les ans en Angleterre. On
pense qu'elles sont originaires des Indes orientales. Les feuilles
sont en forme de lance, linéaires et sessiles ; les fleurs sont en
grappes composées , portées par des pédicules alongés , et
la tige est subherbacée. Une des plantes de cette dernière es-
pèce est fort commune dans les jardins, et est originaire du
noid de l'Amérique. Elle a des feuilles semblables à celles de
la précédente, pointues et alternes; les tiges sont herbacées et
branchues par le haut; les fleurs sont en grappes avec des som-
mets aplatis Cette plante a une racine qui est très-rampante;
les tiges et les feuilles sont garnies de laine. Les calices argentés
de l'une, et les calices dorés de l'autre, si on les recueille avant
qu'ils soient trop ouvertes , se conserveront dans toute leur
beauté pendant plusieurs années. Lexéranthème, ou la grande
immortelle, a un calice imbriqué , avec les écailles intérieures
membraneuses , luisantes, et formant une rangée de rayons co-
lorés pour couronner la fleiu\ Le réceptacle est généralement
nu , et le duvet est, ou garni de soies, ou de plumes. L'immor-
telle rayonnée forme une exception , ou caractère général , en
ce qu'elle a un réceptacle avec des barbes ; elle est aussi la
seule qui ait un duvet avec cinq soies; elle est herbacée, et a
des feuilles en forme de lance , et étendues. Les fleurons exté-
rieurs ont un stigmate simple , avec une semence nue ; ceux du
milieu ont un stigmate subbifide; la couleur de la corolle est
ou pourpre ou blanche. Il y en a une espèce qui vient du Cap,
et qui a des fleurs jaunes.
SUR LA BOTANIQUE. '^f)7
La seconde division de cet ordre, à fleurs radiées, est de beau-
coup plus considérable que les autres. Le tussilage , ou pas-
d'âne , a un calice cylindrique, avec des écailles égaies, au
nombre de quinze ou vingt, aussi longues que le disque de la
fleur, et un peu membraneuses. Le réceptacle est nu, et le duvet
simple ou garni de poils. Le tussilage commun sauvage a des
feuilles anguleuses , à peu près en forme de cœur, avec de lé-
gères dentelures sur les bords, et blanches en-dessous. Il a une
fleur jaune sur une tige qui est imbriquée , ou couverte d'é-
caifles. Letussilagepétasite' a de grandes feuilles formées comme
celles du tussilage commun. Il a plusieurs fleurs de couleur
pourpre, depuis dix jusqu'à vingt; ces fleurs sont rassemblées
dans un thyrse ovale, sur le sommet d'une tige de couleur poiu'-
pre , garnie d'écailles de la même couleur. Il y a quelquefois
depuis deux jusqu'à six fleurons imparfaits , blancs et ligules ,
qui n'ont presque pas de corolle au milieu des autres. Vous ne
pourrez pas examiner tout à la fois les caractères spécifiques de
ces deux plantes ; car la tige nue, qui porte les fleurs , pousse
seule de fort bonne heure dans le printemps, et les feuilles ne
succèdent aux fleurs que lorsque celles-ci sont passées ^.
Le séneçon est un genre fort nombreux^, qui a un calice cylin-
drique caliculé, avec les écailles sphacéleuses, ou qui paraissent
mortifiées au sommet; un réceptacle nu, et un duvet simple.
Le plus grand nombre des espèces a des fleins radiées ; cepen-
dant huit ou dix n'en ont pas, et parmi celles-ci se trouve le
séneçon commun, lierbe que le jardin potager fournit en abon-
dance. Le séneçon puant ^ est une plante assez semblable à la
précédente ; cependant elle a des corolles radiées, avec les de-
mi-fleurons du rayon repliés ; les écailles du calice sont lâches ,
et les feuilles pinnatifides et visqueuses. Cette plante croît le
long des haies et palissades , et dans les bruyères; elle s'élève
beaucoup plus que la précédente.
1 Grand tussilage.
2 C'est une erreur qre je trouve dans presque tous ks ouvrages de botanique.
Ce sont au coutraire les feuilles qui devancent le» fleurs de huit mois dans le
tussilage.
3 II renferme cinquante-neuf espèces.
4 Séneçon visqueux.
3qS LETTRES ÉLÉMENTAIRES
La jacobée ' a aussi des corolles radiées, dont cependant le
rayon n'est pas replié , mais développé. La tige de cette plante
est droite ; les feuilles sont pinnatifides , presque en forme de
lyre , et les divisions un peu dentelées. Elle est fort commune
sur les bords des chemins et dans les pâturages. On trouve dans
les jardins un séneçon pourpre d'Afrique , qui est originaire du
Cap; c'est une plante annuelle, qui a un disque jaune et des
des rayons pourpre. Elle s'accorde avec la jacobée séneçone ,
en ce qu'elle a des corolles radiées, avec le rayon déployé ; les
feuilles sont pinnatifides, égales, et étendues, avec un bord
épaissi et recourbé; les écailles du calice ont des cils clair-
semés. Une plante singulière, appartenant à ce genre, vint dans
mon jardin , il y a quelques années ; je la pris d'abord pour
une nouvelle espèce ; mais en l'examinant avec plus d'atten-
tion, je vis que c'était une plante hybride, ou polygame,
produite par cette espèce et le séneçon commun. Elle avait les
fleurs radiées de l'une, petites à la vérité, et légèrement teintes
de pourpre, et la tige de l'autre : comme elle était annuelle ,
et ne produisait point de semence, cette variété passa avec la
saison. Les deux genres de l'aster et de la verge d'or fournis-
sent une grande quantité de fleurs qui embellissent l'automne,
et durent jusqu'à l'époque des fortes gelées. Ces deux plantes
s'accordent en ce qu'elles ont un calice imbriqué , un duvet
simple ,• et un réceptacle nu ; mais les écailles inférieures du
calice de l'aster sont développées , et ont l'air déchiré , au lieu
que dans la verge d'or elles sont serrées. On observe aussi que
toutes les espèces de l'aster ont plus de dix demi - fleurons au
l'ayon ; mais les espèces de la verge d'or en ont environ cinq à
six éloignées. Quelques-uns des asters sont de la nature des ar-
brisseaux ; mais la plupart sont de grandes plantes herbacées ,
qui languissent et tombent aux approches de l'hiver, et re-
naissent encore de la même racine , au retour du printemps.
On confond plusieurs de ces plantes sous le nom de margue-
rites de la Saint-Michel. L'aniellus *, ou herbe étoilée d'Italie, de
couleur pourpre , est une des espèces les plus petites , mais
« Herbe de Saint-Jacques. Elle a reçu ce uom parce qu'on la trouve abondam-
meut en Galice, dans les environs de Saint-Jacques de Conipostelle.
ï Aster œil-de-Clirist.
SUR LA BOTANIQUE. 399
ijiii a de grandes fleurs pourpre , qui croissent en bouquet
MU- des pédicules nus , avec les écailles du calice obtuses ;
les feuilles sont en forme de lance , obtuses , rudes , entières
sur les bords , et marquées en - dessous de trois nervures.
La plus grande partie des asters de l'Amérique, qui sont perpé-
tuels , ont des pédicules écaillés; quelques-uns ont les feuilles
entières, et d'autres les ont dentelées , ce qui donne lieu à une
division commode de ce genre. Il y a cependant un petit nom-
bre d'espèces, qui ont des feuilles dentelées, et des pédicules
nus et unis. Le grand aster fleurissant, ou l'aster de Catesby' ,
est un des plus beaux, les fleurs étant grandes, et d'un pourpre
foncé ; le calice est déchiré ; les pédicules sont écaillés et ne
supportent qu'une fleur, les feuilles sont tout-à-fait entières en
forn»; de langue , et embrassent la tige. L'aster chinois est une
plante annuelle, avec des feuilles ovales, anguleuses, dente-
lées sur les bords, et pétiolées ; les fleurs terminent les bran-
ches , et ont des calices développés et garnis de feuilles. La
variété des couleurs et la grandeur de la corolle ont rendu la
culture de cette espèce générale. Lorsqu'elles se trouvent dou -
blés , cela ne vous portera pas à prendre une fleur double ra-
diée pour une fleur naturelle ligulée , à laquelle elle ressemble
beaucoup , lorsqu'on l'observe sans attention. Les marais sa-
lants des côtes maritimes de l'Europe fournissent une espèce
nommée aster de mer. Celui - ci a des feuilles en forme de
lance, entières, charnues et unies; les branches sont inégales et
les fleurs en bouquet.
Quant aux verges d'or, nous n'en avons qu'une espèce en
Europe % à moins que nous ne fassions une distinction de la
verge d'or de la province de Galles, qui ne paraît être qu'une
variété. La tige va un peu en seipentant , et les fleurs croissent
en grappes di'oites et paniculées. La variété galloise a les
feuifles un peu blanches en-dessous, et des pointes arrondies
en grappes au sommet de la tige, avec des fleurs plus grandes,
qui paraissent de meilleure heure que l'espèce commune; dans
' Reine marguerite.
2 Nous avous en France, outre le solidago vulgarù , trois espèces de ee
genre, communes dans les provinces méritliouales ; la verge d'or visqueuse, .fo-
lidago 'viscosa ; la verge d'or odorante, soUiagn grai'eoleiix , et la verge d'or
naine, solidago minuta ?
400 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
les terrains élevés et secs, quelquefois une tige de cette plante
ne produira qu'une fleur. L'Amérique septentrionale a fourni
plusieurs espèces dont les grappes de fleurs dorées se mêlent
agréablement aux grappes pourpre des asters; et ainsi elles
animent , en s'unissant , les plantations d'arbrisseaux dans l'ar-
rière saison.
L'année, ou énule campane, a les caractères suivants : un
réceptacle nu, un simple duvet, et les anthères terminées à la
base par deux soies : cette structure des anthères est unique.
Le cylindre est composé de cinq plus petites anthères linéaires,
qui sont toutes terminées par deux soies de la longueur des fi-
lets. La véritable énule campane est distinguée par ses grandes
feuilles , qui embrassent la tige; elles sont ovales, ridées, et gar-
nies de duvet en-dessous ; la forme des écailles du calice est
ovale ; les tiges sont de trois pieds de hauteur, et se partagent ,
vers le sommet , en plusieurs branches plus petites , dont cha-
cune est terminée par une grande fleur jaune. La conise
moyenne ^ et la petite ^ sont de ce genre ; la première est com-
mune dans les prairies humides, et a des feuilles oblongues qui
embrassent la tige, creusées près du pétiole ; la tige est gar-
nie de poils, et terminée par des fleurs jaunes en panicules, et
les écailles du calice sont garnies de soies. La seconde a aussi
des feuilles qui embrassent la tige, mais qui sont ondoyantes;
les tiges sont couchées, les fleurs subglobuleuses, et qu'on re-
connaît aisément par le rayon , qui est très-court. Cette plante
croît sur les bords des chemins , et dans les endroits où l'eau
croupit en hiver.
, Le doronic, ou poison de léopard-*, plante sauvage des
Alpes , aujourd'hui commune parmi les plantes permanentes de
nos jardins, a les écailles du calice en deux rangées égales , et
plus longues que le disque ; les semences du rayon sont nues
ou privées de duvet; celles du disque sont couronnées d'un
simple duvet; le réceptacle est nu. L'espèce commune'* a des
feuilles en forme de cœur, légèrement dentelées sur le bord,
• Enule des près , ou dysseutérique.
^ Emile pulicaire.
3 II l'est aussi pour tous les quadrupèdes , suivant le rapport des horanistds
auciens.
4 Doronic cordiforme.
SUR LA BOTANIQUE. 4oi
et obtuses au bout ; celles de la racine sont pétiolées ; celles qui
sont au-dessus embrassent la tige. Les tiges sont cannelées et
velues, de près de trois pieds de hauteur. Elles poussent un
petit nombre de branches latérales, dont chacune est terminée
par une grande fleur javme. Une seconde espèce ' a des feuilles
ovales aiguës, légèrement dentelées , et des branches alternes.
Une troisième^ a une tige nue, simple, qui est terminée par
une fleur , et ces espèces forment tout le genre.
Le tagetcs a un calice tubuleux, à une feuille et à cinq dents,
et cinq fleurons permanents au rayon. Les semences sont cou-
ronnées par cinq barbes droites , et le réceptacle est nu. Le
souci français et le souci africain , deux plantes annuelles fort
apparentes, qu'on cultive dans les jardins, sont de ce genre.
La première de ces plantes est distinguée par une tige subdi-
visée, qui s'étend sur le terrain ; la seconde a une tige droite,
simple , avec des pédicules nus , qui n'ont qu'une fleur. L'une
et l'autre , comme vous savez , ont plusieurs variétés pour
la couleur, depuis le soufre pâle jusqu'à l'orange foncé. Plus
elles s'éloignent d'être doubles, plus votre jardinier s'applaudit
de son habileté ou de sa bonne fortune.
Le chrysanthémum, ainsi nommé à cause de ses fleurs de
couleur d'or , est connu par son calice hémisphérique , imbri-
qué, formé d'écaillés serrées, dont les intérieures sont graduel-
lement plus larges, et les plus intérieures membraneuses; il
n'y a point de duvet sur les semences: elles sont seulement
bordées, et le réceptacle est nu. Quelques-unes des espèces sont
nommées improprement chrysanthèmes , ayant des rayons
blancs aux fleurs; nous en avons un exemple dans la grande
marguerite, plante commune parmi les herbes des prés, et
qui a des feuilles oblongues qui embrassent la tige , découpées
en forme de scie au-dessus, et en forme de dents au-dessous.
La marguerite dorée ^, qui est une herbe qu'on trouve parmi
les blés , dans les terres sablonneuses , a des rayons jaunes , et
des feuilles qui embrassent la tige, découpées comme celles de
ia précédente. Elles sont unies, et d'une couleur verdâtre.
' Doronlcplantagiu*'.
» Doronic pâquerette.
^ Clirysantlième des blé<i,
R. VII. y.6
402 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
Pour que vous n'attachiez pas plus d'importance à la couleui-
qu'elle n'en mérite réellement, je vous ferai souvenir que l'es-
pèce qu'on cultive ordinairement dans les partetTes sous le
nom de chry^santhemum crcticum, a tout ensemble des rayons
jaunes et blancs. Ces fleurs sont estimées en proportion qu'elles
s'écartent de la nature ; mais on peut toujours connaître la
plante par les feuilles pinnées et balafrées, qui sont plus larges
à l'extrémité.
Les trois genres de la matricaire, la cotula et l'anthemis,
sont très-voisins l'un de l'autre. La première de ces plantes a
un calice imbriqué, hémisphérique, avec les écailles du bord
solides, et approchant de la forme pointue ; les semences n'ont
point de duvet, et le réceptacle est nu. La seconde a un calice
convexe, les fleurons du disque quadrifides. Ceux du rayon
ont seulement un germe avec son style et ses stigmates , sans
aucune corolle; il n'y a point de duvet, mais la semence est
bordée, et le réceptacle est nu, ou à peu près. La ti'oisième a
un calice hémisphérique, avec les écailles presque égales; il y
a plus de cinq demi-fleurons au rayon, point de duvet , et un
réceptacle avec de la barbe. Il y a , dans chacun de ces genres,
des plantes connues vulgairement sous le nom d'herbes de mai
ou de camomilles. La plante qu'on nomme matricaire odorante
est aussi une espèce de matricaire ; les feuilles sont composées
et aplaties; les lobes ou divisions sont ovales et balafrés, et les
pédicules branchus. Elle croît sur les terrains élevés, a une
odeur forte et désagréable ; les feuilles sont d'un vert jau-
nâtre, et les rayons de la fleur sont blancs : lorsqu'on la cultive
dans les jardins, elle a en général des fleurs doubles. La ca~
momille commune ou véritable ' est un anthémis. Elle a des
feuilles pinnées, composées, les divisionsjlinéaires, aiguës, et un
peu garnies de poils. Cette plante couvre quelquefois une éten-
due de terrain considérable dans les communes sèches et sa-
blonneuses, se prolongeant beaucoup et jetant des racines par
les tiges ; son agréable odeur la trahit , lorsqu'on la foule aux
pieds; celle qu'on trouve communément dans les jardins a
perdu ses caractères par la culture.
L'achillée ou mille- feuille a un calice oblong, ovale et imbri-
' Camomille odorante.
I
SUR LA BOTANIQUE. 40-^
que; elle a depuis cinq jusqu'à dix demi-fleurons au rayon,
point de duvet , et un réceptacle garni de barbes. La mille-
feuilie commune sauvage a des feuilles nues, bipinnées, dont
les divisions sont linéaires et dentelées ; les tiges sont sillonnées
au-dessus. C'est une plante commune dans les pâturages , et
particulièrement aux bords des chemins; car il semble qu'elle
se plaît à être foulée, et dans ces endroits elle se répand avec
abondance. La couleur ordinaire de la fleur est le blanc, mais
quelquefois elle est d'un beau pourpre. Les autres espèces
éti'angères sont jaunes.
Les quatre ordres de cette classe, qui restent à décrire,
étant beaucoup moins nombreux que les deux que nous avons
déjà examinés , ils ne donnent pas également lieu aux subdivi-
sions, et en conséquence Linnée n'en a point fait. Le troisième
ordre de la polygamie inutile ne compiend pas plus de sept
genres , parmi lesquels j'en choisirai deux , Xhelianthus et la
centaurée. La première de ces plantes a un calice imbriqué,
qui a l'air déchiré , à cause que les sommets des écailles sont
séparés. Les semences portent une couronne qui a deux feuilles
ou deux barbes; le ix'ceptacle est plat et garni des barbes.
Chaque espèce de ce genre vient de l'Amérique seulement, et,
lors de la découverte du Nouveau-Monde , on citait quelques-
unes de ces plantes comme des merveilles delà nature; mais
elles sont aujourd'hui si communes qu'on n'en fait presque au-
cun cas. La fleur du soleil annuelle doit être regardée comme
une fleur de la plus grande beauté. Si elle est moins estimée
qu'autrefois, cela vient de la facilité qu'on a trouvée à la mul-
tiplier. Les caractères spécifiques sont des feuilles en forme
de cœur , marquées de trois nervures principales. Les pédicules
s'épaississent immédiatement sous le calice, et les fleurs sont
penchées. Il n'y a point de fleur qui, à raison de sa grandeur ,
puisse être plus propre que celle-ci à vous donner une idée
d'une fleur composée, et des fleui'ons et demi-fleurons qui
entrent dans sa composition. Seulement vous devez vous sou-
venir qu'il ne faut pas vous attendre à trouver des semences
dans les fleurons du rayon , d'autant que c'est le caractère de
cet ordre. Cette plante tire son nom de la forme de ses fleurs ,
et non pas de la faculté de se tourner vers le soleil. Il n'y a or-
26.
4o4 LETTRES liLEMENT A IRES
dinairement qu'une fleur sur une tige ; mais j'en ai obsen-é
quatre sur la même tige , dans mon jardin , et ces quatre fleurs
étaient tournées vers les quatre points cardinaux. La fleur du
soleil permanente est encore plus commune que la précédente,
parce qu'elle s'étend beaucoup plus par la racine, et qu'elle n'a pas
besoin qu'on donne une grande attention à sa culture. Les feuilles
inférieures de celle-ci sont en forme de cœur et à trois nervures ;
mais les supérieures sont ovales. Les fleurs , quoique beaucoup
plus petites que celles de la pi'écédentc, sont cependant les plus
grandes et les plus belles des espèces permanentes, et la même
plante en produit une grande abondance. Il faut que vous ne
vous laissiez pas égarer par les doubles fleurs. Les espèces per-
manentes produisent rarement des semences dans notre climat,
au lieu que l'annuelle, qui ne peut se propager d'une autre
manière, en a abondamment. L'artichaut de Jérusalem ' est
aussi une espèce d'hélianthus. Les feuilles sont ovales et en
forme de cœur, ou semblables à la forme d'un œuf; seulement
elles sont creusées à la base; elles sont aussi marquées de trois
nervures principales. Cette plante très-souvent ne produit pas
même de fleur ; et ce n'est pas par rapport aux fleurs qu'on la
cultive , mais pour ses racines tubéreuses et noueuses , qui
ressemblent, pour la forme, à une patate, mais, pour le
goût , à un artichaut. Il y en a une espèce qui porte le nom tri-
vial de géant, ou gigantesque; l'artichaut de Jérusalem mérite
qu'on le nomme ainsi, car j'en ai mesuré des tiges de douze
pieds de hauteur.
La centaurée est un genre très-nombreux de ce troisième
ordre , lequel genre ne contient pas moins de soixante-six es-
pèces. Les corolles du rayon sont en forme d'entonnoir, ou
tubuleuses, plus longues que celles du disque, et irrégulières ;
le duvet est simple, et le réceptacle a des soies entre les fleu-
rons. Ce genre, qui sans cela serait fort embarrassant, se
subdivise en six sections, par les vai'iaîions du calice, qui,
comme vous l'observerez , ne font pas partie du caractère gé-
nérique.
A la première section appartient le sultan odoriférant, qui
a un calice arrondi^ avec des écailles ovales , et des feuilles en
I Le soleil topinambour.
SUR LA BOTANIQUE. 4^^
foi aie de lyre, dentelées sur le bord. C'est une plante annuelle,
avec des fleurs pourpre, dont le parfum a tant de violence,
qu'il est nuisible à plusieurs personnes; ces fleurs naissent sé-
parées sur de longs pédicules nus, et varient souvent depuis
la couleur de chair jusqu'au blanc. Il y a un sultan odoriférant
jaune, qui diffère non-seulement par la couleur des fleurs, et
par une odeur plus douce, mais aussi en ce qu'il a les bords
des feuilles dentelés , cependant il n'est pas bien sûr que ce
soit une espèce distincte de la précédent*-. La grande centaurée
appartient aussi à cette section; les écailles du calice sont
ovales; les feuilles sont pinnées, et les lobes, ou divisions,
dentelés et décurrents. La plante est grande et élevée, et les
Heurs sont de couleur pourpre.
Dans la seconde subdivision, nous avons trois plantes, qui
sont ordinairement sauvages, et une auti-e qui est un peu
moins commune dans les jardins. La jacée noire se trouve dans
presque tous les pâturages, et fournit un exemple, entre plu-
sieurs autres, de la négligence avec laquelle on laisse croître,
dans les prairies, des plantes qui ne sont d'aucun usage; les
écailles sont ovales, avec des cils ou franges droites et capil-
laires. Les feuilles sont en forme de lyre et anguleuses, et les
fleurs à fleurons. La jacée scabieuse a des feuilles pinnatifides,
avec les lobes lancéolés. Cette plante croît dans les champs de
blé, et sur les endroits où la charrue n'a point passé. Les fleurs
de l'une et de l'autre sont rouges ; mais celles de la dernière
sont beaucoup plus grandes et plus agréables. Le bluet, oii
barbeau, la troisième plante sauvage de cette section, est une
plante qui est généralement connue, et qu'on trouve en abon-
dance dans les champs de blé. La beUe couleur bleue de ses
fleurs l'aurait mise en grande estime si elle eût été rare. EUe
a des feuiUes linéaires, qui, sur la tige, sont tout-à-fait entières ;
vers la terre, elles sont plus larges, dentelées sur les bords,
et quelquefois pinnées. La jacée ailée , qui , des montagnes de
la Suisse a passé dans nos jardins, est fort voisine de celui-ci ,
mais ses fleurs sont beaucoup plus grandes; les feuilles sont
pareillement en forme de lance, etdécurrentes, et la tige est tout-
à-fait simple , au lieu que l'espèce sauvage a la tige branchue. Le
cardiius benedictus , pu chardon bénit, est un exemple des
4o6 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
plantes de la quatrième section; il a des calices à doubles épines,
garnis de laines, fournis d'une enveloppe; les feuilles sont à
demi jdécurrentes, dentelées, et garnies de piquants; c'est une
petite plante annuelle, avec des fleurs jaunes. Nous avons une
espèce sauvage appartenant à cette section. Le chardon étoile,
qui croît sur les bords des chemins et dans les pâturages secs,
mais non pas partout, a des fleurs sessiles, avec des calices à
doubles épines; les feuilles sont pinnatifides, linéaires et dente-
telées; la tige est garnie de poils et fort branchue; les épines
du calice sont blanches , et les fleurs rouges. Vous n'aurez pas
occasion, selon toutes les apparences, de voir aucune des
plantes des autres sections. A la vérité , la rudesse et la gros-
sièreté de leurs feuilles qui les fait, ressembler aux chardons ,
est cause que leurs nombreuses espèces sont peu cultivées. Le
souci du jardin potager vous fournira un exemple familier du
quatrième ordre, la polygamie nécessaire. On connaît ce genre
par un calice de plusieurs feuilles égales, par les semences qni
n'ont point de dilvet, et celles du disque, qui sont membra-
neuses; enfin par le réceptacle , qui est nu. L'espèce commune
ou officinale est distinguée en ce qu'elle a toutes les semences
en forme de bateau, courbées en-dedans, et muricées.
Dans l'ordre séparé , outre le calice et le périanthe commun
à toute la fleur , il y en a un secondaire , qui renferme plusieurs
fleurons, ou quelquefois un seul. Cela forme un caractère des
genres. L'échinops n'a qu'une fleur à chaque calice partiel ;
outre cela les fleurons sont tubuleux et complets; les semences
ont un duvet obscur, et le réceptacle est garni de soies. La
boulette multiflore, ou chardon en globe, est ainsi nommée à
cause de ses fleurs, qui croissent en tètes globuleuses; les
feuilles sont sinueuses et pubescentes; les dentelures se ter-
minent par des épines; les fleurs sont bleues, et quelquefois
blanches.
Nous avons maintenant achevé de décrire la famille des fleurs
composées; mais il nous reste encore à parler d'un ordre de la
classesyngénésie , dans lequel les fleurs sont totalement diffé-
rentes, excepté qu'elles s'accordent dans le caractère commun ,
qui est d'avoir les cinq anthères unies; elles sont simples,
comme les fleurs des autres classes , ou seulement elles ont une
SUR LA BOTANIQUE. 4^7
corolle renfermée dans le calice, sans aucun périanthe commun.
Le violier vous fournira beaucoup d'exemples connus de cet
ordre. Toutes les espèces , qui sont au nombre de vingt-huit,
s'accordent en ce qu'elles ont un calice à cinq feuilles , une co-
rolle irrégulière à cinq pétales , qui se prolonge en corne ou
éperon par derrière , et une capsule à une cellule , avec trois
valvules, placée sur le réceptacle, ou enfermée dans le calice.
La violette odorante, qui parfume les bords des ruisseaux , les
haies et les prairies , dans le printemps , par l'odeur de ses
fleurs pourpre, est une de celles qui n'ont point de tige , ex-
cepté celle qui supporte la fleur, et les rejetons par lesquels
elle se propage ; les feuilles sont en forme de cœur. Les co-
rolles sont quelquefois blanches, et les jardins en ont une
grande espèce double. Cette plante est du petit nombre des
plantes sauvages , dont le mérite leur a fait trouver place dans
les terrains cultivés. L'espèce plus tardive , qui n'a point d'o-
deur, est appelée communément violette de chien '. C'est une
des espèces qui ont une tige ; les feuilles sont en forme de
pœur , mais elles se terminent en pointe au bout; la corolle est
plus pâle que celle de la violette odoriférante : comme elle a
des feuilles qui procèdent d'une tige , on ne peut la confondre
avec l'autre, dans laquelle les feuilles partent de la racine,
quand même on ne ferait pas attention à l'odeur. La pensée^,
cette fleur universellement chérie pour son aimable simplicité,
appartient à cette classe de plantes qui ont des stipules pinnati-
fides , et un stigmate urcéolé , ou en forme de cruche. Elle a
aussi une tige répandue, à trois angles, et des feuilles oblon-
gues , balafrées. Tels sont les caractères de cette plante qu'un
enfant connaît aussitôt qu'il peut se promener dans un jardin.
Mais il n'est cependant pas inutile d'en faire mention , parce
qu'elle peut au moins servir à vous expliquer plusieurs termes ,
et vous aider dans l'examen des plantes qui ne vous sont pas
I Violette sauvage.
ï Cette plante est connue dans les provinces sous plusieurs noms , qui font tous
allusion à l'Amour.
«Je remarquai l'endroit où tomba la flèche de l'Amour; elle tomba sur une
«petite fleur de l'occident. Elle était plus blanche que le lait; mais aujourd'hui
<• elle est pourpre, ayant pris la couleur du sang de l'Amour. Les jeiiucs filles la
•< nomment l'Amour dans la paresse. »
4o8 LETTRES ELEMENTAIRES
aussi bien connues. Quand nous comparons la pensée, petite et
presque sans couleur, telle qu'elle vient naturellement parmi les
blés , avec cette même fleur cultivée dans les jardins des curieux,
dont la corolle alors est grande et d'une riche couleur, nous ne
pouvons qu'admirer le changement considérable que l'art peut
produire dans les ouvrages de la nature. Nous l'examinons
avec d'autant plus de plaisir, que cet embellissement de la
fleur ne se fait pas aux dépens des caractères naturels, et que
vous pouvez en jouir comme botaniste et comme fleuriste.
Cette belle fleur , qu'on nomme balsamine , appartient aussi
à cet ordre. Linnée nomme ce genre impatient, parce que la
capsule, quand elle est mûre, ne se laisse pas toucher, mais
qu'elle se crève aisément, et jette ses semences. Elle a une co-
rolle irrégulière de cinq pétales , comme la violette , lorsque
la culture ne l'a pas rendue double ; le calice est à deux feuilles;
le nectaire est cucullé, ou en forme de capuchon, et la capsule
a cinq valvules. Le véiitable baume, ou, plus proprement, la
balsamine, a les feuilles en forme de lance ; celles de la partie
supérieure de la plante sont alternes; les fleurs sortent au
nombre de trois ou quatre ensemble des jointures de la tige;
il n'y en a qu'une sur chaque pédicule délié, et le nectaire est
plus court que la fleur ; les variétés de la couleur sont le blanc,
le rouge , le pourpre , et le bariolé. Celle qui vient des Indes
orientales a des fleurs plus grandes et plus belles que celle qui
vient de l'Amérique. Elles sont bariolées d'écarlate et de blanc.
Nous en avons une espèce sauvage, appelée balsamine jaune,
ou counue sous le nom familier, ne me touchez pas. Un pé-
dicule long et délié sort des ailes , lequel se subdivise en plu-
sieurs autres, dont chacun porte une fleur jaune; les feuilles
sont ovales , et la tige s'enfle vers les nœuds. C'est une plante
locale , qu'on trouve seulement ou principalement dans West-
moreland et dans York-shire, dans les lieux humides, et à
l'ombre, ou sur les bords des lacs et des rivières '.
Vous avez maintenant une provision d'amusements pour vos
promenades d'automne ; et, comme la saison convenable à l'exa-
men des plantes sera passée avant que je puisse avoir préparé
de nouveaux sujets d'occupation pour vos recherches bota-
I Elle se trouve aussi en France dans les bois et les lieux couverts.
SUR LA BOTANIQUE. 4<^9
niques , je prends congé de vous jusqu'au printemps prochain;
alors, si ma santé me le permet, et si j'ai assez de loisir pour
cela , nous parcourrons le petit nombre de classes qu'il nous
reste à examiner.
LETTRE XVII.
le'inai 1777.
Je renouvelle nos recherches , aussitôt qu'il m'est possible >
ma chère cousine, pour pouvoir être en état de remplir le
plan que nous avons formé , avant que la saison ne 9oit écoulée,
La vingtième classe, que nous avons maintenant à parcou-
rir, est nommée gynandrie, à cause d'une circonstance qui
lui est particulière, qui est que les étamines sont placées sur le
style même. Vous avez remarqué que , dans toutes les classes
que nous avons examinées jusqu'à présent, ces deux parties
sont entièrement indépendantes, de sorte que nous pourrons
en tout temps en ôter une de la fleur, et y laisser l'autre : mais ,
dans la classe gynandrie , cela ne nous est pas possible, les
étamines sortant ordinairement du pistil même ; et , dans quel-
ques plantes de cette classe, elles sont placées sur un réceptacle
alongé, en forme de style, qui porte tout à la fois le pistil et
les étamines. Cette classe a neuf ordres , fondés sur le nombre
des étamines dans les fleurs de chaque ordre. Elle renferme
trente-trois genres, et deux cent soixante-quinze espèces.
Le premier ordre, nommé diandrie, à cause qu'il n'y a que
deux étamines aux fleurs, est parfaitement naturel, c'est-à-dire,
qu'il contient une famille de plantes qui sont regardées uni-
versellement comme très-alliées les unes aux autres, de façon que
lorsqu'on a bien examiné un individu de cette famille, lorsqu'il
5'en présente quelque autre , on le rapporte tout de suite à la
même classe. Véritablement l'alliance entre la plus grande par-
tie de ces plantes est si étroite, que quelques nomenclateurs
ont pris le parti de n'en faire qu'un genre ou une famille pro-
prement dite ; car les genres ne diffèrent presque en rien les
4lO LETTRES ÉLÉMENTAIRES
uns des autres, excepté dans la forme du nectaire. Quelques-
uns des premiers nomenclateurs avaient établi les genres sur
les l'acines, qui sont certainement la partie la moins convenable
à cet objet, d'autant que vous ne pouvez examiner le carac-
tère sans détruire la plante. Mais ce qui les avait engagés à
cela , c'est la forme singulière des racines dans les plantes de
cette famille. Dans quelques espèces c'est une couple de bulbes
solides, dans d'autres, c'est une rangée de corps oblongs et
charnus, allant en pointe aux extrémités, et s'étendant comme
des doigts , ce qui leur a fait donner le nom de racines palmées.
Après ces détails préliminaires sur cette famille , il est temps
de vous faire connaître les individus qui la composent. Le plus
grand nombre de ces plantes est nommé orcliis. Je suis persuadé
que vous n'ignorez pas entièrement la signification de ce mot.
Prenez une des fleurs , de quelque espèce que vous puissiez
trouver; s'il n'y a pas encore d'espèce en fleurs, vous n'aurez
pas long-temps à attendre; vous trouverez un germe oblong,
entortillé, placé au-dessous de la fleur, lequel n'a point de ca-
lice propiement dit , mais seulement une gaîne. La corolle est
faite de cinq pétales; les deux pétales intérieurs se joignent or-
dinairement pour former une arche , ou un casque , sur le som-
met de la fleur ; la lèvre inférieure de la corolle forme le nec-
taire, prenant la place du pistil et d'un sixième pétale. Le style
est adhérent au bord intérieur du nectaire , de sorte qu'avec
son stigmate on a peine à le distinguer. Les filets sont fort
courts, et chacun d'eux est terminé par une anthère qui n'a
point de couverture , mais qui a le tissu de la pulpe des oranges
et des citrons. Chacun de ces filets est logé dans une cellule ,
qui s'ouvre vers le bas, et qui est adhérente au bord intérieur
du nectaire , de sorte que si vous n'aviez pas été instruite de
cette particularité, vous auriez été fort embarrassée pour trou-
ver les étamines, à moins qu'elles n'eussent crevé leurs cellules
en votre présence. Le germe, avec le temps, devient une cap-
sule de trois valvules , qui s'ouvre vers les angles , sous les cô-
tés, en forme de carène. Au-dedans, il n'y a qu'une cellule et
un grand nombre de petites semences irrégulières , semblables
à de la sciure, lesquelles sont attachées à un réceptacle linéaire
sur chaque valvule. Je me suis engagé plus particulièrement
SUR LA. BOTANIQUE. 4^ ï
dans la description du caractère de cette famille , parce que les
fleurs ont une apparence extraordinaire, ce qui vient de la
position singulière des parties de la fructification. Il y a une affi-
nité entre cette famille et celle des liliacées, l'une et l'autre
n'ayant qu'un lobe à la semence, des racines succvdentes , des
feuilles entières , et une corolle nue. Elles diffèrent cependant
par le nombre des étamines, la forme de la corolle et du nec-
taire, la situation du germe, le nombre des cellules dans la
capsule , la forme et l'arrangement des semences. Cette famille
porte aussi ses fleurs sur une tige, et a des bractées interposées
entre elles. Les principaux genres de cette famille sont ainsi
distingués :
Nectaire en forme de corne orchis.
— En forme de sac satyrium.
— Légèrement quille ophrys.
— Ovale, gibbeux en -dessous serapias.
— Pédicellé limodorum.
Enflé CYPRIPEDIUM.
— Turbiné, ou en forme de sabot. . . . epidendrum.
— Connate , avec la corolle ringente. . aretusa.
L'orchis est le genre le plus considérable, puisqu'il ne ren-
ferme pas moins de cinquante espèces , dont il y en a onze qui
croissent naturellement en Angleterre'. Le plus grand nombre
a des bulbes doubles ; dans les autres , les racines sont palmées
ou fasciculées.
Parmi celles qui ont des bulbes doubles , on trouve l'orchis
blanc , ou papillon, qui croît dans les bois et dans les pâturages
où il y a beaucoup de buissons. Cette plante a la lèvre du nec-
taire en forme de lance et tout-à-fait entière, la corne fort
longue et les pétales fort étendus. Les fleurs de cet orchis ont
une odeur suave, particulièrement le soir et le matin de bonne
heure. Il n'y a que deux, ou tout au plus trois grandes feuilles;
la tige s'élève d'un pied ou de dix-huit pouces ; la pointe est
longue , mais les fleurs y sont clair-semées. Les bractées sont
grandes et de la longueur du germe ; les fleurs sont d'un blanc
verdâtre; l'éperon est deux fois aussi long que le germe, fort
' On en trouve i6 espèces en France.
4l2 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
délié, et assez transparent pour que vous puissiez discerner le
nectar au travers. Il y a une variété plus petite, mais qui ne
diffère de l'autre que par la grandeur.
L'orchis pyramidal se trouve dans les pâturages où le sol est
crayeux ; c'est un de ceux qui ont les bulbes doubles. La lèvre
supérieure du nectaire a deux cornes et est trifide; les seg-
ments sont presque égaux, celui du milieu étant seulement un
peu plus étroit. Ils sont tous absolument entiers ; la corne ou
éperon est cylindrique, déliée, et plus longue que le germe;
les pétales sont à peu près en forme de lance. C'est une espèce
élégante , ayant six feuilles radicales , ou même davantage ; la
tige a un pied de hauteur, ou dix-huit pouces; la pointe des
fleurs est courte, large, et d'une forme conique; les fleurs y
sont nombreuses ; les bractées sont au moins égales en lon-
gueur aux germes ; elles sont en forme de lance , et se terminent
en pointe ; la corolle est d'un pourpre brillant.
Deux des espèces les plus communes , qui ont des bulbes
doubles, sont nommées d'une manière absurde orchis mâle et
orchis femelle ; mais comme il n'y a point de distinction des
sexes, ces noms-là ne sont faits que pour induire en erreur. Le
premier^ diffère du second en ce qu'il a les pétales extérieurs
plus aigus et plus longs ; le lobe du milieu est bifide, et plus
long que les lobes latéraux ; c'est aussi une plante beaucoup
plus grande avec des feuilles plus larges, ordinairement tache-
tées. Le second ^ a la lèvre du nectaire crénelée, ou légèrement
dentelée sur les bords, trifide, avec le lobe du milieu émarginé,
et les pétales obtus et linéaires. La hauteur de celui-ci excède
rarement sept ou huit pouces ; les feuilles sont de la largeur
d'un demi-pouce ; la pointe est cylindrique , et n'a qu'un pe-
tit nombre de fleurs; les bractées sont colorées, et un peu
plus longues que les germes; les pétales qui forment le casque
sont convergents, et marqués de lignes vertes parallèles ; le mi-
lieu de la lèvre est tacheté , et les côtés sont roulés en arrière ;
la corne est égale au germe , avec le bout émarginé : la couleur
la plus ordinaire de la corolle est pourpre foncé ; mais elle est
aussi quelquefois de couleur rose , et même blanche. Le
« Orchis mâle.
- Oi'chis bouffou
SUR LA BOTAIVIQUE. ^l5
premier s'élève à la hauteur tl'un pied, ou même de dix-huit
pouces ; les feuilles ont un pouce et demi de largeur; la pointe
est jolie, longue, et porte des fleurs clair-semées. Les bractées
ont environ la même longr.enr que les germes ; elles sont pour-
pre, et en forme de lance ; les pétales qui forment le casque
sont lâches et non pas convergents ; ils sont pourpre avec des
lignes de la même couleur; les bords de la lèvre sont plies
en en-bas; la couleur est d'un pourpre pâle, avec des taches
plus foncées sur les mâchoires; l'éperon est droit, épais, aussi
long que le germe, ou plus long, dilaté, et comprimé au bout;
la couleur de la corolle varie jusqu'à être entièrement blanche.
Celui-ci croît dans les prairies, et les racines font un excellent
salep ; le second se plaît dans les pâturages secs et ouvei'ts.
Ainsi vous avez beaucoup de moyens pour distinguer ces deux
espèces d'orchis l'une de l'autre. Les racines sont des marques
suffisantes poiir les distinguer de deux autres espèces qui ne
sont pas moins communes , et que nous allons examiner. En at-
tendant, il faut que voiis sachiez qu'il y en a une espèce pe-
tite , mais jolie , avec des bulbes doubles , que nous ne devons
pas passer. Elle croît principalement sur des éminences dont
le terrain est crayeux; on l'appelle orchis nain'. La lèvre du
nectaire est quadrifide et blanche, pointillée de pourpre; la
corne est obtuse , et les pétales sont distincts. Sa hauteur est
depuis quatre jusqu'à sept pouces ; il y a plusieurs feuilles voi-
sines de la terre ; mais elles sont en petit nombre sur la tige ;
la pointe est courte , et les fleurs sont rangées fort près à près ;
les bractées sont plus courtes que le germe; le casque est pointu
et d'un pourpre foncé à l'extérieur. Au-dedans, les pétales sont
marqués de lignes et de petits points pourpre ; la corne est
im peu recourbée, et n'a pas la moitié de la longueur du
germe.
Il V a deux espèces d'orchis fort communes avec des bulbes
palmées ; ce sont Torchis à larges feuilles , et l'orchis tacheté,
qu'on trouve généralement dans les prairies humides. Le pre-
mier a les racines palmées et droites; la corne du nectaire est
conique; la lèvre a trois lobes, et est repliée sur les cotés. Les
bractées sont grandes et plus longues que les fleurs, de sorte
I Ou orcliis pieté.
4l4 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
que la pointe semble avoir des feuilles. La corne est plus courte
que le germe; elle est recourbée et obtuse ; la couleur de la
corolle est pourpre , variant du rose au blanc. Le second a les
feuilles plus étroites , et une tige solide , au lieu que celle du
premier est creuse ; il s'élève aussi plus haut , et fleurit plus
tard. Les feuilles de l'un et de l'autre sont tachetées de noir;
mais cette circonstance a lieu plus généralement pour le second ;
Les bractées sont plus petites et plus étroites, la corolle est
d'un pourpre plus pâle ; la lèvre du nectaii'e est plus profondé-
ment entaillée ; il y a des entaillures dans les lobes latéraux ;
celui du milieu est fort étroit , tout-à-fait entier, et se terminant
plus en pointe.
Je ne ferai plus mention que d'une espèce d'orchis , et celle-
là encore a des racines palmées. On la trouve dans les pâtu-
rages, mais elle n'est pas aussi commune que les deux dernières.
Vous pouvez l'appeler orchis à long éperon, ou orchis odorifé-
rant, et vous le reconnaîtrez par la grande longueur et la vis-
cosité des éperons; la lèvre est trihde, égale, légèrement en-
taillée et obtuse ; les pétales latéraux se i^épandent en-dehors ;
la tige est gai'uie de feuilles, et s'élève à la hauteur de dix-huit
pouces; les bractées sont très -pointues et de la longueur du
cjerme ; la corolle est pourpre et toute d'une couleur uni-
forme; l'odeur est forte, mais agréable dans quelques circon-
stances.
Le second genre de cette famille naturelle est le satyrium ,
qui, au lieu d'une corne ou éperon, a un nectaire court et enflé
en forme de sac au dos de la fleur. C'est un genre beaucoup
moins nombreux que le précédent , ayant seulement huit es-
pèces connues. Parmi celles-ci j'en choisirai deux, le satyrium
lézard ' et le satyrium grenouille ^ , nommé communément
orchis grenouille. On trouve le premier dans les pâturages
dont le terrain est crayeux , mais il est rare; il l'est devenu en-
core davantage par le soin qu'on a mis à le transplanter dans
les jardins, où il n'est pas ordinaire de le voir durer long-
temps , cette espèce de plante n'aimant point la culture. Il a des
bulbes doubles , mais qui ne sont point séparées , et des feuilles
I Ou satyrion bouquin,
a âatjTion verdâtre.
SUR LA BOTANIQUE. 4^5
en forme de lance; la lèvre du nectaire est trilide, le lobe du
milieu linéaire, oblique, extrêmement long, bouffant comme
un ruban, et ayant l'air d'avoir été rogné au bout. C'est une
plante fort grande, de dix-huit pouces jusqu'à trois pieds de
hauteur ; les feuilles aussi ont demi-pied de longueur , et même
davantage; elles sont larges de trois pouces; la pointe a plu-
sieurs fleurs, et, avec le temps, elle devient fort longue et re-
courbée. Les bractées sont déliées , aiguës, verdâtres, et deux
fois aussi longues que les germes ; la couleur de la corolle est
verdâtre en-dehors et brune en-dedans, avec des lignes et des
taches pourpre. La fleur a une forte odeur de bouc.
L'orchis grenouille est beaucoup plus commun dans les prai-
ries. Les bulbes de celui-ci sont palmées , les feuilles oblongues
et obtuses ; la lèvre du nectaire est trifide, avec le lobe du mi-
lieu usé, ou si petit, qu'on le discerne à peine. C'est une
plante beaucoup plus petite que la précédente, n'ayant pas plus
de sept ou huit pouces de hauteur. Les feuilles radicales sont
larges et ovales ; celles qui sont sur la tige, et qui sont en pe-
tit nombre, ont la forme d'une lance; la pointe a des fleurs
clair - semées ; les bractées sont en forme de lance, et plus
longues que le germe ; le casque est presque fermé , d'un vert
pâle, avec une ligne pourpre, qui divise les pétales; la lèvre
est jaune , et pend en en-bas ; elle est plus large vers le bout;
toute la corolle devient , avec le temps , d'un rouge sombre.
Le troisième genre de la famille des orchis est nommé ophrys ;
il n'y a point de corne ou de sac au dos de la corolle; mais on
observe un pétale plus long que les autres, pendant, et marqué
au-dessous par une éminence longitudinale nommée la quille.
C'est cette partie qui, dans quelques espèces, prend si exactement
la forme d'un insecte, qu'à une certaine distance elle fait illusion.
On trouve fréquemment , dans les bois et dans les pâturages
pleins de buissons , une espèce d'ophrys nommée double lame
commune ' ; on lui a donné cenom, à cause qu'elle a deux feuilles,
tt qu'on ne lui en voit jamais davantage. Elle a des racines fi-
breuses , deux feuilles ovales , et la lèvre du nectaire bifide ; la
tige a dix-huit pouces de hauteur ; elle est un peu velue et
nue, à l'exception de deux grandes feuilles qu'elle a au milieu,
I Orpbrjs double-feuille.
4l6 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
entre la racine et la pointe, qtii a quelquefois six pouces de long,
et porte quarante fleurs clair-semées sur des pédicules courts;
les bractées sont fort petites , larges et pointues ; le germe est
rond, et plus épais que dans aucune autre plante de cette es-
pèce ; la corolle est d'un jaune verdâtre.
Vers la fin de l'été , et au commencement de l'automne ,
on voit fleurir l'ophrys spiral , nommé communément triple
vestige des dames. Vous le trouverez parmi les bruyères et
dans les pâturages secs. La racine est composée de bulbes
obiongues et agrégées , la tige est un peu garnie de feuilles ;
les fleurs sont spirales et toutes d'un côté de la tige; la lèvre du
nectaire n'est point partagée ; elle est légèrement dentelée.
C'est une petite plante rarement au-dessus de cinq ou six
pouces de hauteur; mais, dans im terrain moins sec, elle s'é-
lève à la hauteur d'un pied ; elle a quatre ou cinq feuilles voi-
sines de la terre ; la pointe est longue et déliée , ayant vingt
fleurs blanches au-dedans et jaunâtres en-dehors. Les brac-
tées ne sont pas plates, mais creuses, et plus longues que le
germe; les trois pétales extérieurs de la corolle sont collés
ensemble; la lèvre est arrondie et ciliée; elle a une odeur
agréable.
Mais les espèces les plus intéressantes et les plus admirées
dans ce genre, sont Torchis -mouche et l'orchis -abeille, qui
s'accordent en ce qu'elles ont deux bulbes arrondies, et une tige
gainie de feuilles. Linnée pense que Torchis-mouche et les deux
orchis-abeille ne sont pas spéciliquement différentes ; mais je
ne puis être de son opinion là-dessus. L'ophrys, ou orchis-
mouche, a la lèvre du nectaire quadrifide ; dans Torchis-abeille
commun, elle est composée de cinq lobes, qui sont courbés en
en-bas ; dans Toi'chis-abeille à ailes vertes , nommée mainte-
nant ophrvs- araignée, la lèvre du nectaire est arrondie, en-
tière, rognée et convexe. Outre ces caractères, tirés de la lèvre
du nectaire, Torchis-mouche est une plante plus roide et plus
droite que Torchis - abeille , et n'a pas autant de feuilles ; ses
fleurs sont plus clair-semées; à d'autres égards, elles se res-
semblent beaucoup, mais les corolles sont très - différentes ;
celle de la mouche a les trois pétales extérieurs ovales, en-
tiers , unis , herbacés , et se répandent hors du calice. Les
SUR LA BOTANIQUE. l^\'J
<lt'ux pétales intérieurs sont linéaires , et d'un pourpre obscur ;
la lèvre du nectaire est oblongue , d'un pourpre sombre au-
dessus, et lierbacée en- dessous, avec une tache ou bande bleue
au-dessous des lobes supérieurs. L'orchis abeille a les trois
pétales extérieurs, répandus hors du calice, oblongs, et d'une
couleur de pourpre, marqués de trois nervures vertes; les deux
pétales intérieurs latéraux sont linéaires , garnis de poils, et
verts. La lèvre du nectaire est grande, arrondie, pourpre , et
semblable à du velours; les lobes sont plies, avec une double
tache variée, jaune, unie, et luisante à la base. L'orchis
abeille est une plante plus petite ; la lèvre du nectaire est d'une
couleur moins gaie , sans aucune des taches jaunes qui déco-
rent celle du nectaire de l'orchis abeille ; le casque et les ailes
sont verts ; les trois pétales extérieurs sont oblongs, et se ré-
pandent hors du calice; les pétales intérieurs sont linéaires, et
plus courts; la lèvre du nectaire est grande, arrondie, en-
tière , rognée et convexe ; elle ressemble à du velours ; elle est
d'un pourpre sombre au-dessus, avec une bordure verte, et
une double tache à la base ; au-dessous , elle est herbacée. On
trouve ces trois belles plantes parmi les herbes des champs ,
dans les terrains oii le sol est crayeux. Elles se succèdent l'une
à l'autre depuis le mois d'avril jusqu'au mois d'août. L'arai-
gnée vient la première, en avril et en mai; la mouche vers le
mois de juin; enfin l'abeille vient la dernière de toutes, aux
mois de juillet et d'août.
Je suis entré dans un détail plus particulier en décrivant
cette singulière famille de plantes , parce que , ne souffrant
point la culture , elles ne sont pas exposées à des changements
essentiels , du moins je ne leur coimais d'autre variété que celle
de la couleur. Vous pouvez les aller chercher dans la cam-
pagne, et, de cette manière, unir l'exercice à l'étude, ce qui est
un des principaux avantages de la botanique ; car je ne peux
vous permettre de charger quelqu'un de vous ramasser les
plantes ; vous perdriez ainsi la moitié du plaisir et de l'utilité.
Pourquoi ne goûteriez-vous pas autant de satisfaction à cher-
cher une belle plante, ou à trouver une jolie fleur, que les
hommes en ressentent à chasser un lièvre , ou à tirer une
perdrix? J'ajouterai seulement que, si vous êtes assez heu-
R. VII. 27
4l8 LETTRES ELEMENTA^IRES
reuse pour trouver la pantoufle des dames ', vous aurez un
grand plaisir à observer son nectaire singulier, grand, creux
et enflé, dont la forme a donné lieu de nommer ainsi cette plante.
Haller cependant observe qu'il a plus de ressemblance avec ua
sabot, ce qui rend cette plante indigne de porterie nom dont
elle a été décorée. Sans entrer dans cette importante dis-
pute, je vous ferai observer que la racine est fibreuse, et la
tige d'environ un pied de haut , et garnie de feuilles : les
deux premières feuilles sont petites , et se tiennent presque
collées à la tige ; les autres , qui sont au nombre de quatre , et
vont jusqu'à sept, sont ovales , et en forme de lance. Une ou tout
au plus deux fleurs sortent de la même tige , et il y a quel-
quefois plusieurs tiges qui partent de la même l'acine ; la brac-
tée est fort grande, ainsi que le germe; il n'y a que quatre pé-
tales à la fleur, qui se répandent en-dehors, en formant l'un
avec l'autre des angles presque droits , et souvent ils sont rou-
lés. Leur couleur est pourpre. Des deux pétales extérieurs , il
y en a un placé au-dessous du nectaire, l'autre est pendant à la
partie postérieure; les deux pétalesintérieurs sortent de côté, et
sont plus étroits. La pantoufle ou lèvre du nectaire est jaune, ta-
chetée au-dedans, et marquée longitudinalement par des sillons.
Dans l'ordre nonmié pentandrie, vous trouverez le genre
très-beau et très-nombreux de la plante qu'on nomme fleur de
la passion^. Les fleurs ont trois pistils , un calice à cinq feuilles,
cinq pétales à la corolle, et une couronne radiée pour nec-
taire; le fruit est une baie sur un pédicule. Aucune des es-
pèces de cette plante n'est native d'Europe ; elles viennent de
la Nouvelle-Espagne, du Brésil, ou des îles de l'Amérique, en
sorte qu'eUes ont besoin d'être tenues dans un endroit clos, si
on ne les met pas dans une serre chaude. Il n'y en a qu'une ou
deux qu'on pourra tenir à l'air , dans une exposition favorable
et un peu à l'abri , en veillant sur elles , lorsque le froid est ri-
goureux. Je vais choisir l'espèce qui se présentera à vous plus
facilement , et je laisserai à côté les plus rares. La fleur de la
passion bleue, quoique originaire du Brésil, supporte très-
bien l'air de notre climat , excepté dans les hivers très-froids.
1 Sabot de Vénus.
2 Autrement grenadille.
SUR LA BOTANIQUE. 4^9
Appuyée contre une maison , cette plante peut monter à la
hauteur de quarante pieds. Elle pousse tous les ans des reje-
tons minces, de quinze ou seize pieds de longueur. Les feuilles
sont palmées , composées de cinq lobes unis , entiers et obtus;
celui du milieu est le plus long, celui du dehors est le plus court,
et souvent il est partagé ; elles sont pétiolées ; les pétioles ont
deux glandes, et à leur base il y a un stipule en forme de crois-
sant, avec une longue agrafe , par laquelle les jeunes rejetons
se soutiennent. La fleur sort à la même jointure que la feuille;
elle est portée sur un pédicule qui a près de trois pouces de
longueur. Autour du centre il y a deux couronnes radiées, dont
celle qui est intérieure incline vers la colonne centrale ; celle
qui est extérieure ou plus longue se répand tout à plat sur les
pétales. Elle est composée d'un nombre infini de filets, de cou-
leur pourpre à leur base , au fond , et bleus à l'extérieur. Au
sommet de la colonne centrale il y a un germe ovale ; de la
base du germe sorti-nt horizontalement cinq étamines en forme
d'alêne ; ces étamines sont terminées par des anthères oblon-
gues , larges et pendantes , qui sont fort mobiles. De la partie
latérale du germe s'élèvent trois styles déliés, de couleur tirant
sur le pourpre, divergents, et terminés par des stigmates obtus.
La fleur ne dure qu'un jour; mais elle est remplacée par une
autre, et cela sans interruption, depuis le mois de juillet jus-
qu'à ce que les gelées de l'automne y mettent fin. Le germe s'enfle
et devient un fruit ovale , grand , de la forme et de la couleur
des prunes du Mogol, renfermant une pulpe douçâtre,mais dés-
agréable , dans laquelle sont logées des semences oblongues.
La fleur de la passion , incarnate ou trilobée , vient du
nord de l'Amérique , et quoique ce soit la première espèce
connue parmi nous, elle n'est pas si commune que la bleue;
elle diffère de la précédente , en ce qu'elle a seulement trois
lobes aux feuiUes , qui sont dentelés comme une scie. Les lobes
latéraux sont quelquefois partagés en deux segments étroits ;
les pétales de la corolle sont blancs, avec une double frange
pourpre, une étoile ou une gloire; le fruit est aussi grand
qu'une pomme moyenne; lorsqu'il est mùr, il est d'une cou-
leur orange pâle.
Il y a une espèce de ces plantes qu'on nomme grcnadille , dans
4^0 LETTRES ÉLÉMENT A.IRES
les Indes occidentales, où le fruit sert d'aliment. Elle a des feuilles
oblongues, non divisées, creusées près du pétiole, qui a deux
glandes. Les enveloppes sont tout-à-fait entières , ainsi que les
feuilles qui sont sur le bord; la corolle est grande avec des pé-
tales blancs , et ime gloire bleue. Le fruit est arrondi , ayant
le volume d'une grosse pomme ; il est jaune quand il est mûr.
Une autre espèce appelée limon-d'eau' , qui croît dans les
Indes occidentales , a une odeur acide , agréable , dans la
pulpe du fruit , qui sert à éteindre la soif, et qu'on donne dans
les fièvres. Elle a des feuilles ovales , qui ne sont point divisées,
tout-à-fait entières sur le bord, deux pétioles avec des glandes,
et des enveloppes dentelées. La corolle est blanche , avec des
taches brunes et rouges ; la gloire de la corolle est de couleur vio-
lette. Le fruit est de la forme et du volume d'un œuf de poule;
il devient jaune en mûrissant ; mais puisque ces espèces et
celles qui restent à décrire ne s'offriront pas aisément à vos
regards, je m'abstiendrai d'entrer dans des détails plus éten-
dus sur un genre si remarquable et si beau ; je vais passer à
une plante vulgaire que vous trouverez dans le dernier ordre ,
nommé polyandrie ; et ce sera par cette plante que je termi-
nerai l'examen de cette classe et la présente lettre.
Cette plante est Yarum commun*. De bonne heure , au prin-
temps , elle pousse un spalhe en forme de capuchon, avec une
feuille qui croît sous les haies et parmi les buissons. Si vous
ouvrez ce spathe, vous découvrez un petit spadice nu à la par-
tie supérieure, et, vers le bas, couvert de germes, avec des
anthères au milieu. Cette espèce est distinguée des autres, qui
sont nombreuses, en ce qu'elle n'a point de tige , excepté celle
qui porte les parties de la fi'uctification ; les feuilles sont en
forme de lance, tout-à-fait entières, et le spadice ^ en forme de
massue. Quoiqu'on lui donne l'épithète de tacheté , à cause des
taches noires qui sont sur les feuilles , cependant ce n'est pas
un caractère constant , car souvent elles n'en ont point. A me-
sure que la plante approche de sa maturité , le spathe s'ouvre
et découvre la massue, dont la couleur varie depuis le vert jau-
• Passiflore à feuilles de laurier.
2 Pied de veau commun.
3 Espèce de réceptacle de la fleur, qui naît dans le spathe.
SUR LA BOTANIQU£. ^11
nâtre jusqu'au pourpre et au rouge le plus vif. Ces parties
tombent par degrés et laissent une tête de baies rouges et
rondes, qui , aussi-bien que le reste de la plante , ont un goût
très-piquant. Vous trouverez peut-être quelque difficulté à as-
signer la classe convenable à cette plante , et à quelques autres
qui lui ressemblent beaucoup, à moins que l'apparence étrange
des parties de la fructification ne vous porte à la chercher dans
la classe que nous examinons actuellement. Ces plantes n'ont
pas proprement les étamines placées sur le style, mais elles sont
portées sur un réceptacle alongé en manière de style, et fai-
sant le même office que le pistil dans les autres genres. Linnée
observe qu'il aurait pu et même dû ranger ces plantes sous
d'autres classes; mais il en a été détourné par la difficulté d'as-
signer le nombre des étamines à chaque pistil. Puisqu'il a trouvé
fort difficile de leur assigner une autre place , nous les laisse-
l'ons, vous et moi, ma chère cousine, dans celle où cet illustre
naturaliste les a mises.
LETTRE XVIII.
i5inai 1777.
Nous nous sommes entretenus, jusqu'à présent, ma chère cou-
sine, de ces plantes qui portent seulement des fleurs parfaites et
complètes , excepté dans la classe nommée syngénésie, où nous
avons trouvé des fleurons imparfaits et même neutres, parmi les
fleurons parfaits. Maintenant que nous allons examiner la vingt-
unième et la vingt-deuxième classe, je vous préviens que vous n'y
trouverez jamais aucune fleur complète ou parfaite ; au contraire,
lorsqu'elles ont des étamines, il n'y a point de pistil, et quand il
V a un pistil, les étamines manquent. C'est le caractère commun
de ces deux classes; la seule différence qui existe entre elles,
c'est que, dans la classe nommée monoecie, les fleurs à éta-
mines et les fleurs à pistil sont placées sur la môme plante , au
lieu que, dans la classe nommée dioecie, elles sont toujours sur
des individus séparés et de la même espèce. Il n'est pas fort
nécessaire d'ajouter que, dans l'une et dans l'autre de ces
422 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
classes, les fleurs qui produisent les Otainines tombent sans
être remplacées par la semence ou par le fruit , et que les au-
tres fleurs qui ont le yerme sont fécondes.
La classe monoccie, qui est la vingt-unième dans le système,
a onze ordres qui prennent leurs titres et leurs caractères des
classes précédentes. Cette classe renferme quatre-vingts genres
et trois cent soixante-dix espèces.
Le troisième ordre , la triandrie, contient plusieurs genres
qui se rapprochent beaucoup des herbes des prés , pour l'ap-
parence, les feuilles et la placentation, c'est-à-dire, en ce qu'elles
ont un simple lobe à la semence. Elles diffèrent cependant en ce
que le tuyau n'est pas creux , mais rempli d'une substance
spongieuse, et en ce qu'elles n'ont point de corolle.
Depuis que Haller pense qu'il y a une connexion natvu'elle
entre Varum, par lequel j'ai terminé ma lettre précédente, et le
typha^ , ou queue-de-chat, commençons notre examen par cette
plante. Ayant trois étamines , elle appartient en conséquence
à l'ordre nommé triandrie : comme en même temps elle res-
semble aux herbes des champs , elle se range dans la fa-
mille naturelle des calamariœ , dont on vient de faire men-
tion. Les fleurs des deux côtés sont portées sur un spalhe
cylindrique ; les fleurs à étamines entourent le bout de la
tige; les fleurs à pistil croissent au-dessous des autres, et
sont fort près l'une de l'autre. Toutes ces fleurs n'ont point de
corolle. Les pi'emières ont un calice obscur, à trois feuilles;
dans les secondes , le calice est formé d'un tissu de poils ; celles-
ci ont une semence placée sur un duvet capillaire; tels sont les
caractères génériques. La queuc-de-chat à larges feuilles * est
connue par ses feuilles en forme d'épée, et en ce que les deux
spathes s'approchent l'un de l'autre. C'est une grande plante ,
ayant environ six pieds de hauteur, avec des feuilles de trois
pieds de longueur et davantage, mais qui n'ont pas un pouce
de largeur; on la trouve communément dans l'eau, sur les
bords des l'ivières, mais principalement dans les fossés, les
étangs et les marais. Il y en auneespèce plus petite ^qui n'est pas
1 En français massète.
2 Massète à feuilles larges.
3 Massète à feuilles étroites.
SUR LA BOTANIQUE. ^l'i
>i toinimine; elle a des feuilles demi- cylindriques, et les deux
spathes éloignés l'un de l'autre. La tige de celle-ci n'a pas plus
de trois pieds de hauteur, et les feuilles sont beaucoup plus
étroites , plus roides, et embrassent davantage la tige.
Le sparganiu/n , ou bardane à roseau , approche beaucoup
du typha, mais les fleurs de chaque espèce sont rassemblées
dans une tête ; celles qui ont les étamines en-dessus , et celles
qui ont les pistils en-dessous, sont sur la même tige. Ni les unes
ni les autres n'ont point de corolle; elles ont toutes un catice
à trois feuilles ; les fleurs .\ pistil ont un stigmate bifide, et sont
remplacées par un drupe ' simple , sans^jus, qui renferme une
semence. Le rubanier redressé se trouve communément dans
les mêmes endroits que le typha. Peu de plantes montrent plus
manifestement le caractère de la classe monœcia. La tige est
droite, et d'environ trois pieds de hauteur; les feuilles sont
droites et à trois côtés. Le côté supérieur est plat; la tige en
général est branchue.
Le maïs, nommé autrement blé d'Inde ou blé de Turquie,
est de la même famille. Les fleurs à étamines sont portées sur
des épis lâches; leur calice est une balle^sans barbe à deux
fleurs; la corolle n'a point de barbe aussi. Les autres fleurs , qui
ont seulement un pistil, sont en épis fort serrés, au-dessous
des précédentes, et sont enfermées par des feuilles. La balle du
calice et de la corolle est à deux valvules; le style est comme
un fil, très-long, et pendant; chaque fleur est suivie d'une se-
mence; le réceptacle est oblong , et creusé de façon que les se-
mences y sont à demi plongées, formant un épi fort épais. Lç
maïs de l'Amérique a une tige de dix ou douze pieds de hau-
teur, des feuilles longues et larges, et des épis qui ont depuis
neuf pouces jusqu'à un pied de longueur, formés de grains do-
rés. Celui qu'on cultive en Italie, Espagne et Portugal, a des
tiges plus déliées , qui n'ont pas plus de six ou sept pieds de
hauteur; les feuilles sont plus étroites, les épis plus courts et
plus déliés, avec des grains blancs. Le maïs de l'Amérique sep-
tentrionale, qui est le même qu'on cultive en Allemagne, ne
s'élève pas à plus de quatre pieds de hauteur. Les feuilles sont
' Espèce de fruit à uoyau.
^ Petite peau ou mcmbraue.
424 LETTRES ^bÉMENTAIRES
encore plus courtes et plus étroites ; les épis n'ont pas plus de
quatre ou cinq pouces de long, avec des grains jaunes et blancs
mêlés. Cependant la couleur de ces grains varie , et ces trois
distinctions ne sont que des variétés produites par le sol et par
le climat.
Le caret ' forme un genre très-nombreux du même ordre et
de la même famille naturelle. Les fleurs des deux espèces sont
portées sur une chaton, et chaque fleur a un calice à une
feuille , mais n'a point de corolle. Les fleurs à pistil , qui sont
généralement portées par des chatons distincts , placés au-des-
sous des autres, ont un nectaire enflé, à trois dents, trois stig-
mates , et une semence à trois côtés, renfermée dans le nectaire.
Quelques espèces en petit nombre ont seulement un épi. Plu-
sieurs ont un plus grand nombre d'épis , avec des fleurs de
chaque espèce à chaque épi; mais la plupart ont les fleurs à
étamines, et les fleurs à pistil sur des épis séparés. Ces plantes
croissent principalement dans des marais, des fondrières,
des fossés, des bois humides, et sur le bord des l'uisseau.x et
des rivières. Ce sont les herbes et le fourrage des pays maréca-
geux, et des terrains bas et couverts d'eau.
Dans cette classe, monoecia, ainsi que dans la suivante,
vous trouverez plusieurs arbjes. Dans l'ordre tétrandrie, sont
le bouleau, l'aune, le buis, le mùiier; dans celui de la polyan-
drie, on trouve le chêne, le liège , l'yeuse, le noyer, le hickery
ou noyer blanc, le châtaignier, le héire, le noisetier, le pla-
tane. Enfin , dans celui de la monadelphie, sont toutes les
espèces de pin et de sapin, cèdre, mélèse, arbre de vie et
cyprès.
L'aune est du même genre que le bouleau ; leur caractère
commun est que les fleurs des deux espèces croissent sur des
chatons, chacune séparée de l'autre. Le calice n'a qu'une feuille,
et il est à trois pointes. Chaque calice de la fleur à étamines ren-
ferme trois fleurs, qui ont des corolles divisées en quatre. Dans
les fleurs à pistil, il y a seulement deux fleurs à chaque calice,
sans aucune corolle ; ces fleurs sont suivies par des semences
ailées , avec une membrane de chaque côté , au lieu que les
autres tombent de l'arbre , sans laisser aucune marque après
I Genre qui se rapprorlie (tes maiiiinûcs , des scirpcs , des soiieliets et des joms
SUR LA BOTANIQUE, ija^
elles. En examinant ces fleurs et celles de la classe suivante, je
dois vous informer, une fois pour toutes, que, comme plusieurs
de ces fleurs sont tiès-près l'une de l'autre, sur le même chaton,
il faut que vous les sépariez avec soin, pour éviter la confusion.
Il faut aussi que vous les cherchiez de bonne heure, dans le
printemps, puisque plusieurs des arbres des forêts fleuris-
sent avant que les boutons à feuiUes se développent. Le bouleau
blanc a les feuilles ovales, alongées en pointe très - étroite ,
et dentelées autour des bords. Linnée distingue l'aune ' par
ses pédicules branchas. Les semences sont portées sur un cône
arrondi , plutôt que sur un chaton ; les feuilles sont arrondies et
dentelées, ou entaillées, d'une manière obtuse, autour du bord ;
elles sont d'un vert sombre , avec des nervures fort proémi-
nentes au-dessous, et de petites substances spongieuses, dans
les endroits où elles se partagent. L'écorce de l'aune est noire,
au lieu que celle du bouleau est blanche.
Dans le buis, les deux espèces de fleurs sortent ensemble en
grappes des ailes des feuilles ou branches , et sont collées à la
tige. Les fleurs à étaniines ont im calice à trois feuilles , avec
deux pétales à la corolle, et le rudiment d'un germe ; les fleurs
à pistil ont un calice à quatre feuilles, trois pétales à la corolle ,
trois styles, et une capsule à trois cellules, terminée par trois
becs , et ayant deux semences dans chaque cellule. A propre-
ment parler, il n'y a qu'une espèce de buis, qui varie vui peu
pour la forme des feuilles, et beaucoup pour la grandeur.
Le mûrier porte leê fleurs à étamines sur un chaton ; les
autres fleurs sont sur une tète séparée, arrondie, qui devient
ensuite une baie composée, avec une semence dans chaque pro-
tubérance. Les premières ont un calice«divisé en quatre parties.
Dans les fleurs à pistil, il a quatre feuilles, et celles-ci ont deux
styles ; ni les unes ni les autres n'ont de corolle. Le mûrier
blanc, qui est l'espèce qu'on cultive ordinairement en Franc(;
et en Italie pour nourrir des vers à soie , a des feuilles unies en
forme de cœur, taillées obliquement , et un fruit blanc. Le mû-
rier noir a les feuilles rudes, en forme de cœur. Quoiqu'on le
cultive par rapport à son fruit, cependant ou préfère ses feuilles
à celles des autres pour nourrir les vers à soie. On les emploie
' Bouleau Tciffiu-
4'^6 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
à cet usage en Perse , d'où cet arbre a été transplanté dans les
parties méridionales de l'Europe. Le mûrier blanc est natif de
la Chine. Il y en a une autre espèce au Japon' , dont on em-
ploie l'écorce à faire du papier. Celle-ci a des feuilles palmées
et un fruit velu. Le bois de Campèche appartient aussi à ime es-
pèce de mûrier. Celui-ci a des épines axillaires ; les feuilles
sont oblongues, et plus étendues d'un côté que de l'autre; il
croît dans les îles de l'Amérique, mais en plus grande abon-
dance à Campèche. On importe ce bois en Europe pour l'u-
sage de la teinture; mais l'arbre est trop tendre pour supporter
la rigueur de notre climat.
Dans l'ordre nommé polyandrie le chêne se trouve à la tète.
Dans cet arbre , les fleurs à étamines sont suspendues à un
chaton lâche, tandis que celles à pistil sont sessiles et placées
sur un bourgeon. Le calice des premières est le plus générale-
ment quinquifide; le nombre des étamines est depuis cinq jus-
qu'à dix. Dans les fleurs à pistil, le calice n'a qu'une feuille, et
est tout-à-fait entier; il y a un style fendu en cinq parties;
quelquefois il ne l'est qu'en deux, trois, ou quatre. Le fruit,
ou gland, est bien connu ; c'est une noix ovale couverte d'une
coque dure, et plongée par le bas dans le calice.
jN'ous avons en Angleterre deux principales espèces de
chêne, ou plutôt, ce ne sont peut-être que des variétés*. L'une
a les feuilles sur de plus longs pétioles, et les glands sessiles, ou
sur des pédicules fort courts. L'autre n'a pas les feuilles si pro-
fondément sinueuses ; mais elles le sont plus régulièrement, les
sinus étant opposés. A peine ont elles un pétiole ; au contraire,
les glands croissent sur des pédicules fort longs , sont plus
grands , et sortent ensemble en plus petit nombre. Il y a
quelques autres variétés de cet arbi'e majestueux; mais,
comme elles sont moins considérables, elles n'arrêtent pas l'at-
tention des botanistes. Plusieurs espèces différentes des nôtres
se trouvent dans le nord de l'Amérique, et quelques-unes dans
les contrées méridionales de l'Europe.
' Mûrier du Japon.
2 Linnée n'en fait qu'un genre, sous le titre de quercus rolur, chêne roure,
et décrit les espèces conime avant les feuilles tombantes, d'une forme ohlongue,
mais plus large vers la partie supérieure, les sinus aigus et les angles obtus.
SUR LA lîOTAlVIQUE. 4^7
L'yeuse, ou chêne vert, a des feuilles oblongues et ovales,
d'un vert luisant en-dessus, mais blanchâtres en-dessous , por-
tées sur de longs pétioles , et durant toute l'année ; elles varient
beaucoup, quelques-unes étant tout-à-fait entières, longues
et étroites, les autres étant larges , avec les bords dentelés et
garnis de piquants, presque comme celles du houx; les glands
sont de la même forme que ceux du chêne, mais ils sont plus
petits. Le chêne à cochenille a les feuilles ovales , dentelées
sur les boi-ds, et les dentelures sont armées de piquants, comme
dans le houx ; elles sont unies des deux côtés. Cette espèce est
si petite qu'on peut la regarder plutôt comme un arbrisseau
que comme un arbre. Le chêne liégé ' est une espèce d'yeuse»
avec imc écorce crevassée, fougueuse, qui forme la principale
et la plus remarquable différence. Pour l'aspect et pour la
forme des feuilles, il ressemble beaucoup au chêne vert; ce-
pendant les feuilles tombent en mai, avant que celles qui sont
jaunes sortent, de sorte que ces aibres restent nus pendant
quelque temps, ce qui n'arrive pas au chêne vert commun. La
plupart des arbres de cette espèce servent de retraite à des in-
sectes, qui forment diverses noix de galle; mais ici nous nous
écartons de notre district. ]Xous allons y rentrer en faisant l'exa-
men du nover.
Ce genre a les fleurs à examines placées très-près-à-près , et
en grand nombre, sur des chatons oblongs et cvlindriques ,
sous les feuilles inférieures des branches. Elles sont formées par
des écailles qui ont cjiacune une fleur. La corolle est divisée en
six parties , et les étamines sont ordinairement au nombre de
dix-huit, mais elles varient en nombre, depuis douze jusqu'à
vingt-quatre. Les fleurs à pistil sortent près des branches, au-
dessus des autres, à la base d'un pétiole, et généralement en
couples. Elles ont un calice quadrifide, qui couronne le germe,
une corolle divisée en quatre parties, et deux stvles; le fruit
est un di'upe qui renferme une noix avec une écaille sillonnée,
au-dedans de laquelle on trouve une amande partagée en quatre
lobes, sillonnée d'une manière irrégulière. Le nover commun
rst distingué en ce qu'il a les feui lies cofnposantes, ovales, unies ,
quelquefois un peu dentelées, et presque inégales. Il y a plusieurs
I Arbre à Hégc.
^ilS LETTRES ÉLÉMENTAIRES
varictés pour le finit , et plusieurs espèces distinctes, dont une est
nommée le noyer blanc. Toutes les espèces ont des feuilles pinnées,
avec un différent nombre de lobes. La nôtre a depuis cinq jus-
qu'à neuf lobes, et celui qui est impair est le plus fi;rand. Le noyer
blanc a sept lobes en forme de lance , et le lobe impair sessile.
Linnée joint le châtaignier et le hêtre dans un même genre
avec ce caractère; savoir, que les fleurs àétamines, qui sont
portées par des chatons , ont un calice divisé en cinq parties , et
en forme de cloche , et environ douze étamines ; les fleurs à
pistil , qui sont produites par des boutons sur le même arbre,
ont un calice à quatre dents, trois styles, et une capsule à
quatre valvules , qui auparavant était lecjilice, et contient deux
noix. Linnée observe que les fleurs à étamines dans le châtai-
gnier, sont disposées sur un chaton cvlindrique, au lieu que
celles du hêtre sont dans une balle: à la vérité , les chatons dans
le châtaignier sont fort longs , et les nœuds de fleurs en ont près
de dix à chaque, et sont distants l'un de l'autre: il y a de-
puis cinq jusqu'à dix-huit étamines, qui ont des fdets courts.
Les fleurs à pistil sont à la base de celles-ci , et elles sont rem-
placées par deux ou trois fruits très-près l'un de l'autre. Leur
calice a plus ordinairement six segments que quatre; le fruit
varie pour le nombre des amandes et des pistils; mais le nom-
bre le plus ordinaire est six; les amandes sont* convexes d'un
côté et aplaties de l'autre. Les chatons du hêtre sont arrondis
et lâches, avec un petit nombre de fleurs; les étamines sont
au nombre de huit, portées sur de longs filets. Il y a seule-
ment deux fleurs à pistil ensemble, à chacune desquelles suc-
cède une noix arrondie, qui contient trois ou quatre amandes
dures à trois côtés , qu'on appelle communément faînes.
La différence spécifique que Linnée assigne entre le châtai-
gnier et le hêtre, est tirée des feuilles qui, dans le premier,
sont en forme de lance, dentelées, avec les dents terminées en
pointes, et nues ou unies à la surface inférieure; dans le se-
cond, elles sont ovales et obscurément dentelées, ou plutôt si-
nueuses sur le bord.
Dans le charme, les deux espèces de fleui's sont portées par
(des chatons. Les unes et les autres ont un calice formé par
line écaille ciliée ou frangée, et n'ont point de corolle; les
SLiR LA HOTANIQUE. 4-^9
fleurs à étamines en ont depuis huit jusqu'à quatoi"ze ou seize;
les fleurs à pistil ont deux germes , avec doux styles à chaque
germe, et, à la base de chaque écaille du chaton , ou cône, il y
a une semence qui est une noix ovale. Dans le charme com-
mun, les écailles des cônes sont aplaties ; mais, dans le charme
cultivé, elles sont enflées. Telle est la différence spécifique de
ces deux espèces , qui sont les seules connues ; les feuilles sont
ridées, marquées de fortes nervures, d'une forme ovale, et
avec une dentelure très-aiguë sur le bord.
Le noisetier a les fleurs à étamines portées sur un long cha-
ton cylindrique , avec une fleur à chaque écaille qui est tritide;
il y a depuis six jusqu'à dix étamines; généralement elles sont
au nombre de huit. Les fleurs à pistil sont éloignées des autres ;
elles sont sessiles et renfermées dans un bouton ; le calice est à
deux feuilles, et déchiré; chaque fleura deux styles fort longs,
rouges ; mais vous devez observer, qu'il y a plusieurs fleurs au
même bouton, et que par conséquent il faut les séparer pour
les examiner: le fruit, comme vous savez, est une noix ovale ;
pour l'ordinaire , aucune des fleurs n'a de corolle. Le noisetier •
commun et l'avelinier ne sont pas regardés comme spécifique-
ment différents ; l'espèce est caractérisée par les stipules , qui
sont ovales, et se terminent d'une manière obtuse, au lieu que
celles du coudrier, que Linnéc donne pour une espèce distincte ,
sont linéaires , et se terminent en pointe aiguë. Ces végétaux ne
parviennent pas à la hauteur des arbres, et sont de la classe
des ai'brisseaux.
Le dernier arbre de cet ordre, dont je vais vous entretenir,
est le platane ; il a les fleurs des deux espèces portées sur des
chatons globuleux ; les fleurs à étamines ont un petit nombre
d'écaillés fort petites qui leur servent de calice ; la corolle est à
peine apparente , et les anthères entourent le filet. Les fleurs à
pistil ont plusieurs écailles fort petites au calice, et plusieurs
pétales à la corolle ; les styles sont subulés avec des stigmates
recourbés ; les semences sont arrondies , terminées par un style
pointu , et elles ont un duvet simple adhérent à leur base. Les
deux espèces de cet arbre , car il n'y en a pas davantage , sont
bien distinguées par leurs feuiUes, lesquelles, dans le platane
oriental ou asiatique, sont palmées, et, dans le platane occi-
43o LETTRES ÉLJÉMENTAI RES
dental ou de la Virginie, sont lobées. Le premier de ces arbres
fut apporté de bonne heure à Rome , et c'était l'arbre favori
dont les Romains embellissaient leurs maisons de campagne.
Tous ces arbres sont compris dans une famille naturelle , que
Linnée appelle amentacéc, et que Haller, ainsi que plusieurs
autres, nomme julifère; leur caractère est assez indiqué par
leur nom et par ce qui a déjà été dit concernant les caractères
des genres.
Il y a encore une suite d'arbres de la même famille , et de
l'ordre nommé monadelphie ; c'est la famille naturelle des co-
nifères. Dans cette classe , le pin obtient le premier rang. Ses
caractères génériques sont que les fleurs à étamines sont dis-
posées en grappes, ayant chacune un calice à quatre feuilles j
elles n'ont point de corolle , et les étamines , qui sont en grand
nombre, sont terminées par des anthères nues ; les fleurs à pis-
til sont placées sur un cône ; chaque écaille ou calice a deux
fleurs sans aucune corolle ; il y a un pistil et une noix garnie
d'une aile membraneuse.
On peut faire deux divisions de ce genre. Premièrement, les
pins qui ont deux ou un plus grand nombre de feuilles sortant
de la même base, qui leur sert de gaine, et les sapins qui ont
les feuilles tout-à-fait distinctes à la base. Dans la première di-
vision, le pin d'Ecosse' est celui qui est le plus connu. Il a deux
feuiUes dans une gaine; les feuilles primordiales sont solitaires
et unies. Il n'est point du tout particulier à l'Ecosse; on le
trouve dans le Danemarck, la Norwége, la Suisse et plusieurs
autres parties de l'Europe, même en Amérique. 1.6 pineaster,
ou pin sauvage d'Italie, du midi de la France et de la Suisse?
ressemble à celui-ci ; mais les branches sont beaucoup plus dis-
tinctes et plus horizontales. Les feuilles sont plus grandes, plus
épaisses et plus longues ; elles viennent droites , et sont d'un
vert plus sombre; elles se terminent en pointe obtuse. Les cônes
sont longs de sept ou huit pouces. Les feuilles du pin d'Ecosse
sont plus larges , grisâtres et entrelacées ; les cônes sont petits ,
et d'une couleur claire. Le bois de charpente que fournit cette
espèce est aussi préférable ; elle donne le meilleur bois rouge
I Pin sauvage.
SUR LA BOTANIQUK. 43 I
OU jaune de ce genre. Linnée cependant ne paraît pas les
avoir distingués. Le pin à pomme de pin ' a aussi des feuilles
doubles , et les feuilles primordiales solitaires , mais fran-
gées ; elles sont d'une couleur verdàtre; les cônes sont épais,
arrondis, et se terminent en pointe obtuse; les écailles sont
aplaties , et les noix sont si grandes, qu'on ne dédaigne pas de
les casser, pour servir les pignons au dessert , dans les provinces
méridionales de la France. Le pin de Virginie a trois feuilles
qui sortent de la même gaine, et des cônes aussi grands que
ceux du pin à pomme de pin ; mais ils sont plus aigus, avec
des écailles plus lâches, qui s'ouvrent horizontalement, et lais-
sent tomber les semences. Le pin cimbre a cinq feuilles dans
une gaîne ; elles sont unies, d'un vert clair, longues et étroites ;
les cônes ont environ trois pouces de longueur, avec des écailles
serrées et de grandes semences, dont on brise facilement les
enveloppes. Le pin blanc, ou du lord Weymouth, a aussi cinq
feuilles à chaque gaîne; elles sont longues et déliées, mais
raboteuses sur le bord. Cet arbre vient très-droit, et s'élève à
une grande hauteur; l'écorce est fort unie. Dans le nord de l'A-
mérique, on l'appelle pin blanc, et il est excellent pour faire
des mâts. Les feuilles de tous ces arbres sont linéaires et per-
manentes. Linnée nomme cette espèce de feuille acerose.
Linnée renferme le cèdre du Liban et le mélèse dans ce genre.
D'autres les sé[>arent , parce que les feuilles sont fasciculées, c'est-
à-dire, qu'elles sortent en grappes, s'étendant au sommet, comme
une brosse de peintre. Linnée donne cette circonstance comme
la distinction spécifique, ajoutant que, dans le premier, elles
sont aiguës, et dans le second, obtuses au bout; c'est la seule
différence dont il fasse mention. Cependant les feuilles du mé-
lèse sont tombantes, celles du cèdre permanentes, ou toujours
vertes. Le caractère des deux arbres est aussi totalement diffé-
rent. Le dernier répand ses branches horizontalement, jusqu'à
ce que les extrémités pendent en en-bas , affaissées par leur
propre poids, et son sommet est aplati. Les branches du pre-
mier vont en diminuant de grosseur, depuis le bas jusqu'en
haut , et approchent par conséquent de la figure pyramidale.
Dans la classe des sapins proprement dits, l'arbre qui produit
I Pin cultivé.
f\?>1 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
la poix , ou le sapin de Norwégc ' et le pin sapin, sont les arbres
les plus communs. Le premier a les feuilles émarginées , ou en-
taillées au bout; c'est de cet arbre qu'on tire la poix, et nous
appelons son bois sapin blanc. Le pin sapin a les feuilles en
forme d'alêne . pointues et unies, tournées de deux manières
différentes. Le bois de celui-ci ressemble à l'autre, et , quand il
est tailU^ en planches, on lui donne le même nom. Le sapin ar-
genté est ainsi nommé à cause de la blancheur qu'ont les feuilles
en-dessous; elles sont émarginées , et leur forme ressemble
beaucoup à celle des feuilles de l'if. On tire beaucoup de théré-
bentine de cet arbre. Le sapin qui produit le baume, ou sapin
bavmiier , a les feuilles subémarginécs, ou seulement un peu en-
taillées au bout. Elles sont un peu pointillées dans une double
ligne, en-dessous. Il y a plusieurs variétés de ces arbres, parti-
culièrement du pin sapin ; mais leur description nous condui-
rait trop loin.
Je terminerai ce grouppe d'arbres par le funèbre cyprès ,
qui a ses fleurs à étamincs recuillies sur un chaton ovale , avec
des écailles qui n'ont qu'une fleur, et quatre anthères sessiles,
sans filets , à chaque fleur. Les fleurs à pistil sont sur un cône
arrondi, au nombre de huit ou de dix, une à chaque écaille.
Ces fleurs ont plusieurs pointes tronquées, creuses au sommet,
qui sont peut-être les styles. Sous les écailles du cône, il y a
une noix anguleuse. Le cyprès commun a les feuilles imbriquées,
et les branches à feuilles quadrangulaires. Cet arbre prend
naturellement la forme pyramidale ; quand il est grand, il pro-
duit le plus bel effet imaginable , auprès des édifices. Le cyprès
à branches étendues n'est qu'une variété de cet arbre; il s'élève
à une hauteur considérable , et fournit ce bois si fameux pour
sa durée , et qvii n'est jamais attaqué par les insectes. Le cyprès
tombant a les feuilles en deux rangs, et qui s'étendent. Cet
arbre est originaire de l'Amérique , et devient foi^t haut; mais
il est temps de descendre des arbres aux herbes, et de termi-
ner ainsi cette longue lettre.
On trouve les orties piquantes dans l'ordre nommé tétrandrie,
compris dans cette classe; mais ces plantes vulgaires et incom-
' I Sapin commuu.
SUR LA BOTxVNIQUK. 4^-^
modes ne doivent pas fixer votre attention, lorsque vous en
avez un si grand nombre d'intéressantes à examiner.
L'immortelle amarantlie, dont la forme est si belle et la cou-
leur si agréable , s'offre la première à nos regards. Elle appar-
tient à l'ordre nommé pentandrie; et, n'ayant point de corolle,
elle est rangée par quelques auteurs dans la famille naturelle
des fleurs à pétales. La môme grappe porte des fleurs incom-
plètes des deux genres ; chacune de ces fleurs a un calice à
trois ou à cinq feuilles; l'une a trois ou cinq étamincs; l'autre
a trois styles et une capsule à une cellule qui s'ouvre horizon-
talement , et où il n'y a qu'une semence. Les espèces sont nom-
breuses. L'une des plus connues est Tamaranthe panachée,
qu'on cidtive pour la beauté de ses feuilles, qui sont bigarrées
de vert, jaune et rouge; c'est une des espèces qui ont trois
étamines aux fleurs, lesquelles croissent en tètes arrondies,
sont axillaires, et entourent la tige; les feuilles sont larges, et en
forme de lance. L'amaranthe triste n'a que deux couleurs à ses
feuilles, un pourpre obscur et un rouge très-vif. Cette espèce
ressemble à l'autre; mais elle a des feuilles pointues en forme
de lance. La plume du prince, ou passe-velours, a cinq éta-
mines aux fleurs, qui sont en grappes pendantes, longues, dé-
composées et cylindriques, d'une couleur de pourpre vif, et
longues de deux pieds , ou davantage. L'amaranthe arbre res-
semble à celle-ci; mais elle est haute de sept ou huit pieds.
Les grappes sont plus épaisses ; mais elles ne sont pas si longues.
L'amaranthe sanguine a aussi cinq étamines; les grappes sont
composées et droites; celles du côté se répandent beaucoup ;
les feuilles sont ovales et oblongues ; celle-ci a des tiges et des
feuilles de couleur pourpre; les grappes sont courtes, et au
bout de la tige il y en a une grande placée en travers , avec
une au milieu qui est droite ; les fleurs sont d'abord d'un pour-
pre brillant ; mais elles deviennent ensuite plus sombres. Vous
voyez que je soumets à votre examen les plus belles plantes
de ce genre, et votre parterre vous les fournira en abondance.
Dans l'ordre nommé polyandrie je ne vous présenterai que
deux plantes sauvages : la sagittaire et la pimprenelle. La pre-
mière a plusieurs fleurs à étamines, et un petit nombre avec
des pistils immédiatement au-dessous. L'une et l'autre ont im
R. Vit. 28
434 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
calice à trois feuilles, et une corolle de trois pétales. L'une a en
viron vingt-quatre étamines; l'autre a plusieurs germes dans
une tête, lesquels se terminent par des styles fort courts, avec
des stigmates aigus et permanents. On distingue aisémentnotre
sagittaire commune par ses feuilles qui imitent le fer d'une
flèche , et sont pointues : cette plante croît dans l'eau; elle a des
pétales blancs, arrondis , avec des queues de couleur pourpre,
et ressemble très-fort au plantain aquatique.
La pimprenelle a des fleurs incomplètes des deux espèces
sur la même tige; celles qui ont des étamines sont placées au
dessous des autres; elles ont un calice à quatre feuilles, et une
corolle divisée en quatre. Les fleurs à étamines en ont depuis
trente jusqu'à quarante; les fleurs à pistil en ont deux, et une
espèce de baie formée par le tube de la corolle endurci. La
pimprenelle commune ou plus petite et distinguée des autres
espèces en ce qu'elle n'est point armée d'épines , et que les tiges
sont un peu anguleuses. Cette espèce et la grande pimprenelle,
quoique séparées par un grand intervalle dans le système arti-
ficiel, sont évidemment du même genre nature. Le calice de
cette dernière est à deux feuilles ; le nombre des étamines est
seulement de quatre avec un pistil, et toutes ces parties sont ren-
fermées daus la même fleur : c'est aussi une plante beaucoup
plus grande, et les feuilles n'ont pas un si grand nombre de
lobes. Cette plante croît dans les prairies humides; l'autre
vient dans les pâturages secs, et particulièrement dans les ter-
rains abondants en craie.
Le ricin, ou palina Christi , se range dans l'ordre nommé
monadelphie. Les fleurs n'ont point de corofle; il y en a quel-
ques-unes qui sont fournies de plusieurs étamines, et celles-ci
ont un calice divisé en cinq parties ; les autres ont trois styles
bifides, avec une capsule à trois cellules, qui renferme une
semence dans chaque cellule; dans celles-ci le calice est divisé
en trois. Le palma Christi commun a des feuilles échancrées ,
palmées , et dentelées sur le bord , d'une couleur vei'dâtre en-
dessous, et avec des glandes sur les pétioles. En Amérique il y
en a plusieurs autres espèces qui diffèrent de celle-ci et entre
elles, sans que pour cela on les regarde comme des espèces dis-
tinctes. On les nomme agnus castus , ou arbre à huile, et on
SUR LA BOTANIQUE. /|35
tu tire de l'huile pour brûler ; c'est l'huile du ricin commun
dont on so sert en médecine. Cette espèce croît en Sicile, dans
les Indes, l'Afrique, où elle est bisannuelle, et se cultive fa-
cilement dans nos jardins , mais devient annuelle.
L'ordre syngénesie de cette classe l'enferme une suite de
plantes qui appartiennent évidemment à la famille naturelle,
nommée cucurbitacée, ou plantes à citrouille. Elles s'accordent
toutes en ce qu'elles ont un calice à une feuille partagé en cinq
segments, une corolle supérieure, monopétale, divisée aussi
ordinairement en cinq parties , trois lilets, un style en général
trifide , et vm fruit à pépins.
Le concombre sauvage se fait lemaîquer principalement pai-
la manièie dont son fruit, qui est élastique, se crève avec
éclat: dans l'espèce commune, ce fruit est velu; les tiges de
cette plante n'ont point de tendrons. La pi'opriété qu'a cette
plante de jeter ses semences avec le jus , lui a fait donner le
nom de concombre à seringue.
La citrouille a les semences du fruit avec un bord enflé. La
calebasse, ou gourde, a les feuilles légèrement anguleuses,
garnies de duvet, avec deux glandes en-dessous à la base; les
fleurs sont blanches, portées sur de longs pédicules, et recour-
bées vers le bord. Le fruit est crochu, jaune qitand il est mûr,
et l'écoree est dure et ligneuse, de sorte qu'elle peut contenir
un liquide; c'est ce qui lui a fait donner le nom de citiouille à
bouteille, autrement bouteille de pèlerin.
La citrouille commmune appartient à ce genre, et a des
feuilles lobées, avec des fruits unis, qui croissent jusqu'à la
grosseur d'un picotin.
Le bonnet d'électeur , qui est aussi une autre espèce, a pa-
reillement des feuilles lobées, des tiges droites, et le fruit
aplati et noueux.
Le potiron à verrue a de même les feuilles lobées , et des
fruits noueux , couverts de verrues. Ces espèces diffèrent beau-
coup pour la forme et le volume du fruit.
Mais les plus connus et les plus cultivés d'entre ces fruits
sont le melon et le confcombre, qui appartiennent à un autre
£;enre nommé cucumis , ayant les semences du fruit très-poin-
tues. Le melon a les angles des feuilles arrondis , et le fruit
28.
436 LETTRES liLÉMENTAIRES
couvert de petites élévations. Il varie beaucoup , comme vobs
savez , pour la forme du fruit. Le concombre ' a les angles des
feuilles aigus , et les fruits oblongs et ral>oteus. Toutes ces
plantes ont de grandes fleurs , dont les parties sont fort dis-
tinctes , et propres à vous donner une juste idée de cette classe,
par laquelle je termine ma lettre, en vous disant adieu, ma
chère cousine.
LETTRE XIX.
I 'juin 1777-
La vingt-deuxièmeclasse ne diffère de la précédente que par
la disposition des fleurs incomplètes sur les divers individus de
la même espèce. C'est là son caractère essentiel , et c'est ce qui
a donné occasion de la nommer dioecie. Comme vous connais-
sez bien le sens de ce mot, qui vous a été expliqué ci-devant ,
je passerai, sans autre préliminaire, à l'examen des plantes qui
s'offriront le plus souvent à vos regards ^.
Tel est le saule , qui appartient au second ordre, la diandrie.
Les fleurs à élamines et à pistil sont soutenues par des chatons,
et se trouvent sur des arbres différents, de sorte que vous au-
rez une double peine à examiner les fleurs de cette classe; car
quand vous en aurez trouvé une espèce, vous serez obligée de
chercher l'autre , et vous la rencontrerez peut-être avec diffi-
culté; mais, dans une étude aussi agréable que l'est celle de la
botanique, vous ne plaindrez pas la peine que vous vous don-
nei'cz pour cela, ayant déjà éprouvé des embarras plus pénibles.
Les fleurs du saule n'ont point de corolle, et leur calice n'est
rien autre chose que les écailles du chaton. Il y a une petite
clande remplie de miel au centre de chaque fleur à étamines.
Vous connaîtrez aisément les autres chatons , par le germe
ovale qui est à chaque petite fleur , lequel va en diminuant par
degrés, pour se terminer par une couple de styles, qu'on a
peine à distinguer du germe autrement que par les deux stig-
I (Concombre ordinaire.
3 11 y a dans cette classe ciuquante-cinq genres et deux cent dix-neuf espèces.
SUR LA BOTANIQUE, 4^7
liiatcs droits et bifides , par lesquels ces deux styles sont termi-
nés. Ce germe devient une capsule à une cellule et à deux val-
vules, contenant plusieurs petites semences, couronnées par
un duvet rude et simple. Il y a des anomalies dans ce genre ;
car une espèce a trois étamines , et une autre cinq ; une troi-
sième a des fleurs complètes. Parmi plus de trente espèces , je
choisirai le saule blanc, qui est un arbre si commun dans les
terrains hmnides. Vous le connaîtrez par ses feuilles pointues
et en forme de lance ; elles sont dentelées sur les bords , pubes-
centes ou garnies de poils sur les deux surfaces; elles ont les
dentelures inférieures foiunies de glandes ; les feuilles sont
fort blanches en-dessous ; les chatons sont courts et épais. Cet
arbre devient très-grand, quand on ne l'élague pas jx>ur l'ar-
rondir en tète. On en cultive communément plusieurs espèces
dans les plantations d'osier; mais comme on les tient toujours
très-peu élevées , pour avoir des branches longues et flexibles ,
vous aurez peu d'occasion d'examiner les parties de la fruc-
tification; mais une espèce qu'on cultive pour sa beauté,
laquelle u'exige pas qu'on dénature sa forme, pourra vous don-
ner tous les moyens de l'observer à loisir; c'est le saule plieu-
reiu", que l'on connaît à la première vue par ses branches
longues , pendantes et déliées. Ses feuilles sont vmies, éti'oites
et linéaires, approchant de la forme d'une lance. Le saule osier
a des feuilles ovales, ridées à la surface, qui est garnie de poils
en-dessus, et d'un duvet en-dessous, et légèrement entaillées ou
ondoyantes sur les bords. Il y a plusieurs variétés de cette es-
pèce vulgaire.
Le gui appartient à l'ordre nommé tétrandrie. Vous connais-
sez très-bien sa qualité de plante parasite, qui la fait aisément
distinguer par tout le monde; cependant cette qualité ne fait
pas partie de son caractère. Le genre est déterminé par un ca-
lice divisé en quatre parties, et une anthère qui croît à cha-
cune de ces parties , sans filet , dans les fleurs qui portent les
étamines. Il y a un calice à quatre feuilles, placé sur le germe ;
oo ne trouve point de style ; on remarque une baie qui ren-
ferme une semence en forme de cœur dans les fleurs à pistil ; ni
les unes ni les autres n'ont de corolle. Le gui commun, ou blanc ,
est distingué des autres plantes de cette espèce par des feuilles
438 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
en forme de lance, qui se terminent d'une manière obtuse,
une tige divisée en deux , et des pointes de fleurs axillaires.
Dans l'ordre suivant nommé pentandrie, on trouve l'épinard ,
le chanvre et le houblon. Le premier a un calice divisé en
cinq parties dans les fleurs à étamines , et un calice partagé en
quatre dans les fleurs à pistil. Celles-ci ont des styles fendus
aussi en quatre parties, et une semence dans le calice qui est
endurci. Linnée distingue l'épinard qu'on cultive dans les jar-
dins ' de l'épinard de Sibérie , par les semences qui sont sessiies
dans le premier, et avec des pédicules dans le second. Dans
l'espèce potagère on trouve plusieurs variétés ; il y en a deux
remarquables , qui peut-être forment des espèces distinctes : l'une
a les feuilles sagittées et des semences piquantes; l'autre a des
feuilles approchant de la forme ovale avec des semences unies.
Le chanvre a un calice divisé en cinq parties dans les fleurs
qui portent des étamines ; mais dans les fleurs à pistil le calice
n'a qu'une feuille; il est entier et entr'ouvert par le côté. Celles-
ci ont deux styles, et la semence est une noix bivalve dans le
calice qui est fermé. Il n'y a qu'une espèce de chanvre qui soit
connue; ainsi, jusqu'à ce qu'on découvre les autres, il n'est
pas nécessaire d'établir des distinctions spécifiques'.
Le houblon a un calice à cinq feuilles dans les fleurs à éta-
mines; dans les autres il n'a qu'une feuille; il s'étend oblique-
ment et il est entier. Celles-ci ont deux styles et une semence
dans un calice qui a des feuilles ; plusieurs de ces fleurs sont
réunies ensemble pour former ce qu'on nomme le houblon.
Dans les trois derniers genres les fleurs n'ont point de corolle.
he ta/nus , ou brionnée noire, appartient à l'ordre nommé
hexandrie. Les fleurs de cette plante ont un calice divisé en
six parties, et n'ont point de corolle; les fleurs à pistil ont un
style à trois pointes et une baie à trois cellules au-dessous do
la fleur, laquelle baie contient deux semences. Notre espèce com-
mune ^ a des feuilles en forme de cœur qui ne sont pas divisées
Les peupliers appartiennent à l'ordre nommé octandrie. Ici
i Épiaards potagers.
*Le peuple doune mal-à-propos le uom de chanvre mâle aux pieds qui portent
les semences , et celui de chanvre femelle à ceux qui sont stériles , et qui ne
portent que des fleurs à étamines.
5 Le sceau de Notre-Dame.
SUR LA BOTANIQUE. 4^9
îes fleurs des deux espèces sont portées sur des chatons sem-
blables qui consistent en écailles déchirées sur le bord , qui ont
chacune une fleur sans aucun pétale , avec un nectaire formé
comme ce jouet d'enfant qu'on nomme sabot , terminé oblique-
ment en-dessus par une bordure ovale. Les fleurs à pistil ont
un stigmate quadrifide, et sont remplacées par une capsule à
deux cellules , qui contient plusieurs semences garnies de du-
vet. Le peuplier blanc a des feuilles arrondies, dentelées sur les
bords, et garnies de duvet en-dessous. Le grand peuplier blanc
est une variété de cette espèce, qui a des feuilles plus grandes^
plus divisées, et d'un vert plus sombre. Le tremble, ou peu-
plier tremblant, a les feuilles semblables à celles du précédent,
mais unies sur les deux surfaces; ces feuilles , étant placées sur
de longs pétioles aplatis au bout , tremblent au moindre soufle.
Le peuplier noir a les feuilles rhomboïdes, pointues, et dente-
lées ; elles sont unies sur les deux surfaces , d'un vert léger'; les
chatons sont plus courts que ceux des deux précédents. Le
peuplier baumier a de fort grandes feuilles en forme de cœur,
dentelées sur les bords d'une manière obtuse , et les rejetons
formant des angles. Le tacamahaca est une espèce de peuplier
avec des feuilles oblongues et ovales , dentelées sur les bords,
blanches en-dessous > avec un duvet à peine visible, et les veines
formant un bel ouvrage de filet. Les stipules sont très-rési-
neuses.
Dans l'ordre nommé ennéandrie , il y a une plante qu'on
trouve fréquemment sous les haies et dans les bois ; c'est la
mercuriale. Les fleurs ont un calice divisé en trois parties, et
sont privées de corolle. Dans quelques-unes, il y a neuf ou
douze étamines, avec des anthères doubles, globuleuses; dans
d'autres , sur une plante distincte on observe deux styles, et une
capsule à deux cellules, qui renferme une semence dans chaque
cellule. L'espèce dont on parle ici est distinguée des autres
par sa tige fort simple et sans branches , et ses feuilles qui sont
rudes.
Dans l'ordre nommé monadelphie, vous trouverez un genre
d'arbres sous la dénomination de genévrier, qui renferme non-
seulement le genévrier proprement dit, qui est plutôt un ar-
brisseau qu'un arbre, mais encore lesavinier et les cèdres d'Ame-
44o LKTTRES ÉLÉMENTAIRES
riquc, ou odoriférants, etc. Les fleurs à étainines, dans ce genre,
sont portées sur un chaton dont les écailles forment le calice
de chaque fleur, qui n'ont point de corolle, mais seulement
trois étamines. Les fleurs à pistil ont un petit calice permanent
divisé en trois parties, et le germe en-dessous de la fleur; elles
ont une corolle de trois pétales , trois styles , et une baie à trois
'semences , avec trois tubercules sur la partie inférieure du ca-
lice, qui est inégal, et trois petites dents au sommet, formées
par ce qui reste des pétales. Le genévrier commun a trois
feuifles étendues , pointues , sortant ensemble , et qui sont plus
longues que la baie. Le savinier ' a des feuilles opposées ,
droites, déourrentes,avec les oppositions qui courent l'une sur
l'autre le long des branches; elles sont courtes et aiguës. Cet
arbrisseau répand des branches fort horizontalement, s'élevant
très-peu. Il y a plusieurs espèces de cèdres originaires de l'A-
mérique, le cèdre des Bermudes, et celui qu'on importe pour
enchâsser le plomb noir qui sert à faire des crayons. On l'em-
ployait autrefois pour la boiserie des appartements, et au-
jourd'hui il sert à la construction des vaisseaux dans les Indes-
occidentales , à cause de la propriété qu'il a de n'être pas at-
taqué par les vers. La distinction spécifique se fait par les
feuilles; les infériem-es sont pliées en trois, et les supérieures
en deux*; elles sont décurrentes, subulées, et tendues et ai-
guës. Dans les plantations, on trouve aussi le cèdre rouge de
Virginie , celui de la Caroline et celui des Barbades. Il y en a
d'autres qui sont originaires des parties méridionales de l'Eu-
rope ^.
L'if, cet arbre funeste , appartient au même ordre. Les fleurs
n'ont point de corolle, ni, à proprement parler, de calice, à
moins que nous ne prenions pour calice le bouton qui a trois
ou quatre feuilles. Sur quelques arbres de cette espèce, on
trouve plusieurs étamines terminées par des anthères fendues
en huit parties; sur d'autres, on observe un germe pointu,
ovale , qui se termine en im stigmate obtus , sans aucun style j
e germe devient une espèce de baie, ou plutôt de réceptacle
1 Genévrier saLine.
2 Miller dit en quatre , et qu'elles sont imbriquée».
3 Genévrier faux cèdre.
SUR LA BOTANIQUE. 44 ^
l'cmpli de suc qui renferme une semence dont le sommet est
nu. Ces fleurs sortent toutes des ailes des feuilles , qui sont li-
néaires, terminées en pointe aiguë,. et sont l'angées en un
double rang voisin l'un de l'autre, et fort serré le long de la
côte du milieu : la baie est rouge et d'une douceur fade. Ce
n'est point un poison, quoique les feuilles le soient très-certai-
nement.
Je terminerai l'examen des plantes de cette classe, et ma
lettre, par la desciiption du genre singulier nommé ruscus , ou
petit houx. Dans ce genre, les fleurs ont un calice i\ six feuilles,
sans corolle, et un nectaire ovale , enflé, troué au sommet dans
le centre de la fleur. Les fleurs à étamines n'ont point de filets,
mais seulement trois anthères placées sur le sommet du nec-
taire, et unies à la base, d'où l'on voit que ce genre appartient
à l'ordre nommé syngénésie. Les fleurs à pistil ont un style et
un germe caché dans le nectaire, qui devient une baie globu-
leuse à trois cellules, contenant deux semences globuleuses.
L'espèce commune, que nous appelons petit houx ou buis pi-
quant, porte ses fleurs au milieu des feuilles , à leur surface su-
périeure. Ces feuilles ressemblent, pour la forme et pour la
grandeur, à celles du myrthe ; mais elles sont plus roides ; et se
terminent en pointes aiguës ; les baies sont rouges, et presque
aussi grandes que des cerises. Dans une autre espèce', les
fleurs sortent de la surface inférieure d<'S feuilles ; dans une
troisième , elles sortent aussi en-dessous , mais elles sont défen-
dues par une petite feuille ; au lieu que dans l'autre espèce
elles sont nues. Une quatrième espèce a des fleurs placées sur
le bord des feuilles. Le laurier d'Alexandrie, qui est une espèce
de ruscus, a ses fleurs en longues grappes au bout des bran-
ches; les fleurs de cette espèce sont complètes, et par consé-
quent la plante ne doit pas se trouver dans cette classe ; mais
comme naturellement il est évident qu'elle appartient à ce
genre , Linnée l'a laissée dans sa propre famille , aimant mieux
violer les lois de son système arbitraire que celles de la nature.
Les tiges de cette espèce sont déliées et pliantes ; les feuilles
sont arrondies à la base , et se terminent en pointe aiguë ; elles
sont unies, et d'un vert fort luisant. Les fleurs sont d'une cou-
' Laurier alexandrin à feuilles étroites.
4^2 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
leur jaune herbacée; il leur succède des baies semblables à
celles de notre petit houx , mais plus petites. C'est en vous lais-
sant au milieu de cette famille de plantes toujours vertes, que
je prends congé de vous , ma chère cousine , jusqu'à ma lettre
prochaine.'
LETTRS: XX.
i4 juin 1777.
Il y a quelques personnes , ma chère cousine , qui pensent
que la vingt -troisième classe, nommée polygamie, aurait pu
être omise, et que les plantes qu'elle renferme' auraient fort
bien pu être rangées dans les autres classes, suivant le nombre,
la situation, la proportion, etc., des étamines. Mais prenons
les choses telles que nous les trouvons, sans nous informer trop
scrupulusement de quelques points qui, après tout, ne sont pas
d'une bien grande importance. L'essence de cette classe consiste
àavoir desfleiu's complètes accompagnées d'une on de dtmx es-
pèces incomplètes, soit sur la même plante, soit sur différents
individus. Cette dernière circonstance fournit le caractère des
trois ordres.
Le premier ordre de cette classe ayant les fleurs complè-
tes, et les incomplètes toujours sur la même plante, en a reçu
le nom de monoecia. Vous vous souvenez peut - être qu'il a
été dit que quelques-unes des herbes des prés appartiennent
à cet ordre On y trouve aussi l'arbre -plantain et le banana,
la vale/itia , ou croisette , que vous pourront fournir en abon-
dance les haies et les endroits où croissent les buissons. Il
vous paraîtra évident que ces plantes appartiennent à une fa-
mille naturelle qui s'est offerte à vous ci- devant. Il y a or-
dinairement une tleui- complète dans ce genre, accompagnée
de chaque côté d'une fleur à étamines incomplète ; la première
a la corolle divisée en quatre parties, quatre étamines, un
style bifide, et une semence. Les autres ont la corolle partagée
î Treutc-quatre genres , deux cent vingt-quatre espèces.
SUR LA BOTANIQUE. 443
en trois dans quelques espèces, et en quatre dans d'autres;
trois étamines dans quelques-unes, quatre dans les autres, et un
pistil obscur. Aucune de ces fleurs n'a de calice. Assez souvent
ces plantes produisent seulement des fleurs incomplètes , et
par conséquent n'ont point de semence, ce que je pense qu'il
faut attribuer au nombre de rejetons qu'elles poussent par les
lacines. Notre espèce sauvage' est une de celles qui ont les
fleurs incomplètes partagées en quatre , et elle a deux feuilles
à chaque pédicule, qui supporte environ huit fleurs, lesquelles
ont des corolles jaunes. Il y a quatre feuilles à chaque grouppe
de fleurs , et ces feuilles, ainsi que toute la plante , sont cou-
vertes de duvet.
La pariétaire a deux fleurs complètes, avec une fleur à
pistil entre les deux , dans une enveloppe à six feuilles; elles
ont un calice fendu en quatre , sans corolle , avec un style et
une semence. Les fleurs complètes se font distinguer en ce
qu'elles ont quatre étamines ; les autres n'en ont point. Notre
espèce commune^ a de grandes feuilles en forme de lance,
des pédicules fourchus, et des calices à deux feuilles. Les fleurs
à pistil sont quadrangulaires et pyramidales.
L'arroche aune telle affinité avec le chenopodium , ou patte-
d'oie , que , comme Linnée l'observe , si l'arroche avait seule-
ment des fleurs complètes, ce serait une patte d'oie ; et si cette
dernière plante avait des fleurs à pistil , ce serait une arroche.
La plupart de ces plantes viennent sur des fumiers , ou sur les
bords de la mer.
L'érable est un arbre qui vous fournira le moyen d'examiner
à loisir le caractère de cette classe. Les fleurs sortent en grap-
pes; les inférieures sont complètes, et celles qui sont vers le
bout sont à étamines; elles ont un calice partagé en cinq par-
ties , une corolle de cinq pétales. Les fleurs complètes ont en
outre un pistil et deux ou trois capsules jointes à la base , apla-
ties, et terminées chacune par une grande aile membraneuse,
et renfermant une semence. L'érable de montagne, appelé
communément sycomore, a des feuilles à cinq lobes, inégale-
ment dentelées, et des fleurs en grappes très grosses. L'érable
« Valence croisetfe , ou crossette velue.
' Pariétaire officinale.
444 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
commun a des feuilles lobées, obtuses, et rognées sur les bords.
Elles sont généralementdivisées jusqu'à la moitié en trois lobes;
les lobes latéraux sont obtusément semi-bilides; celui du milieu
est semi-triûde; les feuilles supérieures sont partagées en cinq
lobes ; les grappes de fleurs sont plus petites. Cet arbre croît
principalement le long des haies.
La fameuse tnimosa, ou sensitive, appartient à ce pre-
mier ordre de la classe polygamie. Les fleurs ont un calice
à cinq dents, une corolle fendue en cinq parties, et cinq
étamines , ou môme davantage ; les fleurs complètes ont aussi
un pistil et un légume pour vaisseau à semence. Ce genre est
foit nombreux ; mais toutes les espèces ne sont pas douées de
la faculté sensitive. Celle qui est la plus commune dans les îles
de l'Amérique , et dans nos serres , a les tiges armées d'épines
courtes et recourbées, des feuilles pinnées, composées de quatre
ou cinq couples de lobes , dont la base se joint vers le point
où ils sont insérés dans le pétiole , et s'étendant vers le haut ,
comme les doigts de la main; les fleurs sortent des ailes , portées
sur de couits pédicules , en petites têtes globuleuses ; les co-
rolles sont jaunes ; elles sont remplacées par des cosses courtes,
aplaties et jointes , avec deux ou trois semences .orbiculaires ,
boi'dées et aplaties , renfermées dans chacune des cosses. Quel-
ques espèces se remuent plus promptement que les autres;
quelques-unes laissent tomber seulement les lobes des feuilles,
et d'autres abaissent aussi les pétioles de toute la feuille. Le
véritable acacia d'Égyj">te, et plusieurs autres acacias, ayant
les mômes caractères , sont renfermés dans ce genre ; ces plantes
sont trop délicates pour pousser beaucoup de fleurs dans nos
climats.
L'acacia à trois épines appartient à un autre genre , et vrai-
ment est d'un ordre différent, la dioecie; car il a les fleui-s à
étamines portées sur un chaton long, compacte et cylindrique,
avec quelques fleurs complètes au bout ; les fleurs à pistil sont
sur une plante séparée, portées sur des chatons lâches. Les
fleurs complètes ont un calice quadrifide , une corolle à quatre
pétales , six étamines , un pistil et un légume. Les fleurs à éta-
mines ont un calice ;\ trois feuilles , une corolle de trois pétales
et six étamines; les fleurs ù pistil ont un calice à cinq feuilles,
SUR LA BOTANIQUE. 44^
une corolle à cinq pétales, un pistil et un légume. L'espèce
commune est distinguée de l'autre par ses grandes épines , qui
on ont généralement deux plus petites, qui sortent du côté. Les
fleurs sont axillaires , et sortent souvent en grappes , vers les
nœuds de la tige ; les feuilles sont pinuécs , et ont dix couples
de petits lobes. En Amérique, pays natal de cet arbre, on le
nomme honey locusl ( caroube à miel ).
Le frêne appartient aussi à ce second ordre; quelques arbres
de cette espèce ont des fleurs complètes , et d'autres des fleurs
à pistil , chacune de ces fleurs étant souvent accompagnée par
les autres. Elles ont un calice divisé en quatre parties , ou n'en
ont point du tout; elles n'ont point de corolle, ou bien la corolle
est composée de quatre pétales, avec un pistil. Les fleurs com-
plètes ont aussi deux étamines , et une semence en forme de
lance. Le frêne très-élevé a des feuilles pinnées, avec cinq couples
de lobes, qui sont légèrement dentelées sur les bords. Les fleur.s
n'ont ni calice, ni corolle, et sortent en grappes lâches des
côtés des branches. Le petit frêne ornier a les lobes de la feuille
dentelés; les fleurs sont fournies d'un calice et d'une corolle;
elles sortent en grandes grappes lâches aux bouts des branches.
Le frêne d'Amérique, ou delà Caroline, a les lobes tout-à-fait
entiers, et les pétioles ronds.
Dans le troisième ordre, la trioecie, nous trouvons le figuier,
qui, quoiqu'il porte des fleurs qui sont visibles, cependant en
a de cachées dans le fruit, ce qui nous conduit naturellement
à la classe nommée polygamie. Ce que nous appelons le fruit
du ûguier, Linnée le nomme le réceptacle, ou le calice commun
des fleurs; il le décrit comme étant de la forme d'un sabot, qui
sert de jouet aux enfants , charnu , convergent , terminé, vers
le large bout, par plusieurs écailles, et ayant l'intérieur couvert
de petites fleurs complètes et incomplètes, quelquefois dans le
même fruit, et quelquefois sur des arbres différents; les fleurs
à étamines ont un cahce divisé en trois parties, un pistil, et
une semence arrondie et aplatie ; ni les imes ni les autres n'ont
de corolle. Notre liguier commun est distingué par ses feuilles
palmées ; les divers fruits de ces arbres sont des variétés qui
proviennent de la même semence. L'histoire et la culture de
cet arbre singulier , telles que vous les trouverez détaillées dans
44^ LETTRES ÉLÉMENTAIRES
les onvrat^es des naturalistes , et les récits des voyageurs , se-
ront pour vous une récréation trés-agi'éable, qui contribuera à
égayer la monotonie de nos recherches botaniques.
LETTRE XXI.
21 juin 1777.
Ayant maintenant parcouru toutes les classes des fleurs vi-
sibles , nous devrions, suivant les règles, examiner, à cette
heure, la dernière classe du système où les fleurs ne sont pas
visibles ; mais, comme depuis long-temps nous avons tenu une
ligne droite dans nos recherches, nous nous en écarterons au-
jourd'hui , pour observer les divers aspects sous lesquels s'offre
le nectaire, dans plusieurs genres de plantes où il se trouve.
Nous avons fait mention, en passant, de ces différentes formes
que prend le nectaire, en parlant des caractères du genre; nous
avons même dit un mot de l'usage général de cette partie de la
fructification; mais maintenant nous irons plus loin, et nous di-
rons que , quoique cette partie de la fleur n'ait pas été observée
dans deux cents genres ' , il est pourtant vraisemblable qu'elle
existe dans tous. Si elle ne s'offre pas toujours comme une partie;
visible et distincte, c'est tantôt une glande ou un pore, tantôt
une rangée de glandes et de pores , d'où exsude ce suc doux et
visqueux, utile en second lieu pour la nourriture d'un grand
nombre de divers insectes, et premièrement, sans doute, né-
cessaire à la fructification de la plante elle-même; car vous ob-
serverez, dans les corolles tubuleuses, monopétales, que, quoi-
qu'elles n'aient pas de nectaire visible, cependant il se sépare
un suc doux dans leur tube ^ , qui probablement est fourni ,
pour cet effet, de glandes, lesquelles sont trop petites pour être
aperçues à l'œil nu, mais qu'on pourrait peut-èti'e découvrir, en
jes observant de près avec le microscope. Les fleurs polypétales,
qui ont des calices ouverts, n'ayant point de tube ou de bassin
' ' Outre les herbes des champs. '
2 C'est ce qui a lieu particulièrement daus le chèvre-feuille et l'aloès.
SUR LA BOTANIQUE. 44?
pour recevoir le suc du nectaire , ont en général un corps
destiné à le préparer et aie contenir, afin qu'il puisse être dis-
tribué aux parties environnantes de la fructification , à mesure
qu'elles en ont besoin. Dans les familles composées et ombelli-
fères des plantes, à la vérité on n'a point observé de nectaire;
mais vous vous souvenez que dans ces familles toute la fleur
est si petite, qu'on ne doit pas s'étonner qu'une partie, aussi
petite que l'est le nectaire dans les plus grandes fleurs, échappe
à la vue dans celles qui sont si peu apparentes. Nous pouvons
cependant présumer qu'elles ont abondamment ce suc doux, qui
remplit le nectaii'e, puisque nous observons que les insectes
s'attachent particulièrement à ces deux familles. Aucun genre
de plantes de la classe nommée icosandrie n'a de nectaire dis-
tinct; mais alors le calice est garni d'une feuille, et forme un
réservoir commode, pour contenir le suc mielleux qu'on y re-
marque souvent d'une manière très-distincte. La famille verti-
cilléc n'a pas aussi été mise par Linnée au nombre de celles où
le nectaire est visible. Peut-être cette partie n'est pas bien né-
cessaire dans ces plantes, attendu que la corolle est monopé-
tale, et (pie le calice monophylle forme un tube permanent.
Cependant plusieurs genres , appartenant à cet ordre, ont une
. glande au fond du calice, qui entoure la base du germe. Cotte
glande est d'une certaine grandeur dans la bugle , et assez
visible dans l'ortie morte.
L'apparence du nectaire n'est pas aussi commune que celle
des glandes. Vous avez déjà vu qu'elles sont considérables
dans plusieurs genres de la famille des cruciformes, qu'elles
nous ont fourni des caractères généi'iques , et que nous nous
en sommes servis même pour fournir le caractère classique. On
vient dans le moment de faire mention qu'on les trouve dans
la famille verticillée ou labiée. Plusieurs genres dispersés dans
différentes parties du système ont ce nectaire glanduleux.
Ainsi \à plukenetia (1084) ' a quatre glandes à la base des filets,
comme dans la classe tétradynamie. Le cercis (5 10) a une glande
styliformc sous le germe. La cassita (5o5j a trois glandes ;
Xechites (299) et la tabernœmontana (3oi) en ont cinq, \llier-
nandia (1049) "' ^ quatre ou six qui entourent le germe, et le
I Les figures se rapportent au nombre du genre dans le système de Liuuce
44^ LETTRES ÉLÉMENTAIRES
grielum (i235) a une rangée de glandes oblongues autour du
germe, lesquelles s'unissent pour former une petite couronne.
La malpighia {^no.) a deux glandes au bas et sur l'extérieur de
chaque feuille du calice. Dans la banisteria (573) le cas est le
même , excepté qu'une foliole du calice n'a point de glandes ;
et par conséquent le nombre total est de huit, au lieu que
dans l'autre il est de dix. Le réséda (608) a une glande qui s'é-
lève du réceptacle, entre les ctamines et le pétale supérieur.
Le croton (io83) en a cinq fixées au réceptacle. \1 astronium
(mil a cinq glandes dans le disque de la fleur. La cucurbita
(1091I , ou le genre de la citrouille, a une glande simple,
triangulaire et concave au centre de la fleur. Dans le saule
(1098) la situation est la même , mais la forme est cylindrique.
Une autre forme très-ordinaire sous laquelle se présente le
nectaire, ce sont les écailles, qui ne sont dans la vérité que
des glandes aplaties. La monnleria (85o) et la vesce (873)
n'ont qu'une écaille à la base du germe. La cuscute, ou épi-
thyme , a quatre écailles à la base des étamines; mais plusieurs
ont cinq écailles, comme la parnassia (384) •' elles sont à la
base des filets dans la sclirehera (319I, la quassia et la melas-
toma (5/(4); entre les étamines dans l'iresiue (iii3) ; à la base
du germe dans la crassula (3g2), le cotylédon (578) et le ^e-
duni (579) ; entourant le réceptacle dans la samyda (543) ; ou
à la base des pétales dans \ erythoxylon (575), le ranunculus
(699), la grcivia (1026), et \sl fiiggelaria (1128). ISainaiyllis
(406) et la léontice (424) t)nt six écailles au-dehors de la base
des filets dans la première, et insérées à la base des pétales
dans la seconde.
Le nectaire parait souvent sous la forme de valvules , qui
sont généralement au nombre de cinq. Dans \e pliimbago (21 3)
elles sont placées au fond de la corolle, et renferment le germe.
Elles entourent le germe dans Vacliyranthus (288), et couvrent
le réceptacle dans la campanula (218) et la roella (219). L'as-
phodèle (421) a six de ces valvules insérées à la base de la co-
rolle, et qui forment une arche complète sur le germe; un filet
sort de chacune de ces valvules.
Dans X erythronium (4i4) i' y a deux tubercules calleux à la
base de chaque pétale intérieur. Dans le genre du laurier (5o3)
SUR L\ BOTANlQriK. 449
il y a trois tubercules autour du germe, et deux glandes
rondes sur une courte tige , près de la base de chaque
filet du lang intérieur. Dans quelques espèces de l'iris il y a
trois points à la base et sur l'extérieur de la corolle. Dans le
tamus (il 19) il y a un point oblong qui croît à l'intéiieur de
chaque division du calice. Dans un autre genre, la xtvertia
(Sa i), il y a dix de ces points, deux à la base de chaque divi-
sion de la corolle, entourés de soies dures. Dans l'hyacinthe '
(427) il y a trois pores au sommet du germe; dans les deux
genres de la fritillaire et de l'uvulaire (412} il y a un creux à la
base de chaque pétale. Dans la couroime impériale ce creux
est considérable , et offre généralement une grosse goutte du
suc dont le nectaire est rempU. La mercuriale (iiaS) a deux
pointes subulées, une de chaque côté du germe. La vallisncria
(1097) a une pointe sur chaque pétale.
Vous vous lessouvenez de la beile apparence cpi'offre le nec-
taire dans quelques espèces d'iris, comme une ligne longitu-
dinale sur les pétales , laquelle ligne est garnie de poils. Dans
le lis (410) c'est un tuyau , ou ligne tubvdeuse, le long du mi-
lieu de chaque pétale. Dans \',\franhcnia (445) c'est im canal
qui court le long de la queue.
Dans quelques genres le nectaiie prend la forme exacte des
pétales, et avait toujours été confondu avec eux, jusqu'à ce
que Linnée en eût fait voir la différence. C'est le cas de plu-
sieurs plantes de la première classe, et du lecythis (664} dans
la treizième; dans toutes ces plantes le nectaire n'est composé
que d'un pétale. Dans le galanthus (4oi) il consiste en trois
petites feuilles parallèles, entaillées, obtuses, semblables à des
pétales, formant \\w cylindre d'environ la demi-longueur de la
corolle. Uillicium (611) a plusieurs folioles en forme d'alêne
de la même longueur que les pétales eux-mêmes. Le cardios-
permurn (498) a un nectaire à quatre pétales renfermant le
germe; dans Vhartogia (273), la sauvngesia (286), oxYhelictc-
res (loaS) , il est composé de cinq pétales. \] andrachne (1095)
a cinq folioles herbacées, bifides, plus petites que les pétales,
et placées entre eux. Toutes les hei'bes despiés, le riz (448) et
I Notre liyacintlie sauvage, hjacinthus non scriptits, n'a pas rcs pores, on du
moins ils ne sont pas visibles à l'œil nu.
R. VII. 2C)
45o LETTRES ÉLÉMENTAIRES
le maïs (1042) , s'accordent en ce qu'elles ont un nectaire formé
de deux petites folioles oblongues. La swictenia (Sai) , la melia
(527) et le melianthus (SqS) ont un nectaire à une feuille , avec
une bouche à ])lusieurs dents dans les deux premières , et dans
la dernière au-dedans de la plus basse division du calice, près
duquel il croît. Dans la muxa (ii^i) aussi le nectaire est une
feuille en forme de bateau ; cette feuille est aplatie , pointue , et
insérée dans le pétale. Dix petites feuilles conniventes , renfer-
mant le germe, forment le nectaire du zigophyllum (53o) ,
chaque petite feuille étant fixée à la base de chaque fdet. La
dalcchampia (1081) a un large nectaire composé de plusieurs
plaques ovales, aplaties, et en plusieurs rangées.
Je vous ai fait observer ci-dessus que , dans les corolles tu-
buleuses, le suc an nectaire est séparé dans le tube. Dans plu-
sieurs genres il y a une corne , ou éperon , au dos de la fleur ,
qui tient lieu de récipient. Plusieurs plantes se sont offertes à
nos regards avec un nectaire de cette forme , comme le tropœo-
lum (466), le pied d'alouette (681), l'aconit (682), la colom-
bine (684 ! , X antirrhinum (75o) , la fumeterre (849) , la violette
1^1007), l'impatiente (1008) et l'orchis (1009) ; nous pouvons
ajouter à ces plantes Xa. pinguicula (3o), ou herbe au beurre ,
l'utriculaire (3i) et la valériane (44)- Dans quelques espèces de
\ antirrhinum la corne est émoussée , et ressemble plutôt à un
sac; cette forme est aussi celle qu'on observe dans le genre du
satyrium{\o\o) : les genres de cette famille sont remarquables
pour leurs neotaires. Dans Vophrys (loii) le nectaire est sus-
pendu à la corolle ; il est plus long que les pétales , et est quille
à la partie postérieure. Dans le scrapias (1012) il est de la
même longueur que les pétales , ovale , gibbeux en-dessous , et
avec une lèvre ovale. Dans le limodorum (10 13) il est de la
même longueur que les pétales , d'un feuille , concave , porté
sur un pédicule , et au-dedaus du pétale le plus bas. Dans Xare-
thuia (1014) il est d'une feuille, tubuleux, au fond de la co-
rolle qui est plissée. Dans le cypripedium (ioi5) , ou pantoufle
des dames , comme vous l'avez déjà vu , il est fort grand et
enflé. Dans Xepidendrwn (1016) il est tubuleuxà la base, tur-
biné ou en forme de sabot, avec une bouche oblique et bifide.
Ainsi vous observerez que tous les genres de cette famille ont
SUR LA BOTANIQUE. 4^'
des noctairos singuliers, au lieu que dans les trois classes où
les filets sont joints à peine on en peut trouver '. Le genre nom-
breux du carex (1046), ou glayeul, a un nectaire enflé, per-
manent, qui se contracte en-dessus, et dentelé au sommet où
il est entrouvert, mais continuant d'envelopper la semence-
Dans le ruscus (iiBg) il est aussi enflé et ouvert au sommet;
il est ovale , droit, et de la même grandeur que le calice.
Dans plusieurs genres le nectaire prend la forme de quelque
ustensile, ou autre chose très-connue. Ainsi dans la slraphylœa
(374), le tinus (5o4) , la winterana (5.98) et Xurtica (io54)
ou l'ortie, il est urciolé, on en forme de cruche. Dans le nar-
cissus (4o3) et dans Xa pancratiuin (4o4) il est en forme d'en-
tonnoir. Dans Xepimedium (148) il est cyathiforme , ou en
forme de gobelet. Dans la byttneria (a68) , la theobroma (900) ,
^'ayenia (1020) et la kleinhovia (1024), il est en forme de cloche.
Dans le cissampelos (i i38) il est en forme de roue; dans Vepi-
dendrum (1016) , le peuplier (ii23) et la glcditsia (1159) , il
est turbiné , ou en forme de sabot qui sert de jouet aux en-
fants , étroit au fond , et s'élargissant vers le sommet. Le plus
beau de ces nectaires est celui qui est en forme de couronne.
Dans le diosma un semblable nectaire est placé sur le germe;
dans Xolax (45), ïhamamelis (169) , le nerium (297), ou Xo-
leander ^ \si periploca (3o3) , la silène (567) et la cherleria
5^570), il termine le tube de la corolle; mais dans la fleur de la
passion (1021) c'est une triple couronne, ou gloire, dont l'ex-
térieure est la plus longue, et entoure le style.
Dans \a garidella (571) , la nigella (685) et l'ellébore (702) ,
ies nectaires sont bilabiés. La première en a cinq, la seconde
huit, et la troisième en a un nombre incertain. Le trolUus
(700) a neuf corps linéaires, aplatis, courbés, perforés à la
base sur l'intérieur. Uisopyrum (701) a cinq nectaires égaux ,
tubuleux et courts, avec une bouche trilobée, insérée dans le
réceptacle , au-dedans des pétales.
Dans Xarum (1028) , les nectaires ressemblent aux filets des
étamines ; seulement ils deviennent épais au fond. Ils sortent
en deux rangées du milieu du spadLr. Dans Xepcganum (610) ,
I Dans la monadelpbie et la polyadelpliie i! n'y un a qu'un dans cliaqiie; dam
ïa diadclpbie il y en a trois.
29.
452 L KTTRES JE 1. 1':»!!-: JV T A I R ES
les filcls tux-mènies sont dilatés en nectaires à la base. Dans la
fevillca (^iiiS), ils consistent en cinq filets comprimés, cour-
bés, et placés alternativement avec les etamlnes. Dans la tti-
chilia (5a8) , le nectaire est cylindrique et tubuleux , formé de
dix filets plus courts que les pétales , et avec une bouche à cinq
dents.
Vous avez observé qiw plusieurs nectaires , dont on a déjà
fait mention, ont une connexion intime avec le germe. C'est
une situation si commune, pour cette partie de la fleur, que
quelques personnes ont soupçonné que son seul et principal
usage était d'alimenter le germe. Il y a plusieurs autres genres,
dans lesquels il est ainsi placé. Dans la mirabilis (242) , ou
merveille dfu Pérou, il est glebuleux, permanent, et renferme
le germe. Dans le cissus (147), la celosia (289), le limeum
(463) , et le phyllanthus (io5o) , c'est un anneau qui entoure
le germe. Dans le cynanchum (3o4), il est cvlindrique, avec
une bouche à cinq dents. Dans Xapocynum (3o5), Vasclcpias
(3o6) , et la stapelia (Say) , il est composé de cinq corps, qui ,
dans la seconde et la troisième de ces plantes, cachent leséta-
niines et les. pistils, et, dans la troisième, forment une double
étoile. Tous ces nectaires environnent le germe. Dans \viguaL-
theria (55 1), il est composé de dix corps en forme d'alêne,
droits et entourant le germe, placés entre les étamines.
Cependant il ne faut pas dissimuler, que, de quelque usage
que ces corps puissent être au germe, quand ils lui sont adhé-
rents, ou lorsqu'ils en sont voisins, on les trouve souvent pla-
cés sur d'autres parties de la fructification. Nous en avons déjà
rencontre plusieurs exemples, et nous pouvons y ajouter celui
de la bromelia (395) , où on les trouve sur les pétales, croissant
près de chacun des trois, au-dessus de la base. Dans le berhe-
ris (442), ou l'épine- vinette , ce sont deux corps arrondis, de
couleur d'orange à la base de chaque pétale; dans Xhcrmannia
(828) , chaque pétale a une petite membrane qui forme un
tube garni d'un capuchon. Dans ï hydrophjllum (204), et la
reaumuria (686), ce sont des lames ou plaques, qui ci'oissent
près des pétales. Dans le myosurux (394), il y a cinq corps en
forme d'alêne. On trouve le nectaire sur le calice, dans le tj'o-
pœolum , dont on a fait mention ci-dessus; dans le monotropa
SUR LA BOTANIQUE. 4^^
(536) , dans queUjues espèces de biscutella (808) , qu'on a ci-
tées aussi painii les plantes qui ont des nectaires glanduleux.
Cette partie est une glande globuleuse sur le bout extérieur
des anthères, dans \ adcnanthera (526); ;\ leur base, dans Xam-
brosinia (i238) ; et sur les filets en forme de glandes, dans le
dictame (Saï) ; en forme d'écaillés, dans le zygophillum (53o);
placées horizontalement sur les vrais filets , dans la commelina
(G2), et dans le plurnbago, la cainpanula et la roelld, qu'on a
cités ci- dessus. Enfin les nectaires sont placés assez souvent
sur le réceptacle, comme dans le lathrœa (743), la clutia
(ii/io) , le viellanthus {']f)^) , et quelques autres; mais ils sont
si voisins dvi germe qui prend son origine de la même base,
qu'on peut très-bien conjecturer qij'ils sont placés \h pour son
ttsage.
l\Iais que dirons-nous, (juand nous trouverons le nectaire
dans les fleurs à étan)ines incomplètes, lesquelles n'ont point de
germe; comme dans le saule (1098) , Xastroinuin (i 1 1 1) , l'ire-
sine ( 1 1 1 3) , XAfevillea (i 1 1 8) , le peuplier ( 1 1 231 , la rhodiola
(1124), la Mggelaria (1128), le cissarnpelos (ïi38), le rnsciis
\^i 139), la clutia (i i4o) et Xophioxilon (i 142)? Dans toutes ces
circonstanciés il ne peut certainement être d'aucun usage inuné-
diat pour le germe, qui non-seulement est sur une fleur dis-
tincte , mais encoi'e sur une plante différente. Cependant le
germe étant la partie la plus im]iortantc du végéta! , puisqu'il
est destiné par la nature à produire ime nouvelle plante du
même genre, et toutes les parties de la Heur servant en quel-
que sorte à cet objet, tout ce qui peut être utile à ces mêmes
parties doit êtie regardé comme servant médiatement au
germe.
Mais retournons à notie histoire des faits, et finissons celle
discussion aride, dont je ne vous aurais pas importunée, si j'a-
vais pu vous indiquer quelque auteiu* qui vous eût donné la
facilité de voir dans un même tableau les différentes formes et
situations du nectaire.
Jusqu'ici vous avez observé que cette belle partie de la fleur
est généralement simple, quoique dans plusieurs cas elle soit
formée de plusieurs portions. Cependant, dans quelques genres,
elle est double. Ainsi, dans la f>mn>eria '161), il v a deux
454 LETTRES ^LliMENTAIRES
nectaires placés l'un sur l'autre; dans la stapelia, comme vous
l'avez déjà vu, il y a une double étoile, aplatie et quinquifide;
l'inférieure a les divisions linéaires déchirées au bout ; elle
entoure les étamines et les germes ; l'étoile supérieure a des
divisions aiguës , entières , qui couvrent les germes et les éta-
mines. On observe quelque chose de semblable dans Xasclepias,
dont les fleurs ont une structure particulière, qui mérite votre
attention. \ja. pauUinia (49?) aussi, et le sapindus (-'199)»
ont deux nectaires fort différents l'un de l'autre. L'un consiste
en quatre pétales insérés dans les queues des vrais pétales;
l'autre est formé par quatre glandes, qui sont à leurs bases.
Je puis vous faire observer ici que, quoique l'usage général du
nectaire, comme le nom l'implique, soit de verser au-dehors
une liqueur mielleuse, cependant il ne paraît pas que tous les
corps auxquels Linnée a donné ce nom servent à cet effet. C'est
j)eut-ètre le cas des nectaires qu'on observe dans les plantes
que nous venons de citer, et peut-être dans celles où cette
partie est double. Enfin ]aclutia (ii4o) a deux rangées de nec-
taires, l'une au-dedans de l'autre. La rangée extérieure est
composée de cinq corps oblongs, partagés en trois parties,
placés en cercle au-dedans des pétales , et de la même lon-
gueur que leurs queues; la rangée intérieure est de cinq petites
glandes , qui sont certainement pleines de miel au sommet. On
observe que, dans les fleurs à pistil de ce genre, il n'y a point
de glandes ou de nectaires intérieurs, et les extérieurs sont de
la même grandeur, et dans la même situation, mais diffèrent
pour la forme , étant arrondis et didymcs , ou jumeaux.
Pour ce qui concerne la forme et les variations dans les
autres parties de la fructification, qui servent à établir le carac-
tère générique des végétaux, vous trouverez à vous contenter
dans les livres élémentaires. Vous ne manquerez pas aussi
d'instruction sur les feuilles, et les auties parties et circon-
stances qui forment les différences de dix mille cent espèces,
qui renferment toutes les plantes connues jusqu'à présent; vous
n'aurez qu'à lire les mêmes auteurs qui ont traduit l'ouvrage
original de Linnée. Je vous ferai senlement remarquer qu'une
attention plus exacte, dans l'observation des végétaux, a fait
découvrir à Linnée des parties que les botanistes préct^Jents n'a-
SUR LA BOTANIQUE. 4^5
valent point aperçues; et que sa sagacité et son génie supérieur
l'ont mis en état de faire un usage plus étendu des parties qui
avaient été connues avant lui. Les parties dont je veux vous
parler ici sont ce qu'il appelie/M/cra, appuis ou supports de la
plante. Parmi ceux-ci, les bras, c'est-à-dire les épines, les pi-
quants, les agrafes ou tendrons, quelques sortes de pubes-
cence , et peut-être les glandes, avaient été observés dans
quelques espèces, mais d'une manière vague et imparfaite;
ma.s le stipule, qui est une écaille à la base des pétioles , et la
bractée, qui est une écaille ou petite feuille près de la fleur,
n'avaient pas même été nommés. On n'avait pensé en aucime
manière à se servir de ces sept parties importantes , quoique
petites, pour distinguer les espèces, ce à quoi elles sont si
propres, soit parleur constance, soit parleur abondante variété.
Linnée a pris aussi fort heureusement, dans d'autres circon-
stances, la pure forme pour établir les différences spécifiques,
et pour d'autres vues. Telles sont la manière dont les feuilles
et les branches se ramifient; l'intorsion, ou la manière dont les
tiges se tournent et se courbent ; la gemmation , ou diverses
constructions des bourgeons; la foliation , ou les divers plis
des feuilles, avant qu'elles soient étendues ; l'inflorescence, ou
la manière dont les fleurs sont unies à la base par leurs pé-
dicules. Toutes ces circonstances, et quelques autres que j'ai
omises, vous fourniront, suivant l'occasion, des marques pour
distinguer les plantes les imes des autres, et ces marques se-
ront même plus sûres, dans certains cas, que la forme elle-
même. Efles méritent par conséquent votre attention. Mais j'ai
déjà trop abusé de votre patience; et je vais vous laisser va-"
quer à des occupations plus importantes.
LETTRE XXII.
4 octobre 1777.
J'ai enfin trouvé le temps, ma chère cousine, de vous en-
vover ma dernière lettre sur la botanique. .Te ne me suis pas
456 LETTRES JÈLÉMENTAIRES
presse" de vous écrite, parce que vous avez trouvé assea d'oc-
cupation pendant l'été, soit à examiner les plantes qui vous
avaient échappé précédemment, soit à tâcher de découvrir
leurs nectaires et les autres parties , qui , par leur petitesse , se
dérobent au premier regard.
Quant à la dernière, et à la plus basse classe des végétaux , la
cryptogamie, je ne vous en parlerai que fort légèrement , pour
le présent , parce que cette classe , quoique remplie de beautés
lorsqu'on l'examine avec cette attention qu'exigent les petits
objets , offrirait trop de difiicultés à notre jeune cousine , et
peut-être serait même peu intéressante pour vous, à moins que
vous n'ayez pris , pour la botanique, une passion plus forte que
je ne le désire. Il faut aussi chercher les plantes de ce genre
dans des lieux et dans des saisons qui ne s'accorderaient pas
avec la délicatesse de votre santé ; et je ne veux pas que vous
risquiez de perdre un bien si précieux, même dans les re-
cherches qui vous seraient le plus agréables. Un exercice mo-
déré, tel que celui auquel vous engagera l'étude de la natui'e,
cette gaieté, cette tempérance et cette régularité qu'on remar-
que en vous, vous assurent la jouissance de ce trésor si pré-
cieux, dont mes vœux les plus ardents demanderont toujours,
pour vous, à l'Etre suprême, qu'il vous accorde la plus longue
possession.
Vous savez déjà la signification de ce mot crvptogamie, et
vous connaissez le caractère de la classe que désigne cette dé-
nomination ; on vous a déjà parlé des quatre ordres dans les-
quels elle se divise, ainsi que de leurs caractères; j'ai donc
seulement à vous entretenir du petit nombre d'espèces qui s'of-
frent d'abord à nos recherches, et où les caractèces génériques
et spécifiques sont le moins cachés.
Il y a , dans cette classe, cmquante-un genres, et huit cent cin-
quante-huit espèces.
Les plantes du premier ordre , les fougères , sont aussi
grandes, et souvent ont toutes leurs parties aussi apparente^
que celles des classes précédentes. On voit , à l'œil nu , qu'il y a
une fructification, (juoiqu'on ne puisse en distinguer les di-
verses parties. On a déjà déci'it sous quelle forme on les dé-
couvre, en s'aidant du microscope.
SUR LA BOTAÎfIQUE. 4^7
Eu général, ce qui constitue la fructification dans les fougères ,
se trouve sur le dos des feuilles. Cependant cela n'est pas géné-
ral; par exemple , dans le genre equisetwn, ou queue de cheval,
les parties de la fruclilication sont portées sur un épi , chacune
de ces parties étant peltée et entr'ouverte à la base, qui a plu-
sieurs valvules. Hedw ig a décidé que les fleurs des queues de
cheval et des langues de serpent étaient hermaphrodites. La
queue de cheval des blés' a ses éjns sur une tige nue, et d'au-
tres tiges garnies de feuilles et infécondes sortent les dernières
dans la saison. La queue de cheval des bois ^ a les feuilles com-
posées ou divisées, et les épis au bout des mêmes tiges. Une es-
pèce, qu'on trouve communément dans les fossés^, à peine a
des feuilles, et est parfaitement unie. Elle diffère à cet égard
de la prêle ^ dont on se sert pour polir, et qui est rude.
Uophioglossurn ^ ou langue de serpent, a de même les par-
ties de la fructification sur un épi , dans une rangée, le long de
chaque côté, laquelle rangée a des jointures. Dans l'état de
maturité, ces jointiues s'entr 'ouvrent transversalement. Notre
espèce commune^, qu'on trouve dans les prairies humides,
peut être distinguée par sa feuille ovale.
iJosmunda pareillement a un épi distinct de la feuille ; elle est
branchue, et chaque partie composante de la fruclilication est
globuleuse. L'herbe de la lune '' , qui croît dans les pâturages
secs, a une tige nue et une feuille pinnée, qui forment l'ensemble
de cette petite fougère. La fougère fleurie, ou osmonde royale,
est une grande espèce qu'on" trouve dans les fondrières ; elle a
des feuilles bipinnées, qui portent à leur sommet les parties de la
fructification en grappes. L'acrostique des bois a des feuilles
pinnatifîdes , avec les divisions conflucntes, tout-à-fait entières
et parallèles. Ces feuilles sont de deux sortes ; les plus étroites
sont couvertes des parties de la fructification sur leur dus , et les
plus larges sont infécondes. Cette plante s'éloigne par consé
1 Prêle lies champs.
2 Prêle des bois.
3 Prêle des marais.
4 Prêle d'hiver.
5 Ophioi'losse vulgaire.
' O[)liioglo.sse ailée.
458 LETTRES lÉLÉMENTAJRES
quent du caractère du genre, ayant une feuille féconde au
lieu d'épi, laquelle feuille est distincte de celle qui est infé-
conde.
Les genres dont il reste à parler ont les parties de la fructi-
fication invariablement sur le dos des feuilles. Dans Vacrosti-
chum elle couvre tout le disque ; dans le pteris on les trouve
seulement autour du bord. La fougère commune * , qui est si
abondante dans les terrains incultes et dans les bois, a des
feuilles sur -décomposées, ou triplement pinnéés; les petites
feuilles sont pinnées; les lobes en forme de lance ; les inférieurs
sont pinnatitides, et les supérieurs le sont moins.
Uasplenium * a les parties de la fructification en lignes qui
sont fréquemment parallèles. La langue de cerf ^ a des feuilles
simples, en forme de cœur alongé, et creusées près du pétiole;
elles sont tout-à-fait entières , et les pétioles velus. Cette plante
croît sur les rochers, et dans les endroits qui sont à l'ombre, il
y a plusieurs espèces plus petites, avec des feuilles pinnées
ou décomposées , assez communes sur les murailles et les ro-
chers.
Dans le polipode, les fructifications sont en petits points
distincts, arrondis, placés en rang, et croissant si fort en vo-
lume, à mesure qu'ils avancent en maturit*;, qu'ils occupent
tout le disque en quelques espèces, et la plus grande partie en
d'autres. Le polipode commun a des feuilles pinnatifides , les
pinnes ou lobes oblongs un peu dentelés et obtus; la racine a
des écailles ; cette plante est commune sur les arbres , les
murs et les rochers. Plusieurs espèces qu'on appelle générale-
ment fougères , à cause de la disposition des parties de la fruc-
tification , appartiennent à ce genre. Parmi celles-ci , la plus
commune est celle qu'on nomme vulgairement fougère mâle.
On la trouve dans les bois , les bruyères , et sur les rochers.
Elle ne couvre pas la terre, comme la fougère ordinaire,
mais elle croît en parties détachées. Les feuilles, dans cette es-
pèce, sont doublement pinnées; les pinnes ou lobes sont ob-
tus et crénelés, ou légèrement entaillés.
' Pteris aquilin , oii fougère femelle.
^ En français , doradille.
i Doradille wolopendre.
SUR LA BOTANIQUE. 4-^9
Knfin XatUanthum , ou capillaire, a les parties de la fx'uctili-
cation dans des taches placées sur le bord de la feuille, qui est
pliéc en arrière. Le véritable capillaire ', qu'on emploie pour
taire le sirop qui porte ce nom , appartient à ce genre , et a des
feuilles décomposées, les feuilles composantes alternes, et les
lobes en forme de coin , lobés et pédicules. Cette plante croît ,
mais rarement, sur les rochers et les murailles *.
Les plantes du second ordre, les mousses, ont des feuilles
semblables à celles des végétaux les plus parfaits , et distinctes
de la tige. En cela, elles diffèrent des fougères, dans lesquelles la
tige et la feuille, et souvent les parties de la fructification, sont
mêlées. Elles sont permanentes , et, quelque desséchées qu'elles
soient, elles se raniment lorsqu'elles sont exposées à l'humidité,,
comme Haller eu a fait l'épreuve dans quelques plantes de l'her-
bier de Gaspar Bauhin, qui avaient demeuré plus d'un siècle
dans l'état de dessication. Vous les connaissez par leur appa-
rence, ou par leur port, suivant l'expression des botanistes. On
vous a déjà donné une idée générale de leur fructification, au-
tant qu'on peut découvrir à l'œil nu les diverses parties dont
elle est constituée. Il n'y a que des microscopes d'une grande
force qui puissent nous en donner une connaissance parfaite.
Les caractères génériques des mousses sont tirés des tètes
qui sont sessiles, ou que la plante pousse sur une tige nue et
déliée. Linnée appelle cette partie anthère; mais, malgré l'au-
torité de cet illustre naturaliste, je l'appellerai l'urne. Elle est
nue dans quatre genres-^, c'est-à-dire, qu'elle n'est point cou-
verte d'un calj'ptre, ou voile; dans les sept autres genres, elle
en a un.
Le fycopodium, ou mousse-pied-de-loup, aune urne sessile,
ù deux valvules, sans aucune coiïie.J^c s phagnurn ., ou mousse
des marais, aies urnes garnies d'un opercule, avec une bouche
unie. L'espèce grise'' est commune sur les marais, dont elle cou-
vre une grande étendue; on la connaît non- seulement par sa
couleur grisâtre, mais encore par ses branches, qui sont pliées.
• Capillaire de Montpellier.
2 Elle est commune aux environs de Montpellier, dans le Languedoc, et l'in-
térieur de certains puits.
3 En français, lycopode, porellc, spbaigue et phabque.
•i Sphaigue des marais.
46o LETTRES ^LIÎMBNTAIRES
Le polytricum a les unies garnies d'un opercule, portées
sur une petite émincnce , (pii est une espèce de réceptacle , et
que Linnée nomme l'apophyse, et Haller le disque. L'urne est
couverte d'une coiffe garnie de poils. Il y a une étoile , ou
rose, sur un individu distinct qui a généralement été pris pour
la fleur à pistil ; Haller la regarde plutck comme une espèce de
bouton, d'où soi'teut de nouvelles branches. L'espèce commune,
appelée politric commun , ou perce-mousse , est connue par sa
tige, qui est simple, et la forme parallèle de ses urnes. C'est
une grande espèce de mousse qu'on trouve abondamment dans
les bois, les bruyères et les marais.
Les trois genres de mousses qui restent à décrire , et qui
sont les principaux et les plus nombreux , sont distingués de
cette manière. Le mniiun s'accorde avec \e polytrichum , en ce
qu'il a deux sortes de fructilication ; l'une est une urne à oper-
cule, avec une coiffe unie , l'autre est une étoile ou rose, dans
le disque de laquelle ii y a quelques corps globuleux, petits et
couverts de poussière. Le hryum et Xhypnurn n'ont point
de ces étoiles ou roses; elles ont l'une et l'autre des urnes à
opercules , avec une coiffe unie , et se distinguent entre elles
par la tige qui supporte l'urne, laquelle tige est nue, et s'élève
d'un tubercule dans la première , au lieu que dans la seconde ,
elle sort du côté de la branche, et est entourée au bas par
ime gaine écailleuse , ou réceptacle.
Il y a une espèce de mniiirn , dont les filets ou tiges proli-
fères sont si fort sensibles à l'humidité , qu'on lui a donné le
nom d'hygromètre'. Celle-ci n'a point de tige; les urnes sont
flottantes, turbinées, ou en forme de poire , avec des coiffes
réfléchies , et formant quatre angles ; les feuilles ovales for-
ment une tète ; elles sont d'un vert jaunâtre , et les pédicules
ont un pouce et demi de hauteur ; ils sont rouges , qu d'une
couleur d'orange.
L'nc des espèces les })lus communes de hryum est la cheve-
lure ', qui couvre les vieux toits de chaume des cabanes. Celle-
ci a les urnes presque droites , et les feuilles terminées en
cheveux et recourbées. Le hryum , en forme de pomme a de
' Mule hygiomètre.
» Bry rustique.
SUR LA BOTANIQUE. 4^> '
grandes tètes sphériques , et dans l'espèce pyriforine , elles ap-
prochent de la forme ovale , et sont couvertes d'une coiffe res-
semblant pour la figure à une alêne. Les rejetons sont sans
lice, et les feuilles sont ovales et sans barbe. Le hrium brun ' a
des capsules droites, arrondies, avec un opercule pointu. C'est
une fort petite mousse qui croît à fleur de terre, en touffes épais-
ses; les tiyes ont trois ou quatre lignes de hauteur , et quand les
urnes ont perdu leur opercule , elles ont une apparence tron-
quée , ce qui a fait donner à cette mousse le nom de bryvm
truncatulum.
'Vhypnum soyeux , l'une des plus lielles mousses , mais des
moins communes du genre, est connue par ses rejetons ram-
pants, ses branches droites et touliues , ses feuilles en forme
d'alêne , et ses urnes droites. Cette mousse croît dans les en-
droits secs , tels que les murs et les ai-bres , et dans les endroits
humides , comme les prairies. Dans la première , les feuilles
sont étroites , et collées contre la tige ; dans la seconde , elles
sont plus larges, répandues et brillantes comme la soie. Les ur-
nes sont longues , rondes , et s'élargissent un peu au bas. Elles
ont une bouche déliée , garnie de cils , un opercule à bec et
de couleur d'écarlate , avec une coiffe pâle. Elles sont soute-
nues par une tige pourpre , ou pédicule, de demi -pouce ou
d'un pouce de hauteur , entouré à la base par une gaîne écail-
leuse , courte et épaisse. Cette mousse peut donner une idée
des espèces nombreuses d!hypnum ; et nous allons maintenant
passer au troisième ordre de la classe cryptogamie.
Cette classe contient les algues , qui sont principalement les
lichens , ou épathiques et herbes de mer , et quelques autres
en petit nombre, qu'on appelle vulgairement mousses, mais
qui ont réellement le caractère de cet ordre. Dans ces der-
nières , la marchante étoilée peut servir d'exemple ; elle croît
près des ruisseaux et des fontaines , dans des endroits
humides et à l'ombre , ou sur des murs , le long desquels les
eaux s'écoulent. Il y a deux fructifications distinctes dans ce
genre ; l'une qui est composée de plateaux convexes , ou
souvent découpés en leur bord , portés chacun sur un pé-
dicule assez long , et chargés en-dessous de plusieurs gio-
I Bry tronqué.
462 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
bules uniloculaires , plurivalves , et qui contiennent une pous-
sière fine , attachée à des poils ; l'autre fructification est sessile,
formée comme une tasse ou coupe, et contenant plusieurs pe-
tits corps arrondis , que quelques-uns prennent pour des se-
mences. L'espèce désignée ici est distinguée par le calice com-
mun , qui est fendu en dix parties ; elle varie beaucoup pour
son apparence , et c'est de là que lui vient le nom vulgaire
qu'on lui a donné de multiforme. Ce genre est évidemment
l'anneau qui sert à unir les mousses et les lichens que nous
allons maintenant examiner.
Ce genre a un réceptacle ou calice commun , arrondi , aplati
et luisant , qui raiemeut est élevé ; les feuilles sont saupoudrées
d'une espèce de farine. Comme le réceptacle prend un grand
nombre de formes , cela a donné lieu de former ime subdivision
de ce genre, qui, sans cela, serait fort embarrassant. Les li-
chens couvrent en abondance les rochers , la terre , les végé-
taux, particulièrement les arbres , en forme de farine, de croûte ,
de feuille ou de filet. L'âge , le sol et la situation font une si
grande différence pour l'apparence , qu'un grand nombre de
variétés ont été regardées comme des espèces. Les sections du
genre des lichens sont : premièrement les tubercules , qui con-
sistent en une croûte adhérente de très-près à l'écorce des ar-
bres , ou à la surface des pierres ; sur cette croûte , de petits
tubercules arrondis paraissent s'élever un peu; ces tubercules
.sontirrégidiers , un peu aplatis au sommet, et sans aucun bord
autour. Quelquefois ces tubercules forment des figures régu-
lières, et ressemblent à l'écriture', ou à une carte géogra-
phique ^. 2" Les scutellés, ou ceux qui ont de petits boucliers,
ou réceptacles arrondis, avec un bord, et le disque un peu
aplati , s'élevant d'une croûte granuleuse , plus semblable à la
structure des feuilles que dans la section précédente , et n'étant
pas si fort adhérente. 3o Les imbriqués , composés de plusieurs
petites feuilles , généralement d'une forme orbiculaire , placées
les unes sur les autres, la plus petite au milieu, et la plus
grande à l'extérieur. De quelques-uns de ces lichens s'élèvent
de petits boucliers, et d'autres ont de petits tubercules farineux
1 Licben écrit.
2 Licben géographi(jue.
SUR LA BOTANIQUE. 4^3
au bout des feuilles. Il n'y a rien de plus commun qu'une es-
pèce jaune ' appartenant à cette section, qui croît sur les ar-
bres , les murs et les rochers; les petites feuilles en sont frisées,
d'un jaune foncé en-dessus, et de couleur cendrée en-dessous.
Les boucliers sont d'un jaune plus clair, deviennent bruns avec
le temps, et sont placés près-à-près vers le milieu de la plante.
D'autres lichens, au lieu de boucliers, sont saupoudrés d'une
farine jaune; les feuilles deviennent verdàtres avec le temps,
et ensuite prennent une couleur de cendre brunâtre. Elles sont
pleines de verrues , et lépreuses. 40 Les crustacés proprement
dits, consistant en une substance crustacée et continue, diffé-
remment laciniée ou déchirée. Ceux-ci ont généralement de
grands boucliers larges, souvent portés sur des pédicules, soit
dans les divisions des feuilles, ou sur leurs bords. Le lichen
pulmonaire, ou lichen des arbres, qui pend au haut des vieux
chênes et des hêtres, a de fort grandes feuilles, dentelées, unies,
et se terminant en pointe obtuse ; la surface supérieure est ridée
et creusée , l'inférieure est garnie d'un duvet ; les boucliers
sont de la grandeur d'une lentille, et places sur le bord des
feuilles. 5° Les coriaces. Ceux-ci sont aussi crustacés , mais ils
diffèrent de ceux de la quati ième section, en ce qu'ils consistent
en plusieurs feuilles d'un tissu plus rude, plus lai-ge, laciniécs
d'une manière moins aiguë, qu'ils ne sont pas branchus, et qu'ils
adhèrent généralement de plus près aux corps sur lesquels ils
croissent. Les réceptacles sont fort grands , et d'après la res-
semblancequ'ilsontaveclesboucliers desanciens, on les nomme
peltac-, ils sont généralement placés sur les bords des feuilles,
et ne sont que peu ou point du tout entaillés sur les bords. Le
lichen de terre couleur de cendre * appartient à cette section ;
il est rampant, lobé, obtus et aplati , veiné en-dessous et garni
de poils, avec une pelte ou targe élevée sur le bord. Cette es-
pèce est fort commune sur la terre , dans les bois et dans les
bruyères, particulièrement sur les habitations des fourmies; les
feuilles sont de couleur de cendre et blanches en -dessous.
60 Les ombiliqués ou creusés comme le nombril , et de cou-
i Lichen des murs.
î Cette espèce est recommandée contre la morsure des cliiens enragés, mêlée
avec le poivre blanc.
/|64 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
leur <ie suie , ou paraissant noircis comme s'ils avaient été
brûlés. 70 Les porte-coupes qui consistent en une croûte gra-
nuleuse , qui , dans la suite du temps , se déplie en petites
feuilles irrégulièrement laciniées.Deces feuilles s'élève ime tige
qui supporte des réceptacles creux et coniques , semblables à
de petites tasses à thé, ou à des verres, dont le bord est sou-
vent garni de tubercules brims, ou de couleur d'écarlate. Les
diverses apparences de la coupe-mousse ne sont probablement
que des variétés provenant des divers âges delà plante. 8° Les
lichens ai'brisseaux , qui ressemblent aux arbrisseaux ou au
corail. Ces mousses consistent en une croûte feuillue comme les
dernières, mais elles n'ont point de coupes ; seulement on observe
des tubercules , et elles sont branchues. Le lichen des rennes
appartient à cette section; il est perforé ' , fort branchu, et
les branches sont tombantes ; il croît dans les bruyères et les
pâturages des montagnes. 90 Le lichen à iilets , qui consiste en
liges rondes , solides et roides , ou filets souvent couverts ou
incrustés d'une farine qui est fort inflammable, et se termine en
globules secs , un peu cretisés et sans aucim bord. La plupart
de ces lichens sont suspendus aux branches des arbres, et c'est
de là que leur vient le nom de lichen-arbre; mais ce genre, fort
nombreux et fort répandu, nous a déjà retenu trop long-temps.
Les herbes de la rner sont comprises en trois genres, Vuà>a ,
le fucus et la conferva ^. Dans le premier, les fructifications
sont dans une membrane diaphane, et la substance de la plante
est membraneuse, d'abord vésiculaire, mais ensuite membra-
neuse. "Le fucus, ou varec de mer proprement dit, a deux es-
pèces de vessie, l'une unie, creuse, et entremêlée de cheveux;
l'autre unie, et remplie d'une gelée dans laquelle sont plongés
de petits grains perforés, dans chacun desquels on croit que se
trouve une semence. Le tissu de ces plantes est coriace , ou de
la nature du cuir; les conferves sont composées de tubercules
inégaux en fibres fort longues et capillaires, qui sont ou con-
tinues ou jointes. Les deux derniers genres vous fourniront un
grand amusement toutes les fois que vous irez passer quelque
1 C'est-à-dire qu'il y a de petits trous dans les ailes des branches, comme s'ik
étaient faits avec une épingle.
2 L'ulve , le varec et la conferve.
SUR LA BOTANIQUE. 4^5
temps sur une cote maritime ; mais les espèces sont si nom-
breuses, que l'examen des différences spécifiques me condui-
rait trop loin. Nous passerons donc au dernier ordre de cette
classe de végétaux, hes/ungus, ou champignons, qui sont uni-
versellement connus par leur structure et leur apparence
singulière, n'ont ni branches, ni feuilles, ni fleurs, ni aucune
chose qu'on puisse être autorisé à nommer parties de la fruc-
tification; à peine ont-ils une racine. JJ agaric , un des princi-
paux genres de cet ordre , est connu par sa manière horizon-
tale de croître, et parce qu'il a des petites lames, ou des ouïes
en-dessous. L'agaric des champs, ou mousseron commun, ap-
partient à un de ces genres, et a les caractères suivants : la tète
est convexe, écailleuse et blanche; elle est supportée par un
pédicule ; les ouïes sont rouges ; celui qui a des ouïes blanches
n'est qu'une variété, et quoique fort inférieur en qualité au
précédent , il n'est pas venimeux. La chanterelle ' , ou petit
champignon jaune, si commun dans les pâturages secs, dans
ces endroits pelés qu'on appelle le cercle des fées , est aussi sli-
pité, avec les ouïes branchues et décurrentes. Ce qu'on nomme
communément agaric, en médecine, et dont on se sert pour
arrêter le sang , est un autre de ces genres.
Le bolet , qui croît horizontalement comme le dernier , au
lieu d'ouïes , a des pores à la stuface inférieure.
La morille "" est nnfungus qui est réticulé à l'extérieur ou à
la surface supérieure, et uni en -dessous. L'espèce bonne à
manger a la tête en forme d'œuf, et cellulaire; le pédicule est
nu et ridé.
La truffe^ est un y««g^«5' arrondi, rempli d'une substance fa-
rineuse qu'on prend pour semence. Cette espèce est globuleuse,
solide, muricée, ou rude à l'extérieur, sans aucune racine, et
croissant entièrement'sous terre; les autres espèces sont pleines
de poussière, qu'elles jettent dehors quand elles sont mûres, et.
sont entièrement au-dessus de la terre, excepté les racines. La
truffe commune 'î est arrondie , et jette sa poussière par une ou-
I Agaric chanterelle.
'- Morille comestible.
3 Vesse-loup truffe.
4 Vessp-loup commune.
K. VII. 3o
466 LETTRES ÉLÉMENTAIRES SUR LA BOTANIQUE.
vciturc décliii ée au sommet ; celle-ci varie beaucoup en foiiues
et aussi en grandeur, depuis la grosseur d'une petite balle
jusqu'à celle de la tête d'un homme.
Après tout , les individus de cet ordre ne sont pas reconnus
universellement pour des plantes ; mais on soupçonne, quoique
sans beaucoup de raison, que ce sont des animaux qui se ser-
vent de ces corps pour leur habitation , de la manière des
/oophytes ou coraux; mais c'est un sujet dont l'examen est
trop difficile : peut-être, après tout, \esfungiis peuvent être
im des chaînons qui, dans la grande chaîne de la nature, unit
le règne végétal au règne animal, quoiqu'il serve d'habitation
à de petits insectes , et qu'il soit formé par eux ou pour eux. Ils
peuvent cependant avoir le tissu des végétaux , et se dévelop-
j>er et croître comme elix. La nature est remplie de ces mer-
veilles ; il ne nous est permis , ma chère cousine , que d'en
avoir une fort petite portion, et nous avons très-peu d'espoir
de développer même un fort petit nombre de ces mystères , et
et de découvrir une partie des rapports infinis qui unissent les
êtres les uns avec les autres.
FIN DRS LETTRES ÉLÉMENTAIRES SUR LA BOTANIQUE.
TABLE
DES LETTRES SUR LA BOTANIQUE,
CONTENUES DANS CE VOLUME.
Lettues sur la botanique. Page 5
AVEUTISSEMENT. 7
LETTRES ÉLÉMENTAIRES SUR LA BOTANIQUE,
A MiVDAME DeLESSERT.
Lextkk I, p. 9. — Il, xS.— lll, 21. —IV, 38. -™V, 35.—
VI, 48.
Lettre VII, sur les arbres fruitiers. 5 y
Lettre VIII, sur les herbiers. 63
Lettres IX, à M. de Maleshcrbcs, sur le format des herbiers et sur
la synonymie. yi
Lettre X , au même, sur les mousses. 80
LETTRES A MADAME LA DUCHESSE DE PORTLAND.
Lettre I, p. 85. — II, 89. — III, g3. — IV, g/^ — V, 96.--
VI, 97.— VU, loi. — Vm, io3. —IX, 106. — X, 108. —
XI, fio. — XII, ii3. — XIII, 114— XIV, 116.— XV, 118.
Lettre à M. Du Peyrou. 120
Lettre à M. Liotard, le neveu. 122
LETTRES A M. DE LA TOURETTE.
Lettre I, 124. — II, 128. — III, i32. — IV, i36. — V, i38.
— VI, 141. — VII, 143.— VIII, i46. — IX, i5o.
liETTRE à M. l'abbé de Pramont. i53
Fragment pour un Dictionnaire des termes d'usage en botani-
que. iS;
468 TABLE DES LETTRES SUR LA BOTANIQUE.
TjVTnCDUCTIOÎf. i5q
I-iîTTHES ÉrÉMBWTAinEs SUT la botaniquc , par M. Martyn , professeur
de botanique à l'université de Cambridge. 2 a 5
Avis de l'éditeur. 22(5
Lettre I, 227. — II, 23o. — III, a35. — IV, 253. — V, 256.
—VI, 263. — VII, 295. — VIII, 309. — IX, 3i6. — X, 33o.
— XI, 335. — XII, 346. —XIII, 354. —XIV, 359.—
XV, 369.— XVI, 389. — XVII, 409. — XVIIl, 421.—
XTX, 436. — XX, 442. — XXI, 446. —XXII, 455.
FIN DE I.A T\RLE,
PARIS, IxMPRIMERIE DE G AULTIER-L AGUIONIE ,
RUE DE GRENKr.7.E''SAINT-HOI»OBÉ, V° 55,
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Université d'Ottawa
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